Vivre Après Avoir Survécu
Vivre Après Avoir Survécu
Vivre Après Avoir Survécu
C
et ouvrage est un projet que je caresse depuis longtemps. Il y a
quelques années, j’ai fait part à mon éditrice de mon souhait
d’écrire un livre qui viendrait en aide aux victimes d’agression
sexuelle; un guide d’accompagnement pour mettre des mots sur leur vécu
douloureux. Il faut dire que cette clientèle a été la première à laquelle je me
suis intéressée durant mes études en sexologie. Pendant ma dernière année
de baccalauréat, j’ai choisi de faire mon stage d’un an dans un organisme
communautaire venant en aide aux femmes victimes d’agression sexuelle.
Les survivantes que j’ai rencontrées m’ont beaucoup touchée par leur
courage, leur détermination, mais aussi leur grande vulnérabilité. En
poursuivant mes études au niveau de la maîtrise, j’ai mis sur pied un projet
d’intervention auprès des hommes victimes d’abus sexuel pendant
l’enfance. Les recherches en parlaient peu et les services offerts au Québec
me semblaient quasi inexistants. Forte de mon intérêt pour les
problématiques de couple, j’ai donc animé des groupes d’intervention
s’adressant aux partenaires de ces hommes qui avaient été victimisés dans
le passé, ainsi que des groupes d’hommes victimes. Les hommes rencontrés
m’ont fait voir une autre facette de la victimisation. Leur souffrance
s’exprimait parfois avec encore plus de colère que celle des femmes, mais,
derrière ce bouclier qu’ils brandissaient en guise de protection, j’ai vu des
hommes blessés, meurtris à l’intérieur. Par la suite, voulant partager mes
connaissances, j’ai donné un cours de victimisation sexuelle aux étudiants
universitaires.
Dans ma pratique auprès des victimes d’agression sexuelle, plusieurs me
demandaient de leur recommander des lectures et je devais admettre qu’il y
en avait peu en langue française qui auraient pu les aider dans leur
cheminement. C’est ainsi que l’idée de ce livre a commencé à germer dans
mon esprit. Il s’adresse par conséquent aux personnes ayant vécu une
agression à caractère sexuel et désirant s’affranchir de ses séquelles. Dans le
milieu de l’intervention, on utilise d’ailleurs beaucoup le terme «survivant».
Bien que je comprenne qu’il réfère au fait de passer au travers d’une
épreuve douloureuse, il a toujours suscité un certain questionnement chez
moi. Survivre est-il suffisant? Il me semble que, dans la survie, il y a une
focalisation sur le fait d’être toujours en vie, et donc de mettre toute notre
énergie sur l’essentiel, le fait d’être toujours là. Lorsque je travaille avec des
personnes ayant été victimes d’agression sexuelle, je souhaite plus que cela
pour elles. Je les souhaite «vivantes» dans leur corps, dans leur tête et dans
leur cœur. Je tiens à ce qu’elles «vivent» à nouveau, en embrassant la vie à
bras ouverts. Bien sûr, tout cela est un processus long et difficile, mais je
dois dire que les nombreuses années passées à travailler auprès de cette
clientèle m’ont démontré que c’est possible. Je suis d’ailleurs toujours aussi
émue, après tant d’années, lorsque je termine un suivi avec un patient ayant
subi ce type de traumatisme. Je suis à même d’apprécier tout le chemin
parcouru et je peux alors lui dire en lui serrant la main pour la dernière fois:
«Bravo d’avoir décidé de vivre à nouveau!»
GENEVIÈVE PARENT,
sexologue et psychothérapeute
Introduction
L
es agressions sexuelles font beaucoup de victimes, trop de victimes.
Si vous tenez ce livre entre les mains, c’est que malheureusement
vous faites partie de ces personnes dont la vie a été chamboulée par
une agression sexuelle. La souffrance est grande et les séquelles qui en
découlent sont nombreuses, pour vous et probablement pour les personnes
qui vous entourent. Elles peuvent être de nature physique, psychologique,
émotionnelle, affective, sociale, relationnelle ou sexuelle.
J’ai écrit cet ouvrage en pensant à vous, à votre souffrance, mais aussi à
l’aide que je pouvais vous offrir. J’ai donc décidé de le diviser en chapitres
présentant les principales conséquences des agressions sexuelles. Chaque
chapitre comporte une description de la séquelle et des façons dont elle
s’exprime et se manifeste. Des exemples types et des questions parmi les
plus fréquentes vous permettront de vous y reconnaître.
Cependant, je n’ai pas voulu me borner à énumérer des séquelles. J’ai
voulu vous apporter du réconfort et du soutien pour vous aider à vous en
sortir. Le mot «victime» vous colle peut-être à la peau depuis fort
longtemps, mais je souhaite vous amener à voir que vous êtes beaucoup
plus que cela. Vous avez survécu à l’agression et vous pouvez maintenant
faire un pas de plus pour reprendre votre vie en main. C’est ainsi qu’à
chaque chapitre, vous trouverez une section appelée «Un pas en avant» qui
renferme des conseils plus spécifiques, des réflexions et des exercices.
Quant à la section «L’écriture qui guérit», elle vous invite à mettre sur
papier vos pensées et vos émotions, à faire des liens avec vos expériences
de vie et, surtout, à faire des prises de conscience qui vous propulseront
vers l’avant.
Je vous suggère de regrouper ces exercices d’écriture dans un cahier, que
vous consacrerez exclusivement à ce cheminement. Vous pourrez aussi
garder des pages pour écrire librement, ce que j’aime appeler «écrire pour
se dire». C’est comme un rendez-vous avec vous-même. Je vous conseille
même d’en faire un rendez-vous quotidien. Mais quoi écrire? Vous pouvez
commencer par simplement écrire ce qui vous passe par la tête, tous les
jours, pour vous décharger du quotidien. Une fois que vous en aurez pris
l’habitude, vous verrez comme c’est bénéfique. Cela vous permettra de
dégager de l’espace dans votre esprit afin de profiter pleinement de votre
journée.
Écrire vous donne la possibilité de vous connecter avec votre moi
profond. C’est un peu comme donner la parole à votre âme. Elle vous en
remerciera en étant plus légère. J’ai remarqué également, au fil des
thérapies avec des victimes d’agression sexuelle, que l’écriture permet
d’apprécier le chemin parcouru. En se relisant, ces personnes comprennent
l’ampleur de la démarche qu’elles ont entreprise et sont surprises, voire
heureuses, des changements qui se sont opérés en elles et autour d’elles.
Lorsque vous écrivez, assurez-vous de n’être dérangé par personne et,
surtout, prévoyez suffisamment de temps pour ne pas devoir interrompre
abruptement ce rendez-vous avec vous-même. Il est précieux.
Ce livre n’a pas besoin d’être lu d’une couverture à l’autre. Les chapitres
ont été écrits de manière indépendante, si bien que la lecture d’un chapitre
n’est pas forcément un préalable à la lecture du chapitre suivant. Sentez-
vous donc tout à fait libre de lire directement les chapitres qui vous
interpellent davantage, quitte à revenir aux autres ultérieurement.
Je souhaite que vous empruntiez le chemin du rétablissement à travers
cette lecture et qu’à la fin, vous ayez envie de vivre votre vie à part entière,
en sachant que vous avez d’abord été une victime, puis un survivant, pour
ensuite vivre davantage votre vie. Vous verrez que les agressions subies ont
été une partie de votre vie jusqu’ici, mais que l’avenir vous appartient. Je
souhaite de tout cœur que cet ouvrage puisse vous faire entrevoir cet avenir
sous un meilleur jour. Bonne lecture!
Chapitre 1
Sortir du passé pour enfin
vivre au présent
D
es souvenirs, on en a tous. Certains sont agréables; d’autres, moins.
De façon générale, on aime bien se rappeler nos bons souvenirs,
alors qu’on cherche à oublier ceux qui nous sont pénibles.
Plusieurs personnes avec lesquelles j’ai travaillé doivent composer avec les
souvenirs de l’agression sexuelle qu’elles ont subie, même si elles tentent
par tous les moyens de les oublier. Elles voient quelqu’un qui ressemble à
l’agresseur dans la rue ou elles font des cauchemars qui les amènent à faire
de l’insomnie. Ce sont des indices que le traumatisme est bien réel.
Sophie détestait les journées chaudes. Les odeurs de vidange dans les
rues lui rappelaient la ruelle dans laquelle avait eu lieu l’agression
sexuelle qu’elle avait subie.
Le poids de l’oubli
Comme il n’est pas facile de vivre avec ses souvenirs, il est possible que
vous en ayez oublié une partie. Ce n’est pas un choix, mais plutôt un
mécanisme de protection. Il aurait été trop douloureux pour vous de vous
rappeler les détails de ce que vous avez vécu et les souffrances qui y sont
rattachées. Avoir réprimé ainsi vos souvenirs, de manière inconsciente, sans
en avoir fait délibérément le choix, vous permet de mieux vivre au
quotidien, sans être en contact avec une trop grande souffrance. Par contre,
ce n’est pas parce que les souvenirs sont réprimés qu’ils n’ont pas d’impact
sur votre vie. Votre inconscient, lui, se souvient… Les souvenirs enfouis
vous reviendront habituellement par bribes, et souvent à cause d’un élément
déclencheur. Ils referont surface quand vous serez prêt à y faire face.
Un pas en avant
Briser l’isolement
Si vous avez tendance à éviter certaines personnes ou situations qui peuvent
faire ressurgir des flashbacks de l’agression, il est important de ne pas
tomber dans le piège de l’isolement. Pour déterminer si l’évitement auquel
vous recourez sert à vous protéger ou vous amène à vous isoler, pensez au
nombre d’occasions que vous refusez. Si vous en refusez davantage que
vous n’en acceptez, il est fort probable que vous vous isoliez. Une première
étape pourrait consister à vous créer d’autres activités sociales que celles
que vous cherchez à fuir. Déjà, vous seriez moins isolé, car vous
compenseriez par de nouvelles activités celles que vous évitez. Choisissez
d’abord des personnes ou des contextes qui ne vous paraissent aucunement
menaçants. Puis, au fur et à mesure que vous prenez confiance en vous
socialement, réexaminez toutes les situations que vous évitez. Parmi celles-
ci, y en aurait-il que vous pourriez accepter? Allez-y tout en douceur et si
vous ne vous sentez pas bien, renoncez pour un moment. À chacun son
rythme et il est important que vous vous respectiez.
Exercice de relaxation
Le but de la relaxation est de vous détendre et de vous départir de votre
stress. Voici deux exercices de relaxation que vous pouvez essayer. La
respiration abdominale consiste à retrouver une respiration calme et
profonde, car le stress perturbe votre respiration, ce qui amène une
mauvaise circulation dans votre corps et augmente la tension.
En position assise, placez une main sur votre abdomen et une autre sur
votre thorax, et respirez comme d’habitude. Vous constaterez que la
respiration se fait dans votre thorax plutôt que dans votre abdomen, alors
que ça devrait être le contraire. Assurez-vous d’inspirer par le nez et
d’expirer par la bouche, en étant conscient que la respiration se fait dans
l’abdomen. Prenez une inspiration par le nez et comptez jusqu’à trois, puis
expirez par la bouche en relâchant votre abdomen et en comptant jusqu’à
cinq. Vous évacuez le stress à chaque expiration. Recommencez quatre fois.
La relaxation musculaire progressive de Jacobson est probablement la
plus connue. Elle peut vous mener au sommeil si vous êtes en position
allongée, même si ce n’est pas forcément le but. Donc, si vous faites cet
exercice pendant la journée, je vous suggère de rester en position assise.
Cette méthode de relaxation consiste à contracter différents muscles en
douceur, sans douleur, pendant cinq à sept secondes. Pour chaque partie du
corps, après avoir maintenu la contraction, il est important de bien sentir la
tension que vous relâchez. Voici la marche à suivre:
Cette relaxation peut vous prendre environ 20 minutes, mais elle apporte
de grands bénéfices et pas seulement sur le moment.
Exercice de méditation
La méditation a pour but de vous aider à vous recentrer sur vous-même,
loin des préoccupations extérieures. Elle développe votre attention et votre
concentration. Il existe plusieurs techniques, mais la plus simple, pour
débuter, est celle qui est axée sur la respiration.
Installez-vous confortablement en position assise, fermez les yeux et
respirez comme d’habitude.
Exercice de visualisation
Dans la visualisation, vous vous représentez une situation ou un objet
positif pour vous et susceptible de vous apporter du bien-être. L’objet que
vous imaginez pourrait être le soleil, dont vous sentez la chaleur et qui vous
enveloppe de sa lumière. La situation doit se dérouler dans un endroit où
vous aimeriez être et qui vous apaise. Prenez le temps de le voir dans votre
tête, de sentir sa température, etc. Par exemple, vous vous imaginez sur une
plage, seul, les pieds dans le sable, vous sentez l’odeur de la mer, vous
entendez les vagues, vous êtes bien.
Que vous choisissiez la relaxation, la méditation ou la visualisation, il
existe des méthodes reconnues que vous pouvez utiliser. Vous pouvez aussi
tout simplement créer la vôtre à partir des exemples donnés. Tout ce qui
compte, c’est que cela vous convienne et que vous y croyiez.
Les méthodes de relaxation, de méditation ou de visualisation vous
stressent? D’autres moyens, plus concrets, peuvent également vous être
bénéfiques. Prenez le temps de faire une liste de choses qui vous détendent
et vous calment. Voici tout de même quelques idées si vous êtes en panne
d’inspiration: écouter de la musique relaxante, faire du dessin ou du
scrapbooking, marcher dans un endroit paisible, faire une randonnée de ski,
de raquette ou de vélo, s’étendre sur une chaise longue, prendre un long
bain, lire un bon livre, faire des mots croisés, etc. Ces petits plus peuvent
être planifiés comme n’importe quelle autre chose. Après tout, prendre soin
de soi devrait toujours être une priorité!
L’écriture qui guérit
Si vous souhaitez mieux comprendre vos rêves, prenez l’habitude,
chaque matin, de vous poser cette question: «À quoi ai-je rêvé?» Écrivez la
date, puis tout ce qui vous vient à l’esprit. Il se peut que ce ne soit pas très
cohérent, mais ce n’est pas grave. Au fur et à mesure que vous écrirez,
d’autres détails vont vous revenir. Si vous ne vous souvenez que du début
du rêve, vous pouvez vous-même vous poser des questions pour favoriser
l’émergence du souvenir.
