CM Regimes Matrimoniaux

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 16

FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

COURS DE REGIMES MATRIMONIAUX

INTRODUCTION

Le droit des régimes matrimoniaux s’inscrit dans le cadre plus large du droit matrimonial de la
famille, lequel régie les rapports patrimoniaux au sein de la famille.
L’article 368 du code de la famille définit ainsi les régimes matrimoniaux « le régime matrimonial
règle les effets patrimoniaux du mariage dans les rapports des époux entre eux et à l’égard des tiers. ». Le
régime matrimonial est donc l’ensemble des règles relatives aux intérêts pécuniaires des époux dans leurs
rapports mutuels et dans leurs relations avec les tiers.
Ainsi, le régime matrimonial détermine les conséquences du mariage sur la composition du
patrimoine de chacun des époux (propriétés) et organise les pouvoirs de ceux-ci sur leurs biens (pouvoirs).
Le régime matrimonial règle aussi le sort des dettes, des époux entre eux et envers les tiers ( passif).
Enfin, il fixe le sort des biens en cas de dissolution du mariage et donc de liquidation du régime matrimonial
(liquidation).
Propriété, pouvoir, passif, liquidation sont donc des questions essentielles qui figurent dans chaque
régime matrimonial. Mais quels sont ces régimes ? Il Existe au Sénégal trois (3) régimes matrimoniaux :
- Le régime de séparation des biens qui est le régime de droit commun c’est-à-dire celui qui s’impose
aux époux à défaut de choix concret ;
- Le régime communautaire de participation aux meubles et acquêts ;
- Le régime dotal.
Ces deux derniers régimes sont supplétifs, optionnels. C’est en effet par une option que les époux
choisissent leur régime matrimonial. Il faut préciser cependant que le régime communautaire ne peut être
choisi en cas de mariage polygamique. Les époux sont dans ce cas soumis au régime de séparation des biens
à moins qu’ils n’optent pour le régime dotal.
A côté des trois régimes cités, il existe un régime « primaire ». Ce n’est pas à proprement parler un
régime matrimonial. C’est un corps de règles qui s’applique obligatoirement aux époux quelque soient leurs
régimes matrimoniaux.
Nous envisageons ainsi dans un titre premier « le régime primaire » et dans un titre deuxième, « les
régimes matrimoniaux proprement dits ». Cependant il nous faut préciser auparavant dans une section
préliminaire les règles d’application de la loi dans le temps relatées aux régimes matrimoniaux.

BIBLIOGRAPHIE

- Le code de la famille
- Serge Guinchard, Droit patrimonial de la famille au Sénégal
- Précis Dalloz de François Terré SIMLER, les régimes matrimoniaux
- Traité de Colomer, Régimes matrimoniaux
- Article : Revue de l’association sénégalaise de droit pénal : propriété et pouvoirs en droit sénégalais
des régimes matrimoniaux, janvier-décembre 1996, n° 3,4 ; page 51, Françoise Dieng.

1
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

SECTION 1ère : APPLICATION DE LA LOI DANS LE TEMPS

Le législateur fait une distinction entre les époux qui, avant l’entrée en vigueur du code de la famille
(donc avant le 1er janvier 1973) se sont mariés selon une coutume et ceux qui se sont mariés selon le code
civil français.
Selon l’article 837 alinéa 2 du code de la famille, « les époux mariés selon la coutume seront
désormais soumis au régime de séparation des biens. Les biens donnés à la femme à l’occasion du mariage,
par d’autres personnes que son mari, seront soumis à l’administration du mari conformément aux articles
385 et suivants du code de la famille, autrement dit, seront soumis au régime dotal. ».
Quant aux époux mariés selon le code civil français, la loi distingue selon qu’ils avaient passé ou non
un contrat de mariage.
- Ceux qui n’avaient pas passé de contrat de mariage seront sou mis au régime communautaire de
participation aux meubles et acquêts selon l’article 837 alinéa 3.
- Et ceux qui avaient passé un contrat de mariage demeurent régis par ce contrat de mariage selon
l’article 837 alinéa 4.
On peut remarquer que ces solutions maintiennent une certaine continuité. En effet, le régime de
séparation des biens est conforme à la tradition de sorte que pour ceux qui s’étaient mariés selon la
coutume, il n’y a pas de bouleversement.
Continuité aussi pour ceux qui étaient mariés selon le code civil français sans contrat de mariage. En
effet, ils étaient alors soumis au régime matrimonial de droit commun français qui était un régime
communautaire. Donc pour eux, il n’y a pas de bouleversement puisqu’ils sont désormais soumis à un
régime communautaire.
Enfin ceux qui avaient passé un contrat de mariage restent soumis aux dispositions de ce contrat de
mariage.

TITRE PREMIER : LES CHARGES DU MENAGE

Le régime primaire est applicable quelque soit le régime matrimonial. Ces règles sont d’ordre public.
Elles ont pour sièges les articles 371 à 379 du code de la famille.
Le régime primaire a pour objet essentiel les charges du ménage (Chapitre 1 er) et les pouvoirs des
époux (Chapitre 2ème ).

CHAPITRE 1ER : LES CHARGES DU MENAGE

Selon l’article 375 alinéa 1er du code de la famille « Sur tout les régimes, les époux s’engagent, entre
eux et à l’égard des tiers, à pourvoir à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants commun. ».
Ce texte ne précise pas ce qu’on entend par charges du ménage, d’où la nécessité de dégager la
notion de « charges du ménage » (section 1ère ). En revanche, il précise deux types de rapports :
- Les rapports entre époux (section 2ème ) et
- Des rapports des époux d’avec les tiers (section 3ème ).

2
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

SECTION 1ERE : LA NOTION DE CHARGES DU MENAGE

Le mariage créée des charges, il s’agit des dépenses nécessaires à la communauté de vie et même
tout simplement, à la vie ; charges mais la particularité des que l’on soit marié ou célibataire, il faut manger,
boire, se vêtir.
Mais la particularité des charges du ménage tient à ce que les époux doivent participer, l’un et
l’autre, à ces dépenses.
En quoi consistent-elles ? La réponse n’est pas aisée car si certaines charges sont indiscutables,
d’autres prêtent à discussion.

