C Cile Alduy - La Langue de Zemmour

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Déjà parus

Laure Murat
Qui annule quoi ?
Sur la cancel culture

Cécile Alduy
La Langue de Zemmour

Julia Cagé
Contre Bolloré
Pour une télé libre

Thomas Piketty
Mesurer le racisme,
vaincre les discriminations

À paraître
Clémentine Autain
Les Faussaires
de la République

Rachid Benzine
L’Identité heureuse
Alain Supiot
La Justice au travail
Quelques leçons de l’histoire
Alerter. Informer. Questionner. Libelle a vocation à accueillir les textes courts d’auteur·e·s
engagé·e·s, creusant l’information et devançant les polémiques. La collection veut pallier l’érosion du
débat public en proposant des réponses argumentées et rapides aux prises de position souvent trop
tranchées. Un espace de liberté pour les essayistes, d’information et de nuance pour les lectrices et
lecteurs.

ISBN 978-2-02-149748-9

© Éditions du Seuil, février 2022

www.seuil.com

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.


TABLE DES MATIÈRES
Titre

Déjà parus

À paraître

Copyright

La Langue de Zemmour
Violence des mots

Banaliser la notion de « race »

Violence contre la langue : Dissoudre le sens


Raconter des histoires

Contresens pour une contre-révolution

Un manichéisme identitaire : préparer les esprits

Notes
La Langue de Zemmour
Cécile Alduy

Paris, mars 2020. Premier confinement. Les rues se vident. Le silence


règne.
Éric Zemmour marche seul dans Paris désert. Quelle image lui vient à
l’esprit ? « Hitler, debout dans une voiture décapotable, déambulant de la
place de la Concorde aux Invalides, découvrant ébaubi comme le moindre
soldat de sa victorieuse armée la […] capitale décadente des plaisirs et de la
débauche […], une ville qu’il rêvait de conquérir, et qu’il ordonnera de
détruire […]. »
Il faut le lire pour le croire. La première image mentale qu’Éric Zemmour
projette sur cette page blanche d’une métropole dépeuplée pour cause de
pandémie, c’est… Hitler. Non content d’avoir pour premier réflexe de
penser « Hitler » en voyant « Paris », il se glisse aussitôt à la place du
conquérant : « je croyais voir pendre une immense croix gammée rouge et
noir ». Identification obscène. « Paris vide m’appartenait comme si je
l’avais conquise », fantasme-t-il plus loin, imbu d’un imaginaire
obsessionnel de la domination et de la guerre qui teinte tous ses écrits.
Et le polémiste de trouver cela drôle : « Je riais de mes réminiscences. » Il
s’empresse de brouiller les références et les registres pour estomper sa
propre lubie : « Mon esprit valsait entre Paris brûle-t-il ? ou La Grande
Vadrouille. » Ouf, cette vision première sidérante naissait en fait de films
populaires bon enfant. Rien de grave, donc, nul contenu politique
subliminal à lire ici, juste un goût peut-être exagéré, mais somme toute
consensuel, pour Louis de Funès. Ou comment tourner l’effroi en grotesque
(comme lorsqu’il pointera une mitraillette sur des journalistes au salon
Milipol en octobre 2021, « pour rire »).
Manipulation psychique et rhétorique efficace : activer d’abord le cerveau
reptilien du lecteur, pétrifié devant la scène d’un traumatisme collectif,
l’occupation de Paris par les nazis, puis lui accorder la jouissance
compensatoire du rire complice et libérateur. Faire peur puis faire rire,
terroriser puis badiner, dans les deux cas susciter des émotions viscérales –
avec un but : court-circuiter la pensée.
Éric Zemmour tourne en dérision son obsession avouée (« ma première
pensée obsédante ») pour le IIIe Reich afin de prendre de court ses
détracteurs et minimiser par avance ce qu’elle a de dérangeant. Mais
imposer visuellement l’image de Hitler tout en édulcorant ensuite sa portée,
c’est la normaliser, l’acclimater. D’ailleurs, sous la plume du chroniqueur,
Hitler n’est pas si terrifiant : il « déambule » en touriste, « ébaubi » devant
une ville « décadente », disqualifiée par la « débauche » et les « plaisirs ».
Et hop !, en quelques mots Éric Zemmour distille en sous-main
l’interprétation pétainiste de la défaite de la France en 1940, causée selon le
Maréchal par un « esprit de jouissance ». Le travail de sape ne s’arrête pas
là. Hitler et Pétain se télescopent soudain avec le général de Gaulle, dont le
discours mémorable lors de la Libération de Paris est défiguré une phrase
plus loin (et d’abord par les fautes d’orthographe) : « Paris occupée, Paris
humiliée, mais Paris libérée [sic] », récite le polémiste, massacrant au
passage l’anaphore originelle 1.
Singer Hitler, paraphraser Pétain, contrefaire et mutiler le général de Gaulle,
les amalgamer dans un gloubi-boulga qui mélange scène de cauchemar et
gaudriole, dans cet extrait de La France n’a pas dit son dernier mot (2021)
comme dans tant d’autres, la langue d’Éric Zemmour abîme notre mémoire
collective et distille son poison. Elle enserre dans ses anneaux un lecteur
tour à tour violenté et caressé, tétanisé et amusé, éreinte la raison historique
et brouille les valeurs. À coups d’anecdotes narcissiques et de sous-
entendus, l’essayiste inocule un imaginaire d’extrême droite où l’on doit
s’émerveiller devant les chefs vainqueurs, quels qu’ils soient. Tout à son
œuvre de propagande, la fameuse « bataille culturelle » dont il relate les
combats en ouverture de son dernier livre, Éric Zemmour choque, puis
biaise pour mieux imprimer notre imaginaire collectif et imposer ses filtres
idéologiques.
Dans ces quelques pages prises presque au hasard, tout est là : un univers
mental saturé de violence, une fascination morbide pour la guerre, la mort,
la conquête et la domination, le mythe du chef charismatique, l’étalage de
références historiques où archives et films populaires sont des sources de
même valeur, l’insinuation qui fait entendre les leçons de Pétain tout en
déclamant du général de Gaulle, les citations tronquées, l’incapacité à saisir
la nouveauté d’un événement, de penser le présent comme changement et
non comme répétition du passé.
Et des points aveugles vraiment aveuglants : en ce début de pandémie, pas
une pensée pour les malades, les endeuillés, les familles, les médecins, les
infirmières, les gens de peu, nous tous humains dans notre humanité
soudain vulnérable. Non : Hitler, Pétain, de Gaulle, Bourvil et de Funès
voilà le spectacle dont rêve Éric Zemmour.
Le Paris de mars 2021 est devant lui. Un événement inouï, unique dans
l’histoire, est en train de se dérouler devant ses yeux et de changer nos vies.
Mais lui a des visions « de vieilles images d’archives » du Führer en train
d’admirer la capitale, puis, dans les pages suivantes, des fantasmes
morbides tirés du passé héroïque qu’il affectionne (la guillotine, la prise de
la Bastille, Bonaparte, Molière mourant). Pas une pensée pour ses
contemporains. Car Éric Zemmour habite un univers alternatif, un passé
flamboyant et fabuleux où la mort n’est qu’héroïque et littéraire.
« L’absence de ses habitants arrachait Paris au présent et la rendait au
passé », justifie-t-il. Les Parisiens partis ont bon dos : confinement ou pas,
les Français de chair et de sang et la réalité concrète sont les grands absents
de tous ses livres.
Et pourtant ses fictions fascinent… Pourquoi ? En plongeant dans quinze
ans de livres et de saillies médiatiques du polémiste, on repère un faisceau
de procédés qui créent un processus d’emprise par les mots. Lexique,
grammaire, style, ton, citations et figures de pensée insufflent dans la
langue même une vision binaire du monde et des êtres et manipulent les
passions. Ce discours fabrique un monde alternatif cohérent, structuré, clos
sur lui-même, qui se donne les apparences de la scientificité et du vrai. Il
invalide à l’avance toute pensée autre, et annule du même coup tout débat.
Dans cette « guerre culturelle » assumée, Éric Zemmour utilise les mots
comme des armes. Et d’abord contre la langue elle-même. Au-delà des
thèmes et des thèses explicites, tirés d’un corpus d’extrême droite
nationaliste, autoritaire et xénophobe sans grande originalité, il fait violence
au langage même. Insidieusement, il sape notre bien commun et notre
capacité à penser. Or son discours est contagieux. Il structure les débats,
s’insinue dans les conversations, conditionne le dicible et le crédible, et se
diffuse sur une surface médiatique et politique sans précédent.
Il est donc urgent de disséquer ce que fait Éric Zemmour à la langue. À
notre langue.

