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Manuel de dialogue national

Guide à l’attention des praticiens

En collaboration avec
Manuel de
dialogue national.
Guide à l’attention
des praticiens
Manuel de
dialogue national.
Guide à l’attention
des praticiens
Manuel de dialogue national

PUBLIÉ PAR

Berghof Foundation Operations GmbH


ISBN : 978-3-941514-26-3

© Berghof Foundation Operations GmbH


Altensteinstrasse 48a
14195 Berlin
Allemagne
www.berghof-foundation.org

Septembre 2017

Tous droits réservés.

Auteurs (partie I) : Marike Blunck, Luxshi Vimalarajah (conception


et conseils), Oliver Wils, Corinne von Burg (swisspeace),
David Lanz (swisspeace), Mir Mubashir.

Réviseurs chargés des fiches pays (partie II) : Vanessa Prinz,


Damjan Denkovski.

Nous tenons à remercier chaleureusement les membres de l’équipe


de rédaction et de révision des fiches pays, qui ont mis leur expertise
au service de ce projet. Leurs noms figurent dans la liste des
contributeurs et des références principales de la partie II, à la fin du
présent rapport. Le choix final des pays résulte d’un minutieux travail
de repérage et de cartographie des processus de dialogue national
menés dans le monde, pour lequel nous remercions vivement Nina
Bernarding, Marike Blunck et Christine Seifert.

Nous remercions également les auteurs des études de cas


détaillées et des fiches thématiques pour leur précieux travail
de réflexion sur lequel repose le présent manuel. Les études
sont disponibles à l’adresse :
http://www.berghof-foundation.org/publications/national-dialogue-
handbook/.

Conception graphique et mise en page : AMBERPRESS Katja


Koeberlin, Gosia Warrink
Révision : Aaron Griffiths, Beatrix Austin
Traduction : Strategic Agenda
Nous remercions particulièrement les membres
du groupe consultatif du projet pour l’aide
précieuse qu’ils nous ont apportée, à travers
leurs connaissances, leurs réflexions et
leurs idées concernant le présent manuel
et les sujets qui y sont abordés.

Nous adressons nos remerciements


aux personnes suivantes :
Catherine Barnes, Centre pour la justice et la
consolidation de la paix, Eastern Mennonite
University • Roxaneh Bazergan, Groupe d’appui
à la médiation, Département des affaires politiques
des Nations Unies • Mohammad Halaiqah, membre
du parlement et ancien vice-Premier ministre,
Royaume hachémite de Jordanie • Karam Karam,
Common Space Initiative • Anne-Lise Klausen,
Groupe sur la fragilité, les conflits et la violence,
Banque mondiale • John Packer, Centre de recherche
et d'enseignement sur les droits de la personne,
université d’Ottawa • Katia Papagianni, Centre
pour le dialogue humanitaire • Mouin Rabbani,
Initiative arabe pour la transformation des conflits
• Martin Wählisch, Division du Moyen-Orient et de
l’Asie de l’Ouest, Département des affaires politiques
des Nations Unies.
Manuel de dialogue national
Table des matières
PARTIE I

11 Introduction

17 Chapitre 1 Définition du dialogue national

37 Chapitre 2 Phase de préparation :


planification et préparation du dialogue national

67 Chapitre 3 Phase de processus :


mise en place du dialogue national

139 Chapitre 4 Phase de mise en œuvre :


déploiement et pérennisation des résultats

161 Chapitre 5 Mobilisation extérieure en faveur du dialogue national

179 Chapitre 6 Observations finales

PARTIE II

197 Cartographie des initiatives de dialogue national


dans le monde
Fiches pays
Manuel de dialogue national

Avant-propos
Le dialogue national peut être envisagé en cas de conflit afin de
surmonter les dissensions internes et de permettre aux États, à leurs
institutions et aux différents groupes en désaccord de renouer des
liens et, si possible, d’élaborer un nouveau contrat social entre les
divers groupes d’intérêt ayant partie au conflit. De ce fait, il a gagné
une influence considérable ces dix dernières années et est devenu un
puissant vecteur de transformation en faveur de la paix. L’Allemagne et
la Suisse ont contribué à plusieurs initiatives de ce type, notamment au
Yémen, au Liban et au Soudan.

La Tunisie, qui a vu naître le Printemps arabe, témoigne du succès de


cette approche : le « Quartette tunisien », qui regroupe les principales
organisations de la société civile tunisienne à l’origine du dialogue
national et a établi le socle politique nécessaire pour réformer en
profondeur la Constitution et les institutions du pays, a reçu le prix
Nobel de la paix en 2015.

Rédigé par la Fondation Berghof en collaboration avec la Fondation


suisse pour la paix (swisspeace), ce manuel est le fruit de travaux
approfondis auxquels ont pris part de nombreux chercheurs et parties
prenantes. L’aide apportée par l’Allemagne et la Suisse à l’élaboration
du présent manuel met en évidence leur détermination à faire cesser la
violence grâce au dialogue pacifique. Cet effort collectif illustre les liens
de partenariat et de collaboration étroits qui unissent nos deux pays
dans le cadre de la transformation pacifique des conflits. Il souligne
également notre conviction que la résolution des conflits doit se faire
dans un esprit d’inclusion. Pour cela, elle doit être représentative des
divers acteurs politiques, sans pour autant s’y limiter, et mobiliser
la société dans son ensemble. Au cours des transitions politiques,
les besoins et les intérêts de la société doivent être pris en compte
afin de susciter l’adhésion de la population. Cette solidarité permet
de restaurer le tissu social et de favoriser la réconciliation nationale.
À l’instar des autres mécanismes de résolution des conflits, le dialogue
national risque d’être galvaudé pour servir des intérêts politiques à
court terme. C’est pourquoi nous devons nous efforcer d’améliorer la
structure des processus de dialogue national actuels et à venir.
En contribuant à la présente publication, l’Allemagne et la Suisse,
par le biais du ministère fédéral allemand des Affaires étrangères et
du département fédéral helvétique des Affaires étrangères, veulent
contribuer à mieux faire connaître les possibilités et les défis relatifs au
dialogue national. Ce manuel est l’un des premiers guides de référence
sur le dialogue national à l’usage des praticiens, qui y trouveront
des analyses détaillées, des retours d’expérience et des directives
politiques. Nous espérons qu’il sera utile aux parties prenantes aux
dialogues nationaux.

Rüdiger König Heidi Grau


Directeur général de la prévention Directrice de la division Sécurité
des crises, de la stabilisation, humaine du département fédéral
de la consolidation de la paix après des Affaires étrangères, Suisse
les conflits et de l’aide humanitaire,
ministère fédéral des Affaires étrangères,
Allemagne
Manuel de dialogue national

PARTIE I
Introduction

Introduction Le manuel contient les éléments suivants :

Réflexions sur les concepts et les


Le présent manuel se
pratiques du dialogue national
fonde sur des études de cas Orientations pratiques relatives
contemporaines et entend à la conception du processus
contribuer au débat naissant Analyse systématique des principaux
sur le dialogue national, en dilemmes
rapprochant les perspectives Cartographies détaillées des pays
et les expertises de diverses Outils conceptuels et supports visuels
régions et en proposant une Recommandations politiques, notamment
réflexion systématique et des à l’intention des collaborateurs extérieurs
orientations concrètes. Les
parties prenantes au conflit
et les praticiens locaux et étrangers y trouveront les outils nécessaires pour résoudre
les difficultés rencontrées et élaborer un modèle sur mesure en fonction du contexte
qui est le leur. Loin de tout simplisme, le manuel cherche à présenter les processus
de dialogue national dans leur globalité en s’appuyant sur l’expertise et les pratiques
de chercheurs et de praticiens. Il répond à un double objectif : (1) proposer un cadre
analytique relatif au dialogue national ; (2) fournir un outil pratique aux équipes
chargées de sa mise en œuvre.
Le format du manuel, à la fois guide pratique et catalogue de ressources, en fait
un outil original, qui permet d’élaborer, de mettre en œuvre et d’accompagner le
processus de dialogue national dans ses moindres détails.

Quelle est la finalité du manuel de dialogue national ? Le dialogue national a gagné en


notoriété ces dix dernières années. Son rôle essentiel dans la prévention des conflits
violents et la gestion des crises et des transitions politiques est désormais reconnu.
Bien qu’il fasse beaucoup parler de lui au sein des gouvernements nationaux, des
partis d’opposition, des groupes de la société civile et des mouvements armés, sur la
scène politique internationale, dans les milieux diplomatiques et parmi les praticiens
et les donateurs, sa clarté conceptuelle n’égale pas encore sa popularité. Les acteurs
désireux d’engager un processus de dialogue national ont besoin de directives
approfondies et pertinentes et d’un soutien concret afin de débloquer les impasses
politiques, de résorber les clivages ou de favoriser une transition plus apaisée. Or, il
existe actuellement peu de ressources de ce type.

La Fondation Berghof et swisspeace possèdent toutes deux une expertise reconnue


dans l’étude et la pratique de la méthodologie de transformation systémique des
conflits. Elles ont été sollicitées par de nombreux acteurs internationaux et parties en
conflit souhaitant s’engager dans un dialogue national et recevoir un accompagnement
personnalisé. Depuis plusieurs années, la Fondation Berghof soutient l’élaboration,
l’organisation et la mise en œuvre du dialogue national au Yémen, au Liban et au
Soudan, avec l’appui du ministère fédéral allemand des Affaires étrangères. Les acteurs
du développement, notamment la Banque mondiale, ont également fait appel à nos

11
Manuel de dialogue national

compétences en vue de contribuer plus efficacement au renforcement des processus


de dialogue national. La Fondation Berghof et swisspeace sont en outre intervenues
auprès des réseaux diplomatiques, afin de réfléchir en détail aux moyens d’adapter
l’appui politique au dialogue national et de partager les enseignements qu’elles ont
tirés dans ce domaine. La publication du présent manuel répond à la diversification
des besoins exprimés par une multiplicité d’acteurs désireux d’être accompagnés de
manière ajustée et efficace. Celui-ci fournit des orientations très détaillées et s’appuie
sur le recueil d’études de cas le plus complet à ce jour.

À qui s’adresse le manuel de dialogue national ? Le manuel est destiné aux acteurs
intérieurs et extérieurs impliqués dans les processus de transition rapide et parfois
quelque peu dépassés par l’ampleur de la tâche. Il les aide à planifier, organiser,
mettre en œuvre et appuyer le dialogue national, dans une optique de performance
et d’efficacité. L’accent est mis sur les moyens nécessaires à l’exécution du dialogue
national, plutôt que sur la question de sa nécessité. Les parties au dialogue peuvent
également consulter des études de cas, afin d’apprendre de leurs prédécesseurs et
d’éviter leurs erreurs et faux pas. La place et le rôle des intervenants extérieurs sont
évoqués. Cependant, le manuel cible en priorité l’expérience des parties prenantes
locales et les besoins qu’elles ont exprimés. En effet, le choix du modèle, de
l’organisation et de la mise en œuvre du dialogue national revient en dernier lieu aux
acteurs locaux.

Les principales parties prenantes et les médiateurs insiders jouent un rôle


distinct – quoique complémentaire – dans les situations de crise politique et les
processus de changement. Aux parties
prenantes principales, constituées des
parties au conflit et des acteurs politiques, il
Les médiateurs dits « insiders » revient de définir l’orientation des processus
sont des acteurs qui évoluent au politiques. Quant aux médiateurs, ils
plus près du conflit et possèdent exercent le rôle de facilitateurs ; ils posent
des qualités de médiation. Ils ont le cadre du dialogue à partir duquel les
une connaissance extrêmement protagonistes peuvent échanger, chercher
fine du contexte local, font preuve un terrain d’entente et s’engager de
d’un grand engagement personnel manière constructive. Le présent manuel
et peuvent influencer les répond aux besoins des parties prenantes
structures formelles et informelles. et des médiateurs, tout en faisant ressortir
leur complémentarité. C’est pourquoi la
méthodologie de recherche et la préparation
des études de cas ont ciblé en priorité les parties prenantes principales et les
médiateurs insiders/figures locales influentes.

Les praticiens, les organisations internationales et les réseaux diplomatiques


participent au dialogue national sur plusieurs plans, notamment en créant un
environnement propice au dialogue et en offrant une expertise et un appui, ce dernier
pouvant être politique, logistique et/ou financier. Ces fonctions seront étudiées plus en

12
Introduction

détail dans les chapitres suivants. Le plus délicat est d’ajuster le rôle des intervenants
extérieurs de manière efficace et pérenne, et en tenant compte des risques de conflit,
afin de ne pas compromettre l’appropriation nationale. Par ailleurs, le manuel
distingue les acteurs politiques de ceux du développement, chacun disposant de ses
propres modalités d’appui et connaissant des défis qui lui sont propres. La qualité des
relations entre les acteurs du développement et les parties au dialogue est assez peu
évoquée dans la littérature actuelle. C’est pourquoi le manuel entend, de manière tout
à fait inédite, soutenir et valoriser la mobilisation de ces acteurs en faveur du dialogue
national.

Comment est organisé le manuel ? Les expériences en matière de dialogue national


laissent entrevoir un nouveau champ d’étude dont le manuel se propose de faire
l’exposé le plus détaillé à ce jour. Celui-ci contient à la fois : (a) un cadre conceptuel
pour comprendre en quoi consiste le dialogue national ; (b) des analyses portant
sur la conception du processus et les soutiens extérieurs envisageables, réalisées
directement à partir d’études de cas détaillées menées dans différentes régions du
monde, afin d’orienter les pratiques. Le manuel s’organise de la manière suivante :

Partie I

Le chapitre 1 propose une définition du dialogue national


et présente le cadre correspondant, afin d’aider le lecteur à
comprendre l’institutionnalisation de ce processus. Il distingue
Cadre clairement la méthodologie du dialogue national des autres
conceptuel mécanismes de transformation des conflits habituellement
utilisés, tels que la négociation et la médiation. Les points
communs et les différences entre le processus de dialogue
national et le processus constitutionnel sont également
étudiés.

De la théorie Trois chapitres sont ensuite consacrés aux différentes étapes


à la pratique : du dialogue national. Le chapitre 2 s’intéresse tout d’abord à
stratégies de la phase de préparation du dialogue national et aborde, entre
conception autres, les questions suivantes :
du processus modalités de préparation au dialogue national ;
et considé- nature et mise en place des institutions et mécanismes
rations nécessaires à la préparation ; principaux aspects à prendre
pratiques en compte durant cette phase initiale ;
difficultés et risques fréquents.

13
Manuel de dialogue national

Le chapitre 3 s’intéresse à la phase de processus, c’est-à-dire à


la mise en place officielle du dialogue national, et notamment
aux points suivants :
méthodologie de conception et d’organisation du dialogue
national ;
nature et mise en place des institutions et mécanismes
nécessaires à l’organisation du dialogue national ;
principaux aspects à prendre en compte durant l’organisation
du dialogue national ;
difficultés et risques fréquents.

Le chapitre 4 est consacré à la phase de mise en œuvre, à savoir


les résultats du dialogue national et leur mise en œuvre, et
aborde notamment les points suivants :
typologie des résultats du dialogue national ; modalités de
mise en œuvre et de suivi des résultats ;
nature des institutions et mécanismes nécessaires à la mise
en œuvre des résultats ; principaux aspects à prendre en
compte dans la mise en œuvre des résultats ;
difficultés et risques fréquents.

Le chapitre 5 porte sur les multiples rôles des acteurs extérieurs


et examine les possibilités et les enjeux liés à leur participation.
Il propose également un descriptif des domaines auxquels les
acteurs politiques et de développement extérieurs peuvent
apporter leur contribution.

Le chapitre 6 conclut cette partie. Il présente les principaux


Observations paramètres nécessaires à la réussite du dialogue national et
finales analyse les dilemmes fréquemment rencontrés dans le cadre du
dialogue national ainsi que leur incidence sur son organisation.

Partie II

Études Cette partie contient plusieurs études de cas sur le dialogue


de cas national ou d’autres méthodologies similaires, réalisées dans
plusieurs pays du monde. Celles-ci sont proposées au lecteur à
titre de référence.

14
Introduction

Les chapitres du manuel peuvent être consultés successivement ou séparément, selon


les préférences et les priorités du lecteur. Les outils relatifs au processus et les supports
visuels sont réunis sous une rubrique spécifique. Consulté dans son intégralité, le
texte permet au lecteur de cerner en profondeur les différentes phases du processus
ainsi que les difficultés et les subtilités associées. De nombreux exemples sont
proposés, généralement sous forme d’encadré ou d’illustration. La plupart s’inspirent
des études de cas détaillées préparées en amont (voir partie II), dont les sources sont
indiquées dans les références correspondantes. Afin d’améliorer le confort de lecture,
les dates exactes des processus de dialogue national sont mentionnées uniquement
pour les pays ne figurant pas dans la partie II.

La méthodologie de recherche adoptée pour la préparation de ce manuel repose sur


une approche originale et participative, tirant principalement parti de l’expérience
des parties prenantes et des experts impliqués directement dans le dialogue
national. La Fondation Berghof, qui possède une vaste expérience dans l’appui au
dialogue national et autres processus de transition, a entrepris plusieurs démarches
pour enrichir son expertise, notamment la réalisation d’études de cas détaillées
au Guatemala, au Liban, en Libye, au Mali, au Népal, au Soudan et en Tunisie, en
collaboration avec swisspeace. Ces études de cas ont été confiées à de petits groupes
composés essentiellement de spécialistes locaux et d’initiés directement impliqués
dans ce type de processus. Parmi ces initiatives, certaines ont été dénommées
« dialogue national » par leurs parties prenantes, d’autres non. Le choix des pays
ne relève pas d’une quelconque classification qui conférerait le statut de « dialogue
national » à tel ou tel processus. La priorité a plutôt été donnée aux composantes
essentielles du dialogue national et aux notions intéressantes qui autorisent des
comparaisons utiles dans ce domaine. Les chercheurs de la Fondation Berghof ou
de swisspeace se sont rendus dans chacun des pays concernés afin d’étayer leurs
conclusions et de les intégrer dans les processus en cours. Ces visites sur le terrain ont
permis une circulation à double sens de l’information et favorisé une participation
remarquable, très utile à la préparation de ce manuel.

Outre les études de cas, la Fondation Berghof a procédé à des analyses thématiques
ainsi qu’à une cartographie détaillée des initiatives de dialogue national et autres
processus similaires menés dans plusieurs régions. Elle a participé activement aux
consultations de spécialistes du dialogue national et aux échanges avec le groupe
consultatif du projet. Ce dernier rassemblait également des experts étrangers, des
techniciens et des conseillers spéciaux des Nations Unies, chargés de commenter le
contenu du manuel afin d’en garantir l’exhaustivité.

15
Chapitre 1
Définition du
dialogue national

Table des matières


19 1.1 Dialogue national : quelle définition proposer ?

23 1.2 Quelle est la structure du dialogue national ?

26 1.3 Le dialogue national et les autres mécanismes


de transformation des conflits

30 1.4 Le dialogue national et le processus


constitutionnel

17
Manuel de dialogue national

1 Qu’est-ce que le dialogue national ?


Le premier chapitre s’attache à définir le cadre conceptuel du manuel. En effet, de
nombreuses questions et ambigüités subsistent quant au concept de « dialogue
national » – les connaissances existantes étant surtout d’ordre anecdotique ou liées
à un contexte particulier. Le manuel regroupe différents courants de pratique ayant
émergé suite aux événements politiques observés dans plusieurs régions du monde,
aussi bien en Afrique qu’en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA),
ou en Amérique latine. Récemment, les événements tumultueux survenus dans la
région MENA, souvent désignés sous le terme de « Printemps arabe », témoignent
d’une profonde remise en cause de la légitimité des gouvernements au pouvoir par
des populations de plus en plus émancipées. Cette pression citoyenne a propulsé
sur le devant de la scène les débats sur l’« inclusion » et la « participation ». Le
dialogue national est alors (ré)apparu comme une solution envisageable à ce type de
problématique. Ajoutons que, face à des conflits toujours plus complexes et dont les
causes sont pluridimensionnelles, le dialogue national doit mobiliser de nombreux
acteurs.

La popularité croissante du dialogue national s’explique également par le recul des


grandes interventions (militaires) étrangères de sécurité déployées pour stabiliser
les régions en cas de troubles politiques, comme ce fut le cas en Libye, en Syrie et
en Irak. La résolution des conflits s’effectue depuis peu à l’échelle nationale et non
plus internationale. Le retour en force du dialogue national traduit également un
désir de préserver la souveraineté nationale et reflète le scepticisme ambiant face
aux interventions menées dans de nombreuses régions du monde sous la houlette
de puissances étrangères. Désormais, l’accent est mis sur des solutions politiques
davantage ancrées dans le champ national. Dans ce contexte, le dialogue national
apparaît comme un mécanisme pérenne de transformation des conflits, capable de
répondre aux diverses exigences formulées par les acteurs nationaux et internationaux.
Il est donc utilisé – mais aussi perverti – à de nombreuses fins, et peut servir aussi
bien à susciter un véritable changement qu’à maintenir le statu quo (phénomène de
dissimulation).

Le présent chapitre se divise en quatre sous-chapitres. Le premier propose une


définition du dialogue national. Le deuxième présente les grandes lignes du cadre
de dialogue national et énonce les éléments communs à tous les processus menés
à travers le monde. Le troisième inscrit le dialogue national dans le cadre plus large
des mécanismes de transformation des conflits et en souligne les singularités par
rapport à la négociation et la médiation. Le quatrième et le dernier sous-chapitre met
en comparaison le dialogue national et le processus constitutionnel, et cherche à
dégager les points communs et les différences afin de distinguer davantage le dialogue
national des autres outils.

18
Dialogue national : quelle définition proposer ?

1.1 Dialogue national : quelle définition proposer ?

Avant toute tentative de définition, il est nécessaire de replacer le dialogue national


dans son contexte. On notera que cette pratique est loin d’être nouvelle et ne se
limite pas à l’hémisphère Sud. Elle est étroitement liée aux quatre grandes vagues de
transition politique dont les trois premières peuvent être étudiées sous le prisme de la
« troisième vague de démocratisation »1.


En 1989, face au séisme politique provoqué par l’effondrement du bloc
soviétique en Europe de l’Est et en Europe centrale, la Pologne, la Hongrie, la
Tchécoslovaquie, l’ex-République démocratique allemande et la Bulgarie ont
organisé des tables rondes, signant l’ouverture démocratique des nouveaux
acteurs et programmes politiques.

Au début des années 1990, plusieurs conférences nationales, nées du vaste
sentiment de mécontentement que suscitait l’écart croissant entre les citoyens et
l’élite politique africaine et de la prise de conscience inspirée par le bicentenaire
de la Révolution française, ont été organisées en Afrique francophone.

Durant les années 1990, de nombreux pays d’Amérique latine désireux de


renforcer la participation au sein de la gouvernance et du développement
ont organisé des processus constitutionnels consensuels. Les modalités
d’entente (en Bolivie et en Colombie, par exemple) ne sont pas sans rappeler
certains des principaux aspects du dialogue national.


De nos jours, l’émergence du dialogue national est étroitement liée aux
événements survenus dans la région MENA lors du Printemps arabe2. Des
dialogues nationaux ou autres processus similaires ont successivement été mis
en place, avec plus ou moins de réussite, au Maroc, en Libye, en Tunisie, en
Égypte, au Soudan, au Liban, en Jordanie, au Bahreïn et au Yémen.

19
Manuel de dialogue national

Dialogues nationaux
au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

MAROC TUNISIE LIBYE ÉGYPTE SOUDAN LIBAN JORDANIE YÉMEN BAHREÏN

Figure 1.1 : Dialogues nationaux et processus analogues dans la région MENA

Il existe plusieurs éléments communs aux processus ci-dessus. Tout d’abord, le


dialogue a servi à gérer des transitions complexes. Ensuite, ces initiatives regroupaient
davantage de parties prenantes nationales et traitaient de problématiques plus
vastes que les accords habituellement conclus par les élites alors au pouvoir. Certes,
chacune était confrontée à ses défis propres. Toutes se sont cependant engagées à
mettre en place une transition qui se tienne à l’écart des arrangements consentis par
les élites en s’efforçant d’améliorer l’inclusion et la participation politiques. Toutefois,
comme l’expliquent Planta et al. (2015), cette hypothèse ne peut être formulée
a priori : en effet, le dialogue national n’est
Le dialogue national vise « à élargir véritablement inclusif que si cette prémisse
la participation aux transitions ou cet objectif sont intégrés volontairement
politiques au-delà des élites à chaque étape du processus. Dans la
politiques et militaires ». pratique, « les instruments du changement
Papagianni (2014, 1) sont aussi vulnérables que le conflit lui-
même » (Siebert, cité dans Turtonen et
Linnainmäki, 2015, 7). C’est pourquoi, face à cette réalité, il est d’autant plus important
de procéder de manière constructive. En outre, les initiatives de dialogue national ne
disposent, à l’heure actuelle, d’aucun modèle ni d’aucune feuille de route ou boîte
à outils pour les aider dans la conception. Le fondement et les objectifs de chacun
des outils de transformation des conflits doivent être profondément ancrés dans le
contexte concerné.

20
Dialogue national : quelle définition proposer ?

Quand et pourquoi s’engager dans un dialogue national ? Le dialogue national peut être
envisagé dans plusieurs contextes. En cas de crise nationale ayant des retentissements
sur l’ensemble de la société (impasses politiques critiques ou blocage des institutions
politiques), l’objectif sera d’apaiser les tensions, de trouver un compromis politique,
voire d’instaurer (ou de réinstaurer) un (nouveau)
cadre institutionnel, afin de désamorcer la crise. On
Le dialogue national aide à peut également avoir recours au dialogue national
gérer et résorber les crises dans le cadre d’une transition politique, par exemple,
d’ampleur nationale. après une guerre civile ou lorsque les institutions
perdent leur légitimité et doivent faire place à des
mécanismes plus inclusifs. Le dialogue national
permet alors aux acteurs de s’approprier le nouveau système politique, économique
et/ou social, dans l’objectif de renouveler
les institutions et de (re)négocier un contrat Le dialogue national est employé
social entre l’État et le peuple. Le cas échéant, dans les situations de transition,
« il est essentiel de créer des processus socio- lorsque les vieilles institutions
politiques qui permettent de trouver une issue perdent leur légitimité et qu’un
pacifique au problème envisagé. Une telle nouveau contrat social doit être
démarche permet également de créer un socle établi entre l’État et le peuple.
empirique en vue de réformer en profondeur
le paysage institutionnel et de consolider la
nation » (Barnes, 2017, 7).

Aux fins du présent manuel, le dialogue national est défini comme suit :

Le dialogue national est un processus politique géré au niveau national. Il vise à


générer un consensus au sein d’une large gamme d’acteurs nationaux en cas de
grave crise politique, après un conflit ou lors d’une transition politique importante.

Quels sont les objectifs du dialogue national ? Le processus de dialogue national


peut être utilisé ou développé au fil du temps, selon le contexte, afin de répondre à
divers objectifs. L’accent peut être mis sur un petit nombre d’objectifs spécifiques ou
importants (p. ex., dispositifs de sécurité, amendement constitutionnel, commission
de vérité) ou sur des interventions plus générales, telles que la refonte ou la création
d’un système politique, ou l’élaboration d’un (nouveau) contrat social. Il sied de noter
que, bien que la typologie de ces processus soit très vaste et réponde à de multiples
utilisations ou catégories, le manuel en distingue deux modèles principaux, suivant
leur fonction :

Les mécanismes de dialogue national dédiés à la prévention et à la gestion des crises


Démarche stratégique à court terme visant à contrer ou à prévenir la montée de
la violence armée

21
Manuel de dialogue national

Objectifs principaux : débloquer les impasses politiques et rétablir un consensus


minimal pendant que de nouvelles réformes et améliorations sont négociées
Exemple intéressant : Tunisie
Caractéristiques principales : le mandat est limité, ce qui tend à restreindre
l’ampleur et la durée du processus. La gestion est simplifiée du fait du petit
nombre de parties prenantes. La structure risque cependant d’être moins
inclusive, et il peut être difficile d’obtenir une large adhésion de la société aux
changements voulus.

Les mécanismes de dialogue national dédiés au changement fondamental

Démarche à long terme visant à redéfinir les relations entre l’État et la société,
ou à établir un nouveau « contrat social »
Objectifs principaux : réformer en profondeur les institutions et la constitution
Exemple intéressant : Yémen
Caractéristiques principales : le mandat a une portée significative. Le processus
est généralement d’assez grande ampleur et cherche à mobiliser de larges pans
de la société et à susciter un élan massif. La gestion peut être épineuse du fait de
sa mise en œuvre à grande échelle.

Ces deux modèles de dialogue national sont présentés ici de manière théorique. Dans
la réalité, il arrive que les processus soient mixtes et empruntent des composantes à
chacun des deux modèles. Leur cadre doit également rester souple, la fonction du
dialogue national étant susceptible d’évoluer au cours du temps. Ainsi, ce qui n’était
au départ qu’un mécanisme provisoire de gestion de crise peut devenir un outil au
service d’un vaste changement. Toutefois, le fait de distinguer ces deux modèles
permet de bien délimiter leurs contextes respectifs et leurs avantages fonctionnels, et
de promouvoir une conception efficace.

Le choix du modèle de dia-


PRÉVENTION ET GESTION DES CRISES
logue national – gestion des
Déblocage des impasses, conflits ou changement fon-
programme limité damental – dépend égale-
ment du mandat initialement
négocié entre les parties pre-
Mise en place des autorités
nantes principales. Comme
de transition, amendement
constitutionnel souvent dans les conflits
asymétriques, les élites au
pouvoir préfèrent se conten-
Nouveaux cadre ter d’un objectif modeste et
constitutionnel se tournent plus volontiers
et contrat social
vers le premier modèle, à
CHANGEMENT FONDAMENTAL savoir la prévention et la
gestion des crises. À l’inverse,
Figure 1.2 : Fonctions et objectifs du dialogue national les groupes d’opposition

22
Quelle est la structure du dialogue national ?

exigent des changements plus radicaux de l’ordre institutionnel et du système de


gouvernance, et ont tendance à privilégier le deuxième modèle, à savoir un
remaniement en profondeur.

1.2 Quelle est la structure du dialogue national ?


Le processus de dialogue national se découpe en trois phases successives :
préparation, processus et mise en œuvre. Différentes fonctions doivent être définies
et institutionnalisées au cours de chaque phase : c’est ce que l’on appelle le cadre
de dialogue national. Une fois les objectifs de dialogue convenus, ils guideront la
mise en place des institutions et des procédures. Chaque décision s’appuie sur un
ensemble de critères et de considérations techniques, politiques, relatives au pouvoir
et à la gestion. Il n’existe pas de format unique ou « correct » ; au contraire, les
parties prenantes peuvent recourir à toutes sortes de solutions afin de résoudre les
difficultés et dilemmes rencontrés. Tous les éléments sont interdépendants, et chaque
décision liée à la conception influera sur le fonctionnement global du système. C’est
pourquoi chaque composante doit être étudiée avec le plus grand soin, sous un angle
stratégique, et être évaluée en toute transparence. Ceci permet une prise de décision
éclairée, qui tient compte des risques et des possibilités, et repose sur une analyse
rigoureuse du conflit.

Phases du dialogue national : chaque processus débute par une phase de préparation.
Certains distinguent la phase de préparation et celle de l’exploration, bien que les
différences soient en réalité minimes. La mise en place d’un dialogue national implique
nécessairement d’effectuer les démarches suivantes : analyser le conflit ; rechercher
les faits ; définir la volonté et les positions politiques ; rechercher des soutiens. Une
fois que la volonté et/ou l’élan politiques sont suffisants, une annonce publique
marque le lancement officiel des préparatifs, souvent menés par des unités créées
spécialement à cette fin. La phase de préparation peut durer aussi longtemps – voire
plus – que le processus officiel, et constitue souvent elle-même un mini-processus de
négociation. Une fois tous les paramètres négociés – et si possible, après avoir convenu
des modalités de déroulement – la phase de processus peut commencer, puis, une fois
le résultat correspondant atteint, celle de la mise en œuvre. Par souci de clarté, le
manuel différencie ces trois phases et consacre un chapitre à chacune d’elles. Dans la
pratique, cependant, le passage d’une phase à l’autre est généralement fluctuant, non
linéaire, et doit souvent être interrompu et recommencé.

Cadre institutionnel et structures du dialogue national : chaque processus de


dialogue national possède une structure qui lui est propre et qui correspond au
but et aux besoins exprimés, eux-mêmes étroitement liés au contexte. Certaines
fonctions essentielles sont néanmoins communes à toutes les structures : préparation
du processus de dialogue national ; encadrement du processus ; appui technique ;
prise de décision inclusive/représentative ; et apport de nombreuses contributions
thématiques, souvent dans le cadre de groupes de travail et de sous-comités.

23
Manuel de dialogue national

Cadre de dialogue national

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS

Les initiatives formelles ou informelles COMITÉ DE CONSENSUS


peuvent commencer les préparatifs et Ce comité a pour fonction de
évaluer les positions politiques. régler les questions non résolues
et sensibles et d’aider les
Comité de contact (Yémen) participants à trouver un terrain
d’entente en cas d’impasse.
D’autres organes et/ou structures
informelles assument parfois
cette fonction.
COMMISSION DE PRÉPARATION
Comité de révision (Bahreïn),
La Commission est le principal
Comité de consensus (Yémen),
organe de préparation du processus.
Comité de réconciliation
Elle veille à la définition ou au choix
(Afghanistan)
des aspects suivants :

Objectif et priorités

Structure du processus

Critères de composition et procédures


de sélection des participants

Nomination du président

Modalités décisionnelles SECRÉTARIAT


Le Secrétariat soutient le
Structures d’appui processus sur le plan technique.
Il assure notamment la gestion
Logistique, financement et sécurité administrative, documentaire
et financière. Il peut mener des
Commission de préparation (RCA), activités d’information et de
Comité de rédaction (Afghanistan), consultation auprès du public.
Comité de préparation (Bénin),
Haute Commission de préparation (Irak), Secrétariat (Afghanistan, Yémen),
Réunion de consultation (Soudan), Comité technique d’organisation
Réunion de préparation (Pologne) et Secrétariat technique (RCA),
Agence présidentielle (Colombie),
Secrétariat de la paix (Népal).

24
Quelle est la structure du dialogue national ?

PHASE DE MISE EN ŒUVRE

La phase de processus peut


PRÉSIDIUM
aboutir à différents résultats
Le Présidium est l’organe de supervision.
intangibles (p. ex., changement
Il assure la gestion, la présidence et
des attitudes et des relations)
la coordination du processus*.
et contribuer à sensibiliser et
Présidium (Bénin, Mali), Bureau du leadership
informer davantage le public
(Afghanistan), Présidence (Bolivie, Colombie),
sur les principaux enjeux.
Haut Comité de coordination (Soudan),
Présidence (Yémen)
*Dans le cadre de processus plus informels,
le président ou le facilitateur peut assumer
RÉSULTATS
cette fonction, à l’instar du Quartette tunisien. Changement politique
Changement constitutionnel
Réglementation relative
aux droits de l’homme
Transition en matière
de sécurité
ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE Réforme économique et sociale
L’Assemblée plénière est le forum Travail de mémoire et méca-
de discussion central qui rassemble nisme de transition judiciaire
tous les participants impliqués
directement dans le processus.
Elle constitue la principale instance
décisionnelle.
Infrastructure
Assemblée générale (Afghanistan), de mise en œuvre
Comité général (Bahreïn), Plénum (Irak),
Assemblée plénière (Mali),
Table ronde plénière (Pologne)

Garanties et
mécanismes de suivi

GROUPES DE TRAVAIL
Les groupes de travail sont des petits forums
qui prennent en charge des thématiques
spécifiques. Forums de dialogue
pour le suivi des accords
Groupes de travail (Afghanistan, Yémen),
Équipes de travail (Bahreïn),
Commissions de travail (Bénin, Bolivie),
Groupes thématiques (RCA),
Commissions de travail (Guatemala),
Table ronde principale et Sous-tables
rondes (Pologne), Comités (Soudan),
Comités techniques (Afrique du Sud)

25
Manuel de dialogue national

En règle générale, les mécanismes d’élimination des impasses ou les filets de sécurité
sont également intégrés dans la structure globale, de même que les cellules d’enquête
créées au début de la phase de préparation. Cet ensemble forme la structure d’appui
du dialogue national.

1.3 Le dialogue national et les autres mécanismes


de transformation des conflits

Le dialogue national est une méthode parmi d’autres de résolution des crises politiques
et des conflits violents. Tous les processus de changement (processus de paix,
transitions politiques ou processus de prévention et de gestion des crises politiques)
ont généralement recours à des méthodes et mécanismes divers, notamment la
médiation et la négociation. La limite entre ces notions est flottante et de nombreux
chevauchements existent dans la pratique. Certaines caractéristiques et nuances
essentielles permettent toutefois de différencier ces mécanismes. Qu’entendons-nous
alors par négociation, médiation et dialogue national ? Trop souvent, la capacité des
acteurs intérieurs et extérieurs à réagir efficacement en cas de conflit est « freinée
par un manque de connaissances quant aux avantages relatifs des différentes
méthodes » (Bercovitch et Jackson, 2001, 14). C’est pourquoi les parties prenantes
au conflit et les praticiens doivent être au fait des avantages et des inconvénients de
chaque méthode – négociation, médiation et dialogue national – afin de choisir la
plus adaptée à leur situation.

La figure 1.3 propose un descriptif de ces trois mécanismes et illustre leurs


caractéristiques et nuances principales.

Dans la pratique, toute solution s’inscrivant dans la durée peut être amenée à inclure
plusieurs méthodes et processus. Il n’est pas rare qu’un processus crée les conditions
nécessaires à d’autres processus. Ainsi, le dialogue national peut avoir lieu avant ou
après un processus de paix obtenu par négociation ou médiation. Il peut également
intervenir durant le processus de médiation lui-même, ce qui permet de consulter
en parallèle de larges pans de la société. Même dans le cadre d’un dialogue national
indépendant, le mode opératoire peut osciller sensiblement entre les différentes
méthodes : la médiation externe, par exemple, peut s’avérer indispensable durant la
phase de préparation, en raison du faible lien de confiance. De même, au moment
des grands choix politiques, les principales parties prenantes peuvent reprendre les
négociations à huis clos. Un dialogue national donné est donc susceptible de faire
appel à plusieurs mécanismes, en fonction des contextes spécifiques rencontrés.

26
Le dialogue national et les autres mécanismes de transformation des conflits

« La médiation consiste en
l’accompagnement, par un
Négociation Médiation tiers, de deux ou plusieurs
Le dialogue national parties consentantes, afin de
est un processus prévenir, gérer ou résoudre un
politique réalisé par conflit, en les aidant à trouver
Dialogue national le pays. Il vise à trouver un terrain d’entente4. »
un consensus entre Elle inclut les principales
diverses parties prenantes parties au conflit et veille à ce
nationales en cas de crise que les opinions et les besoins
ou de transition politique de des autres protagonistes
Lors d’une négociation, les grande ampleur, et dans les soient intégrés dans le
États et/ou d’autres acteurs situations d’après-conflit. processus à l’aide de divers
échangent des propositions Il implique une large gamme modes de participation.
directement, sans l’aide de parties prenantes natio- La médiation peut prendre
d’un tiers, afin de trouver nales, notamment les prin- plusieurs formes et intervient
un terrain d’entente dans un cipales parties au conflit. Le aux différents niveaux de la
domaine d’intérêt mutuel ou processus intervient princi- société (niveaux 1 à 3).
de résoudre un litige ou un palement au niveau 1, mais Des tiers sont activement
conflit3. mobilise des participants à mobilisés en tant que
La négociation regroupe les chaque niveau. Il est généra- facilitateurs ou médiateurs.
principales parties au conflit lement organisé et présidé L’impartialité est souvent citée
et peut intervenir à n’importe à l’échelle nationale. Les comme principe directeur clé.
quel niveau de la société. acteurs extérieurs exercent Le degré d’implication varie
Aucun tiers n’intervient dans principalement une fonction en fonction de la méthode
le processus de négociation. d’appui. utilisée.

Figure 1.3 : Négociation, médiation et dialogue national : caractéristiques et différences principales

Les facteurs contextuels


déterminent le choix du processus

Négociation Médiation Dialogue national

Cible les résultats Cible le processus


Importance de la transformation des relations
Augmentation de la participation

Figure 1.4 : Paramètres et priorités de la négociation, de la médiation et du dialogue national

27
Manuel de dialogue national

Le dialogue national rapproche diverses couches de la société. Les différents


mécanismes ciblent et englobent différentes catégories d’acteurs, réparties sur
plusieurs niveaux. Le niveau 1 se rapporte aux élites politiques et militaires mobilisées
d’un pays, notamment les chefs des principaux groupes d’opposition (armée). Le
niveau 1.5 se réfère aux interlocuteurs influents (ou aux dirigeants officiels dont les
territoires et les pouvoirs ne sont pas reconnus) qui participent aux échanges de haut
niveau, mais dont la contribution est moins visible ou remarquée. Ils jouent souvent
un rôle particulier dans les processus de changement : placés en retrait, il leur est plus
facile de mener une réflexion de fond, de préparer le terrain, de trouver des solutions
et de maintenir le dialogue, si ou lorsque les échanges sont interrompus au niveau
officiel supérieur.

Le niveau 2 se rapporte aux acteurs sociétaux de premier plan qui sont en contact
avec les interlocuteurs du premier niveau et peuvent influencer les acteurs locaux des
niveaux inférieurs. Il regroupe les responsables religieux, les intellectuels et les cadres
intermédiaires. Le niveau 3 est constitué des acteurs locaux : chefs locaux, direction
des ONG locales, chargés de développement communautaire, etc.

Les processus de négociation, dialogue et médiation peuvent intervenir sur un ou


plusieurs niveaux. D’un point de vue pratique, l’enjeu est de mettre en relation les
différents niveaux. Cette démarche est essentielle, les grandes décisions prises au
niveau 1 devant s’ancrer dans le terreau sociétal. De même, les processus officiels
doivent tenir compte des exigences formulées par les mouvements sociaux et les
autres acteurs du changement. Le dialogue national a notamment pour avantage
d’inclure les responsables des trois niveaux dans un processus unique, permettant
ainsi aux élites et aux autres catégories sociales d’interagir et de créer des liens.

Le dialogue national est organisé et coordonné par les acteurs nationaux eux-
mêmes. Comme indiqué plus haut, le rôle des acteurs extérieurs est différent selon
qu’il s’agit d’un processus de dialogue national ou de médiation. Par définition,
les négociations n’impliquent aucune participation directe de tiers. La médiation
mobilise généralement des acteurs nationaux et internationaux participant en tant
que tiers. En revanche, le dialogue national est organisé et coordonné uniquement
par des tiers internes (souvent des « médiateurs insiders ») ou d’autres intervenants
nationaux. Une structure complexe est généralement élaborée afin de soutenir la
présidence et l’encadrement du processus (→ 3.2). La méthode du dialogue national est
particulièrement indiquée en cas de grande méfiance vis-à-vis des acteurs extérieurs.
Dans les faits, cependant, ces derniers sont souvent mobilisés à plusieurs titres lors
des différentes phases du dialogue national (→ chapitre 5 sur les acteurs extérieurs).
Il revient néanmoins aux parties prenantes nationales d’élaborer, d’organiser et de
diriger le processus, en vertu du principe d’auto-organisation propre au dialogue
national.

28
Le dialogue national et les autres mécanismes de transformation des conflits

Négociation, médiation et dialogue national :


trois processus pluriniveaux
Négociation Médiation Dialogue
Niveau 1
Responsables
Négociations Médiation Dialogue
de haut niveau
de haut niveau à l’échelon national
Chefs militaires/
politiques/religieux
avec les élites officiel, gou-
bénéficiant d’une politiques et les vernemental et
forte visibilité décideurs décisionnel
Niveau 1.5 Le processus au Par définition, le dialogue national
Responsables niveau 1.5 est intégré englobe les acteurs du niveau 1, mais
de haut niveau dans les négociations et peut accueillir des parties prenantes

Complémentarité et échanges interniveaux


Mêmes acteurs, faible la médiation au niveau 1. de tous les niveaux.
visibilité, informel
Niveau 2 Négociations for- Médiation Dialogue régional
Cadres intermédiaires melles et informelles officielle et non et informel
Responsables reconnus avec les acteurs officielle entre les
dans leur domaine,
non gouvernemen- figures influentes
chefs ethniques/
taux, les figures en lien avec les
religieux, universi-
influentes, les niveaux inférieurs
taires/intellectuels,
universitaires, etc. ou supérieurs
responsables humani-
taires (ONG)
Bien qu’il n’existe aucune ligne de communication parfaite
entre les niveaux, quel que soit le processus, le dialogue
national tend à être plus inclusif.
Il mobilise généralement les cadres intermédiaires et
la société civile, renforçant ainsi la complémentarité
des niveaux.
Niveau 3
Responsables locaux
Chefs locaux, direction Négociations Médiation à Dialogue à
des ONG locales, formelles et l’échelle locale l’échelle locale et
chargés de développe- informelles avec les communautaire
ment communautaire, figures influentes et
responsables de la les chefs locaux
santé locaux, direction
des camps de réfugiés
Inspiré du modèle de niveaux de Lederach, Lederach, 1997.

Figure 1.5 : Négociation, médiation et dialogue national – trois processus pluriniveaux

Le dialogue national est axé sur les processus. La négociation et la médiation


se concentrent généralement sur les résultats et les accords. La négociation, en
particulier, privilégie « les biens et les droits pouvant être divisés, partagés ou
définis de manière tangible » (Saunders, 2001, 85). Certes, l’obtention de résultats
tangibles importe également dans le cadre du dialogue national. Toutefois, celui-ci
se caractérise avant tout par le processus menant à ces résultats. Le dialogue national
est un forum de prise de décisions consensuelles ; l’échange et la création de liens
de confiance y occupent donc une place centrale. Les différentes parties au conflit
doivent évidemment y trouver leur compte. Il n’empêche que le recours au consensus

29
Manuel de dialogue national

peut s’avérer déterminant, car il favorise l’évolution des rapports, la collaboration et


le respect mutuel.

Le dialogue national est un processus inclusif et participatif. Il mobilise une large


gamme d’acteurs de l’ensemble de la société. Si l’inclusion entre également en ligne
de compte dans le cadre de la médiation, le dialogue national présente généralement
une plus grande diversité et inclut davantage de parties prenantes. Les groupes de
dialogue peuvent être réduits ou très larges. Autrement dit, il n’existe aucune taille
standard ou idéale. À titre d’exemple, les tables rondes en Europe de l’Est et en
Europe centrale comptaient entre 12 et 55 participants ; celles organisées au Yémen,
565 participants ; et la Loya Jirga d’urgence en Afghanistan, au moins 1 600.

1.4 Le dialogue national et le processus constitutionnel5


Depuis la fin de la Guerre froide, le processus constitutionnel figure dans le
programme international de consolidation de la paix, afin de reconstruire les sociétés
ayant subi des violences armées6. Par conséquent, les attentes liées aux processus
constitutionnels ont évolué : ceux-ci ne sont plus assimilés à des activités dictées
par les élites politiques, mais à un exercice démocratique hautement participatif7.
Bien que le dialogue national et le processus constitutionnel présentent des points
communs, il est important d’en rappeler aussi les singularités. Les objectifs et les
résultats du processus de dialogue national, notamment, ont une portée plus large
que ceux du processus constitutionnel. Ce serait faire preuve de simplisme que de
penser que le dialogue national s’apparente au processus constitutionnel, et vice et
versa. Cet amalgame est donc à éviter8.

Comprendre le processus constitutionnel


Le processus constitutionnel est essentiel à la démocratisation, l’édification de l’État
et la consolidation de la paix. Les constitutions forment le cadre général dans lequel
s’inscrivent les organes de gouvernance. La réforme ou la création d’une constitution
peuvent aider la société à définir la vision du changement socio-politique qu’elle
souhaite voir advenir. Elles permettent également de regrouper les besoins et les
intérêts des différents groupes sociaux, de définir les principes fondamentaux de la
reconstruction de l’État, et de (re)asseoir la légitimité de ce dernier lors des transitions
politiques et de gouvernance. Le processus
Dans les situations d’après- constitutionnel ne se limite pas à une simple
conflit (et de transition), le « rédaction » de la constitution. Il débute
processus constitutionnel est généralement après la demande de réforme
« l’occasion de bâtir une vision constitutionnelle et se poursuit durant la phase
commune de l’avenir de la nation de rédaction, de mobilisation citoyenne et de
et d’élaborer une feuille de route mise en œuvre9. Il s’agit donc d’un processus
pour y parvenir ». foncièrement ouvert, comme l’illustre la figure
(Samuels, 2006, 664) ci-dessous.

30
Le dialogue national et le processus constitutionnel

Suivi Démarrage
Vigilance citoyenne Demande de réforme
(conformité et prise constitutionnelle
de dispositions ET/OU
pour la mobilisation Décision ou accord
citoyenne) en vue de réformer
Demande de modifi- ou modifier la
cations, le cas constitution
échéant
Adoption et Conception
mise en œuvre du processus
Réforme institutionnelle Choix des acteurs à
correspondante mobiliser, des activités
Réforme politique et juridique et du rôle du public
Prise de disposition Repérage des problé-
pour la mobilisation matiques à traiter
citoyenne
Révision et consensus Rédaction
Révision par les ou réécriture
citoyens, référendum, Recueil des contributions
sensibilisation aux des acteurs non étatiques
enjeux de la proposi- Regroupement des
tion et de la réforme propositions
Modifications supplé- Rédaction par
mentaires, le cas des experts
échéant (juridiques)

Figure 1.6 : Phases du processus constitutionnel

Liens entre le processus constitutionnel et le dialogue national


Depuis la fin de la Guerre froide, le processus constitutionnel est devenu participatif
et mobilise désormais le public. En Afghanistan, en Afrique du Sud, en Albanie,
au Kenya et au Nicaragua, par exemple, le recours généralisé aux consultations
publiques a fini par rapprocher étroitement le processus constitutionnel et le
dialogue national10. Le processus constitutionnel soutenait, évoquait ou reprenait
des éléments du dialogue national, qui lui-même facilitait ou précédait le processus
constitutionnel. Désormais, le dialogue national est utilisé pour réformer de fond en
comble les appareils institutionnels qui alimentent les conflits violents, en devenant
un lieu d’échange en faveur d’un changement constitutionnel, par exemple.

Le dialogue national ne touchant généralement pas au domaine constitutionnel,


il est difficile de le relier effectivement aux organes constitutionnels en place ou
en cours de transition11. Mais il permet de mobiliser des acteurs non représentés
dans ou par les structures formelles, selon des modalités inenvisageables par les
dispositifs constitutionnels existants, et de créer les conditions politiques et sociales
favorables à un processus constitutionnel légitime ainsi qu’un cadre procédural et/ou

31
Manuel de dialogue national

matériel en vue d’une future constitution. De son côté, le processus constitutionnel


permet d’ancrer la vision (ou les accords) du dialogue national dans la constitution
et de renforcer celui-ci. Au moment de démarrer l’un ou l’autre des processus, il est
indispensable de considérer cette réciprocité des avantages

Comme détaillé précédemment, les priorités et la portée du dialogue national sont


sensiblement plus larges que celles du processus constitutionnel. Plus ce dernier
s’apparente au dialogue national, axé sur la gestion nationale, la transparence, la
participation et l’inclusion, plus il améliore ses chances de durabilité. La grande
portée du dialogue national en termes d’acteurs et d’enjeux peut donc favoriser
utilement la négociation des principes constitutionnels entre les parties prenantes.
Elle permet également de clarifier l’engagement des acteurs vis-à-vis du processus
constitutionnel et encourage une culture politique fondée sur une consultation et une
coopération plurielles.

Au sens large, la tenue d’un dialogue national dynamique, portant sur des questions
politiques, économiques et sociales, peut aider à mettre en place les conditions
requises pour un processus constitutionnel durable (Afrique du Sud, Tunisie,
Bénin). Les délibérations sont l’occasion de s’accorder sur les causes profondes des
enjeux sociétaux et les solutions à apporter. Le dialogue national peut contribuer
directement aux aspects procéduraux et matériels de l’élaboration de la future
constitution, par exemple, en déterminant la procédure à appliquer ou en arrêtant
certaines composantes spécifiques de la constitution. Le mode de fonctionnement
du dialogue national lui permet d’introduire des pratiques facilitant la prise de
décision constitutionnelle (Afrique du Sud, Bénin) ou de surmonter les obstacles
survenant lors du processus constitutionnel (Tunisie, Bolivie). La communication
entre les parties prenantes principales au cours du processus constitutionnel est
souvent déterminante, car elle permet de surmonter les obstacles politiques sous-
jacents (Tunisie).

En dépit de multiples chevauchements et complémentarités, il est important


de prendre en compte les divergences entre le dialogue national et le processus
constitutionnel. En règle générale, le processus constitutionnel s’inscrit dans le
cadre d’institutions et de processus étatiques stables, et ses priorités se limitent à
l’élaboration de la constitution. En outre, contrairement à la plupart des dialogues
nationaux, les décisions relatives à la constitution, aux réformes ou aux amendements
proposés, sont contraignantes.

La réforme constitutionnelle au sein et en dehors du dialogue national :


le rôle de la légitimité

Le dialogue national doit asseoir sa légitimité s’il veut promouvoir une


réforme constitutionnelle efficace. S’il exclut certaines parties prenantes de
premier plan ou est perçu comme étant au service des intérêts politiques à

32
Le dialogue national et le processus constitutionnel

court terme de l’État, il est peut probable que les propositions remportent
l’adhésion. Il en va de même pour les programmes de réforme trop ambitieux
et difficiles à mettre en œuvre. Le manque d’adhésion des élites politiques et
l’éloignement des réalités politiques constituent également des freins. Ainsi,
au Yémen, bien que l’accord de fédéralisme négocié entre les factions du
Nord, du Sud et les représentants des Houthis ait été adopté par le dialogue
national global, le processus était déconnecté des réalités politiques et n’a
suscité que peu d’adhésion. La réussite du processus sud-africain achevé
en 1996 résultait, dans une large mesure, des accords conclus entre les
élites. Ajoutons que, si le processus constitutionnel et le dialogue national
ont lieu en même temps sans pour autant être raccordés, ils seront très
vraisemblablement voués à l’échec, comme ce fut le cas en Libye. Un comité
chargé de la rédaction de la Constitution y a été élu voici quelques années.
Les Libyens ont également tenté d’établir un dialogue national à plusieurs
reprises au cours des dernières années. Les chevauchements sont flagrants,
le dialogue national étant censé alimenter la future Constitution. Cependant,
aucun mécanisme n’a été mis en place pour veiller au renforcement mutuel
des processus et éliminer les foyers de discorde entre les parties concernant
l’avenir constitutionnel du pays.

Pour être légitime sur le plan juridique, le processus constitutionnel doit


être instauré légalement et englober les élites influentes et la société civile.
Par conséquent, il tend à se conformer davantage aux notions généralement
admises de représentation juste et équitable, ainsi qu’aux attentes liées
au processus démocratique par rapport au dialogue national. Ce dernier,
en revanche, permet de modifier ou de créer une constitution provisoire
viable (Pologne, Afrique du Sud), souvent utilisée comme outil de transition
durant la phase de légitimation du régime. Bien que la procédure d’adoption
soit inhabituelle de par sa nature non constitutionnelle, les textes ainsi
élaborés ont plus de chances d’être acceptés en raison de leur caractère
transitoire.

Enseignements tirés des processus constitutionnels (utiles au dialogue national)


Les enseignements suivants, tirés des processus constitutionnels, pourront s’avérer
utiles dans le cadre du dialogue national.

1. Le processus constitutionnel est étroitement lié au contexte et


difficilement transférable. Chaque processus doit être calibré en fonction des
besoins du contexte politique et juridique, et tenir compte des particularités des
différentes communautés. Outre les revendications politiques du moment, les
traditions juridiques et politiques de chaque juridiction jouent sur l’efficacité du
processus. Ces facteurs s’appliquent aussi majoritairement au dialogue national.
Ainsi, le processus constitutionnel du Zimbabwe (2008-2012) s’est largement
inspiré du modèle sud-africain, par ailleurs très performant. Il s’est toutefois

33
Manuel de dialogue national

déroulé de manière bien différente, entre autres parce que l’une des parties n’était
pas véritablement engagée en faveur de la réforme et a pu recourir à la force pour
influencer la réponse du public. De même, le modèle de table ronde utilisé en
Pologne a été reproduit avec moins de succès en Europe de l’Est.

2. Calendrier, chronologie et fenêtre stratégique. Réalisé trop tôt, le dialogue


national, comme le processus constitutionnel, a peu de chances d’aboutir. La
pression en faveur de l’adoption d’une nouvelle constitution est souvent très forte,
comme en Irak et au Yémen. Toutefois, aucune réforme ne doit être entreprise tant
que les conditions nécessaires à l’établissement d’une constitution stable ne sont
pas réunies. Il peut être alors préférable de recourir à une constitution provisoire. De
même, la méthode du dialogue national n’est pas toujours indiquée. La plupart du
temps, les parties doivent commencer par démontrer clairement leurs intentions,
afin que le processus soit pris au sérieux et que les participants respectent les
résultats – et les compromis – atteints. En Afrique du Sud, ce renforcement du
lien de confiance a eu lieu en amont du dialogue national. Au Yémen, le comité
de préparation de la Conférence du dialogue national a décrété que celui-ci ne
débuterait qu’après mise en œuvre, par le gouvernement, d’une liste de 20 critères à
laquelle le président a donné son assentiment. Malheureusement, rien ou presque
n’a été entrepris, ce qui a contribué à l’échec politique du processus de transition.

3. Faire preuve de réalisme et éviter le ravaudage politique. Certains projets


de constitution et propositions de dialogue national souffrent d’un trop-plein
d’ambition, à l’image du Brésil et de l’Équateur, dont les constitutions excèdent
les capacités du gouvernement. Le dialogue national peut également susciter
des attentes qui alimenteront le cynisme et les antagonismes si elles ne sont pas
satisfaites.

4. Asseoir la légitimité et mobiliser la société civile. Le rôle positif de la


participation de la société civile dans le processus constitutionnel est largement
reconnu. Le fait de mobiliser véritablement le public légitime le processus et son
aboutissement. Ce type d’approche est de plus en plus utilisé dans le dialogue
national. S’agissant des processus de grande ampleur, les participants sont
généralement conscients de l’importance de rester en lien avec les citoyens et de
multiplier les moyens de participation, ce qui est moins souvent le cas des petits
sommets au cours desquels se jouent les négociations politiques. Qu’il s’agisse du
processus constitutionnel ou du dialogue national, certaines questions doivent
être débattues hors de l’arène publique. Toutefois, une meilleure ouverture et une
inclusion du processus peuvent contribuer à accroître la pérennité des résultats.

5. Prise en compte et promotion constructive des intérêts personnels.


Les parties prenantes au processus constitutionnel ou au dialogue national
cherchent inévitablement à défendre leurs intérêts propres. L’enjeu est d’amener
les participants à s’engager en faveur du bien commun. À ce titre, les modalités
du forum constitutionnel jouent un rôle déterminant. Ainsi, le législateur, s’il est

34
Notes

précisément en charge de la rédaction de la constitution, risque de s’attribuer de


nombreux pouvoirs. Le dialogue national n’est pas exempt de telles dérives, d’où
la pression croissante en faveur de sommets plus inclusifs, lesquels empêcheraient
les élites rivales de parvenir à des accords à sens unique.

1 
Le concept de « troisième vague de démocratisation » est apparu en 1991 sous la plume de
Huntington. Selon lui, plus de 60 pays d’Europe, d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique
ont connu une forme de transition démocratique, à commencer par la Révolution des
œillets en 1974.

2 Dans le sillage de Huntington, le Printemps arabe est parfois qualifié de « quatrième vague
de démocratisation » ; voir Howard et Hussain (2013).

3 Définition basée sur Bercovitch et Jackson (2011, 25-26).

4 Définition reprise des Directives des Nations Unies pour une médiation efficace (2012, 4).

5 
Cette partie s’appuie sur une étude ordonnée aux fins de préparation du présent
rapport (Murray, 2017).

6 
« Au cours d’une année donnée quelconque, [...] envfaitiron 4 ou 5 constitutions seront
remplacées, entre 10 et 15 seront amendées, et une vingtaine de propositions seront
en cours de révision » (Ginsburg, Elkins et Blount, 2009, 202).

7 
« Que ce soit au Nicaragua, dans les années 1980, en Afrique du Sud, dans les années 1990,
au Timor oriental, dans les années 2000 ou en Islande, au début des années 2010, les
auteurs de constitutions ont sollicité la participation de millions de citoyens, afin de
produire des chartes nationales qui soient les plus légitimes possible, de maximiser
l’appropriation nationale et de répondre authentiquement aux besoins et aux aspirations
du peuple » (Gluck et Ballou, 2014).

8 Voir Hart (2001) ou Samuels (2006).

9 La portée du processus constitutionnel peut donner lieu à diverses interprétations. Ainsi,
l’Institut des États-Unis pour la paix (2011) privilégie le terme général « élaboration de
la Constitution », lequel se rapporte à sa création et sa mise en œuvre, et englobe par
conséquent les accords de paix, les nouvelles lois et institutions, ainsi que l’éducation
à la citoyenneté. D’après le manuel publié par Interpeace et intitulé Le processus
constitutionnel : élaboration et réforme (Brandt et al., 2011) la réforme et la mise en
œuvre constitutionnelles dépassent le processus d’élaboration. Les réflexions détaillées
sur les risques, les possibilités et les solutions liés à chaque phase du processus
constitutionnel en font cependant un outil précieux.

10 Voir Gluck et Ballou (2014, 2).

11 Le Rwanda est l’une des rares exceptions. « Le dialogue national fait désormais partie
des points permanents de l’agenda politique du Rwanda. L’article 168 de la Constitution
de 2003 institue un Conseil national de dialogue » (Murray, 2014, 12). Par ailleurs, en
2013, les dialogues nationaux organisés en Égypte, au Bahreïn, au Liban, au Yémen et
en Tunisie visaient précisément une réforme constitutionnelle.

35
Manuel de dialogue national

Chapitre 2
Phase de préparation :
planification et préparation
du dialogue national

Sommaire
39 2.1 Préparation du terrain

40 2.2 Démarrage du processus

44 2.3 Négociation et élaboration du mandat

54 2.4 Préparation du processus et des acteurs

61 2.5 Instauration de la confiance

63 2.6 Principales considérations relatives


à la phase de préparation

37
Manuel de dialogue national

« Il ne faut pas oublier que la phase d’exploration fait bel et bien partie du processus
de dialogue. Chaque élément, qu’il s’agisse des questions posées, des interlocuteurs,
de l’ordre et du lieu des discussions, ou des attentes liées au dialogue, influence le
processus d’une manière ou d’une autre. Le fait d’en tenir compte durant toute la phase
d’exploration augmente les chances de réussite de la mise en œuvre en renforçant,
dès le départ, les liens de confiance et la crédibilité ».
SG/OEA et PNUD (2013)

Le deuxième chapitre porte sur la phase de préparation du dialogue national,


c’est-à-dire la mise en place du cadre du processus. Nous commencerons par
présenter les grandes étapes de la phase de préparation, puis les différents modèles
de conception envisageables. Nous conclurons ce chapitre par quelques réflexions
importantes.

La phase de préparation constitue souvent elle-même un mini-processus de


négociation, au cours duquel sont discutés les paramètres utiles du processus,
ainsi que les relations entre les parties, lesquelles décideront, en dernier lieu, de
la possibilité de mettre fin au
conflit par des moyens pacifiques,
Les cibles principales doivent êtres politiques et d’échange. Les aspects
convenues au cours de la préparation, techniques liés à la préparation
par exemple1 : sont importants et influencent le
futur processus de dialogue. Cette
1. Élimination et prévention des conflits phase reste toutefois dominée par la
violents négociation politique.
2. Rétablissement des relations entre
l’État et la société
Le processus de préparation doit
3. Restauration du système politique et
de l’infrastructure après un conflit être élaboré avant le lancement du
dialogue national proprement dit,
Cependant, la procédure doit être discutée généralement par le biais d’une
en détail au cours du dialogue national institution dédiée. Il en va de même
lui-même. pour les organes de préparation. Il
est indispensable de résoudre ces
deux aspects avant d’élaborer en
détail le processus lui-même, à savoir : définir le format de préparation du dialogue
national le plus approprié ; déterminer les personnes et groupes devant être représentés
et définir leur mandat ; désigner les participants au processus ; choisir l’instance
décisionnelle suprême. Le choix du format de la préparation dépend surtout de la
finalité du dialogue, des ressources disponibles et des intérêts des parties prenantes
principales.

De bonnes qualités de coordination sont nécessaires d’un bout à l’autre de la phase


de préparation. Un consensus pratique doit être obtenu en priorité concernant le but
principal et les principes directeurs du dialogue national.

38
Préparation du terrain

2.1 Préparation du terrain


Le dialogue national est
Le rôle des médiateurs insiders est souvent souvent précédé d’un long
essentiel durant la phase de préparation. travail de réflexion et d’échange
Ils donnent l’impulsion nécessaire au afin que l’idée s’enracine. Il
changement et jouent le rôle d’intermédiaires peut faire l’objet de différentes
entre les différentes parties. Ils assurent appellations, à différents
également le renforcement des capacités moments, parfois échelonnés
en matière de dialogue et de recherche de sur de nombreuses années.
consensus (→ 3.2 Choix d'un délégué principal
fiable et crédible). Des facteurs exogènes, tels que le contexte régional, ou la pression
ou les incitations de la communauté internationale, peuvent favoriser et accélérer
le travail des médiateurs.

Durant cette phase, les membres des comités de préparation doivent acquérir une
bonne compréhension de la situation et des protagonistes, et préparer le terrain en vue
du dialogue. Le détail de ces grandes étapes est présenté dans la figure 2.1 ci-dessous.
Réunion de
Consultations Définition du
préparation
au sein des mandat et an- Élaboration

Niveau de formalisation
Exploration parties et nonce officielle du cadre Comité
au-delà des du dialogue préparatoire de préparation
clivages national
Commission
Recueillir toute information
 Accord
 Définition de
 de préparation
pertinente au regard des international la structure du + structure
enjeux dialogue national d’appui
Décret

Comprendre les positions,
 présidentiel Établissement

les intérêts et les opinions des priorités
des parties prenantes Accord

de paix Critères de

Analyser les entreprises
 composition et
de dialogue antérieures Accord de procédures de
et en tirer des leçons cessez-le-feu sélection des
participants
Repérer les participants
 Référendum
et les mécanismes d’inclu- public Désignation

sion du président

Désigner une personne ou


 Modalités

une institution pour présider décisionnelles
aux préparatifs
Structures d’appui

Étudier les possibilités de

soutien et de financement Logistique, finance-

internationaux ment et sécurité

Renforcement de la confiance et des capacités

Figure 2.1 : Principales étapes de la préparation du dialogue national

39
Manuel de dialogue national

2.2 Démarrage du processus


Le dialogue national peut advenir par le biais de multiples acteurs et lieux
d’expression. La plupart du temps, les revendicateurs ne sont pas les mandants
officiels du dialogue national. Ce fut le cas au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, où
les demandes scandées dans la rue lors des manifestations populaires ont été reprises
par les acteurs nationaux (Tunisie) ou internationaux (Yémen) avant d’être annoncées
officiellement par le gouvernement du pays. Les soulèvements populaires peuvent
donc insuffler l’élan nécessaire au changement et aboutir à la création d’un mandat
officiel. Celui-ci peut être attribué par des groupes d’acteurs divers, comme l’explique
l’encadré suivant :

Mandant Exemples et réactions

La Conférence du dialogue national organisée au Yémen en


2013-2014 a été officiellement mandatée au moyen du mécanisme
de mise en œuvre du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et
signée par le parti au pouvoir et le principal bloc d’opposition.
Le CCG a joué le rôle d’intermédiaire, avec le soutien des Nations
Unies, des cinq membres permanents du Conseil de sécurité et
de l’Union européenne (UE).
Certains ont vu le caractère international de l’accord, puis le
Acteurs :
soutien apporté par la communauté internationale, comme des
initiatives/
gages de réussite ; d’autres craignaient que cela n’affaiblisse la
acteurs souveraineté du Yémen dans cette démarche. L’accord n’a pas été
internationaux signé par la totalité des parties au conflit, ce qui a freiné l’adhésion
et régionaux des non-signataires.
(en collabora-
tion avec La Loya Jirga constitutionnelle afghane (2003-2004) s’inscrivait
des acteurs dans le cadre de l’accord définissant les arrangements provisoires
nationaux) applicables en Afghanistan en attendant le rétablissement
Format : d'institutions étatiques permanentes (Accord de Bonn), adopté
accords lors de la Conférence internationale sur l’Afghanistan organisée en
internationaux Allemagne dans la ville éponyme. Le document a été approuvé par
25 chefs politiques afghans, sous les auspices des Nations Unies.
Certains détracteurs de l’Accord de Bonn lui reprochent d’avoir été
intégralement rédigé et promu par des acteurs extérieurs. Certes,
l’accord reflète le déséquilibre des forces en présence à l’époque,
puissamment influencées par la communauté internationale et
dominées par l’Alliance du Nord, qui avait combattu les talibans.
Ces derniers ont été exclus de l’accord. Bien que la nécessité de
mobiliser les grands acteurs du conflit dans le processus de
transition ait été reconnue, les dissensions avec les talibans se sont
poursuivies jusqu’à leur mise en échec par les forces militaires.

40
Démarrage du processus

Au Soudan, le dialogue national (2014-2016) a été annoncé


le 27 janvier 2014 par le président El-Béchir. Dans son allocution,
celui-ci a invité les partis politiques du pays à participer à une
rencontre d’échange et de préparation en vue d’un « rebond
national ». La rencontre s’est tenue dans un lieu choisi par
le président. Ce dernier a ensuite demandé au Conseil des
ministres de mettre ce projet stratégique en pratique.
Cette proposition à l’initiative du seul chef de l’État a été
accueillie avec la plus grande méfiance. Le processus lui-même,
qui n’a remporté presque aucune adhésion ou légitimité dans les
rangs de l’opposition, au sein et en dehors du pays, s’annonçait
sous les mêmes auspices.

Le dialogue national organisé au Bahreïn en 2011 a été


officiellement mandaté par le roi Hamad ben Issa Al-Khalifa.
Des manifestations populaires ont contraint le souverain a
confier la démarche de dialogue national au prince héritier. Suite
à une nouvelle flambée de violence, finalement endiguée par les
Acteurs : forces de sécurité du CCG, le roi a appelé les différentes parties à
chefs d’État organiser le dialogue national.
(président,
L’initiative lancée par le roi a suscité des réticences au sein de
gouvernement
l’opposition. Celle-ci a néanmoins fini par accepter le format
[de transition])
proposé, faute d’autres moyens de négociation (pourparlers,
Format : décret etc.).
présidentiel

Les conférences nationales en Afrique francophone (1990-1993)


ont été mandatées, la plupart du temps, par l’ancien régime
(Bénin) ou le président en poste (République du Congo,
République démocratique du Congo, Togo, Gabon et Niger).
Au Mali et au Tchad, ce sont les gouvernements de transition
qui, après s’être emparés du pouvoir par coup d’État, ont mis en
place les conférences. En décembre 1989, Sao Tomé-et-Principe a
organisé une conférence nationale sur la libéralisation politique,
la première de cet État à parti unique.
Toutes les conférences nationales témoignent de l’équilibre
instable des forces en présence aux diverses époques. La plupart
relevaient des tentatives menées par les régimes déchus pour
conserver le pouvoir et reconquérir leur légitimité. Cependant,
les résultats ont varié sensiblement d’un pays à l’autre, qu’il
s’agisse de l’instauration d’un gouvernement de transition ou de
la reprise du contrôle par le président au pouvoir.

41
Manuel de dialogue national

Une Conférence du dialogue national a été organisée au Mali


en 1991 à l’initiative du Comité de transition pour le salut du
peuple (CTSP), lequel regroupait des partis politiques (illégaux
sous l’ancien régime militaro-civil), des acteurs de la société
Acteurs : civile et des membres des forces militaires ayant fait défection.
partis Ceux-ci ont formé une coalition après avoir chassé le régime en
politiques/ place et substitué une démocratie multipartite au système à parti
groupes unique. Leur premier acte politique a été la création de l’Acte
d’opposition fondamental n° 1, lequel demande, entre autres, la tenue d’une
Format : lois, conférence nationale, afin de permettre la réorganisation de
conférences l’État.
conjointes ou
référendums La demande lancée par le CTSP – soucieux de faire reconnaître sa
légitimité – illustre l’esprit et l’équilibre des forces qui prévalaient
à l’époque. L’ancien régime fut cependant totalement exclu, ce
qui, par la suite, a fait dire à certains qu’il s’agissait en réalité
d’une conférence des vainqueurs.

Le processus de paix du Guatemala (1986-1996) a été précédé de


pourparlers et d’accords de paix régionaux (Esquipulas I et II),
qui ont permis d’esquisser le cadre du dialogue national.
Celui-ci a vu le jour grâce à l’Unité révolutionnaire nationale
guatémaltèque (URNG) et a été organisé par la Commission
nationale de réconciliation (CNR), créée suite au deuxième Accord
Acteurs : d’Esquipulas, et qui rassemblait un corps exécutif, des partis
groupes politiques et des citoyens influents. L’URNG a veillé à inscrire le
armés non dialogue national dans une dynamique participative et consulté
étatiques tous les secteurs de la société. La première rencontre officielle
Format : s’est déroulée à Oslo, en Norvège. Le processus a débouché sur
accords de l’Accord de base pour la recherche de la paix par des moyens
paix et de politiques, mieux connu sous l’appellation « Accord d’Oslo ».
cessez-le-feu
Le fait que le dialogue national ait été amorcé par l’opposition
et organisé par la CNR, avec le soutien de l’exécutif, de partis
politiques et de citoyens influents, lui a conféré une certaine
aura et légitimité politiques. Il est devenu le centre de gravité
des négociations politiques, tout en maintenant son approche
participative.

42
Démarrage du processus

Le dialogue national tunisien a eu lieu en 2013 après plusieurs


tentatives malheureuses menées par différents acteurs, tels
que l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), des partis
politiques, le Premier ministre Hamadi Jebali et le président
Moncef Marzouki. Le processus a finalement vu le jour après
la création du « Quartette », qui regroupe l’UGTT, la Ligue
tunisienne des droits de l’homme, l’Ordre national des avocats
de Tunisie et l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce
et de l’artisanat. Suite aux manifestations populaires, à deux
assassinats politiques, et au coup d’État militaire en Égypte, les
grands partis politiques ont accepté de participer au dialogue
national dirigé par le Quartette, en vue d’éliminer les impasses
politiques de l’Assemblée constituante.

Acteur : Les multiples tentatives de l’Afrique du Sud pour mettre fin à


société civile l’apartheid (CODESA I, CODESA II, Processus de négociations
Format : multipartites) découlaient, dans une large mesure, de diverses
référendums, initiatives de la société civile. Fondé en 1983, le Mouvement
conférences démocratique de masse a organisé, au cours de la décennie
conjointes suivante, un soulèvement urbain, des opérations de boycott
des produits commerciaux et des mouvements de grève.
En parallèle, plusieurs intermédiaires de la société civile
œuvraient discrètement au rapprochement entre le Parti
national et le Congrès national africain. Ils ont appuyé la mise
en place de mécanismes d’instauration de la confiance entre
les protagonistes du conflit, incité à la création de relations
personnelles et, après la réhabilitation des partis politiques par
le président de Klerk en février 1990, coordonné les réflexions
préliminaires sur les futurs échanges.

Les pressions internes en faveur du changement politique ont


été exacerbées par la conjoncture économique catastrophique
et les sanctions économiques imposées par les autres pays.
L’appropriation par les communautés locales est restée forte
tout au long du processus.

43
Manuel de dialogue national

2.3 Négociation et élaboration du mandat


Le mandat est la pièce maîtresse du dialogue
« L’origine du mandat influe national, quel qu’il soit, et ce, à plusieurs titres :
aussi bien sur la légitimité que en plus de fournir le cadre du dialogue national,
sur la pérennité du dialogue il permet de placer le processus dans le contexte
national. » politique global, d’en fixer les principaux
Harlander (2016, 14) paramètres, et de déterminer quelles seront son
influence et ses relations avec les institutions au
pouvoir et les autres processus déjà en place. Il sied de distinguer le mandat établi
sous forme de document officiel (cahier des charges détaillé, décret présidentiel, etc.)
et le mandat dit « politique ». Ce dernier se rapporte au processus informel engagé
en vue de convaincre les acteurs politiques du bien-fondé du dialogue national,
celui-ci étant souvent réclamé par le peuple. La formalisation du mandat politique
est possible, quoique facultative, tous les processus ne faisant pas systématiquement
l’objet d’un cahier des charges officiel. En revanche, ils doivent tous, à un moment ou
à un autre, énoncer clairement les responsabilités du dialogue national.

La conception ne peut débuter qu’après obtention d’un consensus minimum


sur les grands objectifs du dialogue national (voir prévention et gestion des crises
et changement fondamental → 1.1). Le mandat doit énoncer clairement le but du
dialogue national, parfois très différent d’un processus à l’autre : convenir des futures
négociations ; modifier la constitution ; mettre en place un organe de transition ;
ou remanier entièrement le cadre
constitutionnel. L’étape suivante
Le mandat doit inclure :
consiste généralement en l’adoption
1. Finalité et objectif principaux d’un programme provisoire spécifiant
2. Programme provisoire les problématiques à discuter (→ 3.1).
3. Principes directeurs On peut aussi élaborer des directives
utiles au bon déroulement de la
Et si possible : conférence (→ 3.5), et décrire la
structure institutionnelle envisagée.
4. Structure institutionnelle Enfin, le mandat doit préciser
5. Mécanismes de suivi et garanties certaines conditions d’ordre général,
de mise en œuvre telles que les modalités des procédures
6. Modalités, durée et finances de sélection (→ 3.4), la durée et, dans
certains cas, les finances.

Lors de l’élaboration du mandat, il est important de bien respecter les principes


suivants :


Le mandat doit tenir compte des principales préoccupations des parties
prenantes et ne pas être imposé par un parti ou un acteur extérieur. En revanche,
il peut être étayé par des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies,
comme ce fut le cas au Yémen.

44
Négociation et élaboration du mandat

Le mandat doit être rédigé d’une manière qui soit acceptable pour les différents
acteurs et qui reflète authentiquement leurs inquiétudes.

Le mandat doit stipuler clairement le but et les paramètres du dialogue national,
qui doit rester conforme aux règles en dépit de sa nature non constitutionnelle.

Clarification des buts, des objectifs et de la portée du dialogue


Au Yémen, la Conférence du dialogue national visait principalement la création
d’un nouveau contrat social. Le champ du mandat était vaste et reflétait de multiples
attentes et objectifs irréconciliables formulés par les différents groupes. Le processus
était raccordé au système/aux institutions politiques en place : les résultats de
la Conférence et la nouvelle Constitution, s’ils étaient approuvés par la voie d’un
référendum national, avaient un effet contraignant à l’endroit du gouvernement. Le
président Hadi dirigeait la présidence de la conférence. Il était chargé de statuer sur
les points sur lesquels les groupes de travail n’étaient pas parvenus à s’entendre.

En 2011, le mécanisme de mise en œuvre du CCG a demandé la tenue d’une Conférence


du dialogue national au Yémen :

« Au début de la deuxième phase de transition, le président nouvellement élu et le


gouvernement d'union nationale organiseront une Conférence du dialogue national
globale à laquelle participeront l’ensemble des forces et des acteurs politiques,
notamment les jeunes, le Mouvement du Sud, les Houthis, les autres partis politiques,
les représentants de la société civile et les femmes. Ces dernières doivent être
représentées dans tous les groupes participants.

La Conférence débattra des questions suivantes :

(a) La procédure de rédaction de la constitution, notamment la mise en place et la


composition d’une commission de rédaction de la constitution ;

(b) La réforme constitutionnelle, à savoir le choix de la structure de l’État et du


système politique, et la consultation du peuple yéménite au sujet des amendements
constitutionnels, par voie de référendum ;

(c) Les participants au dialogue aborderont la question du Sud, de manière à trouver


une issue nationale équitable qui soit un gage d’unité, de stabilité et de sécurité pour
le Yémen ;

(d) L’examen des divers enjeux nationaux, notamment les causes des tensions dans
la province de Saada ;

(e) La prise de mesures en faveur d’un système démocratique inclusif, notamment la


réforme de la fonction publique, de l’appareil judiciaire et de la gouvernance locale ;

45
Manuel de dialogue national

(f) La prise de mesures en faveur de la réconciliation nationale et de la justice


transitionnelle, et de mesures garantissant l’absence de violations des droits
fondamentaux et du droit humanitaire à l’avenir ;

(g) La prise de mesures, y compris juridiques, visant à renforcer la protection et les


droits des groupes vulnérables, notamment les enfants, et à favoriser les droits des
femmes ;

(h) La contribution à la définition des priorités des programmes de reconstruction et


de développement économique durable, dans une optique de création d’emplois et
d’amélioration des services économiques, sociaux et culturels pour tous. »

Accord sur le mécanisme de mise en œuvre de la transition au Yémen, réalisée dans le cadre de l’initiative du Conseil
de coopération du Golfe. Traduction non officielle de l’arabe par le Yemen Peace Project (2011).