PARAGRAPHE 1ER : LES CHARGES INDISCUTABLES

La nourriture, les vêtements, les soins médicaux sont des dépenses nécessaires. Elles sont
nécessaires pour l’entretien du ménage, pour reprendre les termes de l’article 275.
Généralement, les époux ne sont pas seuls, ils ont des enfants et l’article 375 évoque les dépenses
ayant trait à l’éducation des enfants. Or, l’éducation à pour objet le développement de l’être humain sous
ses différents aspects. Développement physique mais aussi intellectuel et moral.
Entrent donc dans les charges du ménage, indiscutablement : la nourriture, les vêtements, les soins
médicaux et les frais scolaires de l’enfant. Mais, doit-on y inclure les dépenses d’agrément destinées à
l’épanouissement de l’enfant ; cela est discutable.
PARAGRAPHE 2EME : LES CHARGES DISCUTABLES

Certaines dépenses sont discutables en raison de leurs coûts élevés ou de leurs caractères jugés
superflu. On peut ainsi trouver superflu des dépenses pour la pratique d’un sport. Un époux serait en droit
de refuser de participer à de telles dépenses si les frais de scolarité de l’enfant ne sont pas assurés car la
scolarité est prioritaire.
Certaines dépenses sont utiles mais d’un coût très élevé, c’est le cas des dépenses de logement. La
communauté de vie, conséquence du mariage, implique que les époux partagent le même toit. Cependant,
la crise du logement rend difficile l’acquisition d’une maison ; Rares sont les ménages qui sont propriétaires
de leur lieu d’habitation. Soit ils sont locataires soit ils vivent chez e leurs parents.
Par conséquent, compte tenu de son coût très élevé, on ne saurait considérer l’achat d’un lieu
d’habitation comme une charge du ménage. Par contre, la location peut être considérée comme une charge
du ménage.

SECTION 2EME : LES RAPPORTS ENTRE EPOUX POUR LA CONTRIBUTION AUX CHARGES DU MENAGE

Les époux doivent contribuer, c’est-à-dire participer aux charges du ménage. C’est ce qui ressort de
l’article 315 alinéa 1er : « sur tout les régimes, les époux s’engagent entre eux à pourvoir à l’entretien du
ménage et à l’éducation des enfants communs. ».
Quelles sont les modalités d’exécution de cette obligation (paragraphe 1 er), quelle en est la sanction
(paragraphe 2ème).

3
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

PARAGRAPHE 1ER : LES MODALITES D’EXECUTION DE L’OBLIGATION DE PARTICIPER AUX CHARGES

Selon l’article 375 alinéa 2 du code de la famille ces charges pèsent à titre principal sur le mari ». Et
l’alinéa 3 précise « les époux sont réputés avoir fourni leur part contributive jour après jour sans être tenu à
aucun compte entre eux ni à retirer aucune quittance l’un de l’autre.

A- LES CHARGES PESENT A TITRE PRINCIPAL SUR LE MARI

Cette règle se justifie par le fait que le mari est le chef de famille1. Cette primauté du mari permet
d’ailleurs de distinguer l’obligation de participer aux charges du ménage, du devoir de secours.
Le devoir de secours fait partie des effets du mariage (cf. Art. 151 du code de la famille) au même
titre que le devoir d’assistance. Ce dernier a une coloration plutôt morale ; assister son conjoint c’est le
soutenir moralement, par exemple lorsqu’il est malade.
Le devoir de secours quant à lui a un caractère pécuniaire. Il se rapproche ainsi du devoir de
participer aux charges du ménage.
Mais, à la différence de celui-ci, il pèse de la même manière sur chaque époux et non à titre principal
sur le mari. Autre différence, le devoir de secours concerne exclusivement les époux alors que les charges du
ménage comprennent les dépenses relatives à l’éducation des enfants. Autre différence, le devoir de
secours suppose un besoin, le conjoint doit être dans le besoin ; tel n’est pas le cas en matière de charges du
ménage.
Comme nous l’avons souligné précédemment, les charges du ménage pèsent à titre principal sur le
mari mais cela ne signifie pas qu’il va effectivement les assumer. Ainsi, lorsque le mari est au chômage et
que la femme travail, celle-ci devra naturellement assumer les charges du ménage. Quant est-il lorsque les
deux époux travaillent mais que la femme perçoit un salaire plus élevé que celui du mari ; ou même
indépendamment du travail, lorsque la femme est plus fortunée que le mari. Si l’on s’en tient à l’article 375
alinéa 2 du code de la famille, c’est toujours le mari qui est tenu à titre principal. Ill serait cependant plus
équitable que les époux soient tenus en fonction de leur faculté respective.

B- LE MODE D’EXECUTION DES CHARGES DU MENAGE

Il ressort de que les charges du ménage s’exécutent au jour le jour et que les époux ne sont pas
obligés de tenir une comptabilité. Généralement, la contribution se fait en numéraire ; ainsi, le mari remet à
son épouse la dépense quotidienne.
Mais la contribution peut se faire en nature. On peut ainsi considérer que si le ménage habite dans la
maison appartenant à la femme, celle-ci contribue ainsi aux charges du ménage en procurant le logement au
ménage.
Il y a aussi le cas fréquent de la femme au foyer ; on peut considérer qu’elle participe en nature aux
charges du ménage2.
On peut remarquer que la contribution aux charges relève du non droit lorsque les époux
s’entendent, elle se fait harmonieusement et pour ainsi dire de manière « indolore ».

1
Art. 152 du code de la famille
2
Parce que ça peut éviter des frais de domestique.
4
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

C’est essentiellement en cas de crises conjugales que se pose la question de son exécution, dans ce
cas il s’agit de sanctionner son inexécution.

