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COURS DE RELATIONS INTERNATIONALES AFRICAINES

I. CONSIDERATIONS INTRODUCTIVES

L’étude scientifique des relations internationales s’impose de rappeler le caractère récent de


ce type de savoir scientifique à l’usage de nations qu’intéressent le gouvernement du monde,
mieux, le devenir des Etats- nations. C’est l’étude de la politique internationale qui peut être
définie comme la politique entre les Etats ; la politique selon une certaine définition, désigne l’art
de vivre ensemble. Les Etats en dépit de leur caractère souverain, éprouvent le besoin de vivre
ensemble dans les rivalités ou dans la coopération 1. De toutes les nécessités de la vie des hommes
et des Etats qui poussent à rechercher les voies et moyens de former une communauté de vie
entre les Etats. (C’est ainsi que nous pouvons, à titre illustratif citer la communauté européenne,
la communauté africaine axée sur le panafricanisme, la communauté des Etats d’Amériques, …).

Suite aux ententes entre les Etats, réuni au sein des organisations internationales à vocation
universelle (ONU), continentale (UA, UE), régionale (CEEAC, COMESA, SADC) que sous-
régionale (CEPGL)., Il y a des accalmies naturelles, mais aussi la guerre ou les conflits armés ;
Raymond à la suite des politologues anglosaxons a centré ses analyses sur les guerres du 20ieme
siècle pour théoriser ou étudier scientifiquement les relations internationales.

Le cours, de droit international public III, les relations internationales africaines, s’inscrit
dans le prolongement de l’étude de droit public, amorcé en troisième année de graduat dont le
premier module analyse l’Etat de manière générale, le deuxième quant à lui, étudie les
organisations internationales. Ce troisième module analyse les relations internationales africaines.
Ces relations, comme le note certains auteurs procèdent d’une abstraction liée à la logique du
travail scientifique et non d’un verdict de la réalité. L’histoire et l’actualité de l’Afrique sont
marquées par son inscription dans le temps du monde et dans les flux globaux au point où la
notion d’Afrique tend à devenir une catégorie floue pourvue d’une insécurité épistémologique.
L’Afrique serait de moins en moins le support d’une identité distincte.

1 BIYOYA Matuku, Comprendre les relations internationales, MEDIASPAUL, Kinshasa,2015, p.16.


2

A. Objectifs du cours

Les interactions des acteurs unitaristes de pouvoir en Afrique poursuivent des objectifs à la
fois généraux ou globaux et spécifiques.

1. Objectifs globaux

Les objectifs globaux de ce module de droit international public résident dans l’unité
africaine, la mobilisation de capitaux et la libération de l’Afrique. Ces objectifs apparaissent
clairement dans les principes de Bandoeng, ayant inspirés la charte de l’organisation de l’unité
africaine.

Au début de la décennie 80, le bilan de la situation économique de l’Afrique est


catastrophique. Les chefs d’Etats décident de conférer une nouvelle orientation à l’organisation
panafricaine : désormais penchée sur le front économique. C’est alors que fut élaboré le plan
d’action de Lagos qui vise l’élévation des conditions de vie des populations par l’augmentation
de la production industrielle, agricole et artistique. Globalement les africains considèrent que
pour atteindre ces objectifs globaux le plus rapidement possible consiste à favoriser la
coopération entre les Etats par l’intégration. Ainsi furent créées les organisations régionales et
sous régionales d’intégration. Elles constituent les étapes préliminaires qui conduiraient vers la
création d’un vaste marché commun africain. Ainsi, ont été créé des organisations d’intégration
dans chaque région d’Afrique (UMA en Afrique du nord, CEDEAO, en Afrique de l’Ouest,
COMESA, en Afrique de l’est, CEEAC en Afrique centrale, SADEC en Afrique australe

Ainsi, à l’issus de cet enseignement, l’étudiant comprendra les différentes motivations ayant
conduit les dirigeants africains à créer les différentes organisations internationales africaines
reparties par région, comprendra les différentes étapes prises par le continent africain en vue de
s’intégrer dans les différents échanges commerciaux avec d’autres régions du monde.

2. Objectifs spécifiques

L’étudiant doit être capable à l’issue de cet enseignement de se familiariser avec le continent
africain entendu dans une large acception, incluant toutes les régions de l’Afrique délimitées par
la conférence de Lagos de 1980, les relations Afrique/reste du monde et les diasporas africaines ;
introduire les civilisations africaines (« grande » histoire, arts, langues); identifier les grands
3

enjeux de la politique internationale africaine et du politique en Afrique; mettre en œuvre les


principales notions de théories des relations internationales sur des exemples «africains».
4

CHAPITRE PREMIER: NOTION DES GRANDES THÉORIES DES


RELATIONS INTERNATIONALES

Section 1. Relations internationales : nature et objet de la discipline

Toute problématique véritablement scientifique doit chercher les structures sociales


déterminantes dans les relations internationales contemporaines, identifier les processus sociaux
fondamentaux de la société internationale. Cela implique à la fois le respect des faits dans leur
complexités et le recours à des concepts permettant la théorisation, tant il est vrai que la
connaissance d’un fait quelconque passe par la compréhension des lois de son développement et
que celle-ci ne réduise pas à une symbolique du discours. Car les contradictions de la société
internationale constituent le fondement premier des relations internationales2.

A cause des contradictions de la société internationale, l’étude des relations


internationales se trouve aujourd’hui fragmentée du fait de l’absence d’accord entre les
chercheurs quant à l’objet précis. L’étude des relations internationales est donc caractérisée par
l’affrontement de plusieurs modèles explicatifs généraux qui en constituent les paradigmes. Il
nous faut reconnaître qu’il n’y a pas à ce propos unanimité parmi les spécialistes de la question.
La principale difficulté résiderait dans les distinctions que certains souhaitent faire entre les
degrés de conceptualisation, notamment entre théorie, paradigme, modèle d'analyse,
généralisation empirique ou courants doctrinaux. Ces paradigmes sont au nombre de trois : le
paradigme idéaliste, le paradigme réaliste et le paradigme d’interdépendance.

§1. Le paradigme idéaliste

En tant que théorie moins élaborée ou mieux un ensemble des réflexions sur les relations
internationales, émerge comme un rejet d’une vision idéaliste des relations internationales. Cette
vision est apparue au lendemain de la première guerre mondiale. Le postulat fondamental de cet
idéaliste est que les conflits entre Etats peuvent être évités par une transformation de la réalité
interétatique reposant sur le règne du droit et en se dotant d’institutions internationales favorisant
la coopération. (Voir Modes de résolution des crises en Droit international public régissant

2 Braillard, p. et Djalil, M.- R., les Relations internationales, Paris, Berger-Levrault, 1988.
5

les relations internationales) 1. Le non immixtion dans les affaires intérieures des Etats et le
non recours à la force, le respect de l’intégrité territoriale d’un Etats indépendant, etc.

Si le principe d’égalité est une conséquence de la souveraineté, le principe de non


immixtion apparait, lui, comme un corolaire du principe de souveraineté. Il exprime l’obligation
pour un Etat de s’abstenir de s’immiscer dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre
Etat.

Ainsi, l’article 2§7 de la charte des Nations Unies stipule que tout Etat a le devoir de
s’abstenir, dans ses relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force,
soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts de Nations Unies. Pareil recours à la menace ou à l’emploi de
la force constitue une violation du Droit international et de la charte des Nations Unies et ne doit
jamais être utilisé comme moyen de règlement des différends internationaux. Dans la région
d’Afrique centrale, ce principe est mentionné dans le Pacte qui lie les Etats de la CIRGL 3. Ce
principe a aussi été le fil conducteur lors de la Conférence générale de Berlin de 1885. Il
s’agissait notamment de la Neutralité facultative, la neutralité en temps de guerre et la neutralité
non garantie

Aussi, aux termes de l'article 10, les puissances qui exerçaient des droits de souveraineté
ou de protectorat sur les territoires compris dans le Bassin conventionnel du Congo pourraient
user de la faculté de se proclamer neutres, soit perpétuellement, soit à titre temporaire.
Corrélativement, les puissances actuelles ou adhérentes s'engageaient à respecter cette neutralité.

Neutralité en temps de guerre

Au cas où une puissance possessionnée dans le Bassin conventionnel du Congo serait


impliquée dans une guerre, l'article 11 autorisait tout belligérant à placer, pour la durée du conflit,
ses territoires situés dans le bassin sous le régime de la neutralité et reconnaissait aux Etats
signataires ou adhérents le droit de prêter leurs bons offices pour que ce résultat soit atteint.

Neutralité non garantie

3 Article 5 du Pacte sur la stabilité, la sécurité et le développement dans la région des grands lacs africains, juillet
2006.
6

On remarquera qu'à la différence de la neutralité belge, la neutralité dont il est question ici
n'est pas garantie. Les puissances ne se sont engagées qu'à la respecter, mais à la faire respecter.
Telles sont les mesures imaginées pour assurer aux territoires de l'Afrique Centrale les bienfaits
de la paix. Les événements de 1914 en démontrèrent l'inefficacité, ou, pour mieux dire, le
caractère chimérique. Il était envisagé, dans le Bassin conventionnel du Congo, la voie politico
diplomatique pour régler les différentes contradictions qui naitraient entre les puissances
occupantes.

Il s’agissait des mécanismes de bons offices, de la médiation, et même de l’arbitrage.

La pensée des idéalistes tourne autour de la sécurité collective dont les grands axes sont
la renonciation volontaire à la guerre comme instrument de la politique internationale. Dans la
pensée idéaliste, les formes institutionnelles de proscription de la guerre comme instrument de la
politique internationale sont la société des nations et le pacte Briant-kellog de 1928.

Malgré l’autonomie qu’acquiert progressivement l’étude des relations internationales


dès la fin de la première guerre mondiale, avec l’idéalisme, celle-ci demeure profondément
normative. A ce propos, Jean Barrera note, à juste titre, que la discipline autonome des relations
internationales est née avec le projet de la sécurité collective. Il précise que les grands axes de
l’idéologie de la sécurité sont la renonciation à la guerre comme instrument de politique
internationale, le désarment, et la paix par le droit international.

Le courant idéaliste est aussi téléologique en ce sens qu’il est préoccupé par un objectif à
atteindre : la paix. C’est en fait ; le courant idéaliste qui, dans l’entre les deux-guerres mondiales,
a donné naissance à la discipline des relations internationales 4. L’atrocité de la seconde guerre
mondiale et son développement remettent en cause l’aspect chimérique des hypothèses
fondamentales de la conception idéaliste. La conjoncture des faits va favoriser l’éclosion du
paradigme réaliste qui met l’accent sur la dimension conflictuelle de ces relations.

4 BAREA Jean, les théories des relations internationales, Louvain-la-Neuve, Ciaci éd. 1978, p.1.
7

§2. Le paradigme réaliste ou la théorie de la puissance

Celle-ci est une conception des relations internationales plus proche des faits. Elle s’est
imposée après la seconde guerre mondiale. Les chefs de file de cette conception sont Hans
Morgenthau aux Etats-Unis et Raymond Aron en France.

Pour Hans, les relations internationales sont marquées par le conflit en raison de
pulsions agressives inscrites dans la nature humaine, ainsi que la nature anarchique et non
intégrée du système international, caractérisé par l’absence de toute autorité capable d’imposer à
ses membres un ordre contraignant. Dans cette conception, l’Etat est l’auteur central des relations
internationales. A leur tour, les relations internationales ont pour dynamique l’évolution du
rapport des forces entre les Etats.

La conception réaliste ne repose plus sur la morale ou sur le projet d’une société de paix
volontaire. Les réalistes estiment qu’à la force il faut opposer la force, c’est à dire que la sécurité
dérive de la domestication de la violence par la menace d’une contre-violence. Pour les réalistes,
la sécurité internationale ne peut se maintenir que par la violence. Dans la conception réaliste, la
politique étrangère a pour préoccupation principale, la sécurité, la sécurité de l’Etat. Son choix est
dicté rationnellement en fonction de l’intérêt national exprimé en termes de puissance.

Hans Morgenthau a construit le réalisme politique sur cinq principes :

1) La politique est gouvernée par des lois objectives qui trouvent leurs origines dans
l'imperfection du monde et dans la nature de l'homme ;
2) L'intérêt est la principale référence de l'action internationale ;
3) Toute théorie des relations internationales doit éviter de prendre en considération les
motivations idéologiques et les émotions des acteurs, deux données trop instables ;
4) Une politique étrangère est considérée comme bonne quand elle minimise les risques et
maximise les profits ;
5) La tension entre les exigences de succès de l'action politique et les lois morales non écrites
qui gouvernent le monde est inévitable.
8

De ce qui précède, l'on en déduit que la politique internationale est avant tout une lutte
pour la puissance et que la paix n'est préservée que par les mécanismes de l'équilibre.

L'équilibre est un principe dicté par la prudence nécessaire aux Etats pour préserver leur
indépendance et ne pas être à la merci d'un Etat disposant des moyens supérieurs. C'est la théorie
de la « balance of power » (balance de pouvoir ou de forces), un mécanisme régulateur des
désordres internationaux. Elle enseigne les règles de conduite objectives d'un bon diplomate dont
la mission consiste à équilibrer les besoins de la puissance avec les aspirations en faveur de la
paix. La période de la guerre froide avec la compétition globale entre les forces de l'Ouest et de
l'Est a bien servi le réalisme et les réalistes dans des raisonnements géopolitiques, rationalistes ou
orienté vers la balance de pouvoir ou l'équilibre des puissances.

N.B. Le réalisme érige l'intérêt égoïste des nations comme le mobile d'action des
Etats dans l'ordre - ou le désordre - international.

§3. Le paradigme de l’interdépendance

Ce paradigme tire ses origines de la thèse réaliste de Raymond Aron, relative à la nature
anarchique du système international. Ce courant est né vers les années soixante-dix. Ce courant
est aussi néo- réalisme.

Les néo-réalistes constatent que le système international est caractérisé par une
continuité structurelle du système international marqué par un certain degré d’anarchie et
d’affrontement des intérêts n’impliquant pas l’existence d’un déterminisme structurel absolu sur
l’ensemble des acteurs. Dans le système international, les petites entités politiques sont
caractérisées par un comportement en grande partie déterminée, alors que les grandes puissances
ont la capacité de modifier ou mieux de transformer le jeu de la politique internationale à leur
profit grâce à l’utilisation des grands moyens matériels, financiers dont ils disposent.

C’est à ce niveau que la problématique des relations internationales africaines se pose.


De par leurs faiblesses commerciale, technologique et financière, les comportements des acteurs
africains, par rapport aux acteurs nantis, sont déterminés. Ils sont plus dépendants et subissent le
déterminisme structurel de la société internationale. Depuis la révolution industrielle, le monde a
9

connu des changements significatifs dans tous les secteurs. Ce renouveau technologique et
commercial a contribué à tisser un réseau complexe d’interdépendance entre les différentes
entités d’acteurs dans les relations internationales : les sociétés multinationales, les groupes de
pression et les organisations non- gouvernementales. Ce nouveau conditionnement du système
international a contribué largement à l’éclatement des frontières nationales des Etats obligeant
ceux-ci de s’ouvrir de plus en plus aux échanges avec d’autres entités. Cette coopération se
déroule et se développe davantage au sein des organisations internationales. A cause de leur
importance, leur nombre ne cesse de croitre dans le monde.

Section 2. Fondement des relations internationales

La problématique véritablement scientifique sur les Relations internationales définit


cette discipline comme l’étude des phénomènes de pouvoir dans la société internationale5.

L’étude de Relations internationales trouve donc son fondement à partir de son objet :
elle englobe les rapports pacifiques ou belliqueux entre les Etats, le rôle des Organisations
internationales, l’influence des forces transnationales et l’ensemble des échanges ou des
activités qui transgressent les frontières étatiques6.

Les relations internationales peuvent simplement se définir comme les flux de toutes
natures et de toutes origines qui traversent les frontières. La frontière matérialise donc
l’existence de collectivités politiques indépendantes – appelées Etats-sans laquelle les échanges
en question perdaient leur caractère international. A partir de ce critère de simple localisation, les
relations internationales apparaissent comme des phénomènes d’une extrême complexité, soumis
à de nombreux changements au cours de l’histoire et provoquant, de la part des spécialistes, de
nombreuses tentatives d’explication7.

Pour en saisir l’objet, Auguste Comte enseigne qu’on ne connaît pas une science tant
qu’on ne connaît pas son histoire8. Cela est aussi vrai, serait-on tenté de dire, des disciplines
scientifiques. En ce qui concerne l’histoire des Relations internationales, son origine se situerait
5 Demichel, F., Eléments pour une théorie des relations internationales, cité par Kadonny, N.K., Idem., p. 25
6 Labana, L.A., et Lofembe, B., Op.cit., p. 15.
7 KATAMBWE Malipo Gerard, cours des relations internationales africaines, UNILU, 2020, inédit.
8 Balzacq, T., et Ramel, F., Traité de Relations internationales, Presses de la fondation nationale des sciences
politiques, Paris, 2013, p. 31.
10

au Royaume-Uni, après la Première Guerre Mondiale où la première Chaire fut créée à


Aberystwyth, au Pays de Galles, en 19199.

En revanche, ses ponctuations sont le fruit de controverses outre-Atlantique présentées


aux étudiants sous forme de « grands débats ». Mais, c’est Hans J. Morgenthan, exilé européen,
qui a diffusé sur le sol américain 10 les conceptions de Heinrich von Treitscke ou de Max Weber,
fondées sur les apports des sciences de la nature aux Relations Internationales.

Les Relations Internationales sont marquées par la notion de conflit, en raison de


pulsions agressivités inscrites dans la nature humaine ainsi que la nature anarchique et non
intégrée du système international lui-même. Celui-ci étant caractérisé par l’absence de toute
autorité capable d’imposer à ses membres un ordre supranational ou contraignant.

Discipline dotée de son propre cursus théorique, il y a une part de liberté irréductible à
chaque auteur. Cette vision alternative n’est pas le fruit du hasard : au moment où l’« arms
control » (ou la puissance militaire) dominait la science américaine, le « power politics » (ou la
politique de « puissance ») inventé en France n’a jamais fait carrière dans ce pays, ni chez ses
voisins francophones11.

9 Labana, L.A. et Lofembe, B., Notent également que « L’étude des Relations internationales a connu, au cours de
ces dernières années, un développement rapide marqué, d’une part, par une croissance quasi exponentielle des
analyses et recherches en la matière et, d’autre part, par d’importantes mutations intervenues sur la scène
internationale. Ce processus a été initié par la création, dès la fin de la Première Guerre Mondiale, d’institutions
d’enseignement et de recherche consacrées aux relations internationales, ainsi que de nombreux périodiques
spécialisés, en Grande – Bretagne, notamment. Dans la période de l’entre-deux guerre, on assiste à une
multiplication du nombre des travaux consacrés aux relations internationales et à l’apparition progressive d’une
véritable communauté scientifique prenant comme objet de réflexion les phénomènes internationaux. Ainsi, les
Relations internationales acquièrent progressivement une autonomie en tant que champ d’étude, alors que jusque-là,
leur analyse ne s’était développé que comme un objet subsidiaire, en marge de la réflexion sur l’Etat et la société »,
Coopération internationale, Evolution et approche théorique, Médiaspaul, Kinshasa, 2006, pp. 15-16.
10 Balzacq, T. et Ramel, F., Idem, p. 31 ; Kadonny, N.K., Une introduction aux relations internationales africaines,
L’Harmattan, Paris, p. 27 ; Hoffmann, S., A même qualifié les Relations internationales de « science sociale
américaine ». Dans ce pays, cette discipline a eu pour fondement le réalisme classique, issu de trois facteurs
favorables à cette entreprise scientifique : les prédispositions intellectuelles ; les circonstances politiques offertes par
la victoire de 1945, les Etats-Unis devenant une grande puissance et supplantant définitivement le Royaume-Uni ; les
facilités institutionnelles avec la présence de grandes fondations du type Carnegie, Fond ou Rockfeller qui vont
largement financer la recherche. Labana, L.A. et Lofembe, B., ajoute que « Limité tout d’abord aux Etats-Unis, où
est née la dimension réaliste de cette discipline, et à la Grande Bretagne, ce phénomène s’étendra, au lendemain de la
Seconde Guerre Mondiale, à l’ensemble de l’Europe occidentale, puis à l’ex-Union Soviétique, voire à quelques pays
du Tiers-Monde ».
11 Une chaîne de défaites relativisa la culture française de la puissance (l’Allemagne hitlérienne, en 1940 ; le Viêt-
Nam ; avec la prise de Diên Blêm Phu, en 1954 ; et l’indépendance algérienne, en 1962).
11

La « politique de puissance » ayant perdu son sens, la science française des relations
internationales se fit moins politique, plus transdisciplinaire, plus normative et, enfin de compte,
plus socio-historique. Les savoirs anthropologiques, sociologiques, historiques et juridiques sont
alors venus à la rescousse12. Georges Scelle, Paul Reuter, Charles Rousseau, Suzanne Bastid et
bien d’autres plaidaient pour un système de régulations juridiques d’une société internationale,
qui ne devait pas être abandonnée aux aléas de la force.

Les Relations Internationales ont pour objet l’étude scientifique de la vie internationale.
Cette étude consiste à:

 « Examiner positivement et globalement les phénomènes internationaux ;


 Mettre en lumière les liens de causalité des évènements internationaux et les facteurs
déterminant leur évolution ;

 Tenter de formuler un modèle intelligible (ou explicatif) des phénomènes internationaux.


En d’autres termes, il s’agit d’établir des régularités, des constances ou des lois, au sens
de l’entendement de Montesquieu, c’est-à-dire des rapports nécessaires qui dérivent de la
nature des choses »13. Exemple : Le mouvement djihadiste ou le terrorisme islamique. Ou
encore les invasions des puissances constatées ces dernières décennies. (Invasion des
USA en Irak, invasion de la Russie en Ukraine)

La nature des Relations Internationales peut ainsi se traduire dans ce seul mot : le
réalisme. La tradition européenne de la Réalpolitik est à ce point respectable, y compris les
auteurs américains du XXe siècle. Par conséquent, les Relations Internationales actuelles
évoluent vers la coopération et la communauté d’intérêt des acteurs au point que leur nature
conflictuelle » à tendance à être reléguée au second plan.

12 Balzacq, T., et Ramel, F., Op.cit., pp. 26-27 ; Labana, L.A., et Lofembe, B., Font remarquer : « Cette croissance
de l’étude des Relations Internationales est en partie la conséquence de l’importance prise par la politique
internationale au cours du 20ème siècle et, particulièrement, des profondes répercussions qu’ont eu les deux conflits
mondiaux sur l’ensemble de la société internationale. De nombreuses autres disciplines, telles que l’économie, la
sociologie, le droit,… ont investi ce domaine ? Ce qui a permis non seulement une décentralisation, mais aussi un
enrichissement dans l’étude des Relations Internationales », Op.cit., p. 16.
13 Balzacq, T., et Ramel, F., Op.cit., p. 57.
12

CHAPITRE DEUXIÈME. LES RELATIONS INTERNATIONALES AFRICAINES


Il existe un ensemble de traits qui caractérisent les relations internationales africaines.
Mais avant de les analyser, la définition du phénomène mérite d’être évoquée
13

- Les relations internationales appliquées à l’Afrique ?


- Les relations entre les Etats africains réuni au sein de l’UA ? ou les relations entre l’union
africaine et le reste du monde ? ou en fin, les trois assertions réunies ?

Le concept relations internationales africaines n’est pas facile à définir à cause de sa


nature conceptuelle et globale. Ces relations sont complexes. Elles sont spécifiques pour autant
qu’elles sont liées aux interactions des acteurs africains à l’intérieur du continent. Ces relations
sont globales parce que les acteurs africains unitaristes de pouvoir en Afrique ne vivent pas en
vase clos. Ils entretiennent des relations avec les opérateurs politiques, économiques, sociaux,
culturels et religieux des pays en dehors du continent africain.

De cette observation, l’on peut définir les relations internationales africaines comme un
ensemble de réseaux d’interactions que les acteurs politiques économiques, sociopolitiques,
religieux africains tissent entre eux, ainsi, que les rapports qu’ils entretiennent avec le monde
extérieur par le biais de canaux spécifiques. Cependant, dans le cadre de cet enseignement, nous
nous limiterons à l’analyse des interactions économiques, politiques, sécuritaires prévus dans les
agendas des différentes organisations internationales africaines, nous étudierons également les
différents mécanismes qui facilitent l’intégration africaine dans son plan économique, et
sécuritaire. Son point de vue au regard des évènements mondiaux sera aussi analysé (l’invasion
russe en Ukraine qui rappelle le malheureux événement qui a freiné le développement de
l’Afrique vers les années 1960 la guerre dite froide opposant les belligérants d’idéologie
différentes).

Ainsi, la saisie des relations internationales africaines sous une perspective historiciste
n’est possible qu’à travers l’analyse de trois périodes : la période précoloniale, la période
coloniale et la période postcoloniale.

Section 1. Aperçu historique des relations internationales africaines


§1. Les relations internationales africaines pendant la période précoloniale
14

Vouloir affirmer l’existence des interactions entre les unités politiques autonomes
africaines avant la colonisation, c’est chercher à remettre en cause le fondement de l’œuvre
coloniale. La raison primordiale qui justifie la colonisation est l’apport de civilisation aux peuples
primitifs. En effet, la possession coloniale entre les puissances occidentales est la négation de
l’existence des structures politico-administratives et des territoires délimités par les frontières en
Afrique. Cette démonstration colonialiste n’a pas résisté aux résultats de recherche crédibles et
fiable.

En 1950, RAGNAR NUMELIN démontre dans son ouvrage ( the begening of


diplomacy) que les relations internationales sont présentes dans les sociétés primitives de
l’Antiquité aussi bien en Asie qu’ en Afrique noire. Cette thèse est soutenue par George
Balandier lorsqu’ il affirme que chaque société globale est en relation avec l’extérieur. Elle est,
directement à distance, en rapport avec d’autres sociétés qu’elle considère étrangère ou hostiles.

Dans les années 1970, certains acteurs tels que J. L. Amselle affirment l’existence, à
l’époque précoloniale, d’un espace international de relations symplectiques, ou mieux encore de
chaines des sociétés. Luis Beltran est encore plus catégorique. Il nie l’existence des entités
acéphales dans les sociétés précoloniales parce que les acteurs politiques entraient en relations
inter sociétales en agissant par le biais d’organes spécifiques : les rois des grands ensembles, les
chefs des entités locales et les chefs de famille. La pratique diplomatique 14 était l’ouvre des
agents diplomatiques recrutées parmi les sages dans l’entourage des rois ou des chefs locaux ou
encore dans les familles. La femme aussi joué à cette époque le rôle d’agent diplomatique. Les
champs de déploiement d’intenses activités diplomatiques étaient la résolution des conflits par les
négociations, le mariage, le commerce, la chasse, la pèche, etc.

L’étendue du déploiement des activités diplomatiques dépendait selon qu’on exerçait ces
activités dans les « entités politiques centralisées » ou dans les « entités politiques segmentées ».
Ces deux concepts servent à designer les entités où l’on rencontrait un pouvoir central auquel
obéissaient une ou plusieurs nations. Au sein de l’empire Lunda, les entités politiques Munung,
Ndembo, Tshokwe etaient toutes soumises à l’autorité traditionnelle de Mwant Yav. Par contre,
les termes entités politiques segmentées servent à qualifier les entités plus ou moins homogènes
14 La pratique diplomatique sont les réalités objectives telles qu’elles se présentent ; les problèmes qui se posent
concrètement, tant aux diplomates dans l’exercice de leur fonction qu’aux administrations centrales dans
l’organisation de leur service diplomatique à l’étranger ; les solutions apportées à ces problèmes de même que les
recommandations et conseils qui peuvent être émis à ce sujet.
15

au sein desquelles s’exerçait le pouvoir politique, mais lesquelles unités formaient globalement
une réalité sociologique et culturelle de commune mesure sans structure de pouvoir politique
centralisé. C’est cas des peuples Mayogo, Luba Kasai, Songye, etc.

Du point de vue de leur fonctionnement, lorsque l’entité politique était fortement


centralisée et que le régime matrimonial était matrilinéaire, la femme était au centre des activités
diplomatiques puisqu’elle se trouvait au sommet de la hiérarchie sociopolitique. Le pouvoir
politique lui appartenait. L’homme l’exerçait par délégation. Pour se maintenir et se conserver,
les entités politiques centralisées et segmentées intensifiaient des activités diplomatiques de
grande envergure dans lesquelles femmes et hommes étaient employés à des degrés divers selon
l’ampleur de la mission à accomplir et sa délicatesse.

Les intense activités diplomatiques couvrant plusieurs secteurs de la vie, dans la période
précoloniale, confirment l’existence de relations internationales africaines à cette époque. Les
agents de cette pratique diplomatique étaient les africains eux-mêmes. Cette harmonie
organisationnelle a été brisée au cours de l’histoire par l’entreprise coloniale.

§2. Les relations internationales africaines pendant la période coloniale

La colonisation est un moment historique, une entreprise de deshumanisation des


africains. Elle a déstructuré les systèmes politiques africains. Les puissances coloniales ont tracé
des nouvelles frontières à l’intérieur desquelles s’exerçait le pouvoir de l’Etat colonial. La
conférence générale de berlin en est une parfaite illustration qui a délimité les frontières des Etats
du Bassin du Congo et de l’Afrique française. Ce pouvoir est fortement centralisé. Il est aussi
exclusif en ce sens que les africains sont exclus des centres de prise de décisions politiques. Le
nouvel Etat colonial est dictatorial en arrachant toutes les prérogatives d’agir dans les matières
concernant les relations avec le monde. Les relations et l’effectivités des relations internationales
changent de nature. Le monde extérieur devient plus vaste. Les contacts avec le monde
deviennent l’attribut des puissances coloniales. Les entités politiques centralisées et segmentées
devraient se contenter de leur routine de l’époque précoloniale. Cette routine est réduite à
l’acception coutume et tradition.

Durant la période coloniale, l’Etat colonial s’approprie la commande des pratiques


diplomatiques. Il utilise les agents étrangers à l’Afrique pour le compte des africains. Alors que
16

les africains n’étaient pas concernés par le conflit européen de 1914-1918, ils ont financé cette
guerre (effort de guerre) et ont été présents sur le terrain des opérations militaires.

Pendant la deuxième guerre mondiale, les américains avaient besoin d’uranium


congolais pour fabriquer les deux bombes atomiques larguées respectivement sur Hiroshima et
Nagasaki. Ils négocient le marché du produit congolais avec les belges. Les bénéfices de vente
d’uranium congolais ont profité à la Belgique.

L’analyse de cette séquence de l’histoire de l’Afrique renseigne que les relations


internationales africaines sont des relations indirectes. Les agents diplomatiques étrangers au
continent agissent au nom de l’Afrique pour leur propre compte. On comprend que la
colonisation n’est qu’une atténuation de l’esclavage. La reprise des mécanismes de
relationnement externes de l’Afrique par les africains eux-mêmes a été rendu possible par la
décolonisation.

§3. Les relations internationales africaines pendant la période postcoloniale


Les relations internationales africaines pendant cette période ne sont plus indirectes. Les
africains redeviennent les acteurs de leur interaction. Ils y sont arrivés en passant par un long
processus découlant des démarches externes à l’Afrique.

C’est la période de prise de conscience par la diaspora noire de la situation d’infériorité


et d’humiliation du noir dans le monde, d’abord aux Etats-Unis et aux Antilles malgré l’abolition
de l’esclavage dans le monde, le noir continue à être méprisé aux Antilles en Afrique, après les
ravages de l’esclavage, les puissances coloniales mènent dans les colonies une politique
d’exploitation et d’injustice au mépris des droits de l’homme. L’inégalité qui prévalait entre les
blancs et les noirs aux Etats-Unis, tant du point de vue du droit politique que des droits civiques,
provoqua la création d’un certain nombre de mouvements de pensée dont le plus connu fut le
panafricanisme.

