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DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

TITRE 2 – LES BIENS DES ENTREPRENEURS

CHAPITRE 2 – LES BAUX PROFESSIONNELS

Une fois de plus, c'est à propos du commerçant que le droit des affaires s'est
construit, et c'est pourquoi nous étudierons en premier lieu le bail commercial, ce qui
nous conduira à constater que les artisans bénéficient également du statut des baux
commerciaux. Nous évoquerons ensuite brièvement les baux conclus avec les autres
professionnels.

SECTION 1 – LA PROPRIÉTÉ COMMERCIALE, LE BAIL COMMERCIAL

Jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale, l e s baux à usage


industriel ou commercial étaient régis par les articles 1714 et suivants du
Code civil, c'est-à-dire le droit commun du louage des immeubles bâtis. Le
bail était conclu pour une durée librement déterminée par les partenaires. À l'arrivée du
terme, rien n'obligeait le bailleur à renouveler le contrat. S'il refusait de le faire, le
commerçant devait quitter les lieux et se réinstaller ailleurs.

Cela entraînait la plupart du temps une perte de clientèle. Le bailleur pouvait


même tenter de s'approprier à bon compte la clientèle devenue vacante, en exploitant
dans son immeuble le même type de commerce que son ancien locataire. Il pouvait
également décider de louer l'immeuble à un autre locataire à un prix élevé en raison d'une
clientèle plus fidèle au lieu qu'aux personnes.

Une loi du 30 juin 1926, intitulée Loi sur la propriété commerciale,


accordait une protection spéciale aux locataires commerçants. Ce texte a introduit un
régime dérogatoire au droit commun du louage. À l'expiration du bail, le locataire
a le droit soit au renouvellement de celui-ci, soit à une indemnité
représentant le dommage que l'éviction lui a causé. De plus, le texte reconnaît le droit
au commerçant de céder son bail en même temps que les autres
éléments du fonds de commerce, sans que le bailleur puisse s'y opposer.

Ces deux règles sont caractéristiques du bail commercial et sont reprises par le
décret du 30 septembre 1953, et c'est la raison pour laquelle, à cause de ces deux
r è g l e s , o n p a r l e d e propriété commerciale. E n e f f e t , le droit au
renouvellement permet de conserver la propriété du fonds de commerce.
En effet, sans cette protection, le commerçant risquait de perdre la propriété du fonds de
commerce. On peut également justifier le recours à l'expression de propriété commerciale
en considérant que le droit au renouvellement du bail conduit à ce que le
locataire soit presque un propriétaire du local loué.

Par ailleurs, ce droit au bail est cessible, ce qui explique également le

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recours à l'expression de propriété commerciale, parce que l'on peut céder, comme si
c'était une propriété.

Pour toutes ces raisons, on peut considérer que le droit au bail est
un bien du commerçant.

Aujourd’hui, le bail commercial est régi par les articles L145-1 et


suivants du Code de commerce. Ces textes établissent un statut des baux
commerciaux. C'est un sta tut impératif, les parties ne peuvent pas
l'écarter. En revanche, il est possible de se soumettre volontairement à ce
statut, alors même que les conditions de son application ne sont pas remplies. Mais
l'option ne peut qu'être totale. Si les parties choisissent d'appliquer le statut, c'est tout le
statut qui s'applique, on ne peut pas le dépecer.

Les clauses d'un bail commercial contraires aux dispositions


relatives aux baux commerciaux sont réputées non écrites selon l'article
L145-15 du Code de commerce.

Quelles sont les conditions qui font que le statut s'appliquera impérativement ?

I. Les conditions d'application du statut des baux commerciaux

On distingue les conditions personnelles, c'est-à-dire relatives à la personne,


des conditions réelles, c'est-à-dire relatives aux biens.

A) Les conditions personnelles

L e contrat de bail est un contrat par lequel une personne, le


bailleur, met à disposition d'une autre, le preneur ou le locataire, un bien.
Sont donc en présence un bailleur et un locataire, chacun soumis à des conditions
spécifiques dont dépend la validité du contrat de bail.

Il y a des conditions tout d'abord tenant au bailleur.

1) Conditions tenant au bailleur

Les conditions ont trait à sa situation personnelle ou


familiale. Comme la signature d'un bail commercial emporte des obligations importantes
pour le bailleur, celui-ci doit être pleinement en mesure de comprendre la portée de son
acte.

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● S'il est incapable, majeur ou mineur, son représentant légal peut


consentir des baux en son nom. Mais selon l'article 504 du Code civil, ces
baux ne confèrent pas de droit au renouvellement lorsque la capacité
sera retrouvée. Si le bailleur est un mineur, le commerçant a un droit au
renouvellement tant que le bailleur est mineur. Mais dès la majorité du mineur, le
commerçant locataire perd le droit au renouvellement.

● Si l'immeuble donné à bail appartient à la communauté des biens


des époux, en cas de mariage, l'article 1425 du Code civil impose le
consentement des deux époux. À défaut, la nullité du bail pourrait être
demandée par l'époux qui n'a pas été partie à l'acte dans un délai de 2 ans depuis le
jour où il a eu connaissance de l'existence de ce bail.

● Enfin, si l'immeuble est en usufruit, par exemple le mari était propriétaire, il


le donne à ses enfants en héritage en laissant l'usufruit de l'immeuble à sa conjointe
jusqu'à son propre décès, l'usufruitier ne peut donner à bail cet immeuble
sans l'accord du nu-propriétaire, et réciproquement, l'usufruitier doit
absolument obtenir l'accord du nu-propriétaire pour renouveler le bail.

Quelles sont les conditions tenant au preneur ?

2) Conditions tenant au locataire

a) Le principe

En principe,il faut que le preneur soit un commerçant


immatriculé au RCS, ou alors qu'il s'agisse d'un artisan immatriculé au
répertoire des métiers. C'est ce que prévoit l'article L145-1 du Code de
commerce. Ni les agriculteurs, ni les professions libérales ne bénéficient en principe du
statut des baux commerciaux.

Ce principe doit être nuancé.

b) Nuances au principe

la jurisprudence semble considérer


De façon surprenante,
que l'immatriculation au RCS n'est exigée que pour avoir le droit au
renouvellement à l'expiration du bail. Un arrêt de principe a été rendu par la
troisième chambre civile de la Cour de cassation le 1er octobre 1997
selon lequel l'immatriculation du preneur n'est une condition du bénéfice du statut des
baux commerciaux que pour le renouvellement du bail.

● En l'absence d'immatriculation, il n'y a donc pas de

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renouvellement du bail. C'est ce qu'a récemment réaffirmé la troisième chambre


civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 23 janvier 2020.

● La jurisprudence considère aussi que l'immatriculation est requise en


revanche si le locataire souhaite faire requalifier un contrat en un
contrat de bail commercial. Par exemple, si le contrat est une convention
d'occupation précaire qui est un contrat qui déroge au statut des baux commerciaux,
la requalification de ce contrat en un contrat de bail commercial suppose de la part du
locataire qu'il soit immatriculé. C'est ce qui va lui ouvrir le droit à demander la
requalification. C'est ce qu'a précisé un arrêt de la troisième chambre civile de
la Cour de cassation du 22 janvier 2014.

M a i s en dehors de ces hypothèses particulières, la demande de


renouvellement ou alors la requalification du contrat en un contrat de bail commercial, la
jurisprudence semble ne pas exiger l'immatriculation pour appliquer le
statut des baux commerciaux.

Cette limitation du domaine de l'exigence de l'immatriculation est surprenante au


regard de l'article L145-1 du Code de commerce qui exige de façon
générale l'immatriculation au RCS pour bénéficier du statut des baux
commerciaux.

D'après Mathieu Buchberger, on devrait interpréter les choses en distinguant


trois hypothèses différentes :

● La première hypothèse, ce serait si dès le départ les parties se


sont soumises volontairement et de façon non-équivoque au
statut des baux commerciaux alors que les conditions de son
application n'étaient pas réunies, et en particulier, que l'immatriculation
au RCS n'était pas réalisée, le statut devrait être entièrement
applicable, y compris le droit au renouvellement, parce que les
parties ont opté pour le statut des baux commerciaux qui doit s'appliquer de
façon intégrale ;

● La deuxième hypothèse, c'est celle où les parties ont conclu un


contrat de bail qu'elles n'ont pas soumis au statut des baux
commerciaux (bail de droit commun, convention d'occupation précaire, par
exemple). Le contrat de bail reste efficace malgré l'absence
d'immatriculation, en particulier la résolution du bail ne peut pas être
demandée pour défaut d'immatriculation. Mais ce contrat de bail, qui reste
efficace, n'est pas un contrat de bail commercial. Il ne peut pas être
requalifié en bail commercial. Il ne peut non plus se voir
appliquée aucune des règles du statut des baux commerciaux si
le commerçant n'est pas un commerçant immatriculé ;

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● Troisième hypothèse, si les parties ont conclu un contrat


qu'elles ont appelé bail commercial, mais que l'immatriculation
fait défaut et que l'on n'arrive pas à démontrer une volonté réelle
d'appliquer le statut malgré le défaut d'immatriculation, la situation
dans ce cas-là est plus délicate. Dans ce cas, on devrait écarter
l'ensemble des règles découlant du statut comme dans l'hypothèse
précédente, et non uniquement l'absence de renouvellement du bail

Ce que l'on constate en jurisprudence, c'est cette nuance qui conduit à n'exiger
finalement l'immatriculation que pour le renouvellement ou pour la requalification d'un
contrat en un contrat de bail commercial. Sinon pour le reste, on n'a pas besoin d'être
immatriculé au RCS malgré la lettre de l'article L145-1 du Code de commerce.

