Le Systeme International de Protection Contre Les Rayonnements Ionisants

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DE RADIOPROTECTION ENVIRHOM: ENJEUX ET RESULTATS
ET DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE

LE SYSTEME INTERNATIONAL DE PROTECTION CONTRE LES RAYONNEMENTS IONISANTS

La protection contre les rayonnements ionisants ou radioprotection est fondée sur un


ensemble de principes, de règles de gestion et de procédures qui permettent
d'évaluer l'impact sanitaire d'une exposition aux rayonnements ionisants et de mettre
en place les moyens de protection adaptés.

La doctrine du système de radioprotection actuel repose essentiellement sur le risque


d'apparition de cancer radio-induit et le postulat d'une relation linéaire sans seuil
entre la fréquence d'apparition des cancers et la dose.

Le système de radioprotection est largement fondé sur les résultats de l'étude


épidémiologique des populations exposées à Hiroshima et Nagasaki. Ces données
correspondent à des situations d'exposition très particulières, à savoir une irradiation
externe mixte neutrons/gamma, délivrée en un très court instant. En dehors de ces
situations extrêmes ou de celles liées à l'irradiation médicale à visée thérapeutique,
les études des expositions aux rayonnements ionisants ont concerné essentiellement
les populations professionnellement exposées. Ceci a conduit à focaliser l'ensemble
des efforts de radioprotection, y compris la recherche, sur les travailleurs du
nucléaire. Les normes de radioprotection déduites de ces études pour la gestion du
risque radiologique chez les travailleurs se sont avérées être satisfaisantes.

En revanche, les normes de radioprotection concernant le public ne sont pas issues de


données expérimentales directes mais reposent depuis un demi-siècle sur l'utilisation
d'une simple extrapolation par rapport aux normes édictées pour les travailleurs. Or,
le mode d'exposition des travailleurs est différent de celui que l'on rencontre
habituellement chez les personnes du public, pour l'environnement, le système en
vigueur considère que les règles et les normes appliquées à la protection de l'homme
garantissent implicitement la protection de l'environnement1 •

Au cours de la dernière décennie, l'absence de démonstration scientifique de cette


affirmation et la montée en puissance des préoccupations environnementales mises en
évidence par de nombreuses conférences internationales ont conduit à réexaminer ce
postulat. L'enjeu de la protection de l'environnement contre les rayonnements
ionisants, aujourd'hui non inclus explicitement dans le système de radioprotection,
est donc de considérer l'environnement non pas en tant que voie de transfert entre la
source d'exposition et l'homme mais en tant qu'écosystèmes où la biodiversité doit
être protégée.

1 Dans ce qui suit, la protection de l'environnement est définie comme la protection de la structure et du fonctionnement
des écosystèmes. Ceci conduit à s'intéresser d'une part aux compartiments biotiques de ces derniers (individus,
populations, communautés) et d'autre part aux compartiments abiotiques (eau, sols, sédiments), sources d'exposition de
ces derniers.

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UN NOUVEAU CONTEXTE SOCIETAL

La perception du risque sanitaire par le public et les interrogations de ce dernier


quant à la gestion de ce risque se sont fortement modifiées dans notre société
occidentale en raison d'un certain nombre de crises dont les plus marquantes ont été
liées à l'apparition des maladies émergentes (sida, maladies à prions, ... ).
Parallèlement, la sensibilité du public au maintien et à la restauration de la qualité
de l'environnement s'est profondément modifiée. La préservation des ressources, des
habitats et de la diversité génétique et biologique est ainsi devenue un enjeu majeur.
Les interrogations du public sont désormais de plus en plus grandes pour les risques de
faible niveau, qu'ils soient avérés ou simplement supposés.

Dans ce contexte, l'accident de Tchernobyl en particulier a été un événement


révélateur pour les experts en radioprotection car il a montré une très grande
difficulté à apprécier l'impact sanitaire d'une exposition à grande échelle et de faible
niveau sur les populations d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie. La surestimation du
risque d'apparition de leucémies par les experts après l'accident ainsi que la sous-
estimation du risque d'induction de cancers de la thyroïde chez l'enfant en est la plus
parfaite illustration.

Les interrogations du public ne concernent pas que les situations accidentelles.


D'autres sujets demeurent récurrents, notamment l'impact sanitaire et
environnemental des installations industrielles (par exemple les anciennes mines
d'uranium) et la problématique du stockage des déchets.

L'ensemble de ces éléments a interpellé. L'évaluation du risque associé à une


contamination continue et chronique par des radionucléides devrait à l'avenir:

1. intégrer la prise en compte des effets radiologiques, chimiques et ce dans un


contexte de multipollution ;

2. inclure la recherche systématique d'effets biologiques autres que l'apparition de


cancer ou de pathologies dont l'origine radio-induite est universellement
reconnue;

3. prendre en compte le risque pour l'environnement en tant que tel, afin d'assurer
de manière explicite la protection de celui-ci.

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DES INTERROGATIONS SCIENTIFIQUES

Nos connaissances des effets biologiques et sanitaires des rayonnements ionisants en


termes d'évaluation du risque concernent principalement le champ d'apparition des
cancers et le domaine des effets pathologiques ou déterministes, qui ont pour
caractéristique d'apparaître à moyenne et forte doses au-delà d'un seuil. Pour les
faibles niveaux de dose, auxquels sont exposés les membres du public, on considère
traditionnellement que ceux-ci sont trop faibles pour induire des effets déterministes
et qu'en conséquence, seuls les cancers ont une probabilité non nulle d'être induits
par les rayonnements ionisants. Aussi, les recherches conduites à ces niveaux de dose
se sont essentiellement focalisées sur le risque lié à la pathologies cancéreuse et il
demeure aujourd' hui un déficit de connaissances sur l'existence d'effets biologiques
et sanitaires autres que le risque de mutation ou de cancérisation radio-induit dans ce
champ des faibles doses en situation de contamination chronique.

