Grandjean 60010900 2020
Grandjean 60010900 2020
Grandjean, Julien
ABSTRACT
La finance comportementale est une branche de la finance qui cherche à décrire et expliquer pourquoi,
dans certaines situations, l’être humain adopte un comportement irrationnel dans sa prise de décisions.
La finance comportementale se situe aux antipodes de la théorie classique de la finance qui considère
l’être humain comme étant un agent capable de produire des prévisions à très long terme, de calculer des
probabilités et de faire des choix rationnels sans être influencé par ses émotions. Le but de ce mémoire est
de présenter aux lecteurs les bases de la finance comportementale en s’appuyant sur les connaissances
scientifiques des dernières années dans des domaines aussi divers que la psychologie, la sociologie et
l’anthropologie.
Grandjean, Julien. La finance comportementale ou comment la psychologie s’immisce dans des décisions
dites rationnelles.. Louvain School of Management, Université catholique de Louvain, 2020. Prom. :
Devolder, Pierre. http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:25675
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La finance comportementale ou
comment la psychologie s’immisce
dans des décisions dites
rationnelles.
finance qui considère l’être humain comme étant un agent capable de produire des prévisions
à très long terme, de calculer des probabilités et de faire des choix rationnels sans être
les autres.
INTRODUCTION
Lorsque nous parlons d’amis, de connaissances, d’individus, nous les décrivons souvent en
utilisant des adjectifs. Certains sont dits pragmatiques. Ceux-ci pensent de façon rationnelle,
ne prennent des décisions qu’en se basant sur des données objectives et ne se laissent pas
facilement guider par leurs émotions. Ils exercent souvent dans la médecine, les
mathématiques ou la recherche. Ils ne basent leur diagnostic que sur des données concrètes.
À l’inverse, certaines personnes sont décrites comme étant plus irrationnelles. Elles prennent
des décisions plus subjectives et exercent dans des professions où le côté empirique est moins
palpable. Ces individus font le plus souvent partie de domaines classifiés comme abstraits à
(c.-à-d., les domaines dits rationnels). En effet, dans la pensée populaire, un financier est
méticuleux. Il analyse les données avec minutie avant de prendre une décision. Il est
méthodique et ne se laisse pas submerger par ses émotions. Il est en parfaite adéquation avec
le modèle de l’« homo economicus » qui définit l’être humain comme étant un être rationnel
décrit par Thaler et Sustain (2009) comme : «un agent très intelligent, capable de produire des
prévisions à très long terme, de calculer des niveaux de satisfaction grâce à des fonctions
mathématiques et d’effectuer des choix rationnels sans être influencé par ses émotions»
(Thaler & Sunstein, 2019). C’est de ce constat de base, à savoir la rationalité du comportement
humain, qu’ont été construites les fondations de la théorie financière et la notion d’efficience
de marché.
2
En 1965, Eugène Fama décrivait un marché efficient comme étant : « […] a market
where there are large numbers of rational profit-maximizers actively competing, with each
trying to predict future market values of individual securities, and where important current
among the many intelligent participants leads to a situation where, at any point in time, actual
prices of individual securities already reflect the effects of information based both on events
that have already occurred and on events which, as of now, the market expects to take place
in the future. In other words, in an efficient market at any point in time the actual price of a
security will be a good estimate of its intrinsic value »1. L’hypothèse d’efficience de marché
suppose donc que le prix d’une action, d’une obligation ou de tout autre instrument financier
nomination d’un nouvel administrateur, les fonds propres ainsi que le niveau d’endettements
financiers. Le côté subjectif, les croyances et les préférences des investisseurs ne sont pas
censés être pris en considération. Par conséquent, la théorie d’efficience de marché suggère
qu’il est difficile, voire quasiment impossible de réaliser des profits supérieurs au rendement
moyen d’un marché financier hormis par chance. En effet, si le prix de chaque action
représente l’ensemble des informations disponibles au sujet d’une société, avec des millions
1
Résumé en français : « Sur un marché efficient, la concurrence que se livre un grand nombre d’opérateurs
avisés, crée une situation dans laquelle, à chaque instant, les prix des différentes valeurs reflètent les effets de
l’information basée d’une part, sur des évènements qui se sont déjà produits et, d’autre part, sur des
évènements que le marché s’attend à voir dans le futur. En d’autres termes le prix pratiqué est, à tout moment,
une bonne estimation de la valeur intrinsèque du titre » (Barraud & Paugam, 2013).
