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Exemple de corrigé de l’argumentation autour de Les Fausses Confidences
(travail excellent d’une élève)
1. Dubois est le meneur du jeu et un vrai stratège.
Tout au long de la pièce, Dubois est le maître du jeu. Ancien valet de Dorante, il est engagé par ce dernier pour exécuter les fausses confidences. Il est rusé, malin, maître de la manipulation et de la tromperie. Il joue un rôle clé dans le développement de l’intrigue : dès l’Acte I, il pousse Dorante à se faire engager comme intendant d’Araminte pour pouvoir la séduire et il lui conseille de ne pas révéler qu’ils se connaissent. A la fin de l’acte I, dans la scène 14, Dubois se livre à la première fausse confidence de la pièce en révélant à Araminte que Dorante est épris d’elle. Cette confidence n’est pas fausse puisque Dorante aime réellement Araminte mais elle l’est sur le rapport d’énonciation. Le valet prend le masque de l’hypocrisie pour servir Dorante et manipuler la jeune femme. Avec cette première fausse confidence, Dubois devient le maître des sentiments d’Araminte qui devient malgré elle complice du stratagème de son propre valet. Dubois va conserver son rôle de meneurdu jeu et de stratège tout au long de l’acte II où plusieurs rebondissements viennent complexifier l’intrigue : la demande en mariage, le portrait. Mais c’est au dernier acte qu’il triomphe avec la fameuse lettre de Dorante. Dubois joue donc bien un rôle clé dans le développement de l’intrigue qu’il mène d’une main de maître, soit en étant seul maître du jeu soit en demandant à des auxiliaires naïfs d’agir à sa place. Ainsi tel un marionnettiste, il tire les ficelles de tous les personnages pour les faire agir comme il l’entend et rester le maître du jeu , c’est ainsi qu’il s’exprime dans la scène 2 de l’Acte I: « je vous conduis »,parole de chef de guerre.
2. Le stratagème théâtral est un élément comique.
Le terme stratagème qui vient du grec se rapporte d’abord au lexique guerrier puisqu’il signifie « ruse de guerre », puis le sens du nom s’élargit pour désigner une ruse permettant à une personne de parvenir à ses fins. Le stratagème théâtral se réfère chez Marivaux à tous les mensonges, toutes les manipulations et les dissimulations effectués par la majorité des personnages. Les Fausses Confidences sont avant tout une comédie traditionnelle du XVIII ème siècle qui met en scène différents types de comique le plus souvent grâce à la présence de ces stratagèmes. Le principal stratagème que sont les fausses confidences de Dubois fait naître dès les premières scènes un comique de situation qui multiplie les mensonges et les quiproquos. Par exemple Araminte pense être la complice de Dubois et se méprend sur le statut social de Dorante. Ce dernier se retrouve promis à Marton alors qu’il n’a qu’un seul but, conquérir Araminte et la servante pense qu’il l’aime réellement. Ainsi, le lecteur ou le spectateur occupe une position privilégiée par rapport aux personnages et au fil des tromperies et quiproquos il devient complice de l’auteur. Les stratagèmes permettent également de mettre en exergue le comique de caractère et le comique de gestes de certains personnages. A ce titre, Madame Argante est un personnage caricatural, exigeante et autoritaire qui ne réfléchit que par l’argent et l’anoblissement de sa fille. Tout au long de la scène 10 de l’acte I, elle dévoile son caractère en annonçant à Marton et Dorante qu’elle prépare le mariage entre le Comte et Araminte afin d’éviter un procès au sujet d’un terrain. Elle demande d’ailleurs à Dorante de l’aider à mettre en place son stratagème en mentant à sa fille. Son stratagème est donc un élément comique qui souligne son ridicule et sa cupidité. Les didascalies la concernant renforcent cet aspect comique : « femme brusque et vaine ; vivement ». En lisant cette scène, on imagine aisément ses gestes et ses mimiques portant à sourire. Marivaux crée avec Madame Argante une sorte de pendant féminin de Monsieur Jourdain dans Le Bourgeois gentilhomme de Molière.
3. Le stratagème théâtral permet à Marivaux de dénoncer les travers de la
société. Au XVIII siècle, la société est encore une société d’ordres et Marivaux, en mettant en scène plusieurs stratagèmes théâtraux, dresse une satire d’une société obnubilée par l’argent, le rang social et les conventions. Araminte est le premier personnage de la pièce pris au piège par son rôle et son rang social. Elle appartient en effet à la grande bourgeoisie et sa mère souhaite tirer profit de cette fortune pour la marier au Comte. Jeune veuve fortune, elle ne peut épouser un « intendant ». Mme Argante d’ailleurs déplore ,dans la scène 10 de l’Acte I, que sa fille ne s’intéresse pas assez à cela : « le rang de comtesse ne la touche pas assez ; elle ne sent pas le désagrément qu’il n’y a de n’être qu’une bourgeoise ». Aussi, jusqu’à l’avant dernière scène, la jeune femme va s’attacher à dissimuler la vérité de ses sentiments envers Dorante pour « sauver les apparences » et répondre aux attendus et aux préjugés de son temps et de sa mère. En revanche, les personnages plus âgés comme Mme Argante ou Monsieur Remy eux ne dissimulent pas leur attirance pour l’argent et le rang social. Dès la scène 3 de l’acte I, Monsieur Remy veut marier Dorante à Marton parce qu’elle est avant tout l’héritière d’ « une vieille parente asthmatique ». Puis à la scène 2 du second acte, il veut le retirer des services d’Araminte pour le marier à une veuve de 35 ans parce qu’elle « a quinze mille livres de rente ». En ce qui concerne Madame Argante, ses intentions sont clairement dévoilées à la scène 10 de l’acte I : elle veut marier sa fille au Comte pour qu’elle accède à la noblesse. Une grande partie de la scène est d’ailleurs construite sur un jeu d’opposition entre le champ lexical de la noblesse et celui de la bourgeoisie. Ainsi les mots « « intendant », « homme »,« ma fille », « bourgeoise », « réflexion roturière » s’opposent aux mots « monsieur le Comte », « madame la Comtesse », « grande distinction », « rang de Comtesse ».
