Cours de Geochimie Générale L2 Géologie

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UNIVERSITE DE KINSHASA
FACULTE DES SCIENCES
DEPARTEMENT DES SCIENCES DE LA TERRE

NOTES DE COURS DE
GEOCHIMIE GENERALE
1er et 2ème Cycles en Sciences

Prof. Dr. Ruben KOY KASONGO

Janvier 2013
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INTRODUCTION GENERALE
La Géochimie est un Ensemble des études chimiques qui se rapportent à l'écorce terrestre
(Larousse du vingtième siècle). Cette définition, reprise pour l'essentiel par les dictionnaires plus
récents, reste globalement valable, à ceci près que l'objet de cette science s'est étendu depuis
longtemps (et bien avant 1930), à d'autres sphères terrestres que l'"écorce", et que la définition
s'est affinée et élargie. Ce n'est plus "l'ensemble des études" d‟autant plus que : publier un recueil
d'analyses chimiques de matériaux naturels, sans discussion raisonnée des résultats, n'est pas
"faire de la Géochimie". D'autre part les frontières de la géochimie ont largement débordé vers le
monde vivant (dans ses interactions avec le monde minéral), et aussi vers le monde
extraterrestre, apportant avec l'étude des planètes, satellites, astéroïdes et comètes, une extension
inévitable dès lors qu'on a disposé d'informations au moins qualitatives sur leur structure
chimique. La Géochimie planétaire (dite parfois "cosmochimie") explique en partie la géochimie
terrestre et réciproquement. De même la biogéochimie est inextricablement liée à l'étude des
processus sédimentaires ou hydrothermaux.

Le mot "Géochimie" fut créé par le chimiste germano-suisse Christian Friendrich Schönbein
(1799-1868), découvreur de l'ozone, inventeur du collodion et du coton-poudre, qui enseigna à
Paris de 1825 à 1828. On n‟a pas cherché à vérifier cette origine, mais sa définition est restée
immuable. Ce n'est guère qu'après la deuxième guerre mondiale que certains osèrent se
proclamer "géochimistes".

Selon la définition du Glossary of Geology and Related Sciences (1960), la géochimie est « la
science qui traite de l'abondance absolue et relative des éléments et des isotopes sur la
Terre entière ; elle traite également de leur distribution et de leurs migrations, en vue
d'aboutir à des lois générales du comportement de la matière à l'échelle planétaire ». La
géochimie est donc une science hybride, combinant des aspects variés de la géologie, de
l'hydrologie, de la météorologie, de la minéralogie, de diverses branches de la chimie et de la
chimie physique, voire de l'astrophysique. Les éléments matériels accessibles à l'observation
sont, pour l'instant, ceux des parties les plus externes du globe terrestre ; pour les zones les plus
internes, les données géochimiques sont encore d'ordre spéculatif : données indirectes tirées de la
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géophysique, de la volcanologie et de la chimie physique d'une part, déduites de l'étude


des météorites d'autre part (cf. géophysique, météorites, volcanisme et volcanologie).

Au départ, la Géochimie se trouvait assez éloignée de la Géologie proprement dite, sinon dans
ses buts, du moins dans ses méthodes. La Géologie fut à l'origine une science d'observation du
terrain - une branche de l'Histoire Naturelle - donc d'approche plutôt qualitative, alors que la
Géochimie demandait un travail de laboratoire, a priori quantitatif. Avec le temps, la distinction
s'est effacée, sans complètement disparaître, ce dont le naturaliste ne peut que se féliciter.

Deux directions peuvent être dessinées dans la genèse de la Géochimie, dès lors que les bases
structurelles de la Chimie "proprement dite" furent établies. Et ce sont des chimistes, non des
géologues, qui définirent ces directions.
La première voie peut être nommée celle des "catalogues" : analyser et répertorier les roches,
les sols, les os, les charbons, parfois pêle-mêle et sans tenir compte, d'ailleurs des données
géologiques.
La seconde direction concerne : la recherche de règles de distribution des éléments, et de
corrélation entre données chimiques, pétrographiques et minéralogiques. Peu à peu, mais très
tard, se dessinera la notion de cycles géochimiques, car les premiers géochimistes ignoraient le
temps (curieusement, les premiers thermodynarniciens aussi ...). Introduire le temps impliqua
d'envisager les roches etc. comme des objets non immuables, avec des migrations d'éléments
allant de pair avec des modifications de structure.

En fait, les idées directrices de la Géochimie ont progressé en parallèle avec celles qui firent la
Géologie générale : il serait intéressant de rechercher comment les grands noms de la Géologie
du dix-huitième siècle et du dix-neuvième naissant intégrèrent la Chimie. En fait, il y a eu des
chimistes qui se sont intéressés à la Géologie et vice-versa, de sorte que les disciplines
progressèrent de front.

Il nous paraît possible de distinguer trois étapes dans la mise en forme de la Géochimie comme
discipline particulière.
1 - L'ère des précurseurs
On laissera ici tout ce qui a trait aux pratiques alchimiques, tests destinés à identifier telle ou telle
substance naturelle (l'or ...), qui ne relèvent pas encore de la science. La Géochimie, comme la
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Chimie elle-même, trouve ses sources dans ces pratiques. Il n'y a pas encore de doctrine
chimique, ou plutôt il y en a beaucoup trop. Il en est de même pour la Géochimie.
Citons quelques lointains précurseurs: A. Boece de Boodt (Belge, 1550-1632), un des premiers à
étudier les fluides géochirniques, S. Du Clos (Français) (J. Orcel, 1974) qui a étudié les pyrites ;
J. R. Glauber (Allemand, 1604-1668), qui découvrit le sel qui porte aujourd'hui son nom (sulfate
de sodium ou sel de Glauber); Robert Hooke (Anglais, 1635-1703). La génération qui suivit
comporte quelques grands noms.

En France, G. F. Rouelle, dit l'Aîné (1703-1770), procéda au Muséum d'Histoire Naturelle aux
premières analyses sur les collections de la Galerie de Minéralogie ; son frère cadet, H. M.
Rouelle (1718-1799) prit sa suite. Antoine Laurent de Lavoisier (1743-1794), bien sûr, qui
avait suivi les cours de Rouelle l'Aîné, et travaillé sur le gypse du bassin de Paris, fut le premier à
analyser les eaux de la ville de Paris, mesurant entre autres leur teneur en ammoniaque, qui ferait
frémir les hygiénistes actuels ; il analysa aussi l'eau de mer à Dieppe et celle de la Mer Morte. Il
est, avec N. V. Vauquelin (1763-1829), qui analysa les eaux de Plombières et de Néris, l'un des
fondateurs de ce qu'on nomme aujourd'hui l'Hydrochimie et l'Océanographie chimique.

C'est le Suédois, T. O. Bergman (1735-1784), qui se distingua par l'étude chimique des
carbonates et une classification des minéraux utilisant des critères chimiques (1773), ce qui fait
de lui un des fondateurs les mieux typés de la Géochimie.
2 - Naissance et maturation de la Géochimie

Cette étape recouvre la plus grande partie du dix-neuvième siècle. Les connaissances de base de
la Géochimie sont établies, les mesures quantitatives sont devenues fiables. Les réactifs
permettant d'analyser les roches les plus coriaces existent désormais. Les catalogues d'analyses
s'allongent et se précisent. On trouvera à cette époque J.-B. Dumas (1800-1884), un des
créateurs de la Chimie organique, qui publie en 1842 une Statistique chimique des êtes organisés
; J. C. Galissard de Marignac (Suisse, 1817-1894) ; H. Braconnot (1780-1855), analyste de la
matière vivante ; Achille Delesse (1817-1881) spécialiste des cycles de l'azote et du carbone ;
l'Allemand H. Abich (1806-1886), géologue du Caucase et du Turkesîan, et chimiste à la fois (le
célèbre mortier d'Abich, pour écraser les roches). J.-B. Deschamps (1804-1866) étudia les
relations entre le cuivre des plantes et celui du sous-sol, J. Fournet (1801-1870), celle entre les
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roches et l'atmosphère, J. Durocher (1817-1860) fut peut-être à cette époque celui dont les
concepts d'une globalité géochimique furent les plus nets.

Henri Sainte-Claire Deville (1816-1881) fut célèbre par ses études sur le diamant et travailla
sur les fumerolles volcaniques. J. Boussingault (1802-1887) s'intéressait, lui, à la Géochimie de
la surface.

Citons aussi deux savants bien connus, R. Bunsen (1811=1899) et G. Kirschoff (1824-1887),
qui furent amenés à étudier la Géochimie des éléments alcalins et alcalino-terreux.

Il faut peut-être placer au-dessus de tous ces chimistes ceux dont les conceptions furent les plus
vastes : J. Liebig (1803-1873), Allemand, qui fut le premier à réaliser une synthèse intégrée des
cycles du carbone et de l'azote, et D. I. Mendeleïev (1834-1907) qui commença sa carrière par
l'étude des pétroles russes, avant de fournir cette base essentielle de la Géochimie, qu'est la
classification périodique des éléments.

D'innombrables chimistes de moindre renommée ont participé à l'accumulation des observations


(le catalogue), permettant d'établir l'uniformité de types de roches sur des bases chimiques, et
non plus simplement pétrologiques, prélude, par exemple, à l'idée des séries magmatiques, et aux
relations sédiment-métamorphites-granite... Les filiations géochimiques dans les séries
magmatiques commencent à apparaître : L. Elie de Beaumont (1798-1874) les utilise.

N. L. (Sadi) Carnot (1796-1832) créa la Thermodynamique en 1824. Elle donna enfin une
assise théorique à l'étude des systèmes chimiques et à leurs transformations éventuelles,
permettant la rationalisation des séquences évolutives dans les roches: elle définissait "ce qui est
possible et ce qui ne l'est pas". Dans la mesure où les données thermodynamiques des substances
naturelles étaient connues, elles permirent d'imaginer les processus de transformation de telle
substance en telle autre, éventuellement de telle roche en telle autre.

3 - L'âge d'or de la Géochimie

La fin du dix-neuvième siècle et le début du vingtième voient la Géochimie disposer déjà d'un
catalogue étoffé de données quantitatives, d'outils théoriques pour les interpréter, mais aussi
d'une base géologique désormais solide. Les géologues, et surtout les pétrographes, ont assimilé
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la Géochimie. Quelques noms illustres s'imposent ici, parmi la multitude de ceux qui ont apporté
à la Géochimie.

Le Norvégien V. M. Goldschmidt (1888-1947), publia d'innombrables travaux surtout sur la


Géochimie des roches éruptives et métamorphiques, étendant les connaissances aux éléments
mineurs ou traces. Son gros livre fut maintes fois réédité. Mais un peu avant lui, c'est F. D.
Clarke (Americain 1847-1931), qui avait réalisé le premier traité portant en titre le mot
"Géochimie" (1908), bientôt suivi par les célèbres Data of Geochemistry (1914). Cet ouvrage
reste une référence à la fin du vingtième siècle. En son honneur, les géochimistes ont dénommé
"clarke" l'abondance moyenne d'un élément chimique sur la Terre.

On peut citer aussi les noms d‟Oddo (1914) et Harkins (1921), qui perfectionnèrent les
classifications de Clarke. Une "règle" géochimique porte leur nom. Quant à la théorie, la
Géochimie tira grand profit de la "règle des phases" de Gibbs (1839-1903), devenue un outil
essentiel de l'étude des équilibres chimiques naturels.

Mais le plus grand nom de la Géochimie est sans doute celui de Maxime Ivanovitch Vernadsky
(Russe, 1863-1945). Issu de la très ancienne école de minéralogistes-pétrographes de Saint-
Pétersbourg, il publia ses premiers travaux vers 1385, devint rapidement célèbre bien au-delà des
frontières russes, par le génie qu'il mit à systématiser les données de la Géochimie, ce qui se
révéla très fructueux pour la prospection minière. Son nom a été donné au gigantesque Institut de
Chimie analytique et Géochimie de Moscou, qui possède un petit musée fort intéressant.

C'était la première fois que la Géochimie était systématisée comme "la distribution dans le temps
et dans l'espace des éléments chimiques dans l'écorce terrestre, et autant qu'il est possible, dans
le globe terrestre". Alors que "la minéralogie n'étudie que l'histoire, dans le même espace et
dans le même temps, des combinaisons, cristaux et molécules", Vernadsky insista fortement sur
l'aspect évolutif de la Géochimie, donc sur la notion de "cycle" : cycles longs, comme celui du
silicium, cycles courts, comme celui de l'iode. Ainsi, Vernadsky a permis à la Géochimïe de
s'intégrer complètement dans la Géologie historique, dont elle est devenue depuis un élément
essentiel.

Avec Vernadsky et son collègue russe Fersman, auteur d'une Géochimie récréative, parue aux
Editions de Moscou et prospecteur géochimique, avec Goldschmidt et quelques autres, l'ère des
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fondateurs s'est terminée. On voit que la gestation de la Géochimie a été fort longue et qu'elle n'a
été réellement constituée en discipline qu'à la fin du dix-neuvième siècle.

Après la seconde guerre mondiale, le développement de moyens analytiques nouveaux a permis


son explosion. La Géochimie a alors annexé les profondeurs de la Terre, la surface de la Lune et
de Mars, les météorites. Elle a emprunté les méthodes de la Biochimie, de sorte qu'est née aussi
une Biogéochimie, qui englobe dans ses préoccupations la totalité du système vivant, puisqu'il
dépend du monde minéral. Vernadsky en fut le précurseur et le premier théoricien. La
biogéochimie s‟intéresse aux domaines superficiels où règne la photosynthèse et qui sont
caractérisés par la présence à la fois de constituants minéraux et d‟êtres vivants ; mais ce sont ces
derniers (micro- et macroorganismes) qui, en raison de leur mode d‟existence (biosynthèse de
matière organique vivante, puis production de matière organique morte), gouvernent en fait le
fonctionnement chimique de ces milieux, avec toutes les répercutions que cela comporte, tant
dans le domaine de la constitution minéralogique des matériaux de surface (les sols en
particulier) que dans celui de la composition de l‟air atmosphérique.

La biogéochimie correspond bien ainsi à la géochimie de la biosphère et présente de ce fait


plusieurs caractéristiques :

elle s‟intéresse plus spécialement aux éléments chimiques qui sont en relation directe
avec la vie et ce, qu‟ils soient majeurs ou en traces ;

elle se développe au sein des enveloppes externes de la planète (basse atmosphère,


hydrosphère euphotique, géosphère continentale) qui sont marquées par des conditions
physiques particulières : faibles températures, basses pressions, présence d‟eau libre,
intervention de l‟énergie solaire qui est le moteur de la photosynthèse . . . ;

elle correspond dans son fonctionnement a des périodes beaucoup plus courtes que celles
mises en œuvre dans la géochimie classique.

En définitive la biogéochimie, qui traite avant tout du retour au monde minéral des éléments
ayant participe a la vie, se trouve a l‟interface de trois grands secteurs scientifiques :
géosciences, biologie et chimie et, plus particulièrement de trois sous-secteurs, qui sont la
géochimie, la biochimie et l‟écologie (Figure 1).
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Figure 1 : Place de biogéochimie

Selon plusieurs sources disponibles, on peut distinguer une géochimie descriptive, qui étudie le
comportement des éléments chimiques dans la nature (roches. sols et eaux), d'une géochimie
théorique, qui vise à appliquer les lois physiques aux milieux naturels. La géochimie
appliquée utilise les données de la géochimie pure pour découvrir, recenser et estimer les
ressources minérales nécessaires à la technologie moderne (voir prospection géochimique). Elle
concerne également l‟application des concepts et outils de la géochimie à des problématiques
environnementales. Deus types d‟outils sont à la disposition du géochimiste :

des outils de chimie minérale ou organique : analyses des eaux ou des roches, par
exemple, interprétation de l‟acquisition d‟une composition, mécanisme de genèse ;

des outils isotopiques, qui permettent à la compréhension d‟un heritage de composition


chimique ou qui permettent des datations (temps de résidence ou d‟écoulement d‟eau).

Concernant l'analyse des roches, minéraux et autres géomatériaux, la géochimie fait appel à de
nombreux types d'analyses physico-chimiques, notamment la micrographie (préparation des
lames minces des roches et observation au microscope optique), l’analyse chimique
élémentaire et l’analyse des phases par diffraction de rayons X.
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L’analyse élémentaire permet de déterminer la composition en éléments d'une roche


(concentration massique des différents éléments, en général traduite sous forme d'oxydes pour
les éléments majeurs) ; initialement faite avec des réactions chimiques (dosages) élément par
élément, ces analyses sont maintenant faites avec des méthodes physiques globales, donnant la
concentration en tous les éléments, comme la spectrométrie de masse à source plasma ou la
spectrométrie de fluorescence X.

En ce qui concerne les problématiques environnementales, la géochimie intervient dans trois


grands domaines :

la pollution ponctuelle ou diffuse, accidentelle ou chronique ;

la qualité des eaux de consommation et la protection des ressources : vérification de


conformité chimique ;

les eaux thermo-minérales : compréhension des systèmes, homologation, gestion et


protection de la ressource.

Objet de la géochimie

L’objet de la géochimie est d’étudier la circulation (migration) des différents éléments


chimiques au sein de la géosphère en application des lois classiques de la chimie inorganique ;
elle caractérise donc avant tout le domaine de la profondeur (géochimie de la profondeur ou
endogène), sans oublier cependant l‟évolution minérale qui concerne les relations roches-
altérites se développant au sein des niveaux superficiels situés au contact des milieux biotiques
(géochimie de surface ou exogène) (Millot, 1963 ; Pedro, 1966). Les réactions engendrées
dépendent alors avant tout des caractéristiques chimiques des éléments et des conditions du
milieu (composition, concentration, pH, potentiel d’oxydoréduction, température, pression. . .).
Elles sont soumises aux lois de la thermodynamique qui permettent de caractériser les équilibres
minéraux-solution et d‟établir ainsi des diagrammes de stabilité des constituants minéraux
(minéraux primaires ou secondaires) suivant les conditions du milieu.

L'objectif principal de ce cours est de fournir les principes de base de la géochimie endogène et
exogène. Le cours assure une formation générale aux techniques et aux méthodes de la
géochimie moderne, c‟est-à-dire à l‟utilisation des propriétés chimiques et isotopiques des
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éléments pour contraindre la dynamique terrestre, que ce soit celle du manteau de la terre, des
rivières, de l‟atmosphère ou des milieux pollués. Les travaux pratiques (T.P.) de laboratoire
porteront sur géochimie analytique qui a pour objet la séparation des constituants d'un
échantillon de matière, leur identification et la détermination de leurs quantités respectives.
Ce cours s'appui sur des exposés théoriques, exercices et travaux pratiques de laboratoire.

TABLE DES MATIERES


INTRODUCTION GENERALE
Fondement de la géochimie
Outils et méthodes
Objet de la géochimie
CHAPITRE I : COMPOSITION ET STRUCTURATION CHIMIQUE DE LA
TERRE
I.1. La terre dans l’univers
I.2. La structure du globe terrestre
I.2.1. La croûte terrestre
I.2.2. Le manteau et le noyau
I.2.3. Formation et différenciation de la terre

I.3. Composition chimique de la croûte terrestre

CHAPITRE II : COMPORTEMENT GEOCHIMIQUE DES ELEMENTS

II. 1. Eléments de géochimie de l'état solide

II.1.1. La coordinence et le polyèdre de coordination

II.1.2. Le modèle ionique (Goldschmidt)


II.1.3. Potentiel ionique
II.1.4. Règles des substitutions dans les solutions solides - Lois de Goldschmidt

II. 2. Classification géochimique des éléments (Goldschmidt)

II.2.1. Eléments lithophiles


II.2.2. Eléments chalcophiles
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II.2.3. Eléments sidérophiles


II.2.4. Elements atmophile

CHAPITRE III : REACTIONS A LA SURFACE DE LA TERRE : CHIMIE


DES EAUX ET ALTERATION

III.1. Introduction

III.2. Système Calco-Carbonique dans les eaux naturelles

III.2.1. Mise en équations du système “CaCO3-CO2-H2O”

III.2.2. Répartition des espèces carbonatées

III.3. Réactions redox dans les eaux naturelles

III.3.1. Bases théoriques sur les réactions d’oxydoréduction : pH, Eh et pO2


III.3.2 Les diagrammes de Pourbaix ou diagramme potentiel-pH
III.3.3. Activité biologique, diffusion des gaz et oxydoréduction des eaux

III.4. L’altération des roches

III.4.1. Désagrégation mécanique


III.4.2. Rôle de l’eau dans l’altération
III.4.3. Réactions chimiques de l’altération
III.4.4. Les sols
III.4.5. Facteurs contrôlant l’altération
III.4.6. Rôle des organismes dans l’altération
III.4.6. Rôle des organismes dans l’altération
III.4.7. Bilan de l’altération

CHAPITRE IV : CYCLES BIOGEOCHIMIQUES

IV.1. Introduction

IV.2. Rappel de Principes de base de la Thermodynamique classique

IV.3. Cycle du carbone (C)


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IV.3.1 Réservoirs, flux et processus – Présentation générale


III.3.2 Echelles de temps concernées

IV.4. Cycle de l’azote (N)

IV.4.1. Généralités
IV.4.2. Cycle de l’azote

IV.5. Cycle global du phosphore (P)

IV.6. Cycle global du soufre

IV.7. Cycles du silicium, de l’aluminium et du fer

IV.7.1. Généralités
IV.7.2. Le silicium (Si)
IV.7.3. L’aluminium (Al)
IV.7.4. Le fer (Fe)

IV. 8. Cycle biogéochimique de potassium (K)

IV.8.1. Potassium dans la lithosphère


IV.8.2. Potassium dans le sol
IV.8.3. Cycle biogéochimique de K

CHAPITRE V : NOTIONS DE GEOCHIMIE ISOTOPIQUE

V.1. Structure de la matière

V.1.1.Le noyau atomique


V.1.2.La masse atomique
V.1.3. Energie de liaison et stabilité des nucléides
V.1.4. La radioactivité

V.2. Géochimie des isotopes radiogéniques

V.2.1. Introduction
V.2.2. Géochronologie
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CHAPITRE I : COMPOSITION ET STRUCTURATION CHIMIQUE


DE LA TERRE

I.1. La terre dans l’univers


La Terre est une planète qui appartient au système solaire. Ce dernier est composé de 5 types d‟objets
: une étoile (le Soleil) ; les planètes ; les planètes naines ; les petits corps du système solaire ; les
satellites (Figure 2).

Dans l‟Univers, les distances entre les objets sont tellement grandes que l‟unité de mesure utilisée sur
Terre (le km) n‟est plus pratique.

L‟unité de distance utilisée pour exprimer les distances à l‟intérieur du système solaire est l’Unité
Astronomique (symbole : UA). C‟est la distance moyenne entre la Terre et le Soleil, qui représente
approximativement 150 millions de km (149 597 870 km pour être plus précis). Ainsi, la distance
entre la planète la plus proche du Soleil (Mercure) et le Soleil est de 0,38 UA. Celle entre la planète
la plus lointaine (Neptune) et le Soleil est de 30 UA. Les limites du système solaire sont situées à
plus de 10.000 UA.

Pour aller plus loin, on utilise l’année-lumière (al) : c‟est une unité de longueur qui correspond
à la distance parcourue en un an par la lumière dans le vide, soit 9,461.1012 km. Ainsi, l‟étoile la
plus proche du Soleil, Proxima du Centaure, est située à 4,22 al de nous. Notre galaxie (une
galaxie étant un assemblage d'étoiles, de gaz, de poussières et de matière noire, contenant parfois
un trou noir supermassif en son centre), la Voie Lactée (la galaxie dans laquelle se trouve le
Système solaire), mesure plus de 100.000 al de diamètre, et la galaxie la plus proche de nous,
appelée galaxie d’Andromède, est située à plus de 2.000.000 d‟al. Les objets les plus lointains de
notre Univers sont situés à plus de 13 milliards d‟al, ce qui correspond aux dimensions de notre
Univers.
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Figure 2 : Le système solaire

1. Le Soleil

C‟est l‟astre le plus important du système solaire. Tous les autres objets de ce système tournent
autour du Soleil. Il représente à lui seul 99,80 % de la masse totale du système solaire. Le Soleil
est une étoile. Une étoile est une sphère de gaz très chaud, au cœur de laquelle se produisent
des réactions nucléaires qui en font une source de lumière et de chaleur.

Le Soleil est donc une boule de gaz chaud, composée de 75 % d’hydrogène et 25 % d’hélium.
La température à la surface du Soleil avoisine les 6000°C. Au centre, elle est de 15 millions de
degrés. Cette température permet aux noyaux d‟hydrogène de fusionner entre eux pour donner de
l‟hélium et libérer de l‟énergie (réaction de fusion nucléaire).

Schéma des réactions thermonucléaires de transformation de l'hydrogène en hélium

Chaîne proton-proton, principale source d'énergie :


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où représente l'hydrogène, le Deutérium, l'hélium 3, l'hélium 4, un positron,


un neutrino et l'émission de rayonnement .

En fait, la masse des 2 neutrons et 2 protons qui servent à former l'hélium est légèrement
supérieure à la masse de l'hélium ainsi constitué. Cette différence de masse, bien que faible, est
transformée en énergie, selon la célèbre équation d'Einstein : ( est l'énergie obtenue, la

masse " perdue ", est la vitesse de la lumière dans le vide de : 3×108 m·s-1).
1038 chaînes de ce genre se produisent chaque seconde dans le Soleil ; 600 millions de tonnes
d'hydrogène (sur les 2×1027 tonnes du Soleil) sont ainsi transformées en hélium chaque seconde,
dont 4 millions se transforment en énergie.
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2. Les planètes

D‟après la définition donnée lors de l‟assemblée générale de l‟IAU (International Astronomical


Union) en 2006, une planète est un corps céleste qui :

est en orbite autour du soleil ;

a une masse suffisante pour que sa gravité l'emporte sur les forces de cohésion du corps
solide et le maintienne en équilibre hydrostatique, sous une forme presque sphérique ;

a éliminé tout corps susceptible de se déplacer sur une orbite proche.

Ainsi selon cette définition, le système solaire est composé de 8 planètes (Figure 2). Il s‟agit de
(selon l‟ordre croissant des distances au soleil) : Mercure, Vénus, Terre, Mars, Jupiter, Saturne,
Uranus et Neptune. Jupiter est la plus grosse planète du système solaire avec un diamètre de
142.984 km. Elle est 11 fois plus grande et 318 fois plus massive que la Terre. Mercure est la
plus petite planète du système solaire (diamètre : 4880 km)

Les planètes du système solaire sont divisées en deux catégories selon leurs compositions, leurs
tailles et leurs distances au Soleil :

Les planètes telluriques ou rocheuses : Mercure, Vénus, la Terre et Mars. Ce sont des planètes
composés essentiellement de roches. Elles sont proches du Soleil et sont de petites tailles. La
Terre, avec un diamètre de 12756 km, est la plus grosse planète tellurique.

Les planètes géantes ou gazeuses : Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Ce sont des planètes
composées essentiellement de gaz (hydrogène et hélium). Elles sont éloignées du Soleil et sont
de grandes tailles.

Ces deux catégories de planètes sont séparées par la ceinture des astéroïdes, composée de
millions de petits corps rocheux.

Les 5 premières planètes, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne étaient connues depuis
l‟antiquité étant donné qu‟elles sont visibles à l‟oeil nu dans le ciel. La planète Uranus a été
découverte par William Herschell en 1781. Neptune fut découverte un siècle plus tard, en 1846
par l‟Allemand J.G. Galle sur les indications du français Urbain Le Verrier qui avait prédit sa
position par le calcul.
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La plupart des planètes possèdent des satellites (ou lunes). Un satellite naturel est un corps qui
tourne autour d‟une planète. On connaît actuellement (juillet 2012) plus de 172 satellites naturels
dans le système solaire distribués de la manière suivante : la Terre 1 (la Lune), Mars 2 (Phobos et
Deimos), Jupiter 67 (dont 4 satellites principaux appelés satellites galiléens car ils furent
découverts par Galilée en 1610 : Io, Europe, Ganymède et Callisto), Saturne 62 (Titan est le plus
grand satellite de Saturne avec un diamètre de 5150 km), Uranus 27 (dont 5 satellites principaux
: Titania, Ariel, Umbriel, Oberon et Miranda), Neptune 13 (Triton est le plus grand satellite de
Neptune avec un diamètre de 2706 km) . Seules Mercure et Vénus sont dépourvues de satellites.
Le plus gros satellite du système solaire est Ganymède (le plus gros satellite de Jupiter) qui
possède un diamètre de 5260 km. Il est suivi de Titan, le plus important satellite de Saturne. Ces
deux satellites sont plus gros que la planète Mercure. La lune (satellite de la Terre) possède un
diamètre de 3476 km. Le Tableau 1 résume les principales caractéristiques des planètes.

Tableau 1 : Principales caractéristiques des planètes

Planète Diamètre Distance au Soleil Masse Nombre de Satellites


(km) (UA) (/Terre) connus
Mercure 4879 0.39 0.055 -
Vénus 12104 0.72 0.815 -
Terre 12746 1 1 1
Mars 6780 1.5 0.107 2
Jupiter 142984 5.2 318 67
Saturne 114632 9.5 95 62
Uranus 50532 19.2 14 27
Neptune 49105 30.1 17 13

3. Planètes naines

Une planète naine, depuis la nouvelle définition de l'Union astronomique internationale d'août
2006, est un corps céleste en orbite autour du soleil qui possède une masse suffisante pour que sa
gravité l'emporte sur les forces de cohésion du corps solide et le maintienne en équilibre
hydrostatique (sous une forme presque sphérique), qui n'est pas un satellite, mais qui n'a pas fait
place nette dans son voisinage orbital. Une planète naine est ainsi un type d'objet céleste du
système solaire, intermédiaire entre une planète et un petit corps.
18

Selon cette définition, cinq corps accèdent au statut de planète naine : Pluton, Eris, Makemake,
Haumea et Cérès. Ce statut a été attribué aux 3 premiers astres en août 2006. En juillet 2008 est
venu s'ajouter Makemake, puis le 17 septembre 2008 Haumea.