Il existe même des exceptions au principe selon lequel il faut être un commerçant
immatriculé pour bénéficier du statut des baux commerciaux.

c) Exceptions au principe

Dans certains cas en effet, une personne pourra bénéficier du statut


des baux commerciaux alors même qu'elle n'est pas immatriculée. C'est notamment
le cas du propriétaire d'un fonds de commerce qui est mis en location-
gérance. En fait, il bénéficie du statut alors même qu'il n'est pas, en
principe, immatriculé. C 'e st ce q ue d it l'article L145-1 du Code de
commerce.

Cela correspond à l'hypothèse où le propriétaire d'un fonds de commerce


loue le local où est exploité le fonds de commerce, mais il n'exploite pas
lui-même ce fonds. C'est le locataire-gérant qui exploite le fonds de commerce. Le
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propriétaire du fonds de commerce n'est en principe plus immatriculé, car il n'a pas
d'activité commerciale. Pourtant, c'est lui qui loue le local au propriétaire de l'immeuble, et
cette location est soumise au statut des baux commerciaux, bien que le locataire, qui est
le propriétaire du fonds, ne soit pas immatriculé. C'est une dérogation expressément
prévue à l'article L145-1 du Code de commerce à l'exigence en principe
que le locataire soit immatriculé au RCS.

B) Les conditions réelles

Ce sont les conditions qui tiennent aux biens en cause. Ces


conditions tiennent tout d'abord aux lieux loués, et elles tiennent ensuite au fonds
exploité dans le local ; deux points que nous allons aborder successivement, puis
nous verrons également que ces conditions peuvent tenir également à la nature du
contrat conclu, ce qui sera un troisième point que nous évoquerons.

1) Les conditions tenant aux lieux loués

Le bail doit porter sur un immeuble ou un local destiné à


l'exercice d'une activité commerciale. Ce n'est pas très précis, et cela peut se
regrouper.

Alors que faut-il entendre par ces expressions ?

● Par immeuble, il faut entendre l'immeuble au sens courant du terme, c'est-


à-dire un immeuble bâti. Un terrain ne suffit pas, sauf si le locataire y édifie des locaux
commerciaux avec l'accord du propriétaire, ou alors si ces terrains sont l'accessoire de
locaux commerciaux, par exemple les parkings.

● Cela peut être aussi un local. Qu'entend-on par local ? C'est un bâtiment ou
une partie de bâtiment permettant une exploitation commerciale.

En recoupant ces deux précisions, immeuble et local, on peut considérer que sont
exclues les constructions mobiles (caravanes, camion pizza, kiosques, baraques
à frites, etc.) et les emplacements, les comptoirs ou alors les rayons de
vente des grandes surfaces, les emplacements publicitaires et les
vitrines, ne permettant que l'exposition de produits et non les opérations avec la
clientèle. Par exemple, les vitrines des grands magasins, si elles sont louées, ce n'est pas
un bail commercial.

La question s'est posée de savoir si des locaux accessoires à l'exploitation du fonds, c'est-à-
dire des locaux non accessibles à la clientèle (hangars, entrepôts, usines, bureaux), peuvent tout de
même bénéficier du statut des baux commerciaux ?
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La réponse est oui si la privation de ces locaux serait de nature à


compromettre l'exploitation du fonds.

Quelles sont les conditions tenant au fonds lui-même ?

2) Conditions tenant au fonds

Ces conditions sont posées à l'article L145-1 du Code de


commerce. Cet article implique qu'un fonds de commerce ou un fonds
artisanal soit exploité dans les lieux loués. Cela conduit à ce qu'une société de
forme commerciale, mais dont l'objet est civil, ne peut pas bénéficier du statut des baux
commerciaux. En effet, elle est commerçante, mais elle n'exploite pas de fonds de
commerce, alors qu'il faut exploiter un fonds de commerce pour bénéficier du statut des
baux commerciaux.

Il faut préciser que l'exigence d'exploitation du fonds est remplie


lorsque le fonds est exploité par autrui, et non par le propriétaire du fonds de
commerce qui est, par ailleurs, locataire du local.

Dans une hypothèse où l'on est le propriétaire du fonds de


commerce, que l'on va louer ce fonds de commerce à un locataire-
gérant, dans notre relation avec le propriétaire du local où est exploité le fonds de
commerce, donc notre relation entre nous propriétaire du fonds de commerce mais
locataire du local et le propriétaire du local, nous allons bénéficier du statut des
baux commerciaux alors même que l'on n'exploite pas le fonds de commerce.

3) Conditions tenant au contrat

Certains contrats de bail échappent au statut des baux commerciaux,


bien que toutes les autres conditions sont remplies. C'est le cas des conventions de
brève durée et des conventions de longue durée. C'est également le cas des
contrats de crédit-bail.

a) Les conventions de brève durée

Il existe trois exceptions à l'application du statut des baux


commerciaux en raison de la durée brève de la convention conclue. Nous allons les étudier
successivement.

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◢ i. Les baux de moins de trois ans

C'est l'article L145-5 du Code de commerce qui


prévoit que le statut des baux commerciaux peut être exclu si la durée
totale du bail ou des baux successifs n'excède pas trois ans. Avant une loi
Pinel de 2014, c'était deux ans, maintenant c'est trois ans. Ces baux ne sont pas
renouvelables après l'expiration du délai de trois ans. S'il y avait
renouvellement ou conclusion d'un nouveau bail, ce bail serait soumis
automatiquement au statut. C'est l'article L145-5 du Code de commerce
qui prévoit expressément cette règle.

Mais cette application du statut en cas de renouvellement ne vaut que pour un


local donné. Il y a un contournement par la pratique qui peut avoir lieu. Un propriétaire,
par exemple, a plusieurs locaux va faire tourner le locataire tous les 23 mois. Aujourd’hui,
tous les 35 mois, pour être juste en dessous des trois ans maximum.

D'après Mathieu Buchberger, il y aurait tout de même fraude si le bailleur, à


l'expiration du nouveau bail de trois ans, faisait à nouveau changer le local de son
locataire pour le faire retourner dans le local précédent, car là, on se rendrait vraiment
compte que le changement de local a uniquement pour but de contourner la règle de
requalification du contrat en un contrat de bail commercial.

Autre convention qui échappe au statut des baux commerciaux parce qu'elle est par
nature de brève durée, ce sont les locations saisonnières.

◢ ii. Les locations saisonnières

Les locations saisonnières sont prévues à l'article


L145-5 dernier alinéa du Code de commerce. Elles échappent également au
statut des baux commerciaux, mais à condition qu'elles remplissent certaines conditions.
La location saisonnière, outre sa courte durée, inférieure à celle d'un bail dérogatoire, c'est
la location qui est consentie pour une saison. C'est notamment la location d'un
local pendant la saison d'hiver dans une station de ski. Il y a une véritable idée de brièveté
de la durée de la convention, parce que c'est saisonnier. Mais de façon plus précise, trois
conditions doivent être réunies pour permettre la conclusion d'un bail
saisonnier :

● Les locaux doivent se situer dans une zone touristique, afin que le
concept de saison ait un sens ;

● Les chalands, donc les clients, doivent être essentiellement des


touristes, c'est également l'idée d'activité saisonnière, elle s'adresse à des
touristes ;
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● L'exploitation des lieux doit être exclusivement autorisée


pendant la saison d'afflux des touristes ;

Il faut distinguer la location saisonnière et le bail avec l'exploitation


saisonnière.

Alors que dans une location saisonnière le preneur remet les clefs au
bailleur et enlève ses stocks après chaque saison, comme l'a rappelé un
arrêt de la troisième chambre civile du 3 janvier 1978, le bail avec
exploitation saisonnière se caractérise par sa continuité. Contrairement à la location
saisonnière, le bail avec exploitation saisonnière est soumis au statut des
baux commerciaux, comme l'a précisé un arrêt de la troisième chambre
civile du 1er mars 1973.

◢ iii. Les conventions d'occupation précaire

L a jurisprudence a ajouté une exception à celle que


prévoyait la loi. Il s'agit donc de cette exception pour les conventions d'occupation
précaire. Mais depuis 2014, cette exception a été consacrée légalement à
l'article L145-5-1 du Code de commerce.

De quoi s'agit-il ?

