CM - L3 Semestre 5 - Psychologie Clinique
CM - L3 Semestre 5 - Psychologie Clinique
CM - L3 Semestre 5 - Psychologie Clinique
L3, sem. 5
Psychologie clinique
Présentation de l’UE
Objectifs :
- Repérage des différents modèle théoriques permettant l’approche des « psychoses » ainsi que la
maîtrise des concepts fondamentaux de 2 grands modèles théoriques : psychiatriques (DMS) et
psychanalytiques (Freud, Lacan, Klein)
- Repérage des questions épistémologiques et historiques qui sous-tendent ces modèles théoriques et
capacité de mettre en perspective la question des « psychoses » dans l’histoire de la folie
- Repérer les enjeux historiques, épistémologiques et théoriques de la question des « diagnostics »
Quatre axes principaux :
1. La sémiologie psychiatrique
2. L’approche historique et épistémologique
3. La clinique psychanalytique
4. La psychopathologie
1
L’épistémologie est l’étude de la connaissance scientifique en général. Partie de la philosophie qui se consacre à
l’étude des critiques, des postulats, conclusions et méthodes d’une science particulière afin d’en déterminer son
origine logique, la valeur et la portée scientifique. Elle se place entre réalisme et rationalisme. « C’est donc à la
croisée des chemins que doit se placer l’épistémologue, entre le réalisme et le rationalisme » Bachelard, 1941
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Psychanalyse :
- Le champ de la relation transférentielle
- Symptômes : pas seulement à déchiffrer mais manifestant aussi la vérité de la relation du sujet dans
les achoppements de sa relation à l’Autre du transfert. Il ne s’agit pas donc de « réduire » le symptôme.
Psychiatrie :
- Contestation « politisante » de l’anti-psychiatrie
- Actif courant biologisant qui nourrit la psychiatrie ces dernières années, nourri des : mutations
technologiques ; puissante base économique et socio-politique
1
http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/formation/psychologie/psychologie/forclusion.htm
3
Jeu : « trouver le fou ! »
Lacan pose une question d’ordre générale de la folie et aborde une question à propos de James Joyce : « à partir
de quand est-t-on fou ? » « Joyce était-il fou ? »
1ère situation clinique : l’homme voyeur, la femme qui demande le suivi de son mari en thérapie. « Tu ne peux pas
t’empêcher de regarder, alors je ne peux pas m’empêcher de te regarder quand tu regardes ». L’objet de
jouissance de cet homme a été obstrué par sa femme. Cas de perversion.
2e situation clinique : femme de 50 ans, vit seule. Pour subsister, elle touche l’AAH, elle bénéficie des activités et
séances de psy au CMP, participe régulièrement à l’église. Rupture de soins. Sa sœur fait une visite surprise
chez elle et découvre un appartement vide, seul quelques vêtements au sol. Sa sœur la conduit en
hospitalisation psychiatrique. Elle confie qu’elle est contrôlée depuis plusieurs années par un prêtre, qui abuse
sexuellement d’elle la nuit. Elle s’est débarrassée de ses meubles pour se dégager de son emprise. Cas de
psychose.
3e situation clinique : homme 40ans, inséré socialement et professionnellement, absence de rapports sexuels
avec les femmes. Il vient au sujet des femmes, selon lui les femmes ne l’aiment pas il est petit, il n’a pas
beaucoup de cheveux, il a de l’acné. Il est persuadé que s’il n’a pas grandi de taille quand il était adolescent,
c’est à cause de sa masturbation excessive. Cas de névrose obsessionnelle.
Qui parmi ces 3 personnes mériteraient un signifiant de folie ? Mais comment peut-on dire de qq’un.e
qu’il est fou/folle si on ne peut en donner sa définition ?
4
corps de fer, des identifications puissantes, les complaisances du destin, inscrites dans les astres, mènent plus
sûrement à cette séduction de l’être. » (Propos sur la causalité psychique, 1946).
Dès le début de son enseignement, Lacan a développé 3 registres avec lequel il tente de lire les phénomènes : le
symbolique, l’imaginaire, le réel. Dans ce texte, il critique la théorie d’Henri Ey, selon lui il exclut la subjectivité.
Ce qui importe pour Lacan est la conception du psychisme d’Henri Ey. Lacan reproche à HE de méconnaître le
psychisme et sa vérité et par conséquent la folie.
Car, même si le fou ne reconnaît pas ses propres productions (sentiments d’influence, automatisme) comme
étant siennes, « un caractère beaucoup plus décisif, pour la réalité que le sujet confère à ces phénomènes, que
la sensorialité qu’il éprouve ou la croyance qu’il y attache, c’est que tous, quels qu’ils soient, hallucinations,
interprétations, intuitions, et avec quelque extranéité et étrangeté qu’ils soient par lui vécus, ces phénomènes le
visent personnellement : ils le dédoublent, lui répondent, lui font écho, lisent en lui, comme il les identifie, les
interroge, les provoque et les déchiffre »
La folie est vécue toute dans le registre du sens, pour Lacan on ne peut pas séparer la folie de la signification
qu’elle a pour le sujet.
Tandis que la logique d’HE privilégie la logique de l’erreur et du dysfonctionnement, Lacan dans ses textes met
en avant la logique du sujet, la vérité du psychisme et de la folie.
Cf. : https://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2014-1-page-
281.htm#:~:text=Car%2C%20m%C3%AAme%20si%20le%20fou,%2C%20quels%20qu'ils%20soient%2C
Dans le séminaire 23, Lacan pose la question « à partir de quand est-on fou ? » Il n’utilise pas le terme de
« psychose » (alors qu’on dit de James Joyce qu’il est psychotique). Temporalité dans la question = la folie n’est
pas quelque chose de permanent, elle est extérieure à toute considération structurelle. La folie selon Lacan n’est
pas un dysfonctionnement, elle fait partie de l’individu en tant que réalité virtuelle : « loin que la folie soit le fait
contingent des fragilités de son organisme, elle est la virtualité permanente d’une faille ouverte dans son
essence. Loin qu’elle soit pour la liberté une insulte, elle est sa plus fidèle compagne, elle suit son mouvement
comme une ombre. Et l’être de l’homme non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il ne serait pas
l’être de l’homme s’il ne portait en lui la folie comme la limite de sa liberté »
La folie est définie comme une continuité entre le symbolique, l’imaginaire et le réel, sans savoir si l’on est dans
l’un ou l’autre. Cf. nœud borroméen. Lacan va dire que Joyce n’était pas fou car il avait réussi à construire des
symptômes (cf. sinthome = suppléance) pour faire tenir le symbolique, l’imaginaire et le réel ensemble.
Pour Erasme (1515) : elle est indissociable de la nature humaine et serait liée à la passion. Contrairement à la sagesse qui est guidée par la raison.
Quant à Lacan : Il aura une évolution de la perception de la folie au cours de sa carrière. A ses débuts, il verra la folie comme quelque chose de
temporaire, pouvant être acquis par un contexte extérieur ou bien par des prédispositions génétiques.
Il apporte de l’importance à ce qui est vrai dans la folie et à comprendre la signification du délire. Il rejoint le côté de Freud sur la tentative de guérison
qu’est le délire (1991). Il proposera même d’étudier ses significations dans les années 1930. A la fin de sa carrière, il dira : « que ce n’est pas un privilège
d’être fou »
Enfin, pour Henry Ey, la folie serait une restriction de la liberté et l’individu psychotique serait moins libre qu’un individu névrosé. Ainsi qu’une dissolution
des fonctions neurologiques.
PSYCHOSE – terme qui apparait en 1845, introduit par Ernest von Feuchtersleben et est souvent mis en opposition avec la névrose.
On retrouve dans la psychose les troubles mentaux dit « fort » : schizophrénie, paranoïa…Autrement dit des troubles psychologiques ou il y a une
perception de la réalité. Alors que dans la névrose, il s’agit plus de troubles anxieux, dépressifs et que ce terme n’est plus d’usage dans la psychologie et
psychiatrie actuelle.
Elle est un sujet fort qui diverge selon ses auteurs.
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Freud étudiera un cas de psychose : L’homme aux loups (cf Clinique S4).
Selon lui, il y aurait trois mécanismes qui entreraient dans la psychose :
- Les complexes inconscients dus à des conflits liés à des désirs inconscients
- Les mécanismes de défense
- La relation à la réalité : avec son altération liée aux délires et hallucinations
Pour Lacan, la psychose, enfin « sinthome », est définie comme une continuité entre l’imaginaire, le symbolique et le réel, sans savoir dans lequel on se
trouve. Elle serait donc l’une des structures du sujet et accorde de l’importance à la forclusion du nom du père (Verwerfung si on reprend le terme freudien).
Autrement dit, il y a un fort intérêt au symbole qu’est le père : en tant qu’autorité et loi. Dans le cas de la psychose, cette forclusion est défaillante et entraine
un trouble de la pensée ainsi que de la perception. Un des éléments fondamentaux pour Lacan est le symbole, l’imaginaire et le réel qui prennent place
dans le délire du patient. La folie perturberait cette relation amenant à des expériences ainsi que des comportements anormaux. Ne sachant plus distinguer
la réalité du psychisme. On y retrouve également une fragmentation du discours, donnant une association de pensées « bizarre »
Enfin, pour Henri Ey, psychiatre, il voit la psychose comme quelque chose lié à des traumatismes et en rupture avec la réalité. C’est pour cela qu’il
dira : « les maladies mentales sont des insultes et des entraves à la liberté, elles ne sont pas causées par l’activité libre ».
Il apporte également une importance à l’étude du patient d’où la création et utilisation du modèle organo-dynamique :
Organo pour la lésion sur une zone du cerveau qui amène à un dysfonctionnement (auquel Ey y est pour)
Dynamique : plusieurs fonctions hiérarchisées
Il complètera ce modèle avec le système pyramidal :
La conscience du trouble se trouve à son sommet
La conscience dominerait les fonctions inconscientes et se mélangerait avec le psychisme.
Il reproche à Henri Ey de méconnaitre le psychisme et de ne pas mettre assez en avant le sujet. De rester trop sur les symptômes du
patient ainsi que leur degré de gravité (ex : classification de Bleuler).
Il y aura également un début entre le normal et le pathologique.
Canguilhem, auteur du 20ème siècle, remettra en cause les définitions de normal et pathologique (CF Le normal et le pathologique, intro lue en td).
Pour lui, ce sont des notions relatives à leur époque et non pas des notions objectives. Le « normal » (qui peut être défini comme un idéal à atteindre)
serait donc un concept fluide, évoluant avec son temps. Tout comme le « pathologique » puisqu’il serait une dérive du « normal » .
(Exemple plus récent qui illustre bien son propos : autrefois, l’homosexualité était considéré comme une maladie mentale mais à partir de 1981, elle était
dépénalisée en France et en 1990, retirée de la liste des maladies mentales par l’OMS. Donc ce qui était considéré comme pathologique avant est devenu
normal aujourd’hui).
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connecté de la chose collective), chez les aliénés, jusqu’alors isolés, désintéressés du collectif. Dans le
traitement moral, par exemple, les patients vont être obligés de travailler.
Concernant les travaux de Pinel : il s’inscrit dans le courant de pensée des idéologues, eux-mêmes ancrés dans
le courant de pensée des nominalistes. Pour lui, les phénomènes cliniques sont des matériaux bruts de la
perception, ils doivent nommés et classés par analogie de la différence première grande classification des
troubles mentaux. Dans cette approche pinelienne il y a une confiance absolue dans l’observation et une
méfiance dans la théorie. Pinel différencie la folie essentielle de la folie symptomatique (= états de confusion liés
à des états fiévreux, toxico ou pharmaco induite).
Il dégage 2 grandes classes de délires dans le cadre de la folie essentielle :
1) La manie / le délire général : dérèglement global de l’entendement, incohérence
2) La mélancolie / le délire exclusif : force de délire localisé
Pinel considère qu’il n’est pas nécessaire de trouver une cause localisé dans les tissus cérébraux, ce n’est pas
un organiciste. Ce peut être une cause génétique, mais surtout morale, d’où le traitement morale.
Quand Pinel part, Etienne Esquirol, son disciple, va prendre sa suite et prendre la direction de Bicêtre. Il va
apporter quelques nuances, son héritage politique et philosophique n’est pas le même. Selon lui « un homme est
en délire lorsque ses sensations ne sont point en rapport avec les objets extérieurs ; lorsque ses idées ne sont
point en rapport avec ses sensations ; lorsque ses jugements et ses déterminations ne sont point en rapport avec
ses idées ; lorsque ses idées, ses jugements, ses déterminations sont indépendants de sa volonté ». Esquirol
s’inscrit dans le courant de pensée : le sensualisme, dont le chef de file est Condillac. Pour les sensualistes, les
idées proviennent des sensations. Cette association annonce l’associationnisme de Wundt. Quand on revient sur
la définition du délire, tout est déchaîné, la volonté est indépendante/émancipée forme de dissociation et
excès de liberté qu’il faut absolument contraindre par le traitement moral.
