Trouble Schizophrenique
Trouble Schizophrenique
troubles psychotiques
item 63
Troubles schizophréniques
de l’adolescent et de l’adulte
Objectifs pédagogiques
* Diagnostiquer un trouble schizophrénique.
* Argumenter l’attitude thérapeutique.
Prévalence,
B Prévalence, morbi-mortalité
Épidémiologie
Prévalence,
B Facteurs de risque, pronostic et évolution
Épidémiologie
Éléments
B Savoir que l’étiologie est multifactorielle
physiopathologiques
Points clés
* La prévalence de la schizophrénie est estimée entre 0,6 et 1 %.
* La maladie débute classiquement chez le grand adolescent ou l’adulte jeune entre 15 et 25 ans.
* Le mode de début peut être aigu ou insidieux.
* Le diagnostic de schizophrénie est clinique.
* La schizophrénie se caractérise par trois grands syndromes : le syndrome positif (idées délirantes et hallucinations), le syndrome
de désorganisation (cognitif, affectif et comportemental) et le syndrome négatif (cognitif, affectif et comportemental), auxquels
s’ajoutent des altérations cognitives (attention, mémoire, fonctions exécutives, etc.).
* Les idées délirantes se caractérisent par leurs thème, mécanisme, systématisation, adhésion, et retentissement émotionnel et
comportemental.
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* L’évolution de la schizophrénie est chronique. L’espérance de vie est diminuée, principalement en raison des comorbidités
(notamment les maladies cardiovasculaires) et des suicides.
* La prise en charge repose sur un traitement pharmacologique antipsychotique, le traitement des comorbidités et la réhabili-
tation psycho-sociale (éducation thérapeutique, thérapie cognitivo-comportementale, remédiation cognitive et réadaptation
psychosociale).
1. Introduction
La schizophrénie est un trouble psychiatrique fréquent, actuellement classé parmi les dix maladies les plus
invalidantes par l’OMS. Elle fait partie des troubles psychotiques chroniques qui se caractérisent par une
altération du contact avec la réalité.
2. Contexte épidémiologique
La prévalence de la schizophrénie est d’environ 0,6-1 %. Son incidence est estimée à 15 nouveaux cas pour
100 000 personnes et par an. La fréquence de la schizophrénie a longtemps été considérée comme inva-
riable selon les lieux et les populations mais elle dépend en fait de l’exposition à certains facteurs envi-
ronnementaux comme la consommation de cannabis, la migration ou encore le fait de naître et grandir en
milieu urbain.
La maladie débute généralement à la fin de l’adolescence ou chez l’adulte jeune entre 15 et 25 ans. 15 à 20 %
des premiers épisodes ont lieu avant 18 ans. Des formes précoces (rares avant l’âge de 13 ans) ou tardives
Troubles schizophréniques de l’adolescent et de l’adulte 63
(après 35 ans) existent. L’âge de début est généralement plus tardif chez la femme par rapport à l’homme.
L’émergence des symptômes schizophréniques est généralement précédée par des altérations cognitives,
et des symptômes prodromiques non spécifiques peuvent être présents 2 à 5 ans avant l’émergence du
trouble. Le sex-ratio est assez équilibré, même s’il existe une légère prédominance chez les hommes (x 1,4).
3. Sémiologie psychiatrique
3.1. Syndrome positif
3.1.1. Idées délirantes
Les idées délirantes correspondent à des altérations du contenu de la pensée entraînant une perte du
contact avec la réalité. Elles font l’objet d’une conviction généralement inébranlable, inaccessible au
raisonnement ou à la contestation par les faits. Il s’agit d’une « évidence interne », pouvant être plausible
ou invraisemblable, mais qui n’est généralement pas partagée par le groupe socio-culturel du sujet. Dans
la schizophrénie, la prévalence des idées délirantes est estimée à plus de 90 %.
3.1.1.1. Thèmes
Le thème de l’idée délirante correspond au sujet principal sur lequel porte cette idée. Les thématiques
peuvent varier largement, être uniques ou multiples, s’associer entre elles de façon plus ou moins logique.
Dans la schizophrénie, les thèmes sont multiples et hétérogènes (voir les exemples dans le Tableau 1) :
de persécution, mégalomaniaque, mystique, de filiation (le sujet étant persuadé d’avoir d’illustres ascen-
dants), somatique, érotomaniaque (cf. Item 65), d’influence, de référence, etc.