Pour ce qui concerne l'environnement, l'analyse des connaissances existantes dans le


domaine des effets des rayonnements ionisants sur les organismes non-humains
conduit à identifier les principales lacunes suivantes :

• le fonctionnement et la structure des écosystèmes est rarement pris en compte


dans l'analyse des expositions des diverses espèces les constituant; les
connaissances sur le devenir des radionucléides en termes de mobilité entre les
réservoirs que sont les sols et les sédiments, et les organismes vivants, sont
souvent restreintes.

• les effets induits lors d'exposition chronique à faible niveau lors de contamination
interne par des émetteurs alpha ou bêta et cela, quelle que soit l'espèce
considérée, sont peu connus.

• Très peu de connaissances existent quant à la propagation de ces effets au fil des
différents niveaux d'organisation biologique (cellule, tissu, individu, population,
communautés, écosystèmes).

Les recherches doivent combler ces lacunes afin de promouvoir, au fil de l'acquisition
des nouvelles connaissances, l'évolution des règles d'extrapolation de l'individu à la
population et aux niveaux d'organisation supérieurs (communautés, écosystèmes) qui
sont nécessaires pour améliorer l'évaluation du risque environnemental.

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LE PROGRAMME DE RECHERCHE ENVIRONNEMENT-SANTE DE L'IRSN : ENVIRHOM

Les analyses précédentes révèlent une insuffisance de données expérimentales dans


un domaine spécifique de la radioprotection, à savoir la contamination chronique des
organismes vivants des écosystèmes par des radionucléides et leur incorporation chez
l' homme par ingestion. Seul un programme de recherche peut apporter des
connaissances nécessaires à l'élaboration d'un système de radioprotection des
personnes du public et de l'environnement. Le programme ENVIRHOM est focalisé sur
la radioprotection des populations au sens large (homme, faune et flore), en
s'intéressant à une situation de contamination chronique et à faible niveau de
radionucléides dans un contexte de multi-pollution (présence simultanée de plusieurs
polluants) .

LES OBJECTIFS ET LA STRATEGIE EXPERIMENTALE DU PROGRAMME ENVIRHOM

Les principaux objectifs du programme ENVIRHOM sont:

• d'identifier, à partir de modèles expérimentaux, les effets biologiques et les


dysfonctionnements éventuels induits par les radionucléides sur les grandes
fonctions physiologiques (systèmes nerveux central, immunitaire, reproducteur.
etc.) des êtres vivants

• pour l'environnement, de relier les perturbations observées chez les individus


(comportement, croissance, reproduction) avec les effets à l'échelle des
populations composant les écosystèmes)

La stratégie de ce programme de recherche est d'intégrer dans une approche


expérimentale commune la protection de l' homme et celle de l'environnement en
étudiant le comportement des radionucléides et leurs effets biologiques pour des
organismes vivants représentatifs du règne végétal et du règne animal.

Le comportement de ces radionucléides est étudié en situation d'exposition chronique


sur une durée significative par rapport à la durée de vie propre aux espèces étudiées.

Dans une première étape, la démarche mise en œuvre a consisté à asseoir les bases
d'un modèle de contamination chronique portant sur un seul radionucléide, commun
aux volets «environnement" et «santé", l'uranium. Le choix de ce dernier,
permettant l'étude des effets chimiotoxiques et radiotoxiques offrait une plus grande
probabilité de mettre en évidence un effet biologique dans les conditions d'exposition
considérées.

L'uranium a été utilisé pour contaminer un nombre limité de modèles biologiques


représentatifs de la diversité des écosystèmes dont par exemple, une micro algue
pour le modèle végétal, des crustacés, mollusques et insectes pour les modèles
d'invertébrés, des poissons pour les vertébrés inférieurs et enfin le rat de laboratoire
pour simuler l'espèce humaine.

Ce modèle de contamination constitue aujourd'hui un référent qu'il sera ensuite


possible de comparer à d'autres radionucléides.

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SVNTHESE DES RESULTATS

• Volet« Environnement»

Les résultats obtenus pour l'uranium soulignent l'intérêt de l'étude systématique


des réponses biologiques sur les grandes fonctions des organismes vivants dans le
domaine de l'exposition chronique à de faibles niveaux. Les principales conclusions
sont les suivantes:

Certaines grandes fonctions physiologiques des organismes vivants, telles que


la respiration, le comportement ou l'alimentation, sont modifiées de manière
très précoce et à de faibles niveaux d'exposition.
Des réponses plus tardives sont observées sur les grandes fonctions telles la
reproduction lorsque les durées de l'exposition deviennent significatives par
rapport à la durée de vie de l'organisme étudié. Ces réponses apparaissent à
partir d'un seuil. D'un point de vue opérationnel, la connaissance de ce seuil
marque la transition entre le domaine sans effet et le domaine de la toxicité.
Une modélisation a permis de simuler les conséquences démographiques sur
des populations animales à partir des effets observés sur les grandes fonctions
des individus.
Les effets biologiques de l'uranium seul sont augmentés en cas d'exposition
simultanée à un autre métal toxique, le cadmium. Ils peuvent au contraire
être diminués en présence d'autres éléments tels le sélénium, oligo-élément
essentiel à la vie.

• Volet« Santé»

Les résultats obtenus chez le rat de laboratoire montrent que les effets des
expositions chroniques ne peuvent pas être extrapolés à partir des connaissances
des effets des expositions aiguës. Les principaux enseignements des
expérimentations réalisées sont que:

• Les vitesses d'accumulation et d'excrétion de l'uranium en situation


d'exposition chronique sont fonction de la durée d'exposition.
• Elles diffèrent quantitativement et qualitativement des modèles issus des
expositions aiguës.
• Les organes cibles après exposition chronique sont différents de ceux après
exposition aiguë.
• Certains de ces organes présentent des anomalies fonctionnelles, qui sont
autant d'effets biologiques non liés à l'apparition de cancers notamment des
modifications des comportement et du sommeil et des effets sur le
métabolisme des xénobiotiques (Polluants, médicaments .. ).