Violence des mots


Le monde d’Éric Zemmour est celui de la violence : « guerre », « mort »,
« ennemi », « peur », « armes », « combat » saturent ses textes. « Guerre »
est le troisième nom le plus utilisé dans ses livres – une place exorbitante
qui distingue le candidat à l’élection présidentielle de 2022 de tous les
autres acteurs politiques. C’est vrai même pour son dernier ouvrage, qui
chronique pourtant la France en paix de 2006 à 2020. Cette surabondance
traduit, mais surtout impose comme cadre de pensée unique, l’idée que
toutes les relations humaines – entre individus, entre sexes, entre peuples –
seraient fondées sur le conflit et la lutte pour la domination. Quelle que soit
l’époque. Quelle que soit l’échelle. Les nations comme les individus
n’existeraient qu’en s’affirmant les uns contre les autres. Une seule
alternative existentielle les définit : être victorieux ou conquis. Cette vision
toxique est particulièrement frappante lorsque Éric Zemmour livre son
credo des relations qu’on n’ose appeler « amoureuses » dans Le Premier
Sexe (2006) : « la virilité va de pair avec la violence, […] l’homme est un
prédateur sexuel, un conquérant ». Ou, plus trivialement : « un garçon, ça
entreprend, ça assaille et ça conquiert, […] ça prend et ça jette ».
Dans sa propre vie, telle qu’il la relate dans ses carnets mondains, chaque
conversation est une joute, chaque rencontre un défi, chaque relation un
rapport de force. On « bombarde » ses « adversaires » à coup « d’artillerie
idéologique » ; on plie « sous la mitraille » de leurs arguments. Éric
Zemmour se met en scène comme un « soldat » dans un « combat culturel »
permanent et n’envisage la politique que comme une lutte à mort :
« L’essence de la politique, c’est Éros – susciter le désir des électeurs et des
alliés – et Thanatos – tuer l’adversaire. » Cette pulsion de mort permanente
distinguait les discours de Jean-Marie Le Pen dans les années 1990. Il était
ostracisé. À l’ère du clash et du buzz, Éric Zemmour est, lui, un bon produit
médiatique.
Ce vocabulaire de la violence rabâché ad nauseam a un double effet,
affectif et cognitif. Il crée d’abord un climat de psychose. Lire Éric
Zemmour, c’est plonger dans un univers apocalyptique où l’on risque d’être
tabassée, violée, détroussée à peine sortie de chez soi : « Pas un jour sans
vol, viol, agression dans la rue ou dans le métro. […] Pas un jour sans son
commissariat attaqué, son école brûlée, ses policiers assaillis, […] ses
pompiers caillassés, ses médecins menacés, ses professeurs insultés, ses
jeunes Françaises violées, ses adolescents blessés, ses trafiquants de drogue
arrêtés et relâchés, ses passagers de RER molestés, détroussés, ses
collégiens traités de “sales Français”, son vieil homme cambriolé, sa vieille
femme brutalisée et assassinée. » Flambée d’adrénaline dès les premières
pages de La France n’a pas dit son dernier mot (2021). Il ne reste plus qu’à
se barricader avec une kalachnikov… et voter pour un pouvoir répressif.
Terroriser les foules est le meilleur moyen de les empêcher de réfléchir au
bien-fondé du discours qui les pousse à se calfeutrer.
Deuxième conséquence, cette atmosphère de violence généralisée imprime
de façon subliminale l’idée qu’il faut choisir son camp. Il n’y a que des
ennemis ou des alliés, pas de dialogue, de compromis, de coexistence,
d’égalité, de respect possible. Dans cette vision à la fois darwinienne et
nietzschéenne, il faut écraser l’autre pour survivre, symboliquement (les
mâles doivent réaffirmer leur virilité), politiquement ou militairement. En
réduisant le langage à des antithèses sommaires nichées dans un
vocabulaire guerrier, Éric Zemmour crée des antagonismes irréconciliables
où l’enjeu est la survie ou la mort. Après une conversation avec Marine
Le Pen, il se désole que personne ne comprenne comme lui que « l’enjeu »
de la présidentielle de 2022, soit « la mort de la France telle que nous la
connaissons » (la preuve qu’il en donne tient dans l’évolution des films
français – « Il suffit de regarder les films de l’époque pour s’en
apercevoir »). Tout dans son discours n’est qu’« épuration sociale » (des
petits commerces), « disparition » (des peuples, des pères, des frontières),
« mise à mort », massacres, saccages : ainsi « la mort du patriarcat du petit
mâle blanc hétérosexuel occidental signe la mort de l’Occident ». Rien que
cela. Ce style structure un imaginaire morbide, anxiogène, de conflit
perpétuel et d’angoisse existentielle.
Or, comme l’a analysé Jacques Ellul, « le but de la propagande moderne
n’est plus de modifier les idées, mais de provoquer une action. Ce n’est plus
de faire changer d’adhésion à une doctrine, mais d’engager
irrationnellement dans un processus actif. Ce n’est plus d’amener un choix
mais de déclencher des réflexes 2 ». La langue de Zemmour prépare les
Français à agir : voter, mais aussi se défendre, voire plus. La violence
contre la langue prépare de futures violences bien réelles. Éric Zemmour a
été très clair à la Convention de la droite organisée par Marion Maréchal en
septembre 2019 : « Les jeunes Français vont-ils accepter de vivre en
minorité sur la terre de leurs ancêtres ? Si oui, ils méritent leur
colonisation ; sinon, ils devront se battre pour leur libération. »

Banaliser la notion de « race »