Le mouvement panafricain est né aux Etats-Unis. Ses principaux animateurs étaient


Bookeer Washington, un de ses disciples, le Docteur Dubois rejette la révolte et il préconise la
voie pacifique en cherchant à améliorer autant que possible le niveau de vie des Noirs tant du
point de vue des droit politique que de droits civiques.
17

Au contraire, Marius Garvey est partisan de la violence. Il préconise la radicalisation du


mouvement panafricain. Convaincu que le noir n’obtiendrait jamais l’égalité dans une société de
Blancs, il préconise le retour de tous les Noirs en Afrique en vue d’y constituer un empire
puissant et indépendant. Son mouvement fut combattu par les blancs qui acceptèrent de soutenir
le panafricanisme de William Dubois, considéré comme modéré. William a joué un rôle très
important dans le développement du Panafricanisme. Il a transféré ce mouvement des Etats-Unis
en Europe.

Le congrès panafricain de Paris coïncida avec la fin de la première guerre mondiale a été
convoqué par Dubois. Tenu de 19 au 21 février 1919, le congrès panafricain avait pour but
d’accorder pour la première fois la parole aux africains ou des peuples de descendance africaine
entre les exactions des blancs. Apres le congrès de Paris, plusieurs congrès panafricains se sont
tenus : le congrès de Londre Lisbone en 1923, le congrès de New-York en 1927. A cette période
le panafricanisme n’est pas une affaire des africains.

Il fallait attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour qu’on assiste, en 1945, à
Manchester, à la transformation radicale de l’idéologie panafricaine. A partir de ce moment,
l’idéologie panafricaine devient une idéologie élaborée par les africains pour l’Afrique. Une
nouvelle génération des africains prend le contrôle du mouvement, parmi lesquels Jomo
Kenyatta, Kwame Nkrumah. Avec eux le mouvement panafricain va être transféré en Afrique
pour toujours.

Dans la démarche de la libération de l’Afrique, le congrès panafricain fut d’une grande


importance. Il fait du panafricanisme une idéologie de combat pour la libération totale de
l’Afrique de la domination coloniale. Pour que cet objectif soit atteint, le transit des africains à la
conférence de Bandoeng était nécessaire. C’est là que la dimension de la lutte armée va être
insérée comme une des stratégies de la conquête de l’indépendance en Afrique. Signalons que
cette insertion de lutte armée va se poursuivre jusqu’ au jour hui avec la création du conseil de
paix de l’UA qui constitue un système collectif de sécurité et d’alerte rapide, visant à permettre
une réponse rapide et efficace aux situations de conflit et de crise en Afrique. Il constitue
également le pilier central de l’Architecture africaine de paix et de sécurité qui regroupe les
principaux mécanismes de l’UA chargés de la promotion de la paix, de la sécurité et de la
18

stabilité en Afrique. La force africaine prepositionnée, appelée aussi force africaine en attente 15est
prévue par l'article 13 du Protocole sur le CPS16.

Deux ans après la conférence de Bandoeng, la Guinée accède à l’indépendance, son


exemple fut suivi par la côte d’or en 1958. Au fur et à mesure que les pays africains indépendants
multipliaient les congrès panafricains, le processus de libération de l’Afrique s’accélérait. Chaque
fois qu’une colonie accédait à la souveraineté internationale, le nouvel Etat devenait d’office
acteur des relations internationale et pouvait adhérer à une organisation internationale à vocation
universelle ou régionale de son choix. Bon nombre d’auteurs, dont le professeur Nguway
Kpalaingu Kadony, pensent que l’indépendance acquise des pays d’Afrique noire est plus
théorique que pratique. Les leaders politiques sont des sentinelles au service des dirigeants
occidentaux. Les dirigeants qui exécutent scrupuleusement les ordres sont maintenus au pouvoir
en dépit de leur dictature :( guinée équatoriale, Ouganda, Rwanda) tandis que les opposants à
cette humiliation sont soit assassinés, soit chassés du pouvoir, soit affaiblis par la rébellion. Ils
sont morts assassinés :(Lumumba au Congo, Kwame N Nkrumah au Ghana, Kabila au Congo,
Kadafi en Lybie),

Les Etats africains ont accédé à la souveraineté nationale et internationale dans un


contexte international particulier. Les relations internationales des années 1960 sont dominées par
la guerre froide qui divise le monde en deux camps idéologiques proposées. L’impératif de
l’intérêt national obligeait les uns à se ranger derrière des Etats-Unis et les autres derrière le camp
socialiste. Malgré cette division, les Etats africains ont cherché à réaliser l’unité africaine prônée
par le panafricanisme.

15 UNION AFRICAINE, « Réunion d'experts sur les relations entre l'UA et les mécanismes régionaux pour la
prévention, la gestion et le règlement des conflits, feuille de route pour la mise en place de la force africaine en
attente, EXP/AU-RECS/ASF/4(1), Addis-Abeba, 22-23 MARS 2005 », in www.unionafricaine.org. Consulté le
03/06/2012, VOIR également Madeleine ODZOLO MODO sur « fiche d'information... », p. 5.
16A partir du Protocole du CPS (Durban), Juillet 2002, il a été approuvé au niveau des chefs d'Etat l'établissement du
CPS, organe de prise de décision permanent pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits et d'une
disposition de sécurité commune et d'alerte précoce pour faciliter la réponse efficace et en temps utile, face aux
conflits et aux situations de crise en Afrique, de la définition des autres composantes de l'APSA, y compris la FAA,
la Commission des sages, la Fondation pour la paix et un système continental d'alerte précoce, etc. puis le rapport de
Maputo, approuvé au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement en juillet 2003 a défini l'organisation du
département de la paix et de sécurité et de la PSOD de la Commission de l'UA et mis sur pied le cadre politique pour
la création de la FAA. Ce dernier document a été adopté lors de la troisième session des chefs d'état-major de la
défense africaine le 15-16 mai 2003et dont les chefs d'Etat et de gouvernement ont pris note au sommet de Maputo.
19

La division de l’Afrique en camps modéré et progressiste n’a pas facilité


l’aboutissement heureux de cette démarche. C’est seulement en 1963 que les leaders africains
vont surpasser leurs divergences pour créer l’organisation de l’unité africaine. (OUA) cependant,
dans les années 90 le monde est bouleversé par un nouvel évènement (la désintégration de
l’empire soviétique). Les belligérants idéologiques proclament la fin de la guerre froide. On
pensait que le continent africain allait connaitre l’affluence massive des capitaux occidentaux
pour financer la prospérité. La bataille pour conquérir la part du marché dans le monde capitaliste
donne naissance à la néo-guerre froide. Celle-ci bouleverse l’ordre en Afrique en développant les
mécanismes anticonstitutionnels de prise de pouvoir. Les guerres civiles et les conflits armés se
multiplient en Afrique (sierra leone, Liberia, somalie, Ethiopie, Tchad, république centrafricaine,
Congo Brazzaville, Ouganda, Rwanda, Burundi, RD Congo) au point où l’on a qualifié, vers les
années 1997 la guerre en RD Congo de première guerre mondiale africaine car regorgeant deux
blocs regroupant la quasi-totalité des pays d’Afrique centrale et australe dans cette crise : (Bloc
formé par la RDC, l’Angola, le Zimbabwe et la Tanzanie, d’une part et le Bloc formé par le
Rwanda, le Burundi et l’Ouganda d’autres part). Ainsi, de, cette analyse, passant par les trois
périodes évoquées, nous pouvons relever ses caractéristiques.

Section 2. Caractéristiques
Les relations internationales africaines se déroulent dans un environnement dominé par la
persistance du sous-développement chronique. Son contexte est perçu comme le domaine
capitalistique unifié.

§1. La prédominance du sous-développement

La colonisation fut un moment historique ayant marqué la rupture du système de


développement de la société précoloniale. Il a par contre inauguré l’émergence de la civilisation
occidentale hégémonique. Le régime colonial introduit un mode de production capitaliste : la
culture destinée à alimenter le marché mondial, l’industrie minière destinée à faire prospérer
l’industrie de fabrication des produits manufacturés située en Europe. Ce phénomène est à la base
de l’inadaptation des africains à évoluer dans un monde hautement industrialisé.

Cette faiblesse économique de l’Afrique sur la scène internationale est à la base de statut
controverse des Etats dans le monde des relations internationales. La pandémie de corona virus
que le monde vit actuellement et le taux des vaccinés contre ce virus. L’inefficacité de réponse
20

des gouvernements africains à contenir le choc économique issu de cette pandémie prouve à
suffisance que l’Afrique est restée en arrière-plan.
21

CHAPITRE 3. LE RÉGIONALISME AFRICAIN

Le régionalisme juridique international a fait l’objet d’abondantes littératures. En tout


état de cause, le régionalisme juridique international n’est pas niable, notamment dans le cadre de
l’Organisation des Nations Unies17 (ONU).

Section 1. Principes de la charte des nations unies

Le système des Nations Unies (ONU) est une trajectoire institutionnelle la plus
développé et la plus résiliente, élaborée au milieu du XXe siècle, en réponse à l’échec de la
Société des Nations (SDN). Pour ce temps du moins, l’ONU a pu établir un équilibre entre la
nation et l’universalisme, entre le laisser – faire (ou laisser – aller) et la régulation.

De nos jours, le système des Nations Unies est cependant confronté à de multiples défis :
ambitieux, ce système avait voulu mettre en place des règles pour assurer une paix perpétuelle,
sinon durable, après deux Grandes Guerres mondiales. Ce qui représentent déjà un progrès
significatif.

Le système devait être d’autant plus ambitieux que sa réussite dépendait de la création
de ce qu’il nomme lui-même un internationalisme social, où se croisent les dimensions
politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles.

La Charte de l’ONU reconnaît l’existence et la pertinence des OI, pour autant


qu’elles valorisent le règlement pacifique des différends, rendant implicite le fait que l’ONU n’a
pas le monopole sur les questions du maintien de la paix et de la sécurité international. Elle
prescrit une complémentarité et une subsidiarité ; principe qui doit opérer entre l’institution
globale et les organisations régionales.

Pour comprendre les OI donc, il se requiert davantage un questionnement lié aux


Relations Internationales. Il faut aller au-delà et poser la question de la pertinence des OI dans un
monde marqué par de profondes transformations.

17 KATAMBWE Malipo Gerard, Cours de droit international public III : les relations internationales africaines,
faculté de droit, 2021-2022, inédit.
22

Ainsi, la définition d’Accords ou d’organismes régionaux ou de régionalisme proposée


par la Charte est plus que vague, car formulé à une époque où il n’existait pas encore vraiment
d’organismes régionaux. Malgré quelques premières réticences par rapport à des regroupements
d’Etats sans cohérence géographique évidente (Ligue des Etats Arabes) ou à des alliances
militaires (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), il a été très vite admis de considérer tout
type d’association comme pouvant prendre des mesures en vue du maintien de la paix et de la
sécurité internationales.

Van Kleffens M. Pense qu’« un accord régional en tant que pacte, est une association
volontaire d’Etats souverains d’une certaine aire ou ayant des intérêts communs dans cette aire
avec des buts communs, qui ne soient pas de nature belliqueuse, en rapport avec cette aire »18.

Pour Roman Yakemtchouk, les accords régionaux ou organismes régionaux « sont non
seulement les traités conclus pour une région, mais encore les arrangements dont les membres du
gouvernement doivent être situés dans une région donnée »19.

Par ailleurs, pour Goodrick M.M et Hambro, “the phrase regional arrangements” as
used in this art. 52 § 1/ and the other articles of the charter obviously does have a wider scope
then the Egyptian amenagment would admit” 20. Les propositions Egyptiennes suggéraient plutôt
les caractéristiques sus vissées dotées d’attributions spécifiques dans leur circonscription
particulière, telle que les mesures d’arbitrage et coercitive.

Pour Broutos-Ghali, « sont considérées comme ententes régionales, les organisations de


caractère permanent, groupant dans une région géographique déterminée plus de deux Etats, qui
en raison de leur communauté d’intérêts ou de leurs affinités, se solidarisent pour le maintien de

18 KLEFFETNS, M.V., « Regionalism and political pact », in American journal international Law, Oct. 1949, Vol
43, p. 668 repris par JULIA, M., “ l’évolution de la coopération entre l’ONU et les organisations internationales :
l’exemple de l’organisation international de la francophonie”, dans sa communication présentée lors du colloque
international sur “ la francophonie sous l’angle des théories internationales, in l’institut des relations internationales
de Hanoi, Vietnam 1-2 février 2007, p.102.
19 YAKEMTCHOUK, R., L’ONU, La Sécurité régionale et le problème du régionalisme, Paris, 1955, p. 139.
20 GOODRICH, L., and HAMBRO, E., Charter of United Nations, commentary and document Boston world peace
foubdation, 1946, p.184, ouvrage en ligne, In www. Law. Wustedu/eba. Tiré de KALUME Beya Prince, le respect
du chapitre 8 de la charte des nations unies à l’épreuve des conflits armés en Afrique. Une contribution à l’étude du
régionalisme du maintien de la paix. Cas du Comores, du Burundi, de la République centre africaine, du Mali, du
soudan et du somali de 2000 à 2015, UNIKIN. 2017, p. 22.
23

la paix et de la sécurité de leur région comme pour leur développement et de leur coopération
économique, sociale et culturelle, dont le but final est de former une entité politique distincte »21.

Pierre Vellas estime que l’accord régional doit répondre à trois impératifs : régler les
affaires touchant au maintien de la paix et de la sécurité, être conclu entre Etats
géographiquement contingents, être conforme aux buts et principes des Nations Unies.

Au sens du chapitre VIII de la charte des Nations Unies un accord régional, précise P
Vellas est cette forme de traité conclu entre Etats géographiquement proches, traité conforme à la
philosophie des Nations Unies en vue de réaliser le but de sauvegarder l’ordre public
international dans une région déterminée de la communauté internationale22.

Dans cette perspective, les auteurs comme David Ruize, Patrick Dallier et Alain Pellet et
Joe Verhoeven analysent les accords régionaux sans prendre en compte l’aspect définitionnel.
David Ruize aborde le règlement régional des différents en reconnaissant que la charte n’a pas
voulu porter atteinte aux organisations internationales dans lesquelles le règlement des différends
est organisé et le chapitre VIII de la Charte des Nations Unies est consacré aux Accords
régionaux23. Patrick Dallier et Alain Pellet abondent dans le même sens en insistant seulement sur
la licéité des accords régionaux et leur rôle. Joe Verhoeven, lui également, ne fait que constater
cette licéité24.

A ces jours les notions d’« organisation ou d’Accord régional» mentionnées dans le
chapitre VIII de la Charte. Ces expressions semblent avoir perdu tout sens propre et être
devenues un habillage dont le maniement pourrait varier selon les circonstances propres à chaque
situation25.

Cette conception semble être partagée tant par l’Assemblée Général, le conseil de sécurité
que par le secrétaire général dont la pratique récente ratifie une acception extensive des notions
en question.
21 BOUTROS GHALI, B., Contribution à l’étude des ententes régionales, éd. Pedone, Paris, 1994, pp. 40-41,
22 VELLAS, P., Le régionalisme international et l’organisation des nations unies, éd. Pedone, Paris, 1964, pp. 40-
41.
23 RUIZE, D., Droit international public, 16eme ed. Dalloz, Paris, 2002, p.214.
24 NGUYEN QUOC DINH, DALLIER, P., et PELLET, A., Droit international public, 7 emeédition, éd. LGDJ,
Paris, 2002, pp. 1007-1008 ; VERHOEVER, J., Droit international public, éd. Larcier, Bruxelles, 2000, p.694.
25 KODJO, E., et GHERARI, H., Article 52 in cot, j-p., Pellet, A. et Forteau, M., la Charte des Nations Unies,
commentaire, 2005, p. 1384.
24

En effet, depuis 1994, le secrétaire général des Nations Unies invite les représentants des
organisations internationales à rencontrer l’ONU lors d’une conférence au siège des nations unies
à New York. Seize organisations ont pris part en 1994 à la première réunion de ce type.

Le débat thématique organisé par le Conseil de sécurité en novembre 2007 sur le rôle des
organisations régionales et subrégionale en matière de la paix et de la sécurité internationales, vit
la participation de plusieurs organisations dont l’OTAN. Pourtant, il y a peu, l’opinion
majoritaire était que l’OTAN relevait non de l’article 52, mais la problématique de la légitime
défense collective de l’article 51 de la charte.

La distinction opérée par l’article 52 entre alliance militaires et organismes régionaux


semble toutefois frappée d’obsolescence dès lors que les alliances militaires comme l’OTAN se
sont transformées, après la fin de la guerre froide, en organisations régionales de sécurité où, à
l’occasion en prestataires de service pour le compte de l’ONU (Bosnie, Afghanistan, et recémenta
en Lybie).

Du reste, certains n’hésitent pas à élargir davantage le champ couvert par l’article 52 de la
Charte en y incluant des groupes parfois assez informels crées pour traiter une question
particulière ; conférence de paix, groupes de contact et autres questions liées à la paix et à la
sécurité commune ou collective d’un groupe bien déterminé.

L’existence des Organisations régionales est prévue par la Charte de l’ONU, au Chapitre
VIII, principalement en son article 52 qui déclare : Aucune disposition de la présente Charte ne
s’oppose à l’existence d’accords ou d’organismes régionaux destinés à régler les affaires qui,
touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se prêtent à une action de
caractère régional, pourvu que ces accords soient compatibles avec les buts et les principes des
Nations Unies.

Le phénomène, connu des internationalistes, s’il est reconnu par la Charte des Nations
Unies, si tout le monde pense qu’il est nécessaire ou, en tout cas, utile, l’Organisation universelle
(ONU) ne lui attribue aucune particularité ni ne fonde cette reconnaissance sur une quelconque
spécificité.
25

Le Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies fournit la base constitutionnelle pour la
participation des organisations régionales au maintien de la paix et de la sécurité internationales
dont le Conseil de Sécurité porte la principale responsabilité.

L’Article 52 prévoit la participation d’accords ou d’organismes régionaux dans le


règlement pacifique des différends ; l’Article 53 permet à ces accords de prendre des mesures
coercitives, mais seulement avec l’autorisation explicite du Conseil de sécurité, crée, par
conséquent un mécanisme qui permet au Conseil d’utiliser les arrangements régionaux pour
l’application de ses mesures coercitives. Enfin, l’Article 54 stipule que les accords ou organismes
régionaux tiennent le Conseil, en tout temps, au courant de leurs activités relatives au maintien de
la paix et de la sécurité internationales.

Section 2. L’OI : Comme champ d’étude des Relations Internationales africaines

La Charte des Nations Unies énonce, dans son Chapitre VII, que l'ONU effectue son
activité en complémentarité avec les Organisations régionales, et cette relation de coopération (ou
de complémentarité) va en s'accentuant.

Le système des Nations Unies compte par centaines, voire par milliers, les OI
régionales.

A titre d'illustration, au niveau institutionnel, les Amériques, très engagées dans le


processus d'intégration régionale, vont créer l'OEA26 en 1948. La norme de complémentarité cède
parfois le pas à une certaine confusion qui force les OI presque à la concurrence, d'autant plus
qu'elle reste peu encadrée et largement ignorée par les instruments de Droit international.
L'exemple le plus évident concerne l'OTAN qui, dans l'hypothèse de biocage du Conseil de
sécurité, est généralement utilisée par les Etats - Unis pour faire avancer des actions (ou
missions) non autorisées par l’ONU.

26 L'Organisation des Etats d'Amérique (OEA) est l'institution régionale la plus ancienne du monde. Ses origines
remontent au XIXe siècle (octobre 1889 à avril 1890} avec la Première Conférence internationale américaine, tenue
à Washington ; Etats - Unis) qui a abouti à la création de l'Union internationale des Républiques américaines, de
laquelle a commencé à se tisser tout un réseau de dispositions et d'institutions qui formeront plus tard le « Système
américain, avant de se muer en Organisation des Etats d'Amérique (OEA), en 1948, sous la Charte de Bogota (en
Colombie).
26

De même, le continent africain est aussi engagé dans un processus d'intégration marqué
par la reconfiguration récente de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), créée le 25 mai 1963,
et renommée l'Union Africaine (UA), en 2002. On y voit émerger des formes d'Organisations
d'intégration sous-régionales spécialisées sur les questions de développement économique.

Aujourd'hui, la mondialisation et la régionalisation sont devenues des réalités


économiques et politiques fortes, sans forcément qu'elles se déroulent au sein des Organisations
internationales. Depuis la Révolution industrielle (1870-1910), le monde a connu des
changements significatifs dans tous les secteurs. Le spectaculaire progrès industriel s'est accéléré
après la Seconde Guerre mondiale et s'est accompagné d'un développement des échanges
commerciaux.

Le renouveau technologique et commercial a contribué à tisser un réseau complexe


d'interdépendances entre les différentes entités politiques autonomes (Etats) et à faire apparaître
de nouveaux types d'acteurs dans les relations internationales, notamment les institutions
financières, les sociétés trans (multi) nationales, les groupes de pression et autres Organisations
non- gouvernementales (ONG).

A l'évidence, qu'elles soient universelles (ONU) ou régionales (UA, UE, OEA, ASEAN,
Ligue Arabe), que leur mandat soit général ou spécialisé (sécuritaire, économique, social, etc.) ou
encore que leur fonction soit d'être un forum de discussion (NEPAD), d'élaboration de normes
(OHADA) ou d'intervention (OTAN ou ECOMOG), on distingue les OI selon qu'elles font leur
apparition dans un contexte marqué par l'évolution dans la régulation du système mondial27.

Le régionalisme - au départ - géographique, a dépassé ce cadre pour regrouper les Etats


au - delà de leurs limites physiques, notamment sur des bases idéologiques. Au - delà des
solidarités particulières des Etats, les fondements et les buts principaux demeurent donc les
mêmes, de telle sorte que le Chapitre VIII de la Charte se limite à coordonner les activités des
Organisations régionales et celles des Nations Unies.

27 Kadony, N.K., Op.cit., pp. 83-84; Ndeshyo, R.O., Manuel de Droit communautaire africain. Tome I,
Introduction générale : objet, sources, caractéristiques et domaines. Ed.DES, Kinshasa, 2011, pp. 105 et s.
27

La question de savoir si l'existence du régionalisme africain s'inscrit - il dans le cadre du


système des Nations Unies ou crée - t - il un ordre juridique international ou encore, de façon
générale, s'il est possible de créer un droit international régional en Afrique, a divisé la doctrine.

Pour la doctrine, l'expression de régionalisme international africain peut s'entendre de


deux manières : - un ensemble de règles établies par les Etats de la région pour leurs relations
réciproques ou pour régir une situation qui les concerne ; en plus de ces règles, et à leur base, il
existerait des principes, des fondements propres, spécifiques, que traduisent ou respectent ces
règles particulières.

Dans le premier sens, la possibilité d'un droit international régional ne peut être niée. Il
existe bien un droit international américain, atlantique, méditerranéen, européen, occidental,
africain, etc. Mais, dans le second, rien de spécifique, rien qui crée un système de droit
international nouveau. De telle façon que, pour qu'un système régional soit spécifique, il doit
faire appel à des principes fondamentaux différents de ceux du droit international général, et dans
le contexte du droit international contemporain, des principes opposés ou contraires, en théorie
impossibles28.

La volonté du regroupement régional des Etats consécutive a montré que l'intérêt


national ne peut être satisfait dans l'autarcie des Etats, mais par l'accumulation de gains relatifs au
lieu de gains absolus ou par la reconnaissance des dangers devant le dilemme de la sécurité.

Depuis l'accession à la souveraineté nationale et internationale, les Etats africains


n'avaient cessé de nourrir l'ambition d'un développement économique au sein d'un ensemble plus
vaste. La coopération entre les EAMMA (Etats d'Afrique, d'île Maurice et du Madagascar) et la
CEE (Communauté Economique Européenne) a constitué la préfiguration du Groupe de
coopération UE - ACP dans un cadre multilatéral commercial, de type (à idéologie) colonial (e),
qui tente, autant que faire se peut, de répondre au besoin de développement des Etats ACP29.

Historiquement, les OI régionales ont été conçues comme les avant-gardes des
institutions internationales et, principalement, dans l'œuvre des Puissances européennes. Avec

28Mampuya K.T., Op.cit., pp. 200-2001.


29 Lire Ndeshyo, R. O., Op.cit., pp. 54 et s. ; Kadony, N. K., Op.cit., pp. 110 et
28

l'avancée des OI à vocation universelle, à la fin du 19 e siècle et, surtout, après la Seconde Guerre
mondiale et l'avènement de l'indépendance des nombreux pays d'Afrique et d'Asie, le
régionalisme est apparu dans sa particularité et sa multiplicité ; situations à même de présenter à
la fois des avantages, mais aussi des revers (ou des limites).

Il est d'autant plus aussi vrai qu'en matière de coopération internationale, il y a lieu de
prendre en compte plusieurs dimensions, tels les aspects politique, économique et financier,
technique, et enfin juridique. A cause des contradictions de la société internationale, l'étude des
Relations Internationales est caractérisée par l’affrontement de plusieurs modèles explicatifs qui
en constituent les traditions (ou conceptions) et se nourrissent mutuellement.

Le principe fondamental est donc celui de l’interaction en matière de politique


internationale. Ce qui place généralement l'Organisation internationale au centre pour mieux
appréhender l'étude des Relations internationales.

Section 3. Causes et manifestations du régionalisme international

Les OI régionales, quel que soit leur objet, se présentent, si on en juge par leur
composition, comme les institutions regroupant les Etats par une solidarité géographique se
traduisant par des relations internationales nombreuses et fortes. Evidemment, même lorsqu'elles
sont basées sur un fondement géographique, les Organisations régionales peuvent poursuivre des
buts très différents qui rendent leur classification difficile : coopération politique, militaire,
scientifique, technique, intégration économique ...

Autant de domaines d'activités qui font que les Etats concernés sont obligés de passer de
la situation de coexistence à celle d'interdépendance, de concertation et de coopération.

Au sein de l'ONU, les Etats œuvrant ensemble pour le maintien de la paix et de la


sécurité internationale, il n'y a pas de doute que ceux-ci soient en interaction permanente au
niveau de différents organes et organismes spécialisés. Ces interactions ont motivé notamment les
Représentants des Etats moins développés du Tiers — Monde à constituer des groupes de
pression au nom de la solidarité régionale pour rendre leurs actions de revendication plus
efficaces.
29

Par exemple, les pays en développement membres des Nations Unies constitués au sein
du Mouvement des Non – Alignés30, ont été notamment à l'origine de la création et de
l'institutionnalisation de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement
(CNUCED), devenue un Organe subsidiaire de l'ONU en matière de développement
économique31.

L'indépendance de la plupart des Etats en développement obtenue, elle s'avéra aussitôt


après purement formelle faute d'assise sociale, notamment par un contrôle de l'Etat sur l'économie
nationale. L'idéal anticolonial connu alors une nouvelle dimension : la dimension économique. A
cause de son importance numérique, le Mouvement a réussi, en 1962, de faire adopter plusieurs
résolutions importantes dans le cadre de la coopération entre les Etats développés et ceux moins
développés, et depuis la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement
(CNUCED), il s'est mué en Groupe de 77 pour l'instauration d'un Nouvel Ordre Economique
International.

§1. Les avantages de la régionalisation

Le régionalisme juridique international est géographique et/ou idéologique. L'idéologie


est une notion difficile à saisir, à cause de sa nature englobante. Pourtant, toutes les activités des
hommes vivant en société sont commandées par l'idéologie, quel que soit le système politique de
cette société. Elle signifie, d'après Lyman, T.S., un système de valeurs ou de pensée accepté
comme une vérité par un groupe donné. Elle est constituée d'un certain nombre d'attitudes
(modèles) face aux diverses institutions et aux divers phénomènes de la société. Elle offre à ses
adeptes une image du monde tel qu'il devrait être et elle ordonne l'univers en un ensemble
relativement simple et intelligible32.

A dire vrai, la solidarité unissant les Etats n'est pas que géographique ; elle peut reposer
sur des parentés idéologiques ou politiques (Mouvement des Non Alignés ; Groupe de 77),

30 Le « Mouvement des Non Alignés » est né de la bipolarisation de la vie internationale au plan politique dans les
années qui ont suivi la création de l'ONU, dite la guerre froide entre le bloc de l'Ouest (les Etats à économie
capitaliste ou libérale, avec à la tête les USA) et le bloc de l'Est ou Etats à économie marxiste ou communiste, ou
encore collectiviste, avec à la tête l’URSS (Lunda-Bululu, Cours de Vie internationale, 3eédition, 1995-1996,
p.207). M (Issa-Sayegh, J., et Lohoues-Oble, J., op.cit.. p. 27) ;
31 Issa-Sayegh, J., et Lohoues-Oble, J., Op.cit., p. 27.
32 Kadony, N. K., Op.cit., pp. 91 et 110.
30

culturelles (Ligue des Etats Arabes, ou le Commonwealth), et ce à l'exclusion de toutes les


références géographiques33.

Au plan géographique, il ne serait pas superflu de rappeler que le système des Nations
Unies distingue entre les régions suivantes : l'Afrique, l'Amérique, l'Asie, l'Europe et l’Océanie.
Sous réserve de ce que la région Afrique est organisée au sein de l'Union Africaine (UA), la
région Amérique au sein de l'OEA, et la région Europe (occidentale) au sein de l'Union
Européenne (UE), il n'est pas évident qu'à chaque région corresponde une 0I régionale. Telles
l'Asie et l'Océanie.

Sur la base idéologique, en revanche, on peut trouver, sur le plan essentiellement


économique et politique, par exemple l'UA fondée sur la base de l'idéologie panafricaniste ; l’UE
fondée sur l'idéologie capitaliste du libre - échange ; et, l'OEA fondée sur le panaméricanisme, à
la base la doctrine Monroë (connue sous le concept l’Amérique aux américains).

La doctrine Monroë, en dépit des vicissitudes et d'interprétations diverses, était à la


source d'une règle qui allait se détacher de son origine américaine et faire partie du fond du droit
international général : l'affirmation du principe de non -intervention dans les affaires des autres
Etats.

De fait, la doctrine du panaméricanisme remonte au XIXe siècle (1823) lorsque le


Président américain, James Monroë, faisait devant le Congrès la déclaration dans laquelle il
exigeait, pour la première fois, des Européens une conduite de non - ingérence dans les affaires
américaines, et de laisser les Etats américains s'occuper des affaires du continent.

A l'époque, les Etats européens, et sans doute les grandes Puissances, se reconnaissent le
droit de diriger les affaires du monde. Ils se sont organisés au sein du Concert européen (Traité de
Chaumont de 1814) qui, sans être une institution formelle ni un arrangement institutionnel,
fonctionna sur la base d'un certain nombre de principes, dont le plus important était le statut

33Le Commonwealth regroupe les Etats, anciennes colonies britanniques, derrière le Royaume-Uni d'Angleterre
sans pouvoir se constituer en 01 ; la Ligue Arabe est un
31

particulier des grandes Puissances à qui étaient confiées les destinées de l'Europe, suivi par la
suite de la Sainte alliance, en 181534.

Avec l'évolution du Droit international général, le mouvement de contestation du droit


international classique, qui n'est ni insolite, ni inhabituel, a été tantôt géographique lorsqu'il était
le fait des nouveaux Etats américains dénonçant le caractère par trop européen de ce droit ; tantôt
idéologique, son caractère bourgeois étant ainsi mis en cause à la suite de l'apparition des Etats
socialistes : et tantôt économique avec l'afflux des nouveaux Etats qui se sont mis à dénoncer un
droit essentiellement inégalitaire (M. Bedjaoui)15.

Le régionalisme opère ainsi soit dans un cadre organisationnel, soit en dehors du cadre
organisationnel. Dans ce dernier cas, le rôle de ces groupements n'a pas beaucoup évolué. Ils ont
continué à observer une sorte de neutralisme politique en vue d'un certain équilibre dans les
relations internationales ou même dans les rapports de forces au sein des Etats membres de
l'Organisation des Nations Unies.

