MI Dissertation
MI Dissertation
MI Dissertation
Dans un premier temps, nous verrons en quoi la comédie est avant tout un spectacle qui
suscite le rire, puis nous développerons les critiques derrière ce divertissement, et enfin nous nous
pencherons sur quelques autres critiques que fait Molière à travers la comédie et les fonctions de
celle-ci.
Tout d’abord nous verrons en quoi la comédie est avant tout un spectacle qui suscite le rire,
en commençant par le spectacle qu’est la comédie-ballet, puis les différents ressorts comiques
utilisés notamment dans le Malade Imaginaire, et enfin en quoi la pièce est comique et spectaculaire
à travers ses mises en abymes amplifiées par les déguisements.
La comédie-ballet est un genre inventé par Molière. Il en a écrit une dizaine mais les plus
connues sont L’amour médecin, Georges Dandin, Monsieur de Pourceaugnac, Le bourgeois
gentilhomme et le Malade Imaginaire. La comédie-ballet fusionne les arts tels que le théâtre, la
danse, le chant ainsi que la musique pour le plus grand plaisir du spectateur. Dans le Malade
Imaginaire, elle rassemble aussi différents univers comme le merveilleux et le pastoral dans
l’églogue ou encore avec les « femmes-mares » lors du deuxième intermède. Ces intermèdes
apportent du comique à la pièce. C’est notamment le cas du premier intermède qui met en scène
l’amour comique par Polichinelle : « Oh nuit! Oh chère nuit! Porte mes plaintes amoureuses jusque
dans le lit de mon inflexible ». La comédie-ballet comporte également des jeux de scènes et des
chorégraphies qui séduisent le spectateur. On en retrouve notamment dans le dernier intermède :
« huit portes-seringues, six apothicaires, vingt-deux docteurs, huit chirurgiens dansants et deux
chantants ». Des changements de décor attirent aussi le regard du spectateur notamment dans
l’églogue « Le théâtre change et représente une chambre ».
Nous allons maintenant voir les différentes ressorts comiques dans une pièce, ici dans le
Malade Imaginaire. On retrouve en premier lieu du comique de mots , avec l’onomastique des noms
des médecins d’Argan. Tout d’abord nous avons M.Purgon, qui vient du verbe « purger », ce qui
sous-entend que ce médecin n’est bon qu’à faire des lavements. On a également l’apothicaire
d’Argan, M.Fleurant, qui vient du verbe « fleurer », ce qui désigne celui qui hume les odeurs,
comique pour un apothicaire. Enfin nous avons M.Diafoirus, le père du genre convoité par Argan,
qui vient de foireux et veut littéralement veut dire diarrhée. Cette analyse des noms des médecins
nous montre la présence du vocabulaire scatologique qui évidement est un comique de mots, et se
caractérise également par le grand nombre de lavements qu’Argan prend. Le comique de mots est
également présent par l’usage d’un latin macaronique utilisé par les médecins notamment dans le
dernier intermède : « Clysterium donare, postea seignare, ensuita purgare ». Le comique de geste et
de caractère est également à l’œuvre dans cette pièce notamment à travers la folie du personnage
d’Argan. Dans l’acte 1 scène 5, celui-ci se comporte en enfant et poursuit sa servante, Toinette, avec
l’intention de la frapper avec un bâton. Ce comique de situation est accentué par un comique de
mots, car Argan insulte Toinette : « Chienne », « carogne » ou encore « pendarde », ce qui
évidement suscite le rire du spectateur.
Enfin, la pièce est comique et spectaculaire par ses nombreuses mises en abymes accentuées
parfois par des déguisements. La mise en abyme est le principe du spectacle dans le spectacle, de la
comédie dans la comédie...Voici la définition que nous en fait André Gide dans son Journal :
« J’aime assez qu’en une œuvre d’art, on y retrouve transposé, à l’échelle des personnages, le
principe même de cette œuvre ». Effectivement, on retrouve dans le Malade Imaginaire les
personnages qui sont spectateurs du divertissement notamment lors des intermèdes. Les
personnages peuvent également être acteurs d’un divertissement comme Cléante et Angélique qui
chantent lors de l’acte 2 scène 5 afin de divertir Argan et les Diafoirus : « Monsieur, faites chanter
ma fille devant la compagnie ». Mais également comme des danseurs ou les deux, c’est le cas
d’Argan dans le troisième intermède. Béralde le souligne en se moquant dans l’acte 3 scène 14 « Je
veux que nous en prenions ensemble le divertissement, et que mon frère y fasse le premier
personnage ». Les mises en abymes sont également caractérisées par Molière qui fait référence à sa
propre pièce dans l’acte 3 scène 3, ainsi que Béline qui feint l’épouse dévouée, Thomas Diafoirus
qui est un « grand benêt nouvellement sorti des écoles ». Ce grand benêt feint alors d’être le genre
parfait dans l’acte 2 scène 5. Les mises en abymes les plus percutantes et comiques sont lorsque
Toinette se déguise en médecin et lorsque Argan contrefait le mort dans l’acte 3, scènes 12 et 13.