Il s'agit d'uneconvention qui se distingue du bail du fait qu'elle est


affectée d'une précarité objective. Par exemple la vente ou la démolition
prochaine du local est prévue, ou alors une menace d'expropriation.

La condition pour échapper au statut est qu'il faut que le caractère précaire,
qui existe déjà, soit expressément indiqué dans la convention. En général,
le loyer est plus faible du fait précisément de la précarité qui entache le contrat de bail.

Il y a d'autres catégories de conventions qui échappent au statut des baux


commerciaux, mais cette fois-ci parce que ce sont des conventions de longue durée.

b) Les conventions de longue durée

Sont visés tout d'abord les baux emphytéotiques, à


l'article L145-3 du Code de commerce. Il s'agit de baux accordés pour 18 à
99 ans. Il n'y a pas de droit au renouvellement, mais le système de révision
triennale des loyers commerciaux va quand même s'appliquer. Mais le
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principe, c'est que le statut des baux commerciaux dans son ensemble ne s'applique pas.

Il y a une autre exclusion qui est le bail à construction. Le bail à construction,


c'est un bail aussi d'une durée de 18 à 99 ans, mais qui a une particularité parce qu'il
confère au preneur, au locataire, un droit réel susceptible d'hypothèque.
Sa particularité, c'est de permettre au preneur, au locataire, de construire des
immeubles qui reviennent au bailleur en fin de bail. Ce contrat, là aussi, n'est
pas un contrat soumis au statut des baux commerciaux.

Enfin, dernière catégorie de contrat qui échappe au statut des baux commerciaux,
les contrats de crédit-bail.

c) Les contrats de crédit-bail

Le crédit-bail immobilier est aussi exclu du statut des baux


commerciaux.L e crédit-bail immobilier est une opération de crédit qui
conjugue deux contrats en un :

● Un contrat de location ;

● Et une promesse de vente au profit du crédit-preneur

Le loyer est très élevé. En effet, il inclut une partie du prix de vente du
bien, mais à la fin du crédit-bail, le crédit-preneur peut lever l'option et acquérir le bien
pour une somme très modeste. Pour la jurisprudence, ce contrat qui a pour objet
l'acquisition d'un immeuble, n'est pas soumis au statut des baux
commerciaux, c'est ce qu'a affirmé la troisième chambre civile de la Cour de
cassation dans un arrêt du 10 juin 1989, et cela a été réaffirmé par un arrêt de
la chambre commerciale du 18 novembre 2014.

II. Le régime des baux commerciaux

Le bail commercial est soumis à toutes les règles de droit commun


d'un bail d'un immeuble, ce sont les articles 1713 à 1762 du Code civil. Le
locataire doit jouir des lieux loués raisonnablement, il doit payer les loyers, faire les
réparations locatives. Le bailleur, lui, doit mettre le bien à disposition du locataire, faire les
réparations qui s'imposent et garantir la jouissance paisible des lieux au locataire.

Mais il existe un certain nombre de règles spéciales en cours d'exécution du bail et


à l'expiration de ce-dernier, que nous allons étudier successivement.
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A) Les règles spéciales en cours d'exécution du bail

Ces règles spéciales concernent la durée ainsi que les droits et les obligations du
locataire, trois points que nous étudions successivement.

1) Durée

La durée minimum du bail commercial est de neuf ans, peu importe


qu'il ait été conclu pour une durée inférieure. C'est une durée impérative. Cette durée est
impérative pour le bailleur, il ne peut le rompre que dans certains hypothèses très
rares, notamment la volonté de reconstruire, et surélever ou de restaurer les meubles
existants. Et encore, il ne pourra rompre qu'à l'expiration d'une période
triennale, c'est-à-dire tous les trois ans, et il faudra un acte extrajudiciaire, c'est-à-
dire un exploit d'huissier. Cela coûtera de l'argent.

L e locataire, lui, est bien plus libre. Il peut résilier le contrat à


l'expiration de chaque période triennale, c'est-à-dire tous les trois ans, à
condition de respecter un délai de préavis de six mois. Il doit donner congé par un
acte extrajudiciaire, là encore un exploit d'huissier, ou plus simplement par une
lettre recommandée avec accusé de réception. C'est plus léger que la façon
dont le bailleur peut mettre un terme au contrat de bail.

Il n'est pas nécessaire d'attendre la fin d'une période triennale si le


commerçant met fin au bail parce qu'il part à la retraite.

On voit bien que le bail commercial est séquencé. Il dure neuf ans en principe, mais
il est séquencé par périodes triennales. C'est pour cela que le bail commercial est décrit
comme un bail 3-6-9.

Ce bail commercial reconnaît des droits au profit du locataire.

2) Droits du locataire

Le premier droit que nous allons évoquer est la despécialisation.

a) La despécialisation

L a despécialisation est la possibilité de changer


l'affectation des lieux loués, c'est organisé par les articles L145-47 à L145-55
du Code de commerce.

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Il y a deux types de despécialisation avec des régimes qui diffèrent pour


chacune d'elles.

● Tout d'abord, il y a l a despécialisation partielle, encore appelée


despécialisation simple. C'est le droit pour le locataire d'adjoindre au
commerce préexistant des activités connexes ou complémentaires. Dans
ce cas, le locataire doit avertir le bailleur, simplement l'avertir.

Le problème va consister à déterminer ce qu'est une activité connexe ou


complémentaire. Ce sont les juges qui doivent le déterminer. En général, une
activité n'est pas connexe ou complémentaire si elle nécessite de procéder à des
nouvelles installations, ou de s'adresser à une nouvelle clientèle.

Par exemple, sera une activité connexe la vente de CD par un libraire. L'activité
par ailleurs, de piano-bar et de karaoké, c'est la jurisprudence qui l'a énoncée, a été
jugée connexe et complémentaire à celle d'hôtel meublé et de bar. C'est la
troisième chambre civile, dans un arrêt du 17 juillet 1996 qui a affirmé
cette solution. Il en est de même de l'activité de soirées musicales et dansantes qui
ont été jugées connexes et complémentaires à une activité de bar-restaurant. La
Cour d'appel de Dijon l'a affirmé le 2 mars 2010.

En cas de désaccord, si le bailleur et le locataire ne sont pas d'accord


sur le fait qu'il s'agit juste d'une despécialisation simple, c'est le tribunal
judiciaire qui est compétent pour trancher la question et déterminer si oui ou non
c'est une despécialisation simple.

● À côté de la despécialisation simple, il y a l a despécialisation plénière,


encore appelée despécialisation renforcée. E l l e permet au locataire
d'exercer dans les lieux loués une activité complètement nouvelle, qu'elle
s'ajoute à la précédente ou qu'elle la remplace. Ce n'est pas un droit pour le locataire, la
modification doit être modifiée eu égard à la conjecture économique et aux nécessités de
l'organisation rationnelle de la distribution. Donc il faut avoir une vraie justification
pour faire évoluer son activité pour la modifier totalement. En plus , les
nouvelles activités doivent être compatibles avec la destination, les
caractères et la situation de l'immeuble ou de l'ensemble immobilier.

En toute hypothèse, le locataire doit respecter un formalisme lourd. Il


doit faire une demande au bailleur par exploit d'huissier, toujours cet acte
extrajudiciaire. Le bailleur a un délai de réflexion de trois mois, et s'il ne
répond pas dans le délai, cela équivaut à une acceptation. S'il refuse, le locataire
peut saisir le tribunal judiciaire qui peut autoriser la despécialisation si le
refus n'est pas justifié par un motif grave et légitime. Il y a quand même un
moyen de passer outre finalement.

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Mais s'il y a despécialisation qui est acceptée ou finalement qui est imposée parce
qu'il n'y a pas de motif grave et légitime de la refuser, le bailleur peut à cette
occasion obtenir une augmentation de loyer immédiate, non soumise aux
limitations légales. S'il y a un désaccord sur ce prix, le prix sera fixé par le président
du tribunal judiciaire.

Autre opération possible, autre droit du locataire, la possibilité de sous-louer ou


de céder le bail.

b) Sous-location et cession du bail commercial

● Tout d'abord, lasous-location.La sous-location est en


principe interdite, sauf clause contraire ou accord du bailleur, selon
l'article L145-31 du Code de commerce. C'est le contraire en droit civil, puisque
les sous-locations sont autorisées par principe par l'article 1717 du Code civil. Dans
un bail de droit commun, si rien n'est précisé, la sous-location est possible.

Dans un bail commercial, en principe, la sous-location n'est pas possible, mais il


peut y avoir un accord. S'il y a accord, dans ce cas-là, il pourrait y avoir sous-location.
Mais si le loyer de la sous-location est supérieur à celui de la location, le
bailleur va pouvoir demander une augmentation de loyer. C'est le bailleur qui
va pouvoir bénéficier de cette plus-value en demandant une augmentation du loyer.

