Fairouz Par Elie El Achkar, Coll. 101 Livres

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Fairouz

Centre culturel du livre


Édition / Distribution
6, rue du Tigre. Casablanca
Tél : +212522810406
Fax : +212522810407
markazkitab@gmail.com
Première édition 2021
Dépôt légal: 2021MO0000
ISBN: 978-9920-627-80-1
Fairouz
La voisine de la lune
La légende

Elie EL ACHKAR
Table des matières

Remerciements et Avertissement ……………………….… 7


Introduction………………………………………………... 9
Préface…………………………………………………….. 11
Avant-propos……………………………………………… 15
Chapitre I : Biographie……..……………………………. 19
D’une rencontre à l’autre………………………………….. 21
Les frères Rahbânî…………………………………………. 22
Une rencontre déterminante……………………………….. 25
Chapitre II ………………………………………..………. 28
La naissance de la chanson rahbanienne…………………... 28
Baalbek, un rendez-vous avec l’histoire…………………… 28
Le théâtre Piccadilly, ou l’étape urbaine…………………... 35
Son œuvre………………………………………………….. 50
Le theater…………………………………………………... 50
Le cinema………………………………………………….. 52
À la television……………………………………………… 53
Discographie selective…………………………………….. 54
Décorations pour Fairouz………………………………….. 57
Constat…………………………………………………….. 58
Conclusion………………………………………………… 64
Nota bene………………………………………………….. 67

5
Chapitre III : Textes et poèmes choisis
Mis en musique et interprétés………………………….. 71
La Rose des villes… ‫…………………………… زھرة المدائن‬ 71
Donne-moi le ney et chante ‫…………… أعطني الناي وغن‬..… 74
Sakana al-Laylu (La nuit se calme)……………………….. 75
L’amour ‫………………………………………… المحبة‬..… 80
Je chante la Mecque ‫……………………… غنيت مكة‬..…..… 85
ً
Nous retournerons un jour .....‫يوما‬ ‫……………… سنرجع‬.… 86
Chapitre IV : Si Fairouz se racontait…………………….. 90
Ce Qu’ils Ont Dit Sur Fairouz Temoignages……………… 98
Abdallah Naaman …………………………………………. 107
L’icône du Levant ………………………………………… 107
La presse et les televisions ………………………………... 112
France-Info – culture (Radio - France)
Publié le 31/08/2020 ………………………………………. 114
L’Humanité ………………………………………………... 117
Fairouz, la divine ………………………………………….. 117
Notes et references ………………………………………... 125
Bibliographie ……………………………………………… 127
Liens internet ……………………………………………… 128

6
Remerciements et avertissement(*)

Je remercie en premier lieu mon ami, le directeur de


l’Institut du Monde Arabe (IMA), l’écrivain Mojab Zahrani,
de m’avoir confié le soin d’écrire ce livre et remercie
aussi :
Mon ami le philosophe Mohamed Hassan Zouzi
CHEBBI, pour la relecture et les traductions des poèmes.
Et pour la partie logistique et informatique :
MMs Akram Al-RAYYES, Chawky AL RAMI et François
Zaatar.

Avec la permission de Mlle Rima Rahbani et certainement


de notre Diva, je me permets de publier, ici, quelques-
unes de ces photos qui sommaillaient dans mes tiroirs
depuis quarante ans, afin d’en faire profiter mes amis
lecteurs.

(*) Nous avons essayé de respecter, dans la mesure du possible, le code


d’équivalence phonétique et nous avons conduit certaine modalité
d’usage habituel.
S'agissant d'un usage variable selon les différentes régions de la
langue arabe, le nom de Fairouz apparait dans ce manuscrit sous plusieurs
déclinaisons phonétiques (Fayrouz, Fayruz, Feyrouz, Feiruz etc…),
ainsi que d’autres noms propres et vocables qui changent selon la
source à laquelle nous avons fait référence.
Prière de ne pas en tenir rigueur, et merci de votre indulgence.

7
Introduction

Cet ouvrage s’inscrit dans le cadre d'un ambitieux


projet culturel initié et mis en œuvre par deux
institutions culturelles de renommée, le Prix du Roi
Fayçal à Riyad et l'Institut du Monde Arabe à Paris,
représenté par la Chaire de l'Institut.
Ce projet se donne pour objectif de faire connaitre
auprès du grand public une centaine de chercheurs et
universitaires arabes et français qui se sont distingués par
leurs considérables efforts destinés à la promotion des
différentes formes de dialogue constructif et interactif
entre les deux rives de la Méditerranée au cours des
deux derniers siècles.
Il s'agit d'un authentique hommage que nous tentons de
rendre à cette communauté scientifique, aux œuvres
exceptionnelles de ces médiateurs culturels, ainsi qu’à
leurs vies respectives entièrement dédiées au progrès
du savoir, marquant ainsi leur époque par l’innovation
et perpétuant une tradition scientifique et humaniste
visant notamment la compréhension mutuelle, l’entente
et la coopération entre les hommes.
Le choix de soixante personnalités arabes et de
quarante personnalités françaises est le fruit d'une

9
réflexion raisonnée et ciblée menée durant plusieurs
mois par un comité scientifique commun soucieux de
réunir et présenter une palette de personnalités qui
soient, autant que possible, représentatives de chaque
discipline et courants de pensée à travers les différentes
époques.
Cette liste est loin d'être exhaustive, toutefois, une
sélection s’impose malgré le risque ô combien regrettable
de sacrifier quelques écrivains, qui ont sans doute le
mérite de faire partie de cette pléiade, par milliers.
Consolons-nous néanmoins de vous présenter cette
belle constellation d’auteurs, et d’initier cette voie qui
sera, nous l’espérons, empruntée et poursuivie par
d’autres acteurs.
Enfin, nous exprimons notre profonde gratitude aux
auteurs qui ont cru en cette initiative et ont participé à
sa réalisation. Nos plus sincères remerciements s’adressent
également au Prince Khalid Al Fayçal, Président du
Prix du Roi Fayçal, et à M. Jack Lang, Président de
l’Institut du Monde Arabe, pour leur soutien et suivi
continus de ce projet durant toutes ses étapes.

Mojeb Al Zahrani Abdulaziz Alsebail

10
Préface

Elie Achkar est un grand artiste de talent. Ses


prédispositions ont fait en sorte qu’il a été connu très tôt et
reconnu très vite. Maîtrisant bien son art, il a toujours été
remarqué par sa créativité, et l’originalité de sa production.
Comme musicien virtuose, il « éprouve » la consécration
en jouant pour la diva Fairouz qu’il a accompagnée durant
les années soixante-dix du siècle écoulé. La célèbre
chanteuse libanaise a toujours été, avec sa voix prisée,
celle qui enchante tous les mélomanes du monde arabe et
bien au-delà. Ils y repèrent toujours des dispositions qui les
préparent à assouvir l’invariant besoin de transcendance.
Sans exagération aucune, la voix de Fairouz modulée dans
ses chansons et portée par sa musique ont cet effet
inexpliqué.
Nous savons gré à Elie Achkar de composer cet
ouvrage dédié à Fairouz. Nous l’accueillons comme un
présent d’une grande valeur historique et artistique. Sa
parution vient à point nommé et nous comble d’aise. Et
qui d’autre que notre auteur pourrait nous offrir cette
belle biographie ?
En effet, Elie Achkar participe aussi par son interprétation
à la recréation d’œuvres d’art. Il est reconnu comme un
ethnomusicologue hors pair. Les résultats de ses travaux

11
de recherche et ses études cumulaient l’analyse scientifique
des systèmes musicaux et la description ethnographique
des contextes socioculturels dans lesquels s’inscrivent les
musiques qu’il composait. Nous le savons à travers ses
nombreuses publications et nous sommes édifiés par ses
conférences courues par un public averti.
Cette publication qu’il signe, entre bien dans l’ordre
naturel des choses. Elle palliera assurément les manquements
qui demeurent dans les multiples hommages rendus à
Fairouz. N’est-elle pas - avec l’astre de l’Orient Oum
Kalthoum - celle qui aura vendu le plus de disques dans
l’histoire de la musique arabe. Le témoignage direct d’Elie
Achkar est très précieux. C’est celui d’un proche
collaborateur dévoué, admiratif et loyal. Pris, dans les
deux sens du terme, par l’immensité de l’œuvre, il s’y
adonne spontanément avec joie et abnégation. Il nous le
fait savoir de prime abord : « J’ai réalisé à travers ma
collaboration avec Fairouz, que le travail laborieux que
nécessite l’œuvre est plus qu’un sacerdoce, c’est une
vocation symptomatique d’un amour profond pour la
nourriture de l’esprit et l’acquisition d’une conscience... »
Bien que la production culturelle et artistique de Fairouz
s’étende à d’autres champs comme le théâtre et le cinéma,
entre autres, elle reste indéniablement celle qui, à travers
le chant et la musique, aura porté les réverbérations
intérieures à un point indicible. Son œuvre est, pour nous
tous, une source d’émotions et de sentiments profonds.

12
Elle suscite la préparation à l’élévation spirituelle. C’est
elle qui exprime l’ineffable et confère à la musique arabe
une portée universelle. Tant il est vrai que la musique ne
se donne à écouter qu’à travers un instrument seul ou
associés à d’autres. Auquel cas, la symphonie comme
consonance arrangée des sons reflète une composition
harmonieuse combinant plusieurs mouvements.
Nous goûtons à la saveur de la musique arabe par
« l’adjuvant » Fairouz. Avec elle, l’accord mélodieux entre
musique vocale et création instrumentale incarne si bien
l’art musical oriental y compris dans toutes ses évolutions
modernisées. A cet égard, Fairouz est, nous informe son
biographe avisé, une continuité fidèle et sublime d’un rôle
que le Liban, avec toutes ses composantes, a été à l’avant-
garde, d’une défense et illustration de l’originalité d’un
métissage dont les racines, puisent dans une richesse
revendiquée depuis l’antiquité. Aussi, de la particularité du
pays du cèdre à la dimension planétaire, la trajectoire de
vie de la diva est-elle passionnante et riche.
La belle aventure humaine a commencé, pour notre
grand bonheur, par la rencontre des frères Rahbani, Assy
et Mansour, talentueux compositeurs. Elle épousera le
premier, mais les deux ont bien pris soin de donner un
souffle de vie à son art en composant des orchestrations
symphoniques somptueuses. Leur création explore d’autres
genres et s’accommode à d’autres rythmes y compris
latins. Son style est devenu, au fil du temps, un peu plus

13
jazzy, surtout lorsque son fils Ziad s’y était mis à son tour.
Cette empreinte caractérisera la culture musicale contemporaine
du Moyen-Orient. Elie Achkar, d’ailleurs, y est pour une
large part dans son exportation en Europe.
En réalité, la belle voix de cristal « turquoise » – c’est la
signification du pseudonyme Fairouz en arabe – résonne
toujours dans les esprits et fait vibrer les cœurs. Dans ses
concerts, son public en transe est toujours transporté, extasié
d’emballement et d’allégresse. Ce sont ses caractéristiques
humaines propres qui déterminent sa singularité d’icône de
la chanson orientale. Elles expliquent la place éminente
qu’elle occupe dans le panthéon des artistes arabes. Ses
qualités distinctives tant physiques que morales accroissent
l’attachement du public à sa personne et à son être. A
chaque représentation, le public est porté par la tonalité de
sa voix, subjugué par son visage de madone, pâmé devant
sa physionomie un peu émaciée et saisi par sa stature quasi
mystique. N’oublions pas son rôle et sa conduite durant la
guerre civile. Avec sagesse et affection pour son peuple,
elle a su dépasser les divisions politiques et transcender les
clivages confessionnels. Elle a agi de la sorte par amour du
Liban et par amour du genre humain. Artiste philanthrope,
Fairouz était et est toujours l’un des rares symboles de
l’unité nationale dans un pays miné par les diverses
fragmentations.

Ghaleb Bencheikh

14
Avant-propos

Je suis heureux d’avoir l’occasion de contribuer à


apporter des éléments d’approche sur un sujet aussi précieux
que la vie et l’œuvre de Fayrouz, la Diva libanaise dont
l’incontestable prestige est admis par des générations
d’admirateurs à travers le monde et les différents milieux
sociaux. C’est en tant que musicien et en tant que libanais
d’abord, puis par le lien d’amitié et de collaboration que je
m’autorise à revendiquer la fidélité de mon témoignage et
la sincérité de mon hommage à cette artiste peu commune
qui a marqué notre époque.
Ce qui renforce et consolide ce lien de proximité, est
avant tout, l’occasion que j’ai eue, en tant que musicien
instrumentiste de travailler en contribution d’accompagnement
de ce « monstre sacré ». Le vécu de cette expérience a
concordé avec les sentiments que j’avais d’une communauté
de désir, de pensée et de pratique. J’ai pu ainsi, réaliser
que le travail artistique et son ambition dépasse la volonté
subjective pour fusionner à l’unisson lucide d’une mission
de l’esthétique dans ses dimensions multiples : le
développement du goût et de la saveur particulière d’une
culture « nationale » portée aux altitudes universelles
interculturelles.
J’ai réalisé à travers ma collaboration avec Fairouz, que
le travail laborieux que nécessite l’œuvre est plus qu’un

15
sacerdoce, c’est une vocation symptomatique d’un amour
profond pour la nourriture de l’esprit et l’acquisition
d’une conscience qui dépasse les frontières étriquées d’un
petit pays du bon Dieu comme le Liban. L’œuvre de Fairouz
est une continuité fidèle et sublime d’un rôle que le
Liban, avec toutes ses composantes, a été à l’avant-garde,
d’une défense et illustration de l’originalité d’un métissage
dont les racines, puisent dans une richesse revendiquée
depuis l’antiquité.
Le métissage harmonieux des diversités culturelles et
confessionnelles, trouve son point d’orgue, dans une harmonie
qui a connu ses moments d’intensité, bien avant les
années 1920 -1930 ; la fameuse fièvre réformiste moderniste
qu’avait soulevé à partir du Moyen-Orient, tout l’espace
arabophone ; al-Nahḍa. Cet embrasement d’idées et d’efforts,
qui avait concerné l’imprimerie et l’expansion du livre et
de la presse écrite, avait gagné aussi, l’incomparable
instrument de communication que représente la musique et le
chant. Les choix thématiques du répertoire de Fairouz vont
totaliser, aussi bien, les composantes locales des traditions
populaires, que le raffinement des recherches originales
portant la signature de la voix et des engagements éthiques
et politiques de Fairouz. On peut, dès lors, parler d’une
aura, où bat le cœur de la poésie d’un Gibran Khalil Gibran,
d’un Saïd Akl ou d’un Abul-Qacem Chebbi.
Cette sensibilité à dimension éthique et politique va
élever le flambeau des idéaux communs de liberté, de

16
dignité et d’insurrection contre la réaction et l’esprit rétrograde
qui ont longtemps, gangrené la cohésion générale d’un
humanisme évolué dont le monde arabe, avait cruellement
besoin. Il va sans dire, que la profonde solidarité avec le
malheur, dont la Palestine a été victime, manifeste un
admirable courage éthique. C’est ainsi, que se reconnaissent
des générations entières dans l’esprit généreux de cette
œuvre colossale. Fairouz n’est-elle pas, parmi ces héros
porte-flambeaux des causes justes et de la spécifique liaison
avec le rêve de bonheur, comme de la posture philosophique
cultivant avec succès l’harmonieuse triangulation créative
du beau, du bon et du bien ?
Cet idéal donne sa valeur à la figure de Fairouz et à son œuvre
et la fait rejoindre, elle qui vient d’un milieu social modeste,
le rang héroïque de ces êtres d’exception, dont la semence
germe, pousse et fleurit dans les fibres intimes du cœur.
Aborder les rivages, où chante une voix de sirène exige
en premier lieu d’avoir traversé une longue expérience de
navigation. Ulysse zigzaguait au gré du vent, mais la
mémoire de la langue arabe est en permanence éclairée
par une pleine lune qui fait la joie des grands et des
petits. Fairouz, fredonnée dans les ruelles, imitées par des
jeunes chanteuses et chanteurs, elle imprime par la
signature de sa voix une saveur incomparable et l’immense
satisfaction devant un travail bien fait.
Amour et perfection prêtent leurs ailes à cette voix qui,
comme l’eau vive, trace son chemin vers les régions les

17
plus tendres de notre cœur. Il est certain, cependant, qu’il
vaille la peine de faire un inventaire détaillé et classer les
différentes catégories de l’immense travail de cette artiste.
Les thématiques sont aussi variables que demande et
apprécie son large public, qu’elle arrive à atteindre par
l’espace généralisé de la radiophonie.
L’importance d’une approche académique ne peut en
aucune manière prétendre être une expertise. En revanche,
une analyse thématique et un commentaire appliqué aux
choix esthétiques et des liens avec une conscience politique
lucide et courageuse, pourraient faciliter la cohérence, les
articulations et les motifs de ce large répertoire qu’il
gagnera beaucoup à être comme une pérégrination de la
méditerranée musicale, une longue vie artistique, riche et
productive.
Une icône à la physionomie de madone et à la voix si
délicieuse, si envoûtante. Fairouz a porté un Liban triomphal,
festif, jovial mais aussi un Liban déchiré, sanglant,
encerclé. Toutes ces douleurs et ces détresses vécues par
le très grand nombre, trouve dans sa voix, des échos
attendrissants, telle la vertu et la grâce balsamiques.

Elie EL ACHKAR

18
Chapitre I

Biographie

Fairouz, (‫ )فريوز‬légende vivante de la chanson libanaise,


de son vrai nom, Nouhad Haddad, est née le 21 novembre
1935 dans une famille modeste, dans le village de Dbayyé,
du district Al-Chouf du Mont-Liban. Elle y vit ses premières
années d’enfance. Ensuite, la famille et pour des raisons
économiques, quitte le village et part s’installer dans une
ruelle, appelée Zuqaq El-Blat, dans le vieux quartier de la
banlieue de la capitale libanaise, Beyrouth où son père
Wadih Haddad, trouve un travail, comme ouvrier dans
l’imprimerie « Le Jour », et sa mère Liza Al-Bustani
s’occupe de la famille. Nouhad, qui aide sa mère dans les
tâches ménagères, est l’ainée d’une fratrie composée de
son frère Joseph et de ses deux sœurs Houda et Amal.
La maisonnée est composée d’une seule chambre et la
mère Lisa se partage avec les voisins des outils de
cuisine. Dès son plus jeune âge, la jeune Nouhad aime
chanter et aime apprendre de nouvelles chansons, mais,
comme la famille n’a pas les moyens d’acheter un poste
de radio, elle se met à la fenêtre, pour écouter celui des
voisins, portant les voix d’Umm Kalthûm, de Mohammed
Abdul Wahhâb, d’Asmahan et de Leila Murad.

19
Nous sommes au début des années quarante. Nouhad
est scolarisée, au début chez les sœurs et puis sa maman
l’inscrit à l’école publique, moins couteuse, où elle intègre
la chorale. Et c’est dans cette chorale que l’on découvre
en 1946, le génie précoce de la future Fairouz. Elle se fait
remarquer, au sein de la chorale, par le professeur de
chant, Mohammed Flayfel(1) (1899-1985) qui lui demande
de chanter seule. Et ce jour-là, c’était l’instant de vérité
qui va changer à jamais la vie de la jeune et timide
Nouhad Haddad.
Subjugué et ébloui par son talent et la pureté de sa voix,
Flayfel la prend sous son aile et, après avoir convaincu son
père, qui exige que son frère l’accompagne, il l’intègre
aussitôt dans son groupe, puis il intercède auprès du
directeur du Conservatoire libanais, dirigé par Wadih
Sabra (1876-1952), et dans lequel était lui-même professeur
de musique, afin que la jeune Nouhad puisse y suivre des
cours de chant.

(1) Mohammed et son frère Ahmad Salim Flayfel étaient des


compositeurs et musiciens libanais, nés au début du siècle
dernier, à Beyrouth. Ils avaient leur groupe de musique et
présentaient une émission musicale de sensibilisation, à la jeune
Radio libanaise de l’époque. Compositeurs prolixes (plus d’un
millier d’hymnes et de marches militaires). L’une de leur
composition notable est la fameuse "Mawtini" (Ma patrie).

20
Figure 1- Fairuz dans les années 1940

D’une rencontre à l’autre


En 1938, et à l’initiative des autorités françaises qui
voulaient doter le pays d’infrastructures modernes, Radio
Orient est née et qui va devenir après l’indépendance du
Liban, la radio officielle. Et c’est au sein de cette radio,
que se décide le futur de la chanson libanaise, selon les
directives d’un Comité artistique dont la mission est de
« développer l’esprit national dans l’âme des gens ».
Les frères Mohammad et Ahmad Flayfel, présentent
avec leur groupe, une émission patriotique à la radio
libanaise pour sensibiliser la jeunesse à la musique.
Et alors que la jeune Nouhad, commence ses répétitions
avec le groupe Flayfel à la maison de la Radio, elle est

21
repérée par Cheikh Hafez Taqiyye al-Dine, directeur des
programmes qui, lui aussi, subjugué par son talent et sa
belle voix, la présente au chef du département de musique,
Halim Al-Roumi(1) (1919 -1983), de la radio Mahattat
Ash-sharq al-Adna (Station du Proche-Orient) qui devient
son compositeur attitré.
Halim El Roumi, compositeur-chanteur en vogue à
l’époque et directeur de la radio, est impressionné par la
voix de Nouhad, l’embauche à la chorale de la radio, avec
un modeste salaire. Il lui écrit ses premières chansons et
chante des duos de sa composition avec elle. Il lui donne(2)
son surnom « Fairouz » qui signifie turquoise en arabe, et
la présente aux frères Rahbani, Assy (1923 – 1986) et
Mansour (1925 –2009), talentueux compositeurs, rénovateurs
qui présentaient également à l’époque, une émission de
variété à la radio.