PARAGRAPHE 2EME : LA SANCTION DE L’INEXECUTION DE L’OBLIGATION DE CONTRIBUER AUX CHARGES


DU MENAGE

Il arrive qu’un époux, généralement la femme, saisissent la justice en exigeant que son conjoint
contribue aux charges du ménage. Le juge, dans un tel cas, peut sanctionner l’époux défailla nt comme le
permet la loi. En effet, lorsque qu’un époux ne remplie pas son devoir de contribuer aux charges du ménage ,
une saisie peut être pratiquée sur son salaire ou ses revenus à la demande de son conjoint.
En outre, certaines mesures judiciaires de sauvegarde des intérêts de la famille peuvent être prises
en cas de manquements graves à l’obligation de contribuer aux charges du ménage mettant en péril les
intérêts de la famille. Les mesures prises par le juge son des mesures urgentes et provisoires. L ’article 376 du
code de la famille en donne des exemples ; ainsi, le juge peut interdire à l’époux défaillant de disposer de ses
biens meubles ou immeubles sans le consentement de l’autre. Telles sont les règles qui régissent les
rapports entre époux.
Les tiers peuvent s’adresser indifféremment à l’un ou l’autre des époux même si celle-ci a été
contractée par un seul des époux. En effet, selon l’article 375 alinéa 4, les époux sont tenus solidairement
aux charges du ménage ; « Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats relatifs aux charges du
ménage, l’autre époux répond solidairement des dettes ainsi contractées ». Il faut noter que la solidarité
constitue une dérogation au régime de séparation des biens et au régime dotal, régime dans lesque ls
chaque époux n’est tenu que de ses dettes.
La solidarité des époux augmente le crédit du ménage car les tiers accepteront plus facilement de
contracter avec un époux sachant que son conjoint est tenu solidairement.
La solidarité comporte cependant des limites ; en effet, selon l’article 375 alinéa 4 elle ne joue pas :
- lorsque les dépenses sont manifestement exagérées par rapports au train de vie du ménage ou
- lorsqu’elles ont été contractées avec un tiers de mauvaise foi.

CHAPITRE 2EME : LES POUVOIRS DES EPOUX

Chaque régime matrimonial contient les règles de pouvoir. Mais indépendamment du régime
matrimonial, certaines règles sont applicables dans le cadre du régime primaire.
La question des pouvoirs des époux est primordiale ; ainsi, un époux a les pleins pouvoirs sur les
biens qui lui appartiennent. Autrement dit, il y a concordance entre propriété et pouvoir.
Mais en réalité, dans de nombreux cas, on observe une discordance entre les pouvoirs et la
propriété. Un époux pourra ainsi avoir des pouvoirs sur les biens de son conjoint. Il existe trois sources de
pouvoirs :
- la loi (section 1ère ),
- les époux (section 2ème ) et enfin
- le juge (section 3ème ).

5
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

SECTION 1ERE : LES POUVOIRS D’ORIGINE LEGALE

La loi est intervenue dans plusieurs domaines.


D’abord, et cela n’appelle pas de développements particuliers, elle permet à chaque époux de passer
seul les contrats relatifs aux charges du ménage (Art. 375 alinéa 4).
Ensuite, en raison des conséquences pécuniaires d’une activité professionnelle, la loi pose des règles
en matière d’activité professionnelle des époux (paragraphe 1 er).
En outre, compte tenu du rôle des banques dans la vie des ménages, la loi réglemente les pouvoirs
des époux en matière bancaire (paragraphe 2 ème ).
Enfin, pour éviter que par le biais de certains contrats les époux ne modifient les pouvoirs résultant
de leur régime matrimonial, la loi interdit ou réglemente certains contrats entre époux (paragraphe 3 ème).

PARAGRAPHE 1ER : ACTIVITES PROFESSIONNELLES DES EPOUX

L’activité professionnelle d’un époux est source de revenus. D’où la question de l’époux sur ces
revenus.
Le législateur permet à chaque époux d’exercer librement une profession et lui accorde des pouvoirs
de gestion sur les revenus provenant de cette profession, en particulier à l’épouse à travers l’institution des
biens réservés.

A- LE LIBRE EXERCICE D’UNE PROFESSION

Initialement, le code de la famille limitait la liberté de la femme mariée d’exercer une profession. En
effet, selon l’article 154 du code de la famille, la femme pouvait exercer une profession séparée de celle de
son époux à moins que celui-ci ne s’y oppose.
Le mari pouvait donc s’opposer à l’exercice par sa femme d’une profession. Il devait porter cette
opposition à la connaissance des tiers avec lesquels contractait son épouse. Les actes professionnels passés
par la femme malgré l’opposition de son mari étaient frappés de nullité.
La liberté de la femme était donc limitée et l’on pouvait constater une véritable prééminence du
mari. Certes, l’article 154 alinéa 2 atténuait le pouvoir du mari en disposant que si l’opposition de celui-ci
n’était pas justifiée par l’intérêt de la famille, la femme pouvait être autorisée par le juge à passer outre.
Mais il fallut attendre la loi n°89-01 du 17 janvier 1989 pour que la femme mariée puisse exercer
librement une profession. L’article 154 du code de la famille a en effet été abrogé par cette loi.
Ainsi, la femme mariée peut désormais exercer librement une profession. Mais travailler librement
ne suffit pas, encore faut-il pouvoir disposer librement du fruit de son travail.

B- LA LIBRE DISPOSITION PAR LA FEMME MARIEE DES REVENUS PROVENANT DE SA PROFESSION : LES
BIENS RESERVES
1- LA CONSISTANCE DES BIENS RESERVES

Dans la loi française du 13 juillet 1907, les biens réservés étaient les suivants :
- Les gains et salaires ;
- Les économies réalisées sur ceux-ci ;

6
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

- Les biens acquis à l’aide des gains et salaires et leurs économies.


