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Les Enfants de Hurin

Tolkien

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j. r. r.

tolkien
beren et lúthien
Découvrez l’histoire d’amour qui a donné naissance au monde du
Seigneur des Anneaux et du Hobbit ! Des milliers d’années avant Aragorn
et Arwen, un homme et une Elfe tentent de vivre un amour interdit et
se lancent dans la plus formidable des aventures en Terre du Milieu :
reprendre un trésor, le Silmaril au terrible dieu Morgoth.
En traversant mille périls vers sa forteresse, l’Elfe Lúthien nous montre
que le plus grand des héros de Tolkien est une héroïne.

Ce volume contient 9 illustrations originales en couleurs d’Alan Lee,


illustrateur du Seigneur des Anneaux et des Enfants de Húrin.

Édition préparée par Christopher Tolkien

Traduit de l’anglais par Daniel Lauzon, Elen Riot, Adam Tolkien

Édition illustrée par Alan Lee

Illustration de couverture : Alan Lee


BEREN ET LÚTHIEN
ouvrages de J. R. R. Tolkien
chez Christian Bourgois éditeur

Le Seigneur des Anneaux, tome III : Le Retour du Roi


Le Seigneur des Anneaux, tome II : Les Deux Tours
Beowulf. Traduction et commentaire par J.R.R. Tolkien
– édition établie par Christopher Tolkien
La Chute d’Arthur – édition bilingue établie par Christopher Tolkien
Contes et Légendes inachevés
– édition établie par Christopher Tolkien
Le Hobbit – édition brochée
Le Hobbit – édition illustrée par Alan Lee
Le Hobbit – édition deluxe, illustrée par J.R.R. Tolkien
Le Hobbit – édition illustrée par Jemima Catlin
Le Hobbit annoté – édition annotée
par Douglas A. Anderson et illustrée
Les Enfants de Húrin – édition établie et préfacée
par Christopher Tolkien, illustrée par Alan Lee
Les Étymologies (extrait de La Route Perdue)
Faërie et autres textes
La Légende de Sigurd et Gudrún – édition bilingue
établie par Christopher Tolkien
Lettres – édition établie par Humphrey Carpenter
avec l’assistance de Christopher Tolkien
Lettres du Père Noël – édition établie par Baillie Tolkien
Le Livre des Contes Perdus (Histoire de la Terre du Milieu, i et ii)
– édition établie par Christopher Tolkien,
traduite par Adam Tolkien
Les Lais du Beleriand (Histoire de la Terre du Milieu, iii)
– édition établie par Christopher Tolkien
La Formation de la Terre du Milieu (Histoire de la Terre
du Milieu, iv) – édition établie par Christopher Tolkien
La Route Perdue et autres textes (Histoire de la Terre
du Milieu, v) – édition établie par Christopher Tolkien
Les Monstres et les Critiques et autres essais
– édition établie par Christopher Tolkien
Peintures et Aquarelles de J.R.R. Tolkien
Roverandom
Le Seigneur des Anneaux – édition compacte
Le Seigneur des Anneaux, tome I : La Fraternité de l’Anneau
Le Seigneur des Anneaux – édition reliée,
illustrée par Alan Lee
Le Silmarillion – édition reliée, illustrée par Ted Nasmith
Le Silmarillion / Contes et légendes inachevés
– édition compacte
Le Silmarillion – édition brochée
(suite en fin d’ouvrage)
J.R.R. TOLKIEN

BEREN
ET LÚTHIEN

Édition établie et préfacée


par Christopher Tolkien

Illustré par Alan Lee

Traduit de l’anglais par Daniel Lauzon,


Elen Riot et Adam Tolkien

CHRISTIAN BOURGOIS ÉDITEUR ◊


Titre original :
Beren and Lúthien

Originally published in the English language by HarperCollins Publishers


Ltd. under the title Beren and Luthien
All texts and materials by J.R.R. Tolkien © The Tolkien Trust 2017
Preface, Introductions, Notes and all other materials © C.R. Tolkien 2017
Illustrations © Alan Lee 2017
© Christian Bourgois, 2017 pour la traduction française
ISBN : 978-2-267-03053-2
Pour Baillie
NOTE DE L’ÉDITEUR

Dans cet ouvrage, Christopher Tolkien rassemble un certain


nombre d’écrits de son père s’échelonnant sur plusieurs décennies,
qu’en sa qualité d’exécuteur littéraire il a fait connaître au public au
cours d’une longue et fructueuse période d’activité éditoriale.
Ces parutions ont, au fil des années, fait l’objet d’une publication
en français à laquelle ont contribué différents traducteurs. Dans l’in-
térêt de ce livre, qui à travers le fil conducteur d’une histoire se trouve
être le témoin de l’évolution créatrice et stylistique de toute une vie
d’écrivain, il a paru souhaitable d’uniformiser, au moyen d’ajuste-
ments ponctuels, certains aspects des traductions existantes.

