Partie 1 (1) - Résumé-2023
Partie 1 (1) - Résumé-2023
Sociologie
Ludivine Damay
ludivine.damay@ulb.be
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Avertissement !
Ces notes sont un résumé du cours, elles ne se veulent pas exhaustives. Certaines parties de
ces notes sont donc volontairement incomplètes. Elles ne contiennent en tout cas ni les
exemples, ni les illustrations, ni les exercices proposés au cours qui permettent de développer
des compétences d’analyse qui seront aussi testées lors de l’examen. La présence active au
cours est vivement conseillée !
Introduction
Ce cours a pour objectif général d’initier les étudiants en architecture à la démarche et aux
concepts majeurs de la sociologie. La sociologie offre un type de regard sur le monde social,
sur la réalité qui nous entoure. Elle pose notamment les questions de savoir comment se forme,
perdure et se transforme la réalité sociale. Elle s’interroge aussi sur les marges de manœuvre,
les capacités de transformation des individus dans la société, sur la place des représentations.
Un phénomène central que la sociologie observe est le phénomène urbain. La sociologie
urbaine, née aux Etats-Unis au début du siècle, est une branche florissante de cette discipline.
Nous puiserons, dans la sociologie générale ainsi que dans la sociologie urbaine, une série de
concepts utiles pour poser un regard analytique et critique sur la ville, l’espace, les modes
d’habiter et de se rencontrer dans l’espace public. Nous interrogerons également quelques
enjeux de l’urbain comme la fragmentation urbaine et la manière dont sont menées les
politiques d’aménagement de la ville.
A partir de quelques grandes questions que pose la sociologie sur le monde social et sur l’urbain
en particulier, le cours donnera aux étudiants des éléments de réponses au travers de trois types
d’entrée :
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La sociologie est une discipline des sciences sociales qui peut être utile aux architectes et à la
pratique de l’architecture et de l’urbanisme. Au-delà de sa participation à la formation d’esprits
critiques à propos du monde qui nous entoure, la sociologie permet d’interroger : le contexte
social dans lequel les pratiques architecturales s’insèrent ; le réseau d’acteurs autour de
l’architecte, les relations de coopération et/ou conflit qu’il noue avec eux ; les ressources sur
base desquelles ces négociations se tiennent ; les relations entre architectes même et les
différenciations entre eux dans un « espace social de positions » ; les différentes normes, les
valeurs qui guident les pratiques et qui permettent de comprendre celles-ci ainsi que les formes
qui sont produites ; les fonctions et les usages de l’architecture ; les effets de l’architecture sur
les usages et les usagers ; les liens entre architecture, systèmes politique et économique. Bref,
la sociologie peut certainement concourir à rendre l’architecte plus conscient des enjeux liés à
ses pratiques.
Cet extrait de Franco La Cecla, Contre l’architecture (2011) illustre une partie de ses enjeux,
tout en portant un regard critique sur une certaine architecture. Franco La Cecla est architecte
et anthropologue, il n’est évidemment pas contre l’architecture, mais bien contre une certaine
architecture, celle qui se complait à fournir à ses commanditaires des œuvres qui saluent ou
renforcent le pouvoir des élites économiques ou politiques, qui servent la consommation, le
système capitaliste et ses inégalités. Il décrie « les fourvoiements d’une profession » et de
certains architectes parmi celle-ci qui ont trahi sa fonction première. En effet, l’architecture,
selon lui, devrait d’abord prendre soin des habitants, des citoyens, s’inquiéter des usages, des
aspirations, des effets de l’architecture sur la vie sociale. Franco La Cecla en appelle ainsi à une
ouverture à des compétences nouvelles pour mieux prendre en compte les habitants, les usagers,
les aspirations et le bien commun. Il demande aux architectes de « sortir » aussi de leur
discipline pour mieux appréhender leur rôle.
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Partie 1 : Qu’est-ce que la sociologie ?
La sociologie est une science sociale qui interroge la société et ses modes de fonctionnement.