Ainsi, la pièce du Malade Imaginaire est un spectacle comique. Nous allons maintenant voir
en quoi cette comédie a un véritable rôle de satire de la société, à travers une critique des médecins,
de la médecine et de la monomanie.
Cette pièce est avant tout une critique des médecins, un sujet que Molière tient à cœur
puisque ce dernier est lui-même malade, atteint d’une tuberculose pulmonaire. Les médecins sont
caractérisés comme des personnes incompétentes avides d’argent, qui profitent des angoisses de
leurs patients, ce qui est le cas d’Argan et Toinette le souligne : « Ils ont en vous une bonne vache à
lait ». Les médecins sont également malhonnêtes et peu fiables. On le remarque dans l’acte 3 ,
lorsque Argan ne prend pas un lavement prescrit par M.Purgon. Ce dernier s’insurge et lui souhaite
les pires atrocités : « Je veux qu’avant qu’il soit quatre jours, vous demeureriez dans un état
incurable...Que vous tombiez dans la bradypepsie...et de l’hydropisie dans la privation de la vie, où
vous aura conduit votre folie ». Le ridicule des médecins atteint son paroxysme dans le troisième
intermède où Argan est intronisé médecin alors qu’il n’a aucune connaissance. Il donne une réponse
mécanique, peu importe la question et la maladie. Cela montre l’incompétence et la dangerosité des
médecins.
Derrière cette critique des médecins, se cache une véritable satire de la médecine. En effet,
Molière critique beaucoup la médecine de son époque qu’il juge dépassée et inutile. En effet, à cette
époque, il est surtout pratiqué des lavements ainsi que des saignées censés purifier le corps. La
médecine est également idolâtrée. En effet, l’intronisation d’Argan nous montre qu’un habit de
médecin et l’usage d’un latin macaronique suffit pour devenir médecin. C’est ce que souligne
Béralde dans l’acte 3, scène 14 : « Avec une robe et un bonnet, tout galimatias devient raison ». Il
souligne ici qu’en médecine, l’habit fait bel et bien le moine. Toinette nous fait également part de
cette réflexion lorsque cette dernière se déguise en médecin et et prouve que seul son habit et
l’usage d’un latin macaronique impressionnent Argan et le mettent immédiatement sous ses ordres.
Elle se montre même péremptoire lorsqu’elle pousse à bout son rôle et conseille à Argan de se
couper le bras : « Voilà un bras que je me ferai couper tout à l’heure si j’étais vous, ne voyez vous
pas qu’il tire à soi toute la nourriture, et qu’il empêche ce côté là de profiter ? ».
Le Malade Imaginaire critique également des caractères humains universels comme la
monomanie incarnée par Argan. Argan est un hypocondriaque caractérisé par sa folie, son obsession
pour sa santé ainsi que son égocentrisme et son égoïsme. En effet, elle veut que sa fille épouse un
médecin pour lui et non pour elle. Argan n’est pas malade physiquement car il sort parfois de son
rôle et est capable de pourchasser sa servante. Cette monomanie revient dans d’autres pièces et
notamment dans L’avare de Molière, où Harpagon est obsédé par son argent, ce qui est d’ailleurs
critiqué par son valet La flèche : « La peste soit de l’avarice et des avaricieux ».
Nous venons de voir différentes critiques présentes dans la comédie et ici dans le Malade
Imaginaire, les médecins ainsi que la monomanie. Nous allons désormais voir d’autres satires à
travers la comédie, et notamment les mariages par intérêts ainsi que l’émancipation féminine, puis
la comédie qui dénonce la peur de la mort, l’hypocondrie et qui suscite l’émotion du spectateur, et
pour finir la fonction purgative de la comédie.
