INTRODUCTION GENERALE (Enregistré Automatiquement)

Télécharger au format docx, pdf ou txt
Télécharger au format docx, pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 76

1

INTRODUCTION GENERALE

"Il vaut mieux s'hasarder à sauver un coupable qu'à condamner un innocent "1. Tout ce qui
concerne le principe de la présomption d'innocence se résume en cette citation de Voltaire.

Lorsqu'une infraction est commise, il convient d'en rechercher le coupable et les preuves de sa
culpabilité. La finalité de cette procédure, c'est de punir, à l'issu d'un procès pénal équitable,
toute personne déclarée coupable de trouble à l'ordre public et/ou de menace pour la sécurité
des biens et des personnes. Toutefois cette culpabilité qu'il est question de prouver, n'est
admise dans son effectivité, que lorsqu'elle est prononcée par le juge. C'est ce qu'impose le
principe de la présomption d'innocence.

Toute personne est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement
établie2, ainsi précise le code de procédure pénale. "Toute personne", considérant cette
affirmation, il va s'en dire que l'exception est levée concernant l'application de ce principe à
l'endroit d'une personne contre qui est diligentée une quelconque enquête de police judiciaire.
Ce qui sous entendrait qu'une personne qui fait l'objet d'une enquête de flagrance pourrait elle
aussi bénéficier de la présomption d'innocence. D’où la formulation de notre sujet, l'enquête
de flagrance et la présomption d'innocence. Pour mieux cerner notre sujet de réflexion, il
conviendra pour nous de définir les termes essentiels pour en construire le sens.

Sous le vocable '' Enquête'', il faut entendre toutes démarches d'investigations effectuées,
avant l'ouverture de l'information, par les officiers de police judiciaire (OPJ) ou les Agents de
police judiciaire (APJ), dans le but de constater les infractions et d'en rechercher les preuves.

En principe, il existe deux types d'enquête que sont l'enquête préliminaire et l'enquête de
flagrance. Le terme ''préliminaire'' indique bien qu'elle se situe en amont de la poursuite et de
l'information et qu'elle constitue donc la première partie de cette patiente recherche de la
vérité à laquelle se plie les autorités judiciaires en matières pénales. Dans la grande majorité
des Etats, les codes en vigueurs distinguent l'enquête en cas de crime et délit flagrant de
l'enquête préliminaire. Ceci parce que leurs règlementations diffèrent à cause des

1
Voltaire, Zadig ou la destinée-histoire orientale, chap. IV

2
Loi n°2018-975 du 27 décembre 2018, modifiée par la loi n°2022-192 du 11 mars 2022 portant code de
procédure pénale.
2

circonstances de commission et de constatations de l'infraction. Nous allons le découvrir à


travers la définition que la loi nous donne des crimes et délits flagrants.

La notion de flagrance devrait être très strictement entendue. Sous le terme " flagrance" on
désigne ce qui est évident, criant, éclatant. La qualification " flagrance" ne signifie-t-il pas "
qui se commet au même moment", selon Littré, et ne vient-il pas du mot latin "flagrare" qui
veut dire bruler ? Elle est pourtant étendue par la pratique à des cas particuliers et surtout par
la loi à propos de l'enquête.

Est qualifié crime ou délit flagrant, le crime ou le délit qui est en train de se commettre, ou qui
vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant, lorsque dans un temps très voisin de
l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique ou est retrouvée en
possession d'objet, ou présente des traces qui laissent croire qu'elle a participé au crime ou au
délit3.

L'article 77 du CPP restreint les cas de flagrance à 3 cas qu'il prend bien soin d'exposer
clairement. Cette distinction, nous le remarquons, se fait dans le temps et dans la
circonstance :

Premier cas, l'infraction ''qui se commet actuellement. Il va s'en dire que la personne
suspectée a été prise sur les faits. Ensuite, l'infraction "qui vient de se commettre". La
personne suspectée n'a donc pas été prise sur les faits, mais l'infraction a été constatée tout
juste après sa commission. Pour finir, l'infraction dont "les indices probant témoignent de la
culpabilité de son auteur". C’est-à-dire que toutes les traces et indices laissent croire ou
désignent directement une personne en tant que responsable de cette infraction.

On peut donc en retenir deux situations en prenant en compte le critère temporel de


l'infraction : d'une part, l'infraction est flagrante si elle se commet actuellement ou elle vient
de se commettre. C'est la flagrance au sens "stricto sensu". D'autre part, la flagrance existe
encore lorsque l'enquête commence dans un temps très voisin de l'action. La flagrance au sens
"lacto sensu".

L'infraction flagrante donne lieu à une enquête de police judiciaire appelée " Enquête de
Flagrance". L'enquête de flagrance concerne les infractions qui se voient4, s'entendent5 ou se
perçoivent6, principalement, elle tend à empêcher la disparition ou la destruction des preuves.
3
Loi n°2018 Art. 77
4
Infraction qui est en train de se commettre.
5
Infraction qui vient de se commettre.
6
Infraction dont les traces et indices indiquent l'auteur.
3

De ce fait, elle se révèle être une enquête plus exigeante et rigoureuse que l'enquête
préliminaire vue qu'elle vise des objectifs strictes de conservation d'indices et de preuves.

A priori, en examinant ce qui précède, concernant justement l'infraction dite flagrante et sa


conséquente qui n'est nul autre que l'enquête de flagrance, nous pouvons être tentés de croire
qu'il n'y a pas de question à se poser quant à l'identité de l'auteur de l'infraction flagrante. Et
ce, en observant toutes les caractéristiques que la loi nous soumet pour identifier une
infraction flagrante. Toutefois, la loi admet la "présomption d'innocence".

La loi pénale est protectrice de la société certes, mais encore elle est protectrice des droits des
individus. Car si elle permet de rechercher et punir les auteurs de troubles, elle doit aussi
permettre d'empêcher qu'un innocent soit condamné injustement. Le constat est que la victime
d'un préjudice peut sembler être la seule protégée par la loi, à cause du dommage subit, elle
devient la seule sur qui les regards de compassion sont fixés, contrairement au dédain ressenti
pour la personne même sur qui plane un petit soupçon de participation à l'infraction. Pensons
donc à la personne prise en flagrant délit, elle est directement, sans nul doute coupable, pour
la vindicte populaire, et elle ne mérite que le pire. Or, le législateur, soucieux du bien-être de
tous, a édicté des mesures drastiques pour protéger la personne mise en cause ou encore la
personne soupçonnée d'avoir commis une infraction.

Lorsque l'innocence des citoyens n'est pas assurée, la liberté ne l'est pas non plus7 . Cette
citation ne manque de montrer l'extrême importance du statut d'innocent et son rapport avec la
liberté de l'individu, cette liberté qui nous ait si chère. Aucun individu ne se sentirait
réellement libre s'il avait conscience qu'il est posé sur lui, à chaque instant, des regards
d'accusation venant de son entourage : la société et son système judiciaire.

La présomption c'est l'action de présumer. Présumer désigne le fait de tenir pour vrai,
admettre une chose jusqu’à preuve du contraire ; à priori, c'est supposer 8(Ex : tout individu
est présumé innocent aussi longtemps que sa culpabilité n'est pas établit). Présumer c'est
croire d'après certains indices mais sans preuve9. La présomption exprime aussi la
conséquence que la loi tire d'un fait connu (Ex : la date de naissance et celle du mariage) à un
fait inconnu (par exemple la paternité) dont l'existence est rendue vraisemblable par le
premier, procédé technique qui entraine, pour celui qui en bénéficie, la dispense de prouver le

7
MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, Tome I, Livre XII, Chapitre II, p.197
8
CORNU Gérard et CAPITANT Henri, Vocabulaire juridique, 11eme édition, Paris, PUF
9
Idem
4

fait inconnu. C'est une présomption légale puisqu'elle est affirmée par les textes. Tout de
même, c'est une présomption réfragable, non absolue.

Le principe de la présomption d'innocence fait reposer "l'innocence" sur un mécanisme de


présomption. Communément, la présomption se définit comme le jugement fondé non sur des
preuves mais sur des indices, des apparences, sur ce qui est probable sans être certains10. Le
Larousse continue sa définition pour dire que c'est la conséquence que la loi ou le juge tirent
de faits connus a faits inconnus11. Le dictionnaire Larousse, est bien évidemment un
dictionnaire de référence, toutefois il est généraliste. Par conséquent, il n'est pas bien orienté
pour nous apporter tout l'intérêt que nous recherchons à travers la définition de la
présomption. Juridiquement parlant, la présomption se définit comme le mode de
raisonnement juridique en vertu duquel, de l'établissement d'un fait, se déduit un autre fait qui
n'est pas prouvé12. Les présomptions peuvent être soit légales, c’est-à-dire qu'elles émanent
de la loi ou encore elles peuvent émaner du juge donc des présomptions de l'homme.

Dans plusieurs domaines juridiques, les présomptions existent pour équilibrer les relations
entre les personnes et pour réguler leurs rapports de droit. Ainsi, nous avons les présomptions
en droit commercial (présomption de commercialité, présomption de solidarité) 13, en droit
civil, la présomption de paternité14.

En matière pénale, la présomption n'est pas nouvellement admise, l'utilisation de la


présomption à une longue histoire. En effet, au Moyen Âge, les juges recueillaient des
preuves à partir de facteurs pouvant être considérés comme totalement irrationnels, tels que
des signes ou des événements extérieurs15. L'accusé était placé sous le système des ordalies
pour prouver son innocence ou sa culpabilité. Le premier exemple de ce mode de preuve est
l'exigence que le défendeur plonge son bras dans un chaudron rempli d'eau bouillante afin
d'en retirer les objets qui s'y trouvaient. Une fois terminé, le bras brûlé était scellé et bandé
10
Larousse, Dictionnaire de la langue française, au mot "présomption"
11
A partir d'indices connus, on prouve un fait.
12
Lexique des termes juridiques, Editions Dalloz, 2013
13
Principes en droit commercial.
La présomption de commercialité dispose que tous les actes (même purement civils) accomplis par le
commerçant pour les besoins de son commerce sont considérés comme des actes de commerce. Cette
présomption est réfragable , elle peut être renversée par le commerçant.
La présomption de solidarité s'applique lorsque plusieurs commerçants sont tenus de la même dette née à
l'occasion de leur commerce. C'est une présomption légale et irréfragable.
14
Loi n° 2019-571 du 29 Juin 2019 sur la filiation : l'enfant conçu pendant le mariage ou né moins de trois cents
jours après la dissolution du mariage, a pour père le mari de sa mère.
15
P. FEROT, la présomption d'innocence : essai d'interprétation historique, Thèse, Université de Lille 2, 2007
5

dans une pochette en cuir par le juge et laissé pendant quelques jours avant que la plaie ne
soit inspectée. De ce dernier état de la plaie, on pouvait déduire l'innocence ou la culpabilité
d'un individu. Le " combat juridique" est le deuxième exemple de la présomption employée
par les juges de l'époque médiévale, où le vainqueur d'un affrontement est réputé avoir une
réclamation fondée, tandis que le perdant est tenu pour responsable des faits qui lui sont
imputés. Ces ordalies étaient de véritable moyen de preuve car la personne qu'elles
présentaient comme coupable, finissait par être désigné comme tel par le juge.

Le principe de la présomption d'innocence est resté inexistant dans les systèmes juridiques
africains et européens pendant longtemps. Il n'existait pas et de plus, les usages qui
prévalaient à cette période, tels que les ordalies que nous venons de voir, ne donnaient
aucunement droit à un quelconque accusé d'être présumé innocent. Ils étaient au contraire
accusateurs. C'étaient plutôt des présomptions de culpabilité dans la mesure où on imposait
à l'accusé lui-même de rapporter les preuves qu'il est innocent des faits qu'on lui impute.

La nécessité de changer le statut de l'accusé a commencé à se faire ressentir après plusieurs


scandales judiciaires, qui faisaient paraitre la sévérité des usages auxquels ils étaient
soumis. Il fallait donc humaniser la procédure criminelle 16 . Le pouvoir royal d'avant la
révolution française, s'y est forcé sans toutefois arriver à une vraie instauration du droit
d'être présumé innocent. La lutte pour la consécration de ce droit s'est accrue avec la
participation de l'opinion publique, des philosophes et écrivains du mouvement des
lumières. Ainsi, voltaire disait " si, contre cent milles probabilités que l'accusé est coupable,
il y en a une seule qu'il est innocent, cette seule doit balancer toutes les autres" 17, s'ajoute à
lui Cesare Beccaria en insistant sur le fait qu' " un homme ne peut être regardé comme un
criminel avant la sentence du juge ; et la société ne peut lui retirer la protection publique
qu'après qu'il a été prouvé qu'il a violé les conditions auxquelles elle lui avait été
accordée"18. Des suites de ces insistances ont été posées les bases du principe de la
présomption d'innocence que nous reconnaissons tous aujourd'hui.

Ainsi a été adopté le premier texte consacrant ce principe qui est l’article 9 de la Déclaration
des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 en vertu duquel « Tout homme étant présumé
innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute
rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement
16
P. FEROT, OP. cit., P.34
17
VOLTAIRE, Dictionnaire philosophique, article des Crimes ou délits de temps ou de lieu, œuvres complètes
de VOLTAIRE, Tome VI, P. 689
18
CESARE Beccaria, Du traité des délits et des peines, Paragraphe XII, De la question, P. 43-44
6

réprimée par la loi ». A sa suite, plusieurs autres textes en ont fait de même tant en droit
international qu'en droit interne. Tels que l’article 11 de la Déclaration Universelle des Droits
de l’Homme du 10 novembre 1948 qui dispose que « Toute personne accusée d'un acte
délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au
cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées
». Nous avons de même, le Pacte International sur les Droits Civils et politiques du 16
décembre 1966, la constitution du 08 novembre 2016, et plus récemment la loi n* 2018-975
du 27 décembre 2018 portant code de procédure pénale, en son article 2. En accord ces textes
sont des garants de la protection de la personne suspectée d'avoir commis une infraction. Ils
n'interdisent toute personne de désigner quiconque comme coupable tant que le juge n'en a
pas encore prononcé la décision de culpabilité.

Lorsqu'une personne est interpellée au cours d'une enquête préliminaire ou lors d'une
information judiciaire, le principe de la présomption d'innocence s'applique apparemment
sans équivoque. Puisque dans ces conditions, à l'entame, l'enquête est neutre et les pistes de
recherches avec. En somme il n'y a personne désigné d'avance tel que dans les cas de
flagrance cités. Mais lorsqu'il s'agit de l'enquête de flagrance, qui s'ouvre après la
constatation des cas de flagrant crime ou délit susmentionnés, l'application sinon la cohérence
des termes semble être antinomique. C'est plutôt difficile, voire même impossible de croire ou
considérer qu'une personne prise en flagrance soit innocente. Toute de suite, nous somme
tentés de la considérer comme coupable plutôt que de la considérer comme innocente de
l'infraction pour laquelle est mise en cause, ainsi que la traiter comme telle.

Le principe de la présomption d'innocence, un principe fondamental19, un principe


d'application stricte20, le constat que nous faisons, c'est de voir la peine qu'il a à s'appliquer
dans l'enquête de flagrance ; et ce, nonobstant toutes les réformes législatives et
constitutionnelles prise cette dernière décennie. C'est un principe protecteur des droits du mis
en cause, il mérite donc d'être appliqué et ce quel que soit l'enquête en présence.

Alors l'interrogation cardinale de notre réflexion serait celle de savoir, l'enquête de flagrance
exclut-elle absolument la présomption d'innocence ? Parallèlement, cette étude nous
permettra de répondre à plusieurs autres interrogations tels que ; le principe de la présomption
d'innocence est-il d'une application effective dans l'enquête de flagrance ? Pourquoi peine-t-il
à s'imposer dans l'enquête de flagrance ? Comment peine-il à s'imposer ? Quelle est l'utilité du

19
Le principe de la présomption d'innocence est Instauré dans la constitution.
20
Les principes en droit pénal sont d'application stricte, c’est-à-dire applicable en toute matière.
7

principe dans l'enquête de flagrance ? Quels sont les moyens de renforcement du principe de
la présomption d'innocence dans l'enquête de flagrance.

L'intérêt du choix de ce sujet par nous, est, de prime bord, en rapport avec la dernière réforme
du code de procédure pénal. Elle s'étale largement sur les dispositions relatives à l'enquête de
flagrance qui laisse des doutes quant à l'application du principe de la présomption
d'innocence. Ensuite, la position de la personne prise en flagrance étant une position
défavorable face à tout l'appareil répressif qui se met en marche à l'entame de l'enquête, il
convient de faire valoir ce principe afin de freiner les éventuel abus ou bafouement du droit
d'être présumé innocent. Enfin, le principe de la présomption d'innocence, un principe
fondamental du droit pénal peu connu encore moins compris en substance, surtout des
personnes qui en ont le plus besoin, une telle étude vient à point nommé.

Pour ce faire, et dans un souci de clarté, il conviendra pour nous d'axer notre réflexion sur
l'affaiblissement du principe de la présomption d'innocence dans l'enquête de flagrance dans
(une première partie) et le renforcement du principe de la présomption d'innocence dans
l'enquête de flagrance dans (une seconde partie).
8

PREMIERE PARTIE :

L'AFFAIBLISSEMENT DU PRINCIPE DE LA
PRESOMPTION D'INNOCENCE DANS L'ENQUETE
DE FLAGRANCE
9

Dans le préambule de la constitution ivoirienne, il est réaffirmé : " (…) la


détermination à bâtir un Etat de droit dans lequel les droits de l'homme, libertés publiques,
la dignité de la personne humaine, la justice et la bonne gouvernance tels que définis dans les
instruments juridiques internationaux auxquels la Côte d'Ivoire est partie, notamment la
charte des nations unies de 1945, la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,
la charte africaine des droits de l'homme et des peuples 1981 et ses protocoles additionnels,
l'acte constitutif de l'union africaine de 2001, sont promus, protégés et garantis".
Au regard de l'affirmation précitée, nous pouvons en déduire que l'ensemble des instruments
juridiques aussi bien nationaux qu'internationaux, la mission première de l'ordonnancement
juridique d'un Etat, est la protection de ses citoyens, la protection de leurs droits. Quel que soit son
statut, tout être humain a le droit d'être protégé et de bénéficier du traitement dû à sa qualité. Le
but principal n'est pas de permettre à chaque personne de faire ce dont elle a envie mais de la faire
bénéficier en tant que personne du respect des privilèges que la loi lui donne.

Le principe de la présomption, protecteur de la personne poursuivie, peine dans son application ;


surtout lorsqu'il est question de la procédure spéciale qu'est l'enquête de flagrance. Dans cette
première partie, nous nous attèlerons à déterminer ce qui pourrait justifier le mal être de ce principe
dans l'enquête de flagrance ( CHAPITRE I) ensuite, montrer comment il peine à s'appliquer (CHAPITRE
II).

CHAPITRE I : LES RAISONS DE L'AFFAIBLISSEMENT

Plusieurs raisons pourraient expliquer l'application tempérée du principe dans l'enquête. Elles
sont nombreuses et diverses. La raison principale qui pourrait expliquer cette défaillance
serait que ces deux notions se heurtent dans leur forme et dans leur contenues. Ce sont deux
notions qui s'expliquent logiquement et parfaitement lorsqu'elles sont étudiées distinctement.
La difficulté se présente lorsqu'il s'agit de les confronter, sinon les insérer l'une dans l'autre.
Associer présomption et flagrance s'avère être un complexe considérable. Aussi et surtout le
déroulé de l'enquête n'est pas tout aussi laxiste quant à l'application du principe. Nous
pouvons donc expliquer cet assouplissement du principe par l'antinomie qui existe entre
10

enquête de flagrance et présomption d'innocence. En effet, il y a une sorte d'opposition d'ordre


conceptuelle (SECTION I) et d'ordre procédurale (SECTION II) entre ces deux termes.