Elle pose la question de savoir pourquoi le monde fonctionne comme il fonctionne, pourquoi
nous adoptons certains comportements. Elle essaye également de comprendre le sens que nous
donnons à ces comportements. La sociologie cherche des régularités pour comprendre ce qui
se déroule dans une société. Elle tente de montrer la puissance de l’ordre social, des normes
sociales qui codifient les interactions entre individus, les manières de saisir un problème social,
etc. La sociologie, dit Peter Berger, c’est « un effort pour comprendre la société. » (Berger,
Invitation à la sociologie, p. 38)
a. L’objet de la sociologie
Elle a pour objet « les faits sociaux », ce qui touche à la vie de l’homme en société, tout ce qui
a trait à cette vie en société au-delà donc des facteurs purement biologiques ou des processus
psychiques individuels. Ce qui ne signifie pas que ces phénomènes sont exclus de la sociologie,
ils peuvent être considérés comme un fait social en fonction de la construction de l’objet en tant
que fait social (voir plus bas). La définition de « fait social » pour Emile Durkheim, un des
pères fondateurs de la sociologie (nous y reviendrons), est la suivante : « toute manière d'agir,
de penser, de sentir qui existe en dehors des consciences individuelles et qui exerce une
contrainte sur l'individu ». (Emile Durkheim, Les règles de la méthode sociologique)
Emile Durkheim dit, par exemple : « Quand je m’acquitte de ma tâche de frère, d’époux ou de
citoyen, quand j’exécute les engagements que j’ai contracté, je remplis des devoirs qui sont
définis, en dehors de ma personnalité et de mes actes, dans le droit et dans les mœurs. Alors
même qu’ils sont en accord avec mes sentiments propres et que j’en sens intérieurement la
réalité, celle-ci n’en est pas moins objective : car ce n’est pas moi qui les ai faits, mais je les ai
reçus par l’éducation. » (Durkheim, Les règles de la méthode sociologique)
La sociologie a donc pour objet, si l’on suit Durkheim, de saisir comment le monde social est
« solidifié », comment il construit des régularités, des structures, des déterminations sur
l’individu, sur les actions en cours. On parlera ainsi de logique objective du social. Dans la
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perspective de Durkheim, la sociologie a pour objet de saisir la logique objective du social, d’en
déterminer les raisons, les facteurs explicatifs.
Pour d’autres sociologues, la sociologie a davantage pour objet « l’action sociale » c’est-à-dire
une action significative pour un individu et qui s’oriente par rapport à autrui. Pour Max Weber
(un autre sociologue qui a fondé la discipline- voir plus loin), la sociologie entend donc aussi
saisir les actions que les individus entreprennent et auxquelles ils donnent un certain sens et
qu’ils réalisent en fonction d’autrui, en fonction de ce qu’ils perçoivent des attentes d’autrui,
en fonction du fait que ces individus vivent dans une société, peuvent anticiper les attentes des
autres à son égard, se conformer à des attentes sociales plus larges, etc. L’objectif est ici
davantage de comprendre pourquoi un individu agit d’une certaine manière, ce que cette action
a comme effet sur le monde social.
Qu’est-ce qui différencie l’action sociale d’une simple action ? Toute action sociale revêt le
caractère d’interaction, que cette interaction soit explicite ou non, qu’elle soit intentionnelle ou
non. L’action sociale renvoie au fait que l’individu agit en lien avec autrui + Exemples
La sociologie porte donc le regard sur un vaste champ d’objet : la famille, le couple,
l’organisation du travail, la ville, l’espace public, les manières d’habiter, les manières de se
représenter les choses, la mode.
Ce qu’il est intéressant de comprendre, c’est que la « classe d’objets » sur laquelle porte la
sociologie n’est cependant pas déterminée en fonction des caractéristiques de cet objet.
Autrement dit, pour donner un exemple, la sociologie peut s’intéresser à des phénomènes qui
n’apparaissent pas comme « sociaux » à première vue. En effet, la sociologie construit les objets
sur lesquels elle va porter son regard.
Sans entrer profondément dans le débat sur l’épistémologie des sciences sociales (donc sur la
manière dont on produit des connaissances en sociologie), il existe plusieurs perspectives
épistémologiques qui s’opposent (positiviste, subjectiviste, constructiviste, etc…). Au-delà de
ces oppositions, il faut pointer la spécificité de la sociologie : elle se détache des raisonnements
normatifs et spéculatifs (c’est-à-dire qu’elle ne se positionne pas sur ce que le monde devrait
être, sur ce qu’il sera ou deviendra dans un avenir plus ou moins lointain).
Pour rappel, la sociologie cherche à expliquer (trouver les causes) et/ou à comprendre (saisir
les motifs) la réalité sociale, au-delà des apparences.
Elle cherche à comprendre pourquoi le monde est comme il est (et non pas « autre »), pourquoi
les individus agissent d’une certaine façon, comment ils donnent sens à ces actions.
Au-delà des différences, on peut affirmer que le raisonnement sociologique possède différentes
caractéristiques :
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1) L’abandon d’un point de vue normatif sur la réalité société. Il ne s’agit pas de définir
comment devrait être le monde (dans l’idéal ou selon notre point de vue) mais de dire comment
il est, comment il fonctionne !
La posture sociologique tente de prendre distance avec les « prénotions » qui renvoient aux
point de vue sur le monde. Qu’est-ce que « les prénotions » ?
………………………………………………………………………………………….……….