Le but et la portée du processus de dialogue national et de réconciliation du Kenya


étaient plus restreints. Celui-ci traitait spécifiquement des violences électorales et des
profonds clivages entre les grands partis. La participation était clairement circonscrite
et strictement limitée aux représentants des grands partis politiques. D’autres
modalités sont précisées dans le document, notamment la stratégie médiatique, le
choix de la présidence, et les structures d’appui. Au départ nettement axée sur la
gestion des crises, l’approche s’est ensuite progressivement diversifiée.

Modalités du processus de dialogue national et de réconciliation au Kenya

« Objectif : Veiller à ce que le processus de dialogue national et de réconciliation au Kenya


soit mené activement et sans interruption jusqu’à la résolution de la crise politique,
née de la contestation des résultats de l’élection présidentielle et des violences qui
s’en sont suivies, conformément à l’accord conclu entre Son Excellence Mwai Kibaki et
l’Honorable Raila Odinga, qui fut annoncé publiquement le 24 janvier 2008 et réitéré
le 29 janvier de la même année à l’hôtel de ville de Nairobi. Le but ultime du processus
est de faire du Kenya un État de droit respectueux des droits fondamentaux et d’y
instaurer une paix, une stabilité et une justice durables.

Modalités :
i. Le processus de dialogue national et de réconciliation s’appuie sur le programme
proposé et convenu par le Groupe d'éminentes personnalités africaines (ci-après « le
Groupe »). Ce programme sera enrichi par les parties afin de résoudre les questions
ayant abouti à la crise actuelle, dans un esprit d’équité et de fraternité.

ii. Les parties au processus de dialogue national et de réconciliation sont : le


gouvernement du Kenya/Parti de l’unité nationale (gouvernement/PUN) et le

46
Négociation et élaboration du mandat

Mouvement démocratique orange (MDO). Chaque partie au processus dépêchera


quatre (4) délégués, dont une femme, chargés de négocier et de décider en leur nom.
Les décisions finales seront prises par les chefs des partis.

iii. En outre, chaque partie désignera un chargé de liaison, qui participera à toutes
les séances du processus de dialogue national et de réconciliation, mais ne pourra
ni voter ni prendre la parole. Les chargés de liaison resteront en contact permanent
avec le Secrétariat du Groupe. Ils pourront se faire représenter par un suppléant,
le cas échéant.

iv. Les délibérations des parties au processus de dialogue national et de réconciliation


s’appuieront sur le mandat et les règles procédurales proposés à cette fin par le
Groupe et acceptés par les parties.

v. Le quorum sera systématiquement conforme aux règles procédurales.

vi. Le Groupe désignera, en consultation avec les parties, un président et


co-président responsables de l’organisation et de la présidence des réunions du
processus de dialogue national et de réconciliation.

vii. Le cas échéant, le Groupe se référera, en consultation avec les parties, à l’avis
d’experts extérieurs indépendants, conformément aux dispositions du mandat.

viii. Si et lorsque cela s’avère nécessaire, le Groupe pourra organiser, dans le cadre du
processus, un atelier participatif en interne, au cours duquel les parties, avec l’aide
d’experts indépendants, élaboreront et définiront les questions à traiter. Les résultats
de ces ateliers seront ensuite intégrés dans les négociations officielles.

ix. Le Groupe peut mettre sur pied des comités et des équipes spéciales chargés de
traiter certaines questions spécifiques et d’émettre des recommandations, le cas
échéant.

x. Le processus de dialogue national et de réconciliation sera organisé de manière


rapide et efficace. Les délibérations respecteront le calendrier de programme convenu
avec le Groupe.

xi. Tous les accords conclus par les parties au cours du processus de dialogue national
et de réconciliation seront rendus publics.

xii. Les parties acceptent d’être liées par le résultat du processus de dialogue national
et de réconciliation et s’engagent à le mettre en œuvre.

xiii. Le Groupe et les parties ne dévoileront aux médias aucune information à caractère
sensible relative aux questions débattues lors des réunions du processus de dialogue
national et de réconciliation. Seul le Secrétariat du Groupe est habilité à diffuser les

47
Manuel de dialogue national

communiqués officiels relatifs au processus, par l’intermédiaire du Bureau du / de la


porte-parole du Groupe.

xiv. Les parties s’efforceront de ne faire aucune déclaration publique risquant de


compromettre la réussite du processus de dialogue national et de réconciliation.

FAIT CE JOUR, le 5 février 2008, À NAIROBI (KENYA). »

Bureau du Groupe d’éminentes personnalités africaines de l’Union africaine (2014, 251-252)

La Loya Jirga constitutionnelle de l’Afghanistan s’inscrivait dans un processus


transitionnel et constitutionnel plus large, visant à susciter un vaste consensus autour
du projet de constitution du président Karzai. Plutôt qu’un changement général, elle
visait à faire progresser sensiblement le processus de transition du pays.

« Le rôle de la Loya Jirga constitutionnelle (LJC) est d’adopter la Constitution et d’en


faire un instrument légitime. La LJC se réunira en octobre 2003, afin de réviser et
d’adopter le texte constitutionnel. Des discussions sont en cours pour déterminer les
mécanismes et procédures spécifiques d’élection et de sélection des représentants
de la LJC, ainsi que les dispositifs nécessaires au bon déroulement de l’événement.
Comme le veut la tradition, la LJC se tiendra sous forme de grande assemblée où
seront représentés tous les milieux de la société afghane. Elle délibérera sur le texte
constitutionnel et adoptera la nouvelle Constitution. Les délégués participeront à une
semaine d’orientation pour se familiariser avec le contenu du projet de constitution
et des règles procédurales de la LJC, afin de garantir une participation active aux
délibérations. La LJC sera une occasion supplémentaire de faire émerger un consensus
autour des grands enjeux nationaux et des controverses susceptibles d’éclater durant
les consultations publiques, une fois diffusé le projet de constitution. Le Secrétariat
accompagnera la LJC sur le plan administratif. »

Secrétariat de la Commission constitutionnelle afghane (2003, 8-9)

Processus de négociation du mandat


En règle général, le mandat est élaboré entre les parties prenantes principales,
souvent par le biais d’un médiateur insider (p. ex., le Quartette en Tunisie) ou
extérieur (p. ex., les Nations Unies au Yémen). Une fois le consensus minimum
obtenu, ce qui peut prendre des mois, voire des années, celui-ci fait l’objet d’une
transcription officielle. Le mandat peut faire partie d’un accord négocié de cessez-le-
feu (Myanmar), d’un accord national (Colombie, Mali) ou d’un accord établi sous les
auspices de la communauté internationale (Yémen, Irak, Afghanistan, Libye). Il peut
être – et, généralement, est – renégocié par les parties si les circonstances évoluent
ou si un autre groupe obtient le pouvoir par les urnes. Cela s’est produit au Myanmar

48
Négociation et élaboration du mandat

où les principaux groupes ethniques armés ne sont pas parvenus à conclure d’accord
national de cessez-le-feu, faisant s’éloigner la perspective d’un accord politique. Un
nouveau gouvernement a ensuite été élu à la tête du pays et le mandat initial est resté
ouvert aux négociations.

Tiers

Partie A Partie B Mandat

Crise

Partie A Partie B

Transition politique Négociations et obtention d’un consensus


Processus de paix suffisant entre les parties prenantes
Situation de crise principales

Figure 2.2 : Processus de négociation du mandat

En réalité, le processus d’élaboration du mandat est souvent obscur et exclusif,


comme en témoigne l’exemple du Myanmar. Cependant, le mandat ayant la capacité
d’encadrer le dialogue national, il faut veiller très attentivement aux dynamiques
relationnelles du pouvoir et aux possibles déséquilibres. Les grands acteurs risquent
de rejeter en bloc le mandat et de remettre en cause la légitimité du dialogue
national s’ils sont tenus à l’écart, comme cela s’est produit au Yémen. En outre, les
élites – nouvelles et de longue date – doivent parvenir à s’entendre sur le mandat, en
vue de susciter la plus grande adhésion possible. L’Afrique du Sud a été capable de
générer un soutien de cette ampleur.

En Afrique du Sud, les partis politiques ont décidé d’organiser une conférence
constitutionnelle multipartite à laquelle tous les partis participeraient de manière
équitable, quel que soit le nombre de partisans qu’ils comptent parmi eux, afin d’ériger
ensemble les grands principes constitutionnels et la structure du gouvernement
de transition. Le peuple élirait ensuite les partis membres du gouvernement
de transition, fondé sur le partage des pouvoirs, ainsi que les représentants
de l’assemblée chargée de rédiger le texte final de la constitution. Après un
très bon départ, le premier processus, baptisé Convention pour une Afrique du
Sud démocratique (CODESA), s’est enlisé. Une Conférence de planification des
négociations a été organisée après une nouvelle série de négociations. Les partis
politiques ont pu ajuster le processus, résoudre certaines objections formulées à
l’encontre de la CODESA et créer le Processus de négociations multipartites (PNMP).

49
Manuel de dialogue national

Au Yémen, l’initiative du CCG a été cosignée par les principaux partis politiques
du Nord. En revanche, deux grands mouvements politiques, les Houthis au nord
et le Mouvement du Sud (Al-Hirak), ont été exclus de l’accord. Pourtant, ils étaient
considérés comme des acteurs de premier plan, et les questions relatives à la
province de Saada et au Sud figuraient parmi les grandes priorités de la Conférence
du dialogue national. On constate a posteriori que l’intégration du mouvement
sécessionniste du Sud a été faible durant la Conférence. Quant aux Houthis, ils n’ont
jamais véritablement cautionné l’initiative du CCG, en dépit de leur engagement en
faveur du dialogue et des résultats qui en émaneraient.

Un mandat unilatéral ne peut que nuire à l’appropriation du processus et à la


perception de sa légitimité. Le cas du Bahreïn en est un bon exemple. Les organisateurs
du dialogue national souhaitaient, en toute bonne foi, ouvrir les échanges au plus
grand nombre. Cependant, les membres de la principale opposition chiite n’étaient
pas en mesure de participer utilement au dialogue. Au Soudan, le président avait
demandé publiquement à tous les partis de se joindre au dialogue national. Or, après
qu’on lui eut demandé d’assister à une première réunion de préparation à l’extérieur
du pays en vue de négocier les conditions du processus avec l’opposition armée, il a
décliné au dernier moment. Le processus lancé unilatéralement quelques temps plus
tard par le gouvernement n’a reçu presque aucun soutien de l’opposition et a souffert
dès le début d’un défaut de légitimité.

Les partis plus modestes qui manquent d’influence politique ou de partisans sont
souvent marginalisés et contraints d’accepter le mandat sous peine d’exclusion2. Il
arrive pourtant que de petites formations politiques décident de s’allier pour obtenir
une place à la table des négociations et influencer le processus, comme ce fut le cas au
Myanmar. S’ils sont trop nombreux, les groupes marginalisés peuvent tenter de mettre
à mal la légitimité du dialogue ou s’y opposer activement, risquant de faire échouer
le processus ou sa mise en œuvre. Le mandat du dialogue national doit donc être
le fruit d’un consensus entre les principales parties prenantes susceptibles
d’entraver le processus. Il faut également s’assurer que tous les participants,
même les plus marginaux, adhèrent au mandat.

50
Négociation et élaboration du mandat

Cadre de réalisation du mandat de l’Irak, 2004


Contexte : un cadre de transition a été mis en place en Irak après l’invasion du pays par les
forces américaines et le renversement du régime de Saddam Hussein. La Conférence nationale
irakienne s’inscrivait dans ce cadre.

Dirigée AUTORITÉ nomme CONSEIL DE


Gouvernement
par les PROVISOIRE GOUVERNEMENT
É.-U. provisoire
DE LA COALITION IRAKIEN

supervise le
LOI Constitution gouvernement
ADMINISTRATIVE provisoire provisoire
mandate
TRANSITOIRE

mandate

HAUTE organise établit


CONFÉRENCE CONSEIL
COMMISSION
NATIONALE NATIONAL
DE PRÉPARATION

La Conférence nationale irakienne


a été officiellement mandatée par « [L]a Conférence nationale n’a pas
la Constitution provisoire, la « loi joué de rôle déterminant dans la
administrative transitoire ». Celle-ci transition politique de l’Irak : elle n’a
ordonnait la création de deux organes : pas donné lieu à un véritable échange
un Conseil national, créé lors d’une et n’est pas parvenue à diversifier la
conférence nationale devant se tenir participation politique au sein du
en juillet 2004 et chargé de superviser Conseil national, celui-ci se composant
le gouvernement de transition, et une presque exclusivement des partis
Haute Commission de préparation à politiques membres du gouvernement
laquelle serait confiée l’organisation provisoire. »
de la Conférence. Les États-Unis ont Papagianni (2006, 317)
joué un rôle directeur majeur d’un
bout à l’autre du processus : ils ont désigné les membres du Conseil de gouvernement
irakien, lequel a ensuite façonné et dominé la totalité du processus, par l’intermédiaire
de la loi administrative transitoire et de la Haute Commission de préparation, et fixé la
procédure de sélection des participants à la Conférence nationale.

51
Manuel de dialogue national

Le fait que les États-Unis aient fortement influencé et géré de près l’intégralité du
cadre de transition s’est répercuté sur l’élaboration du mandat, ce qui, par la suite,
a directement compromis l’appropriation locale et la création d’un accord politique
significatif.


Le processus de rédaction et d’adoption de la Constitution provisoire a
été vivement critiqué. Les groupes non consultés ou non satisfaits de
certaines dispositions l’ont rejetée. Beaucoup ont refusé de reconnaître un
texte constitutionnel provisoire préparé sous l’influence d’un « pouvoir
d’occupation3 ». Par conséquent, le processus d’élaboration du mandat et le
texte final n’ont pas fait l’objet d’un vaste consensus politique.

Les dissensions se sont également reflétées dans le mandat lui-même. Les


nationalistes sunnites et les radicaux chiites ont refusé de participer, jugeant le
mandat trop faible, car non habilité à amender la loi administrative transitoire.
De leur côté, les partis politiques membres du gouvernement de transition n’ont
pas cherché à favoriser l’inclusion, craignant de mettre en péril la loi et les
dispositions transitoires en place4.

Par ailleurs, le mandat manquait de clarté et ne prévoyait aucune procédure


convenable de sélection des participants. Les partis politiques au sein de la
Haute Commission de préparation et du gouvernement de transition étaient
donc les mêmes, faisant alors apparaître le processus et la Conférence comme
exclusifs et élitistes.

Enfin, le caractère exclusif de la préparation a empêché la création du Conseil


national chargé de superviser le gouvernement de transition, ce qui était la
principale ambition de la Conférence. En effet, les partis ayant finalement
élu les membres du Conseil national étaient les mêmes que ceux devant être
encadrés par ledit Conseil/la Conférence nationale.

Principaux enjeux liés à l’élaboration du mandat

Clarté et portée : Le mandat doit bien préciser l’objectif du processus, et son



contenu doit être soigneusement défini : un mandat surchargé ne pourra venir
à bout de tous les objectifs et risque de provoquer rapidement des frustrations.
Le mandat de la Tunisie se limitait aux questions essentielles pour mettre fin à
l’impasse politique qui affaiblissait le processus de transition, un facteur majeur
de la réussite du processus. Certes, d’autres aspects sont importants dans le
cadre de la transition. Toutefois, il peut être nécessaire de créer un processus
distinct spécifique à cette fin. Contrairement à la Tunisie, le Yémen avait établi
un mandat extrêmement ambitieux. Celui-ci a débouché sur de nombreux
résultats positifs, mais il est possible que le pays ait été submergé par l’ampleur
de la tâche.

52
Négociation et élaboration du mandat

Consensus des parties prenantes principales : Le mandat doit être convenu



par les parties prenantes principales au début du processus, ce qui peut prendre
du temps. Même s’il est tentant d’accélérer cette étape, une telle décision risque,
à terme, d’avoir un effet contre-productif et d’anéantir tout le processus. Bien que
l’adhésion puisse être obtenue aux étapes ultérieures, il est toujours beaucoup
plus difficile de maintenir un esprit constructif si aucun point de départ n’a été
convenu. Cette situation s’est produite en Irak, ce qui a entraîné le boycott du
processus par les nationalistes sunnites et les radicaux chiites (voir ci-dessus).
Même déconvenue en Libye où l’objectif et le déroulement du « dialogue
politique » n’avaient fait l’objet d’aucun accord. Les Nations Unies, qui avaient
activement promu la création d’un gouvernement d’union nationale, ont essayé
tant bien que mal de maintenir la cohésion tout au long du processus. En
définitive, c’est un accord anémique et dépourvu de tout consensus national
qui a été signé. Un processus concurrent avait même été lancé par des Libyens
à Tunis. On constate donc à quel point il est essentiel que les acteurs adhèrent
pleinement au cadre procédural durant la phase de préparation, afin que
le mandat repose sur un consensus.

Appropriation maximale : Le consensus ne doit pas inclure uniquement les



parties prenantes principales. Le processus d’élaboration du mandat doit être
inclusif, c’est-à-dire représenter les acteurs principaux en dehors des partis au
pouvoir. En outre, il ne doit pas se limiter aux hautes sphères politiques, faute de
quoi le processus sera taxé d’élitisme, comme en Irak. Cela nécessite de résorber
les fractures verticales, par l’inclusion des acteurs apolitiques, et horizontales,
par le rapprochement du centre et des périphéries. Les processus de prévention
et de gestion des crises ne sont pas soumis aux mêmes exigences de préparation
que les processus de changement fondamental, mais sont également perçus
comme élitistes si aucun moyen n’est trouvé pour élargir l’appropriation.
Il semble que le Liban a été confronté à ce problème : la faible participation
reflétait les besoins du processus, mais n’a pas réussi à trouver d’autres moyens
d’inclusion pour éviter la perception d’élitisme. Le processus d’élaboration du
mandat doit impérativement garantir une participation suffisante et une
appropriation maximale. Ceci vaut également pour le mandat lui-même.

Synergies avec les processus politiques menés en parallèle : Les dialogues



nationaux ont lieu généralement dans le cadre de processus de transition plus
larges (Irak, Afghanistan, Yémen) ou en même temps que d’autres grandes
opérations politiques, telles que les négociations de paix (Soudan, Colombie,
Guatemala). La prise en compte d’un possible renforcement ou affaiblissement
des interdépendances peut permettre d’élaborer le mandat de manière
satisfaisante, comme ce fut le cas en Colombie au début des années 1990.
Quoique totalement séparées, l’initiative de la société civile et les négociations
de paix s’influençaient mutuellement : la première incitait à participer aux
négociations ; la seconde appuyait les revendications de la société civile et du
public en général. Chacun des groupes ayant participé aux négociations avec

53
Manuel de dialogue national

le gouvernement a finalement obtenu un siège à l’Assemblée constituante. Au


Soudan, les groupes d’opposition modérés se sont enquis, fort à propos, des
possibilités de fusionner les négociations de paix menés par le Groupe de mise
en œuvre de haut niveau de l'Union africaine pour le Soudan et le dialogue
national. L’élaboration du mandat doit s’inscrire dans le cadre politique
global qui est le sien. Des synergies doivent être créées avec les autres
processus pour éviter une fragmentation.

2.4 Préparation du processus et des acteurs


Le dispositif de préparation du dialogue national est généralement assez complet
et inclut au moins un organe institutionnel de premier plan, auquel incombe la
préparation du processus. Il peut s’agir d’un comité de préparation ou d’un comité
directeur (Bénin, Liban), d’une commission de préparation (République centrafricaine,
Irak) ou d’un comité technique (Yémen). Le Yémen a même procédé en deux étapes, en
créant un comité de contact, puis un comité technique, composé des mêmes membres
que le comité de contact et de quelques personnes supplémentaires (→ Phase de
préparation du Yémen, p. 59). Les organes de préparation regroupent généralement les
principales parties prenantes politiques, des figures de l’opposition, des experts, ainsi
que des personnalités respectées. Leur taille et leur degré d’inclusion sont variables :
certains sont relativement modestes, avec un maximum de dix membres (Bénin,
Liban) ; d’autres comptent près de 100 membres (96 au Soudan, 79 au Tchad ou
68 au Niger). La composition dépend également du contexte. Dans certains cas, le
gouvernement et l’opposition ont participé aux préparatifs (Togo). Ailleurs, ils ont
été confiés au gouvernement de transition (Mali) ou à un comité composé de huit
ministres du gouvernement (Bénin).

Commission
Réunion de Comité et de préparation
Réunion informelle préparation Commission dotée d’une
officielle de préparation structure d’appui
(p. ex., Secrétariat)

Informel Formel

L’organe de préparation doit fixer les paramètres principaux et le cadre institutionnel


du dialogue national. Il est chargé de la définition ou du choix des aspects suivants :

Objectif et priorités
Structure du dialogue national

54
Préparation du processus et des acteurs

Critères de composition et procédures de sélection des participants


Nomination du président
Modalités décisionnelles
Structures d’appui
Logistique, financement et sécurité

Les organes de préparation ne disposent bien souvent que d’une marge de manœuvre
restreinte pour préparer le dialogue national et arrêter les critères de participation,
les modalités décisionnelles, les structures d’appui et les priorités. La composition
et la présidence de l’organe de préparation diffèrent souvent de celles du dialogue
national lui-même. À titre d’exemple, les comités de préparation du Bénin et du Liban
ont déterminé des éléments importants du processus de dialogue national.

Bénin. En vue de la Conférence nationale, en 1990, le Bénin a mis en place, par


décret présidentiel, un Comité national de la Conférence, composé de huit ministres
considérés comme ouverts au changement5. Le Comité devait recenser les groupes
autorisés à participer à la Conférence et spécifier le nombre de leurs représentants.
Ces derniers ont ensuite été directement nommés par leurs pairs. En outre, le Comité
devait établir le programme de la Conférence, ainsi que les principes de base de la
Constitution devant être pris en compte par la Conférence au moment de la finalisation
du projet de constitution6. Trois groupes de travail, composés de membres du
personnel ministériel ou de représentants des organisations professionnelles, ont
assisté le Comité dans les domaines suivants : l’éducation et la culture ; l’économie et
le programme de redressement structurel ; la justice et les droits fondamentaux. Au
cours de la phase de préparation, qui a duré six semaines, le Comité a invité tous les
Béninois, sur le territoire ou à l’étranger, à faire part de leur analyse de la situation (de
crise) du pays, et de leurs propositions de projet sociétal.

Liban. Les séances de dialogue national, organisées sous les auspices du président
Sleiman de 2008 à 2014, ont été préparées avec l’appui d’un Comité directeur.
Celui-ci était composé de conseillers choisis parmi les membres du Bureau du
président et de conseillers extérieurs de sa garde rapprochée, notamment des
chercheurs universitaires spécialisés dans la résolution des conflits et des experts
techniques. Le conseiller politique auprès du président a assuré la coordination du
Comité directeur. Les séances étaient présidées par le chef de l’État. Généralement,
le Comité se réunissait en amont des séances de dialogue pour discuter l’ordre du
jour, fournir des recherches préparatoires sur les points abordés et conseiller le
président sur les questions de procédures. La préparation s’est déroulée sans heurt
grâce à ce cadre restreint. Par la suite, cependant, le processus est resté en grande
partie confiné dans des paramètres assez exclusifs.

55
Manuel de dialogue national

Les rencontres informelles organisées en marge des préparatifs officiels font


généralement partie intégrante de la phase de préparation du dialogue national.
Au Népal, deux médiateurs insiders non officiels ont joué le rôle d’intermédiaires et
organisé des réunions secrètes. Ils ont finalement aidé les parties rivales à entreprendre
un processus de dialogue plus formel, tout en restant disponibles pour des échanges
informels. Ce type d’approche informelle peut s’avérer précieux, car il offre aux parties
en conflit un espace de rapprochement qui leur permet de négocier loin des pressions
du public et de leurs propres partisans. Toutefois, s’il n’est pas géré attentivement, le
manque de transparence risque de susciter des incompréhensions quant à certaines
décisions et d’entamer la légitimité du processus. En outre, il est facile de ne pas
prendre au sérieux les accords conclus dans un cadre informel, hypothéquant ainsi
les chances du processus qui risque de devoir repartir à zéro. Le Népal s’est heurté à
cette difficulté à de nombreuses reprises.

Des discussions peuvent être organisées aux niveaux 1.5 ou 2, de manière informelle
et discrète, et selon des modèles très variés. En mars 2012, par exemple, le Forum de
développement politique au Yémen et la Fondation Berghof ont organisé ensemble
une rencontre avec les principaux décideurs yéménites à Potsdam, en Allemagne. Le
cadre, le programme, ainsi que les principes et mécanismes de base de la Conférence du
dialogue national ont été négociés en comparant les expériences des autres processus
organisés dans le monde. L’objectif était de favoriser l’apport de connaissances,
l’interaction, et la résolution conjointe des problèmes entre les principales parties
prenantes au conflit, dans un cadre informel et sécurisant. La rencontre de Potsdam et
celles organisées par la suite au Yémen ont beaucoup contribué à affermir la confiance
dans le processus et à clarifier les objectifs du nouveau dialogue national. On peut
également renforcer les capacités de dialogue et de négociation au sein même des
parties, afin qu’elles gagnent en cohérence et se sentent en confiance pour pouvoir
communiquer avec « l’autre ».

Modèles de conception pour la phase de préparation


De nombreux modèles de conception s’offrent aux équipes de préparation du dialogue
national. Ils sont présentés dans la partie suivante, à travers les exemples du Soudan
et du Yémen.

56
Préparation du processus et des acteurs

Phase de préparation du Soudan (avril 2014-août 2015)


Réunion de consultation Réunion de consultation Réunion de consultation
6 avril 2014 2 novembre 2014 20 août 2015

Présidence : chef de l’État Présidence : chef de l’État Présidence : chef de l’État


Composition : Composition : Composition :
83 partis politiques, 96 partis politiques, 92 partis politiques,
50 figures indépendantes 75 figures indépendantes 9 mouvements armés,
Contenu : Contenu : 74 figures indépendantes
Organisation et préparation Préparation du dialogue Contenu :
du dialogue national, avec national. Réitération des décisions
notamment la création d’un Résultat : précédentes et finalisation
dispositif d’encadrement Approbation du premier rapport des dispositions de mise en
des préparatifs. du Haut Comité de coordination, œuvre du dialogue national.
Résultat : d’un projet de feuille de route Résultat :
Diffusion de quatre décrets et de l’Accord d’Addis-Abeba Confirmation de la tenue
présidentiels (→ p. 62) ; conclu entre le gouvernement de la première Conférence
décision collective de et les factions armées, le 4 sep- du dialogue national le
répartir également tous tembre 2014 ; mandatement du 10 octobre 2015, à Khartoum ;
les organes du processus Haut Comité de coordination approbation de toutes les
entre le gouvernement pour mettre en œuvre la feuille dispositions finales, confor-
et les partis d’opposition ; de route, et fixer notamment le mément à la feuille de route
établissement du Haut Comi- lieu et la date du dialogue na- présentant la structure glo-
té de coordination chargé de tional ; réaffirmation du besoin bale du dialogue national et
la direction et de l’encadre- d’un dialogue national, en insis- adoptée lors de la deuxième
ment du processus (créé en tant sur le caractère purement réunion.
mai 2014). national de l’entreprise.

établit présente approuve présente approuve

HAUT COMITÉ DE COORDINATION (7+7)

Présidence : chef de l’État


Composition :
7 représentants du gouvernement et 7 représentants de l’opposition (retrait de plusieurs partis d’opposition
durant le processus, notamment l’influent Parti national Umma et le Mouvement Reform Now)
Mandat :
1) création de la feuille de route du dialogue national ; 2) choix des participants et du programme de la
Conférence ; 3) coordination des activités des comités de la Conférence ; 4) supervision des travaux du
Secrétariat général ; 5) plaidoyer auprès des citoyens soudanais ; 6) suivi des résultats de la Conférence.
Prise de décision :
Les décisions doivent être systématiquement approuvées par l’Assemblée générale de la Conférence.
Responsabilités :
Direction et supervision de l’ensemble des étapes du processus ; mise en œuvre des volets de la feuille de
route ; choix de la date et du lieu de la Conférence.

Mise en marche COMITÉ dédié aux rela- COMITÉ dédié aux rela- COMITÉ dédié au
des activités du Haut tions avec l’opposition tions avec l’opposition dialogue communau-
Comité de coordination armée en dehors du civile au Soudan (un taire (un représentant
et appui à la création Soudan (un représen- représentant du du gouvernement et
d’un environnement tant du gouvernement gouvernement et un un représentant de
propice et un représentant de représentant de l’op- l’opposition)
l’opposition) position)

57
Manuel de dialogue national

Au Soudan, la préparation du dialogue national a été confiée au Haut Comité de


coordination et s’est déroulée dans le cadre de trois réunions de consultation. Le
Comité était chargé de prendre et d’appliquer les mesures nécessaires de préparation
au dialogue national ; le lancement et l’encadrement des travaux de l’organe de
préparation, ainsi que l’approbation des décisions finales, étaient réalisés lors des
réunions. Les trois aspects suivants ont défini la phase de préparation et déterminé
les paramètres du dialogue national au Soudan :

Composition et procédures de sélection des participants : Bien qu’ayant



invité publiquement l’ensemble des partis et des groupes armés à se joindre
au projet, le chef de l’État s’est empressé de prendre résolument les rênes du
dialogue national, s’attirant le scepticisme, voire le refus catégorique, de
presque tous les grands partis et groupes armés de l’opposition. Ceux qui ont
accepté de participer étaient proches du régime ou peu influents sur le plan
politique. Parmi les grands acteurs de l’opposition, seul le Parti du congrès
populaire de Hassan al-Turabi a maintenu sa participation. Tous les autres se
sont retirés au cours de la phase de préparation (la première séance du Haut
Comité de coordination s’est déroulée sans les deux principales formations
de l’opposition, le Parti national Umma et le Mouvement Reform Now). La
composition des participants a inévitablement influencé le mandat et le
programme, notamment les modalités de sélection et l’approche des sujets.

Choix de la présidence : Dès le début, il est apparu clairement que l’ensemble



des organes de préparation seraient présidés par le président soudanais Omar
El-Béchir. Les appels à la formation d’un gouvernement de transition ont été
rejetés. Certains partis d’opposition voulaient confier la présidence des réunions
à une figure nationale indépendante, tandis que les groupes armés exigeaient
la tenue d’une réunion de préparation hors des frontières soudanaises, sous les
auspices de l’Union africaine. Aucune de ces revendications n’a été satisfaite.
Du point de vue structurel, le choix de la présidence a très largement contribué
à entamer la crédibilité du projet aux yeux de l’opposition et des groupes armés.

La structure des préparatifs, dominée par le gouvernement, ainsi que l’absence


de mesures favorisant une véritable confiance ont d’emblée privé le projet d’une
large adhésion. Bien que le président El-Béchir ait invité tous les partis et groupes
à participer, la majorité de l’opposition a refusé de collaborer dans les conditions
proposées. Le caractère exclusif des préparatifs a pénalisé la phase de préparation
sur tous les fronts ainsi que le dialogue national lui-même, contribuant à le faire
passer pour un instrument utilisé avant tout par le parti dominant pour renforcer sa
mainmise sur le pouvoir.

58
Préparation du processus et des acteurs

Phase de préparation du Yémen (mai-décembre 2012)


Mécanisme de Le paragraphe 15 (f) 2 demande la mise en place
mise en œuvre d’une Conférence du dialogue national.
de l’Initiative du
Conseil de coopé- chef de l’État
ration du Golfe
COMITÉ DE CONTACT
Décret présidentiel
(mai 2012) Tâches principales : (1) soutien au chef de l’État
pour communiquer avec les principales parties au
conflit ; (2) préparation du public ; (3) appui à la Bureau de
mise en place du Comité technique. l’Envoyé spécial
Décret présidentiel du Secrétaire
(juillet 2012) général des
Nations Unies
COMITÉ TECHNIQUE pour le Yémen

Présidence : Abdul Kareem al-Eriani, collaboration/appui


Congrès général du peuple

Composition : 25 membres (désormais 31)


résultat
Mandat : préparation de la Conférence
du dialogue national

Prise de décision : consensus


(ou 2 objections max.)
oriente
Responsabilités : définition de la taille des
délégations, des mécanismes de sélection
des représentants, des modalités (groupes de
travail, séances plénières, etc.), du programme,
des règles et procédures, du lieu, des mesures de
sécurité, du Secrétariat et du dispositif d’appui ;
préparation d’un plan d’information et d’un
mécanisme de participation du public.

résultat

Mandat de la Conférence Mandat de la Conférence du dialogue Liste de 20 critères :


du dialogue national : national :
Mesures de règle-
Nomme les principaux Critères de participation ment des litiges dans
groupes de participants Procédure de sélection le Sud (12 points) et
Atteste la représentation Règlement dans la province de
des femmes dans tous Prise de décision Saada (8 points).
les groupes de travail Modalités (Secrétariat, Présidium,
Fait référence à plusieurs groupes de travail) → P artiellement
thématiques majeures Programme (fixé par les groupes mise en œuvre.
Présente la feuille de travail)
de route globale de Déroulement (fixé par les groupes
la transition (dont la de travail) instauration
Conférence fait partie) Structure d’appui de la confiance
Information et participation du public
Lieu et mesures de sécurité

conception du processus
59
Manuel de dialogue national

Les préparatifs de la Conférence du dialogue national au Yémen ont débuté le 6 mai


2012 avec la mise en place d’un Comité de contact chargé de sensibiliser les différentes
formations politiques. Le Comité technique pour la préparation du dialogue national
a été créé en juillet de la même année et a fonctionné jusqu’en mars 2013. Il a géré la
majorité des préparatifs du dialogue national (2013-2014) et élaboré le cadre propice
à un dialogue exhaustif, en étroite collaboration avec le Bureau de l’Envoyé spécial
du Secrétaire général des Nations Unies. Certaines composantes figuraient déjà dans
le mandat de la Conférence du dialogue national établi par l’initiative du CCG. Tous
les autres aspects liés à la préparation et à l’organisation du dialogue national ont été
élaborés par l’intermédiaire du Comité technique.

Les trois aspects suivants ont défini la phase de préparation et déterminé les
paramètres du dialogue national au Yémen :

Procédures consultatives de sélection des participants : Les membres du



Comité technique ont tous été désignés par le président, après consultation des
principaux partis politiques et représentants de la communauté internationale,
notamment les Nations Unies.

Structures d’appui : Le Bureau de l’Envoyé spécial du Secrétaire général des



Nations Unies a fourni un soutien important sur le plan technique, logistique,
financier et diplomatique7. Le Conseiller spécial sur le Yémen auprès du
Secrétaire général des Nations Unies, Jamal Benomar, a usé de l’influence que
lui conférait l’appui du Conseil de sécurité, soucieux d’aboutir à un compromis
entre les parties, et demandé à celles-ci de prendre des décisions fermes en signe
de l’avancement concret du processus (Zyck, 2014). Par ailleurs, les désaccords
au sein du Comité technique étaient soumis à l’arbitrage des Nations Unies. Ce
fut notamment le cas des critères et mécanismes de sélection des participants
indépendants, des femmes et des jeunes.

Rapprochement précoce : Le Comité de contact, mis en place par le président



avant le Comité technique pour la préparation, assurait la liaison spécifique
avec les acteurs non impliqués dans le mécanisme de mise en œuvre de
l’initiative du CCG, tels que le Mouvement du Sud. Il a également entrepris de
sensibiliser le public. La mise en place précoce de ce Comité et sa finalité ont
constitué un signal fort et contribué à favoriser soutien et légitimité, bien que
l’inclusion pleine et entière du Mouvement du Sud et des Houthis soit restée
particulièrement difficile tout au long de la Conférence.

La phase de préparation a été en grande partie marquée par la prise de conscience


qu’aucun parti ne pourrait imposer ses priorités aux autres et par la crainte bien réelle
de retomber dans un cycle de violence propice à l’expansion des groupes radicaux,
notamment Al-Qaida. Cet équilibre des faiblesses face à la détérioration de la situation
sécuritaire a conduit les partis à accepter l’initiative du CCG ainsi que les conditions
fixées par son mécanisme de mise en œuvre.

60
Instauration de la confiance

2.5 Instauration de la confiance


La phase de préparation est généralement marquée par de fortes tensions, un esprit de
dissension et la précarité des liens de confiance. Par exemple, les partis et les groupes
armés de l’opposition doutent de l’authenticité de l’initiative lorsque celle-ci est
proposée par le gouvernement, tandis
que ce dernier appréhende les risques
qui y sont liés, notamment la perte du « Les mesures d’instauration de la
pouvoir. Chaque camp est souvent en confiance se rapportent aux diverses
proie à des conflits internes : certains actions négociées, convenues et mises en
privilégient le dialogue national, tandis œuvre par les parties au conflit en vue de
que d’autres préféreraient s’abstenir, renforcer la confiance sans se focaliser sur
voire renouer avec la violence. De son les causes profondes du litige. »
côté, la société civile craint de faire Mason et Siegfried (2013, 58)
l’objet d’une répression continue ou
d’être marginalisée. Il se peut également
que les acteurs internationaux et régionaux ne se soient pas encore mis d’accord et
que le processus, s’il est mandaté par la communauté internationale, suscite une
appropriation et un soutien insuffisants au niveau national. Dans ce contexte, il est
absolument nécessaire de renforcer la confiance en prenant des mesures en ce sens
qui témoignent de la bonne foi de l’une et/ou l’autre des parties et peuvent s’avérer
indispensables à l’instauration d’une « confiance fonctionnelle » entre les (anciens)
adversaires (Kelman, 2005). Il peut s’agir, par exemple, de la signature d’accords de
cessation des hostilités, de la libération de prisonniers politiques, mais aussi du choix
délibéré de l’inclusion lors du processus de préparation.

Au Yémen, la présence de plusieurs figures de l’opposition parmi les membres du


Comité technique a répondu en partie à ce besoin. Le Comité a également élaboré une
série de 20 mesures visant à renforcer la confiance dans la région du Sud et la province
de Saada. La publication de ce document, doublé d’un dispositif de préparation
inclusif, a constitué un signal fort et amélioré la confiance dans le processus.
Toutefois, les mesures proposées n’ont pas été mises en œuvre, affaiblissant par
la suite la crédibilité du processus et empêchant la participation plus inclusive du
Mouvement du Sud.

Les groupes armés et les partis d’opposition exigent souvent des garanties
supplémentaires de sécurité des personnes et l’octroi d’une amnistie provisoire avant
de s’engager dans le dialogue national. Le manque de mesures de sécurité risque de
discréditer le processus d’entrée de jeu, comme ce fut le cas au Soudan et au Bahreïn
où des figures majeures de l’opposition ont été arrêtées durant le dialogue national. En
Jordanie, aucune mesure de renforcement de la confiance n’a été appliquée en amont
du dialogue national. Le roi s’est toutefois engagé à satisfaire les revendications de
l’opposition au cours du processus, afin de convaincre ses membres de réintégrer les
négociations.

61
Manuel de dialogue national

Soudan. L’annonce et les préparatifs du dialogue national ont été accueillis avec la
plus grande méfiance dans ce pays dirigé d’une main de fer par le gouvernement
depuis plusieurs décennies et en proie à des combats incessants dans les zones de
guerre. Quatre décrets présidentiels ont été publiés au cours de la première réunion
de consultation en vue d’instaurer un environnement propice au dialogue, comme
l’exigeait l’opposition :

(1) Les partis politiques sont autorisés à mener des activités politiques au sein et en
dehors de leur siège, conformément à la loi.
(2) La participation de tous aux médias est élargie. La liberté de la presse est
améliorée afin que les médias puissent contribuer à la réussite de la Conférence
du dialogue national.
(3) Tous les prisonniers politiques n’ayant pas été condamnés en vertu du droit
seront libérés.
(4) Le gouvernement s’engage à fournir aux mouvements armés des garanties
suffisantes afin qu’ils puissent participer à la Conférence du dialogue national.

De l’avis général, les mesures répressives à l’encontre des médias et des activités
politiques, notamment l’incarcération des chefs de parti, ainsi que les combats
dans les zones de guerre, se sont poursuivis, en dépit de ces promesses et des
autres engagements réitérés par le président au cours de la troisième réunion de
consultation. Plusieurs participants au dialogue national ont salué le fait d’avoir
été invités à exprimer leur opinion, une démarche qui leur aurait valu d’être arrêtés
quelques temps auparavant. Globalement, il a été cependant considéré que les
décrets et les mesures prises ultérieurement par le gouvernement n’avaient pas
véritablement modifié le climat ambiant, la situation des partis d’opposition ou celle
du public en général.

Jordanie. Seize membres du Comité de dialogue national ont annoncé leur démission
suite aux deux journées de violence survenues en mars 2011, invoquant le manque de
sincérité des travaux de réforme du Comité, uniquement occupé à mystifier le peuple
jordanien, et ont également dénoncé la violence d’État. Ils ont accepté de reprendre leur
fonction à condition d’être reçus personnellement par le roi. Ce dernier devait garantir la
non-réitération des attaques envers les manifestants, ainsi que la création d’un comité
de révision constitutionnelle. Les 16 membres ont réintégré le Comité de dialogue
national après que le souverain a promis de mettre en œuvre le fruit du travail du
Comité et nommé une commission royale chargée de réviser la Constitution de 1952.

62
Principales considérations relatives à la phase de préparation

2.6 Principales considérations relatives à la phase de préparation

Avant d’amorcer la phase d’exploration en vue d’un possible dialogue national, il est
essentiel de se rappeler les éléments suivants :

La préparation approfondie fait partie intégrante de tout processus de dialogue


national.

Chaque tentative de dialogue national constitue déjà une intervention politique


dans un contexte de conflit. Elle doit bien tenir compte des risques et des
possibilités que cela implique.

Il importe de bien connaître les différents moyens à disposition et d’évaluer


leur caractère opportun. Le recours au dialogue national plutôt qu’à d’autres
mécanismes doit être clairement justifié.

Les aspects suivants contribuent à garantir la qualité du cadre préparatoire et le


caractère authentique du dialogue national :

Il est impératif de définir des ambitions nettes et réalistes et de les intégrer



clairement à un processus de changement plus global afin que tous les acteurs
s’y tiennent. Les transitions politiques sont des processus non linéaires et
dynamiques, et le dialogue national n’en constitue, au mieux, qu’une seule
étape.

Appropriation : Le déroulement de la phase de préparation donne le ton du



dialogue national. La véritable mobilisation des parties prenantes principales et
le caractère inclusif des consultations et du mécanisme de préparation favorisent
la légitimité et l’appropriation. Ces facteurs sont extrêmement importants, car ils
permettent de déterminer l’amplitude du soutien au dialogue national et le degré
de mobilisation des grands acteurs.

Inclusion : Durant la phase de préparation, la conception du processus



doit inclure une large gamme de parties prenantes présentes sur le terrain et
privilégier une approche inclusive. Les grands partis (au pouvoir) risquent
d’avoir la main haute sur le processus de préparation et, en raison de leur
position privilégiée, d’influencer toute l’organisation, puis le déroulement, de la
Conférence, ce qui nuit d’emblée à la légitimité du processus. Comme on a pu le
constater au Soudan et au Yémen, le Comité technique et les autres mécanismes
de préparation pèsent très fortement sur la légitimité du dialogue national et
sur la perception qu’ont les parties prenantes de sa capacité à satisfaire leurs
revendications et leurs aspirations.

63
Manuel de dialogue national

Clarté du mandat et de l’objectif : Il est important de cibler précisément les



ambitions du dialogue national (et ce qui n’en fait pas partie), afin de concevoir
un processus adapté et de gérer les attentes des participants. Il est notamment
essentiel de faire preuve de réalisme et de ne pas alourdir le processus.

Choix de la présidence : La présidence de la phase de préparation doit être



confiée à la personne adéquate, ce qui atteste la sincérité du processus en
cours de planification et peut favoriser sa légitimité (→ 3.2 Choix d’un délégué
principal fiable et crédible).

Rien ne sert de courir : La phase de préparation n’est pas seulement le



prologue du dialogue national proprement dit. Elle sert à fixer les principaux
paramètres du dialogue afin d’en garantir la réussite, et son bon déroulement
est susceptible d’influencer l’intégralité du processus. À ce titre, elle doit être
planifiée et mise en œuvre avec le même soin et la même attention. Au Yémen,
les délibérations du Comité technique pour la préparation ont duré six mois
de plus que prévu. Cette prolongation s’est cependant avérée nécessaire pour
assurer une préparation exhaustive.

Institutions et mécanismes : Le nom de l’organe de préparation importe peu.



En revanche, la fonction, le mandat, la présidence et les mécanismes
décisionnels doivent être clairement établis. Cet organe sera d’autant plus
utile qu’il se concentrera sur la mise au point des conditions de participation,
l’établissement des priorités et la création de mécanismes de sortie des
impasses durant le dialogue national lui-même. Les comités techniques et les
autres mécanismes de préparation sont des outils extrêmement stratégiques,
en ce sens qu’ils influencent la légitimité du dialogue national et la perception
qu’ont les parties prenantes de sa capacité à satisfaire leurs revendications et
leurs aspirations.

Importance des mesures d’instauration de la confiance : Lorsque les liens



de confiance sont déjà très érodés, la simple annonce d’un changement ne
suffit pas à convaincre les parties de sa réalité. En outre, la situation ne fera
qu’empirer si les actions ultérieures sont effectivement en contradiction avec
ce qui a été annoncé. Si la phase de préparation donne souvent lieu à d’âpres
négociations, elle est aussi l’occasion unique de renforcer les liens et la
confiance, à condition de mettre en place des mesures en ce sens reposant sur
des échanges inclusifs. Cela permet de faire émerger chez les parties prenantes
un sentiment d’authenticité et d’appropriation à l’égard du dialogue national.

Consensus international et régional : Au cours de la phase de préparation,



l’obtention d’un soutien international et régional peut s’avérer décisif quant
à la réussite du dialogue national. Les acteurs internationaux peuvent
également fournir un appui ciblé (financement ou expertise technique, par
exemple) (→ chapitre 5).

64
Notes

1 Merci à Karam Karam de Common Space Initiative d’avoir signalé ce point.

2 Voir Harlander (2016, 13-16).

3 Voir Papagianni (2006, 321).

4 Voir Papagianni (2006, 317).

5 Voir Dossou (2000).

6 Voir PILPG (2015, 23).

7 Pour plus de détails, consulter le site Internet du Bureau de l’Envoyé spécial


du Secrétaire général des Nations Unies pour le Yémen :
osesgy.unmissions.org.

65
Manuel de dialogue national

Chapitre 3
Phase de processus :
mise en place du
dialogue national

Sommaire
68 3.1 Élaboration du programme

74 3.2 Choix d’un délégué principal fiable et crédible

81 3.3 Choix du nombre de participants

83 3.4 Sélection des participants

98 3.5 Définition des règles et principes directeurs

104 3.6 Élaboration des modalités de prise de décision


et de recherche de consensus

112 3.7 Mobilisation du public

128 3.8 Création de structures d’appui, de mécanismes


de sortie des impasses et de filets de sécurité

67
Manuel de dialogue national

« [C]haque processus est unique et complexe, et exige une préparation,


une patience et une diplomatie considérables. C’est pourquoi la conception
d’un processus efficace constitue une étape aussi essentielle que périlleuse,
qui nécessite un soutien technique et politique [...]. »
Harlander (2016, 38)

Ce troisième chapitre porte sur le processus à proprement parler, c’est-à-dire la phase


de dialogue national officielle. Il étudie les principaux aspects relatifs à la conception
du processus et analyse le déroulement du dialogue national. Il aborde les principales
composantes de la mise en œuvre du processus, notamment l’établissement des
priorités, le choix d’un délégué principal fiable, la définition des principes directeurs
et des modalités décisionnelles, la sélection des participants, la consultation et la
sensibilisation du public, la mise en place de structures d’appui efficaces, ainsi que le
choix de la date et de l’échelonnement des étapes.

La phase de processus est la plus visible du dialogue national. Les principaux


mécanismes, étapes et procédures sont les suivants :

Dialogue national

CADRE ORGANISATION


Structure et paramètres Principes directeurs
institutionnels (→ 1.2) Prise de décision
Programme Partage de l’information
Délégué principal et consultation du public
Taille et participation Structures d’appui

Figure 3.1 : Principaux aspects relatifs à l’élaboration et l’organisation du dialogue national

3.1 Élaboration du programme


Le programme du dialogue national présente les principaux sujets (le contenu) qui
seront soumis au débat. Il décrit généralement les thématiques spécifiques devant
être abordées par les participants au dialogue et s’inscrit en droite ligne du mandat
des négociations, dans lequel est énoncé l’objectif global du processus, duquel
dépend le contenu du programme. Les sujets y sont développés plus en détail.
Le programme précise, en outre, la nature des décisions convenues pour chaque
sujet (simple recommandation ou accord contraignant). Le programme d’un dialogue
national axé sur un changement fondamental aura très vraisemblablement une portée
thématique plus large que celui visant la prévention et/ou la gestion d’un conflit dont
le programme, plus restreint, ciblera en priorité les litiges à l’origine de la crise. Au
Yémen, par exemple, le programme d’origine de la Conférence, tel qu’établi dans

68
Élaboration du programme

le cadre du mécanisme de mise en œuvre de l’initiative du CCG, était très vaste. En


revanche, au Liban, conformément à l’Accord de Doha de 2008, le dialogue national
était clairement ciblé et portait principalement sur les mesures de sécurité. La plupart
du temps, le programme du dialogue national inclut une composante relative à la
réforme constitutionnelle.

L’élaboration du programme se fait généralement en plusieurs étapes, comme l’illustre


la figure 3.2 ci-dessous.

1. Choix des grandes thématiques du débat, souvent codifiées dans le mandat.


2. Développement des thématiques et élaboration d’un programme exhaustif.
3. Élaboration d’une méthode de travail, notamment l’échelonnement et le calendrier
du processus.

Le programme peut être le fruit de consultations très participatives menées auprès


des groupes de parties prenantes et de la société en général. Au Kenya, l’un des
médiateurs a appelé les organisations de femmes et les femmes d’influence à dresser
ensemble une liste commune des thématiques à traiter. En règle générale, l’organe de
préparation rassemble toutes les questions à l’ordre du jour abordées lors d’accords
antérieurs et des consultations qu’il a menées avec les parties prenantes principales,
et les soumet à la discussion à l’occasion du dialogue national. Le programme final est
arrêté par les participants.

PROGRAMME PROGRAMME Établit les sujets et définit


PRÉLIMINAIRE COMPLET les méthodes de travail à
appliquer dans le cadre du
dialogue national, telles que :
Décret présidentiel Pré-négociations
Répartition des tâches
Accord-cadre Organe de préparation
Modalités de vote
Accord de paix
Échelonnement du processus
Accord préparatoire
Calendrier

Figure 3.2 : Processus de définition du programme du dialogue national

Gérée dans un esprit de transparence et d’inclusion, l’élaboration du programme peut


permettre de clarifier davantage la nature du dialogue national et de mobiliser les
parties. Elle leur offre également un terrain d’exercice permettant d’instaurer des liens
de confiance et de favoriser une compréhension commune des positions respectives
et de la vision du dialogue national. L’ordre des négociations fait souvent l’objet de
désaccords. À ce titre, l’expérience montre qu’il est utile de commencer par les sujets
plus neutres avant de passer aux questions sensibles, afin d’éviter l’échec immédiat
des négociations et de donner aux participants un espace pour développer une
confiance fonctionnelle.

69
Manuel de dialogue national

Élaboration du programme du dialogue national

La procédure d’élaboration du programme est très révélatrice de la teneur de ce


dernier et du cadre qui s’ensuit. Au Bahreïn et en Colombie, une restriction d’emblée
des thématiques a été vivement critiquée, certains jugeant cette décision contraire à la
nature du dialogue national. Toutefois, il peut être judicieux d’exclure certains sujets
en contradiction avec l’objectif du dialogue. Au Yémen, par exemple, la demande de
sécession du Sud n’a pas pu être prise en compte, car elle représentait un point non
négociable pour les pays voisins et les principaux partis – une position appuyée par
l’initiative du CCG et par la résolution afférente du Conseil de sécurité des Nations
Unies sur le Yémen. Tous les autres sujets pouvaient être débattus. La liste a donc été
fort longue, à la mesure de l’état d’esprit qui régnait à cette époque et du changement
fondamental ambitionné par le dialogue national. Certains se sont toutefois inquiétés
du risque de surcharge du processus et du nombre excessif d’objectifs, parfois
irréconciliables. En Afrique du Sud, le programme a été essentiellement mis au point
par les participants au Processus de négociations multipartites. Le dialogue national
visait à négocier les principes directeurs de la transition ainsi que les paramètres et
les principes sous-jacents de la nouvelle Constitution, laquelle traitait notamment de
questions pressantes relatives à la transition post-apartheid.

Afin de ne pas surcharger la table ronde principale, il est notamment possible de


déléguer des thématiques à des groupes de travail spécialisés. En Afghanistan, le
programme de la Loya Jirga constitutionnelle n’a fait l’objet d’aucune délibération, la
finalité du processus figurant déjà dans l’Accord de Bonn, conclu sous la forte pression
de la communauté internationale. Rien n’a été entrepris pour approfondir le programme
du dialogue national, ce dernier visant surtout à faire approuver le document prédéfini
par les représentants en vue d’élargir l’adhésion en faveur du projet de constitution.
Certains pays débutent avec un programme modeste qu’ils enrichissent et élargissent
au fur et à mesure du processus. En Pologne, les négociations menées au cours de la
Table ronde ont abouti à des réformes économiques et politiques plus larges que ne le
prévoyait à l’origine le syndicat Solidarność (Solidarité).

Le programme du dialogue national peut être élaboré selon différentes approches,


comme le montrent les exemples suivants :

Afghanistan

Le programme préliminaire reprenait les dispositions de l’Accord de Bonn, conclu



sous les auspices des Nations Unies.
Le programme consistait en la révision du projet de constitution par chacun des

groupes de travail.

70
Élaboration du programme

Afrique du Sud


Les partis politiques ont convenu de la mise en place d’une conférence
constitutionnelle multipartite à laquelle toutes les formations politiques
pourraient participer de manière équitable. Le programme a été décidé
conjointement par les participants.

Bahreïn


Le programme préliminaire a été établi par le roi et limité à quatre thématiques.
Le programme complet a été élaboré par les participants.

Colombie


Le programme préliminaire a été établi par décret présidentiel et limité
à quelques thématiques.

Le programme complet a été élaboré par le gouvernement et les chefs des partis
politiques invités.

Liban


Le président a mis en place le Comité directeur du dialogue national, l’organe
de préparation chargé de l’élaboration du programme.

Tunisie

La feuille de route a été élaborée par le Quartette, l’entité extérieure chargée



de coordonner le dialogue national.

Yémen


Le programme préliminaire s’inscrivait dans le cadre de l’initiative du Conseil
de coopération du Golfe.

Le Comité technique a élaboré un programme très détaillé contenant des
sous-thématiques, débattues par les groupes de travail.

71
Manuel de dialogue national

Exemples de programmes

Au Kenya, les questions suivantes étaient inscrites au programme du processus de


dialogue national :

« (a) les mesures d’urgence visant à mettre fin aux violences et à restaurer les libertés et
les droits fondamentaux ;

(b) les interventions visant à soulager la crise humanitaire et à promouvoir la


réconciliation, l’apaisement et le rétablissement ;

(c) les mesures visant à remédier à la crise politique en cours ;

(d) les questions et solutions à long terme, notamment :

la mise en place de la réforme agraire,


la lutte contre la pauvreté, les inégalités, et les disparités
du développement régional,
la lutte contre le chômage, notamment chez les jeunes,
l’amélioration de la responsabilité et de la transparence,
le renforcement de la cohésion et de l’unité nationales. »

South Consulting Ltd. (2009, 1)

En Tunisie, le dialogue national était axé sur l’impasse politique en cours et


le programme visait les points suivants :

« arrêt [de la date finale] des élections présidentielles et législatives à venir ;


finalisation de la Constitution et arrêt de la date de
présentation du texte aux électeurs pour discussion et adoption ;
choix du régime politique (parlementaire, présidentiel ou mixte) ;
analyse des violences politiques dans le pays et de la possibilité
d’adopter une charte nationale contre la violence et l’extrémisme ;
analyse de la situation globale nationale relative au coût de la vie
et à la baisse régulière du pouvoir d’achat des citoyens. »

M'rad (2015, 34)

72
Élaboration du programme

Principales considérations relatives à l’élaboration du programme

Éviter de surcharger le programme : Les périodes de transition sont marquées



par une remise en cause de la nature même de l’État, il est donc compréhensible
de vouloir réformer plusieurs domaines en priorité. Cependant, l’inclusion
de toutes les thématiques dans le programme susciterait des attentes que le
dialogue national, au temps et à la portée limités, ne pourrait satisfaire. Le
contenu du programme doit correspondre précisément à l’objectif pour lequel
le dialogue national a été mis en place. Il doit également pouvoir être réalisé
dans les délais impartis.

Élaborer le programme de manière inclusive : Le choix du contenu du



programme constitue une mini-négociation en soi. Ceux qui en sont exclus
pourront se voir contraints, au moment des négociations, d’aborder les
thématiques convenues par les autres participants, et qui ne sont pas forcément
prioritaires à leurs yeux. Le cas échéant, il sera difficile d’obtenir leur adhésion.

Commencer par les sujets « faciles » : L’ordonnance des thématiques



selon le degré de désaccord aide à garantir la longévité du processus. En
commençant par les sujets « faciles » à aborder, les participants se rendent
compte que, contrairement à leurs attentes, ils possèdent de nombreux points
de convergence, lesquels favorisent l’apparition de communautés de vues
et permettent de croire en la réussite du dialogue. Surtout, cette manière de
procéder permet de renforcer progressivement la confiance des participants vis-
à-vis de leurs interlocuteurs et du processus lui-même.

Prendre le temps de discuter amplement des points délicats : S’il est



important de commencer par les sujets « faciles », il ne faut pas ignorer ou,
pire, verrouiller les sujets sensibles, dans l’espoir de « sauver la face » ou de
donner une impression d’« harmonie ». Il est essentiel de prévoir un temps et
un espace suffisants pour aborder en détail les points délicats et établir une
feuille de route collective en vue d’y remédier, faute de quoi le dialogue national
ne restera qu’une belle mise en scène, dépourvue de toute substance et de tout
résultat tangible. Dans certains pays, le dialogue national a été conclu en toute
hâte et les participants n’ont pas pris le temps nécessaire pour discuter et statuer
sur les points de mésentente.

Faire appel à des groupes de travail et à des sous-comités : Bien que les

sujets les plus sensibles doivent être discutés à la table ronde principale, et non
au sein de sous-comités ou groupes de travail, il peut être utile de les fragmenter
et d’en confier certaines parties à des groupes spécifiques afin que ces derniers
puissent faire des propositions sur la manière d’aborder et de discuter ces sujets
à la table ronde principale.

73
Manuel de dialogue national

3.2 Choix d’un délégué principal fiable et crédible


Le dialogue national est généralement placé sous l’autorité d’une figure ou d’un organe
central(e) dont la principale fonction est de présider, voire, dans certains cas, de
coordonner le processus. Le choix du délégué
« [L]a réputation et la légitimité principal est souvent très représentatif du
perçue du délégué principal sont processus global et de ce que l’on peut en
souvent très représentatives attendre. C’est par l’intermédiaire de la
du processus et des résultats personne ou de l’institution organisatrice
susceptibles d’être obtenus. » que s’établit la légitimité du processus de
Barnes (2017, 44) dialogue national.

Les personnes ou les institutions porteuses de cette légitimité sont généralement


des responsables religieux ou sociétaux respectés, le chef d’un groupe (ou une
figure ou une institution approuvée par le chef d’un groupe) ou des institutions
sociétales établies.

Le délégué principal peut être nommé par le président, le roi (Jordanie) ou être élu
par les parties au dialogue national au cours des premières séances de l’Assemblée
plénière (Afghanistan). Le processus peut aussi simplement rester entre les
mains du chef de l’État (Soudan, Liban). Les participants peuvent influencer
fortement sa conception, notamment par le recours à une procédure de sélection
au cours du processus. On peut également favoriser la légitimité en procédant par
consensus (Afrique du Sud, Népal). En Afrique du Sud, l’association de la société
civile Consultative Business Movement a joué à plusieurs reprises le rôle de délégué
principal médiateur, aux côtés du Conseil sud-africain des Églises, dans le cadre du
processus de l’Accord de paix national, et de Secrétariat, dans le cadre des processus
CODESA et de négociations multipartites. En revanche, si les instigateurs du
dialogue national, qu’ils soient intérieurs (comme le gouvernement du Soudan) ou
extérieurs (comme en Irak), ne bénéficient d’aucune légitimité, il est très peu probable
que le délégué principal nommé ou sélectionné sur leur initiative soit bien accueilli.

Le choix d’un délégué principal crédible et largement accepté constitue un véritable


atout pour le dialogue national. La personne (ou l’institution) choisie doit, si possible,
posséder les qualités suivantes :

Indépendance : Le délégué principal ne doit pas être perçu comme la



simple marionnette du président ou du parti au pouvoir. Au contraire, il doit
disposer d’une ample marge de manœuvre afin de pouvoir agir dans l’intérêt
supérieur du dialogue national. Au Soudan, le président s’est lui-même octroyé
le poste de délégué principal, ce qui a pénalisé le processus d’entrée de jeu.
Le cas de la Jordanie illustre cependant la précarité du choix et de l’image du
délégué principal. La nomination de Taher al-Masri, alors président du Sénat,

74
Choix d’un délégué principal fiable et crédible

à la tête du dialogue national, a été perçue comme une manœuvre intéressée du


régime. Al-Masri était considéré comme un loyaliste, les 60 membres du Sénat
étant nommés par le roi. Sa fonction était néanmoins beaucoup plus distincte.
Ses précédentes réalisations et ses origines palestiniennes le plaçaient dans
un juste milieu : il était perçu comme un loyaliste critique, proche du pouvoir
tout en disposant d’une certaine marge de manœuvre, et certainement pas
comme une simple marionnette du régime.

Multipartisme ou affiliation politique claire : Dans les situations de conflit,



il est souvent difficile, voire impossible, de trouver un acteur neutre. Ce critère
n’est toutefois pas indispensable, contrairement à ce qui est traditionnellement
admis concernant la mobilisation des acteurs extérieurs. Ainsi, les médiateurs
insiders, souvent clairement affiliés à l’une ou l’autre des parties, n’en jouent
pas moins un rôle de premier plan. De même, le choix d’un délégué principal
qui assume publiquement sa sensibilité politique tout en étant capable (et perçu
comme tel) de se montrer « impartial » et ouvert vis-à-vis des revendications de
toutes les parties au dialogue national, convient souvent tout autant. Enfin, le
recours à une équipe mixte, composée d’acteurs aux appartenances politiques
diverses, peut fréquemment aider à surmonter ce dilemme. La Colombie avait
même envisagé une présidence tournante, avant de porter finalement son choix
sur une présidence en équipe.

Charisme, crédibilité, respect : Le délégué principal doit faire preuve de



charisme et de leadership. Respecté et crédible, il doit être capable de cerner
l’état d’esprit et les aspirations du peuple. Ces qualités peuvent être développées
au fur et à mesure du processus, cependant, le délégué principal les doit
généralement à ses accomplissements personnels, son vécu et sa personnalité.
Son autorité, traditionnelle ou charismatique, lui confère une légitimité
naturelle, ancrée dans les perceptions locales et donc indissociable du contexte.
Au Népal, les deux facilitateurs avaient acquis ces qualités par leurs activités
politiques, leur réputation sociétale, leurs liens personnels avec les principaux
responsables, leur charisme et leur engagement. Padma Ratna Tuladhar était
déjà connu pour avoir dirigé le grand mouvement populaire en faveur de la
démocratie, qui avait tenté de mettre fin au système des panchayats.

Pouvoir politique : Sans poids politique, le délégué principal risque de donner



l’impression que le dialogue national ne sera pas d’une grande utilité et de
refroidir les espoirs. À l’inverse, le choix d’une personne ou d’une institution
politiquement influente vient confirmer le sérieux de l’initiative et favorise la
confiance dans le processus et son aboutissement. En Tunisie, l’association de
l’UGTT, le plus grand syndicat du pays, avec l’UTICA, l’organisation patronale,
et deux autres institutions, a constitué un symbole fort. Pour la première fois,
les patrons et les travailleurs faisaient cause commune sur la scène politique.
Le Quartette y a gagné un très grand crédit politique et le soutien marqué de la
société.

75
Manuel de dialogue national

Contrairement à beaucoup d’autres mécanismes de transformation des conflits, le


dialogue national doit être coordonné au niveau national : il a ainsi plus de chances
d’être approuvé par la société et de gagner en crédibilité. À ce titre, les médiateurs
insiders ont souvent joué un rôle décisif, en organisant et en coordonnant le dialogue
national et en s’efforçant d’en maintenir l’unité au cours des différentes phases.

Les médiateurs insiders évoluent au cœur du conflit et font partie du tissu


social du conflit ; ce dernier les touche directement et peut représenter
un enjeu pour eux. Ils possèdent une connaissance très fine du contexte
et sont parfois les seuls à pouvoir accéder aux parties au conflit, en
particulier les groupes armés et/ou radicaux. Leur rôle va bien au-delà de
la médiation : ils sont également négociateurs, facilitateurs, modérateurs,
interlocuteurs, messagers, et œuvrent au rapprochement des participants et
au renforcement de leurs capacités. Leurs compétences sont généralement
naturelles et intuitives, c’est-à-dire qu’elles ne relèvent pas de l’acquis ou
de compétences professionnelles. Ils puisent souvent dans les ressources
culturelles locales, mais aussi dans la religion, la foi et la spiritualité. Leur
action est aussi guidée par le besoin intime de restaurer le tissu relationnel
au sein de leur communauté, de leur groupe social ou de leur circonscription.
Une coopération soigneusement ajustée entre acteurs intérieurs et extérieurs
permet de renforcer la complémentarité et les synergies des efforts de
consolidation de la paix1.

Les médiateurs insiders peuvent être des personnes, comme au Népal, des institutions
citoyennes de premier plan, comme l’Église catholique en Pologne et au Guatemala,
ou un groupement d’institutions sociétales, comme en Tunisie. L’Église a joué un rôle
important à de nombreuses reprises, notamment lors des tables rondes en Pologne
et des conférences nationales en Afrique francophone, où les fonctions centrales de
médiation et de coordination étaient fréquemment assumées par un archevêque ou
un membre du clergé. Solidement ancrées dans la culture et les traditions locales,
ces personnes jouissaient d’une très grande réputation au sein de la société. Notons
qu’au Mali, cette fonction a échu à un grand responsable politique, en raison de ses
accomplissements lors de la phase de transition.

Au Népal, les deux médiateurs insiders, Padma Ratna Tuladhar et Daman Nath
Dhungana, ont coordonné des réunions secrètes et échangé des informations
bien avant le lancement d’un processus officiel. Bien qu’ils n’aient jamais reçu
aucun mandat officiel, ils jouissaient d’une très grande confiance et, du fait de leur
collaboration, étaient acceptés par les deux camps. Comme l’a expliqué Padma Ratna
Tuladhar : « Lorsque le gouvernement avait besoin de se mettre en lien avec les chefs
maoïstes, les partis politiques [ou] les acteurs internationaux s’adressaient à lui. Son
parcours de gauche, sa réputation sociale pour avoir dirigé les grands mouvements

76
Choix d’un délégué principal fiable et crédible

populaires au temps du Panchayat, et ses relations personnelles avec l’ensemble


des grands chefs maoïstes, avec lesquels il entretenait des liens de confiance, [...] le
désignaient comme l’unique interlocuteur » (cité dans Upreti et Sapkota, 2016, 10).

Dès la troisième année du conflit, qui devait durer dix ans, Ram Chandra Paudel, alors
Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, a entrepris, par l’intermédiaire de
Padma Ratna Tuladhar, de sonder les intentions des maoïstes en vue d’un possible
dialogue ou, selon les mots de Tuladhar, de « discuter des discussions ». Tuladhar
a lui-même organisé en 2000 la première rencontre officielle dont la date et le lieu
ont été tenus secrets, bien que l’événement ait été annoncé publiquement. Aucun
véritable préparatif ni aucune mesure d’instauration de la confiance n’ont été
entrepris en amont de la réunion, qui a toutefois constitué une étape décisive, bien
qu’elle n’ait abouti à aucun résultat significatif. Le conflit a continué de s’aggraver
et le paysage politique a évolué. Les deux camps ont alors nommé officiellement
des représentants et mené plusieurs cycles de dialogue, pour lesquels Dhungana et
Tuladhar ont joué un rôle de coordination essentiel. Ils ont pu ainsi développer et
assurer une communication constante, qui a fini par aboutir à un processus de paix
officiel et à la signature, en 2006, d’un Accord de paix global.

Tout au long du processus, les facilitateurs se sont constamment adaptés aux


nouveaux besoins, à mesure que le contexte évoluait. Leur rôle, ad hoc et ponctuel,
est toujours resté assez flou. Leurs interventions étaient rarement préparées. Ils
étaient tour à tour facilitateurs, témoins et observateurs. Leur présence a toutefois
été indispensable pour renforcer la confiance entre les parties. Ils veillaient à
maintenir ouvertes les voies de communication entre les protagonistes lorsqu’un
face-à-face était impossible. Leurs efforts ont été extrêmement précieux pour le
processus de paix, même si les problèmes n’ont pas manqué : par exemple, ni l’un ni
l’autre n’ont fait mystère de leurs positions bien arrêtées sur certaines questions. Ils
soutenaient notamment la création d’une Assemblée constituante, ce qui a conduit
certains opposants au projet à mettre en doute leur neutralité et leur indépendance.
Globalement, cela n’a toutefois pas affaibli leur rôle. Au contraire, leur engagement
a fortement contribué à légitimer le dialogue national, d’autant qu’il s’agissait d’une
démarche entreprise par les élites et que la société civile disposait de peu de moyens
pour se faire entendre.

En Pologne, l’Église catholique a joué un rôle similaire et appelé le gouvernement


à entamer des négociations qui ont débouché sur la Table ronde de 1989. Elle a
contribué à définir les conditions préliminaires des négociations et soutenu le
processus jusqu’à son aboutissement. Deux représentants de l’Église catholique
ont également participé aux réunions de haut niveau à la Villa, à Magdalenka, aux côtés
des responsables des parties aux négociations (→ 3.8 Création de structures d’appui).
Ils ont fait office de témoins, mais également de médiateurs à certains moments

77
Manuel de dialogue national

délicats. Malgré leur partialité et leur préférence connue pour les revendications de
Solidarność, leur rôle dans le processus, accepté par les deux camps, a été perçu
comme essentiel.

Au Guatemala, l’Église catholique a joué un rôle très important, avec le soutien du


Vatican. Le haut clergé a occupé des fonctions centrales et engagé une réflexion
œcuménique au Guatemala et à l’étranger. Mgr Quezada Toruño a été conciliateur au
sein de la Commission nationale pour la réconciliation (CNR), puis facilitateur et, plus
tard, coordinateur de l’Assemblée de la société civile (ASC). Cet engagement au sein
de deux parties prenantes de premier plan lui a permis d’appuyer considérablement
le processus. D’autres évêques connus ont assumé des fonctions stratégiques au
sein de l’ASC. Mgr Alvaro Ramazzini était chargé de la question des terres, et Mgr
Julio Cabrera du retour des réfugiés. Des rencontres au Costa Rica, aux États-Unis et
en Norvège ont également rassemblé les parties prenantes au dialogue officiel, dans
le cadre de réflexions œcuméniques sur la paix, apportant au processus un soutien
religieux supplémentaire. Cet engagement de l’Église a renforcé la confiance dans le
dialogue national et favorisé l’inclusion, le sentiment d’appropriation et la légitimité.
En Afrique francophone, la plupart des conférences nationales étaient présidées par
des responsables religieux, lesquels ont joué un rôle important sur le plan social et
politique. Le Mali constitue cependant une exception notable. La Conférence nationale
a été présidée par Amadou Toumani Touré, alors président du Comité de transition
pour le salut du peuple. Touré jouissait en effet d’un grand crédit pour avoir dirigé
le coup d’État militaire contre le régime de Moussa Traoré. En outre, il ne briguait
officiellement aucun mandat présidentiel après la Conférence, ce qui lui a permis de
rester au-dessus de la mêlée politique.

En Afrique du Sud, le Consultative Business Movement (CBM) était un petit


groupe d’entrepreneurs actif de 1988 à 1994, initialement créé en réponse à la
crise économique. Ses membres étaient issus des deux camps et ont appuyé les
négociations en vue d’un arrangement constitutionnel en mettant, par la même
occasion, les intérêts économiques en avant. Ils ont également organisé des
consultations entre les chefs d’entreprise et les représentants des divers acteurs
politiques (notamment l’ANC, alors clandestin, et les membres du gouvernement de
l’apartheid) avant et pendant les négociations. Theuns Eloff, directeur exécutif du
CBM, a également dirigé le secrétariat du processus de paix, dénommé « Services
de secrétariat et de coordination du processus » sous la Convention pour une Afrique
du Sud démocratique (CODESA, 1991-1992) puis « Administration du processus de
négociations multipartites » (1993-1994). Rebaptisé National Business Initiative, le
CBM a œuvré, dans le cadre du processus de paix, à la relance de l’économie sud-
africaine après la fin de l’apartheid. Son important travail d’influence et de médiation
a fait du CBM un acteur de confiance lors des négociations de paix2.

78
Choix d’un délégué principal fiable et crédible

En Tunisie, l’intervention du Quartette du dialogue national a été déterminante pour


la réussite du processus. Il était constitué des quatre groupes ayant répondu à l’appel
au dialogue national lancé par le président Moncif Marzouki à l’été 2013, au plus
fort de la crise politique tunisienne : l’Union générale tunisienne du travail (UGTT),
dirigée par Houcine Abbassi ; l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de
l’artisanat (UTICA), dirigée par Wided Bouchamaoui ; la Ligue tunisienne des droits
de l’homme, dirigée par Abdessattar Ben Moussa ; et l’Ordre national des avocats
de Tunisie (ONAT), dirigé par Chawki Tabib. Leur leadership conjoint a été accepté.
Ensemble, ils ont pu piloter le dialogue national entre le gouvernement du parti
Ennahda et le parti d’opposition Nidaa Tounes.
Composé d’organisations reconnues et respectées, le Quartette a rassemblé
des acteurs sociétaux et politiques de premier plan, avant et après la révolution,
notamment des industriels et des syndicats, ce qui a rassuré la société civile et les
partis d’opposition. Les acteurs avaient leurs propres convictions et intérêts politiques
et n’étaient pas perçus comme neutres.

Ensemble, ils ont cependant pu élargir le champ du dialogue, notamment grâce


à l’alliance conclue entre le syndicat des travailleurs (UGTT) et l’organisation
patronale (UTICA). La présence des syndicats a poussé les partis politiques à
s’engager et donné au processus un ascendant politique, un réseau et un équilibre
interne qui auraient été impossibles à obtenir autrement. L’UGTT, par exemple, se
positionnait nettement en faveur du front progressiste séculier dont beaucoup de
partisans souhaitaient chasser le gouvernement, alors aux mains du parti islamiste
Ennhada. Ce syndicat, le plus important et le plus ancien de Tunisie, a également joué
un rôle politique majeur après le soulèvement de 2011. Il a mis son poids historique
au service du dialogue national et contribué à susciter un engouement populaire en
faveur du processus. De son côté, l’UTICA était le syndicat le plus proche de l’ancien
régime dirigé par le président Ben Ali avant son éviction. Le Quartette est parvenu à
créer un lieu d’échange au sein duquel les chefs de divers partis politiques ont pu
évoquer leurs dissensions, tisser des liens de confiance et élaborer une sortie de
crise.

Le choix de la personne ou de l’institution chargée de présider le dialogue national,


ainsi que les conséquences de ce choix, dépend de plusieurs facteurs politiques – et
liés au pouvoir – spécifiques au contexte. Le tableau ci-dessous donne plusieurs
exemples de présidence et de procédures de sélection.

79
Manuel de dialogue national

Pays Présidence et procédure de sélection

Le roi a nommé plusieurs personnalités chargées de coordonner


les séances du dialogue national, sous la présidence de
Khalifa ben Ahmed Al Dhahrani, le président du Parlement. Sa
nomination a nourri les doutes au sein de l’opposition quant à la
Bahreïn crédibilité du processus, le président du Parlement ne détenant
aucun pouvoir exécutif. Les groupes d’opposition espéraient
que cette fonction reviendrait à l’instigateur des négociations,
le prince héritier Salman ben Hamad Al Khalifa, ce qui leur aurait
permis d’agir concrètement sur les questions décisives, telles
que les réformes constitutionnelles.

Dès le début, il n’a guère fait l’ombre d’un doute que le


président El-Béchir ne cèderait pas la présidence des phases
de préparation et de processus du dialogue national. Cette
question n’a jamais été débattue, alors qu’il s’agissait d’une
revendication majeure de l’opposition. Par ailleurs, seules
des figures nationales indépendantes étaient éligibles à la
présidence des groupes de travail. Or, tous les présidents
de ces groupes ont été sélectionnés par el-Béchir et étaient
Soudan considérés comme proches du chef de l’État ou peu influents
du point de vue politique. Certains groupes ont néanmoins
élaboré de grandes recommandations progressistes, visant
notamment la réduction des pouvoirs présidentiels. Plusieurs
présidents se sont activement mobilisés en vue de soumettre
ces recommandations au vote de l’Assemblée générale finale.
Toutefois, il n’est absolument pas certain que, conformément à
la procédure convenue, cela aura effectivement lieu.

Le président de la Haute Commission de préparation présidait


également la Conférence. Le cadre d’élaboration du mandat
et de préparation était globalement perçu comme étant très
Irak
influencé par l’alliance dirigée par les États-Unis et dominé par
les élites politiques. Par conséquent, le président de la Haute
Commission jouissait d’une faible légitimité aux yeux du public.

Un Bureau du leadership, composé d’un président, de trois


vice-présidents et de deux rapporteurs choisis parmi les
représentants, a été élu par vote à bulletin secret au cours des
Afghanistan deux premières journées de la Loya Jirga constitutionnelle. Tous
les élus étant des hommes, le président a décidé de créer un
quatrième poste de vice-présidente et deux autres postes de
rapporteuse pour les femmes.

80
Choix du nombre de participants

Pays Présidence et procédure de sélection

La structure de la présidence de la Conférence du dialogue


national au Yémen était peut-être la plus complexe. Celle-ci
était composée de neuf personnes, notamment le président
Abd Rabbo Mansour Hadi (président de la Conférence) et un
représentant des partis suivants : parti socialiste yéménite ;
Yémen parti nassériste unioniste ; Mouvement du Sud pacifiste ;
Houthis ; parti Al-Islah. La Conférence était supervisée par Jamal
Benomar, le représentant des Nations Unies.
Fait intéressant, il fut décidé, durant la phase de préparation,
que chacun des neuf groupes de travail élirait lui-même son
président et son rapporteur, chargés de coordonner les séances.

3.3 Choix du nombre de participants


L’envergure du processus et le nombre de participants voulus dépendent de l’objectif
du dialogue national. Si ce dernier veut établir un cadre sécuritaire viable ou apaiser
des violences électorales, seules les parties concernées doivent être invitées, ce
qui représente généralement un groupe relativement modeste. Si l’objectif est
l’établissement d’un nouveau contrat social, il sera nécessaire d’élargir la participation.
On notera toutefois qu’il n’existe pas de taille idéale : les tables rondes en Europe
de l’Est et en Europe centrale comptaient entre 12 et 34 participants seulement ; le
dialogue national au Yémen, 565 participants ; et la Loya Jirga en Afghanistan,
1 600 participants. Le choix du nombre et de l’origine des participants est fonction
des caractéristiques (politiques, culturelles, ethniques, sectaires, etc.) du pays dans
lequel a lieu l’événement. Dans les sociétés entretenant une culture de la prise de
décisions consensuelle et des grandes consultations, le nombre de participants est
généralement élevé.

Le nombre de participants dépend également des thématiques retenues. Dans le cas


d’une thématique unique, seules les quelques personnes directement concernées par
celle-ci peuvent participer au dialogue. Le processus est alors généralement placé
sous le signe de l’efficacité, du pragmatisme et de la rapidité : les réunions peuvent
avoir lieu au dernier moment et les enjeux doivent être immédiatement traités et
résolus. Les critères et mécanismes de sélection tiennent généralement à des facteurs
politiques ou sont liés au pouvoir. Dans le cadre d’une renégociation des relations
entre l’État et le peuple, les mécanismes doivent permettre d’inclure substantiellement
de larges pans de la société. L’envergure du processus n’a d’égale que son efficacité :
quels sont les résultats attendus ? Qui doit participer au dialogue afin que celui-ci
soit crédible ? Jusqu’à quand ? Selon quelles modalités ? Les processus axés sur la
recherche de consensus sont plus efficaces avec des petits groupes. Plus le processus

81
Manuel de dialogue national

est large, plus il importe d’adopter une structure autorisant une participation utile et
efficace (voir ci-dessus).