Le régionalisme organisationnel est celui qui se réalise au sein des OI à vocation


régionale. L'interaction entre les Etats au niveau systémique s'effectue dans deux cadres
principaux : Organisation de coopération politique et Organisation à vocation d'intégration
économique. L'OI à vocation régionale vise donc à réaliser soit la coopération, soit l'intégration
économique et politique des Etats qui en sont membres.

S'agissant de l'existence du droit international africain, l'Ecole maximaliste de Kinshasa


(qu'incarnait par Ndeshyo R. O.), pense qu'une large opinion de la doctrine accepte difficilement
et paradoxalement, sans le prouver, l'existence d'un Droit international africain et, a priori, d'un
droit communautaire africain, même en formation.

34 Les Puissances victorieuses de la France, sous l'empereur Napoléon Bonaparte (à Waterloo, 1814), soir
l'Autriche, la Russie, la Prusse et le Royaume - Uni, signent le mars 1814, à Chaumont (en France), ce traité (ou
pacte) pour rétablir l'union de la Coalition après que l'Autriche ait pensé à une paix séparée. Le traité va pratiquement
formaliser la division entre grandes et petites Puissances entre Etats, ce que viendra consacrer le Congrès de Vienne
en 1815. La Conférence diplomatique des grandes Puissances (18 septembre 1814 au 09 juin 1815) regroupe les
vainqueurs de Napoléon Bonaparte et les autres Etats européens pour signer les conditions de paix en Europe :
notamment déterminer les frontières et tenter d'établir un nouvel ordre pacifique après celui de Westphalie (en
Allemagne), en 1648.
ls
Bedjaoui, M., Pour un nouvel ordre économique international, Unesco, Paris, 1978, p. 9.
32

N'y a-t-il pas là un illogisme anachronique, s'interroge -t - elle, avant d'affirmer que ce
droit d'intégration africaine s'apparente évidemment au droit public national, le droit administratif
et le droit constitutionnel, dans la mesure où il est appliqué immédiatement aux Etats membres et
à leurs nationaux, sans passer par les procédures classiques du droit international public : la
réception, l'acceptation (ou approbation) et la ratification (et la promulgation).

Il (ce droit) est caractérisé par des concepts d'immédiateté et de supranationalité. Les
divers traités créant les Organisations internationales africaines sont analogues à une
Constitution, à un traité-loi : les organes des Communautés possèdent un véritable pouvoir
réglementaire de décision.

Les Traités consacrent le principe de la séparation des pouvoirs, le pouvoir exécutif


exercé, par exemple, par le Conseil des Ministres et la Commission pour l'Union Africaine.

Outre le pouvoir législatif (encore consultatif), exercé par le Parlement panafricain et les
Parlements régionaux, le pouvoir parlementaire est exercé par les divers Parlements
communautaires, et le pouvoir judiciaire par les Cours et tribunaux continentaux, régionaux et
sous régionaux.

A l'étai de cet argument, elle précise qu'il ne s'agit pas ici de la question relative à la
place de l'Afrique en droit international ni non plus des systèmes politiques et juridiques
africains, ni encore moins de la position, la réception ou la constatation du droit international par
l'Afrique. La question porte, ontologiquement, sur l'existence réelle du droit international
africain, régissant les Etats africains en quête des solutions appropriées à leurs problèmes
spécifiques, leurs rapports entre eux et le reste du monde.

Qu'à cela ne tienne, et au regard de l'architecture organique des OI africaines tant


continentale que régionales, la question n'est pas moins controversée, même en pratique :

- Dans la mesure où ces caractéristiques (ou principes) ne sont pas propres aux Etats
africains et figurent pour la plupart parmi les fondements même du Droit international
contemporain, une autre partie de la doctrine a estimé que le droit international régional
spécifique n'existe que si les règles régissant les relations régionales ont des fondements
33

spécifiques, différents de ceux du Droit international général. Toute la controverse se situe à ce


niveau.
- Dans la pratique des OI africaines davantage, à la différence de l'Ecole
maximaliste de Kinshasa, on notera que l'affirmation tranche très nettement avec la réalité.

Dans cette dernière hypothèse, on peut résumer la situation du régionalisme africain en


disant qu'immédiatement après les indépendances des pays africains dès la décennie 1960,
l'avènement de l'OUA a, peu à peu, conduit au regroupement sous - régional pour diverses
raisons, dont la principale, semble-t-il, tient de l'absence des moyens politiques et juridiques
capables d'intégrer véritablement les Etats membres de cette Organisation internationale au
niveau du continent.

La situation se traduit, en principe, également au niveau des OI régionales et même sous


- régionales, sans toutefois méconnaître quelques avancées comme c'est le cas pour la CEDEAO -
avec l'UEMOA -, pour la SADG ainsi que le COMESA et la CAE. La CEEAC et l'UMA
accuserait encore des difficultés réelles à promouvoir une intégration physique des Etats
membres au niveau de leurs régions respectives.

§2. Les limites (ou revers) de la régionalisation

Le régionalisme existe, c'est parce qu'il répond à des besoins qui ne sont pas satisfaits
par l'ordre juridique universel, non plus que par les seules souverainetés nationales.

La question qui se pose est double : faut - il avoir peur du régionalisme, ou faut-il y voir
ou en faire, à l'inverse, une réponse aux dangers de l'universalisme (la globalisation) ?

Les Etats estiment en effet que ses avantages l'emportent sur ses inconvénients, au moins
à certaines époques. Plus encore, c'est la montée d'un universalisme effectif - la mondialisation ou
globalisation - dans les relations internationales qui a conduit à reconnaître de plus en plus le fait
régional.

L'universalisme et le régionalisme traduisent une prise de conscience du gain potentiel


du dépassement des souverainetés étatiques, mais aussi la volonté de trouver au niveau régional
34

des réponses mieux adaptées aux sacrifices (consentis) de souveraineté qu'implique le


renforcement du corpus universel.

Il est vrai qu'il n'y a pas, et il ne peut pas y avoir, de réponse univoque à la question. Ne
serait - ce que parce que la problématique du régionalisme confronté à la globalisation
(universalisme) est des plus ambiguës :

- En premier lieu, à la neutralité du terme universalisme, l'idée que


l'interdépendance (économique, politique, culturelle, même écologique entre autres) des besoins
des membres de la Communauté internationale implique des solutions plus solidaires au niveau
universel, et donc plus globales ;

- En second lieu, il est difficile d'appréhender l'ampleur du phénomène régional et


en constante l’évolution. En effet, si les 2/3 des OI sont régionales, ces Organisations sont très
hétérogènes en termes d'institutionnalisation et elles sont souvent concurrentes entre elles.35

Le problème de l'équilibre constitutionnel entre l'universalisme et le régionalisme se


pose toujours en ces termes : d'aucuns soutiennent que les Organisations régionales sont un
stimulant pour l'universalisme et devraient, par ce fait, être encouragées ; d'autres, au contraire,
pensent que l'existence de plusieurs Organisations régionales peut être un danger pour l'évolution
future de l'universalisme en général et pour l'Organisation des Nations Unies en particulier.

Ce qui a justifié le contrôle des Nations Unies sur les Organisations régionales. Mais,
celui-ci a fait, du point de vue juridique, que ces Organisations ont tendance à ne pas mentionner
l'article 52 de la Charte qui les met sous le contrôle du Conseil de sécurité, mais le plus souvent
elles essaient d'évoquer l'article 51 ayant trait à l'exercice de la légitime défense pour fonder leur
création.

Dans la mesure où il en est justement question, ce semblant de contrôle, s'il est formel
(ou textuel), ne souffre pas moins de quelques reculs devant la réalité de la politique
internationale36. Une des raisons de la méfiance des Etats à créer des Organisations régionales
sous le contrôle de l'article 52 de la Charte des Nations Unies est de ne pas tomber sous le coup
35 P. Daillier, Universalisme et régionalisme, in Le régionalisme dans le droit international, Colloque du 10 au 11
février 2020).
35

de l'article 53 qui conditionne l'exercice de certaines activités à l'autorisation préalable du Conseil


de sécurité dont l'histoire est liée au veto, qui peut bloquer la prise des décisions par
l'Organisation régionale.

Il apparaît que les regroupements régionaux, en plus des blocs idéologiques, influent
d'une manière plus élastique que les blocs idéologiques eux-mêmes sur les Etats membres,
l’exception de l’Union Européenne qui, depuis quelques années, parvient à définir une politique
extérieure commune37.

Si l'Etat l'Organisation régionale (UA, ou encore UE) ou celle universelle (ONU)


constituent différents niveaux d'application du droit international, ils ne sont pas en effet
créateurs de plusieurs véritables ordres de droit international.

On en a tiré la conséquence de la théorie de la souveraineté limitée (ou la doctrine


Brejnev), alors que les principes de l'égalité souveraine des Etats et de la non intervention dans
les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale des Etats sont des principes
de la coexistence pacifique, acceptés par tous les Etats membres de l'Organisation des Nations
Unies, quel que soit leur système socio-économique ou leur idéologie politique.

Ils (principes) sont à la base de l'ensemble du droit international et leur contenu ne


saurait différer selon les Etats ou leur appartenance régionale géographique ou idéologique. Ils
font partie de la catégorie de règles de droit impératif ou jus cogens, c'est - à - dire de droit
contraignant.

Par contre, la régionalisation, si elle ne fait que céder au mode du régionalisme en


reproduisant des modèles ou des expériences tentées ailleurs sans que cela corresponde à des
36 L'OTAN, par exemple, à l'article S de sa Charte, mentionne expressément l'article 51 de la Charte des Nations
Unies. S'agissant de l'Afrique, la Charte de l’OUA, supposée être une Organisation régionale, ne mentionnait même
pas l'article 52 ni aucun article de la Charte des Nations Unies, sauf l'article 102 relatif à l'enregistrement des traités
conclus entre les membres des Nations Unies. Ce qui est aussi vrai pour l'UA (article 33, in fine, relatif aux
dispositions finales).
37Le regroupement régional européen a connu successivement, s'agissant de l'Europe occidentale, le Bénélux
(Belgique, Luxembourg et Pays Bas) qui a institué une Union douanière à partir de 1944 ; le Conseil de l'Europe, le
05 mai 1949 ; la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA), le 18 avril 1951 ; le Conseil Nordique,
créé en 1952, renommé « Norden » en 1992, entre les cinq Etats Scandinaves ainsi que l'Agence spatiale européenne,
née de la fusion en 1975 de deux Organisations antérieures pour exprimer la coopération des Etats européens
membres dans ce domaine. La Communauté Economique Européenne (CEE), créée le 25 mars 1957, laquelle a
réalisé l'Union Européenne, le 01 janvier 1999.
36

véritables nécessités régionales, d'une part, et si les organisations internationales régionales (ou
sous - régionales) sont dépourvues de volonté politique persévérante et de moyens suffisants,
d'autre part, elle est vouée à l'échec38.

CHAPITRE 4. LE SYSTEME INTERNATIONAL AFRICAIN FONDE SUR


LE PANAFRICANISME

Le système international s'entend d'un ensemble d'éléments en interactions,


constituant une totalité et tendant à une organisation à la fois juridique, économique, social et
politique. La notion est utilisée en théories des Relations internationales, comme en droit
international et même en géopolitique, pour désigner principalement les relations entretenues par
les Etats entre eux.

L'histoire des relations internationales divise généralement le système international


en quatre moments :

- L’ordre européen de Westphalie (1648) après la Guerre de Trente ans et qui est le prélude
de l'ordre international contemporain ;
- L’ordre du Congrès de Vienne (1815) mis en place par les Puissances victorieuses de la
France sous l'empire de Napoléon Bonaparte en 1814 ;
- L’ordre bipolaire (1945 - 1990) issu de la Guerre froide idéologique entre les Puissances
capitalistes de l'Europe de l'Ouest et les Etats - Unis en tête et l'URSS communiste et les
Etats socialistes de l'Europe de l'Est ; et, aujourd'hui. - L’ordre multipolaire (depuis 1990)
avec la montée en puissance de la Chine et d'autres Puissances moyennes comme l'Inde,
le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Indonésie, etc.

L'ordre multipolaire actuel est à l'origine du concept -mieux de la signification


récente du concept - mondialisation ou globalisation et de tous les enjeux qu'il emporte dans les
relations internationales. Il suffit d'évoquer, sur le plan de politique et de la sécurité
internationale, la crise du nucléaire iranien avec l'Occident (particulièrement les Etats - Unis), ou

38Mampuya K.T., Op.cit., pp. 202-205.


37

au plan économique la guerre commerciale entre les Etats – Unis et la Chine, ou encore le défi du
changement climatique et même les enjeux sanitaires autour de l'efficacité de la vaccination
contre le Coronavirus (Covid - 19).

Le principe fondamental en matière de politique internationale étant l’interaction


entre les acteurs, dont principalement les Etats, qui composent le système, les Relations
internationales se définissent comme les flux de toutes natures et de toutes origines qui
traversent les frontières des Etats. Elles sont la science de l'action compétitive des Etats avec
des fins multiples, non mesurables et souvent contradictoires et des règles incertaines.

Le problème essentiel auquel il convient de répondre, pour établir quelque


caractère spécifique, est celui de savoir en vertu de quels principes, de quelle philosophie
directrice l'Afrique régit - elle les relations de ses membres, adopte-t-elle ses positions, résout-elle
ses questions, et si cette philosophie est - elle particulière, à la lumière de celle qui préside au
fondement même du droit international contemporain, c'est - à - dire au droit des Nations Unies.

Section 1. Nature conceptuelle et globale des relations internationales africaines

Le monde des Organisations internationales (OI) est vaste et d'une architecture


complexe, en rapport avec les défis auxquels les OI doivent aujourd'hui faire face. On peut
notamment citer le défi du développement économique et social, le défi de la mondialisation et de
sa régulation, etc.

Au sujet des O.I africaines, la doctrine écrit :

- Tout le monde, les africains avant tout, reconnaît la réalité de l’Organisation régionale
africaine, de l’existence d'un régionalisme africain. Mais, par quoi celui-ci s'est-il traduit ?
(...). Les seules manifestations du régionalisme africain sur le continent ont été la création
de l’OUA et sa Charte, les tentatives de régler certaines situations ou certains différends
locaux en Afrique et l'organisation de la coopération interafricaine dans différents secteurs
et, au dehors, (...) tant bien que mal par l'élaboration et la prise de positions communes ou
concertées dans les questions intéressant l'Afrique et tout particulièrement à l'ONU
(Mampuya, K.T.).
38

II existe un ensemble de traits qui caractérisent les relations internationales


africaines. Autant celles-ci doivent être comprises dans une approche historiciste, que nous avons
évoqué plus haut.

L'approche apparaît également chez Célestion Nguya - Ndila M., lorsqu'il écrit que
« Les eaux du Nil et du fleuve Congo ont la même origine : les Grands Lacs africains. L'humanité
entière croit - on, prend naissance dans cette région de l'Afrique centrale, peut-être les grandes
civilisations aussi. Cette eau qui ne tarit jamais, est la toute pure pour entretenir la vie. Un jour les
têtes couronnées d'Europe ont eu l'idée d'y étendre leurs empires et royaumes. (...)39.

Il est apparu, des études de Bipoun-Woum, M.F. Wodié et Yakemtchouk, que le


droit international africain se caractérisait comme un ordre juridique entaché d'éléments
politiques, par le refus du droit international classique (ou précédent) en vigueur, comme un droit
fondé sur l'impératif de la souveraineté, par une attitude réservée à l'égard de la Cour
Internationale de Justice (CIJ) et par un élément qui n'est pas particulièrement caractéristique aux
Etats africains, la reconnaissance de la primauté du droit international sur le droit interne des
Etats (le monisme juridique).

Globalement, les Etats africains considèrent que pour atteindre ces objectifs, le
moyen le plus rapide possible consiste à favoriser la coopération au moyen de l'intégration
économique. Telle est la préoccupation que suscite l'Acte constitutif de l'UA, signé à Lomé (au
Togo), le 12 juillet 2000, et les Communautés économiques régionales (CER).

§1. Les doctrines panafricanistes des années 1960

Le panafricanisme, présenté à l'origine comme une idéologie de l'unité des peuples


noirs et donc des africains, vise à amener les peuples d'Afrique à participer à l'élaboration ou,
mieux, à la reconstitution de la civilisation universelle perdue avec l'esclavage et la traite des
noirs, puis la colonisation et à la coopération politique, économique, culturelle (et intellectuelle)
entre les pays africains.

39 C. Nguya – Ndila M., Frontières et voisinage en République Démocratique du Congo, éd. CEDI, Kinshasa,
2006, p. 9.
39

Le débat, émaillé d'une bataille des idées, finit par faire émerger deux opinions
(appelés groupes) autour de ce que l'on peut qualifier d'une sorte de convergence parallèle :

(1) le Groupe de Casablanca (au Maroc), réuni du 03 au 07 janvier 1961, sous la


conduite de Kwame Nkrumah, est considéré comme partisan du panafricanisme maximaliste,
tandis que (2) le Groupe de Monrovia (au Libéria), (du 08 au 12 mai), sous le leadership de Félix
Houphouët - Boigny, est celui d'un panafricanisme minimaliste. La différence, loin d'être une
question de stratégie, se situe au niveau de l'approche.

Le panafricanisme est alors partagé entre deux idées, la première, selon laquelle
l’union fait la force, avait à l'esprit la création des Etats-Unis d'Afrique (Groupe de Casablanca)
et la seconde, basée sur le principe que la solidarité africaine est une force, avait en vue le
régionalisme au sein du continent comme une phase de transition.

L'intégration régionale en Afrique évolue quelque peu de manière cyclique, avec


des périodes d'enthousiasme qui culminent dans des pointes d'optimisme, et des périodes de
découragement qui confinent au pessimisme40.

Au final, le processus résultant d'une telle démarche volontaire (ou volontariste)


vise une mise en commun d'une partie ou de l'ensemble de leurs ressources par les Etats. On a
parlé de panafricanisme d'intégration régionale ou de l'unité du continent à la régionalisation,
avec pour finalité l'émergence et le renforcement des relations économiques et techniques
d'interdépendance structurelles à effets d'entraînement positifs. C’est là que le rêve africain
devient généreux.

Section 2. Création de L’OUA

En Afrique, c’est avec la naissance de l'OUA que l’on peut réellement parler du début du
régionalisme africain et de sécurité collective. L'idéologie panafricaine a été le fondement de la

40Fouda, M.S., Des arrangements institutionnels pour une véritable intégration en Afrique, cité par N'deshyo, R.O.,
op.cit. pl86. Ndeshyo, R.O., note : « Le retour, ou mieux le réveil, ces poétiques d'intégration régionales est apparu
comme une contrainte, résultant de l'intensification des échanges de biens et services et de l'accélération des
mouvements des capitaux dans la droite ligne de l'intensification du processus de mondialisation en cours au niveau
planétaire » (op.cit., p.187).
40

création de la première organisation internationale africaine dénommée l'Organisation de l'Unité


Africaine.

§1. Le contexte de la création de l’OUA

Les Etats indépendants, lors de la création de l'OUA, avaient exprimé leur volonté
commune de renforcer la coopération entre les peuples, afin de répondre aux aspirations de la
population tendant vers la consolidation d'une fraternité et solidarité intégrées dans une unité qui
transcende les divergences ethniques, politiques et culturelles.

Les Etats avaient alors convenu de créer et de maintenir des conditions de paix et de
sécurité sur le continent. Ces conditions de sécurité devraient se conformer à certains principes de
base susceptibles de permettre une coopération pacifique et fructueuse entre les Etats.
L'affirmation de Kwam Kouassi selon laquelle la charte de l'OUA ne prévoit dans ses
dispositions aucun article relatif à la sécurité collective régionale a été corrigée par le Protocole
de la CMCA ainsi que le Traité » d'Abuja du 3 juin 1991.

Les fondements de principes qui guidaient le système de sécurité africain puisent


leurs racines dans la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle de droit de l'homme.

I. Les objectifs politiques de l'OUA

L'OUA visait le renforcement de l'unité du continent africain en privilégiant la


coopération entre les Etats africains. Cette position était consolidée par l'idée de la sauvegarde de
l'indépendance ainsi que l'élimination du colonialisme comme préalable à la réalisation de l'unité
africaine. C'est pour cette raison que les Etats avaient convenu de défendre leur souveraineté, leur
intégrité territoriale et leur indépendance. Il s'agissait là, de la protection des Etats africains
contre les puissances coloniales, néocoloniales et même impérialiste.

Les objectifs politiques prouvaient que l'OUA n'avait été qu'une organisation interétatique
avec un objectif politique ayant selon Ba Abdoul, Bruyno Koffi et Sahl Fethi, une dimension
internationale visant « le renforcement de l'unité et la solidarité des Etats africains et malgache
pour résorber les séquelles du colonialisme et le bouter hors du continent »41.

41 BA ABDOUL et al., L'Organisation de l'unité africaine : de la Charte d'Addis-Abeba à la


Convention des droits de l'Homme et des peuples, éditions Silex, Paris, 1984, p.13.
41

L'Afrique doit s'unir « pour constituer une force capable de lutter valablement contre sa
domination par les autres. Il y avait là une référence à un passé colonial qui avait engendré des
conditions économiques et sociales ainsi qu'un destin commun à la quasi-totalité des Etats
africains »42; qui justifiait, à juste titre, l'adoption des principes préconisés par la Charte de
l'OUA.

II. Objectifs économiques et socio-culturels

L'article 2 alinéa b de la Charte de l'OUA disposait clairement qu'à cette fin, « des Etats
membres coordonnaient et harmonisaient leurs politiques dans les domaines de l'économie, du
transport et de communications ainsi que de l'éducation, de la culture, de la science et de la
technique de la nutrition ». Le préambule de la Charte de l'OUA annonce que la Charte
envisageait également une coopération entre Etats africains afin d'offrir des meilleures conditions
d'existence aux peuples d'Afrique.

C'est dans cette perspective que la Communauté Economique Africaine (CEA) et les
Communautés Economiques Régionales (CER) furent créées par la conférence des Chefs d'Etat
et de gouvernement le 03 juin 1991 à Abuja à la suite d'une coopération entre la Commission
Economique de l'Organisation des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) et l'Organisation de
l'Unité africaine. Il faut signaler que la Commission Economique de l'ONU accompagne les
initiatives africaines en matière économique depuis 1958, année de sa création par l'Organisation
des Nations Unies.

L'Organisation de l'Unité Africaine s'occupait aussi du secteur social et culturel en «


octroyant des aides financières à certains organismes africains ayant des missions socio-
économiques : c'était le cas du Conseil Supérieur du Sport en Afrique ou de l'Association des
Universités africaines. Elle avait même adopté une Charte culturelle »43.

L'Assemblée générale de l'ONU avait, en novembre 1957, demandé au Conseil


économique et social, c'est-à-dire l'un des organes des Commissions Economiques des Nations
Unies pour l'Europe (ECE), pour l'Asie et l'Asie du Sud (ECAFE), pour l'Amérique latine

42 Ibidem.
43BA ABDOUL et al., Op. cit., p. 14.
42

(EC/A), la création d’une Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique 44. Celle-ci,
créée en avril 1958, avait comme mission d'accélérer le développement économique et social, des
Etats africains par la promotion d'une politique de coopération entre eux.

La CEA s'était en réalité mise à la disposition des gouvernements africains pour les
assister dans leurs efforts concertés de la promotion économique. Son rôle consiste
jusqu'aujourd'hui, notamment, à faciliter une action concertée en vue du développement
économique de l'Afrique.

L'OUA se reconnaissait, à cet effet, des responsabilités effectives dans la promotion


économique et sociale des peuples africains. Pour ce faire, elle mettait en œuvre le principe de
coopération économique en s'appuyant sur deux organes principaux à savoir, la Conférence des
Chefs d'Etat et de gouvernement et le Conseil des Ministres.

La Charte de l'OUA en son article 20 autorisait la CCEG à créer à titre d'organes


subsidiaires de l'OUA, cinq commissions spécialisées parmi lesquelles la Commission
économique et sociale qui s'occuperait de la promotion de la coopération économique en Afrique.
La CCEG avait décidé de créer avant la Commission Economique et Sociale, « un comité
économique préparatoire » qui, en liaison avec les gouvernements des Etats et de concert avec la
CEA, avait étudié les questions relatives à :

- la possibilité de créer une zone de libre-échange entre pays africains ;

- la mise au point d'un tarif extérieur commun pour protéger les industries naissantes;

- la création d'un fonds commun de stabilisation des prix des matières premières ;

- la restructuration des échanges commerciaux internationaux ;

- la création d'une Union africaine de paiements et de compensation, etc.

Il convient de rappeler que pour éviter des confusions dans l'exécution des missions entre
la CEA et l'OUA, cette dernière avait défini la répartition des compétences, en précisant ainsi
celles de la CEA par rapport à l'existence de l'OUA. C'est ainsi que « Considérant que la

44Assemblée Générale de l'ONU, ResÀ155 (xOl), 26 novembre 1957.


43

commission économique et social de l'OUA était essentiellement un organe de conception et d'exécution,


alors que le rôle de la CEA se limitait généralement à des questions techniques et consultatives, les
responsables de la vie économique en Afrique décidaient d'instaurer une collaboration étroite sur une base
complémentaire entre le Secrétaire général de l'OUA et le Secrétaire exécutif de la CEA, et demandaient à la
CEA d'entreprendre des actions pour servir de base aux décisions de l’OUA »45.

III. Les défaillances congénitales du régionalisme normatif africain


Les défaillances du régionalisme africain qui se construisait présentaient à cet effet un
double visage : l'échec de l'unité africaine et l'échec des réalisations institutionnelles de
l'organisation panafricaine46.

A ces défaillances s’ajoutaient le déficit normatif caractérisé par l'existence de la seule


charte de l'OUA comme texte organisant la gestion des conflits en Afrique. Relevons toutefois
outre la charte, plusieurs résolutions avaient été prises sans pour autant constituer l'ébauche ni
l'esquisse d’un texte normatif en matière de gestion des conflits sous réserve du protocole prévu à
l'article 19 de la charte.

Pour nous en convaincre, il suffirait d'examiner les dispositions de gestion de conflits qui
peuvent, dans une certaine mesure, être comparées à la teneur de celles de la charte des Nations
Unies aux fins de ressortir effectivement le déficit et ce, jusqu'en 1993.

Ces Etats africains, membres de l'OUA avaient adopté en application de l'article 19 de la


charte le protocole en 1964, en juillet au Caire. Ce protocole était censé informer sur les procédés
de gestion des conflits qui devaient régenter l’OUA 47, lesquels n'entraient en jeu qu'après
l'éclatement d'un conflit. Ces procédés n'avaient, pour l'essentiel, porté que sur les conflits
interétatiques, qui procédaient notamment de différends frontaliers et/ou des divergences «
idéologiques » et ce, à une époque où les clivages de la guerre froide étaient très remarqués sur le
contient48.

45 Res. ECOS/17/Res.3 (I).


46 Idem, p. 199.
47 GHASS1N WANE L., « La Conditionnalité des pratiques et des contraires, paix et bonne gouvernance », in
Actes de la table ronde préparatoire n°3, à la bonne gouvernance : Objet et condition de financement In
www.iss.co.za/fa/regorge. Twenty two. Consulté le 10.05.2012.
48 Article XIX du protocole Au reste, la compétence de la commission était limitée aux conflits interétatiques.
44

Toutefois, ce mécanisme ne fut jamais opérationnel. Pour expliquer ce


dysfonctionnement, le professeur Ndeshyo soutient que la pratique de l'OUA de règlement
pacifique des différends interafricains était spontanée et improvisée, et que la technique s'était
cependant fixée car elle présidait pour l'essentiel dans les négociations diplomatiques49.

Ces pratiques et techniques persistent jusqu’ à ce jour dans les différentes crises de la
RDC sans y apporter des solutions fiables au point que la doctrine et les différents hommes
politiques sont divisés, certains y voyant un mécanisme de protection du pouvoir en place. Cette
pratique, en effet, se limite à donner conseils et orientations sans chercher la création d’un
mécanisme claire de suivi de ces différentes orientations.

Le professeur Ndesho reconnaît également que les procédures instituées par ce protocole
semblent inopérantes.

Outre le préambule, la charte de l'OUA avait en tout et pour tout 33 articles. Ces articles
fixaient les objectifs, les principes, les membres, les droits et devoirs des Etats membres, les
institutions (la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement, le conseil des ministres, le
secrétariat général, la Commission de médiation, de conciliation et d'arbitrage et les Commissions
spécialisées), le budget, la signature et ratification de la Charte, l'entrée en vigueur,
l'enregistrement de la charte, l'interprétation de la charte, l'adhésion et l'admission, les
dispositions diverses, la renonciation à la qualité de membre et l'amendement et révision.

La lecture des dispositions de la charte, révèle que le préambule faisait voir que les Etats
étaient convaincus qu'afin de mettre cette ferme détermination au service du progrès humain, il
importait de créer et de maintenir des conditions de paix et de sécurité 50.

Ils étaient aussi fermement résolus à sauvegarder et à consolider l'indépendance et la souveraineté


durement conquises, ainsi que l'intégrité territoriale de leurs Etats, et à combattre le néo-
colonialisme sous toutes ses formes51.

49 NDESHYO RURIROSE O., L'héritage... Op.cit., p. 264.


50 Ibidem.
51 Voir § 5 du préambule de la Charte de l'OUA.
45

Ils étaient enfin persuadés que la charte des Nations Unies et la déclaration universelle des
droits de l'homme, aux principes desquels ils réaffirmaient leur adhésion, offraient une base
solide pour une coopération pacifique et fructueuse entre leurs Etats52.

En plus de ces orientations contenues dans le préambule, l'article 2 relatif aux objectifs
d’une part souligne le souci des pères africains de renforcer l'unité et la solidarité des Etats
africains, de coordonner leurs efforts et intensifier une coopération pour offrir de meilleurs
conditions d'existence aux peuples d'Afrique53 et d’autre part insiste sur la nécessité de défendre
leur souveraineté, intégrité territoriale et indépendance, d'éliminer sous toutes ses formes le
colonialisme de l'Afrique et de favoriser la coopération internationale, en tenant dûment compte
de la charte des Nations Unies et de la déclaration Universelle des Droits de l'Homme54.

Et à ces fins, outre les politiques à coordonner et à harmoniser dans plusieurs domaines,
celui qui nous intéresse est prévu au point 2.f de l'article 1 à savoir la défense et sécurité. Au
niveau de l'article 3, il est fixé les principes que les Etats membres affirment pour atteindre les
objectifs énoncés à l'article 2. Il s'agissait des principes juridiques et politiques.

Dans le premier cas, l'on retrouvait l'égalité souveraine de tous les Etats membres, la non-
ingérence dans les affaires intérieures des Etats, le respect de la souveraineté et de l'intégrité
territoriale de chaque Etat et de son droit inaliénable à une existence indépendante et le règlement
pacifique des différends par voie de négociation, de médiation, de conciliation ou d’arbitrage55.

Dans le second cas, «les pères africains» avaient intégré la condamnation sans réserve de
l'assassinat politique ainsi que des activités subversives exercées par des Etats voisins ou tous
autres Etats, le dévouement sans réserve à la cause de l'émancipation totale des territoires
africains non encore indépendants et l'affirmation d'une politique de non-alignement à l'égard de
tous les blocs56 comme principes politiques visant à guider l'action interne des Etats et la position
internationale du continent.

52 § 6 du préambule de la Charte de l'OUA, 1963.