Évelyne se souvient d’avoir rêvé qu’elle marchait dans une forêt, rien
d’autre. Elle pourrait se poser les questions suivantes: Quelle saison
était-ce? Quel moment de la journée était-ce? Est-ce que je connais ou
non cette forêt? De quel type de forêt s’agissait-il? Cette forêt me
semblait-elle plutôt menaçante ou apaisante? Y étais-je seule? Qu’y
faisais-je? Qu’y ai-je vu? Comment me sentais-je? Comment mon rêve se
terminait-il?
L
’agression sexuelle est un geste de domination. Une personne exerce
son pouvoir sur une autre à travers la sexualité, mais souvent aussi à
travers un regard, des paroles, des attitudes, parfois en faisant des
menaces de représailles ou en ayant recours à la violence physique. Il en
découle de la peur et un sentiment d’impuissance. Retrouver le sentiment de
pouvoir sur soi, sur son corps et sur sa vie est une étape importante pour se
sentir à nouveau pleinement vivant.
Un pas en avant
Apprendre à mieux se protéger
Saviez-vous qu’une personne ayant subi une agression sexuelle durant
l’enfance courrait deux ou trois fois plus de risques d’être de nouveau
agressée à l’âge adulte? La raison en est qu’une agression sexuelle rend la
victime vulnérable. C’est pour cela qu’il vous faut prendre la décision de
vous en sortir. Victime un jour ne signifie pas victime toujours. Le
sentiment d’impuissance est votre pire ennemi. Plus vous aurez
l’impression de n’avoir aucun pouvoir sur votre vie, plus vous courrez le
risque de vous retrouver dans des contextes ou avec des personnes qui
pourraient vous nuire. Pour éviter de redevenir une victime, il vous faut
premièrement reconnaître l’agression sexuelle que vous avez subie. Si vous
la niez, vous risquez de revivre la même chose. Deuxièmement, vous devez
développer une bonne estime de vous-même et vous affirmer dans vos
rapports avec les autres (voir le chapitre 7). Troisièmement, il vous faut
admettre que vous avez du pouvoir et que vous pouvez l’exercer. Vous
devez apprendre à prendre les bonnes décisions pour vous-même et écouter
la petite voix à l’intérieur de vous ou, encore, être à l’affût des signaux
d’alarme que vous voyez et ressentez. Quatrièmement, il est important de
sortir de votre isolement. Finalement, pourquoi ne pas prendre des cours
d’autodéfense? Sans devenir un champion des arts martiaux, vous en saurez
suffisamment pour vous défendre et cela vous donnera confiance. N’oubliez
pas cependant que la plupart des agressions sont commises par des gens
qu’on connaît. Par conséquent, soyez vigilant dans le choix de vos
fréquentations. Vous n’êtes jamais responsable des agressions sexuelles
commises à votre endroit, mais vous pouvez utiliser les quelques conseils
donnés plus haut pour vous protéger.
Jacinthe éprouve une attirance pour Martin, le frère d’une de ses amies.
Elle l’a rencontré à deux reprises et aimerait vraiment sortir en tête à tête
avec lui. Ce qui appartient à Jacinthe dans cette situation, c’est ce
qu’elle ressent pour Martin et sa volonté de le lui faire savoir. Ce qui ne
lui appartient pas, c’est ce que Martin pense d’elle et ressent pour elle.
Elle n’a non plus aucun pouvoir sur la situation amoureuse de Martin ou
son désir de s’engager dans une relation. Elle peut seulement faire
comprendre à Martin qu’elle aimerait mieux le connaître. Il reste à
déterminer comment elle peut s’y prendre: soit en abordant directement
Martin ou, si elle est timide, en passant par sa sœur. Ensuite, il lui faudra
lâcher prise par rapport à la réponse de Martin. S’il ne se montre pas
disponible ou intéressé, cela n’enlève rien à Jacinthe. Peut-être ne
souhaite-t-il tout simplement pas avoir une relation amoureuse ou
connaître Jacinthe davantage. On ne peut plaire à tout le monde. Si
Jacinthe accepte de lâcher prise après avoir manifesté ses intentions à
Martin, il est possible que les choses évoluent dans le temps et – qui sait?
– il pourrait vouloir la présenter à un de ses amis célibataires.
La vie nous réserve parfois de belles surprises si on veut bien être attentif.
Pensez au dicton qui dit: «Quand une porte se ferme, ailleurs s’ouvre une
fenêtre.» Les choses n’arrivent pas toujours comme on le souhaiterait et,
quelquefois, elles s’arrangent encore mieux que ce qu’on aurait imaginé.
C’est ça, lâcher prise!
• Pour vous sentir plus fort, prenez le temps d’énumérer par écrit les
forces que vous possédez et celles que vous aimeriez avoir. Il peut s’agir
de qualités, de compétences ou de talents. Choisissez une force parmi
celles que vous aimeriez avoir et donnez-vous deux moyens concrets de
la développer. Quand elle sera bien là, vous pourrez en choisir une autre
et refaire le même processus.
• Lorsqu’une difficulté se présente, votre réaction spontanée pourrait être
de baisser les bras. Demandez-vous plutôt: «Et si j’avais une baguette
magique?» Faites la liste des moyens, même farfelus, dont vous
disposeriez alors pour résoudre votre problème. Certains en inspireront
d’autres. Puis demandez-vous s’il y en a un qu’il vous est possible
d’utiliser. Concentrez-vous sur les moyens que vous prendrez. Tentez le
coup et faites le point par la suite pour voir ce qui a marché et ce qui a
moins bien marché.
• Le dernier exercice s’adresse aux personnes qui se sentent suffisamment
fortes intérieurement pour le faire. Vous pourriez y revenir plus tard si
vous le souhaitez, après avoir lu quelques chapitres. Je vous propose
d’écrire le scénario d’une agression sexuelle que vous avez vécue. Vous
la racontez telle qu’elle s’est déroulée, sans rien enlever ni ajouter. Puis
vous réécrivez le scénario mais, cette fois, en ajoutant un personnage:
vous, tel que vous êtes aujourd’hui. Vous imaginez que vous vous
sauvez vous-même. Vous écrivez ce que vous diriez et feriez pour
protéger cette victime que vous avez été. Si vous étiez enfant lors de
l’agression, c’est vous en tant qu’adulte qui venez à son secours
aujourd’hui. Si vous étiez adulte, imaginez que c’est cet «autre vous»
qui s’interpose entre l’agresseur et la personne que vous étiez alors. Cet
exercice n’est certes pas facile, mais il vous permettra de vous sentir en
pleine possession de vos moyens.
L
a culpabilité est probablement un des sentiments les plus forts chez
une victime d’agression sexuelle. Pourtant, cette culpabilité devrait
être entièrement portée par l’agresseur. Or, comme celui-ci a
tendance à rejeter la faute sur la victime et que l’entourage ainsi que la
société contribuent malheureusement parfois à nourrir ce sentiment,
certaines victimes portent longtemps le poids de cette culpabilité.
Ces idées reçues font mal, car elles peuvent s’incruster dans votre esprit.
Mais mettons les choses au clair. En vous habillant de telle façon ce jour-là,
vous ne souhaitiez pas avoir une relation sexuelle avec n’importe qui. Votre
gentillesse n’était pas non plus une invitation dans ce sens. Que vous ayez
accepté de suivre votre agresseur dans un endroit isolé ne signifie pas non
plus que vous désiriez partager un moment d’intimité avec lui. L’heure
tardive à laquelle vous l’avez croisé ne lui donnait pas la permission de
profiter de votre vulnérabilité. N’oubliez pas que l’agresseur est un fin
manipulateur. Il utilise ces croyances pour vous culpabiliser et, par le fait
même, se déculpabiliser. Au fond de lui-même, il sait ce qu’est une
agression sexuelle. Toutefois, comme il ne peut admettre qu’il est un
agresseur sexuel, il cherchera, forcément, à vous convaincre que vous étiez
consentante ou que vous l’avez cherché. En essayant de vous convaincre,
c’est lui-même qu’il veut convaincre.
Dans le meilleur des scénarios, l’enfant est cru et des démarches sont
entreprises pour le protéger. La famille peut éclater et l’enfant s’en sent
responsable. Il faut alors lui faire comprendre que ce n’est pas parce qu’il a
parlé que la famille a éclaté, mais bien à cause des gestes commis par
l’agresseur sexuel. Bien entendu, ce dernier essaiera de rendre l’enfant
responsable des conséquences légales et sociales qu’il subira. Pour toutes
ces raisons, il est aisé de comprendre pourquoi, enfant, vous avez peut-être
choisi de garder le silence.
La culpabilité destructrice
Toute cette culpabilité portée pendant des années a peut-être eu des
conséquences dévastatrices dans votre vie. Elle vous a certainement amené
à vous dévaloriser. Sans parfois vous en rendre compte, il se peut que vous
vous dénigriez. En fait, c’est le discours de votre agresseur sexuel que vous
avez enregistré. Ses propos culpabilisants ont fini par vous faire accepter le
blâme. Vous croyez que vous êtes responsable des gestes commis par votre
agresseur ou que l’abus sexuel a duré longtemps parce que vous ne l’avez
pas dit assez rapidement. N’oubliez pas que c’est souvent par culpabilité
que vous avez gardé le silence; ne vous culpabilisez donc pas de l’avoir
gardé. Votre famille est déchirée et plusieurs personnes ne se parlent plus
parce que vous avez dénoncé les abus sexuels, pensez-vous. Vous savez
quelque part que c’est faux, que le seul coupable est l’agresseur, mais son
discours et celui des personnes de votre entourage vous ont fait douter.
Cette culpabilité étant lourde à porter, les victimes d’agression sexuelle
cherchent à l’alléger, mais leur esprit ressasse sans cesse la situation. Pour
fuir de telles pensées, plusieurs consomment de l’alcool ou de la drogue.
Cela leur permet d’oublier un instant, mais les souvenirs reviennent et la
souffrance est toujours présente. Alors, ces personnes prennent encore de
l’alcool ou de la drogue et, ainsi, une dépendance s’installe. D’autres
victimes sont conscientes qu’elles ne peuvent échapper à leurs pensées.
Pour en finir avec la culpabilité, elles se punissent. Elles adoptent des
comportements et des attitudes qui visent à expier cette culpabilité. Le
summum est sans aucun doute l’automutilation, la tentative de suicide ou le
suicide. Mais bien d’autres comportements peuvent aussi servir de punition,
de manière plus subtile: ne pas se donner le droit d’être en relation, ne pas
se donner la chance d’être heureux, ne pas croire qu’on peut se sortir d’une
situation d’emploi précaire, etc. Rappelez-vous que la seule personne à
punir est l’agresseur. En ce sens, plusieurs victimes ont cessé de se punir
quand elles ont retourné le combat contre l’agresseur en entamant des
procédures légales. Contrairement à ce que plusieurs pourraient croire, ce
n’est pas dans un esprit de vengeance, mais dans un esprit de justice, ce qui
est bien différent.
L’utilité de la culpabilité
Si la culpabilité est si destructrice, comment se fait-il que les victimes en
ressentent même après s’être dit que ça ne leur apportait rien? Peut-être
parce que, justement, elle a son utilité… La culpabilité a pu vous permettre,
dans un premier temps, de préserver la relation avec l’agresseur. Ce parent,
ce frère, cet oncle, ce cousin, ce grand-parent, cet entraîneur, ce voisin, cet
enseignant, cet ami de la famille, il comptait pour vous, avant les abus
sexuels. Il comptait probablement aussi pour vos parents. Donc, en vous
désignant comme coupable, vous pouviez continuer d’aimer cette personne
malgré les abus sexuels qu’elle vous avait fait subir. La culpabilité a permis
et permet peut-être encore aujourd’hui de donner un sens aux événements
qui, autrement, n’en auraient pas. Nous cherchons souvent à comprendre
pourquoi certaines choses arrivent, dans l’espoir de mieux les accepter et
passer à travers. Or, vous culpabiliser vous permet de penser que c’est parce
que vous avez accepté d’aller chez votre voisin qu’il vous a agressé
sexuellement. Bien sûr, ce raisonnement ne tient pas la route, mais il vous
donne l’illusion de pouvoir vous protéger des prédateurs sexuels. En vous
convainquant que les agressions sexuelles subies sont de votre faute, il vous
est aisé de croire qu’en modifiant ce qui constitue, selon vous, les motifs de
l’agression sexuelle, vous vous protégez de celles qui pourraient arriver par
la suite. Cela vous empêche de vous sentir impuissant et vous laisse croire
que vous avez une certaine maîtrise, un certain pouvoir sur les événements,
ce qui est faux.
1. Je vous propose tout d’abord de faire la liste de tous les blâmes que
vous vous faites et de transformer chacun d’eux en une affirmation
positive.
• Premier exemple: «Si je n’étais pas allé chez lui, cela ne se serait pas
produit.» Cette assertion devient: «Savoir faire confiance est une
condition essentielle de la nature humaine. Je dois réapprendre à faire
confiance et, surtout, à me faire confiance.»
• Deuxième exemple: «J’aurais dû parler avant. Ainsi, il n’aurait pas fait
d’autres victimes.» Cela devient: «À partir de maintenant, je me
choisis. Je suis une belle personne et je prends les décisions en tenant
compte de mon bien-être.»
2. Repassez dans votre tête le contexte de l’agression sexuelle et
départagez en deux colonnes ce qui vous appartient et ce qui ne vous
appartient pas. Une fois l’exercice terminé, réécrivez chaque phrase se
trouvant dans la colonne «Ce qui m’appartient» de façon à pouvoir la
mettre dans la colonne «Ce qui ne m’appartient pas». Par exemple, si
vous avez écrit la phrase qui suit dans la colonne «Ce qui m’appartient»:
«J’ai fait du stop pour rentrer chez moi tard le soir et je suis montée avec
un inconnu», vous la reformulez ainsi: «Un agresseur sexuel a vu en moi
une occasion lorsqu’il m’a aperçue en train de faire du stop.» Vous
enlevez la première affirmation de votre colonne. À la fin de cette
deuxième partie d’exercice, il ne devrait rien rester dans la colonne «Ce
qui m’appartient».
3. L’exercice suivant traite autant de l’agression sexuelle que vous avez
vécue que des événements actuels de votre vie. Écrivez une pensée
négative, puis, en dessous, remettez-la en question. Par exemple: «Je ne
me suis pas débattue quand mon ex m’a forcée à avoir une relation
sexuelle avec lui.» Lorsque vous y réfléchissez, cela pourrait donner:
«Je ne devrais pas avoir besoin de me débattre, car un homme devrait
respecter mes paroles qui expriment mon refus.» Ou encore: «Il est plus
imposant que moi et si je ne me suis pas débattue, c’était pour éviter
qu’il se fâche et me batte.»
