Chap 10

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L3 TOPOLOGIE ET CALCUL DIFFÉRENTIEL 31

10. Le théorème de Cauchy-Lipschitz


10.1. La forme générale d’une EDO et le théorème principal. — Nous avons vu au chapitre
précédent qu’en général une EDO possède une infinité de solutions. Pour pouvoir espérer un
résultat d’unicité, nous allons considérer désormais une EDO avec la donnée d’une condition
initiale, ce que l’on appelle problème de Cauchy.
Donnons d’abord la définition générale d’un problème de Cauchy.

Définition 10.1. — Soit I ⊂ R un intervalle ouvert et soit U ⊂ Rn un ouvert. Fixons un


élément (t0 , x0 ) ∈ I × U. Alors un problème de Cauchy est un système d’EDO avec une condi-
tion initiale
(
x ′ = F (t, x )
,
x ( t0 ) = x0
où F : I × U → Rn est une application continue. Une solution de ce problème de Cauchy est
une application dérivable φ : I → U qui vérifie φ′ (t) = F t, φ(t) pour tout t ∈ I ainsi que
φ ( t0 ) = x0 .

Exemple. — La fonction exponentielle exp : R → R est l’unique solution du problème de


Cauchy
(
x′ = x
.
x (0) = 1

Exemple. — Comme on a vu, l’EDO linéaire de degré 2 x ′′ = − x avec les conditions initiales
x (0) = 1 et x ′ (0) = 0 peut se ré-écrire comme un problème de Cauchy. Son unique solution est
la fonction cos : R → R.

L’exemple suivant montre que sans condition additionnelle les solutions d’un problème de
Cauchy ne sont pas uniques !

Exemple. — Le problème de Cauchy


(
x ′ = 3x2/3
x (0) = 0

admet deux solutions, à savoir la fonction nulle et la fonction donnée par f (t) = t3 .

Cet exemple montre que la continuité de l’application F est trop faible pour avoir un résultat
d’unicité.

Théorème 10.2 (Cauchy-Lipschitz). — Supposons que F : I × U → Rn est localement Lipschitzi-


enne par rapport à U.
(1) (Existence) Alors pour tout (t0 , x0 ) ∈ I × U il existe  δ > 0 ainsi qu’une application dérivable
φ : ]t0 − δ, t0 + δ[→ U telles que φ′ (t) = F t, φ(t) pour tout t ∈]t0 − δ, t0 + δ[ et φ(t0 ) = x0 .
(2) (Unicité) Soit J ⊂ I un intervalle contenant t0 et soit ψ : J → U une autre solution de l’EDO
x ′ = F (t, x ) satisfaisant à ψ(t0 ) = x0 . Alors on a φ(t) = ψ(t) pour tout t ∈ ]t0 − δ, t0 + δ[ ∩ J.

Remarque. — Rappelons la Proposition 8.3 qui dit que, si F est continue et si toutes les dérivées
∂F
partielles ∂x 1
∂F
, . . . , ∂x n
existent et sont continues sur I × U, alors F is Lipschitzienne par rapport
à U sur tout ensemble de la forme C = J × K où J ⊂ I est un intervalle compact et où K ⊂ U
est une partie compacte et convexe.
32 CHRISTIAN MIEBACH

10.2. Version intégrale d’une EDO. — Afin démontrer le Théorème 10.2 il vaut mieux de
transformer le problème de Cauchy en une équation intégrale comme suit.
Proposition 10.3. — Une application dérivable φ : I → U est solution de l’EDO x ′ = F (t, x ) avec la
condition initiale x (t0 ) = x0 de Cauchy si et seulement si pour tout t suffisamment proche de t0 nous
avons Z t 
φ ( t ) = x0 + F s, φ(s) ds.
t0

Démonstration. — Le résultat est une conséquence directe du fait que toute fonction φ de classe
C 1 vérifie Z t
φ ( t ) − φ ( t0 ) = φ′ (s)ds.
t0

10.3. Le lemme de Gronwall. — Afin de démontrer la partie d’unicité du Théorème 10.2 nous
avons besoin du Lemme de Gronwall.
Lemme 10.4 (Gronwall). — Soit g : I → R⩾0 une fonction continue et positive définie sur un inter-
valle I ⊂ R. Supposons qu’il y a deux constantes a, b ∈ R avec b > 0 telles que
Z t
(10.1) g(t) ⩽ a + b g(s)ds
t0
pour un certain t0 ∈ I et pour tout t ∈ I. Alors nous avons
g(t) ⩽ aeb|t−t0 |
pour tout t ∈ I.
Remarque. — Si la fonction f : I → R satisfait à
Z t
f (t) = a + b f (s)ds,
t0

alors on a f ′ (t) = b f (t) et f (t0 ) = a, ce qui implique f (t) = aeb(t−t0 ) .