3
d’investisseurs scrutant les marchés chaque jour, il est peu probable – voire totalement
Au fur et à mesure des années cependant, l’efficience des marchés a été remise en
mouvements financiers qui se sont déroulés lors des 100 dernières années. Afin d’illustrer ces
une valeur représentant seulement 8 fois ses bénéfices. En 1969 et 1970, les bénéfices de
constante de bénéfices, la valorisation de l’action subit une chute drastique en 1970. En effet,
à cette époque, soit 2 ans après avoir atteint une valeur de 48 dollars, l’action National Presto
Industries ne valait plus que 21 dollars. Cette valeur (c.-à-d., 21 dollars) représentait moins de
4 fois les bénéfices enregistrés et moins que la valeur liquidative3 de la société. En d’autres
termes, à cette époque donc, les investisseurs jugeaient que l’entreprise valait moins que la
Un autre exemple de valorisation aberrante est celui de Lucent Technologies Inc. qui,
au milieu des années 2000 était possédé par plus d’investisseurs que n’importe quelle action
seulement justifiée ? Nous pouvons nous poser la question. En effet, en regardant le rapport
2
Un « bull market » ou « marché haussier » en français est une bourse dans laquelle les cours semblent
orientés durablement à la hausse.
3
« Net current asset value » en anglais.
4
financier de cette compagnie4, on peut s’apercevoir que Lucent avait valorisé 4.2 milliards de
dollars comme « goodwill » pour l’achat d’une société qui n’avait à l’époque, aucun client et
zéro revenu ! En plus de cela, Lucent avait intégré le cout de développement de nouveaux
programmes dans la section « capital asset », retirant dès lors cette dépense des bénéfices
reportés. Lucent avait également prêté 1.5 milliard de dollars aux acheteurs de ses produits.
Un choix peu prudent en cas de crise économique (ou si ceux-ci tombaient en faillite dans le
futur). Par conséquent, alors qu’en juin 2000, l’action Lucent valait 51 dollars, en 2002 elle
n’en valait plus que 1.26 dollar. Cela représente une perte de valorisation de plus de 190
milliards de dollars ! Une chute de plus de 97% de la valeur d’une action peut être
des investisseurs dès l’année 2000 et va à l’encontre de la théorie d’efficience des marchés
financiers.
également légion lors de la « dot-com bubble », lors de la crise de 2008 ou encore récemment
fluctuer. Lors de telles crises, ces fluctuations (pouvant parfois atteindre plus de 10%)
Dès le début des années 1960, Daniel Kahneman, un psychologue israélien, s’est
intéressé à la prise de décision chez les êtres humains. Avec le mathématicien et psychologue
4
Accessible sur le site www.sec.gov.
5
comprendre les bases cognitives et émotionnelles de la prise de décision. À deux, ils écrivirent
economicus » qui considère les êtres humains comme étant des agents rationnels qui
m’appuyant sur les travaux ayant étudié cette branche de la finance, j’explique et développe
pourquoi l’investisseur, même professionnel, a tendance à poser des choix non rationnels et
financièrement coûteux.
investisseurs et des marchés. » (De Winne & D’Hondt, 2017). Celle-ci se base sur l’observation
d’un certain nombre d’anomalies qui contredisent la théorie de l’efficience des marchés
5
« Prospect theory » en anglais.
6
financiers. Elle démontre que les investisseurs ne sont pas épargnés par des biais cognitifs qui
sont susceptibles de modifier à la fois leurs croyances et préférences. De façon générale, elle
financiers.
analystes financiers et qui par conséquent réduisent les bénéfices de leur portefeuille - ou
L'analyse heuristique (du grec « heuriskein » qui veut dire trouver) est un protocole de
résolution employé pour fournir une solution réalisable à un problème trop complexe souvent
déterminé par un grand nombre de critères à prendre en compte. À l’inverse d’un algorithme,
qui va chercher et explorer l’ensemble des combinaisons possibles afin de trouver LA solution
optimale, l'heuristique va se baser sur les expériences passées, l’intuition, etc. afin de filtrer
les différentes options dans le but de réduire le champ des possibilités. De ce fait, elle ne
permet pas toujours d'arriver à un résultat et garantit encore moins l'exactitude de celui-ci
(Deluzarche, n.d.).