Les frères Rahbânî


Considérés, comme les pionniers de la musique libanaise
moderne du XXe siècle, Assi (1923 – 1986), et Mansour
Rahbani (1925 – 2009), connus sous le nom des frères

(1) Halim el-Roumi (1919– 1983), chanteur et compositeur libanais,


né en Palestine, commence sa carrière artistique en 1935. Il est le
compositeur de la célèbre chanson,
"Idha el-sha’bu yawman ‘arâda l-hayât" (Si le peuple voulait
(choisissait), un jour la vie)".
(2) Al-Roumi, lui propose deux surnoms : Schéhérazade et Fairouz.

22
Rahbani, tous les deux, auteurs compositeurs poètes et
producteurs, forment, dès leur jeune âge un tandem qui
va présider, avec le concours, ô combien précieux, de la
chanteuse Fairouz, à l’évolution et à la prospérité de la
musique au Liban.
Ils sont les fils de Hanna Rahbani. Tout jeunes les
frères formaient avec leur père une famille artistique. Le
père Hanna, un amoureux de la poésie et de la musique,
organisait des petites soirées de musique et de poésie au
restaurant qu’il tenait, dans la ville d’Antelias. Hanna le
père, était la première source d'où ses trois fils (Elias(1)
le 3ème fils 1938 - 2021), ont puisé leur amour pour l'art et
leur intérêt pour celui-ci en y faisant les premiers pas.
Les deux frères commencent leur formation musicale
avec le père Boulos Al-Achkar qui avait une petite école
de musique à Antélias. Ils étudient la base de la musique
arabe et le violon. Puis, ils vont continuer une formation
qui va leur donner accès à la connaissance de la musique
occidentale, et ce pendant neuf ans avec Bertrand Robillard,
un professeur de musique français, auprès de qui, se sont
formés plusieurs musiciens libanais connus. Les frères
vont étudier avec Robillard, l’harmonie, l’orchestration et
l’analyse musicale.

(1) Se rajoute au tandem Rahbani, un troisième frère qui arrive


tardivement mais qui laisse, désormais, une marque indélébile,
c’est le petit frère Elias Rahbani, qui va donner à l’œuvre des
deux frères, une touche de fraîcheur et de fantaisie.

23
Compositeurs et poètes avant-gardistes, portant de
nouvelles idées pour la chanson, la comédie musicale et
le théâtre, les frères Rahbani vont s’évertuer à donner à
l’art du chant et de la scène un ton différent, une couleur
différente, où paroles et musique, tonalités et rythmes
seront au service d'une nouvelle expression, ouverte sur
d'autres influences et d’autres horizons.
Explorant la richesse de leur folklore national, les frères
vont s’employer avec brio, à le présenter avec de nouveaux
arrangements qui allient subtilement, des influences exogènes
aux sources musicales traditionnelles endogènes, afin de
donner à cet héritage folklorique un nouvel essor.
Leur musique et leur chanson, aux paroles dépourvues
de signification religieuse, vont dénoter une réussite qui
dépasse les frontières du pays pour toucher toutes les
couches de la société libanaise et arabe.
Ils devaient entretenir avec le travail une relation
fusionnelle obsessionnelle pour qu’ils puissent produire
en l’espace de trente ans une œuvre colossale qui compte,
plus de huit cent chansons, 24 pièces de théâtre et une
vingtaine de série et de soirées télévisées.
Cette fabuleuse aventure musicale et théâtrale va devenir
une institution(1) quasi sacrée : où la musique orientale,
dans un style bien défini et parfaitement rahbanien (……)

(1) L’Orient-le-Jour / Par Edgar DAVIDIAN, le 23 juin 2016 (à l’occasion


du 30ème anniversaire de la disparition de Assy Rahbani).

24
se joint à une orchestration classique occidentale où oud,
buzuk et autres instruments orientaux y ont une voix et
une place prépondérantes.
Les frères Rahbânî, qui vont présider au Liban, et ce,
pendant presque trois décennies à l’évolution de la chanson
et du théâtre, vont marquer ainsi, une rupture totale avec
les formes traditionnelles. Ils révolutionnent les formes
de chant et de compositions en mêlant des morceaux
classiques occidentaux, russes et latino-américains à des
rythmes orientaux, aux couleurs libanaises, et avec des
arrangements modernes(1).

Une rencontre déterminante


Fairouz commence ses premières collaborations avec
les frères Rahbani en 1952 en chantant entre autres, une
chanson courte « Haji t’âtebni » (Arrête de me blâmer), qu’elle
enregistre ensuite pour la radio syrienne. Sa performance a
rencontré un enthousiasme sans précédent, de la part des
auditeurs libanais en particulier, et arabes en général.
Et c’est à cette année-là que sa carrière va prendre son
envol et va connaitre une ascension fulgurante jusqu’à
devenir, même du vivant d’Umm Kalthûm, l’une des
voix les plus prisées du monde arabe.

(1) Il ne faut pas oublier l’exceptionnel architecte des arrangements


musicaux, Boghos Gélalian (1921 – 2011), compositeur, pianiste, et
professeur émérite de piano et d’harmonie, dont les contributions
à l’œuvre de Fairouz et les frères, étaient déterminantes.

25
Figure 2 – Mriage de Fairouz et Assi Rahbani 1955

En 1955, Fairouz épouse Assi, et donne naissance à Ziad


en 1956, Hali en 1958, Layal en 1960 (décédé en 1988)
et la dernière, Rima en 1965.
Fairouz sera saluée rapidement par un public immense,
tout en provoquant la colère des puristes. Et c’est dans
ces années-là, les années 50, malgré les critiques de ceux
pour qui, Fairouz est décidément trop moderne, qu’elle
va s’imposer comme la voix de la nouvelle vague
libanaise. Une vague qui sait critiquer, qui ose dénoncer,
une voix qui chante la société, l’amour et les conflits…

26
Avec Fairouz et les frères Rahbani, la chanson va se
diversifier, et va s’ouvrir à de nouveaux rythmes et de
nouvelles formes, issus de la musique latine. Sa voix à la
tonalité unique lui permet de chanter dans des styles,
aussi différents que les classiques de la musique arabe
traditionnelle, que ceux des chants religieux et encore
davantage, ceux de la comédie musicale.
La période, s'étendant de 1955 à 1975, va être la période
d'apogée de l'art musical, poétique et lyrique au Liban, lui
permettant d'occuper avec la voix exceptionnelle de la
chanteuse Fayrouz et le talent des frères Rahbani, une
place artistique de choix dans le monde arabe.
Dès son premier concert en 1957 au Festival de
Baalbeck, elle devient la chanteuse arabe la plus célèbre
du monde arabe et à partir des années 70, sa renommée
est internationale.
Sont nés de cette collaboration, marquée par une longue
étape de créativité et de renouveau dans la musique
arabe, des centaines de chansons (plus de 800 chansons)
qui vont révolutionner la musique arabe, une vingtaine
« d’opérettes », une trentaine de comédies musicales pour
la télévision et trois films de cinéma et plusieurs tournées
mondiales.

27
Chapitre II

« Si les tremblements de terre et le cours normal de la


vie ont transformé les édifices de Baalbek en décombres,
son patrimoine a, quant à lui, refusé l’extinction. Dans ces
édifices, une culture qui était comme une armure contre
les aléas du temps s’est peu à peu enracinée… C’est dans
cet esprit que nous regardons aujourd’hui ce qui se trouve
autour de nous dans ce lieu. Le festival respire l’air d’une
vie nouvelle. Il relie le présent au passé, et ces piliers
redeviennent des minarets vivants, lançant à nouveau leur
appel au monde : l’appel de l’art, de la beauté et de la
magie, l’appel d’une civilisation éternelle » Kamil
Muruwa, dans le programme du festival de 1962
(in VIIe festival international de Baalbek).

La naissance de la chanson rahbanienne


Baalbek, un rendez-vous avec l’histoire
Depuis sa création en 1956, le festival mêle harmonieusement
opéra, musique de chambre, comédies musicales et danse
traditionnelle du Liban.
En 1957, Fairouz et les Frères Rahbani ont rendez-vous
avec l’histoire. Cette année-là, le comité du Festival(1)

(1) Maurice BEJART, quand il est venu au Liban pour participer au


festival pour présenter “Le Sacre du printemps”: et en apprenant =

28
International de Baalbeck(1), qui fête son premier
anniversaire, leur demande(2), à l’instigation de la première
dame Mme Zalfa Chamoun (l’épouse du président Camille
Chamoun), de préparer une « soirée libanaise », dans un
programme que l’on appellera « al-layâli al-lubnaniyya »
qui permettra au public(3) du festival, de découvrir les
musiques et danses traditionnelles du Liban. Ils vont
présenter une petite opérette Ayyâm al-Hassâd (Les jours
de moisson, 1957).
Dans leur forme, les Nuits libanaises étaient une
extension spatiale de Beyrouth et un cadre artistique dans
lequel se mélangeaient des éléments ruraux et urbains. Un
certain nombre de jalons artistiques ont suivi, tels que des
performances publiques à la Foire internationale de

= la qualité et l’envergure des spectacles, proposés dans un tel lieu


déclare : “Les villes où nous vivons sont en ruines: Baalbeck existe”.
C’est dans les années 1950 que les premières représentations
théâtrales voient le jour à Baalbeck. Le succès qui sera au
rendez-vous, donne le coup d’envoi à la création d’un festival.
Des mesures sont prises à l’initiative du président de la
République libanais de l’époque, Camille Chamoun. La première
édition du festival de Baalbeck se tient en 1956.
(1) Baalbeck est l’un des sites romains les mieux préservés du
monde. Le lieu est d’ailleurs inscrit au patrimoine mondial de
l’Unesco depuis 1984.
(2) Ainsi qu’à Zaki Nassif, Toufic El-Bacha, Sabri Al-Sherif, Marwan
et Wadia Jarrar, et d’autres.
(3) Le public du festival était composé essentiellement d’Européens
et de Libanais très portés sur la culture occidentale, le programme du
festival se contentait au début de ses premières éditions, de présenter
des spectacles de musique et de danses classiques.

29
Damas à partir de 1959, les festivals du cèdre depuis
1964 et des concerts dans de nombreux pays arabes, en
Grande-Bretagne, en France et dans les Amériques(1)
Leur performance dans cette partie du programme du
festival, réservée à l’art local, « al-Layâli al-Lubnaniyya »,
dénotera une réussite remarquable, au-delà de toutes les
attentes, et fera date dans l’histoire du festival international
de Baalbek(2) et de Fairouz à la fois, laquelle, va devenir
l’étoile incontestable de ce festival, dans les années qui
vont suivre, à un tel point qu’on va l’appeler le « septième
pilier », en référence aux six piliers majestueux du site
historique de Baalbek, qui ont résisté aux outrages du
temps et sont restées intactes, deux milles ans après.
Comment expliquer une telle réussite et un tel engouement ?
La réussite s’est construite, grâce aux croisements de
plusieurs facteurs ; le travail et les recherches de plusieurs
pionniers(3) (parmi eux les frères Rahbani) dans le but de
créer, à l’orée des années quarante, une musique locale,

(1) Rayess, Akram Beirut and Fairouz: A path of gold and loss
(Beyrouth et Fairouz : un chemin d’or et de perte), à l’occasion
du 85ème anniversaire de l’emblématique chanteuse libanaise
Fairouz, Ahram Online célèbre la voix de l’espoir et de l’humanité,
samedi 21 novembre 2020.
(2) Fairouz participe aux soirées du festival international de Baalbek
durant cinq éditions successives puis, après deux ans d’absence,
elle se produit encore cinq fois avant que la guerre civile n’éclate
en 1975.
(3) Wadih Assafi, Khalid Abou el-Nasr, Halim el-Roumi, Toufic Succar,
Boghos Gélalian, Georges Farah, Assi et Mansour Rahbani,
Toufic El Bacha.

30
l’apparition de nouveaux médias, facilitant l’émergence de
nouveaux talents, et surtout, le hasard qui fait bien les
choses ; la rencontre entre Fairouz et les Frères Rahbani
dans les allées de la radio libanaise, qui va inaugurer une
étape très prometteuse, où Fairouz et les frères vont
multiplier les projets et les tentatives, soutenus par le
directeur de la radio syrienne Ahmed 'Assah (1915-2005)
et de Sabri Al-Sherif (1922-1999), directeur artistique de
la station de radiodiffusion du Proche-Orient.
Egalement, suite à la réussite(1) dénotée par sa chanson
« Ya Ba La La La », en Egypte lors de sa diffusion en
octobre 1953, la radio égyptienne invite Fairouz et les
frères Rahbani pour un séjour de six mois au Caire en
1955, où ils vont enregistrer pour le compte de la radio, et
avec un orchestre mis à leur disposition, 48 compositions(2).
Cette phase est caractérisée par une abondance et une
diversité des productions du trio ; des chansons de danse
arabisées, des chansons populaires et folkloriques, des
Muwashshahât, des Qasâ’id (poèmes, plur. de qasîda) et
des mini opérettes(3).

(1) Mohammed Abdel-Wahab a déclaré qu’il était le leader du fan


club de Fairouz au Caire, dans une expression de son enthousiasme
pour ce projet artistique (Assayad Magazine, 13/11/1958).
(2) Toutes ces compositions sommeillent depuis dans la bibliothéque
des archives de cette radio (que l’historien Mahamoud Zibaoui,
qualifie de « Le répertoire oublié de Fairouz et des frères Rahbani »).
(3) Rayess, Akram Beirut and Fairouz: A path of gold and loss
(Beyrouth et Fairouz : un chemin d’or et de perte), à l’occasion =

31
Dans ce contexte, la portée culturelle des productions
Fairouz/Rahbani s’est affirmée grâce à l’utilisation de
nouveaux médias ou de progrès techniques, dont notamment
la radio, qui fut introduite à cette époque dans la région.
Mais si Fairouz et les frères Rahbani gagnèrent une
large reconnaissance au passage de leur musique sur les
ondes à la fin des années 1940, c’est bien la collusion
entre ces moyens de diffusion et leurs performances
jouées à Baalbek qui les amena à franchir un nouveau
seuil dans leur carrière. (Christopher Reed Stone(1))
En 1958, le festival suspend ses activités à cause
d’une situation explosive occasionnée par des troubles
communautaires.
En 1959, le public du festival revient nombreux pour
applaudir très chaleureusement, la vedette principale des
soirées libanaises, Fairouz. Ce soir-là, elle va présenter
une opérette d’un seul acte : Al-Mouhâkama (le Procès),
un spectacle musical créatif qui, va au-delà de l’écrin
folklorique. Ce sont de vraies compositions, inspirées
du folklore, mais dotées d’une belle partie personnelle
présentée avec une fine orchestration reflétant un nouvel
esprit et un nouveau souffle.

du 85ème anniversaire de l’emblématique chanteuse libanaise


=
Fairouz, Ahram Online célèbre la voix de l’espoir et de l’humanité,
samedi 21 novembre 2020.
(1) Stone, Christopher Reed, « Le festival de Baalbek, Fairouz et les
frères Rahbani », Cahiers d’ethnomusicologie, 27 | 2014, mis en
ligne le 14 novembre 2016.

32
En 1961, Fairouz est de nouveau à Baalbeck avec une
production beaucoup plus sophistiquée. C’est une comédie
musicale en quatre actes, qui s’intitule : Al-Baalbakiyyâh
(la fille de Baalbek), une évocation de la vie d’une jeune
fille, dont l’histoire est inspirée de la mythologie, possèdant
une voix envoûtante, universelle et éternelle. Fairouz va
chanter ce soir-là, des Muwashshahât, des mélodies
« andalouses », puisées dans la pure tradition de la
musique classique arabe et une chanson de la musique
classique occidentale (la célèbre Ode à Baalbeck). Ce
même spectacle sera présenté plus tard à Londres et en
Amérique du Sud. Il reçoit auprès de ces publics un
enthousiasme mitigé.
En 1962, Fairouz et les frères Rahbani présentent une
comédie musicale, en deux actes : Jisr el Kamar (Le pont
de la lune). Fairouz y joue le rôle d’une fille ensorcelée
par les djinns, qui s’évertue à réconcilier les habitants de
deux villages voisins qui sont en guerre. Un thème qui
évoque indirectement la petite guerre civile qui a sévi
trois ans auparavant, en 1958, au jeune pays du Cèdre.
On note lors de cette comédie, une évolution de la
musique des frères Rahbani vers un registre beaucoup
plus expressif. En particulier, les compositions mélodiques
dédiées à Fairouz, sont mieux élaborées traduisant une
dynamique de plus en plus dramatique et lyrique.
L’évolution va se poursuivre et sera encore plus
marquée en 1963, avec la comédie musicale des Rahbani
Allayl wal Kandil (La Nuit et la Lanterne), où Fairouz

33
(Mantoura), jeune vendeuse de lanternes, tombe amoureuse
d’un jeune homme (Hawlou) qui trahit sa confiance.
Cette pièce sera présentée au théâtre du Casino du Liban
ainsi qu’à la Foire Internationale de Damas.
« Au fil des ans, les deux ont renforcé leurs liens
jusqu’à ce que chacun devienne une métaphore virtuelle
de l’autre. La simple évocation du festival de Baalbek
faisait penser à Fairouz et, inversement, le nom de la
chanteuse faisait surgir à l’esprit les piliers des ruines
ondulant dans la joie et dans l’extase musicale (1)» (Abu
Murad, Nabil, 1990 : 58).
En 1964, Fairouz et les frères Rahbani sont les invités
du Festival des Cèdres. Ils vont présenter Bayyâ’a el
khawâtim (Le Vendeur de bagues), une pièce qui raconte
l'histoire d’une jeune orpheline, victime des mensonges
d’un oncle mythomane (Nasri Shamsddine). Cette même
pièce sera l’année suivante, le premier film de Fairouz et
des Rahbani, dirigé par le célèbre réalisateur égyptien,
Youssef Chahine.
En 1966, Fairouz et les frères Rahbani, se produisent de
nouveau au festival de Baalbeck. Ils présentent cette fois
une fiction historique : Ayyâm Fakhreddîne(2) (Du temps

(1) ABU MURAD Nabil, 1990, al-Akhawan Rahbani : hayat wa-masrah


(Les deux frères Rabani : Vie et Théâtre). Beyrouth : Dâr Amjad
li-al-nashr wa-al-tawzi’.
(2) Fakhr-al-Din est un émir qui régna sur la montagne libanaise au
XVIIe siècle.

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de Fakhr-al-Din). C’est l’histoire d’une jeune fille courageuse,
militante : ‘Otr el-layl (Fairouz) qui se veut la conscience
fictive d’un peuple qui attend que son souverain le protège
et fasse de lui un peuple indépendant.
La prochaine étape va se dérouler au centre de la
capitale, dans un quartier qui fut un fief et un laboratoire
de la culture d'avant-garde ; le quartier de la rue Hamra,
qui était à cette période l'un des quartiers les plus huppés
de Beyrouth et un centre de rencontre de tous les
intellectuels, où se déroulaient, dans ses divers cafés, des
débats, des échanges et les discussions politiques les plus
bruyantes de la capitale.

Le théâtre Piccadilly(1), ou l’étape urbaine


A part un passage furtif en 1962, au théâtre du Capitole
où elle a présenté un programme de variétés et une
opérette de 20 minutes glorifiant l’armée libanaise,
Fairouz n’a jamais chanté, ni joué sur une scène à
Beyrouth. Et c’est à Hamra, en plein cœur du quartier le
plus intellectuel et cosmopolite de Beyrouth ; le théâtre

(1) L’histoire d’un théâtre prestigieux, dont la salle était la plus grande
au Liban. Il est inauguré le 6 novembre 1966 avec un ensemble
musical de Vienne, en présence de Saëb Salam (1905 – 2000,
premier ministre à l’époque) et de nombreuses personnalités
politiques et mondaines. On y entrait comme dans un temple !
800 places, des arcades en plâtre recouvertes de dorures, des
plafonds immenses, une dizaine de loges... Le théâtre affichait
souvent complet quand il s’agissait des pièces de Fairouz et des
frères Rahbani.

35
Piccadilly où elle sera invitée en compagnie des Rahbani
pour présenter une comédie musicale : Hâla wal Malek
(Hala et le Roi), une comédie musicale qui relate
l’histoire d’une pauvre jeune fille, reniée par son père, un
ivrogne qui va avec la complicité de la cour, faire croire à
ce dernier que Hala est la fille d’un roi et qu’elle lui a été
envoyée par les astres pour être sa future épouse.
Le succès est considérable et la pièce sera reprise en
été, de la même année, au Festival des Cèdres et en
automne, à la Foire Internationale de Damas.
En 1967, sort aussi la deuxième production cinématographique
des Frères Rahbani, Safar barlik (la déportation) qui
relate une période sombre de l’histoire du Liban, durant
la première guerre mondiale, où les autorités militaires
ottomanes imposent des mesures drastiques(1) contre la
population libanaise de la montagne.
Ce film sera suivi en 1968, par un autre. Tous les deux
dirigés et réalisés par Henri Barakat.
Le 3ème et dernier ; Bint el hâriss (la Fille du gardien),
qui, dans un registre plus léger, traite des délicates
questions du chômage et de l’adultère dans le cadre d’un
petit village où rien ne peut rester secret.
En 1967, c’est l'année de la défaite des armées arabes
face à Israël, qui va marquer un tournant politique et

(1) Des mesures et restrictions de tout genre qui causent une famine
terrible décimant quasiment le tiers de cette population.

36
artistique radical. Cette défaite va changer la donne et va
marquer aussi bien les esprits que le paysage artistique et
en particulier le théâtre.
L’ambiance de la capitale, du quartier Hamra, la nature de
l’espace intime du théâtre Piccadilly, différent du théâtre en
plein air de la citadelle historique de Baalbek, ont « affecté
le parcours de ces pièces, leurs personnages et leur style.
La réalité sociale et culturelle tendue a imposé un changement
dans la langue littéraire, le contexte intellectuel et l'approche
artistique ; surtout après la guerre israélo-arabe de 1967,
la défaite a conduit Fairouz et les frères Rahbani ainsi que
le théâtre libanais, la littérature arabe et les beaux-arts en
général, à l'autocritique et à aborder des thèmes sociaux,
politiques et existentiels.(1) »
En 1968, Fairouz, faute de présenter une nouvelle
œuvre au Liban, c’est en Syrie qu’elle va donner avec les
frères Rahbani, la première de leur nouvelle pièce de
théâtre ;‘Ash-shakhs (Le Pantin) qui va être le premier
volet d’une trilogie satirique (avec Ya’îche Ya’îche et
Sahh En-nawm en 1970), une satire contre la bureaucratie
et les régimes arabes de l’époque.
‘Ash-shakhs, c’est l’histoire d’une vendeuse ambulante,

(1) Rayess, Akram Beirut and Fairouz : A path of gold and loss
(Beyrouth et Fairouz : un chemin d’or et de perle), à l’occasion
du 85ème anniversaire de l’emblématique chanteuse libanaise Fairouz,
Ahram Online célèbre, La voix de l’espoir et de l’humanité, samedi
21 novembre 2020.

