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Construire la notion de personnage de roman par une

approche énonciative
Anissa Belhadjin
Dans Le français aujourd'hui 2018/2 (N° 201), pages 103 à 118
Éditions Armand Colin
ISSN 0184-7732
ISBN 9782200931742
DOI 10.3917/lfa.201.0103
© Armand Colin | Téléchargé le 09/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.150)

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CONSTRUIRE LA NOTION
DE PERSONNAGE DE ROMAN
PAR UNE APPROCHE ÉNONCIATIVE
Anissa BELHADJIN
Université de Cergy-Pontoise
Laboratoire « École, mutations, apprentissages » - ÉA 4507

La littérature permet tout, dit-on. Je pourrais donc les faire tourner à l’infini
dans l’escalier de Penrose, jamais ils ne pourraient plus descendre ni monter,
ils feraient toujours en même temps l’un et l’autre. Et en réalité, c’est un
peu l’effet que nous font les livres. Le temps des mots, compact ou liquide,
impénétrable ou touffu, dense, étiré, granuleux, pétrifie les mouvements,
méduse. Nos personnages sont dans le palais pour toujours, comme dans
un château ensorcelé.
Éric Vuillard, L’Ordre du jour, Actes Sud, 2017, p. 12.

« Personnel du roman » (Hamon 1983), le personnage est sans doute


l’une des notions les plus nécessaires à l’analyse du récit de fiction, en tant
que socle de toutes les formes fictionnelles – théâtre, roman, film, mais
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aussi jeu vidéo ou jeu de rôle. V. Jouve écrit ainsi que l’intrigue – autre © Armand Colin | Téléchargé le 09/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.150)

élément clé du récit de fiction1 – n’existe que « pour et par eux » (1992 :
58). Pour P. Glaudes et Y. Reuter il est « l’objet même de la narration »2
(1996 : 59). Toutefois, l’étude du personnage se trouve souvent écrasée,
à la fois par l’évidence de cette présence qui le rend familier, et par le
processus d’immersion fictionnelle (Schaeffer 1999) ; personnage et personne
se confondent alors, comme dans la définition suivante du personnage :
« Représentation d’une personne dans une fiction » (Bernier et Saint-Jacques
2002). Pourtant, loin d’être une entité autonome, il est davantage un « effet »
(Hamon 1983 ; Jouve 1992) produit par le texte sur le lecteur, qui l’actualise
et lui donne une épaisseur.
Au second cycle de l’enseignement secondaire français, les programmes
de lycée comme ceux de lycée professionnel accordent une place importante
à cette notion de personnage. Ainsi, en lycée professionnel (LP), un objet

1. Voir à ce propos l’ouvrage de R. Baroni (2007), La Tension narrative. Suspense, curiosité


et surprise, Paris, Seuil.
2. Ils soulignent.

rticle on line
Le Français aujourd’hui n° 201, « Quels usages du personnage à l’école ? »

d’étude de la classe de Seconde est intitulé « parcours de personnage »3 ; au


lycée général, le personnage est le fondement d’un objet d’étude de la classe
de Première : « le personnage dans le roman »4 . Les objectifs en sont, au LP,
de « construire la notion de personnage, de héros et d’anti-héros, [...] doter
l’élève de connaissances littéraires »5 . Au lycée général, il s’agit d’étudier
« comment, à travers la construction des personnages, le roman exprime une
vision du monde qui varie selon les époques et les auteurs et dépend d’un
contexte littéraire, historique et culturel, en même temps qu’elle le reflète,
voire le détermine » (ministère de l’Éducation nationale 2010). Construire
au LP ; construction au lycée : si le personnage est construit, comment ?
Présentant un tour d’horizon de la notion de personnage, D. Viart s’interroge
ainsi : « la question est bien de savoir comment on sait ce qu’on sait du
personnage » (2008 : 12). Ces questions sont évidemment centrales pour la
didactique ; comment y répondre ? Les documents qui accompagnent les
programmes de Seconde professionnelle et de première générale, par ailleurs
fort riches, n’éclairent guère. Ainsi, dans les ressources du lycée général
(ministère de l’Éducation nationale 2013), les plus détaillées, le personnage
est envisagé du point de vue définitoire (personnage vs personne), historique
(émergence du personnage dans la littérature de fiction), fonctionnel (le
personnage transmet une vision du monde), descriptif (le personnage est
caractérisé), référentiel (le personnage et la mimesis), symbolique (héroïque,
stéréotypique, porteur de valeurs...). Pour le LP, les ressources de l’objet
d’étude « parcours de personnages » n’en précisent guère plus que ce qui
est préconisé dans les objectifs : « étudier le parcours d’un personnage, c’est
étudier comment il se construit [...] ». Cette dernière explication est d’autant
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moins éclairante qu’une interrogation liée à cet objet d’étude utilise le même © Armand Colin | Téléchargé le 09/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.150)
verbe « se construire » à propos, cette fois, du lecteur : « En quoi l’histoire
du personnage étudié, ses aventures, son évolution aident-elles le lecteur à
se construire ? » (ministère de l’Éducation nationale, op. cit).
Au contraire d’autres formes de récits de fiction – comme le film, le
jeu vidéo, le jeu, le jeu de rôle, et dans une certaine mesure, le texte
théâtral et la BD – la particularité du roman est d’être une fiction écrite :
s’il y a « construction » du personnage, c’est donc bien par le texte. Or,
depuis le déclin général de l’approche poétique des textes littéraires6 , les
notions narratologiques n’apparaissent pas centrales dans les programmes
scolaires. Dans les programmes de lycée par exemple, l’emploi du terme
narratologie est corrélé au structuralisme, qui « réduit le personnage à un
actant » (« Ressources sur le personnage de roman », ministère de l’Éducation

