Commentaire Philosophie
Commentaire Philosophie
TEXTE N° 1
Socrate n’enseigne pas, car il ne sait pas. Il ne possède pas la vérité. Celle-ci n’entend pas un
savoir transmissible ; mais il démolit les fausses certitudes, de qui croit savoir et la rend ainsi
disponible à la recherche, le questionnement, la réflexion. Mais c’est aussi le priver en quelque
sorte des bénéfices secondaires de sa maladie ignorante d’elle-même, la tranquille souffrance de
qui croit savoir, le conformisme secourable. Le conformisme ne cherche plus car il croit savoir ce
qu’il en est et ce qu’il faut. Seul celui qui sait ne pas savoir sait.
Vladimir GRIGORIEF, Philo de base
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TEXTE N° 2
Le mot grec « Philosophe » désigne celui qui aime le savoir, par différence avec celui qui,
possédant le savoir, se nomme savant. Ce sens persiste encore aujourd’hui ; l’essence de la
philosophie, c’est la recherche de la vérité non sa possession, même si elle se trahit elle-même,
comme il arrive souvent jusqu’ à dégénérer en dogmatisme, en un savoir mis en formule, définitif,
complet, transmissible par l’enseignement. Faire de la philosophie c’est être en route, les
questions en philosophie sont plus essentielles que les réponses, et chaque réponse devient une
nouvelle question.
Karl JASPERS, Introduction à la philosophie
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TEXTE N° 3
La valeur de la philosophie doit être cherchée pour une bonne part dans son incertitude même.
Celui qui n’a aucune teinture de philosophie traverse l’existence, emprisonné dans les préjugés
qui lui viennent du sens commun, des croyances habituelles à son temps et son pays et des
convictions qui se sont développées en lui sans la coopération ni le consentement de sa raison.
Pour un tel individu, le monde est sujet à paraitre précis, fini, évident, les objets habituels ne lui
posent aucune question et les possibilités non familières sont dédaigneusement rejetées. Dès que
nous commençons à philosopher, au contraire, nous trouvons que même les choses les plus
ordinaires de la vie quotidienne conduisent à des problèmes auxquels nous ne pouvons que donner
des réponses très incomplètes. La philosophie, bien qu’elle ne soit en mesure de nous dire avec
certitude quelle est la vraie réponse aux doutes qu’elle élève, peut néanmoins suggérer diverses
possibilités qui élargissent le champ de nos pensées et les délivre de la tyrannie de la coutume.
Tout en diminuant notre certitude à l’égard de ce que sont les choses, elle augmente beaucoup
notre connaissance à l’égard de ce qu’elles peuvent être : elle repousse le dogmatisme quelque peu
arrogant de ceux qui n’ont jamais pénétré dans la région du doute libérateur et garde vivace notre
sens de l’étonnement en nous montrant des choses familières sous un aspect non familier.
Bertrand RUSSEL
Problème de la philosophie
TEXTE N° 4
C’est, en effet, l’étonnement qui poussa, comme aujourd’hui, les premiers penseurs aux
spéculations philosophiques. Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se
présentaient les premières à l’esprit ; puis, s’avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur
exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux du soleil et
des Etoiles, enfin la genèse de l’Univers. Or apercevoir une difficulté et s’étonner, c’est
reconnaitre sa propre ignorance ‘c’est pourquoi même l’amour des mythes est, en quelque manière
amour de la sagesse, car le mythe est un assemblage de merveilleux). Ainsi donc, si ce fut bien
pour échapper à l’ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c’est
qu’évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la seule connaissance et non pour une fin
utilitaire. Et ce qui s’est passé en réalité en fournit la preuve : presque toutes les nécessités de la
vie, et les choses qui intéressent son bien-être et son agrément avaient reçu satisfaction quand on
commença à rechercher une discipline de ce genre.