Ces exercices, vous pourrez les refaire car, au fur et à mesure de votre
cheminement, vos pensées changeront et vous n’aurez pas à faire face aux
mêmes défis. En tant que thérapeute, j’ai souvent ressenti beaucoup de
fierté pour mes patients lorsqu’ils relisaient à voix haute leurs premiers
exercices et qu’ils ne se reconnaissaient plus dans ces paroles. Ils avaient
assurément cheminé. Rappelez-vous que la culpabilité vous maintient dans
le passé et, ainsi, vous empêche d’avancer.
Chapitre 4
Sortir de la méfiance,
retrouver la confiance
L
a confiance en soi et en les autres est fortement ébranlée à la suite
des agressions sexuelles. Le monde semble hostile. Vous ne savez
peut-être plus à qui vous fier. La trahison est d’autant plus grande
lorsque l’agresseur est une personne très proche de vous. La méfiance,
même si elle doit être dosée, est quand même un facteur de protection. Elle
vous permet la prudence dans vos relations.
Il est bien difficile de répondre à cette question. Chaque victime porte ses
propres blessures. La culpabilité peut vous conduire à vous dévaloriser, à
vous haïr même, et à vous punir en faisant de l’autosabotage, en
consommant de l’alcool ou de la drogue et en ayant des comportements
destructeurs. Le sentiment de trahison vous laisse un goût amer des
relations interpersonnelles. Il vous amène à vous replier sur vous-même.
Une chose est certaine: un enfant qui a été agressé sexuellement par un
adulte en qui il avait confiance aura longtemps de la difficulté à faire
confiance. Cet adulte devait être là pour prendre soin de lui, le protéger, et
non seulement il n’en a rien fait, mais la menace venait en fait de lui.
La réaction de l’entourage peut aussi vous faire vivre un sentiment de
trahison. Vous a-t-on cru lorsque vous avez dénoncé votre agresseur?
Parfois, les proches disent croire la victime, mais leurs paroles soulèvent
des doutes, des questionnements. Certains sont maladroits, et d’autres,
carrément mal à l’aise. Alors, pour diminuer l’intensité des émotions que
votre révélation suscite en eux, ils ont tendance à minimiser les gestes
commis à votre endroit ou leur impact. «Il n’y a pas eu pénétration, au
moins!» disent-ils par exemple. «C’était pour rire, juste un jeu.» «Passe à
autre chose, ça fait 10 ans maintenant!» Ces personnes ne comprennent pas
qu’en dehors de l’acte commis, il y a toute sa signification: réduire l’autre à
un objet, sans son consentement et sans égard à son bien-être. Si vos
proches ont eu une telle réaction, il est normal de leur en vouloir et de
prendre vos distances. L’isolement que vous vivez alors peut être lourd à
supporter, mais, pourtant, quelque part, vous vous protégez contre des
paroles, des attitudes qui vous remettent en position de victime. Vos proches
pensent peut-être faire pour le mieux en vous tirant vers l’avant, mais, en
fait, surmonter une agression sexuelle est un processus continu qui demande
du temps, de l’énergie et du courage. Très peu de gens sauront respecter
votre rythme de guérison. Si vos proches vous font du bien, tant mieux!
Mais si, après avoir parlé avec eux, votre taux d’énergie est plus bas et que
vous êtes plus triste ou en colère, il vaut mieux vous éloigner pour un temps
et trouver du réconfort auprès d’un professionnel ou d’un groupe de
soutien. Maintenir des relations avec un entourage qui minimise ce que
vous avez vécu peut vous amener à vous questionner sur vos propres
réactions et à vous méfier de votre ressenti.
Sonia avait 13 ans quand le nouveau conjoint de sa mère est venu habiter
avec elles. Ils sont rapidement devenus très proches, au point que la mère
de Sonia était jalouse. Cette dernière ne prenait pas la situation au
sérieux, car elle voyait dans les taquineries de son beau-père de la simple
camaraderie. Puis il lui a fait des attouchements et l’a violée à deux
reprises. Lorsque Sonia lui a raconté ce qui s’était passé, sa mère l’a
chassée de chez elle en l’insultant et en la blâmant de tenter de lui voler
son conjoint. Sonia était dévastée. À la rue, elle a rencontré un copain
qui a accepté de l’héberger. Toutefois, celui-ci est vite devenu violent
avec elle. Sonia s’est mise à se prostituer, à la demande de son copain. À
15 ans, elle avait, bien malgré elle, un lourd passé.
La confiance est tout à fait normale chez les enfants et les adolescents. Un
adulte ne peut se servir de cette confiance pour satisfaire ses propres envies.
Ne vous laissez pas convaincre que c’est ce que vous vouliez. Peut-être
recherchiez-vous de la tendresse, de l’affection, de l’amour, mais
certainement pas de la façon que les adultes le vivent! Plusieurs victimes
m’ont raconté qu’elles se croyaient en sécurité avec leur agresseur alors que
ce n’était pas le cas. Elles remettent donc en question leur discernement.
Sachez que les agresseurs sexuels sont de fins manipulateurs et qu’il est
bien difficile de deviner leurs intentions. Aujourd’hui adulte, ayez confiance
en vous, car vous seul savez ce que vous voulez et ne voulez pas. Peut-être
craignez-vous tout de même de vous faire à nouveau manipuler dans vos
relations ultérieures sans vous en apercevoir. Cette peur suscitera par
conséquent une plus grande méfiance envers les autres.
La réponse à cette question ne peut pas être unique. Par contre, une chose
est certaine: vous n’en avez pas l’obligation. La question ne devrait donc
pas être de savoir si vous devez en parler à la personne que vous aimez,
mais si vous voulez le faire. Dévoiler cette partie de votre vie vous amènera
sans doute à revisiter des souvenirs que vous n’avez sûrement pas envie de
ressasser. Répondre aux questions de l’autre ne sera peut-être pas aisé non
plus. Toutefois, cela peut être bénéfique, car il pourrait alors mieux
comprendre certains de vos sentiments et comportements. Gardez en tête
que la réaction de l’être aimé peut ne pas être celle que vous attendiez. Vous
pourriez être déçu en premier lieu face à son incrédulité, par exemple.
Celle-ci peut réveiller une vieille blessure en vous si vos proches ne vous
ont pas cru lorsque vous leur avez révélé que vous aviez été agressé
sexuellement. La tristesse peut laisser place à la colère que vous n’avez
peut-être pas pu exprimer à l’époque. Soyez conscient du fait que ce n’est
pas à votre partenaire que vous en voulez en tant que tel, mais plutôt aux
premiers adultes à qui vous vous êtes confié par le passé et qui ne vous ont
pas cru, comme vos parents, tandis que vous étiez enfant. Songez au fait
que cela vous a pris du temps pour être là où vous êtes dans votre
cheminement. Votre partenaire a aussi besoin de temps pour intégrer cette
partie de votre vécu et vous soutenir par la suite.
Il m’est arrivé de recevoir dans mon bureau des couples dont une des
deux personnes avait été agressée sexuellement et souhaitait le dire à son
partenaire en présence d’un thérapeute qui puisse récupérer la situation et
les accompagner dans un cheminement. La souffrance peut être grande
également pour votre partenaire qui apprend que la personne qu’il aime a
vécu des choses si difficiles. Votre partenaire peut en outre aller chercher de
l’aide s’il en ressent le besoin, car vous ne serez peut-être pas en mesure
d’accueillir sa peine.
Un pas en avant
S’affronter soi-même
Le premier travail à faire est sur vous-même, avant même de penser à
travailler sur vos relations avec les autres. Tout d’abord, il vous faut éviter
d’accorder trop d’importance à ce que les autres pensent. Ayez confiance en
votre jugement, en vos perceptions; si vous n’êtes pas sûr, jouez de
prudence. Peut-être que certaines personnes vous considéreront comme trop
prudent, trop méfiant, mais qu’à cela ne tienne! La première personne avec
qui vous devez établir une relation de confiance est vous-même. C’est le
plus beau cadeau qui soit et, ensuite, personne ne pourra vous l’enlever.
Se faire confiance est essentiel, mais ça n’enlève pas nécessairement les
peurs dans vos relations interpersonnelles: peur d’être rejeté, peur d’être
trahi ou utilisé. Vous avez tenté de raisonner vos peurs par le passé et ça n’a
pas marché? C’est tout à fait normal, car les peurs ne se raisonnent pas;
elles se vivent et se ressentent. Il n’est pas toujours possible de se
débarrasser de ses peurs, mais on peut les réduire. Je vous suggère, pour ce
faire, de vous y exposer. Être confronté à vos peurs vous fait peur? Bien sûr.
Nous débuterons donc par un affrontement imaginaire. En premier lieu,
écrivez une liste de vos peurs: la peur de rencontrer de nouvelles personnes,
la peur de dire non, la peur d’être ridiculisé, la peur d’être à nouveau
agressé, etc. Puis classez vos peurs de la plus légère à la plus intense.
Commencez l’exercice avec votre peur la moins intense. La première fois,
accordez-vous 45 minutes. Assurez-vous de ne pas être dérangé ni bousculé
par le temps. Idéalement, vous devriez n’avoir rien à faire d’important après
votre séance, sauf prendre soin de vous. Faites d’abord l’exercice de
relaxation présenté au chapitre 1. Cela devrait vous prendre de 20 à 30
minutes. Par la suite, gardez les yeux fermés et imaginez que vous vous
trouvez avec des gens dans une situation qui vous fait ressentir votre peur la
moins intense. Par exemple, vous craignez de ne pas être en mesure de
prendre la parole dans un groupe d’échange. Visualisez-vous dans ce
groupe. Prenez le temps de voir dans votre tête toutes les personnes qui en
font partie. Entendez-les parler, voyez-les interagir. Puis pensez à la
personne la plus facilitante du groupe. Regardez-la. Lorsqu’elle vous
retourne votre regard, parlez-lui. Elle vous écoute, vous regarde. Vous avez
son attention. Peu à peu, votre nervosité s’en va. Vous discutez un peu. Vous
vous sentez bien. Vous la remerciez pour votre échange et vous la quittez.
Tranquillement, vous videz votre esprit et vous ne faites que des
respirations lentes et profondes. Vous pouvez terminer l’exercice en
imaginant quelque chose d’apaisant pour vous, un paysage ou un animal,
par exemple. Lorsque vous êtes calme, ouvrez les yeux et reprenez
tranquillement contact avec ce qui vous entoure. Vous avez passé de 5 à 10
minutes à visualiser la situation et à la vivre en imagination. Puis encore
cinq minutes à retrouver votre calme en respirant profondément et en
visualisant quelque chose de serein. Peu importe le scénario que vous
choisirez, visualisez toujours une aide qui s’offre à vous, quelque chose qui
vous fait avancer, que ce soit une personne, un contexte ou un endroit. Vous
pouvez répéter l’exercice deux ou trois fois par semaine jusqu’à ce que
vous vous sentiez rassuré. En commençant par la peur la plus légère, vous
reprenez confiance en votre capacité à faire face aux défis et à les relever.
Quand vous vous sentez prêt, vous pouvez faire le même exercice
d’exposition, en imagination, avec la deuxième peur. Plus vous avancez
dans vos peurs, plus je vous recommande d’en discuter avec un thérapeute
qui saura vous accompagner dans votre démarche.
Faire confiance n’est certes pas facile, mais c’est essentiel dans une
relation personnelle, qu’elle soit amicale ou amoureuse. Avant de faire
confiance, ayez d’abord confiance en vous. C’est un long processus, mais
vous pouvez y arriver, un pas à la fois.
Chapitre 5
Apaiser l’anxiété
L
’anxiété est une des conséquences les plus fréquentes chez les
victimes d’agression sexuelle et aussi une des plus durables. Une
des manifestations les plus courantes de l’anxiété chez une victime
est la peur que l’agression se reproduise. La victime a alors tendance à
éviter les personnes, les lieux ou les situations qui lui font penser à
l’agression.
Heureusement, il est rare que l’anxiété soit présente en permanence;
sinon, ce serait rapidement invivable. Elle survient comme une bouffée, à
des moments où vous ne vous y attendez pas forcément. Si vous y songez,
elle se manifeste surtout s’il y a quelque chose qui vous rappelle l’agression
sexuelle, que ce soit un événement, une personne, un objet, un lieu, une
odeur, un bruit ou une situation. Ce lien n’est, par contre, pas toujours
conscient. En effet, plusieurs victimes ont enfoui dans leur mémoire une
partie des faits entourant l’agression sexuelle. Les réactions d’anxiété
agissent alors comme un rappel, une évocation; le corps, lui, n’a pas oublié.
L’anxiété vous maintient dans un état d’hypervigilance continuel. Même si
c’est épuisant, cela a pour fonction de vous protéger.
Lorsque des symptômes d’anxiété se manifestent, c’est comme une
sonnette d’alarme qui vous met en garde et vous conseille de vous protéger.
Il n’est donc pas aisé de s’en départir, car même si elle est difficile à vivre,
il s’agit d’une alliée de taille pour plusieurs, un peu comme un ange
gardien…
Être agressée sexuellement par votre père a affecté bien des sphères de
votre personne. Alors qu’il devait vous protéger, prendre soin de vous et
établir une relation de confiance avec vous, il vous a manipulée et agressée.
Il a rendu difficiles, pour longtemps, vos relations avec les hommes. Vous
êtes très courageuse d’avoir surmonté ces épreuves. Même si c’est difficile
pour vous, gardez en tête que tous les hommes ne sont pas des agresseurs.
Plusieurs sont même des protecteurs. C’est en créant des relations avec des
hommes protecteurs que, petit à petit, vous arriverez à avoir moins peur.
Observez les hommes autour de vous. Allez-y doucement et soyez à
l’écoute de votre petite voix intérieure. Le conjoint d’une amie, que vous
rencontreriez avec elle, pourrait être un bon départ. Recherchez la
compagnie d’hommes protecteurs, à l’écoute, doux et sensibles. Ils existent.
Évitez de vous retrouver seule avec un homme dans un premier temps et
misez sur l’amitié plutôt que sur l’amour ou la sexualité pour commencer.
Lorsque vous vous sentirez à l’aise avec des hommes sur les plans social et
amical, vous pourrez songer aux relations amoureuses. Sachez cependant
que vous risquez de ressentir alors de l’anxiété. Il sera toujours temps
d’aller chercher de l’aide professionnelle.
Un pas en avant
Faire de son anxiété une alliée
Il vous faut d’abord comprendre que votre anxiété joue un rôle important.
