Idrissa - Abdou - These UAM
Idrissa - Abdou - These UAM
DEPARTEMENT D’HISTOIRE
Jury :
i
DEDICACE
A mon père qui, ne lira pas cette thèse pour qu’il en fasse l’orgueil d’un sentiment
paternel ;
A ma femme, Badaratou ;
A ma nièce, Fatimatou ;
ii
REMERCIEMENTS
Nous remercions toutes les personnes physiques et morales qui ont contribué à la
qui, en dépit de ses lourdes charges a accepté de diriger ce travail et le mener à terme ; ses
conseils stimulants, son exigence ainsi que ses observations pertinentes ont largement
contribué aux mérites de ce travail. Cette thèse a été pour nous une véritable école où nous
avons dans la pratique appris et exercé le métier d’Historien. Merci, encore une fois,
documentation du Nord Nigeria. Nous sommes extrêmement reconnaissant à tous ceux qui
nous ont aidé et reçu notamment le professeur Djibo Hamani qui a mis à notre disposition sa
bibliothèque privée, Alzouma Bazi Cissé, Diouldé Laya, Boubacar Hama Beidi. Nous
remercions également tous les témoins qui ont accepté de répondre à nos questions. Nous
exprimons notre reconnaissance à tous les enseignants et à tous les doctorants du Département
d’Histoire.
Nous tenons à exprimer notre gratitude à notre épouse et à nos enfants dont la
remercier tous nos collègues et toutes les bonnes volontés dont les conseils et l’assistance ont
iii
SIGLES ET ABREVIATIONS
trouvait à Dakar jusqu’en 1939. BIFAN est divisé en 1954 en série A (Sciences
Orale (Niamey).
CELTHO à Niamey.
E N : Etudes Nigériennes.
iv
FLSH : Faculté des Lettres et Sciences Humaines.
SD : Sans date.
SOK : Sokoto
v
LEXIQUE DES TERMES LOCAUX
Amirou : Terme d’origine arabe qui vient d’émir adopté par les Zarma-Soŋey et qui siginifie
Fitna : Mot d’origine arabe adopté par les Zarma- Soŋey et qui signifie crise ou calamité qui
Gourma : Les populations riveraines du fleuve- Niger désigne par le mot Gourma, la
rive droite du fleuve par opposition au haoussa qui veut dire rive droite.
vi
Shooro : Pratique culturelle peul qui consiste à cultiver le sens de la bravoure chez les Jeunes
vii
NOTE LINGUISTIQUE
Dans le cadre de ce travail, nous avons choisi d’utiliser la graphie française afin
d’harmoniser l’écriture des noms. Ainsi, les noms suivants s’écrivent comme suit :
Peul, Say, Touareg, Wogo, Zarma… Par contre le nom Soŋey fait exception à cause des
différentes formes de son écriture dans la graphie française (Songhay, Songoï, Songhaï,
Sonraï…).
Nous avons décidé de laisser les noms des entités politiques, des communautés, des
titres ou fonctions politiques, des villages, des villes et des personnes invariables. Nous avons
convenu d’écrire :
Par contre, les termes figurants dans les citations respectent les transcriptions adoptées par
leurs auteurs
viii
Sommaire
Introduction générale……………………………………………………………1 - 33
du Niger ………………………………………………………………5 3 - 68
Introduction…………………………………………………………..53
I- Le retrait des résistants soηey dans le Dendi et le passage d’Ali Anna dans le
Dallol…………………………………………………………………………..69 - 70
III – La fondation de Kwama dans le Dendi et l’arrivée des musulmans touareg Kel Essuk
dans le Taghazar…………………………………………………………76 – 79
ix
Deuxième partie : Le centre d’études islamiques de Birni N’Gaouré………….88 - 147
Introduction……………………………………………………...89
x
Troisième partie : Etude du centre d’études islamiques de Say ………………...148 - 241
Introduction……………………………………………………………149
Introduction………………………………………………………….240
Kounari…………………………………………………………….263- 282
Chapitre XII : Bilan de l’œuvre des leaders religieux des centres d’études
xii
Site Web………………………………………………………….……..353
Annexes………………………………………………………………………………356 -439
Annexe III : Tarikh anonyme sur les relations entre Gwandou et Argoungou………372 -378
xiii
INTRODUCTION
nigérien précolonial en général, et dans l‟Ouest du Niger en particulier. Il porte sur les
géographique concerné par cette étude n‟est pas facile à délimiter surtout quand on se situe
dans la période précoloniale. Kimba Idrissa définit cette zone comme l‟espace « allant du
Liptako- Gurma (à l’Ouest) au Dallol Mawri (à l’Est) et de l’Anzuru (au Nord) au Dendi
(au Sud) » (Idrissa, 1979 : 10). Dans le cadre de cette étude, nous désignons par l‟Ouest du
Niger, des territoires qui relèvent de la République actuelle du Niger. Cet espace s‟étend
entre 0o et 5o de longitude Ouest et entre 11o et 16o de latitude Nord. Il est limité à
l‟Ouest par le Burkina- Faso, au Nord par le Mali, au Sud par le Benin et le Nigeria, à l‟Est
par la région de Tahoua. Il s‟agit dans l‟ensemble, d‟une zone relativement vaste qui
couvre une superficie d‟environ 130 000 km2 soit 10,26% du territoire national1.
présentent des approches différentes. Pour Seyni Moumouni2, seules les localités disposant
d‟une zaouïa peuvent être qualifiées de centres d‟études islamiques. Or, selon un
témoignage recueilli par Lem auprès d‟Alazi, un alim3 peul du Nord dahoméen, au XIXe
siècle dans tout le moyen Niger, il n‟y a que deux centres qui disposent d‟une zaouïa :
« En arabe zâwiya et en turc zaviye, type de couvent musulman qui connut une
particulière faveur dans le Maghreb médiéval à partir du XIVe et XVe siècle.
Toute zaouïa se compose d’une mosquée, d’un dôme (Koubba) qui couvre le
tombeau du marabout dont elle porte le nom, d’un local où on ne dit que le Koran
(Coran), d’un second réservé à l’étude des sciences, d’un troisième servant d’école
primaire pour les enfants, d’une habitation destinée aux élèves et aux tolbas
(étudiants) qui viennent faire ou perfectionner leurs études ; enfin, d’une autre
habitation où l’on reçoit les mendiants et les voyageurs ; quelquefois d’un
1
cimetière destiné aux personnes pieuses qui auraient sollicité la faveur de reposer
près du marabout » (Dictionnaire historique de l‟islam, 2004 : 864).
sédentaire » (Triaud, 1995 : 2). Balogun lui, assimile les centres d‟études islamiques à des
émirats et les qualifie de : « Gwandu emirates to the west » (Balogun, 1970 : 108 ). Dans
cette approche, l‟auteur met plus l‟accent sur l‟aspect politique car Amirou ou Emir est le
titre porté par les souverains qui sont allés à Sokoto chercher l‟étendard: « The Gwandu
emirates to the west of the metropolitan centre were Junju, Birni Ngaure, Say, Kunari,
Torodi, Bitinkogi, Yaga and Liptako » (Balogun, 1970 : 108 – 109). Or, tous les émirats de
Seyni Moumouni et Balogun ont donné une approche globale du concept de centre
Moulaye Hassane est beaucoup plus proche de la nôtre. Selon cet auteur, le centre d‟études
9).
Le centre d‟études islamiques est appelé dans la langue peul Jangirde. C‟est un
mot composé de Jande qui veut dire étude et de Girde qui signifie lieu. Littéralement, le
venus d‟horizons divers. Il est composé des éléments suivants : deux ou plusieurs
douddales1(pour les principaux centres), d‟une habitation pour les talibé (suudu ahibe),
d‟une autre pour les maîtres qui viennent approfondir leurs études (suudu modibbe). La
formation des maîtres est assurée par le fondateur du Jangirde ou ses compagnons. Autour
2
de chaque douddale, il y a un ou deux Santarou (encadreurs). Après la formation de base,
les élèves passent à l‟étape suivante : l‟étude des hadiths et le tafsir (commentaire du
Coran). Les élèves formés jusqu‟à un certain niveau retournent pour la plupart dans leurs
villages pour ouvrir des douddales. On assiste ainsi, à une sorte de boule-de-neige de
propagation du savoir religieux. Les conditions évoquées par les différents auteurs sont
Cette étude couvre la période allant du XVIe au XIXe siècle avec deux dates
importantes servant de bornes chronologiques : 1501 et 1897. Le XVIe siècle est marqué
par la phase soηey qui débute vers 1501 avec la création de Kafi, le premier centre
voyage pour les lieux saints qui a duré du 09 septembre 1496 au 23 août 1497 (Kâti, 1913 :
25), que les deux pèlerins ont traversé l‟Ouest du Niger et ont déploré la forte implantation
des croyances ancestrales dans cette zone. Selon les traditions de Kafi, Askia Mohamed a
pris l‟engagement de répandre l‟islam dans cette partie de l‟Empire dès son retour de la
Mecque. C‟est ainsi que Kafi sera créé au tout début du XVIe siècle. Peu après la création
de ce centre d‟études islamiques, l‟Askia Mohamed va installer des lettrés musulmans dans
d‟autres localités de notre zone d‟étude. En l‟absence d‟érudits locaux aptes à assumer une
telle charge, le souverain a sollicité l‟aide des ouléma waa zi et saney de Gao. Ces derniers
se sont installés dans plusieurs localités de l‟Ouest du Niger au début du XVIe siècle (Kafi,
N‟Dounga, Kouré, Zouzou…) pour créer des centres d‟études islamiques dans lesquels
sont enseignées des personnes venues d‟horizons divers. Cette politique voulue et
encouragée par l‟Askia Mohamed a commencé à donner des résultats concluants quand
3
intervient la conquête marocaine de 1591 qui va mettre fin à cette première phase du
1973 : 15).
Quant au XIXe siècle, il est marqué par un renouveau islamique. Cette période
Contrairement aux agents d‟islamisation du XVIe siècle qui étaient étroitement liés au
pouvoir et aux souverains, ceux du XIXe siècle se sont détachés de ces cours royales pour
« Comme une braise conservée sous la cendre, l’Islam noir, réfugié dans de petits
groupes de fidèles prépare sa revanche. Après une longue léthargie, l’étincelle de
l’Islam jaillira deux siècles plus tard. Il faudra attendre en effet le XIXe siècle, les
invasions peul et la conquête française pour voir le mouvement d’islamisation
reprendre vie et, cette fois, atteindre les masses populaires (…) » (Triaud, 1973 :
15).
Mais, ce renouveau islamique animé essentiellement par des Peul, va prendre fin en 1897
avec la création du poste de Say par le Lieutenant Pelletier. Cette date marque le début de
la conquête coloniale dans l‟Ouest du Niger qui ouvre une nouvelle ère dans l‟histoire de
cette zone.
Avant le XIXe siècle, le processus d‟islamisation de l‟Ouest du Niger est mal connu.
Pourtant tout autour de cette zone, il y a des pays de vieilles traditions islamiques (Mali,
Soηey, Ayar, Etats- Haoussa, Sokoto…). La rareté de documents sur l‟islamisation dans
notre zone d‟étude peut être liée au fait que cette zone est restée jusqu‟à l‟avènement du
Jihad d‟Ousmane Dan Fodio, en marge de tous les mouvements que le Soudan a connus :
4
donné naissance à des Etats. Cette position de retrait a eu un impact négatif sur le
processus d‟islamisation :
L‟étude de l‟islam dans l‟Ouest du Niger a peu intéressé les chercheurs. Il existe
transmission du savoir coranique dans la ville de Say. L‟intérêt de ce travail, c‟est qu‟il
nous donne une idée sur la chaîne de transmission du savoir religieux dans l‟un des centres
d‟études islamiques les plus importants de notre zone d‟étude. Mais, elle se limite
Une autre thèse non moins importante, c‟est celle de Kimba Idrissa (1981),
Guerres et sociétés. Même si cet ouvrage n‟a pas pour objet d‟étude l‟islam, il comporte
néanmoins, une partie consacrée à cette religion dans notre zone d‟étude. On y trouve les
informations intéressantes sur les deux principaux centres d‟études islamiques (Say et
Garouré) ainsi que sur leurs fondateurs respectifs : Mahamane Diobbo et Boubacar
Louloudji.
s‟agit de ceux de Djibo Hamani (2007), L’Islam au Soudan Central : Histoire de l’Islam
au Niger du VIIe au XIXe siècle et de Maikoréma Zakari (2007), L’Islam dans l’espace
nigérien : Des origines (VIIe siècle) au début des années 2000. Le premier couvre la
période allant du VIIe siècle au XIXe siècle. Quant au second, il est consacré à l‟époque
5
allant du VIIe siècle à l‟an 2000. Ces ouvrages sont d‟une grande importance car ils
permettent d‟avoir une vue d‟ensemble sur le processus d‟islamisation dans ce pays. Mais,
comme leur champ d‟étude est très vaste, les deux auteurs n‟ont abordé notre zone d‟étude
que partiellement. Ils donnent des informations sur les deux principaux centres d‟études
islamiques du XIXe siècle (Say et Garouré). Dans ces ouvrages, l‟accent est surtout mis sur
les fondateurs de ces centres. Le fonctionnement de ces derniers ainsi que la portée de
l‟œuvre des ouléma, fondateurs de ces centres n‟ont pas été abordés.
La thèse de Mahaman Alio (1997), The place of Islam in Shaping French and British
colonial Frontier Policy in Hausaland 1890 – 1960 a été d‟un apport appréciable dans
l‟élaboration de ce travail. L‟intérêt de cette étude, c‟est qu‟elle s‟est appesantie sur le
Jihad et son impact dans l‟Ouest du Niger. On y trouve les différentes campagnes
militaires menées par Abdoulaye Fodio et Mohamed Bello dans le Gourma. Mais, ce
travail non plus n‟a pas abordé le fonctionnement des centres ainsi que le rôle qu‟ils ont
joué dans l‟islamisation de la zone. C‟est une étude qui ne porte que sur la période allant de
Dans cette catégorie de documents, il y a des études qui abordent les relations
nineteenth century with special reference to political relations (1817- 1903), consacrée à
l‟émirat de Gwandou traite des relations entre cet Etat et ses dépendances de l‟Ouest. Il
l‟autorité de cet Etat mais elles jouissent d‟une large autonomie. C‟est un travail important
qui s‟est largement appesanti sur l‟histoire des centres d‟études islamiques de notre zone
intéressantes sur les deux principaux centres. L‟auteur présente Birni N‟Gaouré comme le
6
plus puissant des centres sous le règne de Boubacar Louloudji : « Birni Ngaure become
the most extensive and powerful emirate, in the west of Gwandu. It was also the first
established in the zaberma area. The founder of the emirate was a Fulani malam, Abu
Bakr Luduje » (Balogun, 1970: 110). Traduction:[Birni N‟Gaouré était le plus vaste et le
plus puissant émirat, dans la partie Ouest de Gwandou. Il était également le premier Etat
implanté dans une région zarma. Le fondateur de cet émirat était un marabout peul,
Aboubacar Louloudji]. Cette étude est d‟un intérêt fondamental pour tout chercheur qui
travaille sur les centres d‟études islamiques se trouvant dans la sphère d‟influence de
Gwandou.