Il est nécessaire de comparer les solutions, de remédier aux dilemmes et d’engager


une réflexion créative sur la conception du processus global, afin de déterminer le
nombre de participants. Les avantages et les inconvénients des processus selon leur
envergure3 sont brièvement présentés dans le tableau ci-dessous.

Petits processus Grands processus

D’envergure plus Ils peuvent généralement intégrer de larges pans


modeste, ils sont de la société et permettre des échanges utiles entre
souvent plus gérables, les différents groupes partisans. Cela nécessite
avec davantage de toutefois une bonne gestion, notamment le partage de
réunions en plénière, et l’information, la préparation minutieuse des réunions,
des groupes de travail ainsi que la mise en œuvre exhaustive et transparente
limités en taille et en des règles procédurales, afin de garantir une
nombre. Les besoins participation efficace. Le recours à des méthodologies
en ressources et en de conception innovantes peut faciliter le dialogue en
logistique sont donc cas de participation importante.
moins importants.

En revanche, ces Les séances plénières sont moins indiquées pour


processus sont moins les sujets complexes et tendent à être moins
inclusifs et moins fréquentes. Les groupes de travail, parfois nombreux,
susceptibles de doivent également être encadrés. La logistique et
mobiliser la population, le financement exigent de nombreuses ressources.
ce qui peut les faire Le renforcement des capacités peut jouer un rôle
apparaître comme plus important, afin d’impliquer utilement tous les
exclusifs et affaiblir leur participants. Le fonctionnement de ces processus
légitimité. peut s’apparenter à celui d’un grand programme
d’éducation politique. Ceux-ci sont plus susceptibles
d’accueillir les nouveaux venus en politique, au-delà
des acteurs établis, et de favoriser leur participation.

Les questions suivantes peuvent aider à déterminer le nombre de participants :

Quelle est la finalité globale du processus ? (→ 2.3 Négociation et élaboration



du mandat)

Quels acteurs doivent être mobilisés pour faire évoluer les discussions ?
(→ 3.4 Sélection des participants)

82
Sélection des participants

Quels acteurs doivent participer directement ? Quels acteurs doivent participer



indirectement ? (→ 3.4)

Quels sont les autres moyens de participation ? (→ 3.7 Mobilisation du public)

D’un point de vue réaliste, quels résultats peuvent être attendus au vu des

ressources et du financement disponibles ? (→ voir chapitre 5 sur l’appui
extérieur)

Les réponses sont susceptibles de varier selon les positions et les préoccupations
des participants. Des consultations approfondies sur ces questions doivent être
intégrées dans le processus de négociation du mandat, avant ou pendant la phase
de préparation. Des dispositifs doivent être mis en place, afin que les résultats de
ces consultations et des autres forums de participation indirecte soient incorporés
directement dans le processus de dialogue national, sans quoi ces manifestations
n’auront qu’une valeur factice et un impact très limité.

3.4 Sélection des participants


La sélection des participants implique de définir des groupes, ainsi que des critères
et des procédures de sélection. Le processus du dialogue national doit être conçu
de manière à refléter les composantes sociales de la société qui se rapportent
à la ou aux question(s) en jeu. Le choix des participants est essentiel pour
garantir la diversité et le caractère inclusif4 du dialogue national, ce qui soulève
plusieurs questions et dilemmes concernant sa composition. Le choix du mode
de sélection devient alors une entreprise décisive et hautement politique. Si les
parties et les intérêts en jeu sont trop nombreux, il sera plus difficile de s’entendre.
La représentation d’une large gamme d’acteurs reste cependant une condition
préalable à l’accroissement du soutien populaire, à la légitimité et, à terme, à la
pérennité de l’accord. Ces facteurs influent clairement sur la pratique du dialogue :
les processus modestes sont généralement moins inclusifs, mais plus faciles à
gérer que les événements d’envergure, pour lesquels il est nécessaire de concevoir
et coordonner avec soin des mécanismes de partage de l’information, de prise de
décision consensuelle et de participation simple5.

Le choix de l’une ou l’autre approche dépend de la finalité globale du processus.


« Si les interlocuteurs sont deux chefs d’État qui représentent légitimement leur
peuple, il peut être préférable de s’en tenir à ce type de processus, certes exclusif,
mais plus efficace et démocratique qu’un dialogue très inclusif avec des centaines de
participants n’ayant aucun pouvoir de décision ni aucune base de soutien solide. »
(MSP, 2008, 14) Aucune des deux approches n’est cependant autosuffisante. Comme le
font observer Anderson et al. ( 2003, 55) « l’inclusion des masses ne suffit pas sans la
mobilisation des grands acteurs, et l’inclusion des grands acteurs ne suffit pas sans la

83
Manuel de dialogue national

« Pour réaliser son potentiel de mobilisation des masses ». On peut surmonter


transformation, le processus ce dilemme en faisant notamment preuve de
de dialogue national doit créativité. Plusieurs mécanismes permettent
impérativement inclure les de favoriser l’inclusion des différents groupes
groupes touchés par les questions de parties prenantes (→ figure 3.3, p. 85).
traitées ; être "détenu" par les Le modèle de processus de paix qui se veut
parties prenantes principales ; « suffisamment inclusif » propose de comparer
être légitime aux yeux des entre elles des valeurs essentielles, de manière
partisans et de la société en à clarifier, voire surmonter, certains dilemmes
général ; et s’inscrire dans un pressants relatifs à l’inclusion, et à maintenir
processus qui contribue à résorber le bon fonctionnement des mécanismes
les déséquilibres de pouvoir décisionnels. Cette méthodologie convient tout
et permette une mobilisation particulièrement à la conception du dialogue
collective, en vue d’obtenir les national. Comme le soulignent Dudouet et
résultats convenus mutuellement. » Lundström (2016), il faut s’attarder sur les
Barnes (2017, 9) aspects suivants :

Inclusion progressive : les parties trouvent des arrangements politiques



en deux temps. Un accord de cessez-le-feu ou un accord-cadre est d’abord
négocié entre les principaux belligérants, en se limitant aux priorités urgentes
et aux mesures d’instauration de la confiance (p. ex., arrêt des violences,
déploiement de contrôleurs internationaux, création d’un cadre pour les futures
négociations politiques). Ces accords peuvent être suivis de processus plus
inclusifs, notamment le dialogue national, pour discuter en détail des réformes
structurelles et des mécanismes de consolidation de la paix (p. ex., dans les
domaines politique, sécuritaire, socio-économique, de la justice transitionnelle
et des droits de l’homme).

Inclusion simultanée de plusieurs thématiques : les participants sont



choisis en fonction des grands enjeux thématiques. Cette méthode permet de
régler simultanément – et non successivement – plusieurs questions, par le
biais de cellules de négociation parallèles (groupes de travail). Chaque cellule
se voit confier une thématique et rassemble les acteurs les plus directement
concernés et les mieux informés.

Forums de consultation parallèles reliés aux négociations principales :



cette méthode est l’une des plus courantes et permet d’élargir la participation
durant les processus de paix et les transitions politiques. Elle consiste à mettre
en place des circuits parallèles extérieurs (forums de consultation, enquêtes
publiques, pétitions citoyennes) susceptibles d’influencer la prise de décisions.
Ces manifestations peuvent avoir lieu en même temps que le dialogue national.
Selon les recherches, notamment celles de l’Initiative inclusive pour la paix et
la transition6, il est utile et nécessaire d’instaurer également des mécanismes
contraignants, afin de garantir l’adoption des résultats obtenus au cours du
processus officiel.

84
Sélection des participants

Mécanismes informels de sortie des impasses au sein des domaines



formels inclusifs : dans les organes décisionnels inclusifs, en particulier
le dialogue national, la mise en place de mécanismes informels de sortie des
impasses peut s’avérer utile en cas de rupture des négociations. Le processus
formel risque toutefois de perdre rapidement en légitimité si ces mécanismes
sont perçus comme un moyen de contourner les structures officielles.

Quatre modèles d’inclusion

Progressive Thématique Parallèle Informelle


Amélioration Inclusion Forums de Mécanismes
graduelle simultanée consultation dotés de sortie des
de l’inclusion de plusieurs de mécanismes impasses au sein
domaines contraignants des domaines
intégrés formels inclusifs

Figure 3.3 : Quatre modèles d’inclusion (inspiré de Dudouet et Lundström, 2016)

Étapes et considérations
La procédure de sélection est souvent complexe et comporte plusieurs étapes, comme
ce fut le cas en Afghanistan, au Yémen et, dans une moindre mesure, au Liban (voir
ci-dessous). D’autres scénarios existent cependant. Au Soudan, par exemple, le
président a simplement invité publiquement tous les partis politiques à participer au
dialogue national. Au départ, le processus était donc composé presque exclusivement
de partis proches du régime – avec quelques exceptions notables, bien que la majorité
des figures de l’opposition se soient retirées peu après. En Afrique du Sud, tous les
partis politiques, quelle que soit leur envergure, étaient autorisés à participer et à
choisir leurs représentants. En revanche, les modalités de participation des chefs
traditionnels étaient plus controversées. Ceux-ci ont finalement été autorisés à
participer, mais pas sur le même plan que les partis politiques.

Ainsi, les participants peuvent être sélectionnés selon différentes modalités :


nomination directe par le chef de l’État ou l’organe de préparation ; sélection au
sein de plusieurs groupes partisans définis ; invitation à participer avec le statut
d’observateur. Le pays peut également privilégier une approche mixte et combiner
différentes procédures, comme au Yémen. Le choix de la procédure de sélection se
déroule aussi souvent en plusieurs étapes : (1) repérage des circonscriptions devant

85
Manuel de dialogue national

être incluses, définition des critères de


Les critères et les mécanismes de participation et, éventuellement, des
sélection doivent être cohérents, quotas ; (2) détermination du nombre de
équitables et transparents (c’est-à- sièges octroyés ; et (3) sélection proprement
dire communiqués clairement) afin dite des participants, par le biais d’un
d’être perçus comme légitimes. scrutin ou en laissant les parties choisir
leurs représentants7.

En cas d’élection directe des participants au processus, le scrutin peut être subdivisé à
l’échelle locale (communauté, caucus), régionale et nationale. Le cas échéant, il peut
être nécessaire d’établir des processus de vérification et de former le public en amont,
comme en Afghanistan. L’organe de préparation joue souvent un rôle central dans le
déroulement des élections. Le degré et la nature de l’incidence des quotas dépendent
du contexte. Au Yémen, leur introduction a permis d’améliorer le précédent système
de sélection, perçu comme inéquitable, et d’intégrer un mécanisme favorisant
une représentation plus juste. La Jordanie n’est pas parvenue à instaurer ce type
de système, qui lui aurait permis d’élargir la représentation et, potentiellement, le
sentiment d’appropriation.

La figure 3.4 ci-dessous résume les étapes de la procédure de sélection nécessaires


pour garantir une participation adéquate et une représentation juste :

I. II. III. IV. V.

DÉTERMINER DÉFINIR DÉFINIR RÉPARTITION DÉFINIR


L’ENVERGURE LES GROUPES LES SOUS- DES SIÈGES LA PROCÉDURE
DU PROCESSUS PARTISANS CATÉGORIES DE SÉLECTION

Qui doit participer 


Principales Critères 
Refléter Élection
en vue d’obtenir parties au Quotas l’équilibre des Auto-nomination
le changement conflit forces au sein Nomination
requis ? Acteurs de la société
Mécanismes de politiques Nombre égal
prévention/gestion principaux de sièges
des crises ou de 
Groupes
changement sociétaux
fondamental importants

Figure 3.4 : Grandes étapes de la sélection des participants

La composition du dialogue national doit être un microcosme de la couche sociétale à


laquelle il revient de traiter la question abordée. On veillera à inclure systématiquement
les principales parties prenantes suivantes : (1) les « points d’entrée » permettant
d’accéder à la population générale ou à d’autres groupes de parties prenantes
principales ; (2) les acteurs capables d’influencer l’opinion ou le changement ; et

86
Sélection des participants

(3) les acteurs indispensables à la pérennité d’un accord quelconque. En outre, le


dialogue national inclut généralement tout ou partie des acteurs suivants :

Groupes sociétaux importants


organisations de la société civile, syndicats
universitaires, enseignants, étudiants, jeunes
chefs communautaires, traditionnels et religieux,
personnes éminentes
grand public, minorités
industriels et chefs d’entreprise

Acteurs politiques principaux


partis politiques
groupes d’opposition
anciennes élites politiques

Principales parties au conflit


gouvernement
armée
groupes armés

Figure 3.5 : Participants au dialogue national

D’autres critères de sélection, souvent associés au système de quotas, incluent


généralement tout ou partie des aspects suivants :

affiliation régionale sexe


ethnicité handicap
âge statut économique et social

Les acteurs non étatiques armés et violents comptant parmi les principales parties
prenantes au conflit doivent être impliqués dans le dialogue national.

Les groupes armés non étatiques peuvent être définis comme des acteurs
« intervenant principalement à l’intérieur des frontières nationales et cherchant
à perturber ou réformer l’équilibre et les structures du pouvoir politique et
économique par la violence, afin de venger ce qu’ils considèrent comme des
injustices passées et/ou de défendre ou de contrôler des ressources, un territoire
ou des institutions, au bénéfice d’un groupe ethnique ou social particulier ».
Ricigliano (2005, 98)

87
Manuel de dialogue national

Il est probable que ces acteurs et leurs représentants soient inclus dans tout
processus de négociation et dans les arrangements politiques en découlant. Les
arguments éthiques et pragmatiques en faveur de leur participation à la médiation
et au dialogue national sont nombreux. (Dudouet, 2010) :


Les interventions militaires (« pouvoir de contraindre ») contre les insurrections
armées se sont avérées inadaptées à la création d’une paix durable ;


Beaucoup de ces acteurs sont à même de négocier ou de mettre en œuvre des
accords, et de faire échouer ceux dont ils sont exclus ;


Toute occasion d’apaiser la violence doit être saisie : même si les tentatives de
dialogue n’aboutissent à aucun accord, elles peuvent permettre d’améliorer la
situation humanitaire et de sauver des vies ;


Les groupes armés non étatiques peuvent représenter des groupes partisans
marginalisés et aspirer légitimement à la démocratie ;


Les moyens de mobilisation pacifiques ont tendance à renforcer les éléments
modérés et favorables au dialogue au sein d’un groupe, tandis que leur absence,
qui élimine toute solution non violente viable, contribue à renforcer la position
des radicaux ;


Le dialogue avec les groupes armés non étatiques permet de mieux comprendre
leurs motifs et leurs intérêts, et peut renforcer leurs capacités à prendre part à
des pourparlers de paix ;


Ces acteurs sont souvent des partis politiques en devenir qui pourraient enrichir
le débat démocratique par la suite.

Les chefs d’un groupe armé non étatique ayant des motifs politiques seront
certainement peu enclins à négocier ou à déposer volontairement les armes, à moins
que les revendications qui les ont justement poussés à prendre les armes soient
satisfaites et qu’ils puissent envisager une participation à la gouvernance une fois
le conflit terminé. L’inclusion des parties au conflit dans les accords politiques
d’après-guerre est le principal facteur empêchant la reprise des violences (Dudouet,
Giessmann et Planta, 2012).

Détermination du nombre de sièges


Le fait de déterminer le nombre de sièges permet de réguler l’influence relative
des diverses parties au sein du processus. Il est essentiel de garantir une juste
représentation. Cela ne signifie pas que toutes les parties doivent bénéficier du
même nombre de sièges, mais plutôt qu’elles soient représentées d’une manière

88
Sélection des participants

qui reflète leur statut au sein de la société. Au Bahreïn, par exemple, le plus grand
parti d’opposition au Parlement a reçu le même nombre de sièges que tous les autres
partis d’opposition, ce qui a entraîné un profond désaccord. Au Liban, le nombre de
participants a progressivement augmenté et la question de la composition du dialogue
national a continué de faire débat.

Au Bahreïn, 300 représentants des sociétés politiques, groupes de la société civile,


syndicats, associations professionnelles et commerciales, médias, membres du
Conseil de la Choura (la chambre haute du Parlement), chefs de conseils municipaux,
représentants d’entreprises et figures publiques du pays ont participé au dialogue
national.

Chaque groupe d’opposition invité à participer au dialogue national s’est vu attribuer


seulement cinq sièges, quelle que soit son envergure ou son influence. Ce fut le
cas du parti Al-Wefaq, qui avait pourtant remporté 45 % des suffrages aux élections
législatives de 2010.

Par ailleurs, seuls 35 des 300 sièges ont été attribués aux groupes d’opposition, ce
qui a conduit certains à dénoncer une forte sous-représentation de l’opposition.

En outre, plusieurs groupes d’opposition, qui figuraient pourtant parmi les principaux
instigateurs des manifestations, mais qui n’étaient pas reconnus légalement par le
gouvernement, n’ont pas été invités à se joindre au dialogue national.

Au Liban, les séances de dialogue national ont été convoquées par le président après
consultation des principaux partis.

Les premières séances de dialogue national lancées par le président Sleiman entre
2008 et 2009 comptaient 16 représentants politiques. Après les élections de 2009,
ce nombre a légèrement augmenté pour s’établir à 20. La composition de la table
est déterminée selon plusieurs critères spécifiques : les partis politiques détenant
plus de quatre sièges au parlement sont autorisés à participer, de même que les
représentants (anciens et en poste) des trois « présidents » du pays (le président,
le Premier ministre et le président du Parlement). Les deux grandes coalitions,
l’Alliance du 8-mars et l’Alliance du 14-mars, sont identiquement représentées, avec
chacune sept sièges, complétés par cinq sièges occupés par des indépendants, et le
président. Les sectes chrétiennes, sunnites, chiites et druzes les plus importantes
sont également représentées.

En principe, chaque parti est représenté par un candidat sélectionné par ses pairs.
Les participants sont tous des hommes politiques, à l’exception d’un universitaire.
Aucune femme ne participe aux négociations.

89
Manuel de dialogue national

Modèles de conception pour la procédure de sélection


Plusieurs pays ont mis au point leur propre mécanisme de sélection des participants.
Les exemples de l’Afghanistan, du Yémen, de la Jordanie et de la Tunisie sont présentés
ci-dessous.

Procédure de sélection de la Loya Jirga constitutionnelle


en Afghanistan

Décret présidentiel
15 juillet 2003
La Loya Jirga constitutionnelle sera composée de 500 membres, dont 450 seront élus et 50 seront
nommés par le président. Ces derniers compteront 25 femmes et 25 experts juridiques et
constitutionnels.
Décret présidentiel du 24 avril 1382, articles 2 et 6.

Procédure
électorale
Processus 33 membres ont été invités
des élections en tant qu’observateurs,
générales 344 membres seront élus par vote à bulletin sans droit de vote ni de
secret par les 15 000 représentants des parole :
districts choisis par leurs districts durant – les membres du gouver-
Étape III : élections la préparation de la Loya Jirga d’urgence nement provisoire
de Jawza 1381 (mai 2002). – le président de la Cour
suprême
– le président et les
42 membres, dont 15 % de femmes, seront membres de la Commis-
Étape II : vérification
élus par des représentants des réfugiés sion constitutionnelle
et enregistrement
du Pakistan et de l’Iran, des personnes – les présidents de la
déplacées, des Kuchis, des Hindous et Commission judiciaire
des Sikhs. et de la Commission
afghane des droits de
Étape I : sensibilisation l’homme
et formation du public 64 femmes seront élues par des représen-
tantes des 32 provinces. Les hauts fonctionnaires
du gouvernement, les
responsables de l’armée
et les représentants des
forces de police n’étaient
pas autorisés à participer.

Les représentants de la Loya Jirga d’urgence ont été élus par un scrutin à deux tours
identique à celui de la Loya Jirga constitutionnelle, mais avec un électorat plus large
englobant toute la population (environ 1 500 représentants originaires de tout
l’Afghanistan ont participé à la Loya Jirga d’urgence, dont plus de 1 000 élus).

90
Sélection des participants

En dépit des retards imputables au manque de base de données numériques sur


les représentants des districts, à la détérioration de la situation sécuritaire et aux
signalements de fraude électorale dans certaines zones, le processus a été largement
considéré comme transparent. Dans la plupart des régions, les résultats reflétaient
plutôt bien l’équilibre des forces8. Globalement, la Loya Jirga constitutionnelle a été
jugée suffisamment représentative9.

Procédure de sélection spécifique à la Conférence


du dialogue national au Yémen

MÉCANISME DE MISE EN COMITÉ TECHNIQUE POUR


ŒUVRE DU CONSEIL DE LA PRÉPARATION DE LA CONFÉRENCE PRÉSIDENT
COOPÉRATION DU GOLFE DU DIALOGUE NATIONAL

nomme définit

La Conférence du Critères de participation :


dialogue national
devra inclure des âge (18-40 ans pour les jeunes)
représentants des
jeunes, du Mouvement sexe
du Sud, des Houthis,
des autres partis apolitisme
nomme
politiques, de la société (difficile à définir → l’ONU a dû intervenir
civile et des femmes. pour résoudre cette question)
Ces dernières doivent
être représentées Quotas : femmes (30 %) ; jeunes (20 %) ;
au sein de tous les partisans du Sud* (50 %) (*originaires
groupes participants. des gouvernorats du Yémen du Sud avant
la réunification de 1990).

263 représentants de partis 120 représentants « indépendants » 62 représentants


politiques et 120 représentants (femmes, jeunes et société civile) ont été nommés
de mouvements (p. ex., Ansar ont été choisis par le Comité par le président
Allah et Al-Hirak) ont nommé technique sur la base d’un appel sans critères précis.
leurs propres délégués, à candidatures. Les participants Leur nombre et
conformément aux quotas devaient satisfaire aux critères leurs origines ont
énoncés dans le mandat de prédéfinis. été définis par le
la Conférence du dialogue Comité technique.
national.

565 DÉLÉGUÉS

91
Manuel de dialogue national

Au Yémen, la sélection des participants à la Conférence du dialogue national a été


largement inclusive, bien que certains groupes se soient sentis sous-représentés,
notamment Al-Hirak et le mouvement Ansar Allah. Ce dernier s’est vu attribuer
30 sièges en dépit de sa forte présence sur le terrain. Al-Hirak a également été sous-
représenté malgré ses 85 délégués, ceux-ci appartenant majoritairement à une
branche du mouvement moins importante et moins influente. La représentation
insuffisante d’Al-Hirak et un sentiment de négligence à l’égard des revendications du
Sud (notamment la non-mise en œuvre des mesures d’instauration de la confiance
figurant sur la liste des 20 + 11 critères) ont sérieusement entamé la légitimité de la
conférence dans cette partie du pays.

Les femmes et les jeunes ont joué un rôle central durant la conférence, laquelle a
fortement marqué la société yéménite. L’introduction de quotas de représentation
des jeunes (20 %) et des femmes (30 %) au sein du gouvernement et des institutions,
ainsi que dans les comités de suivi de la conférence, compte parmi les principaux
résultats de la conférence. Le plus difficile a été de définir concrètement les acteurs
« indépendants » parmi les jeunes, les femmes et la société civile, certains remettant
en cause leur degré d’indépendance. Le Comité technique n’est pas parvenu à
résoudre cette question et les Nations Unies ont fini par intervenir. Ces acteurs ont été
progressivement marginalisés au cours du processus, notamment durant la phase de
mise en œuvre.

Procédure de sélection spécifique au dialogue national


en Jordanie
sélectionne

Groupes participants :
Président Jordaniens
Jordaniens d’origine
palestinienne 52 personnes
Participants originaires 4 femmes
d’Amman
Gouvernement définit
Participants originaires
de gouvernorats isolés
Chrétiens
Musulmans

Problèmes de procédure : Exclus : Boycott :


aucun quota, critères jeunes, Mouvement Front de
de participation vagues, des jeunes Al-Hirak, l’action
pas de représentation figures politiques et islamique
proportionnelle militantes de premier
plan, syndicats

92
Sélection des participants

En Jordanie, la procédure de sélection a été dirigée d’un bout à l’autre par le


Premier ministre Maarouf Bakhit et par le gouvernement. Au total, 52 personnes de
milieux divers ont participé au dialogue national. Cependant, aucune d’entre elles
n’était perçue comme représentant
le peuple, d’autant que le Premier « Certains membres ont été consultés,
ministre et le gouvernement avaient mais d’autres ont simplement été
défini les groupes participants, puis sélectionnés en raison de leur
sélectionné les représentants. Ils expérience de modérateurs. »
ont non seulement déterminé les Taher Adwan, ministre d’État des Affaires médiatiques et
organisations et groupes participants, de la Communication, et porte-parole du gouvernement
mais également nommé leurs
représentants respectifs.


Le processus était totalement opaque, notamment les critères de participation
ou d’identification des groupes participants.


Les différents groupes politiques n’étaient pas représentés de façon
proportionnelle : le Front de l’action islamique, le plus grand parti politique
d’opposition de Jordanie, s’est ainsi vu attribuer le même nombre de sièges que
d’autres partis moins importants.


Aucun système de quotas n’a été mis en place pour garantir la représentation
équitable des femmes, des jeunes et des minorités. Les organisations de
femmes ont dénoncé une sous-représentation, les 52 participants ne comptant
que 4 femmes. Les jeunes, qui représentent environ 75 % de la population
jordanienne, ont été complètement laissés de côté.


Les militants politiques ont accusé la Conférence d’exclure les membres des
mouvements populaires, ainsi que des figures et militants politiques de premier
plan, tels que Laith Shbailat et Toujan Al-Faisal, deux figures réputées de
l’opposition.


Bien que la Conférence ait initialement visé à satisfaire les revendications
des manifestants, les membres des mouvements populaires ayant pris part
aux manifestations dans divers gouvernorats ont été totalement exclus des
négociations.

Bien que le processus ait été conçu et mis en place par le gouvernement, et que des
sous-comités aient fini par mener des consultations dans les gouvernorats, le dialogue
national n’a pas réussi à obtenir une vaste légitimité et a continué d’être perçu comme
un processus largement aux mains des élites.

93
Manuel de dialogue national

Procédure de sélection spécifique au dialogue national


en Tunisie
Chaque parti
politique siégeant à
l’Assemblée constituante
nationale a été autorisé
à déléguer deux représentants.
Congrès
Assemblée
pour la Dialogue national
constituante
République,
mouvement
Wafa

Le Congrès pour la République, le


parti de l’ancien régime, ainsi qu’un
autre parti ont refusé de participer
au dialogue national, s’excluant
de la phase de transition.

En Tunisie, le dialogue national était ouvert à l’ensemble des partis politiques


siégeant à l’Assemblée constituante nationale, chaque parti pouvant envoyer deux
représentants. Ainsi, la troïka (alors dirigée par les islamistes), l’opposition séculière
et la société civile (le Quartette) ont toutes participé au dialogue. En revanche, les
partis non représentés à l’Assemblée constituante nationale (la Tunisie compte plus
d’une centaine de partis) n’y ont pas été conviés, et certains, tels que le Congrès pour
la République et le mouvement Wafa, ont refusé de participer. La plupart des partis
représentatifs se sont toutefois ralliés au processus. Ce dernier a été largement perçu
comme représentatif du fait de la présence des principales forces élues à la table des
négociations.

Principales considérations relatives au choix des participants


L’expérience montre que la légitimité du dialogue national dépend du processus
de sélection et du choix des participants chargés de représenter les intérêts d’un
échantillon de la société. Cette tâche peut être délicate, la responsabilité et la
représentation étant très difficilement mesurables dans le contexte du dialogue
national.

 et obstacle courant peut être surmonté grâce à des consultations publiques


C
(→ 3.7 Mobilisation du public). La sélection des participants ne se conformant
pas à des procédures démocratiques formelles, il n’est pas toujours possible
de cerner immédiatement les groupes qu’ils représentent et les moyens de les
mobiliser. Une solution est de créer des forums, afin que les participants puissent
échanger avec le public et relayer ses préoccupations au cours des négociations.

94
Sélection des participants

Ces forums peuvent prendre la forme de dialogues régionaux parallèles, parfaits


pour inclure de larges pans de la société.


La participation au dialogue de parlementaires, de responsables de syndicats,
ou de personnes bénéficiant d’une légitimité traditionnelle, telles que les
chefs religieux ou tribaux, simplifie la responsabilité et la représentation. Les
associations professionnelles jouissent également d’un très grand crédit, car
elles possèdent généralement des lignes de communication et d’autorisation
claires, ainsi que des mécanismes de redevabilité. L’inclusion des représentants
de ces associations, s’ils sont acceptés par une grande partie de la population,
permet d’ancrer le processus dans l’ensemble de la société. En Tunisie, par
exemple, le Quartette a amené avec lui des liens sociétaux historiques qui ont
profité au processus tout entier.


L’intérêt croissant porté à l’inclusion des femmes, des jeunes et des minorités
dans les processus de transition a contribué à augmenter le nombre de
représentants issus de ces groupes. Même s’ils réussissent à défendre les
préoccupations de leurs pairs durant les réunions internes des partis, ils risquent
finalement d’être sévèrement encadrés par les lignes des partis. Le cas échéant,
il est notamment possible d’inclure les représentants d’organisations de la
société civile spécialisées dans ces questions. Dans les sociétés traditionnelles,
qui considèrent la femme comme inférieure à l’homme, la nomination de
femmes – promue et instiguée par la communauté internationale – doit être
soigneusement mesurée. S’il est important de s’opposer à certaines normes
archaïques, il faut néanmoins se garder de toute prescription ou imposition, qui
vouerait à l’échec les résultats espérés.

Les procédures de sélection ayant tendance à favoriser les groupes déjà dominants,
les mesures préventives suivantes doivent être appliquées :

Transparence : le principe de transparence s’applique aussi bien à



l’identification des groupes participants et des critères de sélection qu’à la
procédure de sélection elle-même. Les citoyens veulent être informés des
méthodes de sélection des participants, des raisons de leur sélection, et savoir
que leurs candidats ont de bonnes chances d’être élus. Le fait de trier les candidats
sur le volet, comme en Jordanie, donne immédiatement une impression de
partialité. L’approche mixte adoptée par le Yémen, où le président a pourtant
directement nommé les représentants sans critères précis, a fait contrepoids en
introduisant d’autres moyens de progression généralement acceptés. On notera
qu’au Yémen, l’identification des groupes participants n’a guère fait débat,
signe du soutien tacite au choix qui a été fait. En revanche, l’attribution d’un
certain nombre de sièges à chaque groupe a suscité davantage de critiques et
exigé une communication et une préparation transparentes. Globalement, la
procédure de sélection a dû être établie par le biais de mécanismes et de choix
très accessibles.

95
Manuel de dialogue national

Représentation juste : l’attribution des sièges doit se fonder sur une évaluation

honnête de l’influence de chaque parti. Les pays qui accordent le même nombre
de sièges à tous les partis d’opposition créent une symétrie artificielle au sein
du dialogue national, oblitérant les réalités du terrain. Au Bahreïn, chaque
groupe d’opposition invité à participer au dialogue national s’est vu attribuer
cinq sièges, quelles que soient son envergure et son influence. Ce fut le cas du
parti Al-Wefaq, qui avait pourtant remporté 45 % des suffrages aux élections
législatives de 201010 et a fini par se retirer. D’autres groupes sociétaux, tels que
les femmes et les jeunes, qui jouent un rôle central dans la société, doivent
être justement représentés. Le système de quotas créé à cette fin par le Yémen
a eu un effet positif durable. En revanche, la Jordanie n’a trouvé aucun moyen
d’inclure convenablement les femmes et les jeunes, décrédibilisant l’ensemble
du processus.

Inclusion d’acteurs inhabituels : il peut être nécessaire d’inclure des acteurs



plus indépendants et désintéressés afin de traiter les causes profondes du
conflit, sans pour autant menacer les acteurs principaux. Les figures locales
influentes, qui soutiennent le processus de changement mais ne sont pas
contraintes par un cadre partisan, peuvent contribuer à rétablir l’équilibre
au sein d’un environnement divisé, et jouer à ce titre un rôle extrêmement
précieux. En outre, nombreux sont les processus socialement mandatés par
l’intermédiaire de mouvements sociaux ; ces derniers, qui ne figurent pas au
nombre des partis officiels et ne sont donc pas reconnus légalement par le
gouvernement, sont souvent complètement ignorés en dépit de leur rôle central
dans l’instigation du dialogue national. Cette situation a été observée dans le
cadre de processus très différents, au Bahreïn ou en Colombie, par exemple. En
Jordanie, la participation de militants reconnus aurait contribué à légitimer le
processus.

Planification d’un temps suffisant : l’élaboration de la procédure de sélection



et l’obtention de l’adhésion constituent un travail de longue haleine. En Irak,
les conseils de province chargés de la procédure électorale ont dû, en seulement
trois ou quatre jours, informer le public, recevoir et traiter les candidatures,
et sélectionner les représentants. Par conséquent, une grande partie de la
population dans les régions n’a pas été informée du processus de sélection au
niveau des provinces – certains n’avaient même jamais entendu parler de la
Conférence11.

Partage de l’information auprès de tous les acteurs : un processus de



sélection digne de ce nom doit communiquer des informations pertinentes
(→ 3.7 Mobilisation du public). En Irak, cela a contribué à fausser la procédure
électorale. Comme indiqué précédemment, le délai accordé pour diffuser les
informations était minime, et les personnes moins organisées et déconnectées
de l’appareil politique provincial étaient moins susceptibles d’être représentées.

96
Sélection des participants

Les partis politiques en lien avec les organes de transition (Conseil de


gouvernement irakien) et de préparation (Haute Commission de préparation)
ont eu moins de difficultés à proposer des candidats que les acteurs de la
société civile, qui n’avaient pas été informés. Il est donc essentiel de diffuser
des informations adéquates sur le dialogue national, auprès de toutes les
couches de la société concernées, afin que toutes aient les mêmes chances d’être
représentées dans le respect de la diversité.

Élargissement de la participation influente : la portée symbolique d’une



participation diversifiée, où les communautés marginalisées, les femmes et les
jeunes, sont autorisés à s’exprimer et à s’investir sur la scène politique officielle,
quels que soient les résultats concrets obtenus, ne doit pas être négligée.
Une situation d’« exclusion interne » peut toutefois surgir si ces groupes sont
autorisés à participer sans pour autant être en mesure d’influencer le processus.
Cela risque de créer un sentiment de frustration et d’insatisfaction, voire,
à terme, un comportement destructeur. C’est pourquoi ces groupes doivent
participer activement – et non comme observateurs – au dialogue national et
peser sur la prise de décisions. D’autres défis doivent être analysés au cours
de la phase de préparation : quels sont les obstacles structurels (p. ex., la
langue), institutionnels (p. ex., les capacités et les connaissances), culturels ou
techniques risquant de priver les représentants d’une participation équitable ?
La préparation, l’appui, et l’accompagnement par des experts permettent de
remédier à ces difficultés. Cependant, ces dernières doivent être évaluées et
traitées avec soin. En effet, seuls des mécanismes d’autonomisation efficaces
peuvent garantir une participation véritablement influente.

Rôle des acteurs extérieurs dans la diversification des participants :



les acteurs extérieurs peuvent contribuer à diversifier sensiblement la
représentation. Certes, ils ne peuvent redresser le processus en cas de défaillance.
Cependant, leur intervention, comme celle de l’Initiative du CCG au Yémen,
peut favoriser de manière significative l’inclusion des femmes et des jeunes. En
Irak, les Nations Unies ont augmenté le nombre total de participants, afin que
les minorités et les autres groupes sous-représentés soient mieux inclus. Mais
elles sont intervenues trop tard et n’ont pu modifier l’impression générale vis-à-
vis de la procédure de sélection. Ce type d’intervention est souvent délicat : les
acteurs extérieurs peuvent contribuer à améliorer la participation des franges
de la société, mais lui faire aussi du tort si leur vision de l’inclusion diffère des
normes locales.

Problèmes liés aux groupes armés non étatiques12 : l’apport de garanties peut

grandement faciliter l’inclusion des acteurs armés non étatiques, tandis que leur
absence peut contribuer de fait à les exclure, comme ce fut le cas au Soudan.
En Colombie, les pourparlers de paix menés séparément, mais en parallèle du
dialogue national, ont accordé à chaque groupe armé un siège à la table des

97
Manuel de dialogue national

négociations avec le gouvernement. En outre, il est important de procéder à une


analyse des groupes armés non étatiques, afin d’appréhender les éventuelles
difficultés spécifiques liées à leur participation au dialogue national. Les facteurs
d’ordre général pouvant faciliter ou, au contraire, pénaliser le dialogue et
la (re)conversion politique des groupes armés non étatiques sont : la cohésion
et le leadership internes ; la structure ; les motivations et les priorités politiques ;
la capacité et l’expérience politiques ; le contrôle territorial ; la légitimité
sociale ; et l’utilisation de la violence faite par le groupe (Dudouet, Planta et
Giessmann, 2016). Une autre difficulté réside dans le dilemme opposant la
justice et la paix. D’un côté, le fait d’ignorer l’obligation de poursuivre les
auteurs de violations des droits de l’homme au cours du processus de paix
risque d’enraciner l’impunité et d’empêcher la responsabilité à l’avenir. D’un
autre côté, tous les acteurs concernés doivent participer au processus de
paix, afin de bâtir une paix durable. C’est pourquoi le fait d’insister sur la
responsabilité – notamment en cas de poursuites contre les chefs des groupes
armés non étatiques – risque d’entraver les fragiles processus de paix et
d’entraîner la reprise des violences (Davis, 2014). La justice transitionnelle
peut aider à résoudre ce problème de plusieurs manières, par exemple, en
compensant les amnisties conditionnelles pour certains crimes par des
mécanismes de recherche de la vérité et des mesures de réparation pour les
victimes (notamment des indemnités financières ou un accompagnement
médical et psychologique). Elle peut aussi prendre des dispositions de
vérification et de lustration, qui reconnaissent la responsabilité de toutes les
parties au conflit dans les crimes et les abus commis antérieurement. Le cas
échéant, les contributeurs internationaux doivent veiller à ce que les auteurs
des crimes, étatiques et non étatiques, ne fassent l’objet d’aucun traitement
préférentiel, afin de ne pas cibler ou ostraciser l’un des camps.

3.5 Définition des règles et principes directeurs


Le dialogue national est souvent utilement guidé par des principes généraux essentiels
ou liés au processus, lesquels fournissent une orientation globale et une assise pour
le dialogue.

Au Yémen, l’intitulé officiel de la Conférence du dialogue national décrivait


celle-ci comme « exhaustive » et ajoutait : « Nous bâtissons l’avenir par le
dialogue ». Le Bahreïn se concentrait sur la résolution des clivages internes
plutôt que sur le changement fondamental, et avait adopté comme slogan
officiel : « Notre Bahreïn. Notre unité ».

98
Définition des règles et principes directeurs

Outre les principes directeurs généraux, de nombreux processus mettent au point, en


amont du dialogue, des directives détaillées, un code de conduite ou des procédures
que les parties doivent respecter. Ces outils sont généralement conçus par l’organe
de préparation, parfois avec l’aide
d’intervenants extérieurs. Il arrive
que l’une des premières réunions
du dialogue national soit dédiée L’équité des procédures est
au choix de ces outils en séance indispensable à la légitimité du
plénière. Ces règles fournissent une processus : les règles procédurales
orientation procédurale et appuient la doivent être claires et permettre
mobilisation en faveur d’une approche le contrôle du processus et la
axée sur le dialogue. Elles permettent participation effective.
également au facilitateur de signifier
aux participants son autorité sur la
procédure du dialogue. Les règles procédurales varient sensiblement en termes de
priorité et de précision, mais incluent généralement les aspects suivants :

Adhésion à un mode de communication et d’engagement ouvert et


respectueux ;

Engagement de chercher un terrain d’entente en vue de résoudre le conflit ;


Adhésion à une prise de décisions fondée sur le consensus et clarification
des modalités décisionnelles ;

Clarification des rôles des différents organes ;


Clarification de la stratégie de sensibilisation du public et de la stratégie
médiatique ;

Les règles procédurales engagent les participants à dialoguer dans le respect. En cas
de non-conformité, elles peuvent être invoquées par les facilitateurs afin d’éviter les
conflits à chaque étape et de mener le processus comme prévu, à condition qu’elles
soient claires et acceptées par toutes les parties. Dans le cas contraire, elles risquent
de susciter des conflits.

99
Manuel de dialogue national

Bahreïn. Un ensemble de procédures et de principes directeurs a été préparé en


amont du dialogue national. Il a été demandé à tous les participants de s’y conformer.
Les principes comprenaient notamment l’ouverture, la transparence, l’engagement
de trouver un terrain d’entente, ainsi que la volonté de tirer des leçons du passé et
de se concentrer sur l’avenir. Quant aux procédures, il fallait présenter les règles de
discussion, respecter le point de vue des autres participants, exprimer clairement et
de manière concise ses opinions personnelles, aborder les questions spécifiques et
non les personnes éventuellement concernées par celles-ci, s’abstenir de tout préjugé
vis-à-vis des autres participants et contribuer à obtenir un consensus. Les règles de
base ne se sont pas véritablement concrétisées et n’ont que partiellement réussi à
maintenir le processus sur la bonne voie, alors que l’évolution rapide des événements
dans les villes et la région a dépassé le lent processus de dialogue.

Modalités du processus de dialogue national et de réconciliation au Kenya

« 1) Les séances du processus de dialogue national et de réconciliation au Kenya, ainsi


que celles des éventuels comités et équipes spéciales créés par le président ou le
coprésident de la séance et les parties, se tiendront à huis clos, c’est-à-dire sans la
présence du public et des médias (presse ou télévision).

2) Personne n’est autorisé à prendre la parole sans accord préalable du président ou


du coprésident de la séance, lesquels inviteront les participants à s’exprimer selon
l’ordre des demandes de prise de parole. Le Secrétariat sera chargé de dresser une
liste de ces personnes. Le président ou le coprésident de la séance pourra rappeler
les participants à l’ordre si leurs propos ne correspondent pas au thème examiné.

3) Aucun propos blessant, dégradant ou provocant ne sera toléré.

4) Au cours des réunions, un participant pourra soulever une motion d’ordre, auquel
cas le président ou le coprésident de la séance réagira promptement. Dans son
intervention, le participant ne sera pas nécessairement obligé de s’en tenir à la
question examinée.

5) À la demande de l’une ou l’autre des parties, le président ou le coprésident de la


séance peut reporter celle-ci aux fins de consultation.

6) N’importe quel participant peut demander la clôture des discussions une fois que la
question examinée a été suffisamment débattue. Si le président ou le coprésident
estime qu’un sujet a été épuisé, par manque d’intervenants ou d’idées nouvelles,
il doit résumer et clore la discussion.

100
Définition des règles et principes directeurs

7) De son propre chef, ou à la demande d’une partie au processus de dialogue


national et de réconciliation, le président ou le coprésident de la séance tiendra
des consultations informelles, collectives ou séparées, avec les parties ou les
chefs de délégation. Le président ou le coprésident de la séance peut également,
en accord avec les parties, déléguer la charge de mener ces consultations à un
représentant. »

Modalités du processus de dialogue national et de réconciliation au Kenya (2008)

« Mali. La Conférence nationale a été mise en place, assujettie à un règlement intérieur


élaboré sous l’autorité du Comité de transition pour le salut du peuple et adopté en
plénière par l’ensemble des délégués dès la deuxième journée d’ouverture de la
Conférence nationale. À cet effet, les participants ont été invités au respect de ces
règles pour la bonne tenue de la rencontre. En particulier, les articles ci-dessous nous
donnent plus de précisions quant à la procédure :

Article 1 : La Conférence nationale est une assemblée souveraine convoquée par le


Comité de transition pour le salut du peuple, conformément à l’Acte fondamental du
31 mars 1991, en vue d’examiner l’état de la nation, d’élaborer un projet de constitution
et d’adopter un code électoral et une charte des partis politiques.

Article 19 : Avant le commencement des travaux, le bureau provisoire procède à la


vérification des mandats qui se fait par délégation, nommément ou par simple contrôle
des présences. Le retrait volontaire d’une délégation de la Conférence nationale ne
peut en aucune façon entraver la poursuite normale des travaux.

Article 27 : Les décisions de la Conférence nationale sont prises à la majorité simple


des participants présents.

Article 34 : Le règlement intérieur de la Conférence nationale entre en vigueur dès son


adoption. Toute situation non prévue par le présent règlement intérieur sera réglée
par la Conférence. »

Sy, Dajouo et Traoré (2016, 16)

101
Manuel de dialogue national

Les efforts actuellement déployés par le Mali pour redynamiser la Conférence


d’entente nationale s’appuient sur un nouvel ensemble de principes reflétant les
retours d’expérience. Le pays s’engage notamment à mobiliser largement la société
jusqu’au niveau communautaire, à assurer le suivi de la mise en œuvre et à appeler
les partenaires internationaux à donner la priorité aux aspirations des Maliens. Les
principes sont les suivants :

« 1. Partir de la réflexion collective des diverses communautés sur les causes, (origines)
de la crise, les questions qu’elle pose et les réponses possibles, en mettant en
exergue les valeurs à promouvoir pour en sortir.

2. Lancer un débat public sur les modalités actuelles de gouvernance des affaires
publiques et les réformes politiques, institutionnelles et économiques qui
s’imposent.

3. Systématiser la participation de l’ensemble de la société malienne au débat public


en tenant compte de sa diversité, tant au plan de l'occupation du territoire qu'au
plan socioculturel.

4. Évaluer le capital de connaissances actuelles et de savoir-faire des communautés


en matière de régulation sociale, institutionnelle et politique, et leur emploi pour
la paix, la réconciliation nationale et le développement.

5. Mobiliser dans un processus participatif et inclusif les contributions matérielles,


intellectuelles, voire financières, de toutes les forces vives de la nation que sont les
acteurs politiques – associations, universitaires, femmes, jeunes et diaspora.

6. Assurer l’ancrage politique et institutionnel du processus par une largeanimation


sociale et médiatique.

7. Mettre en place un dispositif institutionnel de suivi des recommandations. Un tel


dispositif devra évaluer de façon périodique l’évolution de la mise en œuvre des
recommandations.

8. Mobiliser l’ensemble des partenaires internationaux intervenant au Mali, afin


de les amener à adhérer au processus, à travers un accompagnement qui tienne
compte des aspirations des Maliens. »

Sy, Dajouo et Traoré (2016, 33)

102
Définition des règles et principes directeurs

CODESA I - Déclaration d’intention, 21 décembre 1991

« Nous, les représentants dûment autorisés des partis politiques, des organisations
politiques, des administrations et du gouvernement sud-africain, rassemblés à
l’occasion de cette première séance de la Convention pour une Afrique du Sud
démocratique, conscients de l’immense responsabilité qui nous est confiée
à ce moment de l’histoire de notre pays, nous engageons solennellement à :

1. faire de l’Afrique du Sud une nation unie partageant une citoyenneté, une loyauté et
un patriotisme communs, et aspirant, au sein de sa diversité, à la liberté, l’égalité
et la sécurité de tous, quels que soient leur race, leur couleur, leur sexe ou leur
religion ; un pays libéré de l’apartheid ou de toute autre forme de discrimination
ou de domination ;

2. nous efforcer de guérir les divisions du passé, de veiller au progrès de tous, et de


créer une société libre et tolérante, fondée sur des valeurs démocratiques, où la
dignité, la valeur et les droits de tous les Sud-Africains sont protégés par la loi ;

3. nous efforcer d’améliorer la qualité de vie de notre peuple par le biais de politiques
promouvant la croissance économique et le développement humain et garantissant
à tous les Sud-Africains l’égalité des chances et la justice sociale ;

4. c réer un climat propice à un changement constitutionnel pacifique en éliminant la


violence, l’intimidation et la déstabilisation, et en promouvant une participation,
une discussion et un débat politiques libres ;

5. entreprendre le processus d’élaboration et d’adoption d’une constitution qui


garantisse, entre autres, les points suivants :

(a) l’Afrique du Sud est un État uni, démocratique, exempt de ségrégation raciale et de
discrimination sexiste dans lequel l’autorité souveraine est exercée sur l’ensemble du
territoire ;

(b) la Constitution est la loi suprême dont le système judiciaire indépendant, impartial et
exempt de ségrégation raciale est le garant ;

(c) l’Afrique du Sud est une démocratie multipartite dans laquelle les citoyens ont le droit
de créer des partis politiques et d’y adhérer ; des élections se tiendront régulièrement sur
la base du suffrage universel des adultes et de listes électorales communes ; le système
électoral de base sera généralement celui de la représentation proportionnelle ;

(d) il existe une séparation des pouvoirs entre les fonctions législative, exécutive et
juridictionnelle ainsi que des mécanismes adaptés d’équilibre des pouvoirs ;

103
Manuel de dialogue national

(e) la diversité linguistique, culturelle et religieuse du peuple sud-africain est reconnue ;

(f) tous les citoyens jouiront des droits de l’homme, des libertés fondamentales et
des libertés civiles universellement acceptés, notamment la liberté de religion,
d’expression et de réunion ; ceux-ci seront protégés par une Déclaration des droits
inaliénable et justiciable et par un système juridique garantissant l’égalité de tous
devant la loi.

NOUS CONVENONS

1. 
que les participants actuels et futurs seront autorisés à soumettre librement à la
Convention toute proposition conforme au principe démocratique ;

2. que la CODESA mettra en place un mécanisme chargé, en coopération avec les


administrations et le gouvernement sud-africain, de rédiger tous les textes de loi
requis pour rendre effectifs les accords conclus au titre de la CODESA.

Nous, les représentants des partis politiques, des organisations politiques et des
administrations, nous engageons solennellement à être liés par les accords de la
CODESA et, en toute bonne foi, à entreprendre tout ce qui est en notre pouvoir et
autorité pour faire advenir la mise en œuvre de la Convention.[...]

Nous, le gouvernement de l’Afrique du Sud, nous déclarons liés par les accords
cosignés avec les autres participants à la CODESA, en conformité avec les règles
établies, et par la présente, nous engageons à mettre en œuvre la Convention dans la
mesure des capacités, des pouvoirs et de l’autorité qui nous sont conférés. »

CODESA I - Déclaration d’intention (1991)

3.6 
Élaboration des modalités de prise de décisions
et de recherche de consensus

Le dialogue national se caractérise par une prise de décisions généralement


consensuelle et souvent complétée par des mécanismes pratiques de sortie des
impasses (→ 3.8 Création de structures d’appui). Les règles de prise de décisions
transparentes sont une autre qualité importante du dialogue national. Les grandes
décisions politiques faisant l’objet d’âpres négociations sont néanmoins prises à huis
clos, souvent par un vote à la majorité ou par un consensus entre les élites. Le recours au
consensus a cependant le mérite de favoriser la participation démocratique. Pratiquée
dans les règles, cette méthode améliore la légitimité du dialogue et l’engagement de
fond d’acteurs très divers vis-à-vis du processus et de ses résultats. Le tableau en page
suivante présente les caractéristiques, les faiblesses et les forces principales de la

104
Élaboration des modalités de prise de décision et de recherche de consensus

prise de décision par consensus et par vote. Par ailleurs, la méthode du consensus se
décline en plusieurs versions, comme l’explique le schéma p. 106. Il est judicieux de
convenir d’une voie de sortie en cas d’échec du consensus.

CONSENSUS VOTE


Chaque partie doit approuver la décision. Les décisions sont adoptées à la majorité.
L’approbation par la seule majorité est 
Le vote à la majorité est souvent considéré
insuffisante. Le dialogue se poursuit tant comme un processus d’affrontement
que le consensus n’est pas atteint. (gagnant/perdant) plutôt que de

Les parties au dialogue collaborent coopération.
en vue de parvenir à un accord qui 
Modes de prise de décisions par vote :
satisfasse tous les participants. – Majorité simple (50 % ou plus de
Caractéristiques


Les participants se réunissent pour l’ensemble des suffrages)
partager des informations, échanger – Majorité absolue (50 % ou plus des
leurs points de vue et discuter les suffrages des participants)
questions de politique, en vue de – Majorité qualifiée (min. 2/3, 3/4, etc.,
formuler une décision commune de l’ensemble des suffrages ou des
acceptable par tous. suffrages des participants)

Le degré d’accord peut varier en fonction – Actions spécifiques/droits de veto
du type de consensus recherché. spéciaux (pour certains groupes

Le consensus peut être actif, passif, tels que les minorités)
général, à la majorité qualifiée ou
suffisant.

Inclusion et appropriation fortes 


Au besoin, la prise de décisions est plus
Respect du point de vue des minorités rapide.

L a responsabilité quant à la réussite ou 
Les décisions politiques importantes sont
à l’échec de la prise de décisions est moins susceptibles d’être bloquées par
partagée entre tous les membres du des éléments perturbateurs.
Forces

dialogue. 
Le processus de prise de décisions est

L a prise de décisions par consensus plus facile à gérer.
catalyse l’engagement de tous les
participants vis-à-vis des décisions et
facilite la mise en œuvre efficace de
celles-ci.


L’obtention d’un consensus, notamment 
L a dynamique d’affrontement du vote
pour les décisions politiques majeures, risque d’affaiblir le dialogue et la créativité
Faiblesses

est souvent plus chronophage que le de la prise de décisions.


vote. 
L a notion de perdant/gagnant propre au

L a prise de décisions peut se retrouver vote risque de freiner la mise en œuvre et
dans l’impasse, en fonction du mode de de perturber le dialogue national.
consensus adopté.

105
Manuel de dialogue national

CONSENSUS

CONSENSUS ACTIF CONSENSUS PASSIF


Les participants au dialogue national Les participants peuvent s’abstenir.
doivent exprimer formellement leur Les personnes en désaccord peuvent
accord. exprimer leurs vues et celles-ci peuvent
L’abstention d’un ou de plusieurs être consignées. Toutefois, la décision
participants annule le consensus et est considérée comme acquise, à moins
oblige à poursuivre les négociations. qu’un ou plusieurs participants s’y
opposent activement.

CONSENSUS GÉNÉRAL
Le consensus général suppose que l’ensemble des participants acceptent la décision.

en cas d’impasse :

SORTIE D’IMPASSE
Le consensus général reste la méthode la plus indiquée pour prendre une décision.
Le consensus suffisant ou à la majorité qualifiée peut être invoqué en cas d’impasse,
lorsque les participants ne parviennent pas à s’entendre.
Il leur permet de trouver un accord au lieu de laisser le processus s’enliser et
d’accumuler les occasions manquées. Toutefois, les participants doivent s’engager
à maintenir le dialogue.

CONSENSUS SUFFISANT MAJORITÉ QUALIFIÉE


Le consensus suffisant nécessite Le consensus à la majorité qualifiée
l’accord des principales parties nécessite uniquement l’accord d’un
prenantes (divisées par le conflit). certain nombre de participants.
Cependant, un consensus n’est pas Le quota est défini dans les règles
considéré comme suffisant si la procédurales.
décision est approuvée UNIQUEMENT
par les parties prenantes principales, et
rejetée par la majorité des deux camps.

Inspiré d’un schéma conçu par le Programme d’appui à la préparation de la Conférence


du dialogue national au Yémen, 2013.

106
Élaboration des modalités de prise de décision et de recherche de consensus

En Afrique du Sud, 26 formations politiques ont participé au dialogue sur la base d’une
« égalité formelle, quelle que soit le nombre estimé de leurs partisans » (Odendaal,
2014, 69). La règle du consensus
a été introduite, afin d’empêcher
les parties d’opposer leur veto Arbitrage
et de bloquer les négociations. Le litige est porté devant un tiers, lequel
Le Comité de planification était met fin au désaccord en prenant une
appelé à la rescousse en cas décision contraignante.
d’impasse. Il a introduit le principe
de « consensus suffisant », c’est- Solutions :
à-dire entre les deux principaux  Création d’un « Conseil des Anciens »,
belligérants, le Congrès national qui peut tenter d’adopter une décision
africain et le Parti national. Si ces par consensus ou, en cas d’impasse,
par vote à la majorité absolue.
derniers étaient libres d’user de
 Organisation d’un référendum pour
leur pouvoir pour influencer leurs
débloquer une question particulière.
partisans et obtenir le soutien
nécessaire, cela a néanmoins porté
atteinte au principe de consensus
et a manifestement contribué à isoler les partis minoritaires. La prise de décisions par
consensus est une entreprise souvent fastidieuse et à l’issue incertaine. La plupart
du temps, les processus de dialogue recourent à une approche en plusieurs étapes
intégrant des mécanismes de sortie, utilisés en cas d’impasse ou de difficulté dans la
prise de décisions (Bahreïn, Yémen). Ces mécanismes font généralement appel à la
médiation ou l’arbitrage et sont dotés d’un organe intervenant expressément lorsque
aucun consensus ne peut être obtenu (→ 3.8 Création de structures d’appui).

Procédure à texte unique


La procédure à texte unique facilite la recherche de consensus. En effet,
le processus de négociation des questions thématiques peut s’avérer
complexe. Du reste, les accords ont tendance à refléter le plus petit
dénominateur commun, ce qui fait naître un sentiment de frustration
chez toutes les parties. La procédure à texte unique vise à remédier à ces
problèmes. Les parties se voient remettre un seul texte, sur lequel elles
peuvent travailler ensemble, afin de produire un document conjoint reflétant
les intérêts et les besoins de tous les acteurs concernés. Cette procédure est
généralement coordonnée par un facilitateur extérieur, comme ce fut le cas
au Liban (Common Space Initiative) ou au Sri Lanka (One-Text Initiative). Le
facilitateur commence généralement par rédiger une première mouture en
tenant compte des besoins et des préoccupations de toutes les parties. Ces
dernières peuvent ensuite la commenter et la modifier. Cette procédure se
répète jusqu’à ce que le temps imparti soit écoulé ou que le facilitateur estime
qu’aucune amélioration significative n’est plus possible. Aucune partie n’est
tenue de s’engager à respecter le document tant que ce dernier n’est pas

107
Manuel de dialogue national

achevé ou ne correspond pas à ses attentes. Cette méthode innovante de


recherche de consensus permet de mettre en contexte certaines questions et
positions à première vue non négociables, de comprendre les besoins et les
préoccupations des autres camps, de collaborer sur des sujets concrets, et
de tisser des relations et des liens de confiance.

Exemples de conception de processus

Au Bahreïn, les décisions du dialogue national étaient prises par consensus.


Il existait cependant plusieurs niveaux d’accord, de manière à pouvoir gérer les
éventuelles oppositions et éviter la rupture des négociations en l’absence de consensus
général.

COMPATIBILITÉ TOTALE

Aucune objection : tous les participants ont appuyé


ou tout du moins accepté une proposition.

LARGE SOUTIEN AVEC QUELQUES EXCEPTIONS

Quelques objections : certaines parties n’approuvent pas


la décision, sans pour autant la bloquer.
Leurs réserves sont reconnues par un comité
ou consignées dans une déclaration.

DIVERGENCES NON RÉSOLUES

COMITÉ Élaborer une Expliquer pourquoi Trouver un autre


DE RÉVISION solution jugée les parties ne compromis
acceptable par peuvent accepter répondant à
toutes les parties seulement
certaines
revendications
des parties

108
Élaboration des modalités de prise de décision et de recherche de consensus

Au Liban, la prise de décisions s’inscrivant dans le cadre du dialogue national


repose en grande partie sur le consensus, les décisions devant obtenir l’assentiment
de tous les participants. Cette procédure diffère de celle du gouvernement, où les
décisions, également prises par consensus, requièrent l’approbation des deux tiers
des membres du gouvernement présents (article 65, paragraphe 5 de la Constitution
du Liban). Le consensus tel qu’appliqué au dialogue national veut que le président
sonde, avec toute l’attention requise, la volonté des grands partis de prendre part à
la séance de dialogue et leur disponibilité. Il importe avant tout que les grands partis
politiques de tous bords et de toutes confessions parviennent à trouver ensemble un
accord acceptable pour tous. L’équilibre entre les positions de l’Alliance du 14-Mars
pro-saoudienne et de l’Alliance du 8-Mars pro-iranienne s’est avéré crucial du point
de vue politique, et les facteurs nationaux et régionaux ont eu la même importance.
Du point de vue religieux, les participants se sont efforcés d’équilibrer les intérêts des
chrétiens, des sunnites, des chiites, des Druzes, ainsi que ceux, plus nuancés, d’autres
groupes confessionnels. L’expérience du Liban quant au principe de consensus reste
en demi-teinte : d’un côté, celle-ci a apporté aux décisions d’envergure nationale
le soutien des dirigeants des différents bords politiques. D’un autre côté, peu de
décisions ont été prises et le dialogue est resté dans l’impasse en raison de ce même
principe de consensus, lequel profite davantage aux bénéficiaires du statu quo.

ALLIANCE ALLIANCE

Origine
nationale

Origine
religieuse
Origine Toutes les
religieuse parties doivent
s’entendre sur
la question.
Affiliation
régionale
Affiliation
régionale

109
Manuel de dialogue national

Dans le cadre de la Conférence du dialogue national au Yémen, la prise de décisions


reposait majoritairement sur le consensus, c’est-à-dire que 90 % des suffrages étaient
nécessaires pour valider les décisions, faute de quoi ces dernières étaient transmises
au Comité de consensus (→ Comité de consensus, p. 133). Le Comité était chargé de
retravailler les décisions, puis de les renvoyer aux groupes de travail afin de débloquer
l’impasse. Les décisions étaient alors de nouveau soumises au vote, cette fois à une
majorité de 75 %. En cas de nouvel échec, elles étaient soumises au président pour
délibération et une décision finale était prise en consultation avec les autres membres
de la présidence de la conférence.

Consensus ou Décision approuvée


majorité à 90 %

Moins de 90 % COMITÉ DE CONSENSUS :


des suffrages Responsables des groupes
de travail
Ajustements PRÉSIDIUM DE LA CDN
12 membres nommés
GROUPES DE TRAVAIL du Comité technique
Consensus ou
majorité à 75 %
Décision approuvée

Moins de 75 %
des suffrages Président
Membres du Présidium

Décision approuvée

Dans le cadre de la Loya Jirga constitutionnelle en Afghanistan, la prise de


décisions reposait sur une structure soigneusement étudiée en plusieurs étapes.
Toutes les questions non résolues par le Comité de réconciliation étaient soumises au
vote de l’Assemblée générale. Les questions décisives ont été présentées à l’Assemblée
générale, bien que le Comité ait statué sur la plupart des amendements proposés. La
procédure a bien failli échouer au moment d’aborder la question identitaire, laquelle
a nécessité les efforts concertés du Secrétariat, du Bureau et des représentants
eux-mêmes, ainsi que l’appui et la pression de la MANUA et de la communauté
internationale.

110
Élaboration des modalités de prise de décision et de recherche de consensus

ÉTAPE 1 ÉTAPE 2 ÉTAPE 3

GROUPES COMITÉ ASSEMBLÉE GÉNÉRALE


DE TRAVAIL DE RÉCONCILIATION
(10) Mandat : délibérations et
Mandat : concilier les discussions générales
examens et les modifications en cas de désaccord des
des groupes de travail groupes de travail ou de
la Commission
Composition : président,
adjoints et secrétariat Composition : ensemble
de chaque groupe de travail ; des représentants, des
responsables élus de la LJC ; observateurs et des médias
observateurs de la MANUA
et de la Commission
constitutionnelle
(38 membres)

15 - 25 26 - 28 décembre : Crise autour des questions


décembre : Aux fins de discussion, le Comité identitaires (langue et hymne
Chaque groupe de réconciliation a élaboré une nationaux, p. ex.). Tentatives
de travail a dé- grille indiquant les articles de résolution selon les Règles
libéré sur les devant être modifiés ou non et procédures :
160 articles de par le Comité de réconciliation : 1. L e président a demandé
la Constitution 133 articles ont été conservés aux représentants de faire
et proposé des tels quels ; 22 ont fait l’objet de nouvelles propositions
modifications de discussions ; et 15 ont été lorsqu’elles recueillaient
au Comité de renvoyés devant l’Assemblée au moins 150 signatures.
réconciliation. générale, faute d’accord. 2. Élections

Les deux tentatives ont


mené à une impasse chez
les participants.

Toute l’infrastructure – Secrétariat, Bureau et représentants – s’est mobilisée pour déblo-


quer la situation, avec l’aide, et sous la forte pression, de la communauté internationale.

La Constitution a été adoptée par


consensus le 4 janvier 2004.

Principales considérations relatives à la prise de décisions

La prise de décisions consensuelle occupe une place centrale dans le dialogue
national. Elle remplit une importante fonction empirique, contribue à améliorer
la confiance et les relations, et favorise la collaboration politique. Cela ne

111
Manuel de dialogue national

doit pourtant pas faire oublier que, la plupart du temps, les décisions restent
confinées dans les frontières identitaires, comme ce fut notamment le cas au
Liban.

La plupart des processus intègrent des mécanismes de sortie des impasses
afin d’éviter, en l’absence de consensus, la rupture des négociations. Il peut
s’agir d’un comité ou d’une institution chargé(e) de résoudre les litiges et/ou
d’organiser un nouveau scrutin. Les négociations à huis clos entre les acteurs
principaux sont également une procédure classique quoiqu’à double tranchant :
elles peuvent faire progresser sensiblement le dialogue, mais risquent aussi de
le faire passer pour élitiste et exclusif, et de le discréditer.

Le recours au consensus peut faciliter la conception de programmes conjoints


et élargis, qui ne se limitent pas aux parties prenantes principales et tiennent
compte de l’opinion des formations ou clans politiques plus modestes. Ceci
permet d’inclure d’autres problématiques susceptibles d’attirer l’attention des
acteurs principaux. Le consensus peut néanmoins avoir un effet inverse. Au
Liban, par exemple, l’absence de consensus a profité aux forces mieux établies,
l’inaction ne pouvant que maintenir le statu quo.

La conception des mécanismes de sortie des impasses n’est pas sans importance.
Le Yémen et le Bahreïn avaient opté pour un comité chargé de régler les questions
non résolues en plénière. Le Yémen avait même créé une procédure à double
niveau. En cas de controverse, les décisions étaient prises en dernier lieu par
le président, une démarche qui a discrédité certains choix et créé des tensions,
notamment vers la fin du processus, du fait de la non-résolution de questions
stratégiques liées à la division des régions.


Les grandes questions liées à l’identité profonde des différents groupes
partisans (reconnaissance de la langue, défense de la culture, etc.) ne doivent
pas se régler par vote. En effet, la majorité l’emporte généralement sur les
ethnies minoritaires qui revendiquent depuis longtemps la reconnaissance de
leur identité. Ce fut notamment le cas en Afghanistan, où les grandes questions
identitaires ont failli avoir raison du processus au moment du vote en plénière.

3.7 Mobilisation du public


Les participants aux négociations ne représentent qu’une petite part de la société,
même si la procédure de sélection a été soigneusement conçue en tenant compte
des pluralités sociales. Afin que le processus puisse être porté par l’ensemble de la
société, le public doit être sensibilisé et consulté. La possibilité de suivre le processus
et de faire des propositions aux différentes étapes renforce le soutien et l’adhésion
de la population, ce qui est particulièrement décisif durant la mise en œuvre.
La tenue de consultations populaires est d’autant plus essentielle que le dialogue vise

112
Mobilisation du public

un changement fondamental. Lors Méthodes de mobilisation du public :


des consultations publiques,
des mécanismes doivent Campagnes médiatiques
impérativement être mis en Campagnes publiques
place pour assurer la diffusion Appel à propositions
de l’information et la prise en Référendums et sondages d’opinion

compte en bonne et due forme Réunions au siège régional ou dans

des propositions des citoyens. des circonscriptions spécifiques
Accompagnement des dialogues

régionaux et communautaires
Il est plus facile pour les partici-
pants aux négociations d’expliquer
les étapes suivies et les accords
conclus si le public est mobilisé. En outre, le fait de rechercher le consentement de la
population par voie de référendum quant aux résultats les plus décisifs (amendement
constitutionnel, etc.) peut rassurer les citoyens et renforcer la légitimité du processus.
Cette démarche peut également ouvrir un espace de négociation pour les parties,
car il devient plus facile d’informer les partisans et le public qu’ils ne seront pas
contraints d’accepter un arrangement inadmissible. Toutefois, le soutien du public
ne peut être considéré comme acquis, qu’il s’agisse d’une consultation publique ou
d’un référendum. Les citoyens peuvent se méfier des compromis acceptés durant le
dialogue national, ce qui risque de prolonger le processus et de réduire le nombre
de solutions recevables. Il est essentiel de parvenir à relier le processus central et la
population, afin de garantir la responsabilité. Plusieurs solutions existent à cette fin
(voir figure 3.6 ci-dessous).

Échelle envoi de DIALOGUE Campagne


nationale représen- NATIONAL médiatique
tants
Renforcement des capacités

Échelle réunions, auditions


réunions, auditions
régionale publiques ou dialo-
publiques ou dialo-
(district, gues régionaux
gues régionaux
gouvernorat)

réunions, réunions, réunions, réunions,


auditions auditions auditions auditions
Échelle publiques publiques publiques publiques
communautaire ou dialogues ou dialogues ou dialogues ou dialogues
régionaux régionaux régionaux régionaux

Figure 3.6 : Mesures de mobilisation du public à différentes échelles

113
Manuel de dialogue national

Les consultations publiques peuvent s’échelonner d’un bout à l’autre du processus


(Afrique du Sud), avoir lieu en amont (Colombie), durant le processus (Jordanie) ou
après (Mali). Il est également possible de créer une phase de processus (République
centrafricaine) ou une institution de la société civile (Guatemala) spécialement
chargée d’intégrer les consultations dans la structure globale du dialogue. Les
consultations publiques peuvent être menées par diverses institutions, et leur finalité
varie selon l’étape du processus à laquelle elles interviennent.

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS PHASE DE MISE


EN ŒUVRE

Organe de préparation Organe dédié, souvent Organes de mise en


(ou gouvernement) rattaché au Secrétariat œuvre ou gouvernement

Information, Adoption et
Consultation
sensibilisation et mise en œuvre
et information
formation du public des résultats

Auditions publiques, Consultations


 Référendums
visites de terrain publiques Consultations

Campagnes dans
 Dialogue à
 régionales (Mali)
les médias et sur l’échelle régionale
les réseaux sociaux et communautaire
Renforcement des

capacités, notamment
la formation des jour-
nalistes

Si les consultations publiques ont notamment pour but de susciter l’engouement


et de donner de l’élan au processus, les attentes doivent être gérées avec beaucoup
de prudence au cours des trois phases.

Figure 3.7 : Mobilisation du public suivant les différentes phases du dialogue national

114
Mobilisation du public

Exemples de mécanismes de consultation publique

En Colombie, une commission de préparation a été créée à la mi-septembre 1990,


en vue de l’Assemblée constituante nationale. En décembre 1990, près de
1 500 auditions publiques s’étaient tenues dans toutes les régions du pays, afin de
recueillir des commentaires et des propositions et d’engager un dialogue avec le
public sur le programme présenté. Plus de 150 000 demandes ont été consignées,
analysées et résumées par 900 experts représentant toutes les affiliations idéologiques
de la société colombienne. Ces rapports ont ensuite servi de base aux discussions de
l’Assemblée. Bien que les auditions aient rencontré un grand succès et que toutes les
catégories politiques et sociales de la société colombienne aient été représentées,
certains analystes ont souligné la domination relative des élites intellectuelles et la
marginalisation des citoyens ordinaires dans le débat.

Auditions
publiques
Rapport
COMMISSION
DE PRÉPARATION
ASSEMBLÉE
Programme CONSTITUANTE
provisoire NATIONALE
Synthèse
d’experts

115
Manuel de dialogue national

En Jordanie, le Comité du dialogue national comportait deux niveaux fonctionnels


interreliés : une Assemblée générale de 52 membres et des groupes de travail
spécialisés. Conformément au mandat du Comité, l’Assemblée générale a créé trois
groupes de travail chargés respectivement de rédiger une législation électorale, une
législation sur les partis politiques, et de formuler des recommandations générales sur
la législation politique. L’Assemblée générale se réunissait toutes les deux semaines
pour examiner les propositions des trois groupes de travail. La version finale a été
arrêtée par appel nominal ouvert durant la dernière séance de l’Assemblée générale.
Au cours de la deuxième réunion du Comité, trois sous-comités ont été chargés de
communiquer avec différents groupes sociétaux. Ils se sont rendus dans tous les
gouvernorats du royaume pour rencontrer la population, entendre ses opinions et lui
présenter les projets de loi relatifs aux élections et aux partis politiques. Les avis et
les idées recueillis dans les gouvernorats ont ensuite été communiqués à l’Assemblée
générale du Comité du dialogue national.

3 sous-comités
chargés de mener
les consultations
publiques

Consultations
Comité du publiques dans
dialogue national tous les gouvernorats
de Jordanie

116
Mobilisation du public

Le Mali a adopté une nouvelle constitution par référendum public juste après la
Conférence nationale de 1991. Des consultations régionales se sont tenues en 1994
pour engager un dialogue local sur les changements débattus lors de la Conférence.
Il semble qu’aucun mécanisme n’ait été mis en place pour prendre en compte les
résultats de ces consultations. Ces manifestations ont surtout voulu transposer
localement les défis rencontrés au niveau central. Les résultats ont été mitigés : certes,
la Conférence nationale a bel et bien réglé les préoccupations nationales liées à la
démocratisation, cependant, elle n’a pas su prendre en compte les défis immédiats
auxquels sont confrontés les citoyens ordinaires.

« Lors des consultations régionales (à Mopti), les organisateurs avaient fait
venir des représentants de services techniques, des chefs de villages, factions,
arrondissements, ainsi que des délégués des “cercles” pour engager un dialogue
régional. Les organisateurs avaient, lors de la consultation, lu des textes législatifs,
la Constitution et le Code électoral, évoqué la démocratie, le multipartisme,
etc. Toutefois, les thèmes débattus n’intéressaient pas les paysans, dont les
préoccupations n’étaient pas d’ordre politique. Ainsi, les participants (surtout les
paysans), qui ne maîtrisaient pas suffisamment les thèmes de la consultation, n’ont
pas pu participer pleinement aux débats et leurs aspirations n’ont pas été prises en
compte. Les organisateurs avaient pour consigne de laisser les populations locales
choisir les thèmes du débat et s’exprimer dans les langues locales. De son côté,
l’administration devait les accompagner et les conseiller. Mais cela n’a pas été le
cas. Les exactions des agents des eaux et forêts, de la gendarmerie (p. ex., lors
du recouvrement des impôts) avaient été dénoncées par la population, mais les
consultations n’ont pas pu donner de suites favorables à leurs revendications. Par
conséquent, dans les villages, rien n’a changé depuis 1990. Au contraire, d’autres
problèmes ont surgi, tels que les conflits de compétences entre les communes et
les préfets ou sous-préfets. »

Enseignant à la retraite, cité dans Sy, Dajouo et Traoré (2016, 24)

117
Manuel de dialogue national

La Conférence pour la réconciliation nationale en République centrafricaine


s’est déroulée en trois étapes. Les consultations publiques constituaient la deuxième
étape et faisaient partie intégrante de la structure du processus. La République
centrafricaine a entrepris une vaste campagne de consultations populaires de janvier à
mars 2015, au lendemain du Forum de Brazzaville – dont la médiation avait été confiée
au président de la République du Congo, Denis Sassou-Nguesso – et de la signature
d’un accord de cessation des hostilités en juillet 2014. Cette campagne s’est achevée
avec la tenue du Forum national de Bangui, censé rassembler les Centrafricains de
toutes les régions et de tous les milieux dans un double objectif. Le premier était de
mettre durablement fin à l’instabilité politique chronique qui rongeait le pays depuis
des années. Le second était d’étudier et de définir un nouveau contrat social entre
toutes les couches de la société centrafricaine, grâce à des solutions consensuelles,
globales et durables.

PHASE 1 PHASE 2 PHASE 3

21 - 23 juil-
let 2014
Janvier -
Forum de 4 - 11 mai 2015
mars 2015
réconciliation Forum national
Consultations
nationale inter- de Bangui
populaires
centrafricain
à Brazzaville Accord
de cessa- 4 rapports
tion des théma-
hostilités tiques

Thématiques :
Paix et sécurité
Justice et réconciliation
Bonne gouvernance
Développement socio-économique

Constitution Formation Consultations Réunions Rapports


de 28 équipes (3 ateliers) publiques finaux
de 3-15 facilitateurs

Auprès de Au sein de la RCA


la population
centrafricaine
dans le pays
et à l'étranger

118
Mobilisation du public

Les consultations populaires ont eu lieu de janvier à mars 2015, une fois la sécurité
revenue. Elles visaient à cerner clairement les opinions et les revendications de la
population quant aux thématiques centrales (voir sections thématiques). Leurs
conclusions ont servi à préparer le Forum national de Bangui, qui constituait la
troisième et dernière étape du processus. Les consultations ont été menées dans tout
le pays, dans les États voisins où vivaient des réfugiés centrafricains (Cameroun,
République démocratique du Congo, République du Congo, Tchad) et en France.
Vingt-huit équipes de 3 à 15 facilitateurs ont été formées au cours de trois ateliers
puis déployées à Bangui, dans les 16 préfectures, en République démocratique du
Congo, en République du Congo, au Tchad, au Cameroun et en France. Les chefs
d’équipe étaient tous des ministres centrafricains (résidant sur le territoire). Environ
17 730 personnes ont été consultées en République centrafricaine et quelque 2 114 dans
les autres pays (345 en République démocratique du Congo, 1 200 en République du
Congo, 138 au Tchad, 370 au Cameroun et 61 en France). Leurs préoccupations et leurs
recommandations ont été compilées, examinées et présentées au public à l’occasion
de deux grandes réunions, la première dans l’hémicycle de l’Assemblée générale et la
seconde, dans un stade de 20 000 places.

119
Manuel de dialogue national

Assemblée de la société civile au Guatemala, mai-décembre 1994


GOUVERNEMENT

NÉGOCIATIONS BILATÉRALES
UNITÉ RÉVOLUTIONNAIRE
NATIONALE GUATÉMALTÈQUE

Transmission Soumission de
du document l’accord final pour
de consensus délibération et
(éventuellement)
approbation

ASSEMBLÉE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE (ASC)


Secteurs siégeant Thèmes centraux/ Séances plénières
à l’Assemblée* Commissions spécialisées de l’Assemblée

1. Partis politiques
2. Groupes
religieux Rôle de la société
3. Syndicats/ civile et de l’armée
organisations dans une société
populaires démocratique
4. Universitaires,
petites Identité et droits des
coopératives de peuples autochtones
commerçants
5. Organisations Réforme constitu-
TOUS LES autochtones tionnelle et système
électoral Débat de l’Assemblée
SECTEURS 6. Organisations
et choix par consensus
DE LA de femmes
SOCIÉTÉ Réinstallation des des 5 sujets principaux
7. O NG de
développement personnes déplacées
8. C  entres de et réfugiées en raison
recherche du conflit
9. Groupes de dé-
fense des droits Problèmes socio-
de l’homme économiques et
10. Organisations réforme agraire
de médias (redistribution
des terres)
*10 représentants
par secteur

1 avis écrit par secteur 1 rapport préliminaire


2 représentants par secteur par commission

120
Mobilisation du public

Au Guatemala, la création d’une Assemblée de la société civile a conféré au dialogue


national (mai-décembre 1994) une forte légitimité et profondément contribué
à améliorer l’inclusion du processus. L’Assemblée était chargée de mener des
consultations sur les grandes questions des pourparlers de paix et de soumettre des
propositions conjointes concernant six des sept principaux points des négociations
officielles. Elle devait également examiner et avaliser les accords conclus par les
parties principales, mais sans pouvoir opposer son veto en cas de désapprobation.
« La plupart des recommandations de l’Assemblée ont finalement été intégrées dans
les accords définitifs. Bien que n’ayant aucun pouvoir décisionnel, la société civile a
donc joué un rôle primordial dans les négociations. » (Barnes, 2017, 25)

L’Assemblée de la société civile a mobilisé tous les secteurs et fini par rallier des
participants de la plupart des grands groupes sociétaux. Elle était chargée de mener
des consultations et de partager les informations. Les décisions étaient prises par
consensus. Le processus était lent en raison de la longueur des consultations, mais
les documents ainsi obtenus jouissaient d’une très grande légitimité. L’Assemblée
cherchait surtout à faire entendre l’opinion de la société civile, plutôt qu’à mobiliser
un public diversifié. Contrairement à l’Afrique du Sud, il y a eu peu d’effort de
sensibilisation de la population, ce qui a pu donner l’impression que celle-ci ne
serait pas en mesure de suivre les négociations au sommet, et a finalement provoqué
l’échec du référendum public sur les dispositions principales des accords devant être
intégrées dans la Constitution. Malgré tout, le travail considérable réalisé par le forum
de l’Assemblée a été reconnu aux plus hauts niveaux. Selon Jean Arnault, le médiateur
des Nations Unies, « la participation de l’Assemblée de la société civile, présidée par
Monseigneur Quezada Toruño, au processus de paix [...] a légitimé celui-ci » (cité par
le Centre d’études du Guatemala, 2016, 21).