SECTION II : L'EXISTENCE D'UNE ANTINOMIE CONCEPTUELLE

Une antinomie désigne, selon le dictionnaire français, une contradiction réelle ou apparente
entre deux lois, deux principes, deux idées. L'antinomie ici peut être perceptible tant dans la
forme que dans le fond, en ce que, contrairement à l'enquête de flagrance qui est plus dans le
pragmatisme, dans les actes matériels qui constituent les actes de l'enquête, le principe de la
présomption d'innocente baigne dans l'informel. Nous sommes dans une succession d'actes
matériels dans lesquels, il faut considérer l'individu, objet de cette procédure comme étant
étranger à ceux-ci. Tout en exécutant les actes de l'enquête de flagrance, il faut considérer
que…, il faut supposer que….

Lorsque nous considérons l'article 77 du code de procédure pénale, il en ressort une diversité
des cas de flagrance. Ces cas de flagrance énumérés par cet article font ressortir deux critères
importants qui, réunies, rendent l'existence de l'infraction évidente et manifeste. Il s'agit du
critère temporel et le critère matériel. La force de l'existence de ces critères, rend difficile
l'intégration de la présomption d'innocence dans l'enquête de flagrance. La réunion de ces
critères débouche sur l'ouverture d'une enquête de flagrance, or eux même s'oppose dès la
base au principe de la présomption d'innocence à travers les circonstances qu'ils présentent.

Nous aurons donc à voir l'antinomie à travers le critère temporel (PARAGRAPHE 1) ainsi
que le critère matériel (PARAGRAPHE 2).

Paragraphe 1 : Le critère temporel

La composante temporelle dans les cas de flagrance apparait très clairement. L'article 77
mentionne que l'état de flagrance est caractérisée lorsque l'infraction se commet soit
actuellement (A) ou vient de se commettre ou il y a peu de temps (B).
11

A- L'infraction qui se commet actuellement

L'article 77 alinéas 1 du code de procédure pénale, nous présente le premier aspect du laps de
temps pendant lequel l'on peut qualifier de flagrant, un crime ou un délit constaté. L'article
précise qu'est qualifié flagrant " le crime ou le délit qui se commet actuellement". Dans cette
circonstance, la flagrance est évidente dans la mesure où la personne soupçonnée est prise sur
les faits. Ces circonstances sont révélatrices de l'actualité de la faute.

L'infraction qui se commet actuellement peut être notamment le cas d'un voleur aperçu par les
officiers de police judiciaire, en train de soustraire la chose d'autrui. Aussi, le cas d'un
cambrioleur intercepté en pleine opération… ce sont des cas ou la flagrance est avérée, elle
est certaine.

C'est la caractérisation de la flagrance la plus originelle, celle qui se commet au moment de


l'intervention de la constatation. L'auteur est donc interpellé sur le fondement du crime ou
délit flagrant. Il n'y a d'apparence, plus d'investigations à mener étant donné que l'infraction
est constituée sans aucun doute par l'interpellation de l'auteur lors de la réalisation des faits.
C'est là un moyen idéal pour les enquêteurs. Il permet de réduire considérablement la tâche
difficile qu'est l'enquête pour passer rapidement de la poursuite au jugement.

La situation présente est encore fraiche, évidente et criante. Plus le temps qui sépare la
commission de l'infraction et la constatation de celle-ci est grand, plus le risque de se tromper
dans les investigations s'agrandit également. Il y a donc un risque d'erreur très minime
puisque le commettant est surpris en pleine action.

Dans une telle condition, il est très complexe d'admettre une quelconque présomption
d'innocence. La situation qui prévaut place la personne prise sur les faits dans une situation
d'imputabilité sans faille. Il est difficile de supposer, de présumer dans cette situation car elle
semble être une preuve de culpabilité de l'individu qui en est l'objet.

Il n'en demeure pas moins pour les infractions constatées après commission. Le critère de
temps est tout aussi important pour attester de la constitution de la flagrance.
12

B- L'infraction qui vient de se commettre et l'infraction constatée dans un temps voisin


de l'action.

La jurisprudence et la pratique estiment "qu'un crime ayant été dénoncé treize heures (13H)
après sa commission, et l'auteur ayant été appréhendé trente-six heures (36H) après les faits, il
n'y a plus de flagrance"21. En revanche, pour un délai de 28H s'est écoulé entre la commission
de l'infraction (viol) et la dénonciation de la victime, la cour de cassation a estimé que ce délai
était suffisamment bref pour que la flagrance soit constituée22.

La loi admet ce critère temporel dans le but de conserver la flagrance de l'infraction à la


condition que le temps qui s'est écoulé entre la commission de l'infraction et la constatation ou
encore l'interpellation de l'auteur ne soit pas trop long.

Il se pose dans ce contexte, la question de l'appréciation du temps dont il faudrait tenir compte
lorsque la loi mentionne dans les textes les expressions " qui vient de se commettre" et "dans
un temps voisin de l'action". Lorsque l'infraction est purement flagrante, les risques de faire
des erreurs sont très réduits. Et par ce mécanisme, on peut accorder aisément plein pouvoir
aux OPJ. Quid du laps de temps concernant les constatations après commission ?

Les dispositions de la loi à ce sujet sont relativement vagues, toutefois, la jurisprudence


estime que l'appréciation de ce critère temporel devrait être laissée à l'appréciation du juge. Le
laps de temps sur lequel tout le monde semble s'accorder est de tout au plus 24H pour
l'infraction qui " vient de se commettre" et de tout au plus 48H pour "le temps très voisin de
l'action". En tout état de cause, il faudrait estimer ce temps à une période suffisamment courte
pour la conservation des traces et indices apparents, qui caractérise le critère d'apparence.

Paragraphe 2 : Le critère d'apparence

A la composante temporelle se joint la composante d'apparence. Dans son essence, la


flagrance en latin "flagare" signifie ce qui "brule" faisant allusion à ce qui est visible,
palpable. En somme cela relève de la constatation d'élément qui prouve sinon qui démontrer

21
C.A, 08 Septembre 1960, JCP, 1960, éd. G, II, 11777
22
Cass. Crim. 26 février 1991, bull. crim. N° 96
13

qu'il y a une infraction qui se commet ou qui s'est commis il y a peu. Il s'agit de la désignation
par la clameur publique du suspect (A) et de la présences des traces et indices (B)

A- La personne soupçonnée, poursuivie par la clameur publique

La clameur publique peut être définie comme la mobilisation d'une foule en réponse à la
violation des droits et libertés d'une personne23. Aussi, elle peut être la réponse à une
revendication ou une situation délictuelle ou criminelle. C'est une indignation publique qui se
manifeste soit par une dénonciation, soit un soutien par des "cris, vociférations, hurlements 24,
souvent par des battements de mains".

La clameur publique dont il est question ici fait immédiatement suite à un crime ou à un délit,
fait naitre une situation d'urgence qui justifie l'ouverture d'une enquête de flagrance et autorise
l'arrestation de la personne désignée comme agresseur25. En d'autres termes, "aujourd'hui, elle
prend régulièrement sa source dans des dénonciations collectives d'actes délictuels, criminels
et des cris d'alertes venant de la victime présumée suite à un vol à l'étalage, à un cambriolage,
un pickpocket, une agression, une escroquerie ou la reconnaissance d'un voleur ou de son
agresseur"26 .

L'article 77 alinéas 2 du code de procédure pénale dispose qu'il y a aussi crime ou délit
flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie
par la clameur publique (...). La clameur publique telle que nous l'avons présentée, suppose la
présence d'une foule de gens qui, dès l'instant où le cri d'alerte est lancé, s'active pour
empêcher la fuite de la personne soupçonnée. Généralement, en Côte d'ivoire, ce cri consiste à
hurler " voleur, voleur, attrapez-le" ou encore " au secours, au secours"…

Les personnes qui composent cette foule après intervention deviennent des témoins qui plus
tard pourront apporter des informations quant au chef d'accusation ou de prévention porter
contre la personne soupçonnée par leur témoignage. La clameur publique est un appel à la
justice pour aider à empêcher la fuite du suspect et ceci se fait en "dans un temps voisin de
l'action". Une foule de gens mobilisé pour mettre la main sur un individu qui a commis une

23
Cas de vols, viol, violences physiques
24
Le nouveau petit robert de la langue française, 2010, p.443
25
DOUCET Paul, Dictionnaire de droit criminel, éd. Mai 2014
26
CHAUVAUD Fréderic et PRETOU Pierre, clameur publique et émotions judiciaires, histoire, Rennes, PUR
2013, p. 195-203.
14

infraction il y a peu, il y a très peu de chance sinon de raison de douter de la culpabilité du


suspect en raison de l'actualité et de la dénonciation qui est faites par ces personnes.

La désignation par la clameur publique de la personne soupçonnée est une raison de plus de
douter de l'existence de la présomption d'innocence. le doute s'élargit lorsqu'une personne est
trouvée en possession d'objets, ou présente des traces et indices qui laissent croire qu'il a
participer à la commission de l'acte incriminé.

B- La présence d'objets, de traces et indices concordants

La chambre criminelle dans sa consécration exiges, pour que la flagrance soit valablement
constituée, que les juges du fond se rassure que " les officiers de police judiciaire ont eu
connaissance d'indices apparents d'un comportement délictueux révélant l'existence
d'infractions répondant à la définition de l'article 77 de code de procédure pénale" 27. La
caractérisation de la flagrance impose au préalable aux officiers de police judiciaire d'avoir eu
à constater la présence d'indices dénonçant un comportement délictueux. Ce constat
s'effectue, le plus souvent, dans un lieu accessible à tous. Mais dans certaines circonstances, il
peut se faire aussi en un lieu interdits aux publics mais auxquels certains agents peuvent
accéder.

Nous constatons ici qu'il s'agit d'indice réunissant des conditions d'apparence, des conditions
qui font appel à l'ouïe ou à l'odorat. Il s'agit de ce qui est visible, manifeste, objectif. Alors ces
indices peuvent être des avis donnés par la ou les victimes d'une infraction qui vient de se
commettre, même avant enregistrement d'une plainte régulière28, ou d'une infraction qui vient
de se commettre. De même valent indice, la dénonciation anonyme confortée par des
indications concordantes et précises29, la forte odeur de cannabis s'échappant d'un véhicule
rend sa fouille possible car il y a indice apparent d'un délit de détention de drogue30 .

La découverte d'indice a pour effet immédiat, la preuve de la commission d'une infraction,


aussi et surtout l'imputabilité de la personne détentrice de ces objets.

27
PRADEL Jean, Procédure pénale, 2017, 611 à 612, DALLOZ, 1981.
28
Crim, 8 octobre 1985, B.C., n°301
29
Crim, 23 octobre 1991, D., 1992, I, R., 38. A contrario, si les indices accompagnant la dénonciation anonyme
sont vagues, il n'y a pas de flagrance : Crim., 19 aout 2009, JCPG., 2010, 535, note S. Detraz
30
Crim., 4 novembre 1999, B.C., n°247, note J Pradel
15

En somme, nous comprenons aisément que l'essence de la flagrance repose sur la présence
sinon l'existence d'indice ou soupçon de comportement délictueux. Autrement exprimé,
l'inexistence de comportement délictueux ou de soupçons nés de la dénonciation anonyme,
rend la flagrance nulle31. Pour parler de flagrance, il faut que la preuve de l'infraction soit déjà
faite ou, au moins, que l'infraction soit très hautement probable32.

Le caractère que produit la jonction de ces critères dans les cas de flagrance fait naitre de
nouvelle considération quant à la procédure d'enquête.

SECTION II : L'EXISTENCE D'UNE ANTINOMIE PROCEDURALE

Les cas de flagrance énumérés par l'article 77 change la donne dans la mesure où ils dissipent
le doute et facilite l'enquête ce qui la rende spéciale.

Elle se distingue fortement de l'enquête préliminaire en ce sens ou dès les premières minutes
de l'enquête, les enquêteurs ont le maximum d'informations possibles pour sa résolution.
L'enjeu ici devient le fait d'amasser les preuves suffisantes pour les présenter.

Il y a plus de chances d'avoir sous la main l'auteur des faits que de se tromper ; alors elle
devient une enquête rapide pour prouver la situation présente.

Ce qui provoque par ricochet, la célérité de l'enquête (paragraphe 1) ainsi que du jugement
(paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La célérité de l'enquête

Bien que l'infraction ait été reconnue comme flagrante, l'officier de police judiciaire doit
justifier de l'urgence, sous peine de sa requalification33. L'enquête de flagrance est une enquête
urgente car le temps pour l'achever est cour et toutes les preuves doivent être recueillies pour
la diriger. Avec les cas mentionnés, il y a donc moins de risques d'erreur (A) et il y a une
urgente nécessité de réunir les preuves (B) pour éviter qu'ils ne se dissipent ou se dégradent.
31
J Pradel, procédure pénale, 15 aout 2017, 612
32
J pradel, proc pen 19EM
33
J Gueguen-Caroll (art de doctrine) 22 aout 2016
16

A- Réduction des risques d'erreur

En matière de flagrance, l'article 77 de code de procédure pénale évoque largement les cas
dont les infractions sont qualifiées de flagrante. A l'analyse de ces cas, nous nous rendons
compte que l'individu est à la limite, appréhendé pratiquement dans le temps de la
commission du forfait ou tout de suite après. Dans ces cas finalement, il n'a y a pas vraiment
de question à se poser quant à l'identité du commettant du forfait. Alors l'erreur judiciaire
devient minime, il y a donc une réduction des risques d'erreur quant à la reconnaissance du
présumé commettant. Il se peut que, l'individu, bien qu'étant pris dans l'un des cas de
flagrance, ne soit pas en réalité la personne qui à commit le forfait. Dans ces circonstances, il
y a toujours réduction des risques d'erreur dans la mesure ou les traces et indices concordants
pourront toujours concourir à la manifestation de la vérité. Puisqu'en matière de flagrance, le
ministère public instruit à charge et à décharge. C'est dire qu'il mène des enquêtes neutres, il
cherche les preuves disculpatoires ainsi que des preuves inculpatoires.

De plus, la scène du forfait est encore toute nouvelle et les preuves être recueillies dans leur
ensemble, les témoignages, les indices et les traces, sont encore frais. On suppose alors que
les enquêteurs n'auront pas assez de mal pour réunir les preuves suffisantes.

Toujours est-il que ce que nous essayons de dire, c'est en parti que, ce qui est flagrant est
difficilement présumable. En ce que les circonstances de la flagrance rendent l'affirmation du
principe de la présomption d'innocence purement symbolique. Tout est mis en place pour
inculper ou disculper une personne. Nous irons plus loin pour affirmer que les caractéristiques
de la flagrance, données par l'article 77 désignent plus un coupable qu'un présumé innocent.
Alors le principe de la présomption est mis à rudes épreuves dans son application dans la
flagrance.

B- Une urgente nécessité de réunir les preuves


17

En matière d'enquête de flagrance, le législateur a pris le soin de réduire le temps de l'enquête


à huit jours au cours desquels l'enquête menée est qualifiée flagrante ; passé outre elle tombe
sur le coup de l'enquête préliminaire, qui prendra une toute autre tournure. Cette résolution se
justifie par le fait qu'en la matière, il n'y a pas de tâtonnement. Les preuves, traces et indices
sont présents il va falloir les recueillir rapidement pour éviter qu'ils se dégradent, se perdent
ou disparaissent. Il y a aussi les témoignages des personnes, qui ont été témoins de la scène, à
recueillir. C'est tout une panoplie d'actes qu'il faut poser dans le but de recueillir et conserver
les preuves.

Toutefois ces injonctions mettent en mal la présomption d'innocence dans la mesure où c'est
une enquête qui se fera à la hâte dans le but escompté. Dans la recherche incessante des
preuves pour accabler le présumé auteur il y a souvent des abus qui se font continuellement.

Dans le but d'empêcher que l'enquête ne tombe sur le coup d'une enquête préliminaire, il va
falloir mettre tout en œuvre pour trouver les preuves nécessaires pour boucler l'enquête dans
les temps. Il n'y a pas en réalité assez de temps pour mener une enquête sérieuse pour une
personne qui est sensé bénéficier du statut d'innocent.

Aussi, les dispositions du code de procédure pénale renseigne que l'instruction préparatoire
est obligatoire en matière de crime, facultative en matière de délit 34. Or, le principe de la
présomption d'innocence n'a pas de limitation dans son champ d'application quant aux
personnes à qui ce droit est destiné et les infractions que ce droit est sensé couvrir. Pourtant,
certain délit, flagrant, peuvent entrainer directement la traduction de la personne devant les
tribunaux35. Ce qui réduit excessivement le temps qu'il faut pour les investigations.

L'enquête est accélérée, il y a aussi accélération dans le processus du jugement.

Paragraphe 2 : La célérité du jugement

La célérité du jugement s'explique par le jugement personnel porté sur la personne


soupçonnée, son statut avant jugement (A) et la comparution immédiate et la comparution sur
reconnaissance de culpabilité (B).

A- Les différents statuts du mis en cause


34
Art. 96 du CPP
35
Art. 402 du CPP
18

Les différentes appellations utilisées pour décrire une personne qui est poursuivie devant un
tribunal met en évidence les différentes étapes et perspectives du processus judiciaire. Qu'il
soit qualifié d'inculpé, d'accusé ou de suspect, chaque terme a sa propre signification et ses
propres implications. Il est essentiel de comprendre ces distinctions pour déterminer l'étendue
de l'implication de la personne dans l'infraction alléguée et sa position au sein du système
judiciaire.

Lorsque sont engagées, contre le suspect, des poursuites, il devient " personne poursuivie".
Par la même occasion, de son statut de "suspect" il se convertit en "inculpé", " prévenu" ou "
accusé".

Le mot "inculpé vient du latin "inculpare" qui signifie " blâmé, accusé" et dont la racine est
"culpa" qui traduit "la faute". L'inculpation est la mise en cause d'une personne qui est
soupçonné d'avoir commis une action contraire à la loi. Lorsqu'il existe des indices contre une
personne, laissant présumer qu'elle a participé comme auteur ou complice à une infraction, le
juge d'instruction prononce la mise en examen ou l'inculpe. Elle précède le jugement.

Quant au prévenu, c'est une personne poursuivie pour des faits qualifiés de délit. C'est un
individu contre qui est exercée l'action publique devant la juridiction de jugement en matière
correctionnelle.

Nous avons aussi cette expression qui revient le plus souvent, le "présumé auteur".

Enfin, l'accusé est toute personne poursuivie devant les juridictions de jugement en matière
criminelle pour des faits qualifié de crime.

Les personnes dont nous avons fait mention bénéficient assurément de la présomption
d'innocence. Elles doivent être respectées et traitées comme tel. Toutefois dès le début des
investigations, le statut qui leurs sont attribuées est mis en porte à faux avec le principe de
protection dont elles bénéficient. Les instants suivant leur arrestation, elles sont qualifiées de
"personne suspectée", "personne soupçonnée", "présumé auteur" et ceci nous le devons aux
officiers et agents de police judiciaire, aux personnels des médias sociaux et même aux
magistrats devant qui ces personnes sont présentées. Ce sont des qualificatifs qui ne font pas
référence à la présomption d'innocence mais ils sont plutôt porteurs d'accusation. De plus,
lorsque nous nous referons à l'engagement des poursuites, tel que nous avons pu l'étayer dans
19

nos argumentations précédentes, nous avons la notion de " prévenu", " accusé" et "inculpé".
Il en va de même pour elles. Au regard de leur significations et implications, elles ne
soupçonnent pas l'innocence mais elles soupçonnent la culpabilité de l'individu. Et ceci met en
mal le principe de la présomption d'innocence dont elles sont sensés bénéficier.

Cette aptitude à juger se solde par la comparution rapide devant le juge.

B- La comparution Immédiate et la comparution sur reconnaissance préalable de


culpabilité (CRPC)

La comparution immédiate est le mode de saisine du tribunal lorsque le procureur requiert un


jugement immédiat. Elle n'est admise qu'à deux conditions : lorsqu'il s'agit d'une part, d'
infractions jugées flagrantes, dont la peine encourue est supérieur à six (06) mois
d'emprisonnement, et d'autre part, lorsque le procureur de la république estime que les charges
réunies sont suffisantes et que l'affaire est en état d'être présentée devant le tribunal. Une
réforme de 2002 a étendu cette pratique à tous les délits36, mais c'est le flagrant délit qui sera
l'objet de notre réflexion.