Il faut donc se méfier de nos idées toutes faites « La première clé de l’apprentissage des sciences
sociales est la suivante : connaître, c’est d’abord se connaître. Nous percevons la société à partir
de notre propre expérience et de nos propres valeurs. Ce que nous pensons être des analyses
objectives est marqué par nos jugements subjectifs. » (Van Campenhoudt et Marquis, Cours de
sociologie, p. 13)
2) De la même manière, la réalité sociale n’est pas un « donné » naturel, ni un donné « neutre »,
ce qui renvoie à la « curiosité sociologique » (+ce qu’en dit Peter Berger dans Invitation à la
sociologie).
3) L’ancrage dans les faits, dans la réalité, on cherche à ce qu’un énoncé soit empiriquement
fondé.
Cet ancrage dans les faits renvoie à la place des méthodes en sociologie pour appréhender le
réel. Pour expliquer/comprendre la réalité, il faut en effet établir des faits, recueillir des données
sur la partie de la réalité sociale que l’on veut comprendre et ensuite analyser ces données.
A nouveau, ce cours n’est pas centré sur les méthodes, mais l’on peut distinguer, au moins,
deux grands types de méthodologies : les approches quantitatives et les approches qualitatives.
L’approche qualitative comprend l’ensemble des méthodes de recueil et d’analyse qui se basent
sur un ensemble de données plus réduites et nettement moins standardisées, plus approfondies.
Elles permettent davantage de comprendre en profondeur, de saisir le/les sens des actions
sociales.
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Source : Vigour, C., La comparaison dans les sciences sociales, pratiques et méthodes, Paris,
La Découverte, 2005.
L’analyse sociologique explicite ses présupposés et ses méthodes, elle met à jour la manière
dont elle s’est fabriquée afin de permettre la collectivisation, la critique, etc.
Elle tente aussi, en s’appuyant sur des théories, à monter en généralité à partir de ces faits.
A nouveau, la sociologie n’est pas unanime sur la place de la théorie, dans la mesure où
certaines démarches sont davantage hypothético-déductives (c’est-à-dire qu’on part de théories
qui expliquent le social et qu’on met à l’épreuve des faits) alors que d’autres adoptent une
démarche plus inductive (c’est-à-dire que les sociologues peuvent partir des faits, du recueil de
ces faits, et ensuite tenter de monter en généralité et d’ébaucher une théorisation).
C’est une prise de position que l’on retrouve dans les écrits d’un sociologue français : Jean
Duvignaud (1921-2007). La sociologie serait issue des grandes révolutions du 18ème et du
19ème siècle. La sociologie a une histoire longue qui débute essentiellement au 19ème siècle en
tant que discipline. Mais il existe des prémisses antérieurement. Avant qu’on parle de
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sociologie, des réflexions sur le monde social, sur les comportements des hommes en société
sont évidemment bien présentes.
Bien sûr et avant cela, les sociétés ont tenu des discours sur elles-mêmes, via la pensée
mythique, par exemple. Mais ces pensées mythiques ne sont pas des discours réflexifs sur la
société : le mythe explique les origines d’une société, son système de caste, par exemple, mais
ne permet pas le recul critique, ni n’autorise le changement puisque le mythe raconte comment,
en des temps immémoriaux, les choses se sont produites d’une certaine manière. Le monde, sa
signification, sont « clos » : la loi vient d’ailleurs, l’ordre des choses est donné et immuable.
On parle alors d’une situation d’hétéronomie.
Quelles sont les grandes périodes de changement à cet égard ? Quels sont les points
d’inflexion ?
a. L’Antiquité grecque
Pour les Sophistes, l’homme est la mesure de toute chose, les lois sont des conventions, la
compétence politique est distribuée à tous (voir par exemple Protagoras), ce qui détruit les
assises transcendantes des cités, qui sont donc des assises hétéronomes, sur lesquels les
individus n’ont pas de prises. à Réflexivité possible.
Pour Platon, comme pour Aristote, il y a au contraire quelque chose de supérieur aux lois des
hommes, qui obéissent à cette force supérieure : l’idée du « cosmos », un principe d’ordre
éternel du monde, qui est supérieur, qui doit inspirer la collectivité politique pour arriver à une
harmonie, à un principe d’unité et de totalité sociale. « Le Cosmos n’est pas égalité mais
harmonie et hiérarchie, proportion qui ne doit rien au hasard… » (Ruby, C., Introduction à la
philosophie politique, p.9) « En somme, le possible se limite au mouvement par lequel l’homme
politique, se convertissant au vrai, impose à la cité de retrouver son équilibre dans l’ordre du
tout ». (Ruby, C., Introduction à la philosophie politique, p. 11)
La vision du « Bien » est donnée à priori, elle existe en soi, et doit guider l’organisation idéale
de la cité. Chez Platon, (428-347 av. J-C.) l’idée du bien en soi peut être trouvée dans le monde
des Idées (= monde intelligible de la vérité), par le philosophe. Il faut trouver l’idée du Bien,
du Juste, du Beau en soi, qui existe en dehors de l’entendement, de la raison. (Voir aussi, par
exemple l’allégorie de la caverne chez Platon). Par ailleurs, les individus sont aussi distingués
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CASTORIADIS, C., « Imaginaire politique grec et moderne », in La montée de l’insignifiance. Les carrefours
du labyrinthe IV, Paris, Seuil, 1996., pp. 159-182
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en fonction des rôles et des vertus qu’ils possèdent (le mythe des métaux) ce qui montre bien
l’idée de hiérarchie sociale.