37
qui à la suite d’une série de malentendus sera accusée
d’espionnage, et présentée au tribunal.
En 1969, la même pièce est présentée durant trois mois
au théâtre Piccadilly.
Et dans la même année Fairouz et les frères Rahbani
vont proposer en été, pour le festival de Baalbeck, une
comédie musicale guerrière, Jibâl As-sawwân (Les Montagnes
de silex), qui appelle à la résistance à l’occupant. Le
martyr de Gherbeh, dans l’acte final est un moment chargé
d’émotion.
L'année 1970 fut une année particulièrement riche : les
Rahbani composent deux comédies musicales, Ya’îche
Ya’iche (Longue vie à sa majesté) et Sahh En-nawm (Bon
réveil à vous !). La première, présentée au théâtre Piccadilly
de Beyrouth en hiver, est une satire grinçante de l’instabilité
des gouvernements. Les Rahbani évitent de la présenter
en Syrie et ils la remplacent par une autre comédie musicale
qu’ils créent pour l’occasion Sahh En-nawm (Bon réveil à
vous), qui se réfère beaucoup au théâtre de l’absurde.
En 1971, les frères Rahbani présentent encore une
comédie musicale satirique Nâss min Warak (Des Gens
en papier), dont les personnages sont un groupe de
chanteurs et de danseurs, dirigés par Maria (Fairouz). Cette
comédie sera présentée en premier à la Foire Internationale
de Damas en septembre 1971 et au Piccadilly à Beyrouth
en février 1972.

38
Pour l’été 1972, les frères Rahbani présentent avec
Fairouz au festival de Baalbeck, Natourit al-Mafâtîh (La
Gardienne des clés), une comédie noire où un peuple
opprimé choisit la résistance passive : tout le monde fuit
le royaume de Sîra sauf Zad el khayr (Fairouz) qui reste
seule face au tyran.
Après Baalbeck, Fairouz et les frères Rahbani la présentent
à Damas. Après toutes ces représentations, Fairouz, surmenée,
fatiguée, demande à se reposer dans une clinique à Beyrouth.
Et Assy, son mari, est hospitalisé, quelques jours plus tard,
à la suite d’un accident cardio-vasculaire cérébral grave. Il
a failli y rester. Son état ne cessait de s’aggraver, malgré
plusieurs interventions chirurgicales, il est transporté,
d’urgence à Paris pour être soigné dans les meilleurs
hôpitaux parisiens. Il se rétablit petit à petit, mais ne
récupère pas complètement, il devient partiellement
amnésique car son cerveau a été gravement touché. Malgré,
bon gré, il récupère une partie de sa lucidité et se met de
nouveau à composer en préparation d’une nouvelle comédie
musicale, Al-mahatta (La Gare), prévue pour février 1973
au théâtre Piccadilly. Et la première chanson qu’il va
composer est Layâli el-shimâl el-hazîni (Les Tristes
Nuits du nord) que Fairouz chantera en ouverture de la
comédie musicale qui relate l’histoire d’une jeune femme
étrangère qui fait croire à tout un village qu’un train va
venir de nulle part pour les déplacer « vers le nord » où
ils trouveront le bonheur. Une comédie aux mélodies

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mélancoliques, qui voit émerger la première chanson de Ziad
Rahbani pour sa mère : Sa‘alouni en-nâs (les gens m’ont
demandé après toi), dédiée à Assy Rahbani, qui était toujours
à l’hôpital à Paris, à la date de la première représentation.
Et pour cette première, c’est le jeune frère des Rahbani,
Elias qui se charge de diriger l’orchestre à Piccadilly.
Pour l’été 1973, c’est une comédie musicale légère qui
sera présentée à Baalbeck ; Qasîdat Hobb (Poème d’amour).
Ziad va y présenter une deuxième composition pour sa
mère Fairouz : ‘Eddaysh kân fî nâss (Tant de personnes
attendaient, au carrefour), dans un style purement rahbanien.
En 1974, Fairouz et les frères Rahbani vont présentent
la comédie musicale Loulou, au théâtre Piccadilly. Fairouz
campe le rôle d’une prisonnière innocentée après quinze
ans passés en prison. Elle menace tout le monde et
promet de se venger, quitte à faire couler le sang. Et
pendant que les représentations continuent au Piccadilly
de plus belle, la guerre civile commence le 13 avril 1975,
à Beyrouth pendant que les frères Rahbani et Fairouz
étaient sur le point de présenter une nouvelle comédie,
d’une portée prémonitoire, Mays el-Rîm. C’est l’histoire
de deux familles d’un village qui se battent et qui
prennent Zayyûn (Fairouz) comme témoin. L’ouverture
musicale du premier acte sera l’une des compositions de
Ziad Rahbani, les plus intéressantes. Parmi les chansons
de la comédie, figure une chanson composée également
par Ziad ; Habbou ba’adoun (Ils se sont tant aimés).

40
En 1976, et pour les soirées de la Foire Internationale
de Damas, Fairouz et les Frères Rahbani, montent un
spectacle de variétés, en forme de sketches de dialogues
et de chansons.
En 1977, à l’occasion de l’anniversaire de l’accession
au trône du Roi Hussein de Jordanie, et en première,
Fairouz et les frères Rahbani présentent, à l'amphithéâtre
romain d'Amman, Petra, une comédie musicale inspirée
de l’histoire lointaine des gens de Petra. Il s’agit de
l’histoire de la reine du Royaume de la cité de Petra,
Chakila (Fairouz), en guerre avec Rome pour libérer sa
fille de la captivité sans sacrifier son armée.
Petra sera présentée ensuite à Damas, au Casino du
Liban et au Piccadilly. Elle sera la dernière comédie
musicale qui réunit les frères Rahbani et Fairouz.

Figure 3 - Théâtre Picadilly (photo catalogue 1978)

41
En 1978, c’est au London Palladium, que Fairouz et les
Rahbani présentent un grand concert et dans l’année qui
suit, ils en présentent un, à Chardja (al-Shariqah – Emirats
Arabes Unis), suivra le mois de mai de cette même année
1979, un concert mémorable à Paris, à l’Olympia où
Fairouz va chanter sous la direction de Assy pour la dernière
fois. Après ce concert, ils mettent fin à leur collaboration
artistique ainsi, qu’à leur vie commune.
C’était également pour moi, la dernière contribution à
cette aventure fantastique, prestigieuse, heureuse, valorisante,
dont j’ai du mal, encore à en mesurer l’enjeu et la fierté.
Et c’est à partir de cette date, qu’a commencé, pour moi,
mon aventure parisienne, qui malgré l’éloignement, est
restée fidèle à l’héritage des frères Rahbani et à celui de
ma tendre et douce Diva, l’inoubliable Fairouz. Quelle
aventure, et quel honneur d’avoir été associé, à un
moment donné à une telle aventure fantastique et à des
personnages d’une telle stature ! Des souvenirs indélébiles !

Après la mort d'Assi, en 1986, Mansour poursuivra une


carrière solo avec brio et créera une dizaine de comédies
musicales. Il s'éteint à Beyrouth, le 13 janvier 2009.
A travers neuf pièces successives, qu’ils ont présentées,
entre 1967 et 1978, au théâtre Piccadilly, Fairouz et les
deux frères ont inauguré dans ce théâtre une nouvelle
étape remarquable dans leur carrière théâtrale, couronnée
d’une réussite sans précédent. Dirigées par Sabri Al-Sherif et

42
plus tard par Berj Fazilian, ces pièces sont :
Hâla wal-Malek (Hala et le roi), en 1967
Al-Shakhs (Le Pantin) en 1969
Ya’îsh Ya’îsh (Longue vie à son excellence !) 1970,
Sahh Al-Nawm (Bon réveil) 1970,
Nâs Min Warak (Des gens en papier) en 1972
Al-Mahatta (La gare) en 1973
Loulou en 1974
Mais el Rîm (La gazelle coquette) 1975
Petra 1978.

Les œuvres de Fairouz se poursuivent avec Philémon


Wehbé (1916-1995), Zaki Nassif (1916-2004) et Mohammed
Mohsen (1922-2007) mais surtout avec son fils Ziad qui
va désormais, lui composer la plupart de ses chansons.
Avec des opinions politiques très appuyées et une
créativité aussi libre et sauvage que celle initiée par son
père et son oncle, Ziad continue la légende des Rahbani.
En 1987 son deuxième album intitulé Ma’refti Feek
(Notre rencontre), est sorti, puis le troisième, intitulé
Kifak Enta (Comment vas-tu, toi ?), sorti en 1991 qui
représente la quintessence de la collaboration artistique
entre Fairouz et son fils Ziad. Cet album sera suivi par un
autre album, intitulé, Ila Assi (A Assi), sorti en 1995, qui
représente un hommage à « celui qui s’est introduit en
toute simplicité dans l’intimité des gens. Il a écrit une
histoire puis il est parti. ».

43
Les années 1980 et 1990 : l’ère Ziad Rahbani(1)
En 1979 lors de la séparation de Fairouz et Assy, un album
va voir le jour, le premier de Fairouz avec son fils, Wahdoun
(Seuls), composé entièrement par Ziad. Cet album représente
un tournant décisif dans la carrière de Fairouz qui s’essaie
pour la première fois à ce genre de musique jazzy.
Ziad compose aussi bien des mélodies aux arrangements
jazzy (Wahdoun, al Bousta), que des mélodies orientales,
plus ou moins fidèles à l’école de ses ainés, les Rahbani,

(1) Ziad Rahbani


Compositeur, metteur en scène, comédien et pianiste, Ziad, le fils
aîné de Fairouz et de Assy Rahbani, est né le 1er janvier 1956 au
Liban. Artiste précoce, il publie à 13 ans, un livre Sadiki Allah
(Dieu, Mon ami), et à 17 ans, en 1973, il compose, pour sa mère une
chanson, Sa'alouni el-nâs (les gens m’ont demandé après toi) qui
connait un grand succès, suivie la même année, d’une comédie
musicale Sahriyyé (une veillée), lui ouvrant la voie à la célébrité et à
une grande popularité. Il enchaîne ensuite pièces de théâtre,
chansons et émissions satiriques à la radio et devient par ses
critiques subtiles et son franc parler, un phénomène de société et le
symbole de la révolte estudiantine que le Liban connait dans les
années 1970. Il écrit jusqu'à ce jour sept pièces de théâtre et quatre
pièces en pleine guerre civile.
1. Nazl e'ssourour (L'Auberge du bonheur), en 1974
2. Binnisbi la boukra shou ? (Et quoi alors pour demain ?), en 1978
3. Film ameriki tawîl (Long métrage américain), en 1981
4. Chi fechil ( quel Fiasco !), en 1983
En 1993, il écrit deux pièces de théâtre avant-gardistes : Bikhsous el
karami wel chaab el ‘ânîd (A propos de la dignité et du peuple têtu)
et la deuxième en 1994, Lawla foushat al amali (Il faut garder
l’espoir). Ziad Rahbani se consacre depuis 1994, à sa production
musicale et se produit dans les festivals les plus prestigieux au Liban
et à l’étranger.

44
(Habbaytak tansît en-nawm- Je t’ai aimé à en oublier le
sommeil -, ana ’Endi hanîne- Je suis nostalgique -). Mais
le public, habitué aux chansons romantiques et douces
des frères Rahbani fut choqué par les paroles osées de
Ziad et son humour déplacé. Et c’est à chaque sortie
d’un nouvel album de Fairouz et Ziad que la même
controverse refait surface.
En 1987, c’est l’année de sortie d’un nouvel album,
intitulé, Ma’refti fîk (Depuis qu’on a fait connaissance).
Un album très varié réunissant, et des airs orientaux
(style des frères Rahbani), et des accents jazzy.
En 1986, Fairouz, accompagnée de Ziad au piano,
donne un concert au Royal Festival Hall de Londres. Elle
y présente un programme dont la plupart des chansons
sont de son ancien répertoire rahbanien mais avec de
nouveaux arrangements.
Assy Rahbani décède le 21 juin de la même année 1986.
En 1988, Fairouz, accompagnée toujours de Ziad au
piano, donne un concert mémorable au Palais Omnisports
de Paris-Bercy. Elle reçoit à l’occasion une décoration
prestigieuse(1), décernée par le ministre de la culture au
nom du président François Mitterrand. Elle est nommée
Commandeur des Arts et des Lettres, par le ministre de la
culture française de l’époque Jack Lang.

(1) Elle recevra aussi, une dizaine d’années plus tard, la Légion
d’honneur à Beyrouth, en 1998.

45
« The Very Best of Fairuz », son premier CD, sorti en
1987, contenait sa chanson emblématique ‘A’atînî al-Nâya
wa ghannî (Donne-moi la flûte et chante), avec le texte
du poème de Khalil Gibran.
En 1991, Fairouz et Ziad enregistrent le troisième album ;
Kifak enta ? (Comment vas-tu, toi ?), qui, de nouveau
relance la controverse. Il y en a qui ont été scandalisés
par les textes de Ziad Rahbani qui fait dire à Fairouz,
qu’elle est éprise d’un homme déjà marié. Il se trouve,
que dans la chanson Kifak enta, il y a l’histoire d’une
femme qui retrouve de nouveau son ancien amoureux, mais
déjà marié, et elle lui déclare franchement qu’elle désirerait
se remettre en ménage avec lui ! Le problème c’est que la
controverse à propos des paroles, fait oublier aux détracteurs
la qualité de la musique de Ziad Rahbani, et il faut attendre
des années avant que cette chanson, Kifak enta, ne devienne
acceptable et appréciable musicalement.
En 1994, Fairouz et Ziad présentent un très grand concert
dans le centre de la capitale Beyrouth. Un événement, car
c’est le premier que Fairouz donne depuis 1977. Le
concert est un triomphe. Il draine le nombre de 50 000
personnes qui ont envahi tous les coins autour de
l’endroit. Des personnes sont venues de loin, de très loin
pour assister à ce concert mémorable.
En 1995, Fairouz et Ziad, et dans le cadre d’un album,
rendent un hommage vibrant à Assi Rahbani. L’album,
Ila Assi (À Assy), comporte dix-neuf chansons, de Fairouz
et des frères Rahbani, réarrangés et remixés par Ziad Rahbani.

46
Il faudra attendre l’année 1999, afin que Fairouz sorte
un nouvel album avec Ziad, Mish Kayen Hayk Tkoun (Tu
ne peux pas être autrement). L’album comporte aussi des
chansons du compositeur Syrien Mohammad Mohsen.
En 2000, Fairouz, rate un retour tant attendu au Festival
International de Baalbek (qui a relancé ses activités en
1997). Et le concert qu’elle donne en 1998, en chantant
en playback, déçoit les fans qui ont toujours apprécié
Fairouz chantant en direct. Il faut attendre août 2000,
pour que Fairouz, accompagnée de Ziad, au festival de
Beiteddine (et d’un orchestre symphonique d’une composition
hétéroclite ; regroupant des musiciens arméniens, français,
hollandais et libanais, sous la baguette de l’Arménien
Karen Durgaryan), présentent trois concerts avec un
programme, sélectionné avec soin, qui réunit d’anciennes
chansons des frères Rahbani, joliment réarrangées, dont
la mémorable La inta habibi – (Tu n’es plus mon bien-
aimé), ainsi que de nouvelles compositions de Ziad dont
une fantaisiste, désormais célèbre Sabah w massa –
(Matin et soir). Ce soir-là, Fairouz accuse un vrai retour.
Elle se réapproprie de nouveau le cœur des grands et des
petits. Son 1er concert à Beiteddine était un vrai triomphe.
Elle donne ses trois concerts à guichet fermé, où elle a pu
réunir lors de ces trois soirées, plus de 15 000 personnes.
En l’été 2001, elle réitère son exploit à Beiteddine,
avec le même orchestre et encore un triomphe et des
soirées mémorables.

47
Toujours en 2001, un album, qui regroupe les soirées
données en 2000, voit le jour.
En janvier 2002, Fairouz sort un nouvel album ; Wala kif
(…ni comment).
En 2003, elle est une fois de plus, à Beiteddine, avec le
même orchestre, mais avec plus de musiciens de l’orchestre
symphonique d’Erevan et toujours sous la direction de
Karen Durgaryan, qui, dorénavant va accompagner Fairouz
pour ses prochaines tournées mondiales.
En 2006, le comité du Festival International de Baalbek
qui fête le cinquantenaire du festival, invite Fairouz, pour
ouvrir les festivités avec la fameuse comédie musicale
des frères Rahbani Sahh en-nawm, qui n’a pas été jouée
depuis 1970, et qui retrouve une nouvelle jeunesse. Mais
une agression militaire d’envergure, enclenchée par l’armée
israélienne le jour même de la représentation à Baalbek,
va contraindre Fairouz à reporter les représentations à
une date ultérieure. Et c’est en décembre 2006, que la
comédie Sahh en-nawm est de nouveau programmée,
mais cette fois à la salle BIEL à Beyrouth, où le public va
apprécier cette fameuse et sympathique comédie avec les
nouveaux arrangements de Ziad Rahbani, et le retour sur
scène de la « comédienne » Fairouz, après quarante ans
d’absence de la scène au Liban.
En 2006, Fairouz, entame une tournée, où elle présentera
Sahh en-nawm, à Damas à guichets fermés, pour neuf
soirées, puis la méme pièce en 2008, à Sharjah aux Emirats
Arabes Unis et ensuite à la capitale jordanienne, Amman.

48
2010-2017, plusieurs albums et Fairouz de nouveau
sur les planches.
En 2010, le 7 et le 8 octobre, Fairouz remonte sur scène
au BIEL, à Beyrouth, en même temps que la sortie de son
nouvel album, Eh fi amal (Bien sûr, il y a de l’espoir),
mis en musique par le talentueux Ziad Rahbani et qui
comporte douze titres ; huit chansons inédites, deux
compositions instrumentales, en plus de deux anciennes
chansons, que Fairouz a chantées, à ses débuts, dans les
années cinquante, nostalgiques, aux accents romantiques,
réorchestrées et arrangées par Ziad lui-même : Bektob
Esmak et l-bent al-shalabiyya (inspirée du folklore syrien
d’un compositeur inconnu).
En juin 2011, dans le cadre du Holland Festival, Fairouz
donne une grande soirée unique et historique qui défraie
les chroniques, au Théâtre Royal Carré d'Amsterdam.
En décembre de la même année, 2011, elle donne cinq
concerts dans le nouveau complexe polyvalent, Platea,
dans le nord de la capitale Beyrouth.
En 2017, elle sort Bebalee (Toujours dans mes souvenirs),
un nouvel album, dans lequel, elle reprend de grands standards
de la musique universelle : My Way, Imagine, Don’t Cry For
Me, Besame Mucho, Ma Cabane au Canada….
Depuis 2017, et après s'être produite pendant plus d'un
demi-siècle de Beyrouth à Las Vegas, en passant par
Paris et Londres, elle a arrêté depuis de voyager et elle
s'est murée dans un profond silence.

49
Son œuvre
Le théâtre
En plus de plusieurs centaines de chansons (plus de 800
chansons), Fairouz a présenté plus d’une vingtaine d’œuvres
théâtrales tout au long de sa carrière artistique. La
première étant Jesr al-Kamar (le pont de la Lune) en 1962,
et parmi les plus célèbres d'entre elles sont : Bayyâ'a
al-khawâtim (Le vendeur de bagues, adapté plus tard
pour le cinéma), Hâla wal malek (Hala et le Roi), et
Ya’îsh, ya’îsh (Longue vie à son excellence).
On peut énumérer en pièces de théâtre, opérettes et
comédies musicales :
1. ‘Ayyâm Al-hasâd (Les jours de moisson), un spectacle
musical en deux actes présenté en 1957 au Festival
international de Baalbeck.
2. Al-‘Oursou fil karya (Le mariage dans le village),
une pièce de théâtre chantée en deux actes, présentée
en 1959 au Festival international de Baalbeck (Fairuz
ouvre le premier acte et participe au deuxième).
3. AL Baalbakieh (La Baalbakiote), un spectacle musical
en quatre actes, présenté en 1961 au Festival
international de Baalbeck
4. Jesr al-Kamar (le pont de la Lune), une comédie
musicale en deux actes, présentée en 1962 au Festival
international de Baalbeck.
5. ‘Allayl wal-kandîl (La nuit et la lanterne), une

50
comédie musicale en un seul acte, présentée en
1963 à la Foire internationale de Damas en Syrie.
6. Bayyâ'a al-khawâtim (Le vendeur de bagues), une
comédie musicale en deux actes, présentée en 1964
au Festival des Cèdres.
7. ‘Ayyâm Fakhreddîne (Au temps de Fakhreddine),
une comédie musicale, présentée en 1966 au Festival
international de Baalbeck.
8. Hâla wal malek (Hala et le Roi), une comédie
musicale, présentée en 1967 au Théâtre Piccadilly
9. ‘Ashshakhs (Le Pantin), une comédie musicale, présentée
en 1968 à la Foire internationale de Damas en Syrie.
10. Jibal Assawan (Les montagnes de Silex), une comédie
musicale présentée en 1969 au Festival international
de Baalbeck.
11. Ya’îsh, ya’îsh (Longue vie à son excellence), une
comédie musicale 1970
12. Sahh ennawm (Bon réveil), une comédie musicale
1970 à la Foire internationale de Damas en Syrie.
13. Nass min warak (Gens de papier), un spectacle
musical en deux actes, présenté en 1971 à la Foire
internationale de Damas. en Syrie.
14. Natourit al-Mafâtîh (La Gardienne des clés), une
comédie musicale en deux actes, présentée en 1972
au Festival international de Baalbeck.
15. AL-Mahatta (La Gare), une comédie musicale
présentée en 1963 au Théâtre Piccadilly

51
16. Qasidat hobb (Poème d'amour) Spectacle musical
en deux actes, présenté en 1973 au Festival international
de Baalbeck.
17. Loulou, Spectacle musical, présentée en 1974 au
Théâtre Piccadilly
18. Mays el-Rîm, une opérette, présentée en 1975 au
Théâtre Piccadilly, puis enregistrée pour la télévision
en 1977.
19. Petra, une opérette, présentée en 1977 à l’Amphithéâtre
romain d'Amman en Jordanie

En se mettent au service du talent des frères inséparables


et de leur cantatrice exceptionnelle, les télévisions, les
maisons de disques(1) et le cinéma ont élargi leur public et
ont fait de Fairouz l’une des chanteuses la plus célèbre du
monde.