Esquirol va appliquer à son tour le traitement moral de Pinel, mais il va distinguer d’une part la manie (le délire
général) et d’autre part la mono-manie. Il va différencier les différentes mono-manies en fonction des différents
symptômes.
Esquirol va avoir des élèves, qui vont tenter de se différencier :
- Gall, père du mouvement de la phrénologie : correspondance entre la surface crânienne et corticale +
rapport proportionnel entre la valeur fonctionnelle d’un territoire et son volume, i.e. plus une zone cérébrale est
active, plus le volume de cette zone est important. Exemple, plus la zone des mathématique est activée, plus la
zone grossit, « la bosse des mathématiques ».
- Georget, reproduit ce que faisait Esquirol, applique à son tour le traitement moral.
- Moreau de Tours, sur le fond il s’inscrit en dissidence à ses prédécesseurs (Pinel et Esquirol) puisqu’il
ne fait pas de différences entre les différences classes de délire. Il publie un ouvrage en 1845 « Du haschich », il
va essayer de trouver la cause de l’aliénation mentale, ce qu’il appelle le fait primordial. Il tente de reproduire de
façon expérimentale un état de folie et sa rémission sur lui-même. Selon lui ce qui a causé un état de confusion
est un affaiblissement de la volonté, volonté qui d’ordinaire garantie la cohérence des pensées néo-réseaux
de pensées associatives incohérentes qui se forment.
Deux points discutables dans la théorie de Moreau de Tours : (1) l’aliénation mentale proche d’un état
toxico/pharmaco induit ; (2) on peut comprendre l’autre en s’identifiant à lui.
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L’école allemande : première partie du 19ème siècle
Fondateur de l’histoire de la psychiatrie en Allemagne : Griesinger. Il est d’une certaine façon influencé par Pinel
en France, avec le traitement moral. Cependant, il va également apporter de la nouveauté et établir un modèle
plus dynamique, il a une conception du moi qui a des influences associationnistes. Pour Griesinger, le moi est
une entité qui donne le sentiment de soi, il est modifiable au cours de la vie. Le moi est impacté dans le
phénomène de l’aliénation mentale. Au commencement de l’aliénation se trouve une émotion qui va générer de
l’angoisse et de la douleur morale, qui va engendrer une idée fixe (non rectifiable). Cette idée fixe (tumeur) va
engendrer un nouveau réseau d’idées (métastases) qui proviennent d’elle. A terme de cette modification, l’orage
mental cesse. Il parle d’une vertu auto-thérapeutique du délire = folie systématisée.
L’école française : deuxième partie du 19ème siècle
Jean-Pierre Falret, anatomiste pur, pour lui, tous les aliénés ont des lésions cérébrales. Il est influencé par
Griesinger dans sa conception dynamique et évolutive (école française subit l’influence de l’école allemande, qui
elle-même subissait l’influence de l’école française dans la première partie).
« Ne vous faites pas secrétaire de l’aliéné, soyez attentif à tous les autres signes ».
Il va décrire trois grandes phases dans sa conception évolutive de l’aliénation mentale :
1) Phase d’incubation : phase silencieuse, inaugurale – elle correspond à la phase émotion/angoise de
Griesinger
2) Phase de systématisation : le trouble et l’angoisse se fixe sur certaines idées.
3) Période ultime : incurabilité totale et stéréotypie apparaissent
Falret va avoir plusieurs élèves :
- Charles Lasègue : décrit en 1852 le délire de persécution et écrit la même année un article qui
s’intitule « Le délire alcoolique n’est pas un délire mais un rêve ».
Il décrit le délire de persécution en 3 phases - grande influence de Falret.
(1) Phase d’incubation : « Le malade est apriori normal, mais il éprouve un malaise indéfinissable XXX »
(2) Phase de systématisation, l’humeur se stabilise à la fin de cette deuxième phase.
(3) Survenue d’hallucinations auditives – non nécessaire, mais contingente.
- Morel : s’est intéressé à des formes d’aliénation mentale quasiment asymptomatique (= sans délire). Il
va introduire une conception qui s’appelle : la théorie de la dégénérescence. La dégénérescence est une
conception, basée sur une position anthropologico-psychiatrique, elle-même basée sur l’autorité de la genèse
biblique. Selon lui l’Homme a été créé selon un type primitif parfait, « toute déviation de ce type est une
dégradation, une dégénérescence. ». Dans ce type primitif parfait on retrouve une conception de la morale,
affirmation de la domination de la morale sur le corps. Selon lui cette dégénérescence est héréditaire et
exponentielle. « Celui qui en porte le germe devient de plus en plus incapable de remplir sa fonction dans
l’humanité » un vrai problème pour l’humanité… ! On retrouve l’idée d’intérêt générale, de dimension
collective. On voit très bien la dérive sociale et politique d’une telle doctrine : eugénisme : ensemble des
techniques qui visent à améliorer le patrimoine génétique d’un groupe d’individu. Retour sur Asperger, lors de la
seconde guerre mondiale.
- Snenn : il identifie des formes de folies systématisées qui apparaissent d’emblée, en contradiction avec
Griesinger, avec lequel il va en discuter paranoïa.
Retour en France, dernier quart du 19e
- Magnan : le délire chronique qu’il décrit en plusieurs phases : (1) inquiétude ; (2) persécution ; (3)
période de grandeur ; (4) période de démence (pour certains un élément circonstanciel de l’enfermement).
- Ritty : en 1877, écrit « Des délires basés sur des faits vrais ou vraisemblables ». Il identifie des formes
de délire qui sont crédibles, qui passent inaperçue dans la communauté, dans les normes. Il décrit des phases
évolutives, avec des petits indices discrets (désocialisation, idées fixes, etc.)
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Retour en Allemagne, fin du 19ème
- Kraepelin : grand classificateur. En 1899, il reprend la définition de la paranoïa et la précise (sur la
base de celle de Krammer, Snenn et ?) : « le développement insidieux sous la dépendance de causes internes et
selon une évolution continue d’un système délirant, durable et impossible à ébranler qui s’instaure avec une
conservation complète de la clarté et de l’ordre dans la pensée, le vouloir et l’action. » Une conception qui n’est
pas déficitaire.
Pour forger sa théorie des psychoses Lacan va lire les textes de Freud attentivement afin d’en extraire un
concept inédit. Ce concept rendra compte rationnellement du processus à l’origine de toutes les psychoses.
Les aliénistes du 19e siècle avaient l’idée de cerner le « fait primordial » à l’origine de l’aliénation mentale. Lacan
va forger ce concept.
Le sens que Lacan donne au terme de psychose n’est pas tout à fait celui que Freud lui donnait.
Attention, cela ne veut pas dire que le sens que Lacan donne à la psychose a une clef universelle. Chaque
définition est à contextualiser selon l’auteur et l’époque.
Freud
Définition de la psychose selon Freud, possibilité de passage de psychose à névrose
Pour Freud, on peut dire que la psychose est déterminée par un détachement entre le moi et le monde
extérieur. Elle est proche d’un état de confusion. En lisant son œuvre, on s’aperçoit d’une chose : pour Freud la
psychose est un état qui peut chez un même sujet se résorber ou évoluer en névrose, ou au contraire provenir
d’une névrose. Il y a une forme de continuité de la psychose dans la pensée de Freud qu’on a souvent négligé ;
car la pensée psychanalytique dans la tradition française a dressée des cloisons étanches entre névrose,
psychose, etc.
Le terme de psychose est incertain chez Freud. Dans l’introduction à la psychanalyse (1933) « Révision de la
théorie du rêve », il parle du rêve comme d’une psychose inoffensive. A la fin de son œuvre, Abrégé de
psychanalyse (1938), il dit que « ainsi le rêve est une psychose, avec toutes les extravagances, toutes les
formations délirantes, toutes les erreurs sensorielles liées à celles-ci… » cohérent si on considère qu’il y a un
détachement entre le moi et le monde extérieur. Le rêve nous donne l’exemple d’une psychose résorbable. C’est
une psychose inoffensive. Le rêve est pris afin de comprendre 1) la psychose, 2) son évolution, 3) sa résorption.
En effet, le rêve donnait le modèle d’une psychose et de sa rémission.
Par exemple dans la lettre à Jung du 14 avril 1907, Freud lui dit « il serait d’ailleurs tout à fait possible qu’un
véritable cas d’hystérie ou de névrose obsessionnelle tourne au bout d’un temps en dementia ou en paranoïa
sans qu’on se soit trompé dans le diagnostic. Cette possibilité est théoriquement bien démontrable ». On retrouve
une certaine idée « continuiste » entre névrose et psychose.
Freud avait déjà écrit des articles 13 ans avant en faisant la différence entre des mécanismes spécifiques
définissant des états (névrosiques, schizophréniques). Mais dans son esprit, un même individu peut passer d’un
état à l’autre.
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Cette conception continuiste n’est pas en opposition avec une démarche différentialiste, i.e. que Freud ne disait
pas que névrose et psychose étaient la même chose. Il existe selon lui un mécanisme spécifique pour chacune.
Freud n’a jamais renoncé à essayer d’identifier le mécanisme spécifique à l’origine de la psychose/de l’état
psychotique
Ce n’est pas du tout le cas de Lacan, « n’es pas fou qui veut », les fous sont prédisposés à l’être.
Destin de la libido
Freud va complexifier l’idée selon laquelle la libido se retire par rapport au monde extérieur > rupture entre le moi
et le monde extérieur = détachement. Cependant on ne peut pas dire que le détachement de la libido par rapport
au monde extérieur fait la spécificité de la psychose, on la retrouve par exemple dans le deuil (détachement
libidinal).
Dans le cas Schreber, Freud va remarquer que lorsque la libido se retire, elle se retire jusqu’à des points de
fixation libidinaux qui diffère dans les schizophrénies et dans la paranoïa :
- La fixation dans la schizophrénie est au stade auto-érotique, elle est plutôt stable
- Le point de fixation de la paranoïa est au stade narcissique.
Mécanisme de projection
Freud parle à plusieurs reprises du mécanisme de la projection qui fait le fondement de la paranoïa. Il écrit :
« Il n’est pas juste de dire que ce qui a été repéré au-dedans fut projeté au-dehors. On devrait plutôt dire que ce
qui a été abolit au-dedans revient du dehors. » Le fait de l’avoir abolit en moi, cette chose s’impose à moi du
dehors. Freud cible quelque chose plutôt intuitif.
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Dans tous les cas, Freud s’intéresse à la fonction des symptômes entre eux qui tournent autour d’un mécanisme.
Freud ne s’intéresse pas à la classification des symptômes, mais aux processus sous-jacents à l’ordre des
phénomènes morbides. Il ne s’intéresse pas à l’ordre des phénomènes morbides en tant que tel mais
s’intéresse aux mécanismes.
Dans le cas du Dr Schreber (1911) il écrira « il importe au fond assez peu que nous appelions d’une façon ou
d’une autre des tableaux cliniques. La lutte (défense) aurait pu revêtir une toute autre forme ».
Le 22 avril 1910, Freud écrit une lettre à Jung : « Mon Schreber représente le coup le plus audacieux contre la
psychiatrie ». Il prévoit de publier Le cas Schreber (1911) pour contrer la thèse de Bleuler sur la schizophrénie.
Freud a l’intuition d’un processus de rejet dans la psychose qui est spécifique car il n’est pas le refoulement.
« Dans les psychoses, le moi rejette la représentation insupportable en même temps que son affect et se
comporte comme si la représentation n’était jamais parvenue jusqu’au moi »
Il va utiliser, pour qualifier ce processus de rejet les termes de verleugnung (se traduit en déni) et de
verwerfung (utilisé pour parler du moi rejeté).
Il avait fait dès 1894 dans « Les psychonévroses de défense » : au sein de certaines psychonévroses de défense
le moi rejette la représentation insupportable en même temps que son affect et se comporte comme si la
représentation n’était jamais arrivée jusqu’au moi. Mécanisme spécifique de rejet radical dans les psychoses.
Rejet du refoulement : la représentation refoulée est refoulée dans l’inconscient.
L’homme au loup (1918) : Freud le considérait comme un névrosé. Il remarque qu’il y a chez lui un courant
psychique qui de la castration n’en voudrait rien savoir. Accent de radicalité dans le rejet de la castration. Il
existerait différents courants psychiques chez l’homme au loup. Il va dire que le déni est à l’origine du clivage du
moi dans les psychoses. Effet d’un rejet particulier.
Texte de 1938 « Abrégé de psychanalyse » : le clivage se trouve aussi bien dans les psychoses, dans les
névroses que dans les perversions.