3. Programme de français, lycée professionnel (2009), <http://media.education.gouv.fr/file/


special_2/24/5/francais_44245.pdf>.
4. Programme de français, lycée (2010), <http://www.education.gouv.fr/cid53318/mene1019760a.html>.
5. Ressources, « parcours de personnages », <http://cache.media.eduscol.education.fr/file/
Programmes/05/0/RessourcesBacPro_ParcoursPersonnages_109050.pdf>.
6. Voir l’article de V. Jouve « De quoi la poétique est-elle le nom ? », Fabula,
<http://www.fabula.org/lht/10/jouve.html>.

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Construire la notion de personnage de roman par une approche énonciative

nationale, op. cit : 3). Dans le volet « étude de la langue », est évoquée
notamment la question du point de vue ; mais la référence en reste toutefois
G. Genette, dans Figures III, il y a plus de 45 ans : 1972 !
Une réflexion sur la didactisation des savoirs théoriques, de la critique
structuraliste notamment, serait à construire7 . Elle montrerait probablement
que ces savoirs de référence pour la discipline « français » se sont fossilisés au
moment de la période critique qui a instauré leur diffusion. Ainsi en est-il
des outils narratologiques pour la lecture des textes littéraires. Ils ont été
en vogue dans les années 1970 et 1980, portés par la vague structuraliste.
Construire un schéma narratif ou actantiel, déterminer la focalisation ont
permis de donner sens à la lecture des élèves : en son temps, la critique
structuraliste a doté les enseignants d’outils euristiques puissants, dont un
ouvrage comme Savoir-lire (Schmitt et Viala 1982) permet de rendre compte
aujourd’hui. À travers l’étude de la notion de personnage, nous verrons que
les théories narratologiques contemporaines, malgré leur dynamisme dans le
champ de la poétique, sont aujourd’hui largement ignorées des programmes,
des manuels et des enseignants, bien qu’elles permettent précisément de
construire cette notion. Dans un premier temps, il s’agit ici de présenter
une approche des travaux sur la question du personnage, puis d’envisager
comment se construit énonciativement « l’effet-point de vue » (Rabatel
1998), fondé sur des indices linguistiques.

La construction du personnage, une saisie problématique


Dans S/Z, R. Barthes déclare à propos du personnage :
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Lorsque des sèmes identiques traversent à plusieurs reprises le même nom © Armand Colin | Téléchargé le 09/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.150)
propre et semblent s’y fixer, il nait un personnage. Le personnage est
donc un produit combinatoire : la combinaison est relativement stable
(marquée par le retour des sèmes) et plus ou moins complexe (comportant
des traits plus ou moins congruents, plus ou moins contradictoires), cette
complexité détermine la « personnalité » du personnage. [...] Le nom propre
d’un personnage comme simplement figure n’est qu’un instrument pour
condenser une pluralité d’informations, une pure convention. (1970 : 74)
Vu dans une approche sémiologique, voilà le personnage : ensemble de
signes qui s’agrègent autour d’un nom propre. P. Glaudes et Y. Reuter
(1998 : 58), reprenant le terme d’étiquette utilisé par P. Hamon, qui la
définit comme un « ensemble stylistique dont les unités forment l’effet-
personnage » (1983 : 107), affirment que « l’étiquette des personnages est
avant tout formée par les désignateurs » au premier chef desquels, le nom.
Pour eux, « le nom propre a une place fondamentale » (1996 : 81), en visant à
l’effet de réel : « donner un nom à un être de fiction constitue bien le principal

7. Il est intéressant de noter, comme le rappelle B. Daunay (2007), que la didactique de


la littérature s’est constituée à partir du rejet de « l’enseignement traditionnel » au même
moment que se diffusait la critique structuraliste.

