M2.1 CH 1 Le Problème Des Inégalités Et La Redistribution
M2.1 CH 1 Le Problème Des Inégalités Et La Redistribution
M2.1 CH 1 Le Problème Des Inégalités Et La Redistribution
L’État est devenu providence après la seconde guerre mondiale en Europe en instaurant des systèmes
de protection sociale et des politiques de réduction des inégalités. Des dispositifs variés sont aujourd'hui
mobilisés (redistribution, service publics, réglementation) et ont une certaine efficacité. Depuis une
trentaine d'années, l'évolution de l'architecture de ces dispositifs a évolué, faisons largement écho au
débat théorique sur la justice sociale.
I- Le problème des inégalités.
La distribution des revenus primaires aux ménages s’accompagne d’inégalités grandissantes. La
mondialisation de l’économie et le progrès technique sont des déterminants importants de
l’accroissement des inégalités.
A- Définitions
L’inégalité désigne une différence mesurable en termes de niveau de vie ou de qualité de vie entre
individus ou entre groupes sociaux. Lorsqu'une inégalité est mesurée au sein d'une catégorie homogène
(par exemple les salaires), il est plus correct de parler de disparité.
Les inégalités portent sur des différences d'accès à des avantages économiques comme le revenu et
le patrimoine, mais également à des avantages qui ne sont pas strictement économiques comme l'accès
aux soins, au logement, à l'école, à l'emploi, aux loisirs etc.
Les inégalités peuvent être économiques (revenus, patrimoine), sociales (chômage, soins, espérance
de vie...) ou culturelles (scolarisation, lecture, loisirs...). Les revenus d’activités ne sont pas également
répartis entre les ménages. Des écarts parfois importants existent en fonction de plusieurs critères.
Le sexe : le salaire annuel net moyen des femmes reste inférieur de 20% environ à celui des
hommes.
L’âge : d’une part, les revenus augmentent avec l’âge, d’autre part, les jeunes ont aujourd’hui un
niveau de vie inférieur à celui qu’avaient leurs parents au même âge (difficultés d’insertion
professionnelle – périodes de chômage, travail à temps partielle – et de la précarité d’emploi : CDI,
intérim).
Le diplôme et l’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle : un niveau de diplôme
élevé facilite à la fois l’insertion professionnelle et permet d’accéder aux postes les mieux rémunérés.
La taille de l’entreprise, son secteur d’activité (en raison des différences des gains de
productivité) et sa localisation géographique ; il est ainsi préférable, du point de vue de la rémunération,
de travailler dans une grande entreprise de haute technologie…etc.
2- Les explications théoriques.
a) Selon l’analyse libérale, les inégalités résultent des contributions différentes des agents
économiques à la création de richesses et de leur productivité. Comme les marchés sont libres et
efficients, chacun reçoit équitablement sous forme de revenu la contrepartie de sa participation qu’il
emploie en consommation et/ou en épargne, à sa guise.
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Toutefois l’égalité des chances doit garantir la réalisation des projets individuels sans que des
inégalités de naissance l’en empêchent. Néanmoins les marchés présentent des défaillances
(externalités, asymétrie d’information, risques…) qui conduisent aux inégalités. Mais des transferts,
notamment fiscaux, peuvent les corriger en modifiant la répartition primaire des revenus.
b) Jusqu’aux années 1980, l’analyse de Simon Kuznets domine la pensée économique, Kuznets a
établi un lien intéressant entre le niveau de richesse d’un pays, mesuré par le PIB par habitant, et le degré
d’inégalité économique.
Les inégalités de revenus d’activité sont accrues du fait de la progression de la valeur du patrimoine
et des revenus qu’ils procurent. La constitution d’un patrimoine dépend des revenus d’activités présents
et passés, de la capacité d’épargne et des facteurs héréditaires (héritage).
Dans un système social comme le nôtre, où les facteurs économiques jouent un rôle important, les
inégalités sont le plus souvent cumulatives : une inégalité initiale de revenu engendre d'autres inégalités
en cascade : qualité de logement, niveau de formation des enfants, recours aux soins, etc.
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Les inégalités de chances sont la résultante des points de départs socialement différents (milieu
familial, situation sociale, héritage d’une fortune, …).
Inégalités ne signifie pas pour autant injustice. Les inégalités de revenus primaires s’expliquent par
les différences de capital des individus, autant pour ce qui concernent le capital physique (foncier et
incorporel) et le capital financier que le capital humain (acquis grâce à la formation).