La traduction du Conte de Tinúviel et des autres passages tirés du


Livre des Contes Perdus I et II (1995, 1998) a été réalisée par Adam
Tolkien.
Le Lai de Leithian apparaît dans la traduction d’Elen Riot. Le
poème entier a été publié dans Les Lais du Beleriand (2006) dans une
édition bilingue.
Les extraits de la Quenta Noldorinwa et de la Quenta Silmarillion
ont été traduits par Daniel Lauzon dans La Formation de la Terre du
Milieu (2007) et La Route Perdue (2008), respectivement.
Les citations tirées des Lettres (2005) et des Enfants de Húrin (2008)
sont par ailleurs reproduites dans les traductions de Vincent Ferré et

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BEREN ET LÚTHIEN

Delphine Martin ; et celles du Seigneur des Anneaux dans la traduc-


tion de Daniel Lauzon (2014-2016).
Les quelques extraits du Silmarillion qui figurent dans ces pages
ont été nouvellement traduits par Daniel Lauzon, qui assure égale-
ment la traduction du commentaire.

Enfin, le lecteur trouvera en fin de volume une liste des illustrations


en couleurs qui agrémenteront sa lecture tout au long de ce livre.
PRÉFACE

Après la publication du Silmarillion en 1977, j’ai passé plusieurs


années à étudier les premiers développements de l’œuvre, tout en
préparant un livre intitulé L’Histoire du Silmarillion. Cette étude
devait constituer, sous une forme quelque peu abrégée, les premiers
volumes de L’Histoire de la Terre du Milieu parus par la suite.
En 1981, j’ai longuement écrit à Rayner Unwin, directeur de la
maison Allen and Unwin, pour lui rendre compte de ce que j’avais
fait et continuais de faire. À cette époque, comme je l’en informais,
le livre faisait 1 968 pages et quarante centimètres de haut : il n’était
de toute évidence pas destiné à l’édition. « Quand vous verrez ce livre
– écrivais-je –, si jamais vous le voyez, vous comprendrez immédiate-
ment pourquoi je vous disais qu’il n’est aucunement envisageable de
le publier. Les discussions textuelles ou autres sont bien trop détail-
lées et pointilleuses ; et sa longueur déjà rédhibitoire est appelée à le
devenir encore plus, avec le temps. Je l’ai écrit en partie pour satis-
faire à un désir personnel de bien faire les choses, et parce que je
voulais découvrir comment toute la conception a réellement évolué
depuis les premières origines. […]
« S’il y a un avenir pour de pareilles recherches, je veux m’assurer
autant que faire se peut que d’éventuelles études sur l’“histoire litté-
raire” de JRRT[olkien] ne soient pas vouées au non-sens faute d’avoir
correctement retracé sa véritable évolution. Le fouillis et la difficulté