4. Les petits corps du système solaire

Ces objets sont les résidus de la formation du système solaire, et leur connaissance a énormément
progressé dans les derniers 30 ans. Ce sont les astéroïdes, comètes et météoroides. Ils sont des
petits corps du Système solaire, c’est à dire des objets célestes du système solaire orbitant
autour du soleil et qui ne sont ni des planètes, ni des planètes naines.

Les astéroïdes

Les astéroïdes sont des petits corps solides, de taille jusqu'à 1000 kilomètres, qui occupent la
région entre les orbites de Mars et Jupiter Figure 2). Ils sont les résidus du processus d'accrétion
d'une planète. Certains astéroïdes peuvent être déviés sur des orbites qui croisent l'orbite de la
terre. Exemples des astéroïdes : Eros, Mathilde, Ida, ..

Les comètes

Les comètes sont aussi des petits corps, comme les astéroïdes, qui sont caractérisées par leur
aspect, avec une chevelure et une (parfois deux) queues. Elles se sont formées dans la région
des planètes extérieures, et passent la plupart du temps très loin du soleil (Figure 3).

Figure 3 : Aspect d‟une comète (gauche) et la comète Hale- Bopp (droite)

Les comètes à longue période proviennent d'une région dite “nuage de Oort”, très loin de la
terre. Elles restent confinées dans le nuage pendant des milliards d'années (Figure 4).
19

Figure 4 : Origine des comètes

Les météorites

Corps rocheux d'origine extraterrestre qui a survécu à la traversée de l'atmosphère et qu'on


retrouve donc sur le sol (voir étoile filante). On pense qu'une immense météorite (plusieurs
kilomètres de diamètre) a été responsable de la disparition des dinosaures, il y a 65 millions
d'années. On estime à 10000 tonnes la masse de micrométéorites et météorites tombant sur terre
par an.

Il existe une grande variété de météorites et pour mettre un peu d‟ordre dans celle-ci, on a
distingué trois grandes catégories.

Il y a les pierreuses, les métalliques et enfin les intermédiaires que l‟on appelle mixtes. Selon
l‟interprétation aujourd‟hui admise, ces différences de compositions minéralogiques reflètent des
conditions de formation et d‟évolution différentes pour les corps du système solaire.

La Ceinture de Kuiper est une région du Système Solaire qui s'étend au-delà de l'orbite de
Neptune, de 40 à 50 UA, et qui contient des milliards de corps de glace. Elle a été découverte en
1992 et depuis, de l'ordre de 1000 objets ont été catalogués. Certains d'entre eux sont très gros -
le plus gros ayant un diamètre dépassant 1000 km.

I.2. La structure du globe terrestre


20

La connaissance de la structure profonde de la Terre a été révélée surtout d‟une manière indirecte
grâce à l‟apport de plusieurs disciplines des sciences de la Terre parmi lesquelles on cite :

L‟étude des forages mais elle est insuffisante car le forage le plus profond ne dépassent
pas 12 km, alors que le rayon de la Terre = 6370 km. L‟intérieur du globe ne peut donc
être connue que de manière indirecte ;

La sismologie : étude des séismes naturels et artificiels ;

La gravimétrie : étude des variations de g, accélération de la pesanteur ;

La volcanologie : étude des volcans et des activités volcaniques ;

Le géomagnétisme : étude du champ magnétique terrestre ;

La géothermie : étude des répartitions des températures à l'intérieur de la terre, et des


phénomènes physiques et géologiques qui leur sont liés ;

La géochimie : étude de la composition et des propriétés chimiques des roches ;

La minéralogie = étude de la composition et des propriétés minéralogiques des roches ;

Les études de laboratoire en créant les conditions thermodynamiques régnant à l‟intérieur


de la terre, étude des géomatériaux ;

Les études des météorites et des astéroïdes qui se sont formés en même temps que la
terre.

Ne pouvant pas traiter, dans le détail, de l‟apport de chacune de ces disciplines nous nous
limiterons ici à évoquer brièvement le principe de ces méthodes en donnant leurs principaux
résultats.

Données sismologiques

Lors de séismes naturels (fracture des roches) ou de fortes explosions (nucléaire par exemple) il
y a émission d‟ondes sismiques parmi lesquelles :

- les ondes P qui traversent tous les milieux ;

- les ondes S qui traversent les milieux solides et qui ne passent pas dans les liquides.
21

Après chaque séisme, les résultats obtenues concernant les vitesses des ondes P et S en fonction
de la profondeur du globe terrestre sont toujours les mêmes. On les exprime sous forme de
graphe = courbes des vitesses des ondes sismiques en fonction de la profondeur (Figure 5).

Figure 5 : Variation de la vitesse des ondes en fonction de la profondeur

L‟augmentation brutale des vitesses Vp et Vs à certaines profondeurs, (ainsi que leurs chutes à
certains niveaux) veut dire que les ondes P et les ondes S sont passées d‟un milieu à un autre de
caractéristiques physiques très différentes et qu‟elles ont traversé des limites appelées surfaces
de discontinuité à l‟intérieur de la terre. Ainsi plusieurs surfaces de discontinuité ont été mises
en évidence et qui délimitent, à l‟intérieur de la terre, de grandes couches plus ou moins
concentriques (zones de croissance des vitesses) dont la nature physique a été affinée par le
calcul grâce aux études de laboratoire.

En effet ces études ont montré que les vitesses Vp et Vs respectives des ondes sismiques P et S
augmentent brutalement en fonction de la profondeur de la terre, qu‟elles dépendent de trois
paramètres du milieu de propagation liés par les relations suivantes:

μ, coefficient de rigidité, lequel mesure la résistance des roches au changement de forme


(pour les fluides μ = 0, d‟où Vs = 0 → S non transmises) ;
22

k, coefficient d‟incompressibilité, lequel mesure la résistance des roches au changement


de volume;

d, sa densité (ou ρ sa masse volumique).

Sur la base des discontinuités majeures mises en évidence par la variation brusque de la vitesse
des ondes sismiques du globe terrestre, et en tenant compte des données géochimiques et
minéralogiques de la terre, on a pu déterminer la structure du globe terrestre (Figure 6).

1. Noyau interne, 2. Noyau externe,


3. Manteau inférieur, 4. Manteau
supérieur, 5. L.V.Z, entre 5 et 6.
MOHO, 6. Croûte terrestre

Figure 6 : Structure du globe terrestre

I.2.1. La croûte terrestre


23

La croûte (également appelée écorce) terrestre ne constitue que 0,7- 1,5 % du volume de la
Terre, et 0,4 % de sa masse. Pourtant, c'est celle-ci qui porte la lithosphère, l'hydrosphère et la
biosphère. Cette fine couche sépare le manteau brûlant de l'atmosphère gazeuse. Il s'agit de la
partie superficielle du globe, composée de roches refroidies et solidifiées. L'épaisseur de l'écorce
terrestre est très variable : entre 10 km (croûte océanique) et 70 km (maximum de la croûte
continentale). A la limite entre la croûte terrestre et le manteau, se situe la discontinuité de
Mohorovicic (ou Moho), où la densité augmente de 2,9 à 3,3 cm3. Cette zone se situe entre 10
km (sous les surfaces océaniques) et 35 km (sous les ensembles continentaux).

On distingue 2 types de croûte à savoir, la croûte continentale (30 % de la surface terrestre), et la


croûte océanique (70 % de la surface terrestre) (Figure 7).

Figure 7: Schéma simplifié de la croûte terrestre. 1 : croûte continentale ; 2 : croûte océanique ;


3 : manteau supérieur

La croûte continentale forme essentiellement les continents. Certaines parties peuvent toutefois
se trouver immergées sous des mers ou des océans, comme par exemple la plate-forme
continentale. La croûte continentale est épaisse de 15 à 80 km, avec une moyenne de 30 km. Elle
a une composition moyenne de roche granitique à dioritique (dite intermédiaire), de densité 2,7 à
24

2,8. La majeure partie est probablement constituée de gneiss. La base de la croûte présente des
placages de Gabbro, issus de la fusion partielle et ancienne du manteau supérieur.

La croûte océanique forme essentiellement le fond des océans. Elle est beaucoup plus fine (5 à 7
km en général). Formée de roches basaltiques et de gabbro, elle est aussi plus dense (3 g/cm³).

On pensait que la croûte terrestre était essentiellement granitique, et on la nommait donc « sial »
(silicium-aluminium), par opposition au manteau que l'on nommait « sima » (silicium-
magnésium). Maintenant, on sait que la croûte de la Terre n'a pas de composition homogène.

Lorsqu‟on tient compte du comportement physisque des matériaux, selon qu‟ils se comportent
comme des matériaux rigides ou comme des matériaux «mous», on distingue la lithosphère qui
est bloc rigide et qui comprend la croûte et la partie sommitale rigide du manteau supérieur. Son
épaisseur varie entre 5 km sous les océans et 100 km au niveau des continents. Sa limite inférieur
est marquée par une discontinuité des ondes sismique dite LVZ (Low Velocity Zone). La densité
de la lithosphère se répartit de la façon suivante :

d =2,7 g/cm3 pour la partie supérieur de la croûte continentale ;

d = 3 g/cm3 pour la partie inférieur de la croûte continentale ;

d = 3,2 g/cm3 pour la croûte océanique ;

d = 3,4 g/cm3 au niveau du manteau supérieur rigide.

I.2.2. Le manteau et le noyau


Le manteau

Le manteau représente 82,5 % en volume de la Terre. Son épaisseur est de 2900 km. Il est limité
à la base par la discontinuité majeure de Gutenberg. On peut distinguer au sein de ce manteau 2
unités :

le manteau supérieur qui s‟etend jusqu'à 670 km ;

le manteau inférieur dont la profondeur est comprise entre 670 km et 2900 km.

Le manteau a moins de silice (40% seulement de sa composition) que dans la croûte; il est donc
très "basique". Il contient une forte proportion de magnésium; d‟où l‟attribution du nom SIMA
au manteau. Sa partie supérieure est constituée de péridotites et sa partie inférieure a,
25

probablement, la même composition que le manteau supérieur mais les atomes sont assemblés
selon des structures plus denses (plus compactes) du fait de l‟augmentation de la pression.

Du point de vue minéralogie :

- le sommet du manteau supérieur est constitué d‟olivine + pyroxènes + oxydes ;

- la base du manteau supérieur est constituée de spinelle (olivine très dense) + Pyroxènes +
oxydes.

Le noyau

Le Noyau représente 16% du globe terrestre. Le noyau a une épaisseur maximale de 3300 km. Il
comprend :

le noyau externe, dont la profondeur est comprise entre 2900 km et 5150 km ;

le noyau interne (ou Graine) dont la profondeur est comprise entre 5150 km et 6370 km.

Le noyau interne serait constitué d‟élément sidérophiles : beaucoup de fer, nickel, cobalt, or,
platine (NIFE). Le noyau externe ("liquide") serait constitué d‟une forte proportion de fer
associé à des éléments légers tels que l‟oxygène, le soufre; et un peu de silice.

Les matériaux du manteau profond et du noyau ne sont pas observables à la surface de la


terre. De plus, au delà de 200 à 250 km de profondeur, il est impossible d'obtenir des
échantillons du manteau. La connaissance de leur composition minéralogique et chimique est
établie expérimentalement : on reproduit en laboratoire les conditions de température et de
pression qui règnent en profondeur pour des quantités très faibles de minéraux (millième de
millimètre cube). On utilise pour cela des cellules à enclumes de diamant chauffées par un laser.

Les données sur le noyau sont essentiellement expérimentales. On sait depuis longtemps que la
densité du noyau est très supérieure à celle des enveloppes accessibles : on connait la densité
moyenne de la terre, qui est de 5,5 alors que la densité de l'écorce et du manteau varie entre 2,7
et 3,5.

Par ailleurs, on connaît assez bien la composition chimique globale de la Terre car c'est la même
(on le suppose, du moins) que celle des météorites de type chondrite qui percutent encore
aujourd'hui notre planète. On admet, en fait, que la terre s'est formée par accrétion de ces types
26

de météorites. Ensuite, par migration des éléments en fonction de leurs densités, il y a eu


formation de couches concentriques autour du noyau. Connaissant à peu près la composition des
couches externes, on peut déduire la composition du noyau (externe et interne). Grossièrement,
la composition du noyau est la composition des météorites moins celles des enveloppes externes.

I.2.3. Formation et différenciation de la terre

Les achondrites et les sidérites (météorites différentiés) sont interprétées comme étant issues
de la fracturation d'un corps originel (appelé corps-parent) de plus grande taille ; ce dernier était
constitué de diverses enveloppes (croûte, manteau, noyau) et serait similaire à la Terre (Figure
8), à la différence près que cette dernière (et les autres planètes telluriques) ne s'est pas fracturée.

Un ensemble de poussières de chimie chondritique homogène s'agglomèrent (accrétion, capture


de matière par gravitation) pour former des corps de plus grande taille. Par collisions
successives, ces corps forment un agglomérat de taille supérieure. Ce dernier se chauffe au cours
de sa formation, à partir de la chaleur de désintégration des éléments radioactifs à courte durée
de vie et surtout de l'énergie libérée au cours des impacts (énergie gravitationnelle). Cette énergie
devient de plus en plus importante au fur et à mesure que le corps grossit par accrétion. À partir
d'une certaine température (donc à partir d'une certaine taille...), la protoplanète entre en fusion et
la différenciation chimique se produit. La différenciation commence donc pendant l'accrétion,
même si elle continue quelques dizaines de millions d'année après la fin de cette accrétion.

Figure 8: Modèle de formation des planètes telluriques du système solaire

La Terre s’est formée par accrétion, l‟agglomération, de matériaux et d‟objets rocheux


présents dans le disque protoplanétaire. Au cours de son accrétion, suffisamment énergétique
pour fondre les roches et créer un océan magmatique, la Terre s‟est différenciée (Figure 9), la
27

phase métallique (plus dense, composée de fer, nickel et quelques éléments dont le silicium),
plongeant en son centre pour former le noyau, reléguant à la périphérie la phase silicatée, qui en
refroidissant a formé les roches du manteau. Comme les échantillons terrestres auxquels nous
avons accès proviennent uniquement de la Terre silicatée, la détermination de la composition de
la Terre globale est complexe, même si la sismologie fournit des indications sur la densité de ses
différentes enveloppes (noyau, manteau, croûte), la question de la nature et de la composition des
matériaux d‟origine n‟est pas résolue.

Figure 9 : Terre solide différentiée résultant d‟une migration des éléments et d‟une diminution
de la température

Au sein de la terre magmatique, les éléments chimiques les plus lourds (Fe, Ni) se rassemblent
par gravité vers le centre du globe pour former un noyau dense. Les plus légers (O, Si, Ca, Na et
K) surnagent et gagnent la surface pour former au cours du refroidissement des silicates,
minéraux d’une croûte rocheuse plus légère. Entre croûte et noyau, les silicates du manteau sont
formés essentiellement des éléments O, Si, Fe et Mg. Les molécules gazeuses s’échappent du
manteau (CO2, H2O, N2, CH4) et vont monter constituer ‘atmosphère primitive puis, par
condensation de la vapeur d’eau, les océans. Les éléments les plus légers (H et He) s’évadent
dans l’espace car la gravité terrestre est insuffisante pour les retenir.
I.3. Composition chimique de la croûte terrestre
La majorité des roches constituant la croûte terrestre sont des silicates qu'on a l'habitude de
décrire par leur composition en oxydes, l'oxygène étant l'élément chimique de loin le plus
abondant ; parmi les éléments pouvant prendre une forme réduite, seuls le chlore, le soufre et le
fluor sont susceptibles de créer des minéraux. De fait leur quantité totale dans n'importe quelle
28

roche dépasse rarement 1 %. À la limite du XIXe et du XXe siècle, F. W. Clarke a calculé que
47 % de la croûte terrestre est faite d'oxygène présent principalement sous forme d'oxydes, dont
les principaux sont les oxydes de silicium, aluminium, fer, calcium, magnésium, potassium et
sodium. La silice est le constituant majeur de la croûte sous forme de silicates, les minéraux les
plus communs des roches magmatiques et métamorphiques. Après une synthèse basée sur
l'analyse de 1 672 types de roches, Clarke a obtenu la composition suivante, exprimée en
pourcentages massiques :
Tableau 1 : Composition chimique de la croûte terrestre

Elémént Pourcentage
Pourcentage chimique (poids)
Oxyde
(% poids)

SiO2 59,71 Oxygène 46.71


Al2O3 15,41 Silicium 27.69
CaO 4,90 Aluminium 8.07
MgO 4,36 Fer 5.05
Na2O 3,55 Calcium 3.65
FeO 3,52 Sodium 2.75
K2O 2,80 Potassium 2.58
Fe2O3 2,63 Magnésium 2.08
H2O 1,52 Titane 0.62
TiO2 0,60 Hydrogène 0.14
P2O5 0,22 Phosphore 0.13
Carbone 0.094
Total
99,22 Manganèse 0.09
=
Soufre 0.052
Baryum 0.05
Chlore 0.045
Chrome 0.035
Fluor 0.029
Zirconium 0.025
Nickel 0.019
Le premier élément chimique dont le pourcentage dans la croute terrestre est le plus élevé est
l'oxygène (O) et celui dont le pourcentage est le plus faible est le nickel (Ni). Seulement 20
29

éléments chimiques sont significatifs dans la croute terrestre. Ainsi, la chimie de la lithosphère
continentale peut être décrite par les éléments majeurs suivants : Si, O, Mg, Fe, Ca, Na, K et Al.

Notez s'il-vous-plait que les éléments dans ce tableau ne sont pas représentés de manière à faire
apparaître des liens entre les éléments comme dans le tableau périodique qui permet de
distinguer les métaux, les semi-conducteurs, les non-métaux, les gaz nobles inertes, les
halogènes, les lanthanoïdes, actinoïdes (éléments rares sur terre) et métaux de transitions.

Allègre et al. (1995) ont donné la composition chimique de la terre globale (Tableau 2).

Tableau 2 : Composition de la Terre globale (Allègre et al., 1995)

Fraction massique d’oxydes Fraction massique Fraction atomique


(%) d’éléments (%)
O = 32,4
Fe = 28,2
Si = 17,2
Mg = 15,9
SiO2 = 34,6 Mn = 0,3 Si/Al = 12
Al2O3 = 5,1 Cr = 0,27 Mg/Al = 10,52
MgO = 25,1 Na = 0,25 Fe/Al = 18,8
FeO = 34,3 Ca = 1,6 Ca/Al = 1,07
CaO = 2,1 Al = 1,5 Si/Mg = 1,1
Ni = 1,6 Fe/Mg = 1,82
Ti = 0,07
K = 0,02

Comment peut-on expliquer la différence entre les Tableaux 1 et2? (voir exposé oral).
30

CHAPITRE II : COMPORTEMENT GEOCHIMIQUE DES


ELEMENTS
Le comportement géochimique des éléments est déterminé par les
propriétés chimiques classiques (valence, électronégativité, potentiels d'ionisation), par certaines
propriétés géométriques (rayon ionique, coordinence) et par leur abondance. Dans les
assemblages solides, quelques éléments (le silicium, l'oxygène, l'aluminium, le fer, le calcium)
sont largement majoritaires. On admet généralement que les éléments les plus rares (ou
« éléments en traces ») s'incorporent dans les structures déterminées par les éléments
majeurs en fonction de leurs caractères ioniques. Dans l'hydrosphère, l'abondance des éléments
est régie par le produit de solubilité de leurs composés (lui-même fonction de la température, du
pH, etc.) et par l'importance des apports, déterminée par la plus ou moins grande résistance des
roches à l'altération physico-chimique au contact de l'atmosphère et de l'hydrosphère.

II. 1. Eléments de géochimie de l'état solide


La connaissance des propriétés ci-dessus, et en particulier de la coordinence, de la valence et du
rayon ionique permet, pour un élément donné, d'expliquer, et parfois de prévoir son
comportement dans un milieu défini.

II.1.1. La coordinence et le polyèdre de coordination

Les constituants d'un solide (atomes, ions ou molécules) y sont disposés dans l'état d'énergie
potentielle minimale correspondant aux conditions présentes au moment de la solidification
(notion d'équilibres stable, métastable...). Un certain constituant (A) est alors entouré par
plusieurs particules d'une autre espèce (B) : la coordinence de A par rapport à B définit cette
géométrie. La coordinence d'une particule est essentiellement fonction de sa taille, de sa charge,
de son moment magnétique. Pour les cations, on la définit par rapport à l'oxygène, de loin l'anion
le plus important (90 % en volume de la lithosphère). Il y a des coordinences irrégulières
(verres) ; la coordinence maximale est surtout fonction des dimensions comparées de l'anion et
du cation.

D'une manière générale et pour des structures simples, le réseau d'un composé ionique est
déterminé par la coordinence des ions – c'est-à-dire par le nombre d'ions de signe opposé
31

immédiatement à leur contact – et, plus spécialement, par la coordinence de l'ion le plus petit,
le cation.

Nous pouvons décrire la relation entre les atomes dans le chlorure de sodium (NaCl, Figure 10)
en disant que chaque atome de sodium est entouré de six atomes de chlore situés à égale
distance. On dit que sur la première sphère de coordination de rayon 2.8 Å, il y a six atomes de
chlore. On définit les droites de coordination que l'on obtient en reliant l'atome considéré (ici le
sodium) avec ses plus proches voisins. On appelle encore polyèdre de coordination le polyèdre
qu'on obtiendrait en faisant passer des plans par les atomes coordinés. Dans le cas de l‟halite, le
polyèdre de coordination est un octaèdre. Remarquons encore que chaque atome de chlore est
également entouré de six atomes de sodium en coordination octaédrique.

Figure 10 : Configuration atomique de NaCl (halite ou sel gemme)

Examinons maintenant la configuration du chlorure de césium (CsCl, Figure 11) : on voit que
chaque atome de césium est entouré de huit atomes de chlore. Le polyèdre de coordination est un
cube. Pourquoi alors NaCl et CsCl, tous deux chlorures d'un métal alcalin dont les liaisons
chimiques sont semblables, présentent une différence de structure?
32

Figure 11 : Structure de CsCl et polyèdre de coordination

On s'est rapidement rendu compte que la taille des atomes était un facteur prépondérant de
l'arrangement structural (Figure 12). Ainsi, dans le cas de l‟halite, l'atome de sodium est
suffisamment petit pour pouvoir se loger entre six atomes de chlore. Dans le cas du césium, dont
le rayon ionique est plus grand que celui du sodium, il faut un interstice plus grand, celui qui
existe entre 8 atomes en coordination cubique.

Figure 12 : Atome de Na à l'intérieur d'un polyèdre octaédrique défini par 6 atomes de Cl


(NaCl), et Atome de Cs à l'intérieur d'un polyèdre cubique défini par 8 atomes de Cl (CsCl)

II.1.2. Le modèle ionique (Goldschmidt)

D‟après ce modèle, les ions sont des sphères chargées, incompressibles et non-polarisables. Des
modèles plus élaborés considèrent que les ions sont composés de 2 parties :
33

un noyau central dur où la majeure partie de la densité électronique est concentrée

une sphère extérieure molle et polarisable qui contient une légère densité électronique)

Les principes structuraux de Goldschmidt pour les cristaux ioniques ont été rassemblés par
Pauling en une série de Règles. Les Règles de Pauling ont été très utilisées et le sont encore dans
de nombreux cas. Elles font des prédictions sur l„arrangement des anions et des cations dans une
structure ionique:

Première règle de Pauling: polyèdres de coordination

Un polyèdre de coordination d„anions est formé autour de chaque cation (et vice-versa) – un
cation va tenter d„être en contact simultanément avec le nombre maximun d„anions. Le nombre
maximum, appelé nombre de coordination probable (polyèdre de coordination, Figure 13) est
donné par la loi du ratio (rapport des rayons ioniques du cation et de l„anion):

Rc /Ra: Polyèdre de coordination en fonction de la taille des ions

< 0.15 : paire ou linéaire (coordinence 2);

0.15 -0.22 : triangle (coordinence 3);

0.22 - 0.414 : tétraèdre (coordinene 4) ;

0.414 - 0.723 : octaèdre (coordinence 6);

0.723 - 1.0 : cube (coordinence 8);

> 1.0 : cuboctaèdre (coordinence 10)


34

Triangle Tétraèdre Octaèdre Cube Cuboctaèdre


équilatéral

Figure 13 : Les polyèdres de coordination en fonction des tailles relatives des atomes liés

Si nous appliquons cette règle à NaCl et CsCl, nous trouvons :

NaCl : RNa/RCl = 0.98/1.81 = 0.54, coordinence 6 (octaèdre) ;

CsCl : RCs/RCl = 1.65/1.81= 0.91, coordinence 8 (cube).

Il existe cependant d‟autres exemples qui sont illustrés dans le Tableau suivant :

Tableau 3 : Quelques exemples de l‟effet de la taille des ions sur le polyèdre de coordination

RA RC ρ Coordination
ThO2 Thoriante 140 106 0.79 VIII cube
TiO2 Rutile 140 68 0.48 VI octaèdre
SiO2 Quartz 140 40 0.28 IV tétraèdre
NaCl Halite 181 95 0.52 VI octaèdre
ZnS Blende 184 51 0.28 IV tétraèdre
35

Les règles de Goldschmidt sont souvent valables, comme le montrent les exemples du tableau
ci-dessus. Il existe cependant de nombreuses exceptions, par exemple:

Al RIVAl = 0.49 ρ = 0.35 : Al devrait donc être en coordination IV tétraédrique, or Al est très
fréquemment en position octaédrique.

ZnRZn = 0.74 ρ = 0.5 : Zn devrait donc être en position octaédrique, mais dans l'oxyde ZnO
(zincite) Zn est tétraédrique de coordinence IV.

Deuxième règle de Pauling: Principe de la valence électrostatique

Les différentes possibilités géométriques d'assemblage ne peuvent se réaliser que si le minéral est
électriquement équilibré. Les considérations sur l'équilibre électrostatique font appel à la notion
de force de valence, également appelée force de liaison ionique ou valence électrostatique v.
La force de valence est la fraction de la charge du cation distribuée à chacun des anions qui
l'entourent.

chargedu cation
v=
coordinence du cation

Les contraintes électrostatiques sont décrites par les règles de Pauling.

Dans une structure ionique stable, la charge d„un anion est contre-balancée par la somme des
forces des liaisons électrostatiques des anions dans le polyèdre de coordination, par exemple une

structure ionique stable doit être arrangée pour préserver une neutralité électronique locale.

En d‟autres termes, si le polyèdre est régulier, la somme des valences électrostatiques reçues par
un anion de la part des cations qui lui sont liés, est égale à la valence de cet anion.
Pour le sel gemme par exemple, la force de liaison ou valence électrostatque est égale à la
charge de Na+ divisée par la coordinence de Na, soit +1/6. La coordinence de Cl étant égale à 6
dans le sel gemme, la somme des valences électrostatiqes reçues par un atomme de Cl- de la part
de 6 atomes de Na qui lui sont liés vaut sa valence (1/6 x 6= 1).

Etant donné que la formule chimique d‟un cristal est équilibrée au niveau des charges, la somme
des nombres de coordination des cations doit être égale à la somme des nombres de coordination
des anions.
36

Si le polyèdre est irrégulier, différents modèles mathématiques permettent de calculer les


valences de liaison en fonction de la distance anion-cation. Ces modèles sont de la forme :

v = vi (d / d0 )-4, avec vi = valence électrostatique théorique dans le cas d‟un polyèdre régulier
(charge/ coordinence) ; d0 = distance anion-cation dans le polyèdre régulier ; d = distance réelle
cation-anion dans le polyèdre irrégulier.

Cette règle signifie que, pour qu‟un édifice cristallin soit stable, il ne suffit pas que la neutralité
électrique soit réalisée globalement, mais elle doit l‟être aussi dans chacun des polyèdres de
coordination.

Exercice : vérifier la deuxième règle de Pauling pour le rutile (TiO2)

Troisième loi de Pauling : règle des éléments communs entre polyèdres d’anions (connexion
polyédrale)

Cette loi prévoit que l‟existence d’arêtes et plus encore, de faces, communes à deux édifices
anioniques, affaiblit la stabilité de la structure, et ce d‟autant plus que le cation central est
chargé, en coordinence faible et de taille proche de la limite permise par les dimensions du
polyèdre anionique. Cela revient, pour toute structure, à éloigner au maximum les cations
fortement chargés.

Le partage d'arêtes, et encore plus de faces, réduit la stabilité de la structure. Cet effet est plus
important pour les cations de valence élevée et de nombre de coordination bas, et il est
spécialement critique lorsque le rapport des rayons ioniques est proche de la limite inférieure
pour la stabilité du polyèdre. La diminution de la stabilité provient de la répulsion coulombienne
cation-cation. En fait, en passant du partage d'un sommet à celui d‟une arête et d‟une face, la
distance cation-cation diminue (Figure 14).
37

Figure 14 : Diminution de la distance cation – cation par connexion polyédrale (coin- arête –
face en commun)

Dans les silicates, les tétraèdres SiO4 seront soit isolés, séparés par des polyèdre dont le cation
central est à basse charge (cas des nésosilicates : olivines, grenats), soit liés par la mise en
commun d‟un oxygène et d‟un seul par tétraèdre (cas des tectosilicates : quartz). Ces tétraèdres
ne s‟accolent pas par une arête commune ou par une face commune (Figure 15).