Donc, puisque le législateur sénégalais s’inspire de cette loi, il faut considérer que les biens réservés
correspondent aux catégories précitées malgré les termes plus restrictifs de l’article 371 alinéa 2 qui
n’évoque ni les gains et salaires ni leurs économies.
Il faut noter que la loi du 13 juillet 1965, qui en droit français est la loi fondamentale en matière de
régimes matrimoniaux, n’incluait pas les gains et salaires dans les biens réservés.
A l’heure actuelle, les biens réservés n’existent plus en droit français. La loi du 23 décembre 1985 les
a supprimés car ils entraînaient une rupture de l’égalité entre les époux au détriment du mari 3.

2- LES CONDITIONS D’ACQUISITION DES BIENS RESERVES

Les biens réservés sont le fruit du travail de la femme mariée ; par conséquent, une femme au foyer
ne peut avoir des biens réservés.
Fruits du travail, les biens réservés ne peuvent être par exemple des gains issus de jeux de hasard. Si
une femme mariée gagne au PMU, ses gains et leurs économies et les biens acquis avec ne seront pas des
biens réservés.
Le travail de la femme est une profession, donc une activité exercée de manière habituelle et non
occasionnelle ; peu importe le genre de travail, la femme peut être fonctionnaire, ouvrière, employé de
maison, etc.
Mais quelle qu’elle soit, la profession doit être séparée de celle du mari.
Cette condition a fait l’objet de discussions doctrinales :
- certains auteurs (Rouast, Vouin) mettant l’accent sur la profession, l’essentiel est qu’elle soit séparée
de celle du mari ;
- d’autres mettent l’accent sur les revenus, l’essentiel est qu’ils soient distincts de ceux du mari. Ainsi,
pour Ponsard, Marty, Raynaud, Guinchard, Colomer, la femme exerce une profession séparée de
celle de son mari dès lors que les revenus qu’elle en tire sont distincts de ceux de son époux même si
la profession est exercée en commun. Les époux peuvent, selon eux, avoir le même employeur, la
femme peut être employé ou collaboratrice de son mari, l’essentiel étant que ses revenus soient
nettement différenciés.
Pour y voir plus clair, il faut s’interroger sur le fondement de cette règle. Plusieurs fondements sont
envisageables :
- l’exigence d’une profession séparée se fonderait sur la crainte de voir le mari grossir abusivement le
salaire de sa femme pour limiter le gage de ses créanciers personnels sachant que ceux-ci ne peuvent
saisir les biens réservés. Il faut dès lors se demander dans quels cas une telle fraude serait possible :
o si la femme a pour employeur son mari, la fraude est possible.
o En revanche, lorsqu’elle a un employeur autre que son mari, la fraude est difficile.
Il suffit aux tiers de s’en référer à l’employeur pour connaître le salaire de la femme. Au demeurant,
l’employeur n’a aucune raison de grossir abusivement son salaire.
- Autre fondement, l’institution des biens réservés aurait pour but d’assurer l’indépendance juridique
de la femme mariée. En effet, la femme mariée qui exerce une profession séparée de celle de son
mari fait preuve d’indépendance. Il est donc normal que cette indépendance se prolonge par la libre

3
Voir l’article 371 en droit sénégalais.
7
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

gestion de ses revenus professionnels. Puisqu’elle est capable de travailler de manière indépendante,
elle est aussi capable de gérer les fruits de son travail.
Dès lors, les biens réservés supposent comme préalable une autonomie professionnelle de la
femme ce qui exclue l’hypothèse où la femme serait employé de son mari. Cela d’ailleurs serait
conforme à la loi.
En effet, exiger que la femme ait une profession séparée de celle de son mari signifie à
contrario qu’elle ne doit pas travailler avec celui-ci.

En définitive, il apparaît, quelque soit le fondement retenu (p rotection des tiers contre la fraude du mari ou
indépendance de la femme) que la femme ne doit pas être employé de son mari.
Cependant, certaines situations demeurent ambigües. Ainsi, la femme qui travaille dans la même
entreprise que son mari a-t-elle une profession séparée. Certes, elle n’a pas pour employeur son mari, mais
est-elle autonome professionnellement ? On peut en discuter.
Force est de reconnaître que la condition d’exercice par la femme d’une profession séparée de celle
de son mari est complexe la loi n’ayant pas posé de critères précis en la matière. Le mieux serait sans doute
de supprimer purement et simplement le terme « séparée ». Autrement dit, toute femme mariée exerçant
une profession devrait avoir des biens réservés à son administration.

3- LA GESTION DES BIENS RESERVES

Selon l’article 371 alinéa 2, la femme administre et dispose des biens réservés suivant les règles de la
séparation des biens. Autrement dit, elle en a l’administration, la jouissance et la libre disposition
conformément à l’article 380 du code de la famille.
La femme a donc sur les biens réservés les pouvoirs les plus absolus. Cette plénitude de pouvoirs se
manifeste particulièrement en régime communautaire car la femme a déjà les pleins pouvoirs sur ses biens
personnels en régime de séparation des biens et sur les biens paraphernaux et régime dotal.
Par contre en régime communautaire, le principe est que pour certains actes particulièrement graves tels
que l’aliénation d’un immeuble, le consentement des deux époux es t requis.
On voit ici l’intérêt des biens réservés, la femme peut en disposer librement sans le consentement
(sans le concours) de son mari. Par exemple, elle peut vendre librement un immeuble qu’elle a acquis grâce
à ses revenus professionnels parce que c’est un bien réservé ; alors que son mari, s’il a acquis un immeuble
grâce à ses revenus professionnels, ne peut l’aliéner sans le consentement (le concours) de la femme.
Il y a là une inégalité de pouvoirs en faveur de la femme (c’est une manifestation du caractère
féministe du code de la famille).
Par ailleurs, en régime communautaire, les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage (les
acquêts) entreront dans la masse commune lors de la liquidation du régime ; autrement dit, seront partagés
entre la femme et son mari (ce sont de futurs biens communs) ; mais malgré cela, la femme a les pleins
pouvoirs sur ces biens.