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Les résultats obtenus mettent en défaut le paradigme du système de


radioprotection, tout au moins pour le modèle rat contaminé à l'uranium par
ingestion. Les expositions chroniques par contamination interne ont eu des
résultats inattendus en termes de cible (organes atteints) et d'effets biologiques.
Cependant, il n'est pas démontré que ces effets biologiques aient des
conséquences sanitaires et conduisent à des développements de pathologies. De
même, Il reste à déterminer dans quelle mesure les données obtenues sur un
modèle expérimental sont directement extrapolables à l' homme et à d'autres
radionucléides.

CONCLUSIONS GENERALES

Les résultats acquis pour le volet environnement sont indispensables pour déterminer
le niveau d'exposition pour lequel la protection des écosystèmes est assurée en
condition d'exposition chronique. Cette connaissance est la base de la mise en place
d'un système de radioprotection de l'environnement. Le contexte actuel et futur dans
le domaine du nucléaire renforce l'enjeu associé à la radioprotection de
l'environnement puisque la plupart des états membres européens sont ou seront
confrontés dans un avenir proche à la mise en place de nouvelles installations (e.g.
EPR), à l'expansion ou au maintien des programmes du nucléaire incluant le
démantèlement, la mise en œuvre de sites de stockages de déchets ou encore la
gestion d'anciens sites miniers d'uranium après leur exploitation.

Les données présentées dans le domaine de la santé mettent en évidence des


incertitudes dans les modèles de gestion des risques après contamination interne. Ces
incertitudes doivent être identifiées, quantifiées et intégrées dans le système de
radioprotection. Cependant, ce système ne semble pas devoir être remis en question
car il a été conçu pour être un système « enveloppe», couvrant un grand nombre de
situations, avec une marge de sécurité suffisante. Il est de plus le meilleur système
dont nous pouvons disposer pour le moment. Par contre, ce système peut être
amélioré par l'intégration de nouvelles données issues de la recherche. Ces
recherches devront compléter les études en cours et être réalisées avec d'autres
modèles (dont l'homme) et avec d'autres radionucléides.

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PERSPECTIVES

Les travaux relatifs à l'uranium qui permettent d'améliorer l'évaluation des risques
environnemental et sanitaire dans le cadre de la gestion des sites miniers uranifères
pendant leur exploitation ou après leur fermeture, seront poursuivis.

Sur la base du modèle référent de contamination par l'uranium, d'autres


radionucléides sont maintenant à l'étude dans le cadre du programme ENVIRHOM et
seront planifiés dans les cinq années à venir. Il s'agit:

• Des radiocésium et strontium, ainsi que de l'américium-241, dans le cas des


situations post accidentelles de type Tchernobyl.
• d'émetteurs p,y à vie longue susceptibles d'être libérés dans la biosphère après
stockage à long terme des déchets radioactifs, (14, Se79 , Tc 99 , (l36, 1129 , Nb 94 , Ni 63 , ..

En termes de perspectives, pour le volet « environnement», les actions futures sont


essentiellement axées sur l'étude des effets lors de multi-pollutions et sur les
mécanismes d'adaptation des organismes vivants lorsque l'exposition s'étale sur
plusieurs générations.

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DE RADIOPROTECTION LE VOLET« ENVIRONNEMENT» DU PROGRAMME ENVIRHOM
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LE CONTEXTE: L'ENVIRONNEMENT EST CONSIDERE COMME UN ENSEMBLE D'ECOSYSTEMES

OU LA BIODIVERSITE DOIT ETRE PROTEGEE.

En radioprotection, l'approche de la protection de l'environnement a longtemps été


marquée par le postulat de la CIPR (Commission Internationale de Protection
radiologique) selon lequel, l'homme étant l'être vivant le plus radiosensible, les
mesures prises pour la protection de ce dernier devaient garantir celle de
l'environnement. Au cours de la dernière décennie, l'absence de démonstration
scientifique de cette affirmation et la montée en puissance des préoccupations
environnementales mises en évidence par de nombreuses conférences internationales
ont conduit à réexaminer ce postulat.

L'enjeu de la radioprotection de l'environnement est donc de prendre en compte


explicitement ce dernier non pas en tant que « chaîne alimentaire» de l' homme mais
en tant qu'écosystèmes où la biodiversité doit être protégée. La mise en œuvre
pratique de ce changement majeur se heurte à des lacunes de connaissances sur le
devenir et les effets des radionucléides au sein des écosystèmes en situation
d'exposition chronique, en particulier sur:

• les processus d'accumulation de radionucléides dans certaines zones des


écosystèmes et au sein des organismes vivants;
• les effets biologiques induits par une exposition interne chronique à faible niveau;
• les conséquences de ces effets sur les écosystèmes.

La mise en place d'un futur système de radioprotection de l'environnement nécessite


de connaître le niveau d'exposition pour lequel aucun effet ne peut être observé sur
les écosystèmes en condition d'exposition chronique. Cela implique de rechercher les
réponses biologiques sur les grandes fonctions des organismes vivants (survie,
reproduction, comportement) ainsi que leurs conséquences sur l'écosystème.

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LA DEMARCHE: UNE RECHERCHE APPROFONDIE DES REPONSES BIOLOGIQUES DES ORGANISMES VIVANTS
EXPOSES DE MANIERE CHRONIQUE A DES FAIBLES DOSES.