Dans sa thèse, Bello Alkali (1969), A Hausa community in crisis : Kebbi in the
nineteenth century, s‟est surtout appesanti sur les relations conflictuelles entre le Kabi et
Gwandou ainsi que sur les différentes alliances nouées au gré des circonstances. On y
découvre les conditions dans lesquelles la fameuse alliance qui porte le nom du souverain
dans le Dallol est à la base de la chute de Tamkalla (capitale du centre d‟études islamiques
du Boboye) en 1854. Dans cette étude, ce sont les questions politiques qui ont été
largement développées.
Il ressort de tout ce qui précède qu‟aucune étude spécifique sur les centres d‟études
ce vide. Il s‟agit ainsi d‟apprécier le rôle joué par les centres d’études islamiques dans le
au XIXe siècle. Un premier aspect du travail porte sur l‟analyse de l‟évolution de l‟islam
dans la zone du XVIe au XVIIIe siècle. Le deuxième axe de réflexion est consacré au
renouveau islamique du XIXe siècle qui verra l‟éclosion de plusieurs centres d‟études
7
question sur le rôle que ces centres d‟études islamiques ont joué dans le développement
de l‟urbanisation, du commerce et la formation d‟un nouveau groupe social (les lettrés) qui
Au lieu d‟avoir une approche globale, nous avons préféré une étude au cas par
cas des centres d‟études islamiques. Une telle démarche s‟impose compte tenu de la
spécificité de chacun de ces centres. En effet, les fondateurs des centres, malgré leur
musulmane. Leurs œuvres n‟ont pas eu la même portée. Chaque centre sera ainsi l‟objet
d‟une étude. Ce qui permet de mieux apprécier le rôle joué par chacun dans le processus
du Niger du XVIe au XVIIIe siècle, sera structurée en trois chapitres. Le premier chapitre
porte sur l‟aperçu géographique et historique de la zone. Le second est consacré à l‟étude
des centres d‟études islamiques du XVIe siècle. Le troisième chapitre fait le point sur
Boboye. Elle comporte trois chapitres. Le premier porte sur l‟œuvre de Boubacar
Louloudji, héritier de ce centre créé par son grand père, Ali Anna. Il montrera à travers ce
personnage, comment les ambitions démesurées d‟un leader religieux peuvent faire
sombrer toute une région dans le chaos. Le deuxième chapitre est consacré à l‟œuvre
Tamkalla, capitale du centre d‟études islamiques du Boboye qui consacre aussi la fin de
l‟hégémonie peul dans la zone. Le troisième chapitre porte sur la reconquête du Dallol par
8
La troisième partie du travail porte sur Say, le plus important centre d‟études
islamiques de l‟Ouest du Niger. Elle est structurée en trois chapitres. Le premier est
création de ce centre et énonce les raisons qui expliquent le rayonnement de cette ville
Mahaman Diobbo et de ses successeurs. La quatrième et dernière partie, quant à elle, est
consacrée à l‟étude des centres d‟études islamiques secondaires (Sinder, Tirga, Kounari,
Goudel). Cette partie est également structurée en trois chapitres. Le premier étudie le
centre d‟études islamiques secondaire de Sinder et le second porte sur ceux de Tirga, de
Kounari, et de Goudel. Le troisième chapitre est consacré au bilan de l‟œuvre des lettrés
Nous n‟avons pas la prétention de faire toute la lumière sur la question, nous souhaitons
9
Méthodologie et sources
I- Méthodologie
Pour traiter ce sujet, nous avons adopté une démarche qui comporte trois étapes : la
recherche documentaire, les enquêtes sur le terrain suivi du traitement des données et la
Moumouni, le Centre Culturel Franco – Nigérien (Jean Rouch) ainsi que dans les
bibliothèques privées des professeurs Djibo Hamani et Kimba Idrissa. Cette recherche
Abdoulaye Fodio de l‟Université Shaykh Ousmane Dan Fodio de Sokoto, les bibliothèques
des départements d‟Histoire des Universités de Sokoto et de Zaria (ABU) et celle d‟Arewa
House. Après ces recherches documentaires, nous avons consulté les documents d‟archives
conservés aux Archives Nationales de Niamey, ceux de Waziri Janaidu House (Sokoto),
d‟Arewa House et de National Archives (Kaduna). Nous avons aussi entrepris une
d‟entretien, nous avons effectué plusieurs déplacements sur le terrain pour faire des
enquêtes. Ces déplacements nous ont conduit dans une vingtaine de localités de notre zone
d‟étude et dans plusieurs quartiers de la Communauté Urbaine de Niamey (voir carte p 16).
Ces enquêtes auraient pu être élargies à d‟autres villages mais le fait de travailler sur une
zone vaste avec peu de moyens nous a rendu la tâche difficile. Le choix de ces villages est
motivé par le rôle qu‟ils ont joué dans l‟histoire de notre zone d‟étude. Nous avons procédé
10
à ce niveau, à une collecte extensive et intensive des informations en organisant des
II – Les sources
Elles ont été d‟une grande importance dans l‟élaboration de ce travail. Dans
l‟Ouest du Niger, il n‟y a pas de spécialistes des sources orales comme cela s‟observe au
Mali avec la caste des Dyeli1 où chaque grande famille a son griot qui détient pratiquement
tout sur le passé de celle-ci. Ces Dyeli sont des spécialistes de l‟art de la parole car ils
subissent un apprentissage rigoureux étalé sur plusieurs années. Selon M. Niane, ils sont
griots) qui, après avoir bénéficié d’un enseignement systématique, conservent un corps de
(canton) où ils résident » (Niane rapporté par Person, 1962 : 463). Au Niger, l‟information
est transmise oralement d‟une génération à une autre. Les informations ne sont pas
forcément détenues par les personnes âgées. On peut aussi les recueillir auprès des jeunes
avertis qui ont vécu pleinement leur culture. C‟est pourquoi, nous avons procédé à une
sur le terrain. Trois langues ont été utilisées pour recueillir les informations : le français, le
zarma et le fulfuldé. C‟est un travail difficile car la tradition orale n‟est pas toujours bien
conservée. Les informateurs présentent des lacunes car les contradictions et les „‟trous de
mémoire‟‟ sont abondants. Mais, ces contradictions ne constituent pas un obstacle comme
11
pour nous très riches en enseignements, elles nous révèlent en effet, la position de certains
informateurs par rapport au fait dont il est question » (Djibo, 1986 : 3).
Une autre difficulté est liée à l‟immensité du terrain et à la rareté des témoins
détenteurs des traditions orales. Lors de nos enquêtes sur le terrain, nous avons constaté au
niveau des différentes localités visitées que peu de personnes connaissent l‟histoire de leur
terroir. Parmi les informateurs que nous avons rencontrés, rares sont ceux qui ont de larges
connaissances sur les différentes questions abordées. Même les Alfa, supposés être les
dépositaires de l‟histoire des familles des fondateurs des centres d‟études islamiques ont
des connaissances vagues sur le sujet. En effet, seuls les hauts faits et ceux qui relèvent de
l‟imaginaire populaire sont retenus par ces Alfa. Les leaders religieux sont généralement
présentés par la plupart de nos informateurs comme des wali1, faiseurs de miracle.
tendance à donner une origine orientale aux fondateurs des centres d‟études islamiques est
largement répandue. C‟est un artifice pour donner plus de poids et de légitimité à leurs
familles. La famille Mahaman Diobbo par exemple est originaire du Macina. Le fait de la
rattacher à la famille du prophète lui permet d‟avoir une assise populaire et de faire passer
ainsi le message de Dieu. Il existe néanmoins quelques rares informateurs qui ont des
connaissances assez larges sur le passé de leur région mais, ils sont généralement très
réservés et n‟interviennent que quand un informateur avance une contre vérité évidente. Il
appartient au chercheur de les identifier et de créer un climat de confiance pour les amener
à délier la langue.
Les enquêtes ont été menées entre 2007 et 2012 dans une vingtaine de localités.
l‟importance des lieux mais aussi de leur position géographique (lieux éloignés et lieux
1 - Wali : Contrairement à une opinion largement répandue, le wali n‟est pas un faiseur de miracle mais un
saint.
12
difficiles d‟accès).Toutes les enquêtes orales ont été effectuées dans l‟Ouest du Niger. Les
informations ont été recueillies auprès d‟informateurs issus des différentes catégories
fonctionnaires, paysans… Les procédés utilisés pour la collecte des informations sont : les
prises de note et les interviews. Le procédé le plus utilisé est l‟entretien collectif. Au cours
de cet entretien, nous cherchons à identifier les informateurs qui semblent mieux maîtriser
le sujet en discussion et nous organisons ensuite des interviews individuelles. Des fois, les
noms de certains informateurs bien connus dans la zone pour leur attachement à la tradition
orale nous sont recommandés à partir de Niamey par les ressortissants de la localité. Pour
cette catégorie d‟informateurs, l‟interview se déroule chez eux. Après les entretiens, nous
procédons au croisement de nos informations afin de retenir les versions les plus probables.
mêmes, leur application pose ici des problèmes très particuliers, qui méritent un examen
Parmi nos principaux informateurs, nous pouvons citer : Alzouma Bazi Cissé. Il est
le descendant de Mahaman Diobbo qui s‟est le plus intéressé à l‟histoire de sa famille. Cet
informateur m‟a été recommandé par Diouldé Laya. C‟est avec lui que nous avons recueilli
des informations intéressantes sur l‟histoire du centre d‟études islamiques de Say telles que
Un autre informateur non moins important est Abdoulsalam Soumaila grâce à qui
nous avons recueilli des informations sur l‟histoire des Zooran du quartier Zooranay de
Say. Idrissa Aboubacar est un informateur qui a des larges connaissances sur l‟histoire des
13
Amadou Oumarou nous a été recommandé à partir de Say par les ressortissants de
Wouro- Guéladio vivant dans cette ville. Il est l‟un des meilleurs informateurs car malgré
son âge avancé, il est d‟une lucidité remarquable dans son raisonnement. Il a des larges
connaissances sur l‟histoire des Ferobé du Kounari depuis leur départ du Macina jusqu‟à
leur installation sur le nouveau site. C‟est grâce à lui que nous avons su que cette localité
n‟avait pas été seulement un centre militaire mais qu‟il avait joué un rôle important dans
sur l‟histoire du Boboye, de Say, de Kounari ainsi que les chants religieux d‟Alfa Mahaman
Diobbo. C‟est un patrimoine important mais qui est malheureusement en péril car les
bandes sont mal conservées, mal entretenues et sont entreposées dans une salle vétuste. Ce
patrimoine doit être sauvé car la plupart des informateurs interrogés ne sont plus de ce
monde. Si nous laissons ces bandes s‟abîmer par négligence, c‟est tout un pan de
l‟histoire de notre pays qui va disparaître ; d‟où l‟urgence de sauver ces documents de la
sonothèque.
Malgré leurs lacunes, les sources orales sont des sources importantes pour l‟historien qui
veut étudier la période antérieure à la colonisation. Il doit par conséquent les soumettre à
la critique interne et externe afin d‟en tirer matière à histoire, ce que souligne Hamidou
Diallo en ces termes : « Confrontée aux données des archives coloniales, la tradition orale
Une des lacunes majeures des sources orales, c‟est le manque de dates : « Mais s’il
14
(Person, 1962 : 463). Pour combler cette lacune, nous avons procédé à une confrontation
des différentes versions recueillies aux données des archives coloniales et des manuscrits
arabes. Cette démarche nous a permis de dater certains événements majeurs qui ont marqué
15
Carte No1 : Lieux d’enquêtes
16
2 – Les recueils de traditions orales
Outre les témoignages oraux, nous avons consulté les recueils de traditions orales.
Il s‟agit de documents élaborés essentiellement à partir des données des sources orales. Ce
sont généralement des compilations dont le mérite est d‟avoir traduit et publié en français
des traditions orales. Ces données allaient certainement disparaître n‟eût été l‟intelligence
d‟esprit des auteurs qui les ont recueillies et publiées. Dans cette catégorie de documents,
nous pouvons citer ceux des auteurs nigériens comme Boubou Hama (1969), Diouldé Laya
Boubou Hama par exemple a écrit plusieurs ouvrages grâce à la collecte des
traditions orales. A titre d‟exemple, on peut citer l‟ouvrage intitulé : Histoire traditionnelle
1968) sur la planification de la collecte des traditions orales du fait de son originalité. Ce
qui a retenu notre attention dans cet ouvrage, c‟est le fait qu‟il retrace l‟histoire de la
famille de Boubacar Louloudji depuis l‟arrivée d‟Ali Anna dans le Dallol jusqu‟à la
aventure de l‟érudit aveugle. Mais n‟étant pas historien de formation, Boubou Hama n‟a
pas soumis ses informations à la critique historique avant de les mettre à la disposition du
lecteur. Malgré tout, cet ouvrage constitue un document de première main pour le
chercheur qui veut étudier l‟histoire des Peul du Dallol- Bosso. Il faudrait tout simplement
le consulter avec prudence en soumettant les informations qu‟il contient à la critique afin
Diouldé Laya a écrit plusieurs ouvrages à partir de la collecte des traditions orales.
On peut citer celui intitulé, Say : ‘’Les premiers venus, nos grands parents ont occupé les
terres qu’ils voulaient „‟. Cette étude contient des informations recueillies auprès de feu
17
Alfaizé Abdoulsalam Cissé1 auquel il faut ajouter quelques personnes âgées de la ville de
Say et des villages environnants ayant des connaissances sur le passé. L‟intérêt de ce
document, c‟est qu‟il fournit des informations sur l‟histoire de la ville ainsi que sur
l‟implantation de l‟islam dans la zone au XIXe siècle. Cette entreprise est donc à saluer,
car elle a permis de recueillir des informations précieuses auprès d‟informateurs qui
auraient disparu certainement avec leur savoir, sans que nous ne puissions y avoir accès.
Comme Boubou Hama, l‟auteur consigna par écrit les informations qu‟il a recueillies sans
les soumettre à la critique. Les documents écrits par ces deux auteurs doivent être exploités
avec un esprit critique par le chercheur. Même si les écrits de Boubou Hama et de Diouldé
Laya sont des traditions brutes recueillies et non soumises à la critique, leur importance
réside dans le fait qu‟ils mettent à la disposition du chercheur des informations fournies par
des anciens qui ont en mémoire des éléments d‟informations sur le passé de leur zone.