Figure 15: Possibilités de connexion polyédrale par mise en commun d‟un coin, d‟une arête ou
d‟une face

Quatrième loi de Pauling : loi des assemblages entre différents polyèdres

Cette loi stipule que dans une structure cristalline, lorsque plusieurs types de polyèdres sont
présents, ceux dont le cation central a la charge la plus élevée s‟éloignent au maximum les uns
des autres. Cette quatrième loi peut être incluse dans la troisième dont elle constitue une
conséquence logique. Ainsi, dans un cristal contenant des cations différents, ceux qui ont la
38

valence la plus élevée et le nombre de coordination le plus bas, tendent à ne pas partager de
polyèdres de coordination en mettant un sommet, une arête ou une face en commun.

Cette règle explique pourquoi les tétraèdres de Si4+ et d‟Al3+ normalement partagent seulement
leurs sommets, tandis que le partage d‟arêtes ou de faces est rare (voir Figure 15).

On peut considérer également l„exemple de la pérovskite (CaTiO3) de structure :

Le cation Ti4+ est octaédriquement ordonné (coordinence 6) et ne peut partager que les coins
(atomes d‟oxygène en commun), alors que le cation Ca2+ qui est en coordination cuboctaédrale
(coordinance 12) peut mettre une face en commun.
39

Cinquième loi de Pauling : principe de parcimonie ou de l’homogénéité de l’environnement

Autour de chaque cation, un polyèdre anionique se constitue en donnant un assemblage aussi


compact que possible. De même, les structures cristallines tendent à être les plus simples
possibles, avec un nombre minimum de motifs (cations, type de cavités). Ainsi, les minéraux
silicatés les plus complexes n‟ont pas plus de 3 ou 4 motifs différents.

Cette règle correspond au fait que les liaisons électrostatiques des anions chimiquement proches
doivent être similaires. En outre, les polyèdres autour des mêmes cations tendent à être proches
et à avoir des environnements chimiquement similaires. Le nombre d‘éléments constituants de
nature essentiellement différente tend à être peu élevé.

II.1.3. Potentiel ionique

Le potentiel ionique d‟un ion est rapport entre sa charge et son rayon ionique q = Z/r; il
détermine le comportement des ions. La classification établie par GOLDSCHMIDT distingue 3
groupes d'ions d'après la valeur du potentiel ionique:

Z/r ≤ 3 : les cations solubles, gros ions faiblement chargés;

3 < Z/r < 10 : les hydrolysats, hydroxydes insolubles;

Z/r > 10 : les oxyanions solubles, anions complexes avec oxygène.

La répartition des charges électriques à la surface de l'ion explique son comportement vis-à-vis
de l'eau.

Les oxyanions sont solubles: leur potentiel ionique est grand, leur surface est fortement chargée.
Ces ions dissocient les H+ des molécules d'eau et s'associent avec les O2- : les ions soufre
donnent des ions sulfates (SO4)2-, les ions carbone des carbonates (CO3)2-, les ions phosphore des
phosphates (PO4)3-.

Les ions hydrolysats: la dissociation de l'eau est partielle en H+ et OH-. Les cations s'unissent
aux OH- et forment des hydroxydes insolubles (Fe2O3, Al2 O3 ...).

Les cations solubles: leur potentiel ionique et leur densité de charge de surface sont faibles. Ils
n'ont pas d'action sur la molécule d'eau et restent dispersés, c'est-à-dire hydratés.

Les différents types d‟ions sont présentés dans la Figure 16.


40

La valeur du potentiel ionique permet donc d'expliquer l'association de certains métaux dans les
minéralisations (par exemple la paragénèse plomb-zinc), le lessivage des cations solubles et des
oxyanions comme le potassium, les sulfates, l'immobilité relative des hydrolysats comme
l'Al(OH)3 (gibbsite).

Figure 16: Classification des ions par Goldschmidt (q = Z/r)

II.1.4. Règles des substitutions dans les solutions solides - Lois de Goldschmidt

Les règles de Goldschmidt sont les règles empiriques introduites par Victor Goldschmidt en
1925-1926 pour préciser les substitutions d'ions qui peuvent se produire dans un édifice
cristallin. Elles reposent sur le principe qui veut que l'ion préférentiellement incorporé dans une
structure est celui qui confère la plus grande stabilité. En effet, un élément en faible
concentration dans la source primitive (magma, fluide hydrothermal…) ne pourra pas donner un
minéral en propre du fait de sa forte dilution ou dispersion. Selon ses affinités avec le milieu,
soit il donnera des inclusions, soit il prendra place dans le réseau d‟un minéral majeur, en tant
qu‟élément de substitution. Cette affinité est directement corrélée à la taille des ions et à leur
charge électronique. Goldschmidt a émis quatre lois empiriques qui décrivent la possibilité de
substitution d‟un élément par un autre.

1. Règles (lois) de Goldschmidt


41

Première règle

Pour que deux ions puissent se remplacer l'un l'autre dans un cristal, leurs rayons ioniques ne
doivent par différer de plus de 15 % par rapport au plus petit. De 15 % à 30 %, la substitution
peut se faire mais elle est partielle.

Deuxième règle

Les ions dont les charges diffèrent d'une unité, se substituent facilement s'il y a un couple de
remplacement pour assurer l'équilibre électrique (ex. Ca2+, Al3+ versus Na+ Si4+). Si la différence
de charge est supérieure à une unité, la substitution est plus difficile. Ainsi donc, des ions dont les
charges électriques diffèrent d’une unité peuvent se substituer si leurs rayons sont équivalents. Si
la différence de charge est supérieure à 1, la substitution est alors peu fréquente.

Troisième règle

Si deux ions sont susceptibles d‟occuper la même position dans une structure cristalline, le plus
petit et/ou celui qui a la charge la plus élevée l‟emportera, car les forces de Van de Walls seront
alors plus importantes.

Quatrième règle

Introduite par Ringwood en 1955, la quatrième règle affirme que la substitution peut être difficile
même si les critères de rayon ionique et charge sont satisfaits, mais que les ions en concurrence
ont des électronégativités différentes et forment des liaisons avec un caractère ionique différent.
Il y a possibilité de remplacement ou de substitution isomorphe (ou diadochique) d‟un ion par
un autre si leurs valences électrostatiques sont identiques et si les rayons ioniques de ces ions ne
diffèrent pas de plus de 15%.

Par exemple, en ce qui concerne le fer et le magnésium, la forstérite Mg2SiO4 et la fayalite


Fe2SiO4 sont isomorphes.

De même, nous pouvons rencontrer dans de nombreux minéraux, en particulier dans les
amphiboles, les symboles (Mg, Fe) et (Al, Fe), qui signifient qu‟il y a substitution du magnésium
Mg2+ par le fer ferreux Fe2+ dans le premier cas et de l‟aluminium Al3+ par le fer ferrique Fe3+
dans le second.
42

Remarquons que le magnésium Mg2+ et le fer Fe3+ peuvent également se substituer, en


accord avec la deuxième loi de Goldschmidt. Du fait de leurs tailles très voisines, et ce malgré
leur différence de charge qui est neutralisée par ailleurs, par la présence d‟autres éléments ou de
défauts. Une épidote sera plutôt verte si le magnésium est remplacé par du fer ferreux Fe2+ et
plutôt brune si il est remplacé par du fer ferrique, Fe3+. Dans le cas des grenats, cette substitution
peut intervenir sur les deux types de cations X2+ et Y3+. Conformément à la loi de Goldschmidt,
cette substitution est corrélée aux rayons des ions présents dans les grenats.

Les grenats sont définis à partir de la formule X3Y2 [SiO4]3 et de la structure qui lui est associée.
Toutefois, les cations X et Y peuvent représenter différents éléments (X = (Ca, Fe2+), Y =(Al,
Fe3+)). De surcroît, ces éléments peuvent se substituer les uns aux autres. La composition d‟un
minéral naturel grenat n‟est quasiment jamais pure ; très souvent, il s’agit en fait d’un mélange
local de plusieurs grenats.

2. Classification des substitutions

Cette concerne uniquement la façon dont les éléments traces (< 1 %) se distribuent dans la
structure cristalline en remplaçant l'élément majeur.

On classe les substitutions en trois types ([N] signifie nombre de coordination N) :

Camouflage : l'élément minoritaire a la même charge et un rayon ionique proche de l'élément


[6]
qu'il va remplacer. Exemple. Hf4+ (0,85Å) remplace fréquemment [6]
Zr4+ (0,86 Å) dans le
minéral zircon, ZrSiO4. L'hafnium ne forme pas de minéraux spécifiques, car son abondance est
seulement de 1 % à 3 % de celle du Zr. Ga3+ ([6] : 0,61 Å; [8]
: 0,76 Å) remplace fréquemment
Al3+ ([6] : 0,53 Å; [8] : 0,675 Å) par exemple dans les micas.

Capture : un élément entre préférentiellement dans un cristal, car sa force de liaison est plus
importante que celle de l'élément majeur. L'élément minoritaire a un rayon ionique proche mais
une charge supérieure ou la même charge avec un rayon ionique inférieur. Exemple. Ba2+ ([6] :
1,49 Å; [8] : 1,56 Å) et Sr2+ ([6] : 1,32 Å; [8] : 1,40 Å) peuvent remplacer K+ ([6] : 1,52 Å; [8] : 1,65
Å) dans les feldspaths grâce à leurs forces de liaison. La substitution est couplée avec le
remplacement de [4]Si4+ (0,40 Å) pour [4]Al3+ (0,53 Å), pour maintenir la neutralité électrique.
43

Admission : il s'agit de l'entrée d'un ion étranger qui a une force de liaison moins importante de
l'ion majeur ; l'élément minoritaire a un rayon ionique proche mais une charge inférieure ou la
même charge avec un rayon ionique supérieur. Exemple. La force de liaison de Rb+ ([6] : 1,66 Å;
[8]
: 1,75 Å) est plus faible de celle de K+ ([6] : 1,52 Å; [8]
: 1,65 Å), mais peut le remplacer dans
les feldspaths. En revanche, la substitution est plus difficile si l'ion à remplacer est Na+ ([6] : 1,16
Å; [8] : 1,32 Å) à cause de la différence plus importante des rayons ioniques. De même, Sr2+ ([6] :
1,32 Å; [8] : 1,40 Å) peut facilement remplacer Ca2+ ([6] : 1,14 Å; [8] : 1,26 Å), mais non pas Mg2+
([4] : 0,71 Å; [6] : 0,86 Å; [8] : 1,03 Å).

3. Substitutions : Quelques Remarques Générales

Influence de la température

La gamme de composition dans laquelle un minéral est stable peut être considérée comme une
fonction de la géométrie et de la taille des sites atomiques (ou ioniques) dans la structure du
cristal. Alternativement, ces facteurs dépendent fortement des interactions énergétiques entre les
charges des cations et des atomes impliqués. Ces interactions énergétiques dirigent les forces de
liaison et peuvent varier avec la pression et la température. Par exemple, une augmentation de
température peut conduire à une expansion significative du volume de sites où des cations
métalliques sont liés par des liaisons métal-oxygène-métal (M-O-M) ; des cations de grande
dimension peuvent alors pénétrer dans ces emplacements et, aux températures élevées, former
ainsi des solutions solides totales.

Les liaisons Si-O-Si, comme il en existe beaucoup dans les roches constituées de minéraux
silicatés, sont énergiquement plus fortes que les liaisons M-O-M (Putnis 1992). Par conséquent,
la taille du tétraèdre SiO4 ne varie guère lorsque la température augmente. Or, dans beaucoup de
minéraux silicatés, l'aluminium (Al) peut remplacer le silicium (Si) dans les sites tétraédriques,
formant alors des liaisons Al-O-Al. Comme ces liaisons ont une énergie encore plus élevée que
les liaisons Al-O-Si (Putnis, 1992), l‟existence de tétraèdres [AlO4] est donc énergiquement
défavorisée, avec comme conséquence, la formation de liaisons …-Al-O-Si-O-Al-O-Si-
…comme par exemple dans l‟anorthite (Laves et Orfèvre, 1955). Ce comportement est connu
sous le nom "d’éviction de l'aluminium" ou principe d’éviction de l'Al (Loewenstein, 1954),
44

parce qu‟il décrit l‟impossibilité énergétique d‟existence de tétraèdre [AlO4] voisin, et car il est
la cause du comportement d‟agencement Si-Al dans nombre de silicates.

Influence de la pression

Dans de nombreux cristaux de coordinence polyédrique, il y a corrélation entre la pression et la


température d’une part, et la taille des sites dans la maille d’autre part, à ceci près qu‟une
augmentation de température a un effet similaire à une diminution de pression, et vice versa.
Ainsi pour une solution solide entre le grossulaire et le pyrope, sous de faibles pressions, les
sites A de coordinence 8 sont légèrement trop larges pour accueillir les cations Mg2+ (0.97 Å en
coordinence 8) et sont donc principalement occupés par des cations Ca2+ de dimension
supérieure (1,2 Å). Sous des pressions plus élevées, ces sites rétrécissent de sorte qu‟il y a alors
occupation préférentielle par Mg2+, expliquant ainsi la préséance du pyrope comme phase haute
pression des grenats.

Influence de la taille des cations

Les tailles des cations peuvent également avoir une implication profonde sur le domaine de
stabilité de la solution solide. La substitution d'un grand cation comme Ca2+ par de plus petits
cations tels Fe2+ ou Mg2+ cause une modification des longueurs de liaisons entre les atomes
voisins, pouvant aller jusqu‟à un affaiblissement des liaisons M-O-M et à une déformation ou
une expansion des sites dans le réseau. Dans ce contexte, Putnis (1992) a précisé qu'une
substitution de Ca2+ (1,20 Å) par Ni2+ (0,77 Å) dans l'olivine a le même effet structural qu‟une
augmentation de la température de 20 à 1000°C. Toutefois, des substitutions impliquant des
cations avec de telles différences de tailles ne peuvent se produire que si la structure du cristal
peut compenser les efforts de contrainte associés à une substitution si difficile. Généralement,
une élévation de la température facilite l'incorporation de cations de plus large rayon dans le
réseau cristallin, augmentant de ce fait le domaine de stabilité d‟une solution solide : conclusion
confirmée par les observations qui ont démontré que les solutions solides totales pouvaient
intervenir à haute température, même si des défauts de miscibilité apparaissent dans ces
minéraux à plus basses températures, comme par exemple dans les pyroxènes, les feldspaths, les
micas, etc... Il convient de noter que l‟expression de soluté est réservée pour des phases
coexistantes de même groupe de symétrie spatiale.
45

4. Types de solutions solides

On distingue trois types de solutions solides.

Dans les solutions solides de substitution, les atomes sont substitués diadochiquement ; pour
cela il faut que l'atome substitué satisfasse à plusieurs conditions (lois de Goldschmidt), et en
particulier pour les cristaux ioniques.

En général, les possibilités des substitutions augmentent avec la température de formation. Ainsi,
à haute température ( > 700 °C), le sodium et le potassium sont totalement interchangeables dans
la structure des feldspaths. Lorsque la température retombera, la solution solide deviendra
instable, il y aura précipitation d'un autre composé : exsolution. Le feldspath sodipotassique de
haute température donnera par exsolution des associations orientées d'albite et de feldspath
potassique K[AlSi3O8], connues sous le nom de perthites. La température d'exsolution donne
ainsi une limite inférieure de température de formation de l'association étudiée (thermomètre
géologique).

Dans le cas des solutions solides d'addition, les atomes substitués occupent des positions
interstitielles dans le réseau de l'hôte. Ces solutions solides sont fréquentes dans les
phyllosilicates et tectosilicates : minéraux des argiles et zéolites.

Les solutions solides de soustraction constituent le dernier type. Dans la pyrrhotine, Fe1-xS, les
analyses montrent toujours un excès de soufre qui est dû à l'absence de certains atomes de fer
dans le réseau, mais, pour assurer la nécessaire compensation électrostatique, certains atomes de
fer du réseau deviennent trivalents.

5. Le problème des éléments en traces

La plupart des analyses de minéraux montrent la présence de nombreux éléments en traces


(teneur inférieure à 1%). Depuis le développement de la géochimie, on considérait que ces
éléments en traces résultaient le plus souvent de substitutions diadochiques. Des études,
permises surtout par l'emploi de la microsonde électronique, réalisant des analyses ponctuelles
sur des échantillons homogènes, à l'échelle des quelques micromètres cubes de volume intéressé,
ont montré que les substitutions diadochiques sont rares en dehors des solutions solides
46

classiques. Ce sont plutôt les défauts, les microfissures, les inclusions qui régissent la présence
des « éléments en traces », qui sont en réalité fréquemment des « éléments fissuraux », situés
en dehors du réseau du minéral hôte. Il convient donc maintenant de préciser par des méthodes
annexes la forme cristallochimique d'un élément avant de considérer qu'il est substitué
diadochiquement.

6. Polymorphisme

Plusieurs espèces minérales sont polymorphes si elles ont même formule chimique, mais des
structures différentes ; pour un élément on emploie le terme d'allotrope : par exemple, diamant
et graphite sont deux formes allotropiques du carbone ; aragonite et calcite sont deux
espèces polymorphes du carbonate de calcium CaCO3. Les différents polymorphes d'une
même substance sont formés sous différentes conditions de température, de pression,
d'environnement chimique ; donc la présence d'un polymorphe dans une roche renseigne sur les
conditions de formation de cette roche. Si les conditions changent, il peut y avoir réarrangement
du réseau et passage d'un polymorphe à un autre : transition. Le point de transition pour une
pression donnée correspond à la température d'équilibre des deux phases. Toutes les transitions
sont réversibles, mais il peut y avoir des retards au changement d'état qui peuvent se chiffrer en
millions d'années ou ne pas être décelables pour des températures ordinaires. Les vitesses de
transformation d'une espèce polymorphe en une autre sont très variables et dépendent du degré
de reconstitution de la structure : si la transition correspond à une simple déformation du réseau,
elle est pratiquement immédiate à la température du point de transition (transition du quartz (3 de
haute température, hexagonal, en quartz a de basse température à 573 °C). On peut considérer,
par contre, des transitions comme pratiquement irréversibles, car demandant de fortes dépenses
d'énergie pour détruire l'ancienne structure et en reconstruire une nouvelle (transition graphite =
diamant).

II. 2. Classification géochimique des éléments

La classification géochimique des éléments est aussi appelée classification Goldschmidt


puisqu'elle résulte des travaux menés dans les années 1920 par le chimiste Victor Goldschmidt
en vue d'éclaircir les fondements des diverses proportions des éléments chimiques de la Terre, et
47

particulièrement des terres rares dans les différentes phases minéralogiques lors de la
cristallogenèse à partir d'un magma. Goldschmidt a examiné le partitionnement des éléments
dans les météorites et lors de la fusion de minerai d‟oxydes et de sulfures dans une fonderie
("smelter") et a trouvé que les éléments préfèrent une des quatre phases suivantes ou classes, à
savoir lithophile, chalcophile, sidérophile et atmophile (Figure 17).

Il faut noter que cette classification de Goldschmidt est basée sur l‟affinité chimique des
éléments. Cependant, il existe d‟autres classifications, en l‟occurrence celle basée sur la
température de condensation des éléments qui permet de distinguer les éléments réfractaires des
éléments volatiles. Le degré de " volatilité " est défini par rapport à la température de
condensation (Tc) des éléments. La condensation représente le passage de l'état gazeux à l'état
solide. Cette propriété est importante. En effet, si l'on se replace au début de l'histoire du système
solaire les blocs rocheux à l'origine des planètes ont pu subir des variations de température liées
entre autres aux chocs et aux passages à des distances plus ou moins importantes du Soleil.
Certains éléments chimiques on donc pu être volatilisé ou jamais condensés. Ce phénomène est
observable dans les chondrites où les éléments chimiques les plus volatiles (H, C, ….) sont en
abondance plus faibles que dans le soleil alors que les éléments les plus réfractaires ont des
abondances très similaires au soleil. On distingue différentes classes d'éléments:

Réfractaires Tc>1400 K ;

Modérément réfractaires Tc~1300 K ;

Modérément volatiles 800 K<1200 K ;

Volatiles Tc< 800 K .


48

Figure 17 : Classification Goldschmidt des éléments


II.2.1. Eléments lithophiles

Les éléments lithophiles ont une affinité dominante pour l'oxygène et se retrouvent par
conséquent avec les aluminates et les silicates. Ils forment une liaison ionique des ions avec les
tétraèdres de SiO2 et Al2O3 et qui forment aisément des ions qui ont 8 électrons dans la couche
électronique extérieure. Ce sont des métaux alcalins et alcalino-terreux, des halogènes et des
métaux de transition au groupe 6 ou 7 ionisé à la configuration électronique du Ar, Kr et Xe.

Ce sont des éléments qui sont localisés préférentiellement dans les roches silicatés (manteau,
croûtes) et qui n'ont aucune affinité pour le fer et ses alliages (noyau). Ils peuvent être
réfractaires ou volatiles, compatibles ou incompatibles. Ainsi, on peut distinguer :

Lithophiles réfractaires : Be, Al, Ca, Sc, Ti, V, Sr, Y, Nb, Ba, terres rares, Hf, Ta, Th, U

Lithophiles modérément réfractaires : Mg, Si, Cr

Lithophiles modérément volatiles : Li, B, Na, K, Mn, Rb, Cs…


49

Lithophiles volatiles : F, Cl, Br, I

Eléments compatibles/incompatibles. Un élément est dit incompatible quand lors de la fusion


partielle d'une roche il passe de celle-ci au magma.

II.2.2. Eléments chalcophiles

Les éléments chalcophiles sont des éléments qui ont une grande affinité pour le soufre (S). Dans
l‟esprit de Goldschmidt, ce sont des éléments qui aiment le soufre. La matte de souffre se lie de
façon covalente avec les métaux des groupes 11 et 12 (2 dernières orbitales d – d9 et d10), les
éléments des groupes 13, 15 et 16 dans les périodes 4, 5 et 6 sauf Au, et Ge et Sn du groupe 14.
Les éléments chalcophiles sont très volatiles.

Chalcophiles volatiles : S, Se, Cd, In, Sn, Te, Hg, Pb.

Les éléments chalcopiles les plus abondants sont les éléments générateurs de minerais : les
métaux «chalcophiles» (fréquemment associés au soufre), tels le cuivre et le zinc, et des éléments
volatils, tels le chlore et le soufre.

II.2.3. Eléments sidérophiles

Ce sont des éléments qui ont une affinité dominante pour le fer ; c‟est ce qui explique pourquoi
des métaux comme l‟or et le platine sont rares dans la croûte terrestre, ayant migré avec le fer
lors de la formation du noyau de la Terre. Les éléments sidérophiles ont une affinité pour la
phase métallique et sont localisés préférentiellement dans le noyau. Ils peuvent être réfractaires
ou volatiles, compatibles ou incompatibles. Ainsi on peut distinguer :

Sidérophiles réfractaires : Mo, Ru, Rh, W, Re, Os, Ir, Pt

Sidérophiles modérément réfractaires : Fe, Co, Ni, Pd

Sidérophiles modérément volatiles : P, Cu, Ga, Ge, As, Ag, Sb, Au

Sidérophiles volatiles : Tl, Bi.

II.2.4. Elements atmophiles

Ce sont tous des éléments très volatiles. Ils se retrouvent préférentiellement dans l'atmosphère et
l'océan.
50

H, He, C, N, O, Ne, Ar, Kr, Xe

La classification géochimique des éléments est étroitement liée à leur abondance dans la croûte
terrestre comparée à leur abondance dans le système solaire :

La croûte terrestre est enrichie en éléments lithophiles par rapport au système solaire, car
ils forment des oxydes solides peu denses qui se sont concentrés dans les couches
superficielles de la Terre lors de la phase d'accrétion initiale ;

Elle est en revanche fortement appauvrie en éléments sidérophiles et atmophiles, les premiers
ayant une densité élevée qui les a entraînés jusqu'au noyau avec le fer, et les seconds étant
trop volatils pour être intégrés dans la masse terrestre lors de l'accrétion initiale ;

Elle est enfin, relativement appauvrie en éléments chalcophiles, plus denses que les oxydes
formés par les lithophiles.

CHAPITRE III : REACTIONS A LA SURFACE DE LA TERRE :


CHIMIE DES EAUX ET ALTERATION

III.1. Introduction

La géochimie de la surface de la terre est dominée par les solutions aqueuses et leurs
interactions avec les roches. On a vu au chapitre premier que le manteau supérieur a une
composition moyenne approximative de granodiorite, et que la croûte océanique est constituée
principalement de basalte. A la surface de la terre, les sédiments et les sols dominent. Ils sont
produits ultérieurement par l‟interaction de l‟eau avec la roche cristalline (roches
métamorphiques ou ignées). Ainsi, pour mieux appréhender l‟évolution de la terre, il est
nécessaire de comprendre le rôle du processus géochimique impliquant de l‟eau.

L‟eau est essentielle à la vie et à l‟activité centrale de l‟homme. Elle est largement utilisée pour
la boisson (eau potable), l‟agriculture, le chauffage, le refroidissement, la pêche, le transport, etc.
L‟eau polluée est non indiquée pour la boisson (non potable) et la cuisson : l‟eau saline n‟est pas
indiquée pour l‟agriculture. La maitrise des problèmes des eaux polluées exige une connaissance
du comportement des systèmes aqueux naturels pour au moins deux raisons fondamentales.
Premièrement pour identifier la pollution, on a besoin de connaitre les caractéristiques des
51

systèmes naturels. Par exemple, le Pb peut être fortement toxique, et les fortes concentrations de
Pb dans le sang constituent un risque pour la santé. Cependant, toutes doivent avoir une teneur en
Pb limitée ; on est ainsi interpellé si la teneur en Pb dépasse le seuil limite dans les eaux.
Deuxièmement les processus naturels affectent les polluants de la même façon qu‟ils affectent
leur contrepartie. A titre d‟illustration, le Cd lessivée d‟une décharge sera sujet des mêmes
réactions d‟adsorption/désorption que le Cd naturel. Pour prévoir la fatalité des polluants, on doit
connaitre tous ces processus.

Dans ce chapitre, une attention particulière sera mise sur l‟eau et ses interactions avec les solides
(roches) à la surface de la terre. Il existe 2 types de solutions aqueuses : eaux continentales et
eaux de mers. L’eau continentale par cette définition, concerne entre autres, les eaux
souterraines, les eaux de surface (rivières, sources et lacs), et les eaux salées de lacs. Dans ce
chapitre, le but sera focalisé sur la chimie des eaux continentales et comment elles
interagissent avec les roches.

III.2. Système Calco-Carbonique dans les eaux naturelles

Les eaux naturelles contiennent différents éléments chimiques dissous, du fait de leur
cheminement dans le sol et au contact de l‟atmosphère ; parmi ces éléments nous citons :

des cations tels que : Ca2+, Na+, K+, Mg2+, Fe2+… ;

des gaz dissous, essentiellement CO2 et O2 ;

des acides humiques comme matière organique ;

des anions tels que Cl-; SO2-; CO32- etc….

Certains des ces éléments sont susceptibles de réagir entre eux au sein d‟un système appelé
système calco-carbonique. La réaction de base, qui illustre toutes ces possibilités de réactions,
peut s‟écrire : CO2 + H2O + CaCO3  Ca(HCO3)2 (R. 1)

Le CO2, en présence d‟une phase gazeuse (atmosphère ou rhizosphère), peut se dissoudre dans
l‟eau. Après hydratation et ionisation, le CO2 donne lieu à un produit acide qui permet l‟attaque
du CaCO3 présent dans toutes les roches sédimentaires. Celui ci se dissous et passe en solution
sous forme d‟hydrogénocarbonate beaucoup plus soluble que le carbonate. Cette transformation,
52

qui correspond au sens (1) de la réaction précédente, est celle qui correspond au processus de
solubilisation des roches sédimentaires dans le sol quand l’eau est au contact de la
rhizosphère riche en CO2. Si par la suite cette eau perd du CO2, par dégazage et/ou
échauffement, la réaction peut être déplacée dans le sens (2) et donner lieu à une précipitation de
CaCO3 qui, s‟il adhère aux parois, va constituer le tartre. Dans le cas des eaux douces
superficielles, le carbonate de calcium sera toujours le constituant majeur du tartre déposé.

III.2.1. Mise en équations du système “CaCO3-CO2-H2O”

Tous les processus d'entartrage par CaCO3 quelles qu'en soient les causes immédiates
débouchent directement ou indirectement sur la réaction R.1. L‟échange de CO2 entre la phase
liquide et la phase gazeuse est le principal moteur de tout entartrage (précipitation de CaCO3). Si
on veut décrire correctement les équilibres et les cinétiques d'évolution de ce système, il est donc
essentiel de le considérer comme un système polyphasique faisant intervenir trois phases
simultanément en présence :

- Une phase gazeuse constituant l'issu principal de CO2.

- Une phase liquide où se déroulent toutes les réactions chimiques.

- Une phase solide constituée par le dépôt en cours de formation lorsque les eaux conduisent à
l'entartrage.