Les modèles biologiques d'étude permettent de balayer un large spectre des effets
toxiques et des modes d'actions susceptibles de se produire au sein de la diversité des
espèces végétales et animales composant les écosystèmes :

• algue unicellulaire et plante supérieure pour les modèles végétaux;


• insecte, crustacé et bivalve pour les modèles d'invertébrés;
• poisson pour le modèle de vertébré inférieur.
• le modèle de vertébré supérieur (rongeur) est un modèle commun à la fois pour
l'homme et pour l'environnement.

Les réponses biologiques sur les grandes fonctions des organismes vivants sont
recherchées systématiquement. Le domaine concerné est celui de l'exposition
chronique à faible dose pour lequel les réponses susceptibles d'être observées sont de
natures très variées et clairement différentes de celles caractérisant le domaine des
fortes doses. Lorsqu'un effet biologique est avéré, des recherches sont entreprises
pour identifier le ou les modes d'action mis en œuvre.
L'approche expérimentale commune homme / environnement permet de mettre en
œuvre un large screening sans a priori des réponses biologiques susceptibles d'être
induites. Notamment, les effets observés chez les invertébrés et les vertébrés sont
souvent révélateurs d'effets susceptibles d'être induits chez l'homme. Cet atout est
renforcé par le choix d'un radioélément commun au volet «santé» et
« environnement» qui est l'uranium

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LES RESULTATS: UNE REPONSE RAPIDE DES ORGANISMES A DES TAUX D'EXPOSITION TRES FAIBLES DES

RADIONUCLEIDES.

Certaines grandes fonctions physiologiques des organismes vivants, telles que la


respiration, le comportement ou l'alimentation, sont modifiées de manière très
précoce et à de faibles niveaux d'exposition d'uranium. Une faible concentration
en uranium dans l'eau ( - 10 I-Ig/L) suffit pour modifier le comportement et la
respiration chez des organismes animaux, même avec des temps courts d'exposition.
Par exemple, ce niveau d'exposition provoque une réaction de protection avec la
fermeture de bivalves exposés en seulement quelques minutes (Figure 1).

Début de l'exposition à l'uranium

Ion
lOllglL

% d'ouverture des va Ives


~

o 5 10
~
15 20 25
Temps (h)

Fournier et al., Environ. Toxicol. Chem. 23(5), 2004

Figure 1 : Enregistrement des mouvements d'ouverture et de fermeture des valves chez un bivlave.
Une faible concentration en uranium dans l'eau modifie de façon quasi-immédiate le comportement
valvaire des bivalves et provoque leur fermeture complète en quelques minutes.

Une faible concentration en uranium dans l'eau diminue le taux de respiration des
animaux exposés à l'uranium d'un facteur 4-5 par rapport à celui d'organismes non
exposés (Figure 2). Cette baisse de respiration entraîne une diminution de l'entrée
d'uranium dans l'organisme. On constate également une diminution de l'alimentation
chez les modèles d'invertébrés.

Respiration (exprimée en Litre d'eau filtrée par jour et par animal)


4

Niveau d'exposition
o en uranium dans l'eau
< 1 IlgiL 50 IlgiL 100 IlgiL
Tran et al., Environ. Toxicol. Chem. 24(9),2005

Figure 2: Une faible concentration en uranium dans l'eau diminue le taux de respiration des animaux
exposés (en rouge) d'un facteur 4-5 par rapport à celui d'organismes non exposés (en bleu).

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Des réponses plus tardives sont observées sur les grandes fonctions telles la
reproduction lorsque les durées de l'exposition deviennent significatives par
rapport à la durée de vie de l'organisme étudié. Une baisse de la reproduction chez
des petits crustacés d'eau douce est observée lorsque les mères sont exposées tout au
long de leur vie à de faibles concentrations (Figure 3). Les œufs produits sont plus
petits et plus nombreux; les nouveaux nés sont moins résistants au stress naturel
comme une absence de nourriture pendant quelques jours.

Nombre de juvéniles produits par mère en 3 semaines

60
50 Seuil pour observer
40+---- JI' un effet sur la reproduction
30
20
10
O+-------~--r-------~~=----

o 50 100
Concentration (lJg U/L)
Gilbin et al., en préparation

Figure 3 : Une baisse de la reproduction chez des petits crustacés d'eau douce (Daphnie) est
observée à partir d'un seuil lorsque l'exposition est continue tout au long de la vie de l'animal.

Par ailleurs, la croissance de populations d'algues unicellulaires est altérée dès


l'instant où la quantité d'uranium dans la cellule dépasse un seuil (Figure 4). D'un
point de vue opérationnel, la connaissance de ce seuil marque la transition entre le
domaine sans effet et le domaine de la toxicité

Taux de croissance (nombre de division par cellule et par jour)

3
....•..........
0
o
~~

o~
0

..
0
o
)
2

o
Quantité d'uranium par cellule
1 millionième 1 millième en Ilg

Figure 4 : Relation entre la croissance (en division par jour) et la quantité d'uranium intemalisée par les
cellules pour des populations d'algues unicellulaires exposées à l'uranium. A partir d'un quota
intracellulaire de 1 millioniène de J.lg d'uranium, le taux de croissance diminue de manière linéaire.

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Les travaux conduits chez le modèle d'algue unicellulaire montrent que les effets
chimiotoxiques de l'uranium masquent les effets radiotoxiques. Lors d'une
exposition chronique des algues à de l'uranium appauvri ou à l'un de ses isotopes
délivrant une dose radiologique supérieure d'un facteur 10000, la toxicité sur la
croissance reste inchangée (Figure 5).

Croissance de la population exposée


en pourcentage de la croissance
d'une population non exposée
Croissance identique ---+ 100
pour la population exposée U appauvri ---+ U-233
80
Dose radiologique
60 X 10000

40
20
Niveau d'exposition
Aucune croissance ---+ 0 +---~--~--~ en uranium dans l'eau
pour la population exposée o 20 40 80 en IlgiL
Pradines et al., Radioprot. 2004; Gilbin et al., SETAC 2005

Figure 5: Croissance d'une population d'algue verte unicellulaire exposée à l'uranium appauvri (en vert)
ou à l'uranium-233 délivrant une dose radiologique 10000 fois plus importante. Aucune différence

significative de toxicité n'apparaît, supportant l'hypothèse que les effets chimiques de l'uranium
masquent les effets radiologiques.