Un autre recueil de traditions orales non moins important est celui de Boubacar
Beidi Hama (2003), Histoire des peuls du Dallol Bosso. Cet ouvrage est une reprise du
travail de Boubou Hama. Les deux travaux sont presque identiques et présentent la version
officielle de l‟histoire des Peul du Dallol Bosso, recueillie auprès de Siddo Sayoma,
souverain de Birni- Sillantché. On y trouve l‟histoire des Peul de cette zone depuis
l‟arrivée du grand père de Boubacar Louloudji, Ali Anna à la fin du XVIIe siècle (de
Cet ouvrage a été enrichi par des traditions locales en fulfuldé recueillies auprès des
notables de la cour de Birni N‟Gaouré. La seule différence entre les deux ouvrages, c‟est la
partie consacrée aux institutions du centre d‟études islamiques du Boboye qui ne figure pas
dans l‟ouvrage de Boubou Hama. Ce dernier et Boubacar Beidi Hama, n‟ont recueilli que
des traditions brutes qui n‟ont pas été soumises rappelons-le, au traitement méthodologique
18
approprié. En effet, dans sa démarche, Boubacar Hama Beidi essaie de prouver que
l‟arrivée des Peul dans le Dallol est antérieure à celle des Zarma. Mais malgré tout, son
ouvrage présente un certain intérêt car il permet au chercheur d‟avoir des informations
précieuses sur l‟histoire des populations du Boboye. Le chercheur qui le consulte doit
avoir l‟esprit critique constamment en éveil pour ne pas tomber dans le piège des versions
officielles.
Il s‟agit des documents écrits par les lettrés musulmans en langue arabe ou dans une
autre langue du terroir avec des caractères arabes. L‟importance de ces documents réside
dans le fait qu‟ils contiennent des informations fournies par des contemporains, qui ont
vécu pour la plupart les évènements qu‟ils relatent. En allant sur le terrain, notre intention
est de recueillir le maximum de manuscrits. En effet, nous travaillons sur les centres
d‟études islamiques créés par des lettrés musulmans. A notre avis, ces derniers ont
correspondances diverses…). Les écrits de certains auteurs occidentaux que nous avons
«Parmi les souvenirs légués par les saints personnages du passé, il existe un Coran
écrit à la main de Abdoulaye, frère de Ousman dan Fodio ; le livre aurait été remis
par l’auteur à Mohaman Diobo, ainsi que deux autres livres, et légués par
Mohaman Diobo à son fils Boubacar.
Ces ouvrages sont actuellement détenus, le premier par Youssoufou, les deux
autres par Alassane Cissé, chef de canton de Say » (Lem, 1943 : 73).
Jusqu'à la fin de la première moitié du XXe siècle, certains documents anciens ont
manuscrits dans ce centre d‟études islamiques. En plus, Say a entretenu des relations
19
cordiales avec Sokoto, ce qui laisse supposer l‟existence de correspondances diverses
entre les deux localités. Le deuxième auteur qui signale l‟existence des manuscrits dans
effet, effectué de 1908 à 1909, une mission scientifique de collecte d‟inscriptions lithiques
et à Say. Il a bénéficié dans ses investigations au Niger, de l‟aide d‟Alfa Issoufi Hâlil :
« Ce fut à Sinder (Niger) que s’établit pour un mois mon chantier de copie, grâce à
la confiance, exceptionnelle chez un musulman de ces régions, que me témoigna le
marabout songhoy Issoufi Alilou (…), il mit à mon service comme copistes, ses
meilleurs disciples, et, le travail terminé à Sinder, m’accompagna avec eux, auprès
des marabouts peuls de Say jusqu’ici restés fermés. Un séjour à Say (juin 1912),
marqua la fin de mes recherches archéologiques (…). Finalement, ces recherches
m’avaient fait recueillir 812 inscriptions lithiques et un ensemble de 223
manuscrits représentant, 4000 pages de texte arabe (collections déposées à
l’Académie des Inscriptions et Belles- Lettres) » (Gironcourt, 1912 : 30- 31).
Ces propos de Gironcourt laissent supposer l‟existence de manuscrits dans notre zone
d‟étude. Sur le terrain, la moisson a été maigre. La plupart de ces manuscrits ont de nos
jours disparu. Nous avons fait des démarches dans le sens de la consultation de ces
manuscrits. D‟abord sur les différents moteurs de recherche (Google, bing, gallica, persee),
puis nous avons postulé aux subventions de CODESRIA pour aller le plus loin possible
Même à Sinder où quelques manuscrits sont encore disponibles, ils sont dans un état de
Recherche en Sciences Humaines (IRSH), n‟a pas été à la hauteur de nos attentes. Ce
département dispose d‟un catalogue dans lequel sont répertoriés les manuscrits mais
20
Ministère des Enseignements Moyen, Supérieur et de la Recherche Scientifique, qui nous
ont aidé à exploiter ce catalogue de MARA. Au total, nous n‟avons eu que deux
manuscrits :
- Le ‘’Tarikh Sinder’’, c‟est un vieux manuscrit repris par Sounakoye Djibrilla afin de
pallier la disparition des manuscrits anciens. Le premier „‟Tarikh Sinder’’ fut rédigé au
début du XXe siècle par le cadi de Sinder de l‟époque, Elhadji Omar Issoufi Halîl. Ce
dernier disposait de sa propre bibliothèque privée qui avait été fermée peu après son décès
au cours des années 1960. Les manuscrits de cette bibliothèque étaient rangés dans des
conservation avaient fait que la plupart des manuscrits s‟étaient détériorés avec le temps.
Parmi les manuscrits fortement endommagés figure, le ‘’Tarikh Sinder’’. Devant l‟état de
dégradation avancé de ce document, les autorités de cette localité avaient jugé utile de le
reproduire. Cette tâche fut confiée à Sounakoye Djibrilla, petit fils d‟Omar Issoufi Halîl.
Ce fut donc auprès du chef de canton actuel, Elhadji Ibrahim Djingarey et de son entourage
que Sounakoye Djibrilla avait recueilli l‟essentiel des informations sur l‟histoire des
populations de l‟île. A ces informations, il avait ajouté les siennes pour rédiger ce Tarikh.
problèmes. Mais grâce à l‟aide de deux arabisants rappelons-le, nous avons pris
21
l‟auteur n‟évoque que les règnes de Mahamane Diobbo et de son fils, Boubacar alors que
certains de ces événements qu‟il relate, se sont déroulés longtemps après leur décès. A
titre d‟exemple, le tarikh souligne qu‟Attikou Mohamadou s‟est installé sur l‟île de Neni
sous le règne de Boubacar Modibo alors que l‟évènement dont il est question, s‟est déroulé
en 1900. Or, à cette date, les Français se sont déjà installés à Say. En plus, ce manuscrit ne
précise pas les noms des officiers français qui ont attaqué l‟île de Sinder. Malgré ces
Sinder en particulier. Dans l‟ensemble, nous nous sommes heurté à la rareté de cette
catégorie de documents dans notre zone d‟étude. Un travail de sauvetage des manuscrits
Le premier tarikh a pour auteur Mahmoud Kâti (1913). Cet auteur est intéressant
Dans son ouvrage, Askia Mohamed est présenté comme un grand défenseur de l‟islam qui
est toujours à l‟écoute des musulmans. L‟Empereur a œuvré sans relâche au rayonnement
de la culture islamique dans toutes les régions du pays. C‟est dans ce cadre qu‟il plaça des
lettrés musulmans dans quelques localités de notre zone d‟étude. Quant au second auteur,
Es- Sa‟di (1981), il a surtout mis l‟accent sur l‟évolution de l‟Empire soηey depuis le règne
d‟Askia Mohamed jusqu‟à l‟invasion marocaine. Les deux auteurs présentent Askia
Mohamed comme un Souverain qui a beaucoup d‟estime pour les ouléma. L‟expansion de
l‟islam au sein de l‟Empire est au centre de ses préoccupations. L‟intérêt de ces deux
ouvrages, c‟est qu‟ils contiennent des dates repères importantes. On y trouve par exemple
la date du pèlerinage d‟Askia Mohamed sur les lieux saints ainsi que les noms des grands
22
savants musulmans qu‟il a rencontrés au cours de ce voyage. Cette date nous a permis de
faire des recoupements et de déterminer l‟époque à laquelle le village de Kafi a été créé.
Les trois grandes figures du Jihad à savoir Shaykh Ousmane Dan Fodio, son frère
Abdoulaye et son fils Mohamed Bello, sont tous des lettrés musulmans qui ont largement
contribué au rayonnement des sciences arabo- musulmanes au XIXe siècle. Ils ont écrit un
nombre important de documents pour expliquer l‟islam, les idées du Shaykh, et les causes
du Jihad. On peut citer entre autres : Bayān Wūjūb Al- Hijra ‘A La’ L- Ibad de Shaykh
Ousmane Dan Fodio ; Tazyin al- Warqāt bi ba’d mā li min al- abyāt d‟Abdoulaye Fodio ;
Infaku’l Maisuri de Mohamed Bello… Parmi ces ouvrages, celui d‟Abdoulaye Fodio
informations sur l‟impact de ce mouvement religieux dans notre zone d‟étude. L‟auteur
donne les raisons qui ont poussé le Shaykh à déclencher le Jihad. Contrairement à la thèse
largement répandue par les auteurs occidentaux selon laquelle le Jihad est une guerre
hégémonique menée par les Peul, Abdoulaye donne sa version des faits en ces
termes : « And we are an army victorious in Islam, and we are proud of nothing but that.
Tribes of Islam and Tūrubbi is our clan.Our Fulāni and our Hausa all united, and among
us other than these, certain tribes joined together for the help of God’s religion- made up
the union » (Hiskett, 1963 : 110). Traduction: [Ainsi, nous sommes une armée victorieuse
en islam, et nous sommes fiers de cela. Les tribus de l‟islam et les Toroobé constituent
notre clan. Nos Peul et nos Haoussa, tous unis, et parmi nous plus que ceux- là, d‟autres
23
tribus nous ont rejoints pour défendre la cause de la religion de Dieu. Tout cela est la base
de notre force]. Enfin, on y trouve des informations sur les campagnes menées par
Même si les acteurs du Jihad tentent de démontrer à travers leurs écrits que cette
guerre n‟a aucun caractère ethnique, sur le terrain ils ont agi autrement. En 1812 par
exemple, le Shaykh Ousmane Dan Fodio a partagé l‟empire au profit des seuls membres
de sa famille : l‟Est à son fils Mohamed Bello, l‟Ouest à son frère Abdoulaye, le Nord à un
autre membre de sa famille, Ali Jedo responsable des opérations militaires et le Sud à
ses deux fils, Abdoulsalam et Boukari. Certains souverains ont trouvé ce partage injuste et
lui ont fait le reproche en ces termes : «Mallam kai raban kura », autrement dit : « Mallam
tu as fait le partage de l‟hyène ». Dans nos sociétés quand une personne fait un partage très
inégal en sa faveur, les gens lui reprochent d‟avoir fait « le partage de l‟hyène », c'est-à-
Nous entendons par sources d‟origine coloniale les écrits des explorateurs, des
colonisation.
maximum d‟informations sur l‟Afrique ont écrit une quantité importante de documents sur
les différentes régions traversées. Leurs écrits comportent des détails sur le cadre naturel,
les structures politiques, le mode de vie des populations, les ethnies, leur histoire, leurs
coutumes. Leurs travaux renferment néanmoins des préjugés : « Les jugements des
24
explorateurs sur l’Afrique sont aussi divers que le pays, les explorateurs eux-mêmes et les
circonstances de leur passage ( ). Mais chacun apporte son tempérament et ses préjugés »
(Deschamps, 1967 : 258). Mais, cela ne doit pas nous pousser à nier toute qualité à leurs
écrits. Ces derniers contiennent en effet, des informations intéressantes sur la situation
sociale, politique, religieuse, économique et culturelle des sociétés visitées. Ils contiennent
quelques dates repères importantes qui permettent de dater avec exactitude certains
évènements qui ont marqué l‟histoire de notre zone d‟étude. Parmi les ouvrages des
explorateurs, celui de Henri Barth, Travels and discoveries in north and central Africa
being a journal on an expedition, 1849 -1855 a été d‟un apport non négligeable dans
l‟élaboration de ce travail. Barth est en effet, l‟un des grands explorateurs du XIXe siècle,
qui a parcouru une bonne partie de l‟espace nigérien, depuis les régions sahariennes
jusqu‟aux zones sud du pays. Il a séjourné à Gwandou entre le 17 mai et le 04 juin 1853
puis du 17 au 21 août 1854 (aller- retour Tombouctou). Il a visité presque tous les centres
d‟études islamiques de notre zone d‟étude. Même si dans son ouvrage il n‟a pas fait un
intéressantes sur les principaux centres d‟études islamiques de l‟Ouest du Niger (Say,
Tamkalla, Kounari, Sinder) où il a séjourné : description des paysages, des hommes, des
Barth montre avec un esprit scientifique l‟importance de l‟histoire des Etats soudanais qu‟il
a traversés et décrit les mœurs des sociétés de ces zones. A chaque halte, il donne le
moment auquel il est arrivé dans la zone, le jour et l‟année, bref comme le souligne
toute une région » (Cornevin, 1961 : 489). Ainsi, l‟un des mérites de cet ouvrage, c‟est
d‟avoir permis de dater avec précision la chute de Tamkalla. Cette date (1854), nous a
25
servi de repère pour faire une chronologie de l‟histoire du centre d‟études islamiques du
Boboye.
Dans cette catégorie de sources, la contribution des auteurs comme Hourst (1898),
nature et l’Homme, a été non négligeable. Hourst a séjourné cinq (5) mois durant dans la
région de Say, plus précisément sur l‟île de Talibiya où Archinard a construit un fort. Sa
mission a atteint cette ville, le 07 avril 1896 (Hourst, 1898 : 268). Mais à cause de ses
démêlés avec Amadou Satourou, Alfaizé de Say, Hourst s‟insurge contre les musulmans :
«Les musulmans sont en général, je parle des chefs et des marabouts du moins,
menteurs et de mauvaise foi. Il y a cent manières, y compris la restriction mentale,
de jurer sur le Coran sans être en rien tenu. Aurait-on été entièrement de bonne foi,
le prophète n’enseigne-t-il pas qu’on rachète un serment violé par quatre jours de
jeûne ? Si, même lorsqu’ ils s’engagent à leur manière, les musulmans sont aussi
fourbes, qu’est-ce que cela doit être lorsqu’ils emploient des moyens qui ne leur
sont pas coutumiers, des moyens qui n’ont pour eux aucune valeur morale ? Parmi
ceux-ci, je tiens au premier chef les traités en tant d’articles que nous passons avec
eux» (Hourst, 1898 : 270-271).
