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Cours - TD: Mathématiques appliquées 2 (semestre 2)

U.F.R. Sciences Économiques et de Gestion

L1 Économie (2016-17)

Cours: J.-M. Barbaroux.


Travaux dirigés: J.-M. Barbaroux & E. Leopold
email: barbarou@univ-tln.fr
web: http://barbarou.univ-tln.fr
Mathématiques Appliquées 2. Licence 1 Économie

Introduction

Que ce soit en Économie, en Physique (mécanique, optique, electromagnétisme,


mécanique quantique, astrophysique, etc.), en Biologie (dynamique des populations,
neurosciences), ou en Sciences Humaines (sociologie, étude de réseaux complexes),
lorsqu’un problème est formalisé par les mathématiques, par exemple à l’aide d’équations,
il est rarement sous une forme “simple”.
Certains problèmes se formulent à l’aide d’une branche des mathématiques, que
l’on nomme algèbre linéaire, soit comme une modélisation directe du problème
lui-même, soit comme approximation dans certaines conditions.
L’avantage de l’algèbre linéaire, sans être une branche triviale des mathématiques,
et qu’il est possibe, grâce à une formalisation que nous allons découvrir, de résoudre
explicitement certains problèmes dits “linéaires’, et/ou de les programmer pour que
les machines les résolvent à notre place.
En Économie, le paradigme de l’algèbre linéaire est le modèle de Leontieff (Prix
de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel en 1973),
que nous découvrirons dans ce cours.
Nous allons introduire les bases de l’algèbre linéaire, dans un cas simple qui couvre
déjà de nombreux problèmes.
Le plan du cours d’algèbre linéaire sera le suivant:
(1) Systèmes linéaires - Résolution par pivot de Gauss
(2) Espaces vectoriels Rn - Familles libres, familles génératrices, bases.
(3) Matrices - Calcul matriciel - Déterminants - Méthodes de calcul de déterminants
(4) Applications linéaires de Rn dans Rp . Représentation d’une application linéaire
par une matrice. Rang d’une application linéaire.
(5) Réduction des endomorphismes diagonalisables (diagonalisation)

L’objectif de ce cours est double:


I Savoir repérer un problème d’algèbre linéaire déjà rencontré, et le résoudre en
appliquant les méthodes mathématiques vues en cours.
I Se familiariser avec les concepts mathématiques vus en cours pour être capable
de modéliser les problèmes, d’interpréter les résultats donnés par l’application des
méthodes de calculs, et, le cas échéant, créer un algorithme pour mener les calculs.
Le premier objectif n’est pas difficile. Il suffit d’être attentif à tout ce qui est dit
en cours, et de bien suivre les exemples traités en cours. Il suffit ensuite d’appliquer
directement les méthodes vues, en préparant ses feuilles de TD avant la séance de
TD.

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Le deuxième objectif demande plus de temps et aussi de la régularité dans le


travail. Notamment, il faudra relire son cours avant le TD suivant. Il est normal de
ne pas comprendre tout de suite les subtilités, ou plus simplement l’utilité de certaines
notions. N’hésitez pas, en début de cours, à poser des questions sur le cours précédent.

Ce cours d’algèbre linéaire sera utilisé dans la seconde partie concernant “l’Analyse”,
en particulier pour les calculs de minimisation/maximisation avec ou sans contraintes.
Nous l’utiliserons aussi partiellement quand nous aborderons les équations différentielles
linéaires.

Chaque exercice du fascicule de TD est marqué d’un symbole:


• Le symbole ♥ mentionne les exercices fondamentaux; ces exercices sont pour la
plupart élémentaires et on trouve leurs solutions dans de nombreux ouvrages
de référence ou en ligne. Ces exercices doivent être tous systématiquement
préparés. Ils sont indispensables à la bonne utilisation des méthodes vues en
cours, et sont déjà une première base pour acquérir les notions mathématiques.

• Le symbole ♣ est utilisé pour les exercices de difficulté moyenne. Ce sont en


général de bons exercices pour s’entraı̂ner et vérifier que l’on a bien acquis
les notions du cours. Ces exercices ne se résolvent pas nécessairement par
application directe d’une méthode vue en cours. Ils requièrent de passer un
peu plus de temps dessus. C’est avec ces exercices que vous comprendrez les
notions du cours.

• Le symbole ♠ accompagne les exercices qui présentent souvent plusieurs dif-


ficultés. Ils sont utiles pour aller un peu plus loin.
Seuls des exercices de type ♥ et ♣ seront au programme des examens.

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1. Fiche de cours: Systèmes linéaires


Définition 1.1. On appelle équation linéaire réelle (respectivement complexe) d’inconnues
x1 , x2 , · · · , xn toute relation du type
(1) a1 x1 + a2 x2 + · · · + ap xp = b,
où a1 , a2 , · · · , ap , b sont des nombres réels (respectivement complexes).
Exemple: L’équation de droite
y − 3x = 1 (ou encore y = 3x + 1).
est une équation linéaire réelle. Dans cet exemple, les variables x1 et x2 sont respec-
tivement y et x, et a1 = 1, a2 = −3, b = 1.

Remarque. Les inconnues x1 , x2 , · · · , xn sont aussi appelées les variables de l’équation.

Définition 1.2 (Systèmes linéaires). On appelle système linéaire de n équations à p


inconnues x1 , x2 , · · · , xp , une liste de n équations de la forme


 a11 x1 +a12 x2 +a13 x3 + · · · +a1p xp = b1 (ligne 1, notée L1 )
 a21 x1 +a22 x2 +a23 x3 + · · · +a2p xp = b2 (ligne 2, notée L2 )

(2) .. .. .. .. .


 . . . . = ..
an1 x1 +an2 x2 +an3 x3 + · · · +anp xp = bn (ligne n, notée Ln )

Remarque. Pour la résolution des systèmes par la méthode du pivot de Gauss (voir
plus bas), il est commun de numéroter chaque ligne par L1 , L2 , · · · , Li , · · · , Ln .
L’indice i dans aij correspond à l’indice de “ligne”, c’est à dire que aij intervient
dans la i-ème ligne Li du système
L’indice j dans aij correspond à l’indice de “colonne”, c’est à dire que aij est le
coefficient devant la j-ème inconnue xj .

Définition 1.3. Une solution du système linéaire (2) est une liste de p nombres réels
(complexes) (s1 , s2 , · · · , sp ) qui mis à la place de (x1 , x2 , · · · , xn ) vérifient l’équation
(2).
Résoudre une équation linéaire réelle (resp. complexe) consiste à décrire l’ensemble
des listes de p nombres réels (resp. complexes) qui vérifient la relation (1)

Remarque. Une liste de p nombres réels (s1 , s2 , · · · , sp ) est appelée un p-uplet. Un


p-uplet se note avec des parenthèses et chaque réel est séparé des autres par une virgule
ou un point-virgule. Cette notation est importante, et l’utilisation d’accolades { } pour
un p-uplet est incorrecte, car cela est réservé à la notation des ensembles.
B L’ordre des réels dans le p-uplet est important, car il correspond à l’ordre dans
lequel on remplace les valeurs dans les variables. Ainsi, (1, 2) 6= (2, 1).

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Définition 1.4.
• On appelle coefficients d’un système linéaire les valeurs aij , où i ∈ {1, · · · , n},
j ∈ {1, · · · , p}.
• On appelle second membre d’un système linéaire le n-uplet (b1 , b2 , · · · , bn ).
• On dira qu’un système linéaire est homogène si le second membre est nul, i.e.,
si (b1 , b2 , · · · , bn ) = (0, 0, · · · , 0).
Exemple: Le système

x1 −x2 +2x3 = 1
(3)
3x1 −4x3 = −1
admet comme solution (1, 2, 1). Ce n’est pas la seule solution de ce système. Ce n’est
pas un système homogène. Il admet pour second membre (1, −1).

Définition 1.5 (Systèmes équivalents). On dira que deux systèmes linéaires sont
équivalents s’ils ont le même ensemble de solutions.

Exemple: On peut montrer que le système (3) est équivalent au système:



x1 −x2 +2x3 = 1
3x2 −10x3 = −4

La fin de ce chapitre est consacrée aux méthodes permettant d’obtenir, à partir


d’un système linéaire donné, des systèmes linéaires équivalents. Nous verrons aussi
une méthode standard de résolution des systèmes linéaires: Le pivot de Gauss. Dans
les chapitres ultérieurs, nous verrons d’autres méthodes de résolution.

Théorème 1.6. Pour tout système linéaire de la forme (2), on a l’un des 3 cas
suivants:
(1) Le système n’admet aucune solution
(2) Le système admet un p-uplet de solution et un seul
(3) Le système admet une infinité de p-uplets solutions.