Selon les dispositions de l'article 402 du code de procédure : « L'individu, arrêté en flagrant
délit et déféré devant le procureur de la république, conformément à l'article 86 de la présente
loi, est, s'il est placé sous mandat de dépôt, traduit sur la champ à l'audience du tribunal ». Il
est possible qu'il ne soit point ténu d'audience ce jour. Dans ces conditions, le prévenu est
déféré à l'audience du lendemain, le tribunal étant au besoin, spécialement réuni. Si cette
réunion est impossible, le procureur doit requérir l'ouverture d'une information37.

Toutefois, à l'audience, il est possible que le jugement n'ai pas lieu soit parce que le prévenu
refuse d'être jugé sans avoir préparé sa défense, soit parce que le juge estime que l'affaire n'est
pas en état d'être jugée. Alors le tribunal renvoie l'affaire à une date ultérieure qui peut être
comprise entre deux (02) et six (06) semaines. Ainsi, le tribunal décide, par la même occasion,
de placer ou non le détenu en détention préventive.

La comparution immédiate pose deux problèmes majeurs qui portent atteinte au droit à la
défense et par ricochet, à l'existence du principe de la présomption d'innocence dans l'enquête

36
Cass. Crim, 7 janvier 2004, D.2004 p.471
37
Art. 403 CPP
20

de flagrance. Le premier se trouve au niveau de la présentation rapide du prévenu devant le


tribunal, qui empiète sur le temps qui permettra de faire une enquête soignée afin de faire
comparaitre le prévenu et dans le même temps, l'empêche de préparer sa défense. Ensuite, il y
a le pouvoir que le tribunal a de décider de placer ou non l'individu en détention provisoire
lorsque le jugement est impossible. Cette faculté de décider ne devrait pas être accordée au
juge dans la mesure où, dans la présomption d'innocence, le doute profite à l'accusé38.

Nous abordons la question de la CRPC. Un individu pris en flagrance et qui reconnait sa


culpabilité peut-il bénéficier de la présomption d'innocence ?

Le plaider-coupable ou la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est une


procédure au cours de laquelle les débats ne tendent pas se pencher la culpabilité ou
l'innocence du prévenu puisque l'individu lui-même atteste de sa culpabilité. Les échanges
sont plutôt axés sur la peine que l'individu devra encourir pour les faits dont il s'est reconnue
sans même passé en amont par devant le tribunal correctionnel. La décision rendue est une
ordonnance d'homologation motivée qui atteste juste de la tenue des débats et des issus. Ce
n'est pas au juge de décider la culpabilité ou l'innocence du prévenu.

Cette procédure est régie par les articles 521 à 530 du code de procédure pénale39. Le
procureur de la république peut, soit d'office, soit sur demande du prévenu, recourir à la
CRPC à deux conditions. Il faudrait que l'infraction soit passible d'une peine
d'emprisonnement qui n'excède pas cinq (05) ans et que le prévenu ait reconnu l'avoir
commis. Le procureur peut proposer au prévenu l'exécution de l'une des peines principales ou
complémentaires encourues. La peine proposée ne peut être supérieure à un an ni excéder la
moitié de la peine d'emprisonnement encourue. Il peut proposer au prévenu qu'elle soit, soit
ferme, soit assortie en tout ou partie de sursis. Il doit préciser au prévenu qu'il entend que la
prison ferme sera immédiatement mise e, exécution.

La déclaration de reconnaissance du prévenu, les propositions du procureur de la république,


les suites données aux propositions sont recueillies en présence de son conseil. Le procureur
prévient le prévenu que les frais seront à sa charge s'il ne remplit pas les conditions d'accès à
l'assistance judiciaire. Il est aussi avisé qu'il peut s'entretenir seul avec son avocat et qu'il peut
bénéficier d'un délai de cinq (05) pour donner sa décision.

38
La règle "in doubio pro reo''. Si l'affaire n'est pas en état d'être jugé et qu'il y a un doute sur la culpabilité du
prévenu, il doit être immédiatement remis en liberté
39
Loi n°2018-975 du 27 Décembre 2018 modifiée par la loi n°2022-192 du 11 Mars 2022 portant code de
procédure pénale.
21

L'individu peut soit accepter les propositions faites par le procureur de la république, soit
demander un temps de réflexion ou encore refuser les propositions. Lorsque l'individu
accepte, le procureur de la république saisit le président du tribunal par une requête en
homologation. Celui-ci entend le prévenu, vérifie les faits, leur qualifications juridiques et
statut le même jour. Cette ordonnance d'homologation vaut jugement et la décision est
exécutoire. S'il demande un temps pour faire connaitre sa décision, le procureur peut requérir
sa mise sous contrôle judiciaire ou sa mise en détention provisoire. Enfin s'il refuse les
propositions, pour les cas de flagrant délit, par lesquels l'individu avait été déféré devant lui
en application de l'article 86, le procureur peut faire application de l'article 402 ou saisir le
juge d'instruction le même jour.

CONCLUSION DU CHAPITRE I

Au terme de cette première partie, nous pouvons constater que les raisons de l'affaiblissement
du principe de la présomption d'innocence sont percevables dans la conception même de ces
deux notions.

D'un côté, nous avons une notion plutôt caractérielle, affirmé, pragmatique qui impose de se
baser sur ce qui est visible palpable pour fonctionner. Et de l'autre, celle qui impose de faire
fit, de ce que les yeux peuvent voir, de ce que l'esprit peut penser et ce que les sens peuvent
nous dicter et de croire en ce que nous impose de croire le législateur. Pour la sauvegarde des
droits de l'homme. Ceci est salutaire, cependant, ce que l'esprit a du mal à concevoir,
l'application est difficilement envisageable. A comparer ces deux notions, à vue d'œil, elles
pourraient avoir beaucoup de mal s'incorporée parfaitement l'une dans l'autre. Quid de
l'application effective de la présomption d'innocence dans l'enquête de flagrance ?

CHAPITRE II : LES MANIFESTATIONS DE


L'AFFAIBLISSEMENT
22

Le principe de la présomption d'innocence tend à la protection des droits de l'individu


suspecté d'avoir commis une infraction. L'enquête de flagrance, quant à elle vise des actions
rapides dans le but de préserver les preuves de la commission de l'infraction. La personne X
contre qui est diligenté cette enquête bénéficie d'un traitement spécial car elle est l'objet d'une
enquête spéciale à cause des circonstances qui ont fait naitre : elle a été prise en flagrance.
Nonobstant cette situation très périlleuse dans laquelle elle se trouve, le législateur lui accorde
une protection. Difficilement admissible, à cause des circonstances de flagrance, nous allons,
au regard de la loi, examiner l'application des mesures de protection dans phase d'avant procès
(Section 1) et celles qui sont prise lors du procès (Section 2).

SECTION I : LES MANIFESTATIONS DANS LA PHASE


PREPARATOIRE DU PROCES

Quand l'officier de police judiciaire prend connaissance ou constate qu'une infraction


flagrante est commise ou est en train de se commettre, s'ouvre l'enquête de flagrance. A cet
instant, plusieurs actes vont être posés jusqu’à la prononciation de la culpabilité ou
l'innocence de la personne présumé avoir commis l'infraction. Cette première partie consistera
à l'analyse des actes accomplis avant procès, donc les actes d'enquêtes. Nous verrons d'une
part l'arrestation (Paragraphe 1) et d'autre part la détention dont peut faire preuves certaines
personnes prise en flagrance (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'arrestation

La loi admet que l'arrestation soit faite par soit un officier de police judiciaire (A) ou par un
particulier (B).
23

A- Par les Officiers de Police Judiciaire (OPJ)

Les pouvoirs dont disposent les OPJ dans l'enquête de flagrance sont plus nombreux et
variés que ceux dont ils disposent en matière d'enquête préliminaire. Ce qi justifie cela c'est
qu'en cas d'infraction flagrance, l'OPJ a besoin d'agir avec plus de célérité pour conserver les
indices et les preuves quitte à piétiner par moment le principe de la présomption d'innocence.

Selon les dispositions de l'article 29 alinéas 2, en cas d'infraction flagrante, lorsque l'OPJ est
avisé, il fait application des injonctions inscrite aux articles 77 à 86 du code de procédure
pénale :

" Il informe le procureur de la république, se transporte sans délais sur les lieux de l'infraction
et procéde à toutes les constatations utiles (article 78 al 1). Il veille à la conservation des
indices susceptibles de disparaitre et de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité.
Il saisit les instruments et armes qui ont servi à commettre le crime ou qui était destiné à le
commettre, ainsi que tout ce qui parait avoir été le produit de ce crime. Il représente les objets
saisis pour reconnaissance, aux personnes qui ont été témoins du crime, ou qui paraissent
avoir participé au crime, si elles sont présentes (articles 78 alinéas 2 et 3). Si la preuve du
crime flagrant peut être obtenue par la saisie des papiers, documents ou autres objets en la
possession des personnes qui paraissent avoir participé au crime, ou détenir des pièces ou
objets relatifs aux faits incriminés, l'officier de police judiciaire se transporte sans désemparer
au domicile de ces derniers pour une perquisition dont il en fait procès-verbal. Il informe au
préalable le procureur (article 80 alinéas 1 et 2). Il peut défendre à toute personne de
s'éloigner du lieu de l'infraction jusqu'à clôture des investigations. Il peut procéder à la
vérification de l'identité de toute personne dont il juge nécessaire (article 80). Si les nécessités
de l'enquête l'exigent, il peut se transporter dans les ressorts des tribunaux limitrophes de celui
où il exerce ses fonctions à l'effet d'y poursuivre ses investigations. Ceci sur autorisation du
procureur de la république de son ressort qui en informe le procureur de la république du
ressort dans lequel ce transport a lieu (article 85 alinéas 1 et 2). Le procureur de la république
peut décerner un mandat de dépôt à l'individu pris en flagrance, et déféré devant lui, après
l'avoir interrogé sur son identité et sur les faits qui lui sont reprochés (article 86 alinéas 1)."

Revenons sur les cas de perquisitions, en matière de flagrance, nous avons pu le voir à l'article
à l'article 80, les perquisitions peuvent effectivement se faire sans l'accord de l'intéressé. Or,
en cas d'enquête préliminaire, les perquisitions forcées sont exceptionnelles, le principe est
24

qu'on ne peut faire de perquisitions sans l'accord de l'occupant. Il se pose une grande urgence
d'intervention pour la préservation des indices et preuves. Il y a un rapport temporel très
étroit entre l'infraction et l'enquête donc il est plutôt difficile de se tromper. Même si la
jurisprudence est plutôt large quant à cet indice temporel40, l'article 77 alinéas 2 ne précise pas
vraiment la durée mais l'estime à un temps "voisin" de l'action.

Pour la jurisprudence, le moyen pour rendre possible la perquisition forcée ou la fouille à


corps, en cas de flagrance, il faudrait la présence d'un indice apparent qui atteste de la
commission d'un fait incriminé et qualifié de crime ou délit flagrant. Sont exclues les
dénonciations anonymes car elles sont insusceptibles d'être vérifiée et ne sont pas
apparentes41. Toutefois, une détention non anonyme pourrait donner lieu à une perquisition
forcée42.

B- Par les particuliers

L'article 88 du code de procédure pénale ivoirien dispose :

« Dans les cas de crime ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute
personne a qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police
judiciaire le plus proche ». En d'autres termes, tout justiciable est susceptible d'être arrêtés par
toute personne le pouvant en cas de crime et délit flagrant punis d'une peine
d'emprisonnement.

40
Cass. Crim, 26 février 1991. I.R p. 115 la police avait entamé une enquête de flagrance à la suite d'une plainte
pour viol déposée vingt-huit heures (28h) après les faits. La chambre criminelle a approuvé en estimant que la
plainte est suffisamment voisine des faits pour ne pas faire disparaitre leur caractère d'actualité.
41
Cass. Cri., 2 février 1988 : un coup de téléphone indique aux policiers qu'une personne se drogue. Celle-ci est
trouvée mais la perquisition est annulée parce qu'il y a un manque d'indice apparent.
Cass. Crim., 11 juillet 2007, pourvoi n° 007-83.427 : un appel téléphonique anonyme informait les policiers de la
présence de stupéfiants dans une automobile en stationnement. Les policiers estiment qu'ils ne peuvent procéder
à une exécution forcée. Ils recherchent alors d'autres indices pour soutenir cette dénonciation anonyme. Ils
constatent des suites de leurs investigations que l'individu, propriétaire du véhicule, était connu des services de
police pour détention de stupéfiants. Ils appellent alors le procureur et sur son autorisation, ils déplacent et
fouillent le véhicule. La chambre criminelle annule la perquisition, car selon elle, il n'y avait pas d'indices
apparents et objets signalant qu'une infraction était en train de se commettre.
42
Cass. Crim., 5 janvier 2005, RDP 2005 com. n° 48 : il y a eu un accident de la circulation et les policiers
viennent porter secours. Une personne blessée a perdue connaissance, et pour l'aider, un policier fouille un sac
éjecté de la voiture lors de la collision. Ils découvrent alors des armes et des munitions. Les tribunaux ont admis
que les policiers pouvaient continuer la fouille du véhicule et procéder à des perquisitions forcées en enquête de
flagrant délit.
Cass. Crim., 12 Mai 1992 : les policiers aperçoivent des sacs volumineux à travers une porte ouverte et les
tribunaux ont considérés que c'est là un indice apparent de la commission d'une infraction.
25

D'une part, cette disposition est sécuritaire dans la mesure où elle permet d'appréhender la
personne surprise en train de commettre un acte répréhensif et de faire cesser le crime ou le
délit qui est en train de ce commettre. Ou encore d'empêcher une personne qui a commis une
infraction grave de prendre la fuite avant l'intervention de la police judiciaire et éviter, par la
même occasion, le poids de la justice.

D'autre part, cette disposition est un réel danger pour la personne du mis en cause. De par
l'autorisation donnée à toute personne pour l'appréhender, ceci pourrait être une occasion pour
certains individus de se rendre justice soi-même. La disposition est claire, l'appréhender et le
conduire aux postes de police judiciaire le plus proche. Toutefois, dans bien des
circonstances l'application n'est pas de mise, car l'individu est et bien arrêté mais est "passé à
tabas" par la suite. Nous avons pu le constater dans une vidéo qui circulait sur les réseaux
sociaux très récemment dans l'affaire "un voleur pris en pleine nuit". Pour rappel, les faits se
sont déroulés à Cocody, une commune de la ville d'Abidjan en Côte d'Ivoire. On pouvait voir
dans la vidéo, un jeune homme qui, en pleine nuit, tentant d'escaladé la clôture d'une villa,
s'est retrouvé coincé entre le mur de l'entrée et la porte de la villa. C'est là qu'il a été surpris
par les résidents. Ceux-ci, très remonté contre ce dernier, lui faisait injonction de descendre
avec des instruments de bastonnade en main. Avec lesquels ils n'hésitaient pas à lui infliger
des coups par moment car l'individu avait du mal à se dégager des antivols placés sur le
portail, afin de descendre. Cet exemple est un parmi tant d'autres et d'ailleurs qui n'ont pas 't'
filmés et postés.

Il faudrait impérativement y ajouter un dispositif de sécurité. Tout de même, il ne faudrait pas


s'attendre à un meilleur traitement lorsqu'ils échappent aux mauvais traitements des
particuliers. Ils se trouvent qu'ils sont privés de leur liberté avant d'être jugés coupables.

Paragraphe 2 : Le principe de la présomption d'innocence à l'épreuve de la


détention préventive

Tant qu'une personne contre qui est dirigée une enquête de flagrance n'a pas encore été
déclarée coupable des faits à elle reprochée, elle peut faire l'objet de détention préventive.
Dans la majorité des systèmes judiciaires, les locaux de détention sont les endroits dans
lesquels les abus sont les plus fréquents. Nous assistons à des détentions anormales et
26

arbitraires dépassant toutes limites raisonnables, de surcroit des conditions misérables de


détention. Alors que la loi elle-même prend le soin d'encadrer cette atteinte à la liberté, les
abus ne cesse d'en découler.

La privation de liberté en Côte d'ivoire concerne aussi bien les personnes déclarées coupables
que celles sur qui pèsent encore des doutes quant à leur culpabilité ou leur innocence. Pour
cette dernière catégorie de personne, qui bénéficient encore de protection, leur traitement en
détention ne les différentie guerre de personne qui ont été au préalable déclarées coupables à
l'issu de procès. Pire encore, les personnes prise en flagrant crime ou délit ne sont pas mise
simplement en garde à vue pour les besoins de l'enquête tel que l'enquête préliminaire.
Spécialement en matière de flagrance, elles ne sont pas gardés à vue, mais directement mise
aux arrêts et conduit dans une maison d'arrêt. Lieu réservé aux condamnés à une peine
d'emprisonnement, dans lesquels ils sont très souvent oubliés ou abandonnés. Ils devront
attendre gentiment d'être présentés au juge. Il y a donc un traitement différentiel qui nous
pousse encore à douter de la présomption dont doit bénéficier ces individus.

Le principe de la présomption d'innocence tant à protéger essentiellement les libertés


individuelles. En principe, tout individu doit pouvoir jouir de sa liberté. Toutefois, pour des
besoins d'enquête, il s'avère nécessaire de restreindre cette liberté pour une période déterminé.
Et la loi en prévoit plusieurs que sont la garde à vue, le contrôle judiciaire et la détention
préventive. Pour les besoins de notre travail nous exposerons des cas de détentions
préventives (A) et nous finirons par nous étaler sur les problématiques qu'ils soulèvent (B).

A- Des cas de détentions préventives

Un projet de l'Observatoire Ivoirien des Droits de l'Homme (OIDH) sur les conditions de vie
des personnes mise en détention préventive, nous expose clairement des faits dans lesquels les
droits humains sont violés en Côte d'Ivoire. Parmi lesquels nous pouvons voir le cas
Diomandé Massandje Née en 1966 et mère de quatre enfants. Diomandé Massandjé était la
princesse de Sakassou de par sa mère, Djè Akissi Christine née Diomandé, Reine de
Sakassou. Elle a été mise sous mandat de dépôt le 16 mai 2012, pour coup mortel. Après
quatre ans de détention provisoire, elle a été traduite devant la cour d’Assises les 13 et 14
juillet 2016. Des débats, il en ressort un arrêt de renvoi aux assises du 16 juillet 2017. Ce jour,
la princesse n’est pas extraite pour assister à son procès. Un autre arrêt de renvoi de son
27

procès a été alors décidé. Plusieurs demandes de libertés provisoires ont été alors formulées
par l’avocat de la princesse. Mais elles sont restées lettre morte. Détenue préventivement
pendant près de six ans, en compagnie de son fils, l’état de santé de la princesse s'est
détérioré. Son fiancé l’a abandonné et elle a appris, depuis la prison, le décès de sa mère. Son
incarcération a entraîné la perte de tous les attributs liés à sa qualité de princesse.

Aussi, nous avons le cas Edi Picard. Picard Edi Dimitri est en détention préventive depuis huit
ans discontinus. À 37 ans, il est policier et père de deux enfants dont l’un serait décédé,
pendant sa détention. Il a été placé sous mandat de dépôt le 25 mars 2009 et transféré à la
Maison d'Arrêt et de Correction d'Abidjan (MACA) pour des faits de détention illégale
d’arme à feu. En 2011, il sort de la prison en raison de la crise postélectorale, pour y retourner
de son propre chef en 2012. Les enquêtes ayant démontré son innocence, Edi était dans
l’attente d’un procès lorsqu’est survenu un changement de juge d’instruction. Il en a résulté
une perte des auditions de l’enquête. Depuis, il est en détention préventive.

Enfin, Le cas Grah Lasm. Grah Lasm Didier, en détention préventive,il en était à 12 ans
discontinus au moment de l'étalage de ce projet. Il était couturier, célibataire et père d’un
enfant. Il a été placé sous mandat de dépôt le 6 juin 2006 et conduit à la MACA pour des faits
de meurtre. Après cinq ans de détention préventive, M. Grah sort de la prison à la faveur de la
crise postélectorale de 2011. Il y retourne en 2012 sur dénonciation. Son dossier ne passe
devant la Chambre d’accusation qu’en 2017. Depuis, il n'avait rencontré le juge d’instruction
seulement que deux fois, la dernière rencontre remontait à environ un an. Seul soutien
financier de sa famille, en raison de l’absence d’une figure paternelle, son absence est
préjudiciable à sa famille. En témoignait le décès en juin 2018 de sa sœur cadette, à la suite
d’une courte maladie.