Aristote pose aussi le primat de la cité sur l’individu et le primat du telos, qui provient du
cosmos. L’idée de telos (fin naturelle) est importante parce qu’elle renvoie à un mouvement
naturel finalisé (avec un but) qui amène chacun à sa juste place : « Si les corps se meuvent,
c’est afin de rejoindre leur lieu naturel, donc pour occuper dans le cosmos la place qui
correspond à leur nature et où leur essence s’accomplit. » (Renaut, A., Histoire de la
philosophie politique, T1, p. 31) Aristote ne combat donc pas les dominations sociales, qui sont
conservées.
Les Sophistes commencent à montrer, au contraire, que les hommes sont en mesure de décider,
que les lois sont à leur portée, que leur destin n’appartient pas à un principe extérieur qui leur
échapperait.
Dans les faits, et non plus dans la philosophie cette fois, la démocratie grecque produit un
bouleversement puisqu’elle permet de penser que la société est maître de ses lois, que le corps
politique est à la base des lois d’une société. Cela dit, il s’agit d’une démocratie inachevée, dans
laquelle les hommes ne sont pas tous égaux (même s’il n’y a pas à proprement parler de
justification substantielle de l’esclavage chez tous les philosophes grecs, voir à nouveau
Castoriadis, « Imaginaire politique grec et moderne »).
Si des formes de réflexivité et d’autonomie apparaissent, elles ne sont donc pas complètes. La
rationalisation n’est pas une rationalisation propre à la modernité qui adviendra plus tard. Le
Moyen-Âge (de la fin de l’empire romain d’occident, c’est-à dire 476 jusqu’à la fin du 14ème
siècle) marque cependant un retour en force de l’idée de Dieu pour expliquer le social (voir par
exemple les écrits de Saint-Augustin).
C’est lors de la Renaissance (15ème-16ème siècle) que les penseurs renouent avec l’idée que
l’ordre de la société n’est pas un donné divin. Cette période fait progresser la liberté de penser,
les arts, le retour à la philosophie grecque, le développement des sciences.
L’âge classique (17ème siècle) est aussi un siècle d’avancée des sciences, d’une plus grande
place donnée à la raison. La philosophie de Spinoza (1632-1677) l’illustre dans la mesure où
ce philosophe propose une « disjonction radicale entre foi et raison, entre théologie et
philosophie. Spinoza traque, au nom de la liberté de penser, les croyances religieuses et
politiques. (…) En raison des liens de causalité multiples qui lient les phénomènes, ce que nous
avons coutume de nommer Dieu n’est rien d’autre que la Nature [selon Spinoza]. » (Lallement,
M., Histoires des idées sociologiques)
L’âge classique renvoie aussi à l’affirmation de l’individu en tant que sujet autonome : le vrai,
le beau, le juste ne sont plus des donnés, ils se mesurent en fonction de l’entendement, de la
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sensibilité, ou encore des conventions humaines. Descartes (1596-1650), par exemple, affirme
que la science n’est fondée que sur ce qui est rationnel, mathématisable.
L’âge classique va également produire les « théories du contrat social » (Hobbes, Locke,
Rousseau), dans lesquelles l’ordre politique n’est pas un donné transcendant, ne vient pas de
Dieu mais est produit par les hommes, par leur rassemblement dans une forme de contrat duquel
naît l’autorité politique. L’âge classique s’illustre aussi dans l’importance des raisonnements
des sciences exactes pour les penseurs du contrat.
On voit donc l’avancée de l’autonomie, la place grandissante de l’individu, l’égalité entre les
hommes, le fait qu’il devient la mesure de l’autorité politique, l’avancée de la rationalisation,
et des modèles scientifiques, ce qui explique en partie la naissance de la discipline sociologique.
1) Le siècle des lumières évoque d’abord une révolution dans la pensée, la place grandissante
d’un modèle rationaliste. Il s’agit d’une période historique, correspondant au 18ème siècle, au
cours de laquelle on retrouve les revendications de liberté et d’autonomie de pensée,
revendications portées par un mouvement intellectuel.