121
Manuel de dialogue national

En Afrique du Sud, la participation du public a occupé une place centrale dans le


processus global, quoique sa mise en œuvre ait varié au cours des différentes phases.
Certaines situations exigeaient plus de transparence ou, au contraire, de discrétion.
Cependant, de l’avis général, la constitution finale devait être au service de tous les
citoyens et élaborée par leurs soins. Les trois piliers du processus étaient l’inclusion,
l’accessibilité et la transparence, ce qui s’est traduit par des réunions ouvertes à tous,
la publication des informations et une forte couverture médiatique. Un programme
de consultation publique en trois étapes, complet et proactif, était également requis.

Phase I : Compiler les Phase III : Finaliser


Phase II : Recueillir les
questions à préparer et adopter la Consti-
avis sur le document
dans un document tution à l’Assemblée
préliminaire
préliminaire constituante

Le programme de sensibilisation du public était très complet et comportait de


multiples étapes, notamment13 :

Mise en place d’un service médias chargé de communiquer les avancées


du dialogue national (émissions télévisées et radiophoniques, et supports
imprimés), notamment par le biais d’une campagne publicitaire nationale
autour du slogan « You’ve made your mark, now have your say » (Vous avez
voté, place aux propositions) ;
Réalisation d’une enquête par des agences afin d’évaluer le succès de
la campagne au bout de trois mois ;
Création d’un programme d’éducation constitutionnelle (les résultats
de l’enquête indiquant que le public devait être davantage sensibilisé) ;
Diffusion régulière de publicités dans les principaux journaux ;
Soumission des propositions par écrit, par Internet ou par le biais
de déclarations faites à l’occasion de réunions publiques ;
Mise en place d’une ligne de discussion téléphonique réservée à
l’Assemblée constituante ;
Animation d’ateliers et de consultations, notamment un programme
de sensibilisation ciblant les habitants des zones isolées (avec l’aide
d’organisations de la société civile).

La sensibilisation des populations isolées et analphabètes ainsi que la communication


des informations dans un langage facilement compréhensible se sont avérées
particulièrement difficiles. La compilation des informations recueillies a également
posé problème. De manière générale, cependant, la population avait le fort sentiment
que sa contribution faisait partie intégrante du processus.

122
Mobilisation du public

Stratégies médiatiques et politiques de sensibilisation et d’information du public

« Comme l’a montré l’expérience [de nombreux praticiens du dialogue], même le


processus de dialogue le plus réussi n’aura qu’un impact sociétal limité si peu de
personnes en sont informées. »
Pruitt et Thomas (2007, 95)

La bonne information du public tend


à légitimer le dialogue national. Il La transparence et la communication
se peut que certaines délibérations publique sont essentielles, car :
entre les parties prenantes principales
doivent rester secrètes, au début  Le public se sent informé et
du processus (phase d’exploration) comprend les compromis négociés
dans les accords.
ou pour débloquer une impasse,
 Les participants sont tenus
par exemple. Cependant, en règle
publiquement responsables.
générale, le dialogue national doit  Les évolutions internes au processus
sa réussite au soutien actif de la peuvent contribuer à faire changer
population. Il est donc essentiel le discours parmi le public.
d’informer le public et de mobiliser  Le processus n’est pas perçu comme
les médias sur le sujet. Autrement, étant réservé aux élites et la légitimité
la population sera dans l’incapacité se construit par le bas.
de faire des propositions, de se
sentir impliquée et de promouvoir
les résultats. Par ailleurs, les conflits
trouvent souvent leur origine, d’une manière ou d’une autre, dans le ressentiment
des groupes en périphérie qui s’estiment laissés pour compte. Le fait de mobiliser
utilement le public permet de resserrer les liens entre le centre et les régions ou
les États. Les participants au dialogue doivent donc veiller à tenir leurs partisans
informés afin que ces derniers puissent suivre l’avancée du processus. Il est également
nécessaire d’envisager une gestion de l’information interne dans le cadre des grands
processus.

Les stratégies de communication doivent atteindre un maximum de membres des


différentes catégories de la société. Cela nécessite notamment une prise en compte
des réalités locales, à savoir :

Quels sont les outils et supports médiatiques les plus populaires ?

Comment faire pour atteindre toutes les générations ?

En cas de taux élevé d’analphabétisme, par quels moyens atteindre la population
illettrée ?

Quel langage et quelles méthodes employer pour sensibiliser les populations


urbaines et rurales ?

123
Manuel de dialogue national

Comment atteindre les personnes résidant à l’étranger, telles que les grandes
communautés de la diaspora ?

Le partage de l’information et le recueil des propositions répondent généralement à


des objectifs différents et n’interviennent pas au même niveau.

Tous les représentants sont informés des procédures,


du contenu du programme, de l’avancement des
I. Communication interne négociations, ainsi que des décisions prises par
les groupes de travail et en plénières.

Le public est avisé du processus et des


procédures associées, et régulièrement
II. Information du public informé de leur évolution.

Des mécanismes permettent


d’intégrer les propositions
III. Consultations publiques du public dans le processus*.

* Des méthodes et moyens adaptés doivent impérativement être établis, afin de traiter et de réintégrer
utilement dans le processus les informations recueillies lors des consultations publiques.

Figure 3.8 : Partage et recueil de l’information dans le cadre du dialogue national

Quoique très différentes, les expériences de la Pologne et de l’Irak témoignent toutes


deux de l’importance du partage de l’information et de la sensibilisation du public,
tandis que le cas du Yémen montre à quel point il est difficile d’atteindre les citoyens
ordinaires. En Pologne, les interventions médiatiques et les consultations publiques
ont considérablement appuyé le processus dans son ensemble. Elles ont contribué
à diversifier le paysage politique et, en définitive, à changer les relations de pouvoir.
En Irak, l’absence relative de telles activités a fortement limité la contribution des
groupes de l’opposition et de la société civile. Le Yémen avait mis au point une
stratégie médiatique assez élaborée, ainsi qu’un organe dédié, mais il n’a pas réussi à
attirer l’attention des citoyens ordinaires.

124
Mobilisation du public

En Pologne, les médias étaient totalement sous la coupe du gouvernement. La Table


ronde, très largement diffusée, a changé la donne. Les conférences et les déclarations
télévisées quotidiennes ont permis au mouvement d’opposition Solidarność
d’exposer pour la première fois ses revendications et ses points de vue au grand
public. D’autre part, les négociateurs du mouvement se réunissaient régulièrement
avec les travailleurs, les étudiants et les militants syndicaux. Des réunions ouvertes
à tous, au cours desquelles les responsables de l’opposition présentaient leurs vues
et soumettaient celles-ci à l’avis du public, avaient lieu deux ou trois fois par semaine
dans un cinéma. L’information régulière – et donc la mobilisation – des citoyens a très
fortement contribué à entretenir la légitimité du dialogue national.

En Irak, le dialogue national a débuté sans aucune véritable campagne d’information


du public, ce qui a renforcé – ou, du moins, n’a pas amélioré – son caractère
aliénant. Les médias lui ont accordé peu d’intérêt. Le mandat et le programme
n’ont fait l’objet d’aucun grand débat public, en partie car le programme avait été
hâtivement défini quelques jours seulement avant l’événement. La non-divulgation
des informations a manifestement compromis toute participation significative des
groupes d’opposition et de la société civile. Ces derniers n’ont pas été suffisamment
informés des procédures et des dates de sélection, et n’ont pas pu suivre le dialogue
ou y contribuer. Le processus était donc limité, et unilatéral du point de vue politique,
sans autre véritable participation que celle des seules élites politiques.

Au Yémen, le Secrétariat général de la Conférence du dialogue national était chargé


de la stratégie de communication et des relations avec les médias. Ainsi, plusieurs
événements et évolutions de la Conférence ont bénéficié d’une couverture médiatique.
La stratégie a toutefois eu peu d’impact sur les citoyens ordinaires, lesquels sont restés
en marge de la Conférence. À titre d’exemple, aucune campagne n’a été organisée
pour sensibiliser le public au fonctionnement et aux enjeux du processus. La brochure
éditée par le Secrétariat de la Conférence (2014, 21, 23) indique toutefois :

Le Secrétariat était chargé de faciliter la participation du public au dialogue. Dans


« cette optique, il a recueilli les opinions des citoyens sur les réseaux sociaux, par
courriel, téléphone et d’autres moyens de communication. Plus de 2 500 réponses
ont été directement collectées, examinées et enregistrées, dont plus de 1 500
ont été transmises aux groupes de travail. Au total, près de 36 000 personnes
auraient ainsi été consultées. [...] Deux cent vingt membres de la conférence ont
effectué pour le compte des groupes de travail environ 100 visites de terrain dans
18 gouvernorats. [...] Ils ont animé environ 175 rencontres et entretiens en face à
face avec des responsables de plusieurs organes gouvernementaux, [des ONG]
et des organisations professionnelles représentant près de 13 000 citoyens. [...]

125
Manuel de dialogue national

Au total, 18 tentes de dialogue ont été organisées dans 14 gouvernorats [...] par
des organisations de la société civile locales, sous la supervision et avec l’appui
du Secrétariat et de partenaires, tels que l’Organisation internationale pour
les migrations. Plus de 520 organisations de la société civile [ont participé] aux
interventions de sensibilisation dans les communautés. [...]
Le Secrétariat a assuré la retransmission en direct des séances plénières de la
Conférence du dialogue national, en partenariat avec des chaînes de radio et de
télévision yéménites et arabes. Au total, plus de 1 000 heures de conférence ont
été retransmises. Les séances des groupes de travail et des différents comités de la
Conférence se tenaient à huis clos. […] Le Secrétariat a donc créé une unité spéciale
chargée de préparer des rapports quotidiens au format écrit et audiovisuel, et de
les distribuer à tous les médias intéressés. [...]
1 380 heures d’émissions radiophoniques et télévisées en direct
13 chaînes yéménites
5 chaînes arabes
14 stations de radio locales et nationales [...]
180 observateurs yéménites et étrangers ont participé à 350 réunions de la
Conférence du dialogue national et publié des rapports indépendants. »

Utilisation des réseaux sociaux durant le Printemps arabe

Les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur lors des soulèvements
du Printemps arabe, même s’il ne s’agissait pas du principal outil de
communication.
Ils ont facilité le dialogue entre les réseaux militants, lesquels ont pu
ensuite lancer des appels à la réforme.
Ils ont aidé les manifestants à organiser et coordonner leurs activités.
Ils ont permis d’attirer l’attention de la communauté internationale
sur la situation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en relayant
l’information depuis des lieux difficilement accessibles par les médias
traditionnels et en favorisant un journalisme ascendant et décentralisé.

En revanche, les réseaux sociaux ont permis aux autorités de contrôler


les activités en ligne des organisateurs, de mettre un terme à leurs
agissements, et de contrarier les plans des manifestants.

Dewey et al. (2012)

126
Mobilisation du public

Outil méthodologique : mise au point de stratégies


de communication14

PERSPECTIVE au sein du dialogue national à partir du dialogue national


(p. ex., entre les comités) (vers le public)

INFORMATION PARTICIPATION

BUT Sensibilisation Renforce le soutien du public


Distribution, archivage, et la légitimité du dialogue
documentation Débats, tissage de liens,
réconciliation

INTERVENTIONS Bulletin quotidien dans les Tables rondes


médias (presse, télévision, radio, Échanges interactifs avec les
Web), communiqués de presse, médias (télévision, émissions
lettres d’information de radio avec prise de parole
Facebook, messagerie mobile des auditeurs)
Conférences de presse, Débats sur Facebook
résumé de l’actualité Rencontres régionales
Formation aux médias Blogs, Twitter
Entretiens avec les participants Entretiens avec le grand public
au dialogue national Appels sur les chaînes YouTube
Campagnes d’affichage Sondages d’opinion réguliers
Théâtre

FILETS DE Réseau d’information indépen- Ateliers dans les universités


SÉCURITÉ dant du dialogue national Formation au journalisme citoyen
Formation des journalistes Programmes éducatifs publics sur
professionnels la démocratie et les droits
de l’homme

MÉCANISMES Secrétariat des médias/Porte- Médiateur chargé de


parole du bureau de presse la communication
Comités de sensibilisation Conseil des grands médias
(national, régional, local) Ambassadeurs de bonne volonté
Veille médiatique et analyse Groupe de réflexion
des contenus (en appui au
débat du dialogue national)

PRINCIPES TRANSPARENCE / INCLUSION / PROBITÉ / COOPÉRATION / ÉQUITÉ / ÉQUILIBRE


SOLUTION : création d’un code de conduite relatif au dialogue national à
l’intention des journalistes

PHASES Pré-dialogue national Pré-référendum Pré-élection


Dialogue national Référendum Élection
Post-dialogue national Post-référendum Post-élection

STRATÉGIE Participation du public à la planification de la stratégie de communication !


SOLUTION : s’enquérir auprès du public des moyens de le faire participer
au dialogue national

127
Manuel de dialogue national

3.8 Création de structures d’appui, de mécanismes de sortie


des impasses et de filets de sécurité

Le dialogue national est complété par divers processus et mécanismes secondaires


visant à appuyer, préserver et faire progresser le processus central de négociation
et de dialogue. Des mécanismes de sortie des impasses doivent être intégrés dans la
structure du dialogue, afin d’éviter la rupture complète des négociations au premier
litige ou désaccord.

Ces structures d’appui sont


Comment savoir que le dialogue est dans
spécialement conçues pour
l’impasse ?
débloquer les impasses
Aucune volonté d’engager de véritables et maintenir le processus
négociations central de négociation et de
Forte méfiance dialogue sur la bonne voie.
Exclusion de parties de premier plan Le sous-chapitre 3.6 sur la
Aucune adhésion du public et des chefs prise de décisions fournit des
de file politiques et sociaux exemples de mécanismes
Multiplication des violations de l’accord pratiques qui, intégrés à
de cessez-le-feu la structure décisionnelle,
Montée du scepticisme au sein de facilitent la recherche de
la population consensus. Il peut s’agir
Résistance des pouvoirs régionaux et
de mécanismes simples,
étrangers
par exemple des modalités
décisionnelles (consensus
suffisant) ou des directives procédurales claires, mais aussi de structures plus
complètes chargées de faciliter le consensus et de fournir un appui.

Il est important de s’inspirer des pratiques et des ressources nationales


traditionnellement utilisées pour obtenir le consensus et débloquer les impasses.

La connaissance de certains des facteurs susceptibles d’entraîner une rupture des


négociations peut également contribuer à éviter les impasses. Le processus doit
être entièrement revu si son échec apparaît d’emblée inéluctable. Les processus
politiques, tels que le dialogue national, ne sont pas linéaires et les impasses sont très
fréquentes lorsque les enjeux sont importants. Les aspects suivants risquent de mettre
en échec le processus naissant ou en cours. Certains peuvent être évités ou atténués
grâce à une conception efficace, d’autres non.

Manque d’inclusion ou exclusion des acteurs difficiles


Manque d’adhésion
Manque de préparation
Précipitation et volonté d’obtenir rapidement des résultats
Facteurs exogènes

128
Création de structures d’appui, de mécanismes de sortie des impasses et de filets de sécurité

En théorie, les mécanismes de sortie des impasses et les filets de sécurité sont deux
notions distinctes (voir encadré ci-dessous). Dans la pratique, cependant, les filets de
sécurité peuvent également faire office de mécanisme de sortie des impasses.

Mécanismes de sortie des impasses

Ils font partie intégrante de la structure du processus de dialogue national.



À ce titre, ils sont limités dans le temps et dotés d’un mandat restreint
portant uniquement sur le processus en question.

Ils visent surtout à gérer les conflits durant le processus. Ils cherchent

à débloquer les impasses qui paralysent le dialogue national ou les
négociations multipartites, et à créer ou rétablir un consensus sur les
questions importantes ou les procédures.

Ils peuvent être internes ou externes, formels ou informels, planifiés ou



occasionnels.

Filets de sécurité

Ils ont une portée plus large, et la fonction de sortie des impasses n’est

qu’un de leurs nombreux usages. Plusieurs structures d’appui peuvent
être envisagées à cette fin (→ Infrastructures de paix, p. 130).

Il peut s’agir de structures et de mécanismes complémentaires formels et


informels permettant de renforcer le processus de dialogue national,
de négociation ou de médiation, et de le protéger en cas de rupture au
niveau 1. Leurs contributions sont multiples : émergence de nouvelles
idées, maintien de la dynamique du processus, élargissement de
l’adhésion et de la légitimité, apaisement des tensions, etc.

Les filets de sécurité peuvent également protéger le dialogue national



contre les éventuels effets de débordement qui résultent des conflits
mais ne figurent pas parmi les priorités du mandat ou du programme.

Alors que les filets de sécurité soutiennent le processus dans son ensemble
(→ Common Space Initiative au Liban, Transition to Peace Initiative au Népal et
structures de l’Accord national de paix en Afrique du Sud, p. 133-135), les mécanismes
de sortie des impasses sont spécialement conçus pour absorber le choc en cas d’arrêt
des négociations ou du dialogue, et trouver une solution.Ils sont intégrés au processus
global, tandis que les filets de sécurité continuent de fonctionner même en cas de
rupture du processus officiel. Les filets de sécurité peuvent jouer un rôle salutaire au
moindre risque d’éclatement du processus, que ce soit pour empêcher sa dissolution

129
Manuel de dialogue national

complète ou permettre la reprise ultérieure des négociations. Les mécanismes de


sortie des impasses peuvent adopter différents formats et fonctions, et être intégrés
ou non au processus.

Les filets de sécurité peuvent prendre la forme de réunions ponctuelles (Pologne),


de comités d’appui spéciaux (Afghanistan) ou de secrétariats à part entière, voire de
ministères, chargés de soutenir le processus global, notamment en assumant une
fonction de sortie des impasses (Népal). Ceux-ci ont joué un rôle déterminant en tant
qu’infrastructures pour la paix. Les incitations de la communauté internationale
peuvent également favoriser – ou gêner – le déblocage des impasses politiques
(→ chapitre 5).

Infrastructures pour la paix ou infrastructures de paix

Les infrastructures pour la paix sont une collaboration stratégique.


Elles sont constituées de réseaux dynamiques regroupant des
structures locales, régionales et mondiales interdépendantes, chargés
de promouvoir les mécanismes, les ressources, les valeurs et les
compétences liés à la paix. L’objectif est de faciliter le dialogue et les
consultations multipartites en vue de concevoir (ou de perfectionner)
des structures, des capacités et des mécanismes institutionnels de
résolution des conflits locaux qui soient adaptés au contexte. Des
infrastructures pour la paix ont été créées en Afrique du Sud, au Ghana,
au Kenya et au Népal, sous forme de conseils ou de comités de paix
nationaux, de district ou locaux.

Giessmann (2016), Ryan (2012), Unger et al. (2013), van Tongeren (2013a ; 2013b)

130
Création de structures d’appui, de mécanismes de sortie des impasses et de filets de sécurité

La figure et les études de cas ci-dessous fournissent d’autres exemples de mécanismes


et de structures d’appui du dialogue national.

Mécanismes de sortie des impasses

Conception du processus de dialogue :


Directives et principes clairs pour orienter le processus
« Générateurs » intégrés de solutions élaborées
(Afrique du Sud)
Procédures de décision et de vote
I. Mécanismes Coordination du dialogue (techniques)
internes de sortie
des impasses Mécanismes :
Comité de consensus (Yémen)
Conseil des Anciens (Conseil des Sages, UA)
Arbitrage (Yémen : président)
Équipe(s) de sortie des impasses

Tiers :
II. Mécanismes Médiation, arbitrage, auditions d’experts
externes de sortie Comité d’ambassadeurs du G-10 aux fins de garantie du
des impasses processus (Yémen)
Résolutions du Conseil de sécurité (Yémen)

Consensus des élites :


III. Mécanismes « Alliance du processus » (Afrique du Sud)
informels de sortie Villa Magdalenka (Pologne)
des impasses Comité directeur du dialogue national (Liban)

Infrastructure du dialogue national

Échanges avec des experts et la société civile, dialogues


locaux/régionaux, séminaires d’experts, Secrétariat
I. Filets de sécurité national de la paix, comités de paix locaux et régionaux
pour régler les litiges (Afrique du Sud)

Ateliers de résolution des problèmes pour instaurer


II. Dialogue aux la confiance
niveaux 1.5, 2 ou 3 Réunions de consultation, ateliers de renforcement des
pour résoudre capacités en matière de dialogue/négociation
les problèmes Séances de réflexion pour trouver de nouvelles solutions
Procédure à texte unique

131
Manuel de dialogue national

Exemples de mécanismes de sortie des impasses

Au cours des tables rondes en Pologne, les questions les plus sensibles ont été
débattues par les principaux chefs de file à l’occasion de rencontres ponctuelles à
la Villa Madgalenka. Bien que réservées presque exclusivement aux élites (deux
représentants du clergé y assistaient également), ces réunions ont permis de faire
évoluer les positions sur les questions essentielles.

questions les plus sensibles

TABLE RONDE

RÉUNIONS PONCTUELLES
entre les principaux chefs
de file, avec la médiation
de l’Église catholique

compromis et orientation

Les
 principaux chefs des deux camps n’ont pas pris part aux négociations
formelles. Cependant, en cas d’impasse majeure, ils se réunissaient dans une villa
de Magdalenka pour négocier et prendre des décisions générales. Onze réunions
de ce type ont ainsi eu lieu. Elles ont favorisé la recherche de compromis et permis
d’orienter les futures discussions de la table ronde principale.

L’Église
 catholique avait régulièrement appelé le gouvernement à entamer des
négociations avec l’opposition et a finalement contribué au rapprochement des
deux camps. Elle a aidé à définir les conditions préliminaires des négociations,
ainsi que leurs résultats finaux. À Magdalenka, les deux représentants du clergé
ont joué le rôle de témoins, mais également de médiateurs à certains moments
délicats. Ils étaient acceptés par les deux parties en dépit d’une certaine partialité :
en effet, tous deux avaient leurs propres intérêts et étaient bien plus proches des
revendications de Solidarność.

La
 fonctionnalité de cette institution ponctuelle lui a permis de s’implanter
durablement. Elle a contribué à la réussite du dialogue et les grandes décisions y
ont gagné un poids politique certain. Toutefois, ces mêmes décisions ont été prises
en dehors du cadre participatif, ce qui a considérablement restreint l’influence des
autres acteurs.

132
Création de structures d’appui, de mécanismes de sortie des impasses et de filets de sécurité

Au Yémen, le Comité de consensus est devenu un important mécanisme de sortie des


impasses (→ mécanisme de prise de décisions du Yémen, p. 110). En vertu du règlement
de la Conférence du dialogue national, le Comité de consensus regroupait le président
de la Conférence, les présidents des groupes de travail, ainsi que 12 membres du
Comité technique nommés par le président du Comité. Des représentants des
organisations de la société civile, des jeunes et des femmes y ont été inclus par la
suite. La moitié des représentants était originaire du Sud, l’autre moitié du Nord.
Trente pour cent des participants étaient des femmes.

Le Comité de consensus était chargé de :


(1) trouver un consensus entre les membres des groupes de travail sur les questions
sensibles et proposer des solutions ;
(2) consulter les membres et les éléments du comité sur les questions sensibles en
vue de parvenir à un consensus ;
(3) coordonner les résultats obtenus par les groupes de travail de la Conférence ;
(4) clarifier le règlement de la Conférence ;
(5) Assurer le suivi de la mise en œuvre des résultats de la Conférence pendant et
après la clôture de cette dernière.

Au Liban, les structures d’appui du dialogue national étaient plutôt limitées. Le


président Sleiman a mis en place un Comité directeur du dialogue national, composé
de conseillers choisis parmi les membres du Bureau du président et de conseillers
extérieurs de sa garde rapprochée, notamment des chercheurs universitaires
spécialisés dans le règlement des conflits et des experts techniques. Le conseiller
politique auprès du président a assuré la coordination du Comité directeur. Les
séances étaient présidées par le chef de l’État. Généralement, le Comité se réunissait
en amont des séances de dialogue pour discuter l’ordre du jour, fournir des recherches
préparatoires sur les points abordés et conseiller le président sur les questions de
procédures.

Au Liban, le renforcement des capacités institutionnelles et l’assistance technique


fournis à la présidence du dialogue national au cours de la phase de démarrage ont
abouti à la création de la Common Space Initiative en 2010. Financée à l’origine par
le ministère fédéral allemand des Affaires étrangères (2008-2014), l’initiative est
désormais soutenue par le Programme des Nations Unies pour le développement
(PNUD) et la Fondation Berghof. Elle est devenue un filet de sécurité majeur du
dialogue national. Elle visait à soutenir le dialogue national officiel, mais aussi à
promouvoir des dialogues informels structurés entre les décideurs, les intellectuels,
les experts, les acteurs de la société civile, les parties prenantes et les individus,
afin de créer un environnement propice à l’avancée du processus. Les membres du
Comité directeur du dialogue national et les principaux conseillers politiques des
différents partis sont devenus les chevilles ouvrières de l’initiative, dont l’objectif
était de débloquer les impasses rencontrées durant le dialogue national. La méthode

133
Manuel de dialogue national

innovante de la procédure à texte unique, qui permet aux participants de travailler à


partir d’un seul document (→ p. 107), a été utilisée, afin de trouver un consensus sur les
diverses thématiques. La Common Space Initiative (www.commonspaceinitiative.org)
conserve une triple finalité : intensification des débats sur les politiques publiques ;
création d’une expertise et de ressources d’apprentissage communes sur les
questions principales ; promotion de la collaboration entre les partis nationaux.

Exemples de filets de sécurité

Au Népal, l’Initiative de transition vers la paix « Nepal Transition to Peace » (NTTP)


a appuyé de manière décisive le processus de paix et la transition politique du
pays. Les deux cycles de négociation de 2001 et 2003 n’avaient abouti à aucun
résultat concret, et rien n’avait été retenté après le coup d’État monarchiste. Face à
cette situation, Daman Nath Dhungana et Padma Ratna Tuladhar, deux facilitateurs
qui avaient déjà participé aux premières négociations (→ médiateurs insiders du
Népal, p. 76-77), ont monté en 2005 l’Initiative de transition vers la paix. Celle-ci a reçu
divers soutiens de la communauté internationale. Les Nations Unies, les États-Unis,
la Suisse et le Royaume-Uni ont fourni un appui financier, technique et moral.

L’Initiative de transition vers la paix se voulait être « un espace confidentiel au


sein duquel les partis politiques et les rebelles clandestins pourraient réfléchir
aux possibilités de pourparlers de paix, mais également élaborer des stratégies
conjointes, afin de gérer les relations avec la monarchie dans le conflit en cours »
(Upreti et Sapkota, 2016, 28). L’initiative est devenue un lieu d’échange informel et un
mécanisme d’appui de premier plan. Elle a facilité la participation de tous les grands
acteurs politiques nationaux et régionaux. Le mécanisme visait les responsables
politiques du deuxième niveau, lesquels faisaient souvent partie des équipes de
dialogue des négociations officielles. Même les acteurs principaux, tels que le Premier
ministre, les chefs et les cadres des partis, y ont quelquefois contribué lorsque le
processus officiel se trouvait dans une grave impasse.

L’initiative doit sa grande réussite à plusieurs facteurs. Les participants avaient


urgemment besoin d’un lieu d’échange informel, ce que l’initiative a pu leur procurer.
La réputation de Dhungana et Tuladhar, qui n’ont pas ménagé leurs efforts et ont été
soutenus dans leur entreprise, a également contribué à cette réussite. Les deux camps
adverses étaient prêts à dialoguer, contrairement à la monarchie. Dans un contexte
de grande méfiance, il leur fallait toutefois un lieu d’échange sécurisant, doublé
d’un mécanisme permettant d’intégrer efficacement les différentes interventions. Le
mécanisme ne s’est jamais départi de son caractère informel et incluait l’ensemble
des grands partis politiques. Comme il était axé sur les responsables du deuxième
niveau, il possédait une plus grande marge de manœuvre pour trouver des solutions,
lesquelles étaient ensuite diffusées auprès des groupes partisans et des principaux
dirigeants Surtout, l’initiative a constamment fait preuve de souplesse, ce qui lui a
permis de s’adapter aux circonstances et aux nouveaux besoins.

134
Création de structures d’appui, de mécanismes de sortie des impasses et de filets de sécurité

Les facilitateurs pouvaient inviter de nouveaux participants si la situation l’exigeait,


sous réserve de leur approbation par les membres existants. Le processus initial a
évolué pour devenir un mécanisme à part entière au bout de quelques mois, puis un
« mécanisme de dialogue indépendant et robuste, détenu par les partis et auquel
participe le gouvernement » (Ibid., 28).

En Afrique du Sud, diverses structures d’appui au processus de paix ont vu le jour :


le Comité de paix national et le Secrétariat national de la paix, au niveau national ;
11 comités de paix régionaux, au niveau régional ; et environ 260 comités de paix
locaux, au niveau local. Les comités ont aidé la population à s’approprier le processus
de paix et joué à ce titre un rôle majeur. L’appropriation était « conjointe et inclusive »
(Odendaal, 2014, 74) : en effet, la formation des comités de paix était volontaire et,
de ce fait, portée par les citoyens, afin que le processus de paix y gagne un fort appui
sociétal. Les comités ont joué un rôle déterminant dans l’affermissement de la culture
de la tolérance politique, et dans l’atténuation des violences en de nombreux endroits,
par rapport aux niveaux qui auraient prévalu en l’absence de telles structures. Surtout,
ils ont permis de générer un consensus populaire en faveur de la paix et de mobiliser
une foule de citoyens et d’organisations pour promouvoir celle-ci, renforçant ainsi la
compréhension mutuelle (Camay et Gordon, 2010). Grâce à eux, de larges pans de
la minorité blanche ont pris conscience de la situation de la communauté noire. Les
comités de paix n’étaient toutefois pas exempts de défauts : ils ne jouissaient d’aucun
pouvoir d’exécution en cas de violation du Code de conduite et misaient surtout sur
le dialogue, la médiation (en jouant le rôle d’intermédiaires dans les négociations
de paix locales), le suivi et la coordination de mesures préventives, et la formation
de bénévoles (environ 15 000) aux techniques de règlement des conflits. Cela les a
« exposés à des formes de violence organisées depuis l’extérieur ou délibérément
planifiées en vue d’obtenir des avantages politiques ou économiques spécifiques »
(Odendaal, 2014, 73). « [E]n dépit de la transparence des procédures d’élection et
de nomination, presque tous les présidents [des comités de paix régionaux] étaient
des hommes blancs » (Spies, 2002, 25). Les structures de l’Accord national de paix
se sont également attirées des critiques pour s’être concentrées sur les symptômes
plutôt que sur les causes profondes de la violence (Ibid.). Les structures d’appui du
processus de paix sud-africain n’en étaient pas moins perfectionnées et élaborées.
Elles ont permis de garantir la participation active d’une frange représentative de la
société à la mise en œuvre des accords, et ont prouvé leur efficacité comme filets de
sécurité.

135
Manuel de dialogue national

Structures de l’Accord national de paix de l’Afrique du Sud,


1991-1994

COMITÉ COMITÉS COMITÉS


DE PAIX DE PAIX DE PAIX
NATIONAL RÉGIONAUX LOCAUX

Comité de paix national Comités de paix régionaux Comités de paix locaux


11 dans l’ensemble des régions Plus de 260 dans tout le pays
(sauf 4 non-signataires de l’ANP)
Programme :
Programme : Programme : – P romouvoir la confiance et
supervision de la mise en œuvre – P révention de la violence la réconciliation, assurer la
de l’Accord national de paix et grâce à la médiation, au suivi médiation en cas de conflit
contrôle de la conformité avec et à la prévention – Faciliter la conclusion
les codes de conduite destinés – Compte rendu auprès des d’accords
aux groupes politiques structures nationales sur les – Mettre en œuvre les initiatives
causes de la violence, les nationales et régionales
Composition : activités organisées dans – A ssurer la liaison avec
60 membres venant de tous la région et les réseaux de les services policiers
les partis signataires et comités locaux et judiciaires locaux
du comité de préparation – Coordonner l’action des
Comités de relèvement contrôleurs de la paix
Coprésidence : et de développement – Fournir des rapports aux
1 entreprise et 1 responsable socio-économique (CRDS) : comités de paix régionaux
du clergé négociation de projets – Coopérer avec les CRDS
de développement visant – Justice de la paix : enquêtes
Mandat : Accord national de paix à prévenir ou à réduire la sur les violences commises
violence.
Calendrier : 1991-1994 Cours pénales spéciales :
Agents de police chargés elles obéissent à des règles spé-
Modalités de vote : consensus du signalement : ciales en matière de preuve et de
enquêtes sur les abus commis procédure. Les cas de violence
par les forces de police et sont instruits plus rapidement
supervision de l’Unité et plus efficacement que dans
d’instruction des plaintes les tribunaux classiques.
des services de police
Composition :
chaque comité de paix local
doit refléter la composition de
la communauté environnante et
inclure des représentants des
groupes de parties prenantes.

136
Notes

1 En partie inspiré de Mason (2009) et Mir, Morina et Vimalarajah (2016).

2 Inspiré de Eloff (1997) et Iff et al. (2010).

3 Tableau inspiré de Papagianni (2014).

4 « Le principe d’inclusion oblige à constituer un groupe de participants qui soit


un microcosme du système social dans lequel s’inscrit la problématique concernée. »
(Pruitt et Thomas, 2007, 88)

5 Papagianni (2014).

6 Voir www.inclusivepeace.org/content/broadening-participation.

7 Voir Dudouet et Lundström (2016).

8 Voir ICG (2003) ; Brandt (2005).

9 En réalité, les pouvoirs de la Loya Jirga constitutionnelle se limitaient à la ratification


de la Constitution. L’élaboration de cette dernière se faisait ainsi par la base.

10 Voir Kinninmont et Sirri (2014, 7, 10).

11 Voir Papagianni (2006).

12 Merci à Karin Göldner-Ebenthal pour sa contribution à cette partie.

13 Inspiré de Barnes et De Klerk (2002).

14 Conçu par le Programme d’appui au Comité technique pour la préparation de


la Conférence du dialogue national du Yémen, 2013.

137
Manuel de dialogue national

Chapitre 4

138
Phase de mise
en œuvre : déploiement
et pérennisation
des résultats

Sommaire
141 4.1 En quoi se distingue la mise en œuvre
des résultats du dialogue national ?

144 4.2 Comprendre les résultats du dialogue national

151 4.3 Mécanismes de mise en œuvre des résultats

157 4.4 Principales considérations relatives à la phase


de mise en œuvre

139
Manuel de dialogue national

« Dans le cadre de plusieurs dialogues nationaux récents [...] la conclusion du


processus national a débouché sur la création de dialogues permanents relatifs
à certaines questions spécifiques, ou de mécanismes participatifs de contrôle
de la mise en œuvre des résultats du dialogue. Ces processus de suivi contribuent
à favoriser la gouvernance participative et inclusive. Ils constituent un exemple
de contribution indirecte du processus de dialogue national au fondement
d’une paix durable. »
Stigant et Murray (2015, 5)

La phase de processus du dialogue national est susceptible d’aboutir à divers résultats


dont la mise en œuvre importe autant que le processus lui-même. La signature d’un
accord ne met pas fin au processus. Simplement, elle le projette dans une nouvelle
phase, avec ses complexités, ses défis et ses possibilités propres. Les négociations
politiques se poursuivent, et c’est parfois à ce moment seulement que se révèlent
la qualité et la solidité de l’accord. Le processus de négociation ayant abouti à
l’accord est d’autant plus important. En règle générale, les résultats immédiats du
dialogue national reflètent les accords négociés dans le cadre d’un cessez-le-feu ou
d’une médiation, bien que les voies
empruntées pour y parvenir diffèrent
Le dialogue national ne doit pas être souvent. La pratique de la médiation
considéré comme un événement isolé, se concentre principalement sur le
mais comme faisant partie intégrante processus d’obtention de l’accord, plutôt
d’une transition à long terme se que sur les évolutions ultérieures. Mais
poursuivant bien après la cérémonie depuis peu, la littérature consacrée à la
de clôture. consolidation de la paix s’intéresse de
plus en plus aux défis liés à la mise en
œuvre des accords1. Le présent chapitre
porte avant tout sur la mise en œuvre des résultats du dialogue national. En quoi
se distingue la mise en œuvre des résultats obtenus grâce au dialogue national ?
Quels facteurs influencent cette dernière ? En outre, quels enseignements les futures
initiatives pourront-elles retenir du déploiement des résultats du dialogue national ?
On notera que, dans de nombreux cas, les processus actuellement étudiés sont
toujours en cours et que leur impact réel n’apparaîtra qu’au bout d’un certain temps.
Ce chapitre propose toutefois une première réflexion sur le sujet, dans une optique
d’apprentissage.

Le présent chapitre se divise en quatre sous-chapitres. Le premier porte sur les défis et
les possibilités liés spécifiquement à la phase de mise en œuvre du dialogue national,
et offre des conseils pour résoudre les principales difficultés. Le deuxième présente la
typologie des résultats obtenus grâce au dialogue national et explique la différence
entre résultats tangibles et résultats intangibles. Le troisième propose des exemples
d’infrastructures et de mécanismes de mise en œuvre, ainsi que d’autres facteurs
pouvant faciliter celle-ci. Le quatrième détaille les aspects essentiels à prendre en
compte durant la phase de mise en œuvre.

140
En quoi se distingue la mise en œuvre des résultats du dialogue national ?

4.1 En quoi se distingue la mise en œuvre des résultats


du dialogue national ?

Le processus d’obtention des résultats influence l’exécution et la perception de leur


mise en œuvre. À la fois auto-organisé et auto-coordonné, le dialogue national suit un
ensemble de principes qui, dans le meilleur des cas, continuent de s’appliquer après
la cérémonie de clôture. De surcroît, le fait de participer à un processus axé sur le
consensus peut être une expérience très marquante. Enfin, la phase de mise en œuvre
mobilise plus de participants que les processus de cessez-le-feu ou de médiation,
les personnes y ayant contribué voulant s’assurer que leurs efforts continuent de
porter leurs fruits durant la mise en œuvre. C’est pourquoi la phase de mise en œuvre
s’accompagne de défis et de possibilités spécifiques.

DÉFIS POSSIBILITÉS

Une participation élargie Les bienfaits de l’inclusion et de la


peut intensifier le sentiment participation au cours du processus
d’appropriation et, de ce fait, se font également jour durant la
générer de fortes attentes quant mise en œuvre. Le fait d’inclure
(1) au degré de participation à pleinement toutes les parties
la mise en œuvre elle-même et concernées – les prétendants
(2) à l’incidence concrète de celle-ci au pouvoir et les forces sociales
sur la vie des citoyens. émergentes – dans la négociation
des accords diminue le risque de
La mise en œuvre des résultats sabotage au cours de la phase
est souvent confiée à (et confinée de mise en œuvre. Cela vaut
dans) de petits mécanismes et généralement pour les processus
institutions, déconnectés du de paix. Cependant, le format du
processus général tout juste dialogue national, lui, permet de
achevé. Ceux-ci risquent d’être surmonter ce problème d’entrée de
facilement submergés par cette jeu, à condition de bien concevoir le
responsabilité. La prise de processus.
décisions revient aux décideurs
habituels, ce qui annule la nature La connaissance et l’expérience du
consensuelle et inclusive du processus peuvent être entretenues,
processus de dialogue2. afin de dynamiser la mise en œuvre.
L’expérience de la prise de décisions
consensuelles peut favoriser
l’émergence d’une culture du
dialogue et du compromis politique.

141
Manuel de dialogue national

La phase de mise en œuvre peut La mise en place d’infrastructures,


exiger davantage d’efforts et de garanties et de mécanismes
de ressources que les phases de contrôle de la mise en œuvre
précédentes. Elle peut s’avérer permet de pérenniser et de
extrêmement chronophage et renforcer la participation.
générer des coûts imprévus3.
 Même modeste et rapide, le
Les donateurs ont tendance à dialogue national peut, s’il est
soutenir uniquement le processus systématiquement soutenu,
de dialogue national. Ils n’ont pas s’implanter solidement et devenir
conscience qu’un État défaillant un mécanisme de référence
ne sera pas forcément en mesure en matière de résolution des
de mettre efficacement en œuvre problèmes (Liban, Tunisie). Ceci
les résultats, aussi concluants permet de renforcer la phase de
soient-ils. Il serait plus utile mise en œuvre et d’en garantir la
de soutenir simultanément le continuité.
dialogue et les systèmes de
gouvernance, afin que ces derniers
puissent assurer la prestation des
services (→ chapitre 5).

L’expérience montre que, si elles sont correctement intégrées dans la conception du


processus, les dispositions suivantes peuvent contribuer à la bonne mise en œuvre
des résultats du dialogue national :

Généralement, la signature de l’accord est rapidement suivie d’une baisse


d’attention. Pour éviter cela, la mise en œuvre des résultats doit s’inscrire
d’emblée dans la structure du processus. Le mandat doit détailler les étapes
de la mise en œuvre à court et long terme (→ 2.3 Négociation et élaboration du
mandat).

Des mécanismes de consultation et de retour d’opinion efficaces doivent être


intégrés au processus, afin que les groupes partisans puissent suivre celui-ci et
que leurs points de vue soient pris en compte aux différentes étapes. Cela permet
d’éviter les récriminations, d’être moins tributaire des défenseurs individuels du
dialogue national, et de favoriser un appui pérenne. Il est indispensable de fixer
les garanties et les mécanismes de contrôle pendant le dialogue national, afin
de permettre une mise en œuvre adéquate.

Le dialogue national doit intégrer des dispositifs d’incitation à la collaboration


dès le début du processus et jusqu’à son aboutissement, notamment dans les
structures de mise en œuvre. Les parties qui émergent d’un conflit violent

142
En quoi se distingue la mise en œuvre des résultats du dialogue national ?

veulent généralement s’assurer qu’elles peuvent mettre leur veto aux décisions
qui ne leur conviennent pas, ce qui a tendance à faciliter l’apparition de blocs
(Liban) menant à des impasses politiques. La création de structures et de
mécanismes originaux suscitant une interdépendance entre les parties dans
l’atteinte de leurs objectifs peut favoriser les partenariats et la collaboration.

Une vision claire doit être définie au moment de la finalisation des résultats
et indiquer concrètement en quoi consistera la mise en œuvre. Le processus
doit être suffisamment souple pour permettre l’examen et la vérification des
résultats, au cas où la situation évoluerait. Il est essentiel de maintenir les voies
de communication ouvertes, afin de relayer les éventuels changements et de
continuer à affermir la confiance. Cela permet également de mettre sur la touche
les acteurs qui renoncent à honorer leurs engagements et d’exercer sur eux une
pression supplémentaire. Les garanties et les mécanismes de contrôle doivent
être fixés au cours du processus de dialogue national.

Les programmes d’éducation et de consultation des médias et du grand public


peuvent contribuer à sensibiliser le public à la phase de mise en œuvre et
obtenir son soutien (→ 3.7 Mobilisation du public).

Il est important de gérer les attentes, notamment en ce qui concerne le calendrier
prévu pour la mise en œuvre des résultats. Le fait de préciser qu’il s’agit d’un
travail au long cours permet d’éviter les attentes irréalistes et favorise la sortie
de crise sans faire passer le processus pour un fiasco. On retiendra également
que les conflits prolongés requièrent des outils de rétablissement de la paix qui
s’inscrivent dans la durée et tiennent compte de la nature non linéaire des cycles
de transformation des conflits. À titre d’exemple, le processus de transition
de l’Afrique du Sud a été interrompu trois fois avant de donner des résultats
probants. Enfin, démarrer rapidement la mise en œuvre juste après le dialogue
national peut favoriser le soutien initial à cette nouvelle phase.

Légitimité des résultats et de leur mise en œuvre


La légitimité des accords et celle du processus sont indissociables4. Les
accords signés à l’issue d’un processus dûment mené, dans le cadre de
procédures bien arrêtées et en tenant compte des différents points de vue, sont
plus susceptibles d’être perçus comme des résultats légitimes. L’inclusion
de personnes influentes (respectées et perçues comme représentatives
de la société) capables de générer un large soutien en faveur de tel ou tel
résultat est cruciale, car elle permet de susciter une légitimité dans et entre
les groupes partisans. Le fait que les accords soient perçus comme légitimes
ou non est susceptible d’influer sensiblement sur le degré de soutien et,
partant, sur la réussite de leur mise en œuvre. Quand bien même les accords

143
Manuel de dialogue national

répondraient-ils aux principales revendications, ils risqueraient d’être rejetés


en raison du sentiment de méfiance vis-à-vis de l’« autre », du processus, ou
de la façon dont ce dernier a été élaboré ou présenté. Il est très probable
que les accords laissant entrevoir des dividendes tangibles de la paix seront
perçus comme viables et légitimes. Au Myanmar, cependant, une initiative
norvégienne visant à fournir des « dividendes de la paix » aux zones de
cessez-le-feu, afin de soutenir la mise en œuvre, s’est attirée les critiques
de certains membres de la société civile au motif qu’elle encourageait
économiquement les cessez-le-feu (ministère des Affaires étrangères de la
Finlande, 2014, 109). Il est certainement préférable de prendre des mesures
pragmatiques satisfaisant les intérêts des parties plutôt que de maintenir
un quelconque statu quo. « Les processus inclusifs et axés sur la recherche
de solutions favorisent davantage ce type d’accord. Ils incitent les parties à
considérer les litiges comme un problème collectif, pour lequel il est possible
de trouver un compromis original et acceptable pour tous les acteurs. »
(Barnes, 2017, 45)

4.2 Comprendre les résultats du dialogue national


La nature du dialogue national impose de faire la distinction entre les résultats
tangibles et intangibles, et illustre l’importance des résultats intangibles pour la
mise en œuvre des résultats tangibles. Les résultats tangibles sont concrets, et sont
présentés ou explicités dans le programme et le mandat. Ils sont visibles, c’est-à-dire
qu’ils prennent la forme d’un accord et/ou d’un rapport ou d’un communiqué final,
généralement une feuille de route ou des recommandations à mettre en œuvre. Les
résultats intangibles sont plus subtils et plus difficiles à mesurer. Ils ne sont pas
forcément escomptés ou planifiés, mais découlent naturellement de l’expérience
même du processus de dialogue national. Il peut s’agir d’une évolution des relations
ou de l’émergence d’une culture du dialogue et de l’échange. S’ils sont encouragés
au-delà du processus lui-même, ces résultats peuvent devenir des pivots du processus
de changement global5. Selon les conditions de mise en œuvre et le soutien reçu, les
résultats tangibles et intangibles auront des effets à court ou à long terme. Ils peuvent
contribuer à faciliter la transition politique, apaiser les crises, régler les conflits et jeter
les bases d’un changement social en profondeur. Les résultats intangibles peuvent
également accélérer la mise en œuvre des résultats tangibles.

Résultats intangibles

Les résultats intangibles peuvent être des changements subtils dans les attitudes,
les relations et les modes d’engagement. Le dialogue national aura peut-être
permis d’aborder pour la première fois certaines questions à l’échelle nationale et,

144
Comprendre les résultats du dialogue national

éventuellement, d’informer et d’éduquer une grande partie de la population. Le


recours à la prise de décisions consensuelles peut également se révéler déterminant.
Certains résultats intangibles font leur apparition au cours du processus, d’autres se
concrétisent plus lentement à mesure que progresse le changement global.

Émergence (ou redynamisation) de la culture


institutionnelle et citoyenne dans le cadre
du dialogue et de la prise de décisions consensuelles.

Éducation citoyenne Création ou restauration


à grande échelle des relations

Formes d’engagement originales Perceptions nuancées


et innovantes dans les diverses des problématiques
parties en conflit locales et nationales

Élimination des tabous


Amélioration des compétences,
des modes et des motifs de communication ;
apprentissage mutuel ; partage des connaissances

Figure 4.1 : Résultats intangibles du dialogue national

Les études de cas ci-dessous illustrent l’importance des résultats intangibles pour la
mise en œuvre du dialogue national et, plus largement, du processus de changement.

Guatemala6. Le Grand dialogue national, dissous prématurément pour des raisons


de sécurité, n’a abouti à aucun résultat tangible. Il n’en fut pas moins une étape
essentielle vers la fin du conflit armé : ses résultats intangibles ont fortement pesé
sur le processus de paix ultérieur, et ses effets à long terme continuent de se faire
sentir aujourd’hui. Certes, une grande partie des questions débattues au cours du
Grand dialogue national n’a toujours pas été résolue. Cependant, aucune partie n’a
repris les armes, la société guatémaltèque ayant été encouragée à régler le conflit
sans recourir à la coercition ni à la violence.

Le Grand dialogue national a notamment fait reconnaître la nécessité d’inclure les


citoyens dans le débat sur les questions politiques et militaires. Les causes du conflit

145
Manuel de dialogue national

armé ont donc commencé à être discutées ouvertement dans l’espace public, une
première dans l’histoire du Guatemala. Le dialogue a constamment mis en avant
l’idée que la paix n’était pas seulement l’absence de guerre, mais également la
possibilité de fonder une nouvelle nation. Les questions et les défis ont été mieux
analysés et compris. Les acteurs défendaient des positions et des besoins mutuels, et
partageaient les mêmes principes et objectifs. La culture démocratique du dialogue
a été encouragée. Les élites politiques (partis politiques, société civile) ont gagné en
compétence, et des réseaux de communication intersectorielle ont été mis en place
(dans la société et entre la société et l’État). La société civile s’en est trouvée confortée
et légitimée dans son rôle de partenaire dans l’élaboration de politiques, une petite
révolution vu l’autoritarisme politique dont faisaient traditionnellement preuve les
autorités guatémaltèques. Ce changement de cap s’est avéré déterminant quelques
années plus tard, au moment de définir le programme de négociation officiel entre
l’Unité révolutionnaire nationale guatémaltèque et le gouvernement/l’armée. Ce
processus s’est déroulé en public, et la participation citoyenne a été encouragée et
recherchée. Compétente et organisée, la société guatémaltèque a pu s’extraire de son
rôle de spectatrice pour devenir une force active du processus de paix.

Mali. Le statut de la région septentrionale du Mali, où sévissait une insurrection


armée menée par des groupes séparatistes, ne figurait pas au programme du dialogue
national. Ce dernier a néanmoins facilité des échanges entre plusieurs Maliens du
Nord et la création des futures rencontres intercommunautaires du nord du Mali,
lesquelles ont fini par éteindre le conflit durant cette période7.

Yémen8. La Conférence du dialogue national a fini par devenir un exercice d’éducation


publique et politique à grande échelle, ce qui a constitué son résultat intangible le
plus important. Des acteurs de milieux très divers ont participé à de nombreux débats
et séances des groupes de travail sur des sujets auparavant tabous. L’autonomisation
des femmes et des jeunes au sein de cette société patriarcale et gérontocratique a
constitué un autre résultat intangible de premier plan.

Résultats tangibles

Les résultats tangibles du dialogue national peuvent, en fonction du programme


et du mandat d’origine, être des accords (contraignants ou non9), un rapport ou un
communiqué final pouvant contenir des propositions ou des recommandations/
observations. Ils déclinent généralement les grands axes du changement politique,
social et économique par le biais de réformes institutionnelles et constitutionnelles.
D’ordinaire, le dialogue national s’inscrit dans un processus de transition plus large.

146
Comprendre les résultats du dialogue national

C’est pourquoi une feuille de route pour la transition se trouve souvent parmi les
principaux résultats tangibles. Elle peut prévoir l’instauration d’un gouvernement
provisoire ou d’unité, et détailler les étapes nécessaires à sa mise en place.

Le schéma ci-dessous présente les résultats tangibles plus généraux du dialogue


national :

Changement
politique

Travail
de mémoire Changement
et justice constitutionnel
transitionnelle

Résultats
tangibles

Réforme Réglementation
économique relative aux
et sociale droits de l’homme

Transition
en matière
de sécurité

Figure 4.2 : Résultats tangibles du dialogue national

147
Manuel de dialogue national

Changement politique. Le dialogue national, qui intervient en période de


troubles politiques ou de crise quant à la légitimité de l’État, aboutit souvent
à la création de structures politiques ou à leur renouvellement. De nouvelles
dispositions politiques et de nouveaux accords de partage des pouvoirs peuvent
voir le jour. Les changements institutionnels (mise en place d’un gouvernement
d’union nationale, réaménagement du parlement, choix des mécanismes
d’équilibre des pouvoirs) sont généralement le fruit de concertations. Les
réformes politiques, judiciaires et de l’État de droit peuvent également s’y
ajouter, de même que l’amélioration des pratiques institutionnelles.

Changement constitutionnel. Le dialogue national touche à des questions



d’envergure nationale. On peut donc s’attendre à certains résultats d’ordre
constitutionnel, qu’il s’agisse de la mise en place d’une révision constitutionnelle
(Kenya), de l’introduction d’amendements constitutionnels (Jordanie) ou de
l’adoption d’une nouvelle constitution (Afghanistan, Bolivie, Colombie, Mali
et, probablement, Yémen). Le changement constitutionnel peut également
inclure des mesures essentielles de décentralisation de l’État (Bolivie et Mali,
entre autres).

Réglementation relative aux droits de l’homme. Les nombreux processus de



dialogue national au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ont abordé la question
de la reconnaissance et du respect des libertés et des droits fondamentaux,
thèmes que l’on retrouve dans les résultats (→ exemples du Bahreïn p. 149 et
de la Jordanie p. 153). Ailleurs, c’est la protection des droits des minorités qui a
constitué l’un des principaux enjeux. En Afghanistan, la nouvelle Constitution
entérine résolument les droits des minorités, notamment la reconnaissance
des langues minoritaires comme langues régionales officielles10, et renforce les
droits des femmes en « consacrant l’égalité entre les hommes et les femmes et en
promouvant la participation des femmes à la vie politique, en leur garantissant
au moins 25 % des sièges de la chambre basse du Parlement11 ». En Amérique
latine, notamment, les droits des populations autochtones et des minorités ont
occupé une place prépondérante dans les programmes (p. ex., au Guatemala)
et, par conséquent, dans les résultats des dialogues nationaux.

Transition en matière de sécurité. Le dialogue national peut s’accompagner



de processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration, ainsi
que de réformes du secteur de la sécurité. Toutefois, ces sujets sensibles sont
généralement abordés dans un cadre politique plus restreint et exclusif. La
plupart des dialogues nationaux n’ont fait que survoler ces questions, y compris
par le biais de groupes de travail (Yémen). En revanche, au Liban, la question
sécuritaire était au cœur du processus.

148
Comprendre les résultats du dialogue national

Le dialogue national engagé en 2008 au Liban visait spécifiquement à garantir


la sécurité de l’État et des citoyens. Au cours de la première phase, les parties ont
proposé et discuté une stratégie de défense nationale. Elles sont restées mobilisées
sur les grandes questions de sécurité et déterminées à refuser la violence au profit
d’un processus politique. En amont des élections, elles ont publié une déclaration
conjointe par laquelle elles s’engageaient en faveur du processus politique.

Elles ont su faire preuve de retenue au plus fort des agressions israéliennes et
des violences palestiniennes, notamment durant la guerre de Gaza en 2009. Elles
ont publié un code d’honneur, afin de maîtriser leurs interventions politiques
et médiatiques. Enfin, elles se sont engagées à respecter la politique conjointe
de dissociation vis-à-vis de la guerre civile en Syrie établie dans la Déclaration de
Baabda du 12 juin 2012.

Réforme économique et sociale. Les résultats visent à relever les défis socio-

économiques nationaux et peuvent prendre plusieurs formes : engagement ou
mesures concrètes pour améliorer les services sociaux (Bolivie) et l’éducation
(Jordanie) ; réforme agraire (Kenya) ; mesures de lutte contre la corruption
(Bahreïn) ; mesures d’amélioration de la compétitivité économique (Pologne).
Au Yémen, les groupes de travail se consacraient aux questions sociales et
environnementales, ainsi qu’au développement global, intégré et durable.
Certains processus visant la création d’une politique nationale de développement
cohérente se concentrent exclusivement sur les questions de développement.
Toutefois, ils ne sont pas étudiés en détail dans le présent manuel.

Le principal résultat du processus de dialogue national du Bahreïn consistait en


une large gamme de recommandations relatives aux grands axes du dialogue
(social, politique, économique et droits de l’homme), par exemple : refonte du
système politique ; mesures de lutte contre la corruption ; équilibre de la politique
de privatisation ; amélioration de la compétitivité économique ; renforcement des
organisations citoyennes ; amélioration des services sociaux ; mise en œuvre et
ratification des normes et des conventions relatives aux droits de l’homme.

Travail de mémoire et justice transitionnelle. Au sortir d’un conflit violent,


la restauration du tissu relationnel endommagé et la poursuite des auteurs de
crimes et d’injustices sont essentielles pour accomplir le travail de mémoire et
inventer un nouvel avenir12. Les inégalités structurelles peuvent être résolues
par le biais de mécanismes de changement fondamental, mais ceux-ci ne
sont pas forcément à l’ordre du jour lorsque les divers acteurs sont absorbés
par la gestion de crise. La réparation des injustices et des crimes commis peut
être instiguée par le biais du dialogue national, par exemple, en publiant des

149
Manuel de dialogue national

recommandations ou des décrets en vue de mettre en place des commissions


de vérité et de réconciliation. Le travail de réparation proprement dit se fait
généralement en dehors du dialogue national. Ainsi, le Népal et le Kenya
ont créé des commissions spécialisées
« La véritable réconciliation met à nu à la suite du dialogue national. Les
les horreurs, les abus, la douleur et la principes directeurs et les mécanismes
vérité. Elle peut même parfois exacerber de ce processus toujours très éprouvant
la situation. C’est une entreprise risquée, doivent être établis en amont. Le travail
mais qui vaut la peine d’être tentée. de mémoire exige beaucoup de temps.
Car, en définitive, c’est le face à face Le dialogue national doit cependant en
avec la réalité qui engendre une être le préambule et évoquer les atrocités
véritable guérison. » commises, malgré la difficulté que cela
Desmond Tutu (1999) représente.

Le dilemme de l’amnistie dans la justice transitionnelle

Plusieurs théories s’opposent quant au rôle de l’amnistie dans la


justice transitionnelle. L’amnistie a été introduite pour faciliter le
dialogue national. En 1990, au Bénin, elle a été utilisée pour inciter
les opposants politiques à participer à la Conférence nationale en vue
d’établir une nouvelle constitution. Au Soudan, le dialogue national
a rencontré de sérieuses complications, bien qu’il ait été lancé dès
janvier 2014. Le Parti national Umma s’est retiré, et les rebelles et les
forces de gauche n'ont pas participé. Plusieurs membres et chefs des
rebelles, notamment le président et le secrétaire général du Mouvement
populaire de libération du Soudan-Nord, ont été condamnés à mort
par les juridictions soudanaises. Le président El-Béchir a réagi et
publié, en septembre 2015, un décret républicain accordant une
amnistie générale aux chefs et aux membres des mouvements armés
investis dans la Conférence du dialogue national13. Les rebelles se
sont toutefois empressés d’accuser le gouvernement de propagande
politique. En Afrique du Sud, le Congrès national africain s’est retrouvé
face à un dilemme de taille : sans amnistie, les négociations auraient
tourné court et il aurait été impossible d’organiser des élections.
L’accord d’amnistie a donc été ajouté à la Constitution provisoire sous
forme de « postambule14 ». Au Yémen, l’amnistie accordée à l’ancien
président Ali Abdallah Saleh, sa famille et ses proches associés leur
ont évité d’être poursuivis pour les violences et les violations des droits
de l’homme commises avant et pendant l’année 2011. Ali Abdallah
Saleh est resté à la tête du Congrès général du peuple (CGP), le parti
au pouvoir, et a continué de le diriger. Notons que le CGP a pourvu la
moitié des postes du gouvernement de transition et occupe la majorité
des sièges de la Conférence de dialogue national15.

150
Mécanismes de mise en œuvre des résultats

La qualité du résultat dépend des facteurs suivants :

Le résultat doit répondre aux préoccupations et aux revendications


des parties concernées, de leurs partisans et du public.

L’ensemble des parties adhère au résultat et s’engage à le faire advenir


(sentiment d’appropriation).

Le résultat a été convenu sans avoir recours à la violence et reflète


un minimum de confiance et d’engagement.

Le résultat figure dans le mandat du dialogue national. Bien que


le mandat puisse évoluer au fil du temps, le résultat doit, pour être
perçu comme légitime, respecter les paramètres initiaux.

Le résultat apportera des dividendes de la paix tangibles, et des


incitations sont prévues pour faciliter la collaboration.

Pour mettre en œuvre l’accord, une feuille de route réaliste est


élaborée. Elle comprend des mécanismes de contrôle et de garantie
habilités à l’exécuter.

4.3 Mécanismes de mise en œuvre des résultats

« La qualité de l’accord ne suffit pas, La phase de mise en œuvre exige


encore faut-il avoir la volonté politique une planification et une conception
de le mettre en œuvre. » minutieuses. La planification intervient
Participant d’un atelier adressé aux Mouvements de durant la phase de processus, voire
résistance et de libération durant la phase de préparation, en
fonction de l’objectif et du mandat du
dialogue national. La mise en œuvre
gagnera en qualité si, à l’image du processus, elle est conçue de manière inclusive
et participative. Cette démarche renforcera également les processus de changement.

La phase de mise en œuvre est facilitée par des infrastructures, des mécanismes et
des forums.

151
Manuel de dialogue national

Garanties et
mécanismes
de suivi

Forums de dialogue
Infrastructure
pour le suivi
de mise en œuvre
des accords

Mise en œuvre

Figure 4.3 : Éléments facilitant la mise en œuvre des résultats du dialogue national

Infrastructure de mise en œuvre

Il peut être nécessaire de créer des entités juridiques, constitutionnelles ou


parlementaires, généralement au niveau constitutionnel, afin d’intégrer certains
résultats tangibles dans la législation. La mise en œuvre d’un résultat ou d’un accord
donné peut nécessiter la création de nouvelles lois (p. ex., la CODESA II en Afrique du
Sud) ou être simplement confiée aux entités déjà en place. Des organes de transition
sont souvent établis pour assurer la mise en œuvre des résultats, le dialogue national
ayant généralement lieu dans un contexte de transition. Leur structure et leur fonction
varient selon l’objectif et le mandat du processus. Dans toutes les conférences
nationales d’Afrique francophone (sauf au Gabon et en République démocratique du
Congo), les nouveaux gouvernements de transition ont été chargés de conduire des
élections. Au Bénin, au Niger, en République démocratique du Congo et au Tchad, des
organes de suivi ont été établis pour rédiger une nouvelle constitution. Dans d’autres
cas, ils peuvent être chargés de réviser la législation électorale, comme en Jordanie et
en Pologne. En Afghanistan, les élections faisaient partie du cadre de transition, mais
n’ont pas directement résulté de la Loya Jirga constitutionnelle.

Afrique du Sud. Établi dans le cadre de la Convention pour une Afrique du Sud
démocratique et du Processus de négociations multipartites, l’accord sur les grands
principes constitutionnels et le processus de transition a été mis en œuvre avec
l’élection de l’Assemblée constituante au suffrage universel, une première en Afrique

152
Mécanismes de mise en œuvre des résultats

du Sud. Les représentants de l’Assemblée ont discuté le contenu de la nouvelle


constitution et rédigé le texte constitutionnel. Un programme de participation
publique systématique a permis de recueillir des propositions très diverses.

Dans de nombreux pays étudiés, la phase de mise en œuvre a été marquée par la
création d’une foule d’institutions. Au Bahreïn, le gouvernement a créé une commission
chargée de mettre en œuvre une large gamme de recommandations résultant
directement du dialogue national. Celle-ci était composée de neuf responsables du
gouvernement et présidée par le Vice-Premier ministre.

Kenya. Le processus de dialogue national et de réconciliation au Kenya a établi


plusieurs institutions pour faciliter la mise en œuvre : (1) une Commission de révision
indépendante chargée d’enquêter sur la conduite et les résultats des élections,
d’analyser la crise électorale et de faire des recommandations quant à la réforme des
élections ; (2) une Commission d’enquête sur les violences post-électorales ; et (3) une
Commission vérité, justice et réconciliation. Un Bureau de coordination et de liaison a
été établi sur proposition du Groupe d'éminentes personnalités africaines de l’Union
africaine, avec le soutien du PNUD. Il était chargé de coordonner la mise en œuvre
efficace des accords conclus par le dialogue national et d’aider le gouvernement de
coalition à résorber les causes profondes de la crise post-électorale. En 2009, les
donateurs du processus ont demandé d’étendre le mandat du Bureau aux activités
de la Commission électorale indépendante provisoire et du Comité d’experts de la
révision constitutionnelle. Le gouvernement de coalition a requis un prolongement
de 12 mois, afin de pouvoir continuer à soutenir la mise en œuvre des accords du
processus. Le Bureau a officiellement cessé son activité en mars 2011, son plan de
travail dépendant étroitement du résultat du processus global de dialogue national
et de réconciliation. Un nouveau projet visant à prolonger les gains du processus a
été lancé en avril 2011 sous la tutelle du Bureau des Nations Unies pour les services
d'appui aux projets.

Jordanie. La Commission royale de révision de la Constitution a été créée dans le


sillage du Comité de dialogue national, et sa mise en place constitue un résultat
indirect du dialogue national. Elle a publié un rapport contenant 42 propositions
d’amendements constitutionnels. Les plus importants avaient trait à la séparation des
pouvoirs, à la création d’un tribunal constitutionnel et d’une commission électorale
indépendante, à la restriction des compétences des tribunaux de sécurité, ainsi qu’à
la réaffirmation de la protection de la liberté d’expression et de la liberté de la presse.
Un tribunal constitutionnel et une commission électorale ont vu le jour sur la base de
ces recommandations. Par la suite, les amendements proposés n’ont pas été soumis
à un référendum populaire, mais ont été adoptés par un vote du Parlement.

153
Manuel de dialogue national

Tunisie. La phase de mise en œuvre s’est déroulée rapidement, toutes les parties ayant
approuvé la feuille de route établie par le Quartette, notamment les composantes
gouvernementales, constitutionnelles et électorales.

Création de l’Ins-
tance supérieure
indépendante Démission du Organisation et Finalisation du
pour les élections, gouvernement mise en œuvre texte constitution-
chargée d’organi- islamiste et des élections nel et adoption
ser et de contrôler instauration d’un présidentielles et de la Constitution
les élections, et gouvernement législatives par l’Assemblée
notamment de technocratique constituante
rédiger la loi sur indépendant nationale
les élections

en 2 semaines en 3 semaines en 4 semaines

L’Instance supérieure indépendante pour les élections et plusieurs comités internes


étaient responsables de la mise en œuvre. La feuille de route a été suivie de bout en
bout par toutes les parties. Elle a abouti à la formation d’un nouveau gouvernement
technocratique, qui a organisé des élections législatives en octobre 2014, puis des
élections présidentielles en décembre de la même année. Le gouvernement de
transition a maintenu la stabilité jusqu’en février 2015, date de la transmission des
pouvoirs au nouveau gouvernement élu démocratiquement. Le pays s’est également
doté d’une nouvelle constitution. Celle-ci consacre les nouvelles fonctions du président
et du Parlement et a permis d’ancrer solidement ces institutions démocratiques dans
la vie politique tunisienne. Si beaucoup saluent le compromis politique trouvé par le
dialogue national, Abdelwahab El-Héni, le président du parti Al-Majd, observe que « le
dialogue national n’a créé aucun rêve, il a seulement sorti le pays d’un cauchemar »
(cité dans M’rad, 2015, 83). D’aucuns estiment que le dialogue national n’a pas résolu
la vraie crise qui sévit sur la scène économique et politique du pays ; il a toutefois
atteint son objectif déclaré de mettre fin à la crise politique.

154
Mécanismes de mise en œuvre des résultats

Bahreïn16. Les recommandations ont été remises au roi, lequel les a ensuite confiées aux
autorités compétentes en vue de leur exécution. Plusieurs mesures ont été appliquées
par décret royal, d’autres ont été remises au Parlement et aux ministères pour être
approfondies et mises en œuvre. Chaque institution devait rendre des comptes sur
l’avancement de la mise en œuvre. Une commission composée de neuf responsables
du gouvernement a été créée pour mettre en œuvre les recommandations. Les
réformes proposées visaient notamment la création de procédures législatives plus
efficaces, afin de réduire les retards de ratification et les lacunes de mise en œuvre.
Par la suite, le roi Hamad a annoncé que la Constitution du Bahreïn serait amendée
conformément aux recommandations.

Yémen. Le mandat du président Hadi avait été prolongé d’un an, afin que celui-ci
puisse mettre en œuvre certaines réformes et continuer de superviser le processus de
transition par le biais du dispositif de mise en œuvre suivant :

COMITÉ DE TRAVAIL SUR


LES RÉGIONS FÉDÉRALES

Mission : diviser le Yémen COMITÉ DE RÉDACTION


en régions en vue de la mise DE LA CONSTITUTION
en œuvre de la nouvelle
structure fédérale du pays Mission : rédiger la nouvelle AUTORITÉ NATIONALE
Constitution
Membres : 22
Membres : 17 (nommés Mission : contrôler et
Résultat : a pris la décision par le président à partir superviser la mise en
de diviser le Yémen en six des principales parties œuvre des décisions de
régions (févr. 2014) prenantes de la CDN) la CDN et garantir leur prise
en compte dans le projet
Résultat : a rédigé une de constitution
constitution puis l’a sou-
mise au président (début Membres : 82 (nommés par
janv. 2015) le décret présidentiel n° 30)

Depuis septembre 2014, la Banque mondiale fournit au pays un appui financier et


technique aux fins de mise en œuvre des résultats de la conférence du dialogue
national. Elle a notamment co-coordonné la création d’un cadre conjoint de
mobilisation internationale pour appuyer les résultats du dialogue national du Yémen
(Nations Unies-Banque mondiale, 2015).

155
Manuel de dialogue national

Garanties et mécanismes de suivi

Comme pour les processus de cessez-le-feu et de médiation, les garanties et les


mécanismes de contrôle convenus mutuellement peuvent fortement inciter (et
contraindre) les parties à honorer leurs engagements. À ce titre, ils assurent le bon
déroulement de la mise en œuvre. Les filets de sécurité mis en place durant la phase
de processus permettent de protéger le processus de mise en œuvre et d’assurer
son bon déroulement, et jouent donc un rôle important (→ section 3.8). Les acteurs
internationaux peuvent également occuper une fonction de premier plan et participer
en tant que garants et contrôleurs extérieurs neutres (→ chapitre 5). Des sanctions
peuvent également être appliquées, selon le degré de confiance entre les participants
et la fragilité (perçue) des accords. Enfin, le processus pourra se montrer plus créatif
et favoriser la collaboration entre les participants, afin d’établir des structures et
des mécanismes de mise en œuvre à même de créer des interdépendances entre
les anciens adversaires. Les dividendes de la paix incitent également à une mise en
œuvre de qualité.

Les garanties et les mécanismes de contrôle doivent impérativement être envisagés


au début du processus de dialogue national, faute de quoi les acteurs principaux
risquent de ne pas se sentir liés par l’accord, soit parce que le paysage politique a de
nouveau changé, soit parce qu’ils n’ont pas participé au dialogue. Ce fut le cas au Togo
et au Mali.

Togo17. En 1991, l’armée a été exclue des multiples cycles de dialogue national en
raison du manque de confiance et de la crainte de voir les chefs militaires détourner
le processus s’ils participaient. Lorsque le président a déployé des troupes pour
intimider et harceler les participants, les chefs des armées ne se sont pas sentis liés
par les accords découlant du processus, ni tenus de les mettre en œuvre.

Mali. La Conférence nationale n’avait créé aucun dispositif de contrôle et d’évaluation.


Certaines recommandations n’ont pas été exécutées par le gouvernement élu après
la Conférence. Il n’existait aucun mécanisme pour garantir la responsabilité du
gouvernement et superviser la mise en œuvre.

Certains acteurs (influents) de la société civile ont assumé des fonctions


complémentaires (voire essentielles) de garantie et de contrôle. Par exemple, les
principales parties prenantes nationales peuvent devenir des garantes incontournables
de la mise en œuvre, à condition de faire partie intégrante du dialogue. Le Quartette
tunisien a joué ce rôle pendant et après le dialogue national. Au Kenya, la société civile
a contrôlé la mise en œuvre selon une approche différente (voir encadré suivant).

156
Principales considérations relatives à la phase de mise en œuvre

Contrôle de la mise en œuvre par la société civile au Kenya18. Le Groupe d'éminentes


personnalités africaines a engagé South Consulting (une société de conseil et de
recherche basée à Nairobi et composée de professionnels originaires d’Afrique de
l’Est et d’Afrique australe) pour contrôler et évaluer de façon indépendante la mise
en œuvre des accords du processus de dialogue national et de réconciliation. L’Open
Society Institute et le PNUD ont financé l’appel d’offres public de ce projet de contrôle.
South Consulting a réalisé des sondages d’opinion, et mené des recherches et des
analyses pour évaluer la performance de la Grande coalition.

Forums de dialogue pour le suivi des accords

Durant la phase de mise en œuvre, les parties prenantes nationales doivent pouvoir
effectuer un suivi détaillé des accords, selon les besoins, et régler les questions
épineuses ou non résolues. Des forums de suivi informels ou semi-formels dans les
régions et les communautés permettent de creuser certaines questions, de rapprocher
les acteurs principaux des niveaux 2 et 3 (→ figure 1.5) et, ainsi, de garantir une mise
en œuvre continue et homogène. En Tunisie, des forums de dialogue pour le suivi
ont été créés sous forme de petits groupes de travail chargés d’étudier certaines
clauses sensibles du projet de constitution et de proposer des amendements. Les
participants ont ainsi pu discuter longuement des clauses afin de trouver des solutions
consensuelles.

4.4 P
 rincipales considérations relatives à la phase de mise
en œuvre

Il est important de gérer les attentes et de ne pas surcharger le programme du


dialogue national. L’évaluation du dialogue national doit porter sur ses résultats
tangibles mais aussi être guidée par une réflexion s’intéressant à l’ensemble
du processus. Il est important de consacrer du temps et des ressources à la
réalisation des résultats intangibles (attitudes, compétences, perceptions, etc.)
en guise de préparation aux résultats tangibles et aux processus de changement
sous-jacents à plus long terme. Il ne faut pas, parallèlement à cela, considérer les
choses comme acquises lorsque les mesures immédiates portent leurs fruits en
produisant des résultats à court terme. Cette réussite doit plutôt ouvrir la voie à
une mise en œuvre plus complète laissant place à un changement fondamental.

Comme dans tout processus de négociation, parvenir à un accord sur le papier


et le mettre en pratique sont deux choses bien distinctes. Il est utile, dans le
cadre du dialogue national, que les participants cherchent à parvenir à des
accords ayant fait l’objet d’un consensus auquel tous les acteurs importants ont
participé et concouru. Ceci peut supposer d’adopter des moyens originaux de
mobilisation et d’information du public – et d’en tirer pleinement parti. L’accord

157
Manuel de dialogue national

pourra alors bénéficier d’un vaste soutien d’entrée de jeu, ce qui augmentera
les chances d’une mise en œuvre réussie. Cette dernière est également facilitée
lorsque les accords dépassent le niveau du plus petit dénominateur commun et
traitent véritablement des revendications profondes. Le processus mis en place
pour produire un résultat est donc aussi important que la qualité dudit résultat
et influence directement ce dernier.

Malgré tous les efforts de planification et de préparation déployés dans le cadre


du processus de dialogue national, il est utile, en particulier au cours de la phase
de mise en œuvre, de prévenir toute évolution vers un processus commandé
par un plan et de garantir plutôt un processus de transformation ou axé sur le
changement. Il est important de se doter d’un calendrier précis fixant les étapes
de la mise en œuvre (et des délais stricts mais réalistes), mais également, et
invariablement, de faire preuve d’une certaine souplesse.

Si « l’ambiguïté constructive19 » peut parfois s’avérer utile, les mécanismes


et les organes de mise en œuvre ont besoin que les recommandations ou les
accords utilisent un langage clair. De plus, il est essentiel de suivre les accords
incomplets afin de garantir qu’ils ne soient pas contournés ou abandonnés, ce
qui pourrait alors entraver l’application d’autres accords.

Idéalement, la phase de mise en œuvre du dialogue national ne doit pas conduire


à une « fermeture », mais plutôt à une « ouverture » de l’espace pour favoriser
la poursuite du dialogue à plusieurs niveaux (p. ex., au niveau national et de
façon informelle entre les participants au dialogue). Pour assurer la pérennité
de la structure, il peut être utile d’envisager le concept d’infrastructures pour la
paix (I4P) (→ section 3.8, encadré p. 130).

1 Pour une discussion sur la mise en œuvre des accords de paix, voir Stedman,
Rothchild et Cousens (2002).

2 La Conférence du dialogue national (CDN) a décidé que le Yémen devait devenir un État fé-
déral, mais la décision importante portant sur le découpage des frontières a été confiée
à d’autres autorités. Au bout du compte, le président Hadi a mis en place la structure
fédérale en moins de deux semaines, suscitant de nombreuses critiques et donnant
l’impression que les décisions importantes étaient toujours prises par les mêmes.

3 Le coût de la mise en œuvre des recommandations de la CDN au Yémen a été estimé


à environ 30 milliards de dollars US, un montant considéré comme totalement
irréaliste (MAE Finlande, 2014, 227).

4 « Les résultats concrets du dialogue national prennent généralement la forme d’un accord
officiel qui recense à la fois les principes sous-tendant des réformes importantes et
les processus mis en place pour les adopter » (Barnes, 2017, p. 32).

158
Notes

5 Les résultats se différencient des produits à plusieurs égards : pour certains, les résultats
sont intangibles tandis que les produits sont tangibles ; pour d’autres, les résultats
sont le fruit de la transformation suscitée par les produits. Voir par exemple
Mills-Scofield (2012). Le présent manuel ne fait référence qu’au terme « résultats »,
en faisant une distinction entre leurs aspects tangibles et intangibles.

6 L’exemple du Guatemala est tiré de Alvarez (2002), de Leon (2014) et de Centro de Estudios
de Guatemala (2016).

7 Voir Lode (2002).

8 Partiellement inspiré de MAE Finlande (2014).

9 Ceux-ci s’accompagnent souvent d’actes législatifs contraignants, selon le mandat et


la puissance du processus par rapport aux organes de gouvernance. Il est également
envisageable d’atteindre des résultats à la fois contraignants et non contraignants.

10 Voir Afsah et Guhr (2005, 429f).

11 Voir Secrétaire général des Nations Unies (2004, 3).

12 Le travail de mémoire est communément appelé « mécanisme de réconciliation »,


lequel trouve cependant son origine dans la religion et la culture, et tend à défendre
les notions d’« oubli » et de « pardon ». Le travail de mémoire se veut plus neutre, et
privilégie le fait d’affronter le passé, de rechercher la vérité et de s’y confronter de façon
constructive. Cela dit, l'interprétation du travail de mémoire et de réconciliation de même
que leurs modalités varient d’une culture à l’autre. Voir MSP (2009) pour en savoir plus
sur le travail de mémoire dans le cadre de la médiation pacifique.

13 Voir www.africareview.com/news/Sudan-rebels-rebuff-Bashir-amnesty/979180-2883144-
11ysdt5/index.html.

14 Voir van Zyl (1999) ; Mallinder (2008).

15 Voir POMEPS (2013).

16 Inspiré de Fakhro (2013) et « Bahrain’s National Dialogue. Executive Summary of


 Outcomes » (2011) : www.nd.bh/en/index.php/the-dialogue/executive-summary-of-
outcomes.

17 Inspiré de MAE Finlande (2014, 343).

18 Inspiré de PNUD (2011 ; 2009).

19 L’ambiguïté constructive est un terme généralement attribué à Henry Kissinger.


« Si deux parties à une négociation sont dans l’incapacité de parvenir à un accord,
elles pourront effacer leurs désaccords en ayant recours à des termes ambigus.
La négociation peut alors se poursuivre, dans l’espoir que la question sera
résolue ultérieurement ou cessera d’être problématique. »
www.usip.org/peace-terms-glossary/constructive-ambiguity.

159
Chapitre 5
Mobilisation extérieure
en faveur du dialogue
national

Sommaire
163 5.1 Rôles des acteurs extérieurs

176 5.2 Principales considérations relatives


à la mobilisation extérieure

161
Manuel de dialogue national

Les dialogues nationaux sont, par définition, dirigés par les pays et propres à
chacun d’entre eux. Ils s’inscrivent dans un cadre et sont par conséquent exposés
à l’influence d’éléments, de conditions et d’acteurs extérieurs. Idéalement, ce sont
les parties prenantes nationales à l’origine du dialogue qui décident du rôle joué
par les protagonistes extérieurs, en veillant à ce que leur engagement soutienne le
processus. Toutefois, l’expérience montre que la mobilisation extérieure peut être
néfaste en l’absence de coordination ou si elle est essentiellement motivée par des
intérêts personnels.