Remarque. i) Les systèmes homogènes admettent toujours comme solution (au moins)
le p-uplet (0, 0 · · · , 0).
ii) D’après ce théorem̀e, il n’est pas possible de trouver seulement deux (ou un nombre
fini strictement supérieur à un) solutions à un système linéaire. Dès qu’on a plus
d’une solution, il y en a forcément une infinité.

Résolution de systèmes linéaires par la méthode du pivot de Gauss


Pour résoudre un système linéaire par la méthode du pivot de Gauss, on va rem-
placer le système initial par des systèmes équivalents (au sens de la définition 1.5)

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grâce à certaines opérations sur les lignes. L’objectif est d’aboutir à un système que
l’on peut résoudre simplement, qu’on nomme “système échelonné”.

Définition 1.7. Un système est dit échelonné si le nombre de coefficients nuls com-
mençant une ligne est strictement croissant d’une ligne à l’autre.

Exemple. Les systèmes suivants sont échelonnés.



x1 −x2 +2x3 = 1
3x2 −10x3 = −4


 x1 −x2 +x3 +5x4 = 1
x2 −10x3 −4x4 = −4


 2x3 +x4 = 0
−6x4 = −1

 √
 x1 −3x2 +x3 + 5x4 = 1
3x3 −2x4 = −4
+7x4 = 0

Définition 1.8. Etant donné un système linéaire, de n équations à p inconnues


x1 , · · · , xp , on transforme le système en un système équivalent si on procède à l’une
des opérations suivantes sur les lignes.
(1) On remplace une ligne par un multiple d’elle-même:
Li −→ λLi , où λ est un nombre non nul quelconque.

(2) On remplace une ligne par elle-même plus un multiple d’une autre ligne:
Li −→ Li + λLj (i 6= j).

(3) On intervertit deux lignes quelconques:


Li ←→ Lj .

Exemple. Voici un exemple d’applications des règles ci-dessus qui permettent de


transformer le système initial en des systèmes équivalents. On écrira le symbole ⇔
entre deux systèmes pour mettre en évidence que les systèmes sont équivalents. On
écrira aussi dans chaque système l’opération sur les lignes que l’on va effectuer et qui
permettra d’obtenir le système suivant.

 2x1 +x2 +x3 = 5 L1 ←→ L2
x1 −x2 +2x3 = 1
3x1 −4x3 = −1

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 x1 −x2 +2x3 = 1
⇔ 2x1 +x2 +x3 = 5 L2 −→ L2 − 2L1
3x1 −4x3 = −1


 x1 −x2 +2x3 = 1
⇔ +3x2 −3x3 = 3
3x1 −4x3 = −1 L3 −→ L3 − 3L1


 x1 −x2 +2x3 = 1
⇔ 3x2 −3x3 = 3 L2 −→ 13 L2
3x2 −10x3 = −4


 x1 −x2 +2x3 = 1
⇔ x2 −x3 = 1 L3 −→ L3 − 3L2
3x2 −10x3 = −4

 
 x1 −x2 +2x3 = 1  x1 −x2 +2x3 = 1
⇔ x2 −x3 = 1 L3 −→ − 16 L3 ⇔ x2 −x3 = 1
−7x3 = −7 x3 = 1
 
Le système de départ a donc les mêmes solutions que le dernier système. L’avantage
est que le dernier système se résout simplement. On trouve x3 = 1, qui donne alors
avec la ligne 2 (du dernier système) x2 = 1 + x3 = 1 + 1 = 2, puis avec la ligne 1,
x1 = x2 − 2x3 + 1 = 2 − 2 + 1 = 1. Le système admet donc comme unique solution le
triplet: (1, 2, 1).
C’est un exemple d’application de la méthode de résolution par le pivot de Gauss.

Pour la résolution d’un système linéaire par la méthde du pivot de Gauss, les étapes
sont les suivantes:
(1) On réécrit le système en plaçant en ligne 1 une ligne où le premier coefficient
est non nul. Si possible, on choisit une ligne où le premier coefficient vaut 1.
(2) Si le premier coefficient de la ligne 1 est différent de 1, on remplace la première
ligne par elle-même divisée par la valeur du premier coefficient de cette ligne.
On obtient alors une ligne où le premier coefficient a pour valeur 1.
(3) On laisse inchangée la ligne 1, et on remplace chaque ligne Li (successivement
pour i = 2, · · · , n) par elle-même moins la première ligne fois le premier
coefficient de la ligne i: Li −→ Li − ai1 L1 . On obtient alors un système où
les lignes 2 à n ont leur premier coefficient nul.
(4) On conserve la ligne 1 inchangée (et cela jusqu’à la fin), et on procède avec
les lignes 2 à n en recommençant au point 1.
Exercice. Vérifiez que l’on a bien procédé ainsi dans l’exemple précédent.

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Exercice. Résolvez les systèmes suivants par la méthode du pivot de Gauss.


 
2x1 −x2 = −6 x1 +x2 +2x3 = 1
(S1) : (S2) :
x1 +2x2 = 7 2x1 −x2 −x3 = 1
 

 x1 +x2 +4x3 +x4 = 0 
 2x1 +x2 +4x3 = 1
2x1 −x2 +6x3 +x4 = 1 2x1 −x2 +x3 = −2
 
(S3) : (S4) :

 −x1 +3x2 +x3 +4x4 = 0 
 −x1 +3x2 +4x3 = 4
2x1 +x2 −x3 −3x4 = 4 x1 +x2 −x3 = 4
 

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2. Fiche de cours: Espaces vectoriels Rn - Familles libres, familles


génératrices, bases.
2.1. Espace vectoriel Rn . L’algèbre linéaire requiert de travailler sur des ensembles
qui ont une certaine structure. Pour faire simple, on aura besoin de travailler avec
des ensembles dans lesquels on peut “sommer” les éléments et le résultat obtenu reste
dans l’ensemble, et on peut les “multiplier par un nombre” (réel ou complexe), que
l’on appellera un scalaire, et le résultat obtenu reste dans l’ensemble. On appelle ces
propriétés stabilité par addition et stabilité par multiplication par un scalaire. Notez
qu’il n’est pas nécessaire de pouvoir multiplier ces éléments entre eux, même si on
verra des cas où c’est possible. En fin de chapitre, nous donnerons une définition de
ces espaces, que l’on appellera espaces vectoriels.
Exercice. Donnez des exemples d’ensembles que vous connaissez et qui respectent ces
deux conditions (stabilité par addition et stabilité par multiplication par un réel).
Donnez aussi des exemples d’ensembles qui ne respectent pas l’une au moins ces deux
conditions.
Pour l’essentiel de ce chapitre et de cette année, nous allons nous intéresser aux
cas particuliers des espaces vectoriels Rn (n ∈ N∗ ).

Définition 2.1. Soit n un entier non nul. On appelle Rn , noté aussi R × R × · · · × R,


| {z }
n fois
l’ensemble des n-uplets définis par

Rn = {(x1 , x2 , · · · , xn ) | xi ∈ R}.

Les éléments de Rn sont appelés vecteurs.

Remarque. On définit de la même manière


 Cn . Dans la suite, on notera les éléments
x1
 x2 
de Rn par des vecteurs colonnes  . . Le choix de notation en ligne ou en colonne
 
 .. 
xn
n’est pas identique, même si pour l’instant, la distinction entre les deux notations
semble être sans importance. C’est pourquoi on adoptera plutôt la notation en colonne
pour les vecteurs de Rn dans la suite.
   
1 −1
−1 3 
√ √
4

Exemple. L’élément   est un élément de R . Le 4-uplet  2 
   en est un autre.
2 2
3
2 1

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  
u1 v1
 ..   .. 
Définition 2.2 (Somme - Produit extérieur). Soient u =  .  et v =  .  deux
un vn
éléments de Rn . Alors:
 
u1 + v1
u+v = ..
 (somme)
 
.
un + vn
 
λu1
λu =  ...  (produit extérieur par un scalaire λ ∈ R)
 

λun
 
0
 .. 
Le vecteur nul (qui sera appelé élément neutre) est 0 =  . . L’opposé d’un vecteur u
0
 
−u1
est le vecteur noté −u et qui vérifie u+(−u) = 0, c’est donc le vecteur −u =  ... .
 

−un
Remarque. i) Plutôt que la notation u, on utilise parfois ~u (notation du lycée).
ii) Dans R2 , on peut aussi représenter la somme de vecteurs, et le produit extérieur,
par un schéma.
La structure d’espace vectoriel de Rn permet d’avoir les propriétés suivantes qui
sont bien connues dans R.
Proposition 2.3. Pour u, v et w vecteurs quelconques de Rn et λ et µ deux réels
quelconques, on a
1. u + v = v + u; 2. u + (v + w) = (u + v) + w
3. u+0=0+u=u 4. u + (−u) = 0
5. 1u = u 6. 0u = 0
7. λ(u + v) = λu + λv 8. λ(µu) = λ(µu)
L’espace vectoriel R est usuellement représenté par l’axe des abscisses.
L’espace vectoriel R2 est représenté par le plan.
Exercice. Démontrez les propriétés de la proposition 2.3 dans le cas R2 .