Les effets de l'uranium seul sont augmentés ou diminués en cas d'exposition


simultanée à d'autres stresseurs. La présence de cadmium, élément trace toxique, à
des concentrations sans effet pour l'algue augmente la toxicité de l'uranium d'un
facteur deux: au contraire la présence de très faible concentration de sélénium,
oligo-élément essentiel à la vie, diminue légèrement cette toxicité (Figure 6).

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Croissance de la population exposée


en pourcentage de la croissance
d'une population non exposée
100

80

60 Uranium seul
,, Uranium + Cadmium (dose sans effet)
,, Uranium + Sélénium (dose sans effet)
40 ,
,,
, ,,
...
20
.
Niveau d'exposition
o en uranium dans l'eau
o 50 100 150 200 250 en IlglL

Figure 6 : Effet de l'uranium seul ou en mélange avec du sélénium ou du cadmium, sur la croissance d'une
population d'algues unicellulaires. La présence de cadmium, élément trace toxique, à des concentrations
sans effet pour l'algue augmente la toxicité de l'uranium d'un facteur deux: au contraire la présence de
très faible concentration de sélénium, oligo·élément essentiel à la vie, diminue légèrement cette toxicité.

LES RESULTATS DE L'IRSN SONT UTILISES AU SEIN DES GROUPES DE TRAVAIL INTERNATIONAUX DANS
LE DOMAINE EMERGENT DE LA RADIOPROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT.

Au-delà des actions qu'il mène déjà dans le cadre du programme européen ERICA
ème
(6 PCRD), l' IRSN participe activement aux travaux internationaux qui sont conduits
par la Commission Internationale de Protection Radiologique en lien avec le Comité 5
entièrement dédié à la thématique de la radioprotection de l'environnement, par
l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique qui a défini un plan d'action spécifique
ainsi que par l'UNSCEAR (United Nations Scientific Committee on the Effects of
Atomic Radiation). Cette participation se traduit en particulier par la mise à
disposition de ces organismes des résultats des travaux les plus récents de l'Institut
dans le domaine de l'étude du comportement des radionucléides et de leurs effets
biologiques sur les organismes vivants au sein des écosystèmes en situation
d'exposition chronique, en particulier des résultats du programme ENVIRHOM.

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PUBLICATIONS RELATIVES AU VOLET« ENVIRONNEMENT» DU PROGRAMME ENVIRHOM

• Bion L., Ansoborlo E., Moulin V., Reiller P., Collins R., Gilbin R., Février L.,
Perrier T., Denison F., Cote G. (2005). Influence of thermodynamic database on
the modelisation of americium(lIl) speciation in a simulated biological medium.
Radiochimica Acta 93, 715-718.
• Denison, F. H.; Garnier-Laplace, J. (2005). The effects of database parameter
uncertainty on uranium(VI) equilibrium calculations. Geochimica Cosmochimica
Acta 69,2183-2191.
• Février L., Martin-Garin A. (2004). Selenite mobility in soils: implication of
chemical and microbiological processes. Geochimica Cosmochimica Acta 68 (11A),
521 (Suppl. 1).

• Fortin c., Dutel L. and Garnier-Laplace, J. (2004). Uranium complexation and


uptake by a green alga in relation to chemical speciation: the importance of the
free uranyl ion. Environmental Toxicology and Chemistry 23(4), 974-981.

• Fournier E , Adam C , Massabuau J.c. , Garnier-Laplace J. (2005).


Bioaccumulation of waterbone selenium in the Asiatic clam Corbicula fluminea :
influence of feeding-induced ventilatory activity and selenium species. Aquatic
Toxicology 72, 251-260.

• Fournier E., Tran, D., Denison, F., Massabuau J.c. and Garnier-Laplace, J. (2004).
Valve closure response to uranium exposure for a freshwater bivalve (Corbicula
fluminea) : quantification of the influence of pH. Environmental Toxicology and
Chemistry 23(5), 1108-1114.
• Fournier, E. Adam c., Massabuau J.c., Garnier-Laplace J. Effect of algal bound
selenium on bioaccumulation and ventilation activity of the freshwater bivalve
Corbicula fluminea. Environmental Toxicology and Chemistry. Sous presse

• Garnier-Laplace J, Denison F, Gilbin R, Della-Vedova C, Adam C, Simon 0,


Beaugelin K. 2004. Bioavailability in ecological risk assessment for radionuclides.
ECORAD 2004 Scientific trends in radiological protection of the environment,
Editions TEC&DOC, Lavoisier: 41-57.
• Garnier-Laplace, J. Gilek., M., Sundbell-Bergman S. and Larsson C.M. (2004).
Assessing ecological effects of radionuclides: data gaps and extrapolation issues.
Journal of Radiological Protection 24, A139-A155.

• Henner P., Colle c., Morello M. (2005). Retention and translocation of foliar
applied 239, 240 pU and 241Am, as compared to 137Cs and 85Sr, into bean plants
(Phaseolus vulgaris). Journal of Environmental Radioactivity 83 (2), 213-229.
• Morlon H., Fortin c., Adam c., Garnier-Laplace J. Short-term uptake of selenite
by Chlamydomonas reinhardtii: dependence on time, Se concentration and
chemical variables. Environmental Toxicology and Chemistry, sous presse.
• Morlon H., Fortin c., Floriani M., Adam c., Garnier-Laplace J., Boudou A. (2005).
Toxicity of selenite in the unicellular green alga Chlamydomonas reinhardtii:
comparison between effects at the population and sub-cellular level. Aquatic
Toxicology 73, 65-78.