Car ce que le polémiste veut accréditer, c’est l’idée d’une « guerre civile qui
vient ». Une « guerre civile » que la langue d’Éric Zemmour veut nous
habituer à penser comme « une guerre des races ».
L’autre singularité lexicale d’Éric Zemmour est en effet son obsession pour
la notion de « race ». Sur les sept principaux essais qu’il a publiés depuis Le
Premier Sexe en 2006 jusqu’à 2021, il emploie plus de 135 fois ce mot qu’il
qualifie lui-même de « tabou suprême ». Pour celui qui se reconnaît
« xénophobe […], mais aucunement raciste », cela fait beaucoup. À titre de
comparaison, de 2012 à 2017, Marine Le Pen n’a utilisé ce mot que deux
fois, toujours pour le dénoncer dans les propos d’autrui ; ses concurrents
(Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, Jean-Luc Mélenchon),
jamais. Même Jean-Marie Le Pen en usait avec plus de parcimonie (une
vingtaine de fois dans ses écrits et discours de 1990 et 2007).
Éric Zemmour, lui, modèle patiemment notre langue et notre imaginaire
pour réhabiliter le mot et la chose. D’abord en inoculant le terme à petite
dose pour nous réhabituer à l’entendre, nous acclimater à sa présence dans
le langage politique, le normaliser. L’effet de répétition érode la vigilance
du lecteur : un mot « choc » unique provoque une réaction ; une litanie
épuise la capacité à réagir. Le mot n’est plus remarquable, ni remarqué. Il
devient usuel, car un polémiste qui en use et en abuse l’impose à heure de
grande écoute. C’est le phénomène de « fatigue mentale » face à une
propagande répétitive que décrit Serge Tchakhotine dans Le Viol des foules
dans la propagande politique (1939) : à force d’entendre le même slogan, la
même idée, la conscience critique finit par se persuader qu’elle a dû déjà
l’examiner par le passé et que « puisqu’il est répété, le message a déjà été
justifié 3 ».
Deuxième stratégie, se cacher derrière des citations de grands auteurs du
passé qui n’avaient pas nos scrupules de modernes nés après la Shoah.
(Comme le théoricien du « grand remplacement » Renaud Camus,
Zemmour se plaint de ne plus pouvoir parler de « race » au prétexte que les
nazis ont utilisé ce mot, omettant de dire que c’est justement parce que ce
mot a permis de penser et de mener l’extermination des juifs d’Europe qu’il
est aujourd’hui sujet à caution.) Et d’embrigader Ernest Renan, Jules
Michelet, Charles Baudelaire, le Premier ministre britannique Disraeli,
Jules Ferry, Woodrow Wilson, et surtout le général de Gaulle pour rendre
acceptable une notion qui a justement changé de sens et de connotations
depuis. Le syllogisme implicite est consternant : le général de Gaulle a parlé
« des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns » et de « race
blanche » ; de Gaulle est un grand homme ; donc on peut parler de « race ».
C’est ce qu’on appelle la manipulation par transfert affectif et transfert
d’autorité : rendre acceptable une opinion problématique en construisant un
message qui l’associe à une personnalité aimable ou une figure d’autorité
approuvée.
Parallèlement, Éric Zemmour fait semblant d’opérer à notre place un
examen critique solide de la notion. Son discours prend alors la forme d’un
argumentaire historique qui remonte à « la nuit des temps » (discussion de
Renan, de Bainville, de Voltaire) tout en maltraitant souvent les textes qu’il
convoque. Il adore citer l’historien du début du XXe siècle Jacques Bainville
(auteur nationaliste et monarchiste contestable pour comprendre le
e
XXI siècle) : « Les Français ne sont ni une race ni un empire ; ils sont
mieux, ils sont une nation », cite-t-il de mémoire. Une mémoire sélective
car la citation originale est moins exploitable : « Le peuple français est un
composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation. […] Le mélange s’est
formé peu à peu, ne laissant qu’une heureuse diversité. » Jacques Bainville
promoteur de la « diversité » et de l’« identité heureuse » avant l’heure, cela
ne cadrait pas avec le différentialisme d’Éric Zemmour. Ce dernier évacue
donc ce qui ne sert pas sa monomanie.
Les longues pages explicatives sur la nation et la « race » fabriquent un
mirage de scientificité. Éric Zemmour a lu, il est cultivé, il est donc
sérieux ? Non, il ne l’est pas. Il est paresseux : il fait du copier-coller
sélectif et prend des auteurs secondaires douteux comme modèles (Augustin
Thiery, un « historien » du XIXe siècle qui a romancé l’histoire de France
pour justifier sa théorie des « races conquérantes » et des « races
conquises », des ministres de Philippe Pétain, les écrivains antisémites
Lucien Rebatet et Robert Brasillach, etc.). Il se contredit et insulte la
logique : d’un côté il applaudit les « unions mixtes » entre Gaulois et
envahisseurs lorsqu’Ernest Renan note que « les Burgondes, les Goths, les
Lombards, les Normands avaient très peu de femmes de leur race avec
eux », de l’autre, il s’insurge contre le « culte du métissage » d’aujourd’hui
entre Français et « Arabo-musulmans ». Décidément, le polémiste a un
problème avec le logos comme capacité à penser : la logorrhée oui, la
logique, non. Mais la forme de son texte (citations, répétitions de « on sait
que… », dates, développements) donne l’illusion que l’auteur a réglé une
fois pour toutes la validité du concept de « race ». Un concept flou mais
rhétoriquement efficace dont l’auteur a besoin pour faire avancer son projet
politique.
Car il a beau prôner « l’assimilation » et remarquer avec Ernest Renan que
la nation française s’est construite d’un tissage de peuples au départ
différents (ce qu’Éric Zemmour baptise, lui, « le mélange des races et des
peuples » pour glisser de nouveau cette idée de « race »), son filtre est
systématiquement celui d’un déterminisme des origines, voire des « gènes »
(« une tradition inscrite […] dans la chair et les gènes de ce juif alsacien »,
dit-il pour parler de Claude Lévi-Strauss). Ses textes regorgent d’un
vocabulaire identitaire, ethnique, racial ou religieux, et ces notions sont
allègrement confondues par amalgame au fil des pages : « juif » est le
16e adjectif le plus utilisé dans ses livres (plus que « social » ou
« économique »), mais ce sont aussi « arabe » (37e), « blanc » (39e),
« catholique » (40e), « musulman » (41e) qui sont surreprésentés. Tout ceci
parsemé de stéréotypes raciaux dans le plus pur style colonial : Obama est
« élégant, distingué, racé. Un corps de félin ». D’Omar Sy il souligne le
« corps musclé et félin, [le] sourire béat, [le] regard vide » ; d’Assa Traoré
la « tignasse de jais ». Des lunettes racialistes qu’il chausse même au
visionnage de comédies bon enfant. Le film Qu’est-ce qu’on a fait au Bon
Dieu ? « entérine[rait] le ‘‘grand remplacement’’ dans la joie et la bonne
humeur ». Quant à Intouchables, le film à succès d’Olivier Nakache et Éric
Toledano, c’est une « parabole » de « l’Europe riche, mais paralysée,
physiquement et moralement, [qui] trouvera son salut si elle s’abandonne
aux mains de l’Afrique. Le véritable sens du film est dans cette régénération
de la race décadente par la race dynamique. […] Le Blanc est devenu le
fardeau de l’homme noir ». On note que le terme de « race » n’a même plus
de guillemets tant il est considéré comme un concept opératoire acquis,
banalisé.
Éric Zemmour passe son temps à laver l’honneur d’« une France
prétendument raciste ». Il défend les « Dupont Lajoie beaufs et racistes »
(ou parfois « beaufs racistes et misogynes », ou, variante plus exhaustive,
« beaufs franchouillards, alcooliques, racistes, machos », dixit Zemmour)
qui auraient pour seul tort de ne pas vouloir être « remplacés ». Mais sa
défense consiste uniquement à réhabiliter l’idée de « race » en assignant
systématiquement ses interlocuteurs à leurs origines et en insistant sur leur
couleur de peau. « J’ai l’impression gênante d’être le seul à dire ce que je
vois et à voir ce que je vois. Cette lente et inexorable submersion
démographique », confie-t-il. Voilà : Éric Zemmour regarde la France et
voit « des gens pas comme nous » – mais il enrobe ce racisme assez
primaire d’envolées lyriques sur l’histoire de France et de citations érudites
pour se draper dans une posture de mage et d’« intellectuel ».