Mais alors de quoi s’agit-il ? Le mécanisme spécifique, le rejet particulier, Freud ne le dira jamais ! Freud est en
revanche de plus en plus persuadé sur le fait que (1) ce n’est pas le refoulement ; (2) le mécanisme est plus
radical que le refoulement.
Résumé
En conséquence, Freud n’a jamais cessé de chercher la spécificité du processus à l’origine des psychoses. Sa
théorie des psychoses reste incertaine faute de s’appuyer sur un concept clairement défini et distinct d’autres
processus de défense comme le refoulement par exemple. Il n’a pas circonscrit le processus de rejet des
psychoses mais on peut résumer certains éléments concernant les psychoses chez Freud :
Freud va perpétuer une idée qu’on retrouve déjà dans les théories aliénistes du 19e siècle
(Griesinger) : le délire est une tentative de guérison.
Il apporte à ça la métapsychologie : le délire est une tentative de guérison dans la mesure où le délire
permet au sujet psychotique, de réinvestir la libido qui s’était retirée du monde extérieur, et le délire
permet de redistribuer la libido aux objets explication libidinale
Le délire de persécution me permet de trouver un persécuteur, je peux organiser mon monde autour de
cette identité de persécuteur.
Dans les psychoses, comme dans les névroses et perversions, i.e. dans toutes les formations de
l’inconscient : ce sont des déterminations de l’inconscient et notamment du complexe paternel, au
cœur du complexe d’Œdipe.
Dans le délire, on retrouve la trace du désir en tant qu’il est désir incestueux.
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Dans les psychoses comme dans les névroses, les processus inconscients impliquent une
structure langagière ; c’est un langage qui se déchiffre. Freud dit que « le rêve est un rébus ». Les
thématiques délirantes sont toutes inféodées à une structure langagière.
Délire de Schreber : érotomanie, persécution, mégalomanie, jalousie : « moi un homme je l’aime lui un
homme » arrangé de différentes façons. Freud en déduit une structure langagière qui vient en
donner une structure de la paranoïa.
On ne trouve pas chez Freud l’idée selon laquelle la psychose trouve ses déterminations dans
un défaut des liens précoces parent-enfants, dans les premiers soins. On la trouvera cependant
certains post-freudiens.
Lacan
Poursuite de la démarche de Freud
Contrairement à d’autres postfreudiens (Feder), Lacan ne cherchera pas l’origine de la psychose dans un
défaut mère-enfant, ni dans une forme de fragilité des frontières du moi. Contrairement à Nacht et
Racachier, deux français.
Il va reprendre là où Freud en était resté et va continuer à rechercher un processus spécifique à l’origine des
psychoses afin de dégager une théorie consistante et une clinique qui va avec. Comment va-t-il procéder ? Il ne
va pas partir du même point que Freud. Lacan a des expériences cliniques et universitaires différentes de Freud.
Il a une formation de psychiatre à Saint-Anne (Freud : neurologue), formé par Gaëtan de Clérambault. Il relit
méthodiquement Freud et lui envoie sa thèse sur la paranoïa (1832).
Met en place une démarche systématique de l’œuvre de Freud, à partir des années 1950 : « retour à
Freud ». Démarche qui va le conduire à former une théorie originale de la psychose qui va émerger tout
particulièrement dans le séminaire 3 « Les structures freudiennes des psychoses » (1855-56) écrit un article
extrêmement dense « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose » (1859)
Place du champ narcissique dans la psychose
Dans sa thèse, en 1832, il écrit que la phase féconde du délire est la conséquence de l’effondrement de la
relation narcissique du sujet avec la réalité. C’est la rupture du lien narcissique à la réalité qui produit la phase
féconde du délire. Lecture des psychoses coordonnée à des éléments qui tournent autour du narcissisme.
Les investissements du sujet psychotique sont sur le monde narcissique, quand cette relation narcissique
s’effondrait, c’était là qu’apparaissait le délire.
Les persécuteurs de certains sujets paranoïaques étaient sur le mode des identifications itératives (comme des
clones, copies d’un prototype originaire).
Chez Schreber « hommes bâclés à la six-quatre-deux » tous identiques.
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Verwerfung et bejahung
Lacan reprend une lecture très détaillée de Freud ; il en extrait une notion en allemand : la verwerfung (= moi
rejeté). Il l’extrait « dans les 2 ou 3 coins où elle montre le bout de l’oreille et même quelque fois là où elle ne le
montre pas, mais où la compréhension du texte exige qu’on la suppose ». Il avance petit à petit sur la spécificité
du mécanisme de rejet.
Il va s’appuyer sur le philosophe Jean Hyppolite : il va l’inviter à un de ces séminaires dans les années 50 et va
lui demande de commenter un texte de Freud (« La dénégation »).
Freud utilise un terme allemand pour dire : pour que je puisse être déterminé par l’ordre symbolique, il faut une
opération inconsciente qui fait que je consens à ça. Ce consentement « bejahung » : accueil en moi de quelque
chose de symbolique, à partir de là tout l’ordre du symbolique s’organise en moi. En d’autres termes, le sujet
accueille certaines représentations du monde, les incorpore en lui et en rejette d’autre.
Freud ne parle pas du déni dans ce texte, mais Lacan va s’intéresser très attentivement à ce texte sur les
mécanismes et va dire qu’à l’origine des psychoses il y a un processus spécifique de rejet que lui appellerait un
« non-bejahung » Elle s’impose à moi d’une autre façon. « Ce qui n’est jamais venue au jour du symbolique,
apparaît dans le réel » Il donne l’exemple de l’homme aux loups, lorsqu’il est avec sa nurse, il joue avec un canif
et tout d’un coup il est pris d’horreur car il croit voir son doigt coupé, il est sidéré hallucination du doigt coupé.
L’hallucination revient du dehors. Mais de quoi s’agit-il ? La castration elle-même, elle n’a pas été l’objet du
bejahung donc elle s’impose du dehors. « Ce qui n’est jamais venu au jour du symbolique apparaît dans le réel ».
C’est ce qui fait dire à Lacan que la verwerfung (= rejet radical à l’origine de psychose) a coupé court à toute
manifestation de l’ordre symbolique, i.e. la bejahung (= incorporation). La verwerfung empêche qu’il y ait une
bejahung.
Forclusion
Ce terme de « verwerfung » que Lacan va extraire de l’œuvre de Freud comme mécanisme spécifique de la
psychose va le nommer « rejet », « retranchement », il va finalement adopter définitivement un terme qu’il
emprunte au vocabulaire juridique qui est la « forclusion ».
La forclusion est la déchéance d’un droit non exercé dans des délais prescrits.
Sur quoi porte la forclusion spécifiquement ? Signifiant chez Lacan = représentation chez Freud.
Chez Lacan, le terme de forclusion ne sera pas réservé spécifiquement à la psychose.
Nom-du-père
Dans le séminaire 3, Lacan relit Schreber. Pour ce dernier, tout tourne autour de son souci d’éviscération, il doit
être émasculé, c’est le prix à payer pour que Dieu le laisse tranquille. Lacan va avancer que dans la psychose,
tout tourne autour d’un signifiant mâle primordial.
Lacan plonge de nouveau dans le complexe d’Œdipe chez Freud, sur le complexe paternel, et essaye de
logiciser : au centre du complexe d’Œdipe il y a la fonction paternelle. Elle est le pivot autour duquel tourne le
complexe d’Œdipe. Elle articule le désir à la loi. Lacan avance là-dessus et va finir par dire qu’au cœur du réseau
de représentations de l’inconscient il y a un signifiant qui n’est pas comme les autres, signifiant central et
majeur sur lequel s’appuie la fonction paternelle, au centre de la trame symbolique: le « Nom-du-père ».
Le fameux mécanisme que Freud n’avait pas trouvé va être appelé par Lacan « la forclusion du nom-du-
père ». A partir de là, il va former sa théorie du Nom-du-Père et sa clinique. Pour Lacan, la psychose est
déterminée par ce processus contrairement à la névrose.
La position névrotique n’est pas dans un rapport de continuité avec la position psychotique. Le Nom-du-Père
organise la trame symbolique de l’inconscient :
13
- Il est refoulé dans la névrose : le Nom-du-père dans les névroses n’est pas forclos. Quand on est
névrosé, on n’est jamais psychotique. Il n’y a pas de point de passage entre l’un et l’autre. Une fois qu’il y a
forclusion on ne peut plus revenir en arrière. Dans la perspective lacanienne on ne peut pas parler d’un noyau
psychotique ; il n’y a pas d’état psychotique.
- Il est forclos, aboli dans la psychose : « le défaut qui donne à la psychose sa condition essentielle » :
qui la sépare de façon irréversible de la névrose.
Approche discontinuiste : névrose/psychose/perversion.
Il a suivi toutes les traces de traits distinctifs jusqu’à en extraire un concept, une théorie, et la clinique qui va
avec. On ne peut pas parler de confusion psychotique, ni de symptômes psychotiques chez le névrosé
dans la théorie de Lacan. L’élaboration de forclusion du Nom-du-Père chez Lacan est inconcevable sans les
textes de Freud, pourtant ce concept n’existe pas tel quel chez lui.
Champ clinique
Sur le plan clinique par exemple, le Nom-du-Père étant ce signifiant qui désigne la fonction paternelle, a un lien
avec Dieu dans les religions monothéistes. Quand certains sujets psychotiques déclenchent (Schreber), ils vont
avoir affaire, en réalité, condition de déclenchement : lorsque tel sujet psychotique va rencontrer dans sa vie une
conjoncture dramatique, une situation qui va mettre en jeu la fonction paternelle, le Nom-du-Père. Par exemple la
paternité.
Pour que le sujet puisse assumer la fonction qui est la sienne à ce moment-là il doit s’appuyer sur cette
fonction qui est dans son inconscient (ici pour le névrosé).
Le psychotique ne peut s’appuyer sur rien puisque le Nom-du-Père n’est pas dans l’inconscient mais
complètement aboli déclenchement tentative de guérison : convocation dans le délire d’une «
suppléance », ou chez Freud « une pièce que l’on colle là où s’est produit une faille dans la réalité ». Il va devoir
inventer une solution qui va suppléer ce qu’il manque à la place, pas sans lien avec le Nom-du-Père, chez
Schreber : Dieu, signifiant paternel qui fait office du Nom-du-Père ;
Sujet psychotique qui se met à douter de sa filiation.
Schreber : suppléance = délire.
Conjoncture dramatique de Schreber : il déclenche de façon franche quand il est nommé « Président de la
chambre de la cour d’appel ». Quelque chose de sa nomination fait appel à la fonction paternelle, il est à la tête
de ses collègues.
Signes avant-coureurs : moment où sa femme était enceinte et a fait des fausses couches. Mais entre le temps
où elle était enceinte : idées hypocondriaques, et le temps où elle fait sa fausse couche : plus rien.
Il y a des psychanalystes postfreudiens, non lacaniens ont interprété ça subjectivement : « il a mal vécu les
fausses couches de sa femme ».
Chez un grand poète psychotique : Antonin Artaud : on peut penser qu’il s’est servi de sa poésie comme une
tentative de reconstruction.
On retrouve parfois à ciel ouvert ce dont on vient de parler : Artaud décrit un gouffre infini qui parle, structure
langagière et qui de l’antre éperdue de ce néant laisse monter les syllabes « ar-tau ». Il décrit avec sa poésie
exactement cette fameuse faille qui s’est ouverte et où surgit ce qui était attendu : ici son nom.
14
CM 5 : Théories kleinienne et anglo-saxonne des psychoses
Guy Gimenez – 10 oct.- 23
Introduction : une idée préconçue modifie notre perception d’un événement
On prend deux spécialistes de la paranoïa, et on leur dit « nous avons besoin que vous interviewiez un patient qui se prend
pour un psychiatre car nous n’y arrivons pas ». Il y a donc un entretien entre deux psychiatres dont chacun pense que l’autre
est un paranoïaque. Tout ce qui est dit va être interprété à partir du diagnostic préétabli « il est paranoïaque ». Les
remarques de l’un et de l’autre vont étayer leur propre hypothèse comme quoi l’autre est paranoïaque.
Tout ce qui est dit va être interprété à partir d’un diagnostic présupposé.
3 personnes qui se prennent pour le Christ mises dans la même salle. Voir comment les identifications se modifient et se
transforment. Ils se prennent pour le Christ mais ils ne veulent pas blesser les autres donc accompagne plus ou moins
brusquement dans leur délire.
Méthode kleinienne : pour aider un patient, il faut prendre en compte son point de vue. Les kleiniens et post-kleiniens vont
beaucoup parler de la notion de point de vue.