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Le Français aujourd’hui n° 201, « Quels usages du personnage à l’école ? »

moyen de lui insuffler la vie et de le mettre en évidence. Car connaitre


ce nom, pour le lecteur, c’est déjà une façon d’entrer dans l’intimité du
personnage, ce qui facilite l’investissement idéologique et affectif » (1996 :
183). La visée d’effet de réel est sensible ici par l’emploi métaphorique des
expressions comme « insuffler la vie » ou « intimité du personnage » et met
bien en avant l’opération cognitive accomplie par le lecteur qui transforme
le matériau textuel en expérience de lecture. Les approches narratologiques
cognitivistes permettent aujourd’hui de rendre compte de ces processus,
mais nous n’en traiterons pas ici8 . Concourent donc à la construction du
personnage de roman non seulement son « étiquetage », mais également ce
qu’il fait, ce qu’il dit, ce qu’il pense et comment il est vu par les autres : tout
un réseau corrélé à la question de l’intrigue et du romanesque, si l’on admet
que, dans le roman, intrigue et personnages sont fortement liés. Ainsi, selon
R. Baroni, « la construction textuelle du personnage joue un rôle essentiel
pour la dynamique de l’intrigue » (2017 : 88). Inversement, l’axiologie du
personnage est en grande partie dessinée par ses modalités d’action dans le
récit, par la partition qu’il joue dans l’intrigue. Pour P. Glaudes et Y. Reuter,
étudier le personnage « revient à poser le problème de ses relations avec
l’instance narrative, chargée de le faire exister dans les limites plus ou moins
étroites de la fiction » (1996 : 59). Dans ce cadre, il est alors intéressant
d’accorder une place toute particulière à la façon dont la narration institue
le personnage.
Un enseignant du second cycle peut certes considérer que ses élèves sont
en mesure d’analyser narratologiquement ce qui a trait au personnage : qui
en parle, comment, ce qu’il pense et ce qu’il voit... Il est vrai que l’utilisation
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répandue de termes forgés par G. Genette, comme homodiégétique et © Armand Colin | Téléchargé le 09/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.150)
hétérodiégétique, focalisation interne, externe et omnisciente indique bien
que ces notions sont jugées euristiques pour rendre compte et du mode
d’immersion dans la fiction, et du mode d’accès aux pensées du personnage.
Toutefois, certaines difficultés dans leur emploi soulèvent autant de questions
vives dans le champ toujours en évolution de la narratologie contemporaine.
Si l’on repart de la façon dont R. Barthes définit le personnage (supra), elle
illustre pourtant bien tout ce que les discours sur le personnage comportent
de convention, au sens de « accord tacite pour admettre certains procédés
même s’ils s’éloignent de la réalité, en vue de produire l’effet voulu »9 ,

8. Pour un état de la question, voir Cahiers de narratologie, 28, « Le Récit comme acte cognitif »,
2015. U. Eco y réfléchit également dans « Quelques commentaires sur les personnages de
fiction », Sociologies : émotions et sentiments, réalité et fiction, juin 2010.
9. TLFi, <http://atilf.atilf.fr/tlf.htm>.

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Construire la notion de personnage de roman par une approche énonciative

notamment en ce qui concerne leur description10 et l’accès à leur vie


psychique11 .
Ces conventions diffèrent selon la façon dont le roman instaure sa fiction.
J.-M. Schaeffer distingue ainsi différentes « postures d’immersion » (1999 :
244). Pour ne retenir que celles qui concernent le récit de fiction, ce sont
la « feintise ludique d’actes mentaux » (autrement dit, le monologue auto-
nome) ; la « substitution d’identité narrative » (narrateur homodiégétique) ; et
la « feintise illocutoire » (roman raconté par un narrateur dit hétérodiégétique).
Les deux premières postures peuvent constituer l’imitation d’« énoncés de
réalité » : par exemple, la lecture d’un roman par lettres est calquée sur celle
d’un véritable échange épistolaire ; lire un roman sous forme de journal
s’apparente à la lecture d’un véritable journal. En revanche, la troisième
posture présente des « indices linguistiques de fictionnalité » incompatibles
avec ces énoncés de réalité. Ces indices sont par exemple la description de
la vie psychique en dehors du « je », l’emploi du monologue intérieur, les
longs dialogues, l’ensemble des mots décrivant des situations précises dans
un passé très reculé (Schaeffer 1999 : 263-264).
Ce détour par les procédés de l’immersion fictionnelle permet de voir
à quel point la construction du personnage résulte d’une convention : il
ne va donc pas de soi que le lecteur d’un roman comprenne comment
s’opèrent les décrochages énonciatifs entre narrateur et personnage, qu’il
saisisse comment le narrateur modalise les pensées d’un personnage... et
donc qu’il donne sens à ce qu’il lit. Étant donné toutes les variations possibles
entre régie narrative très centralisatrice – ou au contraire, très neutre – entre
points de vue du personnage proliférant ou inaccessible... il est nécessaire de
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s’appuyer sur des indices linguistiques pour les reconnaitre et les identifier. © Armand Colin | Téléchargé le 09/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.150)
Or la terminologie de G. Genette, en vigueur dans les différents segments
scolaires, ne le permet pas. La plupart des recherches actuelles en poétique
du récit s’accordent à remettre en cause cet héritage. S. Patron déplore
ainsi qu’« en dépit des réformes des programmes et de la formation des