8
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

1. PREUVE DES BIENS RESERVES

Il ne suffit pas d’accorder à la femme les pleins pouvoirs sur les biens réservés. Encore faut il que le
caractère réservé des biens soit prouvé. C’est à la femme de le faire.

Selon l’art.371 al.3 CF « l’origine et la consistance des biens réservés sont établis à l’égard du mari et des
tiers par écrit sauf impossibilité matérielle ou morale de se procurer une telle preuve ».

La femme aura à prouver d’abord qu’elle exerce une profession séparée de celle de son époux. C’est un fait,
donc tout mode de preuve est admis. Ensuite elle devra prouver que les revenus (en tant que telles ou grâce
aux quels elle a acquis les biens réservé) sont le fruit de son travail. La loi exige pour cela un écrit mais sans
préciser la nature de cet écrit. Donc n’importe quel écrit peut être admis. Ex : un bulletin de salaire, un
relevé bancaire.
En cas d’impossibilité matérielle ou morale pour la femme de se ménager un écrit d’autres modes de preuve
sont admis conformément au droit commun de la preuve (témoignage etc.).

2. LE SORT DES BIENS RESERVES A LA LIQUIDATION DU REGIME

Il dépend du régime matrimonial. Dans le régime de séparation des biens et dans le régime dotal les biens
réservés sont les propriétés de la femme. Ils lui appartiennent. Donc elle les aura à la liquidation.
Dans le régime communautaire de participation aux meubles et acquêts les biens réservés seront parta gés
entre les époux. Et cela même parce que premièrement ils ne font pas partie des biens énumérés par
l’article 393 al.2 donc exclus de la liquidation.
Deuxièmement ils constituent des acquêts c'est-à-dire des biens acquis à titre onéreux pendant le mariage.
Et lorsque ce sont des gains et salaires ou leurs économies et de l’argent sont des meubles n’ayant pas un
caractère personnel. En effet le régime communautaire est une communauté différée des meubles et
acquêts. Telles sont les règles concernant l’activité professionnel des époux.

PARAGRAPHE 2 : LES POUVOIRS DES EPOUX EN MATIERE BANCAIRE

On sait le rôle des banques dans la vie des ménages, on ne garde pas son argent chez soi mais on le dépose
à la banque et les salaires sont le plus souvent viré dans un compte en banque. Certes les payements par
cheque sont de plus en plus difficiles en raison des réticences légitimes de nombreux commerçants qui
craignent l’émission de cheque sans provision. Néanmoins il est utile voire nécessaire ne serait ce que pour
des raisons de sécurité. Mais avoir un compte en banque ne suffit pas, encore faut-il pouvoir l’utiliser le faire
fonctionner en affectant des dépôts, des retraits des virements etc. le législateur à tenu compte de cette
nécessité.
Aussi selon l’article 374 du C.F « chacun des époux peut se faire ouvrir tout compte de dépôt et tout compte
de titres en son nom personnel. L’époux disposant est réputé à l’égard du dépositaire avoir la libre
disposition des fonds et des titres en dépôt. »
Le législateur englobe dans cette disposition, la femme et le mari. Mais c’est la femme qui est protégée, il
veut à travers cette disposition assurer son indépendance. En effet si le mari a toujours pas se faire ouvrir un
compte bancaire en son nom, tel n’est pas le cas avec la femme. Il fallait attendre la loi de 1942 pour qu’elle
bénéficier de cette possibilité.

9
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

L’article 374 contient deux règles : une règle de fond c’est la liberté de chaque époux d’avoir un compte
bancaire(A) et une règle de preuve. Le texte pose en effet une présomption de pouvoir en faveur de l’époux
déposant (B).

A. LA LIBERTE D’AVOIR UN COMPTE BANCAIRE

Chaque époux peut se faire ouvrir un compte bancaire sans le consentement de son conjoint. La banque ne
saurait refuser d’ouvrir un compte au motif que le conjoint s’y oppose. Certes elle a le droit de refuser
l’ouverture d’un compte. Mais ce refus ne doit pas se fonder sur la situation matrimoniale du demandeur.
La banque a parfaitement le droit de demander des justifications mais elle n’a pas à s’enquérir du régime
matrimonial du demandeur. L’article 374 doit être interprété de manière extensive. Il concerne les banques
mais aussi la poste et d’une manière générale tout établissement financier. Tous les comptes sont concernés
aussi bien les comptes chèques, que les comptes spéciaux sur livret et les comptes à terme.
En outre malgré l’expression en son nom personnel sont aussi concernés les comptes ouverts par un époux
avec une autre personne tels que les comptes joint. Ainsi une femme mariée peut avoir un compte joint
avec son frère.

B. LA PRESOMPTION DE POUVOIR BANCAIRE

L’article 374 pose une présomption de pouvoir. C’est d’ailleurs son intitulé. L’intérêt de ce texte réside
justement dans cette présomption selon laquelle l’époux disposant est présumé à l’égard du dépositaire
avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt. Autrement dit il est censé avoir le pouvoir d’utiliser
les fonds ou les titres déposés. Il peut faire seul des retraits des virements. La portée de ce texte doit se
mesurer à un triple niveau. Dans les rapports entre l’époux déposant et le dépositaire (1) dans les rapports
entre époux (2) et dans les rapports entre l’époux déposant et les tiers (3).

1. RAPPORT ENTRE L’EPOUX DEPOSANT ET LE DEPOSITAIRE

Le dépositaire est généralement la banque. L’époux déposant est réputé à l’égard de celle-ci avoir la libre
disposition des fonds et des titres déposés. La présomption de pouvoir bancaire est avantageuse pour le
disposant particulièrement quand c’est la femme. Car elle lui assure une grande liberté. Elle l’est aussi pour
le ménage car beaucoup de dépenses sont aussi facilitées. Elle l’est enfin pour le dépositaire. Ainsi le
banquier qui exerce les ordres de l’époux titulaire n’est pas responsable lorsque celui-ci a outrepassé ses
pouvoirs.