Emmanuel Kant (1724-1804 Philosophe allemand, université de Königsberg) dans son texte
Qu’est-ce que les lumières ? (1794) incarne cette période. Dans ce texte, il met en avant
l’importance de la raison et de la liberté. Il incarne une forme d’idéalisme critique : la
connaissance se limite à la connaissance possible des phénomènes naturels tels qu’ils sont
appréhendés par la raison, par l’entendement.
Ce texte incarne bien l’entrée dans la première modernité. Il y défend l’idée que l’homme se
construit lui-même, qu’il pense et qu’il agit par lui-même, il propose une rupture avec la
tradition, avec l’idée que l’on doit être gouverné par d’autres, il propose le développement de
l’esprit critique contre l’autorité et les coutumes.
Pour Kant, « les lumières », c’est la sortie des hommes d’un « état de minorité », qui est un état
dans lequel les hommes demeurent sous la coupe de « tuteurs », qui manient la tradition, les
préceptes et les formules pour les maintenir dans cet état de servitude. Les hommes, qui sont
dans l’ensemble des mineurs/placés dans un état de minorité, n’osent pas se servir de leur
entendement, par paresse, par habitude, par manque de courage.
Pour répandre les lumières (la raison, l’entendement), il faut la liberté et faire un usage public
de sa raison (« Sapere aude »). Pour Kant, vouloir imposer le respect de symboles immuables,
vouloir figer un savoir est interdit. Un tel contrat serait « nul et non avenu ». Car il empêcherait
les lumières de progresser, le savoir d’avancer. Ce serait un crime contre l’humanité même. Car
la destinée originelle des lumières est d’accomplir le progrès.
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Bien sûr, certaines théories du contrat sont antérieures : l’individu était au cœur de la création
du social, qui n’est pas imposition d’une raison extérieure…. Les sociétés se créent elles-
mêmes. Mais avec Kant, on achève le changement de perspective : la raison de l’homme est
épurée de toute métaphysique, de toute référence à Dieu, à un ordre de l’univers, etc.
d. La Révolution Française
La Révolution Française se caractérise ainsi par l’abolition de l’Ancien régime (un régime
d’ordre et de privilèges caractérisé par le fait que les individus sont définis par des statuts
différenciés, qu’ils appartiennent à des catégories par naissance), par une avancée vers l’égalité
des individus. La déclaration française des droits de l’homme par exemple illustre cette
revendication d’égalité entre individus, qui naissent égaux en droit. Elle achève aussi l’avancée
vers l’autonomie politique des sociétés qui souhaitent se donner leurs propres lois. Mais cette
révolution, qui place l’individu au centre, pose aussi la question de ce qui va faire tenir ensemble
la société : si ce n’est plus la tradition, si ce n’est plus un ordre imposé, une hiérarchie de statuts
différenciés, quelle est la nature du lien social et du lien politique ? Pourquoi et comment faire
société ?
La sociologie va s’interroger sur ce qui fait tenir ensemble les sociétés marquées par
l’individuation.
« La sociologie naît en effet d’un monde marqué par la Révolution Française, qui semble avoir
brisé l’unité organique du corps politique pour ne laisser subsister que des individus séparés.
Elle entend élucider la nature de cette individualisation en la rapportant à un type nouveau de
société. Or, pour y parvenir, elle ne peut éviter de s’interroger sur l’histoire de cette
individualisation. » (Hulak, F. « L’avènement de la modernité. La commune médiévale chez
Max Weber et Emile Durkheim », Archives de Philosophie, 2013, 76, pp. 553-569)
e. La révolution industrielle
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habitants, la croissance rapide des villes vont engendrer une série de problèmes sociaux majeurs
qui vont aussi précipiter les interrogations en sociologie.
(+ voir développement de ces problèmes lors du cours).
3. Les précurseurs
Alexis de Tocqueville est un aristocrate français qui tente de penser les transformations de son
époque (cfr. plus haut) et qui va se pencher notamment sur la démocratie (plus précisément sur
le processus de démocratisation). La question de l’unité de la société est au cœur des débats de
l’après Révolution Française qui renvoie à la question de ce qui fait tenir la société ensemble,
si ce n’est plus la hiérarchie, l’existence d’ordres sociaux qui imposait des statuts à chacun.
Tocqueville répond à cette question en mettant en évidence l’importance de l’égalité alors que
les adversaires de la démocratie entendent rétablir les hiérarchies anciennes et la solidarité forte
de la nation française.
« Parmi les objets nouveaux qui, pendant mon séjour aux États-Unis, ont attiré mon attention,
aucun n'a plus vivement frappé mes regards que l'égalité des conditions. Je découvris sans
peine l'influence prodigieuse qu'exerce ce premier fait sur la marche de la société ; il donne à
l'esprit public une certaine direction, un certain tour aux lois ; aux gouvernants des maximes
nouvelles, et des habitudes particulières aux gouvernés. » (Tocqueville, De la démocratie en
Amérique, T.I, Intro, p. 1)
Le détour américain offre l’exemple d’une société en accord avec son état social démocratique.