Ne l’invalidez pas en vous disant qu’elle n’a pas sa raison d’être; au
contraire, elle est là pour vous protéger, comme nous l’avons déjà
mentionné. Plutôt que de chercher à la combattre, essayez de la
comprendre. Contre quoi ou contre qui vous met-elle en garde? Pour
quelles raisons? Être à l’écoute de votre anxiété et de ce qu’elle a à vous
dire l’apaisera. Prenons un exemple. Vous travaillez pour une grosse
compagnie et la présence d’un collègue vous indispose. Il prend beaucoup
de place, fait souvent des blagues déplacées. Bref, quand vous le voyez
s’approcher de vous, vous avez des palpitations et des sueurs. Si vous allez
aux toilettes vous asperger le visage d’eau et prenez des respirations avant
de retourner à votre travail et que, malgré tout, en sa compagnie, votre
anxiété revient, c’est que, de toute évidence, elle vous dit de vous méfier de
cet homme, que votre cerveau perçoit comme une menace potentielle. Vous
agresserait-il sexuellement? Peut-être que oui, peut-être que non.
L’important ici est de vous adresser à vous-même: «Je sais ce que tu essaies
de me dire. Tu veux me mettre en garde contre ce collègue. Ne t’inquiète
pas. Je ne me retrouverai jamais seule en sa présence. Je suis entourée de
collègues gentils et mon patron est à l’écoute.» Reconnaître le message et le
valider pour ensuite le mettre en perspective devrait considérablement vous
aider. Si ça ne suffit pas à diminuer votre anxiété ou encore si, malgré la
baisse d’anxiété, vous ressentez toujours un malaise en la présence de ce
collègue, il serait toujours opportun de lui dire, avec une ou deux autres
personnes à vos côtés qui vous appuient, que vous n’appréciez pas ses
blagues douteuses et que vous aimeriez qu’il n’en fasse plus en votre
présence. Ici, vous reprenez du pouvoir sur une situation qui vous dérange.
C’est un pas important dans la bonne direction. Bien des gens fanfaronnent,
mais lorsqu’ils sont confrontés à leurs comportements, ils se calment. Si ça
ne marche pas, il sera toujours temps de vous adresser à votre supérieur
pour lui faire part de votre malaise face aux blagues de votre collègue, qui
importunent peut-être d’autres membres du personnel.
Il est donc à retenir que, peu importe la manifestation de l’anxiété, qu’il
s’agisse ou non d’une attaque de panique, une fois les symptômes apaisés, il
vous faut repérer les déclencheurs; écouter vos peurs plutôt que les
banaliser; avoir un discours rassurant envers vous-même quant à votre
connaissance du danger potentiel et des mesures que vous prenez pour vous
protéger; et, si ça ne suffit pas, mettre en place des mesures pour assurer
votre protection. Parfois, les déclencheurs vous ramènent de manière
tellement intense dans le passé en vous faisant perdre contact avec la réalité
qu’il vaut mieux consulter un professionnel qui saura vous aider.
Vous avez travaillé fort pour atteindre un certain équilibre émotionnel
dans votre vie. Autant que possible, préservez la stabilité que vous avez
réussi à mettre en place. Évitez les situations stressantes qui mènent à des
montagnes russes émotives! Plus votre vie sera stable, moins les crises
d’anxiété devraient survenir. Cela ne signifie pas que vous ne devez pas
relever de nouveaux défis. Tout est une question de juste milieu. La
différence entre un stress et un défi: le stress mine votre énergie, alors que
le défi vous apporte un carburant pour avancer et accomplir de belles
choses.
Cette quiétude, elle n’appartient qu’à vous. Cet endroit, c’est votre
sanctuaire. Vous pouvez y revenir quand vous voulez vous ressourcer.
Quand vous êtes prêt, quittez ce lieu paisible pour reprendre tranquillement
contact avec la pièce où vous vous trouvez. Ouvrez doucement les yeux.
Prenez votre temps. Vous pouvez aussi boire un peu d’eau pour mieux
réintégrer l’ici et maintenant.
Même s’il peut être tentant de chercher à dominer votre anxiété, ce n’est
pas la meilleure chose à faire. Essayez plutôt de la comprendre et d’avoir à
votre égard une attitude bienveillante.
Chapitre 6
Canaliser la colère
L
a colère est une émotion généralement mal comprise et peu
appréciée; elle dérange. C’est pour cette raison que plusieurs
personnes veulent se débarrasser de leur colère. En fait, elle est
légitime, comme n’importe quelle émotion. Elle n’a donc pas à être
enrayée. Il faut cependant baliser le comportement qui peut en découler, car
c’est lui qui peut devenir problématique et non l’émotion en elle-même.
Avoir été victimisé amène une grande tristesse, souvent masquée par la
colère. La colère sert d’armure. Ressentir de la colère envers votre
agresseur est tout à fait normal et il peut aussi vous arriver d’avoir envie de
vous venger, sans nécessairement passer à l’acte. Entretenir ce sentiment
peut par contre devenir destructeur. En effet, vous entretenez alors des
pensées négatives, ce qui vous empêche de voir le positif autour de vous.
Votre énergie se concentre sur l’autre plutôt que sur vous. Votre agresseur
ne mérite pas toute cette énergie que vous lui consacrez. Il vous en a assez
pris, non? La pensée de vengeance peut vous donner l’impression de
rééquilibrer les choses, du moins en imagination. Votre agresseur souffre
autant qu’il vous a fait souffrir. Mais lorsque vous imaginez sa souffrance
en comparaison de la vôtre, c’est encore vous qui demeurez pris avec cette
souffrance. Pas lui.
Denis, 55 ans, consulte pour les agressions sexuelles que lui a fait subir
l’entraîneur adjoint de son équipe de hockey lorsqu’il avait entre 10 et 12
ans. Deux autres garçons ont été agressés par cet homme. Aujourd’hui
adulte, Denis en veut à l’entraîneur de ne pas les avoir protégés: il aurait
dû savoir, selon lui. Il ressent de la colère envers ses parents qui n’ont
pas compris quand il disait qu’il n’aimait pas cet adjoint. Ils lui
répondaient qu’il était exigeant, pour son bien, que c’était un bon père de
famille ayant à cœur la réussite des jeunes qui lui étaient confiés. Denis
en veut au concierge qui a un jour été témoin d’une agression et qui a
refermé la porte, sans dire un mot. Pour lui, sa vie aurait été
complètement différente si quelqu’un, un adulte, l’avait écouté, l’avait
aidé. Les relations avec ses parents ont toujours été difficiles et il ne s’est
jamais réconcilié avec son père, même à sa mort.
Denis n’en veut pas seulement à son agresseur, mais aussi aux adultes en
qui il avait confiance. Peut-être vous êtes-vous reconnu dans son histoire.
Ce qui est particulièrement triste dans les histoires d’agression sexuelle,
c’est que plusieurs relations sont détruites à cause des gestes commis par
une seule personne… des relations passées, mais également présentes et
futures. En effet, comment construire des relations sur des bases de
confiance alors que l’agression a justement pu avoir lieu en raison de cette
confiance!
Plusieurs raisons peuvent expliquer votre colère. À travers les abus, on a
profité de votre bonté, on vous a utilisé. Vos limites ont été transgressées.
On ne vous a pas respecté, on a menacé votre intégrité. Vous avez beaucoup
perdu: votre innocence, votre confiance en l’autre et en la vie, votre
capacité à vous affirmer, votre intimité. Encore aujourd’hui, vous en
subissez les répercussions dans votre vie professionnelle, vos relations
amicales, votre vie familiale, votre vie amoureuse et intime. Lorsque vous
rencontrez des difficultés que vous pouvez relier au fait d’avoir été agressé
ou encore lorsque vous entendez parler d’histoires d’abus dans l’actualité
ou par une autre victime, il est bien normal que vous ressentiez de la colère.
Pourtant, la colère est ce qu’on appelle une seconde émotion, c’est-à-dire
qu’elle en camoufle une autre, plus primaire, comme la tristesse et la peur.
Bien des personnes qui m’ont consultée expriment beaucoup de colère dans
les premières séances, puis, peu à peu, grâce au lien de confiance établi,
elles peuvent se permettre de laisser tomber la carapace et de toucher à
l’émotion réelle, la tristesse. Alors, elles pleurent… Elles pleurent leur
enfance, les pertes liées aux abus, et peuvent alors commencer un processus
de deuil, avant d’emprunter le chemin de la guérison.
Les manifestations de la colère
La colère peut se manifester sous différentes formes. Elle est parfois
explosive, surtout si vous l’avez retenue pendant une longue période. Lors
d’abus sexuels vécus dans l’enfance, il n’est pas rare que l’enfant ne puisse
exprimer sa colère, par crainte de représailles.
Justin a neuf ans. Lorsqu’il était en première année, il était souvent puni.
Il se chamaillait avec les autres, allant parfois jusqu’à leur donner des
coups de poing au visage et au ventre. Il a même craché au visage de son
enseignant plusieurs fois. Croyant bien faire et souhaitant surtout que les
comportements agressifs de Justin cessent, les intervenants de l’école
ainsi que ses parents ont eu recours à un nombre incalculable de
punitions allant du retrait du groupe à la privation de privilèges et de
sorties, en passant par les réprimandes; rien n’y faisait. Lorsque Justin a
eu huit ans, ses parents ont consulté un thérapeute pour qu’il lui vienne
en aide. Ce thérapeute faisait bien peu de cas des comportements
problématiques du garçon. Ce qui l’intéressait d’abord et avant tout,
c’était la raison de cette rage qu’exprimait Justin. Il a été difficile de
gagner la confiance de Justin, mais le thérapeute était patient. Il a
demandé qu’on cesse les punitions. Justin était surpris de ne plus avoir
de sanction. Ses comportements agressifs ont diminué. Tout à coup, il
avait l’impression qu’on s’intéressait à lui, qu’il était aussi capable de
belles choses. Avec le temps, Justin s’est confié au thérapeute. Il avait été
agressé sexuellement par son oncle à quelques reprises. Il gardait le
silence pour ne pas briser la famille. C’était lourd à porter. Il exprimait
donc sa souffrance par des comportements agressifs. Après un an de
thérapie, Justin va bien. Lui et sa famille sont très reconnaissants envers
le thérapeute.
Un pas en avant
La colère d’avoir été agressé est bien légitime. Dans l’aide que je souhaite
vous apporter, je me pencherai donc davantage sur les cibles de votre colère
ainsi que sur ses manifestations.
1. Consacrez une page à la colère que vous ressentiez lorsque vous étiez
enfant. Aviez-vous le droit d’être en colère? Comment les adultes
réagissaient-ils à votre colère? Étiez-vous puni pour vous être mis en
colère? Si c’était le cas, comment vous sentiez-vous? Les punitions ont-
elles eu une influence sur vos colères? Si oui, laquelle? Au contraire, un
adulte a-t-il encouragé votre agressivité en vous disant, par exemple, de
vous battre pour vous faire respecter? A-t-on glorifié la violence dans
votre enfance? En général, on reconnaît que l’enfant qui a été puni
régulièrement pour s’être mis en colère aura tendance à la refouler, pour
éviter les punitions. Si au contraire on l’a encouragé à être agressif, son
agressivité s’en trouvera bien sûr accrue. Lorsqu’on y regarde de près,
dans un cas comme dans l’autre, aucun outil n’a été donné à l’enfant
pour accueillir sa colère et l’exprimer sainement. On l’a soit découragée,
soit amplifiée. Dans un deuxième temps, sur une autre page, réfléchissez
à la façon dont vous gérez actuellement votre colère. Quels moyens
utilisez-vous? Vous aident-ils? Que pourriez-vous mettre en place?
2. La rédaction de lettres est un exercice à la fois difficile et bénéfique.
Dans un premier temps, écrivez une lettre à vos parents, s’ils ne sont pas
vos agresseurs, ou au parent non agresseur, si l’autre vous a agressé
sexuellement. Exprimez vos pensées, vos émotions, vos besoins qui
n’ont pas été satisfaits, vos attentes non comblées, etc. L’objectif même
est de vous vider le cœur, sachant que la lettre ne sera pas lue, car vous
ne la leur enverrez pas. Cette lettre a uniquement un but thérapeutique,
pour vous aider dans votre cheminement. Si jamais vous souhaitiez
l’envoyer, je vous recommande de la faire lire à un thérapeute qui pourra
vous guider et s’assurer que vous assumez pleinement vos dires et que
vous êtes conscient des possibles retombées.
3. Vous pouvez écrire une autre lettre à votre agresseur. Encore une fois, le
but premier est de vous aider dans votre cheminement en vous
permettant de dire tout ce que vous avez sur le cœur, vos peines, vos
colères, les répercussions que ses actes ont eues et ont encore sur votre
vie. Cet exercice est très libérateur. Si jamais vous vouliez lui envoyer la
lettre, là encore, je vous recommande fortement de la faire lire à un
thérapeute qui vérifiera si vos paroles ne risquent pas d’être prises pour
des menaces, ce qui pourrait vous causer des ennuis.
B
ien se connaître, apprendre à s’aimer et à s’affirmer sainement sont
le travail d’une vie entière. Qu’on ait été victime d’agression
sexuelle ou non, ces enjeux sont présents chez beaucoup d’entre
nous. Il est donc important de demeurer réaliste quant aux exigences que
vous aurez envers vous-même. Trop d’exigences nuit à l’estime de soi, ne
l’oubliez pas!
Mieux se connaître
L’identité est ce qu’on est en tant que personne, en tant qu’homme, en tant
que femme. Elle est forgée de vos forces comme de vos faiblesses, de vos
pensées, de vos émotions, de vos besoins, de vos attentes, de vos désirs.
Pour beaucoup de personnes ayant été agressées sexuellement, il n’y a pas
que le corps qui a été souillé, il y a aussi l’identité. Si c’est votre cas, vous
avez le sentiment d’avoir été violé jusque dans votre être, profondément.
L’agresseur vous a amené à douter de vous-même, de vos pensées, de vos
émotions, de vos besoins. Cette manipulation vous conduit peut-être encore
aujourd’hui à remettre en question votre propre identité. Il vous arrive
probablement de minimiser, voire de nier, vos besoins. Cette dévalorisation
de votre être peut se manifester par une certaine négligence de votre
apparence. Après tout, l’allure qu’on a n’est pas importante, c’est
superficiel, vous dites-vous. Mais cela peut aussi être le miroir de votre être.
Cette apparence négligée est le reflet du peu d’importance que vous
accordez à votre personne, à votre être.