53 § 8 du préambule de la Charte de POUA,1963.
54 Article 2a et b de la Charte de l'OUA, 1963.
55 LECOUTRE D., « Vers un gouvernement de l'Union africaine ? Maximalistes contre gradualistes », in Institute
for security studies papers, n°l47, Juin 2007, pp 1-16.
56 Ibidem. Également, UMBA DINDELO et SADIKI KOK.O, « Etats-Unis d'Afrique : préalables et perspectives
d'avenir », in Institute for security studies papers, n°147, Juin 2007, pp. 17-32.
46

De la lecture de toutes ces dispositions, il s’observe qu’à l'article 3. 4 sur le règlement


pacifique des conflits qui précise que : « les Etats s’engagent à régler leurs différends par des
voies pacifiques » il faut associer l'article 19 qui dispose qu’à cette fin, ils créent une
Commission de médiation, de conciliation et d'arbitrage, dont la composition et les conditions de
fonctionnement sont définies par un protocole distinct, approuvé par la conférence des chefs
d'Etat et de Gouvernement. Ce protocole est considéré comme faisant partie intégrante de la
présente charte ».

Ces articles sont les seuls de la charte dont la lecture permet de voir qu'ils s'adressent soit
directement soit de manière déductive à la gestion de la paix.

Il nous revient à ce stade de voir si ces dispositions ont été heureuses dans l'écriture et si elles ont
permis d'être considérées comme un cadre normatif suffisant de gestion de la paix et de la
sécurité internationales en Afrique.

La lecture approfondie des règles juridiques et principes adoptés par l'organisation


panafricaine présentaient comme Janus, deux faces qui comportaient chacune des vices
rédhibitoires57. Dans certains cas, ces normes et principes paraissaient trop ambitieux alors que
dans d'autres, ils semblaient manquer d'audace. Ces textes étaient donc peu équilibrés et
suscitaient une forte suspicion des africains en ce qui concernaient leur matérialité et effectivité.
Ainsi, il y a lieu de chercher à comprendre les origines de ces tares aux fins d'entrevoir les
perspectives qui se sont augurées en 1993 puis avec l'UA.

Parmi les raisons de la création de l’OUA enfoncés dans le préambule de la charte, on


retrouve la description des maux qui rongeaient l'Afrique d'une part et, d’autre part, son
affirmation en tant qu'organisation régionale et son intention manifeste de ne point s'aligner
derrière les deux blocs qui s'étaient créés.

Le texte de la charte avait repris de nombreux textes du même genre déjà adoptés par les
nombreuses conférences africaines ; en revanche, les principes énoncés à l'article 3 sur lesquels
reposait l'organisation étaient plus intéressants, non par leur nouveauté mais par le choix qui était

57 SIDI SADI, La Résolution des conflits en Afrique, Thèse de doctorat d’Etat en sciences politiques, faculté des
sciences juridiques et politiques, inédit, université Cheikh ANTADIOP de Dakar, 2005.
47

fait d'un certain nombre de principes qui figuraient dans telle ou telle charte adoptée
antérieurement58.

Ces principes étaient de deux sortes, les uns étaient juridiques, les autres politiques. Les
principes juridiques étaient très classiques : Égalité souveraine des Etats membres, non-
ingérence dans les affaires intérieures des Etats, respect de la souveraineté et de l'intégrité,
règlement pacifique des différends

Les principes politiques étaient, au contraire, plus spécifiquement africains :


condamnation de l'assassinat politique et des activités subversives entre Etats africains,
dévouement sans réserve à la cause de l'émancipation des territoires africains encore
dépendants, non alignement à l'égard de tous les blocs.

Ce sont donc ces principes qui semblaient donner une coloration propre au régionalisme
africain. En dépit de cette conception laudative de l'œuvre des pères fondateurs de l'OUA, des
observations particulières méritent d'être faites car cette vocation panafricaine de rassembler,
voire d'unir et peut-être d'intégrer ne pouvait être pensée sans des normes conséquentes en ce qui
concernait la gestion de la paix et de la sécurité régionales.

Il est clair que les chefs d'Etat et des gouvernements africains avaient pour ambition de
prévenir les conflits armés entre ou au sein des Etats et, le cas échéant, de les résoudre «
pacifiquement »59. Cette volonté des pères fondateurs avait péché par excès au point d'avoir rendu
les textes inapplicables car, l’ambition manifestement exagérée que traduisaient les règles qui
avaient été adoptées montrait qu’elles étaient élaborées dans un contexte qui ne laissait point
douter de leur inapplicabilité.

Les Etats africains avaient pris une conscience effective de l'existence de ces contraintes 60,
mais ne les avaient pas pris en compte efficacement dans le corps du texte. Cela se dégage dans la
faiblesse et l'imprécision d'un caractère minimaliste des dispositions qui confèrent des
attributions aux organes et à leurs domaines d'intervention.

58 BORELLA F., Op.cit., pp. 852- 853, NDESHYO RURIROSE O., I héritage. ... Op.cit., p. 17.
59 Le terme « pacifiquement » renvoyait aveuglement à l'article 52 de la Charte des NU sans se rendre compte du
contexte politique africain de la création de l’OUA.
60 Intégration du texte du préambule de la Charte de l'OUA, 1963.
48

Parmi ces contraintes, l'on pouvait relever d’une part le contexte idéologique défavorable
dans lequel les Etats africains s'étaient retrouvés sans le vouloir, possibilités financières limitées
des Etats et de surcroît de l'organisation panafricaine.

Au regard du contexte idéologique qui a prévalu jusqu’aux années 1990, certaines règles
adoptées par l'OUA ont pu paraître trop ambitieuses61.

Ce contexte idéologique de la guerre froide qui naquit au lendemain de l'adoption de la


Charte des Nations Unies et plus précisément en 1947 venait de totaliser 16 ans en 1963 à la
naissance de l’OUA.

Ce mouvement était déjà ancré au point que les Etats africains nouvellement décolonisés
se retrouvaient alliés soit au bloc Est soit au bloc Ouest. Ce qui a fait dire à Mwayila Tshiyembe
et Bukasa Mayele que les Etats africains n'ont connu de commun que la nature de l'Etat post
colonial et l'étiquette de non alignés62. Ce qui se justifiait dans la prise des décisions et des
déclarations face aux conflits qui gangrenaient le continent et permettaient de dire qu'ils étaient
différents et divers63.

Ces différences d'options et d'opinions avaient également pour origine la convoitise dont
le continent était l'objet64.

La persistance de la guerre froide avait favorisé soit l'alignement sur la politique des
grandes puissances ou la stabilisation de certains Etats, et avait conduit à de graves différends
dont l'Afrique a encore du mal pour s'en remettre.

L'exemple du conflit angolais est celui dans lequel l'appartenance au bloc était très visible
et la lutte pour la victoire finale du bloc plus accrue.

Mais bien plus avant l'Angola, la situation de l'appartenance au bloc était très perceptible
en RDC en 1960 où Lumumba était accusé d'être communiste et mis à mort.

61 SIDI SADY, Op.cit., p. 59.


62 TSHIYEMBE MWAYILA et BUKASA MAYELE, L 'Afrique face à ses problèmes de sécurité et de défense,
éd. Présence africaine, Paris, 1989, p. 45.
63 Ibidem.
64 EL1KIA MBOKOLO, L'Afrique au XXe siècle : le continent convoité, éd. Seuil, Paris, 1983, p. 86.
49

Toutes ces situations de conflit avaient permis de se rendre compte que le principe de non-
alignement et surtout celui du règlement pacifique des différends étaient un vain de mots.

Un autre élément caractéristique de cette défaillance normative est le fait qu'il y a eu un


développement des tendances bellicistes au point qu'un autre principe de l'OUA à savoir « le
respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de chaque Etat et de son droit inaliénable à
une existence indépendante » était devenu lettre morte.

Le dispositif normatif de l'OUA s'effritait également dans la mesure où ces Etats ont lancé
la solidarité africaine comme principe essentiel, rendant ainsi pragmatique le fait de résoudre
leurs problèmes par tous les moyens possibles.

L'OUA a révélé les tares congénitales de sa création à travers le texte de sa création dans
la mesure où la charte n'avait aucune clause de sécurité collective engageant les Etats à réagir
contre tout autre Etat qui serait désigné préalablement comme agresseur.

Même si le vent de la guerre froide pouvait bloquer la mise en œuvre d'une telle
disposition, son insertion aurait néanmoins rencontré le prescrit de l'article 51 de la charte des
Nations Unies.

Aussi, aurait-il fallu que les pères fondateurs puissent prévoir un mécanisme clair de
sécurité collective apte à réagir aux situations qui seraient préalablement qualifiées et prévues.

Il s'observe en conséquence que la pertinence des règles de l'OUA en matière de gestion


des conflits était limitée par des blocages inhérents à ces textes qui apparaissaient à la fois
comme trop abstraits et manquant d'équilibre interne.

Il s'agissait, suivant cette acception, des facteurs internes caractérisant cette charpente
normative. D'où, le point sur la perception extérieure de l’OUA.

IV. La perception négative extérieure des règles de l’OUA


Deux ordres de facteurs externes avaient empêché manifestement ces règles de
fonctionner. Ces facteurs extérieurs étaient en fait liés aux normes à travers les jugements portés
sur elles, les appréciations faites sur leur qualité et dont les auteurs prenaient par la suite position
sur leur applicabilité65.

65 SIDI SADY, Op.cit., p. 67.


50

La charte de l'OUA était un ensemble des normes non assorties des sanctions claires et
efficaces. Même s'il s'agissait des engagements internationaux qu’il était interdit de violer,
l'insertion de la sanction en cas de violation claire et des voies de recours efficaces auraient
permis de rendre plus adroite la qualité de la normativité des dispositions de la charte.

S'il est vrai que « pacta sunt servanda » reste le principe sacro-saint de droit international,
il est également vrai que la force d'une norme repose sur le degré d'adhésion des sujets à qui elle
est appelée à s'appliquer.

Pour deux raisons qui sont la contestation dont ils ont été victimes de la part des Etats
membres et les tares congénitales de l’inter étatisme, les règles et principes de l’OUA n'ont pas
reçu l'adhésion nécessaire et, partant, ne s’étaient pas toujours convenablement appliqués entre
1963 et 1993 ou un peu plus avant soit en 1990.

La contestation dont ces principes et règles d'une volonté de ne point les appliquer. Cette
contestation se constatait effectivement au travers des moyens mis en œuvre en vue de régler les
conflits et faire respecter les principes et objectifs de l'organisation.

En dépit de la cristallisation par l'OUA de l'intangibilité des frontières héritées de la


colonisation, la pratique même de la revendication des territoires à travers les conflits territoriaux
avait démontré que ce principe était resté lettre morte. La volonté des pères fondateurs d'éviter à
tout prix des guerres et de s'assurer la pérennité de la décolonisation s'était illustrée à travers sa
première session de la conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement du 17 au 21 juillet 1964
qui avait pris la résolution AGH/ Rés.16 sur l'intangibilité des frontières africaines 66.

Le 31 juillet 1967, par la résolution du Caire confirmant le prescrit de la charte de l'OUA,


il était réaffirmé textuellement «l'uti possidetis juris» comme un précédent considérable dans le
processus de formation du droit coutumier régional africain67.

En plus de la perception qu'avaient les Etats sur l’uti possidetis juris, comme principe
important, sa constatation avait été aussi l'œuvre de la Cour Internationale de Justice quant aux
différends territoriaux en Afrique.

66'TSHIBANGU KALALA, Op.cit., p.1913


67KALUME BEYA P, Op.cit. p.50.
51

Les conflits interétatiques comme ceux ayant opposés l'Ethiopie à la Somalie sur le désert
de l'Ogaden, l'Algérie au Maroc sur la bande de Tindouf, la RDC au Congo Brazza sur l'île
Mbamu, l'Angola à Namibie sur la bande de Caprivi, l'Ethiopie à l'Erythrée sur la bande de
désert, la RDC à la Zambie sur la Bande frontalière entre le lac Tanganyika et Moero, la RDC et
le Rwanda dans la zone neutre entre Goma et Gisenyi, la RDC à l'Angola sur les bandes
frontalières de Kahemba et Lukaya, la RDC au Burundi sur la bande frontalière du delta de
Ruzizi et de Gatumba, le Djibouti à l'Erythrée sur la péninsule stratégique sur la mer Rouge
appelée RAS DOUMEIRA, lesquels sont encore en veilleuse aujourd'hui montrent de quelle
manière ce principe a été renié68.

Les conflits réglés par la CIJ, tels ceux entre le Cameroun et le Nigeria sur la péninsule de
Bakassi, le Burkina-Faso et le Mali sur la bande d'Agacher, la Tunisie et la Jamahiriya arabe
libyenne sur le plateau continental, le Sénégal et la Guinée sur la délimitation de la frontière
maritime et entre le Tchad et le Lybie sur la Bande d'Aouzou, ont fait surgir la contestation et les
interprétations diverses sur le principe de l'uti possidetis juris, argument contre lequel d'autres
souhaitaient qu'il leur soit appliqué 1' uti possidetis de facto69. Régime, sécurité de son propre
territoire, les raisons humanitaires, l'exploitation illicite des richesses, etc.

S'il est possible de constater que la contestation individuelle des normes ne remettait pas,
en principe, en cause l'existence de celles-ci, il est également possible de conclure que cette
contestation collective constituait une forme effective d'abrogation directe des règles.

Cela est d'autant vrai que ces principes et objectifs avaient connu une contestation
collective au point qu'ils étaient devenus caducs et abrogés.

Ceci est bien remarquable dans la carence des dispositions relatives à la gestion de la paix
et de la sécurité, et à par l'abrogation tacite que les quotas ont consacré de quelques dispositions
se trouvant dans les principes et objectifs et qui intéressaient la défense et la sécurité ainsi que le
règlement des différends.

68KALUME BEYA P, Op.cit., p. 11.


69 Le Mali par exemple souhaitait qu'il soit appliqué l'uti possidetis de facto car il affirmait qu'une analyse sérieuse
de la Charte de l'OUA de mai et de la Résolution du Caire de 1964 montrait très nettement qu'aucun de ces textes
ne consacrait de manière absolue le principe de l'intangibilité des frontières africaines, voir CIJ, 1986, recueil des
arrêts, avis consultatifs et ordonnances.
52

Quant alors à l’inter étatisme, il constituait un ensemble des vices propres qui
caractérisaient les normes établies par l’OUA et leur inefficacité dans la résolution des conflits.

Il comportait en réalité deux faiblesses majeures qui se répercutaient sur la force des
normes édictées par l'organisation panafricaine à savoir le caractère facultatif du recours aux
procédures et l'absence de sanction effective.

La consécration des normes fondamentales de l’ordre juridique international peut donc


revêtir bien des acceptions différentes70; alors que les différentes approches de la notion gravitent
autour d'un noyau dur, l'apparition de ces règles révèle l'instauration d'un ordre public
international.

Ainsi, la nature facultative du recours aux procédures s'explique par les conditions de
formation des règles du droit international dans lesquelles le volontarisme est la première des
conditions.

Les entités étatiques qui édictent ces règles sont « souveraines et égales ». Selon
Chemillier Gendreau, « cette formule, fictive du point de vue des réalités sociales, signifie qu'il
n'y pas de centralisation..., le soubassement de cette absence de centralisation était dans la réalité
d'un monde divisé sur le plan culturel, d'où le recours à la souveraineté ».

La souveraineté étant un attribut essentiel de l'Etat, les règles naissent par consensus dans
les relations entre les Etats. L'application des règles du droit international se fait au gré de la
volonté des Etats et l'opposition entre l'ordre juridique international et la souveraineté tournent
presque toujours à l'avantage de la souveraineté.

Dans cette acception, les Etats africains, jaloux de leur souveraineté nouvellement
acquise, l’avaient mise en exergue face à toute règle susceptible de la remettre en cause. C'est
ainsi que s'expliquait leur non engagement dans la Commission de médiation, de conciliation et
d'arbitrage dont les dispositions faisaient des Etats de simples justiciables devant les
fonctionnaires qu'ils avaient nommés.

L'importance de cette volonté des Etats s’était manifestée dans le dispositif du mécanisme
pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits qui faisait de l'Etat le seul interlocuteur

70 COLB R., Théorie du yus cogens international, essaie de relecture du principe, ED. PUF, collection des
publications de l'IMAEL, Genève, 2001, p.166.
53

privilégié en matière de résolution des différends. De toutes ces considérations, il y a lieu de


relever également que l'absence des sanctions attachées aux décisions de l'OUA rendait
l'exécution de celles-ci très aléatoires.

L'OUA n'avait pas un pouvoir de contrainte en vue d'imposer l'application de ses


résolutions sur les conflits interafricains. En conséquence, l'interdiction du recours à la force
prônée par l'OUA ou le règlement pacifique des différends préconisés par cette organisation
n’avaient eu qu'une valeur relativement théorique.

De tout ce qui précède et en rapport avec ces normes, l'on relève qu'elles étaient fondées
sur un dogmatisme dangereux qui était celui de l'intangibilité des principes de l'OUA et de la
rigueur de leur application. C'est ce qui justifiait l'échec de l'action de ces organes surtout dans les
modalités de règlement des conflits par l'OUA car ils étaient soutenus par des principes
mythiques comme la primauté donnée aux acteurs étatiques, et au règlement politique des
différends, la non-imposition de la paix.

Ces principes avaient consacré un immobilisme négatif dans l'action de l'OUA car la
multiplication des conflits en Afrique avait suffi à démontrer l'inadaptation des règles élaborées
par l'OUA. La justification la plus idoine était le fait que les chefs d'Etats Africains ont préféré ne
pas changer ces normes, fruit d'un consensus réalisé par les pères fondateurs de l'OUA surtout
que pour garder, semble-il une unité fut-elle de façade, plutôt que de mettre en péril l'existence de
l'organisation par des modifications non souhaitées par certains Etats de son dispositif juridique.

Le dernier élément caractéristique des normes prévues dans la Charte de l'OUA était le
caractère contradictoire de celles-ci au regard d'autres principes consacrés par elle d'avec d'autres
principes du droit international. La première contradiction résidait dans la difficulté de concilier
la souveraineté et l'intégrité territoriale avec la nécessité de défendre les droits humains 71. La
deuxième contradiction était liée à l'entendement du principe d'auto détermination dans le cadre
de l'ONU et dans le cadre de l'OUA avec le principe de l'intangibilité des frontières. La troisième
contradiction visible était que l'OUA avait également consacré le principe du règlement politique
des différends alors que l'ONU consacre le même principe en autorisant éventuellement l'usage

71 Le premier principe figure dans la Charte de l'OUA tandis que le second est une exigence de la Charte africaine
des droits de l'homme et des Peuples (adoptée par la 18 e conférence au sommet réuni à Nairobi le 28 juin 1981.
'"L'exception du chapitre VIII de la Charte n'avait pas d'équilibre dans la Charte de l'OUA.
54

de la force72. Devant cette analyse, Koffi Kouame souligne le « hiatus entre la remarquable œuvre
normative de l'OUA et ses difficultés politiques »73.

Ainsi, fortement imprégné d'inter étatisme, le régionalisme africain, n'avait pas surmonté
les vices et tares relevés dans sa production juridique. Malgré tout, la réalité des conflits, leur
multiplication sur le continent traduisait d'une manière on ne peut plus claire l'échec global des
normes de l'OUA. Et le professeur Ndeshyo de conclue à ce propos :« mais, à la vérité, il manque
un véritable lien entre les objectifs et les compétences conférées aux organes, ... cette carence est
imputable, pense un auteur, au pragmatisme africain : incompatibilité entre certains objectifs,
disproportion entre les fins et les moyens, silence sur la nature des compétences des organes,
absence d'un pouvoir d'exécution, enfin incohérence entre le programme et ses voies et moyens;
là réside, semble-t-il, la plus grande faiblesse structurelle de l'organisation ».

Section 3. L’union africaine

La constitution régionale des mécanismes normatifs en matière de gestion des conflits est
née à la suite de la redynamisation des activités de l'organisation régionale qui est l'Union
Africaine avec la création du Conseil de Paix et de Sécurité dont le Protocole et le Règlement
intérieur reconnaissent et réaffirment la nécessité de travailler en harmonie et en bonne
intelligence avec les mécanismes régionaux74.

Avec cette création, il était également admis et réaffirmé les engagements que les Etats
avaient pris aux termes de l'article 4 (d) de l'acte constitutif et de l'article 3 (e) du protocole relatif
à la création du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union africaine, de mettre en œuvre une
politique de défense pour le continent africain. Cette construction s'est matérialisée avec
l'adoption de la déclaration sur la défense et sécurité et du pacte de non-agression et de défense.

I. Le pouvoir réglementaire de l’union africaine

72 KOFFI KOUAME, La Stabilisation et le maintien de la paix en Afrique de l'Ouest, inédit. Thèse Nouveau
régime, Droit international, Livre II, 1988, p.56.
73 NDESHYO RURIHOSE O., L'Héritage de ... Op.cit., pp. 120-125.
74 Article I h du protocole sur le conseil de paix et de sécurité et l’article 1h du règlement intérieur du conseil de
paix et de sécurité. Ces deux articles sont en clair relatifs aux définitions des mécanismes régionaux pour la
prévention, la gestion et le règlement des conflits. La déclaration est du 28 février 2000 et le pacte est du 37/01/2005.
55

Une organisation internationale est, de par sa détention d’une personnalité juridique


propre, une personne morale de droit public. Elle est créée par les Etats et pour les Etats au
moyen d’un traité international. Il est à la fois une convention multilatérale et la constitution de
l’organisation dont elle constitue l’acte fondateur.

En effet, en tant que convention multilatérale, le traité constitutif d’une organisation


internationale régit les rapports entre les Etats membres d’une part et entre ces derniers et
l’organisation d’autre part, notamment au chapitre des droits et obligations auxquels ils sont
réciproquement assujettis. En revanche, il est compris comme la constitution de cette
organisation, le traité constitutif se distingue d’une convention ordinaire puisqu’elle institue une
personne morale, dotée d’organes permanents.

II. Fondement du pouvoir réglementaire de l’UA

L’organisation continentale a pu évoluer en trois étapes : de l’OUA à L’UA. A vrai dire,


la charte de l’OUA est un accord sur le minimum. Elle représente le triomphe des panafricanistes
minimalistes sur les panafricanistes maximalistes, en tout cas minorisées à Addis-Abeba. Ils
n’ont pas voulu que soit instituée, déjà à partir de 1963, une organisation d’intégration à vocation
continentale. Conséquence de cette volonté c’est que la plupart des problèmes traités par l’OUA,
au cours de sa première décennie d’existence, sont d’ordre politique, ignorant pratiquement le
domaine économique75. A la lecture de sa charte l’OUA visait le renforcement des souverainetés
étatiques issues de la décolonisation.

Le traite d’Abuja instituant l’AEC vient insuffler à l’OUA une nouvelle dynamique, celle
d’une organisation aux compétences et aux organes renforcées. Désormais, elle bénéficie d’un
Transfer des pouvoirs qui relèvent de la souveraineté des Etats membres. D’ailleurs, sur le plan
interne, certains Etats ont pris l’option de prévoir, dans leurs constitutions respectives, des
dispositions relatives à l’abandon partiel de leur souveraineté. Dans cette dynamique, l’on se
retrouve en face d’une organisation continentale supranationale. En quelques sortes, le
panafricanisme maximaliste a refait surface avec la création de la communauté économique
africaine.

75 BENOUNICHE, M et Alli, « Exposé introductif sur l’approche institutionnelle », in problèmes actuels de l’unité
africaine, colloque d’Alger 25 mars-12 avril 1971.
56

L’union africaine, héritière de tout ce processus, a été dotée, à son tour, d’un dispositif
institutionnel et juridique encore plus renforcé. Les Etats membres lui ont conféré un pouvoir
réglementaire, pouvoir d’autorité et de commandement, afin de mieux réaliser ses deux objectifs
fondamentaux : le maintien de l’ordre public panafricain ainsi que l’intégration du continent pour
le développement de l’Afrique.

III. La régionalisation africaine du maintien de la paix et de la


sécurité
Aux termes de la déclaration, les Etats africains ont souligné le fait qu'il y avait une
nécessité d'une perception commune de la défense et de la sécurité commune englobant aussi
bien les aspects civils que militaires. Ces Etats considèrent que la sécurité en Afrique est
indivisible du fait, notamment, que la défense et la sécurité d'un pays africain sont directement
liées à la défense et à la sécurité des autres pays africains. Et, à cet effet, ils chargent le Conseil
de Paix et de Sécurité de mettre en œuvre la politique commune de défense de l'union.

Ainsi, l'adoption d'une politique commune de défense et de sécurité pour l'Afrique part
d'une perception africaine commune des actions que les Etats africains doivent entreprendre
collectivement pour que les intérêts et objectifs communs de l'Afrique en matière de défense et de
sécurité tels qu'énumérés aux articles 3 et 4 de l'acte constitutif de l'Union Africaine soient
défendus face aux « menaces communes » pour l'ensemble du continent.

Pour atteindre cet objectif, les Etats ont cherché à définir les termes « défense et sécurité
». Le premier, la défense, couvre aussi bien la notion classique, militaire et état-centrique de
l'utilisation des forces armées de l'Etat pour préserver sa souveraineté nationale et son intégrité
territoriale que les aspects moins conventionnels, non militaires relatifs à la protection des valeurs
et des modes de vie des populations au plan politique, culturel, social et économique. Cette
défense se lie au plan national, régional et continental car la défense de chaque pays est
inextricablement liée à celle et, de ce fait, à celle du continent africain dans son ensemble.

Le second terme, par sa définition, couvre aussi bien la notion traditionnelle et classique
d'état centrique, que celle de la survie de l'Etat et de sa protection par des moyens militaires
contre toute agression extérieure et celle non militaire fondée sur l'existence d'un nouvel
environnement et d'un grand nombre des conflits inter-Etats. Et pour comprendre et orienter leurs
actions, les Etats africains ont essayé de rendre simples les facteurs qui pourraient constituer des
57

menaces communes à la sécurité : conflits ou tensions inter-Etats, situations d'instabilité suite à


des conflits, situations humanitaires graves, …

Pour atteindre leurs objectifs et essayer de quantifier leurs actions, les Etats africains ont
spécifié les concepts et leurs contenus fixant les bases de cette politique pour que les
organisations aient une même vision. L’un des concepts le mieux explicité a été celui des
menaces communes à la sécurité.

Ils considèrent comme menaces communes à la sécurité tout danger pour les intérêts en
matière de défense et de sécurité communes pour le continent. Ces menaces communes à la
sécurité compromettent ainsi le maintien et la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité
qui peuvent être aussi bien internes qu’externes du continent ; elles peuvent être aussi bien
internes qu'externes.

La déclaration africaine semble manifestement ressortir l'aspect régional de l'Afrique dans


la mesure où elle identifie les menaces internes et externes et essayent de les quantifier pour
faciliter la qualification et la réaction impliquée76.

Comparativement à l'ONU, la constatation d'une situation ou mieux d'une de celles


prévues à l'article 39 de la Charte des Nations Unies a connu une extension d'hypothèses au point
de rendre cette opération complexe et ambiguë 77 alors que l'Union africaine, à travers
l'architecture paix et sécurité en Afrique qui prend en compte le pacte de non-agression et de
défense commune du 31 janvier 2005, a étayé de manière précise les menaces devant lesquelles
le CPS doit agir.

Ces menaces sont, pour les africains, les conflits/tensions inter-Etats, les conflits/tensions
intra-Etats, les situations d'instabilité suite à des conflits, tensions humanitaires graves ainsi que
d'autres circonstances.

76 Cette volonté caractérise la nécessité d’une grande précision dans la conduite des actions pour le maintien et est
bien conforme à l’esprit de l’article 4 en ses lettres b, j et k du protocole relatif à la création du conseil de paix et de
sécurité de l’union africaine.
77 ZAMBELLI, la constatation des situations de l’article 39 de la charte des nations unies par le conseil de sécurité.
Le champ d’application des pouvoirs prévus au chapitre VII de la charte des nations unies, Helbing et Lichtecnnann,
2009, XVII, p. 517. Dans le même sens Siciliens, l’autorisation par le conseil de sécurité de recourir à la force, in
revue générale de droit international public, 2002, volume 300, pp. 9-78.
58

Les situations de conflits /tensions inter-Etats, sont ceux qui portent atteinte à la
souveraineté, à l'intégrité territoriale et à l'indépendance des Etats membres de l'UA 78; des
incidents pouvant donner lieu à un recours à la force ou à la menace d'un recours à la force entre
Etats membres de l'Union africaine79. Entrent dans cette catégorie le non-respect du principe de
non-ingérence par un Etat membre dans les affaires intérieures d'un autre Etat membre 80;
l'agression ou menace d'agression provenant d'un pays ou d'une coalition de pays, et ce, en
violation des principes et des dispositions de la charte des Nations Unies.

Les conflits/tensions intra-Etats, quant à eux, sont principalement des situations où il


existe, d'une part, des circonstances graves comme les crimes de guerre, génocide et crimes
contre l'humanité, le non-respect du caractère sacro-saint de la vie humaine et la condamnation et
rejet de l'impunité, des assassinats politiques, des actes de terrorisme et des activités
subversives81et, d'autre part, les coups d'Etat et changements anticonstitutionnels de
gouvernement et situations qui empêchent et nuisent à la promotion des institutions et structures
démocratiques, dont l'absence de l'état de droit, d'un ordre social équitable, de la participation
populaire et de la bonne gouvernance82.

IV. Coordination entre le CPS et les mécanismes régionaux


La construction de la politique africaine de sécurité et de défense commune a pris en
compte la nécessité d'une coordination efficace et efficiente entre le Conseil de paix et de sécurité
et les mécanismes régionaux existants.

A. La reconnaissance et l’insertion des mécanismes régionaux dans


l’architecture de paix et de sécurité
Au niveau régional, les organes chargés de mettre en œuvre cette défense commune sont
notamment les mécanismes de prévention, de gestion et de règlement des conflits qui existent au
sein des différentes organisations économiques régionales. Il s'agit des mécanismes de la
CEDEAO, de la CEEAC, de l'IGAD, de la SADC, de la communauté de l'Afrique de l'Est, de la
CEN-SAD, de l'Union du Maghreb arabe et du COMESA83.

78 Point (t) de la déclaration solennelle sur la politique africaine de défense et de sécurité.


79 Point (i) (b) de la déclaration solennelle sur la politique africaine de défense et de sécurité.
80 Point (i) (c) de la déclaration solennelle sur la politique africaine de défense et de sécurité.
81 Point (ii) (c) de la déclaration solennelle sur la politique africaine de défense et de sécurité.
82 Point (ii) (g) de la déclaration solennelle sur la politique africaine de défense et de sécurité.
83 Point 26 de la déclaration sur la défense et la sécurité. ESMENJAUD R., « La force africaine... », Op.cit.
59

A ces différents mécanismes nous pouvons ajouter la CIRGL, la CEPGL qui opèrent en
Afrique centrale et œuvrent pour la promotion de la paix, de la sécurité et du développement dans
la cette région. Cette construction par voie de coordination des activités s'avère nécessaire dans la
mesure où certains mécanismes régionaux ont existé avant celui de l'Union Africaine et il fallait
impérativement l'assurer84.

Le protocole de création du Conseil de paix et de sécurité en lui-même, en considérant et


accordant un rôle d'organe de tutelle à sa structure nouvellement créée, a prévu irréversiblement
le travail en collaboration avec les structures sous régionales et les a intégrées d'office dans sa
vision générale de la nouvelle conception de la gestion des opérations de maintien de la paix en
Afrique et de sa capacité de réaction rapide devant certaines situations.

A cet effet, l'article 16 du protocole relatif au Conseil de paix et de sécurité contient


effectivement des dispositions détaillées sur la manière dont les mécanismes régionaux et le
Conseil de paix et de sécurité pourraient être structurés. Il présente la vision fondamentale dans
laquelle les mécanismes régionaux s'insèrent dans le cadre de la structure globale de sécurité de
l'Union Africaine qui a la responsabilité première de promouvoir la paix, la sécurité, et la
stabilité. La coordination de ces activités tourne autour d'un organe de coopération intégrale qui
est la Commission de l'Union Africaine.