L'existence simultanée de trois phases implique l'existence de 2 interfaces (Figure 18) où se


situent les résistances de transfert principales conditionnant les cinétiques limitantes et la vitesse
d'évolution globale du système. La recherche des conditions d'équilibre thermodynamique de
système CaCO3-CO2-H2O est un problème classique mettant en considération 7 inconnues
indépendantes, qui vont être présentés par la suite avec leurs relations d‟équilibre. Lorsque la
température et la variété allotropique de MeCO3, vis à vis de laquelle ces équilibres sont
exprimés sont fixées, on dispose de 6 équations reliant ces différentes inconnues lorsque les
divers équilibres sont réalisés.
53

Figure 18 : Représentation schématique des échanges de matière aux interfaces et des réactions
en phase liquide

Interface gaz /liquide

On parle d‟un équilibre d‟adsorption-désorption de CO2 qui sera décrit par la loi de Henry
(établit à l'équilibre les concentrations en gaz dissous dans un liquide) suivant cette relation
d‟équilibre.

PCO2 = KH.(CO2 ) (1), avec KH est le coefficient de Henry.

Ainsi, les variables introduites sont PCO2 et (CO2).

Phase liquide

Une partie de CO2 dissous va s‟hydrater puis s‟ioniser en donnant lieu aux ions HCO3- et CO32-
qui seront caractérisés par leurs activités (HCO3-) et (CO32-).

Les réactions de dissociation sont :

CO2,H2O + H2O ↔ HCO3- + H3O+ (R. 2)

HCO3- + H2O ↔ CO32- + H3O+ (R. 3)

L‟application de la loi d‟action de masse à ces deux réactions d‟ionisation permet alors
d‟introduire les relations suivantes :
54

Avec K1 et K2 sont, respectivement, les constantes de la 1ère et de la 2ème dissociation de


l‟acide carboxylique. Ces ionisations libèrent des ions H3O+ et des ions OH- dont les activités
sont reliées par la constante d‟ionisation de l‟eau (éq. 4). Les variables introduites sont (H3O+) et
(OH-).

Les ces concentrations ioniques doivent évidemment respecter la condition de neutralité


électrique de la solution exprimée par la relation suivante :

Les concentrations ioniques doivent évidemment respecter la condition de neutralité électrique


de la solution exprimée par la relation suivante :

2[Ca2+] + [H3O+] = [OH-] + 2[CO32-] + [HCO-] (5)

Interface solide / liquide

Les équilibres qui vont s‟établir peuvent s‟exprimer par le produit de solubilité du composé
solide le moins soluble qui peut se former en combinant entre eux les anions et les cations
présents. A priori Le carbonate de calcium est le moins soluble parmi les sels carbonatés, il
déterminera les conditions de précipitation. Par conséquent son produit de solubilité sera pris en
compte
55

A l‟issue de cet inventaire, on arrive à la conclusion que la mise en forme de notre problème fait
intervenir sept variables et six équations. On est donc en présence d‟un système bivariant. La
règle de phase (v = 2 + n - φ) conduit à la même conclusion tant qu‟il ait 3 constituants
indépendants (n = 3 pour CO2, H2O et MeCO5), et 3 phases (φ) = 3).

Travaillant à une température constante permet de réduire la complexité du système (Eq. 1 à 6).
Par contre, si la température est choisie comme variable, le système d‟équation serait
considérablement compliqué et devrait tenir compte de la dépendance avec la température, de
toutes les constantes d‟équilibres (tels que les produits de solubilité les constantes des
dissociations (K1, K2), la solubilité de la CO2 dans la phase liquide etc). Comme on introduit un
nombre d‟inconnues supplémentaires et un nombre d‟équations de dépendance de la température
égale au nombre de constantes prises en compte, le system reste bivariant. La résolution de ce
dernier sera plus complexe, sans que cela apporte de plus au plan de la compréhension du
fonctionnement de ce système. Sa résolution n‟a pas une solution unique mais une série de
solutions que l‟on peut exprimer en choisissant deux variables principales et en exprimant l‟une
en fonction de l‟autre dans les conditions d‟équilibre.

Les 2 paramètres les plus accessibles expérimentalement sont le pH et le titre calcique.

III.2.2. Répartition des espèces carbonatées

La combinaison des équations 2 et 3, permet d‟obtenir la relation :

Les pourcentages (éq. 8-10) des trois espèces CO2, HCO3- et CO32- présentes en solution sont
déterminés à partir de l‟équation 7.
56

Ces expressions permettent de tracer le diagramme de répartition des trois espèces en fonction du
pH à une température donnée (Figure 19).

Figure 19 : Diagramme de répartition des espèces carbonatées en fonction du pH

- à pH < 5 la solution contient essentiellement du CO2 dissout. La solution est dite agressive.

- à pH = pK1 (± 6,4 à 25°C), on a un mélange de 50 % de CO2 dissout et 50 % d‟ion HCO3-

- à pH = ((pK1 + pK2)/2 (± 8,37 à 25°C, 8,24 à 60 °C) la solution est essentiellement constituée
d‟ion HCO3-. A partir de cette valeur, l‟ion carbonate commence à être perceptible (± 1 %) 

- à pH = pK2 (± 10,35 à 25°C) la solution renferme 50 % d‟ion HCO3- et 50 % d‟ion CO32-

Remarque

De ce qui précède, il y a lieu de noter que le pH d'une solution aqueuse est une mesure de
l'équilibre acide-base réalisé par différents composés dissous; dans la plupart des eaux
naturelles, il est contrôlé par le mécanisme d'équilibre anhydride carbonique - bicarbonate -
carbonate. Voici les divers types d'équilibre en cause :
H2O ↔ H+ + OH-, pKW = 14,0
CO2 (g) ↔ CO2 (aq)
CO2 (aq) + H2O ↔ H2CO3, pKa ≈ 2,8
H2CO3 ↔ H+ + HCO3-, pK1 = 6,35
HCO3- ↔ H+ + CO32-, pK2 = 10,3, où les valeurs pK sont les valeurs à 25 °C.
57

Tous ces équilibres subissent l'influence de la température; KW accuse les plus grandes
variations. Dans l'eau pure, lorsque la température augmente de 25 °C, le pH diminue d'environ
0,45. Dans les eaux ayant un pouvoir tampon dû aux ions bicarbonate, carbonate et hydroxyde,
l'effet de la température est modifié.

Le pH de la plupart des sources d'eau brute est compris entre 6,5 et 8,5. Dans certaines sources
d'eau douce, cependant, le pH peut être considérablement plus bas à cause du lessivage des
acides organiques provenant de la végétation en décomposition et de la présence d'anhydride
carbonique dissous. Dans certaines sources d'eau souterraines, l'anhydride carbonique issu de
l'oxydation bactériologique ne peut être libéré dans l'atmosphère et il en résulte un pH encore
plus bas.

III.3. Réactions redox dans les eaux naturelles

Une autre famille de processus : les processus d’oxydoréduction, jouent un rôle majeur dans la
qualité des eaux en général et des eaux de nappe en particulier. Contrairement aux réactions
impliquant les espèces carbonatées (réactions acido-basiques), les réactions d‟oxydoréduction
sont réputées lentes et souvent hors équilibre thermodynamique. Il est alors difficile de les
intégrer dans la modélisation à cause de cet effet cinétique important. Il existe un parallélisme
certain entre les réactions acido-basiques et les réactions d‟oxydoréduction :

Les réactions acido-basiques concernent des échanges de protons alors que les réactions
d‟oxydoréduction concernent des échanges d‟électrons ;

Le pH= -log10[H+] est le principal paramètre indicateur des réactions acidobasiques, alors
que le pe = -log10[e-], potentiel de l‟électron, est le principal indicateur des réactions
d‟oxydoréduction ;

Cependant, il existe des différences notables. Le proton hydraté (H3O+) possède une existence
propre dans la solution. C‟est une espèce aqueuse pouvant être identifié comme tel par divers
instruments analytiques. En revanche, l‟électron n‟existe pas en tant qu‟espèce isolée dans les
solutions aqueuses. Il y a des échanges d‟électrons entre espèces chimiques et le potentiel de
l‟électron traduit son niveau énergétique lors de ces échanges.Enfin, les réactions acido-basiques
concernent une grande diversité de processus dans les eaux naturelles. Même si les processus
58

biologiques interviennent (alcalinisation biologique,..), la plupart d‟entre eux sont purement


abiotiques. A l‟opposé, les réactions d’oxydoréduction sont surtout générées par des processus
biologiques, certains d‟entre eux pouvant avoir quelque retentissement sur les réactions acido-
basiques (sulfato-réduction par exemple). Cette distinction entre proton et électron n‟est pas un
détail, la suite montrera les implications importantes de ces différences.

III.3.1. Bases théoriques sur les réactions d’oxydoréduction : pH, Eh et pO2

Définitions

Le potentiel de l‟électron (pe) est défini par : pe = - log10([e-]) bien que l‟électron ne soit pas
une espèce aqueuse en tant que telle, les échanges d‟électron déterminent un niveau énergétique,
un potentiel de l‟électron qui est représenté par pe.

Sur le terrain, on mesure le potentiel d‟oxydoréduction, Eh exprimé en volts. Ce paramètre est


relié au potentiel de l‟électron par la relation : Eh = pe*(c.R.T/F), avec: c = Ln(10), R constante
des gaz parfaits, T température en °Kelvin, F le Faraday; R=8.314510 et F=96485.309.

Ln(10) = 2.30258509; A 25°C (298.15°K)

Pe = 16.3778242.Eh(v)

Eh = 0.059.pe

pH, Eh et pO2

Au même titre que la réaction d‟autoprotolyse de l‟eau (2(H2O)= H3O+ + OH-) utilisée pour les
réactions acidobasiques, la réaction suivante :

2H2O= 4H+ + 4 e- + O2 (g) (Ke=-83.12 à 25°C et 1 atmosphère) permet d‟établir une première
relation entre pH, pe et pO2 ; 4 log10([H+]) + 4 log10([e-]) + log(fO2) - 2 log10([H2O]) = - 83.12,
fO2 est la fugacité du dioxygène.

Dans les conditions normales, la fugacité est très proche de la pression partielle en dioxygène
pO2. Ce qui donne: 4pH + 4pe + log10(pO2) = -83.12 (pour [H2O]=1) Ainsi, la mesure du pH et
du Eh in situ, il est possible de déterminer la pression partielle équilibrante en dioxygène.

ATTENTION !!!! Contrairement aux calculs de pCO2 à partir du pH, de l‟alcalinité et des
modèles d‟équilibre qui permettent une estimation fiable, cette pression partielle équilibrante ne
59

reflète que rarement la pression partielle réelle en dioxygène. Ceci est du à des raisons
cinétiques. Toutefois, cette valeur peut s‟avérer d‟un usage très utile pour l‟étude de la qualité
des eaux.

Il est aussi possible d‟exprimer ces réactions en intégrant la molalité en oxygène dissous:

2H2O= 4H+ + 4 e- + O2 (aq) (Ke=-85.99 à 25°C et 1 atmosphère)

4pH + 4pe + log10 ([O2]) = -85.99 (pour [H2O]=1)

III.3.2 Les diagrammes de Pourbaix ou diagramme potentiel-pH

Les diagrammes potentiel-pH ou diagrammes de Pourbaix ont pour but de représenter dans
un espace à 2 dimensions les circonstances d'équilibre, pour un système donné, en fonction de
2 variables indépendantes. Le système choisi comporte des espèces (gazeuses, solides ou en
solution) correspondant, par exemple, à un élément du tableau périodique ou à une famille de
composés (en chimie organique). Dans les travaux de Pourbaix, le solvant considéré est l'eau. La
généralisation est possible dans d'autres solvants. Les deux variables indépendantes sont le
potentiel et le pH. On a préféré choisir le pH et non pas la concentration en H+ car les équations
de Nernst donnent des représentations linéaires en fonction du pH.

Si l‟on considère la réaction : A + nH+ + me- = B (Ke)

Log10([B]/[A]) – nlog10([H+])-mlog10([e-]) = -log10(Ke) ou bien:

n pH + m pe + log10([B]/[A]) = pKe

La frontière séparant les domaines de prédominance des espèces A et B, représente la condition


d‟égalité de concentration de ces deux espèces [A] = [B], c'est-à-dire [A]/[B]=1

Cette frontière a pour équation n pH + m pe = pKe

Dans un diagramme pe versus pH, il s‟agit d‟une droite de pente égale à : -n/m. Cette pente sera
donc caractéristique du couple redox A/B et facilitera son identification.

Stabilité de l’eau

2H2O= 4H+ + 4 e- + O2 (aq) (pKe =-83.12 à 25°C et 1 atmosphère) (couple 2H2O/ O2)

4pH + 4pe + log10([O2]) = -85.99 (pour [H2O]=1) ; pe = -pH +83.12/4 si pO2 Cte
60

Or Eh = 0.059.pe, on que Eh = 0.059 (- pH + 20.78) = -0,059pH + 0.059*21.498

Eh = 1.23 – 0.06 pH pour le couple 2H2O/ O2

2e- + 2H+ = H2 (g), et 2pe + 2pH +log10([H2]) = pKe (0), si pH2 = cte, alors 2pe + 2pH = 0

pe = -pH et Eh = -0.06 pH pour le couple le couple H+/H2

Une relation pO2= Cte se traduit par une droite de pente -1 dans un diagramme pe/pH (pe = -
pH). Par ailleurs, en surface, la pression totale est égale à une atmosphère. La pression partielle
en dioxygène ne peut dépasser cette valeur. Il en va de même pour pH2. En conséquence, le
domaine de stabilité de l‟eau, sera limité par les deux droites, parallèles entre elles, pO2=1
atmosphère et pH2 =1 atmosphère. Il est possible de trouver des eaux dont les caractéristiques
sont en dehors de ce domaine de stabilité, si ce sont des eaux profondes, avec une pression totale
supérieures à la pression atmosphérique.

Dans le graphique suivant, le domaine de stabilité de l‟eau sous une atmosphère est représenté
par la bande oblique située au milieu de la figure (Figure 20).
61

Figure 20 : Diagramme potentiel-pH de l‟eau

Le diagramme potentiel-pH de l'eau: on y distingue trois zones.

1- zone de prédominance de l'eau, d'une largeur de 1,23 V, pour tout pH (domaine compris entre
les droites a et b). C'est la : zone de stabilité thermodynamique de l'eau.

2- Au-dessus, zone de prédominance d‟O2.

3- Au-dessous, zone de prédominance de H2.

Remarque: en réalité, la zone de stabilité couvre une bande plus large, d'environ 2 V, à cause
des blocages cinétiques rendant les réactions de décomposition de l'eau très lentes.

ATTENTION !!!!

Le fait que le potentiel d‟oxydoréduction augmente ne signifie pas forcément que les conditions
deviennent moins réductrices. En effet, lors de phases de réduction très marquées, par exemple
lors de processus fermentaires, qui libèrent du dihydrogène, le potentiel d‟oxydoréduction peut
évoluer selon le schéma suivant (Figure 21).

Première étape: de 1 vers 2 : le milieu initialement oxydant, devient de plus en plus réducteur.
62

Seconde étape : de 2 vers 3 : le milieu est très réducteur, c‟est la phase fermentaire avec
production de H2. Le pH peut diminuer à cause de la production d‟acides organiques mais aussi
de CO2 abondant. Avec log10(pH2) = constante (et log(pO2) aussi), toute diminution de pH
s‟accompagne d‟une augmentation de Eh. Pour autant, ceci ne traduit pas une « réoxygénation »
du milieu. Cette erreur est rencontrée parfois, même dans des articles scientifiques.

Il faut retenir que l‟on ne peut caractériser l‟état d‟oxydoréduction par le Eh seul. Le pH doit être
pris en compte. En fait, le niveau d‟aération d‟une eau ne doit pas être apprécié par une lecture «
verticale » mais oblique c'est-à-dire selon une perpendiculaire à la droite de stabilité de l‟eau.

Figure 21 : Evolution de Eh du processus de fermentation dans le diagramme de Pourbaix de


l„eau

Nitrates, nitrites et ammonium

La forme la plus stable de l‟azote est le diazote N2, c‟est donc une forme très répandue d‟azote.
Si l‟on s‟intéresse aux formes de l‟azote en solution et en excluant N2, les espèces les plus
fréquentes sont NO2-, le nitrite, et NH4+ et NH4OH, deux formes ammoniacales.
63

NO3- + 2H+ + 2 e- = NO2- +H2O

Les zones de prédominance seront séparées par une frontière de pente -1, c'est-à-dire qu‟elle
correspond à pO2 =constante. Ceci apparaît plus facilement en écrivant :

2 NO3- = 2 NO2- + O2

Par ailleurs entre nitrites et les deux formes ammoniacales NH4+ et NH4OH,

NO2- + 8 H+ + 6 e- = NH4+ + 2(H2O) et NO2- + 7 H+ + 6 e- = NH4OH + H2O Avec bien sur:

NH4OH + H+ = NH4+ + H2O

Les frontières entre les domaines de prédominance de NO2- d‟une part et NH4+ et NH4OH sont
des droites de pentes respectives -4/3 et -7/6, ce qui est nettement différent de -1. Le diagramme
de Pourbaix pour l‟azote a été représenté ci-dessous (Figure 22).

Figure 22 : Diagramme potentiel-pH de l‟azote

Formes hydroxylées du fer


64

Les formes hydroxylées du fer sont : FeOH2+ ; Fe(OH)2+,Fe(OH)30 pour le FeIII et FeOH+ pour le
FeII . En considérant Fe++ et Fe+++; le diagramme de Pourbaix obtenu (Figure 23) est nettement
plus complexe que pour l‟azote. La frontière entre les formes de ferIII et de ferII présente des
pentes très variables selon le pH.

L‟équilibre entre les formes suivantes : Fe++, FeOH+ et Fe(OH)30 se situe au voisinage de pH=7,
comme d‟autres équilibres affectant des milieux plus anoxiques. Le FeII étant nettement plus
soluble que le FeIII, il aura tendance à tamponner le pH au voisinage de cette valeur. Par ailleurs,
il est important de noter que ce diagramme a été obtenu en ne considérant que les formes
hydroxylées et Fe++ et Fe+++. L‟existence dans l‟eau d‟autres formes du fer dissous en
concentration notable n‟a pas été prise en compte.

L‟introduction d‟autres formes du fer peut modifier considérablement le diagramme de Pourbaix.


Ainsi, ce diagramme n‟a pas une validité générale. Dès que les eaux contiendront des chlorures,
des sulfates ou d‟autres anions susceptibles de se complexer avec le fer, ce diagramme ne pourra
pas être utilisé. Ceci constitue une limite importante à la conception et à l‟utilisation des
diagrammes de Pourbaix.
65

Figure 23 : Diagramme de Pourbaix de Fe

Lecture et exploitation du diagramme potential-pH de Fe

En considérant la forme suivante du diagramme de Pourbaix de Fe, on peut faire la lecture :


66

a) Stabilité du n.o. + II :

On constate que tout pH, la frontière FeIII / FeII est au-dessus de la frontière FeII / Fe : il ne se
produit jamais de dismutation. Au contraire, en milieu très acide par exemple, l‟ion Fe3+ne peut
pas exister en présence de fer (D.P. disjoints). Il se produit la réaction de médiamutation :

Fe + 2Fe3+ →3Fe2+.

Les métaux présentant un E° très négatif (Zn, Al) réduisent les ions Fe2+ en fer.

b) Stabilité de FeII et FeIII :


67

FeII et FeIII ont des D.P. recouvrant partiellement le domaine de stabilité de l‟eau : ils sont
donc stables dans l’eau.

Le D.P. des ions Fe3+ est très limité du côté des pH acides : les solutions ferriques devront
donc être acidifiées, et le choix de l‟acide utilisé n‟est pas neutre, pouvant modifier de façon
importante, tant la couleur de la solution ferrique que le potentiel standard E° !

Ainsi, en milieu perchlorique (HCO4), on mesure E°(Fe3+ / Fe2+ ) =0,75 V (proche de la


valeur « théorique de 0,77 V) ; avec l‟acide chlorhydrique à 1 mol.L-1 E° chute à 0,70 V et en
milieu sulfurique (H2SO4 à 0,5 mol.L-1) il n‟est que de 0,67 V.

Ceci montre que les chloro-, sulfato- et aquacomplexes du FeIII sont plus stables que les
complexes correspondants du FeII.

On peut oxyder les solutions ferreuses (FeII) par :

Ces réactions consomment des ions H3O+ et si le milieu n‟a pas été assez acidifié, c‟est Fe(OH)3
qui précipite.

c) Attaque du fer par l’eau ou les acides

• Le domaine d’immunité du fer solide (D.P. de Fe) est extérieur au domaine de stabilité de
l‟eau. Le fer est donc attaqué : il n’est pas un métal noble.

• On observe que le potentiel rédox du couple O2 / H2O est très supérieur à celui du couple Fe2+ /
Fe, quel que soit le pH. Aussi, faudra-t-il toujours envisager la participation de l’oxygène
dissous dans l’eau à la réaction d’oxydation du métal.

On distingue les zones de corrosion (domaines de Fe2+ et Fe3+ ), et de passivation (domaines de


Fe(OH)2 et Fe(OH)3).

Remarquons qu‟il existe plusieurs autres diagrammes de Pourbaix pour les autres éléments, par
exemple la Figure 24 illustre le diagramme potentie-pH du plomb (Pb).
68

Figure 24 : Diagramme potentiel-pH du plomb (Pb)

En résumé, les diagrammes de Pourbaix permettent de visualiser le type de contrainte liant le


pH et le Eh à l‟équilibre entre deux formes d‟un même élément chimique. Cependant, il n‟a de
validité que partielle car il ne prend en compte que rarement toutes les espèces chimiques d‟un
même élément. Pour terminer, il est possible d‟intégrer dans ces diagrammes la présence de
minéraux. Dans ce cas, la concentration totale en élément dissous doit être défini et le
diagramme n‟est valable que pour les eaux présentant cette concentration en élément dissous, ce
qui restreint encore plus le domaine d‟application du diagramme. Des logiciels spécialisés
permettent de calculer automatiquement ces diagrammes de Pourbaix.

III.3.3. Activité biologique, diffusion des gaz et oxydoréduction des eaux

Le niveau d‟oxydoréduction des eaux dépend d‟un équilibre entre la vitesse de consommation de
l‟oxygène ou des oxydants, d‟une part et la vitesse de diffusion de l‟oxygène vers l‟eau. La
consommation de l‟oxygène ou des oxydants est principalement le fait de l’activité biologique.
69

Les micro-organismes consomment l’oxygène libre ou combiné (oxygène du nitrate) pour oxyder
la matière organique et produire ainsi l’énergie nécessaire à a vie. Ils rejettent du CO2 si
l‟oxydation est complète, du CO2 et des anions organiques si la dégradation est incomplète, du
CO2 et du CH4 (méthane) en conditions très réductrices. Il y a donc souvent une relation inverse
entre la pO2 et la pCO2.

La vitesse de consommation de l’oxygène dépend de plusieurs facteurs:

La température

L‟activité biologique est fortement dépendante de la température. Plus la température est élevée,
plus la consommation d‟oxygène sera intense. En revanche, dans les conditions de température
fraîche, la consommation d‟oxygène sera lente et les eaux moins réductrices. la teneur en
carbone organique et autres nutriments.

Les aquifères constituent des milieux oligotrophes lorsque les matériaux géologiques sont
dépourvus de composés organiques. L‟activité biologique est alors extrêmement limitée d‟autant
plus que la photosynthèse est évidemment absente. A l‟opposé, dans des milieux riches en
matière organique ou en composés réducteurs pouvant être utilisés par les micro-organismes
(pyrite, fer ferreux,…) l‟activité biologique sera importante et la consommation d‟oxygène aussi.
C‟est pour cette raison que les nappes perchées suffisamment superficielles pour baigner un
horizon organique de le surface du sol sont souvent fortement réductrices avec des potentiels
d‟oxydoréduction voisins de zéro voire légèrement négatifs.

Enfin, la nature de la matière organique est importante

Les composés organiques peu polymérisés sont rapidement métabolisés et induisent une
consommation très rapide d‟oxygène. Dans le cas extrême des sucres simples, la
transformation s‟oriente vers la fermentation.

Les composés aliphatiques sont dégradés plus rapidement que les composés aromatiques. Si la
matière organique est riche en composés aliphatiques, la dégradation sera relativement rapide ce
qui favorisera des conditions réductrices.

En revanche les composés riches en aromatiques polymérisés tels que les lignines seront
dégradés lentement induisant des conditions peu réductrices.
70

La vitesse de ré oxygénation de l’eau dépend de nombreux facteurs

- la situation libre ou captive de l‟aquifère

- la vitesse d‟écoulement de l‟eau de nappe ou de l‟eau de rivière.

- la taille des pores du matériau

- la vitesse de circulation de l‟eau (eaux stagnantes pour raisons de topographie = cuvette, eaux
circulantes, tourbières sur pentes avec taux rapide de renouvellement). L‟expérience montre que
ce facteur est le plus important.

Des eaux stagnantes, même dans un milieu à porosité grossière (pour des raisons de topographie
en forme de cuvette par exemple) favorisent des conditions anoxiques voire réductrices. En
revanche la circulation des eaux, même au travers d‟une couche riche en matière organique
présentera plutôt des caractéristiques oxydantes. - l‟engorgement du milieu (diffusion d‟O2 par
la porosité grossière de la ZNS) ; elle explique la forte hétérogénéité spatiale (points chauds) et
temporelle (flash) de l‟activité biologique. Le niveau d‟oxygénation dépend de l‟équilibre entre
ces vitesses.

La multiplicité des facteurs, des situations induit une forte variabilité des conditions
d‟oxydoréduction rencontrées, y compris parfois au même point ou au même moment. Il existe
souvent une forte variabilité spatiale même à l‟échelle millimétrique (points chauds) et une
forte variabilité temporelle (effets de flash pour certains processus redox), ce qui rend l‟étude
difficile, mais intéressante.

III.4. L’altération des roches

La destruction de roches constitue la source principale des matériaux du sol. Ce phénomène


intéresse aussi bien les roches magmatiques que les roches métamorphiques et sédimentaires.
Les actions purement mécaniques des agents d'érosion produisent des fragments de même
composition chimique que la roche d'origine. Les phénomènes chimiques donnent des solutions
de lessivage qui sont exportées ou fournissent les éléments pour former de nouveaux minéraux
dans le sol (néoformation). Les roches érodées forment un manteau d'altération (éluvion). La
71

contribution des organismes à cette couche, sous forme d'humus, aboutit à la formation d'un sol
dont la nature et l'épaisseur varie selon les climats.

III.4.1. Désagrégation mécanique

Un certain nombre d'agents physiques produit la fragmentation des roches. Les variations de
température entraînent la dilatation ou la contraction des roches: soumise à des variations de
volume incessantes, une roche se fissure puis éclate. La fissuration est importante dans les
roches composées de minéraux différents n'ayant pas le même coefficient de dilatation: des
microfissures apparaissent à la limite entre les minéraux. L'eau qui pénètre dans les fissures et les
pores puis gèle avec augmentation de volume ajoute son effet. Les cristaux de glace s'accroissent
perpendiculairement à la surface de la fente et augmentent son ouverture: la roche est gélive, elle
éclate sous l'effet du gel (exemple, la craie).

La désagrégation mécanique est particulièrement importante sous les climats désertiques où


les variations de température peuvent dépasser 50 °C entre le jour et la nuit. Elle est également
grande sous les climats humides dont la température varie autour de 0 °C (action du gel et du
dégel). Elle est responsable de l'accumulation des manteaux d'éboulis caractéristiques des zones
désertiques et des montagnes. La cristallisation du sel ajoute son action le long des littoraux et
dans les zones désertiques. Près des côtes, les embruns salés pénètrent dans les pores des roches.
Les cristaux de sels s'y développent et produisent des craquelures. Les sulfates de Na et Mg sont
les plus efficaces. Enfin, le transport par l'eau, et accessoirement l'action du vent, usent les
matériaux et produisent des éléments plus fins: limons, poussières.
III.4.2. Rôle de l’eau dans l’altération

Une des caractéristique les plus importante de la surface de la Terre est l'abondance de l'eau,
tant sous forme liquide que solide ou gazeuse. Les molécules d'eau sont chargées électriquement
et se comportent comme des dipôles; cette propriété est due à la liaison covalente asymétrique
qui unit les atomes d'hydrogène à l'oxygène. Les deux atomes d'hydrogène sont placés d'un seul
coté et engendrent une faible charge. La nature polaire de la molécule d'eau permet
l'établissement de liaisons hydrogène entre les molécules qui se disposent en groupes
tétraédriques. Les propriétés de l'eau découlent de cette structure (Figure 25).
72

L'eau est un très bon solvant car les extrémités positives ou négatives de la molécule peuvent
s'attacher aux ions négatifs ou positifs. Le groupement des molécules d'eau en tétraèdre explique
la forte tension superficielle et la capillarité, et la large plage de température selon laquelle l'eau
est à l'état liquide.

L'abaissement de température diminue l'agitation thermique des molécules et favorise les


liaisons hydrogène: les molécules se groupent et la viscosité de l'eau augmente. L'abaissement de
température produit également l'augmentation de la densité, jusqu'à 4°C; en dessous, les
molécules se réarrangent progressivement en structure hexagonale (glace) et la densité diminue
jusqu'à atteindre un minimum à -22°C.

Les molécules d'eau s'ionisent en H+ et OH-.. La concentration des H+ définit le pH. A la


température ordinaire, il y a seulement 10-7 moles par litre d'ions hydrogène (et autant de OH-)
dans l'eau pure: le pH est neutre (pH=7). L'apport d'ions hydrogène diminue le pH; cette acidité
est produite notamment par le CO2 et les acides humiques du sol.