Les dialogues nationaux ont récemment suscité l’intérêt et le soutien de la


communauté internationale (ministères des Affaires étrangères, donateurs, Nations
Unies, ONG internationales, etc.). Ceci s’explique entre autres par le fait que les
dialogues nationaux (même les plus onéreux) sont plus rentables que les interventions
extérieures, notamment les opérations militaires et les sanctions. Ceci peut alléger
le fardeau pesant sur la communauté internationale en faisant porter le poids de
la responsabilité du changement sur les parties prenantes nationales. Le dialogue
national est conforme aux principes d’appropriation et de souveraineté nationales
ainsi qu’à d’autres idéologies et politiques prônées par les donateurs occidentaux
de l’OCDE. Dans les années 1990, les donateurs insistaient sur la réduction du rôle
de l’État tout en promouvant la privatisation et l’essor des structures parallèles de
la société civile. La situation s’est depuis inversée, et les donateurs commencent à
reconnaître combien il est important pour les pays de jouir d’institutions étatiques
en bon état de fonctionnement. Ceci a eu pour conséquence une augmentation du
soutien en faveur de la coopération entre l’État et la société civile (Echagüe, 2012),
pour laquelle le dialogue national peut représenter un outil prometteur.

Les protagonistes extérieurs au processus de dialogue se définissent comme « des


acteurs qui ne participent pas directement au dialogue et qui ne tirent aucun avantage
direct de son aboutissement » (Siebert, Kumar et Tasala, 2014, 36). Ce dernier point
ne signifie pas qu’ils n’ont aucun intérêt dans le processus. Si ce chapitre porte
principalement sur la contribution positive des acteurs extérieurs, il est important
de ne pas partir de l’hypothèse qu’ils n’exercent jamais une influence négative. Ils
peuvent compliquer les choses, notamment en soutenant une partie plutôt qu’une
autre ou en cherchant à influencer l’issue du dialogue national afin de continuer à
protéger leurs intérêts.

Quels sont les acteurs extérieurs influant sur le dialogue national ? Le présent manuel
passe en revue un vaste ensemble d’acteurs, en s’attachant à distinguer les acteurs
politiques des acteurs du développement. Les premiers comprennent généralement
les organisations internationales et régionales, les États et les organisations non
gouvernementales. Il peut également s’agir de chefs religieux, d’institutions
universitaires, de groupes de la diaspora, de représentants du secteur commercial et
de figures influentes. S’ils agissent souvent seuls, ils peuvent également faire partie de
coalitions spécialement créées pour accompagner le dialogue national, telles que les
amicales ou les groupes de contact.

162
Rôles des acteurs extérieurs

Les acteurs du développement, dont la contribution au dialogue national est


souvent incomprise et peu reconnue, englobent les institutions financières telles
que le FMI et la Banque mondiale, les fonds nationaux de développement, les
organismes d’aide et les ONG de développement. S’ils sont généralement réticents
à reconnaître la nature politique de leurs interventions dans des contextes
fragiles et touchés par des conflits, ils ont tout de même fait preuve d’un intérêt
accru dans les processus politiques, y compris le dialogue national. Ils mettent
également l’accent sur la prévention des conflits, qui est de plus en plus reconnue
comme un facteur important du développement. Le rôle joué par les acteurs du
développement dans la promotion de la consolidation de la paix et la prévention
des conflits a été reconnu par l’analyse de l’architecture de la consolidation de la
paix, effectuée par les Nations Unies en 20151. En résumé, l’appui des acteurs du
développement aux processus de consolidation de la paix est de plus en plus
important et intégré.

5.1 Rôles des acteurs extérieurs


Cette partie s’attache à recenser les nombreux rôles joués par les acteurs extérieurs
dans les processus de dialogue national (→ figure 5.1). Certains de ces rôles se
chevauchent bien évidemment, et la catégorisation ne veut en aucun cas suggérer
que les acteurs extérieurs coordonnent leurs interventions. Celles-ci sont au contraire
souvent ponctuelles et guidées par des intérêts particuliers. Il n’existe en outre aucune
approche « unique » de l’engagement extérieur. Pour être efficace, chaque intervention
doit tenir compte des particularités politiques, sociales, économiques et historiques
caractérisant chaque contexte.

Aide indispensable

Bailleur de fonds

Observateur/Garant

Prestataire de services d’assistance technique qualifiée

Facilitateur

Agent de mise en œuvre, contrôleur et vérificateur

Phase de préparation Phase de processus Phase de mise en œuvre

Figure 5.1 : Rôles des acteurs extérieurs dans les processus de dialogue national

163
Manuel de dialogue national

Cette partie décrit les rôles endossés par les acteurs politiques et du
développement (→ figure 5.2, p. 174-175). Le fait qu’ils se soient tous deux engagés
à soutenir le dialogue national témoigne d’une disparition progressive des divisions
traditionnelles entre les rôles, caractérisée par une intervention des acteurs du
développement suite à la conclusion d’un processus politique visant à appuyer les
efforts de reconstruction et de développement au cours de la phase de mise en œuvre.
Ces dernières années, les acteurs du développement jouent un rôle de plus en plus actif
dans les processus politiques, remplissant différentes fonctions d’appui au dialogue
national. Parmi ces fonctions, citons : l’adoption de mesures favorisant la confiance,
la définition d’incitations à la participation des parties prenantes nationales au
processus de dialogue, la garantie de l’intégration des questions de développement
dans le dialogue national, le versement de fonds et la fourniture d’une expertise
technique, ou encore l’appui à l’infrastructure de dialogue ainsi qu’à la mise en œuvre
des résultats du dialogue national.

Aide indispensable

Fonction : Les acteurs extérieurs peuvent être vus comme des « aides indispensables »
lorsqu’ils s’unissent pour soutenir le dialogue national au niveau international,
et lorsqu’ils exercent une influence sur les parties au conflit pour les inciter au
dialogue. Pour encourager les parties à se mobiliser, les acteurs extérieurs peuvent
avoir recours à des moyens de pression et à des mesures incitatives. Citons par
exemple les déclarations publiques, les sanctions « intelligentes » et les embargos (y
compris les interdictions de voyager), ou encore les moyens incitatifs tels que les
mesures d’allégement de la dette, les programmes d’aide financière et la promesse
de normaliser les relations, entre autres. Il convient de faire preuve de prudence lors
de l’adoption de politiques de sanctions intelligentes, car, en tant qu’interventions
actives, elles peuvent modifier les rapports de force entre les parties présentes sur
le terrain. Utilisées avec précaution, elles peuvent toutefois aider à faire avancer la
situation et ouvrir les parties au dialogue.

La Pologne, où l’environnement extérieur a largement pesé sur la mise en place d’un


processus de dialogue visant à négocier la transition politique en 1989, constitue un
bon exemple. Si la Perestroïka a créé un environnement propice aux réformateurs
qui souhaitaient la mise en place d’un dialogue national, les dirigeants occidentaux
ont exercé une pression considérable sur le gouvernement polonais, menaçant de
suspendre les aides financières en l’absence de mise en œuvre de véritables réformes.
C’est l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement a accepté l’organisation d’une
table ronde entre février et avril 1989. L’Afrique du Sud constitue un autre bon exemple.
Le recours aux sanctions économiques a incité le régime de l’apartheid à engager
le dialogue avec le Congrès national africain, ce qui a donné lieu à une transition
politique pacifique. En Syrie, les acteurs extérieurs peuvent faire s’enraciner l’idée
d’un dialogue national et veiller à ce qu’elle soit abordée lors des négociations de
paix (voir l’encadré ci-dessous).

164
Rôles des acteurs extérieurs

Les acteurs extérieurs peuvent également être des « freins » s’ils découragent
activement les parties au conflit de participer au dialogue national et s’ils prennent
des mesures qui réduisent les probabilités de compromis entre les parties au conflit.
L’exemple de l’Ukraine est très parlant. L’éclatement de la guerre dans l’est du pays et
la concurrence géopolitique croissante entre l’Est et l’Ouest ont favorisé l’émergence
d’une logique de confrontation, et non de dialogue, entre les différents segments de la
société au lendemain de la « révolution de Maïdan » de février 2014.

Phases du processus : C’est sans doute au début du processus, pendant la phase de


préparation, alors que les parties sont encore en train de décider si elles souhaitent
engager le dialogue, que les acteurs extérieurs constituent une aide indispensable.
L’engagement externe peut également s’avérer utile lorsque les négociations sont
suspendues ou en passe d’échouer, et pour maintenir l’élan pendant la mise en œuvre.

Guatemala – le Groupe des Huit


En 1983, suite à une hausse des conflits en Amérique centrale, les gouvernements
du Panama, du Mexique, de la Colombie et du Venezuela ont formé le groupe de
Contadora, un engagement multilatéral visant à promouvoir le règlement des conflits
dans la région. Un an plus tard, l’Accord de Contadora pour la paix et la coopération
en Amérique centrale, qui exposait les grandes lignes d’engagements en faveur de
la paix, de la démocratisation, de la sécurité dans la région et de la coopération
économique, a été présenté. Les gouvernements de l’Argentine, du Brésil, du Pérou et
de l’Uruguay ont ensuite constitué un Groupe d’appui à Contadora, également appelé
le Groupe de Lima. Ensemble, les États parties aux Groupes de Contadora et de Lima
forment le Groupe des Huit. Par la suite, deux accords ont été passés, Esquipulas I
et II, dans lesquels les États signataires ont demandé la tenue de négociations et de
dialogues internes dans les pays en conflit de la région. Cette mobilisation de la part
d’États extérieurs a été efficace, puisqu’elle a permis de convaincre le gouvernement
du Guatemala, représenté par un président nouvellement élu, d’amorcer le processus
de dialogue.

Syrie – le dialogue national, une solution pour l’avenir ?


En 2012, Kofi Annan, alors Envoyé spécial conjoint des Nations Unies et de la Ligue des
États arabes pour la crise syrienne, a réuni un groupe d’acteurs extérieurs influents. Ce
groupe a produit une déclaration conjointe, le Communiqué de Genève, qui souligne
les principaux paramètres d’une résolution future du conflit syrien. Le Communiqué
affirmait notamment : « C’est au peuple syrien qu’il appartient de déterminer l’avenir
du pays. Tous les groupes et les segments de la société syrienne doivent être habilités
à participer à un processus de dialogue national. Un tel processus doit non seulement
être ouvert mais aussi conséquent – autrement dit, ses principaux résultats doivent
être suivis d’effet » (Groupe d’action pour la Syrie, 2012, 3). L’Envoyé spécial actuel
des Nations Unies est allé plus loin en créant le comité consultatif des femmes

165
Manuel de dialogue national

syriennes et la plateforme d’appui à la société civile Civil Society Support Room (gérée
par swisspeace et le Norwegian Centre for Conflict Resolution [NOREF]) en marge des
pourparlers intra-syriens à Genève, insistant sur le fait que le conflit syrien ne pourra
être résolu qu’en intégrant de larges pans de la société. Les débats sur le dialogue
national sont rendus difficiles par le fait que le gouvernement syrien a suggéré, à
plusieurs reprises au cours du conflit, d’organiser un dialogue dans le but de saper
l’opposition. Ce sera à la population syrienne de décider si un dialogue national doit
avoir lieu, et sous quelle forme.

Bailleur de fonds

Fonction : Les acteurs extérieurs peuvent aussi assumer le rôle de bailleurs de


fonds lorsqu’ils affectent des ressources financières à la conduite d’un processus
de dialogue national. Dans de nombreux cas, l’administration d’un secrétariat, la
location d’un site, l’accueil des participants et experts et l’organisation d’activités
de sensibilisation, entre autres, nécessitent des financements importants. Par
exemple, la Conférence du dialogue national au Yémen disposait d’un budget estimé
à 37 millions de dollars US (Siebert, Kumar et Tasala, 2014, 38). Les fonds peuvent être
versés directement, comme c’était le cas au Yémen, ou par le biais d’un mécanisme
local mis en place en appui au processus politique, comme au Népal. Au Yémen, le
processus a été financé à travers un fonds fiduciaire alimenté par les donateurs, qui
peut ensuite être utilisé avec souplesse en fonction des nouveaux besoins ou des
besoins les plus urgents. La souplesse en matière de financement est importante, non
seulement parce que la durée et l’élan dont jouissent les dialogues nationaux peuvent
varier considérablement, mais également pour assurer l’engagement à long terme des
donateurs, même pendant les phases au cours desquelles l’attention internationale
peut être attirée ailleurs. D’autres processus ont également été financés grâce à la
création de fonds fiduciaires. Au Kenya, par exemple, l’acheminement de fonds par
le biais d’un fonds fiduciaire alimenté par la communauté internationale a permis
de garantir le déclenchement rapide des négociations et de veiller à ce que le Groupe
d'éminentes personnalités africaines soit en mesure de travailler sans contraintes de
nature financière (Bureau du Groupe d’éminentes personnalités africaines de l’Union
africaine, 2008, 33).

Un financement suffisant est indispensable à la poursuite du processus et à la mise


en œuvre de ses résultats. Il est important de ne pas se concentrer uniquement
sur le dialogue national, mais aussi de veiller à ce que le gouvernement continue
d’exercer ses fonctions essentielles tout au long du processus, comme ce fut le cas
en République centrafricaine. En effet, la prestation effective de services publics
encourage la création d’un environnement favorable au dialogue.

Phases du processus : Chacune des phases de préparation, de processus et de mise


en œuvre nécessite des financements, les besoins étant souvent les plus importants
au cours de la deuxième phase (processus).

166
Rôles des acteurs extérieurs

Yémen – Fonds fiduciaire pour le dialogue national et la réforme constitutionnelle


Le Fonds fiduciaire pour le Yémen a été créé sous les auspices du gouvernement
yéménite et des Nations Unies en appui au dialogue national et au processus
constitutionnel dans le pays. Les projets ont été financés en fonction des priorités
fixées par le gouvernement afin de garantir une appropriation nationale. Le fonds
fiduciaire était dirigé par un Comité directeur et par un Groupe de travail sur les
opérations. Le Comité directeur, coprésidé par le Représentant du gouvernement
yéménite et par le Conseiller spécial du Secrétaire général, était chargé d’étudier les
propositions de projets et d’affecter des fonds aux projets approuvés. Le Groupe de
travail sur les opérations, établi sous forme de groupe de travail relevant du Comité
directeur, était quant à lui chargé de l’examen périodique de l’avancée des projets
financés par le fonds fiduciaire, et devait s’assurer que les activités menées étaient
conformes aux initiatives similaires entreprises en dehors du Fonds. La plus grande
partie des fonds disponibles a servi à financer le Secrétariat et la Conférence ; le reste
a été utilisé à des fins de coordination, de consultation et d’aide à la sensibilisation.
Nations Unies (2012)

République centrafricaine – Forum national de Bangui


La mise en place du Forum national de Bangui, qui fait suite à la Conférence
de Brazzaville organisée en juillet 2014 en vue de la signature d’un cessez-le-
feu (conduite sous la médiation du président de la République du Congo) et à
l’organisation de consultations populaires en République centrafricaine au cours du
premier trimestre 2015, constitue la troisième phase du processus de Brazzaville.
Dans le cadre des consultations et du Forum national de Bangui, la Banque mondiale
et les Nations Unies ont versé des fonds au gouvernement de transition nouvellement
formé en vue de contribuer à garantir le fonctionnement de base des secteurs public
et de la sécurité. Ces fonds ont permis la reprise de certaines prestations de services
de base et le maintien de plusieurs fonctions essentielles du gouvernement. Cette
aide a ainsi contribué à stabiliser la situation dans le pays et à créer un environnement
propice à la poursuite du processus en trois temps de Brazzaville.
Nations Unies/Banque mondiale (2015, 28)

Observateur et garant

Fonction : Les acteurs extérieurs endossent la fonction d’« observateurs » lorsqu’ils


participent au processus sans jouer un rôle actif, agissant plutôt en qualité de témoins
et veillant à ce que le processus jouisse d’une aide internationale. Les observateurs
peuvent ainsi aider à créer un environnement propice au rapprochement et aux
négociations fondées sur la confiance entre les parties. Le rôle de « garant » est
étroitement lié à cette fonction d’observateur. Les acteurs extérieurs sont qualifiés
de « garants » lorsqu’ils jouent un rôle de défenseur engagé qui accorde un soutien
politique au processus de dialogue national et à la mise en œuvre des résultats. Dans

167
Manuel de dialogue national

les contextes où la défiance règne entre les parties, la mobilisation d’observateurs ou


de garants extérieurs peut aider à instaurer la confiance et à apaiser les craintes des
parties quant au risque de s’engager dans un processus. Comme ces rôles exigent une
certaine dynamique, ils sont souvent endossés par des organisations internationales
et régionales ou des États influents. Dans le cas du Guatemala, par exemple, les
Nations Unies, qui ont joué le rôle d’observateur, ont largement contribué à susciter
la confiance lors de la phase initiale du processus. L’engagement des Nations Unies a
également favorisé la reconnaissance et la légitimité internationales tout au long du
processus.

Phases du processus : Dans le cadre du processus de dialogue national, la fonction


d’observateur et de garant évolue d’une phase à l’autre. Lors des phases de préparation
et de processus, les observateurs instaurent la confiance entre les acteurs et envers
le processus, tout en assurant l’obtention d’un soutien international. Au cours de la
phase de mise en œuvre en revanche, la fonction de garant sert à protéger l’exécution
des résultats.

Guatemala – Nations Unies


Au Guatemala, la Commission nationale de réconciliation nommée par le
gouvernement a instauré le Grand dialogue national en 1989. Un an plus
tard, après la signature de l’Accord de base pour la recherche de la paix par
des moyens politiques (Accord d’Oslo) avec l’Unité révolutionnaire nationale
guatémaltèque (URNG), elle a organisé plusieurs sessions de dialogue entre cette
dernière et différents segments de la société, ce qui a ouvert la voie à des négociations
officielles entre l’URNG, l’armée et le gouvernement entre 1991 et 1996. L’Accord
d’Oslo demande officiellement au Secrétaire général des Nations Unies, Javier Pérez
de Cuéllar, de « suivre les activités qui seront entreprises et de se porter garant des
accords conclus et des engagements contractés aux termes du présent document »2.
Suite à cette demande, les représentants des Nations Unies ont endossé le rôle
d’observateurs et de garants lors des différentes sessions de dialogue. Au cours
des négociations officielles amorcées en 1991, l’ONU a dans un premier temps
continué à jouer le rôle d’observateur, avant d’agir comme médiateur officiel à partir
de 1993.

Liban – Qatar et Ligue arabe


Le dialogue national libanais a débuté en 2008 au lendemain d’un soulèvement
violent qui a levé le voile sur les divisions profondes au sein de la société politique
du pays. L’émir et le Premier ministre du Qatar, en étroite collaboration avec le
Conseil des ministres et le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, ont joué
un rôle fondamental dans l’instauration d’un environnement favorable au processus

168
Rôles des acteurs extérieurs

de dialogue national, lequel a bénéficié de leur soutien politique. S’en est suivie
l’adoption de l’Accord de Doha, en mai 2008. La Ligue arabe avait pour fonction
de « renforcer la confiance au sein de la société libanaise »3. Le Qatar, quant à lui,
participait à des réunions à huis clos et maintenait le contact avec les principaux
acteurs régionaux et nationaux, sans pour autant s’engager directement dans
le processus. Le Qatar et la Ligue arabe étaient donc les garants du processus de
dialogue national au Liban.

Prestataire de services d’assistance technique qualifiée

Fonction : Les acteurs extérieurs fournissent des services « d’assistance technique


qualifiée » lorsqu’ils apportent une expertise spécifique au processus. Cet appui vise
à fournir des connaissances et des compétences utiles aux participants au dialogue
national afin qu’ils puissent s’engager plus nettement dans le processus. La prestation
de services d’assistance technique prend différentes formes : apport de contributions
thématiques dans certains domaines (élaboration du processus, partage du pouvoir,
etc.), formation professionnelle, ou encore expertise comparative. Elle peut également
comprendre l’organisation de réunions consultatives entre les participants au dialogue
national ou avec des participants et experts extérieurs, dans le cadre desquelles des
exercices d’instauration de la confiance sont menés, des concepts sont élaborés en
vue de la conduite du processus, le contexte est analysé et des dossiers d’information
sont préparés.

L’assistance technique peut être fournie de manière ponctuelle ou afin de répondre


à certaines demandes spécifiques. Citons par exemple le cas de la Jordanie, où le
Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) est intervenu lors de
l’interruption des négociations à la demande des membres du Comité de dialogue
national. L’assistance peut parfois provenir de plateformes créées spécialement
pour soutenir le dialogue national. Ces plateformes ont une double utilité : non
seulement elles fournissent une expertise technique, mais elles peuvent également
servir d’espaces informels de négociation, notamment lorsque le processus officiel
se trouve dans une impasse. La NTTP au Népal (→ p. 134-135) réunit précisément ces
deux fonctions. La Common Space Initiative au Liban (→ p. 133-134) constitue un autre
exemple intéressant. Cette dernière a été créée dans le but de rendre plus inclusif le
dialogue national de 2008, dirigé principalement par les élites politiques, en invitant
des experts et la société civile à participer à la recherche d’un consensus sur de
grandes questions.

Phases : L’assistance technique prend toute son importance lors des phases de
préparation et de processus. Elle peut également s’avérer utile lors de la phase de
mise en œuvre du dialogue national.

169
Manuel de dialogue national

Jordanie – PNUD
En mars 2011, la Jordanie a créé un Comité de dialogue national (CDN), qui avait
pour mission d’émettre des recommandations concernant d’éventuelles réformes
politiques. À l’exception du PNUD, les acteurs extérieurs ont globalement joué un
rôle secondaire en Jordanie. Le PNUD Jordanie a fourni une assistance technique et
logistique lorsque les discussions au sein du CDN se sont trouvées dans l’impasse. Il
a par exemple organisé une réunion visant à fournir aux membres du CDN des conseils
d’experts internationaux sur différents systèmes électoraux. Cette réunion a eu lieu
alors que ce point était venu perturber le processus.

Népal – Suisse
Entre 2005 et 2007, la Suisse a dépêché deux conseillers principaux à la suite.
Spécialisés dans les questions de consolidation de la paix, ils avaient pour fonction
d’appuyer le processus de paix au Népal et ont pour cela fourni une assistance
technique dans le cadre de l’initiative Nepal Transition to Peace (NTTP). Celle-
ci a été mise en place en 2005 pour servir de filet de sécurité et de mécanisme de
soutien au processus de paix. Le premier conseiller a agi comme consultant auprès
du Secrétariat pour la paix et des facilitateurs locaux, sur des questions liées à
l’élaboration du processus et au partage du pouvoir. Il a ensuite guidé les parties
sur des questions techniques relatives à la préparation de l’élection des membres
de la nouvelle Assemblée constituante. De même, le deuxième conseiller a appuyé
le processus constitutionnel, fourni un avis d’expert sur le fédéralisme et renforcé
les capacités de la société civile, des acteurs politiques et des facilitateurs grâce à
l’organisation de séminaires et de voyages d’études, à des recherches et à la collecte
de documents. Outre l’engagement de la Suisse, un expert venu d’Afrique du Sud et
financé par l’USAID a également fourni une assistance technique au NTTP.

Facilitateur

Fonction : Les acteurs extérieurs sont des « facilitateurs » qui interviennent en


marge du processus, agissent comme intermédiaires et aident à établir la confiance
ou à résoudre des questions spécifiques au cours du processus. Si les principaux
facilitateurs au sein du processus de dialogue national sont généralement des parties
prenantes nationales, les acteurs extérieurs peuvent tout de même agir comme tiers
dans un but bien précis, par exemple réunir les participants au dialogue national de
façon informelle et leur permettre d’étudier les différentes options qui s’offrent à eux
dans des conditions qui n’auraient pas été envisageables dans un contexte officiel. Ce
sont généralement les ONG qui occupent cette fonction pour obtenir la confiance des
parties au conflit. Les rôles endossés par la Fondation Berghof et par le Centre pour le
dialogue humanitaire au Soudan et au Yémen illustrent bien ce point.

170
Rôles des acteurs extérieurs

Les acteurs extérieurs ont parfois également joué le rôle de facilitateurs officiels dans
le cadre des dialogues nationaux. C’est le cas par exemple des Nations Unies en Libye.
Autre exemple, celui du Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine
pour le Soudan : ce n’est pas lui qui a coordonné le dialogue national dans le pays,
mais il a en revanche aidé les parties à négocier l’adoption d’un accord politique,
ouvrant ainsi la voie à un processus de dialogue au niveau national.

Ce qu’il faut retenir ici, c’est que les acteurs extérieurs peuvent jouer un rôle de
facilitateurs, en particulier lorsqu’il est nécessaire d’exercer une certaine pression
pour avancer. Les acteurs extérieurs seront pourtant tenus de réconcilier leur rôle
de facilitateurs avec le besoin d’assurer le maintien de l’appropriation nationale du
processus.

Phases : Les facilitateurs extérieurs interviennent pendant les phases de préparation


et de processus. Lors de la phase de préparation, ils sont en mesure de créer des espaces
de réunions et d’échanges informels, et de promouvoir ainsi la confiance entre les
différents acteurs. Lors de la phase de processus, les facilitateurs extérieurs peuvent
aider à régler les différends et servir de conciliateurs dans des conflits méritant une
attention immédiate afin d’empêcher le processus de dérailler.

Libye – un dialogue politique coordonné par les Nations Unies


Les appels au dialogue national en Libye se sont fait entendre dès 2013, lorsque le
gouvernement de l’époque, issu du Congrès général national (CGN), a convoqué un
Comité préparatoire du dialogue national. Le travail du Comité a toutefois été occulté
par la situation politique agitée qui régnait dans le pays. En 2014, suite à la scission
entre la Chambre des représentants, dont le siège est à Tobrouk, et un CGN revigoré,
basé à Tripoli, les Nations Unies, par le biais de leur Mission d’appui en Libye (MANUL),
ont réuni les factions rivales dans le cadre du dialogue politique libyen. Lorsque les
parties ont refusé de dialoguer directement l’une avec l’autre, l’ONU a endossé le rôle
de facilitateur pour faire avancer le processus. Elle a également mis en place, avec
plus ou moins de succès, cinq « axes favorables » pour assurer la prise en compte
du point de vue des autorités locales, de la société civile, des femmes, des chefs
de tribus et des acteurs de la sécurité dans le processus de dialogue politique. Le
dialogue politique coordonné par les Nations Unies a donné lieu à l’Accord politique
libyen, signé par les parties en décembre 2015 à Skhirat, au Maroc.

171
Manuel de dialogue national

Soudan – Fondation Berghof


En 2014, en étroite collaboration avec l’Institut allemand pour les Affaires
internationales et de sécurité, et grâce au soutien financier du ministère fédéral
allemand des Affaires étrangères, la Fondation Berghof a lancé une initiative
intitulée « Appui au dialogue national et à la réconciliation au Soudan », qui visait
à rassembler différents acteurs nationaux autour de l’élaboration d’un cadre ouvert
de dialogue. La Déclaration de Berlin a été publiée en février 2015, produisant deux
résultats notables : 1) elle a insisté sur la nécessité d’instaurer un environnement
propice au dialogue national ; 2) l’opposition a accepté de participer à la Conférence
préparatoire au dialogue national du Groupe de mise en œuvre de haut niveau de
l’Union africaine.

Agent de mise en œuvre, contrôleur et vérificateur

Fonction : Les acteurs extérieurs endossent tantôt le rôle d’« agents de mise en
œuvre », tantôt celui de « contrôleurs et vérificateurs », lorsqu’ils se chargent d’aider à
mettre en pratique les résultats du dialogue national ou à les contrôler. Cette fonction
recoupe souvent les autres rôles décrits dans ce chapitre, comme la prestation d’une
expertise technique, le versement de fonds et la fourniture de garanties, qui souvent se
poursuivent lors de la phase de mise en œuvre. Compte tenu de l’ampleur des tâches
à exécuter, cette fonction est généralement remplie par des organisations régionales
ou internationales, comme l’illustrent les cas du Yémen et du Kenya. Les acteurs du
développement jouent également un rôle déterminant au cours de la mise en œuvre,
comme le montre l’exemple du Yémen. Au cours de cette phase, le travail des acteurs
extérieurs est souvent complété par des organisations et réseaux de surveillance issus
de la société civile locale, qui connaissent bien le contexte local et peuvent se rendre
dans les zones les plus reculées.

Phases du processus : Cette fonction prend toute sa signification lors de la phase


de mise en œuvre. Toutefois, en cas de cessation des hostilités ou de cessez-le-feu,
au début ou au cours du processus, les agents de mise en œuvre extérieurs peuvent
éventuellement commencer à travailler plus en amont.

172
Rôles des acteurs extérieurs

Yémen – Banque mondiale


En septembre 2014, la Banque mondiale a proposé une subvention visant à faciliter
le détachement de l’un de ses conseillers auprès du Bureau du Conseiller spécial sur
le Yémen auprès du Secrétaire général afin d’appuyer la mise en œuvre des résultats
de la Conférence du dialogue national. En appui au processus de transition du Yémen,
le représentant de la Banque mondiale a fourni des conseils techniques au Conseiller
spécial sur des questions économiques et de gouvernance. Les Nations Unies et la
Banque mondiale ont en outre créé un mécanisme commun visant à aligner l’aide
internationale au développement sur les priorités politiques nationales. Enfin, le
représentant de la Banque mondiale a reçu pour mission de coordonner l’élaboration
d’un Cadre commun de mobilisation internationale à l’appui des résultats du dialogue
national au Yémen.

Nations Unies/Banque mondiale (2015, 20)

Kenya – Groupe d’éminentes personnalités africaines


En mars 2008, une décision adoptée par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union
africaine appelait le Groupe d’éminentes personnalités africaines, précédemment
mobilisé dans le processus mis en place au Kenya, à aider les parties nationales à mettre
en œuvre les accords qu’elles avaient conclus. Cela supposait de fournir un appui aux
différents comités et commissions et de procéder au suivi de leurs recommandations.
Afin d’assurer la mobilisation continue du Groupe pendant la phase de mise en œuvre,
une version réduite de son secrétariat, le Bureau de coordination et de liaison (CLO), a été
maintenue à Nairobi. Cet organe avait pour responsabilité d’appuyer la mise en œuvre
des accords de dialogue national et de réconciliation au Kenya et d’aider la coalition
gouvernementale à traiter des enjeux à long terme émanant du processus de dialogue.

Fondation Kofi Annan (2009)

173
Manuel de dialogue national

Mobilisation extérieure en faveur du processus de dialogue national

PHASE DE PRÉPARATION

Acteurs politiques Acteurs du développement

PHASE DE PROCESSUS

Prennent des mesures 
Adoptent des mesures
incitatives et mobilisent incitatives en faveur
le soutien politique du dialogue national
en faveur du dialogue en accordant des fonds/ Acteurs politiques
national limitant le financement


Nouent des relations 
Renforcent les capacités 
Fournissent une expertise
avec des parties des groupes plaidant en thématique et en matière
prenantes internationales faveur de l’intégration de processus
et régionales influentes d’un programme de
afin de créer un développement dans 
Créent un environnement
environnement propice le processus sûr en endossant le rôle
au dialogue national d’observateur ou de

Appuient l’instauration garant

Appuient l’instauration d’une relation de
d’une relation de confiance et le tissage 
Assurent l’appui
confiance et le tissage de liens international en faveur
de liens du dialogue national

Soutiennent
les campagnes 
Organisent des réunions
d’information publique parallèles
menées au niveau local

174
Rôles des acteurs extérieurs

Acteurs du développement

PHASE DE MISE EN ŒUVRE



Financent
l’infrastructure du
dialogue national
Acteurs politiques Acteurs du développement

Fournissent un appui
technique, p. ex. aux
groupes de travail 
Contrôlent la mise en 
Fournissent des
traitant des questions œuvre des résultats du dividendes de la paix
de développement dialogue national en prêtant un soutien
financier à la mise en

Fournissent des 
Maintiennent l’attention œuvre des résultats
données sociales et de la communauté du dialogue national
économiques et mènent internationale afin de
des évaluations de soutenir la mise en œuvre 
Fournissent une
la fragilité connexes des résultats du dialogue assistance technique
national à la mise en œuvre des
résultats du dialogue

Appuient la création national
d’institutions stables
fondées sur les résultats 
Mènent des évaluations
du dialogue national des besoins post-conflit

Figure 5.2 : Rôle des acteurs politiques et du développement dans le processus de dialogue national

175
Manuel de dialogue national

5.2 
Principales considérations relatives
à la mobilisation extérieure
La mobilisation des acteurs extérieurs dans le dialogue national peut être utile,
comme le montrent les exemples mentionnés dans le présent manuel. L’engagement
extérieur dans des processus pour lesquels l’appropriation nationale est un élément
clé n’est toutefois pas dépourvu de risques. Les acteurs extérieurs doivent prêter une
attention particulière à trois « signaux d’alerte ».

Mobilisation extérieure et appropriation nationale


Les acteurs extérieurs peuvent jouer un rôle utile dans le dialogue national, à savoir
instaurer un environnement propice ou supprimer certains obstacles. Toutefois,
lorsqu’ils utilisent leur effet de levier et jouent un rôle de coordination plus actif, la
difficulté consiste à trouver un équilibre entre une approche proactive et la nécessité
de garantir l’appropriation nationale.

L’un des aspects de cet enjeu réside dans les obligations contenues dans certaines
normes et valeurs inscrites dans les constitutions nationales ou chartes auxquelles
sont tenus les États et les organisations multilatérales. Ceci ne devrait pas empêcher
les acteurs extérieurs de dialoguer de manière impartiale avec tous les acteurs
nationaux importants, notamment lorsqu’ils traitent avec des groupes proscrits, ni
d’être respectueux des réalités et des systèmes de valeurs locaux.

De même, les intérêts particuliers des acteurs extérieurs ne sauraient en aucun


cas miner le processus d’appropriation nationale. Citons par exemple le dialogue
national irakien, un processus perçu comme étant largement articulé autour
d’objectifs extérieurs, en particulier l’intérêt stratégique et les exigences militaires des
États-Unis et de leurs alliés, et qui a par conséquent perdu toute crédibilité aux yeux
des parties prenantes locales.

Le principe de subsidiarité, devant généralement être appliqué à la mobilisation


externe en faveur du dialogue national, signifie que les acteurs extérieurs exécutent
les tâches qui ne peuvent être effectuées par les parties prenantes nationales : grâce à
une collaboration étroite et à l’alignement de leurs missions, les premiers complètent
en principe le travail mené par les deuxièmes dans le processus de dialogue.

Mobilisation extérieure et financement


Si le financement d’un processus peut être considéré comme une mesure plutôt
simple, même cette forme de mobilisation a priori apolitique peut fragiliser un
processus si elle sert à se substituer à la volonté politique des élites nationales.
La grande disponibilité des fonds peut favoriser la paix à court terme sans pour autant
contribuer à un véritable consensus sur des questions litigieuses à long terme.

Il est toujours difficile de trouver un équilibre. Si des financements souples et


inconditionnels peuvent largement bénéficier au processus, les donateurs (la
plupart du temps des États, des institutions financières et des organisations

176
Principales considérations relatives à la mobilisation extérieure

internationales/régionales) doivent rendre des comptes à leurs contribuables et sont


fortement incités à produire des résultats en un laps de temps très court. Toutefois, la
phase de transition exige souvent un engagement à long terme et tend à progresser de
façon non linéaire. Le financement du dialogue national doit donc faire preuve d’une
grande souplesse. En même temps, il est important que les promesses de financement
ne soient pas faites exclusivement entre donateurs, mais bien dans le cadre d’un
processus de participation et de consultation des parties prenantes nationales. Les
décisions de financement répondront ainsi aux exigences des entités à l’origine du
dialogue national. Pour mettre en avant l’appropriation nationale, il est généralement
important que la population locale ne perçoive pas le dialogue national comme un
processus dépendant trop lourdement des donateurs (Hartmann, 2016).

Mobilisation extérieure et coordination


L’absence de coordination est un problème commun aux interventions pluripartites
dans le processus de paix, et le dialogue national n’est pas à l’abri des effets de stratégies
de soutien mal alignées. Au Myanmar, une réunion préparatoire au dialogue national
a rassemblé pas moins de 126 organisations extérieures : l’absence de compréhension
commune à l’égard du contexte a nui à l’efficacité de la coordination (Siebert, Kumar
et Tasala, 2014, 38).

Les mécanismes tels que les amicales ou les groupes de soutien peuvent aider
à résoudre les problèmes de coordination. Dans le cas du Yémen, un groupe de
dix ambassadeurs (G10) issus des cinq membres permanents du Conseil de sécurité
des Nations Unies, de l’UE et du Conseil de coopération du Golfe ont travaillé en étroite
collaboration avec l’Envoyé spécial des Nations Unies. La coordination et l’unité dont
ils ont fait preuve ont été particulièrement appréciées, et ils ont été considérés par
de nombreux observateurs comme favorisant le bon déroulement de la Conférence
du dialogue national. Le fait que cette unité ait ensuite cédé à la pression des
intérêts nationaux divergents a contribué à la dérive du processus de dialogue dans
son ensemble.

Dans le cadre du dialogue national, la coordination est surtout essentielle entre les
acteurs extérieurs et les parties prenantes nationales qui dirigent le processus. Les
priorités stratégiques de chacun doivent être alignées, et les acteurs extérieurs doivent
mesurer leur engagement en fonction des besoins des parties prenantes locales
dirigeant le dialogue national. D’une manière générale, une approche multipartite et
régie par la demande — plutôt que prescriptive et régie par l’offre – garantit l’efficacité
du soutien extérieur.

1 Cet aspect sera examiné plus avant dans une étude sur le sujet, publiée en 2017 par
la Banque mondiale et différents organismes des Nations Unies.

2 « Accord d’Oslo : Accord de base pour la recherche de la paix par des moyens politiques »,
1990. peacemaker.un.org/guatemala-osloagreement90.

3 « Accord de Doha », 2008 (traduction non officielle de « Now Lebanon »). http://peacemaker.
un.org/sites/peacemaker.un.org/files/Lebanon_AccordDoha2008_Fr.pdf.
177
Chapitre 6
Observations finales

Sommaire
180 6.1 Caractéristiques d’un dialogue national réussi

182 6.2 Dilemmes et compromis relatifs au dialogue national

179
Manuel de dialogue national

« Le dialogue national est indispensable pour faire avancer les processus


de paix et de réconciliation ou mettre en œuvre les accords de paix. Il permet
de donner à l’ensemble des groupes et communautés un nouveau sentiment de
participation et de contrôle de l’État et à trouver des solutions à des problèmes
laissés en suspens depuis bien trop longtemps. »
Weller (2015)

6.1 Caractéristiques d’un dialogue national réussi

Conditions préalables. Les parties doivent être prêtes à négocier et dialoguer



avec l’adversaire, si possible après avoir mené d’importantes activités de
diplomatie silencieuse et un dialogue de niveau 1.5 et 2. De même, les parties
doivent reconnaître qu’un large éventail d’acteurs ont un rôle légitime à jouer
pour sortir de la crise politique ou du conflit. Les principales parties prenantes
politiques doivent s’engager et faire preuve d’une ferme volonté politique, et
le contexte doit se prêter à l’instauration d’une véritable culture du dialogue
entre les différents groupes. Enfin, une évaluation réaliste de la complexité du
dialogue national et de ses chances de réussite doit être effectuée afin d’éviter
les attentes irréalistes, les déceptions et la « lassitude vis-à-vis du dialogue ».

Parties prenantes au conflit. Malgré leurs différends et les animosités bien



ancrées, les parties doivent se mobiliser véritablement et en toute bonne foi afin
de prouver leur engagement en faveur du processus et asseoir leur crédibilité. La
confiance ne naît pas d’un claquement de doigts, il faut au contraire instaurer
une « confiance fonctionnelle » minimale (Kelman, 2005) dans le cadre du
processus et tout au long de celui-ci, grâce à un ensemble de mesures permettant
aux parties de s’engager dans un dialogue constructif. L’imposition de
conditions préalables telles que celles proposées en Libye, qui ont conditionné
les négociations à la révocation des dirigeants au pouvoir, est compréhensible
mais contre-productive. De telles conditions doivent être mûrement réfléchies et
tenir compte de l’équilibre des forces sur le terrain, du niveau d’assistance et de
popularité, de l’aide internationale, etc.

Implication des véritables détenteurs du pouvoir. Il est important non



seulement d’inclure les acteurs de la société civile, les femmes, les jeunes et les
populations marginalisées, mais aussi les détenteurs du pouvoir des secteurs
informel et traditionnel. La tentative de dialogue national en Libye a échoué en
raison de la mise à l’écart des milices et des dirigeants de municipalités.

Acteurs internationaux/régionaux. Les acteurs internationaux et régionaux



concernés doivent parvenir à un consensus politique minimum pour soutenir (ou
tout du moins ne pas compromettre) les tentatives de dialogue national. Ce
consensus peut être atteint dans le cadre de consultations ponctuelles ou de

180
Caractéristiques d’un dialogue national réussi

façon plus institutionnalisée, par la constitution de groupes de contact ou


d’amicales, voire par l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité des
Nations Unies mentionnant explicitement le dialogue national.

Équilibre des forces. Il existe des déséquilibres de pouvoir, qui peuvent



réellement poser problème s’ils ne sont pas traités ; il convient de mettre en
place des mécanismes pour y remédier à la table des négociations. L’adoption
de mesures de renforcement des capacités destinées à accroître les compétences
de négociation des parties prenantes qui ont une moindre expérience du
dialogue et de la négociation représente une mesure permettant d’équilibrer les
disparités.

Groupes ayant une optique différente. Il est important d’adopter une stratégie

claire pour nouer le dialogue avec des acteurs armés peu accessibles, y compris
des groupes militaires et proscrits, afin qu’ils ne perturbent pas le processus
ultérieurement.

Délégué principal. Le délégué principal au dialogue national doit être



soigneusement choisi et être considéré comme un acteur légitime et impartial
par l’ensemble des parties.

Sujet. Le dialogue doit porter sur un problème revêtant un haut degré



d’importance et de pertinence (nationales), et entrer dans le vif du sujet des
questions préoccupant le pays à ce moment-là. Le dialogue national ne doit pas
non plus être saturé par un nombre irréaliste de problèmes.

Renforcement des capacités. La formation et le renforcement des capacités



à concevoir, coordonner et négocier le dialogue national sont essentiels pour
améliorer les compétences techniques des parties et des négociateurs. Le
dialogue national est un processus hautement technique et complexe, qui doit
impérativement être maîtrisé. Renforcer les capacités des acteurs nationaux
de cette façon leur permet également de prendre confiance en eux pour mener
leurs propres processus sans dépendre d’une aide extérieure.

Réflexion et préparation. La période de réflexion et de préparation en vue du



dialogue national est aussi importante que le processus lui-même. L’idée d’un
dialogue national doit être cultivée tant dans l’opinion publique que dans les
milieux politiques ; les acteurs du conflit doivent être préparés, l’engagement et
les financements internationaux ou régionaux, recherchés, et les stratégies de
communication, adoptées.

Mise en œuvre. Il est important de se donner les moyens de concrétiser les



résultats convenus et d’obliger les parties à rendre des comptes. La communauté
internationale doit appuyer le processus de mise en œuvre. Pour ce faire,
il lui faudra allouer suffisamment de fonds, fournir une expertise adaptée et

181
Manuel de dialogue national

prononcer des sanctions intelligentes, le cas échéant. Il convient de faire


preuve de prudence lors de l’application de sanctions : elles ne doivent ni miner
la volonté du peuple, ni privilégier certaines personnalités politiques (aux
fins d’un changement de régime, par exemple), mais au contraire appuyer le
processus de transition dans son ensemble.

Calendrier. La réussite ou l’échec du processus dépendent du moment auquel



celui-ci est mené. Si le pays se trouve dans une impasse paralysant l’ensemble
des parties et si celles-ci estiment pouvoir retirer davantage de bénéfices d’un
processus de dialogue, les chances de réussite seront plus élevées.

Garantie de sécurité. La violence permanente, l’interdiction de l’opposition



politique, l’atteinte à la liberté de la presse et les assassinats politiques mettent
en péril la crédibilité des dialogues nationaux. Les parties prenantes au dialogue
national doivent avoir suffisamment d’espace pour agir librement et en toute
autonomie, sans craindre d’être victimes de persécutions politiques.

Feuille de route pour la transition. Le dialogue national doit s’inscrire dans



une feuille de route globale pour la transition et s’accompagner de processus
de réformes économiques, structurelles, politiques et judiciaires. Les mesures
d’aide humanitaire et les programmes de stabilisation économique à court
terme génèrent des dividendes de la paix immédiats. Le dialogue national ne
constitue pas une fin en soi, mais bien le commencement d’un processus de
transformation participatif et structuré.

6.2 Dilemmes et compromis relatifs au dialogue national


Le dialogue national est un processus complexe et exigeant. Il est de nature
essentiellement politique et se fonde fréquemment sur la realpolitik, des intérêts
personnels restreints et/ou des calculs politiques de partis. Il en va de même pour les
autorités régionales et internationales, qu’elles choisissent de soutenir le processus de
dialogue national, d’y être indifférentes ou de se montrer hostiles envers ce dernier.
De plus, dans certaines régions, la société civile et différents groupes d’opposition
politique expriment leur découragement vis-à-vis du dialogue en raison des
nombreuses tentatives n’ayant produit aucun résultat substantiel. Ils font désormais
preuve de cynisme, manifestent une certaine « lassitude » et expriment leurs doutes
quant au potentiel du dialogue et au degré d’honnêteté avec lequel il est mené. Ce
phénomène a notamment été observé au moment des soulèvements populaires
dans les pays arabes. En Égypte, au Yémen et au Bahreïn, les manifestants ont en
effet exigé que leurs dirigeants politiques démissionnent avant d’accepter toute
proposition de dialogue national. Les dirigeants politiques ont quant à eux vu une
occasion de rester au pouvoir ou bénéficier de mesures d’amnistie (Yémen), invoquant
le caractère inclusif et légitime du régime en tant que représentants élus de l’État.
Dans ces situations, le dialogue a été « perçu comme [...] un stratagème mis en place

182
Dilemmes et compromis relatifs au dialogue national

pour gagner du temps et maintenir ainsi le statu quo » (CSPPS, 2011, 2). La liste est
longue, et souligne la nécessité de faire preuve d’esprit critique lors de l’examen du
dialogue national, non pas tel que présenté en théorie, mais une fois mis en pratique.
Ces processus ne sortent pas de nulle part, mais s’inscrivent dans des périodes de
divisions très politisées qu’ils cherchent à résoudre.

Le dialogue national – voire même tout processus de négociation – représente souvent


« la poursuite du conflit par d’autres moyens »1. Il n’est pas nécessairement national,
et n’incite pas forcément à l’échange. Il s’agit presque toujours d’un mécanisme
imparfait qui ne répond pas à un idéal. Même si un « processus théorique » a été pensé,
des conditions hors du contrôle des acteurs qui dirigent ou appuient le processus
peuvent entraîner sa chute, par exemple en cas d’intervention d’autorités régionales,
de retrait de l’appui de puissances internationales ou de transformation du pays en
champ de bataille par procuration. Les parties prenantes du conflit, les praticiens et
les donateurs doivent être conscients de cette possibilité à tout moment, et dresser des
bilans honnêtes et réalistes de ce qu’il est possible de faire dans un contexte donné.
Ces processus ont souvent tendance à hésiter entre la nécessité (ce qui doit arriver
dans une situation donnée), la désirabilité (ce qui serait possible dans l’idéal) et les
fenêtres d’opportunité (ce qui est possible) qui se présentent. En outre, la nécessité
de mettre en place un dialogue national signifie souvent que les relations entre la
société et l’État sont perturbées et dysfonctionnelles, ce qui rend le développement et
le maintien d’un processus de dialogue efficace particulièrement difficiles. Instaurer
une confiance envers les autorités gouvernementales, leurs représentants et les
institutions est un processus de longue haleine qui dépasse le cadre du dialogue
national lui-même.

Lorsque les parties et les personnes choisissent d’envisager le dialogue national


comme un mécanisme viable qui permettrait de sortir le pays d’une crise profonde,
elles espèrent tirer elles-mêmes un maximum de bénéfices du processus. En tant que
tel, le dialogue national est considéré comme un énième mécanisme de négociation
poursuivant des objectifs qui ne pourraient être atteints autrement – sur le champ de
bataille, dans les urnes ou dans la rue. Leur légitimité perçue peut potentiellement
justifier la poursuite des menaces, violences, actes de corruption et politiques de nature
à semer la discorde. Si ce manuel propose des mesures techniques et des stratégies
relatives à la conception et à l’organisation du processus de dialogue national, nous
sommes tout à fait conscients de ces dynamiques et de la nature très politique de
l’entreprise ainsi que des nombreux défis qu’elle pose. Nous présentons ci-après
certains des défis et dilemmes rencontrés qui sont particulièrement problématiques
dans le cadre du dialogue national et pour lesquels il n’existe que peu de solutions
toutes faites.

1. Comment un processus de dialogue national peut-il être inclusif si la prise


de décisions et les résultats restent entre les mains d’un groupe restreint ?
L’accès au dialogue national ne donne pas nécessairement lieu à une participation
significative – qui est pourtant l'occasion d’influencer les décisions. Le dialogue

183
Manuel de dialogue national

national peut favoriser le rééquilibrage des rapports de force, ce qui en fait une
alternative intéressante aux processus de négociation menés au niveau de l’élite.
Toutefois, si les élites n’arrivent pas à se mettre d’accord sur les questions cruciales,
le dialogue national ne constitue plus qu'un forum impuissants échouant à obtenir
l’adhésion des acteurs ayant un pouvoir décisif sur les accords de paix. Comprendre
cet état de fait permet d’envisager de nombreuses stratégies pour sortir des
impasses ou parvenir à un accord. Ces dernières sont tantôt innovantes, comme
l’introduction de la notion de « consensus suffisant » en Afrique du Sud, tantôt plus
conventionnelles, comme le principe « deux plus deux » au Yémen, les négociations
arbitrées par Kofi Annan entre Mwai Kibaki et Raila Odinga dans le parc national du
Tsavo, au Kenya, au moment où les pourparlers semblaient piétiner, ou encore la
« voie Cyril–Roelf » mise en place par les négociateurs de l’ANC et du Parti national,
en Afrique du Sud alors que les négociations étaient sur le point d’échouer. Mais
ces mécanismes exclusifs ne vont pas sans poser de difficultés. S’ils sont parfois
nécessaires et efficaces, ils peuvent également porter atteinte à la nature inclusive
du dialogue national. Dans le même temps, un processus ouvert ne produit pas
automatiquement des résultats inclusifs. La Loya Jirga constitutionnelle de
l’Afghanistan montre comment un processus ayant consacré beaucoup d’énergie
à la mise en place d’une procédure de sélection inclusive peut échouer, lors de
la conception du processus, à assurer son appropriation, largement compromise
par la nature internationale de l’initiative. Tout dialogue national doit aborder
les questions fondamentales suivantes : en matière décisionnelle, quel degré
d’inclusion est souhaitable et possible ? Comment éviter les mesures de façade ?
Comment mettre en place des structures décisionnelles parallèles à l’aide de
mécanismes contraignants ? Comment éviter de cimenter les déséquilibres de
pouvoir, et donc de perpétuer le conflit ?

2. Quel est le degré d’efficacité d’un processus de dialogue national adoptant


la démarche technocratique de la boîte à outils ? Le dialogue national est
devenu l’une des nombreuses mesures de routine mises en œuvre dans les pays
en transition, alors que les réalités politiques du terrain ne sont pas toujours
dûment prises en compte. Les avancées du processus libyen réalisées jusqu’à ce
jour illustrent bien ce problème. Pourtant conduit en grande partie par des acteurs
extérieurs, ce dernier n’a pas été en mesure de fournir une arène permettant
effectivement d’atteindre un consensus sur le contrat social et la constitution de
l’État. Si un dialogue national conçu par une instance technique peut être justifié,
il n’aura pas forcément le pouvoir de transformer la culture politique ni de réformer
les institutions. Il est certes important de se doter de processus, structures et organes
soigneusement conçus, mais ceux-ci ne peuvent tout simplement pas se substituer
à l’absence de volonté politique ou de confiance entre les parties, deux aspects
se trouvant souvent au cœur du problème. La Conférence du dialogue national
au Yémen illustre les limites d’un processus de dialogue bien ficelé sur le plan
technique et qui ignore ou relègue au second plan d’autres paramètres politiques
essentiels, tels que la volonté politique, la recherche d’un consensus régional
ou les litiges sous-jacents. Cette menace s’accentue lorsque les acteurs externes

184
Dilemmes et compromis relatifs au dialogue national

adoptent une démarche fortement technocratique vis-à-vis du dialogue national,


en se concentrant principalement sur les résultats et moins sur le processus
lui-même (→ chapitre 5). Sous prétexte de parvenir à un certain résultat, il ne faut
pas mettre en péril le processus permettant d’y arriver. Il est important de connaître
l’importante palette de stratégies relatives à la conception et à l’organisation du
dialogue national (que ce manuel s’attache à présenter), mais il est vain de se
contenter de reproduire à l’identique les expériences d’autres pays. Le dialogue
national est un processus propre au contexte et à la période dans lesquels il
s’inscrit.

3. Dans quelle mesure le dialogue national permet-il de faire évoluer


la situation s’il contribue à renforcer les déséquilibres de pouvoir ? Le
déséquilibre des rapports de force remet en question le dialogue national à
différents égards. Poussé à l’extrême, le dialogue national est utilisé aux seules
fins de consolider le pouvoir des groupes dominants face aux pressions internes
et externes. La plupart des dialogues nationaux visent à répondre à une crise
de légitimité nationale. Toutefois, si la crise étatique devient la raison d’être du
dialogue national, le processus lui-même est susceptible d’être exploité pour
poursuivre le conflit et servir les intérêts d’un groupe particulier. La Loya Jirga
en Afghanistan (2003) et l’assemblée de transition en Irak (2004) ont mis en
lumière les rapports de domination existants. Le processus de dialogue national
mis en place au Soudan s’est révélé n’être autre qu’une démarche stratégique du
président Omar El-Béchir pour réagir aux pressions internationales et réaffirmer
son pouvoir interne. On peut parler de processus « pris en otage » lorsque ce
dernier est largement dominé par un groupe aux dépens des autres (Barnes, 2017).
Ce phénomène peut être l'œuvre du gouvernement national (p. ex., au Soudan),
des acteurs extérieurs (p. ex., les États-Unis en Irak) ou les Nations Unies, dans
le cadre de la mise en œuvre de leur mandat international (p. ex., les pourparlers
d’Arusha au Darfour). Il faut toutefois garder à l’esprit que le fait d’accorder le même
statut aux acteurs dont la légitimité est contestée (acteurs sociaux, mouvements
d’opposition, dirigeants militaires, etc.) risque de porter atteinte aux procédures
démocratiques. La transformation globale des rapports hostiles, des déséquilibres
de pouvoir et des conflits ne s’effectue pas en un jour : les dialogues nationaux de
courte durée doivent être conscients de ce dilemme et s’attacher à ouvrir la voie à
une transformation sociétale et politique à plus long terme.

4. Le dialogue national est-il réellement un processus national ? De nombreux


dialogues nationaux sont mandatés par des organismes internationaux (Nations
Unies) ou des groupes régionaux ou de sécurité (Autorité intergouvernementale pour
le développement, Union africaine, CCG). On pourrait soutenir qu’une intervention
extérieure s’impose dans les régimes autoritaires, afin d’autonomiser les groupes
marginalisés et d’améliorer l’inclusion. Mais si les acteurs nationaux ne prennent
pas les rênes du processus à un moment donné, si les participants sont forcés de
participer ou s’ils cherchent avant tout des incitations externes (reconnaissance
internationale et légitimité accrue, indemnités journalières2 ou accès à d’autres

185
Manuel de dialogue national

ressources), son authenticité et sa légitimité en pâtiront inévitablement. Des


problèmes se posent lorsque les acteurs extérieurs font pression pour mettre
en place un dialogue national comme réponse type à un conflit ou à une crise
exigeant une intervention rapide, sans prendre en compte les réalités locales.
Les dialogues imposés par les acteurs extérieurs ou motivés par de mauvaises
raisons ont peu de chances de devenir le « centre de gravité » (Barnes, 2017) du
processus de changement socio-politique. Générer un sentiment d’appropriation
peut être l’une des entreprises les plus difficiles. L’appropriation dépend de deux
aspects : d’une part, le processus est sous la ferme direction des parties prenantes
nationales et non des éventuels appuis externes, d’autre part, le dialogue national
est reconnu par l’ensemble du pays comme le moyen de procéder aux changements
majeurs qui s’imposent. En Tunisie, après de nombreuses tentatives avortées, le
dialogue national dirigé par le Quartette a réussi à devenir l’arène du changement
par excellence, ce qui n’a pas été le cas en Libye, par exemple. Même si un grand
nombre d’acteurs de la classe politique partagent le même point de vue, comme
c’était le cas en Jordanie, les changements auront peu de chances d’avoir les
répercussions durables et profondes qu’ils recherchent en l’absence d’acceptation
et d’adhésion de la part de l’ensemble de la société.

5. En quoi le dialogue national est-il légitime et démocratique s’il s’agit,


par définition, d’un mécanisme extraconstitutionnel ? L’appel au dialogue
national émis suite aux soulèvements populaires dans les pays arabes tenait
au fait que l’ordre constitutionnel en vigueur était perçu comme justifiant et
confortant l’existence de régimes injustes, et était alors jugé « illégitime » par les
mouvements populaires. Si pareille affirmation peut rester valable, elle a de graves
répercussions sur les dialogues nationaux amorcés dans les pays en transition où
l’État, ses institutions et la constitution en vigueur connaissent une grave crise
de légitimité. Dans ces situations, le statut juridique des dialogues nationaux
n’est pas clairement défini, ce qui ne peut être que partiellement résolu par un
mandat solide. Ceci représente à la fois une force et une faiblesse : grâce à leur
nature extraconstitutionnelle, ils peuvent fixer leurs propres règles et procédures
afin de résoudre la situation à leur convenance. Cela signifie également que les
dialogues nationaux ne se fondent pas sur des procédures démocratiques établies.
La méthode de sélection des participants varie, mais ne respecte pas le principe
national « une personne, un vote ». Il en va de même pour les débats et la prise de
décisions internes, qui ne suivent pas les procédures parlementaires en vigueur. Il
se peut que les participants choisis ne soient pas représentatifs et ne reflètent pas
les préférences des électeurs. Pour éviter ces risques, il est important de s’accorder
sur un processus de transition comprenant des clauses « d’extinction » applicables
à l’ordre constitutionnel qui continue d’exister jusqu’à l’adoption de la nouvelle
constitution. Il en va de même pour l’administration de l’État et les institutions.
La fonction de prestation de services endossée par l’État doit être maintenue à un
minimum jusqu’à sa transformation totale, de façon à ce que la population puisse
bénéficier immédiatement de dividendes de la paix (→ chapitre 5 sur la mobilisation
extérieure, et notamment l’exemple de la République centrafricaine, p. 167).

186
Dilemmes et compromis relatifs au dialogue national

En conclusion, le dialogue national doit clairement définir le rapport qu’il


entretient avec l’État et la constitution en vigueur, de façon à ce que les résultats
des délibérations puissent être concrétisés et ne soient pas contestés devant la
justice pour cause d’inconstitutionnalité.

6. Le dialogue national constitue-t-il une solution miracle ? Est-il le moyen


le plus efficace pour prévenir l’escalade des conflits, une crise ou une
guerre ? Dans certains cas (Yémen, Liban, Kenya), le dialogue national a permis
d’éviter l’escalade des conflits, la guerre civile, le génocide ou la perpétuation de
violences ethniques ou sectaires. Si la plupart de ces mécanismes ont effectivement
servi d’outils de gestion des conflits à court terme, ils n’ont toutefois pas réussi à
résoudre les questions contestées essentielles, ce qui aurait ouvert la voie à une
transformation globale du conflit. Les sujets brûlants ont été confiés à des groupes
de travail (p. ex., au Yémen), mis de côté pour être traités ultérieurement, ou
totalement ignorés au nom de l’« harmonie » sociale3. Le potentiel de transformation
du dialogue national a par conséquent été négligé. S’il est essentiel d’adopter une
approche progressive et séquentielle – passage de sujets moins controversés à des
sujets contestés –, il est toutefois important de consacrer suffisamment de temps et
d’espace aux principales questions conflictuelles, de façon à ce que le processus ne
soit pas considéré comme une parade. De plus, la préparation et la mise en œuvre
sont des processus de longue haleine, qui peuvent parfois s’étaler sur plusieurs
années (p. ex., en Afrique du Sud). Il convient de rechercher un équilibre entre,
d’une part, la nécessité de conserver l’impulsion et de répondre aux attentes
immédiates de la population, et, d’autre part, le besoin de donner aux parties
suffisamment de temps pour avoir confiance dans le processus, afin de lutter contre
les questions à l’origine du conflit.

7. Le dialogue national est-il toujours l’outil le plus adapté pour lutter contre
les défis liés à la transition ? Les exemples du présent manuel montrent que le
dialogue national n’est pas toujours le mécanisme le plus adapté et ne constitue
certainement pas le seul outil de gestion des transitions politiques. Il ne s’agit
pas d’un remède miracle. Une évaluation approfondie des structures du pouvoir
en place peut amener à la conclusion que le dialogue n’est pas envisageable quel
que soit le moment des troubles, de la crise ou du conflit en cours. C’est le cas
lorsqu’il semble improbable de trouver un terrain d’entente et que le dialogue peut
être compromis par les acteurs cherchant à tirer profit du pouvoir qu’ils sont en
mesure d’exercer. De même, le dialogue se révélera impossible et inadapté en cas
de fortes contraintes de temps, ou lorsque certains groupes clés sont fragmentés,
manquent de cohésion interne, de volonté ou de capacité à participer, ou expriment
leur refus de s’engager dans un processus influent (Pruitt et Thomas, 2007). En
outre, le recours excessif ou abusif au dialogue ou à des procédés similaires peut
également en compromettre la légitimité, notamment lorsque les tentatives menées
précédemment n’ont pas réussi à provoquer le changement souhaité (« lassitude
vis-à-vis du dialogue »). Au Soudan, par exemple, la suspicion fondée sur les
expériences passées a constitué l’une des principales raisons avancées par

187
Manuel de dialogue national

l’opposition pour ne pas se joindre à l’initiative de dialogue national en cours.


Étant donné que la viabilité du dialogue national dépend de son objectif et de la
situation qu’il cherche à résoudre, d’autres initiatives et approches (tables rondes,
négociations, médiation, ateliers de résolution de problèmes, etc.) doivent venir le
compléter.

8. De quelles façons le dialogue national peut-il être détourné ? Les assassinats


politiques d’opposants, avant ou pendant les délibérations des parties au dialogue
national (Houthis au Yémen, Chris Hani en Afrique du Sud, Chokri Belaid et
Mohammed Brahmi en Tunisie, p. ex.), ont largement ébranlé la confiance accordée
à ce processus et ont fait naître un certain scepticisme quant à son efficacité et
à son utilité. Les mécanismes de transition font toujours des gagnants et des
perdants, et ceux qui craignent de perdre le pouvoir tentent souvent de perturber,
boycotter ou dissoudre le processus. L’exemple du Togo est très parlant à cet égard :
la Conférence nationale souveraine a été suspendue par le président, et les forces
militaires ont par la suite « pris en otage le Parlement de transition » (Brandt et al.,
2011, p. 251), car le chef de l’État craignait de perdre le pouvoir. Au Yémen, l’ancien
président Saleh, qui, même après avoir été évincé de son poste, a continué à exercer
son influence au moyen de son parti politique, a contribué à déstabiliser un peu
plus la situation. À l’instar des autres processus de négociation, les parties peuvent
s’engager non pas pour résoudre le conflit, mais pour gagner du temps, renforcer
leur pouvoir, asseoir la légitimité internationale de leur cause ou simplement éviter
les poursuites ou sanctions internationales pour crimes de guerre.

9. Le dialogue national représente-t-il une solution de facilité aux yeux de la


communauté internationale, qui devrait autrement dénoncer, au nom de son
« devoir de protection », les régimes autoritaires en place et les violations
des droits de l’homme dont ils se rendent coupables ?
La nécessité de garantir l’appropriation nationale du processus ne doit pas
occulter le fait que, dans le même temps, les citoyens sont les plus durement
touchés par les violences et la guerre. Lorsqu’ils voient leurs droits démocratiques
et fondamentaux bafoués, les civils, les opposants politiques et la société civile
se sentent souvent obligés de participer au processus de dialogue national sans
pour autant bénéficier de garanties suffisantes concernant leur sécurité physique
ou politique. Ils se sentent rarement soutenus dans leur lutte pour une procédure
régulière, et doivent choisir entre l’isolement politique et la participation à un
processus dépourvu de crédibilité démocratique, géré et dirigé par le même régime
autocratique ou par la même élite que celle qu’ils combattent. Si les dirigeants
s’activent pour maintenir leur emprise, la population est quant à elle confrontée
à des difficultés économiques et privée d’accès à des services d’éducation de base,
d’assainissement, d’alimentation, d’eau, d’électricité et de logement, et peut être
victime de répression politique et de violences. Ces contextes constituent un
terreau idéal pour la radicalisation politique et le terrorisme. En donnant aux
initiatives nationales suffisamment de temps et d’espace pour se mettre en branle,
la communauté internationale risque de légitimer des processus « prétextes » et

188
Notes

différer sa condamnation des graves violations à l’encontre des droits de l’homme.


Il est parfois impossible de réconcilier respect de la souveraineté/appropriation
nationale et protection des droits de l’homme, ce qui pousse d’aucuns à dire
que la vie dans l’hémisphère sud a moins de valeur aux yeux de la communauté
internationale, qui se cache derrière le principe « d’appropriation nationale »
pour justifier sa passivité. Ce dilemme n’est pas facile à résoudre. Même les
mesures économiques visant à soutenir les processus de transformation sont à
double tranchant. Elles peuvent en effet être perçues comme un outil favorisant
le « changement de régime », même lorsqu’elles partent d’une bonne intention.
Les mesures incitatives et coercitives sur le plan économique prônées par les
organismes internationaux multilatéraux en Tunisie illustrent bien ce phénomène.
Le déblocage par le FMI d’un prêt de plus de 500 millions de dollars US (bloqué
depuis 2013) après la constitution du nouveau gouvernement, et l’assistance
microfinancière d’un montant de 250 millions d’euros versée par l’UE à condition
que la Tunisie respecte « les mécanismes démocratiques effectifs, tels que l’État
de droit et un système parlementaire multipartite » (Thornton, 2014, 66-67), ont
été considérés par certains comme une sorte de « chantage » utilisé pour forcer le
gouvernement à démissionner.

10. Combien de temps doit durer un processus de dialogue national ? La


question de la durée du processus, de même que celle portant sur l’identité des
participants, est fréquemment posée. La durée des processus de dialogue national
et des conférences nationales varie considérablement d’un pays à l’autre, allant de
dix jours (Bénin, 1990, Madagascar, 1992) à deux ans (Afrique du Sud, 1991). Les
contraintes financières et temporelles, la nécessité urgente de mettre un terme à la
violence et de produire des résultats quantifiables, ou encore le besoin d’éviter le
sabotage et les vides politiques sont quelques-uns des éléments justifiant une durée
moindre. Si les initiatives de dialogue national doivent être clairement limitées
dans le temps, la conception d’échéanciers trop serrés est contre-productive, les
attentes étant renforcées et la production de résultats tangibles, indispensable.
Ceci supposerait d’aller à la va-vite et de bâcler le processus, sans aborder les
questions les plus sensibles et cruciales.

1 Un grand merci à Karam Karam pour cette remarque.

2 Les 100 dollars US versés quotidiennement aux délégués de la Conférence du dialogue


national au Yémen, ou l’indemnité mensuelle de 25 000 dollars US destinée aux
délégués du Nigéria ont suscité de vives critiques ainsi que des doutes quant aux
motivations réelles des participants (Harlander, 2016, 25).

3 Bien que la Conférence du dialogue national au Yémen ait émis 1 800 recommandations,
« certains estiment que le processus a été bâclé, tirant des conclusions qui n’étaient pas
suffisamment réfléchies ou approuvées, qui ont servi à renforcer les tensions plutôt qu’à
les dissiper » (Mancini et Vericat, 2016, 12).

189
Manuel de dialogue national

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Chapitre 1
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195
PARTIE II
Cartographie des initiatives
de dialogue national
dans le monde
Fiches pays
Manuel de dialogue national

198
Fiches pays

202 Afghanistan 2003-2004

208 Afrique du Sud 1993

214 Bahreïn 2011

220 Bénin 1990

226 Bolivie 2006-2007

232 Colombie 1991

238 Éthiopie 1991

244 Guatemala 1989-1990

250 Irak 2004

256 Jordanie 2011

262 Kenya 2008

268 Liban 2008-2014

274 Mali 1991

280 Népal 2000-2006

286 Pologne 1989

292 République centrafricaine 2014-2015

298 Soudan 2014-2016

304 Tunisie 2013-2014

310 Yémen 2013-2014


Manuel de dialogue national

Pourquoi élaborer des fiches pays ?


Les fiches pays fournissent une vision d’ensemble des dialogues nationaux et processus
similaires mis en place depuis 1989. Elles produisent des informations contextuelles
sur chaque cas, exposent les principales procédures et la structure institutionnelle,
et mettent en lumière les
particularités de chaque
processus. Ainsi, la partie II
Les fiches pays se composent de trois parties : de ce manuel, qui présente
l’ampleur et la nature
1. Une présentation générale du processus et multidimensionnelle des
du contexte dans lequel il s’inscrit ; dialogues nationaux et
processus similaires tout en
2. Un diagramme, qui présente les principaux favorisant l’apprentissage
paramètres de la conception du processus ; comparé, est totalement
autonome. Elle sert
3. Un organigramme présentant les institutions
toutefois de référence
créées, les rôles et fonctions des différents
organes et leurs missions spécifiques. fondamentale à la partie I.
Chaque fiche pays détaille
en effet les cas abordés
dans la partie I, replaçant
les modèles de conception
spécifiques à chaque processus dans le contexte au sein duquel ils s’inscrivent. Cet
ensemble de ressources et de sources propres à chaque pays fournit la toile de fond à
l’élaboration du Manuel de dialogue national.

L’idée n’était pas de présenter chaque dialogue national, ni même d’examiner


uniquement ce type de processus, la sélection a plutôt été guidée par une étude des
initiatives principales, complétée par un large éventail de processus de transition,
et ce, dans le but de faciliter l’apprentissage. L’examen de la conception, de la
procédure et de la structure de modèles comparables au dialogue national, tels
que les discussions multipartites ou les Assemblées Constituantes, peut fournir des
enseignements plus instructifs et enrichissants que la seule analyse des dialogues
nationaux. Par conséquent, un certain nombre de processus connexes contenant des
éléments intéressants pour la conceptualisation et la conception du dialogue national
ont été retenus pour faire partie du présent manuel.

200
Pourquoi élaborer des fiches pays ?

Le dialogue national s’inscrit presque toujours dans un processus de transition global.


Afin de faciliter l’étude approfondie des fiches pays et d’en optimiser l’utilité, nous
avons replacé clairement chaque processus dans son contexte transitionnel (comme
l’illustre la frise chronologique). Dans les parties consacrées à la procédure et à la
structure du processus, nous nous concentrons davantage sur les éléments les plus
pertinents, ignorant dans certains cas les processus parallèles ou connexes, même
s’ils revêtent une certaine importance pour la transition dans son ensemble. Chaque
fiche pays mentionne la période de temps étudiée en profondeur.

Compte tenu de l’ampleur et du niveau de détail fourni concernant ces processus


politiques complexes, nous devons garder à l’esprit que, malgré tous nos efforts,
nous ne sommes pas à l’abri d’inexactitudes dans les chiffres, de divergences dans
les évaluations de leur impact et d’omissions de structures moins importantes ou
plus informelles. Les perceptions et comptes rendus peuvent différer, les sources
et ensembles de données être erronés, et, particulièrement en ce qui concerne les
processus plus anciens, les données se faire rares. Eu égard à ces considérations,
toutes les fiches pays ont été soumises à un processus de révision exhaustive. Des
parties à ces processus ont aimablement proposé leur appui après avoir été contactées,
tout comme bon nombre d’autres spécialistes des questions propres à chaque pays,
qui ont bien voulu partager leur expérience et leur point de vue.

201
Manuel de dialogue national

Afghanistan
Au lendemain de l’invasion de l’Afghanistan dirigée par les États-Unis
et de la chute du régime taliban fin 2001, le cadre de transition du
pays (mieux connu sous le nom de processus de Bonn), négocié par
25 parties prenantes éminentes, afghanes et internationales, au cours de
la Conférence internationale sur l’Afghanistan, appuyée par les Nations
Unies et organisée à Bonn en décembre 2001, a instauré une Loya Jirga
constitutionnelle (LJC). Cette dernière s’inscrit donc dans le processus de
Bonn, l’initiative de consolidation de la nation en Afghanistan.

La LJC a été chargée d’adopter la nouvelle Constitution afghane rédigée


par un Comité de rédaction composé de 9 membres et finalisée par une
Commission de rédaction, elle-même formée de 33 membres. Cet organe,
dont la création n’avait pas été prévue au départ dans l’Accord de Bonn, a
été inauguré en avril 2003 lors d’une étape essentielle visant à améliorer
l’inclusion au sein de l’organe de rédaction et la participation publique au
processus de rédaction. La Commission avait pour fonction de mener une
consultation publique générale, dans le but de retravailler en profondeur
et de finaliser le projet de constitution en fonction des résultats de ladite
consultation.

Bien que la LJC visât certaines modifications normatives fondamentales


en vue d’améliorer l’inclusion, la parité des sexes et le pluralisme
ethnique (conformément à l’Accord de Bonn), elle a principalement
servi d’outil de gestion des crises pour faciliter l’instauration rapide de
structures de gouvernance fonctionnelles. La LJC est considérée comme
le processus à l’origine d’une meilleure appropriation nationale, qui a
permis d’ouvrir le débat entre les acteurs politiques, mais aussi de créer
des forums de participation publique. Les principes d’inclusion et de
légitimité portés par le processus ont toutefois souffert de la mise à l’écart
des talibans et du Hezb-e-Islami.

Le processus de Bonn

Loya Jirga Loya Jirga Élections libres


Accord de Bonn d’urgence constitutionnelle et régulières

5 déc. 2001 11-19 juin 2002 14 déc. 2003-4 jan. 2004 9 oct. 2004

Autorité intérimaire Autorité de transition Gouvernement

202
Afghanistan

Loya Jirga constitutionnelle

Durée 3 semaines (14 déc. 2003-4 janv. 2004)

Rédiger une constitution fondée sur le consensus social.


Objectif Objectif global : consolidation de la nation afghane

Mandaté par l’accord de paix signé après l’invasion américaine


Mandat (Accord de Bonn)

502 délégués, dont 450 élus et 50 autres (25 femmes et 25 spécialistes)


nommés par le président ; 2 personnes supplémentaires nommées pour
représenter les personnes handicapées ; 33 membres du pouvoir judiciaire
et de l’administration transitoire invités en qualité d’observateurs sans droit
de vote ou de parole. Hauts fonctionnaires du gouvernement, représentants
Participation
des forces policières et militaires non autorisés à participer.
et critères Les 450 délégués élus ont été choisis comme suit : 344 membres élus
de sélection au scrutin secret par les représentants locaux du processus de la Loya
Jirga d’urgence ; 42 membres élus par les représentants des réfugiés au
Pakistan et en Iran, des personnes déplacées, des Kuchis, des hindous et
des sikhs (15 % de femmes) ; 64 femmes élues par les représentantes des
32 provinces du pays.

Coordination Présidence (Bureau du leadership et LJC) : Hazrat Sibghatullah Mujadeddi

Le processus a été soutenu par des OIG (MANUA, PNUD, HCR, UNOPS, FIAS),
Soutien des ONG nationales et étrangères, le ministère de l’Intérieur et l’agence de
international sécurité Global Risk Strategies. Les États-Unis et les Nations Unies ont joué
un rôle important tout au long du processus de Bonn.

La Constitution a été ratifiée par le président le 26 janvier 2004.


Ses 162 articles instaurent un système présidentiel centralisé doté d’un
parlement bicaméral, une forte protection des droits des minorités et
Résultats le renforcement des droits des femmes, et fournissent un cadre pour
l’établissement de l’État de droit.

La LJC était composée d’environ 20 % de femmes. Malgré cette forte



représentation, les intimidations exercées par les seigneurs de la guerre
ont freiné l’implication et la participation actives des femmes.
Le Secrétariat de la Commission constitutionnelle a préparé un cadre
très détaillé visant à établir des règles procédurales claires. Sa mise en
œuvre a toutefois été problématique, étant donné que les seigneurs de
Défis/ensei- la guerre ont essayé d’asseoir leur domination sur les groupes de travail
et d’exercer des pressions excessives.
gnements tirés Après les premières difficultés liées au financement de la LJC,
un groupement amical de donateurs s’est mis en place.
Puisque la Commission constitutionnelle intervenait sous l’influence de
la présidence afghane, le projet de constitution examiné au sein de la LJC
a été davantage influencé par le président Karzai que par les résultats de
la consultation publique menée par la Commission.

203
Manuel de dialogue national

Loya Jirga constitutionnelle de l’Afghanistan, 2003-2004

Rédiger une constitution fondée sur


OBJECTIF Consolidation de la nation afghane
le consensus social

L’Autorité
La Loya Jirga d’ur- La Loya Jirga consti-
intérimaire met
MANDAT Accord de Bonn gence élit l’Autorité tutionnelle adopte
en place la Loya
de transition la Constitution
Jirga d’urgence

Assemblée générale : La prise de décisions quant aux


Commission consensus ; le questions très controversées sur les
(de révision) président a demandé droits linguistiques et aux structures
PRISE DE constitutionnelle : aux délégués de se gouvernementales ne s’est pas
DÉCISION consultation publique lever pendant deux déroulée au sein de la LJC ni au cours
de 15 000 participants minutes en signe d’une consultation publique, mais
d’approbation de la lors de délibérations à huis clos
nouvelle Constitution entre les principaux dirigeants.

Chaque article du projet de constitution a fait l’objet de délibérations au sein de


l’un des groupes de travail.
Points controversés :
PROGRAM-
ME ET Système présidentiel Langue officielle : Reconnaissance des Droit des
QUESTIONS ou parlementaire dari ou pachtoune langues régionales femmes
CENTRALES
Économie Enseignement supérieur Conservation du titre de « père de la nation »
de marché (gratuité) par le roi Mohammed Zahir Shah

Pendant un an, le Secrétariat de la Commission de révision constitutionnelle a fourni


des informations publiques, mené des consultations publiques et renseigné la population
CONSUL- sur le projet de constitution.
TATION – 15 000 personnes ont bénéficié dans toutes les provinces du pays de la politique
PUBLIQUE d’information et de consultation publiques, préparant ainsi la population à participer
au processus.
– Les résultats des consultations publiques ont été résumés dans un rapport.

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS


Comité de rédaction Assemblée générale/plénière
Commission (de révision) Bureau du leadership
constitutionnelle Groupes de travail
STRUCTURE Comité de réconciliation

Secrétariat de rédaction
Secrétariat de la Commission Secrétariat de la Loya Jirga
constitutionnelle constitutionnelle

204
Afghanistan

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

18 autres
52 9 Kuchis
spécialistes et femmes, 6 personnes
2 représentants des déplacées
personnes handicapées 3 hindous
choisis par le président et sikhs
64
représentantes élues
(deux de chaque province) Nombre total : 502

24
élus parmi les réfugiés
au Pakistan et en Iran
344
délégués généraux

PARTICULARITÉS

Un niveau d’appropriation élevé.


La conception et la structure du processus de transition, et la LJC en particulier, ont
permis à un nombre raisonnable d’acteurs politiques d’ouvrir un débat politique déployé
et essentiellement dirigé par des acteurs afghans, se traduisant par des consultations
populaires. Des groupes importants – les talibans et le Hezb-e-Islami – ont toutefois été
mis à l’écart.

Un processus de consultation et d’information publiques au service de la légitimité.


Au fil d’un processus étalé sur une année, le Secrétariat de la Commission de révision
constitutionnelle a informé et préparé le public, puis mené une consultation élargie,
consolidant ainsi la légitimité du processus et jetant les bases de la LJC, dont la mission
a duré trois semaines. Ultérieurement, il a également préparé les délégués de la LJC en
leur offrant des espaces d’apprentissage partagés.

Un soutien international mesuré.


Malgré la présence de quelques conseillers internationaux, l’assistance technique
étrangère a été maintenue à un minimum pour prévenir la perception selon laquelle
la Constitution a été rédigée par des étrangers. L’Unité d’appui à la Commission
constitutionnelle de la MANUA était chargée de la coordination du soutien financier et
technique international. Le PNUD a fourni des services de gestion financière et d’appui
administratif et opérationnel.