Le cinéma
Fairouz a également présenté trois films :
- "Bayâ’a El Khawâtim", (Le Vendeur des bagues), en
1965 de Youssef Chahine
- "Safar Barlik", (la déportation) en 1967, d'Henri Barakat
- "Bint Al Hâris", (la fille du gardien), en 1968 d'Henri
Barakat

(1) La compagnie Voix d'Orient.

52
À la télévision
Fairouz a présenté aussi des programmes de variétés
télévisées après le lancement de la chaîne de télévision
libanaise Télé-Liban en 1959 et des soirées musicales.
Les pièces que Fairouz et les frères Rahbani ont
enregistrées pour la télévision
1. Al-Iswâra (Le bracelet) en 1962 et une deuxième
version en 1967.
2. Ayyâm al-talj (Les jours de neige) en 1962.
3. Programme spécial à l'occasion du premier anniversaire
de Télé-Orient en mai 1964.
4. Day'it al aghâni (Le village des chansons) 1966.
5. Layâli el-sa’ed (Les nuits heureuses) 1966.
6. Al Qudsu fi el bâl (Jérusalem, dans nos pensées) en
1967.
7. Dafâter el-layl (Les cahiers de la nuit) en 1968.
8. Ma'a el hikâyât (Avec les Contes) en 1970.
9. Sahra (Une soirée) en 1971.
10. Qasîdat hobb (Poème d’amour), une comédie musicale
filmée pour la télévision en 1973
11. Loulou, une comédie musicale filmée pour la télévision
en 1977
12. Mays el-Rîm, une comédie musicale filmée pour la
télévision en 1977

53
Discographie(1) sélective
La discographie complète de Fairuz ne compte pas moins
de cinquante titres.
• Raji’ûn, compilation (1950-1960), Voix de l’orient
(VDLCD) 546.
• Jisr el kamar, comédie musicale (1962), enregistrée au
festival international de Baalbeck, VDLCD 645-646.
• Hala wal malik, comédie musicale (1967), enregistrée au
théâtre Piccadilly, Beyrouth, VDLCD 536-537
• Sahh ennawm, comédie musicale (1970), enregistrée à
la Foire Internationale de Damas, VDLCD 636-637
• Safar barlik / Bint el hâris, bandes originales (1967-
1968), VDLCD 535
• Mechwar, compilation (années 1960), VDLCD 627
• En concert à l'Olympia (1979), VDLCD 503-504
• En concert de Noël à Westminster (1986), VDLCD 515
• En concert au Royal Festival Hall de Londres (1986),
VDLCD 509
• Kifak enta ? (1991), Relax-in, EMI 528
• Ila Assi (1995), VDLCD 600
• En concert au festival de Beiteddine (2000), Relax-
in/EMI
• Wala Kif (2002)
• Eh Fi Amal (2010)
• Bebalee (2017)

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Fairuz.

54
1. Liste succincte de ses grands tubes inoubliables
1. Fleur des cités ‫زهرة املدائن‬
2. J’ai chanté la Mecque ‫غنيت مكة‬
3. O mon Liban je t’aime ‫بحبك يا لبنان‬
4. O liberté ! ‫يا حرية‬
5. L’ancienne Jérusalem ‫القدس العتيقة‬
6. O mon pays ‫وطني‬
7. Palestine, jamais je ne t’oublierai ‫انا ال انساك فلسطني‬
8. O Beyrouth, mon amour ‫يا هوى بريوت‬
9. Paix à Beyrouth, du fond du ‫من قلبي سالم لبريوت‬
cœur
10. O, mon beau Liban, verdoyant ! ‫لبنان يا أخرض حلو‬
11. Parle-moi de mon pays ‫احكييل عن بلدي‬
12. Qu’il neige ou qu’il fasse beau ‫بتتلج الدني‬
13. On raconte que mon pays est ‫بيقولوا زغري بلدي‬
petit
14. Nous resterons ensemble ‫رح نبقى سوا‬
15. Le pont du retour ‫جرس العودة‬
16. Bissân (le nom d’un village en ‫بيسان‬
Palestine)
17. Nous retournerons un jour ‫سنرجع يوما اىل حيينا‬
18. Je me rappelle bien le jour ‫أذكر يوما كنت بيافا‬

55
19. A Damas ‫اىل دمشق‬
20. O Shâm (Damas) l’été est de ‫يا شام عاد الصيف‬
retour)
21. J’ai lu ta gloire, ‫قرأت مجدك‬
22. Egypte, ton soleil doré, brille ‫مرص شمسك دهب‬
de nouveau
23. O coquine plage d’Alexandrie ‫شط اسكندرية يا شط الهوى‬
24. Jordanie, terre de bienveillance ‫أردن ارض العزم‬
25. Patrie de gloire ‫ارض املجد‬
26. Baghdad pays des poètes ‫بغداد والشعراء‬
27. O Tunisie fraternelle, Salam ‫إليك من لبنان يا تونس‬
du Liban ‫الشقيقة‬
28. Paris, fleur de liberté ‫باريس يا زهرة الحرية‬
29. Ma petite maison au Canada ‫بيتي صغري يف كندا‬
30. La terre est la vôtre ‫األرض لكم‬
31. Je me rappelle l’Andalousie ‫أذكر االندلس‬
32. Au nom de ton nom je chante ‫ع إسمك غنيت‬
33. Les douces brises de la vallée ‫نسم علينا الهوا‬

56
Décorations pour Fairouz
Décorations libanaises et étrangères
Grand-cordon de l’Ordre du Cèdre du Liban (1956)
Grand-cordon de l'Ordre libanais du Mérite 1958 par le président
Chamoun
Emission d’un Timbre postal à l’effigie de Fairouz (Syrie 1961)
Chevalier d’Honneur de l’Ordre al-Arz (Liban 1962)
Membre d’honneur d’Alistehkak al-Loubnani (Mérite libanais)
Membre d’honneur d’Alistehkak al-Souri (Mérite Syrie 1967)
Chevalier d’Honneur (Liban 1970)
Membre d’honneur de premier degré d’Alnahda al-Urdouni
(Jordanie)
Jérusalem Award (Palestine 1997)
Membre d’honneur d’Al-thaqafa al-Rafia (Culture Suprême,
Tunisie 1998)
Plus haute distinction jordanienne (1999)
Commandeur de la Légion d’Honneur (France 1988)
Commandeur de l'Ordre des Arts et des Lettres (France).
Chevalier de la Légion d’Honneur (France 1998)
Grand-cordon de l'Ordre suprême de la Renaissance, (Jordanie).
Grand-cordon de l’Ordre national du Mérite (Tunisie).
Doctorat honorifique de l’Université américaine de Beyrouth
(2005)
Décorée et mise à l’honneur par l’Académie des Arts
(Egypte 2008)
Ambassadrice des Artistes Arabes par Al-Watan el-Arabi (2012)
Sauvegarde de sa maison d’enfance en Musée de Fairouz
(2015)
Officier de la Légion d’Honneur, par le président Macron
(2020)

57
Constat

Fairouz et les frères Rahbani, furent très productifs. Du


milieu des années 1950 jusqu’à la fin des années 1970, ils
eurent une production très riche et variée dans le domaine
du théâtre du cinéma et de la télévision.
La carrière de Fairouz commence officiellement au début
des années 1950 quand elle commence à chanter des
compositions écrites par les frères Rahbani. Et c’est
précisément en 1952, avec une chanson qui va avoir un
succès dépassant les frontières du Liban ; la chanson
«’Itâb, H’âji t’âtebnî » (Arrête de me blâmer). Cette
collaboration va marquer une étape importante, liant Fairouz
aux deux frères, durant presque un quart de siècle. Une
étape charnière pour la musique libanaise en particulier et
arabe en général. Cette collaboration sera couronnée, par
le mariage de Fairouz et Assi en 1955.
Le génie des frères Rahbani s’est illustré dans leur
faculté de « dépoussiérer » le folklore et de distiller dans
leurs pièces un mélange hardi de « classicisation de la
tradition » et d’« appropriation du populaire ».
Le théâtre des Rahbani représente la première tentative
sérieuse de synthèse, sur l’histoire du Liban. Il s’inspire,
des contes populaires où la musique a une place
importante, et c’est ce qui a encouragé les frères Rahbani,
au début de leur carrières théâtrales à écrire des pièces,
des tableaux, des scènes, rythmés par des compositions
musicales sur mesure, qu’ils animaient eux-mêmes avec

58
leurs propres instruments de fortune (oud, buzuk, violon,
derbakké – darbouka tambourin(1)), ou en ayant recours à
des amis musiciens.
« Ces villages pittoresques et ces personnages délicieux,
entre innocence, candeur, ruse, fourberie et combativité,
aujourd'hui mythiques, dans un imaginaire puisé au cœur
de la réalité libanaise la plus profonde, demeurent à
jamais dans la mémoire collective. Comme un moment de
félicité et de joie indicible »(2).
Leur théâtre a réuni aussi, tous les personnages fictifs
ou réels que comportent les histoires des villages, leurs
traditions, leurs fêtes et leurs rituels : al-mouktâr (le
maire), al-mkêrî (le porteur propriétaire d’un âne), al-quwwâl
(le poète populaire du village), le pécheur, le chasseur, le
paysan etc.
Le temps passant, les œuvres prennent de l’épaisseur,
comme ils prennent une place dans la mémoire collective,
des dialogues bien ciselés, les chansons gagnent en qualité
et en profondeur, le jeu de Fairouz est de plus en plus
performant, son personnage, son aura et sa valeur artistique
transcendent l’imaginaire et font d’elle et de l’œuvre des
Rahbani, un symbole moderniste du théâtre musical dans
le monde arabe(3) ».

(1) Fait d’argile en forme d’une cruche, une peau animale est tendue
sur l’une des deux ouvertures.
(2) L’Orient-le-Jour / Par Edgar DAVIDIAN, le 23 juin 2016 (à
l’occasion du 30ème anniversaire de la disparition de Assy Rahbani).
(3) Nabil Abou-Mrad, 1990.

59
Avec les frères Rahbani, Assi et Mansour (et plus tard
avec leur jeune frère Elias – 1938 – 4 janvier 2021),
Fairouz va interpréter des centaines de chansons qui vont
révolutionner la chanson arabe. Une nouvelle conception
de chansons, courtes de durée, ne dépassant pas les quatre
ou cinq minutes, (contrairement aux chansons arabes de
l’époque, très longues), portant sur les sujets les plus
divers de la vie.
Une poésie simple en dialectal libanais, mais d’une
expression profonde qui chante tous les thèmes de la vie
et de la société. Des chansons qui seront illustrées et
interprétées dans une série de pièces de théâtre, de comédies
musicales, de films cinématographiques (trois films),
d’opérettes (au nombre d’une vingtaine), écrites et composées
par les frères Rahbani, glorifiant l’héroïsme, l’amour, la
famille, l’amitié, la fidélité et l’amour de la patrie.
Fayrouz va chanter également en arabe classique les
poètes les plus célèbres, tels que Mikhail Naima, Gibran
Khalil Gibran, Saïd Akl, Nizar Qabbani, Omar Abou Richi,
Abou Qacem El Chebbi et d’autres. Et bien que la plus
grande partie de son immense répertoire chanté, soit mise
en musique par les frères Rahbani, cependant plusieurs
compositeurs de renoms vont rivaliser pour lui proposer
leurs collaborations et leurs compositions.
La cause palestinienne, va occuper également, à partir
de 1954, avec l’opérette « Râji’ûn » (nous retournerons),
une large part, dans ce répertoire. Fairouz interprète des
dizaines de chansons, dédiées à la cause palestinienne, y

60
dénonçant, l’injustice, subie par un peuple jeté hors de sa
terre natale.
Durant les années 1950, Fairouz et les frères Rahbani,
vont s’évertuer à explorer et expérimenter plusieurs styles
de musique, emprunts de modernité et d’influence musicale
occidentale, allant de la musique de variété, au tango, et aux
autres danses de musique latine. Des essais qui n’étaient pas
du goût de tous les auditeurs et critiques de l’époque.
A l’instar d’un autre compositeur, non moins célèbre,
Muhammad Abdel-Wahhâb qui avait inauguré l’initiative,
de modifier la composition orchestrale, d’introduire des
instruments exogènes au takht arabe (comme la guitare
électrique, accordéon et certains cuivres), dans le but
avoué de modifier le son et le gout traditionnels. Il appelait
cela « tat’îm » : enrichissement. Les frères Rahbani ont,
dans cette voie, réussi à « naturaliser » des sonorités
intruses dans la créative hospitalité de la chanson arabe.
Cette heureuse initiative, a, à mon avis, permis la bonne
réception de ce répertoire, d’un auditoire plus vaste,
intégrant ceux et celles qui, sans comprendre les paroles,
ressentent un plaisir certain et une émotion authentique à
la découverte de ces créations.
Malgré l’opposition et le rejet de certains traditionnalistes
rigides, cette métamorphose a fini par gagner l’assentiment et
l’admiration. Par fidélité à l’histoire, rappelons qu’il n’y
pas à proprement dit, une musique arabe. Les plus anciens
théoriciens de la musicologie (al-Fârâbî) avaient distingué la
conception théorique et la production pratique : tout ce qui

61
est afférent à l’art vocal sacré (Samâ’, cantique, psalmodie)
se distinguant d’un corpus et intégrant les folklores
régionaux, la variété et l’œuvre singulière des créateurs.
La sédentarité, ayant toujours été le lieu de rencontre
des fusions syncrétiques, des goûts et des modes festifs, il
n’est pas étonnant, dès lors que tout cela décolle d’une
tradition antique, où la « musique », dans son plus simple
appareil, doit se limiter à la guerre et aux fanfares
militaires « la percussion des toubouls » et les appels des
cuivres, poursuivre un processus de métamorphose et
d’enrichissements de tout genre. Il n’en restera pas
moins, que l’univers de la fonction d’accompagnement
qui caractérise la majeure partie de la musique orientale,
ouvre la voie aux initiatives d’ouvertures progressistes
telles que conçues et réalisées par les frères Rahbani et
l’universalité avérée de l’expérience fairouzienne.
Le génie(1) particulier qui a présidé à l’inspiration créatrice
des frères Rahbani était d’avoir mis au point une
véritable alchimie métamorphique associant les traditions
régionales et l’apport dynamique des emprunts à ce qu’ils
découvraient et appréciaient dans la créativité des cultures
musicales occidentales. De l’aveu des historiens et
anthropologues (Denis DEROUGEMONT : Amour et

(1) L’œuvre colossale de Fairouz et des Rahbani qui comprend une


trentaine de pièces de théâtre, plusieurs centaines de poèmes et
de mélodies, a été introduite dans les programmes des universités les
plus prestigieuses au monde, notamment la Sorbonne, Harvard,
Oxford, ainsi que dans les universités du monde arabe.

62
Occident, Sigrid HENK : « Le soleil d’Allah brille sur
l’Occident »), ce sont les troubadours d’Andalousie
qui, à travers les Pyrénées ont ouvert un chemin vers
l’assimilation des modes orientaux en matière de poésie
et de musique, jusqu’à atteindre les cours royales et
princières et acquérir leurs lettres de noblesse et se
poursuivre dans les choix de grandes figures occidentales
(l’Opéra italien, Chopin, Mozart, Jean-Sébastien Bach).
Il serait donc absurde et inepte de reprocher aux Rahbani
de conquérir les apports occidentaux, alors que cette
dynamique créative ignore les frontières et cherche dans
l’exotisme le remède aux rigidités d’un conservatisme et
d’un immobilisme mortifères et appauvrissants. Si la
musique, comme le pensent les esprits éclairés et honnêtes,
est un langage divin, le divin parle aux hommes dans
leurs diverses langues sachant qu’ils ont la capacité de les
harmoniser et les traduire au profit d’un désir de fraternité
universelle. Musique et universalité se posent comme un
projet de communication des infinies formes de bonheur.
Si les utopistes ont malheureusement grillé sur les
bûchers d’inquisition, les musiciens ont, quant à eux,
réussi à faire danser les enfants et les vieillards partout. Il
ne serait pas surprenant de constater que la musique
s’adresse aux émotions avant de susciter la réflexion, et
tous les novateurs fondateurs trouveront toujours, sur
leurs chemin l’obstacle des esprits réfractaires qui ont
besoin d’une révolution mentale pour être à la hauteur
des merveilles qui leur sont proposées.

63
Conclusion
Cette recherche, sous la forme délibérément rapide et
certes non exhaustif, se présente comme une étude
succincte de la biographie de Fairouz, des frères Rahbani
et un aperçu appliqué de leur œuvre. Elle vise de donner
une appréciation significative de la production de l'esprit
créateur chez ce trio artistique et de mesurer l’étendue de
l'alliance profonde entre musique, chanson et poésie.
Alliance reflétant l'expression communicative des émotions,
des idées et sentiments, échos de l'âme humaine, et de sa
conscience existentielle.
La renaissance de la musique, de la chanson, de la
poésie et du théâtre au Liban au miroir du portrait
artistique de Fairouz et des frères Rahbânî, reproduit une
somme de leurs compositions musicales, de leurs choix
orientés dans l’œuvre de grands poètes ainsi que dans
leurs propres poèmes exprimés en langue littéraire ou
populaire. Cette forme de théâtre chanté a atteint son
apogée portée par la sublime et singulière voix de
Fairouz.
De cet aperçu sur l'évolution et l’ensemble de la
carrière artistique de Fairouz, de la chanson et du théâtre
chanté, nous avons pu constater, que ces derniers (la
chanson et le théâtre), se sont servis de la puissance
évocatrice des mots, de la beauté et de la simplicité de la
phrase musicale. Ils ont atteint leur éclat et leur succès
grâce à la voix divine de Fairouz, pour recueillir ainsi, la

64
conscience d'un peuple et le significatif témoignage
culturel d'une époque.
Fairouz et les frères Rahbani ne se sont pas limités à
une simple recherche de divertissement. L'alliance du mot
et de la mélodie joue un rôle décisif dans la définition d’une
nouvelle émotion artistique. Cette heureuse et harmonieuse
alliance a pu en même temps rayonner amplement d’une
vertu éducative et d’une dynamique efficiente dans la
transmission du message artistique.
Fayrouz, Diva ou Madone du Liban colle désormais à
la bannière du cèdre comme figure emblématique tutélaire
d’une culture et d’une civilisation pionnière qui a, de tout
temps, et malgré les adversités, accompagné la marche de
l’humanité et développé les meilleurs traits de son odyssée
en quête du bonheur et de la joie de vivre.
Elle campe véritablement un exemple unique dans le
monde arabe. La présence vive et active de la musique
épanouie dont la généreuse et prolixe faconde de sa
mission authentique entre sacré et profane, l’élan festif
du Tarab et la noblesse des altitudes spirituelles, tombe
actuellement en léthargie pour ne pas dire presque en
décadence.
Nous pouvons constater, aussi, que le théâtre musical
des frères Rahbânî a trouvé le moyen et la méthode de
faire de la posture critique une arme formidable contre
les errances politiques, à une époque où la liberté
d'expression dans cet Orient arabe instable, se faisait rare.

65
L'école des Rahbânî s'est éteinte avec l’embrasement
catastrophique de la guerre du Liban. La violence guerrière
et le spectre de la barbarie ne cessent de menacer et de
mettre à mal le fragile équilibre de ce petit lopin du Bon
Dieu, qu’est ce Liban. Depuis les limbes des lointaines
Byblos, Tyr n’a cessé de subir la convoitise des charognards
et les coups de boutoir de voisins agités, se débat et résiste
malgré le découragement qui a poussé la fleur de sa jeunesse
sur les chemins de la migration, sauve régulièrement sa
dignité et son honneur par des valeurs immortelles qu’il
partage avec tous les hommes de bonne volonté.
Ce Liban martyrisé, comme le monde en a été témoin
récemment, lors de l’explosion criminelle catastrophique
des dépôts portuaires de Beyrouth, renaîtra après avoir
pansé ses blessures par la foi inébranlable de celles et ceux
parmi ses enfants qui se décideront à choisir d’autres
voies, que celles des consensus politiciens et des calculs
pernicieux qui n’ont pour finalité que de le mettre à
genoux et le dépecer au profit de leurs insatiables appétits
mercantiles. Des rêves de liberté et de paix sont et seront
toujours ceux des enfants du Liban.
Nous sommes dans l'attente d'un nouvel élan de renaissance,
d'une autre Fairouz et d'autres frères Rahbânî, pour que la
chanson et la poésie retrouvent au Liban leurs gloires
d'antan. Et rien n’interdit d’investir foi et credo dans la
vocation de Ziad, le fils et le dauphin de sa mère, rameau
d’espérance et représentant d’un héritage exceptionnel

66
apte à reprendre le flambeau et aller de l’avant, vers la
beauté et la lumière.
Notre étude affirme la modestie d’une ébauche incitative
et le projet d’une nouvelle recherche qui procèdera à une
étude plus approfondie et plus documentée dans les années
à venir.