H2 O + CO2 -----> H2CO3 ------> H+ + HCO3--


Les ions hydrogène sont responsables de la destruction des réseaux silicatés: ils déplacent les
cations métalliques qui se recombinent avec les OH- (hydrolyse).

Figure 25 : Structure de l‟eau et arrangement des molécules d‟eau

En général, l‟eau joue un rôle prépondérant dans l‟altération des roches (Figure 26). Il s'agit
d'altération et de dissolution par les eaux plus ou moins chargées en dioxyde de carbone. Cela
73

donne des solutions de lessivage qui sont les sources de minéraux néoformés des roches d'origine
chimique. En outre, l‟eau participe à la désagrégation mécanique des roches.

Figure 26 : Illustration de l‟action de l‟eau dans l‟altération des roches

III.4.3. Réactions chimiques de l’altération

III.4.3.1. Exemple d'un profil d'altération

L'altération d'une grano-diorite (roche magmatique plutonique grenue, constituée de quartz,


de feldspaths (plagioclases), et des minéraux secondaires albites, amphiboles et pyroxènes)
à été étudiée aux Etats Unis (Boulder, Colorado) sur une épaisseur de 30 m. Les résultats sont
portés sur la Figure 27. La roche est d'abord décolorée puis colorée en rouge à la surface. Le
quartz et, en une moindre mesure, le microcline sont stables. Les plagioclases, la biotite et
l'amphibole sont détruites. De nouveaux minéraux apparaissent comme les minéraux argileux et
les oxydes de fer. L'analyse chimique montre un enrichissement en Al2O3, Fe2O3 et K2O, un
appauvrissement en SiO2, FeO, CaO et Na2O.
74

Figure 27 : Profil d‟altération sur une roche silicatée

III.4.3.2. Principales réactions d'altération

L'altération chimique des roches se fait en présence d'eau; elle a lieu essentiellement en climat
humide. Les réactions sont des hydrolyses, accessoirement des oxydations, des hydratations,
des décarbonatations pour les roches calcaires. Les éléments solubles sont lessivés en partie,
parfois en totalité sous les climats très agressifs. Les parties insolubles restent sur place telles
quelles ou se recombinent avec les ions disponibles (phénomène d'héritage). Des composés
intermédiaires mal cristallisés (gels), des tronçons de chaînes silicatées et des ions en solution se
recombinent en minéraux de néoformation, principalement des argiles. Les organismes peuvent
intervenir à tous les stades de ce processus. Ils fournissent en particulier des matériaux minéraux
ou organiques.

a) Dissolution

Ce processus physique simple implique les roches salines: sel gemme, potasse et gypse

b) Oxydation et réduction

Les oxydations intéressent surtout le fer qui passe de l'état ferreux à l'état ferrique.

Olivine + oxygène ---------> oxyde ferrique + silice : Fe2SiO4 + 1/2 O2 --------> Fe2 O3 + SiO2

2(Fe++)SiO3 (pyroxène) + 7H2O → Fe3+(OH)3 (limonite) + 2H4SiO4


75

Les réductions sont plus rares; elles interviennent dans les milieux hydromorphes et produisent
en particulier le passage du fer ferrique au fer ferreux soluble (cas des sols de type Gley).

c) Hydratation/déshydratation

C'est une incorporation de molécules d'eau à certains minéraux peu hydratés contenus dans la
roche comme les oxydes de fer; elle produit un gonflement du minéral et donc favorise la
destruction de la roche.

Fe2O3 + 3 H2O → 2 Fe(OH)3

(Hématite) (Limonite)

CaSO4.2H2O → CaSO4 + 2H2O

(Gypse) (Anhydrite)

d) Décarbonatation

Elle produit la solubilisation des calcaires et des dolomies généralement sous l'action du CO2
dissous dans l'eau:

Ca CO3 + CO2 + H2 O -------> Ca (CO3H)2 soluble

e) Hydrolyse

Les hydrolyses, c'est à dire la destruction des minéraux par l'eau, sont les principales réactions
d'altération. L'hydrolyse est totale lorsque le minéral est détruit en plus petits composés
possibles (hydroxydes, ions). C‟est le cas d'un feldspath sodique, l'albite:

NaAlSi3O8 + 8 H2O -------> Al(OH)3 + 3H4SiO4 + Na+ OH -

Albite + eau ------------------------> gibbsite + acide silicique + ions

(Précipité +solution de lessivage)

Les corps résultants peuvent ensuite réagir entre eux et donner des minéraux argileux
(néoformation).
76

L'hydrolyse est partielle lorsque la dégradation est incomplète et donne directement des
composés silicatés (argiles). Ces composés diffèrent selon les conditions de milieu. L'hydrolyse
partielle de l'albite donne soit de la kaolinite, soit des smectites (voir plus bas).

(1) Formation de kaolinite:


NaAlS3O8 + 11H2 O ------> Si2 O5 Al2 (OH)4 + 4 H4SiO4 + 2 ( Na+, OH -)
Albite + eau ----------------------> kaolinite + ac.silicique + ions
(2) Formation de smectite
2,3 NaAlSi3O8 + H 2 O ------> Si3,7 Al0,3 O10 Al2 (OH)2 Na0,33 +3,2 H4SiO4 + 2 ( Na+, OH-)

smectite

Cette 2ème réaction reste assez théorique car d'autres ions y participent, en particulier le Fer (Fe
ferrique).

III.4.3.3. Minéraux formés

Les nouveaux minéraux formés sont en général des phyllosilicates. Ces minéraux proviennent
soit de la transformation d'un phyllosilicate pré-existant, soit d'une néoformation à partir d'un
silicate non en feuillet dont la structure est complètement détruite. Les réactions ont lieu surtout
dans le sol. Les phyllosilicates formés sont des minéraux argileux de deux types (Figure 28):

type 1/1: le feuillet comporte 1 couche à tétraèdres SiO4 et 1 couche à octaèdres AlO6 ;

type 2/1: le feuillet comporte 3 couches, à savoir 1 couche octaédrique comprise entre 2
couches tétraédriques.

Lorsque les nouveaux minéraux argileux sont formés à partir des micas (muscovites, biotites et
chlorites), le réseau cristallin est plus ou moins conservé, on parle de transformation. Lorsqu'ils
sont formés à partir de silicates qui ne sont pas en feuillets (feldspaths, amphiboles, olivine...), le
réseau cristallin du minéral d'origine est complètement détruit, on parle de néoformation.

Muscovite

Elle est assez stable. Sa fragmentation donne des petites paillettes de même composition
chimique appelées séricite. Son altération chimique se fait par perte progressive d'ion K+; elle
77

donne de l'illite, puis des argiles de 2 types selon les conditions de drainage du milieu: la
kaolinite en milieu lessivé, les smectites en milieu confiné. Schématiquement, on a:

Schéma d‟altération de micas (muscovite).


78

Figure 28 : Structure des phyllosilicates argileux

Corrélativement, la distance inter-réticulaire, qui sépare les feuillets d'argiles, change et passe de
10 A° (muscovite, illite) à 14 A° (smectite) ou à 7 A° (kaolinite). Les ions K+ assurent la
cohésion des feuillets argileux. L'altération se manifeste par l'exfoliation des feuillets, bien
visibles au microscope électronique, qui produit des particules de plus petites tailles, quelques
0,1 microns, et augmente la surface de contact du minéral et la capacité d'échange des cations
avec les solutions du milieu.

Feldspaths

Bien qu'il s'agisse de tectosilicates, leur altération est comparable à celle de la muscovite

Biotite
79

Sa résistance à l'altération dépend de la teneur de Fe++ dans le cristal; son état d'altération est
exprimé par la quantité de K+ extraite du réseau. La biotite peu oxydée (surtout à Fe++) est très
altérable et se comportent comme les autres minéraux ferromagnésiens (pyroxènes...); elle donne
en particulier des vermiculites et smectites et de l'oxyde ferrique qui précipite. La biotite plus
oxydée (Fe+++ surtout) est plus stable.

Autres ferromagnésiens

Leur altération est semblable à celle de la biotite peu oxydée; ils donnent des vermiculites, des
smectites, des chlorites ou des argiles magnésiennes si le milieu est très confiné.

La complexolyse

C'est une variante de l'hydrolyse en présence de matière organique. Elle se produit sous climat
froid (boréal) et tempéré. Les composés organiques de l'humus extraient les cations métalliques
des réseaux cristallins. Les minéraux sont détruits; les cations sont fixés sur les composés
organiques en donnant des complexes organo-métalliques. Les cations se liant aux grosses
molécules organiques de l'humus sont surtout les ions Al 3+, Fe 2+ et Fe 3+.

Résumé sur les réactions d’hydrolyse !!!!!


De ce qui précède, il convient mieux de retenir ce qui suit concernant la formation des minéraux
par hydrolyse :

La composition et la structure des phyllosilicates dépendent essentiellement de l‟importance


des circulations au cours de l‟hydrolyse.

Les produits de l‟héritage varient selon la nature de la roche-mère. Pour les roches
sédimentaires, le cortège argileux est identique à celui de la roche mère. Les roches
cristallines dans les zones où les sols sont peu importants (zones orogéniques) donnent des
micas et chlorites.

Les transformations avec perte d‟éléments chimiques et réorganisation de la structure


silicatée sans destruction complète des minéraux parents. En fonction de l‟hydrolyse, on
distingue 3 types de dégradation, la bisiallitisation, la monosiallitisation et l’allitisation.
80

Les néoformations correspondent à la formation de minéraux argileux à partir des


solutions concentrées en ions. Il faut donc de l‟Al, de la silice, du Mg qui proviennent es
zones d‟altération.

Les environnements sont liés à des périodes d‟évaporation, aux milieux marins (formation de
glauconite) ou l‟hydrothermalisme (smectite, attapulgite).

La bisiallitisation est un processus qui conduit à la formation des phyllosilicates du type 2 :1


(montmorillonites, illites, vermiculites) avec un lessivage partiel des cations et de la silice.
L‟altération e l‟orthose avec perte de 60 % en silice et 67 % de K.

La monosiallitisation : il s‟agit d‟une hydrolyse plus poussée qui conduit à la formation des
minéraux argileux de type 1 :1 comme la kaolinite. L‟altération lessive totalement les cations et
une majorité de la silice.

L’allitisation : c‟est une hydrolyse totale ; tous les cations et la silice sont éliminés. Les cations
Al précipitent sur place. Les produits résiduels correspondent à la gibbsite (Al(OH)3) ou à la
boehmite (AlO(OH).

L’aggradation est le processus inverse de l‟hydrolyse et les minéraux argileux se transforment


par fixation des cations en solution. La Figure 29 résume les principaux minéraux formés par la
réaction d‟hydrolyse

Figure 29 : Principaux processus d‟hydrolyse et leurs produits formés


81

III.4.4. Les sols

Les sols correspondent à des complexes d’altération plus ou moins évolués dans lesquels les
différents composants chimiques réagissent avec l‟eau au fur et à mesure de son trajet
descendant. L‟eau est très performante dans les sols et l‟acidité permet l‟altération chimique de
la roche mère, le pouvoir d‟altération de l‟eau diminue au fur et à mesure que l‟eau descend
dans le profil en même temps qu‟elle se charge en cations.

L‟altération du substrat géologique (roche mère) sous l‟influence de la végétation, du climat et


des organismes permet la formation d’un sol. L‟altération pedogénétique se développe donc
suivant un front qui se déplace avec le temps vers le bas du profil. La pédogenèse est donc le
processus amenant à la formation d‟un sol à partir d‟une roche mère.

Un sol se structure avec un profil constitué des couches plus ou moins parallèles entres-elles
appelées horizons (Figure 30).

Les horizons d‟un sol du haut en bas sont :

Horizon O : horizon de surface riche en matière organique dit aussi horizon


humifère ;

Horizon A : horizon constitué de sol minéral lié intimement à la matière organique


colloïdale (humus colloïdal), il est souvent de couleur sombre due à la présence de la
matière organique ;

Horizon E : un horizon A éluvial de lessivage en argile, pauvre en oxydes et de


coueur claire qui peut encore contenir de la matière organique ;

Horizon B : horizon d‟origine minéral enrichi par illuviation (accumulation) des


matériaux lessivés des horizons supérieurs ;

Horizon C : représente la roche mère légèrement altérée ;

Horizon R : c‟est la roche mère (parfois fissurée) et puis tout à fait saine (pas
d‟altération).
82

Figure 30 : Exemple d‟un profil pédologique

Il existe plusieurs types de sols suivant le degré d‟évolution de l‟altération (pédogenèse) et les
conditions climatiques, on peut citer notamment les Entisols, Inceptisols, les Andisols, les
Histosols, les Spodosols, les Oxisols, Alfisols, les Ultisols, les Vertisols, les Mollisols,
Aridisols, les Gelisols (voir cours de pédologie).

III.4.5. Facteurs contrôlant l’altération

Il existe deux groupes de facteurs contrôlant l‟altération des roches, les facteurs propres aux
minéraux et les facteurs externes.

III.4.5.1. Facteurs propres au minéral


83

Résistance d'un minéral à l'altération

L'énergie de liaison varie selon le type d'ions concernés. Le K+ est faiblement lié à l'oxygène, le
Fe++ et le Mg++ le sont moyennement; le Si 4+ établit au contraire des liaisons très fortes. On
comprend ainsi que le quartz, tectosilicate ne comportant que des liaisons fortes entre le silicium
et l'oxygène, résiste mieux à l'altération; l'olivine en revanche, contenant des cations moins liés
(Fe++ et Mg++) a un réseau cristallin plus fragile.

Goldschmidt (1938) a établi l'ordre de résistance des minéraux à l'altération (Figure 31).

Figure 31 : Ordre de résistance des minéraux à l‟altération

On remarque que cet ordre évoque les suites de Bowen : ce n'est pas un hasard. Dans un magma,
l'olivine cristallise à haute température, elle est donc particulièrement instable dans les conditions
de surface; elle est la plus labile. Le quartz, en revanche est formé à une température moins
élevée, il est plus stable.

Le type de réseau cristallin intervient dans la stabilité du minéral en surface. Les phyllosilicates,
comme la muscovite, résistent mieux à l'altération.

Des travaux ont permis d'évaluer la vitesse d'hydrolyse d'un minéral silicaté en mesurant la
vitesse de libération de la silice issue du minéral dans le milieu. Cette vitesse est fonction de la
84

surface de contact du minéral, du pH et d'une constante de vitesse de libération "k" propre au


minéral qui est mesurée en mole/m2/an; voici quelques valeurs de k :

Anorthite : 1,76 10-1 Feldspath K : 5,26 10-5


Néphéline : 8,83 10-2 Olivine : 3,78 10-5
Enstatite : 3,15 10-3 Muscovite : 8,09 10-4
Albite : 3,75 10-4 Quartz : 1,29 10-7

On voit qu'on passe d'un facteur 10-1 (anorthite) à un facteur 10-7 (quartz). On retrouve plus ou
moins l'ordre établi par Goldschmidt.

Solubilité des ions

La mobilité d'un ion dépend de son rayon et de sa charge ionique.

Rayon ionique de certains éléments

Si++++ :r = 0,42 A°

Al +++ : r = 0,51 A°

O-- : r = 1,4 A°

La taille des ions détermine leur arrangement cristallin; le nombre de coordination d'un ion par
rapport à l'oxygène est le nombre d'ions oxygène qui peuvent se disposer autour de l'ion
considéré:
- Silicium : nombre de coordination 4, l'arrangement est un tétraèdre;

- Aluminium: nombre de coordination 6, l'arrangement est un octaèdre.

Charge ionique : la charge Z d'un ion est égale à 1+, 2+, 3+...

Le rayon ionique et la charge des ions déterminent le Potentiel ionique qui est le rapport Z/r; il
détermine le comportement des ions. La classification établie par Goldschmidt distingue 3
groupes d'ions d'après la valeur du potentiel ionique (voir II.1.3, Figure 16):

* Z/r < ou = 3 : les cations solubles, gros ions faiblement chargés;

* 3 < Z/r < 10 : les hydrolysats, hydroxydes insolubles;

* Z/r > 10 : les oxyanions solubles, anions complexes avec oxygène.


85

III.4.5.2. Facteurs externes contrôlant l'hydrolyse

Ce sont les facteurs physico-chimiques qui participent notamment à la définition du


climat: la concentration en SiO2 exprimée en concentration d'acide silicique H4SiO4 ;

la concentration en cations basiques (Na+, Ca++, K+) ;

le pH déterminé en particulier par les acides organiques ;

la température dont l'augmentation régit la vitesse des réactions et la possibilité de


dissolution des ions dans l'eau ;

la vitesse de circulation de l'eau dans le milieu (drainage) exprimant les conditions de


confinement ou de lessivage.
86

Figure 32 : champ de stabilité de deux minéraux en fonction de la concentration de la solution


en ions et en acide silicique

On peut étudier expérimentalement les champs de stabilité de quelques minéraux, dans les
conditions de surface (t = 25°C, pression atmosphérique), en fonction de la concentration en
silice et en cations. On voit que l'albite est stable pour des concentrations en Na+ et silice élevée;
quand ces concentrations deviennent faibles, l'albite est totalement hydrolysée en gibbsite,
hydroxyde d'aluminium de formule Al(OH)3 (ou Al2 O3, 3 H 2 0) ; pour des teneurs moyennes, elle
est hydrolysée partiellement et se transforme en kaolinite ou en smectite sodique selon la teneur
en ion Na+. Le même schéma est observé pour l'anorthite (plagioclase calcique); le champ de
stabilité de la smectite calcique est plus vaste; ce minéral sera plus commun dans les produits
d'altération.

III.4.5.3. Solubilité de fer

Comme dit plus haut, la solubilité du Fe dépend de la stabilité du système Fe2+ / Fe3+. De plus,
l'hydroxyde ferrique, hydrolysat insoluble, peut être solubilisé par ionisation en pH acide. Le
diagramme de Pourbaix de Fe (Figures 23 et 4) donne les différents domaines de stabilité des
espèces de Fe. La Figure 33 illustre la solubilité de Fe en fonction du pH.
87

Figure 33 : solubilité du Fe3+ en fonction du pH de la solution

On voit que dans les conditions naturelles, l'état d'oxydation du fer dépend du pH: le fer ferreux
est stable à pH acide, le fer ferrique à pH basique. Dans les milieux à l‟abri de l'air (sol
hydromorphe, fond de marécage...) le fer est à l'état ferreux ; il passe à l'état ferrique au cours de
l'altération à l'air (sols latéritiques). Il est lessivé en partie par l'eau de pluie légèrement acide et
transporté par les rivières. Arrivé dans l'eau de mer à pH basique, sa solubilité diminue fortement
et il précipite.

III.4.5.3. Solubilité de la silice

Elle est principalement sous forme d'acide silicique H4SiO4 ; l'eau de rivière en contient environ
13 mg/l. Le pH a peu d'action sur sa solubilité dans les conditions normales (la solubilité de la
silice augmente au delà de pH = 9). Il y a relativement peu de silice transportée car les ions Al 3+
réagissent sur elle pour donner des amas colloïdaux silico-alumineux peu mobiles. La Figure 34
montre la solubilité du quartz en fonction du pH et de la température. L'axe des ordonnées
indique la quantité de silice perdue par le cristal et passant en solution. Cette quantité est
88

grossièrement multipliée par 10 entre 0 et 60°C; l'action du pH ne se fait sentir qu'au delà de pH
= 9.

Figure 34: solubilité de la silice en fonction du pH et de la température

III.4.6. Rôle des organismes dans l’altération

Les études ont porté notamment sur l'effet des organismes adhérant à une roche: algues vertes,
diatomées, lichens, champignons, bactéries. Ceux-ci adhèrent à la surface grâce en particulier à
des organes appropriés qui pénètrent dans les fissures et exfolient les minéraux lamellaires
(hyphes de lichen exfoliant la biotite). Ils produisent une désagrégation et une microdivision de
la surface de la roche ainsi qu'une attaque chimique par sécrétion d'acide oxalique produit par les
lichens comme par les racines des végétaux supérieurs. Les cations des minéraux sont extraits
par complexolyse. Sous les lichens adhérant à la roche est mise en évidence la formation de
composés mal cristallisés à base de Si, Al et Fe, de nombreux composés à base de Ca et des gels
organo-minéraux, résultats de la complexolyse et précurseurs du sol.

III.4.7. Bilan de l’altération


89

La destruction des édifices cristallins silicatés produit des fragments de chaine silicatées qui, au
moins dans un premier temps, restent sur place, et des ions solubles qui sont emportés par l'eau
ou lessivés. L'importance respective de l'héritage, les transformations et les néo-formations est
étroitement liée à l'intensité de l'altération et au lessivage. Pour une altération et un lessivage
faible, les argiles 2/1 de type illite sont en majeure partie héritées. Avec l'augmentation de
l'intensité de l'altération, ce sont des smectites ou de la kaolinite, plus pauvres en silice, qui sont
synthétisées en fonction de l'importance du lessivage et des ions disponibles (sols
méditerranéens, podzols). Pour un fort lessivage, les cations solubles sont entraînés et les
phyllosilicates ne peuvent plus se former: il reste sur place le quartz et les oxydes de fer et
d'aluminium (sols latéritiques).

Figure 35 : Schéma du bilan d‟altération

CHAPITRE IV : CYCLES BIOGEOCHIMIQUES

IV.1. Introduction
90

Un cycle biogéochimique est le processus de transport et de transformation cyclique d‟un


élément ou composé chimique entre les grands réservoirs que sont la géosphère, l’atmosphère,
l’hydrosphère dans lesquels se retrouve la biosphère ; c’est donc une transformation
physico-chimique d’un élément associée à son transport entre les différentes sphères. Un
tel cycle induit souvent des passages de l’état organique à l’état minéral au sein de la
biosphère. Les divers cycles en interaction confèrent à la biosphère une capacité de régulation,
appelée homéostasie. Celle-ci est à la base de la pérennité des écosystèmes, grâce à la grande
stabilité qu‟elle assure, tout du moins en dehors des interventions humaines et phénomènes
géoclimatiques exceptionnels.
91

Les grands cycles biogéochimiques sont reliés à la tectonique des plaques et l‟océan. Les fonds
marins jouent un rôle majeur dans ces cycles. La tectonique des plaques est le modèle actuel
du fonctionnement internet de la Terre. Elle est l‟expression en surface de la convection qui se
déroule dans le manteau terrestre. On peut la résumer par « tout bouge en profondeur, tout
change en surface ».

La lithosphère sur l‟asthénosphère, plus ductile (la ductilité désigne la capacité d‟un matériau à
se déformer plastiquement sans se rompre).

La biosphère terrestre constitue un vaste système écologique. Ce système écologique est situé
entre :

Le système climatique

Le système écologique

Dans le système écologique terrestre, la circulation des éléments fait appel à 4 sortes de
relations :

Plante-atmosphère : sous-cycle atmosphérique ;

Intérieur de la plante : sous-cycle biochimique ;

Sol-plante : sous-cycle biologique ;

Roche-sol : sous cycle géochimique.

Les cycles biogéochimiques reposent principalement sur les 2 derniers sous-cycles (sous cycles
biologique et géochimique) où interviennent les sols qui sont de ce fait les pivots du
fonctionnement de la biosphère terrestre.

Certains éléments jouent un rôle majeur dans la biosphère :

Le carbone du fait qu‟il intervient dans tous les cycles : atmosphérique, écologique et
géologique ;

L’azote, le phosphore et le soufre parce qu‟ils sont typiques du monde vivant et qu‟ils sont
susceptibles de jouer un rôle de premier ordre dans l‟environnement ;
92

Le silicium, l’aluminium et le fer qui permettent de faire le pont entre le système


écologique et le système géologique ;

Les radionucléides en raison de l‟impact qu‟ils peuvent avoir sur l‟environnement


biologique.

En principe, un cycle évoque un circuit fermé, l‟élément considéré devant revenir à l‟état initial
après avoir suivi un parcours constitué par les différentes étapes de son histoire.

Dans le cas qui nous préoccupe ici, cela a un sens si l‟on envisage le fonctionnement global du
système Terre, donc si l‟on s‟intéresse au bilan, aux transferts et aux stocks d‟éléments à toutes
les échelles de temps et d‟espace ; c‟est ce que l‟on désigne alors par le terme cycle global. En
réalité, des lors que l‟on prend en compte de petites échelles de temps et des espaces territoriaux
plus restreints, les cycles étudiés sont toujours partiellement ouverts en sorte qu‟on ne boucle
pratiquement jamais. Il est clair en effet que certains éléments peuvent être soustraits, car stockés
a long terme, et échapper de la sorte pendant fort longtemps au cycle complet les caractérisant.
Aussi, ce qu‟on étudie souvent, ce sont des parties de cycle de nature et de durée variées (sous-
cycle ; paracycle ; phase. . .), plus ou moins autonomes qui, à certains moments de l‟évolution,
peuvent être reliées entre elles au sein du système géochimique général.

IV.2. Rappel de Principes de base de la Thermodynamique classique

1. Deux systèmes en équilibre thermique avec un troisième sont en équilibre thermique entre
eux.
93

2. Entre deux états d‟équilibre 1 et 2, la variation d‟énergie interne (U) d‟un système fermé est
égale à la somme algébrique du travail W et de la chaleur Q échangés par ce système avec le
milieu extérieur (∆U = W + Q). Pour un système isolé : ∆U = 0 entre deux états d‟équilibre et au
cours d‟un cycle : ∆U = 0. C’est le principe de la Conservation de l’énergie ou premier principe
de la thermodynamique (Carnot, 1824).

Si le système est isolé c‟est-à-dire s'il n'y a aucun échange avec le milieu extérieur,

: l'énergie interne reste constante.

Si la transformation est cyclique, le système revient à son état initial et comme l'énergie interne
est une fonction d'état,

: l'énergie interne reste constante et .

3. Lors d‟une transformation spontanée d‟un système isolé, la différence d’entropie est positive.
Donc, l‟entropie (une mesure du désordre de la matière et de l’énergie dans le système) d‟un
système isolé augmente lors d‟une transformation irréversible et, à l‟équilibre, l‟entropie est
maximale. Ceci est conforme au deuxième principe de la thermodynamique ou principe
d'évolution (déduit des faits expérimentaux et qui permet de prévoir l'évolution des systèmes).
Le deuxième principe introduit une nouvelle fonction d'état dite entropie S qui décrit le
comportement des systèmes par la maximalisation de leur entropie:

l'entropie S d'un système croît si le système tend vers son équilibre : d'où D S > 0

l'entropie S est maximum si le système est à l'équilibre

A l’équilibre, le désordre est maximal. C’est donc contraire à l’existence de structures


ordonnées (les êtres vivants) à l’équilibre.

Ces différents principes sont valables pour des systèmes fermés, sans circulation permanente
d‟énergie ! Cette thermodynamique classique ne s‟applique donc pas, généralement, aux
systèmes vivants qui sont des systèmes ouverts. On distingue plusieurs types de systèmes :

système isolé : un système qui n‟échange ni énergie, ni matière avec l‟extérieur ;

système fermé : un système qui échange de la chaleur mais pas de matière ;

système adiabatique : un système qui ne peut pas échanger de chaleur avec l‟extérieur ;
94

système ouvert : un système qui échange de la matière et de la chaleur avec l‟extérieur.

La Terre dans son ensemble est donc un système fermé : réception du rayonnement solaire et
émission d‟un rayonnement vers l‟espace, mais pas d‟échange avec l‟espace de matière
(négligeable). Par contre, de nombreux systèmes écologiques sont des systèmes ouverts qui
échangent l‟énergie et la matière avec l‟extérieur.

En thermodynamique classique, pour qu‟un système écologique (cellule, être vivant,


écosystème) conserve sa structure, il faudrait qu‟il conserve nécessairement un faible niveau
d‟entropie. En réalité, comme les systèmes écologiques sont des systèmes ouverts et non pas
isolés (au sens thermodynamique), ces principes ne peuvent s‟y appliquer.

Prigogine (physicien belge d‟origine russe (1917 - 2003) proposa dans les années 70 une «
nouvelle » thermodynamique : si les réservoirs extérieurs d’énergie et de matière sont
suffisamment grands pour rester dans un état d‟équilibre, un système ouvert peut tendre vers un
régime stationnaire, autre que celui d‟équilibre thermodynamique : on parle d’état stationnaire
de non-équilibre. Seuls les échanges permanents avec l‟extérieur permettent de s‟affranchir de
l‟augmentation constante de l‟entropie imposée aux systèmes isolés.

Quand le flux d’énergie cesse, ces structures disparaissent ou se transforment.

Il existe dans les systèmes vivants une circulation permanente d‟énergie qui se caractérise par
une succession de charge et de décharge (Patten et al., 1977) :
Pour les cellules :
énergie solaire
anabolisme (synthèse de métabolites)
catabolisme (dégradation des protéines)
Pour les peuplements :
ingestion de proies
respiration, excrétion , mortalité
Pour les réseaux trophiques :
ingestion de proies
mortalité par prédation
Pour les écosystèmes :
95

stockage d‟énergie sous forme de biomasse


processus cataboliques de tous les individus
Cette association intime d‟un flux ouvert d‟énergie et d‟un « recyclage » de la matière est une
des caractéristiques des systèmes thermodynamiques dissipatifs.

Toute rupture d’un de ces cycles (biogéochimiques ou autres) ne peut entraîner qu‟une
déstabilisation de l‟ensemble.