7
L’utilisation d’heuristiques dans notre prise de décision s’explique par le fait que, dans
la vie de tous les jours, nous n’avons pas toujours le temps, l’énergie ou l’envie, d’analyser un
problème en profondeur. La capacité analytique de notre cerveau étant limitée, celui-ci est
obligé de faire des choix afin d’arriver à des solutions rapides permettant le traitement de
nouvelles informations. Cela explique pourquoi nous utilisons souvent des raccourcis afin de
plusieurs types d’heuristiques peuvent expliquer les fluctuations excessives des marchés
financiers.
Une première heuristique est celle de représentativité qui décrit la tendance des
investisseurs à baser leur jugement sur des informations qui leur sont familières et
personnalisables plutôt que sur des bases statistiques. Cette heuristique invite par exemple à
prendre des décisions en se reposant sur des échantillons trop petits (Kahneman, 2011;
Kahneman & Tversky, 1974; Tversky & Kahneman, 1971). Elle amène régulièrement
l’investisseur à distinguer des tendances à la hausse ou à la baisse sur les différents marchés
surestimer la possibilité qu’un évènement se reproduise et cela, d’autant plus que cet
action). Elle permet en partie d’expliquer pourquoi de nombreux investisseurs ont tendance
à acheter quand un titre est à la hausse et à vendre quand celui-ci commence à baisser
(Susskind, 2005). Par exemple, s’il vous est demandé de citer un grave problème sociétal, vous
citerez probablement une information étant récemment apparue lors d’un journal télévisé ou
vous ayant fortement marqué (exemple : la crise du coronavirus ou les attentats de Paris et
économique ou une estimation la rentabilité à venir des marchés financiers. Avec la crise des
dot-com, celle de 2008 et la crise du coronavirus, les investisseurs ont tendance à surestimer
la probabilité d’une crise financière et à estimer de façon erronée les rentabilités futures en
Une troisième heuristique est l’heuristique basée sur le conservatisme. Celle-ci « […]
rend compte de la tendance des investisseurs à surévaluer la valeur des informations qui
confirment leurs opinions et à minimiser les informations qui les infirment » (Barraud &
Paugam, 2013). Elle peut être expliquée par la peur du changement et de l’incertitude qui
l’accompagne ainsi que par une réticence à admettre ses erreurs. Celle-ci est à l’origine de la
façon générale (Barberis, Shleifer, & Vishny, 1998). Elle est à l’inverse de l’heuristique de
représentativité qui stipule que les investisseurs surréagissent aux informations relatives au
passé (comme par exemple l’augmentation ou la diminution à court terme de la valeur d’un
actif financier). Le biais de confirmation va dans le sens de cette heuristique puisqu’il suggère
que les investisseurs recherchent intentionnellement les informations qui vont dans le sens
9
1957; Goetzmann & Peles, 1997). Ce biais entre donc dans un processus bien connu de la race
opter pour une option plutôt que pour une autre uniquement parce ce que celle-ci lui est plus
familière. Les investisseurs sont par exemple plus enclins à investir dans des sociétés qui
proposent des produits familiers plutôt que dans celles proposant des produits peu communs.