2. RAPPORT ENTRE EPOUX

L’art.374 évoque la présomption de pouvoir uniquement à propos du dépositaire. Donc à priori la


présomption ne devrait jouer qu’à son égard. Pourtant en droit français où l’article 221 du CC pose
également la présomption de pouvoir à l’égard du seul dépositaire la question s’est posée de savoir si la
présomption joue dans les rapports entre les deux époux.

10
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

Une partie de la doctrine (Colomer) estime que la présomption joue dans les rapports entre époux. Ainsi si le
mari prétend que les fonds déposés par sa femme dans les comptes ouverts par celui -ci lui appartiennent et
en demande la restitution la femme pourra lui opposer la présomption de pouvoir de l’article 221 du CC.
D’autres auteurs tels que Malaurie considèrent que la présomption de pouvoir ne joue pas dans les rapports
entre époux. Au Sénégal le professeur Guinchard, estime que la présomption de pouvoir bancaire ne joue
pas entre époux car c’est une présomption de pouvoir et non de propriété. Nous adhérons à ce point de vue.
En effet il est conforme au texte qui se limite aux rapports avec les dépositaires. Il se défend aussi par
l’objectif recherché par le législateur à travers l’art. 374. Ce texte a pour objectif de faciliter le
fonctionnement du régime (qui se situe dans le Paragraphe 2 intitulé règles destinées à faciliter le
fonctionnement du régime) par exemple : en empêchant un banquier d’exiger de l’époux titulaire du compte
un justificatif pour faire des opérations bancaires. Ce qui aurait pour effet de paralyser la vie du ménage. La
présomption de pouvoir dispense l’époux titulaire du compte de prouver qu’il a le pouvoir de disposer des
fonds et des titres. Une telle présomption à vrai dire ne présente pas d’intérêt entre les époux car l’époux
titulaire du compte n’a pas à prouver envers son conjoint. Or par définition, la présomption est une dispense
de preuve.
A l’égard du dépositaire par contre, elle présente un intérêt en dispensant le déposant de prouver qu’il a la
libre disposition des fonds qu’il lui remet ou qu’il veut retirer etc.
En définitive, on doit considérer que la présomption de pouvoir bancaire ne joue pas dans les rapports entre
époux. Qu’en est-il des rapports entre l’époux déposant et les tiers ?

3. RAPPORT ENTRE L’EPOUX DEPOSANT ET LES TIERS

Si l’on s’en tient aux termes de l’art 374 un époux titulaire d’un compte n’est pas présumé avoir la libre
disposition des fonds ou des titres s’y trouvant dans ses rapports avec les tiers. Ainsi un commerçant peut
refuser qu’une femme mariée le paie par chèque. Celle-ci ne peut alors lui opposer la présomption de
pouvoir bancaire. Autrement dit si ce commerçant a des doutes sur les pouvoirs de la femme de disposer de
l’argent se trouvant dans un compte. Celle-ci devra prouver qu’elle a vraiment le pouvoir d’en disposer.
Il est certain que c’est une entrave au bon fonctionnement de la vie du ménage. Car les tiers avec lesquels
les époux sont en relation pour l’entretien du ménage sont nombreux. Ne devrait-on donc pas étendre la
présomption ? Ce serait conforme à l’objectif du législateur qui est de faciliter le régime et, d’une manière
plus générale, la vie du ménage.

PARAGRAPHE 3 : LES CONTRATS ENTRE EPOUX

Pour éviter que par le biais de certains contrats les époux ne modifie les pouvoirs résultant de leur régime
matrimonial, la loi interdit ou réglemente certains contrats entre époux. Ainsi le législateur interdit la vente
entre époux (A).Il réglemente le contrat de société et le contrat de donation (B)

A- LA VENTE ENTRE EPOUX

Selon l’article 377 alinéa 1er du code de la famille, « la vente entre époux est nulle ». Ce principe
d’interdiction supporte cependant des exceptions, comme nous le verrons après en avoir donné le
fondement.

11
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

1- FONDEMENT DU PRINCIPE D’INTERDICTION

La prohibition de la vente entre époux a pour but d’empêcher les donations déguisées en ventes qui seraient
donc irrévocables et contreviendraient au principe de révocabilité ad nutum des donations entre époux. En
effet, les donations entre époux sont révocables ad nutum (article 823 CF), ceci afin de remédier aux
donations faites sous l’empire de la passion ou sous la pression du conjoint. Or, la vente peut être utilisée
pour masquer une donation ; raison pour laquelle le législateur interdit la vente entre époux. Mais cette
interdiction de principe subit des exceptions : il s’agit de la dation en paiement et de la cession de titres
sociaux.

a- LA DATION EN PAIEMENT

L’article 377 alinéa 2 du code de la famille autorise la dation en paiement d’un bien entre époux pour régler
le solde après une séparation de biens judiciaire. Exemple : deux époux sont mariés sous le régime
communautaire, une séparation de biens judiciaire a lieu pour mauvaise gestion conformément à l’article
395 du code de la famille ; les biens communs sont partagés, un immeuble de 20 millions est attribué au
mari ; il doit une soulte de 10 millions à sa femme ; il lui donne un terrain valant 10 millions ; c’est une
dation en paiement.
On pourrait objecter que la dation en paiement n’est pas une vente mais que c’est un paiement différent de
celle prévue. Cependant, la doctrine considère que la dation en paiement s’apparente à une vente (celui qui
opère une dation en paiement a les obligations du vendeur, cela explique donc que le législateur évoque la
dation en paiement à propos de la vente entre époux (alinéa 2ème ).