Nota bene
Bien que ce soit un manuscrit biographique, non exhaustif,
essentiellement, sur la vie et le parcours de Fairouz, on ne
peut, toutefois, passer outre quelques noms qui ont apporté
beaucoup à l’œuvre de Fairouz et des frères Rahbani et dont
les contributions étaient essentielles, voire même décisives
quant à leur apport à la valeur et la splendeur de leur
œuvre.
Je veux parler surtout du compositeur Philémon
Wehbé (1918 – 1985), musicien autodidacte, humoriste
et comédien hors pair, qui a offert à Fairouz et au théâtre
des Rahbani, une note de fraîcheur extraordinaire. Il a
accompagné Fairouz et les Frères dès leurs débuts dans
les années quarante. Compositeur prolixe, plus de deux
mille chansons dont les plus belles, une centaine, qu’il a
proposées à Fairouz. Des compositions marquantes qui
ont enrichi le répertoire de Fairouz et d’autres noms
prestigieux du paysage artistique. Les chansons, composées
par Philémon à Fairouz, étaient les plus belles qu’il n’ait
jamais composées. Elles ont ajouté cette dimension de

67
jovialité (Tarab, enchantement), spécifique dont lui seul
avait le secret et le talent.
Voilà une énumération succincte, citée en exemple, de
ces chansons qui ont introduit dans l’univers de Fairouz
une touche de simplicité et de fraîcheur :
1. Ya Emmi dawlabni al-hawâ (ô, maman l’amour m’affole)
‫يا امي دولبني‬
2. Ana khawfi min ‘atm el-layl (j’ai peur de l’obscurité)
‫انا خويف من عتم الليل‬
3. Ya dâra douri fîna (ô Terre fais-nous danser la ronde)
‫يا دارة دوري فينا‬
4. Ya Mirsal Al-marâsîl (ô maître des messages) ‫يا مرسال املراسيل‬
5. Fayek ya hawâ (Amour ! souviens-toi.) ‫فايق يا هوى‬
6. Ya Karm el-’alâlali (ô vigne des côteaux élevés)
‫يا كرم العاليل‬
7. Min‘eizzi al nawm (tu m’arraches au plus doux sommeil)
‫من عز النوم‬
8. Tiri ya tiyara tiri ( virevolte cerf-volant) ‫طريي يا طيارة‬
9. ‘ala jisr al-lawziyyeh (Sur le pont de Lawzieh)
‫عىل جرس اللوزية‬
10. Waraqu al’asfar le feuillage doré de l’automne
(‫) ورقو األصفر شهر ايلول‬
11. Yarayt mennoun (Que n’ai-je tendu les mains !)
‫يا ريت منن‬
12. Zahret al-janûb (fleur du Sud) ‫زهرة الجنوب‬

68
13. Tle’eli el-beki (Je n’ai pas pu retenir mes larmes)
‫طلعيل البكي‬
14. Bilayl w sheti (La nuit, l’hiver) ‫بليل وشتي‬
15. Sawa rbîna (Nous avons grandi ensemble) ‫سوا ربينا‬
16. ‘Eswaret el-‘ârous (le bracelet de la mariée) ‫اسوارة العروس‬
17. Jayibli salâm (il m’apporte la bonne nouvelle ‫)جايييل سالم‬
ّ )
18. Sayf ya sayf (Au règne de l’été) (‫صيف صيف‬
19. Layliyyeh bterje’ ya layl (tu arrives chaque nuit)
(‫)ليلية برتجع يا ليل‬
20. Asâmîna (Nos noms ‫) اسامينا‬

Parmi les compositeurs, on peut citer aussi, l’exceptionnel


Zaki Nassif (1916 – 2004), très bon spécialiste de la
musique folklorique, qui a écrit ses lettres de noblesse au
sein de la musique libanaise et dont les contributions à l’œuvre
de Fairouz étaient, tout aussi importantes, en particulier
après la séparation de Fairouz et Assy. Compositeur prolixe.
Il a enrichi le répertoire de beaucoup de grands chanteurs.
On ne peut non plus oublier, un autre « monstre sacré »
de la chanson libanaise, un autre « Notre Ambassadeur
aux étoiles », l’illustre Wadih ‘Assafi (1921 – 2014),
dont les contributions à l’œuvre de Fairouz et des Frères
Rahbani, étaient grandioses, mémorables. (Je lui consacrerai
une recherche spécifique, tellement sa valeur et ses apports
étaient décisifs pour la musique libanaise).

69
Et ne pas oublier le petit frère, mais le grand musicien
Elias Rahbani (1938 – 2021), qui vient de disparaître et
dont les contributions étaient tout aussi valeureuses,
raffinées et enrichissantes que celles de ses aînés. Un
musicien hors pair, abondant par son apport à la musique
libanaise et celle de Fairouz en particulier, par ses mélodies
qui se sont intégrées à notre patrimoine musical national.
Citons aussi Boghos Gélalian (1927 – 2011) ce soldat
inconnu qui joua un rôle important dans l’organisation de
l’orchestre et dans la maitrise de l’art créatif des arrangements
musicaux qui ont caractérisé la chanson rahbanienne.
Difficile aussi, d’oublier le compositeur syrien Mohammad
Mohsen (1922-2007), le grand chanteur Nasri Shamsddine
(1927 – 1983), Houda (1944 - ….), la sœur de Fairouz et
bien d’autres, qu’il serait long d’énumérer.
Le poète Michel Trad (1912 – 1998), ainsi que le poète
Joseph Harb (1944 – 2014), et bien d’autres…….
Comme je voudrais attirer l’attention sur la foule des
anonymes, musiciens de talent, ayant participé à l’orchestre
de Fairouz et des Rahbani. Des instrumentistes de valeur
exceptionnels, qui avaient mis la main au succès de l’œuvre
de Fairouz. Ce sont ceux-là qui avait assumé la mission
de servir la musique libanaise et n’avaient pas à envier à
leurs émules des meilleurs formations orchestrales au
Moyen-Orient.

70
Chapitre III

Textes et poèmes choisis


Mis en musique et interprétés
Par Fairouz

La Fleur des villes…‫زهرة املدائن‬


Paroles et mélodie : frères Rahbani
Chant : Fairouz
Traduction : Z. Chebby & E. Achkar

C’est en ta faveur que je prie Ô Cité des prières


En ta faveur de tes admirables demeures
Ô fleur épanouie entre toutes les villes
Ô Qods foyer de toutes les prières
Vers toi chaque jour nos regards se tendent
Pour arpenter les couloirs des temples
Embrasser les anciennes églises
Essuyer la tristesse des mosquées
Ô nuit de l’ascension, voie de ceux qui ont gagné les cieux
Vers toi chaque jour nos regards se tendent et prient
L’enfant et Marie sa mère dans la crêche
Deux visages pleurent
Ceux jetés dans l’errance
Les enfants spoliés de leurs maisons
Les résistants martyrs tombés sur les seuils
La paix anéantie au terroir de la paix

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La justice abattue sur les seuils
Dès que la cité Qods est tombée
L’amour s’est retiré et la guerre a régné au cœur du monde
L’enfant et Marie sa mère dans la crèche
Deux visages pleurent
L’intense colère arrive et la foi me renforce
L’intense colère arrive je survolerai les chagrins
De partout l’intense colère arrive
Sur les étalons d’apocalypse
Et comme l’infini de la face de Dieu
Cela est à venir et adviendra
La porte de notre cité ne sera pas close
Je m’apprête à aller prier
Je frapperai à toutes les portes
J’ouvrirai larges ces portes
Et de tes eaux bénies je laverai mon visage
Ô fleuve du Jourdain
Et de tes eaux nous effacerons les pas de la barbarie
De partout l’intense colère arrive
Sur les étalons d’apocalypse
Elle vaincra l’insolente puissance
La maison sacrée est nôtre et Qods est nôtre
Et nos mains restaureront la splendeur de Qods
Par nos mains la paix de nouveaux y régnera
Nos mains tiennent pour Qods la promesse de paix

Cette chanson sonne les accents d’une prière où vibrent la


ferveur de la supplique et l’amertume d’une infinie tristesse
et d’une émotion contagieuse. Il s’agit d’un lieu qui colle à
l’histoire du monde, ayant été depuis les temps les plus reculés,

72
la scène des miracles, de l’extrême violence destructrice,
comme des prophéties pérennes. Réclamée en vénération
par les trois religions monothéistes, son histoire recèle les
plus graves déchirements et les conflits les plus sanglants.
Cette dimension dramatique fait de cette cité, un symbole
de vénération et de piété. Le vœu d’une sincérité indubitable,
s’inscrit dans les intonations de la voix et dans les méandres
de la modulation harmonique. L’idéalisme utopique laisse
entrevoir l’espérance que la vénération dont elle est l’objet,
puisse fonder l’espoir inextinguible de sa reconnaissance
comme partie intégrante du patrimoine universel, digne de
la valeur des hommes exceptionnels qui l’ont parcouru et
qui ont laissé les reliques d’un âge exceptionnel d’un
rapprochement entre les créatures et le créateur.
Ecouter cette chanson nous met d’emblée, dans une émotion
révoltée et pathétique dont la vertu moralisante dépasse, par
son ascension, tout discours tendancieux et rappelle l’idéal
de réconciliation et de paix.
Il est indéniable, que la production brillante d’une telle
chanson atteste de la nécessité d’une sagesse, dont l’humanité
a bien besoin, mais n’hésite pas à trahir l’éruption d’une
colère logique dont la vérité, l’authenticité et la légitimité
d’un sentiment qui grandit ceux qui le partagent. Un cri
d’alarme qui tend à réveiller les consciences à l’essentiel
de ce qui rapproche les hommes dans une fraternité qui
ne tolère pas l’abjection et la laideur qui entachent la
douloureuse histoire de cette ville.

73
Paroles : Gibran Kh. GIBRAN
Musique : frères Rahbani
Traduction : Z. Chebbi & E. Achkar
Donne-moi le ney et chante ‫أعطني الناي وغن‬
('Â'tinï al-nâya wa ghannï)

Est un extrait d’un long poème de l’écrivain, poète et


philosophe libanais Khalil Gibran (1883 – 1931), de la dernière
partie de son recueil ’Al-Mawâkib (Les Processions paru en
1919), mis en musique par le compositeur libanais Najib
Hankash(1) (1899 – 1979) qui, en choisissant le maqâm
Nahawand (un mode qui reflète douceur et mélancolie),
s’emploie avec brio, à illustrer un état d’âme, une atmosphère,
une ambiance, autrement dit, les fulgurances poétiques de
Gibran et leur intimité avec la musique et en dialogue
avec la nature, Fairouz les interprète en les habillant de
chatoyante et langoureuse mélodie, sa voix magique
opérant un travestissement des paroles du poème jusqu’à une
altitude qui leur confère une présence active et pénétrante :

Donne-moi le Ney et entonne la chanson


Le chant recueille le mystère de l’existence
Les lentes lamentations de la flûte demeurent
Après que tout ce qui existe ne touche sa fin

Donne-moi le Ney et entonne la chanson


Le chant recueille le secret de l’immortalité

(1) Nagib Hankash (1899 – 1979), journaliste, poète et compositeur libanais.

74
Les lentes lamentations de la flûte demeurent
Après la fin présagée de tout ce qui existe

As-tu élu comme-moi


La forêt comme demeure,
Au lieu des luxueux palais
Pour suivre les méandres des ruisseaux
Et grimpant lestement aux abrupts rochers ?
T'es-tu baigné dans les effluves d’arômes ?
Et patienté à te sécher par la lumière ?
Et as-tu dégusté l'aurore en gorgées de vin
Dans des coupes cristallines ?
T'es-tu assis, comme moi le soir?
Aux abords des vignobles et des treilles
Où se balancent les lourdes grappes
En brillantes lueurs de lustres dorés ?
T'es-tu étendu, la nuit, sur l'herbe ?
Et t'es-tu drapé la voute céleste ?
Indifférent à ce qui va advenir
Oubliant ce qui s’est passé

Donne-moi le Ney et entonne la chanson


Des cœurs, le chant n’est-il pas le diapason
Les longues lamentations par le Ney lâchées
Résonneront bien au-delà l’abandon des péchés
Donne-moi le Ney et entonne la chanson
Détourne-toi des douleurs, balaie les remèdes

L'homme n'est qu'une pâle ébauche aquarelle, des signes


d’écriture tracées à l’eau.

75
Sakana al-Laylu (La nuit se calme)
Paroles : Gibran Kh. GIBRAN
Musique : frères Rahbani
Traduction : Z. Chebbi & E. Achkar

Cette chanson qui est un poème de Khalil Gibran(1) extrait


de son recueil al-Mawâkib (Les Processions)(2), mis en
musique en 1967, par le fameux compositeur égyptien
Muhammad Abdel-Wahhâb (1902 – 1992), marque une date
et une étape importantes dans la carrière artistique de
Fairouz et des frères Rahbânî au fil de leur collaboration(3)
avec ce compositeur exceptionnel qui va donner à la voix
de Fairouz et à sa carrière une dimension supplémentaire,
exceptionnelle.

La nuit se calme, drapée dans sa tunique de quiétude


Où nichent les rêveries
La lune alors se lève et la myriade de ses yeux
Suit la perpétuelle rotation des jours
Suis-moi fille des prairies, allons à la rencontre
Des pampres de vigne station des amours exaltées

(1) Gibran Khalil (1864 – 1931), philosophe et poète libanais.


(2) Al-Mawâkib (Les Processions) recueil de poésie de Kh. Gibran
en arabe, paru en 1921 à New York.
(3) Cette collaboration commence au début des années soixante par
une petite chanson en dialectal libanais Shâr ba’ad shâr. Abdel-
Wahhâb s’est essayé pour la première fois (et la dernière), de sa
carrière à mette en musique une chanson en dialectal libanais.

76
Peut-être ce breuvage étanchera-t-il
La brûlure cuisante des désirs
Écoute le ruissellement des fredaines
Que rossignol parsème à travers champ
Embaumant le ciel et les collines
De parfums exquis de plantes odorantes
N’aie nulle crainte, ma belle, les étoiles
Savent garder les secrets
Et la brume nocturne qui couvre ces vignes
Abaissent un voile de pudeur sur nos secrets
N’aie pas peur, la démone des Djinns
S’est enfermée dans sa maudite grotte
S’est affalée dans le sommeil de l’ivresse
Incapable de troubler les yeux des belles
Et si même le roi des djinns venait à roder
Pliant sous le poids des appétits
Pareil à moi, il est pris de passion
Et jamais n’avouera sa souffrance

Commentaire
Limité par le temps de la chanson, qui ne dépasse pas les
dix minutes, conception rahbanienne oblige, et connaissant
les capacités exceptionnelles de la voix de Fairouz,
Abdel-Wahhâb, qui ne connait Gibran qu’à travers son
œuvre poétique, mise dans ce poème, davantage sur
« l'expressivité que sur le tarab(1)». L’introduction musicale

(1) Enchantement, satisfaction, un style de chant, lent, créé par un climat


psychologique, qui mène à une forme d’extase, à une jubilation.

77
est moins importante en durée que celles auxquelles
Wahhâb nous a habitués.
La chanson, connue sous le titre « Sakana al-layl » (La
nuit se calme), est mise en musique en maqâm (mode)
Kord hussaynî. Un mode doux qui prépare l’auditoire à
entrer en douceur dans le monde mystérieux du poète.
Abdel-Wahhâb décèle avec brio la passion de Gibran
pour la nature et traduit en musique cette harmonie que
cette nature engendre, déploie et qui fait régner une
symbiose entre les différents éléments qui participent de
la même dynamique.

Observation
Depuis l’antiquité la plus reculée, la nuit est le temps
du repos des repas, des ripailles, voire-même des soirées
érotiques sacrées (Ishtar, Aphrodite, Venus). On ne voyage
pas la nuit, sauf motivation de fuite ou de razzia. La nuit
est excitante. C’est le temps de la peur, des menaces, des
insomnies, des trahisons, des cauchemars. Le terme de la
nuit, plus que d’autre, offre une délectation à l’oiseau de
nuit qu’est souvent le poète, qui aime se lover dans la
cape de l’obscurité et naviguer entre les infinis ailleurs et
les délicieux ici et maintenant.
Comme pour tous les poètes de tradition romantique,
spiritualiste, naturaliste, Gibran Khalil Gibran affectionne
les symboles de haute signification souvent puisés dans
l’environnement naturel. Ces symboles, par leur simplicité

78
et immédiateté installent un souffle, une température et
un éclairage. La nuit est assimilée au temps des rencontres
intimes, des cajoleries chuchotées par les menus phénomènes
sonores ou visuelles. Un dialogue furtif s’installe entre le
poète qui courtise la dame nature, s’inspire de son souffle
parfumé inépuisable, et entre sa bien-aimée. Le poème
introduit un climat, une atmosphère animée par une
multitude de créatures réelles ou imaginaires, de signes
imperceptibles sous le voile de la pudeur nocturne et des
brumes érotisées. Et voici le miracle qui se saisit de ce
poème-monde pour le faire vibrer dans les intonations
d’une voix aussi riche de couleurs et de brillance que
celle de Fairouz.

Figure 4 - Mohammad Abdel-Wahhâb chez les


Rahbani début années 1960

79
L’amour ‫املحبة‬
Paroles : Gibran Kh. GIBRAN
Musique : frères Rahbani
Traduction : Z. Chebbi & E. Achkar

Les paroles de cette magnifique ‘symphonie’ poétique


rahbanienne sont tirées du Prophète de Khalil Gibran,
paru en 1923 et que l’auteur considérait comme « la
signature de toute une vie ».
C’est la quintessence de la pensée gibranienne. Un
texte fort, qui reflète une tendance à l’imitation des textes
sacrés, rédigé dans un style de prose poétique qui résume
toute la pensée philosophique de Gibran, le poète,
l’écrivain et le philosophe.
En 1919, il écrit à May Ziadé, disant de son livre :
« C’est un ouvrage auquel je pense depuis mille ans ».
« L’ouvrage d’une vie pour lequel, j’ai sculpté et aligné
chaque pierre ».
Les Rahbani réussissent avec excellence, à mettre en
musique ces extraits qui sont de la prose poétique et non
pas de la poésie. Ce n’est pas un procédé fréquent. Et
pourtant, en excellente intelligence, leur mise en musique
s’harmonise avec réussite et valorise les scènes visuelles
que déploie le texte. Gibran mérite amplement de voir ses
paroles prendre des ailes dans cette voix aussi libanaise
que la triangulation magique des trois rameaux de cèdre
que sont ; Gibran, Rahbani et Fairouz. Par un effet d’osmose,

80
l’embrassade de la voix, de la musique et du poème atteint
un niveau supérieur et acquiert la capacité irrésistible de
toucher les cœurs et d’enchanter les esprits.
***
Al-Mustafa, l’élu, le bien-aimé, cette aube qui poignait
à l’éclosion de son propre jour, attendait toujours le
retour de son vaisseau dans la cité d’Orphalèse….
Lors de la douzième année, au septième jour d’Ayloul
(septembre), mois des moissons, il gravit l’une des collines
et porta son regard vers la mer ; et il aperçut son vaisseau
voguer…..il pria dans les silences de son âme …et pensa
alors en son cœur :
Comment pourrais-je quitter, en paix, cette cité et
prendre la mer sans regret ?
Et lorsqu’il pénétra dans la cité, il fut accueilli par une
foule fervente qui le clamait :
Ne nous quitte pas.
L’amour ne connaît sa véritable profondeur qu’à l’instant
de la séparation.
***
Et en ce moment-là, Atmitra dit : parlez-nous de l’Amour.
Et il répondit :
Si l’amour vous fait signe, suivez-le,
Et lorsque ses ailes vous étreignent, obéissez-lui,
Et s’il vous adresse la parole, croyez-le,

81
L’amour…. vous enlace contre son cœur, comme des
brassées de blé,
L’amour…. vous ratisse sur ses collines, pour vous
mettre à nu,
L’amour….vous moud jusqu'à ce que vous soyez purs
comme neige.
Puis, il vous livre à son feu vénéré, pour que vous
deveniez le pain sacré servi pour le saint festin de Dieu.
***
L’amour ne donne que de lui-même et ne prend rien
que de lui-même,
L’amour ne possède rien, et ne consent point à être
possédé,
Car l’Amour suffit à l’amour.
***
Et Almitra parla de nouveau, et dit, parle-nous du
mariage,
Et il répondit :
Vous êtes venus ensemble au monde et vous resterez
toujours ensemble jusque dans la silencieuse mémoire de
Dieu,
Et ensemble vous resterez, jusqu’à ce que la mort de
ses ailes blanches, dispersera vos jours,
Soyez joyeux…chantonnez votre bonheur, mais laissez

82
entre vous un peu d’espace pour que les vents du ciel
dansent entre vous.
Et puis une autre femme lui dit, Parlez-nous des enfants,
et il répondit :
Vos enfants ne sont pas à vous, ils sont les enfants de la
vie,
Et la vie ne s’attarde pas dans les demeures d’hier….
***
Et lorsque tomba le soir…il mit pieds sur le vaisseau et
dit :
Adieu ! Enfants d'Orphalèse,
Les vents m'ordonnent de vous quitter, mais je reviendrai,
vers vous de nouveau.
Il fit signe…et les marins levèrent l'ancre et le vaisseau
se dirigea vers le Levant.
***
Mais toi, si d’aventure, tu aimes, ne dis pas :
« Dieu est en mon cœur ››, mais dis plutôt, « je suis
dans le cœur de Dieu ››.
***
Fairouz et les Rahbani, en excellente intelligence, leur
goût s’harmonise avec réussite et valorise les scènes
visuelles que déploie le poème.
L’art de Fairouz, au-delà de la beauté singulière de sa

83
voix, atteste un test artistique exceptionnel et une louable
tendresse qui pourrait lui valoir d’être admise sous le
signe de musicothérapie.
Personne, même les non-arabophones, ne peut rester
indifférent à la contagion de la beauté et de l’amour qui
se dégage de cette divine voix telle la sincère piété d’une
prière.