Le problème de détention préventive abusive semble être un labyrinthe sans issu en Côte
d'Ivoire. Les abus se multiplient et cela au détriment des droits à la vie, la dignité et l'honneur
des détenus préventifs. En 2018, la législation ivoirienne s'est essayée à éradiquer ce
problème inquiétant en adoptant un nouveau code de procédure pénale. Les dispositions de ce
code proposent comme alternative à la détention préventive, le contrôle judicaire 43 et dans les
cas de nécessité de détention préventive, un durée maximale de six (06) mois en matière
correctionnelle et huit (08) mois en matière criminelle avec l'obligation pour le magistrat de

43
Loi 2018 portant code de procédure pénale
28

motiver sa décision de priver un individu de sa liberté44. Le processus a été enclenché mais


timidement, et la mesure n'est pas étendue sur tout le territoire national car les autorités des
régions frontalières estiment que les risques de fuite sont trop important. Selon les propos de
Paul Angaman qui est le président de l'Observatoire des Lieux de détention en Côte d'Ivoire
(OBSLID). Pour preuve, une étude conjointe menée par l'Association Ivoirienne Action des
Chretiens pour l'abolition de la torture ( ACAT-CI), la Fédération Internationale des ACAT
(FIACAT) et le Centre d'étude et de recherche sur la diplomatie, l'administration publique et
le politique (CERDAP), révèle qu'un tiers des prisonniers en Côte d'Ivoire, le sont au titre de
la détention préventive alors même que les standard ne recommandent qu'un taux de 25%. Ils
y sont en moyenne depuis plus de deux (02) années.

La KOACI fait un reportage le 06 janvier 2022, de la maison d'arrêt et de correction de Man,


à l'ouest de la Côte d'Ivoire, dans la région du Tonpki. A l'occasion d'un match de football
organisé par l'administration du pénitentiaire marquant la fin de l'année, le régisseur de la
prison, M. Ibrahim Koné, laisse une aubaine aux détenus afin de s'exprimer sur leur
incarcération. Le porte-parole des détenus de ladite prison, le dénommé Fidel Glouzei, a
exposé leur pénible situation, s'adressant au procureur près le TPI de Man. La question des
prisonniers en détention préventive lui a étant soumise, lui-même étant détenus depuis quinze
(15) années, il s'empresse d'y répondre en ces termes :

'' Nous sommes là depuis des années sans savoir jusqu’à quand nous seront là et quand
sortirons-nous. Les cellules sont surpeuplées et la tombé de la nuit est pour nous une torture.
Aidez-nous à purger nos peines dans des conditions qui nous permettront de participer un jour
au développement de notre pays. On ne sait pas ce qui coince, on veut être situé sur notre sort.
Même si nous sommes condamnés, ce n'est pas un souci. Mais vivre dans ces conditions ne
sachant pas si nous sommes coupable ou pas, est plus douloureux que notre séjour". C'est une
vraie problématique sur laquelle il nous faudra nous attarder dans notre travail.

B- De la problématique des détentions préventives

44
Art. 166 Al.1 et 167 Al.1 Loi n° 2022-192 du 11 Mars 2022 portant code de procédure pénale
29

A voir les conditions des détenus préventifs en Côte d'ivoire l'on serait tenté de croire que la
détention est le principe et la liberté l'exception45. Le nouveau code de procédure pénale avait
pour objectif de désengorger les maisons d'arrêt en limitant au maximum les détentions
préventives et éradiquer les détentions préventives abusives. Mais l'OIDH compte encore
quarante pourcent (40%) des détenus comme étant des détenus préventifs.

D'un côté, le principe de la présomption d'innocence impose scrupuleusement que soit


respecté les droits de la personne suspectée en tant qu'innocent ; statut qu'il incarne avant son
procès. Sont inclus alors le respect de son droit, sinon, du principe de la liberté individuelle.
Au nom de ces principes, il serait judicieux de na pas priver l'individu de sa liberté encore
moins le placé dans une maison d'arrêt. L'un interdit qu'on présente une personne en tant que
coupable avant son jugement et l'autre interdit qu'on prive une personne de sa liberté d'aller et
de venir. Or, la détention préventive piétine assurément ces deux principes fondamentaux.
L'individu n'a pas été déclaré coupable et il est privé de sa liberté. Ensuite, placé au milieu de
gens qui eux ont été déclaré coupables et sont incarcérés dans les mêmes conditions qu'eux,
donc traités comme des coupables. Cette attitude met rudement à l'épreuve le principe de la
présomption que proclame tous les textes internationaux et internes et qui est sensé protégés
les justiciables.

D'autre part, la détention préventive a des objectifs biens définis par l'article 162 du code de
procédure pénale par lesquels elle semble se justifier : la conservation des preuves ou indices
matériels ; éviter que pression soit faites sur les témoins ou victimes ainsi que leur famille ;
éviter les concertations frauduleuses entre la personne inculpé et les complices ; protéger la
personne inculpée ; garantir le maintien de la personne inculpée à la disposition de la justice ;
mettre fin à l'infraction ou son renouvellement ; faire cesser le trouble exceptionnelle et
persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa
commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé. Au regard de ces objectifs que vise
la détention préventive, elle a pu se faire admettre. La source des débats incessants sur la
question relevait de la durée et du renouvellement. Sous l'ancien code de procédure pénale, la
durée de la détention préventive était de six (06) mois en matière correctionnelle et de dix-huit
(18) mois en matière criminelle. De plus, le juge d'instruction avait le pouvoir de renouveler
les délais quand il le jugeait nécessaire. Cette disposition qui donnait le plein pouvoir au juge
d'instruction a été la cause de plusieurs abus et a fait couler beaucoup d'encre46. C'est ce que le

45
Alexandre ayié précis de procédure pénale p.220
46
AYIE Alexandre, précis de la Procédure Pénale, ABC, p. 222
30

code de procédure de 2018 a tenté de réparer en inscrivant que la détention préventive


devienne maintenant une mesure exceptionnelle47.

Désormais, selon les termes du code de procédure, la mesure principale est le contrôle
judiciaire48 et la détention préventive ne vient qu'en second plan, c'est une mesure prise dans
des conditions bien précises. C'est une récente disposition qui n'a pas encore réussir à
s'incorporer effectivement dans le système judiciaire ivoirien. Ce qui explique que la
détention reste toujours à l'ordre du jour dans le système judiciaire.

Apres avoir été détenu sous une longue période, vient le moment d’être présenté au juge.

SECTION II : LES MANIFESTATIONS DANS LA PHASE DE PROCES

Comme nous avons pu le souligner dans notre travail de recherche, l'enquête de flagrance est
une enquête qui met à mal le principe de la présomption d'innocence. Pour des besoins de
conservation des indices et preuves, cette enquête est accélérée pour enfin aboutir au
jugement du mis en cause quitte à porter atteinte à ses droits fondamentaux.

Ces atteintes sont reconnues et font office de loi. Il se trouve qu'un individu pris en flagrant
délit peut être immédiatement présenté au juge sans auparavant avoir confié sa cause à un
assistant. Il y a aussi des cas ou, pour des cas de flagrant crime, le mis en cause est déféré
longtemps après la commission de l'infraction et plus tard, au moment d'être présenté au juge,
on lui commet un avocat d'office. Enfin, d'autres circonstances dans lesquels, le mis en cause
est présenté au public.

Nous constatons donc un assouplissement du droit à la défense (paragraphe 1) et une atteinte


émanant du ministère public et de la presse (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : l'assouplissement du droit à la défense

47
ABLI Jean, Droit pénal et initiation à la procédure pénale, ABC, p. 436
48
31

L'assouplissement du droit à la défense se manifeste par le défaut d'assistante judiciaire avant


et pendant le procès (A) aussi, la difficulté que soulève, la charge de la preuve et la
présomption de culpabilité (B).

A- Le défaut d'assistance judiciaire

Un rapport de l'ACAT ET LA FIACAT49 établit en 2016 et celui d'une équipe d'expert


nommé THINKING AFRICA50 mené en 2020 révèle les mêmes résultats quant à la situation
de l'assistance judiciaire en Côte d'Ivoire.

Il ressort de ces rapports que très peu de justiciables, dans les procédures pénales ivoiriennes
bénéficient de l'assistance judiciaire dès les premières heures de la procédure. Les raisons
énoncées sont de deux ordres. D'abord, il y a la question de l'analphabétisme. En clair, une
bonne frange de la population ivoirienne à une connaissance très limitée de leurs droits et des
différentes prérogatives dont ils pourraient jouir dans les phases de procédures. Du à leur
problème d'éducation. La population ne connait absolument pas les règles de procédure et ne
reconnait pas la justice en tant que garant du respect de ses droits mais en tant qu'appareil
répressif. De ce fait, elle se plie à toutes les formes de traitements qui leurs sont imposés.

Ensuite, il y a le volet économique. Les rapports n'ont pas manqués de préciser que bon
nombre de personne manque de moyen pour avoir un accès à l'aide judiciaire, se payer les
services d'un avocat. Ils ont cependant la possibilité de se faire commettre d'office un avocat.
Le décret du 29 janvier 1975 portant tarification des émoluments, frais et débours des avocats
et commissaire de justice dispose qu'ils doivent percevoir de la part de l'Etat le
remboursement des frais et des dépenses effectués. Toutefois, le paiement de cette
rémunération peut être excessivement retardé. Ce qui compromet naturellement l'accès
effectif à une assistance judiciaire.

Pour terminer nos propos, nous nous referons au code de procédure pénale. Qui soutient que
l'assistance judiciaire n'est pas obligatoire en matière correctionnelle. Aussi, la procédure de
flagrant délit qui consiste en la comparution immédiate du mis en cause devant le tribunal.
Ces dispositions compromettent inéluctablement la défense du mis en cause.
49
Rapport alternatif de la FIACAT et de l'ACAT Cote d'Ivoire en réponse au rapport périodique de la république
de Côte d'Ivoire sur la mise en œuvre de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, septembre
2016.
50
Note de recherche sur les défis de l'accès à la justice en Côte d'Ivoire.
32

La mise en œuvre de cette présomption exige le respect du droit à un procès équitable dès
les premières heures suivant l'arrestation ou la détention. Il est donc impératif que le ou les
personnes suspectées aient accès à l'aide judiciaire dès le début de l'enquête pour garantir
leurs droits et leur défense. Comme l'a déclaré la Cour européenne des droits de l'homme
(CEDH) dans son arrêt Salduz c. Turquie51 : "L'accès effectif à un avocat est essentiel pour
garantir la protection des droits individuels". En effet, sans une assistance juridique directe,
la liberté personnelle et d'autres libertés fondamentales du mis en cause pourraient être
gravement compromises lors de l'enquête de flagrance par les autorités publiques.

De plus, des mis en cause abandonné à leur sort peuvent être victime de nombreux abus tel
qu'à l'admissibilité d'aveux obtenus sous la contrainte devant un tribunal. Il convient alors
de rendre cette assistance obligatoire à tous les stades de l'enquête, elle doit être fournie dès
le début de l'enquête. C'est pourquoi la Cour européenne de justice a déclaré dans son arrêt
Dayanan c. Turquie52 : « Le droit à l'aide juridictionnelle n'est valable qu'à partir des
premiers stades de la garde à vue ou de la détention ». Enfin, Comme le souligne avec
justesse Jean Pradel : "L'avocat n'a pas seulement un rôle technique mais aussi moral qui
consiste à aider son client contre l'injustice".

B- La charge de la preuve / le renversement de la charge de la preuve ou la présomption


de culpabilité

Premièrement, qu'est-ce qu'une preuve à charge : Il s'agit de toute preuve qui tend à
condamner l'accusé. Il peut s'agir de témoignages, de documents, d'enregistrements audio ou
vidéo ou de tout autre élément à l'appui d'une allégation. La preuve disculpatoire, quant à
elle, est toute preuve qui tend à disculper l'accusé. Cela peut inclure des témoignages, des
documents, des enregistrements audio ou vidéo, ou toute autre chose à l'appui de la défense.
Il est important de noter que la charge de la preuve incombe à l'accusation. Cela signifie
qu'il incombe à l'accusation de prouver la culpabilité de l'accusé hors de tout doute
raisonnable. Article 98 du CPP (… il instruit à charge et à décharge.), mais une personne
poursuivie ou accusée, se donnerait-elle le luxe de s'interdire de chercher à démontrer son

51
CEDH, Requête n°36391/02, du 27 novembre 2008
52
CEDH, Requête n°7377/03, 13 Octobre 2009
33

innocence au motif généreux que la charge de la preuve incombe au ministère public ? Non,
bien évidemment. Le principe de la présomption est bien généreux, mais l'enjeu est tel qu'il
est purement symbolique.

Eric Dupond pouvait dire dans le direct du droit : qu'on le veuille ou non, le généreux
principe de la présomption d'innocence, instauré dans les années 2000, ne change rien à la
donne : celui ou celle que je défends est renvoyées dans un box sur le fondement d'une
"ordonnance de mise en accusation" qui collecte les éléments retenus à charge pendant
l'instruction. Dans le meilleur des cas, le document liste rarement les preuves à décharge 53.

Il arrive que le procureur de la république abandonne la partie en cas de manque preuve


suffisante pour accabler la personne suspectée, toutefois ce sont des cas très rares dans le
milieu. En matière de délit flagrant aussi et surtout en cas de flagrant crime, le juge
d'instruction, qui est censé équilibrer l'enquête, douter à chaque instant, peser le pour ou le
contre, à la plupart du temps, l'honneur de réaliser les investigations soit sous sa direction,
lui présent sur les lieux, mais avec l'aide des enquêteurs, ou soit par commission rogatoire 54.
En clair, la chaine tourne jusqu’à revenir entre les mains des même enquêteur par le
concours desquels le procureur a écrit le réquisitoire introductif. Ils viennent à être
impliquer dans la procédure qui donnera lieu au réquisitoire définitif. Dans ces
circonstances, on ne peut pas tellement s'attendre à des preuves disculpatoires, surtout que
nous sommes en matière de flagrance. Laisser la latitude à la partie poursuivante d'instruire
à charge et à décharge une personne qu'elle a elle-même inculpée, laisse à désirer. On ne
peut que se fier à la bonne foi des autorités poursuivante.

Le renversement de la charge de la preuve ou la présomption de culpabilité. Les adages


"Actori incombi probatio", " reus in excipiendo fit actor"55

" La machine à juger telle qu'elle a été conçue au fil des siècles, oblige la défense, si elle veut
se faire entendre, à imposer un rapport de force ; le tien"56.

53
DUPONT Eric, DIRECTS DU DROIT, éd. Michel Lafon, 2017, p.82
54
DUPONT Eric, commission rogatoire, jurisclasseur procédure pénale. /art 98 al 3 CPP.
Commission rogatoire est un acte par lequel le juge d'instruction charge certaines personnes de procéder, à sa
place, à certains actes d'information. L'exécution obéit au principe selon lequel, le délégataire a les mêmes
pouvoirs et les mêmes obligations que le délégant. Les interrogatoires, les confrontations des personnes mises en
examen, les auditions de témoins ainsi que les gardes à vue.
55
Adage Latin

56
DUPONT Eric, DIRECTS DU DROIT, éd. Michel Lafon, 2017, p. 81
34

Toutefois, ce droit à la passivité se trouve limité dans certains cas. Dans un souci d’efficacité
judiciaire, le législateur privilégie dans plusieurs situations des présomptions de culpabilité
portant ainsi atteinte au principe fondamental de la présomption d’innocence. L’utilité des
présomptions de culpabilité réside dans le fait qu’un renversement de la charge de la preuve
s’opère. C’est à l’accusé ou au prévenu de démontrer la preuve qu’il n’a pas commis la faute
qui lui est reprochée. Ainsi, les présomptions de culpabilité ont pour but de soulager
l’accusation du fardeau de la preuve.

Il existe deux types de présomptions de culpabilité : d’une part, les présomptions légales ou
de droit et d’autre part, les présomptions de fait ou de l’homme.

Les présomptions légales de culpabilité ou de droit sont des présomptions qui tirent leur
essence de la loi57. Les présomptions de droit tendent à supposer comme constitué l’élément
moral de l’infraction sans que la preuve contraire n’ait été rapportée.

La terminologie « présomptions de culpabilité » n’est pas expressément prévue par loi. L’on
la déduit du langage et des termes utilisés par le législateur. Ainsi, lorsque le législateur pose
une présomption, il use des termes tels que : « est réputé », « est présumé » ou encore « est
considéré ».

Il en est ainsi de l’incrimination du proxénétisme. Aux termes de l’article 358-2° du code


pénal : « est considéré comme proxénète (…) celui qui sous forme quelconque, partage les
produits de la prostitution d’autrui et reçoit des subsides d’une personne se livrant
habituellement à la prostitution (…) ».

Cette disposition institue une présomption de culpabilité pour toute personne qui, entretenant
des rapports de proximité avec une personne se livrant à la prostitution, serait dans
l’impossibilité de justifier les ressources correspondant à son train de vie. Cette disposition
entraine un renversement de la charge de la preuve au profit de l’accusation. Ainsi,
contrairement au principe de la présomption d’innocence qui met l’établissement de la preuve
du fait infractionnel à la charge de l’accusateur, cette disposition fait peser sur la personne
poursuivie la charge de faire la preuve de son innocence. Il s’ensuit donc un bouleversement
procédural. En conséquence, la passivité de la personne poursuivie sera interprétée comme un
aveu, voire une reconnaissance de sa culpabilité.

57
Lexique des termes juridiques, p.1450.
35

Une telle position du législateur se comprend aisément. D’une part, il s’agit d’alléger dans
l’intérêt général, le poids du Ministère Public qui aurait rencontré d’énormes difficultés à
établir l’infraction de proxénétisme. D’autre part, l’objectif visé est de lutter contre les
procédés immoraux d’obtention de revenus.

Certes, les présomptions légales de culpabilité sont d’un secours indéniable pour le Ministère
Public dans la lutte contre la criminalité. Cependant, elles complexifient la tâche du mis en
cause déjà affaibli par la posture spéciale du Ministère Public au procès.

Contrairement à la présomption légale qui trouve son fondement dans un texte, la


présomption de l’homme ou présomption de fait ou encore jurisprudentielle est : « la
présomption que le juge induit librement d’un fait pour former sa conviction sans y être
obligé par la loi ». Les présomptions de fait permettent au juge, en s’appuyant sur un faisceau
d’indices, de déduire l’élément moral d’une infraction. Les présomptions de fait traduisent un
mécanisme presque naturel de l’office du juge qui statue selon son intime conviction. Cette
présomption se rencontre dans la répression de la diffamation.

En matière de diffamation, l’on estime58 que l’intention de porter atteinte à la considération et


à l’honneur est présumée. Par conséquent, l’intention coupable n’a pas besoin d’être prouvée
ni par l’accusateur, ni d’être constaté dans la décision de condamnation. L’élément moral de
la diffamation est déduit de la présomption de mauvaise foi de l’auteur des propos portant
atteinte à l’honneur et à la considération de la victime. Une telle présomption pourrait se
justifier par l’idée selon laquelle l’auteur des faits ou propos a nécessairement conscience et
connaissance que ceux-ci portent atteinte à la considération et à l’honneur.

Ce type de présomption est préjudiciable au respect des libertés individuelles. En effet, par le
jeu de cette présomption toute personne peut se retrouver dans les liens de la répression dès
lors qu’elle aurait accompli l’acte matériel prohibé.

Au-delà des présomptions de culpabilité et du non-respect de l’obligation de retrait des


témoins portent atteinte à l’objectivité du procès découlant du respect du principe de la
présomption d’innocence

58
Mathilde HALLE, le délit de diffamation par voie de presse, mémoire, séminaires carrières judiciaires, 2006-
2007, p.30
36

Paragraphe 2 : Les violations du fait du ministère public et de la presse

Il s'agit des circonstances dans lesquels, le ministère public trouve nécessaire de présenter les
mis en cause ou exposer des informations de l'enquête au public, pour besoin de calmer les
populations ou les victimes quant à une infraction qui soulève un véritable problème de
trouble à l'ordre public (A) et la presse à qui est donné le pouvoir de relayer les informations
(B).