205
Manuel de dialogue national

Loya Jirga constitutionnelle de l’Afghanistan, 2003-2004


Objectif : rédaction d’une constitution fondée sur le consensus social et consolidation de la nation afghane

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS


COMITÉ COMMISSION (DE RÉVISION)
DE RÉDACTION CONSTITUTIONNELLE BUREAU DU LEADERSHIP

Mandat : Mandat : Mandat :


Rédiger la Constitution Améliorer et finaliser le projet Superviser le processus
de constitution :
Composition : consultations publiques dans Composition :
9 membres l’ensemble des 32 provinces 1 président, 4 adjoints, 4 rapporteurs
et auprès des réfugiés af-
ghans en Iran et au Pakistan
production d’un rapport COMITÉ DE RÉCONCILIATION
de consultation publique
contenant ses conclusions Mandat :
organisation de l’élection Examiner les propositions, en
des délégués discuter, et
décider des articles qui peuvent
Composition : être adoptés en l’état (133)
33 membres issus de régions décider des amendements
et groupes ethniques différents, à apporter (22)
y compris 7 femmes renvoyer à l’Assemblée générale
les articles sur lesquels il n’a pu
se prononcer
SECRÉTARIAT SECRÉTARIAT DE
DE RÉDACTION LA COMMISSION Composition :
CONSTITUTIONNELLE (SCC) 38 membres : présidents
Fonctions : des groupes de travail, adjoints
Prestation de Fonctions : et secrétaires, dirigeants
services techniques, Prestation de services
administratifs, techniques, administratifs,
logistiques et logistiques, d’aide financière,
d’aide financière notamment information SECRÉTARIAT DE LA LOYA JIRGA
publique, consultation, CONSTITUTIONNELLE
communication, éducation
à la citoyenneté Fonctions :
Communication, administration,
Composition : formation/coordination, protocole +
220-450 employés à Kaboul et centre de sensibilisation des médias
dans les bureaux régionaux et du public

Composition :
Augmentation du personnel ;
à Kaboul et dans 11 bureaux
régionaux (y compris au Pakistan
et en Iran)

9 33

Oct. 2002-mars 2003 Avr. 2003-nov. 2003

206
Afghanistan

Structure

PHASE DE
MISE EN ŒUVRE
élit
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE/PLÉNIÈRE

e
oi Mandat :
nv s
re ticle s Élire les membres du Bureau du leadership
ar rsé Discuter le processus
les rove
n t Discuter et statuer sur les articles controversés
co
(envoyés par la Commission de réconciliation)
Adopter la Constitution (par consensus)

Présidence : Hazrat Sibghatullah Mujadeddi

Composition :
502 délégués, parmi lesquels sont élus :
344 représentants régionaux
42 représentants des réfugiés, des personnes
déplacées et des minorités ethniques et religieuses
64 femmes Ratification de
Sont nommés par le président : la Constitution
25 spécialistes, 25 femmes, 2 personnes handicapées par le président
+ observateurs
ame
envo ents

dote en personnel
nde osés

Diffusion de
prop

la Constitution
ie le
m

par le Secrétariat
s

de la LJC

GROUPES DE TRAVAIL
Structure : 10 groupes composés de 50 délégués chacun

Mandat :
Passer en revue chaque article du projet et voter ou
noter les amendements proposés

Composition :
Équilibre régional et ethnique, et parité entre les sexes

502

14 déc. 2003-4 janv. 2004 26 janv. 2004

207
Manuel de dialogue national

Afrique du Sud
À la fin des années 1980, les deux parties au conflit armé déchirant l’Afrique du Sud
depuis de nombreuses années se sont retrouvées dans une impasse paralysante et ont
subi d’importantes pressions de la part de la communauté internationale pour régler le
problème. Le système de l’apartheid commençait à s’effriter dans un contexte marqué
par la crise économique et l’isolement international, ainsi qu’en raison de ses propres
ramifications éducatives et psychosociales, tandis que la chute de l’Union soviétique
posait problème au mouvement de libération, qui a vu son soutien financier et politique
s’amenuiser.

Le processus de paix a débuté le 2 février 1990 avec une annonce par le président de
l’époque, FW de Klerk, autorisant tous les mouvements politiques interdits et lançant
les négociations en faveur d’une « nouvelle Afrique du Sud ». Dans ce contexte, des
réunions formelles entre le Congrès national africain (ANC) et le gouvernement ont
été organisées à Groote Schuur et Pretoria, suivies d’un Accord national de paix ratifié
par 27 dirigeants politiques, syndicaux et gouvernementaux. Le processus de paix est
à l’origine d’un code de conduite régissant la période de transition et a ouvert la voie
à l’organisation d’un premier forum multipartite, la Convention pour une Afrique du
Sud démocratique (CODESA). Après l’échec des CODESA I et II, les négociations ont
été relancées par des discussions bilatérales continues entre l’ANC et le gouvernement,
ainsi que par la convention du Processus de négociation multipartite (ou du Forum de
négociation multipartite), dans le cadre duquel une constitution provisoire a été adoptée.
Des élections libres et régulières organisées le 27 avril 1994 ont donné naissance à une
assemblée constituante, qui a adopté la Constitution en 1996.

Le processus de paix, associant des aspects relatifs à la gestion de la crise (contenir la vio-
lence) et au changement fondamental, s’est donné pour mission de créer une « nation arc-
en-ciel » en atteignant un nouveau consensus sur les principes, normes et procédures de
base de la société. Probablement l’un des plus célèbres au monde, il est particulièrement
remarquable pour plusieurs raisons : la qualité du leadership des deux principaux diri-
geants, ainsi que des chefs à tous les niveaux de la société et dans tous les secteurs (grande
importance accordée au Consultative Business Movement ainsi qu’aux chefs religieux) ;
de sérieux efforts en faveur de l’inclusion verticale, malgré son caractère fondamentale-
ment élitiste ; et son haut degré d’appropriation nationale grâce à l’auto-médiation.

Négociations pour mettre un terme à l’apartheid et rétablir la paix en Afrique


du Sud, 1990-1996
Premières
discussions
entre l’ANC et le
gouvernement Accord Processus de Élections
à Groote Schuur national négociation libres et Assemblée
et Pretoria de paix CODESA I CODESA II multipartite régulières constituante Constitution

1990 1991 Déc. 1991 Mai 1992 Avr.-nov. 1993 27 avr. 1994 1995 18 déc. 1996

Conseil exécutif de transition


Gouvernement d’union nationale
208
Afrique du Sud

Processus de négociation multipartite

Durée 7 mois et demi (1er avr.-18 nov. 1993)

Négocier une constitution de transition, élaborer et adopter des principes


constitutionnels qui soient contraignants pour l’Assemblée constituante
Objectif et contribuer ainsi à l’objectif principal, à savoir instaurer une nouvelle
constitution pour l’Afrique du Sud

Mandaté par un Protocole d’entente entre l’ANC et le Parti national et une


Mandat conférence de planification mobilisant l’ensemble des parties suite aux
discussions ratées des CODESA I et II.

26 parties étaient représentées dans le cadre du processus de négociation


multipartite, telles que groupes politiques, délégués du gouvernement
Participation central et des bantoustans, et chefs traditionnels. Le processus, plus inclusif
et critères que les deux essais précédents, a notamment bénéficié de la participation
du gouvernement du bantoustan du KwaZulu, du parti conservateur et de la
de sélection
Volksunie. Le Congrès panafricain a également participé, avec toutefois des
réserves. Seuls quelques partis extrémistes afrikaners et l’Organisation du
peuple azanien, un parti d’extrême gauche, n’ont pas participé.

Si les discussions tenues dans le cadre des cycles CODESA précédents étaient
présidées par des juges haut placés, les réunions du processus de négociation
Coordination multipartite étaient quant à elles dirigées à tour de rôle par les membres des
équipes de négociation, renforçant ainsi le sentiment d’inclusion des parties.

Les deux partis principaux, le Parti national (parti au gouvernement) et l’ANC,


se sont opposés à une médiation internationale. Le processus était donc
dans une large mesure auto-géré, avec l’exception notable de l’universitaire
Soutien kenyan Washington Okumu, qui a réussi à négocier la fin d’un boycott par
international le Parti Inkatha de la liberté (IFP), là où l’ancien Secrétaire d’État américain,
Henry Kissinger, et l’ancien ministre britannique des Affaires étrangères,
Lord Carrington, avaient échoué en mars 1994.

Le processus de négociation multipartite a produit les résultats suivants :


adoption d’une constitution de transition et de quatre autres projets de loi
relatifs à des structures de transition pour la période précédant les élections
(Conseil exécutif de transition, Commission électorale indépendante et
Résultats Commission indépendante des médias), et mise en place d’un organe
permanent chargé de contrôler la radiodiffusion (Autorité indépendante de
radiodiffusion). Les délégués se sont également mis d’accord sur une nouvelle
loi électorale régissant les élections à l’Assemblée constituante.

Les parties se sont appuyées sur les enseignements tirés de la CODESA pour
remanier le processus et les structures de négociation lors d’une conférence
préparatoire mobilisant l’ensemble des parties prenantes en mars 1993. Ces
enseignements portaient sur : l’importance de mettre en place une structure
Défis/ensei- simple composée d’un organe de négociation et d’un organe décisionnel ; le
gnements tirés recours à des experts techniques pour assurer des discussions « fondées sur
les intérêts » ; la création d’un « comité de coordination » digne de confiance
ayant pour mission de protéger le processus, d’anticiper et de prévenir les
problèmes ; et le rôle fondamental des mécanismes de sortie de l’impasse
sur lesquels les parties s’étaient préalablement mises d’accord.
209
Manuel de dialogue national

Processus de négociation multipartite en Afrique du Sud, 1993


Contribuer à l’objectif
Négocier une Élaborer et adopter des principes
principal, à savoir instaurer
OBJECTIF constitution de qui soient contraignants pour
une nouvelle constitution
transition l’Assemblée constituante
pour l’Afrique du Sud

Premières
discussions Élections
Accord Processus de Assemblée
entre l’ANC et CODESA I libres et
MANDAT national négociations consti-
le gouvernement et II régu-
de paix multipartites tuante
à Groote Schuur lières
et Pretoria

Les décisions ont été prises sur la base d’un « consensus suffisant », c’est-à-dire que les
recommandations (des comités techniques) pouvaient être adoptées si un nombre suffisant
de parties s’exprimaient en faveur de la poursuite du processus. Dans la pratique, un
PRISE DE
consensus suffisant pouvait être atteint si l’ANC et le gouvernement et leurs alliés respectifs
DÉCISIONS
se montraient favorables à une recommandation donnée, ouvrant ainsi la voie à une
progression stable et évitant les dérives des petits partis. Frustrés par ce principe, le Parti
Inkatha de la liberté (IFP) et certains partis de droite ont préféré se retirer du processus.

Les comités techniques chargés de gérer les propositions des parties et de porter les enjeux
principaux à l’attention du Conseil de négociation se sont penchés sur sept grandes questions :

PROGRAM- Questions constitutionnelles, y Droits fonda-


Conseil exécutif de
ME ET compris la structure de l’État et Violence mentaux de
transition
QUESTIONS les pouvoirs des régions la personne
CENTRALES
Commission électorale Commission indépendante
Lois discriminatoires
indépendante des médias

L’opinion publique a été prise en compte dans les négociations de différentes manières :


Tout le monde pouvait présenter des propositions aux comités techniques et à la
CONSUL-
Commission des emblèmes nationaux, ainsi qu’à celle pour la démarcation des provinces.
TATION

Les représentants des médias et les agents chargés des relations publiques étaient
PUBLIQUE
autorisés à assister aux réunions du Conseil de négociation.

Une salle d’écoute équipée d’écrans de télévision a été mise à disposition des personnes
souhaitant assister aux débats.

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS



Conférence de Assemblée plénière
planification (Forum de négociation), interrompu après deux réunions
des négociations Conseil de négociation
- Sous-comité
STRUCTURE - Commission des emblèmes nationaux
- Commission pour la démarcation des provinces
7 comités techniques
- Groupes de travail ad hoc
Administration professionnelle/Secrétariat

210
Afrique du Sud

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

0 26
L’Organisation du parties, dont groupes
peuple azanien politiques, représentants
(AZAPO, un parti du gouvernement central et
d’extrême gauche) des bantoustans et chefs
et le Mouvement de traditionnels (y compris
résistance afrikaner des parties auparavant
(AWB) étaient les Nombre total : 208 non représentées
seuls à ne pas dans le processus).
participer.

L’Assemblée plénière était composée de 208 délégués, tandis que le forum de négociation le
plus important, le Conseil de négociation, a réuni deux négociateurs et deux conseillers, dont
au moins une femme, par partie.

PARTICULARITÉS

Un processus largement auto-géré.


Les deux parties principales éprouvant des réserves quant au recours à une médiation
internationale, l’exemple de l’Afrique du Sud est un cas notable de processus largement
auto-géré (à l’exception d’une initiative très brève, temporairement couronnée de succès,
visant à ramener le Parti Inkatha de la liberté à la table des négociations).

Un processus évitant les négociations subjectives.


Les contributions du public et des parties ont été soumises aux comités techniques, qui ont
ensuite transformé les propositions largement subjectives en rapports axés sur les intérêts,
ce qui comportait déjà en soi une forte dose de compromis. En recherchant un compromis
dans des documents à texte unique, les comités techniques (bien qu’ayant interdiction
formelle de prendre des décisions d’ordre politique) ont fait office d’importants mécanismes
de sortie de l’impasse.

Enseignements tirés des CODESA I et II.


Les enseignements tirés des CODESA I et II ont été soigneusement appliqués pendant la
réunion de planification des négociations qui a mobilisé toutes les parties en mars 1993,
évitant ainsi bon nombre des écueils rencontrés dans le cadre des négociations précédentes,
y compris l’absence de contribution technique/d’expertise (création des comités techniques)
et la forte prévalence des négociations subjectives (introduction du concept de document
« à texte unique » dans le processus).

211
Manuel de dialogue national

Processus de négociation multipartite en Afrique du Sud, 1993


Objectif : négocier une constitution de transition, élaborer et adopter des principes constitutionnels
et contribuer à l’instauration d’une nouvelle constitution pour l’Afrique du Sud

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS


COMITÉ DE PLANIFICATION
Mandat : « Garant » du processus de dialogue ; aucun pouvoir déci-
sionnel, mais joue un rôle essentiel dans la prévention des problèmes

Composition : 10 négociateurs éminents, toutes allégeances


politiques confondues, siégeant à titre personnel

SOUS-COMITÉ garantit le processus


Mandat : Maintenir le cap du processus à l’aide de
conseils, de solutions, de « diplomatie de la navette »,
tout en faisant profil bas
Composition : Mac Maharaj (ANC), Fanie van der Merwe
(gouvernement Parti national), Ben Ngubane (IFP, jusqu’à
son départ du processus)

supervise supervise

Conférence COMMISSION COMMISSION


Réunions de planification pour la démarcation des provinces des emblèmes nationaux
bilatérales des négociations

Mandat : présentent des rapports


entre l’ANC 7 COMITÉS TECHNIQUES
et le NP pour Réorganiser
trouver un le processus Mandat : Présenter des rapports au Comité de négociation,
terrain d’en- et répondre fondés sur les exposés de principe soumis par les parties.
tente sur les à certaines Leurs propositions étaient non pas subjectives mais axées
discussions des objections sur les intérêts, ce qui a permis au Conseil de négociation
multipartites soulevées contre d’opérer sur la base d’un texte unique. Si le comité technique ne
à venir la CODESA parvenait pas à trouver de compromis, la question était renvoyée
au Comité de planification ou à une équipe de travail ad hoc.
Composition :
26 parties Composition : 5-6 experts politiques par comité, indépendants
des partis, nommés par le Conseil de négociation.

Axés sur sept questions essentielles : 1 Questions


constitutionnelles, 2 Violence, 3 Droits fondamentaux de
la personne, 4 Conseil exécutif de transition, 5 Commission
électorale indépendante, 6 Commission indépendante
des médias, 7 Lois discriminatoires


ADMINISTRATION
Fonctions : Soutien administratif et secrétariat, rédaction
des programmes, du procès-verbal et des rapports

Composition : Consultative Business Movement (CBM) non partisan,


et personnel supplémentaire nommé par les parties
2 26

Fin 1992-janv. 1993 Mars 1993

212
Afrique du Sud

Structure

PHASE DE MISE
EN ŒUVRE
ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

Mandat :
Organe décisionnel suprême
Ne s’est réuni qu’une fois pour approuver
la Constitution provisoire.

Prise de décisions : Consensus (suffisant)

Composition : 208 membres de 26 parties


étaient représentés, tels que groupes
politiques, délégués du gouvernement
central et des bantoustans et chefs
FORUM DE NÉGOCIATION CONSTITUTION
traditionnels.
DE TRANSITION
Mandat : Finaliser les accords du
Conseil de négociation. Ne s’est et 4 autres projets de
réuni que deux fois et a délégué loi sur les structures
ses pouvoirs au Conseil de de transition pour
présente la Constitution provisoire
négociation après juin 1993. la période précédant
pour approbation
les élections, et un
organe permanent
CONSEIL DE NÉGOCIATION pour contrôler la
radiodiffusion
Mandat : Principal forum de négociation qui a débattu
des questions essentielles, est parvenu à des accords Date des élections
ou a validé certaines recommandations d’ententes. fixée au 27 avril 1994

Présidence tournante, dont les représentants étaient Accord sur la nouvelle


nommés au sein des parties par le Conseil de négociation loi électorale
sur la base de leurs compétences en matière de coordination.
Accord relatif à
Prise de décisions : Consensus (suffisant) la gouvernance
d’un gouvernement
Composition : 2 délégués et 2 conseillers par partie provisoire d’union
(au moins une femme) nationale jusqu’aux
prochaines élections
Les réunions étaient ouvertes aux médias. Le public (1999)
pouvait regarder le déroulement dans une
« salle d’écoute » équipée d’écrans de télévision.

208

Avr.-nov. 1993 18 nov. 1993

213
Manuel de dialogue national

Bahreïn
Le dialogue national de 2011 a vu le jour après la répression par le
gouvernement des manifestations organisées par différents groupes
d’opposition, y compris les « Jeunes du 14 février ». Ce mouvement avait
appelé la population bahreïnie à descendre dans la rue le 14 février 2011
pour exiger des réformes politiques et économiques plus importantes.
Cette date marquait le 10e anniversaire du référendum qui a obtenu
l’approbation de la Charte d’action nationale et permis l’introduction
d’une nouvelle constitution réduisant les pouvoirs de la chambre élue.

Le dialogue national, d’une durée de 23 jours, et le dialogue de consensus


national, lancé en février 2013 pour une durée de 11 mois, devaient servir
d’outils de transformation et visaient à engager les manifestants dans un
dialogue ainsi qu’à favoriser la préparation conjointe de recommandations
devant être mises en œuvre par une commission gouvernementale.

Cependant, la question de l’inclusion a soulevé d’importantes difficultés


au cours du processus, les groupes d’opposition se plaignant d’être sous-
représentés. De même, le pouvoir exécutif n’a pas participé au dialogue,
faisant craindre que les réformes n’aient aucune chance d’être mises en
œuvre. Il a par ailleurs été reproché au processus d’exclure les groupes
critiques vis-à-vis du régime. Si un catalogue de recommandations a
été publié après la clôture du dialogue national, l’opposition s’est dite
préoccupée par le fait que seuls des points de faible importance aient été
mis en œuvre. Les tensions sociales n’ont cessé de croître depuis.

Manifestations et processus de réconciliation au Bahreïn, 2011-2014

Début des Dialogue national Dialogue de consensus


manifestations (23 jours) national (11 mois)

Févr. 2011 Mars 2011 Juin 2011 Juill. 2011 Nov. 2011 Févr. 2013-janv. 2014 Nov. 2014

Déploiement des Commission Publication du Élections


troupes du Conseil d’enquête rapport de la BICI parlementaires
de coopération indépendante et municipales
du Golfe (jusqu’à de Bahreïn (BICI)
juin 2011)

214
Bahreïn

Dialogue national au Bahreïn

Durée 23 jours (2-25 juill. 2011)

Suite aux manifestations, le dialogue national entendait réduire les tensions,


Objectif répondre aux revendications des manifestants et proposer des réformes
fondées sur leurs demandes.

Bien que le dialogue national ait été officiellement mandaté par le roi Hamad
Mandat ben Issa Al Khalifa, ce sont les manifestations organisées en février dans le
contexte du « Printemps arabe » qui ont donné l’impulsion première.

Le roi a adressé des invitations aux organisations participantes. Plus de


300 représentants des sociétés politiques, groupes de la société civile,
syndicats, associations professionnelles et commerciales et médias,
membres du Conseil de la Choura (la chambre haute du Parlement), chefs
Participation de conseils municipaux, représentants d’entreprises et figures publiques
du Bahreïn ont été invités à participer au dialogue national. Aucun ministre
et critères ou décideur politique de haut niveau faisant partie du gouvernement n’a
de sélection participé au processus. Indépendamment de sa taille ou de son niveau
d’autorité, chaque organisation a été invitée à nommer cinq personnes pour
la représenter lors des séances. Les groupes d’opposition ont reçu moins de
10 % des sièges. Certains d’entre eux, qui avaient pourtant donné un élan
crucial aux manifestations, n’ont pas participé au dialogue.

Coordination Présidence : président du Parlement, Khalifa ben Ahmed Al Dhahrani

Les alliés internationaux des autorités bahreïnies, et plus particulièrement


Soutien les États-Unis, ont exercé des pressions afin de les inciter à mettre en
œuvre d’autres réformes fondées, entre autres, sur les recommandations
international émises par le rapport BICI. Le dialogue national a été bien accueilli par la
communauté internationale.

Le dialogue national a abouti à la publication d’un vaste ensemble de


recommandations portant sur : la réforme du système politique ; l’adoption
de mesures de lutte contre la corruption ; la recherche d’un équilibre dans les
politiques de privatisation et l’amélioration de la compétitivité économique ;
Résultats le renforcement des organisations de la société civile ; l’amélioration
des services sociaux ; la mise en œuvre et la ratification de normes et
conventions de protection des droits de l’homme. La mise en œuvre de ces
recommandations a été confiée à une commission gouvernementale présidée
par le Vice-Premier ministre Cheikh Mohammed ben Mubarak Al Khalifa,
créée le 31 juillet 2011.

De nombreux représentants de l’opposition ont exprimé leur méfiance envers


un dialogue dirigé par l’État, ce qui peut en partie s’expliquer par le double
jeu du gouvernement, qui a eu recours à des mesures répressives tout en
se disant prêt à mener des réformes et à mettre en œuvre les objectifs et le
Défis/ensei- programme évasifs du dialogue. L’absence de solution concrète à la crise,
gnements tirés malgré plusieurs tentatives de dialogue, a créé un sentiment de frustration
au sein de la société bahreïnie, creusant encore davantage les dissensions
existantes. Les arrestations répétées de hauts responsables des groupes
d’opposition ont constitué un obstacle de plus au processus de dialogue.
La réconciliation nationale a également été freinée par les divisions internes
au sein de la famille régnante, du gouvernement et de l’opposition.
215
Manuel de dialogue national

Dialogue national au Bahreïn, 2011

Émettre des recommandations


Répondre aux revendica- Renouveler
OBJECTIF en vue de réformes à l’échelle
tions des manifestants le contrat social
nationale

Manifestations Discussions entre le plus


Dialogue national lancé par
de rue dans le grand parti d’opposition,
MANDAT le roi Hamad ben Issa Al Khalifa
cadre du « Prin- AL-Wefaq, et le prince héritier,
en juillet 2011
temps arabe » en février 2011

Le roi Hamad a décidé du mandat, du programme et des organisations invitées.


La prise de décisions s’est faite par voie de consensus. Toutefois, pour éviter la rupture
des pourparlers, la notion de « consensus à différents niveaux » a été introduite, en dépit
des protestations de l’opposition, qui s’inquiétait d’être ignorée compte tenu de sa faible
représentation. Les différents niveaux de consensus étaient les suivants :

« Compatibilité « Large soutien avec « Divergences non résolues », pouvant


PRISE DE totale » : quelques exceptions » : être traitées de différentes façons :
DÉCISIONS tous les participants les parties n’appuyant 1. Un Comité de révision tente de trouver
appuient ou tout pas une décision ne une solution recevable par l’ensemble
au moins acceptent bloquent pas son adop- des parties.
une proposition tion, mais leurs réserves 2. Les positionnements des parties font
seront approuvées par le l’objet d’explications plus approfondies.
comité ou feront l’objet 3. Différentes solutions intermédiaires
d’une déclaration écrite sont recherchées afin de satisfaire
certaines, mais non la totalité, des
demandes des parties.

Le programme du dialogue national a été établi par le roi.


Les sujets de discussion ont été regroupés en quatre thématiques :
questions politiques, questions sociales, questions économiques et droits de l’homme.
Les résultats, alignés sur ces quatre sujets, ont mis l’accent sur les éléments suivants :
PROGRAM-
ME ET Recherche d’un équilibre dans les poli-
QUESTIONS Réforme du système Mesures de lutte
tiques de privatisation et amélioration
CENTRALES politique contre la corruption
de la compétitivité économique

Renforcement Mise en œuvre et ratification de normes


Amélioration des
des organisations et conventions de protection des droits
services sociaux
de la société civile de l’homme

Malgré le lancement du processus après l’organisation de manifestations


populaires, aucune consultation systématique de la société n’a eu lieu avant
CONSUL- ou pendant le dialogue national.
TATION Les groupes sociaux, de femmes et de jeunes, les associations professionnelles
PUBLIQUE et commerciales, les syndicats et les médias étaient toutefois représentés.
Tous les participants avaient la possibilité de proposer des sujets de discussion
avant les séances.

PHASE DE PROCESSUS PHASE DE MISE EN ŒUVRE


Comité général Commission gouvernementale
STRUCTURE
Équipes de travail
Comité de révision

216
Bahreïn

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

110
65 Délégués de formations
Personnalités publiques politiques, y compris
les partis d’opposition
(uniquement ceux qui
ont été enregistrés)
65
Représentants
de groupes de femmes Nombre total :
de groupes de jeunes plus de 300*
de syndicats
de la chambre de commerce
des médias

30 35
Représentants de groupes sociaux Délégués d’associations
professionnelles
Les groupes d’opposition ont reçu environ 10 % des sièges. Aucun ministre ou décideur
politique de haut niveau faisant partie du gouvernement n’a participé au dialogue national.
* Chiffres approximatifs

PARTICULARITÉS

Invitation des organisations participantes décidée par le roi Hamad.


La prise de décisions préparatoire a été dans une large mesure assurée par le roi, qui a établi
le mandat officiel du processus et a décidé des objectifs, du programme et des participants au
dialogue national.

Inclusion insuffisante.
Dès le début, les groupes d’opposition ont estimé être sous-représentés par rapport au
nombre réel de leurs partisans. Le processus a par ailleurs exclu certains groupes critiquant
le régime ainsi que quelques hauts représentants de groupes d’opposition, qui avaient été
incarcérés pendant les manifestations et ne pouvaient donc pas participer au dialogue. Le
pouvoir exécutif n’était pas non plus représenté lors des discussions, amenuisant ainsi les
chances que les recommandations formulées soient mises en œuvre.

Faiblesse du mandat.
Le mandat de l’Assemblée générale se limitait strictement à l’émission de recommandations
vouées à être mises en œuvre dans un deuxième temps par une commission établie
spécialement à cette fin et dont les membres ne devaient rendre de comptes qu’au seul roi.

Doutes quant à la volonté réelle d’atteindre l’objectif du dialogue national.


Des doutes quant au sérieux du régime et à sa volonté de réformer le système ont plané dès
le début du processus de dialogue national, et ont été renforcés tout au long de celui-ci par la
poursuite des arrestations et de la répression. Le principal parti chiite du pays, Al-Wefaq, s’est
retiré des négociations deux semaines seulement après le début du processus en raison de
cette impression de manque de sérieux. Cette perception a été accentuée par les désaccords
sur le niveau de mise en œuvre des résultats.

217
Manuel de dialogue national

Dialogue national au Bahreïn, 2011


Objectif : répondre aux revendications des manifestants, réduire les tensions
et émettre des recommandations de réforme

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS


Lancement officiel du processus
par le roi Hamad ben Issa Al Khalifa,
qui a décidé du programme,
du mandat et des invités.

Composition :
Le roi a invité les organisations autorisées à participer
au dialogue national.
Indépendamment de sa taille, chaque organisation
pouvait nommer cinq personnes pour la représenter
lors des séances.
Plus de 300 représentants des secteurs social, politique
et privé ont été invités à participer au dialogue national,
y compris :

des formations politiques, dont les partis


d’opposition (uniquement ceux enregistrés),
parmi lesquels au moins deux partis d’opposition COMITÉ DE RÉVISION
chiites (Al-Wefaq et la société Al Ekha) et
des groupes politiques laïques composés de Mandat :
membres chiites et sunnites, tels que la Société Trouver des solutions satisfaisantes
nationale pour l’action démocratique (Waad), pour l’ensemble des partis en cas de
le Rassemblement national démocratique et « divergences non résolues » lors de
l’Assemblée démocratique nationale la réunion du Comité général.
des associations professionnelles
des groupes sociaux
des groupes de femmes
des groupes de jeunes
des syndicats
la chambre de commerce
des médias
des personnalités publiques

1 300

2-25 juill. 2011

218
Bahreïn

Structure

COMITÉ GÉNÉRAL
PHASE DE MISE EN ŒUVRE
PUBLICATION d’un vaste ensemble
Mandat : de recommandations fondées sur
Discuter des résultats/recommandations les quatre thématiques principales :
des équipes de travail
Adopter une liste de recommandations réforme du système politique
mesures de lutte contre la corruption
Présidence : président du Parlement recherche d’un équilibre dans les
Khalifa ben Ahmed Al Dhahrani politiques de privatisation et
amélioration de la compétitivité
Prise de décisions : économique
Par consensus (différents degrés : compatibilité totale, renforcement des organisations de
large soutien avec quelques exceptions, divergences la société civile
non résolues) amélioration des services sociaux
mise en œuvre et ratification de
Programme : normes et conventions de protection
4 thématiques principales : questions politiques, des droits de l’homme
questions sociales, questions économiques, droits de
l’homme + de nombreux sous-thèmes (en amont des COMMISSION GOUVERNEMENTALE
séances, tous les participants avaient la possibilité Mandat : mettre en œuvre les
de présenter des propositions de sujets à aborder) recommandations du dialogue national.
Créée le 31 juillet 2011.
Plus de 300 participants Composée de neuf représentants
du gouvernement et présidée par
le Vice-Premier ministre Cheikh
Mohammed ben Mubarak Al Khalifa.
Recommandations mises en œuvre :
Amendements constitutionnels
4 ÉQUIPES DE TRAVAIL ratifiés par le roi Hamad en mai 2012,
qui renforcent légèrement le pouvoir
Composition : de la Chambre des députés
Jusqu’à 50 participants Libération de détenus et retour de
3 membres du Conseil de la Choura et un représen- nombreux manifestants à leur poste
tant du gouvernement devaient être présents de travail
Les participants au dialogue national pouvaient
choisir le groupe de travail sous-thématique Contestation de la mise en œuvre :
auquel contribuer Le régime estime que la plupart
des recommandations ont été
Questions Questions Affaires Questions mises en œuvre.
politiques économiques féminines et sociales L’opposition juge que la mise en
familiales œuvre s’est limitée à des points
de faible importance.
Mandat :
Les équipes de travail discutent des projets et émettent
des recommandations, qui sont ensuite passées en
revue par le Comité général

10

25 juill. 2011

219
Manuel de dialogue national

Bénin
En 1989, le Bénin se trouvait dans une situation de crise ; l’instabilité
économique et sociale qui touchait le pays avait donné naissance à
un mouvement de masse qui exigeait un renouveau démocratique. Le
7 décembre 1989, le gouvernement confiait au chef de l’État la mission de
convoquer une conférence nationale afin de contribuer « à l’avènement
d’un renouveau démocratique et au développement d’une saine ambiance
politique nouvelle ».

À l’origine, la conférence ne devait jouer qu’un rôle purement consultatif.


Cinq jours après le début des discussions, les délégués se sont toutefois
déclarés souverains. Le président en exercice, Mathieu Kérékou, n’a eu
d’autre choix que d’accepter cet état de fait, sa position étant faible et le
positionnement de l’armée ambigu.

La Conférence nationale a suspendu la Constitution, a dissous toutes les


institutions créées par la Loi fondamentale de 1977, a élu Nicéphore Soglo,
un ancien administrateur de la Banque mondiale, au poste de Premier
ministre, et s’est accordée sur les principes régissant la rédaction d’une
nouvelle constitution par une commission nouvellement nommée.

La Conférence nationale a porté ses fruits, contribuant à un changement


fondamental du pays, et ce malgré un mandat d’origine très limité. Elle est
considérée comme un bon exemple de conférence nationale en Afrique
francophone.

Transition politique du Bénin, décembre 1989-mars 1991

Le gouvernement annonce
qu’il abandonne l’idéologie Élections
marxiste et convoque Conférence Référendum public parlementaires
une conférence nationale nationale sur la Constitution et présidentielles

Déc. 1989 Févr. 1990 Déc. 1990 Févr.-mars 1991

République populaire Gouvernement de transition République du Bénin


du Bénin

220
Bénin

Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation

Durée 10 jours (19-28 févr. 1990)

Contribuer à l’avènement d’un renouveau démocratique et au


Objectif développement d’une saine ambiance politique nouvelle

Le mandat a été établi dans un communiqué conjoint émis à la suite


Mandat d’une réunion entre le Parti de la révolution populaire du Bénin (PRPB),
l’Assemblée nationale révolutionnaire et le gouvernement.

520 participants. Le Comité préparatoire a annoncé publiquement


Participation le classement des participants en 15 catégories. Les propositions de
et critères délégués devaient être soumises au Comité préparatoire. Les seuls
délégués nommés directement par le Comité étaient ceux de la catégorie
de sélection « Personnalités et sages ».

L’archevêque de Cotonou, Isidore de Souza, a dirigé un Présidium composé


Coordination de 13 membres.

Des représentants de missions diplomatiques internationales et


Soutien d’institutions financières internationales ont soutenu le processus.
international La France a choisi d’appuyer la Conférence plutôt que le président.

La Conférence nationale a suspendu la Constitution, dissous toutes les


institutions politiques créées par la Loi fondamentale de 1977 (Assemblée
nationale, Conseil exécutif et forces armées), élu un Premier ministre et s’est
Résultats accordée sur les principes régissant la rédaction d’une nouvelle constitution
par une commission nouvellement nommée. Elle a par ailleurs créé le
Haut Conseil de la République en tant qu’organe législatif provisoire (du
1er mars 1990 au 1er mars 1991).

La Conférence nationale au Bénin met en lumière l’influence exercée


Défis/ensei- sur le dialogue national par les facteurs extérieurs, tels que la pression
gnements tirés internationale et le positionnement de l’armée.

221
Manuel de dialogue national

Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation du Bénin, 1990

Trouver une solution à la crise Contribuer


Développer une
touchant le pays et réagir aux à l’avènement
OBJECTIF saine ambiance
troubles sociaux, économiques d’un renouveau
politique nouvelle
et politiques démocratique

Mouvement de masse Annonce par le gouvernement qu’il


exigeant des réformes abandonne l’idéologie marxiste, auto- Comité
politiques, sociales et rise la création de partis politiques et préparatoire
économiques organise une conférence nationale
MANDAT

Conférence Nationale des Période de transition entre République


Forces Vives de la Nation mars 1990 et mars 1991 du Bénin

La Conférence avait pour mission de rassembler toutes les forces vives de la nation,
PRINCIPES
indépendamment de leur orientation politique.


Au cours de la période de préparation, le Comité préparatoire a régulièrement organisé
des conférences de presse pour informer le public après chaque étape importante.
La première a eu lieu le 5 janvier 1990. À cette occasion, les différentes catégories de
participants ont été annoncées, ainsi que les quotas de délégués, et les citoyens ont été
CONSUL- invités à communiquer les noms de leurs délégués
TATION au Comité préparatoire.
PUBLIQUE

Le Comité préparatoire a appelé tous les Béninois à envoyer leurs propositions de
mesures à prendre. Toutes les suggestions ont été présentées à la Conférence nationale,
de même que les « documents de base » établis par le Comité préparatoire en vue de
la Conférence.

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS


Comité préparatoire Bureau provisoire
3 groupes de travail Présidium
STRUCTURE

Commission de vérification des mandats
de la Conférence nationale
Assemblée plénière

222
Bénin

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

15
Catégories :
1. Personnalités et sages
2. Cultes et assimilés
3. Cadres de l’Administration publique
4. Syndicats autres que l’Union nationale des syndicats
des travailleurs du Bénin (UNSTB), dirigée par le PRPB
5. Parti de la Révolution Populaire du Bénin (PRPB) et
ses organisations de masse 520 délégués classés
6. Associations régionales de développement en 15 catégories
7. Toutes autres organisations non gouvernementales
8. Ordres professionnels et associations professionnelles
9. Toutes sensibilités politiques
10. Étudiants
11. Chambre de Commerce et d’Industrie du Bénin
et Organisation nationale des employeurs du Bénin
12. Paysans
13. Toutes organisations de jeunes et de femmes
à l’exception de celles proches du PRPB
14. Armée
15. Communautés béninoises à l’étranger et personnels
des ambassades et consulats

PARTICULARITÉS

Modification du mandat pendant la conférence.


Cinq jours après le début des discussions, les délégués ont déclaré la souveraineté de la Conférence et
rééxaminé son mandat. Ils ont ainsi réussi à passer de ce qui était initialement prévu, un organe consultatif
(vraisemblablement sans réel pouvoir), à une conférence souveraine qui a dissous les principales institutions
politiques et lancé la rédaction d’une nouvelle constitution.

Pression intérieure et internationale.


La pression intérieure et internationale et la faible position du président Kérékou qui en a découlé ont forcé
le régime à convoquer la Conférence nationale et à en accepter les décisions. La situation économique et
sociale désastreuse du pays, les grèves générales et les manifestations de masse ont constitué des facteurs
nationaux déterminants. Parmi les facteurs extérieurs, citons les manifestations et le plaidoyer menés par les
exilés béninois, le retrait de l’aide française, le mécontentement du Fonds monétaire international et la forte
dépendance vis-à-vis des donateurs internationaux.

Influence des facteurs extérieurs sur le dialogue national.


La Conférence nationale au Bénin met en lumière l’influence exercée sur le dialogue national par les facteurs
extérieurs, tels que la pression internationale et le positionnement de l’armée.

Implication de la population pour renforcer le mandat.


Ce processus prouve que les mandats peuvent évoluer et se renforcer au fil du temps. Si le Comité
préparatoire a bien été créé par des ministres du gouvernement, ces derniers sont parvenus à faire participer
d’importants segments de la population grâce à l’organisation de conférences de presse et à un processus
de consultation publique.

223
Manuel de dialogue national

Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation du Bénin, 1990


Objectif : contribuer au renouveau démocratique et au développement d’une saine ambiance politique nouvelle

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS


élection

COMITÉ PRÉPARATOIRE PRÉSIDIUM

Mandat : Composition :
Définir les modalités pratiques 13 membres, dirigés par Isidore de Souza,
de l’organisation de la Conférence archevêque de Cotonou
nationale (y compris la sélection des
participants), en arrêter le programme
et élaborer les documents de base.

Composition :
8 ministres BUREAU PROVISOIRE

Mandat :
Discuter des règles d’engagement
2 rapporteurs du Présidium

Composition :
GROUPES DE TRAVAIL
3 membres, y compris le participant
Éducation et culture le plus jeune et le doyen de la Conférence
Économie
Justice et droits de l’homme
présentation d’un rapport
Implication du public par le biais
de conférences de presse régulières COMMISSION DE VÉRIFICATION
(à partir de janvier 1990) et soumission DES MANDATS
de propositions par le public à la
Conférence nationale. Suite au rapport de la Commission de
vérification des mandats, le nombre de
participants est passé de 488 à 520.

8 520

18 déc. 1989-19 févr. 1990 19-28 févr. 1990

224
Bénin

Structure

PHASE DE MISE EN ŒUVRE

ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

Mandat :
Initialement, simple rôle consultatif ; après
la déclaration de souveraineté, la Conférence
a discuté des changements fondamentaux
à apporter à l’État. Dissolution des institutions politiques
créées par la Loi fondamentale de
Composition : 1977 (Assemblée nationale révolu-
520 délégués classés en 15 catégories tionnaire, Conseil exécutif et armée)

Création du Haut Conseil de la


République en tant que parlement
provisoire pour la période de
transition initialement prévue
de mars 1990 à mars 1991.

participation Élection de Nicéphore Soglo, an-


cien administrateur à la Banque
mondiale, au poste nouvellement
créé de Premier ministre

COMMISSION CONSTITUTIONNELLE
Nomination d’une
COMMISSION CONSTITUTIONNELLE
COMMISSION CHARGÉE DES QUESTIONS

ayant pour mission de rédiger
ÉCONOMIQUES ET SOCIALES
une constitution fondée sur
les principes convenus par
COMMISSION DE L’ÉDUCATION, DE LA CULTURE, DE
 la Conférence.
LA SCIENCE, DES SPORTS ET DE L’ENVIRONNEMENT

Mars 1990-mars 1991

225
Manuel de dialogue national

Bolivie
La crise politique qui a touché la Bolivie au début du XXIe siècle a culminé
lors des troubles de 2003 (surnommés « guerre du gaz ») et débouché sur
la démission du président Sánchez de Lozada. L’idée d’une Assemblée
constituante (AC) a fait son chemin dans l’esprit des principales forces
politiques et chefs d’État successifs ; différentes mesures ont été prises
en ce sens, jusqu’à l’adoption par le Congrès national bolivien, en 2006,
d’une loi convoquant une Assemblée constituante. L’objectif poursuivi
était d’augmenter la participation des peuples autochtones à la sphère
politique et d’instaurer un État réellement plurinational. L’AC a donc axé
ses efforts sur le changement fondamental, sur fond de multiethnicité et de
profondes divisions entre, d’une part, les anciennes élites de propriétaires
fonciers dans les plaines de la Media Luna, et, d’autre part, le mouvement
social populaire incarné par le Movimiento al Socialismo (MAS) du
président Evo Morales.

L’Assemblée a donné naissance à une nouvelle constitution, qui


a notamment accordé davantage de droits politiques aux peuples
autochtones et donné plus d’autonomie aux départements de l’est du
pays (plaines de la Media Luna).

L’Assemblée était remarquablement diversifiée et inclusive, et caractérisée


par une forte participation des représentants des femmes et des peuples
autochtones. Le processus a toutefois été paralysé et retardé de plusieurs
mois en raison de conflits internes, et des actes de violence sont venus
entacher les délibérations.

Processus d’élaboration de la Constitution en Bolivie


(et création de l’Assemblée constituante)

Élection des L’AC approuve


Guerre du gaz délégués de l’AC le projet de texte

2003 Avr. 2004 2 juill. 2006 6 août 2006 9 déc. 2007 25 janv. 2009

Modification de la Constitution Inauguration Adoption de


pour permettre la création de l’AC la Constitution
d’une AC par référendum

226
Bolivie

Assemblée constituante

Durée 16 mois (6 août 2006-9 déc. 2007) ; durée initialement prévue : 6-12 mois

Rédiger une constitution qui soit plus inclusive et qui favorise notamment
Objectif la participation des peuples autochtones à la sphère politique

Les appels populaires lancés de longue date en vue de la création d’une



Assemblée constituante ont culminé en 2003 (Programme d’octobre).
Mandat Loi portant création d’une Assemblée constituante souveraine adoptée

par le Congrès en 2005
Délégués élus au suffrage universel

255 délégués, dont un quota de 30 % de femmes, élus au suffrage


Participation universel. Chacune des 70 circonscriptions électorales a élu trois
membres (deux sièges attribués au gagnant dans chaque circonscription
et critères et un siège à la liste arrivée deuxième). Les 45 sièges restants ont été
de sélection attribués par les neuf départements administratifs (deux sièges à la liste
ayant obtenu la majorité, et les trois autres aux partis suivants ayant obtenu
au moins 5 % des voix).

Coordination Présidence de l’AC assurée par Mme Silvia Lazarte, 11 autres membres

Le processus était contrôlé par le pays lui-même, en l’absence de toute


implication étrangère connue. L’UE a observé l’élection des délégués.
Soutien Certaines organisations étrangères (telles que le Centre espagnol
international d’études politiques et sociales) ont participé à l’examen du projet de
texte (août-déc. 2007).

La nouvelle Constitution a été approuvée en 2007 par l’AC et en janvier 2009


par référendum populaire (avec 61 % des voix).
Principaux changements :
Consolidation des droits politiques des peuples autochtones
Renforcement de l’autonomie des départements de la Media Luna
Résultats Réforme de la justice
Exercice d’un contrôle par l’État sur l’utilisation et l’exploitation
des ressources naturelles
Possibilité pour les présidents d’être immédiatement réélus
Réforme foncière (propriété foncière limitée à 5 000 ha)
Séparation de l’Église et de l’État

L’absence de règles procédurales établies avant les séances a constitué


l’un des principaux défis pour l’AC. Les débats sur ces questions, par
Défis/ensei- exemple sur l’adoption des articles à la simple majorité (comme le
gnements tirés souhaitait le parti au pouvoir, le MAS) ou aux deux tiers (comme le
souhaitait le parti d’opposition PODEMOS), ont retardé le processus
pendant des mois.

227
Manuel de dialogue national

Assemblée constituante de la Bolivie, 2006-2007


Inclusion politique Délibérations sur les moyens de ren- Accroissement
OBJECTIF des peuples forcer l’autonomie des département de la légitimité
autochtones de l’est (plaines de la Media Luna) démocratique

Loi de Élection des L’AC Les délé- Référen-


Guerre
convocation délégués entame gués ap- dum sur
MANDAT du gaz
de l’Assemblée au suffrage ses prouvent la nouvelle
de 2003
constituante universel travaux le texte Constitution

Les délégués se sont mis d’accord sur la nature originaria de l’AC, soit une Assemblée
PRINCIPES
plénipotentiaire disposant d’un mandat illimité en matière de réforme de la Constitution.

Des groupes de travail Une majorité des deux tiers des Le projet de constitution
PRISE DE rédigent des propositions délégués de l’AC doit approuver dans son ensemble
DÉCISIONS d’articles relevant de leur chaque article ainsi que le texte doit être approuvé par
domaine de travail dans son ensemble référendum populaire

L’AC était composée de 21 groupes de travail, qui se sont consacrés aux questions suivantes :

Consolidation
Une vision pour le pays Citoyenneté et nationalité
de la nation

Obligations, droits et garanties Organisation et structure


Réorganisation du nouvel État Pouvoir législatif Pouvoir judiciaire
de l’État Pouvoir exécutif Autres pouvoirs de l’État
Autonomies départementale, régionale et provinciale
PROGRAM-
ME ET
Développement Éducation et affaires interculturelles
QUESTIONS
social Développement social intégral
CENTRALES

Hydrocarbures Exploitation minière Ressources en eau et


Développement énergie Productivité du développement rural, de l’agriculture et de
économique l’industrie agroalimentaire Ressources naturelles durables, terres,
et durable territoire et environnement Développement intégral de l’Amazonie
Culture de la coca Développement économique et finances

Affaires internatio- Frontières nationales, relations internationales et intégration


nales et sécurité Sécurité et défense nationale

CONSUL- En 2007, les délégués de l’AC ont organisé une série de forums publics (Foros territoriales)
TATION sur l’ensemble du territoire afin de réunir des propositions quant à la nouvelle Constitution.
PUBLIQUE Les groupes de travail de l’AC ont ensuite classé ces propositions en vue de leurs discussions.

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS



Conseil national pré-Assemblée Directoire de l’AC
pour préparer l’élection des délégués Assemblée plénière
STRUCTURE 
Commission ad hoc pour préparer 21 groupes de travail
l’Assemblée 
Commission chargée du style et
de la cohérence

228
Bolivie

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

27
8 Frente de Unidad Nacional (UN)
8 Movimiento Bolivia Libre (MBL) 13
6 Alianza Social (AS) Autres
5 Concertación Nacional (CN)

18
Movimiento Nacionalista
Revolucionario (MNR)
Nombre total : 255
137
Movimiento
al Socialismo (MAS)
60
Poder Democrático Social
(PODEMOS)

PARTICULARITÉS

Un processus particulièrement inclusif.


Les groupes autochtones et les femmes étaient largement représentés au sein de l’AC, avec
respectivement 55,8 % et 34,5 % de délégués. De plus, 33 % des délégués vivaient dans
des régions rurales au moment de leur élection, dont 49 % qui y étaient nés.

Retards significatifs dus à des violences et à des différends en matière de procédure.


L’AC a passé les sept premiers mois à délibérer sur la stratégie à adopter en matière
d’approbation des articles de la Constitution qui n’avaient pas encore été rédigés.
Elle a par ailleurs quitté Sucre pour Oruro au moment du dernier vote (voir ci-dessous).

Absence de participation de l’opposition aux moments déterminants.


L’opposition s’est absentée lors de la dernière séance de vote de l’AC (ou sa participation
a été empêchée). Certaines sources affirment que le président avait fait transférer aux
baraquements militaires d’Oruro les délégués favorables à la version de la Constitution
qu’il privilégiait afin qu’ils procèdent au vote sur la version finale. D’autres suggèrent que le
déménagement a eu lieu pour des raisons de sécurité, trois personnes ayant perdu la vie lors
des émeutes qui ont éclaté devant les locaux hébergeant l’AC. L’opposition avait par ailleurs
demandé que les articles relatifs à la propriété foncière soient modifiés. Cette crise a dû être
résolue lors de réunions officieuses du Pacte national entre le gouvernement et les trois partis
d’opposition représentés au Congrès (PODEMOS, l’UN et le MNR) en octobre 2008. Le Congrès
a ensuite approuvé la loi autorisant l’organisation d’un référendum constitutionnel.

229
Manuel de dialogue national

Assemblée constituante de la Bolivie, 2006-2007


Objectif : rédiger une constitution qui soit plus inclusive et qui favorise notamment la participation
des peuples autochtones à la sphère politique

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS

CONSEIL NATIONAL PRÉ-ASSEMBLÉE PRÉSIDENCE

Mandat : Mandat :
Préparer l’élection des délégués Gérer les questions de procédure
et d’organisation
Composition :
Multipartite, multiethnique
Présidence : Silvia Lazarte
Délégués élus :
Issus de chacun des neuf départements Composition :
administratifs : 2 délégués du parti ayant obtenu Présidente + 11 membres de
la majorité + 3 délégués des trois partis suivants 6 partis
ayant obtenu plus de 5 % des voix.

Issus de chacune des 70 circonscriptions


électorales :
2 adjoints du parti majoritaire +
1 adjoint du parti arrivé deuxième

COMMISSION AD HOC

Mandat :
Préparer l’Assemblée

8 255

2003-2006

230
Bolivie

Structure

PHASE DE MISE EN ŒUVRE

ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE L’ASSEMBLÉE A APPROUVÉ LE PROJET


DE CONSTITUTION LE 9 DÉCEMBRE 2007.
Mandat :
Rédiger une constitution
Délibérations sur le texte entre partis
Prise de décisions : politiques avant de pouvoir adopter une
Vote à la majorité des deux tiers sur l’ensemble loi sur l’organisation d’un référendum
des articles et sur le texte entier

Réactions aux réformes


Composition : proposées (2008) :
255 participants élus de 16 partis politiques Série de référendums sur
et organisations de la société civile, dont l’autonomie dans les départements
56 % d’origine autochtone et de la Media Luna
35 % de femmes Dialogue entre le gouvernement
central et les gouverneurs de
l’opposition
Morales survit à un référendum
personnel

révocatoire
dote en

présentent des articles à l’Assemblée plénière


pour délibération et décision
Nouvelle Constitution approuvée
21 GROUPES DE TRAVAIL THÉMATIQUES par référendum en janvier 2009
bénéficiant de l’aide de groupes d’assistance
technique

Mandat : Cette Constitution :


Discuter des questions thématiques pour les articles améliore considérablement les
à inclure dans la Constitution droits des peuples autochtones,
y compris leur droit à des formes
Composition : traditionnelles de justice dans
Membres de l’Assemblée plénière (délégués) les régions qu’ils gouvernent ;

crée un système décentralisé com-


contribuent contribuent
posé de différentes autonomies ;

Propositions du Réunions de sépare l’Église et l’État ;


gouvernement, des consultation publique
groupes politiques, organisées par les prévoit une réforme foncière.
des mouvements et groupes de travail et
des organisations de la développées dans
société civile intégrées leurs propositions
par l’intermédiaire des
prises de positions des
différents délégués

6 août 2006-9 déc. 2007 9 déc. 2007

231
Manuel de dialogue national

Colombie
Les conflits armés internes opposant guérilleros, paramilitaires, milices
urbaines et cartels de la drogue, dans un contexte de système politique
exclusivement bipartite et sur fond d’assassinats de candidats à l’élection
présidentielle de 1990, ont engendré une crise de légitimité à grande échelle
dans la sphère politique en Colombie. À la suite d’un plébiscite informel
devenu officiel lors des élections présidentielles de 1990, le président
César Gaviria a convoqué en 1991 une Assemblée constituante (AC) visant
à résoudre la crise de légitimité et à mettre un terme à l’escalade de la
violence en instaurant une constitution plus inclusive et participative.

Le processus s’est inscrit dans un effort de gestion de crise reposant sur


le changement fondamental, et la possibilité de participer à l’AC a incité
différents mouvements insurrectionnels à s’engager dans les négociations
avec le gouvernement. L’AC avait pour objectif ambitieux de réformer le
contrat social en Colombie afin d’atténuer les conflits. L’inclusion formelle
du contrat social colombien a en effet été largement dévelopée dans la nou-
velle Constitution, qui prévoit non seulement l’existence de différents mé-
canismes participatifs, mais garantit également aux minorités ethniques
et religieuses du pays, y compris les peuples autochtones dont les repré-
sentants ont participé à l’Assemblée, toute une série de droits et de méca-
nismes d’inclusion. Le processus a toutefois pâti d’un important déficit de
légitimité en raison du manque de participation des principaux groupes
de guérilla (FARC, ELN) et de l'inertie de l’élite politique traditionnelle.

Le processus a produit des résultats mitigés : la nouvelle Constitution


a certes mis en place des mécanismes de participation accrue et une
meilleure protection des droits des minorités, mais dans la pratique, les
structures et modèles traditionnels de pouvoir ont été renforcés par les
élections de 1991, et la guerre a limité les effets des réformes politiques
prévues par la Constitution.

Assemblée constituante de la Colombie, 1991

Création d’une Commis- 1 580 groupes de


sion nationale pour une travail préparatoires
Assemblée constituante commencent à réunir
par les organisations 7e scrutin des propositions Début des
de la société civile informel dans tout le pays travaux de l’AC

1987 1989 Mars 1990 Mai 1990 Sept.-déc. 1990 Déc. 1990 Févr. 1991 Juill. 1991

Préparation du Approbation Élection de Conclusion de l’AC,


7e scrutin par un de l’AC par 70 représentants proclamation de la
mouvement d’étudiants référendum à l’AC nouvelle Constitution

232
Colombie

Assemblée constituante de la Colombie, 1991

Durée 5 mois (5 févr.-4 juill. 1991)

Rédiger une nouvelle constitution nationale caractérisée par un niveau accru


Objectif d’inclusion et de participation en vue d’atténuer les conflits

Obtenu à l’issue d’un 7e scrutin en mars 1990 (« séptima papeleta », nommé


ainsi car il s’ajoutait à six autres élections officielles : sénateurs, députés,
représentants des assemblées départementales, maires, conseillers
Mandat municipaux et candidats à la primaire présidentielle au sein du Parti libéral)
et entré en vigueur à la suite d’un référendum officieux organisé parallèlement
aux élections présidentielles de mai 1990.

70 délégués d’un éventail relativement vaste de partis politiques et mouvements


sociaux. La Présidence a défini les critères d’éligibilité à l’AC, qui ont par la
suite été remis en question par la Cour suprême en raison de leur caractère
exclusif. La phase de préparation du processus a en effet largement ignoré
Participation les mouvements extraparlementaires (tels que l’Union patriotique) pourtant
à l’origine de l’initiative, ainsi que les groupes paramilitaires et de guérilla
et critères dont les négociations avec le gouvernement n’avaient pas atteint un stade
de sélection « avancé » (FARC et ELN). Cependant, contrairement aux FARC et à l’ELN, l’Union
patriotique a participé aux élections, et elle a gagné deux sièges à l’Assemblée
constituante. Le gouvernement a nommé quatre délégués supplémentaires issus
de groupes de guérilla démobilisés (EPL, PRT, mouvement armé Quintín Lame)
pour participer à l’Assemblée constituante.

Coprésidence élue par l’Assemblée plénière le premier jour de l’AC : Antonio Navarro
Coordination Wolff (ADM-19), Alvaro Gómez Hurtado (MSN) et Horacio Serpa Uribe (Parti libéral)

Ni les Nations Unies, ni aucun État étranger n’ont participé aux discussions
préalables à l’AC ; aucun garant extérieur de l’accord de paix.
La communauté internationale a contribué financièrement au développement
Soutien
des capacités techniques du gouvernement (assistance technique fournie par
international une agence présidentielle financée par les Nations Unies), au renforcement
du rôle de la société civile et à la diffusion d’informations sur les débats à
l’Assemblée et sur la Constitution.

Une nouvelle constitution renforçant l’inclusion formelle du système politique


et fournissant des garanties supplémentaires aux communautés culturelles,
ethniques et religieuses, a été promulguée le 4 juillet 1991.L’AC a également
décidé de dissoudre le Congrès le 5 juillet 1991 et d’organiser des élections
Résultats anticipées le 27 octobre (auxquelles les délégués de l’AC n’étaient pas
autorisés à participer). La Comisión Especial (El Congresito), un organe législatif
représentant les délégués de l’AC, a été créée pour soutenir la mise en œuvre
législative de la nouvelle Constitution.

Le processus a fait l’objet de critiques pour avoir été dirigé par l’élite intellec-
tuelle et les mouvements réformateurs urbains dans le cadre des structures
Défis/ensei- traditionnelles du pouvoir. Le faible taux de participation aux élections de délé-
gués a soulevé des questions de légitimité. Certaines structures traditionnelles
gnements du pouvoir se sont opposées au processus. Des difficultés de mise en œuvre
tirés sont apparues ; les élections de 1991 ont été remportées par les deux princi-
paux partis, notamment en raison de l’interdiction pour les délégués de l’AC de
se présenter, parmi eux les dirigeants de la plupart des partis et mouvements
de moindre envergure.
233
Manuel de dialogue national

Assemblée constituante de la Colombie, 1991

Rédiger une constitution Résoudre la crise


Atténuer les conflits
OBJECTIF inclusive servant de fondement de légitimité de
de longue date
à la démocratie participative l’État colombien

Création en 70 délégués élus et


Adoption
1987 d’une Issue positive 4 délégués supplé-
d’un décret
Commission du référendum, mentaires issus de
présidentiel
nationale pour Décret publication du groupes de guérilla
visant à
une Assem- validé par décret 1926 démobilisés (2 du EPL
MANDAT organiser un
blée consti- la Cour détaillant les dotés du droit de vote
référendum
tuante par les suprême modalités de et de parole et 2 du
sur l’AC lors
organisations fonctionnement mouvement armé QL et
des élections
de la société de l’AC du PRT dotés du droit
de mai 1990
civile de parole uniquement)

La nouvelle Constitution se distingue des précédentes en ce qu’elle a pour principe directeur


PRINCIPES
l’inclusion.

Les décisions ont été prises de façon La décision de dissoudre le Congrès et de


consensuelle et pluraliste au sein de convoquer des élections anticipées a fait l’objet
PRISE DE
l’Assemblée plénière. d’une controverse ; l’ex-président Alfonso López
DÉCISIONS
74 % des articles adoptés ont été Michelsen a joué le rôle de facilitateur dans les
approuvés par consensus. négociations extra-officielles sur le sujet.

Les questions centrales ont tourné autour de la résolution de la crise de légitimité de l’État.
L’AC s’est organisée sous forme de cinq commissions thématiques :
PROGRAM-
ME ET Aménagement Administration
Économie,
QUESTIONS Principes du territoire, Gouvernement de la justice
société et
CENTRALES et droits autonomie régio- et Congrès et ministère
environnement
nale et locale public

1 580 groupes de travail préparatoire ont été créés. Entre septembre et décembre 1990,
ils ont recueilli des projets, commentaires et suggestions auprès d’un grand nombre
CONSUL- de parties prenantes dans tout le pays, y compris dans les camps de la guérilla.
TATION Plus de 150 000 demandes ont été enregistrées et analysées par un groupe de 900 experts
PUBLIQUE issus de tous horizons, formant la base des débats ultérieurs au sein de l’AC. Malgré un fort
taux de participation, il convient de souligner l’ascendant relatif de l’élite intellectuelle sur
la population générale lors du processus de consultation.

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS MISE EN ŒUVRE



1 580 groupes de Présidence 
El Congresito, un organe
travail préparatoires 
5 commissions législatif représentant
thématiques de façon proportionnelle
STRUCTURE Assemblée plénière les délégués de l’AC, créé

Commission de pour soutenir la mise en
codification œuvre législative de la

Commission chargée nouvelle Constitution
du style

234
Colombie

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

15
5 Parti social conservateur
4 Conservateurs indépendants
25
2 Union chrétienne
Représentants
2 Union patriotique
du Parti libéral
2 Mouvements autochtones

Nombre total : 74
11
Représentants
du Mouvement
de salut national

4
Membres issus de groupes armés
démobilisés (tels que l’Armée de 19
libération nationale [ELN], le mouvement Représentants de l’Alliance
armé autochtone Quintín Lame démocratique M-19
[Movimiento Armado Quintín Lame] et
le Parti révolutionnaire des travailleurs),
nommés par le gouvernement

PARTICULARITÉS

Un processus engagé par la société civile.


Le processus a été engagé par la société civile dans le cadre d’un suffrage universel (7e scrutin)
et approuvé par plus de 5 millions de Colombiens lors du référendum organisé en mai.

L’inclusion comme principe directeur.


De nombreux Colombiens estimaient que la participation des segments traditionnellement
exclus de la société, notamment les anciens groupes de guérilla, était idéale pour une
meilleure inclusion politique et pouvait permettre de mettre fin au conflit armé prolongé.

Exclusion de certains acteurs clés.


Bien que l’AC ait cherché à favoriser une participation élargie, la participation d’acteurs
influents, tels que les FARC et l’ELN, a fait défaut. Certains représentants des partis
qui avaient été les véritables moteurs à l’origine de sa création, tels que le mouvement
d’étudiants, ont participé en tant que délégués d’autres partis participants, tels que l’Alliance
Démocratique-M19. Certains intervenants centraux (et acteurs pouvant opposer leur droit
de veto), tels que les cartels de la drogue, les FARC ou encore l’ELN, ainsi que d’importants
représentants des élites politiques traditionnelles, n’ont pas participé à l’Assemblée, soit par
choix, soit en raison d’une interdiction formulée par le gouvernement.

235
Manuel de dialogue national

Assemblée constituante de la Colombie, 1991


Objectif : rédiger un texte unique visant à remplacer la Constitution nationale, résoudre la crise
de légitimité de l’État et atténuer ainsi le conflit à long terme

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS

COMMISSION DIRIGÉE PAR PRÉSIDENCE DE L’AC formellement élue par


NATIONALE LE GOUVERNEMENT l’Assemblée plénière le premier jour de l’AC
POUR UNE
ASSEMBLÉE 1 580 GROUPES DE Présidence et composition :
CONSTITUANTE TRAVAIL PRÉPARATOIRES Coprésidée par trois dirigeants politiques :
dans l’ensemble du pays Antonio Navarro Wolff (ADM-19),
Alvaro Gómez Hurtado (MSN) et
Mandat : Mandat : Horacio Serpa Uribe (Parti libéral).
Préparer le Recueillir les projets, com- Tous les autres mouvements représentés
référendum mentaires et suggestions et ont obtenu au moins un siège de président
(« 7e scrutin ») promouvoir la participation ou de vice-président au sein de l’AC
dans le cadre des à un débat public sur le
élections de 1990 programme présenté
sur la question
COMMISSION DE CODIFICATION
de savoir si Composition :
une Assemblée Organisations et groupes Mandat :
constituante doit inclusifs, sociaux et Compiler les 400 articles rédigés par
être organisée politiques dirigés par les les différentes commissions et convenir
municipalités et soutenus d’une proposition de texte lors du premier
Composition : par des comités d’experts débat de l’Assemblée plénière
Représentants créés par la Présidence
des principaux Composition :
syndicats et ONG Résultat : Avocats de l’ensemble des groupes
+ certains diri- Plus de 150 000 proposi- politiques élus par l’Assemblée plénière
geants politiques tions ayant formé la base
ayant formé un des débats au sein de l’AC Assistance technique :
Comité national Fournie par l’Instituto Caro y Cuervo colombien
de l’Unité
AGENCE
PRÉSIDENTIELLE
COMMISSION CHARGÉE DU STYLE
financée par
les Nations Unies Mandat : Révision grammaticale

Missions pendant la
phase de préparation :
- Assistance technique Missions pendant la phase de processus :
- Contribution à - Assistance technique
l’élaboration du projet - Préparation de projets de loi en vue
gouvernemental de de la mise en œuvre législative de
constitution soumis à l’AC la Constitution

1 580

1987-1990 Sept. 1990-févr. 1991

236
Colombie

Structure

ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE PHASE DE MISE EN ŒUVRE

Mandat : Promulgation de la nouvelle Constitution


Trouver un accord pour chacun des articles par l’AC le 4 juillet 1991
proposés par les commissions de travail
Création de la Comisión Especial
Prise de décisions : Vote à la majorité en deux séances (El Congresito), un organe législatif
spécial représentant de façon
Composition : proportionnelle les partis de l’AC
70 participants élus, dont : pour soutenir la mise en œuvre
25 du Parti libéral législative des dispositions de
19 de l’Alliance démocratique M-19 la nouvelle Constitution
11 du Mouvement de salut national
5 du Parti social conservateur Dissolution du Congrès le
4 conservateurs indépendants 5 juillet 1991 et nouvelles
2 de l’Union chrétienne élections le 27 octobre 1991
2 de l’Union patriotique
2 du Mouvement autochtone Bien que les élites traditionnelles
ainsi que 4 participants nommés par l'EPL, aient réussi à rester au pouvoir
le mouvement armé QL et le PRT et aient ainsi contrôlé la mise en
œuvre de la Constitution, celle-ci
a tout de même contribué à
5 COMMISSIONS PERMANENTES
améliorer l’inclusion formelle de
l’arène politique et à octroyer
Mandat : Préparer une analyse comparative de
une série de garanties et de
l’ensemble des contributions et rédiger des propositions
droits spéciaux aux minorités
non contraignantes à l’intention de l’Assemblée plénière
ethniques.
Composition : Membres élus de l’AC uniquement

1. Principes, droits, obligations, garanties et libertés fondamentales


2. Réglementation territoriale ; autonomie régionale et locale
3. Réformes de la structure de l’État, Congrès, forces de police,
régime de l’état d’urgence, relations internationales
4. Administration de la justice, principes de droit pénal Fonctions pendant la phase
et procédure régulière, fonctions d’Inspecteur général de mise en œuvre :
5. Questions économiques, sociales, environnementales - Promotion publique de la
et budgétaires ; services publics Constitution, notamment dans
le milieu juridique et auprès
des agences gouvernementales
- Diffusion auprès du grand
public dans le cadre uniquement
d’initiatives à court terme

70

5 févr.-4 juill. 1991 4 juill. 1991

237
Manuel de dialogue national

Éthiopie
Dans une tentative visant à mettre fin à la guerre civile en Éthiopie (1974-
1991), les États-Unis ont invité les mouvements politiques armés les plus
puissants, à savoir le Front démocratique révolutionnaire du peuple
éthiopien (FDRPE), le Front populaire de libération de l’Érythrée (FPLE),
le Front de libération oromo (FLO), ainsi que le gouvernement en exercice,
à se rendre à la Conférence de Londres le 27 mai 1991. Cette réunion n’a
finalement pas eu lieu, les troupes du FDRPE ayant atteint Addis-Abeba
et renversé le régime de Mengistu (le Derg) dans la nuit du 28 mai. Le
même jour, les dirigeants du FDRPE, du FPLE et du FLO ont publié une
déclaration conjointe relative à l’organisation d’une nouvelle conférence
au plus tard le 1er juillet 1991.

La Convention des nationalités pour la paix et la démocratie (Conférence


nationale) s’est tenue du 1er au 5 juillet 1991. À cette occasion, une
Charte de transition a été adoptée, fournissant un cadre juridique à la
reconstruction de l’État et à la dévolution du pouvoir étatique sur la base
de critères ethno-régionaux (« fédéralisme ethnique »). Elle prévoyait
notamment la création d’un gouvernement de transition et contenait
des orientations relatives à l’adoption d’une nouvelle constitution. La
Conférence a marqué dans le pays le début d’une période de transition de
quatre ans, qui a pris fin à l’occasion des élections générales de mai 1995.

Ainsi, la Conférence nationale, la toute première de l’Afrique de l’Est


et l’une des seules entamées par des acteurs armés non étatiques, a
représenté une instance importante rassemblant les diverses parties
prenantes centrales, qui ont reconnu à cette occasion les principaux défis
à relever dans le cadre de la transition de l’État éthiopien, sans toutefois
réussir à les résoudre.

Période de transition de l’Éthiopie, mai 1991-mai 1995

Conférence de Londres Le gouvernement


de transition adopte
Chute du Derg Conférence nationale la Constitution Élections générales

Mai 1991 Juill. 1991 Déc. 1994 Mai 1995

Régime Gouvernement République


du Derg de transition fédérale
démocratique
d’Éthiopie

238
Éthiopie

Convention des nationalités pour la paix et la démocratie


(Conférence nationale)

Durée 5 jours (1er-5 juill. 1991)

Discuter des détails de la période de transition en général et de la formation


Objectif d’un gouvernement provisoire représentatif en particulier

Suite à la chute du Derg le 28 mai 1991, les dirigeants du FDRPE, du FPLE et


Mandat du FLO ont décidé d’un commun accord d’organiser une nouvelle conférence
au mois de juillet.

Environ 500 délégués issus de 27 mouvements politiques (presque tous


fondés sur la nationalité/l’origine ethnique) et de la société civile ont
participé à la Conférence.
Une annonce publique a été faite avant la Conférence. Les interprétations
Participation quant à la sélection des participants diffèrent : d’aucuns affirment que tous
et critères les mouvements éthiopiens ont été autorisés à participer, à l’exception
de sélection des Forces démocratiques éthiopiennes unies (FDEU), tandis que d’autres
avancent que la sélection des délégués, gérée par le FDRPE, s’est faite de
façon aléatoire.
Le FPLE, doté du statut d’observateur, était la seule organisation érythréenne
présente.

Meles Zenawi, président du Front de libération du peuple du Tigray (membre


Coordination de la coalition du FDRPE) a assuré la présidence de la Conférence.

Soutien Des représentants de 15 pays et entités internationales, y compris les


États-Unis, l’Organisation de l’unité africaine et l’Union soviétique, ont
international participé au processus en qualité d’observateurs.

La Conférence a adopté une Charte de transition qui a jeté les fondements


Résultats du cadre juridique applicable à la reconstruction de l’État et de la dévolution
du pouvoir étatique sur la base de critères ethno-régionaux.

Bien que s’inscrivant dans un processus inhérent au pays, la Conférence


Défis/ensei- nationale n’a pas abordé les différents sujets de façon inclusive. La victoire
gnements tirés militaire a permis au FDRPE et au FLO d’exercer leur domination sur la
Conférence et sur le processus de transition.

239
Manuel de dialogue national

Convention des nationalités pour la paix et la démocratie


en Éthiopie (Conférence nationale), 1991

Définir le cadre de la formation d’un Discuter des détails de la période


OBJECTIF
gouvernement provisoire représentatif de transition en général

Guerre civile Conférence Convention des nationalités


MANDAT
éthiopienne de Londres pour la paix et la démocratie

PRISE DE
Non fondée sur un consensus ; vote à la majorité simple vraisemblablement requis
DÉCISIONS

Non-discrimination
Indépendance du
Structure du gouvernement de transition dans les médias
PROGRAM- pouvoir judiciaire
de masse
ME ET
QUESTIONS Droit des peuples à disposer
Question
CENTRALES Nouveau Code du travail d’eux-mêmes (mais discussions
érythréenne
très limitées)

CONSUL-
TATION La Conférence de 5 jours a été en partie diffusée.
PUBLIQUE

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS PHASE DE MISE EN ŒUVRE


Aucune structure connue, 
Assemblée plénière, 
Conseil des représen-
recherche de consensus présidée par Meles tants du gouvernement
STRUCTURE
en amont de la Conférence Zenawi de transition

Autres structures
inconnues

240
Éthiopie

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

Les mouvements qui ne s’étaient pas opposés au Derg ont été exclus de la Conférence.

27
Représentants de 1
27 mouvements politiques, FPLE, seule organisation
presque tous fondés érythréenne présente
sur la nationalité/ Statut d’observateur
l’origine ethnique

Représentants de
la société civile, Nombre total : 500
notamment de
l’université
d’Addis-Abeba

Représentants de groupes
politiques revenus d’exil

PARTICULARITÉS

Une forte appropriation locale.


Malgré le soutien des États-Unis, ce sont les deux principaux acteurs militaires/politiques
éthiopiens qui ont lancé et géré la Conférence.

Des mesures exhaustives de recherche de consensus.


Un premier projet substantiel de constitution a vu le jour dans le cadre d’un processus
exhaustif de recherche de consensus entre les principaux acteurs militaires/politiques
mis en place en amont de la Conférence.

Un processus amorcé par des mouvements politiques armés.


La Convention des nationalités pour la paix et la démocratie, annoncée par le FDRPE, le FPLE
et le FLO au lendemain de la chute du Derg, constitue l’un des rares processus amorcés par
une coalition (victorieuse) de mouvements politiques armés.

241
Manuel de dialogue national

Convention des nationalités pour la paix et la démocratie


en Éthiopie (Conférence nationale), 1991
Objectifs : discuter des détails de la période de transition en général et de la formation d’un gouvernement
provisoire représentatif en particulier

PHASE DE PRÉPARATION

CONFÉRENCE DE LONDRES : RECHERCHE DE CONSENSUS


EN AMONT DE LA CONFÉRENCE :
Mandat :
Fin de la guerre civile Entre la Conférence de Londres
éthiopienne (1974-1991) du mois de mai et la Conférence
Convoquée par les États-Unis nationale du mois de juillet,
le FDRPE, le FLO et le FPLE ont
La conférence n’a finalement pas rédigé une Charte de transition.
eu lieu, les mouvements armés
politiques ayant renversé le Une fois le projet établi d’un
gouvernement du Derg au cours commun accord, il a fait l’objet
de la nuit suivant son ouverture. de discussions avec la plupart
des organisations (mais pas
Parallèlement à la conférence, les toutes) devant prendre part à
dirigeants du FDRPE, du FPLE et la Conférence.
du FLO ont décidé d’un commun
accord d’organiser une nouvelle
conférence au mois de juillet.

27 mai-1er juill. 1991

242
Éthiopie

Structure

PHASE DE PROCESSUS PHASE DE MISE EN ŒUVRE

CRÉATION D’UN CONSEIL


DES REPRÉSENTANTS DU
GOUVERNEMENT DE TRANSITION

Mandat :

Gérer le processus biennal de transition


avant l’organisation d’élections nationales
CONFÉRENCE NATIONALE POUR LA PAIX
ET LA DÉMOCRATIE Choisir un nouveau président

Mandat : Rédiger une nouvelle constitution


Discuter de la période de transition, notam-
ment de la formation d’un gouvernement de
transition Adoption de la Charte de transition qui
a jeté les fondements du cadre juridique
Présidence : Meles Zenawi, président du Front applicable à la reconstruction de l’État
de libération du peuple du Tigray (membre de et de la dévolution du pouvoir étatique
la coalition du FDRPE) sur la base de critères ethno-régionaux
(fédéralisme ethnique)
Composition :
Environ 500 représentants issus de 27 mou- Élection de Meles Zenawi à la tête de
vements politiques, de la société civile et de l’État pour la durée de la période de
groupes politiques revenus d’exil. Le FPLE transition
était la seule organisation érythréenne
présente (statut d’observateur). Engagement en faveur des droits
Les mouvements qui ne s’étaient démocratiques, des droits fondamentaux
pas opposés au Derg ont été de l’homme et d’une politique étrangère
exclus de la Conférence. fondée sur la non-ingérence

Création de conseils régionaux et locaux

Accord sur l’introduction du droit des


peuples à disposer d’eux-mêmes dans
la Constitution et sur le droit du peuple
érythréen à organiser un référendum
sous supervision internationale dans
un délai de deux ans

500

1er-5 juill. 1991 5 juill. 1991

243
Manuel de dialogue national

Guatemala
Face à la crise touchant l’Amérique centrale dans les années 1980, les gouvernements
du Costa Rica, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Salvador ont décidé
de se réunir en vue de la conclusion des Accords d’Esquipulas I et II. Ces déclarations
d’intention politique au plus haut niveau ont supposé un certain degré de sécurité et
de coopération économique à l’échelle régionale, ainsi que la tenue de négociations
et de dialogues au sein des pays en conflit.

En septembre 1987, le gouvernement du Guatemala a créé une Commission nationale


de réconciliation (CNR) ayant vocation à assurer la mise en œuvre de l’Accord
d’Esquipulas II. Au mois d’octobre, il a dialogué pour la première fois avec l’Unité
révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG) à Madrid. Cette réunion n’a
toutefois pas abouti et, en 1989, dans le but de faire avancer les discussions et de
répondre à cette disposition particulière de l’Accord d’Esquipulas, la CNR a convoqué
un Grand dialogue national (GDN), qui est finalement resté inachevé pour des raisons
de sécurité.

En mars 1990, lors d’une nouvelle tentative, la CNR et l’URNG ont signé un Accord de
base pour la recherche de la paix par des moyens politiques, également connu sous le
nom d’Accord d’Oslo. Celui-ci reposait sur la conviction que les problèmes de la nation
devaient être résolus par des moyens politiques, un processus de réconciliation, et
l’amélioration d’une démocratie fonctionnelle et participative. La CNR s’est par la
suite attachée à coordonner le dialogue entre l’URNG et les représentants de différents
secteurs dans le cadre du processus d’Oslo.

Ce dernier a favorisé la mobilisation du grand public, a permis de dégager un


consensus sur la nécessité d’organiser des pourparlers de paix officiels et a attiré un
soutien politique et social de la part de différents secteurs nationaux, ouvrant ainsi
la voie à la conclusion d’un accord négocié. La société civile guatémaltèque, et plus
spécifiquement l’Église, a joué un rôle actif dans le processus de dialogue national,
incluant ainsi dans la quête de la paix une partie de la société qui avait jusque-là,
pendant les dix années de guerre civile, été mise à l’écart et gravement affaiblie. Cet
aspect a également donné le ton des négociations menées ultérieurement, qui ont
permis de mettre un terme à la guerre.

Processus de paix au Guatemala – accords régionaux et nationaux

Accords régionaux Dialogue national et Processus de Mise en œuvre


d’Esquipulas I et II processus d’Oslo négociation de l’accord

1983-1987 1989-1990 1991-1996 1996-présent

244
Guatemala

Grand dialogue national et processus d’Oslo

GDN : 9 mois (févr.-oct. 1989)


Durée Processus d’Oslo : 8 mois (mars-oct. 1990)

Générer un soutien et s’accorder sur les principaux éléments et points



du programme des futures négociations de paix
Objectif Métamorphoser la nation guatémaltèque en cherchant des solutions

aux problèmes nationaux

GDN : déterminé par l’accord régional d’Esquipulas II



Processus d’Oslo : « Accord de base pour la recherche de la paix par des

Mandat moyens politiques » (entre la CNR et le groupe rebelle URNG), également
connu sous le nom d’Accord d’Oslo

Participation GDN : 84 participants représentant 47 organisations



Processus d’Oslo : 5 secteurs (partis politiques, secteur des affaires,

et critères églises, syndicats et universitaires, coopératives, etc.)
de sélection

L’Accord d’Esquipulas II a donné à la CNR la mission de coordonner et


d’assurer la poursuite des activités de recherche de la paix, principalement
Coordination en exerçant ses bons offices et par le biais de son président, l’évêque
catholique Mgr. Rodolfo Quezada Toruño.

Le processus n’a bénéficié d’aucune aide internationale. Les Nations Unies


Soutien ont été invitées à endosser le rôle d’observateur et de garant lors du
international processus d’Oslo.

GDN : le GDN n’a jamais abouti pour des raisons de sécurité, mais il a

permis d’amorcer des discussions sur les causes profondes du conflit,
de favoriser la mobilisation du grand public et d’ouvrir la voie au
processus d’Oslo.
Processus d’Oslo : celui-ci a donné lieu à un consensus sur la nécessité

d’organiser des négociations de paix officielles et a fourni des
contributions thématiques importantes, notamment :
Résultats l’Accord de l’Escorial entre dix partis politiques et l’URNG
des déclarations unilatérales entre le secteur des affaires et l’URNG
la Déclaration de Quito entre l’Église et l’URNG
la Déclaration de Metepec entre les syndicats, les mouvements

populaires et l’URNG
la Déclaration d’Atlixco entre les universitaires, les membres de

coopératives, les colons et l’URNG

Certains secteurs et parties prenantes principales n’ont pas pris part


au processus ni joué de rôle constructif. Des associations de grandes
Défis/ensei- entreprises ainsi que des propriétaires fonciers, l’armée et plusieurs partis
gnements tirés de droite ont notamment boycotté le GDN. Aucune organisation maya ni
aucun groupe de femmes n’a pris part au processus.