Ainsi, les différences de revenus s’expliquent par les différences d’investissement en capital
physique, financier et humain (théorie du capital humain de Gary Becker qui explique ainsi les
différences de rémunérations entre les individus par les différences d’investissement en formation)
Un peu d’histoire
133 – 123 av. JC La réforme des Gracques, visant à redistribuer les richesses aux citoyens
romains les plus pauvres, échoue sous la pression des sénateurs.
Ancien Régime Les impôts tels que la dîme ou la gabelle frappent disproportionnellement les
paysans pauvres.
XIXe siècle Révolution industrielle : enrichissement des détenteurs de capitaux et augmentation
de la masse ouvrière pauvre, creusement des inégalités économiques. En retour, développement du
socialisme, des mouvements ouvriers et des syndicats (créés en France par la loi de 1884).
1914 En France, création de l’impôt progressif sur le revenu (au Royaume-Uni en 1842, en
Allemagne en 1893 et aux États-Unis en 1913). 1914-1945 Du fait des besoins financiers liés aux
première et seconde guerres mondiales, des destructions qu’elles engendrent et de la crise de 1929, les
revenus d’une partie des ménages les plus riches sont amoindris, ce qui réduit les inégalités.
1945-1980 Le taux de croissance élevé des pays industrialisés, couplé à la mise en place des
systèmes d’États-providence, permet une baisse ou une stagnation des inégalités.
Depuis 1980 La dérégulation financière, la mondialisation des échanges, le chômage et les
difficultés des finances publiques des États pèsent sur les revenus des classes populaire et moyenne. Les
inégalités augmentent à nouveau.
Années 2000 Aux États-Unis, les inégalités retrouvent leur niveau record du début du XXe siècle.
2011 La Chine devient la deuxième économie mondiale. La croissance rapide de son économie
a permis à 850 millions de personnes de sortir de la pauvreté absolue depuis 1978. Toutefois, les
inégalités au sein de la population chinoise s’accroissent fortement.
C- Mesure des inégalités
1- Quel indicateur retenir ? Revenu, niveau de vie et patrimoine.
La mesure des inégalités de revenus et des patrimoines suscite régulièrement des controverses dans
le débat public. Quel revenu ou patrimoine retenir ? Qui doit-on comparer ? Comment peut-on mesurer
les écarts ? En France, on part des revenus fiscaux c’est-à-dire de ceux qui sont déclarés aux impôts.
Afin de prendre en compte l'ensemble des revenus. Sur cette base, l’INSEE évalue « le revenu disponible
», l'argent dont dispose effectivement chaque ménage pour consommer et épargner. Pour y parvenir, il
ajoute aux revenus déclarés les prestations sociales (comme les allocations familiales et logement) et en
retire les principaux prélèvements directs (impôt sur le revenu, taxe d'habitation, contribution sociale
généralisée et contribution à la réduction de la dette sociale). L’information sur les revenus réels est donc
incomplète par une partie des revenus du travail au noir échappe aux impôts et l’évasion et la fraude
fiscale sont élevées dans les couches aisées de la population.
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2- Le niveau de vie :
Les inégalités sont mesurées sur la base du concept de niveau de vie, qui se distingue des notions de
revenu ou de pouvoir d’achat. En effet, pour mesurer les inégalités, on ne peut pas se contenter de
connaître le revenu disponible d’un ménage. Avec un revenu identique, un ménage composé d’un couple
et de trois enfants n’aura pas le même niveau de vie qu’un ménage sans enfants. C’est pourquoi il faut
calculer le revenu par unité de consommation. Dans un ménage, un certain nombre de biens et services
sont consommés collectivement (automobile, logement…).
L’arrivée d’une personne supplémentaire dans la famille n’entraînera donc pas une diminution du
niveau de vie par personne d’une unité supplémentaire. C’est la raison pour laquelle, les économistes
attribuent des coefficients à chaque membre du ménage :
Coefficient 1 pour le premier adulte ;
Coefficient 0,5 pour les autres adultes et les enfants de 15 ans et plus ;
Coefficient 0,3 pour les enfants de moins de 15 ans.
Ainsi, avec un revenu annuel de 40 000 €, une famille composée d’un couple et d’un enfant de 10 ans
aura un niveau de vie par individu de (40 000/1,8) 22 222 € alors qu’avec le même revenu une famille
de deux enfants de plus de 15 ans et d’un enfant de moins de 15 ans disposera de (40 000/2,8) 14 285 €
par individu.
3- Le patrimoine
Correspond à l'ensemble des avoirs d'un ménage. Il comprend les biens immobiliers, fonciers, les
actifs financiers (actions, obligations, comptes d'épargne) et monétaires, et les actifs professionnels
détenus par les ménages.