A- La divulgation d'information par le ministère public pour maintien de l'ordre public

On entend par « Ministère Public » l’organe chargé de veiller, au nom de la société et dans
l’intérêt général, à l’application de la loi lorsqu’elle est pénalement sanctionnée, en tenant
compte, d’une part, des droits des individus, et d’autre part, de la nécessaire efficacité du
système de justice pénale.

Dans l’accomplissement de sa mission de gardienne de la société, le Ministère Public a


l’obligation de rendre compte à la population de la situation sécuritaire lorsqu’une infraction
vient troubler la quiétude sociale. Ce faisant, les représentants du Ministère Public n’hésitent
pas à porter à la connaissance du grand public les diligences accomplies dans le but de faire la
lumière sur l’infraction commise. Ainsi, les communications et points de presse par eux
animés ont pour but essentiel de rassurer la population inquiétée par la commission de
l’infraction. Par ailleurs, les communications du Ministère Public permettent d’assurer une
transparence dans les procédures judiciaires. En effet, par ses communications, le Ministère
Public permet à la population d’avoir un regard et la bonne information dans les affaires
touchant l’intérêt général. L’on aboutit ainsi à lever toute équivoque en évitant que des
informations erronées puissent engendrer un vent de frayeur au sein de la société.

Par conséquent, l’absence d’information sur l’infraction commise est de nature à créer la
psychose et d’accroitre le sentiment d’insécurité qui peut donner cours à de nombreuses
dérives, notamment le recours à des moyens préventifs de défense et à la vengeance
injustifiée.
37

Toutefois, ce droit de communication du Parquet dans son déploiement ne manque pas de


porter atteinte, à certains égards, au principe de la présomption d’innocence. Il en est ainsi,
lorsque la communication révèle des informations précises sur le prévenu.

En effet, certaines communications du Parquet révèlent, sans ambages, l’identité des


personnes qui font l’objet de poursuite dans le cadre de certaines procédures et notamment
des indices de culpabilité à leurs charges. Une telle pratique se révèle nuisible pour les
personnes mises en cause. Ces derniers sont, dès lors, pointés du doigt et pire stigmatisés par
la société alors qu’aucune décision n’établit leur culpabilité.

Le respect du principe de la présomption d’innocence impose au Ministère Public de faire


preuve de neutralité dans ses communications. Il doit faire preuve de circonspection dans ses
déclarations tout en s’assurant que les informations publiées ne permettent pas de rattacher
l’infraction à une personne déterminée. En d’autres termes, la communication du Parquet ne
doit pas faire préjuger de l’issue du procès.

Le Ministère Public, dans le respect de la présomption d’innocence, devrait se cantonner à


rendre public des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation
sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.

Certaines interrogations s’élèvent lorsque l’on apprécie la qualité de communicant du


représentant du Parquet. En tant que partie au procès, en charge de la poursuite, existe-il un
gage d’objectivité dans les fenêtres de communication reconnues au Ministère Public ?

Une réponse positive s’impose, car en tant que protecteur des libertés publiques et défenseur
de l’intérêt général, le Ministère Public est tenu, dans ses actions, de veiller au maintien de
l’équilibre entre ces deux intérêts. Cet équilibre s’impose également à la presse lorsqu’elle est
amenée à relater les affaires judiciaires.

B- La divulgation d'information par le droit de relater les procédures judiciaires

Traditionnellement, la justice et la presse ont des missions différentes. La justice a pour rôle
d’assurer la paix, l’ordre et l’équilibre social59 tandis que le rôle des médias est de véhiculer
une information, de vulgariser les informations. Dès lors, chacune opère dans une sphère

59
« I. Importance de la justice et de la sécurité », Revue de l’OCDE sur le développement 2008/3(n°9), p-137 ;
pp. 137-139 ;
38

d’action distincte. Tant que chacun reste dans sa sphère d’action tout va bien. Il en demeure
autrement lorsque les médias s’ingèrent dans le traitement des affaires pénales. La propension
des médias à s’approprier le monde judiciaire aboutit à de nombreuses atteintes aux principes
essentiels de la procédure pénale, notamment le principe de la présomption d’innocence. Par
cette invasion massive, les médias ne se contentent plus d’exercer leur mission naturelle mais
participe illégitimement à l’action de juger60.

Dans cette entreprise publicitaire, les médias, attachés à leur essence traditionnelle, ne
s’accommodent pas des limites imposées par le respect des droits, de la norme.

La recherche du profit alimente le goût de la révélation de « scoop » sans égard aux


violations qui sont faites. En d’autres termes, le but commercial guidé par le rapport entre
l’offre et la demande amplifie les appétits en sorte que la chasse aux « scoops » devient une
condition de survie de certains journaux.

Il s’ensuit une quête peu responsable de l’information quitte à recourir, au besoin, à des
sources peu crédibles. La recherche d’une information vivante, captive, sensationnelle ne
manque pas d’accroître la dose de subjectivité dans les récits.

Les médias tentent, ainsi, de faire le récit des informations parcellaires qu’elles induisent de la
tentative de reconstruction de la réalité faite par le rituel judiciaire. Or, il ne faudrait pas
occulter que le produit médiatique tant dans son élaboration que dans son déploiement ne se
soucie pas de maintenir l’équilibre résultant de l’égalité des parties engagées dans la
procédure. Ainsi, le journaliste, aussi compétent voire impartial qu’il puisse être, n’offre
qu’au public un récit sélectif de sa vision, de sa compréhension de la procédure.

Dans leurs expressions, les atteintes de la presse à la présomption d’innocence peuvent


prendre plusieurs formes.

Elles peuvent être indirectes. Dans ce cas, elles se révèlent à travers les mots utilisés pour
désigner la personne en cause dans la procédure. Il en est ainsi des publications qui mettent en
lumière les tournures suivantes : « le présumé voleur, violeur, coupable… ». Il en est de
même de la publication d’image des suspects menottés. En outre, la présomption d’innocence
peut être fragilisée par une surreprésentation des victimes dans les comptes rendus de débats
judiciaires, en particulier lorsqu’elles s’expriment devant les caméras. La victime a, en effet,
60
Jean DANET, « Justice pénale, le tournant ». Coll. Le Monde actuel, Éd Gallimard, 2006, p.249-295
39

besoin d’un coupable à condamner et ses propos expriment nécessairement ce désir de


vengeance qui oriente le compte rendu. L’opinion publique sera d’autant plus perméable à
cette présomption de culpabilité que le principe du procès équitable n’existe pas « hors les
murs »61.

Parfois, l’atteinte est plus directe. Il en est ainsi, lorsqu’on assiste à une véritable tentative
d’accaparement de la décision judiciaire par certains médias. Les journalistes n’ont pas hésité,
dans l’affaire de certains fonctionnaires de haut rang 62, dès l’ouverture du procès, à gloser
exclusivement sur les charges qui pesaient sur le célèbre prévenu, préparant l’opinion à une
décision de condamnation et allant même parfois jusqu’à spéculer sur la peine 63. Lorsqu’à
l’issue d’un tel acharnement médiatique, l’affaire se termine par une décision de relaxe, celle-
ci n’est évidemment pas comprise par l’opinion. Aussi, les journalistes doivent-ils largement
diffuser la décision rendue et faire œuvre de pédagogie parce que « l’innocence établie mérite
autant d’espace rédactionnel que la culpabilité supposée »64.

Conclusion du chapitre II

Au terme de ce chapitre ou il a été question des manifestations de l'affaiblissement du


principe de la présomption d'innocence dans l'enquête de flagrance, le constat qui peut être
fait est dans bien des domaines de l'enquête, le pouvoir du principe de la présomption
d'innocence est considérablement réduit pour les besoins qu'elle présente.

Toute fois que la difficulté s'est présentée de faire un choix entre présumer l'individu innocent
et accomplir un acte pour les besoins de l'enquête, un acte qui porte atteinte aux droits du
présumé innocent, le choix est sans équivocité celui de lui porter atteinte. Ceci pourrait
s'expliquer par le fait qu'il est déjà considéré comme condamné.

61
Caroline GAU-GABEE, presse et justice : qu’en est-il de la présomption d’innocence ? table ronde du 9 juillet
2015, propos introductif, p.10
62
C’est le cas de procédure mettant en cause de haut fonctionnaire notamment les magistrats, ministres, députés.
63
Caroline GAU-GABEE, presse et justice : qu’en est-il de la présomption d’innocence ? table ronde du 9 juillet
2015, propos introductif, P.10
64
Laurent JOFFRIN, directeur de la rédaction au Nouvel Observateur en 1999 (cité par G. Fenech, Presse-justice
: les liaisons dangereuses, Paris, 2007, p. 132)
40

Au total, maintes difficultés entravent l’essor de la présomption d’innocence en Côte d’Ivoire.


Face à cela, des efforts notables doivent être consentis à l’effet d’accroitre l’effectivité de la
présomption d’innocence.
41

DEUXIEME PARTIE :

LA NECESSITE DE RENFORCER LA PRESOMPTION


D'INNOCENCE DANS L'ENQUETE DE FLAGRANCE
42

Le principe de la présomption d'innocence est un principe directeur de la procédure pénale. Il


est le défenseur attitré de la personne soupçonnée. Il est le garant de son bien-être. Il est d'une
importance capitale, ainsi ce principe mérite amplement d'être renforcé et protégé.

Alors nous donnerons d'avantage de raison de sauvegarder ce principe (chapitre I) et par la


suite nous nous attèlerons à faire des propositions de moyens qui pourront nous l'espérons,
participer à la protection du principe et son renforcer dans l'enquête (chapitre II).

CHAPITRE I : L'UTILITE DU RENFORCEMENT DU


PRINCIPE DE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE

Ce principe mérite d'être sauvegardé, renforcé et protégé car c'est un principe à valeur
constitutionnelle (section I) et il est le garant de la protection du mis en cause dans la
procédure pénale (section II).

SECTION I : LA VALEUR CONSTITUTIONNELLE DU PRINCIPE DE


LA PRESOMPTION D'INNOCENCE

Le principe de la présomption d'innocence à une valeur constitutionnelle en ce sens où il est


consacré par de nombreux textes. Par cette action, nous comprenons combien ce principe est
important par l'objectif qu'il vise.

Cela traduit que le législateur se soucie assurément de la cause du mis en cause. Ce principe
est important et digne d'être maintenu dans l'ordonnancement juridique.

Alors nous le verrons dans les textes nationaux (paragraphe 1) ainsi que dans les textes
internationaux (paragraphe 2).
43

Paragraphe 1 : Un principe affirmé dans les textes nationaux

Le principe de la présomption d'innocence est affirmé dans la constitution (A) aussi dans il
figure parmi les principes directeurs de la procédure pénale (B).

A- La loi fondamentale

La constitution est la norme fondamentale suprême d'un Etat. C'est l'expression de sa


souveraineté. Elle lui confère son structure juridique et politique. C'est donc l'ensemble des
règles relatives à la désignation des gouvernants, à l'organisation et l'exercice du pouvoir dans
l'Etat.

La protection du droit à être présumé innocent a toujours été le souci de l'Etat de Côte d'
Ivoire. Car comme nous avons pu le constater dans nos recherches, la présomption
d'innocence a toujours existé dans la constitution ivoirienne depuis la première république
jusqu'à la dernière. C'est montrer la grande signification de ce principe d'autant plus qu'il
figure dans la norme supérieure du pays.

Sa première apparition s'est faite dans la première république de Côte d'Ivoire. Il s'agit de la
constitution ivoirienne de 1960 ; la loi n°60-356 du 03 novembre 1960 au chapitre VII intitulé
" DE L'AUTORITE JUDICIAIRE" à l'article 62 alinéas 2 :

« Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie à la suite
d'une procédure lui offrant les garanties indispensable à sa défense. L'autorité judiciaire,
gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions
prévues par la loi ».

A la suite, cette loi a été modifiée par la loi n°94-438 du 16 Août 1994 portant constitution de
la Cote d'Ivoire. Et cette foi, au chapitre VI nommé " DE L'AUTORITE JUDICIAIRE ET LA
COUR SUPREME''. Cet article est formulé autrement ; c’est-à-dire, qu'ont été mis en avant ;
seulement la présomption d'innocence et les garantie procédurale. Ainsi, l'article 60 alinéas 2
dispose :
44

«Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie à la suite d'une
procédure lui offrant les garanties indispensable à sa défense ».

Le principe n'a pas été absent lors de la deuxième république, la constitution de 2000.
Toujours avec la même formulation, il figure désormais parmi les premières dispositions de la
constitution ivoirienne. De plus les intitulés sont plus s'avèrent plus en accords avec la
quintessence de ce prince. Ils traduisent l'essence du principe de la présomption d'innocence.
Le titre premier s'intitule " DES LIBERTES, DES DROITS ET DES DEVOIRS". Quant au
chapitre premier, auquel fait partie notre principe, il est nommé " LES LIBERTS ET DES
DROITS". Pour notre part, ces changements, pourraient traduire le désir de faire valoir ce
principe cardinal. Nous parlons de la loi n° 2000-513 du 01 Août 2000 portant constitution de
la Cote d'Ivoire. Précisément, à l'article 22 alinéas 2. Ces changements n'ont pas été les
derniers, la troisième république a permis de faire monter encore ce principe parmi les
préliminaires. Avec la même formulation, dans le titre premier, dans le chapitre premier et
avec les mêmes intitulés mais à l'article 7 alinéas 2 de la loi n° 2016- 886 du 08 Novembre
2016 portant constitution de la république de Côte d'Ivoire, modifiée par la loi n° 2020-348 du
19 Mars 2020 portant constitution de la Cote d'Ivoire.

B- Le Code de procédure pénale

Le premier code de procédure pénale (CPP) ivoirien a paru en 1960, l'année de l'acquisition
de l'indépendance de la Cote d'Ivoire. Il a subi plusieurs modifications importantes entre 1960
et 2022. Mais, il s'avère que le principe de la présomption d'innocence n'apparait nulle part
dans les codes jusqu'en 2018. Pas seulement ce principe, mais toutes les garanties
fondamentales liées à la procédure pénale n'étaient pas expressément prévues par les reformes
d'avant 2018. Ce n'est qu'en décembre 2018 que l'assemblée nationale ivoirienne a adopté un
nouveau code de procédure pénale qui a mis en évidence les garants de la procédure pénale.
Le projet de loi avait pour but de rendre la procédure pénale ivoirienne plus respectueuse des
garanties rattachées aux droits de l'homme. Alors, dans les dispositions préliminaires de la loi
n°2018-975 du 27 DECEMBRE 2018, a été intégré un Titre 1, abordant les principes
directeurs de la procédure pénale. L'assemblée nationale a formulé en tout cinq principes,
dont le principe de la présomption d'innocence, qui sont le fil conducteur de la procédure
pénale.
45

La consécration de ce principe dans le CPP ivoirien, surtout en tête de celui-ci (LIVRE


PREMIER – TITRE PREMIER) traduit la volonté interne de se plier au respect des droits de
l'homme comme le commande les instruments juridiques internationaux auxquels la Cote
d'Ivoire est partie. Le titre premier de cette loi est évocateur car il permet de préciser que les
dispositions qu'il contient sont le fondement exclusif des règles de la procédure pénale. Ainsi,
l'article 2 du CPP dispose :

« Toute personne mise en cause ou poursuivie est présumée innocente jusqu'à ce que sa
culpabilité ait été judiciairement établie ».

Cette consécration est peut être tardive, mais il ne faut pas manquer de rappeler que ce
principe existait déjà dans les instruments juridiques de la Cote d'ivoire tel que nous l'avons
signifié plus haut. Elle vient alors pour accentuer le respect accordé aux droits de la personne
poursuivie.

Le principe de la présomption d'innocence est reconnu non seulement dans l'ordonnancement


ivoirien, mais aussi il est-il tire sa source de l'ordre juridique international.

Paragraphe 1 : Un principe consacré par les textes internationaux

La première consécration du principe effective de la présomption d'innocence comme


protecteur des droits de la personne poursuivie fut dans la déclaration universelle des de
l'homme (A) il est aussi consacré par le pacte relatif aux droits civiques et politiques (B).

A- La déclaration universelle des droits de l'homme

Cette œuvre est le résultat d'une initiative française. En effet, Cassin, homme dont les
aspirations sont fortement attachées à la valorisation de l'homme en tant que sujet de droit
international, a été désigné par le comité de rédaction pour la confection du projet de
rédaction de la déclaration universelle des droits de l'homme. Sa première formulation fut
celle-ci :
46

« Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été déclarée. Nul ne peut
être puni si ce n’est en vertu du jugement d’un tribunal indépendant et impartial rendu après
un procès régulier et public au cours duquel l’accusé aura été entendu ou légalement appelé et
aura joui des garanties nécessaires à sa défense »65.

La formulation de la présomption d'innocence dans le projet de la déclaration établit un lien


entre la présomption d'innocence et les garanties procédurales. La deuxième phrase soumet la
condamnation de l'individu à l'établissement ou l'exécution de toutes les procédures qui lui
auraient permis de prouver son innocence. Ainsi le pouvoir de la présomption d'innocence
pourra s'éteindre si, malgré l'épuisement de toutes les garanties mise à sa disposition, l'accusé
est déclaré coupable. Elle confirme donc la première phrase.

Une deuxième session de travail eu lieu au cours de laquelle le comité de travail demanda à
Cassin la reformulation de l'article en écartant toutes les informations qui ne sont pas
étroitement liées au pénal et d'écarter tout ce qui a trait au tribunal. Alors Cassin réécris le
projet en ces termes :

« Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été prouvée et déclarée.
Nul ne sera condamné ou puni pour un crime ou une autre infraction pénale si ce n’est à la
suite d’un procès public où il aura joui des garanties nécessaires à sa défense, et en application
de la loi en vigueur au moment de l’infraction »66.

Au cours des débats qui ont lieu postérieurement à la proposition, Madame Roosevelt,
membre du comité de rédaction pour les anglophones, a obtenu la suppression des termes " et
déclaré" car, selon ses raisons, ils n'ont pas de sens en anglais. Une troixieme session fut
convoquer pour encore des débats et les termes deviennent confus. Alors Cassin prit le soin de
faire une liste des termes essentiels devant ressortir dans la formulation de l'article : innocent
jusqu’à preuve du contraire, procès public et garantie des droits de la défense. Ainsi une autre
formulation faite par un comité désigné par Madame Roosevelt retient ceci :

« Toute personne accusée d’un délit est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit
juridiquement établie dans un procès public où lui auront été assurées toutes les garanties
nécessaires à sa défense »67.

65
Première Session du Comité de rédaction de la Commission des droits de l’homme, Rapport, document,
E/CN.4/21, p. 46.
66
Groupe de travail pour la Déclaration, Procès-verbal, E/CN.4/AC.2/SR. 4, p. 8.
67
Troisième Session de la Commission des droits de l’homme : Séance n° 54, Procès verbal, Document
E/CN.4/SR.54, p. 14 et s. ; Séance n° 55, Procès verbal, Document E/CN.4/SR.55, p. 14 et s. ; Séance n° 56,
Procès verbal, Document E/CN.4/SR.56, p. 3 et s.
47

Dans la sphère juridique, le mot "délit" employé dans ce texte nous renvoi à la désignation
d'une seule infraction en particulier et restreint le champ d'application de la présomption
d'innocence à cette seule infraction. Une dernière proposition a donc été faite par M.
Contoumas, un grec, qui suggère le replacement de "délit" par "acte délictueux" qui prend en
compte toutes les infractions. Cette dernière proposition est celle qui a été adopté et forme
l'article 11 Al. 1 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 (DUDH) :

« Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa
culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties
nécessaires à sa défense lui auront été assurées ».
La DUDH a été la source de naissance de plusieurs autres textes68 tels que le Pacte relatif aux
civils et politiques.