Pour que votre estime de vous-même ne soit pas trop malmenée, il vous
faut prendre certaines précautions. Tout d’abord, voyez vos faiblesses
comme des défis à relever, et non comme des difficultés insurmontables.
Acceptez vos pensées et vos émotions, sans vous laisser victimiser par elles.
Si vous êtes un homme, ne vous croyez pas moins masculin si vous avez été
agressé par un homme. Si vous êtes une femme, ne refusez pas votre
féminité parce que vous avez été agressée. Plutôt que d’être passif face à ce
qui se passe en vous et autour de vous, faites corps avec votre identité pour
embrasser ce que vous êtes, en sachant que chaque partie de votre vie a
contribué à façonner la personne que vous êtes devenue.
Apprendre à s’affirmer
Il est bien ardu de s’affirmer lorsqu’on a de la difficulté à s’aimer.
S’affirmer signifie être capable de communiquer ses désirs, ses besoins et
ses limites aux autres, de manière respectueuse. Avoir été victime
d’agression sexuelle conduit souvent à adopter une attitude soumise dans
les relations interpersonnelles, par manque d’estime de soi, mais aussi par
peur de perdre l’autre. Cette peur d’être rejeté ou abandonné rend
l’affirmation personnelle difficile. Certaines personnes sont incapables de
dire non. Elles ont peur de déplaire. D’autres ont du mal à fixer leurs
limites. Encore faut-il qu’elles les connaissent et les considèrent comme
justes. La difficulté à se connaître et se reconnaître prend tout son sens ici.
Ne vous demandez pas quelles sont vos limites, mais plutôt si vous avez des
limites. Peut-être êtes-vous surpris de vous entendre répondre
spontanément: «Non.» Les limites se matérialisent d’abord dans nos
frontières corporelles. Comme l’agresseur les a franchies, il vous a amené à
les laisser tomber. Ainsi, pour la plupart des victimes passées, il est très
difficile d’avoir des limites et de les affirmer. D’autres, par contre, se sont
construit une barrière très épaisse avec les gens qui les entourent. L’intimité
physique est alors compromise, puisqu’il est pratiquement impossible pour
les autres de les approcher sans qu’elles se sentent menacées. Si la barrière
est grande, les limites sont aussi très importantes. Il est tentant de s’affirmer
sur tout et parfois même de dicter notre façon de voir les choses. Pour
l’entourage, cela peut être vu comme de la domination. Pas facile, dans ce
cas, de développer et de maintenir des amitiés.
Une difficulté à se réaliser… pourquoi?
Se connaître et se reconnaître, s’aimer, s’affirmer… tout cela amène à
s’accomplir! Mais des failles dans les étapes conduisant à
l’accomplissement rendent ce dernier difficile. Il est aisé de comprendre
que lorsqu’on a une faible estime de soi et un manque de confiance en soi,
le rendement au travail est diminué, les ambitions professionnelles sont
moindres, les réalisations ne sont pas à la hauteur des attentes. Ainsi,
plusieurs victimes se sentent anxieuses et incompétentes dans leur emploi,
inaptes à exercer certaines fonctions. Elles peuvent même aller jusqu’à faire
de l’autosabotage, sans s’en rendre compte; tout cela parce que leur
évaluation d’elles-mêmes et de leurs actions est assez négative.
Tout d’abord, personne ne sait mieux que vous les difficultés que vous avez
traversées. Cependant, il est inutile de rester plongé dans la souffrance
passée au cas où quelqu’un jugerait votre gaieté et vos réussites. Vous avez
le droit d’être heureux et d’aller de l’avant. Les agressions passées ne
s’effaceront pas. Elles sont un chapitre du grand livre de votre vie. Elles
peuvent même être toute une partie de votre biographie, mais il y a une
suite à votre histoire. Bien sûr, la suite est influencée par ce qui vous est
arrivé précédemment. Et si, aujourd’hui, vous poursuiviez l’écriture de
votre biographie, que souhaiteriez-vous pour votre personnage principal?
Erreurs fréquentes
Se connaître, s’aimer et s’affirmer sont des étapes sur un long chemin
parsemé d’erreurs. Une erreur fondamentale est de diviser les gens en deux
camps: les gentils et les méchants. Ainsi, si vous avez une mauvaise image
de vous-même, vous vous cataloguerez automatiquement dans le camp des
mauvaises personnes. Il peut devenir difficile d’être une bonne personne à
vos yeux. Essayez plutôt de vous voir comme une personne entière, avec
ses forces et ses défis, sans vous accoler un qualificatif de «bonne» ou de
«mauvaise» personne.
Poser un jugement négatif sur vous-même et votre comportement lors de
l’agression sexuelle est une erreur importante qui peut prendre deux formes.
Dans un premier temps, il vous est peut-être arrivé de vous blâmer pour ce
qui était arrivé en oubliant comment les choses s’étaient réellement
produites.
Il est clair ici que Corinne n’a rien à se reprocher. Elle s’en veut pour
quelque chose qu’elle n’aurait pu prévoir, à savoir les intentions de son
patron. Non seulement elle a été agressée, mais en plus elle a depuis perdu
ses collègues et un avancement professionnel auquel elle tenait. L’image
qu’elle a d’elle-même l’empêche de s’accomplir comme elle l’aurait
souhaité.
Dans un deuxième temps, il pourrait être tentant pour vous de croire que
le contexte entourant l’agression sexuelle aurait été différent si vous aviez
agi autrement. Par exemple, plusieurs adultes qui me consultent regrettent
de ne pas avoir dénoncé plus tôt leur agresseur qui s’en est pris à d’autres
enfants dans la famille. Il est triste mais vrai de dire que bien des enfants
qui dénoncent ne sont pas crus par l’entourage. Donc, rien ne dit que votre
dénonciation aurait empêché les agressions de se reproduire sur vous et sur
d’autres enfants. De plus, vous en vouloir équivaut à prendre une part de la
responsabilité des actes commis par quelqu’un d’autre, ce qui mine
considérablement votre estime de vous-même et qui, de plus, est injustifié.
Seul l’agresseur est responsable de ses actes.
Finalement, le manque d’estime de soi peut mener à un sentiment
d’obligation important. Dans votre discours, il y a peut-être de nombreux
«il faut» ou encore «je dois». Certes, vous avez des obligations comme tout
le monde, mais ne vous en mettez-vous pas davantage que ce que vous avez
réellement? Ces obligations vous empêchent-elles de vous épanouir, de
vous sentir libre? À force de vous couper les ailes, il vous sera difficile de
prendre votre envol et de vous accomplir comme vous le méritez…
Un pas en avant
Capitaliser sur ses forces
Apprendre à se connaître et à se reconnaître est un défi de tous les instants.
Si vous avez été agressé sexuellement alors que vous n’étiez qu’un enfant,
vous traînez des séquelles qui affectent votre estime de vous-même depuis
longtemps déjà. Il importe, en premier lieu, de cesser de voir le verre à
moitié vide et de commencer à le voir à moitié plein. En d’autres termes,
arrêtez de vous concentrer sur vos défauts pour prendre conscience de vos
forces. Celles-ci existent bel et bien, elles aussi, à l’intérieur de vous-même.
Elles peuvent être d’ordre physique (un atout particulier), d’ordre
psychologique (une qualité) et d’ordre relationnel (la communication, la
présence de personnes de confiance autour de vous), etc. L’important est de
capitaliser sur vos forces. Ça n’effacera pas vos lacunes, mais vous serez
davantage à même de vous apprécier. Si l’envie vous prend de formuler un
commentaire négatif sur vous-même, sur quelque chose que vous avez fait
ou non, assortissez ces mots d’un «peut-être» ou d’un «parfois». Cela vous
amènera à relativiser la teneur de vos propos. Si vous vous dites: «Je suis
incapable de dire ce que je pense», vous pourriez dire à la place: «J’ai peut-
être de la difficulté à dire ce que je pense.» Ou encore, si vous pensez que
vous êtes toujours en train de vous plaindre de la moindre chose, vous
pourriez vous dire: «J’ai parfois tendance à me plaindre plutôt qu’à agir.»
Vous connaissez vos lacunes; il ne sert à rien de vous faire croire qu’elles
n’existent pas. Par contre, vous pouvez les nuancer. Comme nous l’avons
dit précédemment, vous avez peut-être tendance à voir les choses comme
étant le tout et son contraire. Nuancer vous permet de mettre les choses en
perspective et, ainsi, une lacune peut devenir beaucoup moins importante et,
même, s’avérer être une qualité par moments. Par exemple, se plaindre de
tout et de rien peut être irritant pour vous et les autres, mais si vous vous
plaignez parfois, cela signifie que vous êtes capable d’avoir une opinion et
que vous avez suffisamment confiance en vos opinions pour les dire à voix
haute. C’est un pas vers l’affirmation de soi.
S’affranchir du blâme
Pour développer ou retrouver l’estime de soi, il vous faut remettre la
responsabilité de l’agression sexuelle à la bonne personne, à l’agresseur en
l’occurrence. Si vous étiez enfant à l’époque, vous ne pouvez pas vous
juger avec vos yeux d’adulte. On oublie trop souvent ce qu’est un enfant,
ses pensées, ses émotions, ses comportements. Je vous recommande donc
d’observer des enfants qui ont l’âge que vous aviez lorsque vous avez été
agressé. Prêtez attention à leur joie de vivre, à leur innocence, à leur
générosité et, surtout, à leur vulnérabilité. La plupart, fort heureusement, ne
pensent pas qu’un adulte pourrait leur vouloir du mal. Pourriez-vous les
blâmer si un adulte commettait des gestes de nature sexuelle envers eux?
Bien sûr que non! Pensez à l’enfant que vous étiez en ces termes. Vous
pourriez ressortir une photo de vous alors que vous étiez cet enfant.
Reconnaissez la beauté et la bonté qu’il incarnait. Aimez-le
inconditionnellement. C’est ainsi que vous pourrez aimer l’adulte qu’il est
devenu…
Prendre soin de soi
S’aimer, c’est prendre soin de soi. En même temps, pour prendre soin de
soi, il faut une bonne estime personnelle. Par quel bout commencer? Si
vous avez de la difficulté à vous estimer, il vous sera plus facile de vous
conditionner à prendre soin de vous que de retrouver rapidement votre
estime personnelle. Prendre soin de soi peut sembler difficile à concevoir,
car encore faut-il croire qu’on le mérite. Le bonheur ne se mérite pas; nous
y avons tous droit. Si vous en doutez, commencez par vous répéter cette
phrase le plus souvent possible: «J’ai le droit d’être heureux et je choisis de
l’être.» Vous n’y croirez peut-être pas au début, mais cette phrase, à force
d’être répétée avec tout votre cœur, fera son chemin dans votre esprit et
vous en serez de plus en plus convaincu. Une fois persuadé que le bonheur
est fait pour vous, il est temps de faire ce qui est en votre pouvoir pour vous
faire plaisir, du moins dans votre quotidien. Concrètement, prendre soin de
soi, c’est se donner des plaisirs qui peuvent être des activités de loisir, des
moments de détente ou de petites récompenses. Vous êtes capable de vous
faire plaisir même si vous avez un budget limité. Aller marcher ou nager,
emprunter un livre à la bibliothèque, faire des jeux dans un cahier
d’activités, dessiner, suivre une télésérie, aller voir une exposition au
musée, chanter et danser sur votre musique préférée; bref, je suis certaine
que vous ne manquerez pas d’idées si vous vous y mettez. Prendre soin de
vous, c’est donc vous occuper de votre bien-être physique, mais aussi de
votre santé mentale et émotionnelle. C’est consulter un thérapeute
compétent qui pourra vous aider à voir plus clair dans votre vie et à faire le
ménage de votre passé. C’est également vous entourer de personnes qui
vous font du bien et espacer, voire cesser, les contacts avec celles qui vous
blessent et vous causent du tort. Finalement, c’est faire des choix éclairés en
ayant en tête que votre sécurité et votre bien-être sont une priorité.
Lorsqu’elle est prête, vous pouvez retranscrire cette liste sur une feuille
que vous collerez dans un endroit stratégique de votre domicile, afin que
vous puissiez la lire souvent et qu’elle s’imprègne en vous. Vous verrez!
Sans trop vous en apercevoir, vous changerez d’attitude face à vous-même
et face à votre vie… pour le mieux!
6. Lorsque votre identité est en voie d’être consolidée, que vous apprenez
à vous aimer, il est plus aisé de vous affirmer. Il s’agit d’une étape
cruciale pour vous affranchir de votre passé. Tout d’abord, répondez aux
questions suivantes:
• Dans quels contextes est-il difficile de m’affirmer? Pour quelles raisons?
• Face à quelles personnes ou à quels types de personnes est-il difficile de
m’affirmer? Pourquoi?
• Quels liens puis-je faire avec l’agression sexuelle que j’ai subie dans le
passé?
Ce sera plus facile à lire qu’à mettre en pratique, mais au besoin récitez
calmement cette phrase: «L’agression sexuelle appartient au passé. Il
m’appartient de la laisser là où elle est et de ne plus la voir sous les traits de
situations ou de personnes dans ma vie actuelle.» Méditez sur cette phrase.
Victime, vous ne pouviez vous affirmer face à votre agresseur. Survivant, il
vous est difficile de vous affirmer dans de nouveaux contextes ou face à des
personnes autres que l’agresseur. Mais alors que vous choisissez de vivre
après avoir survécu, vous savez que vous affirmer, c’est d’abord et avant
tout vous aimer; vous aimer suffisamment pour faire de vous-même et de
votre bien-être… une priorité! Maintenant, réfléchissez aux contextes et aux
gens avec qui il vous est plus facile de vous affirmer. Qu’ont-ils en
commun? Et vous, en quoi êtes-vous différent? Vous pouvez chercher à
comprendre ce qui est différent chez l’autre, mais vous avez peu de pouvoir
sur ces changements. Par contre, reconnaître ce qui fait de vous une autre
personne, plus confiante, plus affranchie, dans certains contextes, vous
permettra de miser sur ce potentiel, car dites-vous bien que si vous arrivez à
vous affirmer, c’est que vous en avez la capacité.
7. Parfois, ce qui nous freine, ce sont les attentes que, croit-on, les autres
ont envers nous. En fait, ce sont souvent nos propres attentes que nous
attribuons aux autres. Ces attentes sont-elles légitimes? Réalistes? Il
convient de prendre le temps d’écrire vos attentes envers vous-même
dans une colonne. Dans la deuxième colonne, écrivez en haut
«Légitime» et, dans la troisième colonne, inscrivez en haut «Réaliste».