Elle est en coïncidence avec le fait démocratique et le soutient, l’accepte.
Pour lui, la démocratie est cette société qui se caractérise par une « égalité des conditions ». En
effet, l’égalité des conditions est le « fait générateur dont chaque fait particulier semble
descendre ». A partir de là, Tocqueville étudie comment une société dans son ensemble réagit
lorsque prime nouvellement et graduellement une égalité entre ses membres. La société
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démocratique se marque donc par une « tendance irrésistible » vers l’égalité. (Gauchet, M.,
« Tocqueville, l’Amérique et nous »)
Mais de quelle égalité parle-t-on chez Tocqueville ? ce n’est pas seulement et avant tout une
égalité juridique, inscrite dans les textes. On peut déclarer que les hommes naissent libres et
égaux (comme dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen en France, de 1789) et
ne pas vivre concrètement cette égalité. En Amérique, ce que Tocqueville découvre, c’est une
version plus puissante de l’égalité : l’égalité n’est pas uniquement inscrite dans les textes mais
est inscrite dans les mœurs. Cette égalité signifie alors dans la démocratie américaine : une
égalité devant la loi, une égalité de respect et d’estime, et surtout une égalité sociale (qui a en
elle-même cette valeur d’égalité morale). Cette égalité sociale en Amérique n’est pas établie
pour tous, mais elle produit une mobilité sociale (la possibilité « d’avoir accès à n’importe quel
poste ou à n’importe quel rang » Lallement, p. 53) et surtout un sentiment d’égalité, malgré une
inégalité socio-économique réelle. Ce qui est fondamental, c’est l’impossibilité « de poser une
différence de substance profonde ou d’essence intime entre les individus… » (Gauchet, M.,
« Tocqueville, l’Amérique et nous », p.85)
1° risque de ne plus s’occuper que de ces propres affaires, de les faire prospérer, d’y perdre en
liberté.
2° risque de despotisme doux = le risque de voir se développer « un pouvoir tutélaire qui se
charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier,
prévoyant et doux. » Ce pouvoir va rendre les hommes semblables à un « troupeau d’animaux
timides et industrieux sans l’usage du libre arbitre, dont le gouvernement est le berger ».
1°) Développer la décentralisation : « donner une vie politique à chaque portion du territoire,
afin de multiplier à l’infini, pour les citoyens, les occasions d’agir ensemble, et de leur faire
sentir tous les jours qu’ils dépendent les uns des autres » (Tocqueville, DA). La commune est
ainsi le berceau, le lieu naturel de la démocratie.
2°) Développer la société civile, favoriser les associations volontaires : les associations
volontaires sont le lieu de la coopération, de la solidarité entre les individus. Si on développe
les associations, les individus auront moins tendance à se tourner vers l’Etat pour résoudre leur
problème. Développement de l’autonomie, l’esprit d’entraide, la collectivité pour stopper
l’apathie, l’individualisme trop important.
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3°) Développer la religion : L’esprit religieux permet de favoriser, selon Tocqueville, le
détachement des biens matériels (ce qui permet de stopper la course individualiste à la
possession), elle développe la tempérance (nécessaire dans une société autonome où l’on
pourrait tout vouloir), elle assure un échelon supplémentaire entre les individus et l’Etat.
Ce qui démontre encore que Tocqueville est un précurseur réside dans la démarche et la
méthode qu’il emploie :
La démarche de Tocqueville montre donc qu’un processus « l’égalisation des conditions » qui
bouleverse une société (…) va faciliter, accélérer l’avènement d’une forme politique (la
démocratie) basée sur l’égalité des individus. Cette égalisation est un « fait inéluctable » qui
échappe aux contrôles des individus. L’égalité présente une toute nouvelle réalité sociale,
invente un nouvel homme, modifie l’ensemble de la perception et est le « fait générateur »
d’une nouvelle société, qui va bouleverser, transformer la réalité sociale et politique : « il est
impossible de comprendre que l’égalité ne finisse pas par pénétrer dans le monde politique
comme ailleurs. On ne saurait concevoir les hommes éternellement inégaux entre eux sur un
seul point, égaux sur les autres ; ils arriveront donc (…) à l’être sur tous ». (DA, I, A, 3, 54).
Un « fait social » va donc engendrer une autre évolution sociale majeure. Pour comprendre la
seconde, il faut comprendre le premier phénomène.