B- Le pacte relatif aux droits civils et politiques

L'origine de l'adoption de ce pacte, est une réflexion menée sur les dispositions de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Sur une proposition britannique, concernant
la présomption d'innocence, il était question de penser à séparer le principe de présomption
d'innocence des autres garanties procédurales dans l'article 11 alinéas 1 de la DUDH. En clair,
il s'agissait de retirer l'expression « au cours d'un procès public ou toutes les garanties
nécessaire à sa défense lui auront été assurées ». Il fallait isoler le principe et ensuite parler
des garanties plus tard dans les alinéas qui suivaient. Ceci consistait à mettre en évidence et
montrer la grande considération que ceux-ci vouaient au principe de la présomption
d'innocence. Suite à la modification apportée, la formulation de l'article sur la présomption
d'innocence a donc été faite :

« Toute personne accusée d'une infraction pénale est présumée innocente jusqu'à ce que sa
culpabilité ait été légalement établie » Il s'agit de l'article 14 paragraphes 2 du Pactes des
droits civils et politiques. Ensuite, les autres paragraphes 3 du même article énoncent les
garanties dues à l'accusé.

68
S. GUINCHARD, M. BANDRAC, M. DOUCHY, etc., Droit processuel. Droit commun du procès et droit
comparé du procès, 2ème éd., Paris 2003, n° 51, p. 64.
48

Par la suite, une proposition venue des philippines qui soumettait l'ajout de l'expression " au-
delà de tout doute raisonnable" dans la formulation de l'article. Apres débat, elle finit par être
rejetée. Cette action de refus a permis d'ouvrir une lucarne sur le vrai sens de la présomption
d'innocence, puisqu'évidemment les opinions sont diverses. Devrait-elle être considérée
comme la référence du procès équitable ou comme l'exigence afférente à la qualité de la
preuve de culpabilité ?

La première a été retenue car son application s'étend dans toute la structure, elle englobe
toutes la procédure pénale. Tandis que la deuxième limite la présomption d'innocence à la
simple vérification de la preuve lors du procès pénal.

Le principe de la présomption d'innocence est certes consacré dans les textes, toutefois il a un
objectif. La raison pour laquelle il devrait être sauvegarder, c'est pour la protection de la
personne suspectée d'avoir commis une infraction.

SECTION II : UN PRINCIPE PROTECTEUR DES DROITS DE LA


PERSONNE POURSUIVIE

Le mis en cause est dans une situation de mi- culpabilité et de mi- innocence, toutefois, il n'en
demeure pas moins un homme comme tous ayant des droits que tout le monde à pour
obligation de respecter.

Le principe de la présomption d'innocence intervient non seulement, pour faire respecter ces
droits rattachés à la personne de l'individu sur qui, pèsent ces soupçons (paragraphe 1) mais
aussi pour le protéger tout le long de la procédure pénale (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : l'affirmation d'un principe de respect des droits de la


personnalité
49

Le respect des droits rattachés à la personne du mis en cause passe par le respect et la
protection de ses droits à la dignité et les libertés individuelles (A), en plus, des sanctions
prévues pour les contrevenant (B).

A- La protection du droit à la dignité et les libertés individuelles

« Toutes les personnes poursuivies sont présumées innocentes jusqu'à ce qu'une juridiction
dise le contraire. Le respect de la présomption d'innocence s'impose à tous. A nous les
magistrats, à tous les citoyens, mais également aux professionnels de médias »69

La dignité est un état, une qualité inséparable liée à l’être même de l’homme.
Autrement dit, c’est la valeur que l’on reconnait à l’homme du seul fait d’exister 70.

Le droit à la dignité est une implication de la présomption d’innocence. En effet, il


vise à assurer le respect dû à la personne et à la protection de sa réputation que celle-ci soit
suspectée ou poursuivie. Eu égard à la grande vulnérabilité de la personne mise en cause dans
le cadre de la procédure pénale, l’invocation du principe de la dignité vient pour corriger ou
réduire le poids de cet état71.

Le respect dû à la personne humaine comme entité physique prohibe la soumission de


la personne poursuivie ou suspectée à tout acte de torture ou de traitements inhumains ou
dégradants. En application de ce principe, la Commission Européenne des Droits de l'Homme
(CEDH) a condamné, pour mauvais traitements de la part de policiers, le Royaume-Uni 72 et la
France73. Dans une espèce où les policiers avaient fait ingurgiter de force un vomitif à un
individu suspecté, la CEDH a parlé « d’actes de nature à inspirer au requérant des
sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à l’humilier et l’avilir »74.

Quant à la protection de la réputation de la personne, elle veut que la suspicion ou la


poursuite d’une personne n’entache pas sa réputation précisément, car elle est juridiquement
69
ADOU Richard, 3ème session de l'ANP Academy, vendredi 03 décembre 2021
70
Roberto ANDORNO, la bioéthique et la dignité de la personne, PUF, 1997, p.77.
71
K. GACHI, le respect de la dignité humaine dans le procès pénal, LGDJ, coll., Bibliothèque de sciences
criminelles, 2012, tome 54.
72
CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni, série A, n°25, Cah.dr.eur.,1979, 121, obs. Cohen-Jonathan.
73
CEDH, 27 août 1992, Tomasi c/ France, série A, n°241 A, RSC, 1993, 142, obs. Pettiti.
74
CEDH, 11 juillet 2006, Jalloh c/ Allemagne, § 82, JCP, 2007, I.106, n°1, obs. Sudre.
50

innocente. Dès lors, il est interdit de présenter la personne mise en cause dans le cadre de la
procédure pénale, notamment dans la presse, avant toute condamnation comme étant
coupable. Il est, en outre, prohibé, la diffusion, sans l’accord de l’intéressé, de l’image d’une
personne la montrant menottée ou placée en détention préventive75.

En complément du droit à la dignité, la présomption d’innocence implique le respect


de la liberté individuelle.

La présomption d’innocence renferme le respect de la liberté individuelle 76. À cet effet,


l’article 7 alinéa 2 de la Constitution Ivoirienne affirme avec force que : « Nul ne peut être
arbitrairement arrêté, poursuivi ou détenu. »

Il s’infère de cette disposition que toute atteinte à la liberté individuelle doit avoir une
source légale. Dès lors, la présomption d’innocence commande un encadrement strict des
atteintes à la liberté d’aller et de venir de la personne suspectée ou poursuivie. À cet égard,
l’article 3 du code de procédure pénale rappelle que : « les mesures de contrainte dont peut
faire l’objet la personne mise en cause poursuivie sont prises sous le contrôle de l’autorité
judiciaire. Elles doivent être limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la
gravité de l’infraction reprochée… ».

Il découle de cette disposition une double restriction tenant à l’intervention d’un juge
judiciaire, d’une part, puis d’autre part, à la nécessité et à la proportionnalité de la mesure.

L’intervention du juge judiciaire est requise en ce sens qu’il est le garant des libertés
individuelles. À cet égard, sa présence est une garantie du respect du principe de la
présomption d’innocence.

Quant au principe de la proportionnalité, il implique que la mesure de contrainte n’excède


pas les exigences d’une bonne protection de l’intérêt général. Autrement dit, il doit exister une
adéquation parfaite entre l’entrave et l’étendue de l’intérêt général à préserver.

S’agissant du principe de la nécessité, il commande que la mesure de contrainte apparaisse


comme recours ultime dans la mesure où toute autre mesure moins intrusive serait
insuffisante77. En d’autres termes, la mesure de contrainte doit être suscitée par des raisons
objectifs et constituer la seule mesure capable d’atteindre le résultat recherché.

75
Crim., 8 juin 2004, B.C., n°156 ; RSC, 2004, 967, obs. J.-F. Renucci.
76
Dacoury GNAGO, La présomption d’innocence en droit ivoirien, coll. « Nul n’est censé ignorer la loi », 2004,
p.8
77
Jean PRADEL, procédure pénale, 19ème éd., Cujas, p.58.
51

Ces principes concourent au respect de la présomption d’innocence et donne lieu à


sanction en cas de manquement.

B- Les sanctions encourues par les contrevenants

La victime d'abus de droit à la présomption d’innocence peut obtenir une sanction pénale ou
encore une sanction civile contre l'auteur de cet abus.

En matière civile, elle peut obtenir réparation du préjudice subi, sur le fondement de l’article
1382 du code civil. Cela implique que la victime rapporte la preuve des éléments de la
responsabilité délictuelle, à savoir : une faute, un préjudice et un lien de causalité.

Indépendamment de l’action en indemnisation, la victime peut saisir le juge des référés à


l’effet de contraindre l’auteur de la violation à insérer dans le journal fautif, à ses propres
frais, une rectification ou un communiqué annonçant sa propre condamnation pour cette
atteinte ou visant à mettre fin à l’atteinte.

L’insertion de communiqué réparateur est prévue dans le code civil français, notamment, en
son article 9-1. Cette disposition indique que : « lorsqu’une personne est, avant toute
condamnation, présentée publiquement comme coupable de faits faisant l’objet d’une enquête
ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation
subi, prescrire toutes mesures telles que l’insertion rectification ou la diffusion d’un
communiqué aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence et ce aux frais de
la personne physique ou morale, responsable de cette atteinte ».

La disposition sus-énoncée consacre, en France, la présomption d’innocence comme un droit


subjectif de la personnalité.

La législation ivoirienne ne prévoit pas une telle mesure.

Du reste, en cas d’infraction, l’auteur de la violation du principe de la présomption


d’innocence peut se voir infliger une sanction pénale.

La violation de la présomption d’innocence peut constituer une infraction pénale. Il peut


s’agir d’une diffamation ou injures qui ne peuvent être mise en œuvre qu’à la suite d’une
plainte portée par la victime.
52

La diffamation est un délit de presse qui sanctionne la violation de la présomption


d’innocence. Elle peut donner lieu à des responsabilités en cascade. En effet, tout comme
l’auteur de la violation, peuvent être tenus responsables d’une atteinte à la présomption
d’innocence, les directeurs de publication ou éditeurs quelle que soit leur profession ou leur
dénomination et dans le cas où le directeur de publication jouit d’une immunité, les
codirecteurs de publication.

La sanction est essentiellement constituée de l’amende dont le quantum varie en


fonction des institutions protégées ou de la qualité de la personne qui en est victime. Ainsi, la
victime de la diffamation peut être un membre du gouvernement, des corps constitués, des
personnes chargées d’un service public ou mandat public, jurés ou témoins, ou simplement un
particulier.

L’action publique pour la poursuite d’une violation de la présomption d’innocence se


prescrit par trois ans à compter du jour de l’article publié. L’atteinte à la présomption
d’innocence étant assimilée à une diffamation, à une injure ou à une atteinte au droit à
l’image, sa répression est soumise à la prescription applicable à tous les délits de presse.

Paragraphe 2 : Un principe directeur du procès pénal

La protection de la personne soupçonnée est digne d'être contrôlée lorsque l'individu se trouve
entre les mains du ministère public. C'est là la source de grands abus du principe.

C'est ainsi que le principe de la présomption d'innocence est censé garantir les droits de la
personne suspectée pendant la procédure (A) et pendant le procès (B).

A- La garantie des droits procéduraux

Le libre accès à la justice est une implication du principe de la présomption


d’innocence. La liberté d’accès à la justice est garantie par l’article 6 de la Constitution
Ivoirienne. Suivant cette disposition : « Le droit de toute personne à un libre et égal accès à
la justice est protégé et garanti. ». Il s’infère de cette disposition que toute entrave à l’accès à
53

la justice doit être prohibée. Aucune limite, aussi bien d’ordre financière que d’ordre
juridique78 ne doit exister. En ce sens, le coût de la justice doit être réduit de sorte à permettre
à toute personne d’y accéder.

Le principe de la présomption d’innocence impose que le libre accès à la justice soit


assuré à toutes les phases de la procédure. Ainsi, aussi bien pendant l’enquête préliminaire,
l’information judiciaire qu’à la phase de jugement, l’accès au juge doit être garanti.

Pendant l’enquête préliminaire, le droit du mis en cause de recourir à un tribunal aux


fins de vérification de toute mesure d’arrestation ou de détention doit être assuré. En effet, les
mesures d’arrestations ou détentions tirent leur justification notamment des motifs
raisonnables de croire à la nécessité d’empêcher le mis en cause de commettre une nouvelle
infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci. Dès lors, en dehors de toute
justification légalement prévue, la mesure de contrainte emporterait un caractère arbitraire qui
doit être porté à la censure du juge.

Au cours de l’information judiciaire, le droit de l’inculpé d’accéder librement au juge


doit être effectif79. En effet, le principe de la présomption impose que le mis en cause soit,
dans un délai raisonnable, informé des charges à son encontre. Il s’ensuit que l’inculpation
doit être rapidement portée à l’attention de l’inculpé. À cet égard, est prohibée toute
inculpation tardive. Face à un tel manquement du principe de la présomption d’innocence, le
droit de l’inculpé d’accéder à un juge supérieur, censeur de l’instruction, doit être assuré.

Enfin, à la phase de jugement, le droit d’accéder à un juge de l’accusation et de


jugement doit être garanti. En d’autres termes, le principe de la présomption d’innocence
assure à toute personne accusée d’avoir commis une infraction pénale d’être jugée au fond par
un tribunal. En effet, le mis en cause doit avoir accès rapidement à un juge pour statuer sur le
bien-fondé de l’accusation80. Ce faisant, toute entrave à l’accès à une juridiction de fond
constitue une violation au principe.

Par ailleurs, le principe de la présomption d’innocence garantit l’accès à un juge


impartial et indépendant.

78
Serge GUINCHARD, droit processuel, 9édition, Dalloz, p.722.
79
À ce titre l’article 101 du code de procédure pénale précise que : « l’inculpé et la partie civile peuvent
également solliciter du juge d’instruction, l’accomplissement des actes leur paraissant utiles à la manifestation de
la vérité ».
80
Serge GUINCHARD, droit processuel, 9édition, Dalloz, p.618.
54

Le libre accès à la justice est une implication du principe de la présomption d’innocence. La


liberté d’accès à la justice est garantie par l’article 6 de la Constitution Ivoirienne. Suivant
cette disposition : « Le droit de toute personne à un libre et égal accès à la justice est protégé
et garanti. ». Il s’infère de cette disposition que toute entrave à l’accès à la justice doit être
prohibée. Aucune limite, aussi bien d’ordre financière que d’ordre juridique81 ne doit exister.
En ce sens, le coût de la justice doit être réduit de sorte à permettre à toute personne d’y
accéder.

Le principe de la présomption d’innocence impose que le libre accès à la justice soit assuré à
toutes les phases de la procédure. Ainsi, aussi bien pendant l’enquête préliminaire,
l’information judiciaire qu’à la phase de jugement, l’accès au juge doit être garanti.

Pendant l’enquête préliminaire, le droit du mis en cause de recourir à un tribunal aux fins de
vérification de toute mesure d’arrestation ou de détention doit être assuré. En effet, les
mesures d’arrestations ou détentions tirent leur justification notamment des motifs
raisonnables de croire à la nécessité d’empêcher le mis en cause de commettre une nouvelle
infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci. Dès lors, en dehors de toute
justification légalement prévue, la mesure de contrainte emporterait un caractère arbitraire qui
doit être porté à la censure du juge.

Au cours de l’information judiciaire, le droit de l’inculpé d’accéder librement au juge doit être
effectif82. En effet, le principe de la présomption impose que le mis en cause soit, dans un
délai raisonnable, informé des charges à son encontre. Il s’ensuit que l’inculpation doit être
rapidement portée à l’attention de l’inculpé. À cet égard, est prohibée toute inculpation
tardive. Face à un tel manquement du principe de la présomption d’innocence, le droit de
l’inculpé d’accéder à un juge supérieur, censeur de l’instruction, doit être assuré.

Enfin, à la phase de jugement, le droit d’accéder à un juge de l’accusation et de jugement doit


être garanti. En d’autres termes, le principe de la présomption d’innocence assure à toute
personne accusée d’avoir commis une infraction pénale d’être jugée au fond par un tribunal.
En effet, le mis en cause doit avoir accès rapidement à un juge pour statuer sur le bien-fondé
de l’accusation83. Ce faisant, toute entrave à l’accès à une juridiction de fond constitue une
violation au principe.
81
Serge GUINCHARD, droit processuel, 9édition, Dalloz, p.722.
82
À ce titre l’article 101 du code de procédure pénale précise que : « l’inculpé et la partie civile peuvent
également solliciter du juge d’instruction, l’accomplissement des actes leur paraissant utiles à la manifestation de
la vérité ».
83
Serge GUINCHARD, droit processuel, 9édition, Dalloz, p.618.
55

Par ailleurs, le principe de la présomption d’innocence garantit l’accès à un juge impartial et


indépendant.

Le principe de la présomption d’innocence impose l’accès à un juge sans parti pris et à l’abri
de toute entrave. Autrement dit, le principe garantit l’accès à un juge objectif. Ce droit est
affirmé par le Pacte International relatif aux Droits Civil et Politique en ces termes : « toute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un
Tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi qui décidera soit du bien-fondé
de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle… »84.

L’indépendance de la justice est l’état d’une justice qui ne succombe pas aux pressions
extérieures (exemple : marche de protestation, pression politique…). C’est une réalité à
plusieurs facettes. En clair, elle s’entend de l’obligation morale pour le Magistrat tranchant
une question de droit de consulter sa propre conscience sur le point de droit sans se laisser
influencer par un quelconque élément. En outre, l’indépendance suppose un affranchissement
de l’institution judiciaire eu égard aux pouvoirs publics.

Quant à l’impartialité, elle peut s’appréhender comme : « l’absence de préjugé, elle


correspond à un état d’esprit, une disposition psychologique globale faite de la loyauté
intellectuelle, de respect du justiciable, de probité déontologique, d’aptitude à demeurer
ouvert aux considérations sérieuses aptes à faire réviser une analyse. »85

Elle impose au Magistrat de faire preuve de neutralité dans le traitement des causes qui
lui sont soumises. À l’instar de la balance exprimant l’égalité entre les parties, le Magistrat se
doit de ne pas rompre l’équilibre.

Pour s’assurer de l’impartialité et l’indépendance du juge intervenant dans la procédure


pénale, le principe de la présomption d’innocence impose la séparation des fonctions. En
effet, la nécessité de préserver le principe conduit à prohiber qu’un Magistrat ayant représenté
l’accusation ou instruit l’affaire ait à apprécier la suite de la culpabilité de l’intéressé. Par ce
moyen, l’on évite toute déclaration de culpabilité anticipée. En effet, il y a des risques à
craindre que la cause soit connue par un Magistrat qui aurait « l’idée préconçue que le
prévenu a commis l’acte incriminé. »86

84
Article 14 du Pacte International relatif aux Droits Civil et Politique.
85
Dominique PERBEN, Commission de réflexion sur l’éthique dans la Magistrature, 2003.
86
CEDH, 6 décembre 1988, Babera, Messegué et Jabardo c/ Espagne, § 77.
56

Par ailleurs, en l’absence de toute confusion des fonctions, la présomption est encore atteinte
lorsque le Magistrat a tenu des propos ou rendu une décision laissant transparaitre clairement
son opinion87.

B- La garantie du respect d'un procès équitable

Les droits de la défense trouvent également leur raison d’être dans la présomption
d’innocence. En matière pénale, ils sont définis comme « l’ensemble des prérogatives qui
garantissent à la personne suspectée ou poursuivie la possibilité d’assurer effectivement sa
défense dans la procédure pénale et dont la violation constitue, à certaines conditions, une
cause de nullité de la procédure… »88.

Ces prérogatives sont, entre autres, le droit à un avocat, le droit de savoir le contenu de la
poursuite, le droit de ne pas s’auto-incriminer, le respect du principe du contradictoire, la
loyauté dans la recherche de la preuve et le droit au silence.

Le droit à un avocat s’exprime à travers la présence de l’avocat aux côtés du mis en cause à
tous les stades de la procédure en vue d’aider ce dernier à faire valoir valablement ses moyens
de défense. Ainsi, l’avocat est un secours indéniable pour le mis en cause incapable de bâtir
une stratégie véritable de défense. En effet, l’avocat intervient, d’abord, à l’enquête
préliminaire lors de la garde à vue et de l’interrogatoire du mis en cause. Par la suite, il
apparait lors de l’information judiciaire. Enfin, à l’audience de jugement correctionnel, il est
présent aux côtés du prévenu.

Quant au droit de ne pas s’auto-incriminer, il interdit tout procédé tendant à obliger la


personne concernée à se reconnaitre comme coupable et par conséquent à renoncer à la
présomption89. En effet, le principe de la présomption d’innocence impose à l’accusateur
d’établir des preuves objectives. Dès lors, il est prohibé toute reconnaissance de culpabilité de
la part du mis en cause qui aurait été obtenue à l’issue des pressions exercées par l’accusateur.