Violence contre la langue :


Dissoudre le sens
« Il ne faut pas négliger les guerres linguistiques », prévient Éric Zemmour.
Dont acte. Il s’est effectivement lancé dans une guerre par les mots, mais
contre la langue. L’auteur du Suicide français ne se contente pas de remettre
en circulation des termes qui ont permis d’imaginer et de mettre en
application le pire. Il s’attache aussi à tordre le sens des mots qui le
dérangent pour miner la légitimité d’un héritage républicain et humaniste
qu’il méprise.
Cela va des inversions de sens les plus retorses à un travail de sape
systématique envers certaines valeurs. Comme il pense de manière binaire,
on assiste souvent à un retournement pur et simple du sens, dans une
stratégie rhétorique du miroir parfois assez audacieuse, où les dominés sont
en fait les dominants, et vice-versa. Ainsi l’auteur du Premier Sexe n’hésite-
t-il pas à affirmer comme une vérité établie (en dépit de toutes les
statistiques qui la contredisent) qu’à partir des années 1990 « les femmes
s’imposent partout, l’on ne parle que de parité en politique ou dans
l’entreprise, […] les valeurs féminines dominent la société ». C’est même la
thèse du livre : nous vivrions depuis les années 1970 (les dates changent en
effet au fil des pages) dans un « nouvel ordre, urbain, matriarcal,
antiraciste » car « à partir du moment où la puissance paternelle est abattue
par la loi, le matriarcat règne ». C’est l’avantage des thèses affirmant des
« mutations anthropologiques » majeures que de pouvoir énoncer des
maximes grandiloquentes sans jamais avoir besoin d’être vérifiées par de
quelconques faits sociologiques ou économiques. Il suffit d’une loi contre le
harcèlement sexuel en 1992 (rebaptisée « surveillance judiciaire du désir »
par le polémiste) pour établir que nous vivons dans un « matriarcat de fait ».
Les termes tels que « matriarcat » ou « domination » ne sont plus ici que
des mots épouvantails, leur sens originel en ressort essoré.
Au titre des inversions en miroir, on peut aussi citer le libéralisme qui est
« totalitaire et liberticide » (2021, notre italique), et surtout la reprise en
main du couple « colonisé » et « colonisateur ». Zemmour adhère à la thèse
de la « mission civilisatrice » de la colonisation et pourfend toute
« repentance » à ce sujet. (« Quand le général Bugeaud arrive en Algérie, il
commence par massacrer les musulmans, et même certains juifs. Eh bien,
moi, je suis aujourd’hui du côté du général Bugeaud. C’est ça, être
Français », CNews, 23 octobre 2019.) Mais par une curieuse triangulation,
il veut aussi profiter des connotations négatives de la « colonisation » pour
les retourner contre l’immigration. C’est la théorie de la « contre-
colonisation » ou de l’« invasion » à l’envers. Par un tour de passe-passe,
Éric Zemmour remonte à une hypothétique racine grecque pour édulcorer le
mot « colonie » et le réduire à une simple occupation de territoire (sans la
dimension géopolitique, économique et hégémonique du sens moderne) afin
de stigmatiser des « quartiers » qu’il a préalablement unifiés ethniquement
d’un trait de plume comme habités par des « jeunes venus du Maghreb et
d’Afrique ». « Le mot “colonie”, qui avait d’abord été forgé dans
l’Antiquité pour désigner les cohortes de Grecs essaimant sur tout le
pourtour de la Méditerranée, comme à Marseille, semblait correspondre à
leur installation spectaculaire dans les banlieues des grandes cités de
l’Hexagone » (Le Suicide français). Cette contorsion étymologique a de
redoutables implications : elle suppose et enracine l’idée que ces « jeunes »
ont toujours été et seront à jamais des étrangers. Leur origine est un
déterminisme : Éric Zemmour joue sur l’ambiguïté de la formule « venus
de » pour les rendre étrangers pour toujours, même s’ils sont français nés en
France.
Mais le mot de « colonie » accomplit davantage que l’exclusion d’une
partie de la population : elle rend cette étrangeté menaçante, hostile. Elle
traîne dans son sillage le champ sémantique et l’imaginaire collectif de la
colonisation – ces souvenirs de massacres qu’Éric Zemmour prend soin de
rappeler. Le mot convoque des images dignes du Camp des Saints de Jean
Raspail qui permettent d’annoncer, une fois de plus, la « guerre des races » :
« Une contre-société forge peu à peu un contre-peuple dans le cadre d’une
contre-colonisation. » Par une logique implicite imparable, si ces « jeunes
venus du Maghreb et d’Afrique » se sont implantés dans des « colonies » en
France, c’est bien qu’ils sont des « colonisateurs », à l’instar du cinéaste
Rachid Bouchareb (« Il n’avait pas une attitude d’immigré mais de
colonisateur », La France n’a pas dit son dernier mot). Il ne reste qu’à
instrumentaliser l’écrivain anticolonialiste Frantz Fanon en détournant l’une
de ses phrases : « Le colonisé est un persécuté qui rêve en permanence de
devenir persécuteur. » Ou comment tirer les bénéfices politiques de la
rhétorique du miroir et profiter des connotations péjoratives que les
mouvements anticolonistes ont ajoutées à « colonisation » tout en vidant ce
dernier d’un sens précis pour l’ériger en fantasme.
À côté de ces manipulations, où des signes sont comme « décollés » de leur
sens originel pour être recollés sur d’autres objets pourtant impropres, Éric
Zemmour procède aussi par exténuation du sens des mots, soit par
hyperbole destructrice, soit par moquerie dévalorisante. Certains mots
implosent sous la pression d’une exagération hyperbolique. C’est le cas de
« totalitarisme » appliqué à n’importe quel courant de pensée ou
phénomène de société contraire au conservatisme réactionnaire du
polémiste. Ainsi du « totalitarisme de la transparence » qui frapperait
d’interdit aventures sexuelles et infidélité. La preuve ? Dans un téléfilm,
une épouse dit à son mari : « On avait dit plus de secrets. » Et l’auteur du
Premier Sexe de convoquer… Staline : « Staline aussi détestait les secrets.
C’est même le premier principe de fonctionnement d’un régime
totalitaire. » Le féminisme et jusqu’à la mixité à l’école n’échappent pas à
la qualification grandiloquente de « totalitaires » : « le féminisme est un “-
isme” du XXe siècle qui ne peut échapper à ses démons totalitaires » ;
« Nous vivons [...] une époque de mixité totalitaire, castratrice. » L’abus de
langage sert d’offensive destructrice contre des cibles politiques mais il
abîme le mot tout autant que la cible. Utiliser le terme de « totalitarisme »
comme une arme, plutôt que comme un concept descriptif précis, c’est le
faire exploser en vol. Le soustraire à notre arsenal de pensée.
À l’inverse, Éric Zemmour vide de sens d’autres mots fondateurs non par
exagération mais en les tournant en dérision. Il fait un usage systématique
des guillemets ironiques pour dénier l’existence même d’un sens ou d’une
validité à des expressions comme « égalité entre les femmes et les
hommes », « discriminations », « discours de haine », « communauté
musulmane », « violences policières », etc. (« Pas un jour sans que la police
ne soit accusée de “violences policières”, de “racisme systémique”, de
“contrôles au faciès”.) Discréditer la langue des autres, c’est refuser tout
dialogue, forclore tout débat et s’ériger en seule parole légitime.
Mais Éric Zemmour va plus loin et érode des valeurs qui forment le socle
de la société française et du régime républicain. Dans Destin français, il
jette son acide sur l’État de droit lui-même, ou plutôt « l’idéologie sacrée
qu’ils appellent “État de droit” » selon lui. Ces attaques populistes contre
l’institution judiciaire, et notamment le Conseil d’État et le Conseil
constitutionnel, vont de pair avec le dénigrement de la « sacro-sainte
égalité » (pourtant un pilier du pacte républicain) et de ce qu’il renomme
« la religion des droits de l’homme » ou « droits-de-l’hommisme ».
Ailleurs, il met entre guillemets ironiques « dignité humaine », « valeurs
républicaines », « droits humains » et même « Shoah », comme si ces
expressions étaient risibles, indigentes, voire fallacieuses. L’auteur raille
ainsi le discours qui condamne la collaboration et les camps de la mort en
citant avec sarcasme « le bréviaire indispensable à tout honnête homme
occidental qui se [doit] de repousser “les heures les plus sombres de notre
histoire” ». Le sarcasme salit les mémoires et désacralise les valeurs. Il
embrigade le lecteur dans un rire mauvais, une jouissance quasi sadique à
profaner le politiquement correct. Le rire sardonique habitue au cynisme. Il
anesthésie l’empathie et la conscience critique.
On ne peut s’empêcher de penser aux remarques de Victor Klemperer sur
La Langue du Troisième Reich :