4. Les confidences permettent à l’être de se dévoiler.
La confidence est une parole non calculée qui exprime la vérité du cœur, or, le titre même de la pièce de Marivaux nous annonce que la parole fausse va contaminer l’ensemble de la pièce et n’est pas propre à une scène centrale. Ceci étant, tout au long de cette même pièce les apartés peuvent être perçus comme de vraies confidences sur le plan de la double énonciation. Nous prendrons en exemple les apartés d’Araminte car ils sont les plus nombreux et ils nous permettent de suivre l’évolution de ses sentiments à l’égard de Dorante. Ils nous dévoilent la sincérité de la jeune femme en soulignant sa sensibilité : « je n’oserais presque le regarder »( I,14) ou encore « Il a des expressions d’une tendresse »(II,15) Il faudra néanmoins attendre l’avant dernière scène pour que les jeunes amoureux se dévoilent et prononcent enfin des confidences vraies et directes. Ainsi, Araminte et Dorante tombent leur masque en devenant sincères et honnêtes. Dorante prononce des paroles vraies pour dire sa vérité sur le stratagème de Dubois. La jeune femme retrouve elle son innocence dans des répliques qui avouent son amour et accordent le pardon à Dorante : « Ce trait de sincérité me charme, me paraît incroyable, et vous êtes le plus honnête homme du monde ». Ces confidences tardives révèlent la sincérité et l’amour des deux personnages principaux qui assument leur choix même si la parole de Dorante interroge tout de même. Mais dans cette même pièce, il se trouve un personnage qui dispose d’une parole vraie tout au long de l’intrigue. Il s’agit du valet Arlequin, personnage traditionnel de la Comedia dell’arte. Arlequin représente en effet une forme particulière de confidence, sa parole qui refuse l’hypocrisie, les doubles sens ou le cynisme, est une parole sincère et directe. Comme le souligne, par exemple, la scène 8 du premier acte, le valet éprouve une profonde affection et de l’attachement pour sa maitresse : « Je ne sais pas pourquoi Madame me donne mon congé : je n’ai pas mérité ce traitement ; je l’ai toujours servie à faire plaisir ». C’est aussi un être honnête qui ne veut pas profiter de son argent sans avoir à la servir : « Il faut que vous ayez mon service, puisque j’aurai vos gages, autrement je friponnerais Madame. » De plus le valet restera toujours fidèle à ses maitres, qu’il se nomme Araminte ou Dorante : « je soutiens les intérêts de mon maître » II, 10. Arlequin est un être sensible, sincère et honnête qui se dévoile au travers par ses confidences simples et son cœur vrai.
5. La parole est à la fois trompeuse et révélatrice de la vérité intérieure.
Le titre même de la pièce de Marivaux souligne l’ambiguïté, la dissimulation et le mensonge. Les fausses Confidences ont pour socle un secret de polichinelle vite divulgué par Dubois : l’amour de Dorante pour Araminte. Après la première fausse confidence de Dubois à Araminte, peu ou prou tous les personnages vont s’adonner aux confidences fausses et donc adopter une parole trompeuse et manipulatrice. A cela vient s’ajoute une parole soumise aux contraintes et aux conventions sociales. Marivaux a en effet à cœur de souligner dans son œuvre les problèmes de communication liés à la conscience de son époque. Mais ces jeux du langage propre à l’auteur sont aussi paradoxaux car ils peuvent révéler chez certains personnages leur vérité intérieure. C’est le cas pour Araminte dont la parole évolue au cours de la pièce. Ses paroles mondaines et codifiées par les bienséances laissent peu à peu place à une parole sincère et simple : « Venez, Monsieur ; je suis obligée à Monsieur Remy d’avoir songé à moi. Puisqu’il me donne son neveu, je ne doute pas que ce ne soi un présent qu’il me fasse » I, 7 / « Après tout, puisque vous m’aimez véritablement, ce que vous avez fait pour gagner mon cœur n’est point blâmable : il est permis à un amant de chercher les moyens de plaire, et on doit lui pardonner lorsqu’il a réussi. » III, 12. Ainsi le langage fait progresser le personnage et révèle sa profondeur. Lorsque le langage est mis en scène de la sorte, qu’il est le point de rencontre entre le mensonge et la vérité amoureuse, nous comprenons alors le terme marivaudage.