Tout d’abord Molière critique les mariage par intérêt. Dans le Malade Imaginaire, il le fait
d’abord à travers la relation entre Argan et Béline, où cette dernière n’est intéressée que par
l’héritage et l’argent d’Argan. On le voit tout d’abord à l’acte 1, lors de la conversation chez le
notaire « Ne me parlez point de biens je vous prie...Ah! De combien sont les deux billets ? ». Son
jeu de rôle est démasqué lors de l’acte 3 scène 12, lorsque Argan contrefait le mort et qu’elle s’en
réjouit : « Le ciel en soit loué! Me voilà délivrée d’un grand fardeau! Que tu es sotte Toinette de
t’affliger de cette mort! ». Le mariage arrangé est également critiqué à travers le mariage qu’Argan
veut imposer à sa fille Angélique en la mariant à Thomas Diafoirus. Dans l’acte 2, scène 6
Angélique déclare : « Le mariage est une chaîne où l’on ne doit jamais soumettre un cœur par
force », démontrant que ce mariage est forcé. Il met alors en avant l’amour véritable à travers la
relation de Cléante et Angélique, et c’est cet amour qui triomphe à la fin de la pièce. Cette œuvre est
également en faveur de la condition féminine, notamment à travers le personnage de Toinette :
« Mais votre fille doit épouser un mari pour elle et n’étant point malade, il n’est pas nécessaire de
lui donner un médecin ». L’émancipation féminine est un sujet fréquent dans la comédie du XVIIe
et XVIIIe siècle. On retrouve cela dans La colonie de Marivaux lorsqu’une femme dit « On nous
crie dès le berceau : vous n’êtes capable de rien, vous ne mêlez de rien, vous n’êtes bonnes à rien
qu’a être sages ».
Ensuite, Molière aborde également un sujet sérieux, peu abordé à son époque :
l’hypocondrie et la peur de la mort et réussit à susciter les émotions de ses spectateurs derrière le
comique. En effet, Argan est hypocondriaque, comme le décrit Toinette : « Il marche, dort, mange et
boit comme tous les autres, mais cela n’empêche pas qu’il soit malade ». C’est un personnage
terrifié par la mort, en effet lorsque M.Purgon lui jette un sort Argan est profondément
angoissé : »Oh! Mon Dieu. Je suis mort mon frère vous m’avez perdu». Cependant, le Malade
Imaginaire essaye d’apaiser les inquiétudes au sujet de la mort en l’utilisant tout au long de la pièce
de façon comique. Tout d’abord, quand Cléante et Angélique disent qu’ils vont se suicider s’ils ne
finissent pas ensemble ou encore quand Louison contrefait la mort « Là, là, mon papa, ne pleurez
pas tant je ne suis pas morte tout à fait ». et surtout lorsque Argan contrefait le mort afin de
reconnaître les véritable sentiments qui lui sont portés par ses proches, sa femme et sa fille.
Enfin, la comédie a une fonction purgative, elle dénonce les faux semblants et met en scène
des confrontations de valeurs. Le « catharsis » de la comédie est la croyance que celle-ci purge le
spectateur de ses erreurs lorsqu’il ressort du théâtre. L’illusion du spectacle sert à déceler le vrai et
dénoncer les faux semblants de cour. En effet, les pièces de Molière étaient surtout destinées au roi
Louis XIV et à la cour, et pointaient du doigt l’hypocrisie de ceux-ci. La comédie serait donc mise à
la même échelle que la médecine, voire même étant comme plus efficace car elle peut guérir les
patients. C’est ce que souligne Béralde dans l’acte 2 scène 9 : « Je vous amène ici un divertissement
que j’ai rencontré, qui dissipera votre chagrin ». La comédie est également un lieu de confrontation
de valeurs et surtout entre les maîtres et les valets, remettant en cause l’importance de la noblesse.
On retrouve cette confrontation dans le Malade Imaginaire notamment entre Toinette et Argan mais
également dans Le jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, lorsque le valet Arlequin déguisé en
maître dit à son maître Dorante déguisé en valet « Non! Maudite soit la valetaille qui ne saurait nous
laisser en repos! ».
Pour conclure, nous pouvons dire que la comédie est avant tout un spectacle qui suscite la
rire à travers le spectacle qu’est le comique et les mises en abymes. Mais cette dernière fait une
satire sociale, ici des médecins, de la médecine, de la monomanie ainsi qu’une critique des mariages
par intérêt, montrant l’importance de l’émancipation féminine, ainsi que des réflexions sur la mort,
les échelles sociales et la fonction purgative de la comédie.
La comédie a donc des aspects classiques, la devise du classicisme étant « Placere et
docere » soit plaire et instruire, ce qui convient donc bien au Malade Imaginaire.