Lorsque vous aurez fait la liste de vos attentes envers vous-même dans
la première colonne, vous n’aurez qu’à cocher dans la deuxième et la
troisième colonne si vous considérez cette attente comme légitime ou
non, réaliste ou non. Voici un exemple:
Attente Légitime Réaliste
En conclusion, peu importe ce que vous avez vécu comme agression, faire
la paix avec vous-même et vous affirmer sainement, c’est possible.
Chapitre 8
Aimer et se laisser aimer
L
’amour est un état qui peut nous faire vivre des montagnes russes
d’émotions. Certaines victimes d’agression sexuelle recherchent les
hauts et les bas de l’amour, comme une drogue. D’autres ont peur de
laisser tomber leur barrière et de faire confiance à un être aimé. Pour
certains, établir une bonne communication et une connexion émotionnelle
avec leur partenaire sera un défi de taille. Quelles que soient les
répercussions de votre passé sur votre vie amoureuse, ce chapitre vous
fournira des pistes de réflexion et de solution pour apprendre à mieux aimer
et aussi à vous laisser aimer.
La dépendance affective
Être amoureux de l’amour représente bien l’état d’esprit des personnes
souffrant de dépendance affective. Elles sont en quête perpétuelle du regard
de l’autre: un regard rassurant et aimant. C’est dans le regard de l’autre
qu’elles existent. Or, cela leur cause beaucoup d’insécurité, car
l’approbation de l’autre n’est pas constante et ses sentiments peuvent
évoluer. La dépendance affective exprime généralement une grande carence
dans l’amour reçu des parents, ou encore le fait que cet amour a été perçu
comme conditionnel. Une fois adulte, la personne ayant vécu cela a toujours
l’impression qu’elle doit mériter l’amour de l’autre et, ainsi, elle tombe
dans le piège de négliger ses propres besoins pour mettre ceux de l’autre à
l’avant-plan.
L’agression sexuelle subie peut aussi avoir contribué à développer une
dépendance affective. Les gestes d’agression sexuelle étant souvent commis
par une personne que vous connaissez et en qui vous avez confiance, une
confusion entre abus, amour, affection, intimité et sexualité est fréquente.
L’agresseur vous a peut-être même dit qu’il vous aimait. Cela peut vous
amener à accepter l’inacceptable de la part d’un partenaire. Vous voulez
qu’on vous aime et c’est tout à fait normal. Il vous faut par contre chercher
l’amour au bon endroit; à l’intérieur de vous-même pour commencer. Sans
cet amour inconditionnel que vous vous portez, vous serez constamment à
la recherche du regard, de l’approbation et de l’amour de l’autre. Et le prix
à payer pour votre dépendance affective peut être élevé.
Vous vous préoccupez beaucoup de ce que les autres pensent de vous. Vous
mettez la satisfaction des hommes au premier plan, en espérant récolter de
l’amour. Vous-même semblez faire le lien, dans votre témoignage, entre les
agressions sexuelles commises par votre oncle et sa gentillesse par la suite.
Vous reproduisez la même séquence où vous donnez du sexe en espérant
récolter de l’attention de la part des hommes. Vous confondez l’abus, la
sexualité, l’amour et l’affection. Les actes commis par votre oncle vous ont
amenée à voir votre corps comme une monnaie d’échange pour de
l’affection. Dans votre vie actuelle, vous espérez également que cette
affection momentanée se transforme en amour. Pour que les hommes vous
voient comme une personne à part entière, vous devez commencer par vous
voir vous-même de cette façon. Donnez le temps aux hommes de vous
connaître et d’avoir envie de vous fréquenter, plutôt que d’avoir rapidement
des relations sexuelles. Cette attitude ne vous a pas servie jusqu’ici.
L’estime que vous avez de vous-même est proportionnelle à celle que vous
obtenez des autres. Voilà une matière à réflexion intéressante pour revoir
votre rapport aux hommes.
Sarah est en couple avec Stéphane depuis trois mois. Ami de longue date,
il connaît tout son passé, dont les agressions sexuelles que lui a fait subir,
adolescente, son copain de l’époque. Stéphane est patient et attentionné.
Sarah se sent bien et s’ouvre de plus en plus à lui. Elle entrevoit un
avenir avec Stéphane. Ils décident par conséquent de vivre ensemble. Or,
ils en viennent très vite à se disputer sans arrêt. Sarah pose beaucoup de
questions à Stéphane, le texte constamment et s’inquiète de le voir partir.
Plus elle manifeste son insécurité, plus Stéphane la traite de
«contrôlante». Il n’a alors qu’une envie… s’éloigner, pour de bon.
Un pas en avant
Guérir de la dépendance affective
Il n’est pas aisé de se sortir de la dépendance affective, qui résulte de
carences affectives provenant de l’enfance. Dans la section «L’écriture qui
guérit», je vous inviterai à vous pencher sur les raisons de votre dépendance
affective, mais, pour le moment, voici quelques conseils qui pourront vous
aider:
Communiquer et s’entendre
Pour que votre relation de couple perdure, vous devez apprendre à bien
communiquer. Tout le monde communique, mais pas forcément de la bonne
façon. Voici, en rafale, quelques trucs à mettre en application:
Quand je parle…
… je parle de moi et non de l’autre;
… je regarde l’autre;
… je prends le temps de réfléchir, afin que mes propos reflètent bien ma
pensée;
… je parle avec mon cœur et non avec ma tête;
… je garde à l’esprit que l’autre est mon coéquipier et non mon
adversaire.
Quand l’autre parle…
… je suis sur le mode écoute et je m’assure qu’il a terminé avant de parler
à mon tour;
… je le regarde;
… je me rends disponible (je ne pense pas à ce que je vais dire);
… j’écoute avec mon cœur et non avec ma tête;
… je me mets à sa place (c’est une marque d’empathie);
… je me rappelle que nous sommes des coéquipiers et non des
adversaires.
Faire de la place à l’amour dans votre vie n’est peut-être pas facile, mais
aimer et être aimé est un besoin fondamental chez tout être humain. Si vous
avez choisi de combler ce besoin à travers une relation amoureuse saine,
n’oubliez pas qu’elle doit tenir compte à la fois de vos besoins et de vos
limites, et pas seulement de ceux de l’autre.
Chapitre 9
Réapprivoiser sa sexualité
I
l était impossible d’écrire un livre s’adressant aux victimes d’agression
sexuelle sans aborder la dimension sexuelle, car, parmi toutes les zones
d’intimité transgressées, c’est probablement la plus importante, surtout
lorsque les abus ont été subis à un jeune âge. En effet, c’est au cours de
l’enfance que la sexualité prend forme. L’enfant est curieux, pose des
questions et explore son corps, parfois avec d’autres enfants de son âge.
Cela est tout à fait sain et adéquat. Or, certains adultes se servent de cette
curiosité naïve pour satisfaire leurs propres désirs et besoins. En aucun cas,
l’enfant ne peut donner son consentement à une activité sexuelle avec un
adulte, car il n’a ni les connaissances ni la maturité nécessaires pour bien
comprendre ce qui se passe. Si vous avez été agressé alors que vous étiez
enfant, cela a sûrement laissé des séquelles dans votre sexualité, même si
vous n’avez peut-être jamais fait ce lien. Pourtant, l’agresseur n’a pas
respecté vos limites corporelles ni affectives.
Le besoin de se vieillir
Une personne qui a été agressée sexuellement en bas âge peut chercher à
se sentir plus vieille, afin d’échapper à l’enfance et à l’état de vulnérabilité
qu’elle ressent. Vouloir se vieillir peut aussi être une conséquence directe de
l’abus, en ce sens que la victime n’a pas eu d’enfance et s’est vu vieillir trop
vite.
Carl, 40 ans, aime avoir des relations sexuelles avec deux femmes à la
fois. Son plaisir est décuplé par le fait de combler deux personnes.
Martin, 26 ans, adore se vanter auprès de ses collègues au sujet de ses
conquêtes. Il aime raconter qu’il couche avec une fille différente chaque
soir.
Le besoin de séduire
Claudine, 30 ans, n’a des relations qu’avec des hommes mariés. Aussitôt
qu’elle voit une alliance au doigt d’un homme, elle se lance le défi de le
séduire.
L’abus sexuel étant basé sur le pouvoir de l’adulte envers l’enfant, il n’est
pas rare de voir la victime, une fois adulte, chercher à renverser cette
relation en ayant elle-même le pouvoir dans ses relations. C’est ainsi qu’elle
peut aimer conquérir les autres ou éveiller le désir des gens pour elle. Elle
reste par contre maître dans ses rapports.
Le besoin de normalité
Sophie, 45 ans, est mariée depuis 15 ans. Elle a toujours trois ou quatre
relations sexuelles par semaine avec son mari. Elle en retire peu de
plaisir, mais tient quand même à maintenir la cadence.
L’abus sexuel peut causer tant de séquelles que ça peut parfois sembler
irréel. Ainsi, plusieurs victimes souhaitent prouver, autant à elles-mêmes et
qu’à leur entourage, qu’elles n’ont pas été affectées par les agressions.
Avoir une activité sexuelle fréquente peut répondre à ce besoin de
normalité. Si l’autre le croit, alors je le crois aussi!
Le besoin d’affection
L’abus sexuel tourne bien souvent autour des besoins et des désirs de
l’agresseur. Il n’est donc pas rare de voir la victime, une fois adulte, se
concentrer sur le plaisir de ses partenaires et mettre le sien de côté. Si en
plus elle a manqué d’affection, alors le but des rapprochements physiques
est d’abord et avant tout d’obtenir la tendresse qui lui a fait défaut. Cela
peut aussi être le cas si les gestes d’agression sexuelle étaient commis en
même temps que de l’affection était donnée. La victime en vient à associer
sexualité et affection.
Steve a été agressé sexuellement par sa mère jusqu’à l’âge de 14 ans. Ils
ont eu des relations sexuelles complètes. Aujourd’hui, Steve est incapable
de se connecter émotionnellement lors des relations sexuelles avec sa
copine. Il est froid et distant, concentré uniquement sur les sensations
physiques.
Le fait d’avoir une excitation sexuelle n’a rien à voir avec la notion de
consentement. L’excitation sexuelle se manifeste comme une réponse
physiologique à des stimulations d’ordre physique. Même si la tête et le
cœur ne sont pas de la partie, le corps peut ressentir de l’excitation. Chez
l’homme, il faut aussi faire la distinction entre l’orgasme et l’éjaculation.
L’éjaculation est la suite logique de l’érection, où le corps ne fait que
répondre à une stimulation sexuelle, voulue ou non. L’éjaculation peut très
bien survenir sans orgasme. D’ailleurs, bien des hommes qui ont été
agressés sexuellement souffrent, une fois adultes, d’éjaculation sans
orgasme, appelée «éjaculation anhédonique». Chez la femme, il est possible
qu’il y ait une lubrification vaginale lors d’une agression sexuelle. C’est
une réponse physiologique à des stimulations physiques. Que vous soyez un
homme ou une femme, il n’y a pas de honte ni de culpabilité à avoir. Nous
ne maîtrisons pas les réactions de notre corps. Le plaisir sexuel est quelque
chose de bien différent: c’est un tout qui y participe… le corps, la tête et le
cœur. C’est lorsque vous expérimenterez le plaisir sexuel de manière
consensuelle avec une autre personne adulte que vous verrez combien cela
diffère de ce que vous avez vécu lors des abus sexuels.
Daphné, 22 ans, se sent bien différente de ses amies. Elles l’ont invitée
l’autre jour à les accompagner au sex-shop. Daphné a prétexté un
surplus de travail pour refuser. Elle n’ose pas leur dire qu’elle dort en
pyjama, fait l’amour avec les lumières éteintes et ne se montre jamais
complètement nue à son copain. Elle est dégoûtée par son corps. Elle
accepte les avances de son amoureux une fois de temps en temps, par
peur de le perdre.
Claudia a été violée alors qu’elle était adolescente. Elle a vécu cette
agression très difficilement. La peur et l’impuissance ont été les émotions
dominantes. Aujourd’hui, elle aime séduire de façon compulsive. Elle
recherche le regard des hommes, leur attention et fait tout son possible
pour les intéresser, particulièrement ceux qui sont en situation d’autorité
avec elle. Par la suite, elle les décourage et se montre indifférente. Elle
disparaît de leur vie. Elle aime ce sentiment de contrôle et, surtout, leur
déception lorsqu’elle leur annonce qu’il n’y aura pas de suite.
Un pas en avant
Savoir distinguer les besoins sexuels des besoins
affectifs
Tous les êtres humains ont besoin d’affection, d’amour et de
reconnaissance. Cependant, il est préférable d’essayer de répondre à ces
besoins en dehors de la sexualité afin qu’il y ait le moins de confusion
possible entre l’affection et la sexualité. Cette confusion est répandue chez
les victimes d’agression, car les gestes sexuels commis à leur égard sont
souvent présentés comme des marques d’attention et d’affection. Remettre
la recherche de plaisir au centre de l’activité sexuelle crée un contexte plus
favorable pour ressentir du désir. Vous comblez probablement plusieurs
besoins dans votre vie sexuelle. Essayez de les identifier. Assurez-vous
qu’ils sont davantage complétifs que défensifs, c’est-à-dire qu’ils visent
votre épanouissement. Si votre vie sexuelle est inexistante, c’est peut-être
que vous ignorez quels besoins elle pourrait combler. Une réflexion à ce
sujet favoriserait certainement une ouverture chez vous.
Ranimer le désir
Le désir est le moteur de toute activité sexuelle. Il est donc essentiel de le
cultiver, non pas pour faire plaisir à votre partenaire ou encore pour
répondre à des attentes sociales, mais pour votre propre bien-être. Avant
toute chose, vous devez reconnaître et accepter le lien entre vos difficultés
sexuelles actuelles et les agressions sexuelles passées. Je suis consciente
que cela ne se fera pas sans heurt et, au besoin, n’hésitez pas à consulter le
chapitre 6 («Canaliser la colère») et le chapitre 11 («Faire ses deuils»).
Accepter vous permettra peu à peu de vous affranchir d’un passé sexuel
douloureux et vous pourrez vous concentrer sur le présent.
Pour développer votre désir, vous devez faire un travail à la fois cognitif
et affectif. Il vous faut premièrement réfléchir aux croyances que vous
pouvez avoir concernant les rôles sexuels et l’identité sexuelle. Si ces
croyances sont trop stéréotypées, elles vous nuisent parce qu’elles vous
empêchent de trouver votre place à vous. La masculinité et la féminité sont
des concepts difficiles à définir, car il y a beaucoup d’hommes et de
femmes qui ne vivent pas et ne pensent pas tous de la même manière tout en
étant bien dans leur identité sexuelle. Deuxièmement, vous devez connaître
vos valeurs sexuelles, vos désirs et vos besoins, afin de pouvoir choisir des
partenaires sexuels qui soient en harmonie avec la personne que vous êtes.