2.2. Familles libres, familles génératrices, bases.

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Définition 2.4 (Combinaisons linéaires). Soient v (1) , · · · , v (p) , p vecteurs de Rn . On


appelle combinaison linéaire des vecteurs v (1) , · · · , v (p) , tout vecteur de la forme
λ1 v (1) + λ2 v (2) + · · · + λp v (p) ,
où λ1 , λ2 · · · , λp sont p nombres réels. Les scalaires λ1 , λ2 · · · , λp sont les coefficients
de la combinaison linéaire.
Définition 2.5 (Familles libres ou linéairement indépendantes). Soient v (1) , · · · , v (p) ,
p vecteurs de Rn . On dira que la famille de vecteurs {v (1) , · · · , v (p) } est libre si
 
λ1 v (1) + λ2 v (2) + · · · + λp v (p) = 0 ⇒ (λ1 = λ2 = · · · = λn = 0)

On dira aussi que c’est une famille linéairement indépendante.


Remarque. i) D’après la définition, une famille est libre si et seulement si la seule
façon d’avoir une combinaison linéaire des vecteurs de cette famille qui donne le
vecteur nul est que tous les coefficients de la combinaison soient nuls.
ii) Pour montrer qu’une famille donnée est libre, on supose qu’une combinaison
linéaire des éléments de cette famille vaut le vecteur nul, et on montre que les seuls
coefficients qui réalisent cela sont tous nuls.
iii) Une famille de vecteurs est libre si aucun vecteur de cette famille ne peut s’écrire
comme combinaison linéaire des autres.
     

 1 1 0 
     
0  ;   ;  1  est une famille
1

Exemple. Montrer que {v (1) , v (2) , v (3) } =  −1 2 −1

 
0 0 1
 
libre dans R4 . Pour cela, on suppose qu’il existe λ1 , λ2 et λ3 tels que:
λ1 v (1) + λ2 v (2) + λ3 v (3) = 0. On a alors:
       
1 1 0 0
0 1  1  0
λ1 −1 + λ2 2 + λ3 −1 = 0
      

0 0 1 0
       
λ1 λ2 0 0
 0   λ2   λ3  0
(4) ⇔ −λ1  + 2λ2  + −λ3  = 0
      

0 0 λ3 0
   
λ1 +λ2 0
 λ2 +λ3  0
 
⇔ −λ1 +2λ2 −λ3  = 0

λ3 0

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Cela revient à résoudre le système




 λ1 +λ2 =0
λ2 +λ3 =0


 −λ1 +2λ2 −λ3 =0
λ3 =0

Que l’on peut résoudre par pivot de Gauss (ou plus directement) et dont la seule
solution est (λ1 , λ2 , λ3 ) = (0, 0, 0). Ce qui permet de conclure que la famille de
vecteurs {v (1) , v (2) , v (3) } est libre.
B Remarquez bien qu’il était clair dès le début que (0, 0, 0) était une solution
possible. La question était de savoir si c’était bien la seule.

Exercice. Etudier les systèmes suivants et dire s’ils sont libres ou pas.
            

 1 0 0   1 1 2 
            

0 1 0 2 1 3
 
S1 =  ;
0 0 0 ; ; S2 = 3 1 4 ;
 ; ;

  
 
0 0 1 4 1 5
   
               
 1 1 0   1 1 0 1 
S3 =  0  ; 1 ; −1 ; S4 =  0  ; 1 ; −1 ; 1
−1 2 1 −1 2 1 2
   

Théorème 2.6. Si {v (1) , · · · , v (p) } est une famille libre, alors toute sous-famille, c’est
à dire tout ensemble inclus dans {v (1) , · · · , v (p) }, est aussi une famille libre.

Exemple. La famille {v (1) , v (3) }, où {v (1) , v (2) , v (3) } est la famille libre de l’exemple
ci-dessus, est une famille libre.

Définition 2.7 (Familles liées ou linéairement dépendantes). On dit qu’une famille


de vecteurs {v (1) , v (2) , · · · , v (p) } est une famille liée, ou linéairement dépendante, si
elle n’est pas une famille libre.

Théorème 2.8. i) Si une famille est liée, alors il existe (au moins) un vecteur de
cette famille qui est combinaison linéaire des autres.
ii) Si {v (1) , v (2) , · · · , v (p) } est une famille liée, alors tout ensemble de vecteurs con-
tenant {v (1) , v (2) , · · · , v (p) } est aussi une famille liée.
iii) Si {v (1) , v (2) , · · · , v (p) } est une famille de vecteurs de Rn et si p > n, alors néces-
sairement, {v (1) , v (2) , · · · , v (p) } est une famille liée.

Jean-Marie Barbaroux 12 Université de Toulon


Mathématiques Appliquées 2. Licence 1 Économie

Remarque. Quand deux vecteurs sont linéairement dépendants, on dit qu’ils sont
colinéaires. Dans R2 (ou dans R3 ), on a une bonne représentation géométrique de
deux vecteurs colinéaires.
De manière générale, il peut être utile d’avoir une représentation géométrique des
vecteurs. Par exemple, deux vecteurs colinéaires peuvent se représenter comme ap-
partenant à la même droite (vectorielle).
Trois vecteurs formant une famille liée sont tels que l’un peut s’écrire comme une
combinaison linéaire des deux autres. Dans l’exemple de la famille S2 ci-dessus, on
a par exemple que le 3ème vecteur est la somme des deux premiers.

Définition 2.9 (Espace engendré.). Soit {v (1) , v (2) , · · · , v (p) } une famille quelconque
de vecteurs de Rn . On notera Vect{v (1) , v (2) , · · · , v (p) } l’ensemble constitué de toutes
les combinaisons linéaires possibles des vecteurs v (1) , v (2) , · · · , v (p) :
Vect{v (1) , v (2) , · · · , v (p) } = {λ1 v (1) + λ2 v (2) + · · · λn v (n) | λi ∈ R}.

Théorème 2.10. L’ensemble V := Vect{v (1) , v (2) , · · · , v (p) } est un espace-vectoriel


(dont nous n’avons pas encore vu la définition dans un cas général). Cela signifie en
particulier que la somme de deux vecteurs quelconque de V est encore dans V, et que
le produit d’un vecteur de V par un scalaire λ est aussi dans V. On a aussi que les
éléments de V vérifient toutes les propriétés de la proposition 2.3.
 
2 2
Remarque. Dans l’espace vectoriel R , l’espace vectoriel engendré par , c’est
1
à dire l’ensemble des multiples de ce vecteur, peut être vu comme une droite (vec-
torielle). Cela reste vrai pour toute famille engendrée par un seul vecteur. C’est
aussi vrai dans R3 ou dans Rp ; mais pour p ≥ 4 c’est plus difficile  à 
enavoir
  une

 1 0 
représentation mentale. Dans R3 , l’espace vectoriel engendré par 0 ; 1
0 0
 
peut être vu comme un plan (vectoriel); c’est le plan qui contient les deux vecteurs en
question. Cela reste vrai pour toute famille engendrée par deux vecteurs linéairement
indépendants.

Définition 2.11 (Famille génératrice). Soit {v (1) , v (2) , · · · , v (p) } une famille de p
vecteurs de Rn . On dit que cette famille est génératrice de Rn si tout vecteur u de Rn
peut s’écrire comme combinaison linéaire de vecteurs de {v (1) , v (2) , · · · , v (p) }:

∀u ∈ Rn , ∃(λ1 , λ2 , · · · , λp ) tels que u = λ1 v (1) + λ2 v (2) + · · · + λp v (p) .

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     
 1 0 0 
Exemple. La famille 0 ; 1 ; 0 est génératrice de R3 .
0 0 1
 
     
1 2 0
La famille ; ; est génératrice de R2 .
1 −1 1

Exercice. Pouvez-vous donnez une famille (la plus “simple possible”) qui soit génératrice
de R4 ?
Est-il possible de contruire une famille de deux vecteurs dans R3 qui soit une famille
génératrice? (pensez à la représentation géométrique).

Définition 2.12 (Base). On appelle base d’un espace vectoriel toute famille qui est
à la fois libre et génératrice.
     
 1 0 0 
Exemple. La famille 0 ; 1 ; 0 est une base de R3 . On peut montrer que
    0 0 1
 
 1 0 0 
la famille  1 ; 1 ; −1 est aussi une base de R3 .
   
0 1 1
 

Définition 2.13 (Dimension d’un espace vectoriel). Un espace vectoriel est de di-
mension finie s’il possède une base avec un nombre fini de vecteurs. Dans ce cas là,
la dimension de l’espace vectoriel est égal au nombre de vecteurs d’une base de cet
espace vectoriel.