4- Mesure de la dispersion
a) La dispersion d’une série statistique s’intéresse à l’étendue des écarts entre les valeurs extrêmes
de cette série ou entre une valeur et sa valeur médiane. La dispersion permet d’étudier les différences de
revenu à l’intérieur d’une catégorie. La dispersion se mesure à l’aide des déciles.
La population est divisée en 10 parties égales. Le premier décile (D1) en matière de niveau de vie
comprend donc les 10% des personnes les plus pauvres. Du point de vue des revenus, on distingue
deux types de décile :
Le décile pointé correspond au revenu qui délimite les tranches ;
Le décile moyen correspond au revenu moyen de chaque tranche de 10% de la population.
On peut aussi diviser la population en tranche de 1% (les centiles), de 20% (les quintiles) ou de
25% (les quartiles).
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Lecture = En France, en 2009, un individu appartenant aux 10% des ménages les plus pauvres
avaient un niveau de vie inférieur à 866 € par mois et gagnait en moyenne 659 € par mois. Au
sommet de l'échelle, un individu appartenant aux 10% des ménages les plus riches avait un niveau
de vie supérieur à 2 987 € par mois et gagnait en moyenne 4 435 € par mois.
b) Le niveau de vie médian est le revenu qui partage la population en deux parties égales ?
50% gagnant moins que ce revenu et 50% plus. Il correspond au niveau de vie du cinquième
décile.
Lecture = En France, en 2009, le niveau de vie médian est de 1 590 € par mois ce qui signifie
que la moitié de la population gagne moins et l’autre moitié gagne plus. Le revenu moyen se
monte à 1 845,2 € par mois.
c) Le rapport interdécile est fréquemment utilisé comme indicateur des inégalités. Il peut se
calculer de deux façons :
D9/D1 ou P90/P10 = Revenu du plus pauvre des plus riches/Revenu du plus riche des plus pauvres
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Lecture = En France, en 2009, le plus pauvre des plus riches gagne (2 987/866) 3,45 fois plus
que le plus riche des plus pauvres.
D10/D1 = Revenu moyen du décile le plus riche/revenu moyen du décile le plus pauvre.
Lecture = En France, en 2009, les 10% les plus riches gagnent en moyenne (4 435/659) 6,7 fois
plus que les 10% les plus pauvres.
d) L’indicateur de Palma, plus récent, est une forme de rapport interdécile qui mesure le rapport
entre le revenu des 10% les plus riches et celui des 40 % les plus pauvres : très utilisé pour l’étude des
pays en développement, il permet de savoir si la croissance de l’économie profite à toute la population
ou seulement à une élite.
e) La courbe de Lorentz va mesurer le degré de concentration des niveaux de vie ou du patrimoine.
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ménages disposent du même revenu) et 1 (distribution où tous les ménages sauf un ont un revenu nul).
Plus l'indice de Gini est proche de 1 (ou de 100 selon les sources), plus l’inégalité mesurée est importante.
Remarque :
En France, l’INSEE vient de publier les statistiques pour l’année 2020. L’indice de Gini pour notre
pays ressort à 0,29, ce qui est légèrement en dessous de la moyenne Européenne de 0,30. L’Espagne et
l’Italie sont un peu moins égalitaires et affichent des indices de Gini aux alentours de 0,33.
L’Afrique du Sud-est le pays le plus inégalitaire au monde, avec un coefficient de Gini de 0,63. Mais
il a récemment augmenté dans les pays anglo-saxons. Ainsi, de 2002 à 2022, le coefficient de Gini est
passé de 0,38 à 0,40 aux US et de 0,36 à 0,37 au Royaume-Uni. Notez que déjà au départ, les indices de
Gini de ces pays étaient largement au-dessus de celui constaté dans la zone euro.
L’accroissement des inégalités aux États-Unis peut s’illustrer de façon très parlante. La proportion du
patrimoine national détenu par les 1 % des ménages les plus fortunés est passée de 30 à 34 % en vingt
ans. Pour la zone euro, et sur la même période, les chiffres sont de 24 et 25 %.
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généralisée, la CSG), dans le financement des organismes de sécurité sociale. L'objectif est ici de
protéger les agents contre les risques sociaux (ou événements qui affectent la capacité de travail et de
gain d'un individu durant sa période d'activité, ou bien son niveau de dépenses).
C- La justification de la redistribution.
La redistribution est cœur de nombreux débats qui dépassent largement le cadre de l’analyse purement
économique en raison de dimensions politiques, voire idéologique, qui la sous-tendent.