• Perrier T., Martin-Garin A. and Morello M. (2005). Am-241 remobilization in a


calcareous soil under simplified rhizospheric conditions studied by column
experiments, Journal of Environmental Radioactivity 79, 205-221.

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DE RADIOPROTECT ION
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• Simon o. and Garnier-Laplace J. (2004). Kinetic analysis of uranium accumulation


in the bivalve CorbicuLa fLuminea: effect of pH and direct exposure. Aquatic
ToxicoLogy 68, 95-108.

• Simon, O.; Garnier-Laplace, J. (2005). Laboratory and field assessment of uranium


trophic efficiency in the crayfish Orconectes limosus fed the bivalve CorbicuLa
fLuminea. Aquatic ToxicoLogy 74, 372-383.

• Tran D., Massabuau J.c. and Garnier-Laplace J. (2004). Effect of carbon dioxide
on uranium bioaccumulation in the freshwater clam CorbicuLa fLumine.
EnvironmentaL ToxicoLogyand Chemistry 23(3), 739-747.

• Tran D., Massabuau J.c., Bourdineaud J.P., Garnier-Laplace J. (2005). Modulation


of uranium bioaccumulation by hypoxia in the freshwater clam Corbicula
fluminea: induction of MXR and Hsp60 in gill tissues. EnvironmentaL ToxicoLogy
and Chemistry 24, 9, 2278-2284

THESES SOUTENUES EN 2004-2005


• Fournier, E. (2005). Biodisponibilité et effets du sélénium chez un modèle bivalve.
Prise en compte de la voie de contamination, du statut physiologique de l'animal
et de la spéciation du Se dans la source de contamination. Doctorat Université de
Bordeaux 1. Thèse ISRN IRSN 2005/58 - FR Clamart.
• Morlon, H. (2005). Mécanismes de prise en charge du sélénite -Se(IV)- chez l'algue
verte unicellulaire ChLamydomonas reinhardtii. Bioaccumulation et effets induits
sur la croissance et l'ultrastructure. Doctorat Université de Bordeaux 1. Thèse
ISRN IRSN 2005/53 - FR Clamart.
• Laroche, L. (2005). Transfert racinaire de l'Uranium(VI) en solution chez une
plante supérieure: spéciation en solution hydroponique, prise en charge par la
plante, microlocalisation et effets biologiques induits. Doctorat Chimie,
Environnement et Santé, Université Aix-Marseille 1. thèse ISRN IRSN 2005/52- FR,
Clamart
• Denison F. (2004) Uranium (VI) speciation: modelling uncertainty and relevance to
bioavailability models. Application to uranium uptake by the gills of a freshwater
bivalve. Doctorat Chimie, Environnement et Santé, Université Aix-Marseille 1.
thèse ISRN IRSN 2004/43 - FR, Clamart.
• Perrier T. (2004) Etude théorique et expérimentale du comportement
biogéochimique de l'américium-241 en conditions rhizosphériques simplifiées.
Application dans un sol agricole calcaire. Doctorat Sciences du Sol et
Géomicrobiologie, Université Henri Poincaré, Nancy l, 330p. Thèse ISRN IRSN
2004/42 - FR, Clamart.

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DE RADIOPROTECTION LE VOLET« SANTE» DU PROGRAMME ENVIRHOM
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LE PROTOCOLE: DES EXPERIMENTATIONS MENEES SUR LES RONGEURS

Les effets de l'uranium sur la santé ont été analysés grâce à des études menées sur
des rongeurs contaminés expérimentalement avec de l'uranium ajouté à l'eau de
boisson. Elles ont été réalisées en deux parties, axées respectivement sur la
comparaison des biocinétiques 2 puis sur les effets biologiques de l'uranium après
exposition aiguë ou chronique.
Le premier volet des études traite donc des aspects relatifs au transfert de
l'uranium: cinétiques générales d'accumulation et d'excrétion des radionucléides,
influence de la spéciation 3 sur leur absorption, différentes voies de passage des
éléments dans le tractus gastro-intestinal et leur micro-distribution après
translocation 4 .
Le deuxième volet porte sur la toxicologie de l'uranium, et en particulier ses effets
sur les reins, le foie, le système nerveux central, le système reproducteur et sur
certains métabolismes comme celui des médicaments ou de la vitamine D.

LES RESULTATS: UN MODELE SPECIFIQUE ET DES EFFETS SUR LE SYSTEME NERVEUX CENTRAL ET SUR
LE METABOLISME DES XENOBIOTIQUES

- La distribution de l'uranium dans les tissus n'est pas conforme aux modèles
usuels de radioprotection

Les travaux menés montrent que l'uranium s'accumule dans la plupart des organes,
selon un processus complexe. Chez le rat contaminé de façon chronique, les
concentrations en uranium dans le côlon semblent augmenter de façon graduelle
avec le temps. Ceci est en accord avec les modèles de la Commission Internationale
de Protection Radiologique (CIPR) qui prédisent, en cas d'exposition chronique, une
augmentation puis un pallier de la concentration en uranium dans les organes. Par
contre, l'accumulation d'uranium observée dans les autres tissus ne suit pas ce
schéma. Dans les reins, le squelette, l'intestin grêle, le cerveau, le muscle, le foie
et, in fine, le corps entier, les profils de contamination sont très particuliers (Figure
1) et traduisent des modifications physiologiques liées à la durée de d'exposition.
De plus, ils font apparaître un dépôt significatif d'uranium dans certaines
structures, comme le cerveau ou les dents, qui ne sont pas répertoriées dans les
modèles classiques.