245
Manuel de dialogue national

Grand dialogue national du Guatemala et processus d’Oslo,


1989-1990

Déterminer les principales questions à


Changement fondamental de l’État
OBJECTIF aborder au cours des négociations de
et de la société guatémaltèques
paix ultérieures

Création de
Grand
Esquipulas la Commission Accord Processus
MANDAT dialogue
I et II nationale de d’Oslo d’Oslo
national
réconciliation (CNR)

Processus d’Oslo : des déclarations conjointes ont été


PRISE DE GDN : par vote (aucun détail
adoptées à la fin de chaque consultation, à l’exception
DÉCISIONS supplémentaire connu)
de l’une d’entre elles

GDN :
Questions centrales (quinze sujets retenus répartis en quatre domaines généraux) :

Renforcement du système Organisation et Qualité Politiques


démocratique participation citoyennes de vie économiques
PROGRAM-
ME ET
QUESTIONS Processus d’Oslo :
CENTRALES Cinq réunions sectorielles organisées pour discuter de trois questions centrales :

Difficultés rencontrées Nécessité d’organiser Programme


par les différents des négociations de des négociations
secteurs paix officielles de paix officielles

Après des dizaines d’années de guerre civile, le processus a, pour la première fois, favorisé
le débat public sur les problèmes structurels. En préparation du processus de négociation à
CONSUL-
venir, la société civile a été consolidée et a eu accès à une tribune pour établir le programme
TATION
des futures discussions. L’Église catholique a activement soutenu et coordonné le Grand
PUBLIQUE
dialogue national, notamment par l’intermédiaire du président de la Commission nationale
de réconciliation, Mgr. Quezada Toruño.

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS

Commission GDN :
nationale Assemblée plénière
de réconciliation 15 groupes de travail
(CNR)
STRUCTURE Processus d’Oslo :
Consultations avec cinq secteurs
Déclarations conjointes ou
unilatérales

Commission nationale de
réconciliation (CNR)

246
Guatemala

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

GDN :

47 0
Organisations : Absences remarquées :
gouvernement, partis organisations de
politiques, médias, femmes et groupes
églises, réfugiés, autochtones, organisa-
coopératives, syndicats, tions professionnelles
commission des Nombre total : 84 puissantes, certains
droits de l’homme, partis conservateurs,
associations d’étudiants forces armées et
et propriétaires de groupes de guérilla
petites entreprises (principaux acteurs du
conflit). L’URNG s’est
vu refuser l’accès
au processus tant
qu’elle n’avait pas
déposé les armes.

Processus d’Oslo : cinq réunions, présidées par la Commission nationale de réconciliation,


entre l’Unité révolutionnaire nationale guatémaltèque (URNG) et des représentants de
différents secteurs : partis politiques, secteur des affaires, églises, syndicats, universitaires,
coopératives et colons. Le nombre de participants et la composition des réunions variaient
en fonction des secteurs concernés.

PARTICULARITÉS

Un degré élevé d’appropriation nationale.


Le GDN et le processus d’Oslo ont été dirigés par le pays et se caractérisent par une faible
implication étrangère, les Nations Unies ayant joué un rôle d’observateur pendant le
processus.

Un espace ouvert malgré un système autoritaire.


Le GDN et le processus d’Oslo ont fourni à un nombre raisonnable de protagonistes une
tribune ouverte leur permettant de discuter des causes profondes du conflit armé et d’autres
questions fondamentales d’intérêt national, ce qui était auparavant inimaginable. Ces deux
événements ont fourni un socle favorable aux négociations ultérieures, les éléments du
programme ayant été fortement influencés par leurs débats et résultats.

Le dialogue national, une mesure préparatoire.


L’expérience du Guatemala en matière de dialogue national est particulièrement intéressante,
celui-ci ayant été amorcé pour préparer le terrain en vue d’un processus de négociation
officiel (1991-1996), qui a donné naissance à un « Accord de paix ferme et durable ». Dans une
certaine mesure, l’issue du dialogue a ainsi déterminé les négociations, et non l’inverse.

247
Manuel de dialogue national

Grand dialogue national du Guatemala et processus d’Oslo,


1989-1990
Objectif : déterminer les principales questions à aborder au cours des négociations de paix ultérieures
et favoriser le changement fondamental de l’État et de la société guatémaltèques

PHASE DE PHASE DE PROCESSUS


PRÉPARATION
GRAND DIALOGUE NATIONAL

ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE
COMMISSION NATIONALE
DE RÉCONCILIATION (CNR) Mandat :
Créer des commissions de travail lors
Fonctions : de la séance plénière d’inauguration
Veiller à la mise en œuvre Une séance plénière finale était
de l’Accord d’Esquipulas II prévue, mais n’a pas eu lieu pour
Pérenniser et faciliter des raisons de sécurité
la tenue d’activités de
recherche de la paix Présidence : Mgr. Rodolfo Quezada Toruño
Exercer ses bons offices Prise de décisions : par vote
Présider l’Assemblée plénière
et le processus d’Oslo Composition
84 représentants de 47 organisations :
Présidence : Rodolfo Quezada gouvernement, partis politiques, médias, églises,
Toruño réfugiés, coopératives, syndicats, commission
des droits de l’homme, associations d’étudiants
Composition : et propriétaires de petites entreprises
2 représentants du gouvernement,
y compris le vice-président ; dote en
2 représentants des 11 partis personnel
politiques légaux, y compris
le futur président Jorge Serrano ; dote en soumettent des
2 citoyens éminents ; et personnel propositions
Mgr. Rodolfo Quezada Toruño RÉUNIONS PRIVÉES écrites
de la Conférence des évêques
15 COMMISSIONS DE TRAVAIL
du Guatemala. Entre le président de
la CNR, Mgr. Quezada Mandat : Discuter des
Toruño, et des per- 15 sujets retenus répartis en
sonnalités éminentes, quatre domaines généraux :
dans le but d’atténuer Renforcement du système
les préoccupations en démocratique
matière de sécurité Organisation et
participation citoyennes
Qualité de vie
Politiques économiques

7 84

Sept. 1987 Févr.-oct. 1989

248
Guatemala

Structure

PHASE DE MISE EN ŒUVRE

GDN
Le GDN n’a jamais abouti pour des raisons
de sécurité.

Principales réalisations :
Débat sur les causes profondes du conflit
Ouverture d’une tribune permettant de
mobiliser le grand public
Préparation du terrain en vue du processus
PROCESSUS D’OSLO d’Oslo
Mandat :
Discuter des difficultés rencontrées

par les différents secteurs de la société PROCESSUS D’OSLO
Discuter de la nécessité de mettre en A permis de dégager un consensus sur
place des négociations de paix officielles la nécessité d’organiser des négociations
et du contenu du programme de paix officielles
A fourni des contributions thématiques
Présidé par la CNR importantes sur le contenu du programme
qui ont alimenté le processus de négociation
Prise de décisions : de la paix
Adoption de déclarations conjointes après
chaque réunion (excepté pour une d’entre elles)
Les cinq réunions du processus d’Oslo ont débouché
sur la conclusion des accords suivants :
Composition :
 Accord de l’Escorial : consultation entre dix partis
L’URNG s’est réunie lors de 5 consultations avec
politiques et l’URNG (Espagne, 1er juin 1990)
des représentants de différents secteurs,
 Déclarations unilatérales : consultation entre
parmi lesquels des partis politiques,
le secteur des affaires et l’URNG (Canada,
le secteur des affaires, l’Église,
1er septembre 1990)
des syndicats, des universitaires,
Déclaration de Quito : consultation entre
des coopératives, des colons, etc.
l’Église et l’URNG (Équateur, 26 septembre 1990)
 Déclaration de Metepec : consultation entre
les syndicats, les mouvements populaires et
l’URNG (Mexique, 25 octobre 1990)
 Déclaration d’Atlixco : consultation entre les
universitaires, les membres de coopératives,
les colons et l’URNG (Mexique, 28 octobre 1990)

Mars-oct. 1990 Oct. 1990

249
Manuel de dialogue national

Irak
La Conférence nationale irakienne s’inscrit dans le cadre de transition
mis en place par l’Autorité provisoire de la Coalition (APC) et le Conseil
de gouvernement irakien (CGI) nommé par les États-Unis, après l’invasion
du pays dirigée par ces derniers. Elle résulte de la loi d’administration
de l’État irakien pendant la période transitoire (LAT), qui a fait l’objet
de contestations de la part de plusieurs intervenants et n’était pas
représentative d’un vaste consensus politique.

La Conférence nationale avait pour mission de créer un Conseil national


provisoire, un organe non législatif de supervision du gouvernement
provisoire doté d’un mandat limité. Elle avait également pour objectif
de lancer un processus de dialogue national en vue de l’obtention d’un
consensus à l’échelle du pays. Le premier objectif s’inscrivait davantage
dans le cadre de la gestion de crise, tandis que le dernier visait plutôt le
changement fondamental.

Si la Conférence a réussi à mettre en place un Conseil national, l’absence


de sensibilisation du grand public et d’accord politique sur la LAT l’a
empêchée d’étendre la participation politique au sein dudit Conseil et
de créer un consensus national, ce qui a eu pour conséquence directe
l’exclusion de certaines parties prenantes fondamentales. S’en est suivie
une marginalisation politique de la Conférence nationale, qui a vidé cette
dernière de tout son sens.

Processus constitutionnel en Irak, mars 2004-mai 2006

Loi d’adminis-
tration de l’État Élection de
irakien pendant l’Assemblée Élection Premier
la période Conférence nationale Référendum du Conseil des gouvernement
transitoire (LAT) nationale de transition constitutionnel représentants permanent

8 mars 2004 15-18 août 2004 30 janv. 2005 15 oct. 2005 15 déc. 2005 20 mai 2006

Conseil de Gouvernement Gouvernement Gouvernement


gouvernement irakien provisoire de transition permanent
(juill. 2003-juin 2004) (juin 2004-mai 2005) (mai 2005-mai 2006) (à partir de
mai 2006)

250
Irak

Conférence nationale

Durée 4 jours (15-18 août 2004)

Mettre en place un Conseil national provisoire ayant pour mission de


Objectif superviser le gouvernement provisoire ; parvenir à un consensus national.

Instaurée par la loi administrative transitoire (LAT) du CGI suite à l’invasion


Mandat américaine.

1 200-1 500 délégués. Parmi les participants se trouvaient des représentants


de partis politiques, de régions, de groupes de femmes et autres organisa-
tions de la société civile, d’universités, ainsi que des principaux groupes
ethniques, tribus et sectes religieuses du pays (sunnites, chiites, kurdes et
chrétiens).
Près de la moitié des participants ont été choisis par les Comités provinciaux
Participation de supervision. Les comités de chacune des 18 régions du pays ont examiné
et critères les candidatures et les nominations, et soumis les noms de délégués à la
de sélection Haute Commission de préparation (HCP). Le processus de sélection prépa-
ratoire mené dans les provinces a souvent été critiqué pour ses sérieuses
lacunes. D’autres délégués ont été directement nommés par les membres de
la HCP. Au cours des dernières phases de planification, des représentants des
Nations Unies venant en aide aux Irakiens ont demandé à ce que le nombre de
participants soit étendu au-delà des 1 000 délégués prévus à l’origine, afin de
mieux prendre en compte les minorités et d’autres groupes sous-représentés.

Fouad Massoum a présidé la Haute Commission de préparation, puis


Coordination l’Assemblée plénière de la Conférence nationale.

Grande implication des parties internationales. Des représentants et


fonctionnaires américains ont apporté leur appui, les premiers en assistant
au dialogue en tant qu’observateurs et les seconds en fournissant une aide
en matière de sécurité et de logement ainsi que pour la logistique de la
Soutien Conférence nationale. Les États-Unis ont joué un rôle directeur majeur d’un
international bout à l’autre du processus : ils ont désigné les membres du CGI, lequel
a ensuite façonné et dominé la totalité du processus (par l’intermédiaire
de la LAT et de la HCP, et en sélectionnant les participants à la Conférence
nationale). Les Nations Unies ont prêté leur assistance lors des phases de
planification et de processus.

La Conférence a instauré le Conseil national provisoire, un organe ayant


pour mission de superviser le gouvernement de transition entre août 2004
Résultats et janvier 2005. La création de cette entité a été largement perçue
comme une action de façade visant à donner une légitimité à des accords
transitoires préexistants.

L’ensemble du processus a souffert d’un manque d’appropriation, d’inclu-



sivité et de légitimité, et a été, dans une large mesure, dirigé par les élites
Défis/ensei- (et quelque peu perçu comme étant piloté par des entités étrangères).
En raison de différends relatifs à certains principes clés, apparus lors de

gnements tirés la phase de préparation (profond désaccord sur la présence des troupes
étrangères et la nomination du gouvernement provisoire), la Conférence
n’a pu aboutir à un consensus national.

251
Manuel de dialogue national

Conférence nationale irakienne, 2004

Mettre en place un Conseil national Parvenir à un consensus national après


OBJECTIF provisoire ayant pour mission de su- l’invasion du pays et le renversement du
perviser le gouvernement provisoire régime de Saddam Hussein par les États-Unis

Conseil de gouvernement Loi administra- Conférence nationale devant établir un


MANDAT irakien (CGI) nommé par tive transitoire Conseil national provisoire (chargé de
les États-Unis (LAT) superviser le gouvernement provisoire)

Le processus décisionnel relatif au Conseil national provisoire devait à l’origine se


présenter sous forme de système de liste fermée, dans le cadre duquel la liste gagnante
PRISE DE sur les deux en lice remportait l’ensemble des sièges.
DÉCISIONS L’élection devait avoir lieu lors du dernier jour de la Conférence. En définitive, seule
une liste (dont la composition était opaque) a été présentée et a fait l’objet d’un vote
à la majorité simple.

À la mi-août, le président de la Conférence et la HCP avaient décidé d’un programme


PROGRAM- abordant les thématiques suivantes :
ME ET
QUESTIONS
Efforts de Droits de l’homme et Processus
CENTRALES Sécurité
reconstruction justice transitionnelle politique

Peu de consultations du public ont eu lieu, que ce soit avant ou pendant la Conférence.


Pendant le processus préparatoire, le public a été informé par le biais d’affiches et de
spots télévisés qui se sont contentés d’annoncer la tenue d’une Conférence nationale à
la fin du mois de juillet. Le 29 juillet, le président a reporté de 2 semaines le début de la
Conférence suite aux recommandations des Nations Unies, qui ont financé une campagne
CONSUL- d’information publique prenant la forme d’articles quotidiens dans les journaux et de
TATION tables rondes.
PUBLIQUE

Les informations disponibles publiquement étant limitées, la société civile et les groupes
d’opposition étaient peu renseignés et n’ont eu que peu de possibilités de participer au
processus. Le mandat et le programme de la Conférence n’ont pratiquement pas fait l’ob-
jet de débats publics. À la clôture de cette dernière, les groupes d’opposition et la société
civile se sont sentis marginalisés.

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS PHASE DE MISE EN ŒUVRE


Haute Commission de Assemblée plénière 
Conseil national
préparation (HCP) 4 groupes de travail provisoire
STRUCTURE
18 Comités provinciaux
de supervision
18 réunions provinciales

252
Irak

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

550-850
Représentants de
partis politiques, tribus,
universités, groupes
de femmes et autres
548 organisations de la
Représentants des société civile, ainsi que
18 provinces du pays Nombre total : des principaux groupes
1 200-1 500 ethniques et sectes
religieuses du pays,
nommés par la HCP

0
Plusieurs petits partis,
groupes de citoyens et
100 indépendants se sont sentis
Membres de la HCP exclus, tandis que certains
groupes politiques importants
ont choisi de ne pas participer.

PARTICULARITÉS

Absence de sensibilisation du public.


La HCP ne s’est dotée d’aucun service de presse, et les informations rendues publiques au
début du processus se sont limitées aux annonces de la tenue d’une Conférence nationale
sur des affiches et à la télévision. Ce n’est qu’après le report de deux semaines du processus
qu’un effort sérieux d’information et d’éducation du public a été déployé. Même ainsi,
certains éléments fondamentaux n’ont jamais fait l’objet de discussions publiques, et
d’importants segments de la société irakienne se sont sentis mal informés tout au long
du processus.

Absence de transparence.
Le peu de transparence caractérisant la préparation de la Conférence, la sélection des
participants, l’information du public et le processus décisionnel lui a ôté toute crédibilité.

Forte perception d’un processus dirigé par les élites et guidé par des intérêts étrangers.
D’après Marina Ottaway de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, « il ne s’agit pas
d’un processus auquel participe l’ensemble de la population irakienne, mais plutôt d’un petit
groupe de personnes triées sur le volet qui se réunissent pour choisir un groupe plus restreint
encore de personnes elles aussi triées sur le volet ». Les États-Unis ont par ailleurs largement
pesé sur le processus en nommant les membres du CGI, qui a par la suite façonné et dominé
l’ensemble des activités.

253
Manuel de dialogue national

Conférence nationale irakienne, 2004


Objectif : mettre en place un Conseil national et lancer le processus de dialogue national
(sans mandat pour discuter du cadre transitionnel)

PHASE DE PRÉPARATION

HAUTE COMMISSION DE PRÉPARATION (HCP)

Mandat :
Décider de la composition, du programme et des règles procédurales

Présidence : Fouad Massoum

Composition :
100 membres nommés par le gouvernement provisoire (aucun critère public
clairement défini) ; dominé par les principaux partis politiques membres du
gouvernement provisoire

18 COMITÉS PROVINCIAUX 18 RÉUNIONS PROVINCIALES


DE SUPERVISION

Organes nommés par la HCP dans Mandat :
chacune des 18 provinces du pays Élire les délégués qui
représenteront la province
Mandat : à la Conférence
Choisir les participants aux réunions
provinciales Composition :
20 fois le nombre de délégués à
Composition de chacun des comités : élire, les personnes souhaitant
7 membres : 3 membres de la HCP participer pouvaient déposer
(dont un de la province), 2 juges de une candidature
haut rang, 2 membres du conseil
provincial ; présidé par le juge
jouissant du rang le plus élevé

Les comités n’avaient que trois ou quatre jours pour informer le public,
recevoir les candidatures, délibérer et choisir les participants ; pas de person-
nel de soutien et aucune instruction claire de la HCP concernant la sélection.
Certaines réunions provinciales ont donc été vivement contestées.

1 200-1 500
100 18

8 mars-14 août 2004

254
Irak

Structure

PHASE DE PROCESSUS PHASE DE MISE


EN ŒUVRE
ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

Mandat :
Élire 81 des 100 membres du Conseil national provisoire
(les 19 autres sont des membres de l’ancien Conseil
de gouvernement n’ayant pas obtenu de poste au sein
du gouvernement provisoire)

Présidence : Fouad Massoum (ancien président de la HCP)

Prise de décisions concernant le Conseil national


provisoire :
Une liste de noms (de composition opaque) a été CONSEIL NATIONAL
présentée et a fait l’objet d’un vote à la majorité simple. PROVISOIRE

Composition : Mandat : Superviser le


1 200-1 500 participants ; travail du gouvernement
548 participants choisis dans le cadre d’un provisoire jusqu’aux
processus provincial comparable à un caucus et élections parlementaires
défini par la HCP ; participants restants nommés
par la HCP ; les membres de la HCP ont Présidence : Fouad Massoum
automatiquement obtenu un siège.
Composition : 100 membres ;
81 élus, 19 sélectionnés
au sein du Conseil de
gouvernement

4 GROUPES DE TRAVAIL La Conférence n’a pu


aboutir à un consensus sur
Mandat : Discuter des versions préliminaires et émettre le processus de transition.
des recommandations

Sécurité Efforts de Droits de Processus


reconstruction l’homme politique
et justice
transitionnelle

100

15-18 août 2004 1er sept. 2004

255
Manuel de dialogue national

Jordanie
Inspirés par les manifestations organisées en Égypte, en Tunisie et
dans d’autres pays arabes, les Jordaniens sont descendus dans la rue
au début de l’année 2011 pour exiger diverses réformes politiques telles
que la dissolution du Parlement, l’adoption d’une nouvelle loi électorale
garantissant une représentation plus équitable des différents segments
de la société ou encore le retour à la Constitution de 1952, qui octroyait
beaucoup moins de pouvoir au roi. Outre la naissance de nouveaux
mouvements de jeunes tels qu’Al-Hirak, la Jordanie a également assisté
à l’émergence de nouvelles formes de manifestations telles que sit-in,
forums en ligne et hors ligne ou autres campagnes étudiantes.

Face à la diversité des manifestations, le roi Abdallah II a donné mission


au Comité de dialogue national (CDN) d’émettre des recommandations de
réformes politiques à l’échelle nationale et de parvenir à un consensus
politique afin d’éviter l’apparition d’un conflit politique semblable à ceux
touchant l’Égypte, la Libye et la Syrie.

Le CDN a produit dans un premier temps un projet de loi électorale,


une loi relative aux partis politiques, ainsi qu’un rapport contenant des
recommandations portant sur des lois connexes.

Le processus s’est notamment heurté à la lassitude politique des Jordaniens,


qui avaient déjà connu différentes formes de dialogue. Les décideurs se
sont montrés réticents à mettre en œuvre les recommandations du CDN,
nuisant ainsi à la pérennité et à la crédibilité du processus. L’expérience
jordanienne a avant tout prouvé que les processus de dialogue conçus
dans le seul but d’endosser un rôle consultatif et dénués de tout pouvoir
de décision peuvent accroître la frustration politique et les désillusions.

Mise en place du Comité de dialogue national (CDN)

Nomination
Manifestations du gouvernement Comité de
populaires par le roi Abdallah II dialogue national

Janv. 2011 Févr. 2011 14 mars-5 juin 2011

256
Jordanie

Comité de dialogue national

Durée 3 mois (14 mars-5 juin 2011)

Objectif Émettre des recommandations de réformes politiques à l’échelle nationale.

Mandaté par le roi, qui a demandé une révision immédiate des lois régissant
la vie politique et les libertés publiques. Le Comité était chargé de réviser
Mandat les lois très critiquées régissant les partis politiques et les élections, et de
formuler des recommandations générales sur des lois connexes.

Au total, 52 personnes ont participé au processus. Aucun quota n’a été


défini pour garantir la représentation équitable des femmes, des jeunes
et des minorités. Seules quatre femmes figuraient parmi les 52 délégués.
Participation Par ailleurs, la représentation des groupes politiques ne respectait pas le
et critères principe de proportionnalité. Le Front de l’action islamique (FAI), principal
de sélection parti d’opposition, a été invité à dépêcher le même nombre de délégués
que d’autres partis de moindre envergure.
Le Comité a essuyé des critiques pour le manque de transparence de ses
critères de sélection et pour l’exclusion de personnalités jordaniennes
éminentes.

Coordination Le processus était présidé par Taher Al-Masri, alors président du Sénat.

Les acteurs internationaux n’ont fourni qu’un appui restreint au processus.


Le PNUD a toutefois offert au CDN une expertise sur les différents systèmes
Soutien électoraux ainsi qu’une assistance technique et logistique pour sortir de
international l’impasse. Les États-Unis et l’Union européenne (UE) ont indirectement appuyé
la mise en œuvre des résultats en fournissant une aide financière au pays.

Le CDN a produit dans un premier temps un projet de loi électorale,



une loi relative aux partis politiques, ainsi qu’un rapport contenant des
recommandations relatives à des lois connexes.
Résultats
Le CDN a par ailleurs contribué indirectement à la modification de la

Constitution, 16 de ses membres ayant demandé la création d’une
Commission royale de révision de la Constitution.

Le processus s’est notamment heurté à la lassitude politique prévalant au


sein de la société jordanienne. Autre problème, l’absence de mise en œuvre
des résultats, tels que la réforme électorale de grande échelle proposée
Défis/ensei- par les participants. L’expérience du CDN jordanien a avant tout prouvé
que les processus de dialogue conçus dans le seul but d’endosser un rôle
gnements tirés
consultatif et dénués de tout pouvoir décisionnel peuvent accroître la
frustration politique ; la crédibilité de ces processus peut être renforcée
par la création de mécanismes de mise en œuvre.

257
Manuel de dialogue national

Comité de dialogue national de la Jordanie, 2011

Émettre des recomman- Réviser les lois régissant


Contribuer à la modification
OBJECTIF dations de réformes la vie politique et les libertés
de la Constitution
politiques publiques

Février 2011 : le roi Le CDN, qui a pour


Abdallah II charge Mars 2011 : mission principale Le CDN est
Maarouf Bakhit de for- le Conseil d’émettre des dissous après
MANDAT
mer un gouvernement des ministres recommandations, présentation de
et d’œuvrer dans crée le CDN. est déconnecté du son projet de loi.
le sens de la réforme. système politique.

Le programme général a été établi par le Premier ministre et son gouvernement,


qui ont transmis leurs consignes au CDN. Questions principales :
PROGRAM-
ME ET
QUESTIONS Rédaction de la loi Formulation de recommandations
Rédaction de la
CENTRALES relative aux partis générales sur la législation
loi électorale
politiques régissant la vie politique


Le CDN est le fruit d’une initiative descendante : le processus a largement été initié
par le roi Abdallah II par le biais du Premier ministre. Il a bénéficié du soutien des élites
politiques et des partisans du gouvernement.
CONSUL-

Des consultations publiques ont été menées par les trois sous-comités du CDN, qui
TATION
avaient pour mission de communiquer avec différents segments de la société. Leurs
PUBLIQUE
membres se sont rendus dans les différents gouvernorats du royaume pour y rencontrer
la population, écouter son point de vue et lui présenter leurs idées sur les nouvelles lois
(électorale et relative aux partis politiques). Les idées et opinions recueillies dans les
gouvernorats ont ensuite été présentées à l’assemblée générale du CDN.

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS



Organisée par le gouvernement, Assemblée générale du CDN
pas d’organe préparatoire 3 groupes de travail du CDN
STRUCTURE
spécifique 3 sous-comités

258
Jordanie

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

Aucun critère de participation transparent ; la sélection des participants a été principalement


effectuée par le gouvernement : les membres ont plus ou moins été choisis par le Premier
ministre de l’époque.
Le nombre de délégués ne préjugeait pas de leur représentation au sein de la société.

52
Représentants
de partis politiques,
de mouvements
politiques, de la société
civile,du monde
académique/d’instituts
Nombre total : 52 de recherche,
d’associations
professionnelles,
des médias,
d’entrepreneurs et
d’indépendants

PARTICULARITÉS

Un processus élitiste.
La conception et la structure du CDN ont permis à un éventail raisonnable d’acteurs politiques
et d’autres membres de la société de participer à une certaine forme de débat politique et
d’exercer une certaine influence sur la législation. Le processus a été déployé et dirigé par
le roi et le gouvernement nommé. Selon l’opinion publique, le CDN est demeuré un processus
élitiste que le peuple jordanien ne s’est pas approprié.

Intensification de la frustration politique.


Le fait que le CDN n’ait eu qu’un rôle consultatif et soit dénué de pouvoir décisionnel a,
en définitive, renforcé la frustration politique et les désillusions de la population.

Soutien international restreint.


Les acteurs internationaux n’ont joué qu’un rôle mineur dans le processus. Lors de la phase
préparatoire, le PNUD a proposé une aide technique et logistique pour sortir de l’impasse.
Son bureau de pays pour la Jordanie, en étroite collaboration avec sa représentation au
Caire, a organisé une réunion de deux jours au bord de la mer Morte afin de fournir au CDN
une expertise internationale sur les différents systèmes électoraux. Les États-Unis et l’UE ont
fourni une aide financière à la Jordanie pendant la phase de mise en œuvre. L’aide du PNUD
en particulier a été perçue comme étant productive et constructive.

259
Manuel de dialogue national

Comité de dialogue national de la Jordanie, 2011


Objectif : émettre des recommandations de réformes politiques à l’échelle nationale

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS

introduisent les idées de


Il n’y a eu aucun organe la société dans le processus
préparatoire.

Le dialogue a été organisé 3 SOUS-COMITÉS DU CDN


par le gouvernement.
Fonctions : Communication avec les différents
Les participants ont été segments de la société
choisis et leur participation a
Informer la société
fait l’objet de négociations.
Rassembler des idées et opinions
Le programme a été fixé par
le roi et le gouvernement.

Les critères de sélection


étaient opaques.

1 10

14 mars-5 juin 2011

260
Jordanie

Structure

PHASE DE MISE EN ŒUVRE

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Mandat :
Proposer des recommandations de loi électorale
et de loi régissant les partis politiques
Émettre des recommandations générales sur Projet de loi électorale
des lois connexes
Loi relative aux partis politiques
Présidence : Président du Sénat, Taher Al-Masri
Rapport contenant des recom-
Composition mandations de lois connexes
52 délégués
- Pas de critère de participation clairement établi ;
les participants ont été choisis par le roi et le La loi électorale n’a pas été
gouvernement approuvée par le gouverne-
- Se réunissant tous les quinze jours pour ment. Elle n’a été ratifiée par
délibérer sur le processus de rédaction le Parlement qu’une fois des
modifications importantes
apportées par le gouvernement
au système électoral mixte.
dote en La loi électorale ratifiée ne
personnel correspond pratiquement pas
aux attentes des réformateurs.
3 GROUPES DE TRAVAIL

Mandat :
Rédiger une loi électorale et une loi sur les partis
politiques, et formuler des recommandations générales
de lois régissant la vie politique

Composition :
Membres de partis politiques, mouvements politiques,
société civile, monde académique, associations
professionnelles, médias, entrepreneurs, indépendants

52

5 juin 2011

261
Manuel de dialogue national

Kenya
La contestation des résultats de l’élection présidentielle du
27 décembre 2007 au Kenya a entraîné des violences politiques, qui se sont
rapidement transformées en crise politique, humanitaire et économique
nationale. À l’invitation du président Mwai Kibaki (ou, selon certains,
pour répondre aux préoccupations de la communauté internationale), le
président de l’Union africaine (UA) et du Ghana, John Agyekum Kufuor,
s’est rendu au Kenya en janvier 2008. Suite à un accord entre le président
Kibaki et le dirigeant de l’opposition, Raila Odinga, il a mis sur pied un
Groupe d’éminentes personnalités africaines.

Dans le cadre du processus de dialogue national et de réconciliation mis en


place au Kenya, le parti dirigeant et le parti d’opposition se sont mis d’accord
sur quatre objectifs fondamentaux : prendre des mesures d’urgence pour
mettre fin aux violences et restaurer les libertés et droits fondamentaux ;
soulager la crise humanitaire et promouvoir la réconciliation ; remédier à
la crise politique en cours ; et avancer sensiblement sur certains enjeux à
long terme, tels que la réforme constitutionnelle, légale et institutionnelle.

Le processus de dialogue national et de réconciliation se présentait dans


un premier temps sous forme de mécanisme de gestion des conflits, pour
se transformer par la suite en mécanisme de changement à long terme.
Il a notamment débouché directement sur la signature d’un accord de
partage du pouvoir établissant un gouvernement de coalition et le cabinet
du Premier ministre.

Le processus s’est également distingué par la nomination d’un médiateur


de haut vol, Kofi Annan, qui représentait par ailleurs la position
commune de l’UA. La création de mécanismes d’enquête sur les violences
postélectorales et le système électoral acceptables par l’ensemble des
parties était essentielle pour ouvrir la voie à un accord politique.

Processus de dialogue national et de réconciliation au Kenya

Éclats de violence après Signature de l’accord


la victoire déclarée du pré- sur les enjeux à long
sident sortant Mwai Kibaki Début de terme, création de dif- Référendum
à l’élection présidentielle la procédure férentes commissions constitutionnel

27 déc. 2007 10 janv. 2008 29 janv. 28 févr. 4 mars 30 juin 4 août 2008

Invitation de l’UA Signature de Adoption de la déclaration


et création du l’accord de partage de principes et de la
Groupe d’éminentes du pouvoir matrice d’exécution
personnalités africaines

262
Kenya

Dialogue national et réconciliation au Kenya

Durée 5 mois (29 janv.-30 juin 2008)

Instaurer la paix, la stabilité et la justice à long terme au Kenya, en


Objectif
s’appuyant sur l’État de droit et le respect des droits de l’homme

À l’invitation du président Kibaki, M. Kufuor, président de l’UA, s’est


rendu au Kenya et a créé un Groupe d’éminentes personnalités africaines de
Mandat l’UA, présidé par Kofi Annan et composé par ailleurs de Graça Machel du
Mozambique et de Benjamin Mkapa, ancien président de la Tanzanie.

Les équipes de négociation (composées de quatre personnes chacune) ont


été choisies par les dirigeants des partis. Le gouvernement (Parti de l’unité
Participation nationale, PNU) était représenté par Martha Karua, Sam Ongeri, Mutula
Kilonzo et Moses Wetang’ula. L’opposition (Mouvement démocratique
et critères orange, ODM) était représentée par Musalia Mudavadi, William Ruto, Sally
de sélection Kosgei et James Orengo. Les chargés de liaison Gichira Kibara (PNU) et
Caroli Omondi (ODM) ont également participé aux fins de prises de notes
(sans avoir le droit de s’exprimer ou de participer sous une autre forme).

Le Groupe d’éminentes personnalités africaines, piloté par Kofi Annan, a


Coordination dirigé et coordonné le processus de médiation.

La communauté internationale a apporté un soutien important au processus


de dialogue national et de réconciliation au Kenya. L’UA était le principal
intervenant agissant par l’intermédiaire du Groupe d’éminentes personnalités
africaines. Les Nations Unies, y compris le Département des affaires politiques
Soutien (DAP), le PNUD et le Bureau des Nations Unies à Nairobi, ont elles aussi joué
international un rôle prépondérant, avec l’aide du Centre pour le dialogue humanitaire,
une organisation à but non lucratif basée en Suisse. L’UE, la Suisse, le
Royaume-Uni, l’Australie, le Canada, la France, l’Allemagne et les États-Unis
ont également apporté leur soutien au processus kényan.

Le président Kibaki et le chef de l’opposition Odinga ont signé un accord


de partage du pouvoir un mois après le début des négociations. Cet accord,
qui a favorisé l’établissement du gouvernement de coalition et du cabinet
du Premier ministre, a par la suite été intégré dans la Constitution. Le
Résultats 30 juin 2008, les parties ont convenu de la création d’une Commission
indépendante de révision (IREC), d’une Commission d’enquête sur les
violences postélectorales (CIPEV) et d’une Commission vérité, justice et
réconciliation (TJRC), ainsi que de la mise en place d’un processus complet de
révision constitutionnelle.

Des tensions sont apparues dès le début concernant l’intitulé du processus,


l’ODM insistant sur la nécessité de le nommer « effort international de
médiation » ou tout du moins d’y faire figurer le terme « médiation », tandis
que le PNU souhaitait utiliser le terme « dialogue national » et minimiser
ainsi l’implication internationale. Kofi Annan a finalement statué en faveur
Défis/ensei- du gouvernement en l’intitulant « processus de dialogue national et de
réconciliation », afin de garantir le maintien de l’engagement du PNU,
gnements tirés
mais également de souligner l’appropriation par les partis.
Le processus était de nature descendante et sous le contrôle étroit des deux
dirigeants de partis, qui ne faisaient pas eux-mêmes partie des équipes de
négociation. La consultation systématique de la société civile a permis au
peuple de s’exprimer tout au long des phases de processus et de mise en œuvre.
263
Manuel de dialogue national

Dialogue national et réconciliation au Kenya, 2008

Instaurer la paix, la stabilité Réforme de l’État de droit et respect


OBJECTIF
et la justice à long terme des droits de l’homme

Celui-ci crée le Groupe Les deux partis choisissent


Le président Kibaki invite
d’éminentes personnalités les équipes de négociation
MANDAT John Agyekum Kufuor,
africaines, endossant le composées de quatre
président de l’UA et du Ghana
rôle de médiateur personnes chacune

PRISE DE Décisions prises par consensus. Les dirigeants ont négocié directement pour
DÉCISIONS sortir de l’impasse.


Prendre des mesures d’urgence pour mettre fin aux violences et restaurer les libertés
et les droits fondamentaux.


Soulager la crise humanitaire et promouvoir la réconciliation, l’apaisement et
PROGRAM-
le rétablissement.
ME ET
QUESTIONS
Remédier à la crise politique.
CENTRALES

Enjeux à long terme : lutter efficacement contre la pauvreté, les inégalités, le chômage
(notamment chez les jeunes) et l’impunité, procéder à une réforme foncière et consolider
la cohésion nationale et la transparence.


Le Groupe a adopté une stratégie de communication visant à assurer la transparence
et à susciter la confiance du public envers le processus.


Des consultations régulières ont été menées auprès de différents secteurs de la société
civile. Citons notamment les groupes de femmes, les entreprises, les groupes religieux
CONSUL-
et les militants pour la paix.
TATION
PUBLIQUE

Tous les accords ont été immédiatement publiés, et un site Internet a été créé, sur lequel
tous les accords du processus de dialogue national et de réconciliation ont été postés.

Un porte-parole a été chargé de communiquer ces décisions aux organes de presse,


afin d’impliquer activement les médias dans le processus.

PHASE DE PHASE DE PHASE DE


PRÉPARATION PROCESSUS MISE EN ŒUVRE
STRUCTURE 
Groupe 
Équipes de négociation Groupe d’éminentes
d’éminentes 
Groupe d’éminentes personnalités africaines
personnalités personnalités africaines Bureau de coordination et
africaines Secrétariat de liaison (CLO)

264
Kenya

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

Équipes de négociation
4
4 Opposition/
Gouvernement/Parti de Mouvement démocra-
l’unité nationale (PNU) : tique orange (ODM) :
Martha Karua, ministre Musalia Mudavadi,
de la Justice et des William Ruto,
Affaires constitution- Sally Kosgei et
Nombre total : 8
nelles, Sam Ongeri, James Orengo
ministre de l’Éducation,
2
Mutula Kilonzo, député,
Chargés de liaison
et Moses Wetang’ula,
Gichira Kibara (PNU) et
ministre des Affaires
Caroli Omondi (ODM)
étrangères
(ont pris des notes mais
n’ont pas participé)

Mwai Kibaki (PNU) et Raila Odinga (ODM) ont reçu l’aide de 20 délégués chacun, comptant
leurs équipes de négociation.

PARTICULARITÉS

Un fort degré d’appropriation.


Le processus de dialogue national et de réconciliation a été conçu et organisé de façon à
traiter des problèmes à court terme (mettre un terme à la violence) dans les quatre premières
semaines, et des enjeux à long terme (réforme et réconciliation) dans un délai d’un an. Il s’est
inscrit dans un cadre favorisant un fort degré d’appropriation. En sa qualité de président du
Groupe, Kofi Annan a veillé à ce que les partis s’approprient le processus, et a fait progresser
les négociations tout en évitant qu’elles ne se dispersent.

Une structure de pouvoir descendante.


Bien que ne faisant pas partie des équipes de négociation, les dirigeants de partis MM. Kibaki
et Odinga sont ceux qui ont eu le plus de poids sur le processus. Ils ont été aidés chacun par
une délégation de 20 personnes comptant leurs équipes de négociation.

Un soutien international fort et coordonné.


Outre l’UA, d’autres acteurs ont joué un rôle constructif fondamental dans le processus de
paix au Kenya. Le Secrétaire général des Nations Unies s’est rendu lui-même dans le pays le
1er février 2008 pour exprimer son soutien inconditionnel au travail de Kofi Annan et de son
équipe de médiation, et a précisé que les Nations Unies étaient prêtes à renforcer leur appui
le cas échéant. Les États-Unis ont également fait part de leur soutien et publié une déclaration
sur la nécessité d’apporter une « solution extérieure » au problème. L’UA, les Nations Unies,
l’UE, les États-Unis et d’autres parties ont parlé d’une seule voix pendant le processus, optimi-
sant ainsi l’efficacité de leur soutien.

265
Manuel de dialogue national

Dialogue national et réconciliation au Kenya, 2008


Objectif : aboutir à une solution politique visant à mettre fin à la violence et à instaurer le dialogue
pour apporter une réponse aux enjeux à long terme et aux problèmes structurels

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS

GROUPE D’ÉMINENTES PERSONNALITÉS AFRICAINES

Mandat :
Préparer le processus et établir le soutient
programme. Ce mandat lui a été
confié par l’UA, le PNU et l’ODM.

Éléments du programme :

1. Mesures d’urgence pour mettre SECRÉTARIAT


fin aux violences
Fonctions :
2. Soulagement de la crise
humanitaire et promotion de la Préparer, reproduire et diffuser les documents
réconciliation et de l’apaisement
Conserver les comptes rendus des
3. Résolution de la crise politique délibérations

4. Enjeux et solutions à long terme Gérer les finances

Conserver et protéger les documents

Toutes autres tâches requises par le président


et le coprésident de la session pour mener
à bien leurs responsabilités

10 janv. 2008

266
Kenya

Structure

PHASE DE MISE EN ŒUVRE

GROUPE D’ÉMINENTES PERSONNALITÉS AFRICAINES GROUPE D’ÉMINENTES PERSONNALITÉS AFRICAINES

Mandat : Mandat :
Présider les réunions et coordonner Appuyer et suivre la mise en œuvre
le processus La société privée South Consulting a également
procédé au suivi de la mise en œuvre.
Composition :
Kofi Annan, Benjamin Mkapa, Graça Machel Février
Accord de partage du pouvoir
coordonne

Mars
Commission indépendante de révision (IREC)
ÉQUIPES DE NÉGOCIATION Commission d’enquête sur les violences
postélectorales (CIPEV)
Mandat : Commission vérité, justice et
Trouver une solution à la crise réconciliation (TJRC)
Enjeux à court terme Processus de révision constitutionnelle
Enjeux à long terme

Présidence : Kofi Annan et Groupe d’éminentes Juin


personnalités africaines Déclaration de principes et matrice d’exécution

Composition :
4 négociateurs du PNU, 4 négociateurs de l’ODM Août
Promulgation de la Constitution et référendum
Procédure :
Réunions quotidiennes pendant 41 jours
Prise de décisions fondée sur un BUREAU DE COORDINATION ET DE LIAISON (CLO)
consensus réel
Fonctions :
Favoriser la mise en œuvre des accords conclus
dans le cadre du dialogue national et aider le
gouvernement de coalition à lutter contre les causes
profondes de la crise postélectorale de 2007.

29 janv.-30 juin 2008 30 juin 2008

267
Manuel de dialogue national

Liban
Le dialogue national fait depuis longtemps partie de la culture politique
et sociale du Liban, où il représente un forum crucial d’échanges en
dehors du Parlement et du Conseil des ministres. Le Comité de dialogue
national a vu le jour dès 1975 dans le but de résoudre la crise politique ;
deux Conférences du dialogue national se sont tenues au début des
années 1980 ; et en 2006, une nouvelle série de sessions de dialogue
national a vu le jour afin de sortir de l’impasse politique. Le dialogue
national organisé entre 2008 et 2014 a été approuvé alors que la stabilité
du pays était menacée par la multiplication des violences.

En 2008, la polarisation croissante de la société libanaise et la crise


politique de longue durée ont laissé place à une confrontation armée entre
différentes factions politiques. Avec l’intensification des combats, l’émir du
Qatar, Cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, a invité tous les partis libanais
à participer à une Conférence du dialogue national de 6 jours à Doha, qui
a débouché sur la signature d’un accord le 21 mai 2008. L’accord de Doha
a mis un terme à la crise politique qui rongeait le pays depuis 18 mois et a
ouvert la voie à l’élection de Michel Sleiman à la tête du pays. La mise en
place d’un nouveau système électoral et la tenue d’un dialogue national
ont en outre été décidées pour rétablir l’autorité de l’État sur l’ensemble du
territoire, renouer les liens entre différents groupes politiques et assurer la
sécurité de l’État et des citoyens.

Lancé en septembre 2008, le dialogue national libanais est un processus


à durée indéterminée mené sous la direction du président élu Sleiman. Il
a donné naissance à plusieurs déclarations et communiqués conjoints,
ainsi qu’à une discussion sur la stratégie de défense nationale.
Le dialogue national, qui s’inscrivait dans un contexte marqué par de
profondes divisions entre les principaux acteurs politiques du pays, visait
à trouver un consensus sur les grandes questions d’intérêt national et à
prévenir les conflits. En 2015, un an et demi après la fin du mandat de
Sleiman (mai 2014), le président du Parlement, Nabih Berri, a lancé une
nouvelle série de dialogues, avançant qu’il s’agissait là de la seule solution
permettant de surmonter les crises frappant le pays.

Dialogue national au Liban suite à l’Accord de Doha, 2008-2014

Première séance Victoire de Michel Aoun


Escalade des tensions du dialogue national à l’élection présidentielle

2008 16-21 mai 2008 Sept. 2008 24 mai 2014 Oct. 2016

Conférence du dialogue Clôture du dialogue national


national, Accord de Doha sous la présidence de Sleiman

268
Liban

Dialogue national au Liban, 2008-2014

Durée 6 ans (sept. 2008-mai 2014)

Promouvoir l’autorité de l’État libanais sur le territoire et garantir la


sécurité de l’État et des citoyens
Objectif Convenir d’une stratégie de défense nationale
Stimuler la confiance au sein de la population et des groupes politiques
du pays

Mandat Mandaté par l’Accord de Doha de 2008

La sélection des participants a suivi des règles à la fois formelles et


informelles : le Premier ministre et le président du Parlement ont été invités,
de même que tous les groupes politiques bénéficiant d’une représentation
importante au Parlement (plus de 4 sièges). Outre les séries de consultations
Participation
menées avec les principaux partis, ce sont les considérations liées à la
et critères représentativité politique, régionale et confessionnelle qui ont guidé le
de sélection choix des délégués. Les représentants sélectionnés étaient dans la plupart
des cas des dirigeants de partis ou des représentants de haut niveau. Tous
les participants étaient de sexe masculin, et la société civile n’était pas
représentée.

Le président Michel Sleiman, avec le soutien du Comité directeur du


Coordination dialogue national, a joué à la fois le rôle de président et de coordonnateur.

Le Qatar et la Ligue arabe ont appuyé le processus en initiant la rencontre


de Doha.
Soutien Le PNUD et la Fondation Berghof ont appuyé la présidence et le Comité
international directeur du dialogue national entre 2008 et 2010, et contribué à la mise en
place de la Common Space Initiative, qui vient en aide au pays depuis 2010.

Débat sur une proposition de stratégie de défense nationale (aucune prise


de position commune)
Déclaration conjointe sur les élections et le conflit israélo-palestinien
Résultats Code d’honneur pour garantir une certaine retenue dans les médias et les
discours politiques
Déclarations conjointes, telles que la Déclaration de Baabda de 2012
consacrant la politique de dissociation vis-à-vis de la guerre civile en Syrie

Assurer l’implication constante des parties, plutôt qu’organiser des


Défis/ensei- discussions pour le plaisir.
Influences extérieures exercées par certaines crises régionales (p. ex.,
gnements tirés la guerre en Syrie) et certains acteurs internationaux.

269
Manuel de dialogue national

Dialogue national au Liban, 2008-2014

Instaura-
Promouvoir Empêcher l’esca- Éviter et
tion de la
l’adoption lade des tensions gérer les
confiance Renforcement
d’un accord politiques internes répercussions
OBJECTIF entre les de l’autorité de
sur une straté- et créer un climat des crises
groupes l’État libanais
gie de défense propice à l’applica- régionales
politiques
nationale tion des décisions sur le pays
du Liban

Le président de la République
Conférence du dialogue Accord de Doha endosse le rôle de président
MANDAT
national (mai 2008) (2008) du dialogue national
(mai 2008-mai 2014)

PRINCIPES Équilibre politique et diversité confessionnelle

PRISE DE
Par consensus
DÉCISIONS

PROGRAM- Mise en Tribunal Dissociation Autres


Stratégie Formation
ME ET œuvre des spécial vis-à-vis questions
de défense d’un nouveau
QUESTIONS accords pour le des conflits d’intérêt
nationale gouvernement
CENTRALES passés Liban régionaux national


Information du public par le biais de déclarations finales formulées à l’issue des réunions
CONSUL- du Comité de dialogue national.
TATION 
La Common Space Initiative, appuyée par le PNUD et la Fondation Berghof, a tenté de
PUBLIQUE compenser le manque d’inclusion en introduisant le point de vue de spécialistes et
de la société civile dans le dialogue national.

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS (EN COURS)


Séances du Comité de Séances du Comité de dialogue national réunissant
dialogue national dirigées le président et les participants sélectionnés.
STRUCTURE par le président 
Proposition de création d’un groupe de travail
technique composé des partis et du président,
et chargé de travailler sur certaines thématiques
spécifiques.

270
Liban

Processus
TAILLE ET COMPOSITION

1
Participant indépendant

8
5 Alliance du 14-Mars
Alliance du 8-Mars 2008-2009 (17 partis et quelques
(37 partis) membres indépendants)
Nombre total : 14

7
Alliance du
2010-2014 14-Mars
Nombre total : 19*
5
Participants indépendants

7
Alliance du 8-Mars

* En juin 2012, Najib Mikati remplace Saad Hariri au poste de Premier ministre. Le dirigeant des Forces libanaises,
Samir Geagea, a boycotté cette première séance et les suivantes pour protester contre la question non résolue
de l’armement du Hezbollah. Plus tard en 2012, l’Alliance du 14-Mars a annoncé son retrait collectif du dialogue.
En mars 2014, certains partis de l’Alliance du 8-Mars, dont le Hezbollah, ont boycotté une tentative de reprise du
dialogue.

PARTICULARITÉS

Un processus de petite envergure contrôlé par l’élite.


Ce sont les élites politiques qui étaient principalement responsables de la prise de décisions dans le cadre
du dialogue national au Liban, dont la composition était assez représentative sur le plan du confessionna-
lisme politique. Le processus a toutefois essuyé des critiques, certaines dimensions, craintes et préoccupa-
tions plus sérieuses n’ayant pas été dûment abordées.

Un mécanisme permanent de gestion des crises.


Le processus de dialogue national a pu remplir la fonction de gestion et de prévention des crises dans un
paysage politique pourtant très fragmenté au Liban.

La dimension régionale du dialogue national.


Compte tenu des rapports entre les acteurs et les familles politiques de la région, les éléments abordés
dans le cadre du dialogue national sont liés aux équilibres de pouvoirs régionaux. Malgré les tentatives
du dialogue national de se dissocier des conflits touchant les pays voisins, les dynamiques régionales ont
affecté la sphère politique libanaise et donc les séances de dialogue.

271
Manuel de dialogue national

Dialogue national au Liban, 2008-2014


Objectif : consensus sur la stratégie de défense nationale et d’autres questions déterminées par les partis

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS

CONFÉRENCE DE DOHA (CONFÉRENCE


COMITÉ DIRECTEUR DU DIALOGUE NATIONAL/
DU DIALOGUE NATIONAL)
COMITÉ DE DIALOGUE NATIONAL

Mandat :
Mandat :
Conférence de 6 jours pour sortir de
Conception du processus, recherche,
18 mois d’impasse politique au Liban
rédaction de propositions stratégiques
Fourniture d’un soutien au président
Composition :
en matière de coordination
Membres de la Conférence du dialogue
Consultation d’experts tout au long
national, composée des principaux
de la conception du processus
dirigeants politiques
Composition :
Consultation des pays représentés au sein 9 experts et personnalités nommés
du Comité ministériel de la Ligue arabe, par le président
ainsi que d’autres acteurs de la région.

ACCORD DE DOHA
soutient
Prévoit :
l’élection du général Michel Sleiman, soutient
le candidat du compromis, au poste de
président de la République ; ASSISTANCE TECHNIQUE
la formation d’un gouvernement
d’union nationale ; Fonctions : approfondir l’inclusion
l’adoption d’une loi électorale ; verticale en introduisant le point de
la poursuite du dialogue sur le vue de spécialistes et de la société
renforcement des pouvoirs de l’État. civile dans le dialogue national

Organisations :
COMITÉ DIRECTEUR DU DIALOGUE NATIONAL 2008-2010 :
PNUD et Fondation Berghof
Mandat :
Définir les critères de participation À partir de 2010 :
et le programme Common Space Initiative

16-21 mai 2008

272
Liban

Structure

PHASE DE MISE
EN ŒUVRE

SÉANCES DU DIALOGUE NATIONAL

Mandat :
Se réunir régulièrement pour discuter des
enjeux (et du nouveau cadre de sécurité nationale)
conformément au mandat et créer un nouveau
consensus au sein de l’élite

Présidence : Président Michel Sleiman Discuter de la stratégie de


défense nationale (aucune
Composition prise de position commune)
2008-2009 :
14 membres Une déclaration conjointe
8 délégués de l’Alliance du 14-Mars sur les élections et le conflit
5 délégués de l’Alliance du 8-Mars israélo-palestinien
1 participant indépendant
2010-2014 : Code d’honneur pour
19 membres garantir une certaine
7 délégués de l’Alliance du 14-Mars retenue dans les médias
7 délégués de l’Alliance du 8-Mars et les discours politiques
5 participants indépendants
- En juin 2012, Najib Mikati remplace Saad Hariri
Déclarations conjointes
au poste de Premier ministre.
- Tantôt boycottées par le chef des Forces libanaises,
Samir Geagea (à partir de juin 2012), tantôt par
les membres de l’Alliance du 14-Mars (juillet 2012),
tantôt par certains partis de l’Alliance du 8-Mars,
y compris le Hezbollah (mars 2014).

14 19

Sept. 2008-mai 2014 Jusqu’au 24 mai 2014

273
Manuel de dialogue national

Mali
Dans un contexte marqué par la rébellion armée, le coup d’État contre
le président Moussa Traoré en mars 1991 et la chute de la deuxième
République, les acteurs de la société civile malienne issus du mouvement
démocratique ont forcé le régime à engager le dialogue, mais sans
succès. La violence a pris de l’ampleur et une partie de l’armée s’est
insurgée, créant, en collaboration avec les acteurs de la société civile, le
Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP), duquel a été issu un
gouvernement de transition. Le CTSP a adopté l’Acte fondamental de 1991,
octroyant le statut d’assemblée souveraine à la Conférence nationale.

Cette dernière avait pour objectifs de rédiger une nouvelle constitution et


de réformer la nation. Conçue à la fois comme un outil de gestion de crise
et un instrument de changement fondamental, elle a donné naissance à
une nouvelle constitution adoptée par référendum en 1992, et mis en place
une importante réforme en matière de décentralisation.

À l’exception notable de l’ancien parti au pouvoir, exclu de toutes les


délibérations, la Conférence nationale s’est démarquée comme étant très
inclusive et diversifiée. Elle a vaillamment traité de l’état de la nation et
garanti la liberté d’expression pendant la Conférence, dans l’optique réelle
de réformer et de démocratiser l’État. La qualité de son organisation a
toutefois été critiquée, le peu de temps imparti ne permettant de traiter que
de façon superficielle certaines questions politiques et institutionnelles.

La Conférence nationale du Mali

Création d’une Commission Fin de


Chute de la deuxième de consultation préliminaire la Conférence
République (décret n° 91-19) nationale

26 mars 1991 31 mars 1991 28 avr. 1991 29 juill. 1991 12 août 1991 25 févr. 1992

L’Acte fondamental Début de Adoption de


n° 1/CTSP crée la la Conférence la nouvelle
Conférence nationale nationale Constitution

274
Mali

Conférence nationale du Mali

Durée 2 semaines (29 juill.-12 août 1991)

Rédiger une nouvelle constitution, adopter un nouveau code électoral,


Objectif adopter une charte des partis politiques, discuter de l’état de la nation

Mandaté par l’Acte fondamental n° 1/CTSP de 1991, qui a octroyé


Mandat le statut d’assemblée souveraine à la Conférence nationale.

Les participants devaient être de nationalité malienne, âgés d’au moins


Participation 18 ans, jouir de tous leurs droits civiques, ne jamais avoir été condamnés
et critères pour une infraction grave et ne pas s’être activement opposés au processus
démocratique. Une Commission de vérification des mandats a passé en
de sélection revue la liste officielle des participants.

Le Présidium, composé de dix membres et dirigé par Amadou Toumani


Coordination Touré, a reçu pour mission de piloter le travail de la Conférence nationale.

Soutien Le processus n’a bénéficié d’aucun soutien international ; il a été


entièrement dirigé à l’échelle locale.
international

La Constitution malienne a été adoptée par voie de référendum le


25 février 1992. Des réformes en matière de décentralisation créant
Résultats 703 communes locales et autorisant l’élection de représentants locaux ont
été appliquées. Une élection présidentielle a été organisée en avril 1992.

Aucun membre de l’ancien parti unique au pouvoir n’a participé à


la Conférence nationale.

Le calendrier serré a posé des difficultés et certaines questions n’ont


donc pu être abordées que de façon superficielle.

Défis/ensei- Le processus, initié à Bamako et principalement composé de délégués


gnements tirés issus de milieux urbains, a également été critiqué pour son approche
descendante.

Enfin, l’absence de mécanismes de suivi et d’évaluation a posé


problème, empêchant le respect et la mise en œuvre de certaines
recommandations, pourtant contraignantes.

275
Manuel de dialogue national

Conférence nationale du Mali, 1991

Adopter une
Rédiger un projet Adopter un Discuter de l’état
OBJECTIF charte des partis
de constitution code électoral de la nation
politiques

Acte fondamental prévoyant L’Acte fondamental n° 1/CTSP du 31 mars 1991 octroie


l’adoption d’une nouvelle consti- le statut d’assemblée souveraine à la Conférence
MANDAT
tution et l’établissement d’un nationale devant être convoquée par le Comité de
gouvernement de transition transition pour le salut du peuple (CTSP).

Les décisions de la Conférence nationale étaient contraignantes. Elle s’est dotée de règles
procédurales précises. L’article 5 des Règles procédurales a également établi que les
participants ne pouvaient à aucun moment, pendant ou après la Conférence nationale, être
PRINCIPES poursuivis ou faire l’objet de procédures judiciaires en raison des opinions qu’ils auraient
exprimées. C’est ainsi qu’a été établi le principe de liberté d’expression. L’un des principes
informels sous-tendant la Conférence nationale a été le soutien apporté au processus
démocratique par tous les groupes et mouvements politiques représentés.

PRISE DE
À la majorité simple des personnes présentes.
DÉCISIONS

La Conférence nationale a abordé différents problèmes, notamment :

PROGRAM- Mise en place d’un État de droit, d’une démocratie participative et représentative,
ME ET d’un système véritablement multipartite et d’institutions durables
QUESTIONS
CENTRALES
Adoption d’une politique de décentralisation, instauration de la démocratie locale
et création de forums de dialogue intercommunautaire


Les délégués ont fait appel aux voies de communication tant officielles que privées pour
CONSUL-
publier les objectifs et les actes de la Conférence nationale (télévision, radio et presse
TATION
locale et internationale).
PUBLIQUE
Un référendum populaire visant à adopter la nouvelle Constitution a été organisé en 1992.

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS



Comité de transition pour le salut Assemblée plénière
du peuple (gouvernement de transition Présidium
à l’origine de la Conférence nationale) 
Quatre commissions de travail, chacune
STRUCTURE

Commission de consultation dirigée par un bureau (Commission
préliminaire constitutionnelle, Commission Code

Commission de vérification des électoral, Commission Charte des partis
mandats politiques et Commission État de la nation)

276
Mali

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

132 237
Membres du comité Autres
d’organisation

126
77
Représentants
Maliens vivant
de la presse
à l’étranger

Nombre total : 118


env. 1 500 Délégués des
comités régionaux
de coordination
467
Délégués d’associations

135
Délégués de
125 cercles politiques
Délégués de partis politiques

Source : Actes de la Conférence nationale malienne, 20 août 1991

PARTICULARITÉS

Ouverture.
La Conférence nationale de 1991 représente le forum national de dialogue le plus ouvert et
le plus démocratique depuis l’indépendance du pays en 1960.

Transformation radicale.
La Conférence nationale a été érigée en assemblée souveraine dont les décisions étaient
contraignantes. Elle a donné lieu à une réorganisation radicale des institutions et à la
naissance d’une nouvelle république.

Inclusion.
L’organisation de la Conférence a suivi une approche participative ; la nouvelle Constitution
a dû être adoptée par le biais d’un référendum public. Parmi les participants se trouvaient
des représentants des nouveaux partis politiques, de groupes de femmes, d’étudiants et
de paysans, de groupes religieux et de syndicats.

277
Manuel de dialogue national

Conférence nationale malienne, 1991


Objectif : discuter de l’état de la nation, élaborer un projet de constitution, adopter un code électoral,
adopter une charte des partis politiques

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS

COMITÉ DE TRANSITION
POUR LE SALUT DU PEUPLE
(GOUVERNEMENT PROVISOIRE)

Mandat :
Coordonner la préparation et
organiser la Conférence nationale, PRÉSIDIUM
puis lui soumettre le projet de
constitution Mandat :
Piloter le travail de la Conférence
nationale. Il a supervisé l’application
des règlements internes, maintenu
l’ordre et la discipline, dirigé les débats,
COMMISSION DE CONSULTATION annoncé l’ouverture et la clôture des
PRÉLIMINAIRE séances et appelé au vote.

Mandat : Composition :
Conseiller le Premier ministre Président Amadou Toumani Touré et
sur le choix des participants, 9 vice-présidents
l’organisation et la gestion

COMMISSION DE VÉRIFICATION
DES MANDATS

Mandat :
Passer en revue la liste officielle
des participants.

1 500

Mars-juill. 1991

278
Mali

Structure

PHASE DE MISE
EN ŒUVRE
ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

Mandat : Rédiger une nouvelle constitution.

La Conférence nationale est une assemblée


souveraine dont les décisions sont contraignantes.

Vote : à la majorité simple

Composition
1 500 participants inscrits (jusqu’à 1 800 participants
réels d’après certains rapports), y compris des
représentants des nouveaux partis politiques,
de groupes de femmes, d’étudiants et de paysans,
de groupes religieux et de syndicats

Nouvelle Constitution adoptée


par référendum populaire
le 25 février 1992

Mise en œuvre de la
4 COMMISSIONS DE TRAVAIL THÉMATIQUES : réforme en matière de
décentralisation, création de
703 communes, élection de
Commission Commission Commission Commission 10 000 fonctionnaires locaux
constitution- Code électoral Charte des par- État de la
nelle tis politiques nation Création d’une démocratie
multipartite suite à l’adoption
d’une Charte des partis
Chaque commission est dirigée par un bureau. politiques

Composition : Président, vice-président, rapporteur, secrétaire

Le public a été informé et sensibilisé sur l’objet


et les actes de la Conférence nationale par
différentes voies.

29 juill.-12 août 1991 25 févr. 1992

279
Manuel de dialogue national

Népal
Bien que le processus de paix au Népal ne soit pas considéré par la majorité comme
un dialogue national, les différents mécanismes de dialogue avec la société civile et
de négociations multipartites utilisés à différents niveaux constituent un exemple
intéressant. Le processus est généralement entendu comme étant endogène, et dirigé
et géré à l’échelle nationale.
L’objectif général poursuivi par les négociations bilatérales, les négociations
multipartites et le dialogue avec la société civile était le suivant : rétablir la paix
et la stabilité en mettant fin à dix ans de guerre civile entre, d’une part, le Parti
communiste du Népal (maoïste), le CPN-M, et d’autre part, le gouvernement népalais.
Ces négociations et discussions visaient par ailleurs à rééquilibrer les rapports de
force sociopolitiques et le système économique du pays, par l’adoption d’une nouvelle
constitution. Le processus de paix était composé des éléments suivants :

Initiative de dialogue exploratoire (2000)


Structure de dialogue informelle/filet de sécurité : plusieurs initiatives de la

société civile ont soutenu et complété le processus de paix officiel. L’Initiative
NTTP (« Nepal Transition to Peace », 2005-présent) a joué un rôle important et
sera considérée comme un exemple.
Structure officielle au service de la paix : Secrétariat pour la paix, composé

du Comité de haut niveau pour la paix établi en 2004 et, à partir de 2007, du
ministère de la Paix et de la Reconstruction
Séries officielles de négociations en 2001, 2003 et 2006

Mouvement du peuple pour la démocratie/Jana Andolan II (avril 2006)

Deux Assemblées constituantes (mai 2008-mai 2012 et nov. 2013-sept. 2015)

Grâce à ces efforts de paix, la guerre civile a pris fin en 2006, et une nouvelle
constitution a été adoptée en 2015, faisant du Népal une république fédérale laïque
fondée sur un système parlementaire bicaméral. Comme pour les autres processus
décrits ici présentant un degré de complexité équivalent et s’étalant sur une période
comparable, la présentation du processus dans son ensemble dépasserait la portée
de cette fiche pays. C’est pourquoi seule la phase préalable à l’adoption de l’Accord de
paix global (2000-2006) sera détaillée ici.

Processus de paix au Népal


Dialogue 1re série de 3e série de Lancement 2e série de 1re Assemblée 2e Assemblée
exploratoire négociations négociations de la NTTP négociations constituante constituante
Fin de
la guerre civile

2000 2001 2003 2005 2006 2008-2012 2013-2015

Création d’une structure officielle au service de la paix

Initiative NTTP (« Nepal Transition to Peace »),


structure informelle de dialogue
280
Népal

Négociations et dialogue avec la société civile au Népal

6 ans (2000-2006)
Cette période englobe les processus de négociation et de dialogue qui ont
Durée mené à la signature de l’Accord de paix global. La nouvelle Constitution n’a
toutefois été adoptée qu’en 2015.

Mettre un terme à dix ans de guerre civile et transformer le système social


Objectif et économique.

En ce qui concerne les pourparlers de paix de 2006, plusieurs documents


Mandat signés par l’Alliance des sept partis et le CPN-M ont jeté les bases du
processus (Accord en 12 points, Accord en 8 points, Code de conduite, etc.).

Le mouvement populaire non violent (Jana Andolan II, 6-24 avril 2006), lancé
par l’Alliance des sept partis, appuyé par les maoïstes et très suivi, a permis
de mettre un terme à la guerre civile maoïste, et a exercé une pression
considérable sur toutes les parties au conflit afin qu’elles lancent la dernière
série de négociations de paix officielles.
Participation
et critères de Les délégations des parties au conflit (gouvernement/roi et CPN-M en 2001
et 2003, gouvernement dirigé par l’Alliance des sept partis et le CPN-M en
sélection 2006), et parfois seulement leurs dirigeants, ont participé aux négociations
officielles. Les nombreuses initiatives de la société civile, parmi lesquelles
le mécanisme informel de dialogue, la NTTP, ont réussi à exprimer leur point
de vue sur certains points litigieux, favorisant ainsi la participation indirecte
de la population aux pourparlers officiels exclusifs.

Les deux facilitateurs issus de la société civile Daman Nath Dhungana


et Padma Ratna Tuladhar ont participé à toutes les séries officielles de
Coordination négociations, ainsi qu’à l’espace de dialogue informel mis à disposition par
la NTTP. D’autres facilitateurs ont pris part aux séries de négociations de
2003 et 2006.

L’Inde a procédé à une coordination officieuse dans le cadre de l’Accord


en 12 points.
Le processus de paix a bénéficié d’un soutien technique et financier
Soutien de la part de plusieurs États ainsi que de certaines ONG nationales et
international internationales, mais a globalement été perçu comme un processus
étant dirigé et géré à l’échelle nationale.
La mission des Nations Unies au Népal (UNMIN) a été déployée après
l’adoption de l’Accord de paix global, entre 2007 et 2011.

Le dialogue national au Népal a notamment donné lieu à la signature de


Résultats l’Accord de paix global le 21 novembre 2006.

Les négociations officielles, qui ont rassemblé les délégations du


gouvernement (appuyées par le roi jusqu’en février 2005), du CPN-M et (en
Défis/ensei- 2006) de l’Alliance des sept partis, n’étaient ni inclusives (notamment en ce
gnements tirés qui concerne les acteurs de la société civile) ni bien structurées. La plupart
des séries de négociations ont pris place de façon ponctuelle et certains
détails de poids, qui revêtaient également une certaine importance pour
la phase de mise en œuvre, ont été omis.
281
Manuel de dialogue national

Négociations et dialogue avec la société civile au Népal,


2000-2006
Rétablir la paix et la stabilité Rééquilibrer les rapports de force sociopolitiques
OBJECTIF (en mettant un terme à la et le système économique du pays (par l’adoption
guerre civile) d’une nouvelle constitution)

Processus de négociations
Initiative de dialogue
MANDAT et de dialogue formels et Assemblées constituantes
exploratoire
informels

Les délégations du gouvernement et du CPN-M étaient chacune représentées par 4 à


PRISE DE 6 membres; si elles n’arrivaient pas à trouver un terrain d’entente sur une question donnée,
DÉCISIONS leurs principaux dirigeants se réunissaient pour résoudre les problèmes. Une fois conclu
un accord de principe, les délégations en fixaient les détails.

Négociations de paix officielles


Entre autres :

Partage du pouvoir Rédaction Abolition de la Intégration des


et mise en place d’un d’une monarchie et création maoïstes dans
nouveau système de nouvelle d’une république l’Armée nationale
PROGRAM- gouvernance constitution démocratique et gestion des armes
ME ET
QUESTIONS Initiatives informelles de la société civile, y compris la NTTP
CENTRALES
Étudier la Trouver un terrain d’entente, Servir de filet de
Permettre
possibilité de proposer des solutions, sécurité/mécanisme
aux partis
mettre en place conseiller (de façon formelle de sortie d’impasse
d’assouplir
des pourparlers et informelle) les grands lors des négociations
leur position
de paix dirigeants de paix officielles

Bien que la société civile ait joué un rôle essentiel dans la réussite du mouvement populaire
d’avril 2006, sa mission au sein des négociations et du dialogue s’est résumée à une
fonction d’appui. Les négociations constituaient un processus descendant et exclusif, les
CONSUL-
grandes questions d’intérêt public faisant souvent l’objet d’une décision par un nombre
TATION
restreint de personnes. Les équipes de négociation n’étaient pas non plus inclusives (p. ex.,
PUBLIQUE
exclusion d’importants groupes sociétaux). Si les grandes lignes du mandat ont été définies
par le mouvement populaire participatif, avec le soutien de la société civile, des précisions
importantes ont été négociées par les diverses parties, voire par leurs dirigeants.

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS



Initiative de dialogue 
Initiatives informelles de la société civile,
STRUCTURE exploratoire y compris la NTTP
Négociations bilatérales officielles (2001 et 2003)
Négociations multipartites (2006)

282
Népal

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

Négociations de paix bilatérales


en 2001 et 2003 :
Gouvernement (soutenu par le roi) et CPN-M
(4 à 6 délégués chacun)

Négociations de paix multipartites


en 2006 :
Gouvernement dirigé par l’Alliance des sept partis
et le CPN-M (l’Alliance étant constituée des
partis suivants : Congrès népalais, Congrès
népalais [démocratique], Parti communiste
du Népal [marxiste-léniniste unifié],
Parti des travailleurs et des paysans du Népal,
Parti népalais de la bonne volonté [Anandidevi],
Front uni de gauche, Front populaire du Népal)

Initiative NTTP (« Nepal Transition to Peace »)


La représentation politique au sein de la NTTP
était principalement de niveau secondaire,
mais comprenait souvent aussi des membres
des délégations formelles et des personnalités
politiques haut placées. L’envergure et
la composition de la NTTP variait
en fonction des besoins.

PARTICULARITÉS

Un processus géré et dirigé par le pays.


L’ensemble du processus de paix au Népal a été géré à l’échelle nationale, et c’est ainsi que
le public l’a perçu. La communauté internationale a soutenu certains mécanismes, en toute
discrétion, à l’aide de fonds et d’une expertise spécifique.

Liens entre les différents niveaux.


Dans le contexte du Népal, il convient particulièrement de noter que les processus officiel
et informel de dialogue et de négociation ont entretenu des rapports plutôt étroits, grâce
notamment aux chevauchements entre les membres des délégations et au recours aux
mêmes facilitateurs. Les deux facilitateurs principaux ont obtenu l’aval de toutes les parties
et, grâce à leurs antécédents, ont donné une certaine légitimité à la société civile au sein
d’un processus formel plutôt exclusif.

Des négociations exclusives mais un processus constitutionnel inclusif.


Si les négociations de paix ont exclusivement eu lieu entre les deux principales parties au
conflit (le gouvernement et le CPN-M et, à partir de 2006, l’Alliance des sept partis et le
CPN-M), les deux Assemblées constituantes qui ont suivi ont quant à elles été conçues comme
des organes très inclusifs représentant la quasi-totalité du spectre de la société népalaise.

283
Manuel de dialogue national

Négociations et dialogue avec la société civile au Népal, 2000-2006


Objectif : rétablir la paix et la stabilité, et rééquilibrer le système social, politique et économique

PHASE DE PHASE DE PROCESSUS


PRÉPARATION COMITÉ DE HAUT NIVEAU POUR LA PAIX
(Créé en août 2004 par le gouvernement, dissous après la prise
des pleins pouvoirs par le roi le 1er février 2005)

Mandat : Faciliter la reprise du processus de paix

Présidence : Premier ministre Sher Bahadur Deuba

Composition : Dirigeants des différents partis politiques et membres


importants du cabinet

SECRÉTARIAT POUR LA PAIX


(Créé en août 2004 par le gouvernement, actif après la dissolution
du Comité de haut niveau pour la paix)

Fonctions :
Soutenir le Comité de haut niveau pour la paix et son sous-comité
NÉGOCIATIONS de consultation et de coopération ; appuyer l’institutionnalisation
MULTIPARTITES du processus de paix.
Organiser les pourparlers de paix et la mise en œuvre des résultats
Mandat : en coopération avec le gouvernement ; formuler un plan d’action
Premières discussions relatif aux pourparlers de paix.
informelles entre les Maintenir la communication et entretenir les relations avec
parties, portant sur les organismes étrangers.
leur volonté de dialoguer
et d’organiser une Composition : Secrétaire, co-secrétaire et autres fonctionnaires
première rencontre déployés par le gouvernement
entre les dirigeants
des principales parties
STRUCTURE DE DIALOGUE INFORMELLE
au conflit (« Discuter
De nombreuses initiatives informelles de la société civile, parmi
des discussions »)
lesquelles la NTTP, ont appuyé le processus formel de paix et fourni
un filet de sécurité.
Composition :
Un négociateur chacun INITIATIVE NTTP (« NEPAL TRANSITION TO PEACE ») (2005-présent)
pour le gouvernement
et pour le CPN-M, et Mandat :
un facilitateur Étudier et favoriser la possibilité de mettre en place des pourparlers
de paix et fournir un espace informel de dialogue pour trouver un
terrain d’entente et proposer des solutions.

Structure :
- Forum de la NTTP
- Groupes thématiques (jeunes dirigeants politiques, femmes,
Madheshis, Janajatis, Dalits)
- Groupes de dialogue infranationaux

Composition :
Chefs des principaux partis politiques (forum) et membres influents
de leur communauté respective issus de tous les partis et de la société
civile (groupes thématiques)
3

2000

284
Népal

Structure

PHASE DE MISE EN ŒUVRE


PREMIER ET SECOND CYCLES
DE NÉGOCIATIONS (2001 et 2003)

Mandat :
Mettre un terme à la guerre entre
le gouvernement/le roi et le CPN-M
Trois cycles de négociations
entre le gouvernement et le CPN-M

Coordination :
Deux à quatre facilitateurs et/ou témoins,
y compris Daman Nath Dhungana et
Padma Ratna Tuladhar
ASSEMBLÉE
CONSTITUANTE I
Composition :
Mai 2008-
Quatre à cinq hauts responsables
Mai 2012
du gouvernement et du CPN-M

NÉGOCIATIONS MULTIPARTITES Accord de paix ASSEMBLÉE


(2006) global et création CONSTITUANTE II
d’une infrastruc- Nov. 2013-
Mandat : ture nationale sept. 2015
Mettre un terme à la guerre civile pour la paix

Plusieurs cycles de négociations entre le
gouvernement dirigé par l’Alliance des sept
partis, le CPN-M et l’Alliance des sept partis

Coordination :
Deux à cinq facilitateurs/observateurs, y compris LA CONSTITUTION
Daman Nath Dhungana et Padma Ratna Tuladhar EST ENTRÉE
EN VIGUEUR LE
Composition : 20 SEPTEMBRE 2015
Le gouvernement et le CPN-M ont chacun formé
une équipe de négociation composée d’un chef
et de deux membres

10-17

Août 2001-nov. 2006 21 nov. 2006 Mai 2008-sept. 2015

285
Manuel de dialogue national

Pologne
Les négociations de la Table ronde en Pologne ont pris place suite à la
hausse des tensions sociales provoquées par la situation économique
déplorable et la répression politique. Si la pression exercée sur le régime
était de plus en plus forte, en raison notamment des revendications
pour une plus grande liberté (1956) et des émeutes liées à la hausse
des prix de l’alimentation (1970), les manifestations se sont intensifiées
avec les grèves sur le chantier naval de Gdansk, la création du syndicat
indépendant Solidarność en 1980 et la déclaration de la loi martiale entre
1981 et 1983, sur fond de déclin du communisme en Europe. L’opposition
cherchait à légaliser Solidarność ainsi que d’autres associations interdites
et à avancer certaines réformes économiques, tandis que le gouvernement
essayait de son côté de maintenir le contrôle tout en apaisant le climat
de crise morale et politique. Les discussions ont d’abord été lancées sous
forme de mécanisme de gestion de crise pour ensuite se transformer en
pourparlers sur l’établissement d’un nouveau contrat social.

Cette Table ronde a ouvert la voie à la légalisation de Solidarność et


d’autres organisations interdites, ainsi qu’à l’organisation d’élections
partiellement libres en 1989, ce qui a entraîné la chute du communisme
puis une transition démocratique.

Le processus s’est distingué par son ouverture : les dirigeants de


l’opposition ont en effet organisé des consultations publiques sur leurs
propositions afin de renforcer leur pouvoir de négociation et leur légitimité,
et les discussions ont été diffusées dans les médias afin de garantir la
légitimité du processus. Le gouvernement n’a accepté de participer aux
négociations que parce qu’il croyait, à tort, qu’il était suffisamment fort
pour conserver le pouvoir. Une fois les discussions lancées, le programme
des négociations a dépassé les intentions des deux parties. Quant aux
enseignements à retenir, les pourparlers ont mis en exergue l’efficacité
redoutable des petits groupes et sous-groupes de travail ; l’Assemblée
plénière ne s’est réunie que pour l’ouverture et la clôture des débats.

Avènement et issue des négociations de la Table ronde en Pologne

Premières discussions Réaffirmation de la volonté de Clôture de la Table ronde,


suite aux grèves de Gdansk/ négocier et établissement des règles signature des Accords de
déclaration de la loi martiale fondamentales de la Table ronde la Table ronde

1981 1988 Janv. 1989 Févr. 1989 Avr. 1989 Juin 1989

Lech Wałęsa rencontre le ministre Ouverture de Élections


de l’Intérieur ; les premières la Table ronde partiellement
négociations sont lancées. libres

286
Pologne

Négociations de la Table ronde en Pologne

Durée 2 mois (6 févr.-5 avr. 1989)

Initialement, l’objectif restreint était de négocier la légalisation de Solidar-


Objectif ność et de se mettre d’accord sur des réformes économiques pratiques afin
d’apaiser la crise économique, morale et politique qui gagnait du terrain
dans le pays.

L’organisation de la Table ronde a été précipitée par la crise économique et les


manifestations populaires, ainsi que par une prise de conscience progressive
Mandat de la part des deux parties que la négociation était le seul moyen d’aller
de l’avant. Le Politburo a finalement octroyé au général Jaruzelski un vague
mandat pour négocier avec l’opposition.

La coalition gouvernementale et Solidarność/l’opposition ont tous deux


dépêché 55 délégués aux négociations de la Table ronde, auxquelles ont
également pris part trois observateurs de l’Église catholique. Du côté du
gouvernement, les négociateurs en chef étaient nommés par les quatre prin-
Participation cipaux dignitaires du parti, qui ont ensuite formé leurs équipes à partir de
et critères listes approuvées par le parti. Du côté de Solidarność, Lech Wałęsa a nommé
de sélection trois négociateurs en chef, qui ont ensuite composé leurs propres équipes.
ZSL et SD, deux partis satellites, ont nommé leurs propres délégués, de
même qu’OPZZ (un syndicat soutenu par l’État, fondé pour remplacer Solidar-
ność après son interdiction en 1981), qui ne souhaitait pas, dans un premier
temps, participer aux négociations.

Le processus n’a pas fait l’objet de coordination officielle, mais l’Église ca-
tholique a joué un rôle important en rassemblant les parties et en maintenant
le cap des négociations. Plusieurs réunions de haut niveau organisées dans
Coordination une villa de Magdalenka ont permis de sortir des impasses dans lesquelles
se sont retrouvés les groupes de travail (les principaux dirigeants des deux
parties n’ont pas participé à la Table ronde).