Dans la LTI [Langue du Troisième Reich], l’emploi ironique


[des guillemets] prédomine largement sur le neutre. Parce que la
neutralité justement lui répugne, parce qu’il y a toujours un
ennemi à déchirer.

Zemmour forge une langue autarcique, antirépublicaine, qui ne souffre pas


l’existence des mots des autres.

Raconter des histoires


Éric Zemmour passe son temps à raconter des histoires, au sens propre
comme au figuré. Il a privilégié depuis le début de sa carrière d’écrivain le
mode narratif comme instrument de persuasion : ses livres sont soit des
chroniques mondaines et politiques (Le Bûcher des Vaniteux ; Un
quinquennat pour rien ; La France n’a pas dit son dernier mot), soit des
fresques historiques (Mélancolie française ; Destin français ; Le Suicide
français). Les deux types d’ouvrages ressortissent pourtant des mêmes
genres : la fable et la propagande.
Dans ses chroniques, la part de fable tient à la visée morale, au sens des
moralistes du XVIIe siècle : toute anecdote est une parabole. Elle prouve soit
un travers des élites ou du monde contemporain, soit une « mutation »
anthropologique ou démographique « majeure ». La chanson de Charles
Aznavour « Comme ils disent », sur des amours homosexuelles, en 1972 ?
Elle « marque une mutation historique, sociologique, économique aussi,
presque anthropologique ». Le tube bilingue « J’ai cherché », du franco-
israélien Amir Haddad, sélectionné pour représenter la France à
l’Eurovision de 2016 ? « Une parabole de notre destin national. » Il n’est
pas jusqu’à Johnny qui ne « symbolis[e] notre abaissement
géostratégique ». Le filtre idéologique est tellement aveuglant, qu’il n’y a
guère qu’au foot qu’Éric Zemmour arrive à outrepasser sa focalisation sur
la couleur de peau pour se réjouir de la victoire de la France en Coupe du
monde, et encore, après un tacle sur les « impressionnants physiques venus
d’Afrique » d’une sélection qui privilégie « le gabarit sur la technique »
(lire : la force musculaire sur l’intelligence) et « symbolise les
bouleversements de la population française ».
Comme chez La Bruyère, les personnages, à moins d’être des héros ou du
même camp, sont réduits à des « types », des symboles ou des caricatures.
L’historien Patrick Boucheron est « l’archétype de cette intelligentsia
française francophobe qui se couche aux pieds de l’étranger ». Déjeuner un
jour avec Pierre Bellanger, président de Skyrock, et le lendemain avec
Renaud Camus, théoricien du « grand remplacement », c’est « comme si en
1942, j’avais rencontré à la suite un collabo et un résistant ». Même dans
son activité de chroniqueur mondain et de commentateur de l’actualité, on
reste dans une lecture orientée, loin de l’éthique journalistique. Mais le
règne de l’anecdote permet de capitaliser sur l’aura de véridicité des faits
divers relatés : par extension, le texte entier se teinte des couleurs du vrai,
comme validé par la présence d’événements vérifiables alors que règnent
pourtant la subjectivité et le parti pris.
La violence verbale contre les individus (satire, dédain, insultes) se double
d’une violence contre les savoirs, et d’abord contre l’histoire comme
discipline scientifique. Les livres « d’histoire » d’Éric Zemmour relèvent de
l’hagiographie (récit enjolivé des vies de saints et de rois), de l’œuvre à
thèse et du roman national. Dans « roman national », expression que
revendique l’auteur de Destin français, on retiendra surtout le terme de
« roman ». C’est peu de dire qu’Éric Zemmour livre une version romancée
de l’histoire de France. De Clovis à de Gaulle, on plonge dans une geste de
cape et d’épée qui célèbre une épopée idéalisée de grandeur puis de
décadence. Grands hommes et traîtres en sont les seuls personnages
(comme l’a noté Gérard Noiriel dans Le Venin dans la plume 4, le peuple
français n’existe pas dans les fresques du polémiste, uniquement enamouré
des chefs charismatiques, les « surhommes » comme Napoléon). Le
polémiste amalgame sans hiérarchie des « sources » disparates, un film de
Gérard Oury (comparé à Molière et de Gaulle) ayant souvent plus de crédit
que des ouvrages érudits.
Les chercheurs ont déjà relevé les contresens historiques, les
approximations, les contre-vérités qui abondent dans ses livres. Ils ont
minutieusement réfuté, documents à l’appui, certaines de ses thèses sur la
Révolution ou le régime de Vichy. Sans effet, car on ne combat pas des
mythes avec des archives. Éric Zemmour a pour lui la vérité d’une forme
close qui répond à un puissant besoin de compensation imaginaire. Il livre
le mythe d’une France glorieuse qui n’a pas failli et une rationalisation en
apparence érudite de préjugés et de haines banals.
Comme le note Roland Barthes dans Mythologies,
le mythe ne nie pas les choses, sa fonction est au contraire d’en
parler : simplement, il les purifie, les innocente, les fonde en
nature et en éternité, il leur donne une clarté qui n’est pas celle
de l’explication, mais celle du constat […]. En passant de
l’histoire à la nature, le mythe fait une économie : il abolit la
complexité des actes humains, leur donne la simplicité des
essences, […] il fonde une clarté heureuse ; les choses ont l’air
de signifier toutes seules 5.