10. Voir notamment les travaux sur l’incomplétude du récit de fiction : T. Pavel, L’Univers
de la fiction, 1988 ; ou des entités fictives : R. Saint-Gelais (« La fiction à travers l’intertexte »,
en ligne sur Fabula), cite à ce propos un roman de science-fiction dans lequel le héros
voyage dans les romans et raconte : « Je préférais regarder les gens. [...] Je rencontrais des
personnages qui n’étaient vêtus qu’en partie ; par exemple, un chapeau vert et une veste
rouge sur un corps nu (rien d’autre) ; ou bien des souliers jaunes et une cravate à fleurs (sans
pantalon, sans chemise ni même linge de corps), d’élégantes chaussures enfilées sur des pieds
nus. Les passants ne réagissaient pas, moi j’étais très gêné, et puis je me souvins que certains
auteurs ont l’habitude d’écrire des phrases de ce genre : “La porte s’ouvrit, un homme élancé
et musclé, en casquette et lunettes noires se montra dans l’encadrement” (p. 208) ». Et R.
Saint-Gelais conclut : « À leur manière narquoise, les frères Strougatski mettent en évidence
un facteur sur lequel l’illusion référentielle repose, mais qu’en même temps elle occulte : le
fourmillant et silencieux travail de complétion auquel se livrent les lecteurs de fiction ».
11. La question de la vie psychique des personnages était problématique pour les nouveaux-
romanciers : mort du personnage pour A. Robbe-Grillet, personnage trompe-l’œil pour N.
Sarraute.

107
Le Français aujourd’hui n° 201, « Quels usages du personnage à l’école ? »

enseignants » (2015 : 18) la théorie, genettienne, notamment, ne soit pas


davantage remise en question. C’est également l’idée défendue ici par R.
Baroni :
Je considère comme essentiel de faciliter la didactisation des nouvelles
approches narratologiques pour les études littéraires, mais j’invite en retour
les usagers de cette théorie à prendre conscience de la manière dont certaines
évolutions épistémologiques sont susceptibles d’entrainer une modification
de leurs pratiques. En effet, certains concepts fondamentaux ne ressemblent
plus guère, dans leur forme actuelle, à ce qui avait été standardisé par les
manuels scolaires. (2016 : 227)
Aujourd’hui, l’approche énonciative proposée notamment par A. Rabatel
(Ibid.) permet d’analyser le point de vue, ses variations et ses enjeux en
termes d’effet ; elle peut faciliter la compréhension de la construction du
personnage. Il s’agit maintenant de la présenter pour analyser en quoi elle
peut être appropriée.

Pour une approche énonciative du personnage de roman


Rappelons que, selon les programmes officiels du lycée (2010), l’enjeu
de l’objet d’étude « Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours »
est d’étudier comment « à travers la construction des personnages le roman
exprime une vision du monde [...] ». Toujours selon ces programmes
« la découverte du sens passe non seulement par l’analyse méthodique des
différents aspects du récit qui peuvent être mis en évidence (procédés narratifs
et descriptifs notamment), mais aussi par une relation personnelle au texte
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dans laquelle l’émotion, le plaisir ou l’admiration éprouvés par le lecteur © Armand Colin | Téléchargé le 09/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.150)
jouent un rôle essentiel ». On peut supposer que « la relation personnelle au
texte » est par définition difficile à didactiser pour un enseignant (surtout si
elle est tenue de susciter émotion, plaisir, admiration). Qu’en est-il alors de
l’analyse des procédés narratifs ?
Pour introduire cette question, regardons du côté d’un manuel scolaire de
lycée de 201112 dans lequel le point de vue est présenté selon la tripartition
genettienne classique : point de vue omniscient (« le narrateur connait
tout sur les personnages et la situation »), externe (« l’action semble perçue
par un témoin extérieur ») et interne (« le narrateur ne dévoile que ce
qu’un personnage voit d’une scène »). Pour « reconnaitre un point de vue »,
quelques questions sont posées à la suite du passage des Misérables où Jean
Valjean entre dans la ville de Digne :
Dans les premiers jours du mois d’octobre 1815, une heure environ avant
le coucher du soleil, un homme qui voyageait à pied entrait dans la petite
ville de Digne. [...] c’était un homme de moyenne taille, trapu et robuste,