La sous-location peut être partielle ou totale, c'est-à-dire que l'on va


sous-louer soit l'intégralité du local, soit seulement une partie dont on n'a pas l'utilité.
Cette sous-location est prévue pour une durée fixée contractuellement.
Elle ne dure pas nécessairement neuf ans, donc elle ne dure pas non plus
nécessairement aussi longtemps que la durée restante du bail principal au moment de la
sous-location.

Le sous-locataire a un droit au renouvellement de la sous-location


auprès du locataire dans la dépendance toutefois de la durée restante à
courir du bail principal, comme l'a affirmé la troisième chambre civile de la
Cour de cassation dans un arrêt du 17 mars 2016.

Par exemple, si le contrat de bail principal a déjà duré quatre ans au moment de
la sous-location. Imaginons que la sous-location est prévue pour trois ans. À
l'expiration de ces trois ans, le bail principal aura sept ans. Le renouvellement de la
sous-location ne pourra valoir que pour les deux ans qui restent à courir pour le bail
principal. C'est la durée maximum de la sous-location une fois qu'il y a
renouvellement.

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Mais le sous-locataire a droit également au renouvellement du bail


directement auprès du propriétaire, c'est ce que lui autorise l'article L145-32
du Code de commerce.

En cas de sous-location partielle, cette-dernière possibilité de demander


directement au propriétaire du local le renouvellement du bail est très utile, car le locataire
principal, lui, ne peut pas obtenir le renouvellement du bail pour la partie sous-louée, parce
que par hypothèse, il n'exploite plus son propre fonds dans la partie sous-louée. Il faut être
propriétaire du fonds de commerce pour pouvoir demander le renouvellement. Or, le
locataire initial, pour la partie qu'il a sous-louée, il n'exploite plus un fonds de commerce.
C'est le fonds de commerce du sous-locataire qui est exploité, par celui du locataire. Donc
le locataire a perdu le droit au renouvellement. C'est donc le sous-locataire qui pourra
demander le renouvellement directement auprès du bailleur, ce qui conduira à ce qu'il
devienne le locataire principal concernant la partie du local initialement sous-louée.

En cas de sous-location totale, c'est également très utile de permettre un


renouvellement direct au profit du sous-locataire. En effet dans ce cas, le locataire
n'exploite plus du tout le fonds de commerce, il n'est plus propriétaire d'un fonds de
commerce, il ne peut donc plus bénéficier du droit au renouvellement,
comme l'a énoncé un arrêt de la chambre commerciale du 3 avril 1962.

Seul le sous-locataire, par conséquent, peut demander le


renouvellement qui se traduira par la poursuite du contrat de bail
principal directement avec le sous-locataire puisque le locataire est
évincé. C'est ce que prévoit la loi.

Mais dans tous les cas, le bailleur peut, s'il ne souhaite pas changer de
locataire (sous-location totale), ou s'il ne souhaite pas avoir deux locataires (sous-location
partielle), le propriétaire du local peut décider de renouveler à l'amiable le
contrat de bail principal dans sa totalité, et ce bien que les conditions du
renouvellement ne soient pas remplies, faute pour le locataire d'être encore
propriétaire de la totalité du fonds. Les règles énoncées sont donc des règles supplétives
de volonté, on peut, en tant que propriétaire du local, vouloir garder le statut-quo, c'est-à-
dire conserver le locataire original qui continuer à sous-louer le local.

● À côté de la sous-location, il y a la cession de bail. Le locataire dispose


d'un véritable droit de céder son bail en même temps que son fonds de
commerce. Toute clause qui interdit la cession du bail dans le contrat de bail en même
temps que le fonds de commerce est nulle. On ne peut pas avoir une clause dans le
contrat de bail qui interdit la cession du bail commercial en même temps que le fonds de
commerce, c'est ce qu'interdit l'article L145-16 du Code de commerce.

TITRE 2 14/33 CHAPITRE 2


DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

En revanche, il est possible d'introduire une clause qui subordonne la


cession du bail à l'agrément du cessionnaire par le bailleur. On n'interdit pas
de céder, mais on conditionne la cession à l'agrément du bailleur. Cela revient au droit
commun des cessions de contrat régies par les articles 1216 et suivants du Code civil. Le
droit commun de la cession de contrat suppose l'accord du cocontractant si on veut
transférer ce contrat à autrui.

Bref, conventionnellement, on peut introduire cette possibilité d'agrément au profit


du bailleur.

Le locataire, tout de même, peut demander au tribunal le droit de


passer outre un refus injustifié de la part du bailleur. Le bailleur a son local, et
avait dans son local une personne qui exploitait un commerce, en qui il avait confiance et
qui allait lui payer des loyers. Puis là, cette personne qui exploite son fonds de commerce
le vend à quelqu'un d'autre qui va la remplacer, et donc la remplacer dans des relations
avec le bailleur. On peut imaginer que pour le bailleur, c'est un peu inquiétant, puisqu'il
avait confiance dans le premier cocontractant, locataire, mais là on va lui imposer un
nouveau locataire. Donc la clause d'agrément ne semble pas totalement inopportune.

Mais il ne faut pas abuser, c'est-à-dire que si on commence à refuser


systématiquement toutes les personnes proposées pour acheter le fonds de commerce et
donc devenir le locataire du propriétaire du local, ce refus injustifié pourra être
contourné par un recours au juge.

Il y a une autre clause que l'on peut trouver dans ces contrats de cession, c'est une
clause qui rend le cédant garant du paiement des loyers par le
cessionnaire jusqu'à la fin du bail. Dans ce cas-là, certes il y a une cession, mais
le cédant va être garant. Cette garantie est tout de même encadrée par l'article L145-
16-2 du Code de commerce, parce que cette garantie ne peut pas être
supérieure à trois ans.

En outre, le bailleur est tenu d'informer le cédant dès le premier mois


d'impayé de loyer, c'est l'article L145-16-1 qui prévoit cette règle. Il faut que le
cédant soit très vite informé du fait que le cessionnaire ne paie plus les loyers pour faire
pression sur le cessionnaire pour que celui-ci les paie.

Une dernière précision doit être faite néanmoins, c'est que ce droit de céder le
bail n'est garanti que si cette cession a lieu en même temps que la
cession du fonds de commerce. Une clause peut tout à fait interdire une cession du
bail sans la cession du fonds de commerce. Dans ce cas-là, il faudra nécessairement
obtenir une autorisation de la part du propriétaire du local pour réaliser une simple cession
du bail commercial.

TITRE 2 15/33 CHAPITRE 2


DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

Dernière précision, il sera possible de céder le bail sans le fonds alors


même qu'il y a une dissociation entre cession du fonds et cession de bail
dans l'hypothèse où le locataire part à la retraite. Si le locataire part à la
retraite, il ne peut pas céder son fonds parce que son fonds peut-être n'a plus aucune
valeur, n'a pas vraiment d'intérêt. La seule valeur dont il soit encore titulaire, c'est ce bail
commercial. Même s'il n'arrive pas à trouver d'acquéreur pour son fonds de commerce, il
peut céder le bail commercial même sans l'accord de son bailleur. Le but, c'est de
permettre aux personnes âgées qui ne parviennent pas à céder leur fonds de commerce
de céder au moins le droit au bail. C'est une exception à cette interdiction de céder le bail
commercial seul, nu, sans l'accord du bailleur.

On trouve également dans ces règles protectrices du locataire, ces droits du


locataire, des règles qui assurent sa protection contre les clauses résolutoires et contre les
conditions résolutoires.

c) La protection contre les clauses résolutoires et les conditions résolutoires

● L e s clauses résolutoires, ce sont les clauses qui


prévoient la résolution du contrat pour une mauvaise exécution de ses
obligations par le locataire. On a une possibilité de demander la résolution d'un
contrat pour inexécution, mais en principe, il faut avoir recours à un juge. Pour ne pas
avoir recours à un juge, on peut avoir recours à des clauses résolutoires. On prévoit des
manquements qui en cas de survenance vont entraîner la résolution du contrat, et les
parties se sont mises d'accord.

Sauf que quand c'est un bail commercial qui prévoit ces clauses résolutoires, des
encadrements sont prévus. Cet encadrement est prévu à l'article L145-41 du Code
de commerce. Il y a un régime très protecteur pour le locataire. En effet, la clause ne
prend effet qu'un mois après un commandement, c'est-à-dire encore un
exploit d'huissier, non suivi d'effet.

Il faut que ce commandement indique le titre exécutoire en vertu


duquel il est signifié.

Si le bail n'est pas constaté par un acte notarié, il n'a pas le


caractère exécutoire. Et donc cela veut dire qu'il va falloir, avant même de faire le
commandement, que le bailleur obtienne un titre exécutoire. Pour cela, il va devoir obtenir
un jugement condamnant le locataire. C'est cela qui lui donnera un titre exécutoire qui
devra figurer dans le commandement, qui devra ensuite être envoyé au locataire. Au bout
d'un mois alors, il pourra y avoir résolution. Cela limite fortement l'intérêt de prévoir une
clause résolutoire dans un contrat non-notarié, parce que comme pour une action en
résolution sur le fondement de l'article 1227 du Code civil, il faut en principe saisir le juge.