Démonstration. — Nous allons traiter le cas t ⩾ t0 , l’autre cas se montrant de façon analogue.
Notons que pour tout t ⩾ t0 nous avons
Z t Z t
g(s)ds = g(s)ds
t0 t0

ainsi que |t − t0 | = t − t0 .
Supposons maintenant que la fonction g vérifie l’inégalité (10.1) pour tout t ∈ I avec t ⩾ t0
Rt
et posons G (t) = t0 g(s)ds. Un calcul direct montre que G ′ (t) − bG (t) ⩽ a pour tout t ⩾ t0 ,
t ∈ I. Par conséquent, on a G ′ (t) − bG (t) e−b(t−t0 ) ⩽ ae−b(t−t0 ) et donc l’intégrale

Z t h it Z t Z t
G ′ (s) − bG (s) e−b(s−t0 ) ds = G (s)e−b(s−t0 ) + b G (s)e−b(s−t0 ) ds − b G (s)e−b(s−t0 ) ds

t0 t0 t0 t0
− b ( t − t0 )
= G (t)e
est majorée par
Z t
a a
ae−b(s−t0 ) ds = − e−b(t−t0 ) + .
t0 b b
Ceci permet de conclure que
a  b ( t − t0 ) 
G (t) ⩽ e −1
b
et donc que  
g(t) = G ′ (t) ⩽ a + bG (t) ⩽ a + a eb(t−t0 ) − 1 = aeb(t−t0 )
pour tout t ∈ I avec t ⩾ t0 .
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Maintenant nous sommes en position de prouver le Théorème 10.2(2).

Démonstration du Théorème 10.2(2). — Posons J ′ := J ∩ ]t0 − δ, t0 + δ[ et considérons l’ensemble


E de tous les points t ∈ J ′ tels que φ(t) = ψ(t). Il est clair que E est fermé dans J ′ et contient t0 .
Comme J ′ est connexe, il suffit de montrer que E est également  un ouvert de J ′ .
Pour cela, soit t1 ∈ E et soit C un voisinage de t1 , φ(t1 ) tel que F |C est Lipschitziennes par
rapport à x avec constante de Lipschitz L. Alors nous avons ψ(t1 ) − φ(t1 ) = 0 et pour tout t
suffisamment proche de t1 l’inégalité
Z t   Z t
(ψ − φ)(t) ⩽ F s, ψ(s) − F s, φ(s) ds ⩽ L (ψ − φ)(s) ds
t1 t1

est satisfaite. Il suffit d’appliquer le Lemme de Gronwall à la fonction g = ∥ψ − φ∥ afin


d’achever la preuve.

10.4. La preuve de l’existence locale. — Soit F : I × U → Rn localement Lipschitzienne par


rapport à U et considérons le problème de Cauchy
(
x ′ = F (t, x )
.
x ( t0 ) = x0

D’après l’hypothèse sur F il existe a, r, L > 0 tels que Q := [t0 − a, t0 + a] × Br ( x0 ) ⊂ I × U et


tels que
F (t, x ) − F (t, y) ⩽ L∥ x − y∥

pour chaque t ∈ [t0 − a, t0 + a] et pour tous x, y ∈ Br ( x0 ). Choisissons 0 < δ ⩽ a tel


que δ∥ F ∥Q ⩽ r et δL < 1. Nous allons démontrer un résultat plus précis que l’énoncé du
Théorème 10.2(1), à savoir le résultat suivant :
Alors il existe une unique solution φ : ]t0 − δ, t0 + δ[→ Br ( x0 ) du problème de Cauchy. De plus,
cette solution s’obtient comme la fonction limite de la suite ( φk ) avec
Z t 
φ0 ( t ) = x0 et φ k +1 ( t ) : = x 0 + F s, φk (s) ds pour k ⩾ 0
t0

qui converge uniformément sur ]t0 − δ, t0 + δ[.