12. V. Presselin, F. Mouttapa, B. Witkowski, Vanuxem (2011), Français, première, livre


unique, Paris, Hachette Éducation.

108
Construire la notion de personnage de roman par une approche énonciative

dans la force de l’âge. Il pouvait avoir quarante-six ou quarante-huit ans.


Une casquette à visière de cuir rabattue cachait en partie son visage brûlé
par le soleil et le hâle et ruisselant de sueur.
1. Quel point de vue le narrateur choisit-il pour raconter l’arrivée de Jean
Valjean dans la ville de Digne ?
2. Transposez l’extrait en adoptant un point de vue omniscient (p. 473).
Dans ce cas précis, aussi bien la tripartition des focalisations que son
application posent problème. D’une part parce que le point de vue externe
(réponse attendue) se confond en fait avec la vision externe : ce n’est pas
parce que Jean Valjean est décrit de l’extérieur que le point de vue externe
est adopté. Au contraire, la minutie de la description – évaluation de l’âge
de Jean Valjean, mention des gouttes de sueur sur son visage, précision du
moment pourtant situé dans un passé reculé par rapport au temps de la
narration – pourrait plaider pour un narrateur véritablement omniscient
qui impose une régie narrative très centralisatrice – ce qu’est le narrateur
des Misérables, qui se confond avec Victor Hugo lui-même13. Le point de
vue externe pourrait être corroboré par le fait que Jean Valjean n’est pas
nommé. Or l’enjeu du passage est d’accorder la description de Jean Valjean
à son entrée dans le roman (c’est sa première apparition).
Une autre activité de ce manuel vise à « analyser la variation des points de
vue » (p. 473) dans un extrait de roman14 dans lequel le procédé romanesque
utilisé est identique : un homme est décrit de l’extérieur dans un cadre qui
se resserre, puis nommé et décrit avec précision : aux questions posées, les
élèves doivent répondre que le point de vue omniscient succède au point de
vue externe.
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Ces deux exemples soulignent à quel point la présentation de personnages © Armand Colin | Téléchargé le 09/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.150)
romanesques peut s’inscrire dans un topos narratif, l’entrée du narrateur
dans la conscience du personnage mimant l’entrée du lecteur dans le roman
ou le chapitre : effet-point de vue intéressant qui s’apparente à un zoom. En
l’occurrence, c’est bien le narrateur qui décrit le personnage, de l’extérieur : il
est l’énonciateur dans chacun de ces extraits et construit le personnage petit
à petit. Or considérer une simple juxtaposition de points de vue (externe,
puis omniscient ou interne) est non seulement discutable, mais ne permet
pas de donner sens à ce topos.
Distinguer point de vue du narrateur et du personnage découle des travaux
d’A. Rabatel (Ibid.), qui permettent de rendre compte de la construction
du personnage dans une approche énonciative. A. Rabatel remet en cause la
tripartition de G. Genette pour qui les focalisations (interne, externe, zéro)
sont envisagées comme des « foyers » en dehors de la notion de focalisateur.
Il propose d’envisager une approche du point de vue plus contrainte, qui

13. Sur ce point, voir les travaux de S. Patron (2015) qui s’inscrivent dans une théorie
non-communicationnelle du récit de fiction, réfutant le concept de narrateur.
14. Il s’agit d’un passage de l’incipit de La Vie est brève et le désir sans fin, Lapeyre, POL,
2010.

109
Le Français aujourd’hui n° 201, « Quels usages du personnage à l’école ? »

abandonne le « primat phénoménologique de la vue » pour s’en tenir « au


primat linguistique de la perception ». Il définit donc le point de vue comme
suit :
Le PDV [point de vue] correspond à l’expression d’une perception, dont
le procès, ainsi que les qualifications et modalisations, coréfèrent au sujet
percevant et expriment d’une certaine manière la subjectivité de cette
perception. (Ibid. : 13)
Linguistiquement, le point de vue se structure à partir d’« un sujet focalisateur
à l’origine d’un procès de perception et un objet focalisé » (Ibid. : 9, il souligne) :
cette hypothèse invalide totalement l’existence du point de vue externe ; car le
point de vue est ainsi subordonné à des liens (marques et indices linguistiques)
clairement identifiables entre « objet focalisé » et « sujet focalisateur ».