« J’avoue que dans l’Amérique j’ai vu plus que l’Amérique ; j’y ai cherché une image de la
démocratie elle-même, de ses penchants, de son caractère, de ses préjugés, de ses passions ;
j’ai voulu la connaître, ne fût-ce que pour savoir du moins ce que nous devions espérer ou
craindre d’elle » (DA, I, intro, 14-15)
Ce qui fera dire à plusieurs auteurs, dont Raymond Aron et Raymond Boudon que Tocqueville
utilise déjà la méthode sociologique de l’idéal-type. La notion d’ « idéal-type », chez Max
Weber, est une représentation stylisée, logique et méthodologique de la réalité. Il ne s’agit
donc pas d’une description exhaustive du réel, mais bien d’une « utopie que l’on obtient en
accentuant par la pensée des éléments déterminés de la réalité », M. Weber, Essais sur la théorie
de la science, Plon, Paris, 1965, pp. 179-180.
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b. Auguste Comte (1798-1857):
Comte a de grandes ambitions pour la sociologie, celle d’englober les autres réflexions parce
qu’elle étudierait le niveau le plus complexe de la réalité : la société. Mais les écrits de Comte
sont davantage de la philosophie que de la sociologie telle qu’on la connaît.
On retiendra de Comte qu’il applique le positivisme à l’étude des faits sociaux, il se voit comme
un « réformateur scientifique », qui ferait de la « physique sociale », à l’image des sciences «
dures ».
La sociologie de Comte étudie la société (et non les individus), il étudie la statique des sociétés
en déterminant les facteurs explicatifs de l’ordre et du consensus social : religion, propriété,
famille, le langage participent de cet ordre.
Mais la société est aussi une dynamique sociale et Comte se penche alors sur le progrès de
l’esprit humain (l’Etat de la société ne fait que refléter l’Etat des idées). L’esprit humain serait
ainsi passé, au cours des siècles, 1) de l’Etat théologique ou fictif (les phénomènes sont dus à
des agents surnaturels, fétichisme = croyance en la vie propre des objets, polythéisme,
monothéisme. 2) l’état métaphysique ou abstrait : les agents surnaturels sont remplacés par des
forces abstraites agissantes, comme la nature 3) l’état scientifique ou positif : l’esprit humain
est à la recherche des lois effectives permettant d’expliquer les faits sociaux, les lois = relations
invariables de successions et de similitudes. Comte s’inscrit ainsi bien dans l’esprit de son
époque : la science finira par se substituer à la religion ! La société idéale de Comte est une
société basée sur la science, la technique et le progrès.
Karl Marx, philosophe allemand, a réalisé une thèse de philosophie à Iena, en 1841. Il est aussi
reconnu pour sa contribution politique, comme rédacteur du Manifeste du parti communiste
avec Friedrich Engels, industriel allemand (1820-1895).
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Pour certains auteurs, comme Georges Gurvitch, Marx fut d’abord et avant tout un sociologue.
Pour d’autres, il y aurait une impossibilité de fonder une sociologie marxiste étant donné ses
liens avec l’action révolutionnaire. Il est aussi considéré comme un précurseur de la sociologie
du droit. « L’ordre chronologique place Marx en précurseur de la sociologie du droit. Bien
qu’une telle revendication soit absente de l’œuvre de Marx, cette place n’est pas usurpée. »
(Serverin, E., Sociologie du droit, p. 32)
Marx fait partie de la « tradition critique » (comme Pierre Bourdieu, par exemple, voir autres
cours) qui aborde le droit, l’Etat, les lois d’une façon particulière, comme une idéologie, comme
un paravent destiné à dissimuler les rapports de force. L’idéologie a donc « une fonction de
dissimulation et de travestissement de la réalité. » elle est une image « déformée de la vie réelle.
Avec elle, la pratique sociale est opacifiée par les représentations imaginaires des hommes eux-
mêmes. L’idéologie trouble les rapports de production, occulte la lutte des classes. Plus qu’un
amalgame d’idées fausses, c’est véritablement une arme au service de la domination sociale. »
(Lallement, M., Histoire des idées sociologiques, p. 91)
Karl Marx développe une vision évolutionniste et matérialiste de la société, qui se développe
en fonction des rapports de production. Contributions à la critique de l’économie politique
(1859) « Dans la production sociale de leur existence, les hommes nouent des rapports
déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté ; ces rapports de production
correspondent à un degré donné du développement de leurs forces productives matérielles.
L’ensemble de ces rapports forme la structure économique de la société, la fondation réelle sur
laquelle s’élève l’édifice juridique et politique, et à quoi répondent des formes déterminées de
la conscience sociale. » (œuvres, Economie 1, paris, gallimard, 1965, pp. 272-273.)