D’après la Proposition 10.3 il suffit de trouver une application continue φ : ]t0 − δ, t0 + δ[→
Br ( x0 ) qui satisfait
Z t 
φ ( t ) = x0 + F s, φ(s) ds.
t0

L’idée clé de la preuve est de considérer cette identité comme une équation de point fixe.
Pour cela, soit X l’ensemble de toutes les applications continues ]t0 − δ, t0 + δ[→ Br ( x0 ) et
soit P : X → X l’application donnée par
Z t 
P(ψ)(t) := x0 + F s, ψ(s) ds.
t0

Si ψ ∈ X, alors nous avons


Z t  Z t 
P(ψ)(t) − x0 = F s, ψ(s) ds ⩽ F s, ψ(s) ds ⩽ δ∥ F ∥Q ⩽ r,
t0 t0
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et donc P(ψ) appartient en effet à X. De plus, P est une contraction par rapport à la norme sup
car
 Z t  
d P(ψ1 ), P(ψ2 ) = F s, ψ1 (s) − F s, ψ2 (s) ds
t0 ]t0 −δ,t0 +δ[
Z t  
⩽ sup F s, ψ1 (s) − F s, ψ2 (s) ds
t∈]t0 −δ,t0 +δ[ t0
Z t
⩽ sup L ψ1 (s) − ψ2 (s) ds ⩽ δL · d(ψ1 , ψ2 ).
t∈]t0 −δ,t0 +δ[ t0

On peut donc appliquer le Théorème du point fixe de Banach afin d’obtenir un unique point
fixe φ ∈ X, ce qui démontre le Théorème 10.2(1).

10.5. Solutions maximales d’une EDO. — La partie sur l’unicité du Théorème 10.2 permet
de définir la notion de solution maximale du problème de Cauchy
(
x ′ = F (t, x )
(10.2) ,
x ( t0 ) = x0
où F : I × U → Rn est continue et localement Lipschitzienne par rapport à U.
Définition 10.5. — Une solution φ : J → U de ce problème de Cauchy est appelée maximale si
pour toute autre solution ψ : J ′ → U nous avons J ′ ⊂ J et ψ = φ| J ′ .
Proposition 10.6. — Le problème de Cauchy (10.2) possède une unique solution maximale.
Démonstration. — Soit J la réunion de tous les intervalles Jα sur lesquels le problème de
Cauchy (10.2) admet une solution φα . Pour t ∈ J choisissons α tel que t ∈ Jα et posons
φ(t) := φα (t). Si t appartient également à Jβ , alors d’après le Théorème de Cauchy-Lipschitz
nous avons [t0 , t] ⊂ Jα ∩ Jβ et φα (t) = φ β (t). Il s’ensuit que φ : J → U est bien définie et est
l’unique solution maximale.

10.6. Quelques EDOs non-linéaires. — La solution d’une EDO autonome se réduit au calcul
intégral comme dans l’exemple suivant.
Exemple. — Considérons l’EDO non-linéaire x ′ = x2 . Soit f une solution (locale) de cette
EDO. Remarquons que la fonction nulle en est une solution. D’après l’unicité de la solution
d’un problème de Cauchy, si f s’annule en un point t0 , alors f = 0 partout. On peut donc
supposer que f ne s’annule jamais, ce qui permet d’écrire
f ′ (t)
= 1.
f ( t )2
En intégrant cette identité, on obtient
Z t ′ Z f (t)
f (s) 1 1 1
t − t0 = 2
ds = du = − .
t0 f (s) f ( t0 ) u2 f ( t0 ) f (t)
L’unique solution du problème de Cauchy x ′ = x2 avec x (t0 ) = x0 est donc donnée par
x0
f (t) = .
1 − ( t − t0 ) x0
Cette technique permet souvent de résoudre les EDO de la forme x ′ = F ( x ).

C HRISTIAN M IEBACH, Univ. Littoral Côte d’Opale, UR 2597, LMPA, Laboratoire de Mathématiques Pures et
Appliquées Joseph Liouville, F-62100 Calais, France • E-mail : christian.miebach@univ-littoral.fr

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