Cette approche permet de définir deux sujets du point de vue (ou focalisa-
teurs) à l’origine des perspectives narratives : le narrateur et le personnage. Le
narrateur est toujours locuteur, en tant qu’il prend toujours en charge l’énon-
ciation. Il peut aussi exprimer le point de vue d’un personnage, qui est alors
énonciateur. Ainsi, que le narrateur soit homodiégétique ou hétérodiégétique
anonyme, le récit est essentiellement dialogique, en ce sens que le narrateur,
en tant que locuteur, peut se démarquer d’un énonciateur à l’origine du
point de vue... Ici intervient le couple notionnel consonance/dissonance, qui
permet de rendre compte du degré auquel le narrateur adhère (consonance)
ou non (dissonance) au point de vue du personnage qu’il rapporte.
Point de vue du personnage et point de vue du narrateur peuvent donc
cohabiter, s’opposer, voire alterner en fonction de stratégies discursives qui
fondent ce qu’A. Rabatel nomme « l’effet point de vue », c’est-à-dire la façon
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de diriger les interprétations du lecteur :
Ces PDV sont au cœur de la scénographie énonciative. Ils fonctionnent
souvent de conserve, créant la sphère du personnage-focalisateur ou celle du
narrateur-focalisateur. Dans le cadre du réalisme, ces points de vue fonc-
tionnent en réseau, et en relais, leur « tuilage » contribuant à la construction
des personnages, à la mise en cohérence isotopique de l’univers de la fiction,
et à la lisibilité du texte. En ce sens, la conjonction des PDV aide à la
construction des interprétations du lecteur, sur la base des instructions du
texte. De surcroit, la convergence des PDV favorise les divers mécanismes
d’identification du lecteur au personnage, selon le système de sympathie
analysé par Jouve (Ibid. : 152).

Les points de vue qui s’expriment dans le texte de fiction peuvent donc
ressortir indifféremment au narrateur ou au personnage. Mais cela ne signifie
pas pour autant qu’ils soient sur le même plan. Ainsi, volume de savoir et
profondeur de perspective ne sont pas identiques pour ces deux instances et,
pour chacune d’elles, peuvent varier en fonction des stratégies de l’auteur,
que celles-ci concernent la progression de l’intrigue, le dévoilement ou le
masquage de certains indices, etc. Puisque le narrateur est, diégétiquement,
situé à un niveau supérieur à celui du personnage, il a théoriquement accès

110
Construire la notion de personnage de roman par une approche énonciative

à une profondeur de perspective illimitée, en tant qu’il raconte l’histoire


(par exemple, prolepses, ou simultanéité des visions). Par rapport à cette
possibilité de régie narrative, la perspective du personnage est moins étendue.
Toutefois, elle peut être très importante. En effet, même si l’accès aux pensées
d’autrui est théoriquement interdit aux personnages, rien, linguistiquement,
n’empêche qu’ils ne puissent accéder à ces pensées de manière conjecturale,
d’après l’attitude d’autrui ou leur expérience propre. Bref, la profondeur
de perspective du personnage peut être très étendue, contrairement à l’idée
assez répandue selon laquelle elle serait forcément limitée dans le cadre du
réalisme.
Quant au volume de savoir, indépendant de la profondeur de perspective,
il peut être très important (ou pas) pour les deux instances et s’accommode
fort bien de perspectives limitées. Entre ces différents pôles, toutes les
variations sont théoriquement possibles, bien qu’en pratique, celles-ci soient
dépendantes de la logique interne de l’œuvre : ainsi, le fait de passer d’une
vision du narrateur à celle du personnage a souvent pour effet une restriction
de champ ; ou encore, si le passage d’une vision limitée à une vision illimitée
est possible, le contraire est plus difficile sans changement de focalisé ou de
focalisateur.
La théorie de « l’effet point de vue » d’A. Rabatel (Ibid.) permet de mettre
en rapport les multiples variations de points de vue possibles : entre narrateur
et personnage, mais aussi sous l’angle de la profondeur de perspective ou
du volume de savoir. Toutes ces variations sont finalement à étudier en
relation avec les enjeux plus profonds de l’œuvre romanesque et permettent
véritablement in fine d’analyser comment se construit énonciativement le
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personnage. © Armand Colin | Téléchargé le 09/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.150)


À titre d’exemple, examinons une partie d’un sujet de l’épreuve anticipée
de français15 portant sur « le personnage de roman » qui demande à
l’élève d’analyser finement le rapport narrateur/personnage et les rapports
de dissonance/consonance : difficile à saisir avec pour seul outillage la
tripartition genettienne, cette analyse gagne à être effectuée dans une
approche énonciative.