On aurait ainsi chez Marx, l’infrastructure se rapportant à la vie économique, les rapports de
production et la superstructure caractérisée par le droit, le politique, la conscience sociale. Le
droit a une fonction idéologique et pratique. « Le droit a d’abord une fonction de dissimulation
de l’origine de classe du pouvoir et de légitimation de l’exercice du pouvoir, exprimée par
l’idéologie d’une science du droit neutre qui dissimule sous l’intérêt général la défense des
intérêts particuliers. » (Serverin, E., Sociologie du droit, p. 32) Le droit, instrument de
stabilisation et de reproduction des rapports économiques.
La superstructure est déterminée par l’infrastructure mais a pu développer, dans une certaine
mesure, une autonomie.
Le matérialisme de Marx renvoie donc à l’idée que la forme de la société mais aussi la vie
sociale, intellectuelle, politique, culturelle renvoie à la vie matérielle qui les conditionne. « Ce
n’est pas la conscience des hommes qui détermine la réalité ; c’est au contraire la réalité sociale
qui détermine leur conscience. » (Marx, Contributions à la critique de l’économie politique)
L’évolution historique des sociétés se passe dans une forme de mouvement dialectique, de luttes
entre les classes qui sont définies en fonction des rapports de production économique.
« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours, c’est l’histoire de la lutte des classes. Homme
libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot :
oppresseurs et opprimés, se sont trouvés en constante opposition ; ils ont mené une lutte sans
répit, tantôt déguisée, tantôt ouverte, qui chaque fois finissait soit par une transformation
révolutionnaire de la société tout entière, soit par la ruine des diverses classes en luttes. » (Marx,
Engels, Manifeste du parti communiste)
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Marx est ainsi le précurseur d’une pensée sociologique sur les classes sociales (voir plus loin
dans le cours).
Il est aussi connu pour sa critique du fétichisme de la marchandise, qui correspond à une
mystification des choses. On a l’impression, dit Marx, qu’une « marchandise quelconque se
comprend d’elle-même et qu’elle possède une vie propre. » Selon Marx, elle cache du travail
réalisé, un certain temps de travail, et un rapport de production. Là encore, la visée critique, la
visée du dévoilement se retrouve.
Marx décrit la valeur d’un bien, non pas lié à sa valeur marchande, la valeur ne peut se réduire
au prix, qui n’a de sens qu’en lien avec une monnaie, qui facilite les échanges. La valeur d’un
bien doit être définie « par le temps de travail socialement nécessaire à sa production, soit le
temps qu’ « exige tout travail, exécuté avec le degré moyen d’habileté et d’intensité dans des
conditions qui, par rapport au milieu social donné, sont normales. » (Lallement, p. 99 qui cite
Marx, Le capital) => renvoie à la distinction entre valeur marchande et valeur d’usage.
Pour les capitalistes, au-delà de la croissance du nombre d’objets produits, ce qui compte, c’est
un accroissement continu de la quantité de valeur. Le capitalisme qui était autrefois basé sur
une logique ou sur un circuit marchandise – argent - marchandise, dans lequel l’homme produit
pour avoir de l’argent pour acheter d’autres produits devient de plus en plus basé sur une logique
de « valorisation » : l’homme achète pour vendre directement et réaliser un profit (achat –
marchandise et A’, A’ étant plus grand que A.) La valeur A’ (le profit) est liée à la plus-value,
à la différence entre la valeur d’usage d’un bien (compris comme ce qui est lié à la force de
travail) et sa valeur d’échange (le salaire). Le salaire que reçoit le travailleur autorise tout juste
la reproduction de la force de travail, or le travailleur produit une valeur supérieure à ce que
coûte son utilisation par le capitaliste. Le travailleur travaille pour reproduire sa force de travail
(pour obtenir de quoi subvenir à ses besoins, il devrait travailler pendant 5 heures) mais comme
il travaille 8 heure (il sur-travaille 3 heures) et produit encore des biens (un surproduit). Comme
il a vendu sa force de travail, la valeur totale du produit qu’il a créé appartient au capitaliste. Le
capitaliste réalise une plus-value pour laquelle il ne paie aucun équivalent. « C’est sur cette
sorte d’échange entre le capital et le travail qu’est fondée la production capitaliste. Ce système,
qui est celui du salariat, a pour résultat constant de reproduire le travailleur comme travailleur
et le capitaliste comme capitaliste. » Marx, Salaire, prix et profit.
« Puisque le travail des salariés n’est pas rémunéré à la mesure de son résultat et que les
détenteurs des moyens de production s’approprient la plus-value, alors, en conclut Marx, il y a
exploitation. Cette usurpation est au cœur des conflits de classes. » (Lallement, p. 101). Et
comme le système ne trouve pas toujours preneur pour ses productions, comme il y a
développement des capacités de production sans avoir forcément une augmentation de la
demande pour ces biens qui sont produits, le système est voué à la crise.
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Pourquoi Karl Marx peut-il être intéressant au regard des enjeux de l’architecture ?
Illustration en lien avec le Palais de Cristal.
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