11
BEREN ET LÚTHIEN

intrinsèque d’un grand nombre de manuscrits (les multiples couches


de révision présentes sur une même page, les indices capitaux retrou-
vés sur des fragments éparpillés dans l’archive, les textes composés
au verso d’œuvres différentes, le désordre et la dispersion des manus-
crits, l’illisibilité totale ou quasi-totale par endroits) défient toute
hyperbole. […]
« En théorie, je pourrais produire un grand nombre de livres à
partir de L’Histoire ; je vois beaucoup de possibilités ou de combi-
naisons de possibilités. Je pourrais, par exemple, faire “Beren” en ras-
semblant le Conte Perdu1 d’origine, Le Lai de Leithian et un essai
sur le développement de la légende. Ma préférence, si les auspices
devenaient aussi favorables, irait probablement au traitement d’une
seule légende en tant qu’entité évolutive, plutôt qu’à un ouvrage qui
donnerait tous les Contes Perdus d’une seule venue ; mais l’exposi-
tion en détail soulèverait en pareil cas de grandes difficultés, vu la
nécessité constante d’expliquer ce qui se passe ailleurs, dans d’autres
écrits encore inédits. »
Je lui disais que je prendrais plaisir à écrire un livre appelé « Beren »
suivant cette formule ; mais « le problème résid[ait] dans son organi-
sation, afin que le tout reste compréhensible sans que le commentaire
devienne trop envahissant ».
À l’époque où j’écrivais ces lignes, je pensais réellement ce que je
disais : toute publication me semblait inenvisageable, sinon dans la
perspective de choisir une seule légende à traiter « en tant qu’entité
évolutive ». C’est précisément ce que j’ai fait ici – sans me référer
à ce que j’écrivais trente-cinq ans plus tôt dans ma lettre à Rayner
Unwin : j’en avais complètement oublié l’existence, et c’est par pur
hasard qu’elle m’est tombée entre les mains, alors que ce livre était
pratiquement achevé.
Il y a cependant une profonde différence entre ce livre-ci et mon
idée de départ, et cette différence a trait au contexte. Aujourd’hui,
le vaste fonds de manuscrits ayant trait au Premier Âge, aux Jours
Anciens, a pour une large part été publié dans des éditions précises et
détaillées – principalement dans les volumes de L’Histoire de la Terre
du Milieu. L’idée que j’avais hasardée auprès de Rayner Unwin, celle
d’un éventuel ouvrage consacré à l’évolution du récit de « Beren »,
aurait mis au jour de nombreux écrits encore inconnus et inédits

1. « Les Contes Perdus » est le nom donné par mon père aux toutes premières versions
des légendes du Silmarillion.

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P R É FA C E

à l’époque. Mais le présent livre ne propose pas une seule page de


contenu original ou inédit. Alors quelle utilité, aujourd’hui, pour un
livre comme celui-ci ?
Je vais tenter d’offrir une réponse (inévitablement complexe), voire
plusieurs réponses. En premier lieu, un aspect important des précé-
dentes éditions consistait à présenter les textes de manière à refléter
le mode de composition en apparence assez singulier de mon père
(souvent imposé, en fait, par des contraintes extérieures), et donc à
révéler les stades successifs du développement d’un récit, et à justifier
mon interprétation des éléments manuscrits.
Par ailleurs, le Premier Âge dans le contexte de L’Histoire de la Terre
du Milieu était conçu comme une histoire, et ce, de deux manières.
Il s’agissait, bien sûr, d’une histoire au sens premier – une chronique
des heurs et malheurs de la Terre du Milieu ; mais c’était aussi une
histoire des conceptions littéraires ayant évolué au fil des années :
en ce sens, le conte de Beren et Lúthien s’étale sur plusieurs décen-
nies et tout autant de livres. Et puisque l’histoire des deux amants
s’est retrouvée mêlée à la lente évolution du « Silmarillion », dont elle
devint une composante essentielle, son développement est consigné
dans des manuscrits successifs traitant principalement de l’histoire
des Jours Anciens au sens large.
Dégager l’histoire de Beren et Lúthien (en tant que récit isolé et
clairement défini) dans L’Histoire de la Terre du Milieu n’est donc pas
chose facile.
Dans une lettre de 1951 très souvent citée, mon père affirme qu’il
s’agit de « l’histoire principale du Silmarillion ». Quant à Beren,
écrit-il, c’est « le mortel hors-la-loi qui réussit (avec l’aide de Lúthien,
simple jeune fille bien qu’elle soit une Elfe de sang royal) là où toutes
les armées et les guerriers ont échoué : il pénètre dans la forteresse de
l’Ennemi et arrache un des Silmarilli de la Couronne de Fer. Ainsi
il gagne la main de Lúthien et le premier mariage entre mortels et
immortels s’accomplit.
« En tant que telle l’histoire (selon moi belle et puissante) est un
romance héroïque et féerique accessible même avec une très vague
connaissance générale du contexte. Mais c’est également un maillon
essentiel du cycle, qui serait privé de sa pleine valeur s’il ne se trouvait
pas là. »

En second lieu, ce livre a été conçu dans un double objectif. D’une


part, j’ai tenté d’isoler l’histoire de Beren et Tinúviel (Lúthien) et de

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BEREN ET LÚTHIEN

la présenter comme un récit indépendant, dans la mesure où cela


pouvait se faire (à mon avis) sans introduire de distorsion. D’autre
part, je me suis attaché à montrer comment ce texte fondateur a évo-
lué avec les années. Dans l’avant-propos du premier volume du Livre
des Contes Perdus, j’écrivais au sujet des changements intervenus au
sein des récits :