En termes économiques, la réflexion de redistribution de revenu nécessite de revenir au processus
de création de richesse dans une approche contribution-rétribution des différents agents.
Pour les auteurs classiques, les mécanismes de marché aboutissent à une répartition des revenus
correspondant à la participation relative des différents agents à la création de richesse. Ils qualifient les
inégalités de naturelles.
Selon Rawls, la redistribution est justifiée mais en appliquant le principe d’équité et non de mettre
en place une répartition égalitaire des revenus. L’Etat, doit, dans ce cadre assurer l’égalité des chances.
Se posent également le problème de l’origine des revenus : revenus du capital, revenus du
travail, revenus ou revenus d’activité, revenus de la propriété…. Cela renvoie à la notion d’effort
personnel et de justice sociale.
La redistribution s’inscrit dans le large débat sur le rôle de l’Etat dans l’économie. Les
administrations publiques sont, en effet, à l’origine des systèmes et des règles qui régissent la
redistribution. Mais elles ont également et, pour une large part, en charge de sa gestion. La
question reste posée de la pertinence des choix effectuées et de la qualité de la gestion publiques
des ressources. Ainsi, Hayek considère que la fiscalité ne peut être qu’arbitraire et correspond à un
prélèvement forcé de ressources, alors que Bertrand de Jouvenel analyse la redistribution comme
un transfert de pouvoir de l’individu vers l’Etat.
D- Le poids économique des opérations de redistribution.
Le revenu primaire des ménages est modifié par des prélèvements et des transferts. Il en découle le
revenu disponible.
1- Du revenu primaire au revenu disponible.
Le revenu disponible des ménages est obtenu en retranchant du revenu primaire, les impôts sur le
revenu et le patrimoine, les cotisations sociales et en ajoutant les prestations sociales (revenus de
transferts).
Le revenu disponible des ménages peut être consacré par les ménages, à la consommation finale et à
l’épargne.
Le revenu disponible ajusté est calculé par la comptabilité nationale. Il diffère du revenu
disponible car les ménages bénéficient de prestations en nature (pour l’essentiel, des dépenses de
santé) et de services collectifs fournis gratuitement ou quasi-gratuitement par les administrations.
2- L’évaluation des opérations de redistribution.
Deux ratios permettent d’évaluer l’importance prise actuellement par la fonction de redistribution :
Le taux de redistribution sociale = (prestations sociales / PIB) ×100
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Un prélèvement progressif est un prélèvement dont le taux croît lorsque son assiette augmente.
Le taux de prélèvement est alors plus fort pour les hauts revenus que pour les bas revenus (ex : l'impôt
sur le revenu) ;
Un prélèvement proportionnel est un prélèvement dont le taux reste fixe, quelle que soit son
assiette. Le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est le même pour tous les consommateurs quels
que soient leurs revenus.
En France et au Maroc, le caractère redistributif de l'impôt s'exerce principalement par la
progressivité de l'impôt sur le revenu. Pour l'IR, le taux d'imposition est progressif, c'est-à-dire
qu'il croit, par tranche avec le niveau de revenu. Ce système permet d'imposer plus lourdement les
tranches de revenus les plus élevés, tout en tenant compte de la composition familiale par le jeu du
quotient familial.
2- La protection sociale :
Elle désigne l'ensemble des institutions (sécurité sociale et mutuelles) et des mécanismes (de
solidarité nationale par l'impôt ou de solidarité professionnelle par les cotisations) destinée à protéger
les individus contre les risques sociaux entrainant une baisse de revenu (chômage, accident, vieillesse)
ou une augmentation des besoins (charge d'enfants, dépendance des parents).
Elle recouvre les régimes d'assurance sociale (sécurité sociale obligatoire, régimes complémentaires
facultatifs et assurance chômage), les systèmes de retraites complémentaires et les mutuelles.
3- Les services publics :
Un service public est une activité exercée par la puissance publique (État et collectivités territoriales)
ou déléguée sous son contrôle, dans le but de satisfaire un besoin d'intérêt général que le marché ne peut
produire (faute de rentabilité par exemple). Un service public peut être assuré par l'administration
(Education Nationale), par une entreprise publique (la RAM, Royale Air Maroc) ou concédé à une
entreprise privée (restauration scolaire, nettoyage de la voierie, services d’eau potable, d’électricité et
d’assainissement…) par délégation de mission de service public.