Éric Zemmour livre en effet une trame épurée où se lisent clairement ce


qu’il nomme les « vieilles lois de l’humanité », gommant les contingences,
les aléas, les inconnues.
Il formate son texte pour créer un effet de rationalité et de lisibilité
maximal : la grammaire du récit crée le mirage d’une histoire simple et
limpide dans ses leçons, voire prédictive. Le présent historique narre les
événements comme si nous en étions les témoins. Il s’entremêle au présent
de vérité générale qui assène des maximes irréfutables. La syntaxe vaut
preuve : l’indicatif, mode du réel et des faits avérés, domine. Le piège
narratif se referme sur le lecteur, happé par une saga palpitante : ce qui est
narré a dû arriver, ce qui est bien conté doit être vrai. Peu importe que les
sources soient apocryphes, peu fiables ou contestables.
Comme le maître à penser du courant nationaliste contre-révolutionnaire
Charles Maurras, qui édicte que l’ordre politique est régi par des « lois
naturelles » aussi infaillibles et objectives que celles de la biologie, Éric
Zemmour promulgue des vérités définitives destinées à clore tout débat :
« On sait […] que les lois de la démographie s’imposent toujours en
histoire » ; « les lois de l’évolution […] président aux destinées humaines
depuis l’aube de l’humanité. » Avec ses maximes impersonnelles et
catégoriques (« on se souvient que », « c’est parce que », « on sait que »,
« c’est », « toujours »), Éric Zemmour peut s’exonérer de toute mise en
contexte et faire le grand écart entre des situations distantes de plusieurs
siècles, car « l’histoire de France repasse toujours les mêmes plats ».
D’un trait de plume, l’auteur renie toute historicité, toute contextualisation,
toute différence entre lieux, cultures et époques. Louis XVI est condamné à
mort « parce qu’il a subi l’influence de l’Autrichienne et des émigrés
efféminés » (notre italique), donc les femmes ont toujours une influence
néfaste en politique. Le Kosovo est un pays miné par les conflits religieux,
l’islam et le salafisme progressent en Seine-Saint-Denis, donc « Le Kosovo
est l’avenir de la Seine-Saint-Denis ; la Seine-Saint-Denis est l’avenir de la
France ». C’est le règne du syllogisme et de l’analogie généralisée.
L’essayiste annule la contingence historique, replie le présent sur la
répétition du passé et condamne à l’avance toute évolution, tout progrès,
toute liberté collective ou individuelle de s’émanciper des usages ou des
déterminismes – mais aussi tout contre-argument. Dans ce récit qui évacue
l’histoire au profit du mythe, la « nature » préside aux destinées –
notamment des femmes. (« Les règles de l’évolution darwinienne et de la
biologie démontrent […] qu’on ne devient femme que parce qu’on est née
femme ».) Qui pourrait contredire la « nature » ?
Ainsi, dans ses chroniques comme dans ses livres historiques, son récit
n’est que le paravent d’un discours de propagande. La différence entre
discours et récit est que le premier type de texte est pris en charge par une
personne qui s’adresse à d’autres, dans une situation de communication
explicite : la subjectivité du point de vue est une donnée immédiatement
perceptible, avouée. Le récit relate des faits, et pour peu que l’auteur donne
l’illusion de s’effacer derrière la narration, semble dérouler les choses telles
qu’elles sont. En choisissant le mode narratif pour avancer ses thèses, en
repliant l’Histoire sur la nature, Éric Zemmour les soustrait à la discussion
et présente des opinions comme des vérités.
Contresens pour une contre-révolution
Éric Zemmour ne se contente pas de romancer l’histoire de France. La
réécriture élogieuse d’un passé idéalisé suppose au préalable de biffer les
pages qui la contrediraient, et, à défaut, de griffonner par-dessus pour les
rendre illisibles. D’un côté, il lisse le continuum historique en une fresque
sans aspérité, de l’autre, il brouille à dessein les moments qui ne cadrent pas
avec sa lecture conservatrice. La glorification de Clovis, Saint Louis,
Napoléon a pour contrepartie la profanation d’autres idoles : Voltaire, de
Gaulle, Beauvoir, Sartre. L’entreprise d’idéalisation s’élance sur les ruines
de tout un héritage philosophique, démocratique et républicain, maculé de
ratures qui instillent le doute ou proposent une lecture déformante.
Éric Zemmour a tout à fait le droit de détester Voltaire ou d’être en
désaccord avec les penseurs des mouvements d’émancipation. Libre à lui
d’avoir des convictions conservatrices, nationalistes ou de préférer un
modèle familial et sociétal traditionnel. Ce ne sont pas ses opinions qui sont
en cause – elles font partie du champ démocratique. Mais l’auteur du
Suicide français ne se contente pas d’exprimer des opinions, ni même,
comme nous venons de le voir, de les présenter comme des vérités. Il a
entrepris de détruire le sens même de l’engagement de ses adversaires en
triturant leurs écrits : de les phagocyter afin de les liquider de l’intérieur.
Chez le polémiste, le contresens intentionnel est une arme de destruction de
l’adversaire. Il a beau jeu de citer Le Deuxième Sexe de Simone de
Beauvoir pour montrer que les femmes sont des cruches qui ne sont « pas
faites pour les sciences supérieures » comme aurait dit Hegel (quel
consensus autour de l’inanité des femmes !) : « Une femme n’aurait jamais
peint les tournesols de Van Gogh ; une femme n’aurait jamais pu devenir
Kafka… », pioche-t-il dans Le Deuxième Sexe. Dommage d’avoir omis
toute l’introduction de ce passage qui lui donne son sens :
Les hommes que nous appelons grands sont ceux qui […] ont
chargé leurs épaules du poids du monde […]. C’est là ce
qu’aucune femme n’a jamais fait, ce qu’aucune n’a jamais pu
faire. Pour regarder l’univers comme sien, pour s’estimer
coupable de ses fautes et se glorifier de ses progrès, il faut
appartenir à la caste des privilégiés ; à ceux-là seuls qui en
détiennent les commandes il appartient de le justifier en le
modifiant, en le pensant, en le dévoilant.