TITRE 2 16/33 CHAPITRE 2


DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

Donc finalement, la clause résolutoire, quand on a un acte sous seing privé et non pas
notarié, il va falloir avoir recours au juge. Le seul intérêt de la clause résolutoire alors que
le juge est lié par la clause, et par conséquent par la cause de résolution, et là il n'aura
pas à apprécier si l'inexécution est suffisamment importante pour justifier une résolution.

● À côté de la clause résolutoire, il y a la condition résolutoire, et en


particulier une condition résolutoire pour non-exploitation du fonds. Une
condition résolutoire, c'est un événement futur qui, s'il survient, remet en
cause le contrat.

Le principe, c'est que ces clauses sont licites. On peut tout à fait prévoir que
si le locataire n'exploite plus le fonds, le bail pourra être résilié. On comprend bien la
logique de la clause : on a recours à une telle clause car si un bailleur constate que son
locataire n'exploite plus l'activité qui lui permet de payer les loyers, il a plutôt intérêt à
mettre un terme au contrat qui le lie à ce locataire.

Mais l'article L145-42 du Code de commerce dispose que la clause


sera paralysée en cas de despécialisation du fonds pendant le temps
nécessaire à la transformation de ce fonds. C'est assez logique, à partir du
moment où la loi reconnaît le droit de despécialiser, de changer d'activité, ce serait
paradoxal de dire que l'on peut prévoir une clause qui permet au bailleur de mettre un
terme au contrat car on n'exploite plus le fonds en raison des travaux faits dans le local
pour l'adapter à la nouvelle activité que l'on veut réaliser.

Donc cette clause qui conditionne la poursuite du bail commercial par l'exploitation
du fonds est paralysée à partir du moment où cette inexploitation est liée aux travaux
réalisés en vue d'une despécialisation de l'activité.

Autre condition résolutoire, une condition résolutoire qui est


prévue pour ouverture d'une procédure collective. L'idée, c'est de prévoir un
cas de résolution du contrat de bail en cas d'une ouverture d'une procédure collective. On
comprend également la logique : un locataire fait l'objet d'une procédure collective, c'est-à-
dire qu'il a demandé une procédure de sauvegarde ou une procédure de redressement
judiciaire ou de liquidation judiciaire, donc son bailleur va légitimement s'inquiéter de la
situation périlleuse de ce locataire. Ces conditions résolutoires pour ouverture d'une
procédure collective ne sont pourtant pas valables. Elles sont privées d'effet par
l'article L622-14 du Code de commerce, et réputées non écrites.

Pourquoi ?

Parce que quand on fait l'objet d'une procédure collective, l'idée c'est de faire en
sorte que l'on redresse la barre, que notre entreprise surmonte ses difficultés. Or, si on
n'avait pas prévu cette règle de l'article L622-12 du Code de commerce, si on
TITRE 2 17/33 CHAPITRE 2
DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

validait les conditions résolutoires qui prévoient la fin du contrat de bail en cas d'ouverture
d'une procédure collective, ces conditions résolutoires deviendraient des clauses de style,
et ce serait une catastrophe pour le redressement de l'entreprise, car si l'on est un
commerçant et que lorsque l'on fait l'objet d'une procédure collective le contrat de bail
s'arrête et que l'on n'a plus de local, les chances de redressement sont nulles, ou quasi-
inexistantes. Donc cela contrarie toute la logique des procédures collectives qui est de
favoriser le redressement de l'entreprise. Donc il faut contrer ces clauses qui remettraient
trop en cause l'objectif des procédures collectives.

En tout cas, avec toutes ces règles, le preneur est très protégé contre les clauses
résolutoires qui pourraient être invoquées à son encontre. Cette protection du locataire se
manifeste également par la reconnaissance à son profit d'un droit de préférence.

d) Le droit de préférence

En cas de vente du local commercial par le


bailleur, un droit de préférence envers le locataire est institué qui rend
obligatoire pour le bailleur de proposer en priorité au locataire en place
l'achat des murs à vendre. C'est l'article L145-46-1 qui prévoit cette règle. C'est
un droit de préférence qui est reconnu aux commerçants, mais également aux artisans qui
sont soumis aussi au statut des baux commerciaux. C'est un moyen donc de favoriser la
possibilité pour le commerçant qui exploite son activité dans un local de continuer à
pouvoir jouir de ce local en en devenant propriétaire après en avoir été locataire. La façon
dont le local doit être proposé à l'achat au locataire est encadrée par la loi selon une
procédure que l'on ne développe pas.

3) Obligations du locataire

Les obligations du locataire sont multiples. Il est, tout d'abord, possible


qu'il ait à verser un pas de porte, mais il doit également s'acquitter du paiement des
charges. Cependant, l'obligation essentielle du locataire est sans conteste
celle de verser un loyer au bailleur.

Nous allons voir successivement ces différentes obligations en commençant par le


pas de porte.

a) Pas de porte

L e pas de porte est un usage qui conduit au


versement d'une somme par le locataire au bailleur lors de son entrée

TITRE 2 18/33 CHAPITRE 2


DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

dans les lieux. Ce pas de porte est parfois analysé comme une indemnité, la
contrepartie du droit au renouvellement ou parfois comme un complément de loyer
pour compenser les limitations légales dans la fixation du loyer.

Ce sont les juges du fond qui qualifient en tentant de déterminer quelle est
l'intention des parties. Si c'est considéré comme un loyer, ce pas de porte, il
devra être pris en considération pour déterminer la base de calcul en
cas de révision du loyer.

À côté de cela, le locataire doit aussi payer des charges.

b) Paiement des charges

Ce paiement des charges est encadrél'article


par L145-
20-2 du Code de commerce. Cet article encadre la possibilité pour le
bailleur de répercuter les charges et les impôts afférents au local loué, et
ce, de quatre façons différentes :

● Première façon, il a une obligation déjà de dresser clairement


une liste de ce qui pourra être refacturé au preneur, c'est le
locataire ;

● Deuxième obligation, l'article R145-35 interdit de récupérer,


auprès du locataire, les dépenses relatives aux grosses
réparations, les impôts dont le redevable légal est le bailleur
également ;

● Troisième point : u n e information régulière du preneur, du


locataire, est prévue ;

● Quatrième point : lorsque le local se situe dans un ensemble immobilier


comportant plusieurs locataires, par exemple un centre commercial, il
faudra préciser la répartition des charges ou du coût des
travaux entre chaque locataire et en fonction de la surface
exploitée

Voilà pour ces charges afférentes à l'exploitation du local qui peuvent être, dans
une certaine mesure et à condition que cela soit fait en toute transparence et que cela ne
remette pas en cause certaines charges qui doivent nécessairement et impérativement
être supportées par le bailleur.

Mais il va de soi que l'obligation principale du locataire, c'est de payer


TITRE 2 19/33 CHAPITRE 2
DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

les loyers.

c) Loyers

La fixation initiale du loyer relève d'un


principe de liberté. Ce ne sont que les augmentations ultérieures qui vont être
strictement encadrées.

L'article L145-38 du Code de commerce prévoit la possibilité de


modifier les loyers tous les trois ans. Cette modification des loyers peut être
demandée par le bailleur ou par le locataire. Mais cette modification des loyers est
très encadrée.

Le principe est que la révision conduit à une fixation du loyer, à ce que


l'on appelle la valeur locative. Ensuite, il existe un certain nombre d'exceptions.

◢ i. Le principe en cas de révision : la


fixation à la valeur locative

L'article L145-33 du Code de commerce


prévoit que la fixation après la révision du loyer doit correspondre à la
valeur locative du local. La valeur locative est en principe fixée à l'amiable. On
se met d'accord pour dire combien vaut la location du local. Quand on n'arrive pas à se
mettre d'accord, le juge décide, et si cette valeur locative est fixée par le juge,
elle prend en compte cinq critères qui sont finalement des critères auxquels on a
intuitivement recours lorsque l'on loue un local qui n'est pas un local commercial.

● Premier critère, les caractéristiques du local considéré : en quoi


consiste ce local ? Est-il grand ? Combien de m2 ? De bonne qualité ? Déjà équipé ?
Etc. ;

● Deuxième critère, la destination des lieux : est-ce que c'est un local


fait pour une librairie ? Pour une boulangerie ? ;

● Troisième critère, les obligations respectives des parties : À


quoi s'engage-t-on ? À prendre beaucoup de charges ? Des prestations de service ? ;

● Quatrième critère, les facteurs locaux de commercialité : on


regarde l'emplacement. Si l'on est dans une zone piétonne, dans un endroit avec
beaucoup de circulation, plutôt chic ? ;

● Cinquième et dernier critère, le critère de l'imitation : qu'est-ce


qui se fait couramment dans le voisinage ? Quels sont les prix couramment
pratiqués dans le voisinage ? Quel est le loyer des locaux similaires ?