IV.3. Cycle du carbone (C)

Le carbone en premier, du fait que cet élément concerne la plupart des processus biotiques
(biosynthèse et biodégradation) et abiotiques (altération des minéraux – géochimie
organique) et qu‟il intervient dans les trois grands systèmes d‟évolution mis en jeu a la surface
de la Terre : système climatique – système écologique – système géologique. L‟étude de son
cycle constitue en conséquence une référence en vue d‟une connaissance approfondie des cycles
biogéochimiques de beaucoup d‟autres éléments.

Le carbone (C), quatrième élément le plus abondant de l‟univers, après l‟hydrogène (H), l‟hélium
(He) et l‟oxygène (O), est consubstantiel à la vie. La concentration de carbone dans les
organismes vivants (0,19 %) est environ cent fois celle de sa concentration moyenne sur Terre.
Ces organismes doivent donc extraire (et rejeter) activement leur carbone de (et dans) leur
environnement et participent ainsi d‟une manière déterminante au cycle biogéochimique de cet
élément.

Le cycle biogéochimique du carbone est probablement celui qui a été le plus étudié. Cependant,
il est loin d‟être parfaitement connu. La taille, et les flux concernés, des réservoirs constitués par
le picoplancton ou bien la biosphère profonde restent très mal appréhendés. L‟importance
relative des échanges atmosphère/océan et atmosphère/écosystèmes continentaux fait l‟objet de
recherches actives.

IV.3.1 Réservoirs, flux et processus – Présentation générale

Le carbone sous sa forme oxydée (inorganique : dioxyde de carbone, bicarbonates et


carbonates), joue un rôle important dans :

la photosynthèse ;
96

l‟altération chimique des minéraux et la formation des sols ;

la précipitation des carbonates ;

l‟effet de serre ;

la biominéralisation (formation de carbonates par les organismes vivants) ;

l‟acidification des sols et des eaux.

Le carbone sous forme réduite (organique) est un élément constitutif :

des organismes vivants ;

de la matière organique des sols ;

de la matière organique sédimentaire fossilisée (kérogène et charbon) et de ses dérivés


tels que le pétrole et le gaz naturel.

Au niveau des aires continentales, les principaux phénomènes vecteurs d‟échange du carbone
avec l‟atmosphère sont la photosynthèse et la respiration. Pendant la journée, les plantes
absorbent du dioxyde de carbone qu‟elles transforment en biomasse (matière organique) grâce
à l‟énergie lumineuse (photosynthèse). En parallèle, les plantes, les animaux et les micro-
organismes du sol et des eaux consomment cette matière organique et libèrent du dioxyde de
carbone dans l‟atmosphère (respiration). Quand les conditions deviennent trop froides ou trop
sèches, la photosynthèse et la respiration sont ralenties et les échanges de carbone entre
l‟atmosphère et les aires continentales diminuent. Les quantités de carbone ainsi échangées sont
considérables et représentent plus de dix fois les émissions du carbone introduit dans
l‟atmosphère par l‟utilisation humaine des combustibles fossiles. Les variations saisonnières de
l‟importance relative de ces flux biologiques se traduisent par une oscillation significative de la
courbe des concentrations de CO2 atmosphérique.

Des quantités significatives de carbone peuvent être stockées ou libérées par les pratiques
agricoles et sylvicoles. Lors des déforestations industrielles ou en rapport avec la mise en place
de parcelles agricoles, le carbone contenu dans les sols est libéré, provoquant une augmentation
du CO2 atmosphérique. Lorsque les terres cultivées sont abandonnées et que la foret peut se
97

réinstaller, une fraction du carbone est a nouveau stockée dans la biomasse et dans les sols, avec
pour corollaire une diminution du CO2 atmosphérique.

Les feux jouent aussi un rôle important dans le transfert de CO2 des aires continentales vers
l’atmosphère. D‟une part le feu détruit de la biomasse en produisant du CO2, d‟autre part la
végétation détruite, mais non consumée, est progressivement décomposée en libérant à son tour
du CO2.

Dans les océans, les échanges de CO2 sont très largement régis par la température des eaux de
surface, les circulations atmosphériques (vents), les courants, ainsi que par les processus de
photosynthèse et de respiration. Le CO2 se dissout facilement dans les eaux et la capacité de
stockage des océans dépend de la température, de la réserve alcaline et de la quantité de CO2 déjà
présente. La vitesse du vent (brassage des eaux et évaporation refroidissant les eaux de surface)
contribue d‟une manière importante aux échanges atmosphère-océan superficiel. Les basses
températures favorisent la mise en solution du CO2, alors que les eaux chaudes favorisent le
retour du CO2 vers l‟atmosphère. Les conditions actuelles de la circulation générale des océans
permettent aux eaux polaires froides et denses de transférer des eaux riches en CO2 vers l‟ocean
profond (rôle de puits de carbone). La pompe biologique, correspondant au transfert de la
production primaire vers les eaux sous-jacentes par sédimentation ou par le jeu des migrations
verticales des animaux planctoniques, participe à l‟augmentation de la teneur en CO2 des
couches intermédiaires et profondes de l‟océan (Falkowski et al., 2000). Les eaux
intermédiaires et les eaux profondes des océans sont de loin le réservoir de carbone le plus
important a la surface de la Terre.

La biomasse des océans consomme et libère d‟énormes quantités de HCO3- et de CO2.


Cependant, contrairement aux aires continentales, le cycle du carbone entre la photosynthèse et
la respiration est très rapide. On peut considérer qu‟il n‟y a quasiment pas de stockage de
carbone associe a la biomasse marine comme c‟est le cas sur les continents. Les organismes
phytoplanctoniques sont consommés par le zooplancton en quelques jours ou quelques semaines.
Cette pompe biologique (phytoplancton, zooplancton, pelotes fécales) permet de maintenir en
permanence un enrichissement de l‟ordre de 10 % de la teneur en CO2 des eaux profondes par
référence aux eaux de surface.
98

Le réservoir majeur de carbone est constitué par les sédiments qui contiennent 75 106 Gt de
carbone, dont 60 106 Gt sont inorganiques (carbonates) et 15 106 Gt sont organiques (matière
organique sédimentaire, Tableau 4). On doit noter que les resserves de pétrole, de gaz naturel et
de charbon exploités par l‟homme représentent un réservoir de carbone inférieur d‟au moins trois
ordres de grandeur à celui de la totalité de la matière organique sédimentaire. La surface de la
Terre (océan, atmosphère, biomasse, sols et sédiments superficiels) ne représente que 40 103 Gt
de carbone, dont la plus grande partie (38 103 Gt) se trouve dans les bicarbonates dissous dans
l‟eau de mer. Bien que de taille réduite, ces réservoirs superficiels sont l‟objet d‟une forte
dynamique se traduisant par un couplage avec le climat. Le carbone, largement impliqué dans les
interactions atmosphère-biosphère-hydrosphère-lithosphère, est constamment recyclé entre les
continents et les océans et entre ses formes organiques et inorganiques. L‟atmosphère joue de ce
point de vue un rôle majeur dans les échanges du CO2 à l‟échelle globale.

ableau 4 : Les réservoirs de carbone (Anderson et Arthur, 1983 ; Hedges et Keil, 995 ; Javoy,
1998).
99

III.3.2 Echelles de temps concernées

Le cycle biogéochimique du CO2 concerne différentes échelles de temps : le cycle court et le


cycle long.

Aux petites échelles de temps (année – quelques dizaines d‟années, cycle court), la dynamique
du CO2 atmosphérique est principalement modulée par les processus biologiques de
photosynthèse, respiration et décomposition de la matière organique et par la variabilité des
échanges de CO2 entre l‟océan et l‟atmosphère. L‟émission de CO2 anthropique (tendant
aujourd‟hui vers 8 Gt/an) s‟inscrit dans cette échelle (Figure 36).
100

Sur les continents, le flux de CO2 atmosphérique consommé annuellement par la photosynthèse
et, de façon plus générale, par la chimiosynthèse des êtres vivants est de l‟ordre de 60 Gt. Ce flux
est à peu près équilibré par le flux du dioxyde de carbone rejeté par l‟activité des bactéries et des
champignons dans les sols, à deux détails près :

D‟une part, une fraction du carbone organique quitte l‟écosystème, emportée par les eaux de
ruissellement ; et d‟autre part, la minéralisation des matières organiques des sols est différée par
la constitution de matières organiques dans les sols (humus), dont une fraction est très réfractaire
et peut y séjourner pendant des milliers années. Ce stock de matière organique constitue un
réservoir-tampon de carbone, dont la dynamique reste encore assez mal connue.

Figure 36 : Cycle actuel du carbone : les chiffres en italique noir correspondent aux tailles des
réservoirs (en Gt), les autres correspondent aux flux (en Gt/an). (Adaptée de Prieur et
Combarnous, 2003 ; Gaillardet, 2005).

A plus long terme (milliers – dizaines de milliers d’années), ces processus sont emboités dans
une dynamique plus lente du carbone impliquant des flux d’échange (positifs ou négatifs) entre
l’atmosphère et l’océan. Il convient de distinguer l‟océan superficiel et l‟océan profond, même
si la majorité du carbone est piégée dans l‟océan profond. Le rôle de la circulation océanique est
à ce titre fondamental dans la dynamique du carbone. L‟échange de carbone entre l‟atmosphère
(CO2) et l‟océan (système des carbonates) est contrôlé par les lois de la thermodynamique et par
101

la pompe biologique. Il dépend fortement de la température. Les zones océaniques froides sont
plus aptes à dissoudre le CO2 atmosphérique que les zones chaudes. Les flux d‟échangé entre
l‟eau des océans et l‟atmosphère sont du même ordre que ceux existant entre la biomasse et
l‟atmosphère réunis, les flux annuels de consommation du CO2 atmosphérique par l‟océan et par
la photosynthèse de la biomasse marine et terrestre sont de l‟ordre de 150 Gt par an. Compte tenu
de la faible quantité de carbone présente dans l‟atmosphère, ceci conduit à des temps de
résidence du carbone extrêmement faibles, de l’ordre de l’année à la dizaine d’années. Comme
nous l‟avons vu plus haut, l‟émission de CO2 anthropique s‟inscrit dans cette échelle de temps
où les processus naturels susceptibles de l‟absorber sont en priorité la biomasse et l‟océan.

A très long terme (millions-centaines de millions d’années, cycle long ), les puits du carbone
prépondérants deviennent d‟une part l’altération chimique des silicates associée à la
séquestration dans les sédiments, sous forme de carbonates, d‟une partie des produits de cette
altération, et d‟autre part la matière organique, d’origine marine et continentale, fossilisée
dans les sédiments (Berner, 2003).

L’altération chimique des minéraux des roches correspond à la réaction entre d‟un coté, l‟eau
météorique dans laquelle du CO2 de l‟atmosphère ou des sols est dissous, mais également par les
acides organiques émis par les systèmes rhizosphériques des plantes terrestres (Figure 37).

Figure 37 : Relation entre l‟altération chimique des roches silicatées, la formation des carbonates
et l‟accumulation de matière organique sédimentaire (Westbroek, 1992 ; Berner, 1998 ; Huc et
al., 2005).
102

On peut considérer cette réaction comme une réaction de neutralisation conduisant à la


formation de sels : essentiellement des bicarbonates de calcium, sodium, potassium et
magnésium. Dans l‟océan, après transport par les eaux de surface, les êtres vivants que sont
notamment les organismes planctoniques calcaires (coccolithophorides et foraminifères), les
coraux et les bivalves transforment ces produits issus des continents en carbonates. On passe
donc par ce mécanisme complet (altération des roches sur les continents et biocalcification dans
les océans) d‟un carbone gazeux (CO2 atmosphérique) à du carbone piégé dans des carbonates
(aragonite, calcite, dolomite) avec une probabilité d‟y séjourner de l‟ordre de 400 millions
d‟années. Cette séquestration minérale est donc très efficace, et même si les flux de CO2
consommés annuellement par l‟altération des roches et la précipitation de carbonates sont faibles
(actuellement l‟estimation est de l‟ordre de 0,4 Gt de carbone par an), ce processus maintenu à
l‟échelle géologique, est clairement responsable de la résorption d‟une partie importante du CO2
de l‟atmosphère primitive de la Terre.

Mécanisme de la réaction

L'altération des silicates calciques (contenant du Ca2+) par une eau chargée en CO2 est un
phénomène très lent qui pompe du CO2 de l'atmosphère pour le transformer en CaCO3 :

Etape 1 : dissolution du CO2

2H2O + 2CO2 ⇄ 2 H2CO3 ⇄ 2H+ + 2 HCO3 -

Etape 2 : altération des silicates calciques

2H+ + 2 HCO3 - + CaSiO3 → SiO2 + H2O + 2HCO3 - + Ca2+

Pour simplifier, on écrit les équations avec le plus simple des silicates calciques, CaSiO3
(la wollastonite). Ces deux étapes prélèvent donc du CO2 atmosphérique (2 molécules de
CO2 pour 1 atome de Ca) et le transforment en HCO3- dissous.

Etape 3 : transferts de ces substances dissoutes vers la mer.

Etape 4 : dans un milieu de sédimentation :

Ca2+ et HCO3 - vont alors suivre le destin normal de ces ions :

SiO2 + 2HCO3 - + Ca2+ ⇄ CaCO3 + H2O + CO2 + SiO2


103

A la silice près qui n'intervient pas, cette étape 4 est identique à la classique équation des
carbonates, et 2 HCO3 - dissous sont transformés en 1 CaCO3 et 1 CO2 atmosphérique ;
mais ces 2 HCO3 - proviennent de 2 CO2 et n'en redonnent qu'un seul !

La somme de tout cela, c'est :

2CO2 + 2H2O + CaSiO3 → 2H2O + SiO2 + CaCO3 + CO2

Il y avait 2 CO2 au départ et il en reste un seul à l'arrivée... Parce qu'il y a eu apport de calcium
nouveau, un CO2 de l'atmosphère a été prélevé et il est devenu CaCO3. Dans toutes ces
équations, il y a partout ⇄, sauf à un endroit où il n'y a que →. C'est pour cela que globalement,
la somme de ces réactions ne va que dans un sens (→).

Ensuite, ce CaCO3 sera pris dans le cycle classique de la dissolution des carbonates, dont le bilan
est nul sur quelques milliers à millions d'années.

Dans la nature, les plus courants des silicates calciques ne sont pas la wollastonite, mais le
plagioclase calcique, les pyroxènes et les amphiboles… L'équation bilan avec le plagioclase
peut alors s'écrire : 2 Al2SiO8Ca + 2 CO2 + 4 H2O → 2 CaCO3 + Si4O10Al4(OH)8 (kaolinite). En
divisant chaque terme de cette équation par 2, on obtient l‟équation suivante :

Al2SiO8Ca + CO2 + 2 H2O → CaCO3 + Si2O5 Al2(OH)4 (composes donnés à la Figure 19).

L'altération des granites et de ses plagioclases fabrique donc des chaos granitiques, de l'arène,
des argiles mais le plus important, à l'échelle de la planète Terre, c'est la baisse du CO 2
atmosphérique. C'est comme cela qu'au cours des milliards d'années, du CO2 atmosphérique a été
transformé en CO2 lithosphérique (calcaire). Ce CO2 lithosphérique (calcaire) est détruit à chaud
dans les réactions métamorphiques et surtout par la subduction (CaCO3 + SiO2 → CaSiO3 +
CO2). Ce CO2 revient alors dans l'atmosphère par le volcanisme.

Enfin, le cycle impliquant le carbone du manteau, avec un temps de résidence estimé à environ
3 milliards d’années, a une durée de l‟ordre de grandeur de l‟âge de la Terre (4,5 Ga).
Actuellement, le flux de dégazage du manteau est bien mal contrôlé, ainsi que la part du carbone
superficiel qui est entrainé par subduction dans le manteau. Des arguments isotopiques suggèrent
que la quantité totale de carbone de la surface de la Terre reste constante, ce qui revient a dire
que la quantité apportée annuellement a partir du manteau équilibre celle qui rejoint le manteau
104

par subduction. Cependant, cet équilibre aurait pu être rompu ponctuellement lors de la mise en
place des LIP (Large Igneous Provinces), qui correspondent a de vastes épanchements
basaltiques. Le flux d‟entrée du CO2 dans l‟atmosphère aurait alors pu être accéléré pendant de
courtes durées (dizaines, centaines de milliers d‟années), ce qui aurait pu ainsi augmenter
brutalement la teneur en CO2 atmosphérique. Le temps de retour a des teneurs plus basses, voire
a la valeur initiale, par des processus naturels, semblerait dans certains cas être assez bref
(million d‟années ou moins).

Il est a noter que les processus et les réservoirs n‟ont pas été constants au cours de l‟histoire de
notre planète. La compréhension du cycle du carbone doit donc être considérée au travers des
tailles de réservoirs, des flux et des processus afférents, mais également dans la perspective des
modifications de ces derniers au cours du temps géologique et cela à toutes les échelles
possibles.

IV.4. Cycle de l’azote (N)

IV.4.1. Généralités

On a vu que la vie sur terre influence profondément la composition de l'atmosphère en


produisant du dioxyde de carbone CO2 et du méthane CH4 à travers les processus de la
respiration et la fermentation reliés au recyclage du carbone. La Vie a aussi influencé la
composition de l‟atmosphère à travers le recyclage d‟un autre élément, l‟azote (N). Ce gaz est le
premier en importance dans l‟atmosphère terrestre (78%). Il s‟y trouve sous sa forme moléculaire
normale (N2, diatomique), un gaz relativement inerte (peu réactif).

L'azote (N) a un cycle complexe parce qu'il existe sous forme de composés solides, gazeux ou
dissous dans des liquides. Dans la matière vivante, il est étroitement couplé aux autres éléments,
au point que, dans l'océan, leur rapport est quasi constant. Beaucoup de composés azotés ont un
intérêt économique et le cycle naturel de l'azote est lui aussi perturbé par les activités humaines.

Différentes formes chimiques

L'azote, pouvant prendre des degrés d'oxydation variant de + 5 à – 3, apparaît sous des formes
très variées :
105

L'acide nitrique, HNO3, résulte de l'oxydation naturelle des oxydes d'azote. Il est produit
industriellement, car les nitrates servent à fabriquer des engrais et des explosifs.

Le peroxyde d'azote, NO2, gaz toxique irritant, déchet de l'industrie chimique, est produit dans
l'atmosphère par oxydation de NO.

L'oxyde nitrique, NO, est un sous-produit de toutes les combustions. Il est surtout abondant en
zone urbaine, où le mélange NO-NO2 est responsable de brumes photochimiques et de
nombreuses réactions avec les composés minoritaires de l'atmosphère (oxyde de carbone, ozone,
radicaux divers).

L'oxyde nitreux, N2O, peu réactif, a une longue durée de vie (120 ans). Il peut être transporté
jusque dans la stratosphère, où il intervient dans les réactions contrôlant l'ozone.

L'azote (N2), gaz incolore, inerte, constitue 78 % de l'atmosphère.

L'ammoniac, NH3, est un produit d'excrétion des animaux ; ses sels servent d'engrais.

Des composés organiques – amines (dérivés organiques de l'ammoniac), amides comme l'urée,
ou protéines – constituent une grande partie du matériel cellulaire. Les composés azotés sont
donc présents dans les produits d'excrétion ou de décomposition des matières organiques.

Réservoirs de l’azote

Les principaux réservoirs de l’azote sont la terre et l’atmosphère et les océans.

Dans l‟atmosphère, l‟azote est essentiellement sous forme diatomique, N2 (3,9 1015 tonnes
métriques), alors que dans les réservoirs océaniques, l‟azote se retrouve dans la biomasse, sous
forme des sels (NO3-, NO2- et NH4+) et sous forme de N2 dissout. Dans le réservoir Terre, l‟azote
se retrouve aussi bien dans la croûte terrestre, le biota que dans la matière organique.

Production primaire nouvelle de l‟azote est réalisée à partir de sources externes de nutriments
(atmosphère, fleuves, eaux profondes).

Production primaire régénérée ou recyclée : ammonium (et CO2) excrété par les organismes
est immédiatement réabsorbé = cycle rapide au sein de la couche euphotique, sans transport.

Production primaire totale = nouvelle + recyclée; seule la nouvelle conduit à une


augmentation de la biomasse.
106

IV.4.2. Cycle de l’azote

Le cycle de l‟azote est très complexe pour des raisons évoquées ci-haut. En effet, la comparaison
des cycles actuel et prémoderne de l‟azote montre que trois processus sont responsables du
doublement approximatif des entrées d‟azote dans le cycle moderne (Figure 38).

Premièrement, les combustions industrielles de toute sorte, particulièrement des carburants


fossiles, ont augmenté l’émission de gaz azotes réactifs (NOy) vers l‟atmosphère où ils
contribuent a la production d‟ozone troposphérique (le composant le plus nocif de la pollution
atmosphérique) avant la déposition, sous forme gazeuse, de l‟acide nitrique dissous dans les
précipitations, ou sous forme d‟aérosols secs, sur les terres et les océans. A cause de la reactivite
de ces gaz, leur impact est limite à une région de près de 1 000 km sous le vent de la source.

Au début, l‟azote déposé stimule la production primaire, car l‟azote est le nutriment le plus
fréquemment limitant dans les écosystèmes terrestres (en grande partie parce qu‟il est facilement
perdu sous forme gazeuses ou par lessivage). Une fois saturée la capacité de l‟écosystème
récepteur à absorber de l‟azote, un point connu sous le nom de saturation d’azote est atteint ; il
est marqué par une augmentation soudaine des nitrates dans l‟eau de drainage du système, le
surplus est lessive dans les nappes phréatiques, puis les rivières adjacentes, les lacs et les zones
côtières causant de l‟eutrophisation. La biodiversité est diminuée dans les systèmes terrestres et
aquatiques, et dans les cas les plus sévères, la production primaire nette, ou au moins les parties
utiles de cette production, peuvent décliner.
107

Figure 38 : Compartiments clés, flux et temps de renouvellement (entre crochets) du cycle de


l‟azote et leurs modifications par les activités humaines.

Dans cette figure, la taille des compartiments (= les stocks sous une forme particulière) est
exprimée en TgN, ce qui équivaut a 1012 g (ou millions de tonnes) de N sous forme élémentaire.
Les flux entre compartiments sont exprimes en TgN par an. Les compartiments où les flux
entrants et sortants sont faibles en comparaison avec le stock, changent lentement, mais leurs
altérations sont aussi longues à réparer. Les flèches en gras représentent le cycle de base
(préindustriel). Les flèches et boites en pointilles représentent des flux nouveaux ou fortement
accrus en raison de l‟activité humaine. La largeur des flèches est grossièrement proportionnelle
au flux. Il est clair que l‟addition de nouveaux flux importants de l‟atmosphère vers les terres par
la fixation industrielle ou la culture de plantes fixatrices a créé un déséquilibre augmentant le
flux vers les océans, contribuant à l‟eutrophisation des rivières et des lacs. Une partie des surplus
d‟azote contribue à l‟augmentation des émissions de N2O et NOx, vers l‟atmosphère, avec des
108

effets sur le réchauffement global, la pollution tropospherique et la diminution de l‟ozone


stratosphérique (Reeburgh, 1997 ; Prather et al., 2001; Brasseur et al., 2003).

Deuxièmement, l‟invention du procédé Haber-Bosch de conversion de l‟azote atmosphérique en


ammonium a jeté les bases d‟une croissance exponentielle de l‟usage des engrais azotes dans la
deuxième moitie du XXe siècle. Cela a permis les cultures à haut rendement de la Révolution
verte, qui ont fortement augmenté la production de nourriture relativement bon marche et
amélioré considérablement la vie de millions de personnes. Cependant, moins de la moitie des
engrais appliques sont retrouvés dans la récolte. Le reste est stocké dans les sols et lessivé vers
les eaux ou retourné vers l‟atmosphère, sous forme de N2 sans effet, mais aussi de N2O, un
puissant gaz a effet de serre et à longue durée de vie, implique dans la diminution de l‟ozone
stratosphérique. La concentration atmosphérique de N2O a augmenté de 0,8 ppt (0,25 %) par an,
en grande partie à cause de ce mécanisme. En 1998, cette concentration atteignait en moyenne
314 ppt, a comparer avec les 270 ppt de l‟ère préindustrielle.

Troisièmement, le processus naturel de fixation biologique de l‟azote a été fortement stimulé


dans le cadre de l‟agriculture. La plantation à l‟échelle mondiale de plantes fixatrices d‟azote, tel
le soja ou les haricots, capture actuellement 50 TgN par an, un service écosystemique qui vaut
plusieurs milliards d‟euros annuellement en économies d‟engrais et contribue substantiellement a
la nourriture des humains. Les conséquences négatives sont, cependant, les mêmes que celles de
la fixation industrielle de l‟azote : des émissions accrues de N2O et le lessivage d‟azote depuis
les terres vers les eaux, avec toutefois la possibilité de stocker une plus grande proportion de cet
azote sous des formes stables dans le sol. Il s‟ajoute à ce risque des cas d‟acidification sévère du
sol suivant des récoltes répétées de plantes fixatrices d‟azote, sauf si des apports de cations
équilibrent le pH.

Le schéma suivant (Figure 39) constitue le cycle simplifié de l‟azote avec les trois processus de
base impliqués dans le recyclage de l‟azote.
109

Figure 39 : Cycle simplifié de l‟azote

(a) La fixation de l’azote correspond à la conversion de l‟azote atmosphérique en azote


utilisable par les plantes et les animaux. Elle se fait par certaines bactéries qui vivent dans les
sols ou dans l‟eau et qui réussissent à assimiler l‟azote diatomique N2. Il s‟agît en particulier des
cyanobactéries et de certaines bactéries (Rhizobium) vivant en symbiose avec des plantes (entre
autres, des légumineuses). La réaction chimique type est :

Si le pH le pH est élevé, l‟ion ammonium se transforme en ammoniac gazeux.

C‟est ce qu‟on appelle volatilisation de l’ammoniac.


110

La réaction nécessite un apport d‟énergie de la photosynthèse (cyanobactéries et symbiotes de


légumineuses). Cette fixation tend à produire des composés ammoniaqués tels que l‟ammonium
NH4+ et sa base conjuguée l‟ammoniac NH3. Il s‟agît ici d‟une réaction de réduction qui se fait
par l‟intermédiaire de substances organiques notées {CH2O} dans l‟équation 1.

(b) Nitrification

L'azote issu de la minéralisation des matières organiques est en majorité de l'ammonium NH4+ ;
cette forme azotée peut aussi être apportée sous forme d'engrais. En conditions aérobies, des
microorganismes pourront l'oxyder en 2 étapes pour se procurer de l'énergie (bactéries
autotrophes). Cette transformation de l'ammonium en nitrates est très rapide, et si les conditions
sont réunies, les sols ne contiennent en général que peu d'ammonium ; cependant, dans la
rhizosphère, il y a généralement une chute de l'oxygène disponible par augmentation de la
respiration, et les conditions anaérobies font que la forme ammonium est souvent bien présente.

(c) Dénitrification

La dénitrification, au contraire de la nitrification, est un processus en partie biologique réducteur,


en conditions anaérobies. Il est réalisé par des bactéries hétérotrophes du genre
Bacillus,Pseudomonas, Micrcoccus, Achromobacter qui réduisent les nitrates en composés
gazeux : les oxydes d'azote NO, N2O parfois même jusqu'au N2 (des bactéries autotrophes, tirant
leur énergie de l'oxydation du soufre, peuvent aussi dénitrifier : exemple de Thiobacillus
denitrificans). Cela se traduit par des pertes d'azote depuis le sol jusqu'à l'atmosphère. Les
oxydes d'azote volatils NO et N2O sont des gaz très problématiques. NO contribue fortement à
111

l'effet de serre (pour une quantité identique, 300 x plus que le CO2) et N2O contribue à la
destruction de la couche d'ozone.

On doit faire remarquer que la fixation de N2 atmosphérique gazeux (diazotrophie) et sa


transformation en azote minéral (NH3 ou NH4+) dans l‟eau est réalisée par des micro-organismes
photosynthétiques (bactéries vraies et cyanobactéries ou algues bleues). Alors qu‟en milieux
terrestres elle est conduite par des bactéries hétérotrophes des micro-organismes symbiotiques
(cyanobactéries ou des bactéries symbiotiques – Rhizobium des légumineuses).

IV.5. Cycle global du phosphore (P)

La lithosphère est la source ultime de tout le phosphore de la biosphère. Bien que l‟apatite soit
l‟un des minéraux primaires les plus facilement altères, le phosphore est parmi les minéraux les
moins biodisponibles. Ceci est du au fait que les formes du phosphore dans la biosphère (formes
ioniques différentes suivant le pH : H3PO4, H2PO42-, HPO4-, PO43- ; complexes minéraux, dits
occlus : Al-P, Fe-P, Ca-P, Si-P ; et P organique) sont faiblement solubles, immobiles ou rendues
inaccessibles pour d‟autres raisons. En conséquence, le phosphore est en quantité suffisante dans
les sols jeunes, arides et neutres, mais est souvent colimitant (avec l‟azote) pour la production
des plantes et des animaux sur les surfaces anciennes et fortement altérées, comme celles qui
dominent en Afrique et en Amérique tropicales et en Australie. Comme le NH4+ et le NO3- sont
plus facilement lessivés que le phosphate, les écosystèmes d‟eau douce et côtiers sont
typiquement plus sensibles aux augmentations de phosphore que d‟azote, faisant du phosphore le
principal responsable de l‟eutrophisation dans les lacs et les estuaires. Il est transporte
principalement sous forme de particules de sol, plutôt qu‟en solution.