Remarque. i) Cette définition contient une propriété: Toutes les bases d’un espace
vectoriel de dimension finie ont le même nombre de vecteurs.
ii) On n’en parlera pas (ou très peu) cette année; mais il existe des espaces vectoriels de
dimension infinie. Vous en avez déjà rencontré (au moins) un au semestre précédent.
iii) On a la propriété dim(Rn ) = n. Montrez le (commencez par exemple dans le cas
n = 3). La base canonique de Rn est la famille de n vecteurs {e(1) , e2) , · · · , e(n) } telle
que pour tout j, le vecteur e(j) est le vecteur ayant pour jème composante 1 et ses
autres composantes nulles. Voir la première famille donnée dans l’exemple ci-dessus
dans le cas de R3 .
v) Il peut sembler curieux, dans le cas de l’espace vectoriel Rn , de vouloir déterminer
d’autres bases que la base canonique. On verra plus tard que cela sera très utile de
trouver d’autres bases.
vi) La notion de base est une généralisaton de la notion de repère. Vous avez (prob-
ablement) vu, dans R2 , que tout vecteur se décompose comme combinaison linéaire
des vecteurs de la base orthonormale usuelle (~i, ~j). Les vecteurs ~i et ~j sont en fait

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exactement les vecteurs de la base canonique de R2 . On peut aussi décomposer tout


vecteur de R2 dans des bases différentes; par exemple dans la base (~u, ~v ) = (~i + ~j, 2~i)
(faire un dessin).

La définition de dimension d’un espace vectoriel et la remarque i) ci-dessus, vien-


nent de la propriété suivante:

Proposition 2.14. i) Dans un espace vectoriel de dimension n, toute famille libre


contenant exactement n éléments est aussi une famille génératrice. C’est donc une
base.
ii) Dans un espace vectoriel de dimension n, toute famille génératrice contenant ex-
actement n éléments est aussi libre. C’est donc une base.
iii) Toute famille libre d’un espace vectoriel de dimension n contient au plus n éléments.
iv) Toute famille génératrice d’un espace vectoriel de dimension n contient au moins
n éléments.
     
 1 1 0 
Exemple. Dans un exercice précédent, on a vu que la famille  0  ; 1 ; −1
−1 2 1
 
est libre dans R3 . Comme c’est une famille libre de 3 vecteurs dans l’espace R3 qui
est de dimension 3, c’est aussi une famille génératrice, et donc une base de R3 .

Remarque. Les propriétés iii) et iv) ci-dessus vous sont familières. En effet, dans
R3 vous savez (ou devinez) bien qu’il n’est pas possible, avec deux vecteurs seulement,
d’engendrer tout R3 : deux vecteurs u et v étant fixés dans R3 , il n’est pas possible que
tous les vecteurs de R3 soient combinaison linéaire de ces deux vecteurs. Il suffit de
choisir un vecteur w en dehors du plan (vectoriel) engendré par u et v, et on n’aura
jamais w = λu + µv.
De même dans R2 (pour faire simple), si on fixe 3 vecteurs, ils ne formeront jamais
une famille libre. Il y aura toujours un des vecteurs combinaison linéaire des deux
autres.

2.3. Espaces vectoriels quelconques. On termine ce chapitre par la définition


d’espaces vectoriels plus généraux que Rn . On se restreindra quand même à un
cas particulier. Le cas général n’est pas plus difficile à comprendre, mais nécessite
une caractérisation bien plus longue. Dans un cours “classique” on devrait normale-
ment introduire la notion générale d’espace vectoriel, et ensuite seulement, écrire la
définition ci-dessous comme une propriété. Le temps manque. On s’en tiendra donc
là, et c’est bien suffisant pour l’instant.

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Définition 2.15 (Sous-espace vectoriel). Soit E un espace vectoriel où les scalaires
sont les éléments de R. Un sous-ensemble F ⊂ E est un espace vectoriel s’il vérifie
les trois propriétés suivantes:
(1) F n’est pas l’ensemble vide
(2) Si u et v sont deux vecteurs de F , alors u + v ∈ F
(3) Si u est un vecteur de F et λ est un scalaire, alors λu ∈ F .
Dans ce cas là, on dira que F est un sous-espace vectoriel de E.

Proposition 2.16. Si F est un sous-espace vectoriel de E, alors il vérifie toutes les


propriétés de la proposition 2.3.
   
 1 1 
3
Exercice. Soit l’espace vectoriel E = R . Soit F = Vect  1 ; 0  . Montrer
 
1 −1
 
que les deux vecteurs qui engendrent F forment une famille libre. Pourquoi est-ce
une famille génératrice de F (revenir à la définition 2.9 d’espace engendré). Conclure
que ces deux vecteurs forment une base de F , et en déduire la dimension de F .
Géométriquement, qu’est-ce que F ? Existe-t-il un vecteur de R3 qui n’est pas dans
F ? Si oui, donnez-en un.

Théorème 2.17. Soit E un espace vectoriel de dimension finie et soit F un sous-


espace vectoriel de E. Alors on a
E = F ⇔ dim(E) = dim(F ).
     
 1 1 0 
Exercice. Utiliser le théorème 2.17 pour montrer: Vect 1 ; 0 ; 0  = R3
   
1 −1 1
 

Théorème 2.18. Soit E un espace vectoriel. Soient F1 ⊂ E et F2 ⊂ E deux sous-


espaces vectoriels. Alors F1 ∩ F2 est un sous-espace vectoriel de E.

Exercice ♣ . Montrer ce résultat dans le cas où E = Rn .

Exemple ♣ /♠ . Soit E = R3 . Soient les vecteurs u1 = (1, 0, 1), u2 = (1, 1, 1),


et u3 = (0, 1, 2). Soit le sous-espace vectoriel F1 = Vect{u1 , u2 }. Soit l’ensemble
F2 = { (x, y, z) ∈ R3 | x + 2y − z = 0}.
i) Que vaut dim(F1 )?
ii) Montrer que F1 est l’ensemble des vecteurs u = (x, y, z) tels que x = z.
iii) Montrer que F2 = Vect(u1 , u3 ). En déduire que F2 est un espace vectoriel. Quelle
est la dimension de F2 ?
iv) Déterminer F1 ∩ F2 .

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3. Fiche de cours: Matrices - Calcul matriciel - Déterminants -


Méthodes de calcul de déterminants
Dans ce chapitre, nous définissons de nouveaux objets mathématiques, les matrices,
et une quantité associée à chaque matrice, le déterminant. Ces objets seront très utiles
dans les deux paragraphes suivants, mais aussi pour la résolution de systèmes linéaires
de n équations à n inconnues.
3.1. Définitions.
Définition 3.1 (Matrice).
• Une matrice est un tableau rectangulaire d’éléments de R (ou C). Les matrices
sont notées usuellement avec des lettres majuscules.
• Une matrice est de taille n × p si c’est un tableau qui possède n lignes et p
colonnes. L’ensemble des matrices à n lignes et p colonnes est noté Mn,p .
• Les valeurs dans le tableau sont appelées les coefficients de la matrice.
• Le coefficient situé à la i-ème ligne et à la j-ème colonne de la matrice A est
noté ai,j ou aij . (si la matrice est notée B, on notera les coefficients par bij ,
etc.). On utilise alors la notation A = (aij )1≤i≤n ou encore A = (aij ).
1≤j≤p
 
1 0 √ −1 3 4
0
Exemple. La matrice A =  √2 2 π 0  est une matrice 4 × 5, puisqu’elle
−1 3 12 5 5
1 1 1 1 1
possède 4 lignes et 5 colonnes. L’élément a2,4 est π et l’élément a4,2 est 1.
Définition 3.2 (Quelques matrices remarquables).
• Une matrice n × n, i.e., ayant le même nombre de lignes et de colonnes, est
une matrice carrée. L’ensemble des matrices carrées n × n est noté Mn,n ou
Mn . Une matrice n × n est appelée matrice d’ordre n.
• Dans une matrice carrée, on appelle diagonale les éléments ai,i ayant même
indice de ligne et de colonne.
• Une matrice carrée est triangulaire supérieure si tous ses coefficients au dessous
de la diagonale sont nuls. Elle est triangulaire inférieure si tous ses coeffi-
cients au dessus de la diagonale sont nuls.
• Une matrice carrée dont tous les éléments sont nuls sauf les éléments diago-
naux, est appelée matrice diagonale.
• Une matrice (carrée) diagonale dont tous les éléments de la diagonale valent
1 est appelée matrice unité ou matrice identité. On la note In ou seulement
I s’il n’y a pas d’ambiguı̈té.
• Une matrice dont tous les éléments sont nuls est appelée matrice nulle.
• Une matrice n × 1 est appelée matrice colonne (ou vecteur colonne)