TITRE 2 20/33 CHAPITRE 2


DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

Des précisions sur ces critères sont apportées aux articles R142-2
et suivants du Code de commerce.

◢ ii. Encadrement légal

Que prévoit la loi à propos de cette modification ?

la modification doit être ajustée à la valeur locative.


Le principe, c'est que
Mais il existe un plafonnement de la variation des loyers, que ce soit à la hausse ou
à la baisse. Des solutions jurisprudentielles sont vraiment bien moins assurées et assez
complexes concernant la révision à la baisse, c'est même très, très complexe. On s'en
tiendra donc à l'hypothèse la plus fréquente en pratique, soit celle d'une révision à la
hausse du loyer.

Donc, cette modification à la hausse, que prévoit la loi à propos de cette modification ?

Cette modification à la hausse ne peut pas dépasser la variation,


depuis la dernière fixation du loyer, d'un indice INSEE de référence. Un
indice INSEE de référence que l'on trouve en tapant sur Google.

Cet indice, lequel est-ce ? C'est soit l'indice des loyers commerciaux, l'ILC, ou
alors l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, l'ILAT.

On applique lequel ? Cela dépend du type d'activité exercée.

On ne peut pas augmenter les loyers au-delà de cette variation de cet indice de
référence (ILAT, ILC). Mais il existe des causes de déplafonnement. On va
pouvoir aller au-delà de la variation de cet indice de référence dans certains cas.

● La première cause : le plafonnement peut être écarté si est


prouvée une modification matérielle des facteurs locaux de
commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de
10% de la valeur locative. Dans la valeur locative, on prend en compte les facteurs
locaux de commercialité, qui sont l'environnement du local. Si ces facteurs locaux de
commercialité ont évolué et que cela explique l'augmentation de la valeur locative de plus
de 10%, dans ce cas-là, on va pouvoir déplafonner, aller au-delà de la variation de l'indice
de référence.

Par exemple, l'ouverture d'une station de métro, des aménagements qui rendent
piétonne la rue du local.

Il faut cependant que cette modification matérielle des facteurs


locaux ait une incidence favorable sur l'activité exercée, comme l'a exprimé
la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 14 septembre
TITRE 2 21/33 CHAPITRE 2
DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

2011. Cet arrêt par ailleurs opérait un revirement de jurisprudence.

● La deuxième cause de déplafonnement, c'est la modification


notable de la destination des lieux : cette modification des lieux fait que le bailleur
peut modifier le loyer sans avoir besoin de constater l'incidence favorable de cette
modification sur l'activité exercée. Donc le déplafonnement est possible par le simple fait
qu'il y ait une modification de l'affectation des lieux, ce qu'a énoncé la troisième chambre
civile dans un arrêt du 18 janvier 2012.

En toute hypothèse, le déplafonnement reste quand même limité.


C'est une nouvelle limitation qui a été prévue par une loi de 2014. Ce qui est prévu par
cette loi, c'est que même en cas de déplafonnement, l'augmentation de loyer
ne peut pas être supérieure à 10% par an.

Pour résumer ce qui précède, un petit exemple pratique :

Imaginons que nous avons un loyer initial de 1000€. La valeur locative, trois ans
après, c'est 1500€, plus 50%. L'évolution de l'indice INSEE de référence, ILC ou
ILAT, est de +20%. Le nouveau loyer va donc être fixé à 1200€. Parce que le
plafond qui va s'appliquer, c'est la variation de l'indice de référence, donc +20%.
1000 + 20% de 1000 c'est 1000 + 200 donc 1200€. Même si la valeur locative est à
1500€, le plafond est à 1200€.

Que se passe-t-il si la hausse de la valeur locative est due pour plus de 10% à l'installation
de bureaux dans le voisinage local où est exploité un café, par exemple ?

Dans ce cas, on peut considérer qu'il y a un lien de causalité entre l'augmentation de la


valeur locative et l'évolution des facteurs locaux de commercialité. On peut donc dépasser le
plafond de la variation de l'indice INSEE. Mais il faut prendre en compte, tout de même, la
règle selon laquelle l'augmentation ne peut pas être supérieure, en toute hypothèse, à 10%
par an.

Donc le nouveau loyer, c'était 1200€, le plafond initial, + 100, qui correspond à 10% de
1000, car on peut augmenter au maximum de 10% par an. Par conséquent, on a 1300€ la
première année. Puis l'année suivante, cela va être 1430€ (+10% e 1 300€, soit 130€), et la
C'est le plafond maximum
troisième année, ce sera 1500€, soit la valeur locative.
que l'on peut atteindre.

Si la valeur locative est inférieure à ce qui aurait résulté de


l'application de l'indice, on en reste à la valeur locative. Donc si la valeur
locative, au bout de trois ans, c'est 1100€, même si le plafond est à 1200€, on est en-
TITRE 2 22/33 CHAPITRE 2
DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

dessous du plafond, donc on reste à 1100€, et c'est le nouveau loyer qui sera fixé à
1100€.

Cela vaut pour l'encadrement légal. Mais il existe aussi un encadrement


conventionnel.

◢ iii. Encadrement conventionnel

L'encadrement conventionnel, ce sont tout


d'abord les clauses que l'on appelle les clauses d'échelle mobile. Ces
clauses permettent de faire varier le loyer en fonction d'un indice. Ces clauses
sont licites. Elles doivent se fonder sur un indice en relation directe avec l'objet
du bail ou l'activité de l'une des parties (article L112-2 du Code
monétaire et financier). On ne peut pas choisir n'importe quel indice. Mais pour ce
qui est d'un bail commercial, cela va permettre de choisir un autre indice INSEE qui est
l'indice du coût de la construction ; parce que c'est un indice qui est bien en
rapport avec l'objet du contrat qui est un immeuble.

Quand on fait cette référence à un indice spécial, on dit que les loyers vont
évoluer en fonction de l'évolution de cet indice.

La clause peut prévoir la périodicité. En pratique, c'est tous les ans.

Ces clauses d'échelle mobile n'empêchent pas le jeu de la révision


légale tous les trois ans. Là, ce n'est pas quelque chose qui exclut complètement la
révision légale. Tous les trois ans, on va quand même appliquer le système de révision
légal, et notamment le plafonnement. Donc l'application de la clause d'échelle mobile ne
va pas permettre de faire évoluer le loyer, d'augmenter le loyer de façon disproportionnée
ou excessive. Il y aura toujours un plafond tous les trois ans qui
correspondra à l'indice légal de référence. On ne pourra pas augmenter le loyer
plus que la variation de cet indice légal de référence.

Il y a un autre encadrement prévu par l'article L145-39 du Code de


commerce à propos de ces clauses d'échelle mobile. Il est prévu dans ce texte que la
révision judiciaire pourra être demandée chaque fois que, par le jeu de la
clause, le loyer se trouvera augmenté de plus d'un quart par rapport au
prix précédemment fixé contractuellement, ou par décision judiciaire. La fixation se
fera alors par le juge à la valeur locative.

On limite, ne veut pas prendre +25% de loyer en une année, car cela semble être
excessif vis-à-vis du locataire.

Les clauses d'échelle mobile ne sont pas les seules clauses que l'on peut prévoir

TITRE 2 23/33 CHAPITRE 2


DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

pour encadrer l'augmentation des loyers. Il existe aussi ce que l'on appelle les
clauses recettes, ou alors encore les clauses de loyers variables. Ces
clauses recettes ont connu leur essor surtout à l'occasion de la gestion de la grande
distribution, et par conséquent dans les centres commerciaux. Elles fixent le loyer en
fonction des recettes ou du chiffre d'affaires du locataire.

Ces clauses sont licites, et selon la jurisprudence, elles empêchent le jeu


des mécanismes de la révision légale. Ce sont des clauses qui remettent en
cause le caractère d'ordre public du statut des baux commerciaux.

B) Les règles spéciales en fin de bail

Une des grandescaractéristiques du statut des baux commerciaux estleque


preneur a un droit au renouvellement du bail, à l'expiration du terme de
neuf ans.

Cela signifie qu'en principe, le preneur est sûr d'obtenir le renouvellement du bail.
En réalité, il faut affiner un peu. En toute hypothèse, le bailleur peut refuser de
renouveler le contrat de bail, mais il s'expose dans ce cas à verser une
indemnité d'éviction dont le montant est très important, si bien que le
bailleur est fortement incité à accepter le renouvellement. En pratique, il y a donc
quasiment toujours un droit au renouvellement.

1) Les options possibles en fin de bail

Ces options varient selon que les parties sont passives ou actives à la
fin du bail.

a) Si les parties demeurent passives

Si aucune des parties ne prend l'initiative, avant


l'arrivée du terme, selon l'article L145-9 du Code de commerce, le bail se
poursuit par tacite prolongation pour une durée indéterminée. C'est à bien
distinguer de la tacite reconduction qui conduit à ce qu'un nouveau contrat soit tacitement
conclu pour faire suite au premier. C'est donc le même contrat qui se poursuit.
Mais ce même contrat devient à durée indéterminée. Quelles sont alors les options pour les
parties ?