87
Laurence LAZERGES-COUSQUER, Frédéric DESPORTES, traité de procédure pénale, 4 ème édition,
Economica, p. 243.
88
Lexique des termes juridiques, 25ème éd, Dalloz, 2017-2018, p.752.
89
Laurence LAZERGES-COUSQUER et Fréderic DESPORTES, traité de procédure pénale, 4 ème édition,
Economica, 2015, p. 210.
57

S’agissant du principe du contradictoire, il est affirmé par l’alinéa 2 de l’article 4 du code de


procédure pénale. Aux termes de cette disposition : « le procès pénal doit être équitable et
contradictoire. »

En application de ce principe, l’inculpé a le droit de solliciter des actes d’instruction pendant


l’information judiciaire. À l’audience, la personne poursuivie peut faire poser des questions
aux témoins. En outre, il a la parole en dernier90.

Relativement à la loyauté dans la recherche de la preuve, il consiste à rejeter tout procédé


immoral ou illégal d’acquisition de la preuve. À cet égard, il est interdit l’extorsion de l’aveu.
Il est également interdit à l’officier de police judiciaire de consigner des déclarations d’un
suspect que celui-ci avait faites officieusement et qu’il ne voulait voir consignées 91.

Le droit au silence, quant à lui, s’entend du droit de rester silencieux devant l’enquêteur ou le
juge92. Ce droit existe à tous les stades de la procédure, lors de la garde à vue, lors de
l’instruction, que lors de la phase de jugement. En effet, la charge de la preuve incombant à
l’accusateur en vertu du principe de la présomption d’innocence, le mis en cause est en droit
de demeurer passif. Dès lors, si le poursuivant ne parvient pas à prouver de manière décisive
les faits, le juge doit faire bénéficier le prévenu du doute93.

Par ailleurs, le principe de la présomption d’innocence assure le droit à une voie de recours.

Le principe de la présomption d’innocence implique que la personne mise en cause puisse


avoir le droit de porter sa cause devant une juridiction supérieure. L’accès à une juridiction
supérieure est une garantie de la préservation des libertés individuelles et contribue à la bonne
application du principe de la présomption d’innocence.

Le droit à l’exercice d’un recours s’entend de l’accès successif à plusieurs tribunaux. En effet,
le droit à un tribunal se prolonge, une fois l’affaire déjà jugée, en vue de permettre au mis en
cause de contester la décision prise à son encontre.

Ce droit à un double contenu. Il suppose l’existence du droit d’appel et le droit à un pourvoi


en cassation.

90
Article 482 alinéa 2 du code de procédure pénale.
91
Crim.,3 avril 2007, B.C, n°102.
92
Jean PRADEL, procédure pénale, 19ème éd., Cujas, p.79
93
Crim.,22 juin 1960, B.C., n°339.
58

Le droit d’appel s’exprime à travers l’existence de juridictions supérieures devant connaitre


une nouvelle fois de la cause antérieurement portée devant le tribunal. La justice humaine
étant imparfaite, il est un palliatif aux insuffisances du tribunal.

Quant au pourvoi en cassation, contrairement à l’appel, il ne vise pas à juger une nouvelle fois
la cause, mais consiste à vérifier l’application du droit par les juridictions inférieures. La Cour
de Cassation est donc, l’organe suprême de contrôle du respect de la présomption d’innocence
par les juridictions de fond.

Pour parer à la défaillance consistant à l’inexistence de voie de recours, la jurisprudence


française a créé les recours-nullité autonomes94. Ils visent à rétablir un recours lorsque la loi
l’a expressément supprimé. Ils permettent que le droit fondamental à un recours soit toujours
garanti.

Conclusion du chapitre I

En somme, nous retiendrons de ce chapitre 1 qu'au vu des raisons énoncées, le principe de la


présomption d'innocence mérite amplement d'être conservé dans l'enquête de flagrance.

Eu égard à la complexité de la procédure d'enquête de flagrance, il faille bien que les intérêts
de la personne suspectée soit protégé afin qu'elle ne subisse pas des traitements inhumains au
cours de cette procédure jusqu'au jugement.

Il demeure impératif de le renforcer pour assurer les intérêts qu'il prône.

CHAPITRE II : LES MOYENS DE REFORCEMENT

94
Serge GUINCHARD, Droit processuel : droits fondamentaux du procès, 9ème éd., Dalloz, p.605.
59

Pour arriver aux fins escomptées, il faudrait encadrer le recours à la détention préventive
(section I) et respecter les prérogatives dont doivent jouir la personne suspectée en tant que
personne présumée innocente (section II).

SECTION I : LA REDUCTION DU RECOURS A LA DETENTION


PREVENTIVE

La détention préventive est une mesure assez rigide qui porte gravement atteinte aux droits du
mis en cause. Pour y remédier, le législateur a pris des décisions qui devraient servir à réduire
considérablement le recours à cette mesure dans la procédure d'enquête. Toutefois leur
effectivité dans l'enquête de flagrance reste encore boiteuse.

Nous préconisons donc que soit encouragée, l'application effective des mesures palliatives à
la détention préventive (paragraphe 1) mais aussi au pire des cas, que soient améliorées les
conditions de détention préventive (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'application effective des mesures alternatives

Cette action est possible par le replacement de la détention préventive par la favorisation de la
liberté sous caution (A) et du contrôle judiciaire (B).

A- La favorisation de la liberté sous caution

Le cautionnement à jouer un rôle essentiel dans toutes les législations. Il était connu du
droit romain et a formé le droit commun au moyen âge 95. Le cautionnement est un substitut à
la détention qui offre les mêmes garanties de représentations. Le cautionnement consiste pour

95
Alexandre BOUQUET, « cautionnement pénal et politique criminelle : une relation à géométrie variable »,
archives de politique criminelle 2001/1 (n°23), p. 57 ; 53-69.
60

l’inculpé au versement d’une somme d’argent en remplacement de sa détention. Cependant,


lorsque la liberté provisoire est de droit il ne peut être exigé de l’inculpé le paiement d’un
cautionnement. Une telle exigence de la part du Juge d’instruction serait constitutive d’une
faute qui engagerait sa responsabilité.

La liberté est de droit lorsqu’elle remplit l’une des situations définies par la loi. Il en est
ainsi, notamment, lorsque la période prévue pour la détention en fonction de la gravité de
l’infraction a expiré96.

En ce qui concerne le montant, la détermination est librement opérée par le Juge


d’instruction en raison de son pouvoir discrétionnaire en la matière. Toutefois, obligation est
faite au Juge d’instruction de procéder à la fixation du montant en tenant compte de la
représentation de l’inculpé et du paiement des frais.

Au demeurant, le cautionnement doit être proportionnel aux moyens pécuniaires de


l’inculpé. Son taux, tout en constituant une garantie, ne doit pas être exorbitant ou un moyen
détourné pour faire obstacle à la liberté de l’inculpé. En d’autres termes, le cautionnement ne
doit jamais être un outil de discrimination par l’argent 97. En clair, l’appréciation par le juge du
bien fondé et de son montant est cruciale pour l’inculpé, pour les victimes mais aussi pour
l’efficacité de la procédure en cours.

Cette mesure bien qu’utile à la préservation des libertés individuelles ne limite pas les
risques de fuite de l’inculpé. Pour pallier cette insuffisance, la mesure de contrôle judiciaire
est d’un apport considérable.

B- L'application effective du contrôle judiciaire

L’introduction du contrôle judiciaire dans la législation ivoirienne est le fruit de la


réforme opérée par la loi n°2018-975 du 27 décembre 2018 portant code de procédure pénale.
C’est une mesure restrictive de liberté qui astreint l’inculpé ou le prévenu à se soumettre à une
ou plusieurs obligations légalement définies, choisies en vue des nécessités de l’information
ou pour des raisons de sécurité.

96
Article 167 alinéa in fine du code de procédure pénale
97
Alexandre BOUQUET, le cautionnement pénal, entre tradition et modernité, thèse soutenue le 21 juin 2010.
61

A la différence de la détention préventive, elle ne consiste pas à l’enfermement de la


personne poursuivie dans un milieu carcéral. Elle vise, plutôt, à aménager la liberté d’aller et
venir de l’inculpé en y apportant quelques limitations et aménagements. Par ailleurs, c’est une
mesure qui demeure flexible, car les mesures restrictives de liberté qui découlent du contrôle
judiciaire peuvent faire l’objet d’un aménagement par le Juge d’instruction qui a le droit
d’accorder des autorisations spéciales, y compris pour permettre au suspect de se rendre hors
des limites territoriales imposées.

Le contrôle judiciaire est avantageux à plusieurs égards. Elle se révèle être moins
attentatoire à la présomption d’innocence en ce qu’elle ne pousse pas le juge et surtout
l’observateur extérieur à préjuger de la culpabilité de l’inculpé ou du prévenu. Cette mesure
permet simplement de garder la personne qui fait l’objet de la poursuite à proximité pour
mieux répondre aux interrogatoires à venir ou pour des raisons de sécurité. En outre, elle
permet de réduire au mieux les conséquences fâcheuses qui pourraient résulter de toute
décision hâtive et attentatoire à la liberté des individus.

Par ailleurs, c’est une mesure alternative à la détention qui permet de lutter contre la
surpopulation carcérale. Par ricochet, cette mesure permet à l’Etat de faire des économies sur
les budgets alloués à la construction d’établissement pénitentiaire ou à la prise en charge des
détenus.

Toutefois, le contrôle judiciaire pour produire un résultat optimal impose la mise en place
notamment de moyens techniques de surveillance et un meilleur adressage des rues en vue
d’une localisation rapide de l’assujetti contrevenant.

Lorsque l’assujetti ne se conforme pas aux restrictions imposées par la mesure prise à son
encontre, le Juge d’instruction peut recourir à la détention préventive. Face aux répercussions
de cette mesure sur le principe de la présomption d’innocence, il serait utile d’opter pour une
flexibilisation de la détention préventive.

Paragraphe 2 : L'amélioration des conditions de la détention préventive


62

Ceci passe par le fait de réserver un meilleur traitement aux détenus préventifs (A) et de
déterminer leur réel statut pour éviter les éventuel abus (B).

A- Un meilleur traitement des détenus préventifs

La détention préventive a pour essence d’assurer une certaine sûreté pendant la phase de
recherche de la vérité. La détention préventive n’a pas, contrairement à la peine, un but de
répression. Dès lors, la détention préventive devrait être exécutée dans des conditions plus
souples et différentes de celle de l’exécution de la peine d’emprisonnement stricto sensu.

Par ailleurs, la détention ne doit pas constituer un moyen indirect de pression en vue d’obtenir
des informations ou un aveu forcé de l’inculpé. Sinon, la détention préventive exécutée dans
des conditions strictes et non respectueuses des droits élémentaires des inculpés détenus
s’apparenterait à une punition.

En clair, la détention doit être humaine. En d’autres termes, la détention ne doit pas constituer
dans son déploiement une négation de la dignité humaine. Les droits élémentaires de
l’Homme doivent être assurés et respectés pendant la détention. Les droits à une nourriture
saine, à la santé doivent, également, être impérativement assurés.

En outre, l’inculpé en détention ne doit pas être totalement coupé de l’extérieur, ni faire
l’objet d’isolement. Un tel isolement faciliterait indirectement la rupture du lien avec les
proches et rapprocherait inéluctablement l’inculpé des condamnés en qui il reconnaitrait une
famille de substitution. À ce titre, son droit de visite doit être effectif.

Cependant, une limitation de ce droit ne saurait être justifiée qu’en cas de risque réel et non
hypothétique. Ainsi, notamment, l’existence de conditions objectifs et avérées de risque de
fuite, de collusion, ou d’introduction d’objet prohibé en détention pourrait justifier des
restrictions strictes en matière de contacts épistolaires ou téléphoniques avec la famille et les
proches.

Par ailleurs, l’inculpé devrait bénéficier d’une formation pendant la détention. Leur
participation aux ateliers de formation doit être assurée. Il est vrai que les inculpés détenus ne
sont pas astreints au travail pénal mais rien n’exclut qu’ils y soient admis lorsqu’ils en
expriment le besoin. Le cas échéant, le manque de place dans les ateliers de formation ne
63

devrait pas constituer un motif de refus pour l’inculpé demandeur ou une source de
discrimination positive en faveur des personnes en exécution de peines. La formation en
détention est un moyen de lutte contre l’oisiveté et des dépressions liées à l’incarcération.

Malheureusement, la pratique de la détention préventive en Afrique et spécifiquement en Côte


d’ivoire ne laisse pas bonne impression. Il n’est pas rare de rencontrer dans certains
établissements pénitentiaires, des inculpés détenus traités dans des conditions similaires à
celles des condamnés. Les inculpés sont relégués à la même enseigne que les condamnés. Ils
sont détenus dans des cellules qui reçoivent à la fois condamnés et prévenus. En général, ces
cellules sont peu aérées, exigües et surpeuplées.

Une telle situation est déplorable en ce sens que bénéficiant du principe de la présomption
d’innocence avant une éventuelle condamnation définitive, l’inculpé ne devrait subir de
punition. Toute punition ne saurait être justifiée que par une décision définitive établissant la
culpabilité de la personne en cause. De ce fait, en l’absence d’une déclaration de culpabilité,
la détention devrait être exécutée dans des conditions plus honorables et plus souples.

Au demeurant, les acteurs judiciaires ayant en charge le contrôle de l’exécution de la


détention doivent veiller à ce que les droits des inculpés ne soient pas abusés pendant la
détention et que les régimes de faveur qui leurs sont reconnus par les textes rencontrent une
effectivité réelle.

Mieux, il faudrait veiller à mettre un point d’honneur au respect et la mise en œuvre des
éléments de particularisation de la condition des inculpés détenus.

B- Une détermination du statut des détenus préventifs

Le législateur a, par le biais du décret n°69-189 du 14 mai 1969 portant règlementation des
établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de
liberté, fixé un régime propre au traitement des prévenus pendant le temps de la détention. À
ce titre, plusieurs dispositions opèrent une spécification de la condition du prévenu, en
général, tout en mettant en lumière le traitement qui devait être réservé à celui-ci pendant sa
détention.

Cette spécification ressort d’abord de la terminologie utilisée. En effet, une différenciation est,
d’emblée, établie au plan définitionnel entre le prévenu et le condamné.
64

Le prévenu est un détenu n’ayant pas fait l’objet d’une condamnation définitive, aussi bien les
inculpés, les prévenus et les accusés que les condamnés ayant formé appel, opposition ou
pourvoi98. Quant aux condamnés, il s’agit de toutes les personnes ayant fait l’objet d’une
décision définitive99.

De ces définitions, il s’induit que le critère essentiel est l’existence ou l’absence d’une
décision définitive. Est dite définitive, toute condamnation résultant d’une décision autre que
par contumace qui n’est pas ou n’est plus susceptible de la part du Ministère public ou du
condamné d’une voie de recours ordinaire ou extraordinaire100.

D’autre part, cette spécification procède de la condition de détention des prévenus. En effet,
les prévenus doivent être détenus dans les maisons d’arrêts tandis que les condamnés dans les
maisons de correction et les camps pénaux101. Lorsqu’un même établissement sert à la fois de
maison d’arrêt et de maison de correction, les prévenus doivent être séparés des condamnés102.

A la pratique, cette exigence de séparation entre les prévenus et les condamnées n’est pas
toujours respectée dans nos prisons. Il n’est pas rare de rencontrer dans les mêmes bâtiments
et cellules à la fois les prévenus et les condamnés. Une telle situation déplorable résulte en
grande partie de l’absence de bâtiments disponibles dans les prisons et l’épineux problème de
la surpopulation carcérale. Il est donc impérieux d’entreprendre plusieurs actions à l’effet
d’aboutir autant que possible à une réduction de la population carcérale. À ce titre, le Garde
des Sceaux, Ministre de la justice a pris, le 10 avril 2018, une note de service ayant pour but
de désengorger les établissements pénitentiaires103. L’on peut également évoquer l’exercice du
pouvoir de grâce reconnu au Président de la République104.

L’intérêt de la spécification réside dans le fait que le statut de prévenu, et spécifiquement


d’inculpé, peut être considéré comme un statut intermédiaire entre celui de l’innocence
véritable et celui de coupable. Dès lors, l’inculpé n’étant pas un coupable, sa situation doit
être différenciée de celle du condamné qui purge sa peine.

98
Article 2 du décret n°69-189 du 14 mai 1969 portant règlementation des établissements pénitentiaires et fixant
les modalités d’exécution des peines privatives de liberté
99
Idem
100
Article 21 du code pénal
101
Article 4 du décret n°69-189 du 14 mai 1969 portant règlementation des établissements pénitentiaires et fixant
les modalités d’exécution des peines privatives de liberté
102
Article 7,3° du décret n°69-189 du 14 mai 1969 portant règlementation des établissements pénitentiaires et
fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté
103
Note de service n°013/MJDH/CAB-1 du 10 avril 2018 relative à la réduction du taux de la détention
préventive.
104
Article 66 de la Constitution Ivoirienne
65

L’inculpé doit bénéficier de conditions de détention différentes de celles des condamnés. En


effet, l’assimilation à un régime identique, à la pratique, laisse planer un air de suspicion et
voire de culpabilité présumée. Or, en l’absence de condamnation, seul doit prévaloir le
principe de la présomption d’innocence. Ce principe impose que l’inculpé puisse bénéficier
du doute qui permet de rapprocher sa situation de celle de l’innocent.

Tout inculpé devrait, eu égard à ce principe, bénéficier d’un traitement proche de celui de
l’innocent. Ainsi, en dépit de l’existence de charges suffisantes, il doit bénéficier d’un
traitement dans le milieu carcéral qui lui permet, à juste titre, sous certaines conditions, de
jouir de sa liberté d’aller et de venir reconnue à tout innocent.

SECTION II : LE RESPECT DU STATUT D'INNOCENT

Le respect des droits du mis en cause, le respect de son statut d'innocent doit être imposé dans
la procédure de l'enquête.

Il est présumé innocent donc doivent être garanti efficacement son droit à la défense
(paragraphe 1) et il doit lui être accordé une meilleur prévention pour les atteintes à sa
réputation (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'amélioration du droit à la défense

Le présumé innocent doit pouvoir, valablement, faire valoir ses moyens de défense (A) et
jouir d'une assistance judiciaire obligatoire dans toutes les phases de la procédure (B).

A- Le droit de faire valoir ses moyens de défense

Le respect de la présomption d’innocence impose la recherche d’équilibre dans le cadre


du procès pénal. Cet équilibre s’exprime à travers de droit reconnu au prévenu de contester les
éléments mis à sa charge. Pour ce faire, celui-ci dispose du choix de sa stratégie.
66

Il ne peut être contraint à s’auto-accuser. À cet effet, il dispose du droit de ne pas


contribuer ni concourir à l’établissement de charge à son encontre. Ce droit trouve également
une expression dans l’interdiction de l’obligation de témoigner contre soi-même. Le résultat
direct et pratique de cette interdiction est la prohibition du témoignage du défendeur dans le
procès pénal mené contre lui. Le droit de refuser l’auto incrimination oblige l’accusation à
défendre son dossier contre un accusé sans recourir à des éléments de preuve obtenus sous la
pression ou avec la contrainte au mépris de la volonté de l’accusé.

En d’autres termes, ce principe impose le respect des principes de la loyauté et de la


légalité des preuves. L’établissement de la preuve en matière pénale, bien que guidé par le
principe de la liberté de preuve, n’admet pas que toute preuve soit produite. Ainsi, il est
interdit d’obtenir des preuves à l’aide de menace, de torture, de la ruse 105. Pour la même
raison, doivent être rejetés les preuves obtenues par l’emploi de procédés scientifiques
pouvant porter atteinte à la personne106.

En outre, dans l’intérêt de garantir les droits de la défense, l’article 423 du code de
procédure pénale dispose que : « la preuve par écrit ne peut résulter de la correspondance
échangée entre le prévenu et son conseil ».