Cette diatribe contre les musulmans s‟explique par le refus du souverain de Say
d‟entériner les traités signés avec les missions précédentes (Monteil, Baud, Decoeur..). En
effet, les éléments fugitifs d‟Ahmadou Sékou ont devancé la mission Hourst à Say :
« Bayéro et ses alliés quittèrent Séba et prirent le chemin du Zarmatarey. Ils vinrent
s’installer à Lontia1 » (Hama Beidi, 2003 : 137). Ils ont fait comprendre au souverain de
cette localité que ces traités ne sont rien d‟autres qu‟un marché de dupe. Les Toucouleurs
du Macina ont expliqué à Afaizé Amadou Satourou, les motivations réelles des Français.
séjour à la mission mais aussi décida de ne plus respecter les clauses des traités déjà signés,
car les Français lui ont menti sur leurs contenus. C‟est ce refus qui provoqua la colère de
26
Hourst ; d‟où ces propos durs contre les musulmans. Malgré ces écueils, il met en relief
degré d‟islamisation des différentes régions qu‟il a traversées. De toutes ces régions
partir de Saye, on peut faire lire une lettre en arabe, on trouve des secrétaires capables de
rédiger et d’écrire un traité, une lettre politique et, à plus forte raison une correspondance
privée » (Toutée, 1899 : 185). Malgré le poids de préjugés et les erreurs d‟appréciation, dus
au contexte difficile dans lequel les ouvrages ont été élaborés, les écrits des explorateurs et
faut simplement les analyser avec prudence afin d‟en tirer profit : « Les règles habituelles
Contrairement aux explorateurs qui n‟ont consacré que quelques pages à l‟islam,
les administrateurs coloniaux ont écrit une quantité importante de documents sur la
question. L‟islam perçu comme un danger, a été l‟objet d‟une attention particulière de la
telles que : ‟‟Islam noir‟‟, „‟maraboutisme‟‟, ‟‟Islam africain‟‟, „‟naturisme‟‟... Les travaux
des administrateurs coloniaux qui fournissent des indications intéressantes sur l‟islam en
Afrique occidentale sont ceux de Brévié (1923), de Gouilly (1952), Froelich (1962)… Ces
travaux renferment néanmoins beaucoup de préjugés. En effet, ils abordent pour la plupart,
27
la question de l‟islam sous un angle racial. Ainsi, pour ces auteurs, la création des
principaux centres d‟études islamiques de l‟Ouest du Niger par des lettrés musulmans peul
est liée non pas au contexte mais au génie de leur race. Malgré ces écueils, leur apport reste
non négligeable grâce à quelques dates repères, à des cartes et statistiques… qu‟ils
l‟islamisation en Afrique occidentale ainsi que sur les différentes confréries musulmanes.
Mais, c‟est surtout l‟ouvrage de Paul Marty (1931), L’islam et les tribus dans la colonie
du Niger, qui a été d‟un grand apport dans l‟élaboration de ce travail. Son intérêt, c‟est
qu‟il indique le niveau d‟implantation de l‟islam dans les différents cercles de la colonie
au début du XXe siècle. Il rapporte aussi des informations sur les personnalités politiques et
religieuses ainsi que sur les institutions. Cet ouvrage a le mérite de donner au chercheur,
des statistiques sur le nombre de musulmans et de non musulmans par cercle mais aussi sur
(1936), Histoire des populations du Soudan Central, qui est important car il retrace
l‟histoire des populations nigériennes. Ce livre est d‟un grand intérêt pour la connaissance
du passé des habitants du Niger. S‟agissant de notre zone d‟étude, c‟est surtout l‟étude de
Lem (1943), ‘’ Un centre d’islamisation au Moyen Niger : Say’’ qui fournit des
écueils, cette étude permet d‟avoir une vision globale sur l‟histoire de Say, depuis sa
occidentaux contiennent certes des lacunes, mais lus avec le maximum d‟esprit critique, le
28
c- Les sources d’archives
Les documents d‟archives que nous avons exploités dans le cadre de ce travail
sont : les Archives Nationales du Niger et celles du nord Nigeria. Elles sont produites pour
les archives nationales du Niger, il s‟agit des monographies, des rapports de tournées, des
rapports politiques, des rapports économiques, des fiches de renseignements sur les ouléma
Au niveau des Archives Nationales de Niamey, les documents sont conservés dans
des conditions acceptables. On peut, une fois les formalités administratives remplies, y
accéder facilement. A l‟intérieur du pays, les archives sont difficiles d‟accès car elles sont
gérées comme des poubelles dans de vieux bâtiments coloniaux. Il faut signaler que les
archives locales consultées (Filingué, Tillabéri, Dosso, Say et Kollo) sont très mal
conservées par les responsables administratifs. A Say par exemple, en 1997, nous avons
trouvé un nombre important de documents d‟archives. Lors de notre dernier séjour dans
cette ville en 2007 et en 2008, nous avons constaté qu‟il n‟ ya plus de documents datant
de la période coloniale. Certains ont été emportés par les agents du Ministère de l‟Intérieur
qui travaillent dans le cadre du tracé de la frontière Burkina- Faso- Niger. D‟autres ont
archives à Tillabéri et à Dosso est identique à celle de Say. En effet, les salles dans
relativement long dans ces différentes localités, nous n‟avons pas trouvé un seul document
Les documents produits par des Occidentaux, qui pour la plupart ont peu de
connaissances sur l‟islam, comporteront certainement des lacunes que seul un esprit
29
critique constamment en éveil peut déceler. Malgré tout, ils contiennent des informations
intéressantes sur l‟islam telles que des tableaux statistiques sur le nombre de musulmans
par villages, par subdivisions ou par cercles, sur les érudits, leurs mouvements, sur les
écoles coraniques, les confréries... Ils fournissent également des cartes et des dates sur
l‟exploitation de ces documents afin de relever les insuffisances et les combler par un
Janaidu House à Sokoto, Arewa House et National Archives à Kaduna. Ces dépôts
contiennent une quantité importante de documents. Seul un long séjour permet de les
mouvement religieux dans notre zone d‟étude. Les documents d‟archives sont composés
des écrits des acteurs du Jihad et ceux des agents de la colonisation. Ils contiennent
également des informations sur les centres d‟études islamiques de l‟Ouest du Niger
L‟analyse des écrits des différents auteurs européens que nous avons consultés nous
- Ceux qui ont quelques connaissances sur la question sont dans leur majorité influencés
par la pensée coloniale du XIXe siècle. Ils privilégient la suprématie et la piété des
populations à „‟peau claire‟‟, qui sont des vrais musulmans selon eux. Quant aux noirs, ils
pratiquent un islam fortement influencé par la religion traditionnelle. Ce sont ces auteurs
30
Il y a une minorité d‟auteurs qui ont essayé de faire preuve d‟esprit scientifique.
Malheureusement, ils ont été limités dans leurs raisonnements à cause de la barrière
Les chercheurs se sont peu intéressés à l‟histoire de l‟islam dans l‟Ouest du Niger. Il
existe néanmoins des thèses consacrées à l‟histoire des populations de cette zone. Parmi
mouvements des populations dans notre zone d‟étude et les conséquences y découlant.
L‟intensification de ces mouvements va accentuer la pression sur les terres. Cette situation
va provoquer des guerres qui vont entraîner des mutations socio- économiques dans la
zone au XIXe siècle. Cette étude fournit également des informations intéressantes sur les
fondateurs des deux principaux centres d‟études islamiques (Say et Garouré). A cette
thèse s‟ajoutent celles de Mohamed Sidi Mahibou (1983), La pensée politique et sociale
Burkina- Faso : agriculteurs, pasteurs et Islam (1740- 1960). La première est une analyse
jouissant d‟une grande réputation dans tout le Soudan : « Il fut même une période où les
dirigeants de différentes régions au Soudan étaient unanimes à lui demander conseil sur
des questions religieuses et temporelles » (Mahibou, 1983 : 47). C‟est ce que fit Daouda
décisives : « Abdullahi fut un combattant du 1er rang et un commandant très apte à diriger
les batailles. Beaucoup de combats ont abouti à la victoire grâce à la direction qu’il sut
31
leur donner » (Mahibou, 1983 : 201 – 202). Le second ouvrage porte sur l‟islam dans le
sahel du Burkina- Faso. Ce qui est intéressant dans cette étude, c‟est qu‟on constate que
les migrations peul vers le sahel Burkinabé et vers notre zone d‟étude, remontent à la
même période et ont eu les mêmes conséquences de part et d‟autre : pression sur la terre
engendrant des conflits entre agriculteurs et éleveurs, le rôle joué par l‟islam dans ces
conflits fonciers. L‟histoire de l‟islam dans le sahel Burkinabé ressemble beaucoup à celle
Burkinabé ont profité du Jihad pour mener, une véritable guerre d‟expansion. Ce qui va
d‟enquêtes car notre sujet porte sur une question sur laquelle aucune étude spécifique n‟est
encore disponible. Il exige de nous un important travail de terrain sur un vaste champ
d‟étude. Faute de moyens appropriés, nos enquêtes n‟ont pas couvert toutes les
communautés vivant dans notre zone d‟étude. La communauté touareg par exemple, qui
compte en son sein des érudits qui ont marqué l‟histoire de la zone, n‟a pas été touchée par
nos enquêtes. La collecte des traditions orales n‟a pas été aisée. Ainsi, plus on remonte
dans le temps, plus les informations de qualité sont rares. Par ailleurs, les manuscrits
relatifs aux périodes reculées ne sont pas disponibles dans notre zone d‟étude. Nous avons
avons effectué deux voyages dans le Nord du Nigeria qui ont été limités dans le temps.
32
masse de documents disponibles dans ces centres de documentation. Compte tenu de toutes
les difficultés rencontrées, l‟étude peut souffrir d‟imperfection. Nous sollicitons par
33
PREMIERE PARTIE : L’ISLAM DANS L’OUEST DU NIGER DU XVIe AU XVIIIe SIECLE
34
Cette partie est un aperçu sur l‟évolution de l‟islam dans l‟Ouest du Niger du XVIe
au XVIIIe siècle. Elle permet de saisir le processus ayant conduit au renouveau islamique
du XIXe siècle. Elle comporte trois chapitres. Le premier porte sur un aperçu géographique
islamiques du XVIe siècle (Kafi, N‟Dounga et Kouré) qui permettra d‟apprécier le niveau
d‟implantation de l‟islam dans notre zone d‟étude au cours de cette période. Le troisième
chapitre portera sur l‟évolution de l‟islam dans l‟Ouest du Niger du XVIIe au XVIIIe
siècle. Il s‟agit d‟une période caractérisée d‟abord par une phase de stagnation de l‟islam
et ensuite une phase de recul. Après la chute de l‟empire soηey, les centres d‟études
islamiques créés par les lettrés musulmans waa zi et saney verront leurs activités
35
Chapitre I : Aperçu géographique et historique
Presque entièrement situé dans la zone soudanienne, l‟Ouest du Niger confine vers le
Nord aux limites sud de la zone sahélienne à hauteur du 15e parallèle. C‟est une région de
brousse arbustive et de savanes jouissant au XIXe siècle, d‟importants atouts naturels. Les
grands groupes ethniques peuplant actuellement cet espace sont arrivés tardivement. Dans
la plupart des cas, les populations anciennes ont été assimilées ou refoulées loin de leurs
I- Aperçu géographique
part quelques rares massifs cristallins et les buttes témoins du Continental Terminal, le
relief est plus marqué par la vallée du fleuve, ses affluents et les vallées fossiles de la rive
gauche du fleuve (dallols). On distingue trois zones climatiques dans l‟Ouest du Niger : la
Les populations sont concentrées le long des principaux cours d‟eau (le fleuve
Niger et ses affluents notamment). L‟implantation des centres d‟études islamiques, objet de
cette étude, semble être aussi dictée par les réalités géographiques du milieu. Ainsi, la
plupart de ces centres se trouvent aux abords des cours d‟eau : Say et Sinder (sur le fleuve
36
1- Le fleuve Niger et ses îles
a- Le Fleuve
Il est le cours d‟eau le plus important de notre zone d‟étude qu‟il parcourt sur 550
kilomètres. C‟est également le fleuve qui permet de relier le Dendi aux grandes villes
situées en amont du fleuve (Gao, Tombouctou notamment). Selon Henri Barth, le débit de
ce cours d‟eau était très important au XIXe siècle et sur ses berges poussait le
„‟bourgou1’’en quantité :
« C’est dans ce lit que roule le mystérieux Niger, enserrant souvent de longues
îles verdoyantes dont les parties les plus hautes, de niveau avec la rive à
laquelle elles se reliaient autrefois, émergent seules des flots ; lors des
grandes crues, le fleuve remplit ce vaste lit tout entier et le dépasse même à
certains endroits où la rive offre un passage plus facile à ses eaux débordées.
A cette époque, il n’en était pas ainsi, et une végétation magnifique couvrait
complètement l’étroit canal laissé au fleuve… » (Barth, 1861 : 172).
droite (gourma). Mais cela ne constitue pas, comme on pourrait le croire, une barrière entre
les populations des deux rives ; c‟est au contraire une merveilleuse voie de communication
non seulement entre le Nord et le Sud, mais encore entre l‟Ouest et l‟Est. Le système
hydrographique comprend, outre le fleuve, les affluents de la rive droite qui drainent
Le Goruol prend sa source dans le Liptako près de Djibo et son court atteint deux cent
kilomètres environ :
« A sec pendant neuf mois de l’année, il se transforme après les pluies d’hivernage
en un torrent impétueux, très difficilement franchissable et mesurant jusqu’à cent
mètres de largeur d’eau profonde. Non seulement il alimente les mares qui
communiquent avec son lit, mais encore draine encore au fleuve une quantité d’eau
considérable. Pendant la saison sèche, son lit est creusé de puits de distance en
distance ; généralement, il est sablonneux, quelquefois il est encombré par des
rochers mis à nu par l’érosion des eaux »2.
1 -Bourgou : Une herbe qui pousse au bord du fleuve. Son nom scientifique est Echinochloa stagnina.
2
- ANN- 22- 1- 13- bis : Notice générale sur le cercle de Dounzou de Panet Lieutenant- Colonel, 1905, p. 8.
37
Le Dargol appelé Téra de sa source à ce village, Folkou dans son cours moyen et
Dargol dans son cours inférieur et jusqu‟à son confluent avec le Niger, prend sa source
« Il traverse ensuite celle d’Ossolo à partir de laquelle son cours ressemble plutôt
à un chapelet de mares étroites qu’à une rivière ayant un lit déterminé. Il a une
longueur de cent cinquante kilomètres. Pendant l’hivernage, sa largeur atteint
jusqu’à cent cinquante mètres. Il est à sec une partie de l’année, dès que les pluies
d’hivernage cessent de l’alimenter. Néanmoins, on trouve l’eau dans les mares de
Som, d’Ossolo et de Téra pendant neuf ou dix mois de l’année et les nombreux
puits qui sont creusés dans son lit sur toute l’étendue de son parcours, ne tarissent
jamais complètement. Aussi la région traversée par le Dargol est à la fois fertile,
surpeuplée et riche. Les gros villages se succèdent très rapprochés les uns des
autres et tous possèdent d’immenses approvisionnement de mil et de troupeaux
considérables »1.
Les mares sont de deux sortes : celles qui tarissent chaque année pendant un temps plus ou
Les deux autres affluents sont la Tapoa et la Mékrou qui constituent des frontières
naturelles (Nord et Sud) pour le parc National du „‟W‟‟. Avec une superficie de 220 000
b- Les îles
Elles possédaient une végétation abondante au XIXe siècle : « Les îles étaient bien
boisées » (Barth, 1861 : 177). La végétation et les eaux qui les entourent font de ces îles
des sites défensifs assez intéressants pour des populations fuyant l‟insécurité. Le choix de
1
- ANN- 22- 1- 13- bis : Notice générale sur le cercle de Dounzou de Panet Lieutenant- Colonel, 1905, p. 10.
2
- ANN- 22- 1- 13- bis : Notice générale sur le cercle de Dounzou de Panet Lieutenant- Colonel, 1905, p. 10.