Figure 5 - Fairouz et Gibran (source inconnu)

84
Je chante la Mecque ‫غنيت مكة‬
Paroles : Saîd Akl
Composition : Fr. Rahbani
Chant : Fairouz
Traduction : Zouzi Chebbi

J’ai par le chant célébré la Mecque


Devant son peuple vaillant
La fête emplissait ma poitrine
D’allégresse festive
Par le nom du seigneur des mondes
Blotties autour du lieu de la sagesse
Leurs demeures scintillent telles des météores
Bénis de ta prière psalmodiant le Coran
Les miens y vivent en liesse
Et celui qui se prosterne les mains tendues
La porte ne restera pas close
Tout le monde a vu comme moi
Le ciel prodiguer ses bienfaits
Si la dune acclame son génial créateur
Je serai l’instrument de ses couplets
Les pèlerins se pressent et leur rumeur
Se nouent à mes chansons à l’unisson
Le seigneur honore ses humains
Qu’ils soient blancs ou noirs
Il n’est de terre aride que tu n’aie rendue féconde
Le parfum en offrande exulté par la buche
La terre s’offre en promesse à ton vouloir
Etanche sa soif de ta clémence
La beauté de ta face demeure notre espérance
Et rien d’autre ne peut la remplacer

85
Nous retournerons un jour ..... ً ‫سنرجع يوما‬
Paroles ; Haroun Hashem Rashid
Musique : Frères Rahbani
Chant : Fairouz
Traduction : Zouzi Chebbi

Nous retournerons un jour à notre quartier


Nous noyer dans la chaleur des espérances
Nous retournerons quel soit le temps qui fuit
Et aussi lointaines que soient les distances qui nous séparent
Patience mon cœur
Ne te lance pas exténué, sur le chemin de retour
Comment tolérer que retournent les oiseaux migrateurs
Alors que nous restons cloués là où nous sommes
Là-bas où les collines se suivent
Dorment et se réveillent à notre souvenir
Des villages aux mimosas, à perte de vue
Se penchent vers l’eau
Tandis qu’à leurs ombres les fleurs happent
La brise de calme et la pureté de l’espérance
Nous retournons, le rossignol m’en a porté la novelle
À notre rencontre dans les collines
Que les oiseaux qui demeurent là-bas
Se nourrissent de nos poèmes
Que la nostalgie imprègne les montagnes
Notre place est parmi les nostalgiques
Nous retournerons un jour à notre quartier

86
Note
Associant la foi naïve et la promesse au projet de veiller « à
la recherche des temps perdus », du « paradis perdu », elle
s’adresse aux générations futures comme pour affirmer
l’importance de ne jamais, perdre l’espérance de voir se
rétablir la justice pour chacun de revendiquer le bonheur d’une
enfance innocente et désireuse de voir se rétablir ce qui
donne valeur à la vie et à une conception d’hygiène politique.

Ne me demandez (Lâ tas’alûnî…) ...‫ال تسـألوني‬


Paroles : Nizar Qabbanî
Musique : frères Rahbani
Chant : Fairouz
Traduction : Zouzi CHEBBY

Ne me demandez pas de divulguer le nom de mon bien-aimé


Je crains que les effluves des parfums ne vous submergent
Je vous jure que si j’en avouais la moindre lettre
Les lilas s’entasseraient dans les chemins
Ne le cherchez pas ici dans le secret de mon giron
Je l’ai laissé se fondre dans les lueurs du crépuscule
Vous l’apercevrez dans le reflet des rigoles
Dans les battements d’ailes du papillon coquin
Dans la mer et dans la brume des pâturages
Et dans le gazouillis de tous les rossignols
Des charmes que n’embrasse aucun livre
Et auxquels ne prétend la plume d’aucun écrivain
Cela devrait vous suffire
Je ne divulguerai jamais le nom de mon bien-aimé

87
Pastorale (Akbala el-sobhu yughanni)
Paroles : Abou Qacem El-CHEBBI (Février 1933)
Musique frères Rahbani
Chant : Fairouz
Traduction : Mohamed H-Z Chebbi

Le matin s’est levé en chantant ‫الصبح ُ ﱢ‬


‫يغني‬ َ َ َْ
ُ ْ ‫أقبل ﱡ‬
À la vie ensommeillée
Les collines rêvent à l'ombre des branches
Qui se balancent
Les pétales de fleurs desséchées
La clarté pénètre doucement
Au fond de gorges obscures
Le matin s’est levé splendide
Son bel éclat rempli l'horizon
Les fleurs, les oiseaux et les vagues
S’étirent et s’animent
L’univers vivant se réveille
L’univers vivant chante à la vie
Debout mes moutons, venez mes brebis
Suivez-moi parmi les volées d'oiseaux
Remplissez la vallée de vos appels joyeux
Écoutez les chuchotements des rigoles
Respirez le parfum des fleurs
Regardez la vallée que recouvrent
Les brouillards étincelants
Et quand nous serons arrivés aux bois
Quand nous serons cachés sous les arbres
Broutez à votre guise

88
L’herbe, les fleurs et fruits
Allaités par la lumière du soleil
Nourris par la clarté de la lune
Gorgée de rosé matinale
Jouez à votre guise au creux des vallées
Aux dessus des collines
Reposez-vous à l'ombre généreuse
Si vous craignez la fatigue
Mastiquez l'herbe et les songes
Dans le silence de l’ombre
Écoutez chanter le vent
À travers les montagnes
Dans les bois poussent des fleurs
Des herbes délicieuses
Les abeilles s’y activent
En joyeux bourdonnements
Leur parfum n’à point été souillé
Par l’haleine des loups
Aucun renard ne les a piétinées
Dans les bois il y a un doux parfum
Une paix magique et de l'ombre
Une légère brise enchanteresse
Des branches où dansent la lumière et la beauté
Une verdure perpétuelle
Que même les nuits n'effacent pas
Et lorsque les ombres des herbes frêles
Se seront allongées
Nous prendrons le chemin du retour
Vers la quiétude du quartier

89
Chapitre IV

Si Fairouz se racontait

« FAYRUZ se tait un instant, puis elle murmure : “ tout


ce que je peux dire est en deçà de la réalité ».
Cette femme belle, plus belle, au visage mystérieux et
tragique, a toujours su cela d’instinct. Le verbe est l’ennemi,
le verbe est l’ami.
Elle n’avait jamais ou presque, accepté une interview.
Elle n’est pas très loquace. Elle fuit les interviews et les
journalistes, fuyant la presse comme la peste.
On connait pratiquement tout sur elle, sa famille et sa
carrière, mais elle s’est rarement dévoilée, parce qu’elle
est réservée, timide, discrète. Mais on a pu, quand même,
lors de ses rares interviews, retenir quelques détails. Et
« l’écouter parler c’est aussi magique que lorsqu’on
l’écoute chanter ». Il y a de la sincérité, de la simplicité,
elle est majestueuse même quand elle est silencieuse……
Ci-après, quelques déclarations intimes qui valent le
détour et qui donnent une idée du parcours exceptionnel
de cette grande dame.
Elle raconte lors d’une interview pour autant qu’elle
s’en souvienne. Elle dit :

90
La famille était pauvre tout en insistant sur le fait que
leur vie était parfaitement heureuse et qu’ils n’étaient en
manque de rien. Et dans leur petit foyer composé d’une
seule chambre, dans Zukak el-blat, elle se remémore
également qu’elle se tenait souvent dans la cuisine où
elle chantait par-dessus les chansons diffusées par les
postes de radio du voisinage : j’aimais beaucoup chanter
les chansons d’Asmahan et de Layla Mourad.
« Quand vous regardez le Liban maintenant, vous
voyez qu’il ne ressemble pas au Liban que je chante,
donc quand il nous manque, nous le cherchons à travers
les chansons, » la diva a déclaré au New York Times.

« Si vous regardez mon visage pendant que je chante,


vous verrez que je ne suis pas là, je ne suis pas dans la
place, « Je sens que l’art est comme la prière. » dit-elle
au New York Times dans une rare interview.

Frédéric Mitterrand, ancien ministre de la Culture et de


la Communication, homme de cinéma, de télévision et de
radio, a réalisé en 1990 un documentaire évoquant le
parcours de Feyrouz, grande diva libanaise et internationale
devant l'éternel. Son choix de ce personnage emblématique
témoigne de son admiration effrénée pour la chanteuse.
En choisissant comme point de départ de ce film de 60
minutes le concert à l'Olympia de 1979, où la diva fait, en
gros plan, un aveu d'amour à son pays meurtri, « Bhibbak
ya Loubnan », Mitterrand le fan donne la note.

91
C’est surtout dans ce document célèbre où on voit et
entend la diva se dévoiler et raconter des détails que l’on
entend, donner à lire et à voir pour la première fois.
Elle raconte ses débuts, sa relation avec les frères
Rahbani, les leçons et la formation qu’elle avait acquises
auprès de son défunt mari. Elle a reçu auprès de Assy,
son mari, une formation qui a pesé grandement, sur son
parcours artistique. Elle dit :
Assi était très créatif et j'étais très réceptive. Nous avons
vécu une vie très recluse et avons eu très peu de relations
sociales. Notre travail était toute notre vie. Nous avons
travaillé jour et nuit. Mon art était ma vie. L'autre vie, la
vraie vie, me semblait fausse. Notre relation, nos familles et
notre mariage étaient peut-être ce dont nous avions besoin
pour travailler sur notre art 24 heures par jour.
Assi était très exigeant, très dur. Et c'était important
pour moi. Je suis le produit de cette période laborieuse.
Chaque nouvelle étape que je devais franchir, me faisait
peur. Je pensais à chaque fois, que j'allais échouer. Mais
Assi insistait. Il sentait que j'étais capable, même si je
n'en étais pas consciente moi-même, d'endosser le rôle
auquel il me destinait.
Rien de ce que j'ai fait n'était de mon choix. Tous les
choix lui appartenaient. J'avais toujours peur, j'essayais
parfois de m’opposer, mais il était impossible de lui faire
changer d'avis. Il n'avait pas besoin de mon avis.

92
Nous étions en train, de créer un nouveau style de
musique, une nouvelle vague qui allait aux antipodes du
style existant. Ils (les gens) ne nous aimaient pas du tout.
Mais cela n'a pas duré longtemps. Nous étions tellement
déterminés que nous nous moquions de ce que les gens
disaient de nous. Nous avons juste continué, persévéré.
Frédéric Mitterrand : Qui dirigeait vraiment le trio?
Fayrouz se retire derrière la mémoire d'Assi, et Mansour
disait que c'était Fayrouz. Ils étaient inséparables d’une
inspiration illimitée et nous étions heureux d'être ensemble
pour construire le nouveau style et le mener à bon port.
Travailler, travailler…. On travaillait, on ne comptait
pas les heures, parfois, si on n’ouvrait pas la fenêtre, on
ne se rendait pas compte que le jour s’est levé.
Nous ne savions jamais à quelle heure nous allions
quitter le studio. Quand nous travaillions, le temps n'avait
pas d'importance. C'était comme ça pendant des années.
Avoir Assy et Mansour à mes côtés me facilitaient les
choses…….

Lors de son retour sur scène en septembre 1994, après 18


ans de silence, pour une soirée(1) mémorable, organisée
au centre-ville de Beyrouth et qui a réuni 50 000

(1) « Une foule immense avait empli l'esplanade. Des milliers de


personnes se pressaient de l'autre côté des palissades. Une nuit
étrange pouvait commencer, au beau milieu des décombres du
centre-ville de Beyrouth, juste à côté de la place des Martyrs,
presque sur l'ancienne ligne de démarcation. » L’EPRESS Par
Jacques Girardon ; publié le 29/09/1994.

93
personnes, venus de tous les coins du pays et même pour
beaucoup de l’étranger pour fêter avec elle, la paix et
la renaissance du nouveau Liban. Dépassée par ces
retrouvailles qu'elle avait tant désirées et auxquelles les
Libanais avaient toujours répondu présents au-delà de ses
espérances, elle déclare :
« Tous ces sentiments mêlés : le souvenir de la perte de
personnes chères, de la guerre. Tout ce que j'ai ressenti
au cours de ce concert n'a pas encore décanté », dit-elle,
dans une interview, à l’EXPRESS, publiée le 29/09/1994
« La chose la plus importante, raconte-t-elle, c'est que
la guerre soit terminée et que les gens vont pouvoir se
rencontrer. Cela prendra du temps, bien sûr ».
Et d’affirmer, toujours dans cette interview, que l'on
marche toujours en partant de son passé :
« Les choses se renouvellent, recommencent sous d'autres
formes. La vie va continuer. La ville va revivre. Toute
ville connaît des hauts et des bas avant d'arriver à la plus
grande beauté. Cela prend du temps. ».
Et en riant elle rajoute :
« L’art aide à rêver. Et, pour réussir, il faut rêver très fort.
C'est ça, l'importance de l’art : forcer les gens à espérer, à
croire que cela devient possible. L'art, c'est comme la foi. ».
« Les pays sont à l'image des êtres, dit-elle. Avec certains,
le temps paraît long ; avec d'autres, il est toujours trop
court. Pour moi, le Liban est seulement un pays plus
magique que les autres. »

94
« Dans tous les rôles que j’ai joués, il y avait là-
dedans une partie de moi»…..« Je crois que je n’ai joué
un rôle dans le sens traditionnel (du jeu théâtral). Assi
écrivait des rôles qui me ressemblaient et reflétaient
quelque chose de moi » (Oras Makhlouf, Shaza Magazine,
décembre 1987).

Quand tant de grands, Hussein roi de Jordanie, et Hassan


II, souverain du Maroc, Sadat le Rais et tant d’autres la
supplièrent de venir s’abriter dans de somptueux refuges,
et malgré ces suppliques, elle n’a jamais déserté :
« Il m’était impossible de penser que je pouvais partir.
C’était de la folie. Cela aurait été pire que la peur. » Et
pourtant avouera-t-elle, « au fond de moi, parfois j’étais
morte de peur. » Comme à l’entrée sur scène, où, dit-elle,
« mon cœur souvent chute et me tombe dans la main. »
« Il y a différentes formes d’amour. Il y a des êtres qui
ont une telle foi, de telles racines, que s’ils le quittaient,
ce pays ne serait plus le même. Leur présence n’arrête
pas la guerre. Et elle arrête la guerre. La présence de
l’être humain est vitale, même s’il est contraint au
silence. Les histoires des grandes amours sont devenues
rares ici, mais elles sont encore la base de l’amour. »
Et quand on lui rappelle son identité chrétienne et
qu’elle chante dans les églises à l’occasion des fêtes
religieuses, elle se révolte en répondant :
« Ce n’est pas important. Je suis libanaise. Je me
refuse à cette optique confessionnelle. C’est laid et cela

95
rétrécit les choses. Cette guerre n’était pas normale, elle
était inhumaine. Des croyants ont perdu leur foi. Je chante
les causes de l’humanité et je suis avec ces causes si elles
sont nobles. Je suis contre toutes les formes d’oppression
et toute forme d’injustice. Ma voix ne demandait pas
seulement l’arrêt de la guerre, mais l’amour et l’entente
entre les hommes. » Lui fait-on remarquer que ce sont là
des sentiments fort chrétiens, la réponse vient, dans un
grand rire : « Pourquoi seulement chrétiens ? FAYROUZ
ne fut pas l’otage, parce que, dit-elle, par bonheur, toutes
les fractions m’aiment et toutes les fractions ont compris
que ma valeur est de n’appartenir à aucune fraction. »
« Je n’appartiens à personne, ou à chacun. Je suis
responsable de chaque mot que je chante : J’ai choisi cette
responsabilité mais je ne pensais pas que ce serait aussi lourd. »
Et en femme optimiste elle dit : « la fête et la joie qui
n’aimerait pas cela ? Je déteste le malheur »
« Evidemment nous avons beaucoup de fêlures. Je ne
sais si nous pourrons arrêter le sang qui coule… » Et elle
refuse cette malédiction : » Mais il est dur à fracasser ce
Liban. La paix doit venir…. L’idée de paix est déjà dans
les hommes. Le pays n’est pas complètement guéri,…..
Nous devons le restituer, continuer à le chanter ce Liban
jusqu’à ce que nous le récupérions. »
Et en parlant de son public qu’elle aime autant que le
Liban, et à qui elle promet de préparer un récital à Beyrouth :
« Ce n’est pas une histoire d’amour ancienne, c’est une
histoire d’amour permanente. »…. « Ce concert, dit-elle

96
superbement, sera une déclaration de paix. ». Le Monde,
le 9 janvier 1983, propos recueillis par Pierre Georges.

« Les pays sont à l'image des êtres, dit-elle. Avec certains,


le temps paraît long ; avec d'autres, il est toujours trop court.
Pour moi, le Liban est seulement un pays plus magique que
les autres. » Même aujourd’hui ? Blessé, à demi détruit,
occupé ? « Il faut du temps, c'est comme pour la confiance :
ça ne vient pas tout de suite. Le Liban est convalescent. On
n'efface pas l'Histoire avec une gomme. Ce n'était pas un
roman que nous avons vécu ! Mais une réalité dure,
traumatisante. Il faut maintenant atteindre l'âme de chacun
afin qu'il se détende. Le but de la guerre était de semer la
haine. Il faut l'arracher. Ce sera long. » l’Express, de notre
envoyé spécial Jacques Girardon - publié le 29/09/1994

Sa vie familiale et sa vie musicale demeureront toujours


étroitement imbriquées puisqu'elle va également chanter
avec son fils aîné, Ziad, dès qu'il fait ses premières armes
musicales et qu'il deviendra son accompagnateur favori.
Non parce qu'il est son fils, mais parce « qu'il est
brillant : " Ziad est le maître de la musique de demain ",
et qu'il poursuit l'aventure novatrice du projet musical
des frères Rahbani . " Pour moi, dans l'art, il n'y a pas de
place pour les relations familiales. Lorsque nous travaillons
ensemble, Ziad est " Monsieur Ziad " pour moi et je suis "
Madame Fairouz " pour lui ", déclare-t-elle maintes fois,
quand elle parle de Ziad.

97
CE QU’ILS ONT DIT SUR FAIROUZ
TEMOIGNAGES
Muhammad Abdel-Wahhâb : (celui qu’on a appelé le
compositeur du siècle), lorsqu'on lui a demandé, courant
années 1950, dans une émission de télévision en Egypte ce
qu’il pense des voix de quelques nouveaux chanteurs et
chanteuses et entre autres, de celle de Fairouz, il omet de
parler de Fairouz. Et quand l’animateur revient à la charge,
lui rappelant qu’il a oublié de parler de celle de Fairouz, il
répond : Nous parlons des voix terrestres et non de celles
(angéliques) qui viennent du ciel !
Elias Sahab : Fairouz, était le plus grand instrument des deux
frères Rabahni. Sa voix a beaucoup apporté aux expériences
musicales d'Assy et Mansour Rabahni. Cette voix n'a pas été
seulement, capable de porter la musique des Rahbani aux
auditeurs libanais, et aux auditeurs arabes, mais même hors du
monde arabe, partout dans le monde.
Georges SCHEHADE : Fermez les yeux pour écouter
Fayrouz. Sa voix est celle des anges. On ne voit pas les anges,
mais il arrive qu’on les entende. Le ciel semble avoir oublié le
Liban. Puisse la voix de Fayrouz nous rappeler ce cher pays !
André CHEDID : une voix qui traverse nos mémoires avec sa
fraicheur de rivière, son chant clair et soutenu. Une voix sans
faille qui porte l’espoir à venir. Bienvenue à Fayrouz
Nizar QABBANI : « Fairouz c’est la plus belle chose qui nous
a été donnée. C’est un message d’amour d’une autre
planète. Tous les qualificatifs et toutes les expressions ne peuvent
la décrire parce qu’elle est la seule source de bonté en nous. »

98
Unsi AL-HAJJ : "Ma gloire n'est pas seulement que je vis à
l'époque de Fairouz, mais encore plus ; mon bonheur, c’est que
j’ai de la chance de faire partie de son public".
Mahmoud DARWISH : …… « Madame, vous possédez une
voix plus grande que nos souvenirs et notre amour pour ce Liban,
qui était un paradis. Et vous êtes devenue, non seulement,
l’Ambassadrice du Liban aux étoiles, mais aussi le symbole de ces
peuples qui refusent de mourir et qui ne mourront jamais ». Le
Chant de FAYROUZ est l'un des noms de notre identité
émotionnelle. Il est l’un de nos messages urgents au salut et aux
anges. Qu'en serait-il advenu de la poésie de notre vie si Fayrouz
n'était pas le chant de celle-ci, encore capable de désarçonner la
vie par une abondance de fleurs de Gullanar
Talal HAIDAR : Fairouz s’est isolée et les gens l’ont enfermée
dans la sainteté, dans la voix qui a façonné, le Liban, et elle a oublié
qu’elle était la clef de voûte et le parfum de la nuit.
Ahlam MOUSTAGHANMI : Cette grande dame ? par son
humanité et son art, ne portait depuis un demi-siècle, que sa voix.
Se sentant abandonnés, durant ses années de silence, on grelottait
de froid, à part, quand on écoutait quelques anciennes chansons
qui nous réchauffaient le cœur ; on aurait dit qu’elle chantait
pour nous couvrir, nous réchauffer …… »
Jack LANG : ministre de la Culture du gouvernement
français lui dit en la décorant le 13 octobre 1988 : Vous un don du
ciel, vous un don du miracle.
Et de rajouter : J’ai eu la chance de la connaître au Liban,
quand j’étais beaucoup plus jeune, à Baalbek, lorsqu’elle
chantait, au festival de Baalbek, où elle faisait trembler les
colonnes de Baalbek. Et ceux qui ont la chance de l’entendre sont

99
transformés par sa magie. Vouloir parler de FAYROUZ, c'est
presque une gageure, tant son art est divers, tant son chant,
sublime, échappe aux mots simples qui tenteraient de le définir.
Découverte en 1947 par Mohammed Fleyfel, Fayrouz, artiste
enfant de Beyrouth, unit depuis lors, à l’égal d’Oum KALSOUM
et du Machrek au Maghreb, les Arabes dans une même ferveur.
Au côté des frères Rahbani, Fayrouz marque la renaissance du
chant arabe ; fille d’une terre sillonnée par des cultures multiples,
aucune expression, aucun art, aucun tango occidentalisant ou
mawal traditionnel, ne lui est étranger. Bien plus, dans son pays
aujourd’hui déchiré, Fayrouz, pour le poète Georges Schéhadé,
pour le poète palestinien Mahamoud Darwish, reste l’unique voix
de l’espoir, le chant fragile et rare de la tolérance. Jacques Lang
Edward M. Kennedy : Senator de Massachusetts - États-
Unis, souhaite la Bienvenue, lors de sa tournée aux États-Unis
d’Amérique, en 1981 : Des milliers de Libanais-Américains
connaissent déjà votre réputation et les contributions de la culture
libanaise. Votre visite, qui présentera la culture et le folklore
libanais à des milliers d'autres, est un ajout bienvenu à la scène
culturelle américaine. ... Je vous souhaite la bienvenue dans notre
pays et notre ville. Je vous souhaite bonne chance pour votre
tournée, et je me joins à vous dans vos prières pour votre pays en
difficulté. E. K
Edward J. King Gouverneur du Massachusetts : Lors de sa
précédente visite dans le Massachusetts, Fayrouz a clairement
prouvé son statut, à la fois, comme l'une des principales Prima
Donnas au monde et comme une éloquente représentante du
peuple libanais. Nous sommes honorés et ravis de sa visite
de retour à Boston et dans notre Commonwealth. (1981)

100
Hugh J. Gallen Gouverneur du New Hampshire : Au
nom de la population de l'État du New Hampshire, je
souhaite la bienvenue aux États-Unis, à la grande
chanteuse libanaise de renommée mondiale Fayrouz. Elle
représente une culture qui a contribué et continue de
contribuer aux progrès de ce pays, de nombreuses façons.
(1981).
En mars 1994, Fairouz donne un concert à Londres qui a
attiré plus de 6600 fans. Les critiques d’art l’ont comparée à
Billie Holliday et l’ont surnommée la "Callas d’Arabie."
Fairuz est « certainement l’une des plus grandes
chanteuses arabes du 20ème siècle », Virginia Danielson,
experte en musique du Moyen-Orient, a déclaré au New
York Times en 1999 :
« Quand elle chantait, elle apparaissait comme en transe
: yeux vitrés, expression stoïque, petits sourires clignotant
rapidement sur son visage ».
Fairouz, une diva qui transcende les clivages :
Emmanuel Macron a décidé de commencer son deuxième
voyage au Liban, lundi 31 août, par une visite à la célèbre
chanteuse Fairouz. Une démarche « d’affection et
d’admiration » auprès d’une des très rares personnalités
consensuelles au pays du Cèdre. La Croix, (quotidien
français), Anne-Bénédicte Hoffner, le 01/09/2020.