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3.1.1.2. Mécanismes
Le mécanisme de l’idée délirante correspond au processus par lequel l’idée délirante s’établit et se
construit. Il existe 4 types de mécanisme à l’origine des idées délirantes : les mécanismes interprétatif,
hallucinatoire, intuitif et imaginatif (cf. Tableau 2).
3.1.1.3. Systématisation
Le degré de systématisation évalue l’organisation et la cohérence des idées délirantes. Elles sont consi-
dérées comme peu systématisées lorsque leur organisation est floue, vague et peu cohérente. Dans la
schizophrénie, on retrouve dans la majorité des cas des idées délirantes non systématisées, floues, sans
logique, incohérentes, contrairement au trouble délirant persistant de type persécution au cours duquel
les idées délirantes sont généralement systématisées et la cohérence donne une certaine logique à la
production délirante.
3.1.1.4. Adhésion
L’adhésion aux idées délirantes, qui correspond au degré de conviction attaché à ces idées, est variable et
évolutive. Lorsque la conviction est inébranlable, inaccessible au raisonnement et aux critiques, l’adhésion
est dite « totale ». Lorsque l’adhésion est partielle, le patient est en mesure de critiquer ses idées délirantes.
3.1.2. Hallucinations
L’hallucination est définie comme une perception sans objet. Dans la schizophrénie, 75 % des patients
présentent des hallucinations à un moment de l’histoire de la maladie, le plus souvent en phase aiguë.
3.1.2.1. Psychosensorielles
Il s’agit d’hallucinations relevant de manifestations sensorielles. Dans la schizophrénie, tous les sens
peuvent être touchés.
Les hallucinations les plus fréquentes sont les hallucinations auditives présentes chez environ 50 % des
patients. Il peut s’agir de sons simples (sonnerie, mélodie), mais le plus souvent il s’agit de voix nettement
localisées dans l’espace, on parle alors d’hallucinations acoustico-verbales. Elles peuvent converser entre
elles et s’adresser au sujet à la troisième personne. Il s’agit en général de phrases courtes avec une conno-
tation négative. Des attitudes d’écoute, la mise en place de moyens de protection (écouter de la musique,
se concentrer sur une tâche, se boucher les oreilles, des réponses brèves ou en aparté, un soliloque [fait de
parler tout seul], une distractibilité pendant l’entretien) sont évocateurs d’hallucinations auditives dont le
sujet ne parle pas toujours spontanément.
Les hallucinations visuelles touchent quant à elles 30 % des patients souffrant de schizophrénie. Elles
peuvent être élémentaires (lumières, taches colorées, phosphènes, ombres, flammes, flashs, parfois
formes géométriques), ou plus complexes (objets, figures, scènes, etc.) sous forme de scènes visuelles
comme une âme sortant d’un corps, d’un phœnix volant dans le ciel, ou de façon plus angoissante, des
démons et des morts sortant du sol.
04 Troubles psychiatriques à tous les âges
Les hallucinations tactiles (sens du toucher superficiel) sont présentes chez environ 5 % des patients souf-
frant de schizophrénie. Les patients peuvent sentir des coups de vent sur le visage, des sensations de
brûlures, de piqûres, le corps d’un individu à côté d’eux, ou croient toucher des objets, des animaux, etc.
Ces hallucinations peuvent être rapportées à des contacts manuels, des phénomènes d’électrisation ou la
sensation d’être couvert de parasites. Les sujets « touchent » parfois leurs hallucinations pour tenter de les
éliminer (se libérer de liens, écraser les parasites, etc.).
Les hallucinations touchant les autres sens sont moins fréquentes. Parmi elles, on retrouve les halluci-
nations gustatives (p. ex. : modification du goût des aliments), les hallucinations olfactives qui portent
le plus souvent sur des mauvaises odeurs provenant du patient lui-même, ou les hallucinations cénes-
thésiques, qui intéressent la sensibilité interne. Il peut s’agir d’impressions de transformation du corps
dans son ensemble (évidement, éclatement, possession animale ou diabolique, transformation corporelle,
sensations d’être traversé de part et d’autre par un voile ou parfois par une balle, etc.) ou d’impressions
localisées à une partie du corps, éventuellement la sphère sexuelle.