2 Biocinétiques : Désigne dans le texte les vitesses d'accumulation et d'élimination de l'uranium dans le corps.
3 Spéciation : Forme physico·chimique d'un élément dans une matrice donnée (ici un organisme)
4 Translocation: Désigne ici le passage du tube digestif vers le sang

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Pour l'instant, ces résultats ne permettent pas de dire si ces phénomènes, observés
pour des rongeurs et de l'uranium, sont généralisables à d'autres radioéléments et à
l'espèce humaine. Par contre, ils mettent en évidence que la connaissance des
expositions chroniques ne peut pas être systématiquement extrapolée à partir de
celle des expositions aiguës.
Concentrations en uranium chez le rat
:;0,4
Cl
cil
Données théoriques (modèles CIPR) 2
-
....
-
::l.
rA
cv 0,3 * -
Cl
cil
::l.

-
iij
1::
Résultats rA
cv

l
::J
cv expérimentaux "0
E

-
1::
.;: 0,2 12
-cv cu
a.
><
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rA
::J
.... 0,1
rA
cv
::J cu
cv >
cu
>
*
0 0
32 95 186 312 368 570
Ingestion chronique de Durée d'exposition ü) m± SEM; n ~ 5

1 mg d'UA par jour

Figure 1. Concentration en uranium dans l'organisme du rat après ingestion chronique d'uranium appauvri
(UA) via l'eau de boisson. Les résultats expérimentaux obtenus montrent, pour la plupart des tissus et
organes analysés, des cinétiques particulières d'accumulation (histogramme), distinctes de celles prédites
par les modèles usuels, qui extrapolent les données provenant de contaminations aigues (courbe rouge).

- Une contamination chronique par de l'uranium enrichi entraine une augmentation


de la durée du sommeil paradoxal, du stress et une altération de la mémoire
exploratoire.

Le système nerveux central (SNC) est le système de commande qui se trouve en


amont de toutes les grandes fonctions physiologiques. Son atteinte peut engendrer
des conséquences sur tout le reste de l'organisme. Il constitue une cible majeure
pour un certain nombre de métaux toxiques comme le plomb, le manganèse, ou le
mercure. Bien que l'uranium soit également un métal lourd, sa toxicité sur le
système nerveux central a été très peu étudiée. Chez l'animal, des études
préalables ont montré que l'uranium pouvait traverser la barrière hémato-méningée
et s'accumuler dans le cerveau. L'objectif du travail réalisé était de déterminer si
cette accumulation pouvait générer des effets biologiques.

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Une approche pluridisciplinaire a été conduite avec un suivi du comportement et du


sommeil chez le rat ainsi qu'un dosage de l'acétylcholinestérase, l'enzyme de
dégradation de l'acétylcholine dans les structures cérébrales. Les études ont été
menées conjointement avec de l'uranium enrichi 5 (4.24%) et appauvri (0.26%), afin
de définir la part de la toxicité chimique dans la toxicité globale de l'élément et
toutes les études ont été réalisées après exposition via l'eau de boisson pendant 1,5
mois avec des concentrations deux fois supérieures (40 mgX 1 ) aux concentrations
environnementales les plus fortes.

Les résultats montrent que l'uranium enrichi semble modifier certaines fonctions du
système nerveux central chez le rat après contamination chronique, tandis que
l'uranium appauvri semble n'avoir que très peu d'effets significatifs (voir figure 2).
En effet, après exposition à l'uranium appauvri, le comportement des animaux
(sommeil, mémoire, anxiété ... ) n'est pas altéré de façon significative. Après
exposition à l'uranium enrichi, le cycle veille-sommeil déterminé par
enregistrement de l'activité électroencéphalographique est affecté, avec une
augmentation très nette (37%) de la quantité de sommeil paradoxal. Cette
augmentation est corrélée à une augmentation du nombre d'épisodes de ce type de
sommeil. De la même manière, les capacités de mémoire de travail spatiale des rats
sont réduites de façon significative montrant ainsi une altération de la première
étape du processus de mémorisation spatiale. Par ailleurs, les comportements
anxieux, déterminés dans un labyrinthe en croix surélevé, sont augmentés chez les
rats exposés à l'uranium enrichi, ces rats passant moins de temps dans les branches
ouvertes du labyrinthe que les rats témoins.

5 L'uranium enrichi est obtenu à partir de l'uranium naturel par séparation isotopique. Ce processus fournit simultanément
un uranium dit appauvri, dont la teneur en uranium 235 est moins élevée que celle de l'uranium naturel.

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Tous ces résultats montrent qu'une exposition à l'uranium enrichi par l'eau de
boisson à la concentration de 40 mgX 1 affecte les schémas comportementaux chez
le rat dès 1,5 mois d'exposition.

Sommeil paradoxal Mémoire de travail spatiale Anxiété


(Labyrinthe en Y)
(EEG) (Labyrinthe en croix)

* _ 80
m
:2 100 74 :: 70
~ 72
'"co 90 .,
0"co 70
-t:
ru
60 ~
Ë
ro ~ 50
ro 80 1: 68 o
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0
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* ::; 40 *
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~

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~ 30 ~
ro
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70
..
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E 62 ~ 20
d>
60
E
E ~ 60 ~ 10
E
0
(f) 50 58 <V
1-

D Témoins
o Uranium appauvri
D Uranium enrichi

Figure 2: L'exposition chronique (1,5 mois) à l'uranium enrichi (40 mg.r 1) affecte la quantité de sommeil
paradoxal, les capacités de mémoire de travail spatiale et les comportements anxieux alors qu'une
exposition similaire à l'uranium appauvri n'affecte aucun de ces paramètres de façon significative
(moyenne ± S.E.M., * :p<0,05).