38
ces lieux par certains érudits comme terres d‟accueil est certainement lié à leur position
2 - Les Dallols
Ce sont des „‟vallées mortes‟‟ situées à la rive gauche. Elles étaient de puissants
affluents du Niger aujourd‟hui desséchés, mais qui drainaient autrefois des masses d‟eau
considérables vers le fleuve. Elles sont au nombre de trois et sont situées dans la partie Est
de notre zone d‟étude. Ces vallées ont des terres très fertiles, la nappe se trouve à une
profondeur moins élevée et les pâturages aussi sont verdoyants. De tous ces Dallols, le
plus important est le Dallol Bosso, long de 300 km et large de 5 à 15 km par endroits.
Ensuite vient le Dallol Maouri. Plus court que le précédent, il est aussi d‟une fertilité
remarquable. Enfin nous avons le Fogha, qui est en réalité un affluent du précédent : « Il
est surtout réputé pour ses salines, exploitées toute l’année dans sa vallée supérieure
(Kawara- Debe- Bara) et en saison sèche seulement dans son cours inférieur (Tunuga-
Sabon – Birni) » (Du Picq, 1931 : 502). Une importante quantité de sel était extraite dans
cette vallée et elle alimentait au XIXe siècle, le circuit commercial de l‟espace nigérien
: « Probably the most important item in Sokoto trade with the reste of the Caliphate from
this early period was the salt produced in Dallol Fogha » (Abubakar, 1982 :
commerciaux entre Sokoto et le reste du Califat, c‟était le sel produit dans le Dallol
Fogha]. Les pâturages salés du Dallol Bosso et du Fogha attirent particulièrement des
groupes peul venus de tous les horizons : « Adhabés du Liptako, Bitinkobés du fleuve,
Sanguinankobés du Gando affluèrent vers 1850 dans les vallées »1. Ces vallées sont des
zones de forte concentration humaine : « Toutes ces vallées ont joué au cours de l’histoire
1 - ANN- 5-1-13 : Histoire du peuplement du cercle de Dosso, Périé et Sellier, 1946, P. 25.
39
un rôle important. Elles canalisent et dirigent les migrations. Elles sont aujourd’hui des
lieux de peuplement à densité élevée : la proximité de l’eau, la fertilité des sols ayant
Tahoua (dans le Tassili) et vient se jeter dans le fleuve au Sud du „‟W‟‟. Barth qui est
atouts : « Tamkala était situé au bord d’une vallée marécageuse, le dallol Bosso, aux
192). Les terres fertiles de cette vallée seront l‟objet essentiel de la rivalité entre les Peul et
les Zarma, les deux communautés les plus importantes vivant dans le Dallol. Dans cette
lutte pour le contrôle des riches terres de cette zone, l‟islam a joué un rôle important.
Niger s‟est fait par des migrations successives depuis des siècles. En effet, selon les
zone furent ainsi les Boussa, les Gourmantché, les Mossi. Ils furent chassés
progressivement par les nouveaux arrivants (Zarma- Soŋey, Touareg, Peul…). D‟autres
Nord au cours de la même période. Ainsi, l‟Ouest du Niger compte les groupes
1 - ANN-15-1-10 : Notice sur l‟Histoire du peuplement du cercle de Niamey par Michel Sellier Sd, p. 4.
2 - Troglodyte : Ce sont des populations anciennes qui aménageaient des habitats sous-terrains
pour y vivre.
40
1- Les Gourmantché
Ce sont les populations les plus anciennes de notre zone d‟étude. Ils semblent avoir été
les premiers occupants de cette zone. Sur la rive droite du fleuve par exemple, ils ont créé
plusieurs villages :
« La rive droite du fleuve était, alors occupée par les Gurma, sédentaires,
chasseurs et pêcheurs qui ont laissé des traces nombreuses de leur occupation et
dont les villages étaient extrêmement peuplés si l’on en juge d’après les ruines.
Celles de Bosey – Bangu constituent un exemple »1.
A partir du XIVe siècle, les Gourmantché seront chassés de la région de Téra et seront
contraints de se replier vers le Sud jusque sur la rive droite de la Sirba. A partir de cette
date, commencent les déboires de ces populations qui seront refoulées vers le Burkina-
Faso actuel par les différentes communautés venues de l‟Ouest (Mali actuel) et qui sont à
la recherche de nouveaux sites d‟accueil (Soηey, Peul, Touareg). C‟est une population qui
Selon les traditions locales recueillies par Boubou Hama (SD) et Boubé Gado
(1980), la plupart des groupes actuels sont venus s‟installer tardivement dans l‟Ouest du
Niger. Sur le fleuve et de part et d‟autre de ce cours d‟eau, le fond du peuplement est
constitué de Kaado, Wogo, Kourté. Après l‟avènement de la dynastie des Askia, des
Sonantché fuyant Gao vont trouver refuge dans notre zone d‟étude. Plus tard, la défaite de
Tondibi intervenue en 1591 va pousser les résistants soηey à quitter la capitale de l‟Empire
pour préparer la résistance contre l‟envahisseur à partir du Dendi. Après avoir tenté en
1- ANN- 15-1-10 : Notes sur l‟Histoire du peuplement du cercle de Niamey par Michel SELLIER, p. 8.
2 - ANN- 15-1-8 bis: Monographie du cercle de Niamey, 1955, p. 40.
41
vain de reprendre Gao, les Soηey vont se disperser pour créer plusieurs petits Etats sur la
Quant aux Zarma, selon plusieurs écrits (écrits arabes, tarikhs de Tombouctou, écrits
Zarma- Soŋey, ils sont en partie des Soŋey de la dynastie des Zaa c'est-à-dire des
« Zaberbanda » qui se sont individualisés de ce groupe vers l‟an mille (1000). Cette
entre le Xe et le XVIIe siècles. Avant leur arrivée, le Zarmatarey était habité par « de
Goubé, de Kallé, de Wâzi, de Sabiri, de Gabda, de Kogori et autres groupuscules sans que
l’on ne sache exactement lesquels ont assimilé plus ou moins les Zarma et lesquels furent
plus ou moins assimilés par eux ou émigrèrent sous leur pression » (Gado, 1976 : 39).
Selon des sources concordantes (Boubou Hama et Boubé Gado), les Zarma proviennent de
la région du lac Débo (Mali). Ils vont quitter cette zone suite à une brouille les ayant
opposés aux Peul. Sous la pression de ces derniers, ils entreprirent leur „‟vol cosmique‟‟
sur le « Barmadaba » ou (fond de grenier) entre le XVe et le XVIe siècles pour s‟installer
dans le Zarmaganda sous la conduite de Mali Béro. Ce dernier mourut à Sargane dans la
première moitié du XVIe siècle. A partir de cette localité, le groupe se disloqua : « Venant
siècles dans le Zarmaganda, le long du fleuve et dans le Dallol Bosso » (Gado, 1980 :
110). A partir du XVIIe siècle, les Zarma de Mali Béro s‟infiltrèrent dans le Dallol Bosso.
42
- Les Goubawa : « Les Gubawa venus probablement au XIVe du Dawra, s’installèrent
dans le Dallol Mawri » (Arzika, 1986 : 7). Selon une tradition recueillie par Marc Henri
Piault, les Goubawa affirment être les premiers occupants du Dallol Maouri :
« Les plus anciens des occupants actuels du Dallol, les Gubawa affirment avoir
trouvé le pays vide à leur arrivée. C’est au moins la tradition que l’on retrouve à
Lugu parmi les descendants de Dagoje et de Gije, deux frères fondateurs des
lignages initiaux. Ces deux hommes étaient venus en compagnie de leur sœur la
Sarauniya et d’un troisième homme, Guji, dont on ignore l’exacte relation de
parenté avec les précédents mais qui avait pour fonction d’égorger les animaux des
sacrifices ordonnés par la Sarauniya. Ces quatre personnages venaient de l’Est et
plus particulièrement du Daura, le premier des sept grands Etats hausa, les Hausa
Bokway » (Piault, 1970 : 48 - 49).
Les Goubawa font partie des premiers occupants du Dallol. De Lougou, ils vont essaimer
- Les Arawa : Selon la tradition locale, ils viennent « du Bornu dont ils étaient chassés à
Les Goubawa et les Arawa sont les deux groupes les plus importants du Dallol Maouri :
« Dans le Dallol Mawri, les deux groupes prépondérants sont d’une part les
Gubawa, parmi lesquels se trouvent les plus anciens occupants du territoire et qui
sont à l’origine du village de Lugu, résidence de la Sarauniya principale puissance
spirituelle du Dallol ; d’autre part les Arawa issus du mariage d’un guerrier
bornuan avec une jeune fille bagube. Ce sont ces derniers qui ont progressivement
établi leur pouvoir sur le Dallol en lui donnant des structures politiques » (Piault,
1970 : 42).
Le mariage entre ce guerrier bornouan et la jeune fille bagoubé va sceller les liens entre
Goubawa et Arawa. Ces derniers vont s‟individualiser au XVIe siècle, grâce à cet apport
bornuan :
« Les Arawa qui étaient à l’origine des Gubawa ou provenaient d’un même
stock Hausa qu’eux, s’individualisèrent après un apport bornuan au XVIe
1- ANN- 5-1-3 : Monographie de Gaya : le droit Tienga par Marsaud 1909 et Esperet 1917, p. 18.
43
siècle qui leur conféra le nom des descendants de Ari ou Arawa qui se
transforma en Arawa pour les habitants et Arewa pour la région » (Gado,
1980 : 187).
ancestrales : « Pour trouver un fétichisme plus fortement organisé, il faut aller en pays
Maouri : cette race qui lutta continuellement contre ses deux adversaires de l’est et de
l’ouest, haoussas et djermas, ne s’est pas non plus laissé envahir par leur islamisme »1.
Les deux groupes (Goubé et Maouri), sous la pression démographique se répandirent dans
le Dallol Bosso.
-Les Kourfayawa : Comme pour les migrations des sous-groupes zarma, l‟arrivée des
Kourfayawa dans le Kourfey s‟est faite par vagues successives. « Vers la fin du XVIIIe
siècle, des Kurfeyawa venant du nord-est s’établirent dans le nord du Dallol Bosso »
(Nicolas, 1950 : 48- 49). La majeure partie d‟entre eux est demeurée haoussaphone ; une
portion a cependant abandonné le haoussa au XIXe siècle pour adopter la langue zarma.
Cette arrivée des Kourfayawa se situe en troisième position après celle des Gubawa et des
des Kurhwayawa est l’une des plus récentes puisque leur arrivée se situe en troisième
position après l’arrivée des Gubawa et des Zarma et aussi l’une des plus importantes »
(Salifou, 1986 : 49). Selon le même auteur, leur arrivée se situerait vers la fin du XVIIIe
siècle : « Le mot Kurhway ainsi que le mot dérivé Kurhwayawa sont récents et ils
1 - ANN- 5-1-3 : Monographie de Gaya : le droit Tienga par Marsaud 1909 et Esperet 1917, p. 55.
44
4- Les Touareg
l‟insécurité dans toute la sphère d‟influence de cet Etat. A cause de l‟instabilité politique,
plusieurs communautés (Soηey, Peul et Touareg), entamèrent une migration vers l‟Ouest
nigérien. L‟installation des Touareg dans la zone s‟étala du XVIIIe au XIXe siècle.
trois groupes touareg : les Tahabanaten venant de Tombouctou qui s‟installèrent entre
Ayorou et Famalé ; les Rhattafen venant de Gao en descendant le fleuve ; les Hellagazen
qui comme les deux autres groupes arrivent du Mali. Deux groupes de la région
Téra. D‟autres groupes vont s‟installer dans le Zarmaganda et le Dallol Bosso. C‟est ainsi
qu‟un groupe de touareg musulmans Kel-Essouk conduit par Khamed Elhadji et venu de
la région de Tahoua au début du XVIIIe siècle, s‟établit dans le Taghazar. Ils seront rejoints
par les Kel-Nan, les Isherifen, les Kel- Tebonant du groupe Kel Dinnik et les Lissawan au
début du XIXe siècle. Les Kel- Nan vont s‟établir dans l‟Imanan au début du XIXe siècle :
« L’Imanan, dont le nom qui signifierait en Zarma, « laissons- les passer », attitude
qu’auraient observé les Zarma en voyant arriver les premiers Kel- Nan dans la région
au tout début du XIXe siècle, région qui était occupée par des Kallé, des Gubé et des
Kufayawa zarmaphones » (Gado, 1980 : 194).
5- Les Peul
L‟émigration des Peul vers l‟Ouest nigérien qui débuta vers le XVe siècle, s‟accéléra
après la défaite de Tondibi de 1591. C‟était une infiltration sous forme de recherche de
nouveaux terrains de parcours avec parfois une sédentarisation. Il est important de noter
que les vagues migratoires peul ont toutes pour point de départ le Macina. En effet,
l‟expédition marocaine de 1591 qui mit fin à l‟empire soŋey eut pour conséquence une
situation d‟insécurité sur le plan politique (insécurité et instabilité politique), sur le plan
45
économique (déclin de la vie économique) et social (surpeuplement de certaines zones,
l‟instabilité politique poussèrent plusieurs groupes peul à quitter leurs foyers d‟origine en
direction de l‟Est. Ces migrations commencées dès le XVe siècle, s‟intensifièrent aux
XVIIe et XVIIIe siècles : « Cette période du XVIIe- XVIIIe marque l’apogée des migrations
peul en direction de l’Est » (Baka ,1992 : 10). Ces Peul seront les principaux agents
Avant le XVIe siècle, quelques groupes peul ont commencé à s‟infiltrer dans
l‟Ouest du Niger. Parmi ces groupes figure celui des Peul Fetobé ou Bittinkoobé. Parti du
Macina, ce groupe s‟était rendu dans la région de Gao puis s‟installa à Bitti près de
Labézenga. A la suite d‟une querelle avec des Touareg, ce groupe quitta la région pour
« Sous la conduite d’un chef nommé Ali yoro Ama Mala, cette fraction peule a
quitté le Macina à une date qui n’a pu être précisée. La tradition orale nous
apprend seulement que ce groupe Fetobe, au départ du Macina, se rendit dans la
région de Gao, puis qu’il s’installa à Bitti près de Labezenga. A la suite d’une
querelle entre Sala frère du chef Fétobe et un Touareg (qui se seraient disputés une
femme, disent les uns, un cheval prétendent les autres), une lutte s’engagea entre
Touareg et Peuls Fétobés. Ces derniers vaincus durent abandonner Bitti et se
réfugier dans le sud (au nord de la Sirba), vers 1513 »1.
Mais, les différentes guerres contre les Gourmantché, les Touareg, les Soηey n‟ont
pas facilité la tâche à ce groupe. Sous la pression de ces différentes communautés, les
Bittinkoobé vont descendre plus au sud pour s‟installer dans le Bittinkodji. Selon Hassan
1- ANN- 16-1-1 : Notes sur Peuls et Gourmantchés de la région de Say par A Loyzance, SD, p. 3.
46
moitié du XVIIIe siècle » (Baka, 1992 : 31).Taillebourg situe l‟arrivée de ce groupe,
« Les premiers éléments que nous avons pu recueillir sur l’histoire du cercle de Say
remontent vers l’année 1500 et concernent principalement la province de Lamordé.