Honoré de Balzac, La Maison du chat-qui-pelote, 1842


[À Paris, devant une maison dont le rez-de-chaussée est occupé par le
magasin La Maison du chat-qui-pelote, tenu par le drapier Guillaume, un
jeune homme est arrêté sur le trottoir d’en face depuis un long moment,
observant attentivement la façade.]
[...] En ce moment, une main blanche et délicate fit remonter vers l’imposte
la partie inférieure d’une des grossières croisées du troisième étage, au moyen

15. Il s’agit ici d’une partie du sujet de l’épreuve anticipée de français (EAF) de Polynésie,
ES, 2015 ; il comporte quatre textes. Seule une partie du deuxième texte, la question de
corpus et la question de la dissertation sont reproduits ici. On pourrait également envisager
l’étude d’autres sujets : Liban, série L, 2017 ou série L, 2014.

111
Le Français aujourd’hui n° 201, « Quels usages du personnage à l’école ? »

de ces coulisses dont le tourniquet laisse souvent tomber à l’improviste le


lourd vitrage qu’il doit retenir. Le passant fut alors récompensé de sa longue
attente. La figure d’une jeune fille, fraiche comme un de ces blancs calices qui
fleurissent au sein des eaux, se montra couronnée d’une ruche en mousseline
froissée qui donnait à sa tête un air d’innocence admirable. Quoique couverts
d’une étoffe brune, son cou, ses épaules s’apercevaient, grâce à de légers
interstices ménagés par les mouvements du sommeil. Aucune expression
de contrainte n’altérait ni l’ingénuité de ce visage, ni le calme de ces yeux
immortalisés par avance dans les sublimes compositions de Raphaël : c’était
la même grâce, la même tranquillité de ces vierges devenues proverbiales.
Il existait un charmant contraste produit par la jeunesse des joues de cette
figure, sur laquelle le sommeil avait comme mis en relief une surabondance
de vie, et par la vieillesse de cette fenêtre massive aux contours grossiers,
dont l’appui était noir. Semblable à ces fleurs de jour qui n’ont pas encore
au matin déplié leur tunique roulée par le froid des nuits, la jeune fille, à
peine éveillée, laissa errer ses yeux bleus sur les toits voisins et regarda le ciel ;
puis, par une sorte d’habitude, elle les baissa sur les sombres régions de la
rue, où ils rencontrèrent aussitôt ceux de son adorateur : la coquetterie la fit
sans doute souffrir d’être vue en déshabillé, elle se retira vivement en arrière,
le tourniquet tout usé tourna, la croisée redescendit avec cette rapidité qui,
de nos jours, a valu un nom odieux à cette naïve invention de nos ancêtres,
et la vision disparut. Pour ce jeune homme, la plus brillante des étoiles du
matin semblait avoir été soudain cachée par un nuage. [...]

I - Après avoir lu attentivement les textes du corpus, vous répondrez à la


question suivante (4 points) : Observer et être observé : selon vous quel est
l’intérêt du jeu des regards dans les quatre textes du corpus ?
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II - Travail d’écriture (16 points) : [...]
Dissertation
Quand on lit un roman, voit-on à travers les yeux du personnage ? Vous
répondrez à la question en vous fondant sur les textes du corpus ainsi que
sur les textes que vous avez étudiés et lus.

Les notions narratologiques classiques appliquées à ce texte permettent de


répondre que le passant et la jeune fille sont saisis tous deux de l’extérieur ;
ils ne sont pas nommés, le point de vue adopté est externe. Le jeune homme
regarde la jeune fille avec admiration, voire avec amour, comme permet de
l’établir le relevé lexical, toutefois insuffisant pour répondre aux questions
posées. Au contraire, l’approche énonciative du point de vue permet de
mieux comprendre le texte. Ainsi, au début de l’extrait, le narrateur pose
le cadre de la scène et son point de vue domine ; la mention du « passant
[...] récompensé de sa longue attente » marque le passage au point de vue
du personnage ; bien que le verbe de perception soit implicite, ce passant
regarde la jeune fille avec amour, appréciant les couleurs, sa pose, son
environnement de façon picturale – il est peintre. À partir de « semblable à