Bion travail dans le champ des hallucinations. On doit étudier le vertex partie psychotique de la réalité. Quand un patient
parle de ses hallucinations on peut presque halluciner.
La compréhension de ce qu’est la psychose selon Bion est loin de celle de Freud ou de Lacan. La façon d’aborder
l’objet nous fait dire des choses contradictoires.
Il est important de s’identifier au fonctionnement du sujet pour le comprendre, de faire cohabiter notre monde au sien
afin de rester ouvert, de ne pas être saturer par ce que l’on sait déjà. Importance aussi d’essayer d’adopter un autre point de
vue ⇨ Point de vue phénoménologique qui permet d’explorer le monde hallucinatoire ou autre.
Anecdote 1
Un jour arrive une voiture de police, ils sortent un patient du coffre. Monsieur Le, est menotté les mains dans le dos avec du
sang partout. Les 3 policiers disent qu’il les a attaqués. C’était en fait l’inverse.
Faire attention à la manière d’interpréter.
Anecdote 2
Reçoit un coup de fil d’une collègue psychiatre qui demande si un patient est schizophrène ou obsessionnel. Le patient
arrive avec son père, il s’assoit, il est fatigué. La veille la mère l’avait appelé pour annuler le rendez-vous parce qu’elle veut
l’hospitaliser.
Il se regardait dans le miroir et ne se reconnaissait pas. Le père dit qu’il est inquiet et le fils répond que lui aussi est inquiet. Il
dit que des pensées s’imposent à lui. Déréalisation, Hallucinations ?
Le fils dit qu’il pense qu’il va se suicider, ses pensées s’imposent à lui, lui disent qu’il est un criminel. Première pensée qui
s’est imposé à lui « est ce que tu aimes vraiment ta copine ? ».
Ce n’est pas une pensée délirante mais une pensée obsédante. La pensée vient du dedans ou du dehors ? du dedans.
Pensée folle car non rationnelle mais pas délirante.
Il est très angoissé et on lui propose de faire une expérience. Exercice de respiration, vide la pensée. Il a des mouvements
haineux insupportables.
- Névrose obsessionnelle : la relation d’objet Bouvet.
- Noyau extrêmement archaïque qui ressemble quelquefois à la psychose.
- Moment de dépersonnalisation.
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- Problème de pensée magique.
La façon de théoriser, comprendre va influencer sur les hypothèses.
Selon Freud, le psychisme fonctionne comme une véritable structure. Nous sommes construits comme une structure,
quand il y a une crise cela révèle la structure qu’il y avait avant. Métaphore du cristal, « vous êtes comme un cristal » :
lorsqu’il y a une crise, le cristal va se briser et alors révéler qui l’on est vraiment. Freud pense qu’il y a une certaine stabilité ;
la structure ne change pas, seule la crise diffère et révèle donc la structure. Il existe des structures de type « fusionnelles » :
on va parler de la position schizo-paranoïde.
Dans la psychose la relation à l’autre est une relation de prolongement et pas d’altérité.
Espace à 3 dimensions dans la névrose : moi, l’autre, l’environnement.
Anzieu : continuité psychique entre soi et l’autre, les deux interdits du complexe d’Œdipe :
- Interdit de la fusion : tu ne peux plus être en relation de continuité avec ra mère.
- Interdit de destruction : tu ne peux pas détruire celui qui te sépare.
Interdits qui n’ont pas été présents pour structurer le psychotique.
Il y a l’idée d’une continuité avec l’autre dans la psychose.
Sujet + objet = 1 (1+1 =1) sauf le jour où il y’a séparation avec l’objet, on dira alors que 1+1 = 3
→ Triangulation de Mélanie Klein, relation triangulaire (sujet + objet + tier séparateur).
La forclusion du « nom du père » de Lacan signifie qu’il n’y aurait pas eu de triangulation, de séparation. La forclusion
n’aurait jamais été inscrite et ne le sera jamais (c’est trop tard).
Anecdote
Patient qu’une psychologue suit depuis des années, elle va le voir chez lui pour un suivi, il joue avec le gaz et allume le
briquet à côté. Il explose en partie, des morceaux de sa personne atterrissent sur la psychologue, elle l’accompagne dans
l’ambulance. Bruit de la borne de suivi du cœur qui s’arrête. Elle continue d’entendre ce son. Bouffée délirante.
La différenciation entre la psychose et ce qui n’est pas la psychose n’est pas toujours aussi évidente.
Locale : décrite pas Nasio, forclusion du signifiant, quelque chose qui est une pensée n’a pas été inscrit physiquement.
Représentation d’une expérience qui ne peut pas être inscrite symboliquement.
o Pas eu le bejahung.
o Rejet chez Freud.
Il y a la notion de forclusion chez Lacan : une forclusion locale qui est la forclusion du signifiant (rejet de la représentation de
Freud) C’est quelque chose qui est une pensée qui ne s’est pas inscrit symboliquement On passe d’une relation de
continuité à une relation de discontinuité.
Klein : je ne peux pas accéder à la position dépressive : la capacité à penser à l’objet en son absence. Aller dans un autre
mode de fonctionnement dans lequel on peut se représenter l’absence. Supporter la séparation et se représenter l’objet
sous son absence. La représentation de l’absence est impossible, expérience perceptive hallucinatoire.
Anecdote
Patient qui dit à tout à l’heure à son psychologue avant de partir de la séance. Il prend ensuite le bus avec lui, va se doucher
et revient au cabinet le lendemain. Il avait halluciné être avec lui en dehors du cabinet.
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Patiente extrêmement hallucinée, elle raconte à son psychologue qu’entre les entretiens elle était très fatiguée parce qu’elle
allait prendre des photos à l’étranger avec lui.
Positions paranoïde-schizoïde
Une position est un mode de fonctionnement qui renvoie à nos logiques morbides psychiques et qui va ensuite se
développer tout au long de notre vie.
Mélanie Klein développe la position schizo-paranoïde et la position dépressive. Nous aurions à l’intérieur de nous un
fonctionnement archaïque, et les positions alterneraient de l’une à l’autre, comme des modes de fonctionnement.
Chez Klein, il y a le bon et le mauvais objet, l’objet persécuteur et l’objet idéal. L’angoisse est incarnée dans l’objet, elle
prend forme dans l’objet, plus l’angoisse est forte, plus le mauvais objet est persécuteur et plus la nécessite est grande
d’idéaliser un objet pour contrer la persécution.
On dit que Mélanie Klein est continuiste, bien qu’elle fasse la distinction entre névrose et psychose ; la position
paranoïde-schizoïde, quand elle n’est pas élaborée et qu’il n’y a pas d’angoisse dépressive, donne la schizophrénie et la
paranoïa. La position dépressive, quand elle n’est pas élaborée, donne la psychose maniaco-dépressive → ce sont donc
deux positions psychotiques.
Mélanie Klein situe ces positions au début du stade oral freudien (bien avant la constitution de l’Œdipe) ce qui suppose
l’existence dès la naissance d’un Moi capable d’éprouver de l’angoisse, d’employer des mécanismes de défense et d’établir
des relations d’objet dans le fantasme et dans la réalité.
Qu’en est-il du point du vue du sujet ? Le moi n’est pas encore unifié. C’est la dissociation. Les expériences du bébé, de
l’enfance et de l’adulte ne sont pas reliées les unes des autres. Il tète sa mère, il entend la voix de sa mère, sens son
odeur. Le moi se crée.
Bion pense que le psychisme en termes de cohabitations entre une partie psychotique et une partie non psychotique
de la personnalité. On ne pense plus en termes de psychose pure.
Il n’utilise pas la notion de structure mais de degrés : il y a une présence plus ou moins dominante de l’une des deux
parties selon l’élaboration psychique d’éléments alpha et beta chez les individus. On va appeler psychotiques les
sujets dont la partie psychotique va prendre le devant.
La fonction alpha de Bion est une fonction de traduction et de transformation d’éléments bruts, éléments bêta en élément
alpha. La fonction alpha reçoit les éléments de l’enfant et les renvoient de façon transformée avec un sens. Le bébé pleure,
la mère lui dit tu avais faim mon bébé, il tète, elle lui dit qu’elle est là.
Travail de digestion psychique : je prends quelque chose, je le transforme, restitution de quelque chose déjà digéré. Le bébé
n’est pas capable de faire ça (de digérer psychiquement), le schizophrène non plus.
Les éléments alpha renvoient à la névrose et les éléments bêta renvoient à la psychose.
Si la mère n’est pas apte à contenir les ressentis violents de son enfant, les affects pulsionnels et impressions sensorielles
non élaborées ne peuvent être transformés. Ils deviennent des éléments bêta, non intégrés, dont le sujet essaie de se
défaire par le biais de l’identification projective.
Le dedans et le dehors ne sont pas conceptualisés et intégrés. Exemple d’un patient : il n’y a pas d’analogie entre le concept
et son corps et de la pièce : si je rentre dans la pièce, je rentre dans son corps.
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Anecdote :
Patient très dangereux qui avait essayé de tuer ses parents, il était très fort. Dans un entretien il hurle, et dit « je vais tuer
quelqu’un », le psy était seul dans la pièce. Il demande s’il ne veut pas parler plutôt.
Les expériences du sujet sont des expériences éparpillées, pas encore reliées.
Selon Bion, on appelle psychotiques, les individus qui ont une partie psychotique tellement importante qu’elle vient prendre
toute la place.
Dans la théorie de Mélanie Klein, il y a dans la position paranoïde schizoïde sept points important : la cohabitation
d’éléments éparpillés non encore reliés, la toute-puissance, l’idéalisation narcissique, clivage, projection et identification
projectile, l’angoisse paranoïde et le passage de l’objet partiel à total.
Il y a dans cette position une cohabitation d’éléments éparpillés non encore reliés. Pas passés en sens, pas passés par la
fonction a.
C’est une façon de parler du morcellement du moi. Le moi est non-unifié. C’est ce que le psychiatre appelle la dissociation
en tant qu’état d’organisation de la personnalité. Ces éléments bruts sont déliés car non encore liés, ils ne sont pas passés
par la fonction alpha. Ce qui est dedans s’écroule dehors.
La position schizo-paranoïde est un mode de fonctionnement dans lequel les expériences et objets du sujet ne sont pas
encore unifiées mais partielle.
Il y a des prolongements de moi au dehors. La contenance décrite par Bion : on reçoit ce que le patient a à nous adresser et
vous lui restituez.
- Le psychologue passe 5m derrière le patient, il hurle, le psychologue lui demande pourquoi ? Il lui dit vous me
faites mal au dos.
- Angoisse de vidage : la fenêtre est ouverte, son cerveau va s’écrouler (elle est présente dans la pièce).
Les liens vont être progressivement introjectés dans la thérapie, on va faire le lien, contre la non-liaison. A ce moment-là, la
séparation est impossible. L’idée est que le psychisme de l’interlocuteur peut prendre ces éléments éparpillés pour les
recevoir, les transformer (fonction alpha), les digérer et les restituer au sujet. Pour Bion, il faut apprendre au patient à
introjecter la fonction alpha par le sujet.
Le passage de la position parano-schizoïde à la position dépressive correspond au passage de l’objet partiel à l’objet total.
Eléments liés qui ont ensuite été déliés à la suite d’un traumatisme.
2. La toute-puissance de la pensée
Le deuxième point important est la toute-puissance de la pensée (Ex : éteindre le soleil par la pensée). L’hallucination
n’appelle pas de contradiction dans la réalité. La pensée vient s’opposer à l’épreuve de la réalité ici : il n’y a pas d’épreuve
de la réalité.
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Exemples :
- Patient qui se prend pour Horus, un dieu. Il se prolonge dans la télévision pour attraper la jambe de Maradona et
l’empêcher de mettre un but.
- Patiente qui dit qu’elle est belle blonde aux yeux bleus alors que ce n’est absolument pas le cas.
- Patient qui se prend pour Jésus.
L’épreuve de la réalité est inexistante. La toute-puissance de la pensée s’oppose à l’épreuve de la réalité et vient
s’ajouter aux idées oppressantes.
3. L’idéalisation narcissique
Le Moi idéal dit ce que tu dois être, il y a des injonctions tyranniques (= voie tyrannique). Il s’agit d’idéaliser des objets de
manière narcissique, mais cette idéalisation implique un clivage. En effet, cela bascule en persécution dès qu’il y a une
frustration. Quand on tombe amoureux, c’est une forme d’idéalisation narcissique (mais ce n’est pas pathologique) ; on
tombe amoureux de l’image que l’on a construite de l’autre.
Freud dit que celui qui est le persécuteur a toujours été celui qui était aimé avant.
- Idéalisation mature selon l’idéal du moi.
- Idéalisation narcissique selon le moi idéal.
4. Le clivage
Très lié à l’idéalisation narcissique. Il s’agit de séparer les expériences agréables et désagréables.