Le texte de Beauvoir est clair (encore faut-il le lire en entier). Il n’y a pas
encore eu de Van Gogh femme car les femmes n’ont pas eu la possibilité,
socialement et politiquement, de se considérer comme en charge du monde :
« Tant qu’elle a encore à lutter pour devenir un être humain, elle ne saurait
être créatrice. » Elle fait un constat historique, à une date précise, sur les
conditions d’existence et d’expression artistique des femmes. Éric
Zemmour, lui, essentialise (prétendre qu’une existentialiste essentialise, il
fallait oser). La mauvaise foi consiste à prétendre que Simone de Beauvoir a
publié un « livre misogyne » (dixit Éric Zemmour) après avoir expurgé le
texte de sa logique et de sa thèse principale. Au lieu d’engager un dialogue
avec l’ouvrage qu’il conteste, d’en réfuter les arguments honnêtement, le
polémiste le mutile, le replie dans sa langue à lui. Incapable de penser avec
l’autre en cas de désaccord, hermétique à d’autres systèmes de pensée, au
lieu de lire, il censure, rature, caviarde.
Mais la langue d’Éric Zemmour va plus loin encore : elle triture si bien les
mots et les sources qu’elle fait s’échanger les contraires, se fondre les
opposés. Une confusion visqueuse qui entrave le travail de la pensée
critique, qui s’efforce, elle, de raisonner avec des idées claires et distinctes.
Deux chapitres entiers de Destin français travaillent à fusionner, phrase par
phrase, syllabe par syllabe, les figures de Pétain et du général de Gaulle et
ce qu’elles représentent, politiquement et historiquement.
Cela commence par la fable des frères siamois : « Ils se sont tant aimés.
Tant ressemblés. Tant admirés. Tant soutenus. Tant compris. […] Ils se
contemplaient l’un l’autre comme dans un miroir. » Ainsi débute, comme
hors du temps, le chapitre sur Philippe Pétain. Pétain et de Gaulle ne sont
pas encore nommés qu’ils forment déjà un « ils » fusionnel et se regardent
les yeux dans les yeux, amoureusement. Pétain et de Gaulle reflets l’un de
l’autre. Il ne s’agit même pas d’une image inversée. Non, ils sont l’exacte
réplique l’un de l’autre : « La même superbe, le même mépris, le même
cynisme. La même insensibilité. » L’entrée en matière suspend hors de
l’histoire les deux figures phares de la Seconde Guerre mondiale pour tisser
leurs similarités de nature. Comme s’ils n’avaient pas justement prouvé par
leurs actes et l’exercice de leur libre arbitre à des tournants précis, situés, de
l’histoire de France que le milieu (origines, religion, milieu intellectuel et
professionnel) n’est pas un destin. Mais entrelacer « Charles » et
« Philippe » au gré d’une idylle fantasmée à l’imparfait (« Philippe
emmenait Charles visiter le champ de bataille de Verdun […]. Charles ne
rêvait que de rendre à son tour un service aussi signalé à la patrie ») instille
l’idée d’un compagnonnage substantiel, premier. D’ailleurs, ils sont « de la
même famille » ; au pire ils sont des « frères ennemis ».
À coups d’ellipses et de citations orientées, les chapitres vont tresser le
mythe d’un de Gaulle complémentaire et quasi complice de Pétain jusqu’au
bout. Contre toute vraisemblance – pire, en dépit de toute vérité historique
documentée –, Éric Zemmour les fait dialoguer à distance et soutenir tous
deux la thèse du « glaive et du bouclier ». Il cite longuement, sans recul
critique, le message prêté au maréchal Pétain le 11 août 1944 pour justifier
rétrospectivement la collaboration par cette métaphore. Il y juxtapose, sans
transition ni commentaire, un propos apocryphe du général de Gaulle cité
par le colonel Rémy : « Il faut toujours que la France ait deux cordes à son
arc. En juin 1940, il lui fallait la corde Pétain aussi bien que la corde de
Gaulle », aurait dit le Général. Et Éric Zemmour de conclure, avec son style
insidieux habituel : « Le glaive et le bouclier, de fait. Dans les faits. Le
glaive et le bouclier dans les têtes. Dans leurs têtes. » Tout à ses rimes et ses
insinuations, à ses amalgames et ses glissements de sens, il oublie de
préciser que le colonel Rémy, ancien résistant, se rallie en 1947 à la cause
de la réhabilitation de Pétain et que le général de Gaulle lui-même se fend
d’un communiqué cinglant le 14 avril 1950 pour violemment démentir cette
interprétation révisionniste.
Le lecteur, lui, se trouve englué dans cette langue qui instille le doute,
corrode les savoirs historiques et édulcore les différences entre des positions
politiques et éthiques diamétralement opposées. Chez Zemmour, Pétain
c’est de Gaulle et de Gaulle c’est Pétain. Les phrases enlacent les deux
hommes au gré de figures de comparaison et d’union : « Pétain comme de
Gaulle » (sept fois), « tous deux », « Pétain et de Gaulle », « de Gaulle
après Pétain ».
Jusqu’à la contamination de leurs noms. Au moment de conclure son
chapitre sur de Gaulle, vainqueur en 1944, l’auteur lâche : « C’est la grande
inversion. Nous sommes en 1940, mais à l’envers. Pétain est de gaullisé, de
Gaulle est pétainisé. » Éric Zemmour se croit subtil et provocateur en sous-
entendant par cette formule qu’il fallait aimer Pétain et rejeter de Gaulle en
1940, et aimer de Gaulle et haïr Pétain en 1944. La belle affaire de nous
révéler avec un sourire narquois que les Français se sont rangés derrière le
Maréchal en 1940, puis derrière le Général à la Libération. Le polémiste
exploite ce renversement de situation pour rendre les hommes
interchangeables par pur effet esthétique. Le chiasme « Pétain est de
gaullisé // de Gaulle est pétainisé », qui dispose en miroir deux groupes de
mots en inversant leur ordre, établit une symétrie parfaite et suggère leur
identité et leur interchangeabilité. Mieux, le nom de l’un devient l’attribut
de l’autre : Pétain adjective de Gaulle. Mais dans ce tour de passe-passe
purement rhétorique, Éric Zemmour est la seule personne qui « pétainise »
le général de Gaulle.
Un manichéisme identitaire : préparer
les esprits
L’amalgame et l’antithèse sont les deux grandes figures de style d’Éric
Zemmour. D’un côté, le polémiste efface les différences pour unifier dans
un même magma idéologique des moments ou des personnalités
dissemblables (Pétain = de Gaulle ; le Kosovo = la Seine-Saint-Denis), de
l’autre il dresse des catégories étanches, antagonistes, pour les séparer, et
même exclure tout un pan de la société française comme distincte par
nature. Le manichéisme identitaire suppose d’un côté que l’identité
française soit une et identique à elle-même au fil des âges, de l’autre qu’elle
se purifie de tout ce qui pourrait altérer son essence. Pétain et de Gaulle ne
peuvent qu’être proches et complémentaires car tous deux représentent la
France comme entité et valeur transhistorique, une France définie pour Éric
Zemmour par les penseurs contre-révolutionnaires comme Bainville, Taine,
Barrès, ou Maurras. Inversement, tout changement apporté à cette image
figée doit être éradiqué et l’acide de l’insulte, de l’ironie, du grotesque
servira à corroder le sentiment d’une humanité commune et anesthésier
toute compassion. Solidification des identités et liquéfaction du sens et des
valeurs vont de pair.
Dans son dernier livre, La France n’a pas dit son dernier mot, Éric
Zemmour décide de rédiger une entrée au 22 mars 2012, date de l’assaut
final des agents du RAID contre le terroriste islamiste Mohammed Merah,
qui vient alors d’assassiner au nom d’Al-Qaïda sept personnes, dont un
enseignant et trois enfants d’une école juive, tués parce que juifs, à
Toulouse. Éric Zemmour intitule son chapitre : « La terre et les morts ».
Premier coup à l’estomac. Pour « réfléchir » comme il dit, à cette tuerie, il
convoque donc Maurice Barrès, l’écrivain violemment antisémite qui eut
cette repartie tristement célèbre : « Que Dreyfus est capable de trahir, je le
conclus de sa race ».
Suit une banalisation de l’attentat, noyé dans une liste de massacres qui se
sont déroulés à travers l’histoire, pour démontrer cette maxime : « C’est une
banalité que de dire que la violence et la cruauté sont le propre de
l’homme. » Comme toujours, mais avec une abjection ici particulièrement
insoutenable, l’auteur n’est capable de penser cet événement inouï que
comme une « loi naturelle » et la répétition d’une histoire millénaire, cette
fois illustrée par les heures les plus sanglantes de la Révolution ou les
invasions barbares dans la Rome antique. (Il ne peut s’empêcher aussi d’en
profiter pour salir non seulement ses adversaires politiques, mais les valeurs
qui sont justement attaquées par l’attentat : « Mohammed Merah tue au
nom d’une “religion de paix et d’amour” comme on a tué au nom des droits
de l’homme ou des lendemains qui chantent ».)
Cette banalisation a une double finalité : imposer par l’analogie que le
terroriste n’est que le soldat d’une guerre civile et de colonisation qui vient,
et préparer les Français au réarmement et à la violence. La logique est sous-
entendue, mais limpide : si les Français veulent éviter de connaître le sort
des « citoyens romains, amollis par les raffinements de la Pax romana et du
christianisme, [qui] ne veulent plus se battre » et ont donc fini « égorgés »,
ou celui des nobles guillotinés sans résistance sous la Révolution car
« devenus des courtisans maniant plus volontiers l’épigramme que l’épée »,
il faut reprendre les armes : « Nous sommes les Romains de la décadence
ou les aristocrates de la Révolution, et Mohammed Merah et ses pareils sont
les barbares et les sans-culottes de notre temps. » Ou comment présager et
encourager implicitement une lutte à mort contre « Mohammed Merah et
ses pareils », avec toute l’ambiguïté de cette expression, qui peut
s’appliquer autant aux islamistes à strictement parler qu’aux « barbares » au
sens du grec ancien, où le terme désigne les « étrangers » appartenant à une
autre civilisation. Or Éric Zemmour a prévenu : « Il faut choisir son camp
dans cette guerre de civilisations qui se déploie sur notre sol. » Sous-
entendu : avec l’islam.
Mais Éric Zemmour va plus loin. Plus loin dans l’abject. Car qui est ce
« nous » qu’il oppose aux « barbares […] de notre temps » ? Pas celui des
victimes. À peine évoquées, elles ont disparu, recouvertes par les
digressions historiques. L’auteur les a subtilisées car, pour lui, elles n’ont,
littéralement, pas droit de cité : « enterrés en Israël », les enfants assassinés
sont irrémédiablement disqualifiés comme étrangers sous le couperet de la
loi barrésienne de « la terre et des morts ». En un télescopage obscène,
l’auteur conclut par une « tirade hilarante » des Tontons flingueurs sur le
pays où il faut « laisser ses os » quand on est un bon Français,
entrechoquant les registres du grotesque et de l’horreur dans un étalage de
xénophobie qui met dans le même panier des étrangers honnis, les victimes
et le terroriste : « Assassins ou innocents, bourreaux ou victimes, ennemis
ou amis, ils voulaient bien vivre en France […] mais pour ce qui est de
laisser leurs os, ils ne choisissaient surtout pas la France. Étrangers avant
tout et voulant le rester par-delà la mort. » La langue du polémiste nous
habitue à ne plus voir des enfants, mais des étrangers. On sait ce que vaut la
vie d’un juif étranger pour Zemmour.