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• Une matrice 1 × p est appelée matrice ligne (ou vecteur ligne)


 
2 5 −1 7
3 4 0 4
Exemples. Dans la matrice carrée suivante, la diagonale est en rouge: 
2 0
.
0 6
8 −2 0 9
 
2 1 −7 8  
0 6 9 3 0 0
4
0 0 3 −8 est triangulaire supérieure. La matrice D = 0 −4 0
La matrice    
0 0 1
0 0 0 1  
1 0 0 0
0 1 0 0
est une matrice diagonale. La matrice B =  0 0 1 0 est la matrice identité

0 0 0 1
 
1
2 
I4 . La matrice X =   est une matrice colonne, et Y = 1 2 0 −1 est une
0
−1
matrice ligne.
3.2. Opérations sur les matrices.
Définition 3.3 (Somme). Soient A = (aij ) et B = (bij ) deux matrices n × p. Alors
la matrice C = A + B est une matrice n × p obtenue en sommant terme à terme
chaque coefficient des matrices A et B:
 
a11 + b11 a12 + b12 · · · a1p + b1p
 a21 + b21 a22 + b22 · · · a2p + b2p 
A + B = C = (cij ) = (aij + bij ) = 
 
.. .. .. .. 
 . . . . 
an1 + bn1 an2 + bn2 ··· anp + bnp

Définition 3.4 (Produit par un réel (ou un complexe)). Soit A = (ai,j ) une matrice
et soit λ ∈ R. Alors, la matrice λA est la matrice obtenue en multipliant chaque
coefficient de la matrice A par λ. La matrice λA a donc pour coefficients (λai,j ).
Remarque. On ne peut pas additionner deux matrices qui n’auraient pas le même
nombre de lignes ou de colonnes.
Si A est une matrice n×p et si 0 est la matrice nulle n×p, alors A+0 = 0+A = A.
Grâce au produit d’une matrice par un scalaire (réel ou complexe), l’ensemble des
matrices Mn,p est un espace vectoriel. Il vérifie donc toutes les propriétés de la propo-
sition 2.3. En particulier, l’opposé −A d’une matrice A = (ai,j ) de Mn,p est dans
Mn,p , et a pour coefficients (−ai,j ).

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On définit ensuite le produit de matrices. La définition ci-dessous est utile pour des
raisonnements abstraits, que nous éviterons pour cette année. C’est par un exemple
que vous comprendrez mieux comment se fait le produit de matrices.
Définition 3.5 (Produit de matrices). Soient A ∈ Mn,p et B ∈ Mp,` . Alors la
matrice C = AB a ses coefficients ci,j qui sont obtenus, pour tout i ∈ {1, · · · n} pour
tout j ∈ {1, · · · , `}, par
p
X
ci,j = ai,k bk,j
k=1
= ai,1 b1,j + ai,2 b2,j + · · · + ai,p bp,j

Remarque. i) B Notez bien que les deux matrices A et B ne sont pas nécessairement
dans les mêmes ensembles de matrices, mais que le nombre de colonnes de A doit être
égal au nombre de lignes de B.
ii) B Les matrices ne vérifient en général pas la propriété de commutation. Cela
signifie qu’en général AB 6= BA. Vous remarquerez d’ailleurs que l’un des deux
produits peut être bien défini, alors que l’autre ne l’est pas forcément, à cause du
nombre de lignes et de colonnes de A et B.
 
  3 1 9
1 2 3 4 1 0 4
Exemple. Soient A = ∈ M2,4 et B =  9 2 5 ∈ M4,3 ; Alors,

2 5 1 −1
2 −1 2
la matrice C = AB est dans M2,3 et:
 
3 1 9
1 0 4
 
9 2 5
   2 −1 2 
1 2 3 4 . . .
2 5 1 −1 . . c2,3
où c2,3 = 2 ×
 9 + 5 × 4 + 1 × 5 + (−1) × 2 = 41. Le calcul des autres coefficients
40 3 40
donne C = .
18 5 41
On ne peut pas calculer BA.
   
1 3 −4 1 0 −1
Exercice. Soit A = 2 6 −8, B = 1 −1 1  et I = I3 la matrice identité.
1 3 −4 2 −3 4
Calculer AB et BA, puis IA, IB, AI et BI.

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Définition 3.6 (Transposition). Si A ∈ Mn,p , alors sa matrice transposée, notée tA


est dans Mp,n et ses coefficients sont obtenus en échangeant le rôle du numéro de
ligne et du numéro de colonne. La matrice tA = (αi,j ) vérifie donc αi,j = aj,i
 
1 2
2 5 
Exemple. La matrice transposée de la matrice A de l’exemple ci-dessus est: 3 1 .

4 −1
Proposition 3.7 (Propriétés du produit de matrices).
(1) A(BC) = (AB)C. C’est l’associativité du produit de matrices.
(2) A(B + C) = AB + AC. C’est la distributivité de la multiplication par rapport
à l’addition.

3.3. Inverse d’une matrice et méthode de calcul.


Définition 3.8 (Inverse d’une matrice). Soit A ∈ Mn une matrice carrée d’ordre
n. S’il existe une matrice B ∈ Mn telle que AB = BA = In , alors on dit que A est
inversible et son inverse est B. On note alors A−1 l’inverse de la matrice A.
Remarque. i) On ne parlera pas d’inverse pour une matrice qui n’est pas carrée.
ii) Si A est inversible, alors (A−1 )−1 = A.
iii) Les
 matrices
 carrées ne sont pas toutes inversibles. On peut par exemple montrer
3 2
que n’est pas inversible. On verra dans le paragraphe suivant un critère
6 4
permettant de montrer qu’une matrice est inversible ou pas.
iv) L’inverse d’une matrice A, s’il existe, est unique.
Proposition 3.9. Soient A et B deux matrices carrées suposées inversibles. Alors
AB est inversible et on a (AB)−1 = B −1 A−1 .
Méthode de Gauss-Jordan d’inversion des matrices. Dans ce qui suit, nous
allons voir une méthode pour inverser une matrice, basée sur la méthode du pivot
de Gauss. Il existe d’autres méthodes (en particulier à l’aide du déterminant). Nous
n’aurons pas le temps de les voir.
La méthode de calcul de l’inverse d’une matrice A consiste à écrire côte à côte la
matrice A que l’on doit inverser et la matrice unité. On écrit (A | I). C’est ce que l’on
appelle la matrice augmentée. On effectue ensuite sur les lignes de A les opérations
vues dans la définition 1.8 (et seulement ce type d’opérations) pour transformer A
en la matrice identité. Pour chaque opération faite sur les lignes de A, on effectue
la même opération sur les lignes de la matrice à droite de A. À la fin, quand A
est devenue I, alors I est devenue A−1 . La stratégie consiste d’abord à faire les

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mêmes opérations que pour le pivot de Gauss, i.e., on cherche à obtenir une matrice
triangulaire.
Voici un exemple de calcul d’inverse de matrice par cette méthode. À chaque étape,
on note l’opération sur les lignes qui sera effectuée à l’étape suivante.
 
1 2 0 1 0 0
 0 2 2 0 1 0  L3 −→ L3 + L1
−1 1 1 0 0 1
 
1 2 0 1 0 0
1
 0 2 2 0 1 0  L2 −→ L2 puis L3 −→ L3 − 3L2
2
0 3 1 1 0 1
 
1 2 0 1 0 0
1
 0 1 1 0 1/2 0  L3 −→ − L3 puis L2 −→ L2 − L3
2
0 0 −2 1 −3/2 1
 
1 2 0 1 0 0
 0 1 0 1/2 −1/4 1/2  L1 −→ L1 − 2L2
0 0 1 −1/2 3/4 −1/2
 
1 0 0 0 1/2 −1
 0 1 0 1/2 −1/4 1/2 
0 0 1 −1/2 3/4 −1/2
     
1 2 0 0 1/2 −1 0 2 −4
L’inverse de A =  0 2 2 est A−1 =  1/2 −1/4 1/2  = 41  2 −1 2 .
−1 1 1 −1/2 3/4 −1/2 −2 3 −2

Applicaton du calcul d’inverse de matrice. Une application simple du calcul de


l’inverse d’une matrice est pour la résolution de systèmes linéaires de n équations à n
inconnues. En effet, tout système linéaire de n équations à n inconnues x1 , x2 , · · · , xn
avec second membre b1 , b2 , · · · , b
n peut
 se réécrire
 sous
 la forme AX = B où X et B
x1 b1
 x2   b2 
sont les matrices colonnes X =  .  et B =  . . Si la matrice A est inversible,
   
 ..   .. 
xn bn
on a alors un seul n-uplet solution donné par X = A−1 B. Si la matrice A n’est pas
inversible, on a alors soit aucune solution, soit une infinité de solutions.
Exemple. Trouver l’ensemble des solutions de

 x1 +2x2 = −2
2x2 +2x3 = 4
−x1 +x2 +x3 = 12

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     
1 2 0 x1 −2
Ce système se réécrit AX = B, avec A =  0 2 2, X = x2  et B =  4 .
−1 1 1 x3 12
 
0 1/2 −1
Le calcul de A−1 donne A−1 =  1/2 −1/4 1/2  donc, il existe un unique
−1/2 3/4 −1/2
triplet solution du système:
       
x1 0 1/2 −1 −2 −10
x2  = A−1 B =  1/2 −1/4 1/2   4  =  4 .
x3 −1/2 3/4 −1/2 12 −2

3.4. Déterminant de matrice carrée - Méthode de calcul de déterminants.

À toute matrice carrée A ∈ Mn , on peut associer un unique nombre, appelé


déterminant, que l’on notera det(A) ou |A|.
La définition mathématique permet, comme il se doit, de caractériser de façon
unique le déterminant. Cependant, cette définition ne donne pas directement une
méthode de calcul. C’est pourquoi nous allons ci-dessous donner directement les
méthodes permettant de calculer un déterminant de matrices carrées.