L’ensemble du processus a été géré localement, mais l’augmentation des


Soutien aides et l’imposition par l’Ouest de conditions aux prêts ont poussé le gou-
international vernement communiste à mettre en œuvre de véritables réformes. Les chefs
d’État de l’Ouest ont manifesté leur soutien à Solidarność et à l’opposition.

Légalisation de Solidarność et d’autres associations interdites en vertu de


la loi martiale ; conclusion d’un accord sur plusieurs enjeux économiques et
sociaux ; organisation d’élections libres (35 % des sièges dans la chambre
Résultats basse et la totalité des sièges de la toute nouvelle chambre haute) en 1989 ;
mise en place d’une présidence dotée d’importants pouvoirs exécutifs et élue
par les deux chambres de l’Assemblée nationale, autant de changements qui
ont porté l’opposition au pouvoir et entraîné la formation d’un gouvernement
démocratique.

L'un des principaux défis a tenu au fait que les négociations ont été per-
çues comme un consensus de l’élite, certaines décisions sur d’importantes
Défis/ensei- questions étant souvent prises ailleurs par les principaux dirigeants. Crai-
gnant pour sa pertinence politique, l’OPZZ a essayé à plusieurs reprises de
gnements tirés saboter les discussions en raison de son désaccord avec l’un des résultats
escomptés : la légalisation de Solidarność. La formation de petits groupes
et sous-groupes de travail thématique a prouvé son efficacité et favorisé une
négociation technique détaillée.
287
Manuel de dialogue national

Négociations de la Table ronde en Pologne (1989)

Légaliser Solidarność
Négocier l’adoption Négocier un nouveau contrat social
et d’autres associations
OBJECTIF de réformes (nouvel objectif qui a émergé pendant
interdites en vertu de la loi
économiques les négociations)
martiale (1981)

Crise économique Les deux parties ont compris Le Politburo a octroyé au général
MANDAT et soulèvements que la négociation était le seul Jaruzelski un mandat pour négo-
populaires moyen d’aller de l’avant. cier avec l’opposition.

Avant le début des négociations, les parties se sont mises d’accord sur deux principes directeurs :
Solidarność et les autres associations ne pouvaient qu’être légalisées (et non « relégali-
sées », ce qui serait revenu à admettre que le gouvernement avait commis une erreur),
PRINCIPES et les délégués ne reviendraient pas sur le passé, puisque cela pouvait s’avérer source de
divisions.
Dans la pratique, les deux parties ont également appliqué un principe informel : résoudre
les impasses au sein des groupes de travail par le biais de négociations de haut niveau
tenues ailleurs.

Sortie de l’impasse grâce à des 11 réunions de ce type


Groupes de travail : réunions informelles entre les ont eu lieu ; elles ont
PRISE DE travaillent sur la principaux dirigeants des deux encouragé la recherche
DÉCISIONS base de compromis parties (modérées par deux d’un compromis et défini
et de concessions représentants de l’Église) qui l’orientation des futures
ont été tenues ailleurs. tables rondes principales

Dans l’objectif général de légaliser Solidarność et d’autres associations et de négocier


l’adoption de réformes économiques techniques, les questions abordées ont été regrou-
pées comme suit :
PROGRAM- Pluralisme Réformes Réformes systémiques et réforme des
ME ET syndical politiques politiques sociales et économiques
QUESTIONS
CENTRALES En ce qui concerne les deux dernières catégories de questions, ce sont des groupes de
travail restreints qui ont discuté de certaines sous-thématiques telles que les réformes
juridiques et judiciaires, la politique médiatique, l’éducation, les collectivités locales et
l’exploitation minière.

Le processus était très ouvert, principalement du côté de Solidarność et de l’opposition,


leurs dirigeants organisant des réunions dans des théâtres ouverts au grand public. Lors
de ces rassemblements, ils présentaient leurs propositions au public et lui demandaient
CONSUL-
son opinion, ce qui a sans doute permis de renforcer à la fois leur pouvoir de négociation
TATION
dans les discussions, mais aussi leur légitimité aux yeux de la population.
PUBLIQUE
Les négociations étaient elles-mêmes ouvertes, avec la tenue de conférences quoti-
diennes et de déclarations télévisées. Une part des négociations, y compris l’assemblée
plénière de conclusion, a même été entièrement retransmise.

PHASE DE PROCESSUS PHASE DE MISE


Table ronde plénière (ouverture et clôture des négociations) EN ŒUVRE
3 groupes de travail (1. Pluralisme syndical ; 2. Réformes poli- Commission sur
tiques ; 3. Réformes systémiques et réforme des politiques sociales les Accords de
STRUCTURE
et économiques) – création de 11 sous-groupes de travail chargés la Table ronde
des négociations dans le cadre des groupes de travail 2 et 3
Réunions de haut niveau en vue de sortir de l’impasse, organisées
dans une villa de Magdalenka (11 au total)

288
Pologne

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

Nombre total : 58 en plénière (personnalités politiques, dirigeants syndicaux, intellectuels,


associations d’étudiants, Église catholique)
3 29
Observateurs de l’Église Délégués de
catholique la coalition
gouvernementale,
représentant le parti
au pouvoir PZPR
et ses deux partis
26
de coalition, le Parti
Délégués de Solidarność Nombre total : 58 paysan unifié (ZSL)
et autres membres de
et le parti démocra-
l’opposition, y compris
tique (SD), ainsi que
8 à 9 personnes du syndicat
le syndicat national
lui-même, représentants
OPZZ (Alliance panpolo-
d’associations professionnelles
naise des syndicats)
et artistiques indépendantes,
et conseillers

PARTICULARITÉS

Un processus axé sur la légitimité.


Les négociations de la Table ronde accordaient une grande importance à l'opinion du public
concernant leur légitimité, afin d’éviter que celui-ci ne croie à des débats issus d’un
consensus au sein de l’élite et d’assurer le soutien populaire à l’accord final.

Expansion du programme.
Le programme s’est largement développé une fois les discussions engagées, passant de la
simple gestion de la crise à la négociation d’un changement fondamental sur le plan politique
et à la recherche d’un nouveau contrat social. L’un des deux objectifs principaux (négociation
des réformes économiques techniques) n’a guère abouti, contrairement aux négociations
relatives à un nouveau contrat social, qui ont, quant à elles, largement porté leurs fruits.

Rôle de l’Église.
L’Église catholique a joué un rôle très important dans la coordination du dialogue entre les
deux parties. Elle a assisté à toutes les réunions, même à celles de haut niveau organisées
entre les principaux dirigeants. Elle n’était pas considérée comme impartiale mais a été
acceptée par les deux parties.

Une opposition solidaire, un gouvernement fragmenté.


Le nombre relativement surprenant de concessions accordées par le gouvernement s’explique
en partie par le fait que ce dernier se trouvait face à une opposition unie née d’un mouvement
qui existait au préalable, alors qu’il souffrait lui-même d’une fragmentation croissante.

Des discussions très approfondies.


L’organisation de négociations approfondies a été facilitée et la confiance instaurée grâce à
l’organisation de débats, non pas sous forme de plénière, mais au contraire au sein de tables
rondes et de sous-tables rondes spécifiquement consacrées à certains sujets.

289
Manuel de dialogue national

Négociations de la Table ronde en Pologne (1989)


Objectif : légalisation de Solidarność et réformes pratiques (principalement dans le domaine économique) ;
nouveau contrat social

PHASE DE PHASE DE PROCESSUS


PRÉPARATION
VILLA À MAGDALENKA
11 réunions organisées pendant
les deux semaines de négociations

Mandat :

Procéder à des négociations sur les ques-
tions les plus délicates afin de sortir des
impasses paralysant les groupes de travail
SÉRIE DE

Décider de la composition et du programme
RÉUNIONS
des groupes
PRÉPARATOIRES
Composition :
Mandat :
44 principaux dirigeants des deux parties
Préparer les
négociations,
établir des règles
de base

en
ca
sd
’im
TABLE RONDE PLÉNIÈRE

pa
Seules deux réunions plénières officielles,

ss
e
le 6 février et le 5 avril, respectivement au
début et à la toute fin du processus

Coprésidence : Président de Solidarność Lech


Wałęsa et Premier ministre Czesław Kiszczak

Composition :
58 délégués :
29 de la coalition gouvernementale
26 de Solidarność et de l’opposition
3 observateurs (Église catholique)

200

Fin 1988-27 janv. 1989

290
Pologne

Structure

PHASE DE MISE
EN ŒUVRE
TABLE RONDE PRINCIPALE I
ACCORDS DE LA TABLE
« PLURALISME SYNDICAL »
RONDE
Mandat : Signés le 4 avril 1989
Légalisation de Solidarność Légalisation des associa-
tions interdites (parmi
Présidence : 1 membre du gouverne- lesquelles Solidarność)
ment, 1 membre de l’opposition Organisation d’élections
Composition : législatives partiellement
36 négociateurs : 14 membres de libres
Solidarność, 22 du gouvernement ; Formation d’un Sénat-
17 experts participant à des démocratiquement élu
groupes de travail restreints Présidence : nouvelle-
TABLE RONDE PRINCIPALE II ment instituée, dotée
« RÉFORMES POLITIQUES » d’importants pouvoirs
exécutifs
Mandat : Accord sur un certain
À l’origine, sur les conditions dans nombre de solutions
lesquelles Solidarność pouvait économiques et
participer aux élections sociales
Assouplissement
Présidence : 1 membre du gouver-
de la censure
nement, 1 membre de l’opposition

Composition : COMMISSION
40 négociateurs : 18 issus SUR LES ACCORDS
de Solidarność et 22 du DE LA TABLE RONDE
TABLE RONDE PRINCIPALE III gouvernement
« RÉFORMES SYSTÉMIQUES ET Mandat :
RÉFORME DES POLITIQUES Évaluer la mise en
SOCIALES ET ÉCONOMIQUES » œuvre de l’accord
Arbitrer les litiges
Mandat : Décider des modalités 11 SOUS-TABLES ET à venir
précises d’une réorganisation de la GROUPES DE TRAVAIL
vie publique (pacte anti-crise)
Mandat : Composition :
Présidence : 1 membre du Discuter des réformes pratiques Membres de la Table
gouvernement, 1 membre de concernant différentes questions, ronde et des « autres
l’opposition y compris les réformes juridiques groupes concernés »
Composition : et judiciaires, la politique média-
46 négociateurs : 24 issus tique, l’éducation, les collectivi-
de Solidarność et 22 tés locales, l’exploitation
du gouvernement minière, etc.

6 févr.-5 avr. 1989 4 avr. 1989

291
Manuel de dialogue national

République centrafricaine
Depuis 2012, la République centrafricaine (RCA) est le théâtre de conflits
armés et de violences politiques intenses entre la Seleka, les forces
gouvernementales et les milices anti-balaka. Les combats ont finalement
conduit en 2013 à l’organisation d’un coup d’État par la Seleka, dirigée
par Michel Djotodia, contre le gouvernement de François Bozizé. En 2014,
alors que les hostilités se poursuivaient, Catherine Samba-Panza a été
nommée présidente par intérim par le Conseil national de transition de
la RCA, un organe ad hoc créé après l’accession au pouvoir de la Seleka.

En réaction à cette violence permanente, la présidente a pris des mesures


en vue de la reconstitution de forces nationales de sécurité et demandé un
soutien international en faveur de la réconciliation nationale. La création
du Forum national de Bangui, qui fait suite à la Conférence de Brazzaville
organisée en juillet 2014 en vue de la signature d’un cessez-le-feu (conduite
sous la médiation du président de la République du Congo, Denis Sassou-
Nguesso) et à l’organisation de consultations populaires en République
centrafricaine au cours du premier trimestre 2015, constitue la troisième
phase du processus de Brazzaville. Le Forum, composé de Centrafricains
de toutes régions et origines, avait pour objectifs de trouver des solutions
pérennes à des années d’instabilité politique récurrente dans le pays et
de définir un nouveau contrat social entre tous les segments de la société
centrafricaine grâce à des solutions consensuelles, générales et durables.

Processus de Brazzaville

1re phase 3e phase


Forum de réconciliation Forum national de Bangui
nationale inter-centrafricain (référendum républicain et Investiture du
de Brazzaville (Accord de accord de démobilisation, de président/première
cessation des hostilités) désarmement et de réinsertion) session parlementaire

Juill. 2014 Janv.-mars 2015 Mai 2015 Déc. 2015 Mars-mai 2016

2e phase Référendum constitutionnel


Consultations populaires et élections législatives et
présidentielles

292
République centrafricaine

Processus de dialogue politique et de réconciliation nationale


en République centrafricaine (Processus de Brazzaville)

1re phase : Forum de Brazzaville – 3 jours (21-23 juill. 2014)


Durée 2e phase : consultations populaires – 3 mois (janv.-mars 2015)
3e phase : Forum national de Bangui – 8 jours (4-11 mai 2015)

Rassembler des Centrafricains de toutes régions et origines afin


d’amorcer un dialogue sur la recherche et la promotion de solutions
Objectif durables pour remédier à des années d’instabilité politique récurrente
dans le pays.
Mener un processus de réflexion et de définition d’un nouveau contrat
social entre tous les segments de la société centrafricaine grâce à des
solutions consensuelles, générales et durables.

La Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC)


a confié le rôle de médiateur à Denis Sassou-Nguesso, président de
Mandat la République du Congo.Ce mandat a été réaffirmé par l’accord de cessation
des hostilités conclu lors du Forum de réconciliation nationale inter-
centrafricain de Brazzaville.

Le Processus de Brazzaville se décompose en trois phases.


1re phase : le Forum de réconciliation nationale inter-centrafricain
de Brazzaville (21-23 juill. 2014), qui comptait 170 participants
Participation 2e phase : consultations populaires (janv.-mars 2015) auxquelles ont
et critères participé environ 20 000 personnes
3e phase : le Forum national de Bangui (4-11 mai 2015), qui comptait
de sélection
600 à 700 représentants du gouvernement de transition, des partis
politiques nationaux, des groupes armés concernés, du secteur privé,
de la société civile, des chefs traditionnels et des groupes religieux

Consultations populaires : organisées par 28 équipes dirigées par


les ministres centrafricains
Coordination Forum national de Bangui : présidé par Abdoulaye Bathily, Représentant
spécial des Nations Unies pour l’Afrique centrale

Groupe international de contact sur la RCA (GIC-RCA ou « G8 »)


Soutien Assistance fournie par différentes organisations de soutien de la paix,
international dont le Centre for Humanitarian Dialogue (HDC), la Crisis Management
Initiative (CMI) et le United States Institute of Peace (USIP)

1re et 2e phases : accord de cessation des hostilités et rapport sur


les consultations populaires
3e phase (Forum national de Bangui) : « Pacte républicain pour la
Résultats paix, la réconciliation nationale et la reconstruction en République
centrafricaine » (Pacte républicain) et accords de désarmement des groupes
armés et de libération des enfants soldats

La notion d’État-nation est encore remise en cause par les groupes
Défis/ensei- politiques (armés) de la RCA, de même que ses fonctions
gnements tirés Écart considérable entre les mandats octroyés et les moyens de
mise en œuvre

293
Manuel de dialogue national

Processus de dialogue politique et de réconciliation nationale en


République centrafricaine (Processus de Brazzaville), 2014-2015
Mener un processus de réflexion et de
Amorcer un dialogue politique et promouvoir
définition d’un nouveau contrat social/
OBJECTIF des solutions durables pour remédier à des
d’une nouvelle constitution pour tous
années d’instabilité politique récurrente
les segments de la société centrafricaine

Mandat octroyé
Forum de réconciliation Consultations Forum national
par la CEEAC
MANDAT nationale inter-centrafricain populaires de Bangui
au médiateur
de Brazzaville (2014) (2015) (2015)
Sassou-Nguesso

Appropriation à l’échelle locale


PRINCIPES Respect des droits de l’homme et des principes et règles démocratiques
Engagement en faveur de l’unité, de la souveraineté et de l’indivisibilité de la RCA

PRISE DE La prise de décisions sur le Pacte républicain se fonde sur l’obtention d’un consensus entre
DÉCISIONS tous les participants.

Le programme du Forum national de Bangui et ses quatre ateliers thématiques étaient fondés
sur les résultats des consultations populaires :
PROGRAM-
ME ET
QUESTIONS Bonne Développement
CENTRALES Paix et sécurité Justice et réconciliation
gouvernance socio-économique

Les consultations populaires visaient à recueillir les points de vue et revendications de


la population centrafricaine concernant quatre domaines clés (paix et sécurité, justice et
réconciliation, bonne gouvernance et développement socio-économique) en préparation
CONSUL- de la troisième phase.
TATION Les différentes réunions organisées dans les nombreuses localités, convoquées par les
PUBLIQUE ministres de la RCA, étaient composées de 200 à plus de 1 500 participants issus de
la société civile et de différents groupes sociaux ou politiques. Les recommandations
principales ont fait l’objet de débats lors du Forum national de Bangui et ont été reprises
dans un rapport général.

1re phase 2e phase : 3e phase :


Forum national de Bangui

Forum de Consultations PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS


réconciliation populaires Comité de pilotage Présidium
STRUCTURE nationale inter- 
Commission de Assemblée générale
centrafricain de préparation 
Comité technique
Brazzaville d’organisation
Secrétariat technique
Quatre ateliers

294
République centrafricaine

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

1re phase 2e phase


Forum de réconciliation nationale Consultations populaires
inter-centrafricain de Brazzaville (janv.-mars 2015)
(21-23 juill. 2014) environ 20 000
170 Nombre total de participants.
Participants représentant Le nombre de participants va-
les autorités de transition riait par consultation entre 200
centrafricaines, les groupes et plus de 1 500 personnes,
armés, la société civile et représentatives des différents
les groupes religieux groupes ethniques, des jeunes
et des femmes dans leurs
localités respectives.

3e phase
Forum national de Bangui
(4-11 mai 2015)
600-700
Participants issus du gouvernement de transition,
des partis politiques nationaux, des groupes armés
concernés, du secteur privé, de la société civile,
des chefs traditionnels et des groupes religieux.
Dont près de 120 femmes provenant des 16 préfectures
du pays et représentant différents groupes religieux,
communautés et origines ethniques, y compris
la diaspora et les populations réfugiées.

PARTICULARITÉS

Consultations populaires de grande envergure.


Les consultations populaires organisées lors de la deuxième phase du Processus de Brazzaville ont
été menées sur l’ensemble du territoire national, ainsi que dans les pays voisins ayant accueilli des
réfugiés centrafricains. Près de 28 équipes de facilitateurs formés ont dirigé la consultation à Bangui,
dans les 16 préfectures du pays et dans les camps de réfugiés les plus importants des pays frontaliers.
Le niveau de consultation populaire et de participation du public est remarquable, avec un total de plus
de 19 000 participants, ce qui a jeté les bases des quatre groupes de travail thématiques du Forum
national de Bangui.

Moyens de mise en œuvre insuffisants.


Le Pacte républicain signé en 2015 a marqué un tournant décisif dans le processus de Brazzaville et
ouvert la voie à l’adoption de dispositions essentielles pour la paix et la réconciliation à long terme en
RCA. Bon nombre de ces dispositions n’ont cependant pas réussi à produire des résultats tangibles en
raison de l’insuffisance des moyens de mise en œuvre. L’accord de démobilisation, de désarmement et de
réinsertion (DDR), partie intégrante du Pacte républicain, illustre parfaitement ce problème. L’existence
d’une douzaine de groupes armés, dont neuf ont signé l’accord, associée à la position de faiblesse du
gouvernement central dans de nombreuses régions du pays, crée de sérieuses difficultés pour cette
entreprise de grande ampleur. Les capacités disponibles pour mettre en œuvre l’accord de DDR étaient
largement insuffisantes pour atteindre son objectif. Les conséquences de cette limite ont constamment mis
le processus de paix et de réconciliation en péril, et permettent d’expliquer la persistance des forces armées
irrégulières, de la violence armée et de l’instabilité politique.

295
Manuel de dialogue national

Processus de dialogue politique et de réconciliation nationale en


République centrafricaine (Processus de Brazzaville), 2014-2015
Objectif : amorcer un dialogue politique et promouvoir des solutions durables pour remédier à des années
d’instabilité politique récurrente ; mener un processus de réflexion et de définition d’un nouveau contrat
social/d’une nouvelle constitution pour tous les segments de la société

1RE PHASE 2E PHASE


PHASE DE PRÉPARATION
FORUM DE RÉCONCILIATION CONSULTATIONS
NATIONALE INTER-CENTRA- POPULAIRES
FRICAIN DE BRAZZAVILLE
28 équipes COMITÉ DE PILOTAGE
de facilitateurs :
Présidence : composées de Mandat :
Président de la République 3 à 15 personnes Établir le Secrétariat et
du Congo les commissions techniques
Représentant du président Nombre total pour le forum
de la Commission de de participants :
l’Union africaine env. 20 000 hommes, Présidence : Mahamat Kamoun,
R
 eprésentant spécial femmes et jeunes Premier ministre de la RCA
des Nations Unies pour
l’Afrique centrale
Rapport de l’atelier
Participants : de restitution
Représentants du des consultations COMMISSION DE PRÉPARATION
gouvernement, du conseil populaires
et de la cour de transition ; Fonctions :
partis politiques et 4 catégories : Élaborer des règlements internes,
mouvements armés ; Dialogue, justice, un budget, un programme, un code
société civile ; réparation, de conduite, des critères et un
représentants d’organisa- réconciliation quota de participation au Forum
tions intergouvernementales Paix et sécurité national de Bangui
Gouvernance et
élections Présidence : Béatrice Émilie Epaye
Relèvement et
reconstruction Composition :
Accord de cessation Représentants des autorités
des hostilités de transition, des « Forces Vives
de la Nation », des réfugiés,
des groupes religieux,
des facilitateurs internationaux,
des partis politiques et
des groupes armés
env.
20 000

170

21-23 juill. 2014 Janv.-mars 2015

296
République centrafricaine

Structure

3E PHASE FORUM NATIONAL DE BANGUI


PHASE DE PROCESSUS RÉSULTAT PHASE DE MISE
EN ŒUVRE
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
PRÉSIDIUM
Mandat :
Délibérer sur les propositions
Mandat :
émises lors des ateliers et
Assurer et favoriser
s’accorder sur les documents Pacte
la bonne conduite du
finaux. républicain
forum, diriger les débats
pour la paix, la
Prise de décisions : par consensus réconciliation
Présidence : nationale et la
Abdoulaye Bathily, reconstruction
Composition :
Représentant spécial en République
600-700 participants issus
des Nations Unies pour centrafricaine
des 16 préfectures de la RCA, de
l’Afrique centrale
la diaspora, des populations de
réfugiés, des groupes de la société
civile et du GIC-RCA. Accord de DDR Référendum
constitutionnel
ayant abouti à
Accord sur la l’approbation
4 rapports thématiques
libération des de la nouvelle
pour jeter les fondations
enfants soldats Constitution
des discussions

Élections
parlementaires
et présidentielles
COMITÉ TECHNIQUE 4 ATELIERS le 30 décembre
D’ORGANISATION 2015
Mandat :
Composition : Analyse et orientation stratégique
Coordinateur général et opérationnelle fondée sur
et 10 membres les consultations populaires

1. Paix et sécurité
Secrétariat technique
2. Justice et réconciliation

3. Gouvernance

4. Développement

600

700

4-11 mai 2015 Déc. 2015

297
Manuel de dialogue national

Soudan
Le dialogue national a vu le jour au Soudan alors que le pays s’était enlisé
dans une guerre civile (Nil Bleu, Kordofan du Sud et Darfour), à laquelle
se sont ajoutées une situation d’instabilité et plusieurs crises internes.
Le conflit opposant le gouvernement à différentes forces d’opposition est
tombé dans une impasse dommageable, aucune partie ne disposant d’un
avantage net sur l’autre. Dans ce contexte, en janvier 2014, le président
soudanais a invité les forces politiques du pays, notamment les partis
d’opposition et les groupes armés, à se joindre à un processus de dialogue
national.

Le dialogue national avait pour objet de rétablir les fondements


constitutionnel et politique de l’État dans le cadre d’une approche
coopérative impliquant l’ensemble de la population. Il visait plus
particulièrement à rédiger une constitution protégeant et réaffirmant les
droits fondamentaux et les libertés de tous les Soudanais, ainsi que la
justice sociale. Il a donné lieu à l’adoption d’un document national devant
servir de base à l’élaboration d’une nouvelle constitution pour le pays.

Le processus continue de pâtir d’un manque d’inclusion, tant en termes de


représentation que de contenu. À noter, les principaux partis d’opposition
et mouvements armés se sont retirés du processus et n’ont donc pas
participé à la Conférence du dialogue national.

Dialogue national au Soudan

Lancement du dialogue
national par le président Début de la Adoption du
El Béchir dans son Conférence document national
discours en faveur du 2e réunion du dialogue par l’Assemblée
« bond en avant » de consultation national générale

27 janv. 2014 6 avr. 2014 2 nov. 2014 20 août 2015 10 oct. 2015 Mars 2016 10 oct. 2016

1re réunion 3e réunion Recommandations


de consultation de consultation soumises par
les comités

298
Soudan

Dialogue national et Conférence du dialogue national


en République du Soudan

Dialogue national : 2 ans et demi (6 avr. 2014-10 oct. 2016) ;


Durée Conférence du dialogue national : 1 an (10 oct. 2015-10 oct. 2016).

Établir le socle constitutionnel, politique et communautaire d’un État


Objectif juste, fondé sur la coopération et la solidarité de tout le peuple soudanais.

En janvier 2014, le président El Béchir a lancé un appel au dialogue afin de


Mandat mettre un terme à la guerre, aux dissensions politiques et aux difficultés
économiques.

L’Assemblée générale de la Conférence du dialogue national comptait


environ 250 membres, désignés par consensus par le Haut Comité de
coordination (HCC). Elle était composée de représentants des partis
Participation politiques officiels et des mouvements armés, ainsi que de personnalités
et critères nationales et de responsables communautaires. Chaque partie au dialogue
de sélection devait nommer un représentant et un adjoint. Leur nombre exact a varié
au cours du processus : plusieurs partis, mouvements et personnalités ont
rejoint le dialogue durant la Conférence, d’autres ont choisi de boycotter le
processus et de se retirer.

L’Assemblée générale et les trois réunions de consultation préparatoires


ont été dirigées par le président El Béchir. Chaque comité était présidé
Coordination par un haut fonctionnaire du gouvernement assisté d’un adjoint issu de
l’opposition, ou inversement.

Le processus a été dirigé à l’échelle nationale, et a bénéficié du soutien du


Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine (AUHIP), des
Soutien Nations Unies et d’autres partenaires internationaux. Les présidents de
international l’Égypte, de la Mauritanie, de l’Ouganda et du Tchad, le Premier ministre
éthiopien et le secrétaire général de la Ligue arabe ont assisté à la dernière
séance du dialogue.

Le document national, qui a vocation à servir de fondement à la nouvelle


Résultats Constitution, a été adopté par l’Assemblée générale le 10 octobre 2016.

L’ensemble du processus était peu viable et manquait d’une volonté


politique de respecter les conditions préalablement fixées par consensus,
y compris les accords de cessez-le-feu et les décrets gouvernementaux
autorisant la liberté d’action politique de l’opposition.
À l’instar de la Conférence du dialogue national elle-même, le processus
préparatoire a souffert de problèmes de non-représentation. Même si un
Défis/ensei- très grand nombre de mouvements a pris part au processus, les principaux
partis d’opposition, tels que le parti Umma, le Mouvement Reform Now et
gnements tirés les partis de l’Unité nationale, se sont retirés du processus. Ils ont formé
une nouvelle alliance, « Sudan Call », qui a boycotté le processus, et à
laquelle se sont joints le Parti communiste soudanais, le Congrès national,
des mouvements syndicaux, le parti Baas, les nasséristes, des OSC et
le Front révolutionnaire soudanais (lui-même composé entre autres du
SPLM-N, du JEM, de la SLM, de la faction d’Abdel Wahed Mohamed Nour
et des forces de Minni Arko Minawi).

299
Manuel de dialogue national

Dialogue national et Conférence du dialogue national


en République du Soudan, 2014-2016
Coopération Consensus sur une Consen- Socle constitutionnel,
et solidarité constitution et une sus sur la politique et commu-
au sein de la législation garantissant législation et nautaire dans un cadre
population sou- les libertés, les droits les mesures consensuel établi au
OBJECTIF danaise en vue et la justice sociale, et nécessaires à sein de la population
de surmonter accord sur la création l’organisation et mettant en place un
les nombreuses de mécanismes indé- d’élections État juste et rationnel
crises touchant pendants de protection libres et et un système politique
le pays de ces droits régulières efficace

Le président
Des décrets prési-
Contexte : El Béchir convoque Tenue de la première
dentiels, autorisant
impasse une réunion pour réunion de consulta-
entre autres la liberté
prolongée et discuter d’une tion sur les questions
MANDAT d’action politique,
multiplication initiative en faveur liées au lancement
sont adoptés afin
des appels d’un dialogue de la Conférence en
de favoriser la
à la sécession national approfondi avril 2014
participation.
en janvier 2014.

Participation active et discussion approfondie sur les questions essentielles


PRINCIPES Transparence
Engagement en faveur des résultats de la Conférence et de leur mise en œuvre

PRISE DE Par consensus au sein de l’Assemblée générale ; en l’absence de consensus,


DÉCISIONS majorité fixée à 90 %

Des comités chargés de traiter des questions fondamentales suivantes ont été créés
pendant la Conférence :

PROGRAM- Libertés et droits Identité (définition de l’identité soudanaise


ME ET Économie
fondamentaux et des valeurs suprêmes du pays)
QUESTIONS
CENTRALES
Relations Gouvernance et mise en œuvre
Unité et paix
internationales des résultats du dialogue

CONSUL- Il semble qu’aucune consultation publique n’ait eu lieu pendant le processus de la Conférence
TATION nationale au Soudan. Les trois réunions de consultation préparatoires ont rassemblé les parti-
PUBLIQUE cipants à la Conférence (dont certains qui se sont ultérieurement retirés du processus).

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS


Haut Comité de coordination Assemblée générale
Sous-comités visant à créer un environnement Haut Comité de coordination (HCC)
propice au dialogue : Secrétariat général
STRUCTURE – Sur la communication avec l’opposition 
6 comités sur les questions
armée à l’extérieur du pays centrales
– Sur la communication avec l’opposition Une commission mixte des médias
civile dans le pays
– Sur le dialogue communautaire

300
Soudan

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

79 partis politiques

108 partis politiques

28 mouvements
Oct. 2015
Séance d’ouverture
Nombre total :
env. 160 38 mouvements
Mars 2016
Nombre total :
50 personnalités env. 225
nationales

75 personnalités
nationales

Les statistiques varient considérablement d’une source à l’autre. Le schéma ci-dessus représente les chiffres
de la séance d’ouverture et les nombres les plus récents (décembre 2016) issus du site officiel du dialogue
national, hewarwatani.gov.sd, et du Secrétariat général de la Conférence. L’augmentation du nombre de
partis, mouvements et personnalités nationales ayant participé au processus n’est pas due à une hausse de
l’inclusion, mais plutôt à une différence de taille et de représentativité des parties concernées, de nombreux
partis d’opposition s’étant par ailleurs retirés pendant la phase de préparation.

PARTICULARITÉS

Absence de plusieurs partis d’opposition.


Le parti Umma, le Mouvement Reform Now et les partis de l’Unité nationale (anciens alliés du parti au
pouvoir) se sont retirés pendant la phase de préparation, sous prétexte que les conditions essentielles
à la tenue d’un dialogue national juste et approfondi n’étaient pas réunies. Après leur départ, le Haut
Comité de coordination a été dirigé par des partis proches du gouvernement, ainsi que par des petits
partis d’opposition sans réelle influence politique. Les principaux mouvements armés (le SPLM-N et
les trois mouvements armés du Darfour) et d’autres partis politiques ont refusé dès le départ de se
joindre au processus.

Retard dans la convocation de l’Assemblée générale pour discuter des recommandations.


L’Assemblée générale n’a été convoquée que sept mois après soumission par les comités de leurs
recommandations. Ceci s’explique par les difficultés à suivre la feuille de route de l’AUHIP (signée par le
gouvernement en mars 2016 et par l’opposition en août de la même année), qui proposait de discuter de la
cessation des hostilités et de la mise en place d’un accès humanitaire avant d’organiser la Conférence du
dialogue national. Les parties n’ont pas réussi à s’entendre sur les deux premiers points, et le gouvernement
a malgré tout lancé la Conférence en octobre, boycottée par l’opposition.

301
Manuel de dialogue national

Dialogue national et Conférence du dialogue national


en République du Soudan, 2014-2016
Objectif : établir le socle constitutionnel, politique et communautaire d’un État juste,
fondé sur la coopération et la solidarité de tout le peuple soudanais

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS

HAUT COMITÉ DE COORDINATION


Mandat : Mandat :
Élaborer une feuille de route pour le dialogue Coordonner le travail des comités
Déterminer la composition et le programme de la Conférence
de la Conférence Superviser le travail du Secrétariat
général
Présidence : Président El Béchir
Sensibiliser la population
Composition : 7 représentants du gouvernement
soudanaise
et 7 représentants de l’opposition
fournit une
assistance transmet des ropositions
COMITÉ sur la COMITÉ sur la COMITÉ
communication communication sur le dialogue
avec l’opposition avec l’opposition communautaire
armée à l’exté- civile dans le MÉCANISME DE SORTIE
rieur du pays pays DES IMPASSES

1RE RÉUNION DE CONSULTATION (6 avr. 2014) Mandat :


Présidence : Président El Béchir Faciliter la sortie des impasses
Composition : 83 partis politiques, 50 personnalités éventuelles
nationales
Résultats : 4 décrets (instauration de la confiance, Composition :
environnement propice), création du HCC Cinq personnalités nationales

2E RÉUNION DE CONSULTATION (2 nov. 2014) soumettent


Présidence : Président El Béchir des recommandations
Composition : 96 partis politiques, 75 personnalités
nationales SECRÉTARIAT GÉNÉRAL
Résultats : Validation du HCC et approbation
du 1er rapport, du projet de feuille de route et Mandat :
de l’Accord d’Addis-Abeba Assurer le suivi des séances des comités
et de la Conférence, rédiger les sujets de
discussion et réviser les points d’accord
3E RÉUNION DE CONSULTATION (20 août 2015) et de désaccord, effectuer des missions
Présidence : Président El Béchir de recherche et de documentation, et
Composition : 92 partis politiques, accomplir toutes les autres missions
9 mouvements, 74 personnalités nationales confiées par le HCC.
Résultats : Ouverture du dialogue national
le 10 octobre 2015 et derniers préparatifs Composition :
pour la Conférence 26 personnalités nationales +
6 membres du HCC

7+7

Janv. 2014-oct. 2015

302
Soudan

Structure

PHASE DE MISE
EN ŒUVRE
transmet des propositions pour décision finale
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
Mandat :
Présidence : Président El Béchir
Procéder au suivi
de la mise en
Composition :
œuvre des
Environ 250 membres invités : représentants de partis
résultats de
politiques officiels et de mouvements armés, personnalités
la Conférence
nationales et responsables communautaires

Prise de décisions :
Une voix par partie, prise de décisions basée sur
le consensus ou majorité fixée à 90 %

dote en
personnel

6 COMITÉS
Adoption
Mandat : du document
Délibérer sur des sujets spécifiques et soumettre des recommandations au HCC national

Composition :
Alternance entre gouvernement et opposition aux postes de président et d’adjoint

Unité et paix
Économie
Libertés et droits fondamentaux
Identité
Gouvernance
Mise en œuvre des résultats de la Conférence

250

Oct. 2015-oct. 2016 10 oct. 2016

303
Manuel de dialogue national

Tunisie
La chute du président Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011, suite
aux manifestations de masse de la Révolution de la dignité, a conduit
à l’élection en octobre de la même année d’une Assemblée nationale
constituante. L’assassinat d’un chef de l’opposition, Mohamed Brahmi,
le 25 juillet 2013, a totalement paralysé le processus de rédaction d’une
nouvelle constitution. Il s’agissait du deuxième assassinat politique de
l’année : Chokri Belaïd, lui-même leader d’un parti d’opposition, avait
trouvé la mort devant son domicile au mois de février. Ces événements
ont accentué les divisions entre, d’une part, le gouvernement dirigé par
le parti islamiste Ennahdha, et d’autre part, les nouvelles coalitions
de partis et forces laïques et de gauche. C’est à cet instant critique que
certains responsables politiques et acteurs de la société civile ont entamé
un dialogue national, certes difficile, mais qui a porté ses fruits. L’Union
générale tunisienne du travail, qui avait engagé plusieurs initiatives visant
à entamer un dialogue en 2012 et 2013, a dirigé la formation d’un Quartette
du dialogue. Celui-ci a réussi à sortir le pays de l’impasse politique, en
coordonnant les négociations relatives à l’élaboration d’une feuille de
route portant sur trois questions qui allaient être abordées pendant le
dialogue national : la finalisation de la Constitution, la substitution d’un
gouvernement technocrate au pouvoir exécutif en place, et la préparation
d’élections. Le projet de constitution de la Tunisie, composé de 146 articles,
a été adopté par l’Assemblée constituante le 26 janvier 2014.

Le dialogue national tunisien avait clairement mis l’accent sur la gestion


de crise. Ce processus ad hoc n’a par conséquent été ni planifié ni élaboré,
et s’est retrouvé tiraillé dans tous les sens par les différents acteurs pour
éviter que la situation ne s’aggrave. Il n’a pas abordé les autres problèmes
urgents soulevés par la population lors de l’insurrection de 2010-2011 à
l’origine du processus de réforme politique.

Des soulèvements populaires au dialogue national en Tunisie


Présentation de la Adoption
Soulèvement populaire, Assassinat de feuille de route relative d’une nouvelle
changement de régime Chokri Belaïd au dialogue national constitution

2010-janv. 2011 Oct. 2011 Févr. 2013 Juill. 2013 17 sept. 2013 5 oct. 2013 26 janv. 2014

Élection d’une Impasse politique suite Feuille de route


Assemblée nationale à l’assassinat de signée par 23 partis
constituante Mohamed Brahmi politiques

304
Tunisie

Dialogue national en Tunisie

6 mois (26 juill. 2013-26 janv. 2014). Le dialogue national tunisien


Durée constituant un mécanisme de gestion de crise, il n’a pas différencié les
phases de préparation et de processus.

Parachever la rédaction d’une constitution, substituer un gouvernement


Objectifs technocrate au pouvoir exécutif en place et préparer des élections

Le 5 octobre 2013, 23 partis politiques sur les 27 représentés au sein de


Mandat l’Assemblée nationale constituante ont signé la feuille de route, acceptant
ainsi d’entamer un processus de dialogue national arbitré par le Quartette.

Le Quartette s’est adressé aux 27 partis politiques formant l’Assemblée


nationale constituante et les a invités à accepter la feuille de route et à
s’engager dans un processus de négociation et de dialogue. Dans le même
temps, un grand nombre d’individus et d’organisations ont organisé des
réunions, tenu des discussions de couloir, passé des appels télépho-
niques et entamé des négociations pour empêcher le pays de s’effondrer.
Participation À l’extérieur, des militants, des organisations de la société civile, des
et critères partisans, des intellectuels et des responsables politiques ont organisé des
de sélection manifestations dans le but d’influencer le processus politique. Parmi les
signataires de la feuille de route se trouvaient le parti islamiste Ennahdha,
à la tête du gouvernement, Ettakatol, membre de l’exécutif, et leur principal
adversaire, Nidaa Tounes. Ni le troisième parti de la coalition gouverne-
mentale, le Congrès pour la République (CPR), ni le parti Tayar Al Mahaba
(anciennement Al Aridha Chaabia) n’ont signé l’accord. Attayar Addimocrati
et le mouvement Wafa ont quant à eux refusé de participer dès le départ.

L’Union générale tunisienne du travail a dirigé la création du Quartette,


une coalition composée d’elle-même, de l’Union tunisienne de l’industrie,
du commerce et de l’artisanat, de la Ligue tunisienne des droits de
Coordination l’homme et du Barreau tunisien. Le Quartette a réussi à sortir le pays de
l’impasse politique en adoptant une feuille de route fixant un nouveau
cadre à la transition politique.
Le Quartette a endossé le rôle de médiateur pendant le dialogue national.

Soutien Le processus a bénéficié de l’aide de l’UE, du PNUD, de pays individuels


international dans le cadre du programme de ce dernier, et d’ONG internationales.

La Constitution a été adoptée par l’Assemblée constituante le 26 jan-


vier 2014. Elle instaure une république démocratique semi-présidentielle
Résultats représentative et unitaire, où le président exerce les fonctions de chef
d’État et le Premier ministre dirige le gouvernement, et où le pouvoir
législatif, l’Assemblée des représentants du peuple, est monocaméral.

Le dialogue national tunisien a pris la forme d’un mécanisme de gestion


devant faire face à une crise politique majeure. Il n’était donc ni planifié ni
élaboré, mais a plutôt été adapté au gré des besoins. Les échanges ont eu
Défis/ensei-
lieu entre élites et responsables politiques et n’ont pas inclus la population
gnements tirés générale.
Le processus n’a pas abordé la nécessité d’adopter des réformes socio-éco-
nomiques évoquée par la population lors des soulèvements de 2010 et 2011.

305
Manuel de dialogue national

Dialogue national en Tunisie, 2013-2014

Substituer un gouvernement
Parachever la rédaction
OBJECTIF technocrate au pouvoir Préparer les élections
d’une constitution
exécutif en place

Crise poli- Constitution Nomination du


Élections
tique majeure Feuille adoptée par gouvernement
préparées et
et impasse de route l’Assemblée technocrate
MANDAT prévues pour
ausein de signée par nationale dirigé par Me-
octobre et no-
l’Assemblée 23 partis constituante le hdi Jomaa, le
vembre 2014
constituante 26 janvier 2014 29 janvier 2014

Le dialogue national a été organisé dans le but d’empêcher le pays de s’effondrer


PRINCIPES
totalement.

Les partis qui avaient signé la feuille de route ont assisté aux négociations officielles,
PRISE DE par ailleurs appuyées par différents dialogues informels entre de nombreux individus.
DÉCISIONS L’objectif déclaré des négociations était d’atteindre un consensus sur les trois principales
questions mentionnées dans la feuille de route.

Questions controversées :
PROGRAM-
ME ET
QUESTIONS Calendrier relatif à l’adoption Calendrier relatif à la substitution d’un gouvernement
CENTRALES de la Constitution technocrate à la troïka en place

CONSUL- Le dialogue national était largement centralisé à un niveau politique élevé et fermé au public.
TATION Le Quartette a su utiliser efficacement les médias, seule opportunité pour le public d’avoir
PUBLIQUE connaissance du déroulement du processus.

PHASE DE PROCESSUS PHASE DE MISE EN ŒUVRE


Création du Quartette Réunions formelles et informelles
STRUCTURE Adoption de la feuille de route Assemblée nationale constituante
relative au dialogue national 
Groupes de travail chargés de rédiger
la Constitution

306
Tunisie

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

23
Dont le parti islamiste Ennahdha,
à la tête du gouvernement, Ettakatol,
membre de l’exécutif, et leur principal
adversaire, Nidaa Tounes

Nombre total :
23 partis 0
Ni le troisième parti de la coalition
gouvernementale, le Congrès pour la
République (CPR), ni le parti Tayar Al Mahaba
(anciennement Al Aridha Chaabia),
ni Attayar Addimocrati, ni le mouvement
Wafa n’ont participé.

Il est toutefois important de souligner que le dialogue national s’est déroulé à différents
niveaux entre de nombreuses personnes, et que les réunions et les dialogues se sont chevau-
chés à plusieurs reprises.

PARTICULARITÉS

Une gestion de crise ad hoc.


Le dialogue national ne s’est pas déroulé sous forme de processus bien planifié et bien conçu,
mais a plutôt représenté une réaction à une crise politique grave. Il a donc servi d’instrument
de gestion de crise, mis en œuvre alors que celle-ci continuait de sévir. Ce processus ad hoc a
impliqué de nombreux acteurs à différents niveaux, et certaines de ses composantes se sont
déroulées en même temps.

Un processus arbitré par quatre organisations.


Dans un contexte marqué par les assassinats politiques et les troubles sociaux, l’Union géné-
rale tunisienne du travail a sollicité l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’arti-
sanat, la Ligue tunisienne des droits de l’homme et le Barreau tunisien, dans le but de trouver
une solution pour régler le conflit par la médiation. Afin de sauver le pays de l’effondrement,
ces quatre entités ont négocié l’adoption d’une feuille de route pour le dialogue national, puis
arbitré ultérieurement le processus de dialogue.

Lorsqu’il a reçu le prix Nobel de la paix en 2015, le Quartette a été reconnu pour sa « contribu-
tion décisive à la construction d’une démocratie pluraliste en Tunisie ».

Un pouvoir décisionnel entre les mains des responsables politiques et des dirigeants âgés
de la société civile.
Si la Révolution de la dignité de 2011 a été largement dirigée par les jeunes, le dialogue
national a quant à lui placé le pouvoir décisionnel entre les mains de puissances politiques
établies, tant au sein de la société civile qu’au niveau 1.

307
Manuel de dialogue national

Dialogue national en Tunisie, 2013-2014


Objectif : parachever la rédaction d’une constitution, substituer un gouvernement technocrate
au pouvoir exécutif en place et préparer des élections

PHASE DE PROCESSUS

CRISE GRAVE QUARTETTE DU DIALOGUE NATIONAL


ET IMPASSE POLITIQUE
Mandat :

Assassinat des chefs Arbitrer les négociations entre les partis politiques afin d’établir
de partis d’opposition une feuille de route et se mettre d’accord sur le contenu de cette
Chokri Belaïd en février dernière.
et Mohamed Brahmi
le 25 juillet Composition :

Manifestations de masse Quatre organisations importantes de la société civile

Suspension de
l’Assemblée nationale
constituante le 6 août
FEUILLE DE ROUTE
Soumise le 17 septembre 2013 par le Quartette du dialogue
national aux partis représentés au sein de l’Assemblée nationale
constituante.

La feuille de route fournit un cadre tridimensionnel aux


négociations en vue de résoudre les questions litigieuses
empêchant la conclusion réussie de la période de transition :
Gouvernemental : démission du pouvoir exécutif en place
et substitution d’un gouvernement technocrate.
Constitutionnel : parachèvement d’une nouvelle constitution
adoptée par l’Assemblée constituante.
Électoral : sélection des membres de la commission électorale
indépendante, code électoral, date de l’élection.

Le 5 octobre 2013, 23 des 27 partis prenant part à l’Assemblée na-


tionale constituante ont accepté de mettre en place un processus
de dialogue national conforme à la feuille de route sous l’arbitrage
du Quartette.

23

Juill. 2013-janv. 2014

308
Tunisie

Structure

PHASE DE MISE
EN ŒUVRE

PROCESSUS DE DIALOGUE NATIONAL

Mandat :
Se mettre d’accord sur les points abordés dans
la feuille de route et traiter des problèmes à venir.

Présidence :
Arbitrage par le Quartette du dialogue national

Composition :
23 partis signataires de la feuille de route, y compris :
les partis du gouvernement Ennahdha et Ettakatol ;
et leur principal adversaire, Nidaa Tounes. Mehdi Jomaa nommé
Premier ministre
Le processus s’est toutefois moins appuyé sur
des sessions formelles que sur des discussions
informelles, non seulement entre délégués Démission du gouvernement

officiels, mais aussi en coulisse. Le processus d’Ali Larayedh
a également été largement influencé par les
interventions, manifestations et sit-in organisés
par les partisans et opposants au gouvernement, Ratification d’une nouvelle
ainsi que par une couverture médiatique dénuée constitution par l’Assemblée
de tout sens critique. En l’absence de mécanismes constituante
de consultation publique, la population générale
s’est sentie exclue.
Détermination des dates

de l’élection présidentielle

présente des
propositions

ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE


Vote sur la version finale de la Constitution

Déc. 2013-26 janv. 2014

309
Manuel de dialogue national

Yémen
Suite à l’important soulèvement contre le régime et le président Ali
Abdallah Saleh en 2011, le Conseil de coopération du Golfe (CCG) a
appuyé des négociations entre les principaux partis du pays et proposé
une feuille de route pour mettre un terme à la crise. L’initiative du CCG
et son mécanisme d’exécution ont défini les phases du processus de
transition politique au Yémen. Après une série de négociations et suite
aux pressions exercées par la communauté internationale, Saleh et les
principaux partis de l’opposition (rassemblés au sein de la coalition JMP
[Joint Meeting Parties]) ont signé l’initiative proposée par le CCG et son
mécanisme d’exécution, et le président a accepté de remettre le pouvoir à
son vice-président en échange d’une immunité.

La Conférence du dialogue national (CDN) a été conçue comme le principal


élément de l’initiative du CCG et de sa feuille de route pour la transition
politique et l’unité nationale au Yémen. Pour l’essentiel préparée par un
Comité technique composé de 25 membres sous l’égide du président par
intérim Abd Rabbo Mansour Hadi, elle a reçu pour mission de s’entendre
sur la structure du système politique et de définir les principes sous-
tendant une nouvelle constitution. Toutefois, les élections parlementaires
et présidentielles ont été retardées en raison du déclenchement
d’hostilités en 2014. Malgré ces revers, la Conférence du dialogue national
représente un tournant décisif pour la société yéménite puisqu’elle est à
l’origine d’un gigantesque forum de dialogue plutôt ouvert, réunissant
565 délégués des différents partis et segments de la société au cours d’un
processus s’étalant sur 10 mois. Le processus a été critiqué pour la sous-
représentation perçue de certains protagonistes et l’absence d’adhésion à
l’accord, pourtant exhaustif et abouti, auquel les délégués sont parvenus.
Les résultats de la CDN ont par conséquent eu du mal à se concrétiser.

Soulèvement et processus de dialogue national au Yémen, 2011

Élection Début de la Conférence Début de la


présidentielle du dialogue national (CDN) guerre civile

2011 Févr. 2012 2012 Mars 2013 2014 Mars 2015

Soulèvements dans Résolution 2051 du Résolution 2140 du


le pays et initiative Conseil de sécurité Conseil de sécurité
du CCG

310
Yémen

Conférence du dialogue national

Durée 10 mois (18 mars 2013-25 janv. 2014)

Discuter de la procédure d’élaboration d’une nouvelle constitution, et


notamment de la création d’un comité de rédaction ; définir les principes
sous-jacents de la réforme constitutionnelle ; traiter des questions ayant
une dimension nationale (problème du Sud et de Saada) ; aborder les sujets
Objectif liés à la justice transitionnelle, à la réconciliation sociale, à la protection
des droits de l’homme, à la promotion des femmes et au développement
durable. L’objectif général de la CDN était de jeter les fondations d’un
contrat social favorisant l’unité nationale et la cohésion sociale au Yémen.

Mandat politique : négociations et accord entre le parti au pouvoir et le


principal bloc d’opposition (JMP)
Mandat Mandat officiel : mécanisme d’exécution du CCG, puis décret présidentiel
n° 30 (12 juill. 2012)

Les critères de participation ont été définis par le Comité technique chargé de
la préparation de la CDN. Les principales circonscriptions ont été déterminées
par le mécanisme d’exécution de l’initiative du CCG. Si aucune circonscription
n’a été exclue, certaines ont été ou se sont senties sous-représentées (p. ex.,
le mouvement Al-Hirak). Au cours du processus de sélection, les différents
Participation partis politiques et segments de la société ont été invités à nommer leurs
et critères propres délégués en s’alignant sur le quota fixé dans le mandat de la CDN
de sélection (30 % de femmes, 20 % de jeunes, 50 % de sudistes). Après publication d’un
appel à candidatures et examen des dossiers, le Comité technique a choisi
des femmes, des jeunes et des représentants d’OSC indépendants. Les
candidats devaient remplir certains critères, tels que celui de l’âge (18-40 ans
pour les jeunes) ou l’absence d’affiliation politique. Les 61 délégués restants
ont été choisis de façon assez aléatoire par le président.

Chacun des neuf groupes de travail de la CDN a élu son président,


Coordination son vice-président et son rapporteur, qui ont joué le rôle de facilitateurs.

Les « pays du G10+ » (membres permanents du Conseil de sécurité de


l’ONU, UE et CCG) ont fourni un soutien international important. L’équipe
Soutien de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, Jamal Benomar, a offert un appui
international administratif de qualité. Les fonctions des Nations Unies ont été mandatées
par le mécanisme d’exécution de l’initiative du CCG.

Le document final de la CDN, qui résume les résultats obtenus par


les groupes de travail, a servi de référence à la nouvelle Constitution.
Résultats Les discussions sur le projet de constitution n’ont pu avoir lieu en raison
du déclenchement de la guerre civile.

Certaines des critiques essuyées par le processus concernaient le manque


de représentation du Sud, notamment du mouvement Al-Hirak. De plus,
l’absence de mesures d’instauration de la confiance, notamment dans le Sud
Défis/ensei-
et à Saada, le manque d’interaction et d’implication communautaires, et le
gnements tirés mandat trop général de la CDN ont gêné la mise en œuvre de ses résultats.
Par ailleurs, le faible positionnement du gouvernement central et de la
présidence ont empêché et freiné la concrétisation des résultats de la CDN.

311
Manuel de dialogue national

Conférence du dialogue national au Yémen, 2013-2014


Jeter les fon- Résoudre les problèmes
Définir les principes Créer un Comité
dations d’un d’intérêt national
OBJECTIF de la réforme de rédaction de
nouveau système (y compris la question
constitutionnelle la Constitution
politique du Sud et de Saada)

Le mécanisme Le Comité technique Le Comité de


d’exécution du détermine les procé- Résolution rédaction produit
Soulève- CCG place la dures et les règlements 2051 du un avant-projet de
MANDAT ment au CDN au cœur du de la CDN et définit les Conseil de constitution fondé
Yémen processus de critères de participa- sécurité sur le document
transition dans tion et de sélection (2012) final de la CDN
le pays. des membres. (26 janv. 2014)

Transparence, justice sociale, responsabilité des fonctionnaires, protection des droits, égalité
entre les citoyens, non-discrimination, État de droit, démocratie et pluralisme
Une règle spécifique, selon laquelle le président avait le dernier mot concernant les questions
PRINCIPES
pour lesquelles les délégués n’avaient pas réussi à atteindre de consensus, a été contestée par
de nombreux participants et a par la suite porté atteinte à la recherche d’un consensus, qui était
l’un des principes sous-jacents majeurs de la CDN.

Commission de conci- Certaines des questions


Si les groupes de
Assemblée liation : les chefs des les plus controversées
travail n’arrivent
plénière groupes de travail, le ayant été laissées pour la
pas à atteindre la
et groupes Présidium de la CDN et fin (p. ex. forme de l’État,
majorité des 75 %,
de travail : 12 membres des comités nombre de régions), cette
PRISE DE la question est
consensus techniques se mettent dernière règle a conduit
DÉCISIONS renvoyée à la Com-
ou vote à d’accord sur les ajuste- le président à décider de
mission de conci-
la majorité ments ; les groupes de la création d’un comité de-
liation jusqu’à ce
d’au moins travail votent une nouvelle vant préciser le nombre de
qu’une décision
90 % fois (majorité des 75 %) régions, ce qui a déclenché
soit prise.
pour adopter la décision. un conflit majeur.

PROGRAM- Bonne Construction Indépendance


Sud Saada
ME ET gouvernance de l’État d’entités spéciales
QUESTIONS Droits et Fondations pour consolider l’armée Justice Développement
CENTRALES libertés et les forces de sécurité transitionnelle durable


Le Secrétariat général a reçu pour mission d’élaborer un plan d’information publique et
CONSUL- de mettre sur pied des mécanismes de participation du public.
TATION 
Le programme d’appui au dialogue national a organisé des forums de dialogue à l’échelle
PUBLIQUE locale pour renforcer les interactions entre la CDN et les discussions revêtant un intérêt local.
La Constitution doit être approuvée par référendum public.

PHASE DE PHASE DE PROCESSUS PHASE DE MISE EN ŒUVRE


PRÉPARATION Présidium de la CDN Autorité nationale de suivi et

Comité tech- Comité de consensus de supervision de la mise en
nique pour 
Assemblée plénière : initiale, œuvre des résultats de la CDN
STRUCTURE la préparation intermédiaire et finale Comité de rédaction de
de la CDN Groupes de travail la Constitution
Secrétariat général de la CDN
Comité des normes et
de la discipline

312
Yémen

Processus

TAILLE ET COMPOSITION

Il a été demandé à chacune des parties principales à la CDN de garantir dans leurs listes de
représentants un quota de 30 % de femmes, de 20 % de jeunes et de 50 % de sudistes.
263
Partis politiques
62
112
Liste du président
Congrès populaire
général (GPC)
120
137
40 Représentants
JMP (coalition
des jeunes
de l’opposition
40 Représentants
Nombre total : 565 traditionnelle)
des femmes
50 Al-Islah
40 Société civile, syndicats
37 socialistes
et défenseurs des droits
30 nasséristes
de l’homme
20 partis politiques
120 de moindre envergure
85 Mouvement du Sud 14
35 Houthis Nouveaux partis politiques
7 Parti de la justice et de la construction
7 Union salafiste Rashad

PARTICULARITÉS

Inclusion de la CDN.
En théorie, le processus était inclusif, mais deux parties importantes étaient sous-représen-
tées, Ansar Allah (Houthis) et Al-Hirak. Le premier n’a reçu que 30 sièges à la Conférence,
alors qu’il s’agissait de l’une des principales forces sur le terrain. L’effet de cette marginalisa-
tion n’a été ressenti qu’un an plus tard, lorsqu’Ansar Allah a pris le contrôle de la capitale. La
CDN au Yémen se démarque toutefois par l’inclusion considérable des jeunes (20 %) et des
femmes (30 %), qui, grâce aux quotas de représentation, ont joué un rôle majeur tout au long
du processus, transformant ainsi profondément la société yéménite.

Faiblesse du gouvernement et de la présidence.


Le fait que l’autorité de transition et le gouvernement d’union nationale aient principalement
bénéficié d’un soutien international tout en ne jouissant que d’une faible légitimité auprès de
la population yéménite a freiné et entravé la mise en œuvre, ce qui a contribué à multiplier les
tensions.

Absence de mécanismes d’instauration de la confiance et de désarmement.


Aucune mesure d’instauration de la confiance n’a été adoptée avant la CDN, à l’exception
de la participation de certains membres des parties au Comité technique de préparation
de la Conférence. L’absence d’initiative importante de désarmement a été particulièrement
critiquée par les experts, les groupes armés pouvant menacer de faire dérailler le processus.
Ceci s’est avéré très problématique au moment de traiter certaines questions fondamentales
telles que la justice transitionnelle ou la restructuration du secteur militaire et de la sécurité,
qui menaçaient les intérêts vitaux de ces groupes armés ou d’anciennes élites.

Mécanismes traditionnels de règlement des conflits.


Les hommes yéménites se rassemblent traditionnellement pour mâcher le khat lorsqu’ils
cherchent à atteindre un consensus, et ces réunions ont vraisemblablement eu lieu. Toutefois,
les femmes (généralement exclues de ce type de rassemblements) ont exercé d’importantes
pressions pour veiller à ce que toutes les discussions, et toutes les prises de décisions, aient
lieu dans le cadre même de la CDN.
313
Manuel de dialogue national

Conférence du dialogue national au Yémen, 2013-2014


Objectif : jeter les fondations d’un nouveau système politique ; résoudre les problèmes d’intérêt national ;
définir les principes de la réforme constitutionnelle ; et créer un comité de rédaction de la Constitution

PHASE DE PRÉPARATION PHASE DE PROCESSUS


COMITÉ DE CONTACT PRÉSIDIUM DE LA CDN
Créé par le décret présidentiel n° 13
Mandat :
(6 mai 2012)
Représentation de la CDN
Fonction principale : Planification, contrôle et suivi généraux
Aider le président à communiquer
Composition :
avec les principales parties au conflit
Président, 6 délégués de la CDN, rapporteur et
Composition : son adjoint, responsables haut placés de partis
8 membres choisis par le président ; (délégués de la CDN, mais également cercles
le décret autorisait le recours aux dirigeants d’Al-Islah, du GPC, du parti socialiste,
personnes considérées comme pouvant des nasséristes, des sudistes et des Houthis)
contribuer à la réussite du processus
de négociation. COMITÉ DES NORMES COMITÉ DE
ET DE LA DISCIPLINE CONCILIATION

COMITÉ TECHNIQUE POUR Mandat : Mandat :


LA PRÉPARATION DE LA CDN Supervision juridique Coordination des résultats,
Créé par le décret présidentiel et procédurale résolution des problèmes
n° 30 (12 juill. 2012) et sortie d’impasse, suivi
Mandat : Composition :
Décider du format, du programme, 7 personnalités judiciaires Composition :
des règles et de la logistique du et administratives Présidium de la CDN,
dialogue national présidents des groupes de
Définir les modalités de sélection travail, 6 membres nommés
des délégués par le président
Information/participation publique
SECRÉTARIAT DE LA CDN
Composition :
25 membres choisis par le président,
Fonctions : Gestion de la Conférence, documentation
puis 31 membres
et coordination de l’aide
Départements :
DOCUMENT EN 20 POINTS Secrétaire général de la CDN
20 points traitant des revendications Relations avec les délégués et les membres
du Sud (12 points) et de l’instauration
d’une relation de confiance avec Saada Participation de la communauté
(8 points) Coopération et assistance technique internationales
Ces 20 points n’ont, au mieux, que Sécurité de la Conférence
partiellement été mis en œuvre.
Opérations et administration
Documentation

25 565

Juill.-déc. 2012

314
Yémen

Structure

PHASE DE MISE EN ŒUVRE

Document final de la CDN


ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE
Près de 1 800 recommandations
Mandat :
Approbation des actes Résultat principal : transformation
Approbation des rapports finaux du Yémen en un État fédéral

Composition Sert de référence à la nouvelle


565 participants représentant des partis Constitution
politiques, des mouvements, les femmes,
les jeunes et la société civile

COMITÉ DE RÉDACTION
DE LA CONSTITUTION

Composition : 17 membres
nommés par le président

Représente différentes
forces politiques

GROUPES DE TRAVAIL
AUTORITÉ NATIONALE
Mandat : Dialogue de fond et atteinte d’un consensus
DE SUIVI DE LA MISE EN ŒUVRE
DES RÉSULTATS DE LA CDN
Question du Sud COMITÉ 8+8
fait sortir de Comité ad hoc composé de 8 délé-
l’impasse Composition : 82 membres choisis
gués du Nord et 8 délégués du Sud par le président
Question de Saada
Bonne gouvernance
Fondations pour consolider l’armée et les forces de sécurité
Construction de l’État
Questions d’intérêt national, réconciliation nationale
et justice transitionnelle
Indépendance d’entités spéciales
Droits et libertés
Développement

17

18 mars 2013-25 janv. 2014

315
Manuel de dialogue national

Collaborateurs et principales ressources


Afghanistan
Autrice : Vanessa Prinz. Nous adressons nos sincères remerciements à Michele Brandt pour sa
révision de la fiche pays.

« Accord définissant les arrangements provisoires applicables en Afghanistan en attendant


le rétablissement d’institutions étatiques permanentes » (« Accord de Bonn »), S/2001/1154,
5 décembre 2001. http://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/AF_011205_
AgreementProvisionalArrangementsinAfghanistan%28fr%29.pdf.
Afsah, Ebrahim et Hilal Guhr, Alexandra 2005. Afghanistan: Building a State to Keep the Peace,
in : A. von Bogdandy et R. Wolfrum (dir.). Max Planck Yearbook of United Nations Law,
vol. 9, 373-456. www.mpil.de/files/pdf2/mpunyb_afsahguhr_9_373_456.pdf.
Brandt, Michele 2005. Constitutional Assistance in Post-Conflict Countries.
The UN Experience: Cambodia, East Timor & Afghanistan. Programme des Nations Unies
pour le développement (PNUD).
ICG 2003. Afghanistan: the Constitutional Loya Jirga. Afghanistan Briefing. Kaboul/Bruxelles :
International Crisis Group (ICG). www.crisisgroup.org/asia/south-asia/afghanistan/
afghanistan-constitutional-loya-jirga.
Papagianni, Katia 2005. Transitional politics in Afghanistan and Iraq: Inclusion, consultation,
and public participation, in : Development in Practice, vol. 15, n° 6, 747–759.

Afrique du Sud
Autrice : Vanessa Prinz. Nous adressons nos sincères remerciements à Andries Odendaal pour
sa révision de la fiche pays.

Barnes, Catherine et De Klerk, Eldred 2002. South Africa’s Multi-Party Constitutional


Negotiation Process, in : Catherine Barnes (dir.) Accord 13. Owning the Process: Public
Participation in Peacemaking. Londres : Conciliation Resources, 26-33. www.c-r.org/accord/
public-participation/south-africa-s-multi-party-constitutional-negotiation-process.
Eloff, Theuns 2015. The Importance of Process in the South African Peace and Constitutional
Negotiations, Practitioner Notes no. 3. Pretoria : Centre for Mediation in Africa,
University of Pretoria. www.up.ac.za/media/shared/237/Practitioner%20Notes/
practitioner-notes-journal-03.zp61397.pdf.
Odendaal, Andries 2014. South Africa: Ending Apartheid through “Self-Mediation”, in :
Charlotta Collén, MAE Finlande (dir.). National Dialogue and Internal Mediation
Processes: Perspectives on Theory and Practice. www.formin.finland.fi/public/download.
aspx?ID=135470&GUID=%7B1EDD0A95-7358-4D06-BBFE-F6D880C5A944%7D.

316
Collaborateurs et principales ressources

Bahreïn
Autrice : Nadine Francis-Pohle. Nous adressons nos sincères remerciements à Munira Fakhro
pour sa révision de la fiche pays.

Fakhro, Elham 2013. Bahrain’s National Dialogue faces a Stalemate. Centre d’études d’Al
Jazeera.
www.studies.aljazeera.net/en/reports/2013/10/2013101091036321935.html.
Gulfnews Archive 2013. Bahrain: A kingdom in turmoil: Timeline on stalling national
dialogue. www.gulfnews.com/news/mena/other/bahrain-a-kingdom-in-turmoil-1.1230387.
Kinninmont, Jane et Sirri, Omar 2014. Bahrain : Civil Society and Political Imagination.
Londres : Chatham House. www.chathamhouse.org/sites/files/chathamhouse/field/field_
document/20141028BahrainKinninmontSirri.pdf.
Moritz, Jessie 2015. Prospects for National Reconciliation in Bahrain: Is it Realistic?.
Washington : The Arab Gulf States Institute in Washington. www.agsiw.org/wp-content/
uploads/2015/04/Moritz_Bahrain.pdf.

Bénin
Autrice : Nina Bernarding. Nous adressons nos sincères remerciements à Jonathan Harlander
pour sa révision de la fiche pays.

Brandt, Michele, Cottrell, Jill, Ghai, Yash et Regan, Anthony 2015. Le processus constitutionnel :
élaboration et réforme. Quelles options ? Genève : Interpeace.http://www.interpeace.org/
wp-content/uploads/2015/07/2015_02_Constitution-Making_Handbook_French.pdf.
Dossou, Robert 2000. Rapport introductif n° 1. L’expérience béninoise de la Conférence
nationale. democratie.francophonie.org/IMG/pdf/1592.pdf.
Heilbrunn, John R. 1993. Social Origins of National Conferences in Benin and Togo, in :
Journal of Modern African Studies, vol. 31, n° 2, 277–299.
Robinson, Pearl T. 1994. The National Conference Phenomenon in Francophone Africa, in :
Comparative Studies in Society and History, vol. 36, n° 3, 575–610.

Bolivie
Auteurs : Karin Göldner-Ebenthal et Damjan Denkovski. Nous adressons nos remerciements au
réviseur anonyme pour ses commentaires utiles.

« Bolivia: Ley especial de convocatoria a la Asamblea Constituyente, 6 de marzo de 2006 » 2006.


www.lexivox.org/norms/BO-L-3364.xhtml.
Albó, Xavier 2008. Movimientos y poder indígena, Ecuador y Perú, in : Cuadernos de
investigación n° 71. La Paz : CIPCA.
Carrasco, Alurralde, Inés Valeria et Albó, Xavier 2008. Cronología de la Asamblea Constituyente.
La Paz : Tinkazos. www.scielo.org.bo/pdf/rbcst/v11n23-24/v11n23-24a08.pdf.
Gamboa Rocabado, Franco 2009. Dilemas y conflictos sobre la Constitución en Bolivia:
Historia política de la Asamblea Constituyente. La Paz : KAS.

317
Manuel de dialogue national

Colombie
Auteurs : Karin Göldner-Ebenthal et Damjan Denkovski. Nous adressons nos sincères
remerciements à Katrin Planta, David Rampf, ainsi qu’à un réviseur anonyme, pour leur étude
minutieuse et constructive.

Buenahora Febres-Cordero, Jaime 1991. El proceso constituyente: De la propuesta estudiantil


a la quiebra del bipartidismo. Bogotá : Tercer Mundo Editores.
Buenahora Febres-Cordero, Jaime 1995. La democracia en Colombia: Un proyecto en construcción.
Bogotá : Contraloría General de la República.
Fox, Donald T., Gallon-Giraldo, Gustavo et Stetson, Anne 2010. Lessons of the Colombian
Constitutional Reform of 1991: Toward the Securing of Peace and Reconciliation?, in :
Laurel E. Miller (dir.). Framing the state in times of transition: Case studies in constitution
making. Washington : United States Institute of Peace Press, 467–482.
Rampf, David et Chavarro, Diana 2014. The 1991 Colombian National Constituent Assembly –
Turning Exclusion into Inclusion, or a Vain Endeavour?, Inclusive Political Settlements
Paper 1. Berlin : Fondation Berghof.

Éthiopie
Autrice : Nina Bernarding.

Smith, Lahra 2007. Political Violence and Democratic Uncertainty in Ethiopia. Washington :
United States Institute of Peace Press. www.files.ethz.ch/isn/38969/2007_August_sr192.pdf.
Tewfik, Hashim 2010. Transition to Federalism: The Ethiopian Experience.
Ottawa : Forum of Federations. www.forumfed.org/pubs/occasional_papers/OCP5.pdf.
Vaughan, Sarah 1994. The Addis Ababa Transitional Conference of July 1991: Its Origins, History
and Significance. Édimbourg : Centre of African Studies, Edinburgh University.

Guatemala
Auteur : Centro de Estudios de Guatemala. Nous adressons nos sincères remerciements à
Corinne von Burg pour sa révision de la fiche pays.

Alvarez, Enrique 2002. The Grand National Dialogue and the Oslo Consultations:
Creating a Peace Agenda, in : Catherine Barnes (dir.). Accord 13. Owning the Process:
Public Participation in Peacemaking, Londres : Conciliation Resources, 44–47. www.c-r.org/
accord-article/grand-national-dialogue-and-oslo-consultations-creating-peace-agenda.
Alvarez, Enrique et Palencia Prado, Tania 2002. Guatemala’s peace process: Context,
analysis and evaluation, in : C. Barnes (dir.). Accord 13. Owning the Process: Public
Participation in Peacemaking, Londres : Conciliation Resources, 38–43. www.c-r.org/
accord/public-participation/guatemala-s-peace-process-context-analysis-and-evaluation.
Centro de Estudios de Guatemala 2016. Case Study on Guatemala – Observations and
reflections on the negotiation and national dialogue process. Berne : swisspeace.
Également disponible en espagnol.

318
Collaborateurs et principales ressources

Irak
Autrice : Vanessa Prinz. Nous adressons nos sincères remerciements à Katia Papagianni pour
sa révision de la fiche pays.

Otterman, Sharon 2005. Iraq: The National Conference. New York : Council on Foreign
Relations (CFR). www.cfr.org/iraq/iraq-national-conference/p7638.
Papagianni, Katia 2005. Transitional politics in Afghanistan and Iraq: Inclusion, consultation,
and public participation, in : Development in Practice, vol. 15, n° 6, 747–759.
Papagianni, Katia 2006. National Conferences in Transitional Periods: The Case of Iraq, in :
International Peacekeeping, vol. 13, n° 3, 316-333.
Ridolfo, Kathleen 2008. Assessing Iraq's National Conference. Washington :
Fondation Carnegie pour la paix internationale. carnegieendowment.org/sada/?fa=21206.

Jordanie
Autrice : Malika Bouziane. Nous adressons nos sincères remerciements à Mohammed Halaiqah
pour sa révision de la fiche pays.

Bouziane, Malika et Lenner, Katharina 2011. Protests in Jordan: Rumblings in the Kingdom of
Dialogue, in : Protests, revolutions and transformations – the Arab World in a Period of
Upheaval. Collaborative Research Center 700 « Governance in Areas of Limited Statehood »
Working Paper No 1, Freie Unviersität Berlin.
Hamid, Shadi et Freer, Courtney 2011. How stable is Jordan? King Abdullah’s half-hearted
reforms & the challenge of the Arab Spring. Policy Briefing. Doha : Brookings.
www.brookings.edu/~/media/research/files/papers/2011/11/jordan-hamid-freer/10_
jordan_hamid_freer.pdf.
Hazaimeh, Hani 2011. National dialogue resumes. ar.ammannet.net/news/101090.
Tarawnah, Naseem 2011. The Missing Youth: How to have a National Dialogue without Jordan’s
biggest constituency? Black Iris. black-iris.com/2011/03/16/the-missing-youth-how-to-
have-a-national-dialog-without-jordans-biggest-constituency.

Kenya
Autrices : Barbara Kemper et Engjellushe Morina. Nous adressons nos sincères remerciements
à Meredith Preston McGhie et à Neha Sanghrajka pour leur révision de la fiche pays.

Centre pour le dialogue humanitaire (HD). Kenya. www.hdcentre.org/fr/activities/


kenya-2007-2008/.
Fondation Kofi Annan 2009. The Kenya National Dialogue and Reconciliation:
One Year Later - Overview of Events, Suisse. www.kofiannanfoundation.org/in-the-news/
the-kenya-national-dialogue-and-reconciliation-one-year-later-geneva-30-31-march-2009.
Lindenmayer, Elisabeth et Kaye, Josie Lianna 2009. A Choice for Peace? The Story of Forty-One
Days of Mediation in Kenya. New York : International Peace Institute.
McGhie, Meredith Preston et Njoki Wamai, E. 2011. Beyond the numbers: Women’s
Participation in the Kenya National Dialogue and Reconciliation. Genève : HD Centre.
www.hdcentre.org/wp-content/uploads/2016/08/18KWOATreportmodified220211_0-
March-2011.pdf.
South Consulting Ltd. 2009. The Kenya National Dialogue and Reconciliation (KNDR)
Monitoring Project. Project Context and Summary of Findings. Nairobi : Institut Katiba.

319
Manuel de dialogue national

Liban
Auteurs : Feras Kheirallah, Sonja Neuweiler et Oliver Wils. Nous adressons nos sincères
remerciements à Karam Karam et à Martin Wählisch pour leur révision de la fiche pays.

« Presidency of the Republic of Lebanon ». www.presidency.gov.lb/English/News/Pages/


NationalDialogue.aspx.
Comité du dialogue national 2014. Final Statement of the National Dialogue Committee
session held at the Presidential Palace in Baabda. www.presidency.gov.lb/English/News/
Pages/Details.aspx?nid=23271.
Common Space Initiative 2015. Research Guide: The Lebanese National Dialogue (2008–2014).
commonspaceinitiative.libguides.com/LebaneseNationalDialogue08-14.
Wählisch, Martin 2017. The Lebanese National Dialogue: Past and Present Experience
of Consensus-Building. Étude de cas du Manuel de dialogue national.
Berlin : Fondation Berghof.

Mali
Auteurs : Ousmane Sy, Ambroise Dajouo et Kadari Traoré. Nous adressons nos sincères
remerciements à Veronique Dudouet pour sa supervision et sa relecture de l’étude de cas, ainsi
qu’à Karin Göldner-Ebenthal pour son soutien au processus de révision.

Eboussi Boulaga, Fabien 2009. Les conférences nationales en Afrique noire : Une affaire à
suivre. Paris : Karthala.
Massicotte, Louis 2009. Mapping the road to democracy: the national conference of Mali
29 July to 12 August 1991. Document présenté lors de la Conférence « Changer la donne
politique : Nouveaux processus constituants ». Québec : Université Laval.
Sy, Ousmane, Dajouo, Ambroise et Traoré, Kadari 2016. Dialogue national au Mali – Leçons
de la Conférence Nationale de 1991 pour le processus de sortie de crise.
Étude de cas du Manuel de dialogue national. Berlin : Fondation Berghof.
Thiriot, Céline 2002. Rôle de la société civile dans la transition et la consolidation
démocratique en Afrique : éléments de réflexion à partir du cas du Mali, in : Revue
internationale de politique comparée 9, 277-295.

Népal
Auteurs : Bishnu Raj Upreti et Bishnu Sapkota. Nous adressons nos sincères remerciements à
Corinne von Burg pour sa révision de la fiche pays.

Ariño, María Villellas 2008. Nepal: a gender view of the armed conflict and the peace process.
Barcelone : School for a Culture of Peace, Universitat Autònoma de Barcelona.
Einsiedel von, Sebastian, Malone, David M. et Pradhan, Suman 2012. Nepal in Transition:
From people's war to fragile peace. New Delhi : Cambridge University Press India Ltd.
Grävingholt, Jörn, Bendfeldt, Lennart, Berk, Linda, Blos, Yvonne, Fiedler, Charlotte et
Mroß, Karina 2013. Struggling for stability International support for peace and democracy
in post-civil war Nepal, Discussion Paper 27. Bonn : German Development Institute.
Upreti, Bishnu Raj 2006. Armed Conflict and Peace Process in Nepal: The Maoist Insurgency,
Past Negotiation and Opportunities for Conflict Transformation. New Delhi :
Adroit Publishers.
Upreti, Bishnu Raj et Sapkota, Bishnu 2016. Case Study on Nepal - Observations and
reflections on the peace and constitution-making process. Bern : swisspeace.

320
Collaborateurs et principales ressources

Pologne
Autrice : Corinne von Burg.

Curtis, Glenn E. (dir.) 1992. Poland: A Country Study. Washington : Federal Research Division,
Library of Congress.
Elster, Jon (dir.) 1996. The Roundtable Talks and the Breakdown of Communism. Chicago et
Londres : University of Chicago Press.
Kennedy, Michael D. 2002. Negotiating Revolution in Poland: Conversion and Opportunity
in 1989. Michigan : University of Michigan.

République centrafricaine
Auteurs : Barbara Kemper et Nico Schernbeck. Nous adressons nos sincères remerciements à
Freddy Nkurikiye pour sa révision de la fiche pays.

Arieff, Alexis et Husted, Tomas F. 2015. Crisis in the Central African Republic, Congressional
Research Service Report, 17 août 2015. http://libguides.nps.edu/africa/crs.
Centre pour le dialogue humanitaire (HD). Central African Republic.
www.hdcentre.org/en/our-work/peacemaking/central-african-republic.
CPFNB 2015. Rapport général d’activités de la Commission préparatoire du Forum national de
Bangui. jfakiblog.files.wordpress.com/2016/05/rapport-gc3a9nc3a9ral-de-la-cpfnb.pdf.

Soudan
Auteur : Elshafie Khidir Saeid. Nous adressons nos sincères remerciements à Nayla Hajjar pour
sa révision de la fiche pays.

Dialogue national au Soudan. www.hewarwatani.gov.sd.


Saeid, Elshafie Khidir 2017. Sudan's National Dialogue Conference: The Permissible Questions.
Étude de cas du Manuel de dialogue national. Berlin : Fondation Berghof.

Tunisie
Autrice : Rikke Hostrup Haugbølle. Nous adressons nos sincères remerciements à Dhamir
Mannai pour sa révision de la fiche pays.

Haugbølle, Rikke Hostrup, Yousfi, Hèla, Ghali, Amine, Limam, Mohamed et Grønlykke
Mollerup, Nina 2017. Tunisia’s 2013 National Dialogue: Political Crisis Management.
Étude de cas du Manuel de dialogue national. Berlin : Fondation Berghof.
Haugbølle, Rikke Hostrup et Cavatorta, Francesco 2011. Will the real Tunisian opposition
please stand up?, in : British Journal of Middle Eastern Studies, vol. 38, n° 3, 323–341.
M’rad, Hatem 2015. Le dialogue national en Tunisie. Association tunisienne d’études
politiques (ATEP) et United States Institute of Peace (USIP). Tunis : Nirvana.
Yousfi, Hèla 2015. L’UGTT, une passion tunisienne. Enquête sur les syndicalistes en
révolution (2011-2014). Tunis-Paris : IRMC-Karthala.

Yémen
Autrices : Alia N. Eshaq et Sonja Neuweiler. Nous adressons nos sincères remerciements à
Afrah Al-Zouba, Ali Saif Hassan et Oliver Wils pour leur révision de la fiche pays.

Conférence du dialogue national. www.ndc.ye.


Programme d’appui au dialogue national. ndsp-yemen.org.

321
Notes
Toutes les publications élaborées dans le cadre de ce projet sont disponibles
à l’adresse suivante :

www.berghof-foundation.org/publications/national-dialogue-handbook
ISBN : 978-3-941514-26-3

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