Dans son ouvrage prémonitoire de 1895, Psychologie des foules, Gustave


Le Bon notait déjà :

La puissance des mots est si grande qu’il suffit de termes bien


6
choisis pour faire accepter les choses les plus odieuses .

Éric Zemmour l’a bien compris. Depuis plus de quinze ans, il propage non
seulement des thèses et des idées d’une rare violence, mais une langue qui
porte en germe la possibilité du pire. Une langue qui nous habitue à voir des
« races » plutôt que des personnes, des « étrangers » plutôt que des enfants,
des ennemis plutôt que des concitoyens. Sous sa plume, le sens des mots se
brouille, les concepts politiques se dissolvent ou s’inversent, l’ironie attaque
comme un acide les valeurs humanistes. La torsion des mots et de l’histoire
y est la norme. L’obsession raciale omniprésente. Éric Zemmour alterne
l’abject et le grotesque pour nous engluer dans la révulsion viscérale et la
jouissance sadique et abolir toute possibilité de réflexion. Son manichéisme
identitaire nous conditionne à une logique d’affrontement, tandis qu’une
dramatisation apocalyptique fabrique une France alternative. Ses récits ont
la puissance explicative du mythe et nous plongent dans un état de
sidération. La langue, essorée de sa capacité à nous faire penser, écouter et
débattre, devient un instrument de perversion antidémocratique.
Il faut prendre au sérieux le projet politique d’Éric Zemmour. Le
17 septembre 2021, lors d’un meeting à Toulon, l’auteur du Suicide français
se vantait : « Je pense pouvoir inoculer au peuple français ma volonté. »
Depuis plus de quinze ans, livre après livre, phrase après phrase, Éric
Zemmour manipule le langage, les textes et l’histoire pour instiller au cœur
même de notre bien commun, de notre seul instrument de débat
démocratique – la langue –, des logiques destructrices, du sens et des
hommes.
Victor Klemperer écrivait : « La langue [est le] moyen de propagande le
plus puissant, le plus public et le plus secret. » Il est temps de refuser de
céder la moindre virgule, le moindre mot à cette entreprise d’exténuation du
langage et d’asséchement des cœurs.
Notes
Toutes les citations des textes d’Éric Zemmour sont extraites des ouvrages
suivants :

Le Premier Sexe, Denoël, 2006.


Mélancolie française, Fayard/Denoël, 2010.
Le Bûcher des Vaniteux, Albin Michel, 2012-2013.
Le Suicide français, Albin Michel, 2014.
Un quinquennat pour rien, Albin Michel, 2016.
Destin français, Albin Michel, 2018.
La France n’a pas dit son dernier mot, Rubempré, 2021.

1. La citation du général de Gaulle est : « Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais
Paris libéré ! »
2. Jacques Ellul, Histoire de la propagande, Presses universitaires de France, 1967, p. 36-37.
3. Serge Tchakhotine, Le Viol des foules dans la propagande politique, Gallimard, 1939,
p. 95.
4. Gérard Noiriel, Le Venin dans la plume. Édouard Drumont, Éric Zemmour et la part
sombre de la République, La Découverte, 2019.
5. Roland Barthes, Mythologies, Seuil, 1957, p. 145.
6. Gustave Le Bon, Psychologie des foules (1895), Presses universitaires de France,
« Quadrige », 2013, p. 62.
Cécile Alduy est professeure de littérature et de civilisation françaises à
l’université Stanford (États-Unis), et chercheuse associée au CEVIPOF à
l’Institut d’études politiques de Paris. Spécialiste en analyse du discours
politique, elle a publié au Seuil Ce qu’ils disent vraiment. Les politiques
pris aux mots (2017) et Marine Le Pen prise aux mots. Décryptage du
nouveau discours frontiste (2015), lauréat du prix « Penser la société » 2015
du Panorama des Idées. Journaliste politique, elle écrit régulièrement pour
Le Monde, AOC, Le Nouveau Magazine littéraire, L’Obs, The Atlantic, The
Nation, The Boston Review, Politico, CNN et a publié de nombreux articles
universitaires sur l’extrême droite.

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