Ils surpondèrent également leurs positions dans des actions domestiques (Sercu & Vanpee,
2007), locales (Coval & Moskowitz, 1999), voire dans celles appartenant à la société qui les
Une dernière heuristique est celle de la diversification naïve qui démontre que de
nombreux investisseurs cherchent à diversifier leur portefeuille sans pour autant prendre en
« amateurs », elle l’est également chez les « pros ». Une étude de 2019 démontre en effet que
malgré le fait que les investisseurs institutionnels démontrent de fortes capacités d’analyses
et de décisions en termes d’achat, leur décision de vendre un titre est souvent aberrante
(Akepanidtaworn, Di Mascio, Imas, & Schmidt, 2019). Ainsi, alors que leur décision d’achat
surpasse l’indice de référence et une stratégie d’achat randomisée, leur décision de vente
10
sous-performe de plusieurs points une vente de titre basée sur une formule totalement
randomisée.
d’optimisme
est conçu pour penser qu’il est meilleur que son voisin. Même si probablement essentielle à
l’équilibre psychique de l’être humain, cette pensée reste néanmoins dangereuse car elle ne
collègues, amis ou famille sur des sujets tels que la conduite automobile ou la courtoisie. Ainsi,
la plupart des gens ont tendance à incriminer « la plupart des gens » dont ils font
probablement eux-mêmes partie. Les données observées dans le monde automobile vont
dans le même sens. Par exemple, une récente étude auprès de 1.054 personnes de nationalité
française démontre que 90,3% des personnes interrogées estiment être de «bons
conducteurs» alors que selon l'Association des constructeurs européens d'automobiles, les
Français conduisent moins bien que la moyenne européenne (Chauvot, 2020). Cela confirme
les observations faites par les travaux cités plus haut : l’homme n’est pas un être de pensée
volumes importants d’actifs financiers au détriment de leur portefeuille (Hu, 1997). Ces
impressions de confiance et de contrôle sont d’autant plus exacerbées par les plateformes en
ligne et l’incroyable masse d’informations disponibles sur internet ; nous pensons comprendre
les évènements et la direction dans laquelle ils vont. Souvent malheureusement, ce contrôle
n’est qu’une illusion qui entraine de grosses déconvenues pour certains individus, avec des
Un exemple récent est celui de Alexander E. Kearn, un jeune homme de 20 ans étudiant
à l’université du Nebraska qui s’est donné la mort après avoir investi durant la pandémie sur
(Klebnikov & Gara, 2020). En pleine période de Covid-19, ce jeune homme s’était mis à
« investir » en plaçant son argent dans des instruments financiers de type « options ». Dans
une note retrouvée plus tard sur son ordinateur, il explique cependant qu’il n’avait aucune
idée des transactions qu’il effectuait et se demandait comme un homme de 20 ans sans aucun
revenu peut être capable d’avoir une dette de près d’un million de dollars américains.
point crucial à la formation et aux gonflements de ces bulles (Scheinkman & Xiong, 2003).
Un nombre important d’études a montré le rôle crucial que jouent les émotions dans
la prise de décision. Chaque élément composant notre journée influence notre humeur et
12
l’état émotionnel dans lequel nous nous trouvons. Une augmentation de salaire, un accident
de voiture, la pratique sportive, un film, sont autant d’éléments qui vont déclencher tantôt de
démontré par exemple que la bonne humeur augmente la prise de risque (Isen & Patrick,
1983). Des éléments externes et qui ne sont pas sous notre contrôle jouent également un rôle
prépondérant. De nombreuses corrélations ont en effet été observées entre la rentabilité des
marchés actions et l’ensoleillement, les phases lunaires ou encore l’approche des jours fériés
(Hirshleifer & Shumway, 2003; Kim & Park, 1994). Malgré leur côté farfelu, ces évènements
induisent des émotions auprès des investisseurs qui, par effet boule de neige, induisent des
comportements d’achat ou de vente qui, pris de façon collective, ont un impact significatif sur
anglais) jouent un rôle prépondérant dans les décisions financières. Les fonctions exécutives
englobent de nombreuses capacités comme le fait de pouvoir jouer avec des idées, de prendre
le temps de réfléchir avant d’agir, de rencontrer la nouveauté ou des défis non anticipés ainsi
que de résister aux tentations et de rester concentré. Les fonctions exécutives les plus
connues sont l’inhibition (c.-à-d., capacité de pouvoir résister aux tentations et à l’envie d’agir
cognitive), la mémoire de travail et la flexibilité cognitive (c.-à-d., voir les choses de différents
prépondérant. L’inhibition par exemple permet aux individus de pouvoir placer leur argent sur
un compte d’épargne en vue d’un achat plus important dans le futur. La fonction de contrôles
des interférences quant à elle permet de sélectionner les informations financières les plus
importantes et mettre de côté celles qui sont hors sujet. Quant à la mémoire de travail et la
terme et l’utilisation de ces informations en vue de prendre des décisions « outside the box »
fonctions exécutives sont régulièrement reportées dans des populations caractérisées par des
comportements inappropriés (exemple : dépendance au jeu, etc.) (Dalley, Everitt, & Robbins,
2011; Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fourth Edition, Text Revision
(DSM-IV-TR), 2000)
Alors que la flexibilité cognitive permet de sortir des sentiers battus, les relations
sociales ont souvent l’effet inverse : elles invitent les investisseurs à se conformer aux actions
comportement conformiste faisant que la diversification n’est pas à l’ordre du jour dans un
groupe. La plupart des investisseurs possèdent à l’heure actuelle des actions Apple, Amazon
6
En effet, si chaque individu achetait strictement les mêmes produits financiers que son voisin, il ne pourrait
jamais posséder un portefeuille avec un rendement supérieur à celui de la moyenne du marché.