Comme le contrat est un CDI, les deux parties peuvent y mettre fin
à tout moment, à condition de respecter un préavis de 6 mois. Pendant
cette période, le preneur, le locataire, peut à tout moment demander le
renouvellement du bail.
TITRE 2 24/33 CHAPITRE 2
DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

b) Si les parties deviennent actives

Tant le bailleur que le preneur peuvent, en fin de bail, prendre


l'initiative.

◢ i. L'initiative du bailleur

Avant l'arrivée du terme, le bailleur peut


donner congé au locataire. Ce congé doit être délivré par exploit d'huissier
au moins six mois à l'avance pour, nous dit le texte, le dernier jour du
trimestre civil. Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire.

Petit exemple concret :

Imaginons que le bail est conclu le 1er février. Il faut donner congé au moins 6 mois
à l'avance, donc avant le 31 juillet de l'année précédant la date de fin du bail. Mais
comme le congé ne vaut que pour le dernier jour du trimestre civil, le congé ne
prendra effet que le 31 mars qui est le dernier jour du premier trimestre de l'année.

En cas de congé tardif, c'est-à-dire moins de six mois avant


l'échéance, le congé ne prend effet que le dernier jour du trimestre civil
éloigné de plus de six mois.

Dans l'exemple, si le congé a été donné le 31 octobre, il prendra effet non pas
six mois après, c'est-à-dire le 31 avril, mais à la fin du deuxième trimestre, soit le 31
juin.

Il est cependant très fréquent que le congé donné par le bailleur


propose le renouvellement du contrat de bail, et donc pas uniquement un
congé sec.

L'initiative peut également relever du locataire.

◢ ii. L'initiative du locataire

Le preneur, le locataire, peut également choisir d'être


actif, et sa première option est de donner un congé au bailleur dans les mêmes
conditions de délais que le congé donné par le bailleur. La deuxième option
est la plus fréquente en pratique. C'est de faire une demande de renouvellement,
laquelle doit intervenir dans les six mois précédant l'arrivée du terme, ou
à tout moment pendant la prorogation tacite du contrat après l'arrivée
TITRE 2 25/33 CHAPITRE 2
DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

du terme.

La demande peut être faite par acte extrajudiciaire mais également


par lettre recommandée avec accusé de réception. On voit une fois de plus
que le formalisme exigé du locataire est plus léger que pour le bailleur, puisque l'on admet
de façon générale les demandes par lettre recommandée avec accusé de réception.

Les conditions requises pour demander le renouvellement sont fixées


à l'article L145-8 du Code de commerce.

● On trouve d'abord l'exigence d'un bail commercial, c'est normal ;

● De plus, le droit au renouvellement doit être invoqué par le


propriétaire du fonds, ce qui amène à distinguer les situations
particulières. En premier lieu, s'il y a location-gérance :

➔ S'il y a location-gérance, ce n'est pas le locataire-gérant qui peut


demander le renouvellement, c'est le propriétaire du fonds alors
même qu'il n'exploite pas le fonds lui-même ;

➔ Puis s'il y a sous-location du bail, le locataire ne peut plus exercer


le droit au renouvellement. Le sous-locataire a lui un droit au
renouvellement s'il a été agréé par le bailleur ;

● Troisième condition, l'exploitation du fonds. Il faut que le fonds ait fait


l'effet d'une exploitation effective dans les trois ans
précédant le renouvellement. En principe, la despécialisation
est sans conséquence sur le droit au renouvellement. Selon
l'article L145-8, une cause légitime permet au locataire de
continuer à bénéficier du droit au renouvellement malgré
l'absence d'exploitation.

Par exemple, si le défaut d'exploitation est dû à un fait du bailleur, comme si le bailleur


conserve les clés du local tout en continuant à percevoir les loyers. Dans ce cas-là, le
commerçant qui n'a plus accès à son local peut tout de même bénéficier du droit au
renouvellement parce que ce n'est absolument pas de son fait.

À ces conditions prévues par l'article L145-8, il faut ajouter le fait que le
locataire doit en principe être un commerçant immatriculé au RCS.

2) Les conséquences de l'option retenue

Selon l'option choisie, il y aura renouvellement du bail ou non-


renouvellement du bail.

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DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

a) Renouvellement du bail

Le renouvellement du bail peut être demandé dans


plusieurs circonstances :

● Soit dans le congé délivré par le bailleur : le bailleur donne congé


avec proposition de renouvellement ;

● Deuxième possibilité, c'est une demande expresse du locataire ;

● Enfin, pendant la poursuite du bail par prorogation tacite, après


l'arrivée de l'échéance, il peut y avoir une proposition de renouvellement.

Si les deux parties parviennent à se mettre d'accord sur les


conditions du bail renouvelé, il n'y a pas de problème. Le bail est alors
renouvelé pour une durée de neuf ans, sauf volonté contraire des parties
pour une durée plus longue.

Le plus souvent, ou assez fréquemment en pratique, les parties vont être d'accord
sur le principe du renouvellement, mais pas sur le loyer.

● Dans ce cas, l'article L145-35 du Code de commerce prévoit une


procédure qui commence par une phase de conciliation devant une
commission départementale de conciliation. Cette commission s'efforce de
concilier les parties pour qu'elles se mettent d'accord sur la fixation du nouveau loyer.

● Si la commission ne parvient pas à mettre d'accord les parties,


elle rend un avis.

● Ensuite, la contestation est portée devant le président du TJ qui


tranche les litiges. Comment le nouveau loyer va-t-il être fixé par ce président du TJ ? En
principe, le nouveau loyer doit correspondre à la valeur locative. Mais il existe un
plafonnement. Le nouveau loyer ne peut pas enregistrer par rapport au
loyer initial du bail expiré un taux d'augmentation supérieur aux
variations de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des
loyers des activités tertiaires pendant la période locative, c'est ce que prévoit
l'article L145-34. On retrouve la même idée que pour les variations triennales du loyer.
On ne fixe le loyer à la valeur locative uniquement si le plafonnement est
supérieur à la valeur locative.

Cependant, le plafonnement sera écarté dans l'hypothèse où la


valeur locative est supérieure au plafonnement, si le bailleur prouve une
modification notable, cette fois-ci pas uniquement des facteurs locaux de
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DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

commercialité, mais des éléments constitutifs de la valeur locative. Tous les


cinq éléments constitutifs de la valeur locative comptent dans la variation.

Le plafonnement est également exclu lorsque la durée du nouveau


bail dépasse neuf ans. Mais là encore, l'augmentation des loyers en
déplacement du plafond ne peut pas excéder 10% par an du montant du
dernier loyer acquitté. Il y aura toujours cette limitation de 10% comme pour les
augmentations triennales du loyer commercial.

À la suite de la décision du juge fixant le loyer, les parties doivent conclure


un nouveau bail, selon les normes fixées par le juge, étant précisé qu'en toute
hypothèse chaque partie peut renoncer à conclure le bail dans un délai
d'un mois. Si c'est le bailleur qui refuse de conclure un nouveau bail aux
conditions judiciairement fixées, il devra payer une indemnité d'éviction. Il s'agit
d'une hypothèse d'absence de renouvellement.

b) L'absence de renouvellement

Le bailleur peut toujours refuser d'accorder le renouvellement du bail.


Ce refus peut être contenu danscongéle qui est adressé au locataire. Il peut également être
opposé à la demande du renouvellement du locataire. Il peut intervenir lors de la
prorogation tacite du bail. Il peut enfin intervenir pendant le délai de rétractation
après fixation judiciaire du loyer.

Dans ce cas, en cas de refus du renouvellement, le locataire doit


quitter les lieux. Il est responsables des dégradations commises, et pour faciliter la
vérification de l'absence de dégradation la loi oblige aujourd’hui à ce qu'un état
des lieux soit établi contradictoirement et amiablement lors de l'entrée
en possession du local et lors de la restitution du local. C'est un article assez
nouveau, l'article L145-40-1 du Code de commerce qui encadre cet état des
lieux.

Si les parties ne se mettent pas d'accord, l'état des lieux sera


dressé par un huissier. Les frais selon alors répartis à égalité entre les parties.

La règle essentielle, en cas d'absence de renouvellement, est cependant que le


locataire a en principe droit à une indemnité. Mais il existe aussi des
hypothèses où le locataire n'aura pas le droit à une indemnité alors même qu'il n'y a pas
de renouvellement.

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DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

◢ i. Le principe : le droit à une indemnité

Si le bailleur refuse de renouveler le bail, le principe est


qu'en toute hypothèse, le locataire a droit à une indemnité d'éviction. C'est
l'article L145-14 du Code de commerce. Cette indemnité est égale au
préjudice causé par le défaut de renouvellement. Selon l'article L145-14,
cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de
commerce déterminée suivant les usages de la profession, augmentée
éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation
ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur,
sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est
moindre.