Dans la matérialisation de cette coordination, la force africaine en attente se veut être


comme le parachèvement d'une institutionnalisation excessive et corrective africaine de paix et de
sécurité qui se positionne par rapport aux nouvelles exigences de la responsabilité de protéger car
il se dégage qu'il s'agit de la modernisation de souveraineté en Afrique. Ainsi, cette coordination
a permis de considérer la création des brigades sous régionales qui sont en principe celles se
trouvant dans les organisations.

Section 4. L’engagement de l’Afrique pour l’intégration économique

Le fait le plus marquant a la fin du XX siècle et du début de XXI siècle est, a n en point
douter, le phénomène annonciateur de la mondialisation planétaire, traduit paradoxalement au
départ par la création par les Etats d’organismes régionaux intégrés, tels que l’union européenne,
le Mercosur, l’Alena, l’union africaine, etc.

84 MVELLE A. R., « La force africaine en attente, tribune numéro21 », in Revue de défense nationale,
www.defnat.fr consulté le03/06/2012, voir Union Africaine.
60

Il s’agit de l’émergence des droits communautaires régionaux ou des ordres publics


juridiques international. Selon la juste expression de P.M Dupuis, « ces ordres publics
communautaires sont autosuffisants » c’est à dire qu’ils ont leurs propres systèmes juridiques
normatifs-organique et judiciaire- fondé sur leur immédiateté, leur applicabilité directe et leur
primauté sur les ordres nationaux y afférents.

Ils entretiennent des rapports de subordination avec le droit international public (article 52
de la charte des nations unies sur le régionalisme). Aussi, le problème de la nature juridique de l
UA consiste à déterminer si cette dernière est-elle une organisation d’intégration ou simplement,
à l’instar de sa devancière, l’OUA, de simple coopération85.

Le changement de dénomination de l’organisation panafricaine illustre parfaitement bien


la difficulté qu’éprouvent les Etats membres à s’accorder sur la voie appropriée vers l’unité de
l’Afrique. KA MANA suggère, à ce propos de la mise en place des Etats unis d’Afrique, que
mène l’intégration au sein de l’UA, pour préserver ses chances de réussite, celle-ci doit être
accompagnée d’un grand travail de dimension culturelle des peuples africains à avoir dans
l’avenir d’unité et de communauté de destin.

Pour leur part, les communautés économiques régionales sont des OI d’intégration
désignées comme telles par l’UA. Elles ouvrent à l’intérieur de 5 régions africaines. Elles
soufrent de la faiblesse des institutions démocratiques nationales, l’insuffisance des résultats
économiques et l’absence de droits politiques, civiles, économiques, sociaux et culturelles.

Toutes les OI africaines continentales comme régionales présentent ainsi un déficit de


volonté politico-juridique qui se traduit dès l’origine par l’absence ou la non- traduction des
règles communautaires dans leur charte.

§1. Le NEPAD comme nouvelle initiative panafricaine pour réduire la pauvreté sur le
continent africains.

Le NEPAD a vu le jour le 23 octobre 2001, lors du sommet de l’UA à Abuja, au Nigeria.


Il a été présenté dans le passé notamment comme étant un engagement en faveur de la bonne
gouvernance, de la démocratie, des droits de la personne et du développement économique de
l’Afrique ou encore une initiative de développement intégré, holistique et durable pour le

85 Dupuis, J.M ; l’unité de l’ordre juridique international, cité par Katambwe Malipo, op.cit. ; p.74.
61

renouveau de l’Afrique, ou enfin un engagement en faveur de l’élimination de la pauvreté en


Afrique.

Le NEPAD/ NEPAD est une promesse faite par les dirigeants africains, fondée sur une
vision commune ainsi qu’une conviction ferme et partagée qu’il leur incombe d’urgence
d’éradiquer la pauvreté, de placer leurs pays individuellement et collectivement, sur la voie d’une
croissance et d’un développement durable, tout en participant activement à l’économie et à la vie
politique mondiale. Il est ancré dans la détermination des africains de s’extirper eux-mêmes, ainsi
que leur continent, du malaise du sous-développement et de l’exclusion d’une planète en cours de
mondialisation.

Ce programme reconnait que, dans le passé, des tentatives visant à formuler des
programmes de développement au niveau du continent ont été faites. Pour des raisons diverses, à
la fois internes et externes, y compris un leadership et un degré de participation douteux des
africains eux-mes, ces programmes n’ont pas été couronnés de succès.

La pauvreté et le retard de l’Afrique contrastent vivement avec la prospérité du monde développé.


La marginalisation continue de l’Afrique du processus de mondialisation et l’exclusion sociale de
la vaste majorité de ses peuples constituent une grave menace pour la stabilité mondiale.

Le NEPAD cherche à consolider et à accélérer ces gains. C’est appel pour une nouvelle
relation de partenariat entre l’Afrique et le monde occidental et en particulier les pays fortement
industrialisés, afin de franchir l’abime du développement qui s’est élargie au fil de siècles de
relations inégales.

Le NEPAD a été présenté comme la solution idoine capable de redonner du souffle à une Afrique
en plein désarroi. De manière générale ses buts étaient résumés comme suit :

- Parvenir à une croissance annuelle moyenne du produit intérieur brut PIB de plus de 7
pourcents et s’y maintenir pendant les 16 années suivant la signature de ce programme.
- Faire en sorte que le continent réalise les objectifs convenus en matière de développement
internationale, à savoir :
 Réduire de moitié le pourcentage de gens vivants dans des conditions d’extrême
pauvreté ;
62

 Assurer la scolarisation de tous les enfants en âge de fréquenter les écoles primaires à
l’horizon 2015 ;
 Progresser vers l’égalité entre les sexes et habiliter les femmes en supprimant les
disparités entre les sexes dans les inscriptions à l’enseignement primaire et secondaire
à l’horizon 2005 ;
 Réduire le taux de mortalité infantile et post infantile de deux tiers de 1990 à 2015 ;
 Réduire le taux de mortalité des trois quarts de 1990 à 2015 ;
 Mettre en œuvre dès 2005 des stratégies régionales de développement durable pour
que les pertes de ressources écologiques aient été compensées à l’horizon 2015 ;

Ce programme est un cadre de développement, qui a été adopté au titre de document


d’orientation programme de l’UA il peut être considéré comme un processus d’élaboration et de
perfectionnement des programmes visant à renforcer le système africain d’intégration
économique et politique.

Il s’agissait essentiellement des plans conçus par les africains d’en haut et leurs
partenaires, assez souvent sans aucun rapport avec les réalités sociales et culturelles des masses
populaires qui constituent l’Afrique d’en bas. Cette Afrique que Jean marie Ela appelait l’Afrique
des villages.

Mais l’intérêt suscité par le NEPAD à sa création a conduit à poser la question de savoir
en quoi différait-il réellement des autres plans de développement ?

Pour ses initiateurs, le NEPAD diffère d’autre plans de développement en Afrique sur deux
points :

Le contexte international et consécutivement, le contexte de la mobilisation des


peuples d’Afrique et la nécessité pour eux de s’approprier le NEPAD pour leur propre
libération du joug de sous-développement économique et social.

I. La coopération avec les acteurs étatiques et non-étatiques

Comme cadre stratégique et opérationnel de coopération, le NEPAD comporte deux


volets : interne (coopération inter africaine) et externe (coopération avec le reste du monde) le
NEPAD se veut donc un partenariat de l’Afrique avec le reste du monde.
63

A. Le volet intérieur du NEPAD : ses rapports avec l’union africaine et la banque


africaine de développement

La transformation de l’OUA en l’UA et le lancement presque simultanément du


NEPAD ont engendré une certaine confusion en ce qui a trait aux relations entre l’UA et
le NEPAD. En fait, les deux organismes ont constitué des structures parallèles au début. A
présent que l’UA est solidement mise en place, le NEPAD doit être considéré comme l’un
de ses programmes, pour donner lieu à la renaissance de l’Afrique. Cela exige que le
NEPAD soit la propriété exclusive de l’UA.

Par conséquent, l’UA peut être considéré comme le lieu d’hébergement du NEPAD, que
tout le monde peut visiter et avec lequel tous peuvent interagir86.

1. Le NEPAD et la banque africaine de développement

En novembre 2001, le comité d’exécution des chefs d’Etats et de gouvernement du


NEPAD à confier à la banque africaine de développement le soin de s’occuper de l’assistance et
des services consultatifs pour la mise en œuvre de cette initiative. Le mandat spécifique, confié à
la BAD, consistait à élaborer un plan de développement des infrastructures.

Il a également été demandé au groupe de la BAD de collaborer avec la commission


économique des nations unies pour l’Afrique sur la gouvernance économique et des entreprises et
aider à promouvoir l’adoption et l’application de normes bancaires et financières.

Ainsi, l’année 2004 marque le démarrage de la mise en œuvre des programmes :


notamment le financement des infrastructures, d’une valeur totale de plusieurs milliards des
dollars américains, le lancement d’un mécanisme de financement de la répartition des projets du
NEPAD.

B. Le volet extérieur : le partenariat entre le NEPAD et l’organisation de coopération et


de développement économique

Il est admis que le partenariat est d’inspiration africaine et que son application requiert
une participation active des africains. Il ne faut pas oublier le réalisme qui part du principe selon
lequel, si l’Afrique doit être l’initiatrice de sa puissance et de son développement, ses efforts

86 GABA, la société numérique et le développement en Afrique, Paris, Karthala, 2004, p.329.


64

doivent néanmoins recevoir un acquis de l’extérieur du continent. Or, si le NEPAD reconnait la


nécessité de ce partenariat extérieur, l’originalité de sa démarche se situe au niveau de
l’appréhension et de l’organisation du partenariat extérieur87.

La nouveauté du partenariat découle du binôme « crédit aide » dont la conséquence est la


colossale dette africaine, dont le remboursement et les échelonnements n’ont fait qu’étouffer la
croissance. L’organisation de coopération et de développement économique (OCDE), créée le 30
septembre 196188, entend promouvoir une logique dans laquelle les priorités sont définies de
commun accord avec les partenaires africains. C’est à travers cet organisme que l’Afrique a
bénéficié de l’annulation d’une grande dette de la part des pays industrialisés (Canada, Russie,
Grande Bretagne, etc.)

Cependant, comme note le professeur KATAMBWE Malipo, les objectifs aussi ambitieux
du NEPAD qui se résument en promouvant des programmes concrets, assortis d’un échéancier
visant à améliorer la qualité de la gestion économique et des finances publiques ainsi que la
gouvernance des entreprises dans tous les pays participants.
le NEPAD a été dicté d’en haut et n’a pas permis une participation ouverte dans ses première
phases de conception il s’est reposait sur des fondations libérales qui se sont avérer insuffisantes ;
il est trop axé sur les priorités des bailleurs de fonds, il est plus tourné vers extérieur et le manque
de son financement menace de faire du NEPAD un autre rêve sans lendemains.

§2. LA ZONE DE LIBRE-ECHANGE CONTINENTALE


(ZLECAF)
Le projet de la ZLECAF peut être analysé dans le cadre d’un processus
d’intégration continu (1) entamé au début des indépendances africaines mais c’est la fusion du
Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA), de la Communauté d'Afrique de
l'Est (CAE) et de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) qui ouvrit la voie
à l’établissement d’un marché unique pour leur pays membre et qui à accélérer le processus de
mise en place d’une zone de libre-échange globale sur le continent (2).

87 Oswald Ndeshyo R., Manuel de droit communautaire africaine, Tome I, introduction générale : objet, source,
caractéristiques et domaines, éditions Etat et société, Kinshasa, 2011, p.143.
88 C’est un organisme transcontinental qui succède l’organisation européenne de coopération économique, créée en
1948 pour mettre en œuvre le plan Marshall.
65

I. ZLECAF dans un processus d’intégration de longue date

Inspirée de l’idéologie du panafricanisme, la ZLECAF s’inscrit dans un long


processus d’intégration globale de l’Afrique lancée par les pères des indépendances africaines au
début des années 1960. Ce processus d’intégration a pris forme avec la création de l’organisation
de l’Unité Africaine (OUA) en 1963, une entité politique supranationale censée regrouper les
pays africains autour d’un idéal commun sur plan politique mais également économique après les
avoir libérés du joug colonial.

Depuis 1963 de nombreux projets sont lancés dans le but de mener le continent vers
une union politique et économique. C’est dans cette perspective qu’on assista à la transformation
de l’OUA en l’Union Africaine (UA) en 2002 en référence à l‘Union Européenne dont l’objectif
premier est de favoriser l’intégration économique des pays européenne depuis son lancement en
1957.

Si sur le plan politique l’acceptation d’une entité politique supranationale continentale


semble être illusoire en Afrique du fait de l’attachement des Etats à leur souveraineté, la
concession sur le plan économique semble bien être perceptible. Dans ce sens, des nombreuses
initiatives visant à regrouper les Etats Africain dans des blocs économiques ont vu le jour.
Ces blocs économiques autrement appelés les Communautés Economiques Régionales sont
des fers de lance d’une Afrique tendant vers l’unité économique.

Créées par des Etats suivant leur spécificité et leur répartition géographique
régionale ou sous régionales et sous régionales et entériner par l’UA, les Communautés
Economiques Régionales (CER) ont pour but de mettre en place une zone de libre-échange
économique régionale sanctionné par la libre circulation des personnes, des biens, et des
services selon leur traité institutif89.
89 Il existe 8 Communautés Economiques régionales reconnues par l’Union Africaine. Il s’agit de Union du
Maghreb arabe (UMA), Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD), Marché commun de l’Afrique
orientale et australe (COMESA), Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), Comité économique des États
d’Afrique centrale (CEEAC), Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Autorité
intergouvernementale pour le développement (IGAD), Communauté du développement de l’Afrique australe
(SADC). Ces CER concurrent à la création d’un marché sur leur espace géographique. En dehors de celles-ci, il
existe également des Organisations économique sous-régionales qui concurrent à la réalisation du même objectif que
les CER. Ils sont pour l’heure au nombre de 3 : Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale
(CEMAC), Union douanière de l’Afrique australe (SACU), Union économique et monétaire ouest -africaine
(UEMOA).
66

Elles sont censées créer des unions économiques régionales et une synergie
économique entre leur pays membre qui doivent servir des pierres angulaires pour la création de
la zone économique continentale dépourvue de toutes entraves aux échanges entre pays africains
telle que prévue par le traité d’Abuja de 199190.

Ce traité vise dans son ensemble une meilleure harmonisation et une coordination des
régimes et instruments de libéralisation et de facilitation du commerce au niveau des CER à
travers une coopération étroite entre elles et en Afrique de façon général dans le but d’instituer la
Communauté Economique Africaine.

Mais la lenteur du processus d’intégration économique progressive via les CER


prévue par le Traité d’Abuja dû aux difficultés rencontrées par ces dernières notamment sur
le plan sécuritaire depuis plusieurs décennies dans la réalisation de leur objectifs, somme
l’UA à trouver des alternatives pouvant mener vers une union économique complète.

C’est ainsi qu’en 2012 lors de la 18èmesession ordinaire de l’assemblé générale de


l’Union africaine91 ayant pour le thème choisi « l’intensification du commerce intra-africain » 92
que surgit de l’idée de stimuler le commerce intra-africain et d’accélérer le processus de mise
en place d’une Zone de libre-échange globale sans altérer les acquis des CER dont certaines
comme le Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA), de la Communauté
d'Afrique de l'Est (CAE) et de la Communauté de développement d'Afrique australe
(SADC) ouvrit la voie à l’établissement d’un marché unique pour leur pays membre.

90 Le traité d’Abuja est un document juridique adopté par l’OUA le 3 juin 1991 visant mettre en place une
Communauté Economique Africaine. Entré en vigueur en 1994, Il a pour principal objectif selon le terme de son
article 4 de promouvoir et de renforcer la coopération entre les CER et de coordonner leur politique en vue de la mise
en place progressive de la Communauté Economique Africaine. Traité consultable en ligne sur le lien suivant :
https://wipolex.wipo.int/fr/text/200846 , consulté 22/04/2019.
91 Inye Briggs, « Jalons vers la zone de libre-échange continentale africaine : examen du plan d’action et de la
feuille de route » Centre international pour le commerce et le développement durable (ICTSD), 2012.
92 Conférence de l'Union africaine, Dix-huitième session ordinaire 29 - 30 janvier 2012 Addis-Abeba (Ethiopie),
« Intensification du commerce intra africaine », Centre Africain pour le Commerce, l’Intégration et le
Développement (CACID), 2012.
67

II. Zone de libre-échange tripartie COMESA-CAE-SADC : Précurseur du projet de


la ZLECAF

La création d’une Zone de libre-échange continentale est également impulsée d’autre


part par la décision prise en juin 2011 des chefs d’Etats et du gouvernement des Etas membres
du (COMESA), de la Communauté d'Afrique de l'Est(CAE) et de la Communauté de
développement d'Afrique australe (SADC) d'établir pour 2014 une zone de libre-échange
tripartite qui englobera les 27 États membres de ces trois CER, soit près de la moitié des pays
membres de l'UA93.

Cette initiative poussa cette dernière à mettre en place un groupe de travail technique
composé des représentants de sa Commission, des Communautés économiques régionales, de
la Commission économique pour l’Afrique, des experts de la Banque africaine de
développement et d’autres partenaires de l’UA pour l’élaboration d’un plan d’action visant à
stimuler le commerce intra-africain94.

Les propositions soumises par ce groupe de travail, s’appuyant sur l’expérience de la


COMESA-CAESADC approuvées lors du 19ème sommet de l’UA, motivèrent cette dernière a
entamé officiellement en 2015 des négociations auprès de ses Etats membres pour la création
d’une Zone de libre-échange économique continentale pour l’année 2017 avec le soutien de
certains organismes comme la commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, la
banque africaine pour le développement suivant les mécanismes d’intégration continentale
prévu le Traité de d’Abuja95 à savoir. Il s’agit de l’intégration globale par la fusion des zones de
libre-échange devant être mise en place par les CER. Elle (UA) créa dans le même sillage un
forum de négociation de la ZLECAF96 (FN-ZLEC) en 2012 dont les différentes réunions

93 « Accélération de la mise en place de la zone continentale de libre-échange », acte du Forum pour le Commerce
en Afrique 2012, document d’information, disponible sur l’URL :
http://www1.uneca.org/Portals/atf2012/Documents/ACCELERATION-DE-LA-MISE-EN-PLACE-DE-LAZONE-
CONTINENTALE-DE-LIBRE-ECHANGE.pdf , consulté le 28 août 2021
94 Epiphane G. ADJOVI & Dr Alioune NIANG, « Les bénéfices potentiels de la zone de libre-échange continentale
sur les conditions économiques et sociales des citoyens de la CEDEAO », Centre africain pour le
commerce, l’intégration et le développement (CACID), 2015.
95 Op.cit., Epiphane G. ADJOVI & Dr Alioune NIANG, « Les bénéfices potentiels de la zone de libre-échange
continentale sur les conditions économiques et sociales des citoyens de la CEDEAO ».
96 Le FN-ZLEC est composé des Etats membres de l'Union africaine (UA), des Communautés économiques
régionales, assisté par la Commission de l'UA (CUA), agissant en qualité de secrétariat, et de la Commission
économique pour l'Afrique des Nations unies.
68

permettront de relever les obstacles notamment techniques obstruant le processus de


négociation97.

Le début de ces négociations coïncida également avec l’aboutissement en 2015 des


négociations engagées en 2013 entre les pays membre de la Communauté économique des
États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), une autre CER, regroupant une quinzaine de
pays d’Afrique de l’Ouest , pour l’adoption d’un tarif douanier extérieur commun devant
permettre la création d’une union douanière ouest-africaine 98. Ces négociations ouest africaines
motivèrent d’avantage l’organisation panafricaine dans sa volonté de mettre en place un espace
économique continentale. En 2018 les négociations sous l’égide de l’UA en 2012aboutissent à
l’adoption d’un accord portant de la création de la Zone de libre-échange Continentale lors de
son sommet extraordinaire tenu à Kigali au Rwanda en mars 2018.

Cette zone de libre continentale dont la mise en œuvre était cautionnée à la


ratification d’au moins 22 Etats membres pour l’entrée de son accord fondateur fait partie
intégrante de l’agenda 2063 de l’UA depuis son adoption en mars 2018. Cet agenda 2063
est un plan d’action et vison globale de 50 ans visant à bâtir une Afrique prospère, unie et
pacifique99. Elle a été énoncée en 2013 lors du 20 ème sommet de l’Union Africaine marquant la
50ème anniversaire de la création de l’OUA/UA et adopté en 2015 lors de son 24 ème sommet
ordinaire. Il est initialement articulé depuis son annonce autour de sept piliers majeurs avec
des objectifs propres à chacun d’eux100. La ZLECAF est l’un des projets phares de l’un
des 7 piliers de cet agenda 2063101 qui sont repartis comme suit :

1) Une Afrique prospère fondée sur la croissance inclusive et le développement durable ;


2) Un continent intégré, uni sur le plan politique et ancré dans les idéaux du panafricanisme
et la vision de la renaissance africaine ;

97 Cheikh Tidiane Dieye, « La ZLEC, une réponse attendue à l’épreuve de ses propres défis ? », (ICTSD), 2017.
98 Ibidem.
99 Gambotti, Christian. « Comprendre les enjeux de l’Agenda 2063 », Géoéconomie, vol. 76, no. 4, 2015, pp.
127-128.
100 « Agenda 2063 », Bureau du conseil spécial du conseil des Nations Unis pour l’Afrique, URL :
https://www.un.org/fr/africa/osaa/peace/agenda2063.shtml , consulté le 25 août 2021.
101 Ibrahima Bayo Jr, « Zone de libre-échange en Afrique : 44 pays apposent leur signature », La Tribune
Afrique, 2018.
69

3) Une Afrique de bonne gouvernance, de démocratie, de respect des droits de l'homme, de


justice et d’état de droit ;
4) Une Afrique vivant dans la paix et dans la sécurité ;
5) Une Afrique dotée d’une forte identité culturelle, d’un patrimoine commun, et de valeurs
et d’éthiques partagées ;
6) Une Afrique dont le développement est axée sur les populations, qui s’appuie sur le
potentiel de ses populations, notamment celles des femmes et des jeunes, qui se soucie du
bien-être des enfants ;

7) Une Afrique qui agit en tant qu’acteur et partenaire fort, uni et influent sur la scène
mondiale102. Certains de ces objectifs sont d’ailleurs annoncés dans la déclaration
solennelle sur le cinquième anniversaire de l’OUA/UA adopté à l’issu du sommet de
son de 2013103. Ainsi la ZLECAF de par son objectif qu’il conviendrait de développer
dans la partie suivante est un projet qui s’inscrit dans la durée et pourrait permettre à
l’Afrique à sur la scène commerciale mondiale.

102 Ces piliers et leurs objectifs inhérents sont détaillés sur le site web de l’UA, URL :
https://au.int/fr/agenda2063/aspirations , consulté le 25 août 2021.
103 « Déclaratin silennelle sur le cinquième anniversaire de l’OUA/UA », adipté lirs de la 21 ème sessiin irdinaire
de la cinférence des chefs d’Etat et de giuvernement africain, le 26/05/2013, cinsultable sur :
https://wwwwwwuunuirg/fr/africa/isaa/pdf/au/50anniv/declaratin/2013fupdf, cinsulté 25 aiût 2021u
70

La ZLECAF dans le contexte du processus de l’intégration en Afrique :

L’adoption du Traité Début de la création Déclaration de L’adoption d’un plan


d’Abuja visant la création des communautés Monrovia mentionnait d’action de Logos
d’une Communauté économiques pour la première fois élaborant la notion de
économique africaine régionales (CER) un marché commun marché commun
(OUA) africain

1963 1970 1979 1980

L’adoption du Traité Début de la création Déclaration de L’adoption d’un plan


d’Abuja visant la création des communautés Monrovia mentionnait d’action de Logos
d’une Communauté économiques pour la première fois élaborant la notion de
économique africaine régionales (CER) un marché commun marché commun
(OUA) africain

1991 2002 2012 2014

Somment des Etats et des L’UA réaffirme sa Finalisation du L’adoption du traité


Gouvernements de l’UA volonté d’accélérer la processus de portant la création de
arquant le lancement des création de la ZLECAF négociations de la ZLECAF et ses
négociations sur la ZLECAF en 2017 lors de son ZLECAF pour le protocoles additionnels
de route pour sa mise en 26ème sommet du respect du calendrier au sommet de 2018 et
œuvre février 2016 pour 2017 son entré en 2019

2015 2016 2017 2018-2019

Schéma établit par l’auteur à partir de plusieurs sources mentionnées dans la référence bibliographique
71

III. Objectif de la ZLECAF

La zone de libre-échange continentale comme tout groupement d’organisation


étatiques du même vocation (principalement économique) traduit l'expression d'une volonté
commune des Etats d'unir des forces singulièrement insignifiantes dans le but d'établir une
structure leur servant de garant et de moyen d'affirmation collective dans leurs rapports avec
d'autres États ou groupement d'Etats plus puissant devant lesquels leur poids peut paraitre
minimum.

Il s'agit dans ce sens d'établir un certain équilibre de force notamment dans des
négociations internationales. Ces groupements d'Etats sont établis sur la base d'accord octroyant
des droits et des obligations à chaque Etat partant et concoure à la réalisation d'un objectif
généralement prévu par leur traité constitutif.

La ZLEACAF de par son processus de création n'est pas une exception à cette règle.
Depuis son annonce officielle en 2012, de nombreux observateurs économiques et
politiques104 prenant référence de l'expérience des structures du même genre tel que l'UE ou
encore la zone de libre-échange nord-américain (ALENA entre les États Unis, le Mexique et le
Canada) se sont penchés dans de nombreux articles et rapports sur ce qui pourrait être le but
de la mise en place d'une telle structure sur un continent ou les positions politiques ont tendances
à s'opposer avant même l'adoption d'un projet d’un grignotant les souverainetés étatiques .

Certaines affirmations de ces derniers sont conformes aux éléments dégagés par
l’accords portant la création de la ZLECAF en termes d'objectifs visé. Ces objectifs sont
énumérés aux articles 3 et 4 de l'accord portant la création de ladite zone de libre-échange. Il s'agit
notamment aux termes de l’article 3 de:

104 Tels que Jacob Kotcho, Expert en politique commerciale et libre circulation, Secrétariat général de la Co
mmunauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC) ; Aliou Niang, Docteur en Droit
International
Economique et Chargé du Programme Commerce et Intégration régionale au Centre Africain pour le
Commerce, l’Intégration et le Développement (CACID) ; Epiphane Adjovi Economiste, Directeur du Centre de Co
nception et d’Analyse des Politiques de Développement (CAPOD).
72

- De créer un marché unique pour les marchandises et les services par la facilitation de la
libre circulation des personnes dans le but d’approfondir l’intégration du continent
conformément au pilier de l’agenda 2063 « d’une Afrique intégrée et pacifique » ;
- De mettre en place un marché libéralisé pour les marchandises et les services ;
- De contribuer à la circulation des capitaux et des personnes physiques et faciliter
les investissements en s’appuyant sur les initiatives et les développements dans les États
parties et les CER ;
- De poser les bases de la création d’une union douanière continentale à un stade ultérieur ;
- De promouvoir et réaliser le développement socio-économique inclusif et durable,
l’égalité de genres et la transformation structurelle des États parties ;
- De renforcer la compétitivité des économies des États parties aux niveaux continental et
mondial ;
- De promouvoir le développement industriel à travers la diversification et le
développement des chaînes de valeurs régionales, le développement de l’agriculture et la
sécurité alimentaire ; et ;
- De résoudre les défis de l’appartenance à une multitude d’organisation qui se
chevauchent, et accélérer les processus d’intégration régionale et continentale.

A ces objectifs qui incombe directement à la zone de zone de libre-échange en tant


que structure visant à faciliter les opérations économiques entre Etats sur le continent, il incombe
également ces derniers de s’impliquer aux termes de l’article 4 du traité pour rendre
opérationnalisation effective de ce projet continental. Pour ce faire l’article exhorte les Etats à :

- A éliminer progressivement les barrières tarifaires et non-tarifaires au commerce des


marchandises;
- A libéraliser progressivement le commerce des services ;
- A coopérer en matière d’investissement, de droits de propriété intellectuelle, de politique
de concurrence, dans tous les domaines liés au commerce, dans le domaine douanier et
dans la mise en œuvre des mesures de facilitation des échanges ;
- A établir un mécanisme de règlement des différends concernant leurs droits et
obligations ;
73

- Et enfin établissent et maintiennent un cadre institutionnel de mise en œuvre et de gestion


de la ZLECAF.

La mise œuvre et l’accompagnes de ces objectifs doit être suivi et supervisé par un
ensemble organe qui sont plus ou moins communs à toutes les organisations interétatiques.
Dans ce cas de la ZLECAF comme dans beaucoup d’autre structure ayant la même vocation, on
trouve dans son accord de création la Conférence, le Conseil des ministres, le Comité des hauts
fonctionnaires du commerce et le Secrétariat.

IV. Organes de la ZLECAF

On retrouve les mêmes organes qui sont plus ou moins à l’ensemble des organisations
interétatiques.

A. Conférence

Comme toute organisation étatique, elle est suprême de la ZLECAF. Composé des
chefs d’Etats et des Gouvernements, elle est l’organe de décision et de contrôle et émette des
orientations sur le fonctionnement de le ZLECAF. Il coordonne les activités et approuve les
interprétations de l’accord et les recommandations pouvant Lui être soumis par le Conseil des
Ministres105.

B. Conseil des ministres

Le Conseil des ministres est composé des ministres du commerce ou tout autres
ministres dument désigné à cet effet par les Etats parties à l’accords. Il a pour principale mission
d’assurer et de veiller à la mise en œuvre effective de l’Accord 106. Il se réunit au moins deux fois
par deux fois par an en session ordinaires et en cas de besoin en session extraordinaire. Ses
décisions sont approuvées par la Conférences et sont contraignantes pour les Etats.

C. Comité des hauts fonctionnaires du commerce

105 Artcle du 10 du Traité piur la Créatin de la ZLEECA.u


106 Ees attributins du Cinseil des ministres sint énumérées en détail aux paragraphes 1 à 6 de l’artcle 11 du
traité de la ZLEECA.u
74

Il est composé secrétaires généraux ou directeurs généraux, ou de tout autre


fonctionnaire désigné par chaque État partie. Il met en œuvre les décisions prises par le Conseil
des ministres. Il est responsable du développement des programmes et plans d’action pour la mise
en œuvre de l’Accord et assure le suivi et le bon fonctionnent de la ZLECAF et coordonne les
actions du secrétariat107.

D. Le Secrétariat

Le secrétariat est organe classique commun aux organisations interétatiques chargé


par ces derniers de gérer leurs affaires courantes. Dans le cas de la ZLECAF, l’article 13 de
l’Accord constitutif le prévoyant reste pour l’heure évasif sur ses fonctions et attributions. Cette
situation est loin d’être surprenant eu regards aux attributions et fonctions dévoilés au Conseil
des ministres et au comité des haut fonctionnaires qui sont chargé de veiller au bon
fonctionnement de la ZLECAF. Néanmoins, l’article 13 s’efforce de lui trouver une place au
sein de l’architecture institutionnelle de la ZLECAF et de lui conférer une autonomie vis-à-vis
de la Commission de l’UA qui doit provisoirement exercer les fonctions qui doivent être
attribué ultérieurement au Secrétariat par le Conseil des ministres avant sa création.

V . Défis à relever pour la ZLECAF

La réalisation des ambitions susdites de l’UA à travers ce projet de libre-échange


continentale doit être accompagnée d’un programme de développement et de modernisation
continue des infrastructures de transport à l’intérieur et entre les pays africains mais
également du secteur industriel qui permettrait de transformer les produits bruts.

Concernant les infrastructures de transport, certains projets de développement


d’infrastructure continentale ont vu le jours et ont été intégré au Programme de Développement
des Infrastructures en Afrique (PIDA) lancée par l’UA en 2012 lors de son 18 ème Sommet. Ce
programme rassemble des nouveaux et anciens projets infrastructurels déjà existant avant son
lancement.