14
ou Microsoft par exemple. Ils veulent investir dans le bitcoin. Ces tendances, similaires à celles
des années 2000, naissent de l’avis de certains « influenceurs » qui suggèrent que l’une ou
l’autre thématique d’investissement est plus prometteuse que l’autre. Elles influencent des
nombreux individus à faire des choix parfois pertinents (exemple : lorsque Warren Buffet
suggère aux investisseurs non professionnels de posséder un fonds indiciel comme celui du
titre, de nombreux investisseurs vont dans le même sens, amplifiant la fluctuation de valeur
de cet actif. Par exemple, durant la « dot-com bubble » propre à la fin des années 90, un
gestionnaire de fonds nommé James J. Cramer suggéra que les compagnies du secteur de
l’informatique et d’internet sont « the only ones worthowning right now […] These winners of
the new world are the only ones that are going higher consistently in good days and bad […]
You have to throw out all of the matrices and formulas and texts that existed before the Web.
. . . If we used any of what Graham and Dodd teach us, we wouldn’t have a dime under
management. » (Cramer, 2000). Parce que ce genre de discours était la norme de la part de
gestionnaires de fonds à cette époque, de nombreux investisseurs ont investi leurs économies
de monsieur Cramer n’en était pas correcte pour autant. En 2002, certains de ses fonds
avaient déjà fait faillite et un investissement réparti équitablement sur l’ensemble des
7
Le S&P 500 est un indice boursier créé en 1957 qui reprend 500 grandes entreprises cotées sur les bourses
aux Etats-Unis.
15
positions suggérées par monsieur Cramer aurait subi une perte de 94% (Graham & Zweig,
2006).
cognitif dénommé « Framing effect » a été démontré par les travaux de Tversky et Kahneman
(Tversky & Kahneman, 1989). Ce biais cognitif suggère qu’un individu peut avoir des
comportements totalement contradictoires face aux gains et aux pertes suivant la situation
« risquophile » en période de pertes. Cela s’explique par la valeur subjective que l’individu
donne à gagner une somme déterminée. En effet, en période de gains virtuels (augmentation
réponse est inversé lorsque les performances sont encaissées et deviennent réelles. Les pertes
conséquentes marquent l’individu qui devient réticent face à certaines classes d’actifs (le
marché des actions lors de la crise de 2008 par exemple) alors que son aversion au risque
Ce type de comportement est d’autant plus surprenant qu’il est en totale opposition
avec le fait qu’un indice devient plus risqué lorsque sa valeur augmente et moins risqué
DISCUSSION
Les facteurs qui influencent la prise de décision chez les investisseurs sont bien définis.
De façon ironique cependant, bien que tout un chacun connaisse l’effet pervers des
biais cognitifs, les erreurs de jugement, la tendance au mimétisme et l’effet boule de neige de
l’appréciation des actifs financiers en période de marché haussier sont autant d’éléments
encore courants qui suggèrent une surestimation de l’estime de soi de la part des investisseurs
: « cela arrive aux autres, mais ne peut m’arriver ; je suis un investisseur averti des dangers du
Les statistiques et données disponibles démontrent cependant une tout autre réalité.