Il y a une introjection du bon (idéalisé) et un clivage du mauvais projeté à l’extérieur (le persécuteur). Dans le clivage, le Moi
se sépare en deux parties : les expériences agréables d’un côté et les désagréables de l’autre.
La projection est un mécanisme central de défense dans la position paranoïde-schizoïde qui consiste à méconnaitre
quelque chose dedans (souvent la haine, une pensée, une émotion, un affect) et le localiser dans l’autre pour le détruire ou
le contrôler/manipuler.
On sent dans notre corps la charge d’investissement destructive que le patient projette sur nous.
L’identification projectile : je méconnais quelque chose dedans et je le localise dehors à l’intérieur d’un objet dans le but de le
manipuler ou de le détruire.
Le patient met en nous des éléments qu’il ne supporte pas à l’intérieur lui-même.
6. L’angoisse paranoïde
Elle génère des mécanismes de défense particuliers : angoisse d’intrusion, désintégration, anéantissement et défenses
de type clivage, fragmentation, projection, identification projective, idéalisation narcissique.
Objet partiel : objet qui existe tant qu’il fournit une expérience, soit une expérience de satisfaction, soit de
frustration. Ce n’est pas un objet total.
Le passage de la position schizo-paranoïde vers la position dépressive correspond au passage de l’objet partiel à l’objet
total. On accepte de tolérer la perte de l’objet.
On inclue l’absence de l’objet en question dans sa présence même : on ferme les yeux devant quelqu’un, quand on les
réouvre il est toujours là, et quand on ne le voyait plus, on pensait tout de même à lui.
Dans la position dépressive, le Moi peut avoir recours aux mêmes mécanismes de défense que dans la position schizo-
paranoïde, mais cette fois-ci contre une angoisse dépressive et non plus une angoisse de persécution.
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L’objet aimé est en péril, il risque de mourir du fait des pulsions agressives adressées à celui-ci. Il pourrait être perdu à
cause du sujet, car il continue d’avoir des pulsions destructrices à l’égard d’un objet total.
Pour Klein, le deuil ne correspond pas à la vision de Freud qui est de désinvestir l’objet et d’en réinvestir un autre. Pour
Klein, il s’agit d’investir à l’intérieur de soi l’objet perdu. Une perte à l’extérieur pourrait entraîner une perte à l’intérieur (ex
d’une fille qui se suicide car son copain l’a quittée, il a quitté son corps.
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détruire l’objet même, de nuire à celui-ci, d’habiter l’objet. - Ambivalence
Bion va décrire une identification projective réaliste à visée - Angoisse dépressive
de communication non pathologique, comme quoi il - Perte
existerait un mode de communication infra-verbal qui fait - Deuil
qu’il y a une projection d’une charge d’affect à l’intérieur de - Culpabilité
l’autre. - Mécanismes de défenses
Lorsque l’on travaille sur la psychose, il existe deux types Notion importante, celle de l’ambivalence :
de clivages : L’ambivalence d’un point de vue psychanalytique c’est la
- Clivage stable = séparer les bons et les mauvais objets capacité d’éprouver de l’amour et de la haine pour le
dans la paranoïa même objet en même temps. Ce premier cas essaye de
- Clivage instable = dans la schizophrénie montrer la complexité de la notion de structure et de
comment on se repère pour faire des hypothèses sur la
Dans le clivage, le Moi se sépare en deux parties ; l’une pathologie du patient → position dépressive.
correspondant aux expériences agréables et l’autre
correspondant aux expériences désagréables. C’est
l’active séparation des parts agréables des parts
désagréables.
Symptômes : détachement de la réalité ; symptômes de dissociation (quand il est à côté de lui-même) ; repli
autistique ; décompensation à la suite de la météorite ; angoisse de morcellement (quand il est dans le sol, qu’il n’a plus de
tronc) ; sensation de fin du monde.
Une personne lambda, Henry, vit un événement réel qui va prendre pour la personne une signification particulière
et personnelle. Une météorite « lui tombe dessus », le déstructure. A/R de la caméra entre l’espace vécu (corps vécu du
personnage) et le regard extérieur son rapport aux objets a bougé contrairement à son environnement qui reste
immuable. Au moment de la décompensation, quelque chose se dénoue et lâche. Conséquences sociales de plus en plus
importantes sur sa vie quotidienne. A la fin du CT le corps d’Henry est fondu dans l’appartement ; il s’est laissé incorporé par
les murs « les limites du moi sont projetées dans le monde ».
Lire « La perte de la réalité dans la névrose et dans la psychose » de Freud. L’entrée dans la psychose implique une perte
de la réalité. Dans la névrose la perte du contact avec la réalité est en lien avec le symptôme déjà construit (ex. construction
de l’hypocondrie). Le délire aide le sujet à revenir à la réalité, d’où la thèse de Freud du délire comme guérison.
Prévalence du diagnostic de schizophrénie : 1/100. Les personnes souffrant de schizophrénie sont davantage victimes de
violence.
De quelle façon la question de la folie vient questionner le discours de contrôle, d’aliénation sociale et d’enfermement ?
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Partie 1 : L’invention et l’actualité du diagnostic de schizophrénie en psychiatrie
Dementia paecox – schizophrénie de Bleuler, dialogue avec Freud et Kraeplin
« Toute l’idée de la démence précoce vient de Kraeplin ; c’est aussi presque uniquement à lui qu’on doit la classification et la
mise en relief des divers symptômes. Il serait trop fastidieux de souligner spécialement ses mérites à chaque fois. Cette
remarque devrait suffire une fois pour toutes. Une part importante de la tentative d’approfondir plus avant la pathologie n’est
rien d’autre que l’application à la démence précoce des idées de Freud. Je pense que tout ce que nous devons à cet auteur
sera d’emblée évident à chaque lecteur, même si je ne cite pas son nom partout. » Bleuler, Dementia praecox ou groupe
des schizophrénies (1911).
A l’origine, Kraeplin (1856-1926) propose le terme de démence précoce : une maladie dans laquelle on rentre très tôt et
décline cognitivement. Il avait synthétisé l’hébéphrénie de Hecker et la catatonie de Kahlbaum. Il va définir la démence
précoce comme une opposition à la paranoïa où il y aurait une « conservation complète de la clarté et de l’ordre dans la
pensée, le vouloir et l’action » (définition de la paranoïa). La démence précoce est de 3 types :
- Hébéphrénie : appauvrissement du contact
- Catatonie : phase de sur-agitation puis soudainement plus rien
- Paranoïde : état dissociatif avec idées délirantes paranoïdes
Pour rappel, Kraeplin est le père de la sémiologie psychiatrique. Il a été très influent et l’est toujours aujourd’hui. Sa
nosographie est encore celle que l’on connaît aujourd’hui.
Bleuler (1857-1939), psychiatre, était un proche de Freud, et il tente de requalifier ce que Kraeplin appelle démence
précoce. Rappel : Kraeplin, Bleuler et Freud sont plus ou moins des contemporains. Ainsi E. Bleuler propose pour la
première fois le terme de ‘schizophrénie’ en s’appuyant sur la nosographie de Kraeplin, il garde la même classification et la
même définition.
Etymologiquement, en grec, schizo est le fait d’être fendu ; phrénie est l’esprit : les processus de la pensée et du
comportement sont cassés, ils perdent de leur cohérence.
1911 : date importante ! Freud propose une hypothèse inédite dans la psychiatrie de l’époque : le délire n’est pas qu’un
processus morbide, il est également une tentative de guérison. Dans cette tentative, il y a un noyau de réalité. En parallèle,
Bleuler avec une approche psychodynamique et très mal à l’aise avec la sexualité infantile, il publie : « Groupes de
schizophrénie ».
« J’appelle la démence précoce schizophrénie parce que, comme j’espère le montrer, la scission des fonctions psychiques
les plus diverses est l’un de ses caractères les plus importants » (Le groupe des schizophrénies, p.44)
Là où avant (i.e. pour Kraeplin) la schizophrénie était définie comme un état terminal et un état déficitaire, Bleuler propose
de la définir en fonction de son évolution de symptômes fondamentaux et y ajoute les symptômes accessoires. Bleuler
critique le pronostic sombre de Kraeplin. Il va garder l’étiologie organique mais va dire que l’expression de la maladie est
d’ordre psychique.
Symptômes fondamentaux
Association : « Nous considérons donc le trouble des associations comme primaire, pour autant qu’il s’agit d’une
diminution ou d’un nivellement des affinités [associatives] ». Il y a une diminution des affinités associatives et un maniérisme.
Ambivalence : « La tendance de l’esprit schizophrène à doter les éléments psychiques les plus divers des signes négatifs et
positif (ambivalence) n’est certes pas toujours très développé »
Autisme et rapport à la réalité : « Pour les malades, le monde autistique est tout autant réalité que le monde réel, encore
que ce soit parfois une autre sorte de réalité. Ils ne peuvent souvent pas distinguer ces deux sortes de réalité, même quand
ils les différencient en principe ». Bleuler propose le terme d’autisme à la suite d’un débat avec Freud, où Bleuler explique le
repli de l’affectivité. Pour Freud, ce retrait est la libido qui se recentre sur le Moi (se mettre à l’abri, auto-érotisme). Pour
22
Freud, la schizophrénie est un repli narcissique. Le terme d’autisme proposé par Bleuler n’a pas la même signification que le
diagnostic qui est proposé aujourd’hui.
Symptômes accessoires
On verra que ces « symptômes accessoires » sont devenus des symptômes décisifs dans les derniers DSM.
Synthèse
Kraeplin propose une démence précoce (= dementia praecox) avec une dégénérescence, avec l’idée que tout est détruit et
que c’est irréversible.
Bleuler quant à lui propose le terme de schizophrénie, spaltung. Il va proposer un processus psychopathologique «
fonctionnel » : ce sont les liens qui sont coupés, mais pas tout qui a été abolit.
Les symptômes fondamentaux sont « caractéristiques » de la maladie tandis que les symptômes accessoires varient d’un
sujet à l’autre (i.e. non spécifiques). Ils ne sont pas à confondre avec les symptômes positifs et négatifs. Dans les
symptômes positifs, il y a tout ce qui fait du bruit (hallucination, délire), et dans les symptômes négatifs tout ce qui est en moi
(retrait social).
Freud va se demander quels sont les mécanismes spécifiques à la psychose de manière générale ? Qu’est-ce qui
différencie la psychose de la névrose ? Le modèle privilégié de Freud est la paranoïa.
Victor Tausk qui était un élève de Freud est le premier médecin qui va parler du délire d’influence, syndrome récurant
dans la schizophrénie.
Attention :
- L’hallucination n’est pas « pathognomonique2 » de la psychose, mais se retrouve dans toutes les structures par
exemple dans les névroses dites « extraordinaires »
- Le délire n’est pas non plus « pathognomonique » de la psychose. Pour une distinction entre délirium
(névrotique) et le « wahn » (psychotique), cf. Maleval, Logique du délire (2000).
2
On dit d'un signe clinique ou d'un symptôme qu'il est pathognomonique lorsqu'il caractérise spécifiquement
une maladie unique et permet donc, à lui seul, d'en établir le diagnostic certain lorsqu’il est présent.
23
Destin actuel de la schizophrénie dans le Spectre de la schizophrénie et autres troubles psychotiques du DSM V
- Ambivalence
- Bizarrerie
- Impénétrabilité
- Détachement
- Xénopathie
- Syndrome de référence
- Syndrome d’influence
- Dissociation, ambivalence, discordance
- Retrait et négativisme
- Régression
La question du diagnostic au sens psychiatrique du terme ne l’intéresse pas trop. Avec Schreber, il nous pond sa tentative
de guérison du délire.
Chez les Freudiens, le narcissisme et la libido vont se retourner vers le Moi. Il dit qu’il n’y a pas de transfert dans la
psychose, parce qu’il faut pouvoir nouer des liens et comme toute la libido est retournée vers le Moi, ce n’est pas possible, le
seul lien est la réalité délirante.
Melanie Klein et les positions : tout sujet traverse des angoisses d’allure psychotique. A la naissance, l’enfant est
totalement démunie, incomplet. Il va être débordé par les sensations corporelles. Les angoisses qui traversent le nourrisson
se rapprochent des angoisses vécues par le schizophrène et le paranoïaque :
- Position schizo-paranoïde
- Position dépressive : Elle va penser le patient schizophrène comme un patient qui n’arrive pas à se déprimer.
24
Thérapeutiques individuelles
Pankow va s’appuyer sur l’approche freudienne pour ne penser le corps comme le modèle structural de l’espace. Dans le
cas des psychoses, ce modèle sera dissocié, morcelé, persécutant, dans les moments de crise tout particulièrement.