101
Elias Sambar / Ecrivain,
Ambassadeur de L’autorité palestinienne auprès De
l’UNESCO - Paris

Elle fut tôt présente chez nous, au sein de ma famille,


admirée et aimée. Qualifiée de “Sawt malâ’ikî”, de “voix
angélique, céleste”, par ma mère, Fayrouz fit tôt partie du
panthéon musical de l’enfant que j’étais bercé par ses chansons
“palestiniennes“, dévolues à notre terre natale, empreintes
d’une tendresse infinie pour notre pays disparu noyé en 1948.
On ne le relève pas assez, Fayrouz et les Rahbani ont été à
l’origine d’un véritable corpus de chansons consacrées à la
Palestine et aujourd’hui encore, près de soixante-dix ans après
la Nakba, je ne peux écouter Khouzounî ila Baysân ou
Sanarji‘u yawman ila hayyina, sans que mes yeux ne larmoient.
Mais cet attrait pour l’une des grandes divas de l’Orient ne
s’arrête pas là. Nous sommes en 1957. Neuf ans sont passés
depuis notre expulsion. Réfugiés installés à Beyrouth, nos
familles ont tant bien que mal reconstitué leur réseau de
parents et d’amis réfugiés et les visites sont nombreuses chez
les uns et les autres. C’est au cours de l’une de ces visites
qu’une tante qui habitait je m’en souviens encore près des
Magasins ABC dans la rue Hamra, surgit dans son salon
brandissant un vinyle 30 cm qu’elle posa sur son tourne
disque…
Nous découvrîmes bouleversés Raji‘ûn, “Nous y retournerons”,
l’opérette des Rahbani dévolue à la lutte pour notre Retour,
notre ’Awda dans nos demeures. J’avais dix ans.

102
1993, Yasser Arafat me fait l’immense honneur de me
confier la direction de la Délégation palestinienne aux
Négociations multilatérales de paix sur la question des
Réfugiés Palestiniens.
À l’entrée de notre délégation dans la salle de conférence à
Ottawa au Canada, c’est la voix de Fayrouz dans Raji‘ûn qui
résonne en moi me ramenant à cette visite en 1957 dans un
appartement de la Rue Hamra à Beyrouth.
Trente-six ans se sont écoulés depuis, j’ai certes grandi et
mûri mais encore une fois je ne peux retenir mes larmes.

Mohamed Hassan Zouzi CHEBBI


Ecrivain, poète, philosophe

La voix, dans les Vedâ indiens, traduits et analysés par


Georges Dumézil (Apollon à Delos) se manifeste comme
une entité autonome apparentée à la figure mythologique du
héros grec ; Prométhée. La voix est une entité, une
signature, une identité, un paysage sonore. Elle est ainsi, la
voix divine en sanscrite vâk et l’entité révélatrice du secret
de la nature et de l’art. Cette transmission est un défi au
conservatisme jaloux du divin. Elle est la figure de
Prométhée révélant le secret aux humains. La voix chantée,
ou psalmodiée, a pratiquement servi dans toutes les liturgies
des cultes antiques, ainsi que dans les religions monothéistes.
La personnalité de Feyrouz (Nouhad Haddad) est un
exemple frappant de ce talent découvert un jour par hasard,
mêlé aux voix d’une chorale scolaire. Ainsi était-elle la

103
trouvaille semblable, non moins sublime à celle d’Umm
Kalthûm, issue d’un milieu modeste, paysan, très tôt
passionnée par la psalmodie du Coran avant d’atteindre le
zénith de sa majestueuse célébrité
Feyrouz est cette fleur rare qui émerge sur le flan de la
montagne du Liban. Une voix précieuse, signature unique
dans son genre, elle coule dans l’âme en myriade
d’émotions, des évasions au fil des images et à la faveur
d’une ligne mélodique fascinante. La singularité de cette
voix unique se grave dans la mémoire et fraie son chemin
dans les régions les plus sensibles et sensuelles du cœur.
Comme le visage, la voix porte un vaste paysage et installe
son auditoire à l’intérieur d’une sphère où la présence poétique,
le sens profond des paroles et la simplicité juvénile de la voix
exercent une magie irrésistible. Mais, il n’y pas que la magie
irrésistible de la voix. Le climat, le motif de la chanson, les
paroles et la mélodie ne cèdent en rien à la sincérité d’un
engagement éthique, à un message politique, à un idéal
utopique. La réussite de sa carrière a fait de Fayrouz une lumière
rayonnante qui a dépassé les frontières de son petit pays et gagné
en éclat la totalité du monde arabe et même au-delà de ses
limites linguistiques et géographiques.
Associée par cet engagement à toutes les douleurs, les
blessures, les rêves, les espoirs et les combats des palestiniens
comme de tous les opprimés qu’elle incite à la résistance.
Mais il serait incomplet de ne prendre en considération que la
qualité de la voix, du facteur musical et le contenu des
messages. Il y a derrière cette réussite un travail ardu
d’élaboration, de choix, une alchimie créatrice guidée par un

104
esprit rigoureux et enchanteur. Un autre aspect non négligeable de
l’œuvre de Fayrouz associée aux frères Rahbani, a transformé
le goût et le son de la chanson arabe admirablement associés
à des thèmes et des instruments de la musique européenne.
Ce type de métissage a pénétré subtilement les régions les
plus éloignée ; il a touché tous les âges.
Figure géante loin de la futilité éphémère des variétés,
Feyrouz a entretenu un respect scrupuleux de son art et une
réserve à hauteur de ses principes et une sorte de sacralité de sa
mission en tant qu’artiste. Nombreuses sont les chansons de
Fayrouz qui ont servi d’exercices à de nombreuses et
nombreux apprentis passionnés. Au-delà de toutes les analyses
savantes, certains phénomènes humains, tels que la voix,
demeurent un mystère entier, que seule une approche
intuitive sensible permet d’en explorer l’étendue et la
singularité. La voix humaine et la fascination qu’elle exerce
lorsqu’elle est associée aux normes de la musique fait partie
de ces réalités polymorphes de dimensions universelles.
Feyrouz, ma fameuse diva libanaise est incontestablement un
brillant météore de ces monstres sacrés dont accouchent les
cultures humaines tout au long de ses générations. Quatre
voix sublimes ont marqué mon enfance grâce au goût et
prédilection qu’avait mon père mélomane assidu qui ne se
lassait jamais d’écouter sur sa radio crachotante : Umm
Kalthûm, Mohamed Abdel Wahhab, Asmahane et Feyrouz.
C’est la voix extraordinairement douce et pénétrante de Feyrouz
qui possédait une telle puissance à tatouer d’une saveur rare,
suave, irrésistible, la surface sans rides de l’affect humain.
Subjectivement, accueillir la voix de Fairouz vous

105
embarque au rythme des vents et au balancement de la
houle, alternant l’intensité, le rythme pressé aux périodes
lentes presque chuchotées donnant à sa chanson un corps
d’une splendeur de chorégraphe.
Son répertoire puise généreusement dans les modes
traditionnels du folklore libanais ainsi que dans les virtuosités de
la musique savante. On peut dire, que Fairouz a réalisé tout au
long de sa longue carrière, un langage et un modèle qui lui sont
propres avec l’originalité d’être ouvert à tous les talents en
herbe. Cette frêle silhouette de madone, dont la beauté et la
tendre féminité, ses traits fins de l’orientale phénicienne, est à
coup sûr, une éblouissante séduction, une image idéalisée par
l’innombrable auditoire qui l’intronise à la hauteur de sa
dignité comme princesse du Cèdre.
L’évocation, le souvenir, la présence de la voix de Fairouz
sont une hantise méditative, simplicité de rêverie que pourra
avouer fans hésitation un très grand nombre d’auditeurs sur tous
les continents de notre planète. Il est inutile de multiplier les
rhétoriques de la plate louange, mais de prendre conscience à
travers l’exemple de Fairouz, du rapport complexe et des
attaches subtiles qui jalonnent notre mémoire et dont les acteurs
sont d’évidence, ces figures familières, ces contextes entrainants,
ces intimités amoureuses avec une voix. Si Dieu nous a parlé par
la langue historique de ses prophètes, il ne serait pas étonnant
qu’il s’adresse à nous par l’intelligence universelle des voix
aussi mystérieuses de certaines de ses créatures, comme Fairouz.
La singularité de sa voix unique se grave dans ma
mémoire et fraie son chemin dans les régions sensibles et
sensuelles du cœur.

106
Abdallah Naaman
Ancien diplomate, écrivain.

L’icône du Levant
Lorsque Jack Lang décide de décorer Fayrouz, après sa
brillante prestation à l’Olympia en 1979, il me demande
de lui fournir les éléments biographiques pour agrémenter
son discours qu’il se propose de réserver à la diva du
Levant, et dont il s’acquitte avec une élégance remarquée.
J’ai connu le ministre de la Culture à l’Université de
Nancy, où il était alors maître assistant de droit, et où
j’étais assistant de littérature et de linguistique arabe.
Cela remonte à 1969. Puis, le retrouvant à Paris, président
de l’Institut du Monde Arabe, et me souvenant de son
discours dithyrambique, je lui rappelle son amical geste à
l’égard de ma grande compatriote, devenue l’icône de la
chanson arabe, reconnue, adulée et fêtée dans toutes les
capitales arabes et en outre-mer.
Une décennie après avoir vécu son triomphe de 1’Olympia,
où seule Umm Kulthûm a déclenché une émeute, j’assiste
ému à son sacre de Bercy, le 16 octobre 1988, où, plus de
quinze mille fans se bousculent au guichet. Pour le deuxième
méga-concert parisien de sa carrière, le spectacle est
grandiose, les places s’arrachent au marché noir et certains
admirateurs se déplacent de Bruxelles, de Londres ou de
Rome pour retrouver en chair et en os la « septième colonne
du temple de Baalbeck ». Le poète Georges Schéhadé
m’avoue croire entendre les anges.

107
Le 13 novembre suivant, le journaliste Frédéric Mitterrand,
futur ministre de la Culture à son tour, reçoit Fayrouz dans
une émission télévisée spéciale à laquelle il invite une
poignée d’intellectuels, dont l’ambassadeur Hammadi Essid,
le romancier Tahar Benjelloun, le journaliste Dominique
Baudis, le cinéaste Burhân ‘Alawiyya et votre serviteur. Fayrouz
était, comme à l’accoutumée, digne, discrète et timide, presque
honteuse devant les éloges. Ce soir-là, je me souviens avoir fait
remarquer que dans son palmarès prolifique, la diva a chanté le
Liban, ses paysages envoûtants, ses jeunes filles en fleurs, les
faits glorieux des peuples, vilipendant la tyrannie et l’oppression,
défendant les causes justes et les peuples opprimés,
berçant les petits enfants, remuant la fibre patriotique
d’un peuple qui panse encore ses blessures, ajoutant qu’elle
n’a jamais, au grand jamais, flatté ou encensé un gouverneur,
un monarque ou un régime politique particulier.
La divine séduit par sa voix cristalline et grave à la fois
et devient vite une idole. La timide à la volonté de fer,
fait avec sa voix la synthèse de plusieurs mondes et
réussit à incarner la paix, la tolérance, l'amour, trois
valeurs qui la font entrer de son vivant dans la légende.
Début 1994, Rafic Hariri m’invite à le retrouver en sa
résidence parisienne, Place d’Iéna, et m’informe qu’il compte
marquer la fin de la guerre civile par un spectacle
grandiose, au cœur de Beyrouth, et qu’il est à la recherche
d’un grand artiste talentueux pour se charger de concrétiser
son vœu. Le Premier ministre me demande de lui proposer
des noms. Le projet s’ébruite dans les milieux parisiens et
parvient à l’oreille de quelques professionnels de la

108
musique électronique, alors en vogue.
Le compositeur Jean-Michel Jarre, connu pour ses spectacles
musicaux gigantesques, vient me trouver à l’Ambassade
avec sa compagne l’actrice Carole Bouquet et se propose
de s’en charger. J’accompagne le couple chez Hariri et au
bout d’une heure, l’artiste annonce une somme colossale.
Hariri le remercie, demande à réfléchir et promet de donner
sa réponse dans les prochains jours, par mon truchement.
Puis il accompagne le couple à la porte du salon et me
fait signe de rester. Une fois seuls, le premier ministre me
demande mon avis à propos du projet et du prix réclamé.
Je réponds que les spectacles de l’artiste font déplacer
des foules, mais que ses prétentions sont énormes pour un
pays qui saigne encore et sort à peine d’une guerre
meurtrière. Je lui suggère d’organiser une fête nationale
animée par Fayrouz qui est la seule personnalité qui fait
l’unanimité dans un pays connu par sa sempiternelle
discorde et ses querelles intestines. En me remerciant, il
lâche : « Laisse tomber. »
Mes arguments ont-ils convaincu le Premier ministre et
déterminé son choix ?
Je l’ignore encore. Toujours est-il que le 17 septembre
1994, l’icône du monde arabe a trôné toute la nuit dans
les cœurs des Libanais massés sur la place des Martyrs,
les faisant pleurer de joie, leur annonçant la prochaine
résurrection du pays et le début de sa reconstruction,
entonnant avec eux ses chansons patriotiques, réconciliant
tout un peuple en transe, toutes aspirations spirituelles et
idéologiques confondues.

109
Ce soir-là, le petit bout de fille du charpentier syriaque
Wadîh Haddâd, natif de la grosse bourgade de Mârdîn, à
la frontière turco-syrienne, va soulever l’enthousiasme de
la foule et gagner un pari redoutable : celui de réconcilier
ses compatriotes victimes d’une longue et meurtrière guerre
fratricide, gommer leurs sempiternelles dissensions religieuses
et politiques et apaiser leurs appréhensions existentielles.
Elle aura surtout élargi les frontières du pays du Cèdre
pour englober le Levant tout entier. Ce soir-là, la gloire
du Liban lui fut octroyée sans partage.

Fatima Guemiah
Action culturelle – Espace L’Harmattan

Quel bonheur pour moi, femme de la diaspora arabe en


France, aux multiples cultures, héritées des deux rives de la mer
méditerranée, notre Mare nostrum, d’avoir comme une
compagne de route dans ma vie, la chanteuse libanaise Fairouz
que j'ai vue et entendue une seule fois, en concert à Paris dans
les années quatre-vingt, et qui m'accompagne depuis toujours.
Adulée partout dans le monde arabe, Fairouz a chanté
avec sa voix séraphique et paradisiaque, l'amour, la liberté,
son Liban natal, mais aussi, la Palestine, l’Egypte, la Syrie
et La Mecque…elle est pour moi, avec les frères Rahbani,
Assi (son mari) et Mansour, célèbres auteurs, compositeurs
et musiciens, le beau visage de la diversité et de la tolérance.
Un autre bonheur, que la vie culturelle dans la capitale
des lumières m’a donné, celui de pouvoir entendre les
chansons de la Diva, à l’Institut du monde arabe à Paris.

110
C’était en janvier 2007, lors du concert « Fairouziyyât »,
un hommage vibrant d’émotion et de nostalgie sous la
direction du Maestro Elie Achkar, qui a, lui-même, accompagné
Fairouz durant plusieurs années en tournée dans le monde.
Des « mouachahates andalouses », à la « 40ème symphonie
de Mozart », en passant par le « Concerto d’Aranjuez »
de Joaquín Rodrigo pour la célèbre chanson « Li Beyrouth »,
à la chanson prophétique « Imagine » de John Lennon,
chanson sortie en 1981, voilà un autre bonheur qu’elle
nous donne à entendre, quand, elle l’interprète en arabe,
dans sa quatre-vingtième année. J’en ai pleuré de joie.
Une merveilleuse adaptation, doublée d’une orchestration
à intonations, à la fois, occidentale et moyen-orientale, et
dont les paroles ont été traduites en arabe par sa fille,
Rima Rahbani, fut un véritable hymne à la paix, nous
invitant à imaginer un monde sans frontières, sans pays,
sans religions, sans raisons de tuer ou de mourir pour une
cause, au sein d'une grande fraternité humaine.
Devenue un « symbole qui transcende tous les clivages »,
le président français Emmanuel Macron, lors de son dernier
voyage officiel au Liban, lui rend une visite historique en
août 2020, dans sa résidence d’Antelias, au nord de
Beyrouth, en hommage à son talent et en reconnaissance de
ce qu’elle représente dans son pays
Fairouz, notre diva bien-aimée, continue d’enchanter
des générations de mélomanes. Elle est avec ses chansons
et sa voix sublime, enracinées dans notre mémoire collective,
la chanteuse adulée de tous les arabes, de tous les pays et
de toutes les confessions.

111
La presse et les télévisions

LE MONDE
FAIRUZ Live 2000 Festival de Beiteddine
Par Véronique Montaigne
Publié le 02 juin 2001

Incomparable Fairuz ! Voix du Liban, diva chrétienne


rayonnante en pays d'islam, celle qui a commencé par chanter
l'Egyptien Farid El Atrache et sa consœur Asmahan dès
1947 a fait une carrière à rebond, passant du classique à la
comédie musicale. Dans les années 1970, elle suit les
sentiers musicaux très mélangés (jazz, fusion) de son fils, le
compositeur Ziad Rahbani, dont elle interprète ici une
quinzaine de titres. Dans cet enregistrement réalisé au
Liban au festival de Beiteddine, la voix est souveraine,
elle domine l'orchestre à cordes, le synthétiseur, le kanoun,
la basse, les chœurs, tout ce qui fait l'environnement, tandis
que le chant construit le pathos.

112
Newsletter L'essentiel du matin
Fairouz : « Ahou Da » (2000)
……………………
Elle brillera dans une dizaine d'opérettes et au cinéma,
comme dans « Le Vendeur de bagues » du réalisateur
égyptien Youssef Chahine (1965).
Elle donnera surtout vie aux paroles de grands poètes
arabes, tels que les Libanais Gibrane Khalil Gibrane et
Saïd Akl, l'Égyptien Ahmed Chawki. Et ses chants
patriotiques s'incrusteront dans la mémoire des Libanais
mais aussi du reste du monde arabe.
Une aura acquise en chantant la cause palestinienne, avec
surtout « Sa Narjeou Yawmane » (« Nous reviendrons un
jour »), une élégie interpellant les réfugiés palestiniens. Elle
dédie une autre chanson, « La fleur des villes », à Jérusalem,
après la défaite des troupes arabes contre Israël en 1967.
Au Liban, le respect du public pour elle atteindra son
apogée durant la guerre civile (1975-90), quand elle
refusera de s'exiler ou de prendre parti. « Je t'aime ô
Liban, ma patrie je t'aime. Avec ton nord, ton sud, ta
vallée, je t'aime », chante-t-elle dans l'une de ses plus
célèbres chansons (« Bhebbak ya Lebnane »), notamment
à l'Olympia en 1979, devant un public en larmes.
Elle donnera son premier concert post-guerre dans le
centre de Beyrouth, devant des dizaines de milliers de
Libanais en pleurs. Adulée par les aînés, elle devient aussi
l'icône des jeunes quand son fils Ziad, enfant terrible
de la musique libanaise, lui composera des chansons
influencées par des rythmes de jazz.

113
France-Info – culture (Radio - France)
Publié le 31/08/2020
Fairouz, légende vivante de la chanson arabe et rare
ciment national d'un Liban fracturé
Dans les chants de la diva libanaise s'incarne une partie
de l'âge d'or du Liban mais aussi ses blessures comme la
guerre civile ou la relation du pays avec la Palestine. Le
président Macron rencontre Fairouz ce lundi.