107 Tiut cimme le Cinseil des ministres, ces attributins spécifques sint détaillées dans les paragraphes 1 à 5 de
l’artcle 12 de l’accird de la ZLEECA.u
75

Cette initiative est composée de 51 programmes et regroupe plus de 400 projets


repartie par secteur dont 26 projets pour le domaine du transport (notamment routier et
ferroviaire) repartie un peu partout sur le continent. Mais nombreux sont ce qui ne sont pas
complétement finalisés et opérationnels dans leur entièreté 108. Or l’expérience démontre
notamment en Europe et ailleurs en Amérique du Nord que la mobilité des biens et des
personnes demeure l’élément central de tout processus de libre-échange. Cette circulation des
biens et des personnes ne peut être effective sans infrastructures de transport adéquat qui réduirait
le temps, les frais de transport mais également des prix des produits échangeables.

Les projets d’infrastructures routiers et ferroviaires relavant du programmes PIDA


sont soit en phase d’élaboration/structuration/construction(comme le Projet ferroviaire Ouest
Africain[connu également sous le nom de Boucle ferroviaire ouest-africain]devant relier la
Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Niger, le Bénin, et Togo ou encore le projet de chemin
devant relier le Mali, la Guinée et la Côte d’ivoire) soit à un certain niveau d’avancement
(comme plusieurs portions de l’autoroute continentale Alger-Lagos)109.

Ces projets peinent pour l’heure à couvrir le minimum des besoins infrastructurels
du continent. Leurs financements dépendant en grande partie des fonds alloués par les
partenaires des extérieurs de l’UA. Ces financements manquent régulièrement de constance
d’une année à une autre en fonction du bon vouloir des donateurs. Ils dépendent mais aussi
d’une contribution modeste des pays africains (41% du budget alloué au développement du
secteur de transport selon le rapport 2017du Consortium pour les infrastructures en
Afrique -IAC). Il est donc impératif au préalable de mettre en place des mécanismes de
financement stable et continu des projets d’infrastructure pour assurer un minimum
d’interconnexion entre les pays africains.

Or ce projet de libre-échange continentale malgré son enracinement profond dans


l’agenda du développement durable de l’UA pour 2063 semble ne pas constituer une priorité
immédiate des gouvernements nationaux qui manquent fréquemment des moyens pour financer
leurs propres projets de développement nationaux et souvent beaucoup sont confrontés à

108 Jacques Berthelot, Op.cit.


109 L’ensemble des projets afférent au domines des transports sur l’ensemble du continent sont détaillés dans le
rapport 2017 du Consortium pour les infrastructures en Afrique (IAC).
76

l’insécurité et l’instabilité politique notamment les pays du sahéliens et certains pays d’Afrique
centrale. Ces situations constituent également d’autres facteurs pouvant entraver la viabilité de la
ZLECAF.

Le secteur du transport n’est le seul qui mérite d’être développé pour l’effectivité de
la zone de libre-échange continentale. Encore faudrait-il avoir de quoi à échanger. La
principale exportation des pays africains demeure à près de 80% constituée des matières
premières ou des produits agricoles bruts ou non transformés (comme le coton ou le Cacao).
Cette dépendance des économies africaines aux produits de base accroit leur vulnérabilité
sur le marché international et les expose à la volatilité des prix de ces derniers.

Pour ce faire, des mesures doivent prises afin d’assurer un avenir radieux au
commerce africain. Cet avenir est tributaire de celui de la ZLECAF qui cherche créer un espace
commercial dépourvu de toutes contraintes entre les pays africains.

VI. L’Avenir de la ZLECAF

La mise en place effective et la viabilité d’un tel projet ne peut être effective à la
suite d’une diversification des secteurs d’activités économiques à travers l’industrialisation et la
transformation des produits de base en produit manufacturé ou finis qui permettront aux pays
africains d’avoir des choses à se proposer de créer de l’emploi et de réduire à termes les
dépendances de leur économies aux ressources extractives (hydrocarbures et minerais) et à
l’importation des produits finis ou manufacturés.

Si des projets d’infrastructures de transport font timidement leur avancer de part et


d’autre sur le continent, le domaine industriel quant à lui peinent encore à trouver son chemin.
L’Afrique reste le contient le moins industrialisé au monde en dépit de ses potentialités
énergiques. Le secteur industriel ne contribue que très peu modérément à la création des
richesses sur le continent et l’Afrique ne représente que 1.6% dans la production
manufacturière mondiale110.

Cette situation résulte l’inexistence de stratégie commune de développement industriel


comme il peut y en avoir pour le domaine de transport. Le développement du secteur industriel
110 Moncef Klouche, « Contexte industriel en Afrique : un déclin durable ? », La Tribune Afrique, 2017.
77

reste l’apanage des Etats qui adoptent leur propre stratégie de développement en la matière. Par
ailleurs il n’existe pas de programme ou de fond d’aide propre à l’UA pour soutenir le
développement industriel de ses pays membres à l’image du Fond structurel et de cohésion de
l’UE destiné à aider ses pays membres les moins avancés se mettre économiquement au même
niveau que les autres111.

Hormis le Nigeria, l’Afrique du Sud et quelques d’Afrique du Nord comme le


Maroc, le secteur d’industriel peine encore à se faire une place dans la majorité des
économies africaines. Pourtant l’industrialisation reste le moteur du développement et de la
croissance économique mais également de la production manufacturière voire de la
diversification économique.

Par ailleurs l’expérience de l’industrialisation de nombreux pays asiatiques


notamment ceux qualifiés de « Quatre dragons» et d’autres de « Nouveaux Tigres asiatiques» qui
ont amorcé leur processus de développement industriel à partir des années 1960-1970 112 est
révélatrice du rôle du secteur industriel dans le développement et dans la croissance
économique.

Aujourd’hui les pays asiatiques en particulier la Chine demeurent l’un des


principaux exportateurs des produits finis (Manufactures et biens de consommation) dans le
monde113. Ce positionnement économique sur le marché international est le résultat d’une forte
d’industrialisation entamée dans les années 1960-1970.

A cet égard, le développement industriel demeure indispensable pour l’effectivité de


la ZLECAF et doit être hissé au rang des priorités dans les économies africaines ce qui
pourrait leur permettre d’avoir de quoi échangé entre elles notamment en diversifiant et en
augmentant leur productivité qui pourrait leur permettre de satisfaire la demande et la
consommation intérieure avec des produits localement transformés. Cela pourrait
sensiblement réduire l’importation des produits finis, booster la compétitivité des

111 « Industrialisation en Afrique : réaliser durablement le potentiel du continent », Rapport d’étude PCW, 2019.
112 Philippe Régnier, « Histoire de l'industrialisation et succès asiatiques de développement : une rétrospective de la
littérature scientifique francophone », Mondes en développement, vol. 139, no. 3, 2007, pp. 73 -96.
113 DominiqueBarjot, « L’ascension économique de l’Asie : quels facteurs ? Quels modèles ? », Entreprises et
histoire, vol. 90, no. 1, 2018, pp. 6-24.
78

économies africaines mais également accroitre la part de l’Afrique dans les échanges
internationaux à travers l’exportation non pas seulement des produits bruts mais également des
produits transformés sur le continent Or sans industrialisation la ZLECAF ne créera qu’un
marché géant sur le continent avec très peu de produits africains à échangés. A cet effet, elle
serait un simple instrument de facilitation de la circulation des produits importés d’autres
régions du monde.

En dehors de la nécessité d’accorder une attention particulière au développement des


secteurs évoqués, ce projet de libre-échange, aussi ambitieux qu’il soit, doit être accompagné en
premier lieu d’une volonté politique forte mais également un travail d’association,
d’implication, de sensibilisation et d’information de la population africaine pour un entérinement
profond de ce projet continental de libre-échange économique, de circulation et d’établissement
des personnes.

Car c’est à peine son accord de création soumis à l’adoption des Etats membre de
l’UA en mars en 2018 que le projet essuya ces premières réticences politiques qui sont loin
d’être de moindre. Son accord de création n’est toujours pas adopté par l’un des ténors de
l’économie africaine en l’occurrence le Nigeria, première puissance économique pays le plus
peuplé du continent doté d’une importante capacité d’industrielle et productive dans le
secteur manufacturier. Ce pays de par son importance démographique et économique en
Afrique n’a toujours pas signé l’accord de la ZLECAF. Il craint l’impact de cette de zone de
libre plus particulièrement sa dimension liberté de circulations des personnes qui serait une
menace l’emploi des Nigérians114.

D’autres pays notamment, le Burundi, l'Érythrée, la Namibie et la Sierra-Leone ou


encore le Zimbabwe n’ont pas encore signée l’accord. Si pour l’heure la posture protectionnistes
de ces derniers particulièrement le Nigeria n’a pas d’incidence majeure sur le processus
d’adoption et de ratification de l’accord de la ZLECAF par les autres pays du continent, elle
pourrait non seulement constituer un frein pour un libre-échange effectif mais également un
manque à gagner pour le marché continental unique prévu par le traité d’Abuja. Malgré ces

114 Ristel Tchounand, « ZLEC : Pourquoi le Nigeria prend tout son temps ? », La tribune Afrique, 2018. Un vaste
de zone de libre-échange va voir le jour en Afrique », BFM Business, 2018.
79

réticences, le quorum minimum de ratification (22 ratifications) exigé pour l’entrée en


vigueur de l’accord fut atteint115.

Mais en absence d’une acception effective (signature et ratification) de l’accord


comme ce fut le cas tout au long du processus d’élaboration de l’union européenne qui reste
la référence mondiale en termes d’intégration économique, la mise œuvre totale de l’accord
du projet africain d’intégration économique continentale s’avèrerait ardu.

Cependant l’espoir reste tout de même de mise quand on analyse le processus


de construction de l’Union Européenne qui démarra depuis 1957 avec seulement 6 pays et qui
en compte aujourd’hui60ans plus tard près d’une trentaine et pays et reste ouvert à d’autres
adhésions. Le projet africain est certes différent de celui de l’Europe de par son processus
d’élaboration, d’adoption et de mise en œuvre.

Réunir en moins de 5 ans (du début des négociations en 2015 à l’adoption de l’accord
constitutif de la ZLECAF en 2018) plus de 50 pays au niveau de développement différent dans
tous les domaines avec des politiques commerciales différentes, des régimes tarifaires
différents et des faibles infrastructures de transport au sein d’une union économique qui leur
créera des droits et des obligations nouvelles est difficilement réalisable à court terme.

Si le projet semble pour l’heure avoir fait écho favorable auprès d’une
cinquantaine d’Etats sur 54 avec plus de 22 instruments de ratification nécessaire déposé
auprès de l’UA pour l’entrée en vigueur de son accord prévu pour le 32 ème sommet de l’UA qui
se tiendra Niamey (au Niger)en juillet 2019116, sa concrétisation à court terme comme le souhaite
ses concepteurs reste à notre sensillusoire au regard des défis et des obstacles pouvant entraver sa
viabilité effective.

115 « La zone de libre-échange continentale bientôt effective », LE POINT | AFRIQUE, 2019.


116 Ibrahima Bayo Jr, « Zone de libre-échange en Afrique : 44 pays apposent leur signature », La tribune Africaine,
2018.
80

CHAPITRE CINQ: RAPPORTS ENTRE LES OIA ET LES ETATS


MEMBRES ET RAPPORTS ENTRE LES OIA

Section1. L’ouverture des constituants africains au droit communautaire africain

Certaines Constitutions africaines de l’espace francophone aménagent une place de choix


à l’intégration africaine en prévoyant la possibilité de conclure des accords comportant l’abandon
partiel, voire, total de souveraineté pour réaliser l’unité africaine 117. A titre indicatif, l’article 217
de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 est ainsi libellé :
« La République Démocratique du Congo peut conclure des traités ou des accords d’association
ou de communauté comportant un abandon partiel de souveraineté en vue de promouvoir l’unité
africaine »118. Cet article fait partie de la clause de coordination entre la Constitution et les traités
d’intégration119. Il est reproduit dans des termes similaires ou identiques par plusieurs
Constitutions de l’espace francophone et ce, sans que la finalité de l’unité africaine ne soit

117 O. NDESHYO RURIHOSE (dir), op.cit., pp.229-235 ; N. MOUELLE KOMBI, « Les dispositions relatives aux Conventions
internationales dans les nouvelles Constitutions des Etats d’Afrique francophone, Annuaire africain de Droit international, vol.8,
2000, pp.223-263 ; C. D’ORSI, « Les spécificités du droit international en Afrique sub-saharienne avec une particulière référence
à l’intégration du droit international dans l’ordre juridique interne des pays d’Afrique sub-saharienne », Revue hellénique de droit
international, 58ème année, n° 2, 2005, pp. 593-615.Voy. aussi la communication d’Alain ONDOUA, « Existe-t-il un droit national
de l’intégration communautaire en Afrique francophone », Symposium juridique de Libreville organisé les 21 et 22 novembre
2013 sur le thème « Comment fabrique-t-on le droit en Afrique », inédit.
118 Cette disposition est quasi identique à celle de l’article 96.4 de la Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001, telle
qu’ajournée au 15 juin 2014, qui dispose : « La République du Sénégal peut conclure avec tout Etat africain des accords
d'association ou de communauté comprenant abandon partiel ou total de souveraineté en vue de réaliser l'unité africaine ». Cette
disposition est reprise comme telle par l’article 146 de la Constitution du Burkina Faso dans sa révision du 11 juin 2012 (La loi n°
033-2012/AN du 11 juin 2012), par l’article 133 de la Constitution du Niger de 1999 dans sa mise à jour au 22 septembre 2004.
La grande différence avec la Constitution de la RDC réside dans la possibilité d’un abandon total de souveraineté qui n’est pas
prévue dans cette dernière. L’article 117 de la Constitution malienne du 27 février 1992 est rédigé dans la même optique que
l’article 217 de la Constitution de la RDC (abandon partiel de souveraineté).
119 A propos des clauses de coordination, voy. H. ASCENSIO, « Les relations extérieures », M. TROPER, et D.
CHAGNOLLAUD, (dir), Traité international de droit constitutionnel. Tome 2. Distribution des pouvoirs, Paris, Dalloz, 2012,
pp.659-704, spécialement aux pp.672-673.
81

nécessairement énoncée120. Elles ne précisent pas par ailleurs la différence, du point de vue des
effets juridiques, entre les accords d’association et ceux de communauté.

Le professeur Kazadi Mpiana range parmi les accords d’association ceux portant sur la
coopération, la coordination, la concertation, l’harmonisation des politiques, des points de vue
des Etats africains dans certains secteurs particuliers (politique, diplomatique, sécuritaire etc.) 121.
Il poursuit en disant que si cette approche d’accords d’association est retenue, l’on pourrait
conclure qu’ils ne sont pas bénéficiaires des dispositions similaires à celle évoquée de l’article
217 de la Constitution congolaise dans la mesure où leur conclusion n’entraîne pas
nécessairement un abandon partiel de souveraineté 122. Les organes des accords d’association
recourent à la coordination des activités des Etats et en principe, ils sont dépourvus de toute
compétence d’adopter des actes susceptibles de produire directement des effets de droit à
l’intérieur des Etats. Si au contraire les accords d’association ne se distinguent pas des accords de
communauté, ils sont visés par les dispositions similaires à celle de l’article 217 de la constitution
de la RDC dans la mesure où les organes de ces associations peuvent partager l’exercice de
certaines compétences traditionnellement réservées aux États avec ces derniers dans des
matières délimitées ou en fonction des objectifs. C’est en ce sens qu’il convient de lire, que la
rédaction de l’article 185, al.2 de l’Avant-projet de la Constitution du Burkina Faso de 2017
remis au Président de la République par la Commission constitutionnelle disposant : « Le
Burkina Faso peut conclure des accords d’association ou d’intégration avec d’autres Etats
africains impliquant une délégation ou un abandon partiel ou total de souveraineté en vue de
réaliser l’unité africaine ».

120 Les Constitutions africaines anglophones ne prévoient pas des dispositions en rapport avec les accords d’association et/ ou
des communautés. A titre illustratif, les articles 122 et 123 de la Constitution ivoirienne disposent : « La République de Côte
d'Ivoire peut conclure des Accords d'association avec d'autres États. Elle accepte de créer avec ces États des Organisations
intergouvernementales de gestion commune, de coordination et de libre coopération (…) Les accords d’association peuvent être
constitutifs d’organismes intergouvernementaux ayant notamment pour objet : l’harmonisation de la politique étrangère, de la
politique économique, financière et monétaire, l’établissement d’Unions douanières, l’harmonisation des plans de développement,
la coordination de l’organisation judiciaire, la coopération en matière de défense, la coopération culturelle, scientifique, technique
et sanitaire etc. (Loi n°2000-513 du 1er août 2000 (Titre XIII de la Constitution relatif à l’Association et à la coopération). Dans
cette même optique se lisent l’article 133 de la Constitution du Niger dans sa révision du 22 septembre 2004 et l’article 182 de la
Constitution du Congo-Brazzaville du 20 janvier 2002 : « La République du Congo peut conclure des accords d’association avec
d’autres Etats. Elle accepte de créer, avec ces Etats, des organismes inter-gouvernementaux de gestion commune, de coordination,
de libre coopération et d’intégration ». L’article 115 de la Constitution gabonaise telle que révisée par la loi n°13/2003 du 19 août
2003 est rédigé en ces termes: « La République gabonaise conclut souverainement les accords de coopération ou d'association
avec d'autres États. Elle accepte de créer avec eux des organismes internationaux de gestion commune, de
coordination et de libre coopération ».
121 KAZADI MIANA J. cours de droit communautaire africain, faculté de droit, UNILU, 2019-2020, inédit.
122 Idem
82

L’abandon total de souveraineté conduit à l’extinction de l’Etat alors que ce dernier peut
renoncer à certains attributs de souveraineté (abandon partiel). Elle exprime en filigrane l’idée du
transfert de certaines compétences au profit des organes institués par ces communautés ou ces
organisations123. A cet effet, il est rarissime d’y concevoir un abandon partiel de souveraineté ou
encore un transfert de compétence au profit de leurs organes.

C’est ainsi qu’analysant la clause relative à la conclusion des accords d’association ou de


communauté comportant un abandon partiel ou total de souveraineté dans certaines Constitutions
africaines (Sénégal, Bénin), Saidou NOUROU TALL écrit que « cette disposition traduit les
limitations de souveraineté opérées par la participation à des organisations communautaires
(UEMOA, CEDEAO, OHADA) avec un droit communautaire originaire ou dérivé prenant le pas
sur le droit interne. Elle constitue ainsi un pari sur l’avenir de l’intégration du continent »124.

La capacité pour une organisation internationale africaine à partager avec les Etats
l’exercice de certains attributs de souveraineté, quoique dans des domaines limités, qui lui fait
bénéficier les dispositions sus-évoquées. Il peut s’agir de l’exercice exclusif ou concurrent du
pouvoir législatif ou judiciaire. L’OHADA, la CIMA 125, la CEMAC, l’UEMOA, la SADC, le
COMESA, dans une certaine mesure, illustrent mieux ces propos dans la mesure où les
législateurs nationaux ne détiennent plus le monopole de légiférer dans tous les domaines et le
principe de souveraineté judiciaire connaît des limites. A titre indicatif, pour les Etats appartenant
à l’OHADA, la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) se substitue aux juridictions
nationales de cassation pour l’application et l’interprétation du droit OHADA. Un auteur, à
l’issue d’un raisonnement estime que dans le cadre de l’OHADA les Etats n’ont pas procédé à
l’abandon de leur souveraineté, mais au contraire il s’y produit une « coordination de
souveraineté-compétence législative entre l’OHADA et les organes législatifs des Etats parties,

123 En effet, abonde C. MAUGUE, « Le Conseil constitutionnel et le droit supranational » Pouvoirs, n°105, 2003/2,
pp.53-71, spéc. à la p.58 la distinction entre limitations et transferts de souveraineté (rectius de certains attributs de
souveraineté) n’a de sens que s’il s’agit de transférer des compétences d’un organe national à un organe
international, mais n’est que de peu d’utilité dans les autres cas.
124 S.N. TALL, « Les références au droit international public dans les Constitutions africaines francophones :
exemples du Bénin, du Sénégal et du Togo », in Démocratie en question ? Mélanges en l’honneur du Professeur
Théodore HOLO, Toulouse, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2017, pp. 121-130, spéc. à la p. 129.
125 Elle n’est pas dotée d’une juridiction.
83

d’une part, et une coordination de souveraineté compétence-judiciaire entre la CCJA et les


juridictions nationales d’autre part »126.

Certaines prérogatives ne souffrent d’aucune aliénation ou transfert. Elles sont soit


considérées comme conditions essentielles à l’exercice de souveraineté ou comme manifestation
des identités nationales que les organisations internationales sont censées respecter. Les États
demeurent souverains et décident les domaines dans lesquels ils désirent soit exercer en commun
certaines compétences avec l’organisation internationale ou à transférer à celle-ci en toute
exclusivité, certaines compétences (d’attribution) dans des domaines délimités ou en fonction des
objectifs127. Le fait même de conclure des accords internationaux, y compris ceux relatifs à
l’institution des organisations internationales, fait partie de l’exercice des attributs de la
souveraineté. Par conséquent l’adhésion n’altère en rien la souveraineté, mais peut en affecter
l’exercice128.
L’avènement de l’OHADA, au regard de son insertion, dans le droit interne des États
membres, a sollicité l’intervention des juridictions constitutionnelles de certains États concernés
pour sa conformité à leurs Constitutions. Tel a été notamment le cas de la décision de conformité
rendue par le Conseil constitutionnel sénégalais le 16 décembre 1993 et l’arrêt du 5 février 2010
de la Cour suprême de justice de la République démocratique du Congo, faisant office de Cour
constitutionnelle. En effet, dans son arrêt du 5 février 2010, la CSJ conclut, en ayant à l’esprit la
particularité du traité soumis à son appréciation que « de l’examen des dispositions susvisées, la
C.S.J. constate que celles-ci sont des clauses de transfert de compétence et de limitation de
souveraineté des Etats membres au profit de l’OHADA, susceptibles d’être adoptées en vertu de

126 I. NDAM, « La coordination de souverainetés dans l’espace Ohada », Penant, 878, pp. 53-90, spéc. à la p. 56.
127 Voy. Raymond Carré de Malberg cité par Christophe GESLOT : les compétences étatiques peuvent être
divisées, partagées, et la souveraineté qualité indivisible d’un pouvoir indépendant dont le propre est de détenir la
compétence de la compétence, c’est-à-dire la maîtrise de la répartition des compétences. Par définition, le titre de
souveraineté ne se prête à aucun partage, sinon il disparaît. En revanche, l’exercice des attributs de la souveraineté
peut bien faire l’objet d’une délégation (C. GESLOT, « L’exercice en commun des compétences du point de vue de
l’Etat », Y.P. MONJAL, et E. NEFRAMI, (dir), Le commun dans l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2009,
pp.121-151, spéc. à la p.135). Cette idée a été reprise dans d’autres termes par le doyen Isaac cité par H. GAUDIN,
« L’exercice en commun des compétences comme fondement d’un ordre constitutionnel commun », Y.P. MONJAL,
et E. NEFRAMI, (dir), op.cit., pp.203-218, spéc. à la p.208 lorsqu’il affirme : « Les compétences attribuées aux communautés ne
sont pas abandonnées, mais exercées en commun, elles sont confiées à des institutions communes ».
128 Voy. sur ce point NGUYEN QUOC DINH (+), P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Droit international public, 8ème
édition, Paris, LGDJ, 2009, p.139. Certains auteurs sont par contre d’avis que l’intégration régionale constitue une forme
d’atteinte à l’exercice de la souveraineté dans le cadre du transfert à des OI de certains attributs constituant l’essence des
prérogatives régaliennes de l’Etat. A titre indicatif, M.P. DE BRICHAMBAUT, J.F. DOBELLE, avec la contribution de F.
COULEE, Leçons de droit international public, 2ème édition, Paris, Presses de Sciences Po et Dalloz, 2011, p.43.
84

l’article 217 de la Constitution qui édicte : La République Démocratique du Congo peut


conclure des traités ou des accords d’association ou de communauté comportant un abandon
partiel de souveraineté en vue de promouvoir l’unité africaine. S’agissant des autres dispositions
du traité, elle relève que celles-ci n’appellent aucune observation particulière ; il s’ensuit que le
susdit traité ne comporte aucune clause contraire à la Constitution »129.

La disposition prévue dans ces Constitutions, consentant la conclusion d’accords


d’association ou de communauté comportant l’abandon partiel de souveraineté en vue de
promouvoir l’unité africaine, a été utilement exploitée pour déclarer la conformité du droit
OHADA avec les Constitutions concernées130 ou encore les dispositions du Préambule.

A titre illustratif, le Conseil constitutionnel sénégalais fait ainsi de l’aspiration à l’unité africaine,
un principe général de droit constitutionnel. Il s’ensuit que l’OHADA, engagement international
en vue de l’unité africaine, serait conforme à la Constitution 131. Bien que les articles 14 à 16 du
Traité OHADA réduisent les attributions de la Cour de cassation sénégalaise telles qu’elles sont
définies par l’article 82, alinéa 3 de la Constitution, ils sont compatibles avec l’article 3 du
préambule qui dispose que le peuple sénégalais, soucieux de préparer l’unité des Etats de
l’Afrique et soucieux d’assurer les perspectives que comporte cette unité ne ménagera aucun
effort pour la réalisation de l’unité africaine d’autant plus que le Traité OHADA, dans son
Préambule, ne prescrit des limitations de compétence nationales qu’en vue d’accomplir de
nouveaux progrès sur la voie de l’unité africaine132.

129 Arrêt de la C.S.J. n°Rconst.112/TSR du 05 février 2010 relatif à la conformité à la Constitution du traité de Port-Louis du 17
octobre 1993 instituant l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), p.1. Pour l’analyse critique
de cet arrêt nous pouvons suggérer la lecture de la contribution de Marcel Wetsh’Okonda Koso portant sur cet arrêt et disponible
sur le blog http : //ddata.over-blog.com/1/35/48/78/RD-congo/marcel-wetsh-okonda-koso-arrêt-csj-5-fevrier-2010-OHADA.doc
consulté le 9 juillet 2015; WETSH’OKONDA KOSO SENGA, M., Les textes constitutionnels congolais annotés, Kinshasa,
Editions de la Campagne pour les droits de l’homme au Congo, 2010, p.515. C’est nous qui mettons en relief.

130 Pour le Sénégal, voy. notamment AMSATOU SOW SIDIBE, « Communication introductive générale ». Les Actes du
Colloque de Ouagadougou du 24-26 juin 2003, Les cahiers de l’Association ouest africaine des Hautes Juridictions
francophones, pp.47-67, spéc. à la p.58 ; P. K. KAMBALE, « Quelques considérations sur la compatibilité du Statut de la Cour
pénale internationale avec certains principes constitutionnels en Afrique francophone », Revue de droit africain, n°21, 2002,
pp.41-65. Pour le commentaire de l’arrêt de la Cour suprême de la RDC, voy. M. WETSH’OKONDA KOSO SENGA, Les textes
constitutionnels congolais annotés, Kinshasa, Editions de la Campagne pour les Droits de l’Homme au Congo, 2010, p.515 ; J.
KAZADI MPIANA, La Position du droit international dans l’ordre juridique congolais et l’application de ses normes, Paris,
Publibook, 2013, pp.160-162.
131 P. -G. POUGOUE (dir.), Ohada. Encyclopédie du droit, Paris, Lamy, 2011, p. 1328.
132 Avis n° 3/C/93 du 16 décembre 1993 du Conseil constitutionnel du Sénégal reproduit sur le site wwwwwwuihadaucim consulté le
10 janvier 2015. Par contre, dans son avis n° 037/CS/98 du 1er octobre 1998 de la Cour suprême du Congo, celle-ci avait considèré
que les dispositions des articles 14, alinés 3, 4 et 5, 15, 16, 18, 20, 25, alinéa 2 du Traité OHADA n’étaient pas conformes à l’Acte
fondamental du 24 octobre 1997, notamment en ses articles 71 et 72. Tiré de wwwwwwuihadaucim consulté le 10 janvier 2015.
85

La Cour constitutionnelle du Bénin, s’est fondée, sur d’autres considérations, dans sa décision
DCC 19-94 du 30 juin 1994 pour conclure en la compatibilité du traité OHADA avec la
Constitution. Elle affirme « qu’un abandon partiel de souveraineté dans le cadre d’un traité ne
saurait constituer une violation de la Constitution dans la mesure où celle-ci, à l’article 144, a
prévu que le Président de la République négocie et ratifie les traités et accords internationaux et
que ledit traité se justifie, au surplus, par la nécessité de l’intégration régionale ou sous-
régionale affirmée par le préambule et l’article 149 de la Constitution (…) Considérant , au
surplus, qu'en admettant même que les clauses du Traité prescrivent un abandon de souveraineté,
l'on peut soutenir valablement en se fondant sur la Constitution, qu'elles ne sont pas
inconstitutionnelles ; qu'en effet, l'on lit dans le Préambule de la Constitution: " Nous, Peuple
béninois... proclamons notre attachement à la cause de l'Unité africaine et nous engageons à tout
mettre en œuvre pour réaliser l'intégration sous-régionale et régionale" ; que l'article 149 de la
Constitution dispose: " la République du Bénin, soucieuse de réaliser l'Unité africaine, peut
conclure tout accord d'intégration régionale ou sous-régionale conformément à l'article 145 " ;
que la réalisation de l'Unité africaine implique nécessairement un abandon et à tout le moins une
limitation de souveraineté ; qu'une telle limitation ou un tel abandon partiel de souveraineté à un
fondement constitutionnel; qu'il faut et suffit alors qu'une Loi en autorise la ratification eu égard,
bien entendu, au principe de réciprocité affirmé par l'article 147 de la Constitution; Considérant
que le Traité portant Organisation de l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA) signé à Port-Louis le 17 octobre 1993 contient certes un abandon partiel de
souveraineté dans le but affirmé par le préambule " d'accomplir de nouveaux progrès sur la voie
de l'Unité africaine "»133.

Dans son Avis juridique n° 2009-002/CC sur la conformité à la Constitution du Traité de l’Union
Monétaire Ouest africaine (UMOA) signé à Ouagadougou le 21 janvier 2007, le Conseil
constitutionnel du Burkina Faso a jugé les dispositions dudit Traité non contraires à la
Constitution qui poursuit dans son Préambule « l’intégration économique et politique avec les
autres peuples d’Afrique en vue de la constitution d’une unité fédérative de l’Afrique ».

Dans sa Décision DCC 11 042 du 21 juin 2011, la Cour constitutionnelle du Bénin a jugé que le
Président avait méconnu la Constitution en ne respectant pas des engagements internationaux
dérivant aussi du droit communautaire : « (…) qu’il en est de même du Traité créant l’Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine et des actes dérivés notamment le pacte de
convergence, de stabilité de croissance et de solidarité qui comporte des engagements, dont le
respect du ratio masse salariale sur recettes fiscales ne devant pas dépasser 35% ; qu’en ne
respectant pas les engagements internationaux souscrits par le Bénin, le Gouvernement a
133Pour une lecture complémentaire de la compatibilité du traité OHADA avec les Constitutions des Etats membres,
voy. J.J. RAYNAL, « Intégration et souveraineté : le problème de la constitutionnalité du traité OHADA », article
consulté en ligne le 9 juillet 2015 à l’adresse
http://library.ohada.org/greenstone/collect/dohada/index/assoc/HASH01b0.dir/integration-et-souverainete.pdf
86

méconnu la Constitution ». Dans son arrêt n° 006/CC/MC du 27 mai 2013, la Cour


constitutionnelle du Niger relève que l’autorité supérieure conférée aux traités internationaux sur
les lois « ne confère pas au Traité et aux Actes uniformes de l’OHADA une valeur
constitutionnelle ».

