L'édification Nationale Au Congo-Kinshasa: Élites, Conscience Et Autodétermination. Préface de Bertin Makolo Muswaswa
L'édification Nationale Au Congo-Kinshasa: Élites, Conscience Et Autodétermination. Préface de Bertin Makolo Muswaswa
L'édification Nationale Au Congo-Kinshasa: Élites, Conscience Et Autodétermination. Préface de Bertin Makolo Muswaswa
URI : https://id.erudit.org/iderudit/1091438ar
DOI : https://doi.org/10.7202/1091438ar
Éditeur(s)
Association pour l'Étude des Littératures africaines (APELA)
ISSN
0769-4563 (imprimé)
2270-0374 (numérique)
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Markus ARNOLD
lire, il est difficile de ne pas penser au célèbre Que faire ? (Čto delat', 1863),
de Tchernychevski, qui eut un immense retentissement dans la société
russe au XIXe siècle : on y perçoit le même besoin vital de chercher les cau-
ses et les solutions aux difficultés endémiques du pays.
Il s’agit essentiellement, dans ce texte, de l’ensemble des « six décen-
nies » qui ont suivi l’indépendance, comme si aucun événement n’avait fait
date au cours de cette longue période. Il n’y a ni passé ni futur à ce bloc
temporel presque abstrait et, bien sûr, globalement condamné, de même
que le Congolais de cette époque, comme individu, est violemment pris à
partie et placé face à ses propres défaillances et erreurs. La dynamique
interne au pays, celle qui libérerait le Congo de l’influence étrangère et des
trusts internationaux, aurait été totalement absente pendant ces « six
décennies ». Le schéma directeur de l’argumentation est le suivant : la
« personnalité culturelle » du Congolais aurait été anéantie par des siècles
de destruction (traite négrière, esclavage, passé colonial, néo-colonial). Il
ne peut donc accéder à l’idée « qu’il forge lui-même sa servitude » ; la
conscience historique lui manque, ce qui entraverait la formation d’élites
et ferait échouer « l’édification nationale ». Le déficit de la conscience
nationale signerait en somme l’échec de l’apparition des classes moyennes
qui auraient été à même d’assurer une part du développement.
La gageure de cet ouvrage, bâti tout entier sur des citations du livre de
Mabika Kalanda, est d’opérer une jonction entre les années 1960 et
l’époque actuelle, pour compenser le fait que l’histoire contemporaine,
d’après l’auteur, ne serait pas racontée. Mabika Kalanda lui-même l’écri-
vait en son temps : « Tableau sombre et tragique. Aboutissement logique
d’un enchevêtrement de situations qui remontent d’assez loin. Ma tâche
n’est point de les décrire, je n’ai ni la compétence, ni le temps nécessaire
pour ce faire » (p. 155). Le lecteur de Kabongo Malu s’attend dès lors à
trouver une réponse à cet aveu d’impuissance. Comment passer sous
silence, en effet, les années de dictature, d’horreur et de folie ? Mais il n’en
est rien et, à cet égard, la lecture du livre de David Van Reybrouck, Congo :
une histoire, est autrement plus passionnante et riche.
D’un point de vue formel, l’appareil de citations procède par une sorte
de martèlement. Ainsi, par exemple, les élites sont forcément « nombreu-
ses, expérimentées, aimant leur pays » (p. 161, 163, 169 ; avec la variante
« conscientes » en lieu et place de « expérimentées », p. 174, 204, 362 ; ou
l’ajout de « dévouées » devant « aimant leur pays »). De même, l’État est
forcément « prédateur et défaillant » (cf. p. 229 ; « failed state », p. 236,
etc.).
La grille d’analyse des situations politiques et sociales contemporaines
relève d’une psychologie sommaire, l’auteur amalgamant régulièrement
l’individu avec la société où il vit. La notion de « peuple », notamment,
gagnerait à être mieux définie : que signifie « la cohésion psychique et
matérielle » des peuples (p. 23), « l’unité psychique, politique et sociale »
(p. 240), ou encore « La Personnalité collective d’un peuple » (p. 147) ? Il
Comptes rendus (201
Frédérique THIAM
KANDÉ (Sylvie), The Neverending Quest for the Other Shore : An Epic
in Three Cantos / La Quête infinie de l’autre rive : épopée en trois
chants. English translation by Alexander Dickow. Middletown :
Wesleyan University Press, Wesleyan Poetry Series, 2022, XV-159 p. –
ISBN 978-0-819-58074-0.
Cet ouvrage propose une version bilingue français / anglais de La Quête
infinie de l’autre rive de Sylvie Kandé, paru initialement chez Gallimard
en 2011. Composée de trois chants, cette épopée moderne raconte la tra-
versée d’Aboubakar II, l’empereur du Mali du XIVe siècle, à la poursuite de
« l’autre rive » de l’Atlantique – soit ce continent qui ne s’appelait pas
encore l’Amérique. Le récit poétique bifurque à de nombreuses reprises,
imaginant diverses fins à cette traversée, mais renouvelant à chaque fois
les imaginaires de la « découverte » et promouvant une véritable vision
décoloniale de l’histoire. Le dernier chant constitue une rupture radicale
en racontant une autre traversée, celle des migrants dans la Méditerranée
d’aujourd’hui. Que ce soit pour dire l’uchronie ou pour raconter les migra-
tions contemporaines, le vers classique de Sylvie Kandé, jouant avec
l’alexandrin, donne une égale dignité aux acteurs de l’histoire.
Cette édition rend disponible en anglais l’uchronie de la poétesse et il
faut saluer ici le talent du traducteur Alexander Dickow, soutenu par des
bourses de traduction du PEN, qui a su rendre les variations linguistiques
et stylistiques du texte français avec brio. Un glossaire est adjoint à la
version anglaise, qui permet d’éclairer les points particuliers de lexique et
d’emprunts, ainsi que certains toponymes et noms d’empereurs. Il est
d’ailleurs à parier que cet ajout clarifie sensiblement la version anglaise
pour le grand public. Le traducteur a su trouver des équivalences pour les