Des Bitinkobé venus du pays de Bité près de Gao quittèrent cette région pour
échapper dit la légende au privilège abusif que s’arrogeaient les Touaregs de
coucher la première nuit des noces avec les jeunes mariées, mais plus
vraisemblablement à la suite d’une querelle ayant causé la mort d’un chef Touareg
surpris avec la femme d’un chef de Bitinkobé aïeul du chef de Youri »1.
Ce qui est intéressant à souligner ici, c‟est qu‟au sein des communautés peul, on note
l‟existence de lettrés musulmans dans plusieurs familles. Mais, c‟est surtout au XIXe siècle
que les Bittinkoobé vont jouer un rôle important dans l‟islamisation de l‟Ouest du Niger,
avec l‟avènement de Sorry Beldo Hooré qui va fonder le centre d‟études islamiques
secondaire de Tirga.
C‟est longtemps après les Bittinkoobé que les Fetobé ont quitté le Macina pour se
rendre au Liptako. Les traditions restent muettes en ce qui concerne la date de cette
migration. Selon Loyzance : « Ils ont quitté cette province vers 1765. C’est à la suite du
Foulmanganis sont partis du Liptako »2. Ils vont s‟installer dans une localité nommée
Nipelma, située entre Botou et Sambalgou. Ce sont ces Peul qui s‟installeront plus tard à
Tamou.
c – Les Torobé
Il y a eu plusieurs vagues migratoires des Peul Torobé. Celle de Moussa Jokollo par
exemple aurait quitté le Fouta- Toro au XVe siècle. Mais, l‟une des vagues les plus
1 - Archives des Etudes Nigériennes no 16 (IRSH) : Historique du cercle de Say par Taillebourg 1912, p. 1.
2 - ANN-16- 1- 1 : Notes sur Peuls et Gourmantchés de la région de Say par A Loyzance, SD, p. 5.
47
importantes a quitté le Macina au cours du XVIIIe siècle. Elle s‟est dirigée vers Gao mais
le séjour dans cette localité a été assez court (la tradition locale reste muette sur les raisons
groupe est venu s‟installer à Boulkabou, au Nord de la Sirba. Selon Loyzance, c‟est au
début du XIXe siècle qu‟il va se fixer à Tiouridi : « Vers 1819, sous le règne de Madiou,
fils de Mourindi, ils furent attaqués par les Songhaïs et chassés de la région. Ils
d – Les Ferobé
Après sa défaite face à l‟armée du nouveau roi du Macina, Sékou Amadou, Guéladio et
sa suite ont quitté le Kounari pour s‟installer non loin de Say au bord du Goroubi vers
1833.
Dans cette partie de notre zone d‟étude, les Peul sont surtout attirés par les riches
terres des Dallol sur lesquelles l‟herbe pousse en abondance. Ainsi, ils vont s‟infiltrer par
Cette arrivée des Peul n‟a pas posé de problèmes de cohabitation au début :
Louloudji, qu‟on assiste à des heurts entre les deux communautés dans le Dallol Bosso.
1- ANN-16-1-1 : Notes sur Peuls et Gourmantchés de la région de Say par A Loyzance, SD, p. 7.
2 - 5-1-13 : Histoire du peuplement : cercle de Dosso par Périé et Sellier, 1946, p. 23.
48
Cette vallée fut jadis une terre d‟accueil pour des éleveurs à la recherche de pâturage
ou des populations fuyant la sècheresse et les guerres. En effet, l‟accès facile à l‟eau et la
fertilité de la terre vont attirer des populations venues d‟horizons divers à s‟y installer.
L‟occupation de l‟espace par les différentes et nombreuses communautés n‟est pas sans
conséquences. Elle sera à la base des bouleversements socio- politiques qui vont marquer
la zone au XIXe siècle. Il faut souligner qu‟avant l‟arrivée des différentes vagues de
populations, la zone était peuplée par : des Goubé, des Toulmey, des Moulantché, des
Boussantché, des Tchanga qui seront par la suite supplantés par les Tobili et les Golé.
Boubou Hama lie l‟arrivée de ces premières populations dans le Dallol à l‟assèchement du
Sahara : « Le Dallol avec l’assèchement du Sahara, fut un point de chute pour les peuples
qui venaient de l’Ouest et du Nord. Parmi ceux-ci, les Moulantche semblent avoir joué un
grand rôle dans la vie économique du Dallol » (Hama, 1968 : 7). A ces premières
populations viendront se greffer des Zarma, des Touareg, des Peul, des Haoussa… Dans le
Dallol Bosso, ces différents groupes seront rassemblés par un érudit peul, Ali Anna qui de
Jusqu‟au XVIe siècle, en dehors de quelques conflits mineurs autour des points
d‟eau, les populations qui vivent dans notre zone d‟étude ont entretenu entre elles des
pacifiquement. Mais, entre le XVIe et le XVIIIe siècle, on note une poussée progressive
vers l‟Ouest du Niger : « L’anarchie qui suivit la chute de l’Empire Sonraï mit en
mouvement tous les peuples du bassin moyen du Niger. Les Touaregs descendirent de leurs
montagnes vers les plaines verdoyantes du Niger, razziant les populations et les
soumettant à leur tyrannie » (Périé – Sellier, 1950 : 1025). Cette poussée due à l‟arrivée
49
de plusieurs groupes de migrants et à la pression démographique va mettre fin à la
cohabitation pacifique. Les guerres qui vont opposer les différentes communautés (surtout
sédentaires et nomades) n‟a aucun caractère ethnique. Il s‟agit d‟une lutte pour le contrôle
de la terre dans un espace devenu trop petit pour une population de plus en plus
nombreuse :
« Il convient à notre avis de ne pas se méprendre sur le sens des guerres qui
ensanglantèrent cette région surtout dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Elles
furent surtout des évènements politiques nés de la volonté de groupes récemment
immigrés comme les Peuls et les Touaregs, ou en expansion comme les Zarma, de
se tailler de nouveaux territoires » (Hamani, 2007 : 269).
Au début du XIXe siècle, on assiste non seulement à des querelles intestines au sein d‟une
même communauté mais aussi entre les différents groupes vivant dans cet espace :
« Au début du XIXe siècle, deux faits nouveaux vont secouer le Zarmatarey, qui
jusque là n’a connu que de petits affrontements avec les Mawri et les Kurfayawa et
les querelles intestines des Zarma de Mali- Bero. En effet en ce début de siècle,
l’infiltration des Twareg se fait plus nombreuse dans l’Immanan et dans le
Tagazart où existaient depuis le XVIIIe siècle quelques Twareg qui vivaient sans
trop de heurts avec les populations voisines. L’occupation de l’Immanan va
renforcer celle du Tagazart et provoquera un état endémique de razzia, de rapines
et de guerres entre les Twareg et les Zarma du Tondikange, du Dallol, du plateau,
et aussi entre les Twareg et les Kurfayawa du Kurfey, les Mawri du Mawrey et les
Gubé du Gubey » (Gado, 1980 : 183).
Cette situation qui prévaut dans le Zarmatarey, on la retrouve dans toutes les autres parties
de l‟Ouest du Niger : « Ce qui compliquait davantage les problèmes de cette région, c’était
de provenances et d’ethnies diverses » (Hamani, 2007 : 265). C‟est cette zone secouée par
des crises qui va connaître le renouveau islamique du XIXe siècle. Ce dernier, au lieu
Dan Fodio va faire monter la tension dans la zone » (Idrissa, 1980 : 1).
50
7– Les structures sociales
Le pouvoir politique traditionnel est incarné par les chefs de villages pour les
sédentaires ou de tribus pour les populations nomades. En dehors des Haoussa, les
différents groupes socioculturels en présence dans l‟Ouest du Niger font partie des sociétés
politique) ;
- Les (rimbe) qui forment la classe des chefs détenteurs du pouvoir politique et
celle des ouléma qui sont des hommes de lettres. Ils sont détenteurs des terres
- Les (macibe) qui sont des anciens captifs qui n‟ont pas de terre mais peuvent y
Ces mêmes clivages se retrouvent dans les sociétés touareg mais elles sont encore plus
marquées que dans les sociétés zarma- soŋey. On distingue les catégories sociales
suivantes :
51
Il faut souligner que chez les sédentaires comme chez les nomades, les captifs étaient
généralement des prisonniers de guerre. On devenait aussi captif soit par achat, soit par
naissance. Avec le brassage de ces différents groupes, on rencontre dans l‟Ouest du Niger
plus de la moitié des ethnies du pays, soit cinq (5) des huit (8) ethnies qui composent la
population nigérienne. Ce sont les Zarma- Soŋey, les Peul, les Touareg, les Haoussa, les
terroir qui dominaient dans cette zone. De nos jours, l‟islam demeure la religion
dominante. Il cohabite avec le christianisme qui reste encore très minoritaire. L‟importance
de l‟islam dans l‟Ouest du Niger s‟explique par le fait que de nos jours, tous les villages
administratifs de cet espace, dispose d‟au moins une mosquée. L‟islam serait introduit dans
cette zone depuis très longtemps par le Mali avec notamment la phase Soŋey du XVIe
siècle. Mais c‟est surtout avec la phase peul du XIXe siècle, qu‟on assiste à une progression
sensible de la religion de Mohamed dans cette zone. En effet, les principaux centres
d‟études islamiques de l‟Ouest du Niger sont créés et animés par des Peul au cours de ce
siècle.
52
CHAPITRE II : ETUDE DE TROIS ANCIENS CENTRES D’ETUDES
KOURE
l‟Ouest du Niger. C‟est surtout avec la phase soŋey qu‟on assiste à une première percée de
l‟islam dans cette zone avec l‟installation des lettrés musulmans dans des localités comme
N‟Dounga, Kouré, Zouzou, Kafi… par l‟Askia Mohamed afin de propager l‟islam. Cette
œuvre sera poursuivie après la mort du souverain soηey dont les successeurs accordaient
une attention particulière aux lettrés musulmans qu‟ils comblaient de cadeaux et dotaient
des centres d‟études islamiques explique le grand intérêt que l‟Empereur Soηey accorde à
l‟enseignement du savoir religieux. Ces centres, surtout les deux principaux (Kafi et
N‟Dounga) vont rayonner jusqu‟à la chute de l‟Empire Soηey en 1591. Ce chapitre traitera
du rôle joué par trois de ces centres dans l‟islamisation de l‟Ouest du Niger au XVIe siècle.
Village créé au début du XVIe siècle par Elhadji Mamoudou, ancêtre fondateur, il
est situé à 18 kilomètres au Sud de Dosso, sur le tronçon latéritique Agali- Kafi-
littéralement : « installons-nous ici » d‟où l‟origine de Kafi. Ce site semble être un point
d‟escale sur la route caravanière Dosso- Dioundou- Nord Nigeria. C‟est ce qui explique
53
1- Les origines du fondateur de Kafi
Le village de Kafi fut fondé au début du XVIe siècle (vers 1501) par Elhadji
Mamoudou. Ce dernier est l‟ancêtre des Zarma waa zi de la région de Dosso. C‟est un
alim, originaire de Tindirma (Mali actuel). Il faisait partie des ouléma qui effectuèrent le
pèlerinage aux lieux saints avec l‟Askia Mohamed. Selon Mahmoud Kâti, qui faisait aussi
août 1497 :
« Ayant fait ses préparatifs, il partit en l’année 902 [9 septembre 1496 – 29 août
1497], emmenant avec lui les notables ulémas suivants : le Cheikh Mohammed
Toulé, l’alfa Sâlih Diwara, Gâo- Zakaria, Mohammed Ténenkou, le Câdi Mahmoûd
Niédobogho, le Cheikh môri Mohammed Haougâro et celui qui a assumé la charge
périlleuse de rédiger le présent récit, c'est-à-dire moi- même Mahmoût kâti » (Kâti,
1913 : 25 -26).
En dehors des ouléma, les princes aussi faisaient partie du cortège et l‟Askia fit preuve
d‟une grande générosité au cours de ce voyage : « Mohammed entreprit, avec ses princes
renommée» (Barth, 1861 : vol 19). En traversant l‟espace nigérien, l‟Empereur et sa suite
passèrent par la région de Dosso et, c‟est non loin de cette ville qu‟il repéra le site sur
lequel sera érigé le village de Kafi. Selon la tradition locale, il apprécia beaucoup
l‟emplacement du site et, l‟Askia Mohamed proposa à Alfa Mamoudou d‟installer, à leur
retour, un de ses fils sur le site pour en faire un centre de diffusion du savoir religieux. En
effet, l‟Empereur Soηey constata en traversant la région de Dosso que l‟islam était
pratiquement inexistant. Il demanda à l‟ancêtre des Zarma waa zi, de faire du site qu‟ils
avaient repéré, un centre d‟études islamiques; proposition qu‟il accepta car en tant qu‟Alfa,
son devoir était avant tout d‟œuvrer pour l‟expansion de l‟islam. « Les enfants d’Elhadji
Mamoudou dont les noms ont été retenus par la tradition locale sont : Oumarou et
54
Alhassane »1. Il laissa un symbole (dont la nature n‟a pas été déterminée par nos
informateurs) sur le site. C‟est ainsi qu‟au retour du pèlerinage, après avoir accompagné
l‟Askia Mohamed jusqu‟à Gao, Elhadji Mamoudou rentra à Tindirma dans son village
natal et fit part de sa décision d‟installer une partie de sa famille sur le site qu‟ils avaient
repéré dans la région de Dosso. Il revint ainsi quatre (4) ans après dans cette zone avec son
fils aîné, Oumarou et quelques membres de sa famille. Ils vinrent s‟installer à Kafi au
symbole qu‟il avait laissé sur le site lors du passage du cortège d‟Askia Mohamed. Après
Après avoir installé les membres de sa famille sur le site, Elhadji Mamoudou
Oumarou et sa suite creusèrent d‟abord un puits pour mettre les populations à l‟abri du
manque d‟eau. Aussitôt après son installation à Kafi, il ouvrit une école coranique,
fréquentée au début par ses enfants et ceux de sa descendance. Avec le temps, certaines
à y inscrire leurs enfants. Kafi devint ainsi le premier centre d‟études islamiques créé au
A leur arrivée dans la région de Dosso, dans les villages environnants, « personne
ne priait »2. Pour mieux répandre l‟islam, les Waa zi eurent l‟ingénieuse idée de fonder
plusieurs villages dirigés par des Alfa. En effet, quand le nombre d’ouléma augmenta
sensiblement à Kafi, une réunion fut convoquée et au cours de celle- ci, le Farakoy3, animé
55
par le souci de propager l‟islam, conseilla aux érudits de Kafi de quitter le village pour
aller en créer d‟autres. C‟est ainsi que plusieurs lettrés musulmans quittèrent le premier site
d‟accueil pour fonder chacun un nouveau village. Dans chaque nouvelle localité créée, fut
période coloniale. Les lettrés musulmans créèrent ainsi 16 villages. Il s‟agit de : Bodinga,
Modi- Kouara, Mallam- Kouara, Farakaϊna, Mallé, Gourounsi- Bora- Kouara, Badounjé-
Koara, Tchigoudou- Kouara, Deyzobon, Silfa. Il faut signaler qu‟avant le règne de Toga, le
Farakoy était à la fois chef spirituel et temporel. C‟est à partir du règne de celui- ci, vers la
fin du XVIIe siècle, qu‟on assista à la séparation entre les deux pouvoirs : le spirituel du
temporel. Si Toga avait procédé à cette division, c‟est parce qu‟il n‟avait pas le bagage
intellectuel requis pour assumer la charge de chef spirituel. Il désigna alors parmi les lettrés
musulmans un imam (la tradition locale reste muette sur le nom de ce dernier) qui était
chargé d‟assumer cette responsabilité. Depuis lors, dans chaque village, il y a un Farakoy
et un imam. La tradition locale retient les noms des dirigeants suivants : Oumarou,
Boubacar, Ahmadou, Barkiré, Hassoumi, Ibrahim et le Farakoy actuel, Djibrilla. Sans être
exhaustive, cette liste donne une piste aux chercheurs qui seraient tentés de faire une
Oumarou est l‟un des premiers ouléma à introduire l‟islam dans la région de
Dosso :
« Quand Oumarou s’était installé à Kafi, l’islam n’était pas encore introduit dans
cette zone parce que dans tous les anciens villages qu’il avait trouvés, les
populations ne pratiquaient que la religion traditionnelle. Et il n’y avait pas une
seule personne qui priait dans ces villages. D’après ce que nos parents nous ont
Mohamed demanda à Alfa Mamoudou d‟implorer Dieu afin qu‟il leur fraye un passage. Alfa Mamoudou pria
Dieu et le rocher se fendit en deux, le cortège passa et poursuivit son chemin. Depuis ce jour, Alfa
Mamoudou fut surnommé Farakoy et tous les chefs des villages waa zi portent le titre de Farakoy. Il s‟agit
d‟une image qui dérive du mot zarma fara, qui signifie fendre le bois.