3.1.2.2. Intrapsychiques
Les hallucinations intrapsychiques correspondent à un phénomène psychique, vécu dans la propre pensée
du patient sans manifestation sensorielle. Ces hallucinations ne présentent pas de caractère de sensoria-
lité ni de spatialité ; elles sont perçues comme des phénomènes intrapsychiques étrangers au sujet. La
pensée prend alors une forme hallucinatoire avec des voix intérieures, des murmures intrapsychiques. Le
sujet souffrant de ce type d’hallucinations peut entendre ses pensées comme si elles venaient d’autrui et a
l’impression de vol, de divulgation, de devinement de la pensée, de transmission de la pensée, de pensées
imposées, etc. Dans le phénomène d’écho de la pensée, le sujet entend ses propres pensées répétées à voix
haute, comme renvoyées par un écho. Ces phénomènes traduisent une « perte de l’intimité psychique ».
Dans le syndrome négatif de la schizophrénie, l’aboulie et l’apragmatisme peuvent entraîner une vie rela-
tionnelle pauvre, sans recherche de contact, ainsi qu’une perte de l’intérêt social ou retrait social.
3.3.1. Cognitif
3.3.2. Affectif
On retrouve ici essentiellement le phénomène d’ambivalence affective ou discordance idéo-
affective qui s’exprime par la coexistence de sentiments et d’émotions contradictoires. L’ambivalence se
manifeste aussi par l’expression d’affects inadaptés aux situations, par des sourires discordants et des
rires immotivés témoignant de l’incohérence entre le discours et les émotions exprimées.
3.3.3. Comportemental
La désorganisation comportementale est le reflet de l’absence de relation entre les différentes parties du
corps, entre les pensées et le comportement.
04 Troubles psychiatriques à tous les âges
On retrouve :
* un maniérisme gestuel : mauvaise coordination des mouvements ;
* des parakinésies : décharges motrices imprévisibles, paramimies (mimiques qui déforment l’expres-
sion du visage).
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4. La schizophrénie
4.1. Diagnostic positif
Des troubles du comportement peuvent aussi être au premier plan : gestes auto ou hétéro agressifs impul-
sifs et bizarres, sans explications, fugues, etc.
Il est intéressant de noter que même dans ces formes dites à début aigu, on peut souvent retrouver des
symptômes prodromiques non spécifiques dans les 2 à 4 ans avant le premier épisode et des symptômes
psychotiques atténués (c’est-à-dire présents à bas bruit ou de façon très transitoire), généralement dans
l’année précédant le premier épisode. Des altérations cognitives entraînant une plainte subjective (diffi-
culté de concentration) ou des difficultés de fonctionnement (rupture scolaire) peuvent être présentes de
façon très précoce.
Début insidieux
Dans la moitié des cas, le début de la maladie est marqué par des manifestations parfois très discrètes,
ayant pu évoluer sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Dans ce cas, le diagnostic est souvent porté
tardivement, retardant considérablement l’accès aux soins.
On retrouve ici un retrait social progressif au premier plan : désintérêt et désinvestissement des activi-
tés habituelles (sports, loisirs, cercle d’amis), fléchissement de l’activité scolaire ou professionnelle. En
revanche l’intérêt du sujet peut se porter de façon exclusive vers le mysticisme ou l’ésotérisme.
5. Le pronostic et l’évolution
5.1. Évolution
L’évolution de la schizophrénie est variable mais généralement chronique, marquée par des épisodes aigus
plus ou moins espacés, avec des intervalles inter-épisodes plus ou moins symptomatiques. Le déficit est
variable, et se stabilise généralement après 2 à 5 ans d’évolution. Le premier épisode ou les rechutes sont
favorisés par les facteurs de stress (consommation de substance psychoactive, rupture, deuil, etc.).
04 Troubles psychiatriques à tous les âges
La schizophrénie est associée à une diminution de l’espérance de vie. En effet, la mortalité des personnes
souffrant de schizophrénie est 2 à 3 fois plus élevée que celle de l’ensemble de la population, en raison prin-
cipalement de comorbidités parmi lesquelles les maladies cardiovasculaires figurent en tête (cf. Item 60). La
prise en charge globale de la santé des patients souffrant de schizophrénie dont l’accès aux soins est géné-
ralement limité doit donc être multidisciplinaire (médecin généraliste, psychiatre, endocrinologue, etc.).