Définition 3.10 (Déterminants 1 × 1 et 2 × 2).


i) Soit A ∈ M1 une matrice carrée d’ordre 1 (ne contenant donc qu’un seul coefficient.
A = (a11 ). Alors,
det(A) = |A| = a11 .
 
a b
ii) Soit A = ∈ M2 une matrice d’ordre 2. Alors
c d
a b
det(A) = = ad − cb.
c d

Proposition 3.11. Le déterminant d’une matrice triangulaire inférieure ou supérieure


d’ordre n est égal au produit de ses éléments diagonaux. C’est vrai aussi pour une
matrice diagonale.

2 1 −7 8
0 6 9 4
Exemple. On a = 2 × 6 × 3 × 1 = 36.
0 0 3 −8
0 0 0 1

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Définition 3.12 (sous-déterminants). Soit A ∈ Mn une matrice carrée d’ordre n.


On dira que B est une sous-matrice de A si elle est obtenue en enlevant des lignes
et/ou des colonnes à A.
Si A ∈ Mn , on notera A∗ij ∗ ∈ Mn−1 la sous-matrice de A à qui on a ôté la ligne i
et la colonne j.

 
1 2 0 4  
−1 1 2 4
0 2 2 alors A∗23 = 9
Exemple. Si A =  −1 1
9 −1 1 1
2 −5 4
2 −5 −2 4

 
a1,1 a1,2 ··· a1,n
 a2,1 a2,2 ··· a2,n 
Définition 3.13 (Déterminants n × n). Soit A =  . ..  ∈ Mn
 
.. ..
 .. . . . 
an,1 an,2 ··· an,n
une matrice carrée d’ordre n. Alors

det(A) = a1,1 |A∗11 | − a1,2 |A∗12 | + a1,3 |A∗13 | + · · · + (−1)n |A∗1n |.

B Notez bien l’alternance des signes + et − dans cette formule.


On a effectué ici ce que l’on appelle un développement par rapport à la première
ligne de A.

Cette définition permet de ramener le calcul d’un déterminant d’ordre n au calcul


de n déterminants d’ordre n − 1. Par exemple, on calcule un déterminant d’ordre 3 à
l’aide de 3 déterminants d’ordre 2:
3 −1 6
2 0 4 0 4 2
4 2 0 = 3× −(−1)× +6× = 3×10+1×20+6×(−2) = 38
0 5 1 5 1 0
1 0 5

Proposition 3.14. On peut effectuer le calcul d’un déterminant n×n en développant


par rapport à une autre ligne que la première ligne. La formule est similaire. Il faut
toutefois faire attention à l’alternance des signes + et −. Si on développe par rapport
à une ligne impaire (comme la première, la troisième, etc.), on commence par un
“+”, et on alterne. Si on développe par rapport à une ligne paire (la deuxième, la
quatrième, etc.), on commence alors par le signe “−”, et on alterne.

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 
a1,1 a1,2 ··· a1,n
 a2,1 a2,2 ··· a2,n 
Ainsi, soit A =  . ..  ∈ Mn une matrice carrée d’ordre n.
 
.. ..
 .. . . . 
an,1 an,2 · · · an,n
Alors en développant par rapport à la i-ème ligne, on obtient:
det(A) = (−1)i+1 ai,1 |A∗i1 |−(−1)i+1 ai,2 |A∗i2 |+(−1)i+1 ai,3 |A∗i3 |+· · ·+(−1)n (−1)i+1 ai,n |A∗i,n |.
Voyons tout de suite ce que cela donne sur un exemple. On reprend la matrice
précédente, mais on développe cette fois par rapport à la deuxième ligne. Faites
bien attention. Les coefficients choisis changent, les signes changent, mais aussi les
sous-matrices associées changent.

3 −1 6
−1 6 3 6 3 −1
4 2 0 = −4× +2× −0× = (−4)×(−5)+2×(15−6) = 38
0 5 1 5 1 0
1 0 5
On retrouve bien entendu la même valeur du déterminant.
Proposition 3.15. On peut effectuer le calcul d’un déterminant n×n en développant
par rapport à une colonne. Là encore, la formule est similaire au cas où on développe
par rapport à une ligne. Si on développe par rapport à une colonne impaire (la
première, la troisième, etc.), on commence par un “+”, et on alterne. Si on développe
par rapport à une colonne paire (la deuxième, la quatrième, etc.), on commence alors
par le signe “−00 , et 
on alterne. 
a1,1 a1,2 · · · a1,n
 a2,1 a2,2 · · · a2,n 
Ainsi, soit A =  . ..  ∈ Mn une matrice carrée d’ordre n.
 
. .. ..
 . . . . 
an,1 an,2 · · · an,n
Alors en développant par rapport à la j-ème colonne, on obtient:
det(A) = (−1)j+1 a1,j |A∗1j |−(−1)j+1 a2,j |A∗2j |+(−1)j+1 a3,j |A∗3j |+· · ·+(−1)n (−1)j+1 an,j |A∗nj |.
Reprenons la matrice précédente, et développons par rapport à la 3ème colonne.
3 −1 6
4 2 3 −1 3 −1
4 2 0 = 6× − 0× + 5× = 6×(−2) + 5×10 = 38
1 0 1 0 4 2
1 0 5
Une dernière série de propriétés utiles pour le calcul de déterminant.
Proposition 3.16. Soit A et B deux matrices carrées de Mn .
(1) Si on intervertit deux lignes de A, on change son déterminant en son opposé.

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Mathématiques Appliquées 2. Licence 1 Économie

(2) Si on intervertit deux colonnes de A, on change son déterminant en son op-


posé.
(3) Si on remplace une ligne de A par elle-même plus une combinaison linéaire
des autres lignes, on ne change pas son déterminant.
(4) Si on remplace une colonne de A par elle-même plus une combinaison linéaire
des autres colonnes, on ne change pas son déterminant.
(5) Soit λ ∈ R et A ∈ Mn , alors det(λA) = λn A.
(6) Si on multiplie une ligne (ou une colonne) de A par λ, alors on multiplie son
déterminant par λ.
(7) det(AB) = det(A) det(B)
(8) Si A a deux lignes identiques, alors det(A) = 0.
(9) Si une ligne de A est combinaison linéaire des autres lignes, alors det(A) = 0.
(10) Si A a deux colonnes identiques, alors det(A) = 0.
(11) Si une colonne de A est combinaison linéaire des autres colonnes, alors det(A) =
0.
(12) Le déterminant d’une matrice et de sa transposée son égaux: det(A) = det(tA).

Remarque. B En général on a det(A + B) 6= det(A) + det(B).

Exemples. Appliquons quelques-unes des propriétés ci-dessus.

3 −1 6 4 2 0
4 2 0 =− 3 −1 6 propriété (1).
1 0 5 1 0 5

3 −1 6 0 −1 −9
4 2 0 = 4 2 0 (on a fait L1 −→ L1 − 3L3 et propriété (3))
1 0 5 1 0 5
0 −1 −9
= 0 2 −20 (on a fait L2 −→ L2 − 4L3 et propriété (3))
1 0 5
−1 −9
=1× (développement par rapport à la 1ère colonne)
2 −20
= −1 × (−20) − 2 × (−9) = 38.