On voit que le principe, d'après ce texte, est que l'indemnité est fixée en
fonction de la valeur du fonds. En effet, le non-renouvellement du bail conduit
souvent à l'impossibilité pour le commerçant, pour le locataire, de continuer à exploiter son
fonds de commerce, car il perd sa clientèle. Il est donc logique de considérer que le
principe est que le préjudice subi correspond à la valeur du fonds.

Pour évaluer le fonds, il est fréquent de retenir un pourcentage du


chiffre d'affaires annuel, 60 ou 70% environ du chiffre d'affaires.

On voit que c'est une présomption de perte du fonds de commerce qui


est édictée par ce texte. C'est le principe, on part du principe que le non-renouvellement
du bail fait perdre le fonds de commerce.

Dans un tel cas, cela peut faire une somme très importante que le bailleur devra
payer au titre de l'indemnité d'éviction. Un arrêt de la cour d'appel de Versailles
du 4 novembre 2014 offre un exemple de calcul du montant de l'indemnité quand il y a
perte du fonds de commerce.

En l'espèce, le fonds de commerce était un bar-restaurant. Le local se situait


dans un village de 900 habitants qu'un peintre célèbre avait immortalisé et que des
personnes connues fréquentaient. Le propriétaire du local avait refusé de
renouveler le bail commercial. La cour d'appel a considéré que l'éviction entraînait
bien la perte du fonds car le fonds ne pouvait pas être transféré. Elle a évalué
l'indemnité principale à 130 000€ à laquelle elle a ajouté 12 500€ au titre des frais
de remploi, 2 600€ au titre du trouble commercial, et 2000€ au titre des frais
administratifs. C'est donc une indemnité d'éviction totale de 147 100€ que le bailleur
a dû verser au locataire.

Mais le bailleur peut renverser la présomption selon laquelle le non-


renouvellement emporte perte du fonds de commerce. Il faut alors
démontrer que la perte est moindre, car la clientèle a suivi le commerçant dans le
nouveau local. Dans cette hypothèse, l'indemnité ne sera plus fixée en fonction de la
valeur du fonds de commerce, mais en fonction de la valeur du droit au bail. Comment est-
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ce évalué ?

On a le choix : on peut prendre le prix du pas-de-porte ou alors la


différence entre le montant du loyer plafonné que payait le locataire, le
plafond dû à un renouvellement, et le montant du loyer librement fixé
que le locataire va devoir payer dans son nouveau local. Le droit au bail peut
correspondre ainsi à la somme que le locataire aurait évité d'avoir à payer s'il y avait eu
renouvellement.

Tant qu'il n'aura pas payé l'indemnité, le bailleur ne pourra pas


obtenir l'expulsion du locataire. Le locataire devra cependant verser des
indemnités d'occupation ; il n'occupera pas le local à titre gratuit.

L'indemnité d'éviction peut faire une somme. Le bailleur ne paiera que s'il est sûr de
savoir ce qu'il veut faire du local, évidemment. C'est pour cela que le droit réserve au
bailleur la possibilité de changer d'avis et de renouveler le bail. Ainsi,
l'article L145-58 lui reconnaît un droit de repentir dans les 15 jours
suivant le jugement fixant l'indemnité.

Dans un arrêt du 13 décembre 2011, la troisième chambre civile,


saisie d'une QPC, a considéré que le droit de repentir n'était pas contraire au
droit de propriété du bailleur, car il conserve le droit de percevoir un
loyer ou de vendre son bien.

Dans un arrêt du 4 juillet 2012, la troisième chambre civile considère


que le droit de repentir est irrévocable, car il entraîne le renouvellement du bail.

Pour éviter d'avoir à payer l'indemnité, le bailleur peut également prouver


qu'elle n'est pas due.

◢ ii. L'exception : l'absence d'indemnité

L'article L145-17 vise un certain nombre


d'hypothèses dans lesquelles le bailleur n'est tenu de verser aucune
indemnité alors même qu'il refuse de renouveler le bail, en cas de motif
grave et légitime à l'encontre du locataire, par exemple. Par exemple, la
violation d'une obligation contractuelle, ou des violences exercées à
l'encontre du bailleur. Dans ce cas-là, on ne va pas forcer le bailleur à renouveler le
bail ou à payer une indemnité d'éviction. Le non-renouvellement du bail est justifié.

Autre justification, la reconstruction du local insalubre. Le bailleur peut en


effet ne pas renouveler le contrat de bail sans indemnité d'éviction, si c'est pour
reconstruire le local.

Également, le bailleur peut reprendre les locaux d'habitation qui sont


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accessoires à des locaux commerciaux pour se loger ou loger sa famille


si le bénéficiaire de sa reprise n'a pas de logement correspondant à ses
besoins normaux.

SECTION 2 – LES AUTRES BAUX PROFESSIONNELS

C'est-à-dire les baux applicables à d'autres personnes que les commerçants ou les
artisans.

Nous avons vu en effet que le statut des baux commerciaux s'appliquait


également aux artisans, ce qui confirme le fait qu'artisans et commerçants sont
soumis à des règles similaires, si ce n'est entièrement identiques.

S'agissant des agriculteurs, le Code rural prévoit des baux très


spécifiques qui diffèrent fortement des règles prévues pour les baux
commerciaux. La situation des professions libérales est également très différente, mais
bien moins en raison des règles spéciales qui encadrent les baux qu'ils concluent, qu'en
raison du nombre très réduit de règles spéciales qui leur sont applicables.

Nous allons tout d'abord envisager les règles très particulières qui sont applicables
aux baux ruraux.

I. Les règles très particulières applicables aux baux ruraux

La réglementation relative aux baux ruraux est complexe car il existe de très
nombreux types de baux ruraux régis par les articles L411-1 et suivants
du Code rural.

Les premiers baux ruraux envisagés par le Code sont les baux à ferme et les
baux à métayage, les seconds se caractérisant par le fait que le locataire
s'engage à partager les produits de son exploitation avec le bailleur, un
peu comme une clause recettes dans le cadre d'un bail commercial.

Le bail à ferme est le plus répandu des baux ruraux. Son régime est
d'ailleurs en principe applicable à l'ensemble des baux ruraux, sous réserve des règles
spéciales prévues pour les baux ruraux particuliers.

Parmi ces baux ruraux spéciaux, ces baux particuliers, on doit relever en particulier
le bail rural cessible hors cadre familial. Ces baux régis par les articles L418-
1 et suivants du Code rural s o n t conclus pour 18 ans par acte
authentique. Ils précisent expressément qu'ils peuvent être cédés à d'autres
personnes que le conjoint ou le partenaire de PACS. C'est une des grandes
caractéristiques.

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DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

Outre leur durée assez longue, ces baux cessible hors cadre familial se
distinguent des autres baux ruraux notamment par le fait qu'ils peuvent
être cédés à des tiers.

On constate ainsi que la matière des baux ruraux est très riche, et qu'il semble peu
probable, à court terme, de leur appliquer des règles similaires à celles applicables aux
autres professionnels. Cela tient certainement au fait que la terre agricole joue un rôle très
spécial dans les activités agricoles, encore plus que le rôle tenu par le local pour les
activités commerciales.

II. La quasi-inexistance de règles propres aux baux conclus par les


professions libérales

Les professions libérales sont les parents pauvres du régime des baux. En effet,
très peu de règles ont été prévues pour protéger leurs droits sur le local
dans lequel ils exercent leur activité.

La raison tient peut-être au fait que le local semble avoir moins


d'importance pour ces professionnels que pour les commerçants, les
artisans et les agriculteurs. Il faut néanmoins relever que les baux à usage
exclusivement professionnel sont soumis à l'article 57 A de la loi n°86-
1290 du 23 décembre 1986.

Mais la portée de ce texte est très limitée, il ne fait que prévoir une durée
de 6 ans pour ces baux professionnels renouvelables tacitement.
Cependant, aucun droit au renouvellement n'existe pour ces baux. Le seul
moyen d'avoir une véritable protection est d'opter pour le régime des baux
commerciaux, ce que prévoit expressément l'article L145-2 7° du Code de
commerce, mais cela suppose l'accord des deux parties, et en particulier
l'accord du bailleur. À défaut de cette option, on appliquera les règles du droit
commun du bail prévues aux articles 1713 et suivants du Code civil.

Toujours dans une optique de simplification du droit, on peut se demander s'il ne


serait pas opportun de soumettre également les professions libérales au statut des baux
commerciaux qui deviendrait ainsi un statut qui s'appliquerait à presque l'ensemble des
professionnels, à l'exclusion des agriculteurs.

Les règles applicables aux différents entrepreneurs tendent à


se rapprocher, au point de légitimer chaque jour davantage la création
d'un corpus de règles applicables à tous les entrepreneurs, quelle que
soit la nature de leur activité.

Ce mouvement se constate également lorsque l'on étudie le droit


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DROIT DES AFFAIRES I PARTIE 3

de la concurrence et le droit de la distribution.

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