- Une contamination par l'uranium appauvri affecte les cytochromes P450


impliqués dans le métabolisme des médicaments

Les cytochromes P450 (CYPs) constituent une famille d'enzymes qui jouent un rôle
majeur dans le métabolisme des xénobiotiques (médicaments, polluants,
pesticides ... ) et donc dans la protection de l'organisme contre les agressions
extérieures. Elles sont présentes dans de nombreux tissus, mais se concentrent
essentiellement dans le foie qui est une porte d'entrée pour toutes les substances
ingérées. Le métabolisme des xénobiotiques se décompose en 3 phases qui
aboutissent au final à l'élimination des substances étrangères dans la bile et l'urine.
Les enzymes de la phase 1 catalysent essentiellement les réactions d'oxydo-
réduction et d'hydrolyse. Les enzymes de la phase Il et les transporteurs de la
phase III transportent au travers des membranes des xénobiotiques et surtout des
dérivés conjugués.

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L'administration chronique d'une faible concentration d'uranium appauvri (40 mgX 1 )


pendant 9 mois entrai ne des modifications de l'expression des gênes codant pour les
enzymes de la phase 1 (CYPs) dans le foie et le rein de rat. L'expression du CYP3A,
impliqué dans le métabolisme de plus de 50% des médicaments, est notamment
augmentée dans le foie, les reins, les poumons et le cortex cérébral de rats
contaminés. Contrairement aux enzymes de phase 1 (cytochromes P450), l'expression
des gênes codant pour les enzymes de phase Il ou les transporteurs de la phase III ne
varie pas de façon significative.
En conséquence, lors d'une contamination chronique par l'uranium appauvri,
l'augmentation de l'expression de certaines enzymes de la phase 1 (CYPs) et
l'absence de modification de l'expression des protéines des phases Il et III,
pourraient conduire à une altération d'un des mécanismes de défense majeur de
l'organisme, le catabolisme des médicaments. Ceci pourrait avoir comme
conséquence une modification de la pharmacocinétique des médicaments qui
conduirait alors à une toxicité hépatique ou rénale lors d'un traitement
médicamenteux (figure 4).

METABOLISME DES XENOBIOTIQUES AU


NIVEAU CELLULAIRE

Urine, Bile L'URANIUM AFFECTE LA PHASE 1 DU METABOLISME


DES XENOBIOTIQUES
(MEDICAMENTS, POLLUANTS CHIMIQUES ...)

Figure 4 : Schéma du métabolisme des xénobiotiques après contamination chronique à ['uranium

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PUBLICATIONS RELATIVES AU VOLET« SANTE» DU PROGRAMME ENVIRHOM

Bussy C, Lestaevel P, Dhieux B, Amourette C, Paquet F, Gourmelon P, Houpert P.


: Chronic ingestion of uranyl nitrate perturbs acetylcholinesterase activity and
monoamine metabolism in male rat brain. Neurotoxicology, 27(2), 245-252, 2006.
Dublineau l, Grison S, Baudelin C, Dudoignon N, Souidi M, Marquette C, Paquet F,
Aigueperse J, Gourmelon P. : Absorption of uranium through the entire
gastrointestinal tract of the rat. Int J Radiat Biol 81 :473-82 , 2005.
Dublineau l, Grison S, Linard C, Baudelin C, Dudoignon N, Souidi M, Marquette C,
Paquet F, Aigueperse J and Gourmelon P. : Short-term effects of depleted
uranium on immune status in rat intestine. J Toxicol Environ Health A (sous
presse).
Frelon S, Houpert P, Lepetit D, Paquet F. : The chemical speciation of uranium in
water does not influence its absorption from the gastrointestinal tract of rats.
Chem Res Toxicol 18: 1150-4, 2005.
Gueguen Y, Souidi M, Baudelin C, Dudoignon N, Grison S, Dublineau l, Marquette
C, Voisin P, Gourmelon P, Aigueperse J. : Short-term hepatic effects of depleted
uranium on xenobiotic and bile acid metabolizing cytochrome P450 enzymes in
the rat. Arch Toxicol Oct 18, 1-9, 2005.
Houpert P, Lestaevel P, Amourette C, Dhieux B, Bussy C, Paquet F. : Effect of U
and 137Cs chronic contamination on dopamine and serotonin metabolism in the
central nervous system of the rat. Can J Physiol Pharmacol 82: 161-6, 2004.
Houpert P, Lestaevel P, Bussy C, Paquet F, Gourmelon P. : E nriched But Not
Depleted Uranium Affects Central Nervous System ln Long-Term Exposed Rat.
Neurotoxicology, 26, 1015-1020,2005.
Lestaevel P, Bussy C, Paquet F, Dhieux B, Clarencon D, Houpert P, Gourmelon P. :
Changes in sleep-wake cycle after chronic exposure to uranium in rats.
Neurotoxicol Teratol., 27, 835-840, 2005.
Lestaevel P, Houpert P, Bussy C, Dhieux B, Gourmelon P, Paquet F. : The brain is
a target organ after acute exposure to depleted uranium. Toxicology 212:219-26,
2005.
Paquet F, Houpert P, Blanchardon E, Delissen 0, Maubert 0, Dhieux B, Moreels
AM, Frelon S, Voisin P, Gourmelon P. : Accumulation and distribution of uranium
in rats after chronic exposure by ingestion. Health Physics, 90 (2), 139-147, 2006.
Souidi M, Gueguen Y, Linard C, Dudoignon N, Grison S, Baudelin C, Marquette C,
Gourmelon P, Aigueperse J, Dublineau 1. : ln vivo effects of chronic contamination
with depleted uranium on CYP3A and associated nuclear receptors PXR and CAR in
the rat. Toxicology214:113-22, 2005.
Taulan M, Paquet F, Maubert C, Delissen 0, Demaille J, Romey MC. : Renal
toxicogenomic response to chronic uranyl nitrate insult in mice. Environ Health
Perspect 112: 1628-1635, 2004.
Tissandié E, Gueguen Y., Lobaccaro JMA, Paquet F, Aigueperse J, and Souidi M. :
Effects of depleted uranium after short-term exposure on vitamin D metabolism in
rat, soumis à Archives of Toxicology, 2006. (en cours d'édition)

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