112
Construire la notion de personnage de roman par une approche énonciative

ces fleurs », le narrateur reprend la régie : « par une sorte d’habitude », « la


fit sans doute souffrir », « nom odieux », « naïve invention » sont à mettre
au crédit du narrateur balzacien, toujours didactique. Enfin la dernière
phrase de l’extrait semble ironique, le narrateur exprimant avec un peu de
distance le point de vue du jeune homme qui, découvrant l’amour, utilise
encore avec fraicheur les stéréotypes qui s’y rapportent. On note que les
personnages ne sont pas nommés : non pas parce que le point de vue est
externe, mais encore une fois parce qu’il s’agit ici d’un passage de l’incipit ;
le narrateur retient l’information, le dévoilement de leur identité marquant
ainsi l’installation du lecteur dans l’histoire.
À travers cet exemple, on peut voir que l’approche énonciative distinguant
entre points de vue du narrateur et du personnage peut permettre d’analyser
finement le personnage de roman. Pourtant, ni les programmes ni les
manuels ne reconnaissent cette approche comme euristique, ce qui permet
de s’interroger sur la circulation des notions et des concepts entre recherche
et didactique.

Conclusion
Pour finir, une réflexion...
Une lecture naïve des livres de fiction confond personnages et personnes
vivantes. On a même pu écrire des « biographies » de personnages, explorant
jusqu’aux parties de leur vie absentes du livre (« Que faisait Hamlet pendant
ses années d’études ? »). On oublie alors que le problème du personnage
est avant tout linguistique, qu’il n’existe pas en dehors des mots, qu’il est
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un « être de papier ». Cependant, refuser toute relation entre personnage et © Armand Colin | Téléchargé le 09/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.150)

personne serait absurde : les personnages représentent des personnes, selon


des modalités propres à la fiction. (Ducrot et Todorov 1972 : 286)

... qui appelle trois remarques.


La première est que ce petit extrait indique bien ce qui se joue, entre
l’œuvre et son lecteur, à travers la question du personnage. Y réfléchir, c’est
essayer de saisir comment se construit le pouvoir de la fiction romanesque,
qui dépasse largement l’aspect très textuel abordé ici, qui concerne la façon
dont se construit énonciativement la notion de personnage par la narration,
c’est-à-dire dans son rapport avec le narrateur énonciateur – quelle que soit
par ailleurs la validité que l’on reconnait à ce concept de narrateur16 .
La deuxième remarque est une question : si « le problème du personnage est
avant tout linguistique », pourquoi subsiste-t-il dans le domaine didactique
de telles zones grises, puisque les savoirs de référence, vivants, dynamiques,
ont remis en question l’approche narratologique classique depuis longtemps

16. On peut lire sur cette question « Sur les concepts de narrateur et de narration non-
communicationnelle », A. Rabatel, Littérature, 2011/3, n° 163.

113
Le Français aujourd’hui n° 201, « Quels usages du personnage à l’école ? »

et pourquoi ces nouvelles approches linguistiques restent-elles largement


méconnues ?
La troisième remarque concerne la vitalité du champ littéraire, qui sans
cesse interroge les poéticiens. Par exemple, comment rendre compte du tout
dernier prix Goncourt, L’Ordre du jour : les personnes historiques évoquées
deviennent-elles des « personnages » sous la plume de l’auteur ? Quels sont
les héros de ce récit ? Quel est le statut du narrateur ? Sans personnages,
et sans héros, le lecteur le lit-il comme un roman ? Si non, d’où provient
l’intérêt littéraire de l’œuvre ? On est bien loin – et tant mieux – d’avoir fini
de rendre compte à quel point « la littérature permet tout » (É. Vuillard, en
exergue de cet article).

Anissa BELHADJIN

Références bibliographiques
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Seuil.
• BARONI, R. (2016). L’empire de la narratologie, ses défis et ses faiblesses.
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• BARONI, R. (2017). Les Rouages de l’intrigue. Genève : Slatkine Érudition.
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• BERNIER, M.-A. & SAINT-JACQUES, D. (2002). Personnage. In P. Aron, D.
Saint-Jacques & A. Viala (dir), Dictionnaire du littéraire. Paris : Presses universitaires
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du langage. Paris : Seuil.
• GENETTE, G. (1972). Figures III. Paris : Seuil.
• GENETTE, G. (1982). Nouveau discours du récit. Paris : Seuil.
• GLAUDES, P. & REUTER, Y. (1996). Personnage et didactique du récit. Metz :
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• HAMON, P. (1983). Le Personnel du roman. Le système des personnages dans les
Rougon-Macquart d’Émile Zola. Genève : Droz.
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Construire la notion de personnage de roman par une approche énonciative

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• SCHMITT, M.-P. & VIALA, A. (1982). Savoir-lire : précis de lecture critique.
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