Ce modèle intéresse Pankow dans son aspect dialectique, elle proposera d’introduire « une dialectique dans le monde de la
fragmentation » là où l’angoisse psychotique participe à la « destruction des processus de symbolisation »
La psychose attaque la pensée de tout le monde. Elle propose une technique assez encourageante : le modelage
« Que le thérapeute soit capable de ne viser dans son désir que le pas de sens du trait unaire, c’est-à-dire qu’il soit libre lui-
même de toute idéologie psychogénétiste, libre de toute psychanalyse comme système clos ou comme tremplin d’une
téléologie, c’est le projet que n’étant jamais sûr de savoir soutenir, nous devons au moins avoir le souci de formule »
(Perrier, La psychanalyse entre le psychotique et son thérapeute, 1965)
Perrier met en avant le fait de faire attention, de ne pas renfermer les patients dans l’idéologie, il faut leur laisser des outils
qui leur permettent de penser la rencontre et de réfléchir. Souci de ne pas être dans une causalité psychogénétique : ne pas
chercher le point de fixation qui ferait que. Point d’honneur à ne surtout pas infantiliser les patients
Kraeplin propose le terme de dementia praecox où il intègre l’hébéphrénie de Hecker et de la catatonie de Kahlbaum. Il
propose une évolution déficitaire. Clinique du regard > il observe les patients, ne rencontre pas ses patients.
Bleuler est un contemporain de Kraeplin. Il propose plutôt de l’appeler schizophrénie. Schizo-phrénie : « esprit » « fendu »
en grec. Il s’élève ainsi contre la conception Kraepelienne de la « démence précoce » et son pronostic sombre.
Bleuler s’intéresse à la clinique du regard + rencontre les patients. En s’intéressant à la théorie freudienne, il va s’intéresser
à l’hypothèse de l’inconscient > correspondance avec Freud. Bleuler était très frileux et en désaccord sur la théorie de la
sexualité freudienne. Il prend qq concepts de la psychanalyse et notamment l’ « ambivalence » pour refonder la nosographie
de la démence précoce. Bleuler doit à Freud la proposition dynamique de la pathologie mentale : « une part importante de
la tentative d’approfondir plus avant la pathologie n’est rien d’autre que l’application à la démence précoce des idées de
Freud. » (Bleuler, 1911). Bleuler parle de « processus » en imaginant une maladie qui n’aurait pas comme destin la
démence donc une fin sombre.
Pour lui, ce qui définit la schizophrénie est la division de la personnalité. C’est là où il propose la dissociation comme le
symptôme fondamental de la schizophrénie. En effet, c’est parce que la personnalité se disloque qu’on va avoir comme
conséquence le délire et les hallucinations, qui sont les symptômes accessoires.
Le vide ainsi crée tend à se commuer en une production délirante positive délire autistique. Il fait référence à un repli
interne du malade (repli autistique).
Ces deux pôles sont reliés par des caractères communs : ambivalence, bizzarerie (contact avec le sujet) ; impénétrabilité (le
monde intérieur du sujet est impénétrable) ; détachement.
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Symptômes fondamentaux : perturbations des associations (ou trouble du cours de la pensée) ; perturbations de
l’affectivité et ambivalence.
Avec des sous-groupes : paranoïde, hébéphrénique, simplex et catatonique.
Symptômes accessoires : délire et hallucinations
Destin actuel de la schizophrénie dans le DSM V (système de classification de référence dans la psychiatrie)
Initialement, le DSM V a été utilisé à des fins de recherche. Aujourd’hui, c’est le système des classifications de référence en
psychiatire. Les symptômes accessoires vont devenir dans le DSMV des symptômes de référence. Une classification
actuelle beaucoup plus légère. La clinique s’est transformée selon les besoins du marché pharma + se veut « athéorique »…
Névrose
Hystérie obsessionnelle et Psychose Chronologie de la
Phobie théorie
freudienne
Destin Représentation Refoulé Refoulé/Affaibli Rejeté
Affect Corps Libre Rejeté
1894/1896
Conversion Transposition Délire/Hallucinations
Conséquence psychique (fausses
connexions)
26
Tente de réaliser une nosographie non pas à partir des symptômes des patients, mais plutôt à partir des défenses.
Entre 1894 et 1896 : psychose et névrose se pensent encore ensemble. Pour un sujet, l’entrée dans la maladie
est une défense contre quelque chose d’autre. Freud pense la maladie comme le résultat d’une défense ou la défense
en tant que tel. Freud n’utilise pas la sémiologie pour faire des diagnostics, contrairement à la psychiatrie qui part de la
sémiologie pour proposer un diagnostic point de tension avec la psychiatrie car en psychiatrie on fait une sémiologie et
en fonction de cette sémiologie on a une maladie qui se dégage. Freud ne méconnaît pas la sémiologie mais il ne se base
pas sur ça.
Freud va distinguer la psychose et névrose selon leur destin. Il définit une nosographie de la psychopathologie à partir du
destin d’affect et de la représentation. F. distingue hystérie d’un côté et névrose obsessionnelle et phobie de l’autre.
Hystérie > le destin de la représentation (causalité sexuelle infantile) va être refoulé et l'affect va se libérer et va se
situer dans le corps et faire des symptômes de conversion. En d’autres termes, le destin dans la représentation de
l’hystérie est refoulé et détaché de sa charge affective qui va se retrouver sur le corps.
Névrose obsessionnelle et phobie > représentation refoulé (mais le patient s'en souvient = représentation affaiblit).
Phobie : objet phobique c'est la solution à un problème qui est ailleurs -> dans la névrose obsessionnelle il est
refoulé.
Lacan met l'accent sur le fait que contrairement au refoulement il y a quelque chose qui s’est inscrit dans l'inconscient et qui
a été oublié qui va resurgir dans le cas du rejet ça ne s’inscrit pas il n’y a pas de trace.
L’année 1900 : tournant de la théorie freudienne = abandon de l’hypnose et de la neurotica. F. se penche sur les
circonstances et la nature des symptômes (et se décale ainsi des recherches sexuelles).
En 1907 : Freud prend le roman de « La gradiva » de Jensen le rêve et le délire émanent tous les deux de la
même source : l’inconscient. Le rêve est un processus de l’homme normal. F. observe des processus analogues entre rêve
et délire. Ainsi, en quoi la pathologie m’enseigne sur la vie normale ? Continuum entre pathologie et vie normale. Pour F.
dans le délire il y a un grain de vérité qui mérite qu’on s’y attarde.
A partir de 1914 : « Pour introduire le narcissisme » F. confirme que dans la psychose, il s’agit d’une régression
vers le moi et une perte d’intérêt vers le monde extérieur.
F. propose une dichotomie entre la névrose narcissique (la psychose) et la névrose de transfert. Justement car selon lui, il
ne peut pas y avoir de transfert dans la psychose. Ces patients se soustraient à la psychanalyse car ils sont inaccessibles
au transfert.
Dans le cas des psychoses les relations au corps sont très différentes des cas des névroses. Le corps est laissé, des délires
très centrés dans le corps et des hallucinations synesthésiques. Le langage habite le schizophrène.
Freud publie le livre « Méta psychologie » et consacre un chapitre sur la schizophrénie qui nous renseigne sur la manière
dont le langage est structuré dans l’inconscient. Dans ce texte il aborde le langage d'organes – le langage dans la
schizophrénie renseigne sur l’inconscient.
Traitement des mots comme des choses. La représentation et les choses sont collées, ce qui crée un langage peu
métaphorisé (au pied de la lettre).
Délire psychotique : c’est le combat de lui-même entre un élément inconciliable pour le moi et la réalité extérieure.
27
En 1924 : « Névrose et psychose » et « La perte de la réalité dans la névrose et la psychose »
F. revient à sa classification avec la névrose et la psychose dans sa 2e topique. Le symptôme névrotique est un compromis
entre un désir inconscient du ça et le désir du moi. Le délire psychotique est un combat entre un élément inconciliable pour
le moi et la réalité extérieur.
La dichotomie névrose narcissique/névrose de transfert va redoubler une dichotomie thérapeutique, le délire de grandeur
et le désintérêt face au monde rendant inaptes à la cure ces malades. Ils se « soustraient à l’influence de la psychanalyse et
deviennent inaccessibles à nos efforts pour les traiter » (Freud, 1914).
≠
« Les psychoses ne ressortent pas de la psychanalyse, du moins telle qu’on la pratique jusqu’ici. Il ne serait pas du tout
impossible que ces contre-indications cessassent d’exister si l’on modifiait la méthode de façon adéquate et qu’ainsi puisse
être constituée une psychothérapie des psychoses » (Freud, 1904) F. ne va pas s’attarder sur cette modification, ce sont les
générations suivantes qui se pencheront sur ces cures.
Soulèvent le fait qu’une cure est possible avec des sujets psychotiques
- Mélanie Klein – position schizo-paranoïde et position dépressive (le patient schizophrène, un patient qui
n’arrive pas à se déprimer). Tout sujet traverse des angoisses d’allure psychotiques. A la naissance, l’enfant est
totalement démuni, incomplet. Il va être débordé par des sensations corporelles. Les angoisses qui traversent le
nourrisson se rapprochent des angoisses vécues par le schizophrène et le paranoïaque.
Contexte de réorganisation des asiles, après la seconde guerre mondiale, dans les années 1950. Désaliénation et critique
de la dimension concentrationnaire des établissements psychiatriques.
Naissance de la psychiatrie de secteur / géopsychiatrie : permet d’avoir des services hétérogènes + de sortir d’une logique
ségrégative + démocratisation de la santé mentale.
« Soigner l’hôpital pour soigner les malades ». Hermann Simon, psychiatre allemand (1867-1947) propose d’éviter :
l’inaction, ambiance délétère et jugement d’irresponsabilité des malades.
Collectif soignant > producteur des sujets singuliers. Ils vont théoriser le transfert dissocié, le fait de se réunir (l’équipe) fait
qu’ils vont réunir les morceaux du schizophrène parce que des morceaux du patient sont posés dans le transfert avec
chaque soignant. Tous ce soin produit des effets sur les patients et soignants. Il faut qu’il y ait des lieux hétérogènes = des
soignants avec des professions différentes.
La thérapeutique institutionnelle cherche à faire des constellations, s’unir à la pensée de l’autre, unir les équipes. La
psychopathologie est fondamentale dans le diagnostic, le transfert et la sémiologie sont importants et y participent.
⇨ Pour établir un diagnostic, la psychopathologie et l’analyse du transfert est fondamental. La sémiologie seule n’est pas
suffisante.
28
CM 8 : Psychose et normalité
Nicolas Guérin – 07 nov. 23
Pour la psychanalyse, les névroses et les psychoses ne sont pas des maladies : cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas
être malade de sa névrose/psychose, c’est une façon de s’articuler à son inconscient, une façon de désirer pour la
psychanalyse.
Psychose pour Lacan = logique de processus. La psychose n’est pas réductible à des types de symptômes mais plutôt à des
mécanismes précis qui peuvent donner tel(s) symptôme(s), c’est une structure, une position subjective. Ce n’est pas en
fonction des symptômes qu’on fait un diagnostic de structure. Pour la psychanalyse, la psychose est donc une position
subjective, ce n’est pas une maladie psychotique/névrotique.
Ces manifestations cliniques de la psychose peuvent se fondre dans la norme des comportements, il y a une série de
symptômes discrets.
Avec Lacan, la psychose se définie par une logique de processus ; pour en rendre compte, on peut partir d’une variété de
domaines très important dans la clinique. Distingue psychose clinique ou symptomatique (déclarée) et structure psychotique.
Lacan va traduire le terme de Verwerfung par « retranchement », par « rejet » puis finalement le terme de FORCLUSION.
Si on reprend la bipartition d’Aulagnier en 1963 (élève de Lacan), on peut tout à fait concevoir que la psychose n’est pas
déclenchée sous le mode de symptômes massifs (hallucinations par exemple).
Intuition similaire dans l’annexe du DSM5 : pathologies nécessitant des études complémentaires. “Psychose atténuée” = une
catégorie clinique où la réalité est discernée, pas de rupture de contact avec elle. Un des symptômes suivants : délire, hallu
ou discours désorganisé de façon atténuée. Mais atténuée non définie ! Pas toujours d’évolution vers une psychose franche.
Peut donc être plus ou moins normée. Le DSM5 envisage cette psychose atténuée.
Antoine de Ritti (1877) a l’intuition qu’il peut y avoir des délires vrais ou vraisemblables (écrit l’article « Des délires basés sur
des faits vrais ou vraisemblables »). Les manifestations peuvent être discrètes -> symptômes négatifs (désocialisation,
évolution idée fixe, automatismes, idées imposées, degrés de socialisation, degrés de conviction…).