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30 −1 6 10 × 3 −1 −9
40 2 0 = 10 × 4 2 0 ( propriété (6))
10 0 5 10 × 1 0 5
3 −1 −9
= 10 4 2 0 ( propriété (6))
1 0 5
= 10 × 38 = 380.
3 7 6
4 2 0 =0 (on remarque que L3 = 10L1 + L2 et propriété (10))
34 72 60
Voici un théorème important sur l’inversibilité d’une matrice.
Théorème 3.17. Soit A ∈ Mn . Alors:
A est inversible ⇔ det(A) 6= 0

La proposition suivante donne une propriété simple pour montrer qu’une famille
de n vecteurs de Rn est une base.
Proposition 3.18. Soit (f1 , f2 , · · · fn ), n vecteurs dans Rn . Alors, (f1 , f2 , · · · fn ) est
une base de Rn si et seulement si det(f1 , f2 , · · · fn ) 6= 0.

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4. Fiche de cours: Application linéaires


4.1. Applications linéaires de Rn dans Rp .

Définition 4.1 (Application). Soient E et F deux ensembles quelconques. On ap-


pelle application de E vers F , une fonction qui a tout élément de E associe un élément
de F .
Exemples. i) E = R, F = R et f (x) = sin(x). √
ii) E = R, F = R et g1 (x) = 3x. Si on prend g2 (x) = x, ce n’est pas une application
sur E (seulement une fonction), car elle n’est pas définie sur tout E.
iii) E = R2 , F = R et h((x1 , x2 )) = 3x1 x2 + x1 2 expx2 .
iv) E = R2 , F = R et h((x, y)) = 3y − 4x.
v) E = R3 , F = R2 et j( (x1 , x2 , x3 ) ) = (x1 − 5x2 , x3 + 9x2 − x4 ).

Définition 4.2 (Application linéaire). Soit f une application de Rn dans Rp . On


dit que f est une application linéaire de Rn dans Rp si
(a) Pour tout u et v dans Rn , on a f (u + v) = f (u) + f (v).
(b) Pour tout u ∈ Rn et tout λ ∈ R, f (λu) = λf (u).
L’ensemble des applications linéaires de Rn dans Rp est noté L(Rn , Rp ).

Exemple. Dans les exemples d’applications i) à v) ci-dessus, dire celles qui sont des
applications linéaires et celles qui ne le sont pas.

Proposition 4.3. Si f est une application linéaire de Rn dans Rp , alors on a


(1) f (0Rn ) = 0Rp .
(2) Pour tout u ∈ Rn , f (−u) = −f (u).
où 0Rn est le vecteur nul (0, 0, · · · , 0) de Rn et 0Rp est le vecteur nul de Rp .
| {z }
n fois

Proposition 4.4. Si f et g sont deux applications linéaires de Rn dans Rp , alors


(1) f + g est une application linéaire de Rn dans Rp
(2) Pour tout λ ∈ R, λf est une application linéaire de Rn dans Rp .
(3) Si f est bijective de Rn dans Rn , alors son application réciproque est une
application linéaire de Rn dans Rn .
4.2. Généralisation au cas E et F espaces vectoriels quelconques. La définition
d’application linéaire sur des espaces vectoriels quelconques est similaire à celle donnée
sur les espaces Rn . On a donc
Définition 4.5. Soient E et F deux espaces vectoriels. Soit f une application de E
dans F . On dit que f est une application linéaire de E dans F si

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(a) Pour tout u et v dans E, on a f (u + v) = f (u) + f (v).


(b) Pour tout u ∈ E et tout λ ∈ R, f (λu) = λf (u).
L’ensemble des applications linéaires de Rn dans Rp est noté L(Rn , Rp ).
Remarque. i) Soit E = Rn [X], l’ensemble des polynômes de degré inférieur ou égal à
n. On peut montrer que E est un espace vectoriel. Avec les définitions vues auparavant
(voir Définition 2.15), vous pouvez par exemple montrer que c’est un sous-espace
vectoriel de l’espace vectoriel réel des applications de R dans R.
L’application f : Rn [X] → Rn [X], telle que f (P ) = P 0 , est une application linéaire.
ii) Soit E = Mn,p (R) l’ensemble des matrices rectagulaires n × p. On peut montrer
que E est un espace vectoriel. L’application de E dans E qui à une matrice associe
sa transposée est une application linéaire.
4.3. Image - Noyau - Rang.
Définition 4.6 (Image d’une application linéaire). Soit f une application linéaire
d’un espace vectoriel E vers un espace vectoriel F . On appelle ensemble image de f ,
l’ensemble noté Im(f ) défini par
Im(f ) = { f (u) | u ∈ E }.

Remarque. i) En d’autres termes, Im(f ) est l’ensemble de toutes les images possibles
f (u) lorsque u parcourt E.
ii) BNotez bien que Im(f ) est un sous-ensemble de F .
Proposition 4.7. Soit f une application linéaire de E vers F . Alors Im(f ) est un
sous-espace vectoriel de F . De plus, si E est de dimension finie p et que (e1 , e2 , · · · , ep )
est une base de E, alors
Im(f ) = Vect ({f (e1 ), f (e2 ), · · · , f (ep )}) ,
c’est à dire que Im(f ) est engendrée par la famille de vecteurs {f (e1 ), f (e2 ), · · · , f (ep )}.
Définition 4.8 (Rang d’une application linéaire). Soit f une application linéaire
de E vers F . On appelle rang de l’application linéaire f , que l’on note rg(f ), la
dimension de l’espace vectoriel Im(f ):
rg(f ) = dim(Im(f)).

Proposition 4.9. Soit f une application linéaire de E vers F .


i) On a alors les deux inégalités suivantes pour le rang de f :
rg(f ) ≤ dim(E) et rg(f ) ≤ dim(F )
ii) Si (e1 , e2 , · · · , en ) est une base de E, alors le rang de f est égal au nombre maximal
de vecteurs de {f (e1 ), f (e2 ), · · · f (ep )} linéairement indépendants.

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Remarque. Nous verrons dans la proposition 4.23 un résultat très utile pour déterminer
le rang d’une application linéaire. Ce sera essentiellement ce résultat que nous utilis-
erons pour déterminer le rang d’une application linéaire.

Définition 4.10 (Noyau d’une application linéaire). Soit f une application linéaire
de E vers F . On appelle noyau de f , que l’on note Ker(f ), l’ensemble de tous les
vecteurs de E dont l’image par f est le vecteur nul:

Ker(f ) = { u ∈ E | f (u) = 0F }.

Remarque. BL’ensemble Ker(f ) est un sous-ensemble de E.

Proposition 4.11. Soit f une application linéaire de E vers F . Alors Ker(f ) est un
sous-espace vectoriel de E.

On rappelle la définition d’injectivité pour une application.

Définition 4.12. Une application (pas nécessairement linéaire) d’un ensemble X


vers un ensemble Y est injective si chaque élément de l’ensemble d’arrivée Y a au
plus un antécédent dans X: pour tout y ∈ Y , il existe au plus un élément x ∈ X tel
que f (x) = y.

Le théorème suivant donne une caractérisation simple de l’injectivité dans le cas


d’une application linéaire.

Théorème 4.13. Soit f une application linéaire d’un espace vectoriel E vers un
espace vectoriel F . Alors f est injective si et seulement si son noyau est réduit au
seul vecteur nul:
f est injective ⇔ Ker(f ) = {0E }

Théorème 4.14 (Théorème du rang). Soit f une application linéaire d’un espace
vectoriel E de dimension finie vers un espace vectoriel F alors

dim(E) = dim(Ker(f )) + rg(f ).

4.4. Représentation d’une application linéaire par une matrice. Dans ce


paragraphe, nous allons voir qu’une application linéaire de E vers F peut être représentée
par une matrice dès qu’on se donne une base de l’espace vectoriel de départ E et une
base de l’espace vectoriel d’arrivée F . Nous allons voir aussi que si l’on se donne une
matrice, on peut lui associer une application linéaire.

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4.4.1. Matrice d’une application linéaire.


Définition 4.15. La matrice de l’application linéaire g de E vers F , où E est muni
d’une base B = (e1 , e2 , · · · , ep ) et F est muni d’une base B 0 = (f1 , f2 , · · · , fn ) est
donnée par la matrice n × p dont les colonnes sont les vecteurs g(ej ) exprimés en
fonction des vecteurs fi :

g(e1 ) g(e2 ) · · · g(ep )


f1  
f2   notation
= MatB,B0 (g)
..  
.
 
fn

Remarque. Les coefficients de la matrice MatB,B0 (g) dépendent du choix des matrice
B et B 0 . Cela signifie qu’à une application linéaire donnée g, correspond plusieurs
matrices.