56
appris, cette situation était presque générale. En fait, toute l’histoire du village et
des environs était consignée à l’écrit dans un manuscrit consumé
malheureusement dans un incendie qui avait ravagé le village, il y a cinquante ans
de cela. En effet, tous les documents anciens ainsi qu’un Coran écrit à la main
étaient conservés dans une caisse qui se trouvait dans l’une des cases de mon père.
Un matin pendant l’hiver vers 10 heures, j’étais sorti du village avec des
compagnons d’âge et c’est au niveau de Garbey- Tombo que nous apercevions une
immense fumée qui se dégageait au dessus de notre village. Nous avions aussitôt
rebroussé chemin. Mais, quand nous étions arrivés, c’était la consternation, une
bonne partie du village fut consumée par le feu. En effet, le temps que les secours
s’organisaient, avec le vent de l’hiver qui propageait facilement ce feu, la plupart
des cases du village avaient été réduites en cendre. Malheureusement, la case dans
laquelle se trouvait la caisse contenant les manuscrits et l’unique Coran (écrit à la
main) n’avait pas été épargnée par le feu et c’est ainsi que ces documents si
précieux avaient disparu »1.
milieu du village de Kafi à quelques vingt mètres à l‟Est de la grande mosquée. Selon la
tradition locale, l‟eau de ce puits a des vertus médicinales car jusqu‟ à aujourd‟hui les
personnes qui ont le goître, si elles séjournent à Kafi et qu‟elles boivent cette eau une
semaine durant, le gonflement du cou disparaitrait. Une autre œuvre du premier Farakoy
du village de Kafi, c‟est la construction d‟un mur d‟enceinte (Birni) pour sécuriser la
population. C‟était un Birni2 avec trois entrées principales. Cette fortification est l‟une des
plus anciennes de la zone. Selon la tradition locale ce mur a été construit 10 ans après
l‟installation des Waa zi sur le site vers 1511. Ce qui explique probablement l‟invitation
fortification de Garouré.
57
3- La situation religieuse dans la zone à la fin du XVIe siècle
En dehors de Kafi et des seize autres villages créés par des Alfa waa zi, l‟islam était
« Jusqu’à une période récente, la plupart des gens dans la province de Dosso
n’étaient pas convertis à l’islam. Le premier Alfa qui commença à enseigner le
Coran à Dosso est originaire de Kafi. Même la Idah1 ne fut instituée à Dosso que
sous le règne du Zarmakoye, Moumouni2(1938- 1953) sous la houlette d’un alim de
Kafi, Alfa Guéro. La plupart des imams de Dosso furent formés à Kafi. En réalité,
avant l’avènement des Wali3 dans cette région et même au-delà, l’islam n’était pas
très répandu. Il y a trente ans de cela, j’avais personnellement baptisé des vieux de
plus de soixante ans qui se sont convertis à l’islam. C’est pour vous dire que cette
religion n’a eu une emprise réelle dans la zone que ces derniers temps »4.
population de la région de Dosso à la fin du XVIe siècle. Et même dans les villages touchés
par cette religion, celle-ci cohabite avec la religion traditionnelle. Après Kafi, nous allons
analyser la situation religieuse au bord du fleuve Niger à travers l‟exemple des Saney de
N‟Dounga.
règne de l‟Empereur musulman l‟Askia Mohamed verra une expansion de l‟islam au sein
de l‟Empire. Dans le souci de propager cette religion, l‟Askia Mohamed installa des lettrés
musulmans dans toutes les grandes régions du pays : « Askiya Mohammed déploya, en
effet, le plus grand zèle pour fortifier la communauté musulmane et améliorer le sort de ses
membres » (Kâti, 1913 : 115). C‟est ainsi qu‟il plaça des familles d‟érudits dans quelques
1- Idah : Tradition islamique au cours de laquelle une femme veuve observe le deuil de son défunt mari
pendant quatre mois et dix jours.
2 - Zarmakoye Moumouni est le père de feu Moumouni Adamou Zarmakoye, père fondateur de l‟ANDP,
ancien Président de l‟Assemblée Nationale du Niger.
3
-Wali : Il s‟agit des lettrés musulmans du XIXe siècle.
4 - Entretien avec Shaykh Djibo Amadou, imam de Kafi le 23/10/11.
58
localités de l‟Ouest du Niger. Malgré, l‟effort considérable fourni par ces ouléma, l‟islam
est resté une religion marginale dans cette zone jusqu‟au XIXe siècle: « A côté de
l’animisme, l’islam jusqu’au XIXe siècle occupait une position marginale » (Idrissa, 1981 :
42). Mais, ce qui est sûr, c‟est que cette politique a permis pour la première fois, une
progression quoi que timide, de l‟islam dans l‟Ouest du Niger. Selon Saka Balogun,
traditionnelle : « A large section of the zabarmawa who profess Islam today redielate
Islam until a group of Muslim scholars arrived at Ndunga from the West» (Balogun, 1970:
73). Traduction: [Une majeure partie des Zarma qui pratiquent l‟islam aujourd‟hui
associent les traditions dans la pratique de l‟islam. Selon ces traditions, aucun Zarma n‟a
venus de l‟Ouest]. Dès lors, on comprend aisément les difficultés rencontrées par les
Les différentes versions de la tradition locale que nous avons recueillies sur place
- Une première version fait venir les Saney de Tombouctou mais fait remonter
- La deuxième version soutient que les Saney viennent du Macina. Elle fait aussi
59
- Une troisième version fait venir les Saney de Gao et donne la même origine que
- La quatrième version quant à elle donne le nom d‟un chérif Hassane qui serait
En réalité, ces ouléma ne sont pas des Arabes mais des Noirs originaires de la région de
Gao. Cette thèse orientaliste est développée par presque toutes les grandes familles
musulmanes d‟Afrique. Elle vise seulement à donner plus du poids et légitimité aux lettrés
musulmans. Selon la tradition locale, les Saney sont les premières populations à arriver
sur l‟île et, ils viennent de Saney de Gao du Mali actuel. Il s‟agit de quelques familles de
progénitures. Selon cette même tradition, ils se sont servis d‟une gourde magique pour
repérer le site. Cette gourde a été lancée dans le fleuve depuis Gao et elle s‟est accrochée à
une herbe au niveau de N‟Dounga. C‟est ainsi que l‟île fut choisie comme site d‟accueil
par les Saney. Cette légende tend à donner à cette migration un caractère magico –
religieux. Dans la réalité, c‟est l‟Empereur soηey qui a instruit ces ouléma à quitter la
région de Gao qui compte déjà un nombre assez significatif de lettrés musulmans pour
s‟installer dans notre zone d‟étude afin de propager l‟islam. Le choix du site de N‟Dounga
- Les premiers occupants de l‟île furent des ouléma (soŋey) originaires de Gao et
qui se seraient installés sur le site au début du XVIe siècle. Ils seraient arrivés sur le lieu
- La deuxième étape est marquée par l‟arrivée des guerriers (Wangari) dirigés par
60
Mallam à N‟Dounga vers la fin du XVIIIe siècle : « Mallam vers 1790 ? va s’établir à
Les Saney sont des populations soŋey originaires de Gao. Selon Alkali Amadou
Tidjani :
« Les Saney sont les premières populations à occuper le site. Ils viennent de Saney
du Mali (Gao). Les nouveaux arrivants étaient conduits par deux frères : Hassane
et Zemia. Ils étaient venus avec tous les membres de leurs familles. A leur arrivée,
il n’y avait aucune famille sur l’île. Ils s’y étaient installés et l’endroit qui n’était
qu’un hameau va devenir un village avec les naissances, les mariages et l’arrivée
d’autres groupes de populations »2.
Selon la tradition locale, les Saney ont quitté Gao et sont venus s‟installer dans l‟Ouest du
Niger pour accomplir une mission religieuse. Les traditions recueillies sur place relatent
que Hassane eut un fils du nom d‟Amadou considéré comme l‟ancêtre des Saney de
N‟Dounga. Il eut à son tour plusieurs fils dont : Ibrahim, Moctar, Ousmane, Abdoulaye,
Amina Baaba. Il eut également quatre filles qui sont : Hassana, Ramatou, Nayé et Dommo.
Leurs descendants étaient restés seuls sur l‟île pendant une longue période quand un jour,
des Wangaari à la recherche du butin découvrirent le petit village caché par les arbres.
C‟était le bruit des coups de pilons des femmes qui guidèrent les guerriers. Ils furent
émerveillés par la beauté du site. Ils exprimèrent leur désir de s‟y installer. Ils se
présentèrent aux érudits qui acceptèrent leur doléance de rester sur l‟île à condition qu‟ils
n‟y apportent pas la Fitna3. Les guerriers approuvèrent alors cette condition. Les ouléma
leur demandèrent aussi de s‟installer un peu loin de leur site car musulmans et adeptes de
1 - ANN- 1E17.83 : Subdivision centrale de Niamey : Rapports de tournées effectuées de 1934 à 1946 dans
le canton de N‟Dounga par l‟administrateur Berger, p. 1.
2 - Entretien avec Alkali Amadou Tidjani le 01/04/11 à N‟Dounga.
3- Fitna ou désordre : Terme arabe fréquemment employé dans la longue histoire de l‟islam, pour y désigner
les périodes de troubles, de scissions et de luttes internes, parfois de guerres civiles ou d‟anarchie qui
marquèrent l‟évolution de la communauté musulmane.
61
la religion traditionnelle ne peuvent pas cohabiter sur un même lieu. Les guerriers
acceptèrent et s‟installèrent un peu plus au Sud. Ils créèrent le quartier Sebanguey. C‟est
ainsi que le petit village passa d‟un quartier à deux : Saney et Sebanguey. Les Wangaari
reconnaissèrent l‟autorité religieuse des Saney ainsi que leur droit sur la terre. Quant aux
Saney, ils admirent à leur tour l‟autorité politique des Wangaari. Selon Hassane Djibo :
« Les guerriers qui découvrirent ce site sont Gabey et son grand frère1. Après une
entente avec les Saney sur un certain nombre de principes, les guerriers
s’installèrent sur l’île et s’adonnèrent à leur principale activité, la guerre.
Quelques années après leur installation sur l’île de N’Dounga, Gabey décida de
quitter le site de son grand frère et alla créer son quartier, ce fut l’origine du
quartier N’Dounga-Fondobon. Ainsi, le village passa de deux quartiers à trois :
Saney, Sebanguey et Fondobon. Actuellement, seuls les descendants de ces deux
frères ont le droit d’être prétendants à la chefferie de cette entité socio-
politique »2.
Les Saney étaient des lettrés musulmans et en tant que tels, ils n‟avaient d‟autres
activités que les études islamiques et l‟agriculture pour assurer leur subsistance. Ils étaient
restés seuls et, c‟est longtemps après que des Wangaari (guerriers) à la recherche du butin
« Nos ancêtres après s’être installés sur l’île avaient ouvert une école coranique et
apprenaient aux enfants du village à lire, à écrire et à interpréter le Coran. Mais,
c’était un islam tolérant car les Saney étaient restés sur place et avaient opté pour
une conversion par le consentement volontaire. En effet, même leurs voisins
immédiats, les Wangari étaient des adeptes de la religion traditionnelle et cela n’a
pas posé de problèmes de cohabitation. Ils ne faisaient pas le déplacement pour
aller de village en village prêcher pour amener les gens vers l’islam. Ils n’avaient
pas non plus entrepris de Jihad. Mais, quelques parents émerveillés par le
comportement des Saney envoyèrent leurs enfants sur l’île afin qu’ils soient
éduqués par ces derniers »3.
62
Avec cette politique d‟installation de familles des lettrés musulmans par Askia Mohamed
dans certaines localités de l‟Ouest du Niger, on assiste à une lente progression de l‟islam
dans cette zone. Cette situation s‟explique par la forte implantation des croyances
Selon la tradition locale toute l‟activité religieuse était au début concentrée sur l‟île,
mais avec le temps, quelques habitants des villages environnants avaient compris les
bienfaits de la nouvelle religion. Ils avaient commencé ainsi, à envoyer leurs enfants chez
les Saney afin qu‟ils reçoivent une éducation religieuse. Mais, le nombre était resté limité ;
ce qui fait que l‟œuvre des Saney de N‟Dounga n‟avait pas eu une grande portée. C‟est au
moment où les populations avaient commencé à manifester leur intérêt pour la nouvelle
religion, qu‟était intervenue la conquête marocaine qui marque un coup d‟arrêt dans le
processus d‟islamisation. L‟action des Saney n‟avait pas non plus rappelons- le, un
caractère contraignant. En effet, lors de leur installation sur l‟île de N‟Dounga, les
Wangaari avaient clairement fait comprendre aux Saney qu‟ils étaient des guerriers et
qu‟ils comptaient le demeurer sans pour autant constituer une menace pour leur religion.
Cette proposition fut acceptée par les érudits. Ils avaient continué à pratiquer la religion
traditionnelle. Mais généralement avant d‟aller en guerre, ils partaient voir les Saney pour
que ces derniers leur implorent Dieu afin que leur sortie soit couronnée de succès. Hassane
Djibo souligne cette entente cordiale entre ouléma saney et Wangaari, adeptes de la
religion traditionnelle :
« Nos grands parents n’avaient d’autres métiers que la guerre. Ils n’étaient pas des
musulmans mais ils entretenaient de très bonnes relations avec les Saney à qui
revenaient le poste d’Alkali. Le détenteur de ce poste dispose du pouvoir judiciaire.