La disponibilité du phosphore dans les paysages où il est rare est largement stimulée par les
processus biologiques. Des champignons symbiotiques spécialisés tels les mycorhizes,
transfèrent le P de formes inaccessibles vers la plante et aident à maintenir son cycle ferme (avec
des pertes minimales). Il y a une évidence empirique qu‟une faible disponibilité du phosphore
limite la fixation d‟azote contribuant à la colimitation notée ci-dessus. Le mécanisme de cette
contrainte reste encore mal élucidé.

Le cycle contemporain du phosphore n‟est pas en équilibre, à l‟inverse du cycle historique


(Figure 40).
112

Figure 40 : Cycle du phosphore

Ce diagramme schématise les principaux éléments (composants) du cycle du phosphore. Les


compartiments sont en TgP, les flux en TgP par an et les temps de renouvellement (entre
crochets) en années. Les flèches pointillées sont des flux entièrement ou partiellement d‟origine
humaine. En milieu terrestre, le phosphore qui s‟accumule dans les sols, en raison de
l‟utilisation des engrais, est en partie lessive vers les rivières, les lacs et les eaux côtières, où il
constitue le principal facteur de l‟eutrophisation.

En raison des forts apports de phosphore depuis la lithosphère, principalement par l’extraction
minière mais aussi par l‟accélération de l‟altération, le phosphore s‟accumule dans les
écosystèmes terrestres dans les mondes développés et sous-développés (avec quelques
exceptions notables dans l‟Afrique subsaharienne). Le principal mécanisme par lequel il passe
des milieux terrestres aux milieux d’eaux douces est l’érosion du sol. Le phosphore des milieux
agricoles est le principal facteur de l‟eutrophisation. Celui provenant de sources ponctuelles
comme les effluents des stations d‟épuration et les déchets industriels, comprenant les détergents
phosphates, apporte une contribution limitée globalement, même si elle peut être importante
113

localement (Bennett et al., 2001). En raison d‟une forte accumulation de phosphore dans les
terres, et de la lenteur de processus de libération impossibles à arrêter, ce problème est promis a
croitre et s‟étendre de façon substantielle dans les prochaines décennies.

IV.6. Cycle global du soufre

Le cycle du soufre (Figure 41) est pour de nombreux aspects comparable à celui de l’azote,
exceptées les entrées venant de la lithosphère par l’activité volcanique, et l’absence d’un
processus biologique de fixation du soufre de l’atmosphère dans les terres et les eaux. La
principale perturbation humaine du cycle global du soufre est la libération de SOx (SO2 plus une
petite quantité de SO3) résultant de la combustion d‟huiles et de charbon et la fonte de minerais
de sulphite. Les gaz SOx endommagent la respiration humaine à fortes concentrations, mais ils
sont faiblement toxiques pour les plantes. D‟autres gaz soufres comme H2S et les mercaptans
sont faiblement toxiques, mais ils sont fortement désagréables pour l‟olfaction humaine, même a
faibles concentrations. En conséquence, les gaz contenant du soufre sont émis par de très hautes
cheminées, pour être largement dilues une fois arrivés au niveau du sol. Ceci a largement
contribué à créer le problème des dépôts acides au cours du XXe siècle (Smil, 1997).

Figure 41 : Cycle du soufre


114

La figure présente les principaux compartiments et flux du cycle global du soufre. Les
compartiments sont en TgS, les flux en TgS par an et les temps de renouvellement (entre
crochets) en annees. Les flèches solides représentent le cycle préindustriel, les pointillées, les
additions humaines vers l‟an 2000. L‟émission accidentelle de S à partir des carburants fossiles
et des fonderies de minerais sont les principales causes de dépôts de soufre. Il s‟accumule dans
les sols qu‟il acidifie, ainsi que les eaux faiblement tamponnées qui s‟en écoulent. Données de
Reeburgh (1997) et Brasseur et al. (2003).

L‟acide sulfurique est l‟un des composants majeurs des dépôts acides, avec l‟acide nitrique,
l‟acide carbonique et divers acides organiques. Ces acides étaient auparavant largement
neutralisés par le dépôt simultané de cendres alcalines qui sont maintenant éliminées des fumées.

IV.7. Cycles du silicium, de l’aluminium et du fer

IV.7.1. Généralités

Silicium, aluminium et fer sont les plus abondants des éléments dans l‟écorce terrestre âpres
l‟oxygène, plus de 75 % des roches affleurant à la surface du globe sont constituées de silicates
et d’aluminosilicates (Tableau 5). Ces éléments sont ainsi toujours présents parmi les produits
libérés par l‟altération des roches et, étant peu ou très peu solubles dans des conditions
oxydantes, ils participent à la précipitation des minéraux secondaires des sols. La plupart des
minéraux des roches et des sols sont des silicates et des oxydes de fer et d’aluminium, les
carbonates n‟étant abondants que dans des milieux géologiques ou pédologiques spécifiques.

La partie géochimique du cycle de ces éléments est prise en compte depuis longtemps par la
communauté des sciences de l‟Univers. La partie biologique ou biogéochimique de leur cycle
est, elle, beaucoup moins bien connue en milieu terrestre, en particulier parce que ces éléments
ne font pas partie des nutriments majeurs traditionnels et se présentent le plus souvent sous
forme de minéraux ou d‟édifices complexes rarement purs et souvent mal ordonnes. Or, leurs
propriétés et comportements à la surface du globe sont déterminés par des interactions contrôlées
en grande partie par l‟activité biologique, déterminante quant à leur mobilité et quant au résultat
final de la formation des sols.
115

Tableau 5 : Ordre de grandeur de l‟abondance des éléments majeurs dans différents


compartiments de la surface terrestre (1 adapté de Rudnick et Gao, 200).

IV.7.2. Le silicium (Si)

Il s‟agit de l‟élément le plus abondant dans l‟écorce terrestre après l‟oxygène. Le cycle global du
silicium comporte trois compartiments, continental, océanique et atmosphérique, aux stocks
très inégaux : considérant les trois premiers mètres de roche, le stock continental est de l‟ordre de
3,8 1017 kg, le stock océanique est de l‟ordre de 2,5 1015 kg et le stock atmosphérique est limité
aux particules pressentes dans les aérosols.

Le silicium est presque toujours présent parmi les produits libérés par l‟altération des roches. Il
est relativement soluble dans l‟eau (≈ 10-2,7 mol.kg-1 à 20 ◦C), sa concentration dans les eaux des
sols et des nappes est contrôlée par les cinétiques de dissolution des minéraux des roches et par
les dissolutions/précipitations des minéraux secondaires des sols, majoritairement des argiles. Il
est transféré des continents vers les océans sous forme dissoute (≈ 157 109 kg.an-1) et dans les
particules détritiques (≈ 4 400 109 kg.an-1). Sous forme dissoute, dans des conditions usuelles des
116

eaux naturelles (pH 3-8), le silicium est essentiellement sous forme d‟acide silicique H4SiO4 Il se
complexe peu avec les matières organiques naturelles, mais peut se combiner avec l‟aluminium
dans toutes les gammes de pH pour former des monomères et polymères aluminium-silicium
susceptibles d‟évoluer vers la néoformation de minéraux Al-Si.

Les réactions de dissociation de l'acide orthosilicique

Le silicium dissous de l'eau de mer est présent sous différentes formes chimiques éventuellement
disponibles pour les diatomées. L'acide orthosilicique fonctionne comme un acide tétraprotoné et
les 4 protons peuvent être successivement dissociés pour former une série d'ions monosilicates.
Les équilibres caractérisant ces déprotonations séquentielles peuvent s'écrire de la manière
suivante:

La concentration relative de ces espèces est présentée dans la Figure 42.

Figure 42 : Distribution relative des espèces chimiques majoritaires du silicium dissous en


conditions thermodynamiques comparables à l'eau de mer (0,6 M NaCl, 25°C) en fonction du pH
de la solution.
117

L’acide silicique est faible pka1= 9. 41 (pka2=12.71) et il n‟est que très faiblement
dissocié en dessous de pH 9:l e taux de dissociation est de 6% seulement au pH moyen de
l‟eau de mer (8.2).

Polymérisation:

En principe en phase aqueuse l‟acide orthosilicique tend à former des polymères (acide
polysilicique) selon la réaction: ///Si-OH+OH-Si/// → ///Si-O-Si/// + H2O. Exemple : 4 Si(OH)4
→ Si4O8(OH)2- + 2 H+ + 6H2O, la constante d‟équilibre 10-13,5 à 25°C.

Dans les solutions de sol, la concentration de silicium dissous varie selon le pH en suivant les
variations de solubilité des aluminosilicates ; dans des conditions acides (pH < 5), elle diminue
au fur et à mesure que le pH augmente. Gerard et al. (2003) observent dans un sol forestier acide
des concentrations de l‟ordre de 10-3 M à pH 3,9 et de l‟ordre de 10-4 M à pH 4,6. Dans des
conditions basiques (pH > 7), sa concentration augmente avec le pH. La concentration moyenne
mondiale dans les eaux de rivières est de l‟ordre de 10-3,8 mol.kg−1, mais la variabilité est grande
dans le temps et l‟espace. Le silicium est l’un des rares éléments dont la concentration dans les
eaux de rivières est généralement supérieure à la concentration dans l’eau de mer (de 10-4,2 a
105,3). Dans les rivières et les océans, il constitue un nutriment souvent limitant et sa
concentration est contrôlée par l‟activité biologique selon des mécanismes assez bien connus. Il
est précipité sous forme d‟opale par des organismes tels que diatomées, radiolaires ou éponges ;
la sédimentation océanique de silice biogénique se situe autour de 188 109 kg.an-1.

Le rôle du cycle du silicium à l‟échelle du globe et des temps géologiques est aujourd‟hui bien
établi : acquisition de la composition moyenne de la croûte continentale, cycles sédimentaires,
relation entre cycle du silicium et du carbone. La partie biologique océanique de son cycle est
également très documentée (Figure 43).
118

Figure 43 : Cycle biogéochimique du silicium en milieu terrestre

La composante biologique continentale de ce cycle est beaucoup moins bien connue. Le peu
d‟intérêt porte aux aspects biologiques du cycle du silicium en milieu continental vient de ce que
le silicium n‟était pas jusqu‟ici, en raison de son abondance, considéré comme un nutriment
limitant, et que son rôle dans la physiologie végétale n‟était pas encore clairement identifie.
Malgré tout, on sait depuis longtemps qu‟il est un composant essentiel des phytolithes et
plusieurs études récentes ont montre la nécessité de mieux connaitre sa biogéochimie
continentale. Cet intérêt récent a plusieurs origines : le recyclage biologique est susceptible de
jouer un rôle essentiel quant à la nature des minéraux secondaires formés dans les sols ; il joue
un rôle physiologique encore mal connu mais certain pour un grand nombre de plantes ; il
participe aux bilans globaux ; la silice biogène est enfin susceptible de servir de traceur des
processus d‟altération ainsi que de marqueur des paléo-environnements.

Rôle des phytolithes

L‟importance démontrée du recyclage biologique a amené certains auteurs à s‟intéresser plus


particulièrement aux phytolithes : particules micrométriques d’opale qui constituent la forme
119

la plus commune de la précipitation de silicium dans les tissus végétaux. Libérés par la
dégradation des tissus organiques, les phytolithes constituent un stock de silice dont la cinétique
de dissolution est susceptible de contrôler la stabilité des minéraux secondaires silicatés. Des
études menées en foret équatoriale par Alexandre et al. (1997) montrent un apport en silicium a
la surface du sol sous forme de phytolithes de l‟ordre de 67 kg.ha-1.an-1. 92 % de cet apport est
annuellement solubilisé, mais 8 % se conserve plus longtemps. Ces particules plus stables sont
susceptibles de translocation en profondeur, participant à la formation d’un stock de silice
biogène susceptible de contrôler localement les concentrations en silicium de la solution du sol.

IV.7.3. L’aluminium (Al)

Troisième élément par ordre d‟abondance dans la croûte supérieure après l‟oxygène et le
silicium, l’aluminium est beaucoup moins soluble que ce dernier en solution aqueuse entre
pH 5 et 8 (10-6 à 10-8 mol.kg−1), ce qui explique la faiblesse de son stock océanique global. Il
devient cependant rapidement plus soluble en milieu plus acide (Figure 44) et se complexe
facilement avec la matière organique naturelle, ainsi qu‟avec d‟autres ligands organiques, par
exemple d‟origine végétale ou microbienne. Malgré ses faibles teneurs, l‟aluminium en solution
joue un rôle important dans le fonctionnement des écosystèmes terrestres et aquatiques, en raison
de ses effets toxiques sur les organismes vivants.

Figure 44 : Domaines de stabilité des principaux minéraux secondaires dans le système Si-Al.

L‟aluminium est en principe peu recyclé par les plantes et l‟importance de la partie biologique de
son cycle est surtout indirecte. Elle est alors déterminée par le comportement des complexes
120

aluminium-matière organique naturelle, qui peuvent contrôler l‟activité d‟Al3+ (Mulder et Stein,
1994). Les travaux concernant les conditions de mobilité et de biodisponibilité de l’aluminium
ont fait l‟objet d‟avancées importantes ces dernières années, les oxydes d‟aluminium sont
cependant relativement mal connus par rapport aux oxydes de fer.

Spéciation et mobilité de l’aluminium

Le réservoir d’aluminium dans les roches est essentiellement constitué par des minéraux
alumino-silicates (feldspaths, micas. . .). L‟aluminium libéré par l‟altération de ces minéraux
primaires, peu soluble, reprécipite pour former des minéraux secondaires, essentiellement des
argiles, des groupes kaolinite et smectites, ainsi que des oxydes principalement l‟hydroxyde
Al(OH)3 (gibbsite), qui offre une grande variabilité de degrés de cristallinité suivant ses
conditions de formation. Dans les sols riches en composes organiques, caractéristiques des
milieux forestiers, une part importante de l‟aluminium peut être immobilisée par des réactions
d‟échanges Al3+- H+ sur des sites organiques complexants (Simonsson, 2000).

A l’échelle du globe, le contenu total en Al des minéraux secondaires des sols croit avec la
pluviosité et l‟âge des sols, en raison de la séquence de stabilité des minéraux secondaires dans le
système silicium-aluminium (Figure 26). La séquence smectites (rapport Si/Al≈ 2), kaolinite
(rapport Si/Al ≈ 1), gibbsite (rapport Si/Al = 0) correspond a l‟équilibre avec des solutions
progressivement moins concentrées en silicium, en relation avec des climats progressivement
plus humides : s‟il pleut plus, les solutions sont rapidement renouvelées dans les sols et leur
teneur en Si reste faible. Le caractère plus alumineux des sols des régions humides est ainsi lié à
une accumulation relative de l‟aluminium : celui-ci s‟accumule parce que les autres éléments, en
particulier le Si, sont lixiviés et exportés vers les rivières. C’est le principe de la formation des
bauxites, ressource non renouvelable dont la genèse nécessite des millions d’années de temps
d’évolution.

L’aluminium dans les solutions aqueuses

L‟aluminium dissous peut se présenter sous de nombreuses formes : monomères libres (Al3+ et
ions hydroxyles), monomères associés à des ligands inorganiques (principalement F-, PO42-,
SO42-, H4SiO4) ou organiques (oxalate, citrate, oxalate. . .), polymères et colloïdes (hydrox
aluminosilicates, Al13(O4)(OH)247+, noté Al13, associations Al-PO4, Al-Si, Al-fulvate et Al-
121

humate...). Cette grande diversité fait que de nombreux facteurs affectent la distribution des
espèces aqueuses de l‟aluminium, c‟est-a-dire sa spéciation. Pour l‟essentiel cependant, la
spéciation de l’aluminium est fonction de sa concentration totale, du pH et de l’abondance et de
la nature des ligands organiques et inorganiques. En particulier, l‟omnipresence dans les
solutions naturelles des ligands inorganiques et organiques de l‟aluminium inhibe la formation
du polymère Al13, qui n‟est présent qu‟ l‟état de traces dans les solutions de sol et la plupart des
eaux de surface.

La toxicité aluminique

La toxicité de l‟aluminium est bien documentée en ce qui concerne aussi bien les organismes
aquatiques (Baker et Schofield, 1982) que terrestres ; les interactions plantes-aluminium ont en
particulier été très étudiées (Rout et al., 2001). Bien que certaines espèces végétales puissent
accumuler de fortes concentrations d‟Al ans leurs tissus sans en souffrir (les teneurs en Al des
aiguilles d‟Epicea peuvent par exemple atteindre 1,35 mg.kg−1 sans symptômes particuliers sur
l‟arbre (Ogner et Teigen, 1980), de nombreuses plantes sont sensibles à l‟Al présent dans les
solutions du sol. L‟acidité des sols peut également être toxique vis-à-vis des végétaux en dessous
d‟un pH variant de 3 a 5 selon les espèces, la toxicité des protons peut alors être plus forte que
celle de l‟aluminium (Ryan et al., 1986).

Chimie des eaux de surface, toxicité et spéciation de l’aluminium

Comme pour les plantes, de nombreuses contradictions émaillent la littérature quant à la part
respective des différentes espèces chimiques ; l‟effet létal d‟une dynamique de polymérisation
dans l‟environnement branchial est néanmoins bien établi. Ceci se produit quand les eaux
deviennent sursaturées en Al, par exemple lorsque des eaux acides riches en Al se mélangent à
des eaux neutres ou alcalines. Indépendamment des phénomènes de spéciation de l‟aluminium, le
Ca combat la toxicité due a l‟acidité et aux formes monomériques de l‟aluminium chez les
poissons, sans influence toutefois sur l‟asphyxie due au colmatage des branchies par des
cofloculats aluminiummucilage.

IV.7.4. Le fer (Fe)

Quatrième élément par ordre d‟abondance dans la croûte supérieure, le fer a la particularité
d‟être présent sous forme ferrique (FeIII) en conditions oxydantes et sous forme ferreuse (FeII) en
122

conditions réductrices (Figure 45). Le FeIII a des propriétés proches de l‟Al, mais plus acide : il
est très peu soluble à pH > 4,5 (10-6 à 10-7 mol.kg-1), devient rapidement plus soluble en milieu
plus acide, se complexe facilement avec la matière organique naturelle. FeII a des propriétés très
proches de Mg (la plupart des minéraux ferreux sont ferromagnésiens), et il a une solubilité de
l‟ordre de 1 mol.kg-1 en conditions très réductrices ou très acides.

Dans les êtres vivants, le fer est un nutriment essentiel : il est indispensable à la photosynthèse,
car il entre dans la ferrédoxine, et à la respiration, car il entre dans de nombreux transporteurs
d‟électrons des chaines respiratoires. Il joue également un rôle fondamental en ce qui concerne
les propriétés, donc la fertilité des sols.

Figure 45 : Cycle du fer

Des aspects importants du cycle biogéochimique du fer sont encore mal connus. Les interactions
avec les sulfures, les carbonates ou les smectites, les aspects microbiologiques, les rôles
123

biochimiques du fer dans les organismes vivants, cette seule énumération montre l‟importance
du cycle. Par ailleurs, plusieurs résultats récents montrent que les alternances
d‟aérobiose/anaérobioses ont été sous-estimées.

Spéciation et mobilité du fer

Dans les roches de la croute terrestre, le réservoir de fer est essentiellement silicaté. Le fer
libéré par l‟altération reprécipite en milieu oxydant ou moyennement réducteur essentiellement
sous forme d’oxydes (oxydes, oxyhydroxydes, hydroxydes et oxydes mixtes) (Tableau 6), en
milieu réducteur sous forme de carbonate ferreux (sidérite) ou de sulfures (pyrrhotite,
mackinawite, marcassite, pyrite). Une petite partie du fer reste néanmoins silicatée dans les
argiles néoformées ou transformées. Dans la diagenèse, le fer se silicate a nouveau en retour par
aggradation des argiles, avec réduction de FeIII en FeII. Le cycle du fer diverge donc du cycle du
silicium, puis converge à nouveau vers lui, ce schéma général pouvant être modifié par
l‟interaction avec le cycle du soufre et la formation de sulfures, ou plus marginalement avec le
cycle du phosphore et la formation de phosphates.

Les principaux types d‟oxydes de fer rencontré dans les sols sont présentés dans le Tableau 6.
Le réseau cristallin de nombreux oxydes de fer autorise la substitution du fer par un métal ; le
nombre de métaux ayant des affinités avec le fer est élevé et les taux de substitution sont souvent
non négligeables.

Tableau 6 : Différents types d‟oxydes de fer rencontres dans les sols et les formations
superficielles
124

En milieu oxydant, les formes stables sont la goethite, la lepidocrocite, l‟hématite et la magnétite,
la ferrihydrite étant une forme métastable. En conditions réductrices, les oxydes de fer sont
réduits et le fer passe en solution. Il a alors les propriétés d‟un alcalino-terreux, son hydroxyde
est très soluble et ne se forme pas. Lorsqu‟une reoxydation intervient, elle peut précipiter un
minéral naturel transitoire, la fougerite, qui correspond aux composés de synthèse appelés
rouilles vertes : Fe2+ s‟oxyde en Fe3+ qui précipite en s‟entourant de Fe2+ et de Mg2+.

Le fer dans les solutions aqueuses

Comme Al, FeIII dissous peut se présenter sous de nombreuses formes : espèces monomères
libres (Fe3+ et ions hydroxyles) ; monomères associes à des ligands inorganiques et des
ligands organiques simples ; colloïdes, en particulier colloïdes organométalliques. La spéciation
de FeIII dissous est fonction du pH et de la disponibilité des ligands organiques et inorganiques.
FeII dissous est, lui, en raison de sa solubilité bien plus grande, sous la forme dominante de
l‟espèce monomère Fe2+, les complexes inorganiques ou organiques pouvant cependant
intervenir.

Interactions entre les formes du fer et l’activité biologique


125

La mobilité du fer déterminée par le pH, le Eh et de la présence de ligands organiques, est sous la
dépendance des activités microbiennes qui modifient et contrôlent en permanence ces
paramètres. En milieu acide ou neutre, aérobie, des bactéries chimiolithotrophes ou mixotrophes

Oxydent FeII en FeIII pour obtenir l‟énergie nécessaire à leur croissance (Figure 46). Elles
utilisent pour la plupart le CO2 comme source de carbone, certaines peuvent aussi oxyder les
formes réduites du soufre et d‟autres éléments (uranium, arsenic,. . .). Ces processus conduisent,
sauf en conditions très acides ou complexantes, à la précipitation d‟oxydes de fer, de sulfates ou
de phosphates.

Ces bactéries trouvent des applications dans la lixiviation et l’extraction des métaux de
minerais sulfurés, de matériaux pollués ou le traitement des eaux pour éliminer le fer, le
manganèse et divers métaux associés.
126

Figure 46 : Exemple d‟un effluent de drainage minier acide

IV. 8. Cycle biogéochimique de potassium (K)

Découvert 1807 par Davy au cours de la réduction électrolytique de la potasse caustique (KOH),
le potassium est le constituant principal des cendres des végétaux terrestres.

IV.8.1. Potassium dans la lithosphère

Le K est relativement abondant dans l‟écorce terrestre, où sa teneur, estimée entre 1,6 et3,5 ,
suivant les auteurs, est sensiblement équivalente à celle de Na. Trop oxydable pour rester à l‟état
natif, il se retrouve essentiellement combiné, au sein des minéraux peu solubles, prncipalement
des aluminosilicates tels que la leucite (KAlSi2O6), le feldspath orthose (KAlSi2O8) et les micas,
dont la muscovite. Outre l‟alumine, qui se rencontre dans les terrains volcaniques, les sels
naturels solubles sont surtout des chlorures, présents dans les gisements miniers provenant de
l‟évaporation des mers. Les principales formes rencontrées sont la sylvine ou sylvite (KCl), la
carnallite (chlorure double de K et Mg) et un mélange en proportions variables de KCl et de
NaCl.

IV.8.2. Potassium dans le sol


127

Le potassium n‟est présent dans le sol que sous forme minérale. En effet, le potassium dans les
résidus végétaux est presque exclusivement du K+, libéré dan le sol dès la mort des cellules. La
minéralisation de la matière organique n‟a donc pas d‟influence dans ce cas. Le potassium se
trouve dans le sol sous 4 formes différentes :

intégré à la constitution des minéraux primaires des roches mères. Cette forme est très
lentement libérée au cours des processus d‟altération ;

inclus entre les feuillets des argiles. Cette forme non échangeable ne peut être libérée
que lorsque le sol s‟appauvrit fortement en potassium et à l‟occasion d‟alternances
d‟humectation et de dessiccation. La quantité ainsi libérée est de l‟ordre 5 à 50 kg K2O
ha-1.an-1 ;

adsorbé par les charges négatives de la CEC (capacité d‟échange cationique) du sol ou
complexe adsorbant ;

en solution dan l‟eau du sol (solution du sol).

Le potassium immédiatement utilisé par la plante est constitué par l‟ensemble de K de la solution
du sol et celui du complexe adsorbant ; c‟est le potassium échangeable.

IV.8.3. Cycle biogéochimique de K

Le schéma de la Figure 47 représente la dynamique du potassium dans les sols, y compris son
absorption par les plantes et les animaux. La réaction d‟hydrolyse des minéraux, feldspaths et
micas, y sont intenses et aboutissent à la mise en solution de K suivant la réaction :

Micas K+ + H+ + OH- → Micas H+ + K+ + OH-

Le complexe adsorbant joue un rôle important dans la biodisponibilité de potassium très soluble,
qu‟il ait été libéré dans les minéraux primaires ou apporté par des matières organiques ou les
fertilisants minéraux. Si le potassium n‟est pas fixé par insuffisance des sites d‟échange, il est
entrainé en profondeur donc indisponible pour alimenter les plantes.

La description du potassium biodisponible nécessite d‟avoir recours aux trois facteurs :

facteur intensité : (Ck) qui décrit la pression des ions sur les racines ;
128

facteur quantité : quantité d‟ions K+ susceptible de quitter la phase solide pour rejoindre
la phase liquide dans un temps donné ;

facteur capacité (Kc/Kh) : qui rend compte de l‟aptitude du sol à maintenir constant le
facteur intensité, lorsque le facteur quantité est modifié par un apport ou un
prélèvement.

Figure 47 : Cycle biogéochimique de potassium

CHAPITRE V : NOTIONS DE GEOCHIMIE ISOTOPIQUE


La géochimie isotopique est une branche de la géochimie qui s‟intéresse plus particulièrement à
l’abondance et à la répartition des différents isotopes constitutifs d’un élément. La géochimie
isotopique utilise les comportements physiques naturels de ces isotopes pour comprendre les
mécanismes géologiques. Les applications de la géochimie isotopique nombreuses, on peut cite
entre autres :

les isotopes radiogéniques sont utilisés en géochronologie ;


129

les isotopes stables peuvent être utilisés comme géothermomètres ;

de nombreux isotopes (stables et radiogéniques) sont utilisés comme traceurs.

V.1. Structure de la matière

V.1.1.Le noyau atomique

Un atome est constitué d‟un noyau et d‟un cortège électronique, le noyau électronique étant lui-
même composé de nucléons (protons et neutrons). Un élément chimique est défini par un
nombre de protons Z (Z=Numéro Atomique, il varie de 1(H) à 92 (U) dans les éléments
naturels ; actuellement il existe environ 118 éléments chimiques dont 94 naturels).

Un noyau qui a un nombre donné de protons et de neutrons est un nucléide. Il est caractérisé par
le nombre de masse A, A=N+Z correspond au nombre total de nucléons dans le noyau (protons
+ neutrons). N représente le nombre de neutrons présents dans le noyau. Pour identifier un
nucléide, on utilise la notation suivante :

où X est le symbole chimique de l‟élément en question.

Les noyaux d‟atomes de différents éléments peuvent avoir le même nombre de nucléons A. On
les appelle des nucléides isobares (voir Tableau 7).

Tableau 7 : Exemple des nucléides isobare

Isobares 210
atome protons Z neutrons N électrons élément
81 129 81 Thallium

82 128 82 Plomb

83 127 83 Bismut

84 126 84 Polonium

Les noyaux d‟atomes de différents éléments peuvent avoir le même nombre de neutrons N. On
les appelle des nucléides isotones (Tableau 8).
130

Tableau 8 : Exemples des nucléides isotones

Isotones 20
atome protons Z neutrons N électrons élément
17 20 17 Chlore

18 20 18 Argon

20 20 20 Calcium

Les nucléides isotopes d‟un élément donné sont des atomes dont les noyaux ont le même nombre
de protons (Z), mais des nombres différents de neutrons (N et bien entendu des nombre de
masses A également différents). Puisque les propriétés chimiques d‟un élément sont déterminées
par le nombre de ses électrons, les isotopes sont chimiquement identiques, bien que leurs noyaux
aient des masses différentes (Tableau 9).