Exemple: Soit l’application linéaire g de l’espace vectoriel R3 dans l’espace vectoriel


R2 définie par g(x1 , x2
, x3 )= (x1 + 2x2 − x3 , −3x2 + 2x3 ). Si on écrit les vecteurs en
x1  
x1 + 2x2 − x3
colonne, cela donne g x2 =
  .
−3x2 + 2x3
x3
     
1 0 0
3
Prenons comme base de R la base canonique B = (e1 , e2 , e3 ) =   0 , 1 , 0
   
    0 0 1
1 0
et pour R2 la base canonique B 0 = (f1 , f2 ) = , .
0 1
On a:
 
1  
1
g(e1 ) = g(0) = = f1 = 1 f1 + 0 f2
0
0
 
0  
2
g(e2 ) = g(1) = = 2f1 − 3f2
−3
0
 
0  
−1
g(e3 ) = g 0) = = −1f1 + 2f2
2
1

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La matrice MatB,B0 (g) est donc:

 g(e1 ) g(e2 ) g(e3 ) 


Mat B,B0 (g) = f1 1 2 −1
f2 0 −3 2

Remarque. Réciproquement, si on se donne une matrice dans Mn,p , on peut lui


associer une application linéaire. Pour cela, il suffit de considérer que c’est la matrice
de l’application linéaire de Rp dans n
 R munis de leur base canonique respective.
1 4
Par exemple, à la matrice A = 2 5, on associe l’application linéaire
0 3
2 3
g : R → R telle que g((1, 0)) = (1, 2, 0) et g((0, 1)) = (4, 5, 3).
On a alors, pour tout x = (x1 , x2 ) ∈ R2 ,

g(x) = g((x1 , x2 )) = g x1 (1, 0) + x2 (0, 1)
= x1 g((1, 0)) + x2 g((0, 1)) = x1 (1, 2, 0) + x2 (4, 5, 3)
= (x1 , 2x1 , 0) + (4x2 , 5x2 , 3x2 )
= (x1 + 4x2 , 2x1 + 5x2 , 3x2 )
On a donc obtenu: g((x1 , x2 )) = (x1 + 4x2 , 2x1 + 5x2 , 3x2 ).  
  x1 + 4x2
x1
Plus simplement, on peut écrire X = , et on calcule AX = 2x1 + 5x2 ,
x2
  3x2
x
qui donne l’expression de g( 1 ) écrite en colonne.
x2

4.4.2. Opérations sur les applications linéaires.


Proposition 4.16. Soient f et g deux applications linéaires de E muni de la base B
vers F muni de la base B 0 . Alors
i) MatB,B0 (f + g) = MatB,B0 (f ) + MatB,B0 (g).
Cela signifie que B et B 0 étant données comme bases respectives de E et F , la
matrice de f + g est égale à la matrice de f plus la matrice de g.
ii) Pour tout λ ∈ R, MatB,B0 (λ f ) = λ MatB,B0 (f ).
Proposition 4.17 (Matrice de la composée de deux applications linéaires). Soient
f : E → F avec E muni de la base B et F muni de la base B 0 , et g : F → G, avec F
muni de la base B 0 et G muni de la base B 00 . Alors
MatB,B00 (g ◦ f ) = MatB0 ,B00 (g) MatB,B0 (f ).

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Exemple Soit f : R2 → R3 et g : R3 → R2 définies par f (x1 , x2 ) = (x1 , x1 + x2 , 2x2 )


+ y2 + 2y3 ). En prenant les bases canoniques de R2 et
et g(y1 , y2 , y3 ) = (2y1 − y2 , 3y1 
1 0  
3 2 −1 0
R , la matrice de f est 1 1 et la matrice de g est
  . La matrice de
3 1 2
0 2
g ◦ f de R2 dans R2 , avec R2 munis de la base canonique, est donc
 
  1 0  
2 −1 0  1 −1
1 1 =
3 1 2 4 5
0 2

Proposition 4.18. Soit f une application linéaire de E dans E, où E est muni d’une
base B, on a
k
MatB,B (f ◦ f ◦ · · · ◦ f ) = (MatB,B (f ))
| {z }
k fois

Théorème 4.19 (Matrice et inverse d’application linéaire). Soient E et F deux es-


paces vectoriels de bases respectives B et B 0 . Soit f : E → F une application linéaire.
Soit A = MatB,B0 (f ). Alors
f est bijective ⇔ A est inversible
De plus, lorsque f est bijective, son inverse f −1 : F → E est une application
linéaire, et sa matrice, de B 0 vers B vérifie
−1
MatB0 ,B (f −1 ) = (MatB,B0 (f ))

Remarque. i) Pour que f soit inversible, il faut déjà que dim(E) = dim(F ). C’est
une conséquence du théorème du rang.
ii) D’après les propriétés sur les déterminants, f est inversible si et seulement si
det(MatB,B0 (f )) 6= 0.

4.5. Changements de base.


Définition 4.20. Soient B et B 0 deux bases d’un même espace vectoriel E. On
appelle matrice de passage de B vers B 0 , la matrice dont les vecteurs colonnes sont
les vecteurs de B 0 exprimés dans la base B.
   
1 1
2
Exemple: Soit E = R , B = (e1 , e2 ) avec e1 = , et e2 = et B 0 = (f1 , f2 ) avec
0 1
   
1 5
f1 = et .
2 4

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On a f1 = −1e1 + 2e2 et f2 = 1e1 + 4e2 . La matrice de passage de B vers B 0 est


donc
 f1 f2
e1 −1 1
e2 2 4
Proposition 4.21. La matrice de passage de B vers B 0 est inversible, et son inverse
est la matrice de passage de B 0 vers B:
−1
(PB,B0 ) = PB0 ,B
Exercice: Vérifer, avec les vecteurs e1 , e2 , f1 et f2 de l’exemple précédent que l’on
a e1 = − 32 f1 + 13 f2 et e2 = 16 f1 + 16 f2 . En déduire PB0 ,B et vérifier que l’on a bien
−1
PB0 ,B = (PB,B0 ) , c’est à dire que PB0 ,B PB,B0 = PB,B0 PB0 ,B = I
Théorème 4.22 (Changement de base). Soit f : E → F une application linéaire.
0
Soient BE et BE deux bases de E et BF et BF0 deux bases de F .
0
Soit P = PBE ,BE0 la matrice de passage de BE vers BE et soit Q = PBF ,BF0 la
0
matrice de passage de BF vers BF .
Soient A = MatBE ,BF (f ) et B = MatBE0 ,BF0 (f ).
Alors
B = Q−1 AP.

Exemple: Pour E = F = R3 , soit l’application linéaire f : R3 → R3 définie par


f (x1 , x2 , x3 ) = (−x1 + 2x2 + 2x3 , −5x1 + 3x2 + 5x3 , x1 + 2x2 ).
3
On note B = (e1 , e2 , e3 )
la base
 canonique
  de R , et on considère une autre base
1 1 0
3 0
de R , B = (f1 , f2 , f3 ) =   0 , 1 , −1.
   
1 1 1
Si A est la matrice de f dans la base B et B est la matrice de f dans la base B 0 ,
on a  
−1 2 2
A = −5 3 5
1 2 0
et
  B = P −1 AP
1 1 0
avec P = PB,B0 = 0 1 −1 matrice de passage de B vers B 0 et P −1 inverse de P

1 1 1
 
2 −1 −1
et aussi matrice de passage de B 0 vers B. Le calcul donne P −1 = −1 1 1 .
−1 0 1

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On trouve alors:
     
2 −1 −1 −1 2 2 1 1 0 1 0 0
−1
B = P AP = −1
 1 1   −5 3 5   0 1 −1 = 0 3
  0
−1 0 1 1 2 0 1 1 1 0 0 2

4.5.1. Retour sur le rang d’une application linéaire. Le lien entre matrice et applica-
tion linéaire et les propriétés du déterminant d’une matrice nous permet de calculer le
rang d’une application linéaire à partir du calcul de déterminants. On a la proposition
suivante:
Proposition 4.23. Soit f une application linéaire de Rp dans Rn . On munit respec-
tivement Rp et Rn des bases B et B 0 . Soit A = MatB,B0 (f ).
Le rang de f est égal au plus grand ordre possible k × k d’une sous-matrice (carrée
k × k) de A de déterminant non nul.
 
1 1 0 0
Exemple: Soit f : R4 → R3 de matrice (dans les bases canoniques) A = 2 −1 3 0.
1 0 1 1
Les plus grandes sous-matrices sont d’ordre 3 × 3, ce qui implique déjà que rg(f ) ≤ 3.
On va doncregarder les sous-matrices 3 × 3 de A. Une sous matrice possible est

1 1 0
2 −1 3. Le calcul du déterminant de cette matrice donne zéro. On ne peut
1 0 1
pas encore conclure que rg(f ) < 3. Il faut vérifier avec toutes les sous-matrices d’ordre
3 jusqu’à en trouver une, si possible, de déterminant non nul. C’est seulement si toutes
les sous-matrices 3 ×3 ont un déterminant
 nul, qu’on passera aux matrices 2 × 2.
1 0 0
La sous-matrice −1 3 0 a pour déterminant 3. On peut donc conclure que
0 1 1
rg(f ) ≥ 3. Comme par ailleurs rg(f ) ≤ 3, cela donne rg(f ) = 3.

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