La vocation africaine d’intégration prévue dans le préambule de certaines Constitutions africaines


a été exploitée pour déclarer conforme à la Constitution un traité qui ne se référait pas pourtant à
une organisation africaine d’intégration. A titre illustratif, la Cour constitutionnelle de Guinée a
considéré que « le préambule de la Constitution de la République Démocratique du Congo
réaffirme son attachement à la cause de l’unité africaine, de l’intégration sous-régionale et
régionale du continent ; que l’Accord de création de la Facilité africaine de soutien juridique
répond à cet objectif constitutionnel »134.

Au regard de ces illustrations nous pouvons conclure que la primauté du droit


communautaire sur le droit national résulte de la volonté des constituants africains et non de sa
nature intrinsèque. Les juridictions citées se sont fondées sur les dispositions figurant dans le
texte constitutionnel pour justifier la conformité du traité de l’OHADA. En d’autres termes, nous
pouvons affirmer à la suite de Jean-Denis MOUTON à propos de la primauté du droit de l’Union
européenne en droit français que la prévalence de la norme européenne n’est pas fondée sur ses
qualités intrinsèques, elle procède des acceptations constitutionnelles nationales. L’ordre
juridique intégré traduit en réalité par un monisme tempéré, c’est-à-dire une primauté du droit de
l’Union fondée sur les Constitutions135.

La Décision du Conseil constitutionnel (français) n° 2012-653 DC du 9 août 2012


relative au Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union
économique et monétaire le rappelle dans ses considérants 8 et 9 en ces termes : « Considérant
que la République française participe à l'Union européenne dans les conditions prévues par le
titre XV de la Constitution ; qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République
participe à l'Union européenne, constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun
certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13
134 Cour constitutionnelle de Guinée. Arrêt n° AC 12 du 13 juin 2016. Affaire : Demande de contrôle de conformité
à la Constitution de la Loi L/2016/010/AN autorisant la ratification de l’Accord portant création de la facilité
africaine de soutien juridique.
135 J-D. MOUTON, « Les 50 ans de l’arrêt Costa ; de la primauté absolue des juges ? Conclusions », Revue de l’Union
européenne, n.593, 2015, pp. 649-652, spéc. à la p. 651.
87

décembre 2007 » ; que le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique de l'Union
européenne intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international.
Considérant que, tout en confirmant la place de la Constitution au sommet de l'ordre juridique
interne, ces dispositions constitutionnelles permettent à la France de participer à la création et au
développement d'une organisation européenne permanente, dotée de la personnalité juridique et
investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les États
membres ».

Les États africains sont réticents à doter les organes des OIA de compétences normatives.
La portée du droit dérivé produit par les organisations continentales, régionales et sous-régionales
africaines n’y a pas conquis une place privilégiée. Les actes uniformes de l’OHADA ainsi que les
actes adoptés dans le cadre de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), tout
comme ceux adoptés dans le cadre de la CEMAC, CIMA, à titre indicatif, constituent des oasis
de la pertinence d’un droit dérivé dans un désert surpeuplé par des mécanismes
intergouvernementaux. Le droit dérivé de nature « communautaire » se manifeste dans une
certaine mesure dans les organisations internationales africaines développant principalement un
droit communautaire largement ou partiellement effectif. C’est au sein des OIA développant ce
droit que se manifeste principalement la répartition des compétences avec les Etats136.

Section 2. Répartition des compétences entre les OIA et les États membres

Elle se fait soit de manière conventionnelle en insérant des dispositions spécifiques sur
une clé de répartition, soit de manière empirique avec parfois le secours auxiliaire de
l’interprétation dégagée par la jurisprudence en s’inspirant des objectifs des traités ou encore de
manière « naturelle ». Dans cette dernière hypothèse, et à titre purement illustratif, les États
instituant une Union douanière confient à l’organisation la compétence exclusive sur la politique
commerciale commune à travers la fixation d’un tarif extérieur commun. En effet, par la
substitution du TEC aux différents tarifs nationaux, il y a pratiquement abandon de souveraineté
en matière de politique commerciale et douanière, et même un abandon partiel de souveraineté en
matière de fiscalité de porte137.

136 KAZADI MPIANA J, copcit.p.95.


137 T. ZOGBELEMOU, Droit des organisations d’intégration économique en Afrique. (CEDEAO-CEMAC-UEMOA-ZMAO),
Paris, L’Harmattan, 2014, p. 37.
88

La Cour de justice de l’UEMOA s’est prononcée, par voie d’avis (n°02/2000 du 2 février
2000) sur la compétence exclusive de l’Union à propos de l’interprétation de l’article 84 du traité
relatif à la politique commerciale commune. Pour la Cour, la politique commerciale commune
tant intérieure qu’extérieure de l’Union relève de la compétence exclusive de cette dernière ; sous
peine de violation des dispositions de l’article 7 du traité, les Etats membres ne peuvent ni
individuellement, ni collectivement négocier ou conclure des accords internationaux en matière
commerciale, sauf dans le cas prévu à l’article 85 du traité ou dans celui relevant d’accords dits
mixtes couvrant à la fois des domaines relevant des compétences exclusives de l’Union et des
Etats membres.

La compétence de l’Union est exclusive en matière de politique commerciale commune


sauf dans les hypothèses concernant : - des négociations commerciales au sein d’organisations
internationales dans lesquelles l’UEMOA ne dispose pas de représentation propre : dans ce cas
les Etats membres conforment leur position de négociation aux orientations définies par le
Conseil des ministres ou coordonnent leur position de négociation. Dans ce cas l’intervention des
Etats est limitée au stade de l’élaboration des recommandations du Conseil des ministres à la
Commission qui est seule chargée de négocier ; c’est le cas des accords négociés au sein de
l’OMC ; - de négociations d’accords mixtes couvrant à la fois des domaines relevant des
compétences exclusives des Etats membres et de l’Union ; il y a donc compétences partagées
entre les Etats membres et l’Union138. En d’autres termes, « (…) à côté des compétences retenues
des Etats membres dont l'exercice est garanti par leur autonomie institutionnelle, il existe avec le
même principe d'autonomie institutionnelle une compétence exclusive de l'Union mise en
évidence par des dispositions parfaitement identifiables dont celles des articles 82, 83 et 84 du
Traité relatif à la politique commerciale qui prescrivent en vue de la réalisation des objectifs du
Traité une politique commerciale commune comprenant notamment la détermination par actes
juridiques communautaires du Tarif Extérieur Commun, de mesures de défense commerciale, de
politique d'exportation, de négociation et de conclusion d'accords commerciaux bilatéraux ou
multilatéraux avec des Etats ou organisations internationales.

138 Tous ces passages sont tirés de T. ZOGBELEMOU, Droit des organisations d’intégration économique en Afrique.
(CEDEAO-CEMAC-UEMOA-ZMAO), Paris, L’Harmattan, 2014, pp. 90-91.
89

Ces dispositions d'ordre externe sont mises en œuvre dans les termes non équivoques de l'article
84 du Traité qui n'envisage en aucun cas l'intervention des Etats membres au stade de la
négociation, ces derniers ne pouvant intervenir qu'au stade de l'élaboration des recommandations
du Conseil à la Commission et éventuellement en tant que membres du comité ad hoc constitué
par le Conseil des Ministres. Les seules exceptions admises par le Traité quant à l'exercice de la
compétence exclusive de l'Union dans ce domaine de la politique commerciale commune sont :
1) celles de l'article 85 où l'Union ne peut disposer de représentation propre au sein d'une
organisation internationale (certaines organisations internationales n'admettant pas d'autres
organisations comme membres), ce qui fait tomber le cas dans la catégorie des accords inter-
étatiques ; 2) celles relatives aux accords dits mixtes où coexistent l'Union et les Etats membres.
Ces cas ne sont pas prédéfinis par les Traités et relèvent plutôt de pratiques communautaires. Ces
cas d'accords mixtes dépendent en principe de compétences partagées entre les Etats membres et
l'Union ; ils sont donc exclusifs des compétences réservées de l'Union et des compétences
retenues des Etats membres. Il s'agit d'accords dont l'objet dépasse en quelque sorte la
compétence de la Communauté et empiète sur la compétence des Etats membres. On peut citer à
titre d'exemples européens les Accords ACP-CEE de Yaoundé et de Lomé qui ont pour objet une
coopération au développement, la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer qui
englobe toute la politique économique relative à l'exploitation de la mer ; quant à l'Accord du
GATT (accord portant sur les politiques commerciales) dont la mixité s'explique par son
antériorité au Traité d'intégration économique européenne, il est en principe de compétences
exclusives de l'Union ; c'est pourquoi la CEE s'est a posteriori totalement substituée aux Etats
membres aussi bien dans leurs droits que dans leurs obligations respectifs. Ces accords mixtes,
comme tous les accords communautaires, ne peuvent en aucun cas affecter le Traité constitutif et
les actes pris en son application.

En résumé, on peut dire que dans l'hypothèse de compétences exclusives où pour la mise en œuvre
d'une politique commune, l'Union a pris, par actes communautaires, des dispositions communes,
les Etats membres ne sont plus en droit ni individuellement, ni collectivement, de contracter,
encore moins de négocier avec des Etats tiers des obligations portant sur ce domaine. En effet, les
dispositions de l'article 7 du Traité prescrivent aux Etats membres l'obligation de s'abstenir de
prendre toute mesure de nature à compromettre l'application du Traité ».
90

Les États instituant une Union monétaire se dessaisissent de leurs compétences nationales
sur la politique monétaire en la confiant à une institution « supranationale ». C’est notamment le
cas des missions confiées à la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC), qui constitue
l’institution d’émission commune de l’Union monétaire de l’Afrique centrale au sein de la
CEMAC. Elle détient le privilège exclusif de l’émission monétaire. Ses missions sont
déterminées à l’article 22 de la Convention régissant l’Union monétaire de l’Afrique centrale
(UMAC) : « définition et conduite de la politique monétaire de l’Union, émission des billets de
banque et des monnaies métalliques, conduite des opérations de change, détention et gestion des
réserves officielles des changes des États membres, promotion des systèmes de paiements,
(…) »139.

Toutefois, à travers le mécanisme de la surveillance multilatérale, les Etats demeurent actifs dans
la réalisation par chacun d’eux des engagements souscrits. En effet l’exercice de la surveillance
consiste à « vérifier d’une part, la conformité des politiques économiques nationales aux grandes
orientations définies par les organes communautaires et, d’autre part, la cohérence des politiques
nationales avec la politique monétaire commune »140. A titre exemplatif, dans le cadre de la
convergence des politiques économiques, les Etats de la CEMAC ont retenu quatre critères de
surveillance multilatérale depuis 2001 : 1) le solde budgétaire de base (hors dons) rapporté au
PIB doit être positif ou nul ; 2) le taux d’inflation annuel ne doit pas dépasser 3% ; 3) le taux
d’endettement public doit être inférieur ou égal à 70 % du PIB ; 4) la non accumulation par les
Etats d’arriérés intérieurs et extérieurs sur la gestion de la période courante 141. Dans le Plan
Indicatif stratégique de développement régional (RISDP) de la SADC élaboré en 2005, les
critères de convergence macro-économique ont été dégagés en vue d’aboutir, en 2018, à l’Union
monétaire de la SADC. A cette date il est demandé aux Etats de maîtriser leur taux d’inflation à

139 Sur ce point J. MOUANGUE KOBILA et L. DONFACK SOKENG, « La CEMAC : à la recherche d’une
nouvelle dynamique de l’intégration en Afrique centrale », Annuaire africain de droit international, vol.6, 1998,
pp.65-105, spécialement à la p.86 ; N. MOUELLE KOMBI, « Les aspects juridiques d’une union monétaire :
l’exemple de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC) », Afrilex, n°4, pp.87-131.www.afrilex.u-
bordeaux4.fr, pp.87-131, spéc. à la p.113.
140 T. ZOGBELEMOU, Droit des organisations d’intégration économique en Afrique. (CEDEAO-CEMAC-
UEMOA-ZMAO), Paris, L’Harmattan, 2014, p. 66.
141 Voy. Th. DZAKA-KIKOUTA et G. TCHOUASSI, « Intégration régionale en Afrique centrale : une analyse des
théories, des contraintes et des perspectives », M. FAU-NOUGARET (dir.), La Concurrence des organisations
régionales en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2012, pp. 207-227, spéc. à la p. 223. Voy. aussi pour une étude
complémentaire S. KWAHOU, « L’influence du droit communautaire sur les finances publiques nationales : le cas
des Etats de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) », Revue de droit
international et de droit comparé, 2013, n° 3, pp. 353-393.
91

la hauteur de 3%, le rapport déficit/PIB entre 3 et 1 %, le rapport dette/PIB de l’ordre de 60%


alors que le rapport Compte courant/PIB devrait se situer à 9 %.142.

En bref, les compétences dans les OIA développant le droit communautaire, sont soit
exclusives, partagées ou encore concurrentes. La Cour de justice de l’UEMOA, dans son avis
n°01/2007 du 19 octobre 2007 distingue d’une part les compétences générales et d’autre part les
compétences spécifiques. Les premières sont exercées dans les domaines d’harmonisation des
législations nationales, des politiques communes et des politiques sectorielles 143. La
caractéristique de l’exercice de ces compétences réside dans le fait qu’elles sont partagées entre
l’Union et les Etats membres. Par contre les secondes (compétences spécifiques) procèdent d’un
transfert de souveraineté qui implique une compétence exclusive. La principale caractéristique
découle du fait que les Etats membres sont dépossédés de tout pouvoir. C’est notamment les cas
de la politique monétaire, du marché commun, de la politique commerciale, du droit de la
concurrence144. Dans cet avis, la Cour reconnaissait que la compétence de l’Union à conclure des
accords d’investissement n’était pas exclusive vu le défaut d’une base juridique appropriée. Elle a
toutefois souligné qu’en attendant l’édiction d’une norme nouvelle communautaire, l’Union doit
concéder un partage de compétences aux Etats membres. Par conséquent, ces derniers pourront
continuer de conduire des négociations en vue de conclure des accords en matière
d’investissement dans le respect des directives édictées et des accords conclus par l’Union, tout
conflit en la matière devant être réglé sur la base du principe de la primauté du droit
communautaire sur le droit interne, et du principe de coopération des articles 6 et 7145.
Certains traités prévoient clairement une répartition des compétences entre les organes et
institutions communautaires et les États. A titre illustratif, dans le cadre de l’OHADA, les
matières faisant l’objet d’actes uniformes sont de la compétence du Conseil des ministres de
l’OHADA à moins que lesdits actes réservent aux États membres le soin de les intégrer par

142 S. MBENZA, « La convergence macroéconomique dans la région SADC », DOUNIA (Revue d’intelligence
stratégique et des Relations internationales, n° 4, Paris, L’Harmattan, Octobre 2011, pp. 52-63. Voy. aussi dans le
même numéro de la Revue la contribution d’A. NYEMBWE, « Intégration monétaire dans la SADC : besoin et type
de leadership monétaire », pp. 37-51.
143 La politique commune est définie comme « un ensemble de lignes de conduite, de règles et de mesures
proposées et/ou adoptées par les institutions communes établies par les Etats membres ». Voy. N. MOUSSIS,
« Théorie de l’intégration : les politiques communes comme fondement de l’intégration multinationale » cité par A.
TCHAMENI, op.cit., p. 37.
144 T. ZOGBELEMOU, op.cit., p. 96.
145 Voy. T. ZOGBELEMOU, Droit des organisations d’intégration économique en Afrique. (CEDEAO-CEMAC-
UEMOA-ZMAO), Paris, L’Harmattan, 2014, p. 96.
92

l’adoption des dispositions complémentaires, notamment en matière des sanctions pénales 146. Le
droit des Etats membres de l’OHADA qui n’est pas contraire au droit sécrété par cette dernière
continue de s’appliquer.

Il en est de même de la CEMAC et de l’UEMOA qui partagent avec les États membres la
règlementation relative à la concurrence147. Selon la Cour de justice de l’UEMOA, la concurrence
fait partie du domaine exclusif de l’Union en matière des pratiques anticoncurrentielles (Avis
n°3/2000 du 27 juin 2000 relatif à l’interprétation des articles 88, 89, 90 du Traité sur les règles
de concurrence de l’Union)148. Interprétant ces articles, la juridiction communautaire a relevé que
la compétence exclusive de l’Union se lit à travers les dispositions du traité de l’UEMOA,
notamment en ses articles 89 et 90 qui, instituant, en matière de concurrence, un régime juridique
propre à la compétence attribuée à la communauté précisant les actes juridiques utilisables à cette
fin, les mécanismes de l’exercice de la compétence et désignant les organes communautaires en
charge de la mise en œuvre de la compétence. Elle précise que si les dispositions des articles 88,
89 et 90 du traité de l’UEMOA relèvent de la compétence exclusive de l’Union et que les Etats
membres ne peuvent exercer une partie de la compétence dans le domaine de la concurrence, ils
peuvent néanmoins légiférer pour prendre les dispositions pénales réprimant les pratiques anti-

146 Voy. A. FOKO, « Le droit OHADA et les droits nationaux des Etats-parties : une complémentarité vieille de
plus d’une décennie », Revue de droit international et de droit comparé, vol.85, n°4, 2008, p.445-490 ; J.
FOMETEU, « Le clair-obscur de la répartition des compétences entre la Cour commune de justice et d’arbitrage de
l’ohada et les juridictions nationales de cassation », A. AKAM AKAM (dir.), Les mutations juridiques dans le
système OHADA, Paris, L’Harmattan Cameroun, 2009, pp.37-69 ; G. BAKANDEJA WA MPUNGU, « Les
institutions de l’OHADA », P. De WOLF et I. VEROUGSTRAETE (dir.), Le droit de l’OHADA : son insertion en
République Démocratique du Congo, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp.15-46 ; Voy. aussi l’étude de C. MOUKALA-
MOUKOKO, « L’Etat de l’application du droit pénal des affaires OHADA dans les Etats-parties », Ecole Régionale
Supérieure de la Magistrature (ERSUMA-BENIN) disponible à l’adresse
http://wwwwwwuihadaucim/cintent/newwsletters/1939/driit-penal-ihadaupdf
147 Voy. M. BAKHOUM, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence dans
l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), Berne, Bruxelles, Stamfli Editions, Bruylant,
2007,425 p ; R. NJEUFACK TEMGWA, « Étude de la notion de collaboration dans les procédures en droit de la
concurrence : une lecture du droit africain (CEMAC et UEMOA) sous le prisme du droit européen », Revue de droit
international et de droit comparé, 2009, n°1, pp.73-103.
148 Cité par O. BOUGOUMA, « La dimension commerciale des accords de partenariat économique : quelle
stratégie pour le régionalisme ouest africain ? », Journal du droit international, Avril-Mai-juin 2011, pp.337-363,
spéc. à la p.351. T. ZOGBELEMOU, Droit des organisations d’intégration économique en Afrique. (CEDEAO-
CEMAC-UEMOA-ZMAO), Paris, L’Harmattan, 2014, p. 92. La régulation de la concurrence intéresse aussi d’autres
organisations internationales africaines comme la SADC, le COMESA, la CEDEAO dans le cadre des zones de
libre-échange qu’elles établissent. Sur ce point M. BAKHOUM, « Perspectives de la politique de la concurrence
dans l’espace OHADA. Point de vue africain », E. BALATE et S.MENETREY (dir.), Questions de droit
économique : les défis des États africains. INEADEC-Actes des colloques de Bruxelles et Yaoundé, Bruxelles,
Larcier, 2011, pp.325-356, spécialement aux pp.327-328.
93

concurrentielles, les infractions aux règles de la transparence du marché et à l’organisation de la


concurrence149.
A propos de la répartition « empirique » des compétences entre les organisations et les
États, nous pouvons citer le cas de la mise en œuvre, au sein de la CEEAC, de la contribution
communautaire d’intégration (CCI), qui constitue une source d’autofinancement au sein de cet
espace régional150. Les États membres sont tenus de l’intégrer dans leurs législations, d’en assurer
le prélèvement, d’en tenir la comptabilité. Ils sont également chargés de régler son contentieux.
La CEEAC doit ouvrir et tenir les comptes de la CCI, mettre en place une cellule ou une unité de
coordination CCI au niveau du Secrétariat général, gérer les recettes CCI, exécuter les budgets, et
rendre compte aux organes délibérants. Ces derniers, à leur tour, adoptent le budget général
annuel de la Communauté ainsi que les budgets spécifiques 151. Dans le cadre de l’OHADA, nous
pouvons faire allusion à la Déclaration de Québec de la Conférence des Chefs d’Etat et de
gouvernement qui pouvait se lire en ces termes : « Les ministres des finances des Etats membres
de l’OHADA ont mandat de prendre toutes les dispositions utiles pour l’application effective du
mécanisme de financement autonome de l’OHADA découlant du Règlement n° 002/20037CM
du 18 octobre 2003 relatif au mécanisme de financement autonome de l’OHADA et ce, à compter
du 1er janvier 2009152.

La répartition des compétences peut découler de l’économie générale du traité. Ainsi, en


disposant à l’article 3 que le Code des assurances en annexe constitue la législation unique des
assurances pour les États membres, il y a lieu d’affirmer que ces derniers sont dépossédés de leur
compétence législative en matière des assurances dans les conditions et limites prévues par le
traité et les règlements CIMA adoptés par le Conseil des ministres. Le Traité CIMA, tout en
prescrivant, à l’article 44, l’obligation des États de s’abstenir d’intervenir dans le champ de
149 T. ZOGBELEMOU, Droit des organisations d’intégration économique en Afrique. (CEDEAO-CEMAC-
UEMOA-ZMAO), Paris, L’Harmattan, 2014, p. 94.
150 La CCI se définit comme une taxe communautaire à l’importation des marchandises des Etats membres en
provenance des pays tiers pour la mise à la consommation dans la Communauté. Son taux est de 0,4 % de la valeur
en douane (CAF). Voy. Th. DZAKA-KIKOUTA et G. TCHOUASSI, « Intégration régionale en Afrique centrale :
une analyse des théories, des contraintes et des perspectives », M. FAU-NOUGARET (dir.), La Concurrence des
organisations régionales en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2012, pp. 207-227, spéc. à la p. 224.
151 Voy. sur ce point la contribution pertinente de R. ADOUKI, à qui nous avons emprunté fidèlement, ou en
extrapolant, certains passages. R. ADOUKI, « Le renouveau spectaculaire d’une organisation internationale sous
régionale en hibernation : la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) à l’épreuve de
quelques dispositions conventionnelles internationales », Revue de droit africain, n°43, 2007, pp.253-280,
spécialement aux pp.276-280.
152 P. –G. POUGOUE (dir.), op.cit., p. 1323.
94

compétence de la CIMA, leur confie cependant la charge d’assurer l’exécution matérielle et


juridique des actes adoptés par ses organes (article 45). Au sein de la SADC, nous pouvons
évoquer une répartition « tripartite des compétences » ou mieux le processus d’adoption des actes
juridiques dans le cadre de la SADC entre les organes communautaires et les Etats. Le Conseil
des ministres recommande à la Conférence des Chefs d’Etats et de gouvernement l’adoption des
protocoles, lesquels sont soumis à la signature et à la ratification des Etats parties (art. 22 du
Protocole).

Section. 3 Modalités d’exercice de la compétence des OIA

Au regard de la prédilection en faveur de l’harmonisation, technique permettant aux Etats


de disposer d’une certaine marge discrétionnaire dans la mise en œuvre du droit communautaire
et que la densité de ladite harmonisation est fonction de la nature et des objectifs de l’OIA
concernée, les institutions des OIA se limitent à exercer leur compétence en respectant le
principe de proportionnalité. Celui-ci est énoncé clairement par l’article 5 du Traité UEMOA qui
dispose : « Dans l’exercice des pouvoirs normatifs que le présent Traité leur attribue et dans la
mesure compatible avec les objectifs de celui-ci, les organes de l’Union favorisent l’édiction de
prescriptions minimales et de réglementations-cadres qu’il appartient aux Etats membres de
compléter en tant que de besoin, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives »153.
Ce principe veut que l’action des OIA se limite à l’adoption des actes strictement nécessaires
pour atteindre les objectifs du traité constitutif.

Il en est de même du principe de solidarité qui est énoncé sous différentes formes : la
reconnaissance de la situation particulière de certains Etats qui peuvent bénéficier des mesures
discriminatoires favorables. C’est le cas notamment des « dispositions spéciales en faveur des
pays sans littoral, insulaires, partiellement insulaires, semi-enclavés et/appartenant à la catégorie
des pays les moins avancés » qui figurent au chapitre XVII du Traité de la CEEAC154. Ce principe

153 L’article 4 (e) du même Traité précise en outre que l’harmonisation doit être faite dans la mesure nécessaire au
bon fonctionnement du marché commun, les législations des Etats membres et particulièrement le régime de la
fiscalité.
154 Art. 71 : « 1. Les Etats membres, conscients de la situation économique et sociale particulière des pays sans
littoral, insulaires, partiellement insulaires et semi-enclavés, conviennent de leur accorder un traitement spécial en ce
95

suppose de développer un esprit communautaire autour d’un idéal commun, de veiller à la mise
en œuvre d’une politique d’aménagement du territoire équilibré, ainsi qu’à la prise en compte des
problèmes spécifiques des zones les plus défavorisées. Il vise à assurer la cohésion sociale et
politique de l’Union par un soutien aux populations et aux zones les plus défavorisées, afin de
supprimer progressivement les disparités155.

Il peut également se manifester dans l’interdiction faite aux Etats de prétendre bénéficier des
avantages de la Communauté au prorata de leur contribution financière. C’est notamment le cas
de l’UEMOA qui, en son article 49, al. 2 dispose qu’« aucun Etat ne peut invoquer une
équivalence entre sa contribution financière et les avantages qu’il tire de l’Union ». Dans sa
décision sur le barème des contributions et les sources alternatives de financement de l’Union
africaine, la Conférence de l’Union africaine le fait asseoir sur les principes de solidarité et
d’équité, selon la capacité de payer et de manière à veiller à ce qu’aucun pays ne supporte une
part disproportionnée du budget. Le principe est que les cinq Etats membres disposant d’un PIB
supérieur à 4% contribueront à hauteur de 60 pour cent du budget à parts égales tandis que les
Etats membres avec un PIB supérieur ou inférieur à un 1% paieront en fonction de leur capacité à
payer156.

Le principe de spécialité, cher à la théorie des organisations internationales, est repris dans les
différents traités fondateurs. A titre indicatif, l’article 11 du traité de la CEMAC de 2008 dispose
que les institutions, les organes et les institutions spécialisées de la communauté agissent dans la
limite des attributions et selon les modalités prévues par le traité ; l’article 16 du traité de
l’UEMOA énonce que les organes agissent dans la limite des compétences définies par le traité
de l’UMOA de 1973 et de celui de l’UEMOA. L’art. 6.2 du traité abonde dans le même sens : les
institutions de la Communauté exercent leurs fonctions et agissent dans les limites des pouvoirs
qui leur sont conférés par le traité et par les protocoles y afférents ». L’article 9 (4) du Traité de la
Communauté de l’Afrique de l’est dispose dans cette même optique : « Les organes et les

qui concerne l’application de certaines dispositions du présent Traité et conformément audit Traité (…) 2. A cet
effet, les Etats membres conviennent d’apporter leur concours aux efforts des pays sans littoral (…) dans leur volonté
d’alléger au maximum les handicaps géographiques de manière à améliorer et favoriser la mise en place d’une
infrastructure intégrée de transports et de communications, notamment en leur permettant un accès plus facile à la
mer ».
155 T. ZOGBELEMOU, Droit des organisations d’intégration économique en Afrique. (CEDEAO-CEMAC-
UEMOA-ZMAO), Paris, L’Harmattan, 2014, p. 79.
156 Conférence de l’Union, vingt-cinquième session ordinaire tenue du 14 au 15 juin 2015 à Johannesbourg. Parmi
les cinq Etats figurent l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Algérie, l’Egypte.
96

institutions de la Communauté exerceront leurs activités et agiront dans les limites des pouvoirs
que leur confère le présent traité ». Les organes du Marché commun exercent leurs fonctions et
agissent dans les limites des pouvoirs qui leur sont conférés par le présent Traité ou en vertu de
ce dernier (Art. 7 point 4 du Traité COMESA). Les OI n’agissent qu’en vertu de leurs attributions
et au regard des finalités. La théorie des pouvoirs implicites s’applique également dans le cadre
des OIA.

Le principe de subsidiarité, quoique non expressément prévu par de nombreuses OIA, est
inhérent à la plupart des OIA développant le droit communautaire largement ou partiellement
effectif, vu le partage des compétences sous forme d’un certain « fédéralisme international »
entre les organes communautaires et les Etats membres. En effet, le principe de subsidiarité
signifie que « dans le domaine qui ne relève pas de la compétence exclusive d’une Communauté
économique, celle-ci n’intervient que si, et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée
ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en
raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau
communautaire »157. Ce principe s’est dégagé dans le processus d’intégration européenne et il a
été repris par le Traité de Lisbonne entré en vigueur en 2009.

Le principe de coopération. Celui-ci a été tiré notamment de l’interprétation de l’article 7


du Traité de l’UEMOA par la Cour de justice de cette organisation sous-régionale dans son avis
n°01/2007 du 19 octobre 2007 en vertu duquel les Etats membres apportent leur concours à la
réalisation des objectifs de l’Union en adoptant toutes mesures générales ou particulières, propres
à assurer l’exécution des obligations découlant du traité158. L’article 4 du traité CEMAC l’énonce
clairement : « Les Etats membres apportent leur concours à la réalisation des objectifs de la
Communauté en adoptant toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution
des obligations découlant du présent Traité.
Le principe de géométrie variable. Il procède de ce qu’en droit européen est appelé
coopération renforcée. Le principe de géométrie variable permet la progression de la coopération

157 P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Droit international public, 8ème édition, Paris, LGDJ, 2009, p.
668. Pour Jean François DOBELLE, « Les organisations internationales : le cas de la communauté européenne », cité
par T. ZOGBELEMOU, op.cit., p. 97, la compétence exclusive de la Communauté ne s’impose que lorsque le fait de
laisser aux Etats une capacité d’initiative est incompatible avec l’unité du marché commun et l’application uniforme
du droit communautaire.
158 Cité par T. ZOGBELEMOU, Droit des organisations d’intégration économique en Afrique. (CEDEAO-
CEMAC-UEMOA-ZMAO), Paris, L’Harmattan, 2014, p. 79.
97

entre les groupes de la Communauté en vue d’une intégration plus large dans différents domaines
et à des rythmes différents (Art. 7 e du Traité de la CAE). Ce principe favorise une intégration à
deux vitesses. Il est aussi connu en droit COMESA avec la Zone de libre-échange à laquelle ne
participent pas tous les Etats. Il en est de même de la SADC, notamment dans le cadre de la libre
circulation des personnes.
Le principe du contrôle de l’exercice des compétences. Dans les OIA développant le droit
communautaire les parlements communautaires, là où ils existent, ainsi que les juridictions
communautaires contrôlent l’exercice des compétences soit à travers la formulation des
recommandations ou l’adoption des résolutions, soit à travers le contrôle de légalité des actes
juridiques adoptés par les organes communautaires.