Tableau 9 : Exemples des isotopes de l‟Uranium

isotopes de l’uranium
atome protons Z neutrons N électrons abondance
92 142 92 0,0056%

92 143 92 0,718%

92 146 92 99,276%

La Figure 48 resume les différentes possibilités d‟obtenir les isobares (diagonales), les isotones
(lignes verticales) et les isotopes (lignes horizontales).
131

Figure 48 : Illustration des nucléides isobares, isotones et isotopes

V.1.2.La masse atomique

Les masses des atomes sont presque des multiples entiers de la masse de l‟atome d‟hydrogène.
En effet, la masse de l‟électron est très petite par rapport à celle du proton et la masse du neutron
est pratiquement égale à celle du proton. Le nombre de masse A est donc pratiquement égal à la
masse d‟un atome exprimé sous forme d‟un multiple de la masse du proton. Les masses
atomiques s‟expriment en fonction de l’unité de masse atomique (u ou uma). Par définition, la

masse de l‟atome neutre de l‟isotope du carbone est égale exactement à 12 u. On convient

aussi de définir que 12g de l‟isotope contient atomes (où NA est le


nombre d‟Avogadro). On trouve alors:

Les masses du proton, du neutron et de l‟électron sont :


132

Les masses atomiques qui apparaissent dans le tableau périodique sont les moyennes pondérées
selon les divers isotopes de chaque élément. Par exemple le chlore a deux isotopes de masses
approximatives 35u (75,4%) et 37u (24,6%). La masse atomique indiquée est donc 35 (0,754) +
37 (0,246) = 35,5u. Le nombre de masse A d‟un isotope est numériquement égal à sa masse
atomique exprimée en unités de masse atomique et arrondie à la valeur entière la plus proche.

V.1.3. Energie de liaison et stabilité des nucléides

L‟existence d‟un noyau stable signifie que les nucléons sont dans un état lié. Puisque les protons
dans un noyau sont soumis à une forte répulsion électrique, il doit exister une attraction encore plus
forte qui les maintient ensemble et assure la cohésion du noyau. La force nucléaire est une
interaction à courte portée alors que l‟interaction électromagnétique est une interaction à longue
portée. La force nucléaire est la même pour tous les nucléons, quelle que soit leur charge. L‟énergie
de liaison El d‟un noyau est l’énergie nécessaire pour séparer complètement les nucléons.
L‟origine de l‟énergie de liaison peut s‟expliquer à partir de la relation masse-énergie (Einstein) :

où ∆m est la différence entre la masse totale des nucléons pris séparément (MT) et la masse du
noyau stable (MC). La masse d‟un noyau stable étant inférieure à la somme des masses de ses
nucléons, l‟énergie libérée lors de la formation d‟un noyau stable est égale au produit de cette
différence de masses par c2. Pour séparer les nucléons, il faut fournir une quantité au moins
équivalente d‟énergie.

L‟énergie de liaison d‟un nuclide s‟exprime par :

Einstein a montré que la masse constitue une forme d‟énergie appelée énergie de masse. La relation
2
entre la masse (en kg) d‟une particule, au repos, et l‟énergie (en J) qu‟elle possède est : E = m.c
133

avec c ≈ 3,00.108 m.s-1, vitesse de la lumière dans le vide. L‟unité d‟énergie utilisée en physique
nucléaire est l‟électron-volt (eV) et ses multiples (keV, MeV, GeV) :

Défaut de masse

La masse d‟un noyau est inférieure à la somme des masses des nucléons le constituant. On appelle
défaut de masse d’un noyau, la différence entre la masse totale des nucléons séparés au repos et la
masse du noyau constitué et au repos. Pour un noyau X de masse A et de nombre atomique Z, le
défaut de masse est :

Δm = (Z.mp + (A-Z).mn) – mx,

avec mx : masse du noyau, mp : masse du proton et mn : masse du neutron.

La formation d‟un noyau à partir de ses constituants s‟accompagne d‟une perte de masse, donc d‟une
émission d‟énergie.

Energie de liaison par nucleon

Pour juger de la stabilité d‟un noyau et pour comparer les différents types de noyaux entre eux, il
est nécessaire de considérer l‟énergie moyenne de liaison par nucléons, soit : El/A. Cette énergie
correspond à l’énergie nécessaire pour arracher un nucléon au noyau. Un noyau est d‟autant plus
stable que son énergie de liaison par nucléon est grande.

Exemples : L‟énergie de liaison du fer 56 (56Fe) est El = 492 MeV ; son énergie de liaison par
nucléon est de 8,79 MeV/nucléon. L‟énergie de liaison de l‟uranium 238 (238U) est El = 1802 MeV ;
son énergie de liaison par nucléon est de 7,57 MeV/nucléon. Le fer 56 est donc plus stable que
l‟uranium 238.

Exercice d’application

Le noyau O (A = 16, Z = 8) a une masse mnoyau = 2,656.10–26 kg. En prenant mn = 1,675.10–27 kg


et mp = 1,673.10–27 kg, calculer :

1. le défaut de masse Δm1 ;

2. l‟énergie de liaison El de ce noyau en joule puis en MeV ;

3. l‟énergie de liaison par nucléon en MeV/nucleon.


134

Solution

1. Par définition, on a, Δm = (Z.mp + (A–Z).mn) – mnoyau


-28
Δm = [8 × 1,673.10–27 + (16 – 8).1,675.10–27] – 2,656.10–26 = 2,240.10 kg
-11
2. El = Δm.c2 = El = 2,240.10–28.(3,00.108)2 = 2,016.10 J

En divisant par 1,6.10-19, on trouve : El = 1,260.108 eV, soit El = 126 MeV

3.L‟énergie de liaison par nucleon est donnée par El /A = 126 MeV/16 = 7,88MeV/nucléon.

Courbe d’Aston

La figure suivante (Figure 49) donne les valeurs moyennes de l‟énergie de liaison par nucléon en
fonction de A (masse atomique) ; cette courbe permet de comparer la stabilité des différents types
de noyaux.

Figure 49 : Courbe d‟Aston

Cette courbe de l'énergie de liaison en fonction du nombre de nucléons porte le nom du physicien
anglais F.W.Aston, qui fut un des pionniers des mesures de masse des noyaux et obtint un prix
Nobel en 1922. Un classique de la physique nucléaire, la courbe d'Aston montre que pour les
noyaux naturels il faut dépenser environ 8 MeV pour arracher un nucléon et que l'énergie de liaison
135

passe par un maximum de 8,8 millions d'électronvolts (MeV) pour le nickel-62 et diminue ensuite
lentement pour atteindre 7,6 millions d'électronvolts pour l'uranium (U).

Pour 50 < A < 80, la courbe présente un minimum très aplati qui correspond donc aux noyaux les
plus stables. Les extrémités de la courbe correspondent aux noyaux les plus instables :

un noyau très lourd (A > 100), bombardé par une particule adéquate peut se casser en deux
noyaux plus légers : c’est la fission nucléaire ;

un noyau léger peut donner un noyau plus lourd (possédant une énergie de liaison par
nucléon plus grande) : c’est la fusion nucléaire.

La fission nucléaire

Lors d‟une fission nucléaire, un neutron lent dont l‟énergie cinétique est de l‟ordre de 0,1 MeV «
casse » un noyau lourd fissile en formant deux noyaux plus légers et en libérant d‟autres neutrons et
de l‟énergie. Le seul noyau naturel fissile est l‟uranium 235.

Exemple de réaction :

Si la masse de matière fissile dépasse une certaine valeur, appelée masse critique, les neutrons
libérés pourront, à leur tour, provoquer une fission : c’est la réaction en chaîne.

Réaction en chaîne

Soit k le nombre moyen de neutrons libérés qui provoquent une fission.

● Si k < 1, la réaction s‟arrête. Le système est sous-critique.

● Si k > 1, la réaction peut devenir explosive. Le système est sur-critique.

● Si k = 1, la réaction s‟auto-entretient. Le système est critique.

La fusion nucléaire

Lors d‟une fusion nucléaire, deux noyaux légers s‟unissent pour former un noyau plus lourd en
libérant de l‟énergie. C’est la fusion d’hydrogène en hélium qui est à l’origine de l’énergie solaire.
136

Ces réactions sont très exoénergétiques (Bombe H). Les réactions de fusion ne peuvent s‟effectuer
qu‟à très haute température (≈ 108 K). Ces réactions sont souvent appelées « réactions
thermonucléaires ».

Exercice dapplication

1. Calculer l‟énergie de liaison par nucléon (en MeV/nucléon) d‟un noyau d‟uranium 235. Quelle est
sa particularité parmi tous les noyaux naturels ? On rappelle que le numéro atomique de l‟uranium
est 92.

2. Lors de sa fission, il peut par exemple donner un noyau La, un noyau de brome et 3 neutrons.
Écrire l‟équation de cette réaction.

V.1.4. La radioactivité

Sur les quelques 3000 nucléides connus seuls 269 nucléides stables et 70 nucléides instables sont
naturels (339 isotopes pour 84 éléments), les 70 nucléides instables sont dits radioactifs. Les oyaux
présentant un nombre pair de protons et un nombre pair de neutrons sont particulièrement stables.
Les noyaux qui ne remplissent pas ces conditions de stabilité décroissent par radioactivité.
137

V.1.4.1. Désintégration des noyaux instables ou excités

Les noyaux instables, c‟est à dire où les forces de déstabilisation excèdent les forces d‟attraction, se
transmutent spontanément pour atteindre une configuration plus stable. Cette “tendance” à la
transmutation est d‟autant plus grande qu‟ils sont éloignés du niveau de stabilité de référence. En
d‟autres termes, plus un noyau est éloigné de cet état de stabilité de référence, plus la probabilité de
le voir se transmuter est grande. Cette transmutation s’appelle la désintégration radioactive. La
probabilité d‟observer une désintégration radioactive se décrit selon l‟équation suivante :

Où P est le nombre de noyaux pères présents, t le temps et la constante de désintégration. La

quantité est nommée “activité”, l‟unité en est le Bq (désintégrations par seconde).


L‟intégration de cette équation (1), après inversion de l‟échelle de temps (car P doit décroître quand
le temps s‟écoule) donne :

Où Po est le nombre de noyaux présents à t=0.

Exemple : à t = 0, on compte 200 isotopes pères bleus de P (c'est Po) et 40 isotopes rouges de F (Fo)
138

A t=T, il ne reste plus que 100 isotopes bleus, 100 isotopes rouges (Radiogénique) ont été produits
(plus 40 rouges initiaux).

A t=2T, il ne reste plus que 50 bleus pour 150 rouges (plus 40 rouges initiaux),

A t=3T, il ne reste plus que 25 bleus pour 175 rouges (plus 40 rouges initiaux),

etc…

Vous remarquerez que l'on est parti d'un système à 240 isotopes et qu'il y en a toujours 240 dans le
système: on dit que le système est clos. La décroissance radioactive suit donc une loi exponentielle.
Ainsi, le nombre d‟isotopes pères P diminue en fonction du temps tandis que le nombre d‟isotopes
fils F produit augmente. On peut alors dessiner les courbes ci-dessous, avec le nombre d‟isotopes P
qui diminue en fonction du temps (points bleus) tandis que le nombre d‟isotopes fils F produit
augmente au cours du temps (points rouges) (Figure 50) :
139

Figure 50: Exemple d‟une courbe de desintegration radioactive d‟un noyau instable

Pour une certaine valeur de t, on va avoir ,c‟est à dire qu‟il ne reste que la moitié des
noyaux initialement présents. Cette valeur de t s‟appelle la période radioactive ou demi-vie et est
égale à :

Le nombre d‟isotopes pères Po à t=0 n‟est pas connu, un certain nombre de ces atomes se sont
transformés en éléments fils F. Dans un système clos, on peut considérer que le nombre d’atomes
pères à un temps t (P) est égal au nombre d’atomes pères initiaux (Po) moins le nombre d’atomes
140

fils radiogéniques produits au cours du temps t, soit :

En remplaçant Po par P+F dans l‟équation précédente (3), on obtient :

Comme dans l‟exemple précédent (isotopes bleus et rouges…) la quantité d‟éléments fils F peut être
différent de 0 à t=0, ce nombre d‟isotopes fils présents à t=0 est nommé Fo.

Soit à un temps t, l‟équation précédente devient :

Cette équation (5) est l‟équation fondamentale que nous utiliserons en géochronologie. Elle permet
d’obtenir l’âge d’une roche (ou d’un minéral) selon l’équation (6)

V.1.4.2. Différents types d’instabilité et de radioactivité

Radioactivité α

Elle concerne les atomes pour lesquels le nombre de nucléons est important. La force nucléaire forte
(de cohésion) est insuffisante pour maintenir la cohésion du noyau. Il y a émission d'une particule α
141

(noyau d'helium). Comme l‟atome d‟hélium est particulièrement stable, ce n‟est pas surprenant que
ce groupe de particules puisse exister au sein même du nucléide parent. Le nucléide fils qui est ainsi
créé est originellement dans un état excité, il se stabilise alors par radioactivité γ.

Bien qu'elle soit émise avec une vitesse de l'ordre de 104 km/s, il est facile d'arrêter une particule α
(avec une feuille de papier par exemple).

Radioactivité β-

Elle concerne les atomes ayant trop de neutrons. Le nucléide éjecte une particule β- (un électron
énergétique). Un neutron se brise pour former un proton une particule β- et un antineutrino.
La particule β- et l‟antineutrino sont éjectés du noyau, le proton reste au sein du noyau du nucléide.
142

Le nombre de masse du nucléide père est égal à celui du nucléide fils. est un électron
énergétique.

Radioactivité β+

Elle concerne les atomes ayant trop de protons. Le nucléide éjecte une particule β+ (un positon
énergétique). Un proton se brise pour former un neutron une particule β+ et un neutrino. La particule
β+ et le neutrino sont éjectés du noyau, le neutron reste au sein du noyau du nucléide.

Bien que les particules β- et β+ soient émises à grande vitesse (environ 105 km/s) il est facile de
les arrêter avec une plaque métallique de quelques mm d'épaisseur.

Capture électronique

L‟atome instable (qui a trop de protons ou pas assez de neutrons) se stabilise en capturant un
électron de l’orbitale la plus interne et en le combinant avec un proton pour en faire un
143

neutron. La masse atomique est inchangé, mais le numéro atomique décroît au lieu de croître
(comparable à la radioactivité β+). Peu courante (par comparaison à la radioactivité β), elle
concerne surtout les isotopes lourds (utilisés pour certaines méthodes radio-chronologiques).

Il est très difficile de se protéger des rayons γ à cause de leur grand pouvoir de pénétration.

V.2. Géochimie des isotopes radiogéniques

V.2.1. Introduction

Nous pouvons considérer deux applications essentielles à la géochimie des isotopes


radiogéniques

La première application concerne naturellement la géochronologie qui se base sur la


propriété de constance du taux de désintégration des nucléides instables au cours du
temps (déjà évoquée précédemment). L‟indépendance de ce phénomène aux conditions
physico-chimiques environnantes permet, par simple mesure de la quantité de nucléides
fils et de nucléides pères, de calculer un temps durant lequel le système géologique est
resté clos.

La seconde application concerne leur utilisation en tant que traceurs géologiques. Cette
utilisation se base sur le fait que tous les isotopes d‟un même élément possèdent les
mêmes propriétés chimiques au cours des phénomènes géologiques (fusion,
cristallisation…). Corrigés de l‟âge de la roche, les rapports isotopiques des roches
dépendent donc de la nature de la source de l‟élément considéré.
144

Figure 51 : Tableau périodique des éléments avec les principaux isotopes radiogéniques
(indiqués en couleurs)

Tableau 10 : Principaux isotopes cosmogéniques, leurs demi-vie et leurs constantes radioactives

Les principaux isotopes cosmogéniques à vie courte, ces isotopes radiogéniques seront utilisés en
géochronologie ou comme traceurs pour les phénomènes géologiques récents. D‟après leur demi-
vie très « courtes », ces isotopes auraient disparu du milieu naturel depuis plusieurs milliards
d‟années s‟ils n‟étaient pas constamment régénérés par les réactions entre les gaz de
l‟atmosphère et les rayons cosmiques. Le tritium (3H) est lié en grande partie pour son origine
aux explosions de bombes nucléaires en surface de la Terre (courantes dans les années 1950 à
1970). Leur demi-vie et la valeur de la constante de désintégration l associée sont reportées pour
chacun d‟eux.
145

Ces deux utilisations directes de la géochimie des isotopes radiogéniques (datation et traceur)
sont liées à des paires d‟éléments à vie longue pour les phénomènes géologiques anciens (>
million d‟années) et à des paires d‟éléments à vie courte (isotopes cosmogéniques) pour les
phénomènes géologiques les plus récents.

V.2.2. Géochronologie

V.2.2.1. Généralité sur le calcul d’un âge radiochronologique

Nous avons vu précédemment que la désintégration des noyaux instables ou excités suivait une
loi f(t) caractérisé par une constante lambda propre à chaque élément père. Soit à un temps t, le
nombre de nucléides fils Fmesurés peut s‟écrire :

Soit:

Dans un système géologique naturel, cette équation possède deux inconnues : Fo la quantité
initiale du nucléide Fils à t=0 et t l‟âge de la roche. Ce système peut être résolu et l‟âge de la
roche ne sera connue que si F0 = 0 (il ne reste alors plus qu‟une inconnue).
146

Dans une représentation graphique du nombre de nucléides Fils (nb F) versus nombre de
nucléides Père (nb P) chaque roche est caractérisée par une diminution de nb P et une
augmentation de nb F au cours du temps. Si F0 différent de 0, le nombre de nucléides Fils à t=0
(F0) n‟est pas commun aux trois systèmes lithologiques et ne permet donc de trouver l‟âge.

Si l’on divise chaque terme par le nombre de nucléides stables G (F et G sont des isotopes du
même élément, différent de l‟élément P). Pour ces mêmes roches, l‟abondance relative de
nucléides Fils à t=0 (Abr F0 = nb F/nb G)) est commune aux trois systèmes lithologiques, en
effet les processus de cristallisation et de fusion ne fractionnent pas les isotopes d‟un même
élément. Par contre, les rapports nbP/nbG restent différents (éléments différents) et caractérisent
chaque roche. Graphiquement, à un temps t donné, les 3 roches s‟alignent sur une même droite
appelé isochrone (droite reliant des roches de même (iso-) âge (-chrone)). L‟équation de cette
droite est de la forme nb F/nb G = a* nb P/nb G + c et permet donc une résolution simultanée
d‟un système de 3 équations :
147

Pour lesquelles:

La droite solution du graphique précédent :

Est solution de chacune de 3 équations de la forme :

Ce qui nous permet de définir les constante a (intercepte) et c (pente de la droite) :

Plus le nombre d‟équations relatives à un même système géologique (même âge et même F0) est
important plus t et F0 peuvent être déterminés avec précision. Pour une datation sur roche totale,
une dizaine d‟échantillons est ainsi souhaitable. Lorsque ce nombre de 10 échantillons (même
âge et même F0) n‟est peut être atteint (ex : datation sur minéraux séparés n=2 à 4 ), on utilise de
préférences plusieurs systèmes équivalents (F0 varie mais pas t) pour confirmer l‟âge puis pour
reculer F0 dans un second temps.

La qualité de la droite isochrone (et donc de l‟âge) dépendra significativement de l‟écart de


valeurs nb P/ nb G.

V.2.2.2. Le système Rb-Sr

Le strontium (symbole : Sr) possède de nombreux isotopes (Z = 38 et 73 < A < 105 ; M= 87,62).
Seuls 4 sont stables dans la nature (84Sr, 86Sr, 87Sr et 88Sr), les autres isotopes ont des demie-
87
vies très courtes et ont donc des abondances dans la nature négligeables. Le Sr provient pour
partie de la désintégration β- du 87Rb.
148

Tableau 11 : Principaux isotopes de Sr, leurs demi-vies et leurs abondances

Le rubidium (Rb) possède de nombreux isotopes (Z = 37 et 71 < A < 101 ; M= 85,4678, Tableau
12). Seuls 1 est stable dans la nature (85Rb), et 1 possède une demi-vie très longue (87Rb). Les
autres isotopes ont des demi-vies très courtes et ont des abondances dans la nature négligeables.
Le 87Rb est radiogénique et se désintègre en 87Sr par radioactivité β-.

Tableau 12 : Principaux isotopes de Rb et leurs caractéristiques

Dans le cas du couple 87Rb-87Sr, l‟équation (5) devient:

Pour permettre la résolution de cette équation dans un système naturel, Chaque terme est
normalisé au nucléide stable 86Sr.
149

Géochimie du Rb et du Sr

Le strontium (Sr) appartient au groupe des alcalino-terreux (deuxième colonne) tout comme le
calcium et le baryum. Sr et Ca ont le même comportement et le Sr intégrera donc les minéraux
calciques tels que les plagioclases, l’apatite, le sphène, les pyroxènes calciques et les
amphiboles calciques en milieu endogène et la calcite, le gypse, la baritine etc. en milieu
exogène.

Le rubidium (Rb) appartient à la première colonne de la classification périodique des éléments,


c‟est un alcalin tout comme le potassium et le sodium. En milieu magmatique, le Rb sera donc
incompatible tout comme le potassium et le substituera lors de la formation de minéraux
potassiques tels que les feldspaths alcalins et les micas.

D‟une manière générale, le rubidium et le strontium sont enrichis dans les matériaux crustaux
plutôt que dans les matériaux mantelliques. Les roches granitiques présentent des rapports Rb/Sr
importants alors que les roches mafiques présentent des rapports Rb/Sr faibles limitant alors
l‟utilisation de la méthode.

Au cours d'un processus de cristallisation fractionnée (donnant un corps granitique par


exemple), il existera des variations importantes de concentration en strontium et en rubidium au
sein des différents termes de la séquence lithologique. Les différences de comportement entre
ces deux éléments se traduiront à leur tour par des variations importantes du rapport Rb/Sr et
87
ainsi du rapport Rb/86Sr. Les premières lithologies issues de la cristallisation fractionnée sont
plus calciques et donc plus riches en Sr, alors que dans les derniers liquides et les minéraux qui
se formeront à partir de ces liquides, la concentration en Sr diminue et la concentration en Rb
augmente tout comme celle du potassium. Dans l‟exemple suivant, la roche 1 de composition
granodioritique est plus riche en calcium et plus pauvre en potassium que la roche 2
monzogranitiquem (possédant en proportions approximativement égales des feldspaths alcalins
150

et des plagioclases) et que la roche 3 granitique. Les rapports Rb/Sr (et bien entendu 87Rb/86Sr)
seront plus élevés dans les roches granitiques que granodioritiques.

Figure 52 : Exemple schématique de la répartition du strontium et du rubidium au sein d‟une


intrusion granitique en fonction des différentes lithologies

Trois roches co-génétiques présentent des rapports 87Sr/86Sr initiaux identiques pour des rapports
87
Rb/86Sr différents. Dans l‟exemple, le vieillissement (désintégration progressive du 87
Rb en
87
Sr) des roches permet d‟obtenir une isochrone. La pente de cette droite donne un âge de
formation du massif de 240 Ma.
151

Le schéma ci-haut est une répartition du strontium et du rubidium au sein d‟une roche de
composition granodioritique en fonction des phases minérales présentes. Trois espèces minérales
87
co-génétiques présentent des rapports Sr/86Sr initiaux identiques pour des rapports 87
Rb/86Sr
87 87
différents. Dans l‟exemple, le vieillissement (désintégration progressive du Rb en Sr) des
minéraux permet également d‟obtenir une isochrone. La pente de cette droite donne le même
âge de formation de 240 Ma que l‟isochrone sur roche totale.

Ce même raisonnement peut être tenu à l’échelle de l’échantillon et non plus à l’échelle du
massif. Si l‟on s‟intéresse à l‟échantillon de monzogranite de l‟exemple précédent, au cours d'un
processus de cristallisation il existera des variations importantes de concentration en strontium et
en rubidium au sein des différents minéraux constitutifs de cette roche. Les différences de
comportement entre le rubidium et le strontium se traduiront donc par des variations importantes
du rapport Rb/Sr et ainsi du rapport 87Rb/86Sr entre les différentes phases. Les plagioclases sont
plus calciques et donc plus riches en Sr, alors que dans les feldspaths alcalins et surtout les
micas sont plus pauvres en Sr et plus riches en Rb.

Comme pour tout système géochronologique basé sur l’utilisation d’isotopes radiogéniques,
l’utilisation d’un diagramme de type isochrone ne peut se faire que si le caractère co-génétique
des entités (roche totale et/ou minéraux séparés) a été établi clairement. Au contraire,
l‟obtention d‟une isochrone valable (âge contrôlé par une méthode différente) sur une série
87
d‟échantillons mal contraints peut permettre d‟établir leur co-généité (même rapport Sr/86Sr
initial).
152

Exemple de datations de roches magmatiques

En préambule, retenons que la méthode Rb-Sr peut être utilisée en géochronologie si le


complexe à dater respecte les points suivants :

1) Le rapport Père – Fils doit être suffisamment large pour permettre d‟obtenir une large
87
variation du rapport Sr/86Sr. Lorsque c‟est le cas, les variations dans les compositions
isotopiques de l‟élément fils doivent également être suffisamment larges au regard des
gammes d‟erreurs analytiques. Dans les meilleures circonstances, les rapports isotopiques
peuvent être mesurés avec une précision de 10 ppm ou moins. Si la quantité totale de 87Sr
radiogénique produite est petite par rapport à la quantité de 87Sr présente initialement, par
87
exemple si la proportion de Sr radiogénique produite est seulement d‟un dixième de
87
ppm ou moins sur la quantité totale de Sr, il y a un faible espoir en utilisant cette
méthode d‟obtenir un âge raisonnable. L‟erreur sur la pente de régression est fonction de
la gamme de variation des valeurs utilisées. Pour des précisions analytiques similaires, la
précision sur l’âge est meilleure si la variation du rapport Père-Fils est plus large.

2) Les déviations face à un comportement en système fermé doivent être minimales par
rapport à l’événement que l’on cherche à dater. Ces déviations doivent être prises en
considération dans le choix même du système radiogénique utilisé pour obtenir une
datation. En effet les éléments n‟ont pas la même mobilité, les minéraux ne sont pas non
plus tous aussi réactifs aux changements de conditions environnantes. Dans le cas du
couple Rb-Sr, il faudra être vigilant face à d‟éventuelles épisodes métomorphiques
(instabilité des micas, des feldspaths alcalins…), métasomatiques et/ou d‟altération
(mobilité importante du potassium et du Rubidium dans les milieux aqueux) postérieurs à
la mise en place des lithologies étudiées. Dans le cas d‟un système perturbé, il faudra
envisager la taille critique pour laquelle le système peut être considéré ouvert ou fermé.
Un plus petit volume est plus facilement perturbé qu‟un gros volume.

3) La composition isotopique en strontium doit être homogène au moment de la


formation de l’objet à dater (même rapport 87Sr/86Sr initial pour toutes les lithologies du
massif). Comme dans le cas précédent, un plus petit volume est plus facilement
homogénéisé qu‟un grand volume. De même à plus haute température, la diffusion
153

permet également une meilleure homogénéisation qu‟à plus basse température. Pour les
grands volumes l‟homogénéisation requiert la présence d‟un liquide (plus à même de
s‟homogénéiser par convection et/ou advection) silicaté (magma) ou aqueux.

Les roches alcalines anorogéniques présentent à la fois des concentrations importantes en Rb et


Sr, des rapports Père – Fils et 87Sr/86Sr très larges à l‟origine de la très large utilisation de cette
méthode dans ces roches. Nous verrons l‟exemple d‟une approche du couple Rb-Sr sur minéraux
séparés (muscovite, feldspath, roche totale) ayant permis la datation d‟une pegmatite associée à
un granitoïde de Cuba (Grafe et al., 2001) (Figure 53).

87
Figure 53 : Diagramme isochrone Sr/86Sr versus 87
Rb/86Sr pour un échantillon de pegmatite
d‟un granitoide de Cuba en minéraux séparés (d‟après Grafe et al., 2001).

Ces données, à l‟exception de la biotite, s‟alignent sur une droite isochrone dont la pente donne
un âge de 86,6 +/- 2,3 Ma pour un rapport 87Sr/86Sr initial de 0,703300 +/- 0,000036.

V.2.2.3. Carbone 14 : datation simple par disparition de l'isotope Père

Dans ce cas, l‟isotope du carbone (élément numéro 8) de masse atomique 14 se désintègre en


donnant de l‟azote (élément numéro 7) de masse atomique 14. (C‟est une désintégration bêta).
154

L‟équation (1) ne nous permet de rien dire, vu qu‟on ne connait pas P0. Mais il y a l‟isotope “
normal ” du carbone, le carbone 12, qui sert de référence ; on connait donc “ R0 ”, le rapport
initial.

Le carbone 14 se fabrique dans la haute atmosphère. La reaction est :

Les neutrons sont des neutrons secondaires, des rayons cosmiques qui sont déviés vers les pôles.
Haute atmosphère ; le brassage atmosphérique est assez rapide par rapport au temps de demie-
vie. L'activité solaire fluctue avec une période de 11 ans. On suppose que “ R0 ” est constant. Par
14
contre la mesure de la radioactivité de C est difficile a mesurer ; on le fait par contage des
désintégrations à l'aide d'un compteur Geiger. Pour un échantillon de temps = 0, il y a 13.5
désintégrations par minutes ; pour un échantillon vieux de 55000 ans, 1000 fois moins, soit une à
chaque heure. Il faut utiliser de très grosse protections contre toutes les autres désintégrations (y
compris dans le matériau protecteur et compter les particules qui rentrent) La période du carbone
14 et était de 5730 ans, puis 5568 ans (révisée en 1997) [on conserve souvent le vieux rapport]

Mais, beaucoup plus importantes sont les perturbations que l'homme a récemment apportées en
troublant de deux façons l'équilibre de la nature. Depuis le début de l'ère industrielle la
combustion de matières carbonées fossiles, telles que les charbons ou pétroles, a introduit dans
l'atmosphère une tres grande quantité de CO2 dépourvu de 14C. On a mesure qu'en 100 ans, pour
cette raison, la teneur en 14C des organismes vivants avait baisse de 2%.

Remarque !!!

Il existe d‟autres systèmes radiogéniques utilisés en géochronologie, notamment les systèmes


Lu-Hf, U-Th-Pb, K-Ar, …

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