Le suicide est également un des facteurs expliquant la mortalité plus importante de cette population
puisque 5 % des patients souffrant de schizophrénie décèdent par suicide.
Cependant, grâce aux progrès réalisés au niveau pharmacologique et psychothérapeutique, il est possible
dans 20 à 25 % des cas d’obtenir une rémission complète voire une guérison de la schizophrénie et dans
une majorité des cas, de conserver une qualité de vie globalement satisfaisante même si 50 à 75 % des
patients ne retrouvent pas leur niveau de fonctionnement antérieur.
Les facteurs de bon pronostic sont :
* sexe féminin ;
* environnement favorable ;
* bon fonctionnement pré-morbide ;
* début tardif ;
* bonne conscience du trouble ;
* prise en charge précoce et traitement antipsychotique bien suivi.
5.2. Comorbidités
5.2.1. Comorbidités psychiatriques
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Des troubles de l’humeur peuvent être présents au décours ou à distance d’un épisode psychotique dans
20 à 75 % des cas. On parle dans ce cas d’épisode dépressif caractérisé post-psychotique dont l’impact sur
l’évolution de la maladie (rechutes, mauvaise observance) est important.
Le traitement antipsychotique choisi doit être approprié à la phase aiguë et au long terme. Il est prescrit à
la posologie la plus efficace (en débutant à une faible posologie et en augmentant doucement « start low,
go slow », surtout dans le premier épisode psychotique) et il est recommandé, une fois la stabilisation
obtenue, de diminuer la posologie jusqu’à obtention de la dose minimale efficace.
En cas d’inefficacité, un autre traitement antipsychotique peut être proposé en deuxième intention. Lorsque
la symptomatologie a résisté à deux antipsychotiques de deuxième génération à posologie efficace pendant
une durée suffisante, la clozapine (Leponex®) doit être envisagée (cf. Item 74). Comme pour toute patholo-
gie chronique, il convient de privilégier la molécule associée au meilleur rapport bénéfice/risque.
Dans les situations où l’observance est difficile ou si le patient préfère cette forme, certains antipsycho-
tiques d’action prolongée ou « retard » existent sous forme intra-musculaire permettant selon les molé-
cules une injection tous les 15 jours, 3 semaines, 4 semaines ou 3 mois [p. ex. : risperidone (Risperdal
Consta®, Xeplion®, Trevicta®), olanzapine (Zypadhera®), aripiprazole (Maintena®)] (cf. Item 74).
Au terme de l’épisode aigu, l’objectif thérapeutique principal est de consolider l’alliance thérapeutique et
d’assurer une transition vers la phase d’entretien avec une posologie qui permet un contrôle optimal des
symptômes et un risque minimal d’effets indésirables.
Les patients et les familles doivent être informés des effets thérapeutiques et des effets indésirables poten-
tiels du traitement antipsychotique et conseillés sur la façon dont ils peuvent être évités ou atténués, par
des programmes d’éducation thérapeutique.
L’ouverture des droits de prise en charge à 100 % permet de faciliter l’accès aux soins. Les projets de réin-
sertion sociale et de réadaptation doivent être évoqués dès que le contrôle des symptômes le permet.
Après un épisode unique, il est recommandé de poursuivre le traitement au moins 2 ans après la rémission
totale des symptômes de l’épisode aigu.
Après un second épisode ou une rechute, le traitement doit être poursuivi au moins 5 ans.
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Les recommandations préconisent un suivi de l’efficacité et de la tolérance du traitement antipsychotique,
l’inobservance étant la première cause d’inefficacité du traitement (cf. Item 74).
Des complications rares mais potentiellement mortelles des antipsychotiques doivent impérativement être
connues : le syndrome malin des neuroleptiques et les troubles du rythme cardiaque (cf. Item 74).
Pour approfondir
Vidéo « Aspects sémiologiques des syndromes positif, négatif et de désorganisation » :
https://youtu.be/TT08j9Sr47o
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http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/guide_ald23_schizophr_juin_07.pdf
Demily Caroline et Nicolas Franck, Schizophrénie : Diagnostic et prise en charge, Elsevier Masson, 2013.