Section. 4 La répartition des compétences entre la CEA et les CER

Il convient de noter la répartition sui generis des compétences dans le cadre large du droit
communautaire africain entre la Communauté économique africaine (CEA), partie intégrante de
l’Union africaine, et les Communautés économiques régionales et les États africains 159. La
communauté est définie aux termes de l’article 1er du traité d’Abuja instituant la CEA comme « la
structure organique d’intégration économique, partie intégrante de l’OUA (entendez UA). Le
Traité d’Abuja du 3 juin 1991 entré en vigueur en 1994 assigne des compétences et activités
spécifiques aux Communautés économiques régionales africaines existantes ou à constituer dans
les modalités de mise en place de la Communauté. Le processus d’intégration est étalé sur 34
années subdivisées en six étapes distribuées de manière variable. Parmi les objectifs figurent le
renforcement des Communautés économiques régionales (CER) existantes et la création
d’autres ; la coordination et l’harmonisation des politiques entre les communautés économiques
existantes et futures en vue de la mise en place progressive de la Communauté ; la conclusion
d’accords en vue d’harmoniser et de coordonner les politiques entre les Communautés sous-
régionales et régionales. La Conférence des Chefs d’Etats et de gouvernements peut prendre, sur
recommandation du Conseil, des décisions et donner des directives relatives aux CER en vue de

159 Voy. sur ce point entre autres R. FRIMPONG OPPONG, « The African Union, the African Economic
Community and Africa’s Regional Economic Communities : Untangling Complex Web », Journal of African and
Comparative Law, vol.18, 2010, pp.92-103; E. FOLEFACK, « Traité d’Abuja et foisonnement des institutions
d’intégrations régionales en Afrique : problèmes de coordination, de compatibilité des projets et de la gestion des
appartenances multiples. Les cas de l’Afrique centrale, de l’Afrique orientale et australe », M. Fau-NOUGARET
(dir.), op.cit., pp.175-195
98

la réalisation des objectifs de la Communauté. Les décisions de cet organe ont force obligatoire à
l’égard des Etats membres, des organes de la Communauté ainsi que des CER.

Certains auteurs ont relevé, dans l’articulation des rapports entre la CEA et les communautés
économiques régionales (CER) « la caractéristique la plus originale du processus africain
d’intégration »160. L’article 10 du Traité d’Abuja précise que les décisions adoptées par la CEA
sont obligatoires pour les États membres et les CER.
Toutefois les relations entre la CEA et les CER, quoiqu’ayant fait l’objet de deux
protocoles, dont le premier datait du 25 janvier 1998, actuellement abrogé et remplacé par celui
du 27 février 2008, ne clarifient pas, avec évidence, certaines zones d’ombre d’autant plus que les
CER ne sont pas juridiquement partie au Traité d’Abuja de 1991. Et pourtant ce dernier les
englobe dans son schéma d’intégration comme piliers et destinataires de ses décisions et
directives161. Aux termes de l’article 88 du Traité d’Abuja, la mise en place de la Communauté se
fera principalement par la coordination, l’harmonisation et l’intégration progressive des activités
des CER. Celles-ci doivent tendre à la mise en place de la Communauté comme leur objectif
final. La Communauté est chargée de coordonner, d’harmoniser et d’évaluer les activités des
CER. La coordination entre la CEA et les CER s’insère dans un cadre global de la coordination
conventionnelle entre les OI, une coordination qui prend toujours de l’ampleur au regard de la
prolifération et de la diversification des OI qui sont appelées à conclure entre elles des accords 162.
Dans le cadre de la réforme institutionnelle de l’Union africaine adoptée en 2017 et dont la mise
en œuvre est en cours, il a été décidé de substituer la deuxième session ordinaire de la conférence
de l’Union par la réunion semestrielle de coordination de l’Union africaine et des communautés
économiques régionales. La première réunion était fixée entre juin/juillet 2019 et s’était tenue à
Niamey163.
160 A. MAHIOU, « De quelques chantiers juridiques africains », E. BALATE et S. MENETREY (dir), Questions de droit
économique : les défis des États africains, Ineadec. Actes des Colloques de Bruxelles et Yaoundé, Bruxelles, Larcier, 2011,
pp.197-211, spéc. à la p.200.
161 Voy. à ce propos O. ILLY, L’OMC et le régionalisme. Le régionalisme africain, Bruxelles, Larcier, 2012, pp.212-214 ; R.
FRIMPONG OPPONG, « The African Union, the African Economic Community and Africa’s Regional Economic Communities :
Untangling Complex Web », Journal of African and Comparative Law, vol.18, 2010, pp.92-103; M. MAKANE MBENGE and O.
ILLY, « The African Economic Community », ABDULQAWI A. YUSUF and F. OUGUERGOUZ (Ed), The African Union:
Legal and Institutional Framework. A Manual on the Pan-African Organization, Leiden-Boston, Martinus Nijhoff Publishers,
2012, pp.187-202, spec. aux pp.199-200; S. KARANGIZI, «The Regional Economic Communities », ABDULQAWI A. YUSUF
and F. OUGUERGOUZ (Ed),op.cit., pp.231-249, surtout aux pp.234-245.
162 Pour un approfondissement de la thématique, G. DANNENBERG, « Quelques remarques sur la coordination conventionnelle
entre Organisations internationales », RGDIP, 2017, n°2, pp. 335-358.
163 Conférence de l’Union. Trente-et-unième session ordinaire tenue du 1er au 2 juillet 2018. Décision sur les dates et les lieux
de la première réunion semestrielle de coordination de l’Union africaine et des Communautés économiques régionales.
99

Le Protocole au Traité instituant la Communauté économique africaine, relatif à la libre


circulation des personnes, au droit de résidence et au droit d’établissement signé le 29 janvier
2018 répartit les différentes activités à réaliser par les Etats membres, les CER ainsi que la
Commission de l’Union africaine dans la mise en œuvre dudit Protocole. A titre indicatif, les
CER constituent les points focaux pour la promotion, le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre
du Protocole et de l’élaboration de rapports sur les progrès accomplis dans le cadre de la libre
circulation des personnes dans leurs régions respectives. En outre chaque CER est tenue de
soumettre des rapports périodiques à la Commission sur l’état d’avancement de la mise en œuvre
du Protocole dans sa région. Enfin les CER harmonisent leurs protocoles, politiques et procédures
en matière de libre circulation des personnes avec le Protocole. Pour sa part la Commission de
l’Union africaine en assure le suivi et l’évaluation. En coordination avec les Etats membres, elle
élabore et met en œuvre un mécanisme continental de suivi et de coordination pour évaluer l’état
d’avancement de la mise en œuvre du Protocole. L’Accord portant création de la Zone de libre-
échange continentale africaine du 21 mars 2018 prévoit également une répartition des activités
entre les Etats et les CER et ce, sous la coordination de la Commission.
Les Etats membres s’engagent, au sein de leurs communautés économiques régionales
respectives, à coordonner et à harmoniser les activités de leurs organisations sous-régionales, en
vue de rationaliser le processus d’intégration au niveau de chaque région.

Certaines OIA ne manquent pas, de manière unilatérale, de s’inscrire dans la réalisation


des objectifs définis par d’autres OIA et plus spécifiquement la CEA164. Le Programme Minimum
d’intégration (élaboré par la Commission de l’Union africaine en 2009 avec le concours des
CER) fait ressortir la contribution des États et des CER dans une approche holistique de
l’intégration africaine. Le PMI constitue le cadre consensuel à partir duquel se réalise
actuellement l’intégration entre les Etats membres, les CER et l’Union africaine. En d’autres
termes c’est l’ensemble d’activités sur lesquelles les CER et les parties prenantes à l’intégration

164 L’article 7. I de l’Accord portant création de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD)
signé le 21 mars 1996 à Nairobi en dit davantage. Cette Organisation se propose de…« Promouvoir et réaliser les
objectifs du Marché commun des Etats de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique Australe (COMESA) et ceux de la
Communauté Economique Africaine ». Accord disponible et consulté le 18 août 2013 à l’adresse
http://www.operationspaix.net/DATA/DOCUMENT/3814~v~Accord_portant_creation_de_l_IGAD.pdf. L’article
178.1 du Traité du COMESA est plus explicite : « Les Etats membres conviennent que l'objectif final du Marché
commun est de contribuer à la réalisation des dispositions du Traité portant création de la Communauté économique
africaine… ». Il prévoit à termes la transformation de cette OIA en une entité organique de la CEA (art.178.1 a.c).
Voy. aussi le préambule du traité de l’Ohada, le traité de la CEN-SAD qui tiennent en compte la finalité de la CEA.
100

(Etats notamment) s’accordent pour faire avancer rapidement le processus d’intégration régionale
et continentale165. Pour la Commission de l’Union africaine, c’est le trait d’union ou le
dénominateur commun entre les acteurs de l’intégration continentale africaine.
Le paragraphe 12 est éloquent : « Le PMI est donc perçu comme un mécanisme de
convergence entre les CER, et qui devrait se concentrer sur quelques domaines prioritaires de
préoccupation au niveau régional et continental, où les CER peuvent renforcer leur coopération et
bénéficier des avantages comparatifs et de bonnes expériences de chacune d’elles dans le
domaine d’intégration. Le PMI englobe des objectifs réalisables dans les termes du Plan
stratégique de l’UA (quatre années), accompagné d’un mécanisme de suivi et d’évaluation. Il est
supposé être mis en œuvre par les CER, les Etats membres et la CUA, en collaboration avec les
différents partenaires au développement de l’Afrique »166.
Le PMI est subdivisé en trois phases d’une durée chacune de 4 années comportant des
secteurs prioritaires (commerce, paix et sécurité, infrastructures et énergie, agriculture, industrie,
investissement, sciences et technologie, affaires sociales, affaires politiques, statistiques,
renforcement des capacités, politique fiscale, politique monétaire, développement du marché
financier).
Ces secteurs prioritaires comportent des sous-secteurs pour lesquels sont définis des
objectifs à atteindre répartis en trois phases. A titre illustratif, si nous prenons uniquement le
secteur prioritaire du commerce, celui-ci se décompose en plusieurs sous-secteurs (notamment
barrières tarifaires, zone de libre-échange, douanes). Les CER s’engagent à réaliser dans la
première phase (2009-2012) des objectifs suivants : l’élimination progressive des barrières
tarifaires dans toutes les CER, la signature d’accords de partenariats entre CER, la facilitation des
procédures douanières et la création d’une Union douanière dans chaque CER avec un Tarif
extérieur commun (TEC). Pendant la deuxième phase qui s’étend de 2013 à 2016 pour le même
secteur prioritaire ainsi que le sous-secteur retenu, les objectifs ci-après ont été choisis :
élimination de toutes les barrières tarifaires dans les CER, création de deux Zones de libres
échanges : COMESA, SADC, CAE, IGAD d’une part, et CEDEAO, CEEAC, CEN-SAD, UMA
d’autre part ; la réalisation de l’Union douanière dans chacun de deux groupes de CER.
A ce propos il convient de signaler la signature le 10 juin 2015 à Sharm El Sheikh d’un
Accord instituant la Zone de libre-échange (la Tripartite) entre le COMESA, la CAE et la SADC.
Aux termes de l’article 30 (7), en cas d’un conflit de normes entre l’Accord sur la Tripartite et les

165 G. MVELLE, op.cit., p. 83.


166 Consulté le 18 août 2013 à l’adresse http://www1.uneca.org/Portals/ctrci/6th/MinimunIntegrationProgramme_French.pdf
101

traités et instruments du COMESA, de la CAE et de la SADC, l’Accord prévaut. Parmi les


objectifs généraux prévus à l’article 4 de l’Accord, figurent la création d’un vaste et marché
unique garantissant la libre circulation des marchandises et des services aux fins de promouvoir
le commerce intra-régional ; le développement des processus d’intégration régionale et
continentale ainsi que la construction d’une Tripartite zone de libre-échange robuste dans l’intérêt
des Peuples de la région. En 2015 le sommet de l’Union africaine avait procédé au lancement des
négociations en vue de la zone de libre-échange continental (ZLEC). Le processus de négociation
a été achevé par la signature à Kigali, le 21 mars 2018, de l’accord portant création de la ZLEC
par 44 Etats de l’Union africaine. Ce traité est désormais ouvert aux ratifications selon les
dispositions constitutionnelles de chaque Etat. L’objectif de la ZLEC est de créer un vaste marché
unique des biens et services, de favoriser la libre circulation des personnes et de créer les
conditions propices pour l’union douanière continentale.
Il est évident que la SADC et la CEDEAO constitueront dans chaque groupe les
locomotives pour l’intégration au niveau continental vu les progrès qu’elles ont réalisés et
qu’elles peuvent étoffer dans la dynamique d’une construction à terme des « Etats-Unis
d’Afrique »167. Au cours de la troisième phase, soit de 2017 à 2020, les CER s’engagent à
éliminer toutes les barrières dans les CER et au niveau continental et à réaliser l’Union douanière
continentale avec un TEC continental168. Le concept « minimum » consiste à considérer tous les
secteurs et sous-secteurs jugés prioritaires par les CER, et à identifier en leur sein un minimum de
projets ou d’activités, pour chaque CER, en fonction de l’étape où elle se situe par rapport au
Traité d’Abuja169.
Parallèlement au PMI, l’Union africaine a élaboré et présenté, à partir de 2013, son
Agenda 2063 énonçant un ensemble d’aspirations pour les 50 prochaines années comprenant la
réalisation de différents programmes et objectifs170. Dans la Déclaration solennelle sur le
cinquantième anniversaire de l’OUA/UA adoptée le 26 mai 2013 à Addis-Abeba, la Conférence
167 MALEBAKENG FORERE, « Is Discussion of the United States of Africa Premature ? Analysis of ECOWAS
and SADC Integration Efforts”, Journal of African Law, Vol. 56, n°1, 2012, pp. 29-54.
168 Pour une vision globale des secteurs prioritaires et sous- secteurs, des objectifs à réaliser dans toutes les trois
phases ainsi que des projets, activités et programmes à mettre en œuvre dans la première phase, voy, le Programme
Minimum d’Intégration (PMI), pp. 37-41.
169 G. MVELLE, op.cit., p. 83.
170 1. Une Afrique prospère fondée sur la croissance inclusive et le développement durable. 2. Un continent intégré,
uni sur le plan politique et ancré dans les idéaux du Panafricanisme et la vision de la Renaissance africaine. 3. Une
Afrique où bonne gouvernance, démocratie, respect des droits de l’homme, justice et état de droit sont à l’ordre du
jour. 4. Une Afrique vivant dans la paix et dans la sécurité. 5. Une Afrique dotée d’une forte identité, d’un
patrimoine commun, et de valeurs et d’éthique partagées. 6. Une Afrique dont le développement est axé sur les
populations, qui s’appuie sur le potentiel de ses populations, notamment celles des femmes et des jeunes, qui se
soucie du bien-être des enfants. Et 7. Une Afrique qui agit en tant qu’acteur et partenaire forts, unie et influente sur la
scène mondiale.
102

des Chefs d’Etats et de gouvernement s’engage, dans le cadre de l’Agenda de l’intégration à


« accélérer la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale, assurer la libre circulation
des biens, en mettant l’accent sur l’intégration des marchés locaux et régionaux, et faciliter la
citoyenneté africaine en vue de la libre circulation des personnes par la suppression graduelle des
obligations de visa ; accélérer les mesures visant à bâtir une Afrique unie et intégrée par la mise
en œuvre de nos cadres communs de gouvernance, de démocratie et des droits de l’homme ;
avancer rapidement vers l’intégration et la fusion des Communautés économiques régionales en
tant que piliers de l’Union »171.
Section 5. La coordination et la convergence des OIA

La prolifération des OIA constitue l’une des particularités du régionalisme africain. Dans
cette perspective le risque du chevauchement des compétences, de conflits de normes et de la
concurrence entre les OIA est réel172. Le chevauchement, en tant que modalité de la distribution
spatiale des multilatéralismes, désigne la présence concomitante de plusieurs communautés
régionales sur les mêmes espaces nationaux. (À titre illustratif, la RDC est membre de plusieurs
OIA) Il s’agit d’une situation d’emboîtement et de juxtaposition des institutions multilatérales
dans une logique non inclusive. Le chevauchement est donc une cohabitation régionale des
institutions communautaires dans laquelle chacune garde sa réalité juridique et sa spécificité
tout en tentant de maximiser sa valeur et son crédit nécessaires à sa légitimation et à la
mobilisation de potentiels adhérents173. Ce chevauchement peut être géré par l’harmonisation des
politiques des CER, entreprise titanesque, poursuivie notamment par la CEA 174, par la

171 KAZADI M Piana, J, notes de cours de droit communautaire africains, deuxième licence droit, 2020-2021.
172 FAU-NOUGARET (dir.), La concurrence des organisations régionales en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2012. Beaucoup de
contributions contenues dans cet ouvrage collectif ont analysé les différents aspects liés à la multiplication des organisations
régionales en Afrique. A titre illustratif, voy. ; F.M. SAWADOGO, « Les conflits entre normes communautaires : aspects positifs
et prospectifs », M. Fau-NOUGARET (dir.), La concurrence des organisations régionales en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2012,
pp. 283-314 ; St. BOUMBE-BILLE, « La multiplication des organisations régionales en Afrique : concurrence ou
diversification », M-Fau-NOUGARET (dir.), op.cit., pp. 15-28 ; E. FOLEFACK, « Traité d’Abuja et foisonnement des
institutions d’intégrations régionales en Afrique : problèmes de coordination, de compatibilité des projets et de la gestion des
appartenances multiples. Les cas de l’Afrique centrale, de l’Afrique orientale et australe », M. Fau-NOUGARET (dir.), op.cit.,
pp.175-195 ; J-L. ATANGANA AMOUGOU, « Multiplication des juridictions internationales et sécurité juridique en Afrique »,
pp.135-152 ; D. KOKOROKO, « La coexistence entre organisations sous- régionales : limites et perspectives », ibidem, pp.197-
205. Dans une autre perspective, F. J. AIVO, « La Communauté des Etats sahélo-sahariens, CEN-SAD : Acteur complémentaire
ou concurrentiel de l’Union africaine », AFDI, 2009, pp.469-495 ; LUWAM DIRAR, « Common Market for Eastern and
Southern African Countries : Multiplicity of Membership Issues and Choices », African Journal of International and
Comparative Law, Vol. 18, n°2, 2010, pp. 217-232.
173 Y.A CHOUALA, « Les multilatéralismes en Afrique centrale : l’intégration régionale à l’épreuve de la pluralité des
Communautés économiques régionales », M. FAU-NOUGARET (dir.), La concurrence des organisations régionales en Afrique,
Paris, L’Harmattan, 2012, pp. 153-174, spéc. à la p. 162.
174 E. FOLEFACK, « Traité d’Abuja et foisonnement des institutions d’intégrations régionales en Afrique : problèmes de
coordination, de compatibilité des projets et de la gestion des appartenances multiples. Les cas de l’Afrique centrale, de l’Afrique
103

rationalisation des CER, une question toujours à l’ordre du jour en dépit de sa stagnation, par la
prise en compte des acquis de certaines CER par des OIA sous-régionales 175, par la conclusion
des accords intercommunautaires176.
Dès 2005, l’UA avait réuni des experts sur la rationalisation des CER et dont les travaux
avaient été exploités par les ministres africains en charge de l’intégration. Selon les experts, deux
définitions extrêmes du processus de rationalisation sont-elles proposées : une forme rigide et une
forme souple. La forme rigide de la rationalisation implique l’absorption et les fusions des CER
et CES/R existantes et des institutions régionales similaires afin qu’elles soient synchronisées par
rapport aux cinq Communautés régionales proposées dans le cadre du Traité d’Abuja. La forme
souple suppose que chacune des organisations de coopération et/ou d’intégration maintienne
l’intégralité de son mandat et de ses objectifs actuels. La rationalisation devrait par conséquent
être entreprise à travers la normalisation et l’harmonisation des stratégies, des programmes, des
projets sectoriels et des instruments de coopération des institutions en activité dans chaque
région177.
Pour la Commission de l’Union africaine, la rationalisation des CER revient à «
s’attaquer à la fragmentation des espaces régionaux, au chevauchement des institutions, à la
duplication des efforts, à la dispersion des ressources, et aux querelles de légitimité découlant des
multiples traités existants (…). En termes réels, la rationalisation signifie s’attaquer aux

orientale et australe », M. FAU-NOUGARET (dir.), La concurrence des organisations régionales en Afrique, Paris, L’Harmattan,
2012, pp. 175-195. Les relations entre la CEA et les CER sont gérées par un Protocole du 27 février 2008 et la plupart des CER
reconnaissent qu’elles s’inscrivent dans la réalisation des objectifs de la CEA. Le Plan Minimum d’intégration (PMI) rédigé par la
Commission de l’Union africaine avec le concours des CER trace les différentes priorités que les CER doivent poursuivre selon
leur niveau d’intégration. Un Protocole sur la création d’une Zone continentale de libre-échange serait déjà finalisé. Pour plus de
détails sur cette question, voy. le Rapport de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA/UNECA)
intitulé Etat de l’intégration régionale en Afrique. V. vers une zone de libre-échange continentale africaine, Addis-Abeba, 2012,
160 p.
175 A titre illustratif, l’UEMOA prend en compte les objectifs de la CEDEAO. Il en est de même de la zone monétaire ouest-
africaine. Sans être une OIA sous-régionale, l’IGAD prend aussi en compte les objectifs du COMESA comme par ailleurs le fait
la CAE, la Tripartite SADC COMESA EAC.
176 Voy. l’accord tripartite conclu entre la SADC, la CAE et le COMESA pour l’instauration d’une zone de libre-échange
commune à ces trois CER, à savoir la Tripartite qui se réunit assez fréquemment. Voy. Communiqué du deuxième Sommet
Tripartite du Comesa, de l’EAC et de la SADC, tenu le 12 juin 2011 à Johannesburg. Le point 1(III) dit que les Chefs d’Etat et de
gouvernement de ces trois CER « adoptent une approche vers le processus d’intégration de la tripartite axée sur le développement
qui sera centré sur trois piliers, à savoir : l’intégration des marchés basée sur la Zone de libre-échange (ZLE) tripartite ; le
développement des infrastructures pour favoriser la connectivité et réduire le coût des activités commerciales, et le développement
industriel en vue d’aborder les contraintes liées à la capacité de production, et (IV) conviennent que l’initiative de la Tripartite est
une étape décisive pour réaliser la vision africaine de créer une Communauté économique africaine (…). Voy. Draft Agreement
Establishing the COMESA, EAC and SADC Tripartite Free Trade Area dans la version provisoire de décembre 2010. L’Accord
de libre-échange tripartite a été finalement adopté en 2015.
177 E. FOLEFACK, « Traité d’Abuja et foisonnement des institutions d’intégrations régionales en Afrique : problèmes de
coordination, de compatibilité des projets et de la gestion des appartenances multiples. Les cas de l’Afrique centrale, de l’Afrique
orientale et australe », M. FAU-NOUGARET (dir.), La concurrence des organisations régionales en Afrique, Paris, L’Harmattan,
2012, pp. 175-195, spéc. à la p. 186.
104

contraintes considérables affectant la capacité des CER à générer et à canaliser un effort collectif
durable dans le sens de l’intégration de l’Afrique »178.
Certains auteurs attribuent l’utilisation de l’expression « rationalisation » du point de vue
institutionnel à la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA/UNECA)
dans son rapport ARIA II de 2006, lequel avait inspiré les ministres africains chargés de
l’intégration à l’occasion de leur première conférence (COMAI I) tenue en 2006 à
Ouagadougou179. La définition proposée de la rationalisation est restrictive même si l’idée
principale demeure commune : rationaliser consiste en une action réparatrice dans la recherche
d’une certaine cohérence permettant d’aboutir à un résultat pressenti. De ce constat, Augustin
TCHAMENI propose une autre définition de la rationalisation. Il entend par rationalisation « la
recherche de mécanismes juridiques dans l’ordre de réparer les incohérences inhérentes au
processus africain, en vue d’en assurer l’aboutissement logique- et non accéléré- à la
Communauté économique africaine »180.

Cette rationalisation peut être focalisée, selon le Professeur DODZI KOKOROKO, et, en se
référant à l’Afrique de l’ouest, dans deux options : celle de soft incarnée par la spécialisation et
celle hard incarnée par la fusion des institutions de l’espace géographique objet d’étude. Ainsi, la
première hypothèse (soft) impliquerait « une répartition des tâches entre différentes institutions
régionales d’intégration par des programmes spécifiques et complémentaires en matières
économiques, monétaires, des marchés au profit par exemple de l’UEMOA et de programmes des
opérations de maintien de la paix de la troisième génération, au profit de la CEDEAO sans
oublier l’OHADA reconnue comme le législateur avéré en droit des affaires. Cette solution aurait
le mérite de favoriser l’intégration des actes uniformes dans les sources du droit communautaire
(UEMOA et CEDEAO... La deuxième hypothèse répondrait à la logique préconisée par le traité
d’Abuja créant la CEA. Elle impliquera la fusion des institutions intergouvernementales
existantes dans chaque région, de leurs organes de délibération, et de leurs programmes et
projets… »181.

178 Commission de l’Union africaine, Rapport de la Réunion Consultative sur la Rationalisation des Communautés
économiques régionales (CER) pour les Régions d’Afrique du Centre, du Nord et de l’ouest, Accra, 27-28 octobre 2005.
179 A. TCHAMENI, Les évolutions du régionalisme africain. Le fonctionnement des Communautés économiques régionales,
Paris, l’Harmattan, 2013, p. 48.
180 A. TCHAMENI, op.cit., p. 27.Souligné par nous.
181 DODZI KOKOROKO, « La coexistence entre organisations sous régionales : limites et perspectives », M. FAU-
NOUGARET (dir.), op.cit., pp. 197-205, spéc. p. 204.
105

Certaines dispositions communautaires tendent à prendre en compte l’exigence des


obligations pour les Etats membres de l’appartenance à d’autres OIA, ce qui peut contribuer à
atténuer, dans une certaine mesure, les dangers de concurrence « déloyale »182. A titre illustratif,
en dépit du fait que la quasi-totalité des OIA, qu’elles soient CER ou non, convergent ou
concourent à la réalisation des objectifs de la CEA, ce qui se manifeste par l’existence, dans la
plupart des traités fondateurs des OIA, des clauses de fidélité aux objectifs de la CEA, d’autres
reconnaissent que leurs activités sont compatibles avec celles d’une autre OIA 183. Il n’est pas non
plus à exclure qu’à travers la capacité de chaque OIA de conclure des accords de coopération
avec d’autres OI que des mécanismes de règlement préventif d’éventuel conflit des compétences
ou des normes ou le dialogue inter-communautaire y soient promus184. A titre indicatif, la
CEDEAO et l’UEMOA ont conclu en 2004 un accord de coopération visant à favoriser la
coordination et l’harmonisation de leurs programmes respectifs. Elles ont à cet effet mis en place
un secrétariat conjoint. Nous pouvons également évoquer l’organisation des sommets et des
182 Quelques exemples peuvent être cités. L’article 84 du Traité de la CEDEAO révisé en 1993 dispose : « …lorsque les accords
conclus avant l’entrée en vigueur du présent Traité entre des Etats-membres et des Etats tiers, des organisations régionales ou
toute autre organisation internationale sont incompatibles avec les dispositions du présent traité, le ou les Etats-membres
concernés prendront toutes les mesures nécessaires pour éliminer les incompatibilités constatées. Le cas échéant, les Etats
membres se prêteront à cette fin, et adopteront une attitude commune ». Dans le Traité révisé de l’UEMOA le 29 janvier 2003,
les Etats membres, dans le préambule, proclament, leur fidélité « aux objectifs de la Communauté économique africaine et de la
Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest ». L’article 14 précise. « Dès l’entrée en vigueur du présent Traité, les
Etats membres se concertent au sein du Conseil afin de prendre toutes mesures destinées à éliminer les incompatibilités ou les
doubles emplois entre le droit et les compétences de l’Union d’une part, et les conventions conclues par un ou plusieurs Etats
membres d’autre part, en particulier celles instituant des organisations économiques internationales spécialisées ». L’art. 60, al. 2
ajoute : « Dans l’exercice de ces fonctions, la Conférence tient compte des progrès réalisés en matière de rapprochement des
législations des Etats de la région, dans le cadre d’organismes poursuivant les mêmes objectifs que l’Union ». Le traité de la
CEMAC révisé le 25 juin 2008 énonce dans le préambule que les Etats signataires prennent « en compte les acquis des
organisations régionales africaines auxquelles participent les Etats membres ». Son article 9 dispose : « La Communauté participe
aux efforts d’intégration dans le cadre de l’Union africaine et, en particulier, à ceux relatifs à la création d’organisations
communes dotées de compétences propres en vue d’actions coordonnées dans des domaines spécifiques. Elle établit des
consultations périodiques, notamment avec les institutions régionales africaines ». L’article 130 du Traité de la communauté de
l’Afrique de l’Est (modifié en date du 14 décembre 2006 et 20 août 2007) dispose au point 1 que les « Etats membres doivent
respecter leurs engagements en ce qui concerne les organisations internationales ou multinationales auxquelles ils appartiennent »
et d’ajouter au point 2 du même article « Les Etats membres réaffirment leur souhait de voir se constituer une plus grande unité de
l’Afrique et considèrent que la Communauté constitue une étape vers la réalisation des objectifs du traité qui a créé la
Communauté économique africaine ».
183 Voy. préambule précité du Traité de l’UEMOA à l’égard de la CEDEAO, le préambule de l’Accord portant création de
l’Autorité intergouvernementale pour le Développement (IGAD) du 21 mars 1996 qui rappelle « l’esprit, les principes et les
objectifs du Traité instituant le Marché commun des pays de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique Australe (COMESA) ». L’art. 7 (i)
est encore plus explicite : Promouvoir et réaliser les objectifs du COMESA et ceux de la CEA. Certaines dispositions
conventionnelles rappellent aux Etats l’engagement de prendre toutes les mesures et précautions nécessaires en vue d’éviter toute
action susceptible de compromettre la réalisation des objectifs de l’OIA concernée. Ces dispositions assurent un appel au
« dialogue institutionnel ». Voy. sur cette expression qui tire son fondement de la Convention de Vienne sur le droit des traités
(dans les relations entre un Etat- partie aux deux traités incompatibles et un Etat partie à l’un de ces traités seulement, le traité
auquel les deux Etats sont parties régit leurs droits et obligations réciproques), DODZI KOKOROKO, « La coexistence entre
organisations sous régionales : limites et perspectives », M. FAU-NOUGARET (dir.), op.cit., pp. 197-205, spéc. p. 203. L’article
4 du nouveau Traité de la CEN-SAD du 16 février 2013 intègre son action dans la réalisation des objectifs de l’Union africaine et
du Traité de la CEA.
184 Sur la thématique des conflits entre normes communautaires, voy. FILIGA M. SAWADOGO, « Les conflits entre normes
communautaires : aspects positifs et prospectifs », M. FAU-NOUGARET (dir.), op.cit., pp. 283-314.
106

pourparlers initiés depuis 2008 par la Tripartite (SADC-COMESA-CAE) visant à la signature


d’un Protocole portant sur la création d’une zone de libre-échange commune 185. La CEEAC
entretient aussi des relations avec la CEMAC visant à l’harmonisation de certaines de leurs
politiques. Il est prévu au bout de quelques années la fusion entre ces deux Communautés
économiques de l’Afrique centrale. La réalisation de cette fusion est projetée vers l’horizon 2021-
2022. Le 21 décembre 2006 la CEDEAO avait conclu un Protocole d’Accord de coopération avec
le CILSS (Comité permanent Inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel). Il en est de
même de la conclusion de l’Accord de coopération en 2001 entre le Secrétaire permanent de
l’OHADA et le Secrétaire exécutif de la CEMAC.
L’appartenance des Etats à plusieurs OIA partageant le même espace géographique est de
nature à donner lieu à des chevauchements de compétences, des règles à cause de leur éventuelle
contrariété. A titre indicatif, la diversité du système comptable de l’UEMOA et celui de l’Acte
uniforme de l’OHADA portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises
avait motivé une demande d’avis à la CCJA par la République du Bénin. Dans son Avis, la CCJA
écarte toute concurrence quant au système comptable applicable par les Etats parties au Traité de
l’OHADA pour une application exclusive du système comptable de l’OHADA qui demeure
applicable dans lesdits Etats, « tout autre référentiel y étant dépourvu de valeur juridique »186.

185 L’accord de la Zone tripartite de libre-échange a été signé en 2015.


186 CCJA. Avis n°03/2015 du 5 novembre 2015.
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