Le financement de la plupart des services publics est assuré par les prélèvements obligatoires. Les
services publics sont alors proposés à conditions non marchandes payantes (santé) ou gratuites (justice,
éducation). D'autres services publics sont financés par les usagers (la Poste) et sont alors proposé à prix
marchands. L'offre de services publics à titre gratuit ou non marchand correspond à une redistribution
verticale et horizontale en rendant possible la consommation de services (éducation par exemple) sans
distinction de revenus.
La redistribution verticale : les services publics étant rendus à titre gratuit sont financés par l'impôt.
Tous les ménages payant un montant d'impôt différent, la délivrance d'un service public conduit à
redistribuer les revenus verticalement. Le ménage qui ne paie pas d'impôt bénéficie des services publics
au même titre que les autres ménages. En quelque sorte, les autres ménages lui ont versé une partie de
leur revenu pour qu'il puisse payer les services publics. Les services publics donnent également lieu à
une redistribution horizontale de revenu, dans la mesure où ils profitent davantage à ceux qui les utilisent
qu'à ceux qui n'y ont pas recours. Si le service de défense nationale est consommé par tous les ménages,
il n'en est pas de même pour le service d'éducation nationale par exemple.
G- La redistribution est-elle encore efficace ?
La redistribution réduit effectivement les inégalités des revenus disponibles, principalement par la
protection sociale, puis par l'offre de services publics, et de manière plus faible par la fiscalité.
10 | P a g e
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Cependant, les mécanismes et l'efficacité de la redistribution sont aujourd'hui remis en cause, dans le
cadre de la politique fiscale (poids des prélèvements obligatoires dans un contexte de concurrence
internationale), comme dans celui du système de protection sociale (déficit de la sécurité sociale, coût
du travail) ou celui de la réglementation des services publics. De plus, les inégalités sociales se
maintiennent en dépit des moyens mis en œuvre, et le vieillissement de la population rend problématique
le financement des futures retraites. Ces difficultés posent la question de l'efficacité de la politique de
redistribution, remettant ainsi en cause la notion d'" État providence ".
La redistribution est ainsi confrontée à trois crises :
Une crise financière (compte tenu des déficits budgétaire et du déficit du système de protection
sociale). Les dépenses de protection sociale progressent depuis 50 ans, environ deux fois et demie plus
vite que la richesse nationale. En 2008 les prestations sociales représentent 29 % du PIB contre 12 % en
1949. La sécurité sociale présente un déficit de près de 30 Md€ en 2010. Au total, le déficit global de la
protection sociale est de 109 Md€ (rapport 2009 de la cour des comptes en France).
Une crise de légitimité : jusqu'où faut-il réduire les inégalités ? Les mécanismes mis en place
contribueraient, pour certains, à l'inactivité en créant une trappe à pauvreté. En effet, les processus de
protection rendent le revenu du travail à peine plus attractif que le revenu des prestations sociales,
maintenant ainsi les agents dans l'inactivité.
Une crise d'efficacité, par le constat que la pauvreté ne régresse plus depuis les années 1990 (7
millions de pauvres en France en 2007), que les écarts de revenus s'accroissent dans les tranches
supérieures et que l'origine sociale pèse encore sur la réussite scolaire ou sur l'espérance de vie (le taux
de cancer est deux fois plus élevé chez les ouvriers que chez les professions intellectuelles supérieures).
Une efficacité économique contesté (débat théorique) : le débat sur l’efficacité économique
de la redistribution des revenus oppose les écoles de pensée libérale et keynésienne.
a- La justification keynésienne de l’Etat providence : avance trois arguments en faveur de la
redistribution des revenus.
Les transferts sociaux empêchent une baisse de la demande de consommation des ménages et
jouent ainsi un rôle essentiel de stabilisation de la croissance économique.
Les transferts sociaux contribuent à éviter une marginalisation d’une partie de la population et
préservent ainsi la cohésion sociale.
La gestion étatique de la protection sociale s’impose du fait des imperfections de l’économie de
marché.
b- La contestation libérale : les libéraux considèrent que les individus restent les meilleurs juges
de leurs besoins, le marché pouvant satisfaire les besoins sociaux plus efficacement que l’Etat. La
redistribution engendre selon eux des conséquences néfastes.
Les prélèvements nécessités par la redistribution des revenus nuisent à la croissance économique et à
l’emploi. L’économiste de l’offre, LAFFER, a rendu célèbre ce slogan « trop d’impôt tue l’impôt » Les
transferts sociaux génèrent des comportements de « d’oisiveté » et de « paresse » et conduisent à une
surconsommation coûteuse (théorie de l’aléa moral)
11 | P a g e