Lacan lui-même, avant de forger son concept de la forclusion, invitait dans un texte de 1946 (Propos sur la causalité psychique,
p.176) les psychanalystes à ne pas penser la psychose en termes pathologiques en disant : « un organisme débile, une
imagination déréglée, des conflits dépassant les formes n’y suffisent pas [à identifier la psychose]. Il se peut qu’un corps en
fer, des identifications puissantes, les complaisances du destin inscrites dans les astres, mènent plus surement à cette
séduction de l’être ». Dès 1946, Lacan a une approche de la psychose qui n’est pas déficitaire. La forclusion du-nom-du-père
va donner du crédit à cette théorie.
A cette période, symptomatologie floue dans certains travaux anglo-saxons : personnalités narcissiques, border-lines,
névroses de caractère ou états limites de Kernberg et Kohut = 3ème catégorie intermédiaire par certains psychanalystes voient
des individus ni névrosés ni psychotiques (forme atténuée ressemblant à celle du DSM5).
Lacan s’oppose à ce diagnostic intermédiaire et considère cette catégorie comme “bien pbtique tentative classificatoire”. Dans
son séminaire de 1971, il commente un ouvrage de Stoller “Sex and gender” où il étudie les cas cliniques de transsexuels. Si
Stoller avait disposé du concept de Forclusion du nom du Père, selon Lacan, il aurait pu identifier une face psychotique, qu’il
distingue de la folie.
Lacan fera référence à un moment donné aux travaux d’Hélène Deutsch (psychanalyste anglo-saxonne) et particulièrement à
un texte de 1942 portant sur la schizophrénie, dans lequel elle va développer un point sur ce qu’elle appelle les personnalités
« as if » (= les personnalités comme si). Elle va décrire des sujets psychotiques « hyper normaux » qu’elle appelle « as if »
(une forme de schizophrénie selon elle, compatible avec les normes). Ce sont des sujets qui se soutiennent par identification
par conformisme. Ils s’identifient donc à quelqu’un de normal et c’est cette identification hyper normale qui fait suppléance à
la forclusion du Nom-du-père. Ce que décrit Deutsch, c’est que des sujets psychotiques peuvent témoigner d’une certaine
aisance dans les relations sociales, l’idée forte est que la psychose est représentée comme une « stimulation de la normalité
», une « hyper identification à la norme ». “Ressemble au jeu d’un acteur techniquement bien formé mais dépourvu de l’étincelle
nécessaire pour rendre ses interprétations conformes à la vie” quelque chose d’inauthentique qu’on peut percevoir de façon
plus ou moins discrète. Ici pas de désocialisation. Une forme de psychose qui n’est pas déficitaire.
29
Le cas clinique de Katan sur un étudiant qui s’identifie à un camarade est un cas de personnalités « as if ». Un jour son
camarade sort avec une fille. Au moment où le désire émerge, la psychose se déclenche
En 1973, Green et Donnet vont parler d’une nouvelle catégorie clinique : les psychoses blanches pour évoquer des cas qui ne
présentent pas de symptomatologie classique connue. Ressemble à ce que Kestenberg appellera des « psychoses froides ».
Tellenbach parle de “typus melancolicus”. Mode de personnalité hyper rigide ; déclenchement du mode mélancolique quand
perte de repère (déménagement par exemple) ; rapport rigide à la morale et à l’ordre.
// Schreber quand nommé Président à la Chambre d’Appel
La psychopathologie est normative : important de s’en détacher pour voir la psychose autrement que comme une maladie ou
un handicap. La majorité des sujets psychotiques n’est pas représentée par les patients qu’on peut rencontrer en HP.
En 1999, Jacques Alain Miller (lacanien) propose le terme de psychoses ordinaires pour désigner des états qui ne donnent
pas à voir cliniquement une symptomatologie extraordinaire. Il s’agit donc de symptômes qui peuvent se fondre dans la norme
et non pas une symptomatologie extraordinaire comme des hallucinations, délire, déréalisation, dépersonnalisation, etc.
Equivaut aux psychoses froides, blanche ou as if vues précédemment. Il s’agit de psychotiques « normaux » mais le concept
de psychose ordinaire recouvre des réalités psychotiques très larges.
Recueil d’articles « La psychose ordinaire »
On peut se douter qu’elle se soutenait d’une identification au mot tumeur et même à la question de la maladie, c’est d’ailleurs
ce qu’elle venait faire consister dans une analyse. Le mot tumeur s’est mis à lui parler dans un sens, au moment où les
médecins lui disent que c’est terminé, elle n’a donc plus cette identification qui venait la soutenir et donc elle déclenche en
développant des hallucinations auditives (voix persécutives). Résonance sémantique//forclusion du Nom du Père.
Avant son déclenchement, elle se servait de la cure pour reconstruire son histoire autour du signifiant tumeur car la tumeur
expliquant sa place dans la fratrie, sa filiation imaginaire et paradoxale. Elle se servait de l’analyse pour faire consister son
histoire.
Après le déclenchement, on a un nouveau symptôme accompagné de délires, d’hallucination ainsi qu’une question qui revient
souvent car elle dit : « si on ne me croit pas, je me tue ».
Dans un séminaire en 1974 qui s’intitule « Les non dupes errent », Lacan va dire qu’il y a dans l’imaginaire une intuition de ce
qui est à symboliser mais on peut appliquer cette phrase à la clinique des psychoses : on a par déduction dans l’imaginaire du
30
sujet psychotique ce qui est justement forclos dans le symbolique →exemple du cas Schreber, on a une préoccupation
autour de Dieu.
Lacan : “vous les analystes, faites-vous secrétaire de l’aliéné” = écouter attentivement ce qui est dit, écoute littérale.
A un certain moment Lacan dit qu’il ne faudrait pas « faire raisonner le cristal de la langue » qui pourrait faire vaciller les
repères d’un sujet psychotique, ce qui n’est pas le cas avec les sujets névrosés.
Lacan propose d’être prudent quant à la préconisation de certaines techniques prétendument thérapeutique, telle que la narco-
analyse mettre le patient dans un état modifié de conscience, la vigilance du sujet baisse. « Les vaticinations provoquées
par la narcose [forme de parole hors de contrôle provoquée par le toxique] déroutante pour l’enquêteur, sont dangereuses
pour le sujet, pour peu qu’il participe d’une structure psychotique, peut y trouver le moment fécond d’un délire ».
Dans le séminaire 3 sur les psychoses, Lacan parle d’une modalité de déclenchement des psychoses = parfois certaines
prises de paroles peuvent être déclenchantes, « c’est ce qui peut se proposer de plus ardu à un homme et à quoi son être
dans le monde ne l’affronte pas si souvent, c’est ce qu’on appelle prendre la parole. J’entends la sienne. Tout le contraire de
dire oui, oui, oui, à celle du voisin. Cela ne s’explique pas forcément en mot. La clinique (…) que la psychose se déclare
quelques fois il s’agit d’une très petite tâche de prise de parole, alors que le sujet vivait jusque-là dans son cocon, comme une
mite. »
Dans le cas des présentations cliniques à l’hôpital, Lacan disait, en s’adressant aux psychiatres et psychanalyste « il s’agit
avec les psychotiques de se soumettre à la position subjective du malade. » Tout le contraire du clinicien maître qui accablerait
le patient d’interprétation. Il les invite à se faire « secrétaire de l’aliéné ». Cela ne veut pas dire qu’il faut toujours se taire. Cette
citation vient de Jean-Pierre Falret, qui disait « surtout ne vous faites pas secrétaire de l’aliéné » = ne vous contentez pas de
prendre note des symptômes positifs, prenez compte des symptômes discrets. Lacan récupère la citation, soyez rigoureux
comme un secrétaire, ne vous précipitez pas dans l’interprétation « faites attention à ne pas trop vite comprendre ».
Dans le champ lacanien, tendance dominante qui consiste à penser qu’avec les sujets psychotiques il faut être prudent et
tabler sur les éléments de compensation du sujet, étayage des idéaux, tout ce qui pourrait rendre le psychotique normal, etc.
= principe de précaution. Tendance qu’on pourrait trouver bienveillante, mais qui présente un inconvénient majeur : champ de
la psychothérapie de soutien et non pas de la psychanalyse des psychoses.
Forclusion du Nom du père : le défaut qui donne à la psychose sa condition essentielle, et qui la sépare irréversiblement de la névrose.
➔ La forclusion du Nom-du-père installée par Lacan dans un séminaire de 56 est une fonction symbolique
➔ Ce n’est pas le père de la réalité
Dans la conception de Lacan, à partir de ce moment-là, il n’y pas de passage possible entre la névrose et la psychose (pas de conception continuiste des
cliniques, d’un noyau psychotique). Cela ne veut tout de même pas dire que nous ne trouvons pas des formes de délires et d’hallucinations psychotiques
chez les névrosés, à ne pas confondre.
Lacan dira : « on est névrosé ou psychotique » → approche discontinuiste.
C’est comme si le Nom du père qui est forclos dans le symbolique ressurgissait dans les productions délirantes de Schreber, sous la forme de préoccupations
autour du père. Un sujet psychotique, lorsqu’il déclenche, est comme obnubilé par des questions paternelles, là où chez le névrosé, les préoccupations
du père demeurent dans le champ de l’inconscient.
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CM 9 : Manie et mélancolie, psychose maniaco-dépression et troubles bipolaires
Fanny Chevalier – 21 nov. 23
30 premières min du cours manqué
Dès l’antiquité, la relation qui existe entre mélancolie et manie est repérée mais le lien a été oublié pendant des siècles
jusqu’à être redécouvert au 19è.
En France : 1854
Falret et Baillarger ont décrit presque en même temps respectivement la folie circulaire et la folie à double forme.
Trois phases selon Falret : état maniaque, état mélancolique, phase d’intervalle libre
En Allemagne
Kraepelin, 1899 : folie maniaco dépressive qu’il distingue de la démence précoce. Toute sa question est la distinction
entre les 2. Le fondamental de la FMD est la sphère affective = humeur. Caractère intermittent et périodique de la FMD. Il
estime qu’elle serait moins grave et sans l’évolution inexorablement précoce.
Dans un premier temps, volonté de distinguer les deux en disant que la PMD se situe dans la sphère affective alors qu’il
caractérise la démence précoce comme l’atteinte des capacités individuelles.
Kraepelin, 1920, finit par reconnaître « qu’il existe des recouvrements » entre maniaco-dépression et démence précoce.
Le diagnostic maniaco-dépressif désigne les manies et les psychoses circulaires. Cela finira par englober toutes les formes
de mélancolies. Il parle de maniaco dépression pour désigner les mélancolies, quand bien même il n’y a pas de phase
maniaque.
« La folie MD telle que nous la décrirons dans ce chapitre, comprend d’une part tout le domaine de ce que l’on appelle folie
périodique et circulaire, d’autre part la manie simple, la plus grande partie des tableaux pathologiques désignés du nom de
mélancolie (…) Enfin, nous y rangeons certaines colorations pathologiques de l’humeur légères et très légères, tantôt
périodiques, tantôt permanentes […] Au fil des ans, j’ai acquis la conviction que tous les tableaux énumérés ci-dessus ne
sont que les formes de manifestation d’un processus pathologique unique.» Kraepelin, La folie maniaco-dépressive, 1997
Au milieu du 20e siècle disparition de la FMD au profit de bipolarité et aujourd’hui de troubles bipolaires. C’est dans le DSM 3
qu’elle apparaît pour la première fois, rangé dans les troubles affectifs, par la suite renommés troubles de l’humeur.
Dans le DSM 5, ils sont placés entre les chapitres « spectre de la schizophrénie » et « troubles dépressifs ». Les troubles
bipolaires entretiennent des similitudes avec ces deux grandes classifications. Il y a une distinction entre les troubles
bipolaires de type I et ceux de type II.
Troubles bipolaires I : ce qui se rapproche le plus de la psychose maniaco-dépressive. Ce qui est nécessaire pour le
diagnostiquer est un épisode maniaque. Les épisodes dépressifs sont fréquents mais pas nécessaires au diagnostic.
Troubles bipolaire II : Il faut nécessairement un épisode hypomaniaque et un épisode dépressifs pour le diagnostiquer.
Episode hypomaniaque : si cela dure moins d’une semaine mais au moins 4 jours, on parle d’épisode hypomaniaque. La
différence entre maniaque et hypomaniaque : sévérité de l’impact sur la vie professionnel et social du patient.
Critique positive qui concerne la déstigmatisation : Impact sur les représentations sociales de ces maladies-là
⇨ Les gens estiment que c’est moins grave « bipolarité » que « psychose maniaco-dépressif » (alors qu’il s’agit de la même
chose). Le mot psychose est connoté péjorativement.
Critique négative : inflation du diagnostic, trop grande hétérogénéité des troubles bipolaire de type 2 et suivants
⇨ Trop de gens sont diagnostiqués bipolaire, n’y a-t-il pas un sur-diagnostique ?