Il vous sera plus facile de vous accorder. Comme la confiance est un enjeu
important chez les victimes, avoir un partenaire qui sait et respecte ce que
vous voulez et ne voulez pas sur le plan sexuel est primordial. Pour qu’il le
sache, il vous faudra lui faire part de vos besoins et de vos désirs.
Savoir mettre vos limites est important, mais si votre partenaire ne connaît
que les interdits, il n’est pas dit qu’il trouvera ce qui vous plaît. À vous
d’abord de le déterminer. Il est généralement plus facile de savoir ce qu’on
ne veut pas que ce qu’on veut, mais nommer ce qu’on veut et ce dont on a
besoin a un effet très puissant pour l’estime de soi et la confiance en soi. Le
désir sexuel physique est souvent stimulé par l’imagination sexuelle. Si
cette imagination est pauvre, voire inexistante, je vous suggère une
sexothérapie pour ouvrir la porte, tout doucement.
Habiter son corps pendant les relations sexuelles
Vous avez peut-être remarqué que votre esprit est ailleurs durant les
relations sexuelles. Soit vous pensez à autre chose ou vous êtes simplement
détaché de votre corps. Vous n’avez donc aucune sensation. Cette réaction
est un mécanisme de protection que beaucoup de victimes ont mis au point
pour protéger leur intégrité pendant les agressions sexuelles qu’elles ont
subies. Aujourd’hui, cependant, cette protection n’a plus sa raison d’être.
Pour pouvoir l’enlever, encore faut-il que vous soyez convaincu qu’elle
n’est plus nécessaire, tout en comprenant le rôle qu’elle a joué dans le
passé. Une fois cela fait, vous pourrez entamer le travail à accomplir
pendant les relations sexuelles pour habiter votre corps. La procédure est
assez simple, mais cela ne signifie pas qu’elle soit facile. Voici ce que je
vous suggère. Lorsque vous vous dissociez de ce que vous êtes en train de
faire, identifiez vos pensées et les sensations dans votre corps. Par la suite,
en dehors de tout contexte sexuel, prenez le temps de rectifier chacune de
ces pensées. Par exemple, si vous vous dites: «Lui et son désir dégoûtant»,
vous pourriez remplacer par: «Il me trouve attirante comme je suis dans
toute ma personne.» Ou encore: «Toujours ce qu’il aime, lui» par: «Allez!
Montre-lui ce que tu aimerais, toi!» Vous serez ainsi capable de contrer ces
pensées automatiques, lorsqu’elles vous traverseront l’esprit durant les
relations sexuelles, en les remplaçant par des pensées justes et proactives.
Pour ce qui est des sensations dans votre corps, une fois que vous les
connaîtrez, vous serez en mesure de repérer le moment où vous vous
dissociez de ce qui se passe et, alors, vous pourrez choisir de rester dans
votre corps et de vivre votre sexualité actuelle, une sexualité d’adulte à
adulte, consentante et, idéalement, plaisante. Si, durant les relations
sexuelles, vous choisissez d’habiter votre corps, lorsque les sensations
physiques se manifestent, focalisez vos pensées sur l’ici et maintenant.
Soyez attentif à votre respiration: elle vous permettra de faire le lien entre
votre corps et votre esprit. Pour ceux qui sont plus kinesthésiques, imaginez
la lourdeur de vos bras et de vos jambes. Cela vous aidera à demeurer sur
place. Si malgré tout un flashback se produit, c’est un phénomène que vous
ne pouvez pas contrôler; par contre, vous pouvez décider de sa portée. Voici
quelques suggestions:
• Respirez profondément et de façon régulière. Cela devrait aussi ralentir
les battements de votre cœur qui se sont probablement accélérés quand
le souvenir est apparu.
• Dites quelques mots à votre partenaire afin d’être bien conscient que
c’est avec lui que vous vous trouvez et non avec votre agresseur.
• Vous pouvez aussi changer de position sexuelle ou de caresse. Par
exemple, si vous étiez sur le dos, vous pouvez basculer votre partenaire
et vous installer sur le dessus.
Parce que
Parce que
Parce que
Parce que
Parce que
2. Je vous invite à faire une liste de vos valeurs sexuelles. Par exemple:
respect, liberté, amour, etc. Écrivez, pour chaque valeur, la façon dont
vous voulez qu’elle se concrétise. Voici deux exemples:
Respect: Je veux que mon partenaire et moi respections chacun les
limites de l’autre.
Liberté: Je veux que chacun se sente libre de dire oui ou non aux
avances de l’autre.
3. Cet exercice est complémentaire au précédent. Tracez deux colonnes
sur une page blanche. Inscrivez en haut de la première le mot «sain»; et
en haut de l’autre le mot «malsain». Il ne vous reste plus qu’à décrire
des attitudes, des sentiments et des comportements sexuels que vous
jugez sains ou malsains. Cet exercice vous aidera à déterminer vos
valeurs sexuelles.
L
es enfants sont ce que nous avons de plus précieux. Malgré tout, il
n’est pas toujours facile d’être parent, entre autres parce que nous
portons nos propres blessures d’enfance. La plupart des parents
souhaitent être un meilleur parent que celui qu’ils ont eu. Pourtant, tous n’y
arrivent pas. Lorsqu’on a été victime d’agression sexuelle durant l’enfance,
on aimerait que notre enfant n’ait pas à vivre le même traumatisme. Si c’est
malheureusement votre cas, ce chapitre pourra vous aider. Si, par contre,
cette thématique ne vous concerne pas, je vous invite à passer directement
au chapitre suivant.
Quand Karine a appris que David, son fils unique de huit ans, avait été
agressé par leur voisin, son monde s’est écroulé. Leur voisin les aidait
beaucoup depuis le départ du père de David. Il venait souvent leur rendre
visite. Il était là pour les anniversaires. Il cuisinait pour eux. Il gardait
David quand Karine finissait de travailler tard. Il l’emmenait jouer au
hockey l’hiver, à la piscine l’été. Karine a été elle-même agressée par un
oncle qui faisait aussi office de figure paternelle pour elle. Submergée
par la souffrance face au rapprochement entre leurs deux histoires,
Karine met d’abord en doute les propos de David: il a mal compris, il a
fait croire au voisin qu’il voulait découvrir sa sexualité. Puis elle le
culpabilise: il n’aurait pas dû accepter de se changer devant lui, ni de
s’asseoir près de lui lorsqu’ils regardaient la télé. Karine aime son fils de
tout son cœur, mais la culpabilité qu’elle-même ressent de n’avoir rien vu
ni rien soupçonné est trop lourde à porter.
Il arrive que la détresse du parent soit si grande qu’il lui est difficile, voire
impossible, de soutenir son enfant. Il peut alors mettre sa parole en doute, le
culpabiliser, nier ou minimiser ce qui s’est passé. Tout cela
inconsciemment, dans le but d’apaiser sa propre souffrance qui émerge. Les
parents qui ont fait un cheminement par rapport à leur passé de
victimisation sont souvent plus réceptifs aux besoins de leurs enfants. Ils
vivent par contre un tourbillon d’émotions. Ils peuvent ressentir de la colère
et un désir de vengeance face à l’agresseur. Se venger de l’agresseur serait
ici, symboliquement, se venger de son propre agresseur. La tristesse et
l’impuissance peuvent aussi les habiter. Ils se demandent ce qu’ils peuvent
faire pour atténuer la souffrance de leur enfant. Certains sont prêts à prendre
cette souffrance pour qu’il retrouve sa gaieté et sa légèreté. Ils aimeraient
revenir en arrière pour changer les choses, mais savent que c’est impossible.
Plusieurs ressentent de l’anxiété et développent toutes sortes de malaises
physiques: insomnie, baisse d’appétit, céphalées, douleurs musculaires,
symptômes gastriques. En fait, ils somatisent leur anxiété. Finalement, la
culpabilité tenaille aussi bien des parents, qui adoptent des comportements
d’hypervigilance et de surprotection. Ils se disent qu’ils n’en ont pas fait
suffisamment pour protéger leur enfant. Si c’est votre cas, n’oubliez pas
qu’à cause du secret imposé par l’agresseur, il est bien difficile de savoir ce
qui se passe avant que l’enfant ne le révèle. La plupart des enfants hésitent à
dénoncer l’agresseur, car ils le connaissent et craignent les conséquences.
Ne croyez donc pas que votre relation avec votre enfant est mauvaise ou
encore que vous êtes un parent incompétent si votre enfant a tardé à vous
dévoiler les agressions subies. Dites-vous que certaines personnes ne le
diront jamais à leurs parents…
Un pas en avant
Je suis certaine que ce chapitre vous a remué, car ce qui arrive à notre
enfant nous touche au plus profond de notre cœur. Je ne prétends pas avoir
de solution facile à votre souffrance, mais j’espère néanmoins ici vous
apporter quelques réflexions thérapeutiques.
N
ous avons vu au fil de ce livre toutes les façons dont les différentes
sphères de la vie d’une personne victime d’abus sexuel peuvent
être affectées. Ces diverses répercussions peuvent vous donner
l’impression de vous être fait dérober certaines portions de votre vie ou
d’avoir «perdu» beaucoup. Les pertes subies entraînent des deuils. Parfois,
ces nombreux deuils n’ont pas été entièrement conscientisés. Faire un deuil
est un processus complexe qui comporte plusieurs étapes. Vous les vivez,
vous les portez, mais vous n’arrivez peut-être pas toujours à mettre des
mots dessus. La première étape est de nommer ce qu’on considère avoir
perdu…
Je comprends tout à fait. La petite fille que vous avez été a beaucoup
souffert des gestes commis par son père, ainsi que des répercussions que ces
gestes ont eues sur elle et probablement sur la famille aussi. Ces
souffrances, vous les portez certainement encore aujourd’hui et c’est
pourquoi votre thérapeute vous a suggéré de faire un processus de deuil. Le
deuil ne signifie pas qu’on oublie ce qu’on a perdu, mais plutôt qu’on tente,
à l’aide d’un cheminement, de laisser derrière soi cette partie de notre vie.
Elle reste là, elle a eu lieu, elle ne s’effacera pas. Que pouvez-vous faire
aujourd’hui de cette souffrance? Vous la portez depuis déjà bien longtemps,
n’est-ce pas? Et si vous la déposiez à vos pieds, le temps de reprendre votre
souffle? Ensuite, si vous le souhaitez, vous prendrez le temps de la regarder,
de la ressentir, avec toutes les émotions qu’elle fera surgir, car faire son
deuil, c’est aussi faire face à sa souffrance pour accepter, ensuite, de la
laisser derrière vous. J’espère que la lecture du reste du chapitre vous
permettra une réflexion plus approfondie sur le deuil et, avec votre
thérapeute, vous pourriez explorer ce qui vous empêche d’aller en ce sens.
Mais peut-être que votre questionnement est le suivant: «Pourquoi faire
mon deuil? Qu’est-ce que ça va m’apporter?»
Ne pas faire son deuil, c’est vivre dans le passé. Or, le passé est, comme
son nom le dit, «passé». Vivre dans le passé, c’est repenser à ce que vous
avez vécu, mais aussi à ce que vous auriez pu faire autrement, comme si les
choses avaient pu être différentes. Ne pas faire son deuil, c’est également
refuser de vivre le présent. En revoyant les scénarios des abus, vous vous
imaginez faire ceci, dire cela, en espérant que l’issue aurait été autre. Vous
ne pouvez en être sûr. Par contre, pendant tout le temps que vous passez à
remuer ces pensées, vous occultez le présent, votre présent. Vous vous
empêchez de vivre de belles choses qui pourraient survenir aujourd’hui, à
condition que vous ayez cette ouverture. La porte que vous n’arrivez pas à
fermer derrière vous vous empêche d’en ouvrir une autre et personne ne sait
ce qui se cache derrière. Et si, derrière cette porte que vous ne parvenez pas
à ouvrir sans avoir fermé l’autre, se cachait le bonheur? Vous ne pouvez pas
reprendre ce qui a été perdu, mais vous pouvez en revanche développer des
attitudes qui vous aideront à accueillir le bonheur à bras ouverts: un
sentiment de sécurité, la confiance, l’amour.
Il n’est pas facile de faire le deuil des agressions passées et du tort
qu’elles vous ont causé. C’est pourquoi plusieurs personnes ayant été
agressées sexuellement se retrouvent coincées à cette étape du cheminement
vers un avenir meilleur. Tout le monde vit des deuils à un moment ou à un
autre. L’important est de les affronter et de ne pas les fuir. Lorsqu’on vit un
deuil, cela peut nous ramener à un deuil non achevé antérieurement.
Un pas en avant
Faire un deuil n’est pas facile, mais en faire plusieurs l’est encore moins. Il
vous faut savoir que ce n’est pas une décision qu’on prend et qui se
transpose tout simplement en action. Il s’agit d’un cheminement. Autrefois,
on parlait d’étapes du deuil, mais, de nos jours, beaucoup de spécialistes
s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un modèle réducteur. Un deuil n’est pas
seulement la succession de quelques étapes. C’est un véritable travail sur
soi avec des hauts et des bas, avec des avancées et des replis sur soi, des
retours en arrière lorsque la peur prend le dessus. Chaque personne vit un
deuil différemment et je n’ai pas l’intention de vous limiter à une façon
unique de faire les vôtres. Je sais par contre qu’il est difficile d’aller de
l’avant dans son deuil tant et aussi longtemps qu’on est dans le déni, même
partiellement. Il vous faut donc regarder en face ce que vous avez vécu et
remettre la responsabilité aux bonnes personnes.
Carole tentait d’excuser les gestes commis par son père en pointant du
doigt sa consommation d’alcool. Inconsciemment, cela lui permettait de
garder intacte son image. Il n’en demeure pas moins que bien des gens
consomment de l’alcool sans pour autant commettre des gestes
d’agression sexuelle. Même si rationnellement elle comprenait que les
gestes de son père étaient répréhensibles, elle continuait à rechercher son
amour, même adulte, car son déni l’empêchait de voir qu’il avait été un
père inadéquat. Faire le deuil du père qu’elle n’a pas eu, mais qu’elle
aurait aimé avoir, la rendrait en colère, triste, mais elle cesserait de
porter en elle cette carence affective qu’elle tentait de combler,
inconsciemment, en choisissant des partenaires plus âgés, froids, sauf
lorsqu’il était question de sexualité. Sans s’en rendre compte, Carole
continuait de se victimiser par ses choix relationnels.