b- LA CASSION DE TITRES SOCIAUX

La cession entre époux de titres sociaux est permise. C’est donc une exception à l’interdiction de la vente
entre époux puisqu’une cession à titre onéreux constitue une vente.
Cependant, les modalités de cession de titres sociaux varient selon les types de société ; ainsi, les actions
d’une société anonyme sont négociables c’est à dire transmiss ibles selon les modes simplifiés du droit
commercial à savoir
- le transfert pour les actions nominatives (l’inscription du nom du cessionnaire sur les registres de la
société) et
- la tradition pour les actions au porteur (la remise de la main à la main).
En revanche, la cession des titres des autres sociétés (SARL, SNC, SCS, sociétés civiles) devra respecter les
formalités de l’article 241 du COCC (cession de créances) auxquelles s’ajoutent les dispositions particulières
de l’Acte Uniforme porte droit des sociétés commerciales (article 275 pour les SNC, 297 pour la SCS et 317
pour la SARL).
L’article 378 alinéa 3 du code de la famille dispose que pour être valable, « la cession doit se faire par acte
notarié ou par acte sous sein privé ayant acquis date certaine autrement que par le décès du cédant (c’est à
dire par l’enregistrement ou par mention de l’acte dans un acte authentique) dans l’hypothèse où les époux
seraient simultanément membre de la même société.

12
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

B- LES CONTRATS REGLEMENTES

Il s’agit de la société entre époux et de la donation entre époux.

1- LA SOCIETE ENTRE EPOUX

Le législateur admet la société entre époux mais il pose certaines restrictions. Selon l’article 378 alinéa
er
1 du code de la famille « deux époux peuvent, seuls ou avec d’autres pe rsonnes, être associés dans une
même société et participer ensemble ou non à la gestion sociale.
Toutefois, cette faculté n’est ouverte que si les époux ne doivent pas, l’un et l’autre, être indéfiniment et
solidairement responsables des dettes sociales ».
Par conséquent, deux époux ne peuvent être membre d’une SNC car dans cette dernière elles sont
indéfiniment et solidairement des dettes sociales. La restriction posée par l’alinéa 1 er se justifie par le souci
de préserver les biens des époux. Elle permet aussi d’éviter les modifications indirectes du régime
matrimonial. Ainsi, si deux époux mariés sous le régime de la séparation des biens faisaient partie d’une
SNC, les créanciers sociaux pourraient agir indifféremment sur le patrimoine de l’un ou l’autre des époux ;
alors que le régime de séparation des biens suppose un passif personnel à chacun d’eux. Il y aurait en
quelque sorte dénaturation du régime de séparation des biens.

2- DONATIONS ENTRE EPOUX

La donation entre époux obeit à un régime particulier. En principe, les donations sont révocables. En
principe, ces donations sont irrévocables mais par exception les donations entre époux sont révocables.
L’article 823 du code de la famille dispose en effet que « toute donation faite ent pendant le mariage,
quoique qualifiée entre vifs, sont toujours révocables ». Mais pour essayer de se soustraire au principe de
révocabilité des sonations entre époux, il arrive que des époux se fassent des donations déguisées c’est à
dire sous l’apparence d’un contrat à titre onéreux. Quel est le sort de ces donations déguisées ?
Selon l’article 681, les donations déguisées sont valables, la simulation n’est pas une cause de nullité et le
contrat est valable comme donation lorsque le déguisement a été prouvé. L’article 683 indique que lorsque
la preuve du déguisement est rapportée, la donation est soumise à toutes les règles de fond applicables aux
donations. Par conséquent, si des époux se font des donations déguisées et que c’est prouvé, celles -ci sont
révocables. Nous achevons ainsi la section consacrée aux pouvoirs d’origine légale des époux. Mais les
pouvoirs peuvent aussi avoir pour source la volonté des époux. En effet, ceux-ci peuvent aménager
conventionnellement leurs pouvoirs.

SECTION 2ème : AMENAGEMENT CONVENTIONNEL DES POUVOIRS DES EPOUX

Les époux peuvent aménager leurs pouvoirs par voie conventionnelle, en loccurence par la technique
du mandat. L’article 372 alinéa 1er dispose en effet qu’ « un époux peut donner mandat à l’autre de le
représenter dans l’exercice des pouvoirs que le régime matrimonial lui attribut ».
Le mandat entre époux facilite le fonctionnement du régime matrimonial (d’où sa place dans le
paragraphe 2 intitulé « règles destinées à faciliter le fonctionnement du régime »). Grâce au mandat, un

13
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

époux se substitut à son conjoint indisponible par exemple. Nous envisagerons la forme du mandat entre
époux (paragraphe 1er) puis sa portée (paragraphe 2ème ).

PARAGRAPHE 1er : LA FORME DU MANDAT ENTRE EPOUX

Le mandat peut être exprès c’est à dire exprimé dans un écrit ou verbalement. Il peut aussi être tacite ; si un
époux agit à la place de son conjoint au vu et au su de celui-ci sans que celui-ci ne s’y oppose, on peut
considérer qu’il a reçu le mandat tacite de son conjoint. L’hypothèse de mandat tacite doit être distinguée
de celle de la gestion d’affaires ; celle-ci suppose l’absence de mansat, le gérant agit à l’insu du maître de
l’affaire. L’article 372 alinéa 3 dispose en effet qu’à défaut de mandat ou d’habilitation judiciaire, les actes
fait par un époux en représentation de l’autre ont effet à l’égard de celui-ci suivant les règles de la gestion
d’affaires (confère, article 157 à 159 du Cocc).