Dans l’histoire de l’Histoire de la Terre du Milieu, le développement se


fit rarement par le rejet – beaucoup plus souvent il se fit par une transfor-
mation subtile et par étapes, de sorte que le développement des légendes
(le processus, par exemple, par lequel l’histoire de Nargothrond vint à
toucher celle de Beren et Lúthien, un contact dont il n’y a même pas un
soupçon dans les Contes Perdus, bien que les deux éléments soient pré-
sents) peut venir à ressembler au développement des légendes parmi les
peuples, le produit de maints esprits et de maintes générations.

C’est une caractéristique essentielle de ce livre que les dévelop-


pements de la légende de Beren et Lúthien soient présentés sous
la plume de mon père ; car la méthode que j’ai retenue consiste à
extraire des passages de manuscrits beaucoup plus longs, composés
en vers ou en prose sur de nombreuses années.
Cette façon de faire met également en lumière des passages d’une
rare vivacité descriptive ou intensité dramatique, passages oblitérés
par le style sommaire et abrégé si souvent caractéristique de l’écriture
du Silmarillion. On découvre même des éléments de l’histoire ayant
complètement disparu des versions ultérieures : ainsi, par exemple,
du contre-interrogatoire de Beren, Felagund, et leurs compagnons
déguisés en Orques, aux mains de Thû le Nécromancien (la pre-
mière apparition de Sauron), ou de l’entrée en scène de l’effroyable
Tevildo, Prince des Chats, dont l’existence littéraire fut aussi brève
que mémorable.

Je conclurai en citant une autre de mes préfaces, celle des Enfants


de Húrin (2007) :

Il est indéniable que pour un très grand nombre de lecteurs du Sei-


gneur des Anneaux, les légendes des Jours Anciens […] demeurent totale-
ment inconnues, sinon à travers une réputation qui leur attribue un style
et un genre étranges et hermétiques.

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P R É FA C E

Il est tout aussi indéniable que les volumes de L’Histoire de la Terre


du Milieu qui s’y rapportent peuvent présenter un aspect intimidant.
Cela tient de la difficulté intrinsèque du mode de composition de
mon père – que L’Histoire s’employait d’ailleurs à démêler, donnant
peut-être aux contes des Jours Anciens l’allure d’une création infini-
ment changeante.
Je crois que mon père aurait pu dire, pour expliquer le rejet de
tel élément d’un conte : « je me suis rendu compte que ce n’était pas
comme ça » ; ou « j’ai compris que ce n’était pas le bon nom ». La
nature changeante ne doit pas être exagérée pour autant : de grandes
permanences, essentielles au récit, demeurent. Mais j’espérais cer-
tainement illustrer, en documentant dans ce livre la création d’une
légende ancienne de la Terre du Milieu, transformée et enrichie au fil
des années, la quête de l’auteur à la recherche d’une présentation du
mythe qui soit plus proche de son désir.

Dans ma lettre de 1981 adressée à Rayner Unwin, je faisais remar-


quer que, dans l’éventualité où je me limiterais à une seule légende
tirée des Contes Perdus, « l’exposition en détail soulèverait en pareil
cas de grandes difficultés, vu la nécessité constante d’expliquer ce qui
se passe ailleurs, dans d’autres écrits encore inédits ». Cette prédiction
s’est avérée exacte pour Beren et Lúthien. Je me devais de trouver une
solution, car Beren et Lúthien n’ont pas vécu, aimé, puis expiré, avec
leurs alliés et ennemis, dans un cadre vide, seuls et sans passé. J’ai
donc retenu la même solution que pour Les Enfants de Húrin. Dans
la préface de ce livre, j’écrivais :

Les propos de mon père montrent, de manière indiscutable, que s’il


pouvait parvenir à des récits achevés et aboutis, de l’ampleur désirée, les
Trois « Grands Contes » des Jours Anciens (Beren et Lúthien, Les Enfants
de Húrin et La Chute de Gondolin) constitueraient pour lui des œuvres
suffisamment autonomes pour ne pas requérir de connaissances particu-
lières de l’important ensemble de légendes connu sous le titre de Silma-
rillion. D’un autre côté […], le conte des Enfants de Húrin fait partie
intégrante de l’Histoire des Elfes et des Hommes aux Jours Anciens, et
comporte nécessairement bon nombre de références à des événements et
des circonstances narrés dans ce plus vaste récit.