32
II. Psychanalyse – Mélancolie et manie chez Freud
Il dit une seule fois dans le texte « folie cyclique ». Ce texte préfigure les grands remaniements de 1920 (passage de la
première à la deuxième topique et de la première à la deuxième théorie des pulsions) et les rapports étroits entre le Surmoi
et la Pulsion de mort.
L’idée générale du texte est la suivante : le travail de deuil tel qu’on le comprend va permettre d’éclairer l’énigme de la
mélancolie. Le deuil est un processus psychique normal et connu. Du domaine du pathologique et de l’inconnu.
Freud nous dit que la douleur du deuil est facilement compréhensible ; XX à quoi correspond la perte en jeu dans la
mélancolie ? Dans le deuil la perte affecte l’objet et dans le deuil, la perte affecte le moi.
« Nous allons tenter d’éclairer l’essence de la mélancolie en la comparant avec l’affect normal du deuil ».
Méthode freudienne typique : il y a une continuité entre le pathologique et le normal, le normal et le pathologique. L’un
permettant d’éclairer l’autre.
Il va considérer le deuil comme un processus normal et compréhensible, et la mélancolie qui relève de la pathologie et qui
serait incompréhensible.
Pourquoi Freud rapproche les deux ? Il existe une similitude du facteur déclenchant : i.e. la perte d’un objet aimé. Quand il y
a deuil, il n’y a pas mélancolie et quand il y a mélancolie, c’est que le deuil n’a pas opéré.
Dans la mélancolie, on retrouve en plus les auto-reproches (diminution du sentiment d’estime de soi).
Le travail de deuil est un désinvestissement progressif de l’objet perdu, selon une temporalité incompressible (au sens où on
ne le connaît pas à l’avance et on ne peut l’accélerer), permettant à son terme de réinvestir la libido libre sur un nouvel objet.
⇨ S’ajoute au tableau clinique de la mélancolie une diminution du sentiment d’estime de soi, qui se manifeste par des auto-
reproches et auto-injure.
« Dans le deuil, le monde est devenu pauvre et vide. Dans la mélancolie c’est le moi lui-même qui est devenu pauvre et
vide. » La perte en jeu ne concerne pas l’objet mais bien le moi. Le moi dans la mélancolie ne s’accorde aucune valeur.
Il y a un « clivage du moi » : La conscience critique (Surmoi) fait rage contre le moi considéré comme un objet. Il éprouve
une véritable haine contre le moi.
Auto-reproches : « reproches contre un objet d’amour, qui sont renversés sur le moi propre ».
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La révolte s’adressait initialement à un objet et s’est renversée en accablement mélancolique.
Délire de petitesse : conséquence d’un travail inconscient qui nous est inaccessible.µ
CM 10 : La paranoïa
Guy Gimenez – 5 déc.-23
I. La sémiologie
La sémiologie est l’étude des signes, c’est-à-dire ce que nous observons. Si le signe renvoie à une pathologie,
on parle alors de symptôme.
⇨ Je suis obsessionnelle, je ferme la porte et je ne me souviens plus. Je vérifie plusieurs fois. La répétition de
cet acte et le doute s’appelle un symptôme, le symptôme de répétition.
Quand les symptômes sont organisés les uns avec les autres, on les regroupe sous forme de syndrome.
La paranoïa, tout comme la schizophrénie est catégorisée dans les psychoses chroniques, c’est-à-dire qu’elle
dure dans le temps. Ces psychoses chroniques s’opposent aux psychoses aiguës qu’on appelle aussi bouffées
délirantes aigues. Souvent, elles sont déclenchées par un événement émotionnel.
Chef d’entreprise, qui se rend compte qu’il y a des vibrations dans tout son corps. Comme ça vibre, j’ai empêché
tous les gens de l’entreprise de téléphoner car ils produisent des vibrations. Il a aussi débranché les antennes du
bâtiment et les a sciés, ainsi que celles d’en face. Impression que la vibration est envoyée par une entité. Quand
c’est pleine lune, je me met tout nu pour attraper les vibrations et se met à gratter le sol.
En sémiologie, le délire est une altération de la réalité. Quand on délire, on altère la réalité, on la modifie pour
qu’elle corresponde à ce que l’on vit à l’intérieur de nous.
Le délire se construit à partir de mécanismes (attention à ne pas les confondre avec les mécanismes de la
psychopathologie). Ces mécanismes du délire permettent à un individu de transformer la réalité extérieure
pour qu’elle corresponde à la réalité intérieure.
En schizophrénie il y a 4 mécanismes : Intuitif, interprétatif, imaginatif et hallucinatoire. Ils vont permettre de
construire le délire. Dans la paranoïa, il y en a qu’un seul : interprétatif
- Expérience avec deux psychiatres spécialistes de la paranoïa. Chacun croit que l’un est paranoïaque se prenant
pour un psychiatre.
Le mécanisme interprétatif est un mécanisme normal dans la vie quotidienne et qui nous permet de donner du
sens à nos expériences. La projection normale complète la perception et donne du sens à l’expérience. Mais il y
a aussi des projections pathologiques.
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et lui demande d’ouvrir la bouche. Elle se déshabille et dit qu’elle a très chaud. Et lui demande « A propos de ce
qu’on sait, qu’est-ce qu’on fait ? » mais le médecin ne comprend pas. Elle reprend rdv car quand elle passe en
bas de chez lui, la lumière clignote (c’est un signe pour elle) et elle dit que la dernière fois il l’a à moitié
déshabillée mais qu’ils ne sont pas allés plus loin. Elle dit que le médecin a envie de lui, que ses yeux pétillent. Au
bout du 3ème rdv, elle lui dit qu’elle sait qu’il l’aime.
⇨ Patiente érotomane. Elle projette son désir à elle en dehors sur le monsieur « C’est lui qui m’aime »
Sémiologie
Interprétation : C’est le fait que le patient va interpréter la réalité, lui donner du sens en lui attribuant un sens
univoque.
Il y a deux types d’interprétation : Exogène (qui viennent du dehors) et endogènes (qui viennent de sensations
corporelles).
Les interprétations exogènes viennent d’une perception sensorielle de la réalité extérieure (par ex un bruit
quelconque qui va prendre une signification particulière). C’est repérable par d’autres personnes. Le plus
souvent, cet élément extérieur va devenir persécutif
Les interprétations endogènes prennent la plupart du temps une perception péjorative. Ce sont des sensations
internes, qu’on interprète en donnant du sens.
⇨ Ex un homme va chez son médecin car il dit qu’il a été empoisonné et on ne trouve rien dans ses analyses : «
normal, c’est un complot contre moi, le laboratoire a été payé pour qu’on dise qu’il n’y a rien ».
Le délire paranoïaque est systématisé, structuré et très logique. Le paranoïaque n’est jamais dissocié. Son moi
n’est pas morcelé ; le paranoïaque a un moi clivé. Le moi se construit à partir d’expériences éparses qui vont
s’organiser en bonnes et mauvaises expériences. Bipartition du moi : la partie mauvaise est débarrassée et
devient alors son persécuteur.
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Un prêtre, fait une analyse en ville avec un bon psychanalyste. Le prêtre pense que son psychanalyste lui a volé
ses couilles. Et il lui demande de les rendre. Il parle à son meilleur ami et va acheter un fusil de chasse pour tuer
le psychanalyste et récupérer ses couilles. Son meilleur ami l’envoie vers un psychothérapeute qui le reçoit et qui
lui dit qu’il va l’aider à récupérer « ce qui lui appartient » à condition de laisser le psychanalyste tranquille. Le
patient suit le psychothérapeute et dit qu’il « protège sa maison » (il reste devant sa maison H24 pour les
surveiller et les protéger)
>> Transfert paranoïaque > identification projective : le patient dépose dans le thérapeute quelque chose que
ce dernier peut ressentir, de l’ordre de la persécution > mécanisme paranoïaque. Mécanisme central avec
idéalisation narcissique et clivage nécessaire (les bons et les mauvais/ceux à qui on peut faire confiance et ceux
à qui on ne peut pas) Il projette (ou pro-jette), i.e. qu’il se débarrasse de sa projection et la localise sur
quelqu’un d’autre. Le persécuteur nous dit Freud a toujours été l’objet aimé. Quand le thérapeute est
investi/aimé par > l’étape d’après est le mouvement de persécution.
IDEALISATION > CLIVAGE > PROJECTION
Les idées délirantes s’enchaînent de façon cohérente et structuré « On m’a volé les couilles donc j’achète un
fusil et donc je vais essayer de le buter ». Il y a un seul thème central autour duquel tout s’organise, la plupart
du temps un complot, une persécution. Les réactions affectives du patient sont logiques et cohérente avec ce
thème. « Si on me fait du mal, c’est normal que je sois armé ».
C’est un délire systématisé construit à partir d’interprétation, tous les éléments sont reliés les uns avec les
autres. Il n’y a pas de place pour le vide, le hasard, l’incohérence.
⇨ Anna M. (comment la bascule d’amour à haine se fait de façon définitive) ; L’Enfer (sur un délire de jalousie)
; Bugs ; A la folie pas du tout
Le délire paranoïaque systématisé peut être intégré dans tous les domaines de la vie, on parle alors de délire
en réseau. Le délire s’insinue dans tous les domaines de la vie.
Dans la thérapie de la paranoïa, le patient cherche à savoir si le thérapeute est le meilleur ou le pire, puis ile
patient identifie le thérapeute comme le meilleur (= idéalisation narcissique), puis comme le persécuteur.
II. Psychopathologie
Il y a selon Abraham et Bergeret une régression (retour en arrière) dans la paranoïa à un point de fixation
anale (ou narcissisme).
Le paranoïaque est dans un système de fonctionnement de contrôle tout puissant, et le stade anal correspond
à la question du contrôle des sphincters par l’enfant. Le contrôle permet à l’enfant de garder dedans quand il
veut garder. Il va en contrôlant son corps apprendre à contrôler ses émotions et aura l’impression de contrôler
le monde. Il peut décider de faire plaisir ou non aux parents.
Le paranoïaque va devoir contrôler le monde. Il y a un contrôle omnipotent du monde : tout doit être contrôlé
puisque le monde extérieur est dangereux. Mais le paranoïaque est toujours face à cette impression
d’intrusion. Il essaie de lutter contre ses angoisses d’intrusion en contrôlant de façon omnipotente le monde.
Le patient développe avec ses interlocuteurs une relation de double : double idéalisé ou double persécuteur.
⇨ Vous êtes merveilleux : double idéalisé. Il y aura une bascule et on deviendra le double persécuteur.
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A. Clivage du moi et clivage d’objet, 1er mécanisme de défense
Un patient, qui a fait la guerre d’Algérie (tireur d’élite, harki), ne se sent pas bien, il est en appartement
thérapeutique. Une infirmière vient le voir car il se sent persécuté. Quand elle s’en va, au lieu de se sentir
heureux, il va se sentir extrêmement en colère contre l’infirmière car il va être frustré qu’elle s’en aille alors qu’il
a besoin d’aide. Il va dire que c’est elle qui lui fait du mal.
Dans le monde il y a deux types de personnes : les putes et les macro. Les infirmières sont des putes et le chef de
service un macro. Il a égorgé sa mère avec un couteau, il regrette le geste car il n’a pas pu terminer. Il dit
pourtant avoir subi un préjudice car sa mère lui fait du mal, mais c’est lui qui est enfermé. Il dit vivre à la cave
avec son père et ses chiens pendant que sa mère vit à l’étage tranquillement. Sa mère fouille ses poches, est très
intrusive dans sa vie (amoureuse, et autres).
Le mécanisme central en psychopathologie est la projection. Elle se produit en deux temps. D’abord, dans la
méconnaissance de quelque chose en moi (une pensée, un sentiment, une émotion, un affect, un scénario).
Ensuite, dans la localisation à l’extérieur de cette méconnaissance, sur une personne ou une chose.
Quand le patient projette en moi quelque chose de bon, d’idéalisant : c’est la partie idéalisante du moi patient
qui est projeté sur l’autre. L’idéalisation est narcissique : on rend l’autre conforme à nos attentes.
Quand il y a une bascule (suite au clivage) on projette sur l’autre la partie des expériences désagréable ce qui
donne un persécuteur. Le patient projette ses mouvements haineux.
Il est très important de faire un lien entre la sémiologie et la psychopathologie. Le mécanisme interprétatif en
sémiologie est sous-tendu par le mécanisme projectif.
L’idéalisation est la tentative de rendre l’objet parfait. Une petite frustration peut-être vécue comme une
grande persécution.
IDEALISATION > CLIVAGE > PROJECTION, mène au mécanisme interprétatif : attribuer un sens
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