Cependant, le droit de ne pas témoigner contre soi-même est limité dans le droit de garder
le silence. En respect au droit au silence, les autorités de poursuites ne doivent user ni de
contrainte physique ni de contrainte psychologique sur l’accusé en vue d’obtenir des aveux ou
la culpabilité. Dans certaines circonstances, il est admis de contraindre légalement l’accusé à
répondre aux questions à lui posées. Mais cela ne peut se faire en l’absence de garantie
permettant de préserver le droit au silence.

Corrélativement au droit à la proscription de l’auto-accusation, il est reconnu au prévenu


le droit de faire la preuve de son innocence. L’établissement de la preuve permettra au juge de
se déterminer quant à la culpabilité ou à l’innocence de la personne poursuivie. À cet effet, le
Professeur TERRE rappelle que : « le mécanisme du procès appelle nécessairement celui de
la preuve et le juge ne peut statuer sans avoir analysé, même sommairement, les éléments de
preuves qui lui sont présentés »107.

105
Ch. réunies, 31 janvier 1988, S. 1989.1.241.
106
Kouamé KOUADIO, procédure pénale, p.23
107
François TERRE, Introduction générale au droit, Paris, Dalloz, 7ème éd., 2006, n° 560, p. 460
67

Le prévenu doit être placé en condition d’apporter la preuve contraire. Il doit avoir la
possibilité de contester les éléments produits par l’accusation. Autrement dit, il doit être mis
en mesure d’apporter la preuve spécifique contre les arguments précis avancés par
l’accusation, et en général, tout élément de preuve de nature à établir son innocence.

Pour s’assurer du respect du droit à la parole du prévenu ou de l’accusé, la Cour Suprême


de Côte d’Ivoire censure les décisions rendues au mépris des dispositions de l’article 506 du
code de procédure pénale108.

La faiblesse naturelle du prévenu ou de l’accusé à établir son innocence face aux charges
portées par l’action du Ministère Publique, impose une recherche d’équilibre entre les parties
au procès. Pour y aboutir, il y a lieu de voler au secours du prévenu ou de l’accusé en situation
d’impuissance.

B- L'assistance obligatoire dans toutes les phases de la procédure

La nécessité d’une justice juste procède de l’égalité entre les parties qui s’affrontent
devant l’instance chargée de dire le droit, à travers la décision qui sera rendue. Cette quête
d’équilibre entraine, au profit du prévenu défavorisé par le fait d’être attrait devant une
juridiction, le droit d’être assisté par un conseil tout le temps de la procédure.

Dans la pratique, le droit à l’assistance du prévenu s’exprime à travers la présence de


l’avocat à côté de la personne poursuivie en vue de l’aider à construire sa défense et de relever
les insuffisances de la procédure. La présence d’un avocat est essentielle en ce sens que face
au Procureur de la République, professionnel du droit, l’accusé, généralement, profane de la
matière judiciaire, est sans moyens véritables de défense. La présence d’un avocat permettra
alors de veiller à l’équilibre entre les parties au procès. En d’autres termes, cela constitue le
gage109 d’une symétrie entre le système édifié par l’accusation et celui de la défense.

108
CSCJ, 28 mars 1996, dans cette décision la juridiction suprême a jugé que viole l’article 506 alinéa 3 de
l’ancien code de procédure pénale, un arrêt de la cour d’appel qui confirme la condamnation des prévenus au
remboursement des sommes détournées alors qu’il résulte du dossier que la parole n’a été donné ni au prévenu,
ni à son conseil au cours des débats à l’audience. Par conséquent l’arrêt attaqué encourt cassation.
109
Claude LOMBOIS, « présomption d’innocence », in Pouvoirs 55, 1990, p. 89.
68

L’exigence de l’égalité des parties doit être assurée par les membres de la formation de
jugement. Ceux-ci doivent offrir à chaque partie la possibilité de contester tous les arguments
et de discuter toute pièce ou observation présentée par l’autre partie. Le respect de l’égalité
entre les parties est une garantie essentielle pour le défendeur. Elle assure une réalité au
principe de la contradiction.

L’existence d’entraves au droit à l’assistance d’un avocat constitue une violation des
droits de la défense. Ainsi, pour rendre effectif le droit à l’assistance d’un avocat, les accusés
démunis ont droit à solliciter l’assistance judiciaire.

L’assistance judiciaire, en dehors du cas où elle est de droit, est un moyen permettant à
ceux qui n'ont pas de ressources suffisantes d'exercer leurs droits en justice à travers
notamment l’assistance d’un avocat, sans aucun frais.

L’assistance judiciaire est accordée sur demande du prévenu indigent ou à la requête du


Ministère Public.

À ce titre l’article 35 du décret n°2016-781 du 12 octobre 2016 fixant les modalités


d’application de la loi n°72-833 du 21 décembre 1972 portant code de procédure civile,
commerciale et administrative relativement à l’assistance judiciaire dispose que : « les
présidents des juridictions correctionnelles désignent un défenseur d’office aux prévenus
poursuivis à la requête du ministère public ou détenus préventivement lorsqu’ils en feront
leur demande et que leur indigence sera constatée ».

En cas de refus, le demandeur peut exercer un recours devant le bureau central de


l’assistance judiciaire110.

Dans la pratique, le recours à l’assistance judiciaire s’avère ineffective. En effet, les


avocats désignés à l’issue de la procédure ne remplissent pas la mission à leur assignée.
Arguant de l’absence de moyens financiers et de l’ampleur de leurs charges, les avocats
répugnent à apporter gratuitement leur aide.

Pour remédier à cette insuffisance, il serait nécessaire de mettre en place un système de


subvention à l’assistance judiciaire. Par ailleurs, la création d’un fonds national de l’assistance

110
Article 8 du décret relatif à l’assistance judiciaire
69

judiciaire permettrait d’atténuer les difficultés financières rencontrées dans la mise en œuvre
de l’assistance judiciaire.

Paragraphe 2 : Une meilleure prévention des atteintes à la réputation du prévenu

Pour la préservation de la réputation de la personne suspectée, nous suggérons, un


encadrement efficace de l'information (A) et un durcissement de la peine encourue pour les
atteintes à la réputation de l'individu (B).

A- L'encadrement efficace de l'information

La responsabilisation des médias dans le traitement d’une information conforme à la


lettre et à l’esprit des dispositions légales passe par la création d’organismes chargés de veiller
à la déontologie de cette profession111. À ce titre, ont été respectivement créés en Côte d’ivoire
deux organes de régulation de la presse. Il s’agit respectivement du Conseil National de la
Presse (CNP) désormais appelé Autorité Nationale de la Presse (ANP) 112 et la Haute Autorité
de la Communication Audiovisuelle (HACA)113.

La Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle est l’autorité administrative


chargée de la régulation de la communication audiovisuelle. Elle a pour mission, entre autres,
de veiller au respect des principes du libre exercice de la communication audiovisuelle, de
garantir et d’assurer la liberté et la protection de la communication audiovisuelle dans le
respect de la loi, de veiller au respect de l’éthique et de la déontologie en matière
d’information.

111
Olivier TRILLES, Essai sur le devenir de l’instruction préparatoire : analyse et perspective, thèse, Toulouse 1,
17 juin 2007, p.332 ;
112
L’Autorité Nationale de la Presse a été créé par la loi n°2017-867 du 27 décembre 2017 portant régime
juridique de la presse.
113
La Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle est née des cendres du Conseil National de la
Communication Audiovisuelle crée par la loi n°2004-644 du 14 décembre 2004 portant régime juridique telle
que modifiée par l’ordonnance n°2011-474 du 21 décembre 2004. Par ordonnance n°2011-075 du 30 avril 2011,
le Conseil National de la Communication Audiovisuelle (CNCA) a été érigé en Haute Autorité de la
Communication Audiovisuelle (HACA)
70

Quant à l’Autorité Nationale de la Presse, elle est chargée de veiller au respect par les
entreprises de presse et les journalistes des obligations prévues par la loi n° 2017-867 du 27
décembre 2017 portant régime juridique de la presse. À ce titre, elle dispose d’un pouvoir
disciplinaire qu’elle exerce tant au sein de la profession des journalistes que sur les
professionnels de la presse. L’Autorité Nationale de la Presse veille au respect des règles
relatives à la création, à la propriété, aux ressources et à la déontologie de l’entreprise de
presse ainsi qu’au pluralisme de la presse.

En dépit de l’existence de ses organes de contrôle, des écarts de conduite préjudiciables


au principe de la présomption d’innocence ont malheureusement cours dans le milieu des
médias ivoiriens. Dès lors, il y’a lieu d’accroitre les actions en faveur d’une prise de
conscience généralisée des acteurs de la presse et d’une orientation objective de l’information.

Parler d’orientation pourrait laisser croire à l’imposition d’une ligne directrice à la presse.
Loin s’en faut, il s’agit tout simplement d’insuffler aux médias les clés d’un exercice
conscient et objectif de leurs missions.

Ainsi, antérieurement à toute décision sur la condamnation, les médias doivent faire preuve de
circonspection dans leur publication. En effet, avant l’intervention de toute décision
définitive, la procédure est affectée de l’incertitude de l’issue du procès. Pour preuve, la
terminologie juridique utilisée pour désigner la personne poursuivie ne s’accommode pas de
la fixité mais plutôt de la phase de la procédure ou de l’état de la procédure. Cet état étant
appelé à varier au gré de la procédure.

La précarité des stades de la procédure doit être considérée par les médias dans leurs
déclarations. Ceux-ci doivent avoir à l’esprit que l’information divulguée se trouve affectée
par les variations subséquentes que peuvent connaitre la procédure judiciaire. Dès lors, l’idée
de relativité doit transparaitre dans les publications de sorte à ne pas nuire injustement aux
personnes en cause. Ce faisant, l’usage du conditionnel dans les publications notamment en
l’absence de certitude constituerait une meilleure restitution de la situation.

En outre, il serait opportun de maintenir le secret lorsque la divulgation de toute information


serait de nature à préjudicier soit la procédure, soit à jeter le discrédit sur la personne faisant
l’objet de la poursuite. En effet, maintenir le secret est porteur de nombreux intérêts. Il est
protecteur des investigations. Il permet d’assurer aussi bien les droits de l’innocent que ceux
du criminel en maintenant et en sauvegardant les éléments découverts.
71

Par ailleurs, il constitue un garde-fou pour l’ordre public dans son ensemble en permettant
d’éviter les dérives comme subjectivité ou vedettariat . Il permet, dans le cadre d’affaires
particulièrement sensibles, d’actes d’atrocités heurtant la morale humaine, de préserver les
proches de la victime du trouble, de l’inquiétude, voire du sentiment d’insécurité.

En clair, les médias doivent, dans le respect de la présomption d’innocence, veiller à préserver
l’objectivité et la sincérité qui doit commander leurs actions, quitte à répondre de leurs
dérives.

A- Une accentuation de la répression des atteintes à la réputation

La présomption d’innocence est un principe fondamental qui est insuffisamment réprimé.


En Côte d’Ivoire, la sanction est issue de la loi n° 2017-867 portant régime juridique de la
presse. Ce texte sanctionne indirectement les atteintes à la présomption d’innocence lorsque
lesdits manquements constituent un délit de presse.

La sanction des délits de presse a connu une évolution avec la réforme antérieure
intervenue en 2004. Cette réforme a eu pour effet majeur de supprimer, en général, les
mesures de privation de liberté114, en matière de délit de presse, à l’exception de certaines
infractions spécifiques.

Désormais, il n’existe plus de garde à vue, de détention préventive et d’emprisonnement


pour les infractions commises par voie de presse ou par tout autre moyen de publication sous
réserve des disposition de l’article 90 qui sanctionnent d’un emprisonnement d’un à cinq ans
et d’une amende de 300.000 FCFA à 3.000.000 FCFA, quiconque par voie de presse ou par
tout autre moyen de publication incite au vol et au pillage, au meurtre, à l’incendie et à la
destruction par quelque moyen que ce soit , de biens publics et privés (…), incite à la
xénophobie , à la haine tribale, à la haine religieuse, à la haine raciale sous toutes ses formes
etc.

À ce jour, la sanction essentielle des délits de presse s’exprime à travers le droit de


réponse reconnu à la victime de la publication attentatoire à la présomption d’innocence et les
condamnations pécuniaires.

114
Article 68 alinéa 1er :« La peine d’emprisonnement est exclue pour les délits de presse (…) »
72

Le droit de réponse aussi appelé droit de rectification est la procédure qui permet à un
individu mis en cause de faire connaitre ses explications ou ses protestations dans les mêmes
circonstances et dans les conditions identiques à celles qui ont provoqué sa désignation par la
publication.

Le droit de réponse est traditionnellement envisagé comme un droit de la personnalité. Il


a pour philosophie essentielle d’établir l’équilibre rompu par la désignation. En d’autres
termes, ce droit vise à permettre à celui qui entre fortuitement dans un espace
communicationnel de pouvoir s’exprimer et de devenir à son tour acteur de cet espace
médiatique. Le droit de réponse est donc un parchemin voire un « droit d’entrée » dans un
espace communicationnel déterminé et circonscrit par l’origine de la désignation. Parfois
susceptible d’abus, le droit de réponse est considéré par certains observateurs comme « une
expropriation partielle d’utilité publique »115

Le droit de réponse est prévu par l’article 55 de la loi sur la presse. Aux termes de cette
disposition : « Toute personne mise en cause dans un journal ou écrit périodique peut exiger
l’insertion d’une réponse, si elle estime que la citation qui la concerne est erronée,
diffamatoire ou qu’elle porte atteinte à son honneur, à sa réputation, à sa dignité ».

Ce droit peut être exercé par toute personne physique ou morale mise en cause dans un
journal ou écrit périodique. La délimitation de l’espace de diffusion (journal ou écrit
périodique) pourrait laisser croire à une exclusion du droit de réponse en matière de
communication audiovisuelle. Une telle faille fait encourir d’énormes risques à la protection
du principe de la présomption d’innocence. Dès lors, il y’a lieu, à l’ère actuelle de grande
poussée des techniques de l’information et de la communication, de pallier rapidement cette
insuffisance.

Le droit à mettre en œuvre la procédure est constituée dès que la personne mise en cause
est identifiable dans la désignation. Cette identification doit procéder d’éléments clairs et
précis. L’établissement d’une faute ou d’un préjudice n’est pas nécessaire. Dès lors, aussi bien
un propos élogieux que diffamatoire pourrait donner lieu à un droit de réponse. Cela se
justifie, à la réalité, par le fait que le droit de réponse n’est pas une sanction animée d’un

115
Patrick AUVRET, « Droit de réponse dans la presse périodique écrite » Juris Classeur Communication 3.
fasc. 3110 ; de même, « Le droit de réponse consacre une expropriation pour cause d’utilité privée du
propriétaire d’un journal des colonnes de son propre journal » Lyon, 13 nov. 1950 D. 1951 .191
73

esprit de vengeance. Il s’agit, uniquement, d’un moyen de protection des droits de la personne
désignée.

En ce qui concerne les peines pécuniaires sanctionnant les délits de presse, celles-ci
varient selon la spécificité de l’infraction commise.

Ainsi, la publication de fausses informations est punie d’une amende de 5.000.000 de


francs à 10.000.000 de francs116. La diffamation commise envers les particuliers est punie
d’une amende de 5.000.000 de francs à 15.000.000 de francs 117. L’injure commise envers les
particuliers est punie d’une amende de 5.000.000 de francs à 15.000.000 de francs118.

La prescription de l’action publique et de l’action civile en matière de presse obéit à un


régime identique. Ces deux actions pourront être exercées dans un délai d’un (1) an à compter
du jour de la commission de l’infraction119.

Les sanctions prévues par la loi portant régime juridique la presse sont importantes.
Cependant, elles ne parviennent pas dans leur ensemble à dissuader les auteurs des atteintes
contre la présomption d’innocence. Face à cela, il serait judicieux de rétablir la peine
d’emprisonnement au titre des sanctions applicables en la matière.

CONCLUSION DU CHAPITRE II

Nous espérons fortement une procédure d'enquête assez soucieuse des droits de l'homme et de
l'application des principes qui en sont les garants. Aussi, une société qui a une connaissance
accrue non seulement des prérogatives dont on pourrait jouir lorsqu'on fait l'objet d'une
procédure pénale. Ainsi que le respect des prérogatives dont jouissent les mis en cause. Ceci
pour une société et un système judiciaire juste.

116
Article 82 de la loi sur la presse
117
Article 81 alinéa 2
118
Article 83 alinéa 2
119
Article 87
74

Des initiatives ont d'emblées été prise dans le même but, celui de la protection du principe de
la présomption d'innocence. Nous espérons apporter un plus pour la prédominance de ce
principe dans toutes les phases de l'enquête de flagrance.
75

CONCLUSION GENERALE

Garant de multiples protections, la présomption d'innocence est un principe incontesté


de la procédure pénale. Il est le maitre protecteur des intérêts de la personne poursuivie. Il a
pour objet de veiller scrupuleusement au bien-être et au respect des droits du mis en cause, en
tant qu'une personne considéré comme "innocente", et ce à tout point de la procédure pénale.
Son statut de principe fondamental de la procédure soumet, toute personne, à un respect total
et une application sans équivocité. Malgré sa suprématie dans la procédure pénale ivoirienne,
face à l'enquête de flagrance, il se révèle boiteux et malade !

Son infirmité dans cette procédure d'enquête lui vient du défaut de mise en œuvre effective
découlant d'un besoin criant d'obtention de justice rapide et efficace. L'enquête de flagrance
est une enquête spéciale qui requiert une grande célérité pour le but qu'elle vise. La difficulté
première réside dans l'appréhension que chaque individu en tant qu'être pensant, se fait de ces
deux notions. Accepter de traiter ou considérer comme innocente alors que tout nous pousse à
croire le contraire. C'est une source du mal être de ce principe cardinal. Pour arriver à cette
conclusion, nous avons cherché à connaitre et comprendre l'essence de ces notions à travers
les caractères, leur nature et leurs objectifs.

D'autre part, dans le dérouler de l'enquête de flagrance, certains actes empiètent sur la droit à
la présomption d'innocence. Tels que la détention préventive qui piétine le droit à la liberté
individuelle. D'autant plus que, dans certaines situations, elle devient abusive donc illégale
ayant pour cause la lenteur des procédures. Le fait que la loi permette à toute personne de
procéder à l'arrestation du présumé innocent. C'est compromettre la sécurité de sa personne.

Dans ces cas, il arrive que pour les besoins de l'enquête, la loi ordonne que soit
volontairement emboitée, la présomption d'innocence mais dans des conditions bien précises.
Cependant, les détenant de cette autorisation, qui sont les garants même de l'application de ce
principe sont eux même à la base des plus grands abus, dont peut être victime, le mis en
cause.

Le législateur à essayer et continue, tant bien que mal à remédier à cela, en dépit des
contingences sociales et des difficultés que présente cette enquête. Il instaure des délais, des
sanctions, des conditions d'exécutions de certains actes, des palliatifs etc… Tout ceci pour
éviter qu'un principe aussi protecteur des droits de l'homme ne disparaisse à jamais des
76

contraintes de l'enquête de flagrance. Ce désir de sauvegarder ce principe, par les réformes


entreprises par les législateurs est à encourager. Toutefois, cette initiative se manifeste
timidement et conduit à une exécution lente.

De cette analyse, nous voulons retenir que malgré la complexité de l'enquête de flagrance, elle
ne rejette pas systématiquement le principe de la présomption d'innocence. Mais dans
l'optique de sa dynamisation elle tend à le heurter par moment, sans l'exclure totalement. Elle
l'admet mais sous quelques réserves.

Cependant, pour la dynamisation de ce principe cardinal, nous suggérons un contrôle continu


des actes de l'enquête de flagrance. Ceci dans le but de préserver les droits importants que
contient la présomption d'innocence. Il faille que soit préservés, les libertés individuelles et la
dignité du mis en cause.

Ce principe mérite le respect dans l'enquête de flagrance. Ceci passe par une formation
continue destinée à tous les membres du corps judiciaire ainsi que du grand public sur
l'importance du principe de la présomption d'innocence ainsi que l'incitation à l'appliquer.

Aussi et surtout, que soit prises des reformes pour préserver essentiellement la dignité
humaine du mis en cause de sorte que les dérogations qui pourront être admises en matière de
flagrance soit dans pour une absolue nécessité.

Vous aimerez peut-être aussi