L’express
Par Girardon Jacques
Publié le 24/08/1995
….. devenue la plus célèbre voix du monde arabe ; elle
a vendu des millions de disques, des présidents et des rois
l'ont invitée à résider dans leurs pays ; des belligérants
ont cessé un instant de tirer pour entendre ses chansons à
la radio
Fayrouz, la timide à la volonté de fer, synthèse de
plusieurs mondes, comme jadis fut le Liban, réussit à
incarner la paix, la tolérance, l'amour.
Avec les frères Rahbani, Fayrouz, sans même s'en rendre
compte, dit-elle aujourd'hui, bouleverse les normes de la
chanson orientale, choque les gardiens du temple de la
musique arabe…. Avec la guerre, en 1975, vient le temps
des souffrances, le temps aussi qui va faire entrer
Fayrouz dans la légende. Durant tout le conflit, elle reste

114
chez elle, au pays des Cèdres……Les radios de tout bord
diffusent inlassablement ses chansons…..
C'est seulement le 17 septembre 1994 que Fayrouz
remonte sur scène au Liban. A Beyrouth. Au cœur de ce
qui fut le centre-ville de cette cité unique, carrefour de
l'Est et de l'Ouest, du Nord et du Sud, de l'islam et de la
chrétienté, six fois détruite et six fois reconstruite au
cours des siècles. Lors de ce concert monstre, 50 000
personnes de toute confession (alors que le pays ne compte
que 3 millions d'habitants) ont communié, émues, dans un
même désir de paix et une semblable nostalgie du Liban
d'avant la guerre. La voix de Fayrouz n'est pas seulement
belle ; elle est la voix de tout le peuple libanais.»……..
La chanteuse est devenue l'incarnation d'un âge d'or. Et
c'est la raison pour laquelle son succès dépasse largement
son pays pour toucher tout le monde…..

FESTIVAL DE BEITEDDINE - Fairouz et Ziad Rahbani


les 27, 28 et 31 juillet - Retour de flamme
26 juillet 2001 à 00h00
C’est à guichets fermés que Fairouz et son fils Ziad
Rahbani rencontreront leur public d’adorateurs transis,
pour la deuxième année consécutive, au Festival de
Beiteddine. Leurs parcours célèbres ne sont presque plus
à rappeler. Si ce n’est que Fairouz continue de se
produire régulièrement en Europe : le 20 juin dernier,

115
c’était l’Allemagne qui l’accueillait dans une de ses plus
belles salles. Le mythe est toujours vivant, et pas
seulement au Liban.
Elle est devenue la vedette incontestée de tout le monde
arabe et non plus du seul Liban, dont elle est la voix et
auquel elle est restée fidèle : elle est en effet la seule
artiste à y avoir demeuré en permanence malgré la guerre
et les propositions alléchantes d’un exil doré à Amman,
au Caire ou à Rabat. Elle chante non seulement le Liban,
mais aussi la Palestine, la Syrie, La Mecque, sans renier
d’ailleurs ses origines chrétiennes qu’elle exprime dans
des chants religieux pour Pâques et Noël.
La carrière impressionnante de Fairouz reprend du poil
de la bête lors de son étroite collaboration avec son fils
Ziad, très marquée entre 1982 et 1990.

CLÔTURE DU FESTIVAL DE BEITEDDINE


FEYROUZ: IMMORTELLE DIVA
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 3912 - 30
Août Au 6 Septembre 2003
Deux soirées, plus de 5000 personnes à chacune, un
public tous âges de Libanais, de ressortissants arabes et
d’étrangers, se pressant dans la grande cour du palais des
émirs, pour exprimer sa ferveur, son éternelle admiration
à Feyrouz, la grande dame de la chanson libanaise : le
Festival de Beiteddine clôturait en beauté sa saison 2003.

116
Dès qu’elle apparaît, avançant sur le tapis rouge déroulé
pour la circonstance, droite, fière, digne, dans une belle
robe marron scintillante signée Elie Saab, l’auditoire
l’ovationne debout. Elle entame son récital avec “Idaïch
Kane fi nass” (combien de gens) et c’est déjà le délire qui
se maintiendra tout au long du récital d’une heure trente
non seulement dans la cour mais, aussi, aux abords
directs du palais où des centaines de “fans” de la “diva”
se sont rassemblés pour vivre en communion avec elle.
Sa voix, un peu plus grave que par le passé, envoûte son
auditoire dès les premières notes. Elle interprète trois
chansons, se retire pour céder la place à l’orchestre et il
en sera ainsi tout au long de la soirée.
Feyrouz se fait désirer et c’est l’ovation avec chaque
retour sur scène. Accompagnée au piano par son fils Ziad
Rahbani, elle chante des classiques signés Assi Rahbani
qui ont fait sa gloire et sa renommée au fil du temps et
que le public aime tellement entendre. …….
Elle interprète des ballades composées pour elle par
Ziad Rahbani, enrichissant son répertoire d’une musique
“inn”. Tout au long de la soirée, elle chante, tour à tour,
l’amour, la nostalgie, le Liban, la liberté, enflammant sans
répit le parterre. ………….Longuement ovationnée debout,
acclamée, bissée, on lui lance des fleurs, la diva revient à
deux reprises, chante avec le public “Bayi rah mael askar”
(mon père est parti avec la troupe), remercie l’auditoire par
un large geste des bras et se retire, digne et fière. On n’est
jamais rassasié d’écouter cette voix devenue mythique.

117
L’Humanité
(Quotidien français)

La diva de la chanson arabe se produit à Paris ces


jours-ci. Fairouz a enchanté des générations de mélomanes.
Marina Da Silva
Lundi 24 Juin 2002
Fairouz, la divine
Les billets se sont arrachés comme des petits pains.
L'une des plus grandes représentantes de la chanson du
monde arabe revient à Paris.
En arabe, Fairouz signifie turquoise. Lorsque la jeune
Nouhad Haddad prend ce prénom d'artiste, elle ne peut
probablement pas imaginer qu'elle va devenir le joyau du
monde arabe, celle qu'on va placer dans la continuité
mythique d'Oum Koulsoum.
Simplement, il est difficile d'atteindre le haut niveau de
consécration et d'adulation dont jouit Fairouz. Elle a pour
elle la beauté et la voix, une voix d'une texture et d'une
gamme de teintes exceptionnelles. En arabe, la voix c'est
aussi la langue et la poésie, au cœur de l'imaginaire et de
la représentation du monde. Pour ses admirateurs, Fairouz a
la voix d'un être céleste, une voix qui ne peut provenir
que du divin et qui lui vaut les qualificatifs les plus
lyriques : " notre ambassadrice auprès des étoiles ", " la
voix angélique ", " la voix de velours ", " le filament de

118
miel ", " l'âme du Liban ". Lorsqu'elle se produit en concert
ou dans un festival, elle est accueillie comme une reine.
· Baalbek, en 1957, elle chante au pied des colonnes
romaines du site historique et se fait aussitôt surnommer la
" septième colonne ". · Damas, on lui déroule le tapis
rouge. · Amman, au Caire, à Alger, la foule se presse par
milliers. Mais aussi à Las Vegas, Montréal.

Fairuz résonne dans le ciel d'Amsterdam


Par Nader Al-Sarras, Amsterdam 28/06/2003
D W -- https://p.dw.com/p/11kgn
Les cœurs européens aussi !
Après une longue absence de la scène, la chanteuse
arabe Fairouz est venue donner un concert dans la capitale
néerlandaise au Festival des Arts des Pays-Bas, captivant le
cœur de milliers de ses fans arabes et européens. Deutsche
Welle transmet l'ambiance de cette fête exceptionnelle.
Partout dans le monde, les fans de la musique de Fairouz
sont venus remplir le Royal Carré Theatre, au cœur de la
capitale néerlandaise, Amsterdam, jusqu'à la dernière
chaise. Le public, venu non seulement des Pays-Bas,
mais des pays européens voisins, et même des pays arabes
comme la Jordanie, les Emirats et la Palestine, il est venu
écouter la voix de la chanteuse la plus célèbre du monde
arabe, supportant des prix exorbitants pour les cartes
d'entrée, qui auraient atteint 950 euros au marché noir.

119
Aussi, la longue file d'attente qui s'étendait devant le
théâtre sur les rives de l'Amstel n'a pas découragé les
fans, qui ont enduré pour voir et entendre la voix de
la chanteuse libanaise, que certains appellent «Notre
Ambassadrice auprès des étoiles».
Mais la peine de l’attente a été rapidement dissipée par
l'enthousiasme du public, lorsque Fayrouz est apparue,
avec son allure divine et sa prestance. Elle a ouvert le
concert avec la chanson "Salemli ‘Aleih" de l'album
"Mesh Kêyn Hayk Ykoun". Plus de 1700 personnes se
tenaient dans le théâtre antique, fondé en 1887, et
applaudissaient chaleureusement Fayrouz, âgée de 75 ans,
qui, malgré son âge avancé, n'a rien perdu de l'élégance de
sa voix angélique et de la force de sa prestation sur scène.
Et ce ne sont pas seulement les fans arabes qui ont été
éblouis par Fayrouz, mais les sièges du théâtre étaient
également remplis d'auditeurs néerlandais et d'autres pays
européens voisins, venus également assister au concert de
Fairuz.
…..Même le journal néerlandais "Volkskrant", largement
diffusé, a ouvert son édition publiée lundi (27.06), au
lendemain du concert de Fairuz à Amsterdam, avec un
article sur la cérémonie en première page, décrivant
Fairouz comme une "légende du chant arabe".
La présence musicale de Ziad Rahbani au concert
d'Amsterdam était également représentée par des performances
musicales composées par lui ont secoué (d’enthousiasme)

120
la cérémonie. L'orchestre composé de 40 musiciens a
joué de manière excellente, et n’avait rien à envier aux
meilleurs orchestres classiques internationaux.
Le public était en état de jubilation. Certaines personnes
très touchées de voir Fayrouz pour la première fois sur
scène. Quelqu'un a dit que l'apparition de Fayrouz sur
scène était « comme si un ange était descendu du ciel »,
…..certains participants ont éclaté en sanglots tellement
touchés par ce moment. Une Syrienne a déclaré après le
concert qu'elle "ne peut pas imaginer sa vie sans Fairuz".
Une autre, Libanaise a déclaré que Fairouz "est le
symbole de la nation, symbole de l'unité".
Après plus de deux heures passées sur scène, Fairouz,
s'est éclipsée, laissant derrière elle la foule debout
l'applaudissant chaleureusement pendant plus d'un quart
d'heure après sa sortie de scène.

LE PARISIEN
Culture & loisirs
Liban : à Beyrouth, Macron rencontre Fairouz, légende
de la chanson arabe
En visite au Liban ce lundi, pour la deuxième fois
depuis la terrible explosion qui a ravagé la ville, le chef
de l’Etat français y aura un entretien avec la diva, sans
doute l’un des derniers symboles de l’unité du pays.

121
Par Ph. L. avec AFP
Le 31 août 2020 à 19h06
Elle est la dernière légende vivante de la chanson arabe
depuis la disparition en 1975 de la diva égyptienne Oum
Kalthoum. À 84 ans, la chanteuse Fairouz, qu'Emmanuel
Macron rencontre lundi soir, dans la capitale libanaise, alors
qu'un nouveau Premier ministre entre en fonction,
demeure un rare symbole d'unité nationale dans ce pays
malade de ses fractures.
[Elle] a exalté sur toutes les scènes l'amour, la liberté,
son Liban natal et la Palestine. ….Très discrète, elle a
donné de rarissimes interviews pendant sa carrière. .Sa
posture immobile, son visage presque en transe quand
elle chante, ses timides sourires ….., sa garde-robe sobre,
ont accentué sa stature quasi mystique auprès du public. «
Si vous regardez mon visage lorsque je chante, vous
verrez que je ne suis pas là. Je pense que l'art est comme
la prière », assurait-elle dans un autre entretien, se disant
« très croyante ».

« Timide et sérieuse »
Du haut de son piédestal, cette mère de quatre enfants
ne s'est jamais épanchée sur sa vie privée.
« Quand elle le veut, elle peut être très drôle. Elle est
aussi une cuisinière émérite. Très humble, elle aime
servir ses invités elle-même », ajouta-t-elle.

122
LA CROIX
Liban : Fairouz, une diva qui transcende les clivages
Anne-Bénédicte Hoffner, le 01/09/2020
Emmanuel Macron a décidé de commencer son deuxième
voyage au Liban, lundi 31 août, par une visite à la
célèbre chanteuse Fairouz. Une démarche « d’affection et
d’admiration » auprès d’une des très rares personnalités
consensuelles au pays du Cèdre.

À quoi tient la relation passionnelle qu’entretiennent la


chanteuse Fairouz et le peuple libanais depuis plus de 84
ans ? À sa voix aussi puissante que mélodieuse, ou à son
refus absolu de toute compromission avec le pouvoir
politique ? Aujourd’hui réfugiée dans le silence de sa
résidence d’Antélias, au nord de Beyrouth, la diva est
l’une des rares figures libanaises capables de transcender
les clivages confessionnels.
Cette particularité n’est sans doute pas étrangère à la
visite qu’Emmanuel Macron a décidé de lui consacrer
immédiatement à son arrivée au Liban, lundi 31 août au
soir. …..

123
Affection et admiration
« C’est une démarche très personnelle de la part
(d’Emmanuel Macron), une démarche qui est à la fois
d’affection et d’admiration », précise l’Élysée, rappelant
ce que Fairouz représente « à la fois au Liban et dans le
monde arabe ». « C’est aussi une dame qui, à elle seule,
incarne une histoire notamment pour les Français et tous
ceux qui se souviennent des concerts à l’Olympia et à
Bercy, et de l’émotion suscitée dans des périodes déjà
difficiles pour le Liban. »
« Au Liban et dans le monde arabe, tout le monde
écoute Fairouz car ses chansons sont programmées tous
les matins à la radio. Elle est une présence quotidienne
auprès des Libanais, quelle que soit leur confession. Je
soupçonne même les jeunes de l’aimer aussi. »
« Parmi ses textes, certains viennent de poètes libanais,
d’autres de poètes classiques. Ils sont très variés mais
toujours de grande qualité »……
Ses enfants continuent à assurer la promotion de son
œuvre abondante : un centième album est sorti à l’été
2018. La star sera l’an prochain à l’affiche d’une grande
exposition à l’Institut du monde arabe (Divas. D’Oum
Kalthoum à Dalida, du 27 janvier 2021 au 25 juillet
2021).

https://www.liberation.fr/

124
LIBERATION
Libération
FAIROUZ, ICÔNE FÉDÉRATRICE AU SERVICE DU LIBAN
Par Jacques Denis — 31 août 2020
Emmanuel Macron doit rencontrer ce lundi soir la
chanteuse, incarnation d'un Liban divisé et meurtri. Discrète
depuis quelques années, elle a su rassembler les siens,
au-delà des clivages et des générations, grâce à ses
morceaux au succès planétaire.
Li Beirut. Une voix s’élève. Celle de Fairouz qui dédie
cette chanson adaptée du Concerto d’Aranjuez à la ville
qui a vu s’émanciper la plus grande voix du monde arabe
avec Oum Khaltoum. Enregistré en 1983-84 et réédité cet
été par Wewantsounds sur l’album Maarifti Feek, ce titre
culte est devenu l’hymne officieux de la contestation et
des douleurs qui secouent une nouvelle fois le Liban. «Les
cendres de Beyrouth témoignent de sa gloire, ma ville a
désormais éteint ses lumières avec le sang des enfants
sur ses mains…» dit notamment ce texte écrit à l’époque
par le poète libanais Joseph Harb. On ne peut plus
explicite………..
Elle en est devenue l’icône planétaire, elle le fédère,
tout en sachant affirmer ses convictions intimes, et
c’est pour cette stature sans équivalent, sans doute,
qu’Emmanuel Macron viendra rencontrer la grande
dame…………………

125
Notes et références(1)
Revenir plus haut en :a et b
↑ Jacques Denis, « Fairuz, icône fédératrice au
service du Liban » [archive], sur liberation. fr, 31 août 2020.
1. ↑ (en) « Fairouz: Lebanon’s music icon that makes us
proud! » [archive], sur the961.com, 30 août 2020 (consulté
le 22 août 2016).
2. ↑ « Liban : à Beyrouth, Macron rencontre Fairouz, légende
de la chanson arabe » [archive], sur leparisien.fr, 31 août
2020 (consulté le 22 août 2016).
3. ↑ (en) « Fairuz: the Arab world's most celebrated living
voice » [archive], sur france24.com, 31 août 2020.
4. ↑ (en) Popular Culture and Nationalism in Lebanon : The
Fairouz and Rahbani Nation, Christopher Reed Stone, Ed.
Routledge, 2008
5. ↑ Le Chemin de Baalbeck: souvenirs & rencontres , Aimée
Kettaneh, Ed.Terre du Liban, 2006
6. ↑ C'est la seconde et dernière fois que les frères Rahbani
montent une pièce avec Sabah, après la première en 1960, à
Baalbeck aussi : mawsemm el e’ezz, La belle saison)
7. ↑ Baalbeck, les riches heures du festival, Ed. Dar Annahar,
Beyrouth, 1994
8. ↑ De la musique arabo-libanaise et du théâtre musical
Rahbani, Nizar Mroueh, Ed. Al Farabi, Beyrouth, 1998.
9. ↑ « Fairouz, légende vivante de la chanson arabe et rare
ciment national d'un Liban fracturé » [archive], sur
francetvinfo. fr, 31 août 2020.
10. ↑ cf(1)
11. ↑ « Qui est Fairuz, la chanteuse qui a rencontré Emmanuel Macron
au Liban ? » [archive], sur bfmtv.com, 1er septembre 2020.
12. ↑ Jack LANG décore FAIROUZ [archive]
13. ↑ The Very Best of Fairuz [archive]
14. ↑ Son concert à Beyrouth en 1994 [archive]
15. ↑ Fairuz à Beiteddine (2001) [archive]
16. ↑ Fairuz à Beiteddine(2003) [archive]
17. ↑ « La diva libanaise Fayrouz faite Commandeur de la
Légion d’honneur par le président français » [archive],
sur lematin.ma, 1er

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Fairuz

126
Bibliographie

ABI SAMRA Muhammad, 1998, « Majd Lubnan u‘ta laha »


(Lebanon’s Glory was Given to It) in Mulhaq jaridat al-nahar,
22 août : 9.
ABU MURAD Nabil , 1990, al-Akhawan Rahbani : hayat
wa-masrah (Les deux frères Rabani : Vie et Théâtre). Beyrouth :
Dâr Amjad li-al-nashr wa-al-tawzi’.
ANONYME, 1939, Republic of Lebanon at the New York
World’s Fair. New York : n. p.
1962, Tourist and Hotel Guide for Lebanon. Beyrouth : The
Catholic Press.
1966, « 10 Layali fi Baalbek li-al-Akhawayn Rahbani » (10
Nights at Baalbek for The Rahbani Brothers) in Mulhaq jaridat
al-nahar, 19 juin : 8-10.
HOURANI Albert et Nadim SHEHADI, dir., 1992, The
Lebanese in the World : A Century of Emigration. London :
Centre for Lebanese Studies avec I.B. Tauris.
MUNASSA May, 1994, « Baalbek… Mahrajan al-ard wa-
al-insan » (Baalbek… Festival of the Land and the Human) in
Tueni Gh. ed. : Baalbek : les riches heures du festival.
Beyrouth : Éditions Dar an-Nahar : 6-63.
MURUWA Kamil, 1962, VIIe festival international de
Baalbeck. Beyrouth : n. p.
RAHBANI Asi and Mansour, 1966, Ayyam Fakhr al-Din :
masrahiyya ghina’iyya sha’biyya (Les jours de Fakhr al-Din :
Une comédie musicale populaire). Beyrouth : n.p. (privately
printed).

127
Rayess, Akram Beirut and Fairouz : A path of gold and loss
(Beyrouth et Fairouz : un chemin d’or et de perle), à l’occasion
du 85ème anniversaire de l’emblématique chanteuse libanaise
Fairouz, Ahram Online célèbre, La voix de l’espoir et de
l’humanité, samedi 21 novembre 2020
STONE Christopher, 2007, Popular Culture and Nationalism
in Lebanon : the Fairouz and Rahbani Nation. New York :
Routledge.
WAZIN Abduh, 1996, « Fairouz al-mutajaddida dawman fi
jaww Rahbani badi‘ : istawanatan dammata ajmal ughniyat
al-khamsinat wa-al-sittinat » (Fairouz the ever-renewed in the
amazing Rahbani atmosphere : two albums containing the best
songs of the 50s and 60s), in Jaridat al-hayat, 16 juin : 20.
ZOGHAIB Henry, 1993, « Hikayat al-Akhawayn Rahbani
‘ala lisan Mansour Rahbani » (The Story of the Rahbani
Brothers as told by Mansour Rahbani) in Majallat al-wasat,
13 décembre : 72–5.

Liens internet
Christopher Reed Stone, « Le festival de Baalbek, Fairouz et
les frères Rahbani », Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne],
27 | 2014, mis en ligne le 14 novembre 2016.

URL : http://journals.openedition.org/ethnomusicologie/2172

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Figure 6 - Fairouz Olympia 1979 (photo François. Zaatar) arch. Perso

Figure 7 - Fairouz Olympia 1979 (archive personnel) Pht. F. Zaatar

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Figure 8 - Fairouz Olympia 1979 (archive personnel) Pht. F. Zaatar

Figure 9 - Fairouz Olympia 1979 (archive personnel) Pht. F. Zaatar

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Figure 10 - Fairouz Olympia 1979 (archive personnel) Pht. F. Zaatar

Figure 11 - Fairouz Olympia 1979 (archive personnel) Pht. F. Zaatar

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Figure 12 - Fairouz Olympia 1979 (arch. pers) Pht. F. Zaatar

Figure 13 - Olympia, défilé final - 1979 pht. F. Zaatar

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