PARAGRAPHE 2ème : LA PORTEE DU MANDAT ENTRE EPOUX

Le mandat concerne t-il seulement les actes d’administration ou s’étend-t-il aux actes de disposition.
L’article 372 ne le précise pas, mais étant donné que chaque régime matrimonial contient ses propres règles
en matière de mandat entre époux, l’article 372 ne présenterait aucun intérêt s’il ne permettait pas
d’accomplir des actes autres que ceux prévus par chaque régime matrimonial en la matière. Au demeurant,
les régimes matrimoniaux ne prévoient de mandat que pour les actes d’administration. Donc l’article 372
alinéa 1er conserve son intérêt pour les actes de disposition. Sur la base de ce texte, un époux peut donner
mandat à son conjoint d’accomplir des actes de disposition sur ses biens personnels. Mais, il faut préciser
que cela n’est possible qu’à condition que l’époux mandant ait lui-même un tel pouvoir de disposer.
Autrement dit, il ne peut donner mandat à son conjoint de faire un acte de disposition sur un bien
dont il n’a pas lui-même le pouvoir de disposer. C’est le sens de l’article 372 alinéa 1 er qui pose une limite
fondamentale au mandat à savoir le respect du régime matrimonial.

SECTION 3ème : AMENAGEMENT JUDICIAIRE DES POUVOIRS DES EPOUX

Le juge peut être conduit soit à étendre soit à restreindre les pouvoirs des époux. Mais, cela se fera toujours
dans des circonstances prévues par la loi. Il s’agit en loccurence des cas suivants :
- Un époux est hors d’état de manifester sa volonté (paragraphe 1 er) ;
- Un époux refuse de concourir ou de consentir à un acte (paragraphe 2 ème ) ;
- Un époux manque gravement à son obligation de contribuer aux charges du ménage (paragraphe
3ème ).

PARAGRAPHE 1er : EPOUX HORS D’ETAT DE MANIFESTER SA VOLONTE

L’article 372 alinéa 2 prévoit que si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre
peut se faire habilité en justice à le représenter en tout ou partie dans l’exercice des pouvoirs résultant du
régime matrimonial. Il s’agit donc de représenter un époux qui ne peut manifester sa volonté ; par exemple,
pour cause de maladie ou d’éloignement, etc.

14
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

L’époux de mandeur doit présenter une requête au Président du tribunal départemental en justifiant
des causes qui empêchent son conjoint de manifester sa volonté. Le juge peut lui accorder un pouvoir de
représentation partiel ou total.
L’époux empêché et représenté sera personnellement engagé par l’acte accompli par son conjoint
par application du droit commun de la représentation. Quelle est la portée de cette représentation ?
L’article 372 alinéa 2 limite la représentation aux pouvoirs résultant du régime matrimonial. Autrement dit,
l’époux représentant exercera tout au plus les pouvoirs qu’avait son conjoint dans le cadre du régime
matrimonial. Ci celui-ci ne pouvait aliéner tel bien, lui non plud ne pourra le faire.

PARAGRAPHE 2ème : REFUS D’UN EPOUX DE CONCOURIR OU DE CONSENTIR A UN ACTE

Selon l’alinéa 1er de l’article 373, « un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour
lequel le concours ou le consentement du conjoint est nécessaire si le refus de celui-ci n’est pas justifié par
l’intérêt de la famille ».
Deux conditions sont donc requises pour qu’il y ait habilitation judiciaire :
- Un acte pour lequel le concours ou le consentement du conjoint est requis ;
- Un refus du conjoint qui n’est pas justifié par l’intérêt de la famille.
Puis nous examinerons les effets de l’habilitation judiciaire.

A- LES CONDITIONS DE L’HABILITATION JUDICIAIRE


1- UN ACTE POUR LEQUEL LE CONCOURS OU LE CONSENTEMENT DU CONJOINT EST REQUIS

Tout d’abord, une précision terminologique, le terme concours suppose que les époux ont des pouvoirs
égaux ; l’acte est passé par les deux époux, ils vont signer tous les deux l’acte.
Le terme consentement suppose qu’un époux a un pouvoir prépondérant, l’acte est passé par cet époux
mais il lui faut le consentement de son conjoint.
L’article 373 s’intitule « refus de concourir à un acte » ; ce qui semble restreindre son domaine à
l’hypothèse de concours à l’acte ; mais, le contenu de l’article 373 est plus large puisqu’il est question de
concours et de consentement.
Il est certain que l’article 373 n’a pas vocation à s’appliquer lorsque l’époux qui sollicite l’habbilitation
judiciaire n’intervient pas dans l’acte considéré. Ainsi, dans le régime de séparation des biens, un époux ne
peut être habilité sur la base de ce texte à agir sur les biens personnels de son conjoint car il n’a aucun droit
de regard sur ces biens.
En revanche, dans le régime communautaire de participation aux meubles et acquêts, certains actes
énumérés par l’article 391 requièrent l’intervention des deux époux ; par exemple, l’aliénation d’un
immeuble. Par conséquent, si l’un des époux refuse de passer l’acte, l’autre peut demander à bénéficier de
l’article 373. De même, dans le régime dotal, selon l’article 386-1, la femme peut donner un immeuble dotal
pour l’établissement d’un enfant commun avec le consentement de son mari. Par conséquent, si celui-ci
refuse de donner son consentement, elle peut solliciter une habilitation judiciaire pour passer l’acte malgré
ce refus.
L’article 373 alinéa 1er pose une autre condition.

15
FSJP-MASTER 1 - CM REGIMES MATRIMONIAUX - Pr FRANÇOISE DIENG – 2012/2013 - ISM

2- REFUS NON JUSTIFIEE PAR L’INTERET DE LA FAMILLE

Concrétement, le juge devra s’enquérir des raisons du refus du conjoint et apprécier si elles sont justifiées
par l’intérêt de la famille ; exemple, si dans un régime communautaire, la femme veut vendre un immeuble
et que son mari n’est pas d’accord parce su’il est proche de la retraite et qu’ils occupent un logement de
fonction, ce refus est parfaitement justifié car l’intérêt de la famille est de pouvoir habiter dans cette
immeuble lorsque le mai prendra sa retraite et devra quitter son logement de fonction. Donc le juge peut
refuser d’habiliter la femme à vendre cet immeuble. Telles sont les conditions de l’habilitation judiciaire.

B- EFFETS DE L’HABILITATION JUDICIAIRE

16

Vous aimerez peut-être aussi