J’ai donc donné à cette occasion « une très brève présentation du


Beleriand et de ses peuples vers la fin des Jours Anciens », à laquelle

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BEREN ET LÚTHIEN

j’ai ajouté « une liste des noms apparaissant dans le récit avec quelques
indications succinctes pour chacun d’eux ». Je reprends ici cette brève
présentation, adaptée et raccourcie pour les besoins de ce livre, et je
fournis également la liste de tous les noms qui apparaissent dans les
textes, ici accompagnés de notes explicatives de nature très variée. Ce
matériau annexe n’est en aucun cas essentiel, mais se veut une aide à
la lecture, si le besoin s’en fait sentir.
Une autre difficulté qu’il paraît bon de mentionner concerne les
très nombreux changements de noms. Un respect scrupuleux des
diverses formes qui se succèdent, dans les textes composés à diffé-
rentes époques, serait contraire à l’objectif de ce livre. Je n’ai donc
suivi aucune règle à cet égard, me contenant de différencier les
anciennes formes et les nouvelles dans certains cas seulement, pour
diverses raisons. C’était bien souvent la coutume de mon père de
retoucher un manuscrit plus tard (parfois beaucoup plus tard) pour
remplacer un nom, mais pas systématiquement : Elfin [« elfique »] par
Elven, par exemple. En pareils cas, je donne Elven partout, ou Bele-
riand au lieu de l’ancien Broseliand ; mais je conserve parfois les deux
formes, comme pour Tinwelint/Thingol et Artanor/Doriath.

L’objectif de ce livre est donc entièrement différent de celui des


volumes de L’Histoire de la Terre du Milieu dont il est issu ; il ne s’agit
surtout pas d’un complément à L’Histoire. Il consiste à isoler un élé-
ment narratif tiré d’une œuvre immense, extraordinairement riche et
complexe ; mais ce texte narratif, l’histoire de Beren et Lúthien, était
lui-même en constante évolution, formant de nouvelles associations
à mesure qu’il s’intégrait dans une plus vaste trame. Décider quoi
retenir et quoi exclure de cette Histoire ancienne « au sens large »
ne peut être qu’une affaire de choix personnels, souvent discutables :
pour pareil exercice il ne saurait y avoir de « bonne » méthode. En
règle générale, cependant, j’ai tranché en faveur d’une plus grande
clarté et résisté à l’envie d’expliquer, par crainte de nuire à l’objectif
et au principe premiers de l’ouvrage.
En ma quatre-vingt-treizième année, ce livre est (vraisemblable-
ment) mon dernier dans la longue série d’éditions des écrits de mon
père, auparavant inédits pour la plus grande part, et sa nature est
assez curieuse. J’ai choisi ce conte in memoriam parce qu’il avait
une présence fortement enracinée dans sa vie, et en me rappelant sa
longue réflexion sur l’union de Lúthien (qu’il surnommait « la plus

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P R É FA C E

grande des Eldar ») et de Beren (l’homme mortel), sur leurs destinées


et leur seconde existence.
Cette histoire remonte à très loin dans ma vie, car c’est la première
véritable image que je garde d’un récit m’ayant été raconté – par
opposition aux simples réminiscences du lieu ou des circonstances
de la narration. Mon père me l’a raconté, en tout ou en partie, orale-
ment et de mémoire, au début des années 1930.
L’élément de l’histoire qui me revient en imagination, ce sont les
yeux des loups apparaissant un à un, dans les ténèbres de la forteresse
de Thû.

Dans une lettre qu’il m’adressait au sujet de ma mère, dans l’année


qui suivit la mort de celle-ci, et qui s’avéra précéder d’un an la sienne,
mon père me disait le sentiment de perte qui l’écrasait, et le souhait
qu’il avait de voir le nom Lúthien inscrit sur la pierre tombale. Il
revenait dans cette lettre, comme dans celle que je cite à la p. 27,
sur l’origine du conte de Beren et Lúthien dans une petite clairière
pleine de fleurs de ciguë, près de Roos dans le Yorkshire, où ma mère
dansait ; et il terminait : « Mais l’histoire est allée de travers, et je reste
seul, et moi, je ne puis plaider devant l’inexorable Mandos. »
NOTE SUR LES JOURS ANCIENS