En effet, peu importe l’année, approximativement 90% des analystes financiers sous-
malheureusement pas fort différente pour les investisseurs amateurs. Elle est même pire.
Ceux-ci sont en effet plus enclins à sélectionner des titres de maigre qualité ainsi qu’à acheter
lorsque les marchés sont à leur apogée. Ils ont également une rotation d’actifs élevée souvent
Figure 1 : Pourcentage des fonds d’action américains surpassés par des indices de références. (Source :
2017 SPIVA US Scorecard).
Étant donné qu’il est irréaliste de supposer que la majorité – et même une petite partie
Premièrement, les institutions financières devraient avertir leurs clients lorsque ceux-
ci semblent aller dans une direction erronée. Bien que pouvant être contraire à leurs intérêts
financiers, signaler à un client qu’il est probablement sujet à un biais cognitif semble être une
point de vue marketing, agir de la sorte peut leur donner un avantage important vis-à-vis de
également être d’application au niveau de leurs analystes et « stock-pickers » afin que ceux-ci
18
ne tombent pas dans les nombreux pièges énumérés dans la première partie de ce mémoire.
Dans leur récente étude, Akepanidtaworn et. al. (2019) suggèrent l’utilisation de feedbacks
d’actifs financiers (Akepanidtaworn et al., 2019). De telles mesures semblent d’autant plus
cruciales que de nombreux fonds d’épargnes pensions sont gérés par des banques et
décisions de quelques-uns.
Secondement, les régulateurs doivent prendre les choses en mains afin de proposer
des lois afin d’encadrer « strictement » les pratiques d’investissement. Par exemple en
établissements financiers qui fournissent des services d’investissement et/ou des services
auxiliaires, l’Europe a désiré mieux protéger les investisseurs en obligeant les banques à
procurer à ceux-ci un rapport détaillé reprenant l’ensemble de leurs frais. Il permet par
exemple de comparer le return réel d’un fond par rapport à un index et de relativiser la
performance brute d’un portefeuille avec l’ensemble des frais cachés (c.-à-d., frais courants,
taxe boursière, précompte mobilier, etc.). Le choix entre réglementation et information peut
cependant parfois s’avérer cornélien, car une réglementation restrictive dans le but de
« pointue » ne devrait pas être réservé uniquement à certains chercheurs. Il devrait profiter
19
au plus grand nombre. Certains articles ne devraient être payants. À l’inverse, les consulter
devrait être gratuit, voire même encouragé par les autorités publiques. Dans une période de
taux obligataires nuls (ou carrément négatifs) et de taux d’intérêt inférieurs à l’inflation, de
nombreuses personnes se tournent désormais vers les marchés financiers afin de recevoir un
revenu de leur épargne. Malheureusement, beaucoup tombent dans le piège des heuristiques
et des biais cognitifs. Parce qu’un investisseur averti en vaut probablement deux, il me semble
important que tout un chacun puisse avoir accès à la littérature scientifique et aux
CONCLUSION
une vision plus réaliste du comportement des individus. Il propose des alternatives à
l’approche traditionnelle en faisant collaborer des sciences aux courants parfois opposés
au seul monde académique ; ses connaissances doivent être partagées et être porteuses de
messages forts envers les investisseurs, les gestionnaires de fonds et les régulateurs.
Il s’agit en définitive d’identifier et de proposer des solutions aux investisseurs afin que
ceux-ci ne tombent pas dans le piège des heuristiques (ou le moins possible) et de permettre
20
aux régulateurs de déterminer les éléments pour lesquels une intervention est nécessaire
espéré que des crises financières et des actes de désespoir profond comme celui de Monsieur
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Abstract : Behavioural finance aims at the understanding of the
sometimes irrational decisions made by investors and financial
analysts. To complete its goal, behavioural finance draws on
different scientific fields such as psychology, sociology, and even
Louvain School of Management
anthropology. The goal of the present thesis is to present the
readers with a short review of the field of behavioural finance.