ARISTOTE, Métaphysique
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TEXTE N° 5
Où commence la philosophie ? Il y a deux façons d’entendre la question. On peut se demander
d’abord où situer les frontières de la philosophie, les marges qui la séparent de ce qui n’est pas
encore ou pas tout à fait elle. On peut se demander ensuite où est-elle apparue pour la première
fois, en quel lieu elle a surgi et pourquoi là plutôt qu’ailleurs. Question d’identité, question
d’origine, liées l’une à l’autre, inséparables même si en trop bonne, en trop simple logique, la
seconde semble supposer déjà résolue la première. On dira : pour établir la date et le lieu de
naissance de la philosophie, encore faut-il connaitre qui elle est, posséder sa définition afin de la
distinguer des formes de pensée non philosophiques ? Mais, à l’inverse, qui ne voit qu’on ne
saurait définir la philosophie dans l’abstrait comme si elle était une essence éternelle ? Pour savoir
ce qu’elle est, il faut examiner les conditions de sa venue au monde, suivre le mouvement par
lequel elle s’est historiquement constituée, lorsque l’horizon de la culture grecque, posant des
problèmes neufs et élaborant des outils mentaux qu’exigeait leur solution, elle a ouvert un
domaine de réflexion, tracé un espace de savoir qui n’existeraient pas auparavant, où elle s’est
elle-même établie pour en explorer systématiquement les dimensions. C’est à travers l’élaboration
d’une forme de rationalité et d’un type de discours jusqu’alors inconnus que la pratique
philosophique et le personnage du philosophe émergent, acquièrent leur statut propre, se
démarquent, sur le plan social et intellectuel, des activités de métier comme des fonctions
politiques ou religieuses en place dans la cité, inaugurant une tradition intellectuelle originale qui
en dépit de toutes les transformations qu’elle a connues, n’a jamais cessé de s’enraciner dans ses
origines.
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TEXTE N° 18
La philosophie entre en conflit avec la religion du fait que celle-ci se veut l’autorité absolue tant
dans le domaine de la vérité que dans celui de la pratique. Mais, la vérité de la religion se présente
comme un donné extérieur en présence duquel on s’est trouvé. Cela est particulièrement net dans
les religions dites révélées, celles dont la vérité a été annoncée par quelque prophète, quelque
envoyé de Dieu. Ainsi, dans la religion, « le contenu est donné, il est considéré comme au-dessus
ou au-delà de la raison ». La religion conçoit l’esprit humain comme borné, limité, et ayant donc
besoin que les vérités essentielles pour l’homme, que sa raison infirme serait incapable de
découvrir par soi-même, lui soient révélées de façon surnaturelle et mystérieuse. Mais, l’idée
d’une vérité au-delà de la raison, inaccessible naturellement à l’esprit humain, est absolument
inconcevable par la philosophie qui repose sur le principe diamétralement opposé selon lequel la
pensée ne doit rien admettre comme vrai qui n’ait été saisi comme tel par la pensée. L’homme est
certes un être borné, fini (sauf du côté où il est esprit). « Le fini concerne les autres modes de son
existence … ; mais quand, comme esprit, il est esprit, alors il ne connait pas de limites. Les bornes
de la raison ne sont que les bornes de la raison de ce sujet-là, mais, s’il se comporte
raisonnablement, l’homme est sans bornes, infini ».
Marcien TOWA, Essai sur la problématique philosophique dans l’Afrique actuelle.
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TEXTE N° 19
La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui
arrive, sur un point particulier de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion ;
de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. L’opinion pense mal ; elle ne pense pas ; elle traduit des besoins en
connaissances. En désignant des objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaitre. On ne peut rien fonder sur
l’opinion : il faut d’abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait, par exemple, de les
rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance
vulgaire provisoire. L’esprit scientifique nous interdits d’avoir une opinion sur des questions que nous ne
comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des
problèmes. Et quoi qu’on dise, dans la vie scientifique les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est
précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique,
toute connaissance est une réponse à une question.