Lorsque vous regarderez en face les pertes que vous avez subies, il est fort
probable que naîtront des émotions de colère et de tristesse. Vous en
voudrez à la terre entière, avec un sentiment profond d’injustice: «Pourquoi
moi?» Vous serez en colère contre l’agresseur, mais aussi peut-être contre
vos proches qui ne vous ont pas cru ou protégé. Tâchez cependant de ne pas
vous en vouloir. Vous n’y êtes pour rien. Dirigez votre colère vers
l’agresseur; il est le seul à blâmer. Cette colère peut être déstabilisante, car
vous pourriez avoir des pensées de vengeance envers l’agresseur. Avoir des
pensées est une chose; les mettre à exécution en est une autre. Si vous
craignez de commettre des gestes répréhensibles, consultez un thérapeute
pour vous aider à mieux vivre avec votre colère. Pour trouver des outils qui
vous aideront à surmonter votre colère, reportez-vous au chapitre 6 qui est
consacré à ce sujet. Certaines personnes ayant été agressées sexuellement
m’ont dit n’avoir jamais ressenti de colère, mais avoir été en dépression
pendant de nombreuses années. La dépression peut cacher une colère bien
enfouie qui n’est pas exprimée. Dans ce cas, la meilleure façon de vous
sortir de votre dépression est de prendre contact avec votre colère, par
exemple en écrivant une lettre à l’agresseur (voir p. 95), sans la lui envoyer,
juste pour avoir la possibilité d’exprimer vos émotions. La colère peut aussi
ressortir si vous regardez des photos de vous, enfant. Vous prendrez alors
conscience de votre vulnérabilité et ressentirez de la colère. Si vous vivez
une grande tristesse ou même une dépression, vous devez vous accueillir
avec votre peine. Pleurez, pleurez, pleurez encore. Il viendra un moment où
vous n’aurez plus de larmes. C’est là que vous saurez que vous êtes prêt à
passer à une autre étape. Ne plus pleurer ne signifie pas que votre deuil est
accompli, mais il est en bonne voie de l’être.
Durant l’enfance:
«J’ai arrêté de croire que mes parents sauraient me protéger de mon
grand-père qui profitait de chaque moment où nous étions seuls pour me
faire des attouchements.»
Durant l’adolescence:
«J’ai perdu la chance de me faire des amis et de connaître le plaisir
d’appartenir à un groupe, car je m’isolais dans ma chambre avec des
pensées suicidaires.»
À l’âge adulte:
«J’ai perdu confiance dans le fait que je puisse rencontrer quelqu’un qui
m’aimerait gratuitement, sans vouloir profiter de moi.».
Lorsque vous aurez terminé la liste de vos pertes, il est important que
vous exprimiez par écrit l’impuissance que vous ressentez face à celles-ci.
Cette impuissance pourra par la suite se transformer en lâcher-prise. En
effet, vous ne pouvez retourner en arrière pour empêcher ces pertes. Lâcher
prise signifie donc que vous acceptez, aussi douloureux que ce soit, que ces
pertes ont eu lieu. Cette étape est essentielle, car sinon vous restez fixé dans
le passé et vous ne pouvez aller de l’avant. En travaillant sur vous-même,
vous pouvez amoindrir les pertes de l’âge adulte. Une fois reconnues, les
conséquences de ces pertes peuvent faire l’objet d’un travail sur soi. Par
exemple, s’il vous est impossible d’avoir une relation amoureuse parce que
vous n’arrivez pas à faire confiance aux autres, la lecture du chapitre 8 a pu
vous aider à surmonter vos difficultés.
Tout le travail que vous avez fait sur vous-même vous met par contre face
à un ennemi de taille: le temps. Effectivement, tout deuil demande du
temps, et le deuil de vos pertes passées ne fera pas exception. Il ne faut
pourtant pas oublier qu’avant de gagner, il a bien souvent fallu perdre.
Aujourd’hui, alors que vous achevez de lire ce livre, vous pourrez dire que
vous avez peut-être perdu quelques plumes, mais que vous avez gagné une
plus grande estime de vous-même, et davantage de confiance en l’avenir.
Chapitre 12
Regarder devant
L
a lecture de ce livre vous a permis de faire un travail de fond sur les
séquelles de l’agression sexuelle. Des thèmes difficiles ont été
abordés et des émotions ont certainement rejailli. La souffrance que
vous avez vécue est peut-être toujours présente, mais j’ose espérer qu’elle
est atténuée. Ce chapitre se veut un regard sur l’avenir. Celui-ci ne sera
probablement pas sans nuage, mais les éclaircies que vous y verrez vous
aideront à tenir le coup. Cela dit, rien ni personne ne peut malheureusement
garantir que vous ne serez plus jamais victime d’agression. En ce sens, je
souhaite partager avec vous certaines réflexions visant la mise en place de
stratégies qui vous aideront à vous protéger.
Se protéger physiquement:
acquérir des bases d’autodéfense
Plusieurs personnes suivent des cours d’autodéfense ou d’arts martiaux à la
suite d’une agression sexuelle. Ces cours seront d’autant plus efficaces si
vous avez déjà la conviction que vous valez la peine d’être protégé. Vous
devez croire à l’importance de lutter. C’est pourquoi la force du mental est
primordiale. Ensuite, ces cours vous inciteront à développer votre instinct
de survie et une certaine vigilance au quotidien en adoptant des
comportements sécuritaires. Les cours d’autodéfense ont plusieurs effets
positifs, selon plusieurs victimes que j’ai rencontrées. Ils diminuent la peur
en apportant un sentiment de pouvoir personnel et ils permettent de savoir
se défendre avec son corps ou encore avec des objets du quotidien.
Certaines personnes me disent qu’elles n’y arriveront pas, qu’elles ne sont
pas violentes. C’est là que l’instinct de survie entre en jeu. Il s’agit non pas
d’aimer la violence ou de vouloir voir l’autre souffrir, mais de sauver sa
peau.
Se protéger socialement:
s’entourer de personnes dignes de confiance
Les agressions sexuelles sont souvent commises par des personnes que les
victimes connaissent. Il n’est donc pas surprenant que plusieurs victimes
s’isolent par la suite, car elles ne font plus confiance à personne. Pourtant,
être isolé vous fait courir davantage de risques d’être à nouveau agressé
sexuellement. Je vous recommande par conséquent d’être entouré, mais de
bien choisir les personnes que vous voulez autour de vous. Il vaut mieux
avoir peu de gens près de soi, mais des personnes de confiance. Avoir un
entourage de qualité est sécurisant. Cela permet aussi d’avoir toujours
quelqu’un à qui se confier.
Il n’y a pas de recette infaillible pour savoir qui est digne ou non de
confiance. Par contre, certains trucs peuvent vous aider. D’abord, prenez le
temps de bien connaître la personne avant de commencer à la fréquenter en
privé. Intéressez-vous à son entourage. Le vieil adage «Qui se ressemble
s’assemble» a un fond de vérité. Écoutez attentivement la personne
lorsqu’elle vous parle de son passé. Observez bien son comportement. Est-
elle impatiente? Dominante? Sexiste? Colérique? Montre-t-elle des signes
d’arrogance? Ou, au contraire, a-t-elle un comportement séducteur? Fait-
elle beaucoup de compliments? Bien entendu, ce ne sont que des repères,
mais ils peuvent vous aider à faire preuve de prudence face à certaines
personnes.
Dans une perspective sociale, il serait intéressant de vous adonner à un
loisir de groupe qui vous permette de rencontrer des gens. Ces rencontres
vous feraient sortir de votre isolement et, qui sait, de nouvelles amitiés
pourraient se nouer. Privilégiez les sorties de groupe et ne brusquez pas les
choses en amitié, car l’intimité doit prendre du temps à se développer.
Certaines relations sont plus légères que d’autres et se limitent au partage
de loisirs communs, ce qui est déjà bénéfique. Ces sorties peuvent vous
permettre de vous changer les idées, de découvrir de nouveaux intérêts et
d’occuper votre temps de manière constructive. Des loisirs existent pour
tous les goûts; du sport aux arts, vous trouverez certainement quelque chose
qui vous plaira.
Se protéger mentalement:
être conscient de ses forces
Tout au long de ce livre, nous avons mis en lumière vos difficultés et vos
lacunes. Même s’il est très important d’être conscient de ses faiblesses pour
se fortifier, il ne faut pas oublier de miser sur ses forces! Vos forces sont
votre carburant, ce qui vous permet d’avancer et d’aller plus loin, de
dépasser vos peurs. Exploiter vos forces contribuera grandement à votre
épanouissement personnel. Selon le courant de psychologie positive,
l’espoir, la curiosité, l’amour et la gratitude sont les principales forces que
possèdent les personnes satisfaites de leur existence. Et ce sont des états que
vous pouvez apprendre à cultiver au quotidien.
Garder espoir quand les choses vont mal n’est certes pas facile.
Cependant, l’espoir, c’est croire que les choses peuvent changer, que vous
pouvez changer de vie. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais ne
baissez pas les bras. Demeurez curieux face aux gens et à la vie en général.
Essayez d’apprendre, de comprendre et de voir les choses autrement. Cela
vous gardera actif mentalement et vous permettra de laisser place à la
nouveauté dans votre vie, ce qui peut être très stimulant et positif. Faites
une place prépondérante à l’amour: l’amour de vous-même et des autres.
Aimer ne veut pas dire exiger ou être dans l’attente, mais plutôt donner et
recevoir. Finalement, ayez de la gratitude à l’égard de la vie qui, même si
elle ne vous a pas épargné, a de belles choses à vous offrir. Ouvrez les yeux
et regardez autour de vous. Il y a toujours une raison pour exprimer de la
gratitude: une nouvelle journée qui s’amorce, le sourire de quelqu’un, le fait
d’être en bonne santé, d’avoir un toit sur la tête… C’est un changement
d’attitude, peut-être, mais qui vous apportera un changement intérieur.
Ces quatre grandes forces sont à mettre de l’avant, car la meilleure
protection qui soit est encore la force mentale. À cela, vous pouvez ajouter
une plus grande estime de soi et une plus grande confiance en soi et en la
vie. Au besoin, relisez les chapitres 4 et 7 pour vous inspirer.
Q
ue l’on ait été victime d’agression sexuelle ou non, on se construit
pendant toute une vie. Toute votre vie, vous aurez principalement
un projet en cours: vous-même. Vous n’oublierez jamais ce que
vous avez vécu, mais si vous aviez à écrire votre biographie, les abus subis
ne seraient qu’un chapitre du grand livre de votre vie. Le chemin qui a été
parcouru vous a amené à faire plusieurs changements qu’il convient de
maintenir, même s’il peut être parfois tentant et sécurisant de retomber dans
vos vieilles habitudes, comme de vous isoler dans des moments de tristesse
plutôt que de parler à quelqu’un. Vous ne pourrez pas tout changer en même
temps; donc, il faut vous laisser du temps. Imaginez que vous escaladez une
montagne. Si vous regardez uniquement le chemin qu’il vous reste à
parcourir, vous risquez de ressentir du découragement. Permettez-vous un
bref regard derrière pour admirer tout le chemin parcouru. Ensuite, reprenez
votre bâton de pèlerin et remettez-vous en route.
Lorsque les choses vous semblent trop difficiles, je vous suggère de les
prendre un jour à la fois. Si c’est trop, ça pourrait même être une heure à la
fois. Par exemple, si vous tentez de sortir d’une dépendance affective et que
vous brûlez d’envie d’appeler votre ex, respirez un bon coup et dites-vous:
«Je ne l’appellerai pas pour la prochaine heure», puis occupez-vous à autre
chose. Le temps passera et vous ne ressentirez peut-être plus cette urgence
de lui parler avant quelques heures. Lorsque l’envie revient, donnez-vous le
défi d’attendre une autre heure. Ce faisant, les heures deviendront des
matinées, des après-midi et des soirées, puis des journées entières, puis des
semaines et, bientôt, vous verrez que vous pouvez vivre sans cette
personne.
Il est facile de se laisser contaminer par le négatif, car il y en a toujours
autour de nous. Pour amorcer votre nouvelle vie, entourez-vous de positif.
Trouvez-vous une passion, quelque chose qui vous fasse vibrer, que ce soit
la lecture, le sport, une forme d’art, un jeu, etc. Commencez par réfléchir à
vos intérêts, puis voyez ce que vous pourriez explorer plus à fond. Le but
est que vous puissiez vous sentir bien même lorsque vous êtes seul, et en
retirer des bénéfices, comme une concentration accrue, de nouvelles
connaissances, un esprit plus calme, une plus grande motricité fine, etc.
Pour demeurer dans un esprit positif, je vous suggère également de mettre
la pédale douce sur les nouvelles, ainsi que sur les émissions ou les
chroniques où on dénonce des situations problématiques. Choisissez de
vous concentrer sur les beaux côtés de la vie. Vous avez connu votre part
d’ombre et de misère; laissez jaillir un peu la lumière. Pour vous y aider,
vous pourriez d’ailleurs choisir une image positive que vous accrocheriez
chez vous ou derrière le pare-soleil de votre voiture. Quand ça va moins
bien, regardez cette image et prenez le temps de vous en imprégner. Ça peut
être un paysage ou un souvenir de voyage, par exemple. Il serait préférable
de ne pas utiliser l’image d’une personne, car les gens nous inspirent à la
fois de bonnes et de moins bonnes émotions. Le but est que l’image ne vous
inspire que du calme et du bonheur. Vous pouvez aussi pratiquer des
techniques de visualisation, de méditation ou de yoga. Ces activités peuvent
vous aider à développer la paix intérieure et, cela, personne ne pourra vous
l’enlever.
C’est un pas à la fois que vous devez faire. Le seul fait de choisir de
regarder vers l’avenir plutôt que derrière vous est un succès en soi. Fixez-
vous un objectif, puis quand vous l’aurez atteint, établissez-en un autre. La
guérison est un processus qui demande du temps et de l’investissement.
Cependant, il ne faut pas que cela vous empêche de vivre. Vous pouvez
avoir une vie tout à fait normale. Il n’est pas nécessaire d’oublier ou de
pardonner pour y arriver, mais il est essentiel de lâcher prise sur le passé.
Concentrez-vous sur vous et sur la vie que vous voulez avoir. La vie est
belle, vous verrez.
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Table des matières
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Conclusion
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