Un passage mémorable du Seigneur des Anneaux rend compte de


l’éloignement temporel de l’époque à laquelle renvoie ce récit. Lors
du grand conseil tenu à Fendeval, Elrond évoque la Dernière Alliance
des Elfes et des Hommes ainsi que la défaite de Sauron à la fin du
Deuxième Âge, plus de trois mille ans auparavant :

Sur ce, Elrond s’arrêta un moment et soupira. « Je me souviens bien de


la splendeur de leurs bannières, dit-il. Elle me rappelait la gloire des Jours
Anciens et les armées du Beleriand, tant il y avait de nobles princes et de
grands capitaines rassemblés. Mais jamais aussi nombreux ni aussi beaux
qu’au jour où le Thangorodrim fut brisé, et où les Elfes crurent le mal à
jamais disparu, alors qu’il n’en était rien. »
« Vous vous en souvenez ? dit Frodo, s’exclamant tout haut dans son
étonnement. Mais je croyais, balbutia-t-il comme Elrond se tournait vers
lui, je croyais que la chute de Gil-galad se passait il y a de cela un long
âge. »
« En effet, répondit gravement Elrond. Mais ma mémoire remonte
jusqu’aux Jours Anciens. Eärendil était mon père, né à Gondolin avant sa
chute ; et ma mère était Elwing, fille de Dior, fils de Lúthien du Doriath.
J’ai vu passer trois âges dans l’Ouest du monde, ainsi que de nombreuses
défaites, et de nombreuses victoires arrachées en vain. »

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BEREN ET LÚTHIEN

De Morgoth

Morgoth, le Noir Ennemi, comme il en vient à être appelé, est à


l’origine « Melkor, le premier et le plus puissant des Valar, qui fut
avant que le monde ne fut », comme il le déclare à Húrin qu’on lui
amène captif. S’étant désormais incarné de manière permanente, sous
la forme d’un Roi gigantesque et majestueux, mais terrible, il est pré-
sent en personne dans sa formidable forteresse d’Angband, les Enfers
d’Acier, dans le nord-ouest de la Terre du Milieu : on peut aperce-
voir de loin, noircissant le ciel septentrional, les sombres fumées qui
s’élèvent des sommets du Thangorodrim, les montagnes qu’il a empi-
lées au-dessus d’Angband. Il est écrit dans les Annales du Beleriand
que « les portes de Morgoth n’étaient qu’à cent cinquante lieues du
pont de Menegroth : si loin et pourtant si près ». Ces mots font réfé-
rence au pont qui mène aux habitations de Thingol le roi elfe : on les
appelle Menegroth, les Mille Cavernes.
Parce qu’il est incarné, Morgoth connaît la peur. Mon père écrit à
son sujet :
« À mesure qu’il gagnait en malveillance, et répandait autour de lui
le mal qu’il concevait en des créatures et des mensonges cruels, son
pouvoir s’épanchait en eux et se dispersait, et lui-même s’attachait
toujours plus à la terre, refusant de quitter ses sombres retranche-
ments. » Aussi, lorsque Fingolfin, le Grand Roi des Elfes noldorins,
chevauche seul jusqu’à Angband pour venir défier Morgoth en com-
bat singulier, il crie aux portes : « Approche, roi couard, et bats-toi
avec tes propres mains ! Terré dans ton antre, entouré d’esclaves,
menteur et lâche, ennemi des Dieux et des Elfes, approche ! Car je
veux voir ta lâche figure. » Alors, est-il dit, « Morgoth vint. Car il ne
pouvait se dérober à un tel défi sous les yeux de ses capitaines. » Il
combat avec Grond, son formidable marteau, qui creuse à chaque
coup un abîme, et il met Fingolfin à terre ; mais en mourant, celui-ci,
de son épée, cloue le pied de Morgoth dans le sol, « et le sang noir
jaillit et remplit les abîmes creusés par Grond. Après cela, Morgoth
resta boiteux. » De la même manière, quand Beren et Lúthien se fau-
filent jusque dans la salle la plus profonde d’Angband, là où siège
Morgoth, Lúthien lui jette un sort ; et « soudain il tomba, croulant
telle une colline en avalanche, et jeté à bas de son trône en un bruit
de tonnerre il resta étendu sur le sol des enfers ».

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