Tous les litiges sont jugés en sa présence. Il écoute les plaignants et donne son avis
sur le litige conformément à la Shari’a. Quant au Wonkoy, il tranche en dernier
ressort. S’agissant de l’islam, c’est tout récemment que les descendants des
Wonkoy ont commencé à pratiquer cette religion et même à envoyer leurs enfants
chez les Saney en vue de leur initiation »1.
63
Ce témoignage prouve qu‟avant le XIXe siècle, l‟islam n‟était pas fortement
implanté dans notre zone d‟étude. En effet, c‟est au cours de ce siècle, qu‟il y eut une
d‟Ousmane Dan Fodio. Les autorités religieuses de N‟Dounga, alliées de Sokoto avaient
mosquée de vendredi sur l‟île. Elle fut accordée par l‟émir de Gwandou. Ainsi, N‟Dounga
fut l‟une des premières régions de l‟Ouest du Niger à disposer d‟une mosquée de vendredi.
De l‟installation des Wangaari sur cette île à nos jours, il y eut neuf (9) Alkali qui se sont
succédé. La tradition locale n‟a pas retenu, le nom du premier. Il s‟agit de : Bohari Baaba,
Salifou, Issa, Aboubacar, Yayé, Hassoumi, Moussa, Ismailou dit Diado et Amadou Tidjani,
l‟actuel Alkali. Après N‟Dounga, on note la création d‟autres centres d‟études islamiques
Les populations de Kouré sont des descendants de Hali Koda, le cadet des enfants de
Tagourou. A cause de leur nombre, ils vont s‟éparpiller pour occuper l‟espace compris
disperse au cours des XVIIe et XVIIIe siècles dans toute la région comprise entre le Dallol-
Mawri et le fleuve- Niger, créant de multiples villages zarma » (Rothiot, 1984 : 40). C‟est
64
ainsi que les villages autour de Dantchandou et ceux de Kouré, N‟Dounga, Liboré, Saga,
Les Saney de Kouré ont les mêmes origines que ceux de N‟Dounga. Les
prophète : « D’après cette tradition, les gens de saney descendaient d’Ousseini1 et seraient
des chérif »2. Cette version est largement répandue, elle vise tout simplement à donner une
Selon la tradition locale, les Saney venus de Gao au début du XVIe siècle se sont
installés d‟abord à N‟Dounga. Ils se sont inspirés de l‟exemple des Waa zi de Kafi. En
effet, quand le nombre de lettrés musulmans est devenu important sur l‟île, les Saney ont
décidé de se disperser pour aller s‟installer dans plusieurs autres villages voisins. Cette
stratégie vise à répandre l‟islam dans une région où la religion traditionnelle est
dominante. L‟installation des Saney sur un nouveau site permet de tisser des relations avec
personnes qui fréquentent ces lettrés musulmans finiront par comprendre les bienfaits de
Le village de Kouré serait fondé vers la fin du XVIIIe siècle : « Kaada est le
1779 » (Soumana, 2010 : 41). Selon la tradition locale, les Saney auraient quitté le premier
1 - Hassane et Ousseini sont les fils jumeaux d‟Ali (gendre du prophète) et de Fatima (Fille du prophète).
2- ANN- 1E17. 83 : Subdivision centrale de Niamey : Rapports de tournées effectuées de 1934 à 1946 dans
le canton de N‟Dounga par l‟administrateur Berger.
65
site (elle reste muette sur le nom de ce site) qu‟ils occupaient non loin de Kollo, pour
s‟installer à Kouré peu de temps après la création de ce village par des guerriers. Selon
« A leur arrivée, ils étaient bien accueillis par les autorités de Kouré qui leur
avaient octroyé une partie des terres de la localité. La superficie des terres données
aux Saney était déterminée par des lancées de flèches. Les Saney avaient vivement
remercié les autorités et avaient pris l’engagement qu’ils ne poseraient pas d’actes
qui puissent troubler la quiétude sociale. Depuis leur arrivée jusqu’aujourd’hui, il
n’y a pas eu de problème de cohabitation entre les Saney et les populations
trouvées sur place »1.
Au niveau du premier site d‟accueil, les Saney n‟ont d‟autres activités que
l‟agriculture et l‟enseignement religieux. Arrivés à Kouré, ils vont conserver les mêmes
activités. Ainsi, dès leur installation dans ce village, les Saney ont ouvert une école
coranique fréquentée au début timidement, par les populations de Kouré et des villages
environnants : « Les autorités elles- mêmes étaient des guerriers et portaient le titre de
Zarmakoye, la religion traditionnelle était fortement implantée dans la zone d’où le peu
d’engouement pour la nouvelle religion »2. Au début, l‟école était fréquentée uniquement
par les enfants des Saney. Mais avec le temps, les enfants des autres quartiers de Kouré
ainsi que ceux des villages environnants commencèrent à fréquenter cette école, il s‟agit
musulmans ont été formés dans cette école : Baaba- Haoussa et Abdou de Sina-Kouara,
Alfa Yayé, Dagara (tous issus de la chefferie de Kouré)… On assiste ainsi à une
progression lente de l‟islam dans la région, qui va s‟accélérer au XIXe siècle avec le Jihad
66
La création des centres d‟études islamiques dans l‟Ouest du Niger au début du
XVIe siècle est une action voulue et encouragée par Askia Mohamed. Ce dernier avait un
C‟est avec ces centres d‟études islamiques créés au XVIe siècle, par des Waa zi et des
Saney qu‟on assiste pour les premières fois à la progression non moins importante de
l‟islam dans cette zone. Après la mort du grand Askia, ses successeurs vont essayer tant
Mais, cette politique soutenue par les Askia va connaître un coup de frein brutal
avec l‟invasion marocaine de 1591. Cette défaite provoque la ruine de l‟Empire. Ainsi,
islamiques qui ont joué un rôle important dans l‟islamisation de cette partie du Niger,
comment la religion de Mohamed a-t-elle évolué dans cette zone après l‟occupation
67
Carte No2 : Etat de l’islamisation de l’Ouest du Niger à la fin du XVIe siècle
68
Chapitre III : L’évolution de l’islam dans l’Ouest du Niger du XVIIe au XVIIIe
siècle
Après la chute de l‟empire soηey, une désorganisation politique s‟en est suivie et
on assiste dès lors à des mouvements migratoires de plusieurs peuples vers l‟Ouest du
musulmans. Quelles répercussions l‟arrivée de ces différents groupes va t- elle avoir sur
I- Le retrait des résistants soηey dans le Dendi et le passage d’Ali Anna dans
le Dallol
Il faut rappeler à ce niveau que le Dendi fait partie de l‟Empire soηey, c‟est la
province du sud dirigée par un Dendi- Fari. Après la défaite de Tondibi, les résistants
soηey sous la conduite de l‟Askia Nouhou (1592- 1599) vont s‟installer dans cette partie de
de Gao au cœur de Dendi, l’Askya Nouh (1592- 1599) et ses partisans entendaient
(Dramani, 1982 : 209). Selon Mahmoud Kâti, l‟Askia Nouhou était l‟un des plus rusés des
69
Ce qui est intéressant à ce niveau, c‟est l‟introduction de l‟islam par ces guerriers
musulmans de Gao dans une région où les populations autochtones, les Tchanga, sont
« On ne peut non plus oublier que les populations qui, après 1591, quittèrent Gao et
sa région pour mener à partir du Songoi nigérien la résistance contre l’envahisseur
marocain, étaient toutes musulmanes et le sont certainement restées malgré les progrès
évidents d’un certain syncrétisme développé au cours de leur contact avec les paysans
animistes devenus le vivier essentiel de leur armée de partisans » (Hamani, 2007 :
265).
restée jusque là réfractaire à l‟islam. Même si l‟islamisation n‟a touché qu‟une minorité de
la population locale (surtout l‟aristocratie politique et guerrière), elle marque une étape
importante dans le processus d‟intégration ; renforçant ainsi les liens entre les deux
partielle à cette religion monothéiste qui détruit en partie les valeurs traditionnelles
disciples arriva dans le Dallol Bosso vers la fin du XVIIe siècle alors qu‟il partait pour la
Mecque. Sur le chemin, il passa par le Boboye et fit une escale dans le village de Karra1 ,
occupé par des Peul. Il y séjourna neuf mois durant avant de poursuivre son chemin pour
les lieux saints. A son retour de la Mecque neuf ans plus tard, il repassa par le village de
Karra, mais n‟y trouva personne. En effet, selon la tradition locale, l‟arrivée des Touareg
dans la zone a provoqué une sorte de panique et occasionné la dispersion des Peul.
1- Le village de Karra est situé à 8 kilomètres au sud de Birni-N‟Gaouré actuel. Le village tire son nom
d‟une plante appelée karra en zarma(roseaux en langue française) qui pousse en abondance dans la mare.
70
II- Le retour d’Ali Anna dans le Dallol
Ali Anna longeant la vallée fossile à la recherche des Peul de Karra, constata dans
la zone la présence des Touareg. Il se dirigea vers ces derniers qui se trouvaient au bord
d‟une mare et se présenta devant leur chef. Après les salutations d‟usage, un dialogue
s‟était engagé entre les deux hommes. Au cours de cet échange de vues, le chef targui
rassura Ali Anna et lui fit comprendre que les Peul n‟avaient pas quitté le Dallol, mais
Il s‟agit là d‟une tentative de justifier le pouvoir alors qu‟Ali Anna était avant tout un alim
rassembla les Peul dispersés dans le Dallol suite à la pression touareg. Selon des sources
concordantes, l‟arrivée des Zarma dans cette vallée est antérieure à celle des Peul :
Mais, selon Hama Beidi Boubacar (2003), les Zarma seraient arrivés dans cette vallée
après la nomination d‟Ali Anna comme Lamido Dallol par le chef touareg3 :
71
« Le chef targui dit aux peuls :’’désormais, c’est le marabout que je vous donne
comme Lâmido’’. Ensuite il demanda au marabout où il désirait construire ses
cases. Celui-ci montra un petit plateau entre des baobabs. Les Peuls et les
Touaregs construisirent la concession du marabout. Quelques jours après le chef
targui quitta le Dallol pour rejoindre son pays. Devenu le seul maître du Dallol, Ali
Anna fonda le petit village de Garure. Il pria les Peul de faire venir leurs parents et
tous les gens qui dépendaient d’eux. [ ]. Un jour un Haoussa atteint d’acite vint
avec sa femme. Ali Anna le soigna avec le fruit du Parinari microphylla. Lorsqu’il
fut complètement guéri, Ali lui ordonna d’aller s’installer à Garou. De même, Ali
installa son fils aîné Amadou à Banga. Après, les Zarma vinrent s’installer dans le
Dallol. Ali Anna, Lâmido du Dallol, était très écouté et devint le guide spirituel
pour tout le pays » (Beidi Hama, 2003 : 25).
Sans nier le rôle de rassembleur joué par Ali Anna, car ayant réussi en si peu de
temps à réunir plusieurs communautés autour de lui et à créer une nouvelle autorité
politique et religieuse dans le Dallol, il est difficile de croire que les Peul aient précédé les
Zarma dans cette vallée. L‟auteur a oublié certainement de préciser qu‟il s‟agit de la partie
sud de cette vallée car la partie nord jusqu‟à Kiota était occupée par les Zarma bien avant
l‟arrivée d‟Ali Anna. Selon Boubé Gado, la localité de Kiota serait créée après la
migratoires des Zarma dans cette vallée et sur les plateaux qui remontent aux XVIIe et
XVIIIe siècles pour souligner l‟antériorité des Peul dans la zone. En plus, s‟agissant du chef
targui, l‟auteur affirme qu‟il s‟agit d‟Alissan de Tabla : « A son retour de la Mecque neuf
ans plus tard, Ali Anna ne trouva personne à Karra. Les habitants avaient été chassés par
72
les Touareg de Alissan Tabla du Tagazar. Le village était en ruine » (Beidi Hama, 2003 :
19). Toutes les sources que nous avons consultées situent l‟arrivée de cet érudit touareg
dans le Dallol au début du XVIIIe siècle. Or, avant cette période, ce groupe a déjà créé un
certain nombre de villages dans cette vallée. Plusieurs auteurs affirment que l‟arrivée de
cette communauté dans le Boboye est antérieure à l‟installation d‟Ali Anna. Pour
Beauvilain par exemple, l‟arrivée des Zarma dans cette vallée date du moment où Mali
« C’est alors que débute l’invasion Djerma. Chassés du Mali par les Touareg, les
Peul, ils arrivent, sous la conduite de Mali Bairo, dans la région
d’Anderamboukan. De là, ils se scindent en deux groupes : l’un occupe le
Djermaganda actuel, l’autre descend le Dallol jusqu’au Niger, absorbant ou
repoussant les premiers occupants » (Beauvilain 1977 : 53).
Rothiot quant à lui situe l‟arrivée de Goubé puis des Zarma entre le Xe et le XVIe siècle
dans le Dallol :
Zarma dans le Dallol lors du passage d‟Askia Mohamed et de ses compagnons pour la
Mecque : « Lors de leur passage, Askia Mohamed et sa suite avaient trouvé plusieurs
villages Gube et Zarma dans le Dallol »1. Comme le confirment ces témoignages, les deux
La version de la tradition locale n‟évoque pas les autres groupes ethniques qui
vivaient dans la zone bien avant l‟arrivée des Peul et des Touareg. Plusieurs auteurs
soulignaient la présence d‟autres groupes comme les Goubé dans la zone lors du passage
d‟Askia Mohamed qui partait pour la Mecque. Moumouni Yacouba signale l‟existence de
73
villages Goubé dans le haut Dallol lors du passage de l‟Empereur soηey en ces
termes : « La deuxième étape conduisit les pèlerins dans le royaume goubé de Goubékoye
Bonkano. Vers 1495- 1496, le Haut Dallol Bosso était habité par des Goubé, un peuple
originaire du Gobir » (Yacouba, 1997 : 411). Mais, Beauvilain Alain est encore plus
explicite sur la question. Il donne les périodes au cours desquelles plusieurs vagues de
« A partir du VIe- VIIe siècle arrivent des Haoussa venus de l’Est. Au XIII- XIVe
siècle, lors de l’extension de l’empire songhay, Haoussa et Songhay se métissent
pour donner les Goubey. Jusqu’au XVIIe siècle, le Dallol est occupé au sud par les
Tulmey (Haoussa) et les Kallé (Songhay), au nord par les Sakié et les Goubey »
(Beauvilain, 1977 : 53).
D‟autres auteurs comme Boubou Hama (1968), Soumana Harouna (1985) signalent
l‟existence des Goubé, des Toulmey, des Boussantché, des Moulantché, des Tchanga et
même des Gourmantché…. Comme on le constate, les Peul ne sont pas les premiers à
occuper le Dallol comme le prétend la tradition locale de Birni N‟Gaouré rapportée par
Ce qu‟on peut retenir du séjour d‟Ali Anna dans le Dallol, c‟est l‟ouverture d‟une
école coranique à Garouré, fréquentée à la fois par les enfants peul et zarma. Grâce à sa foi
et à son talent de rassembleur, il a réussi à réunir autour de lui les deux communautés les
enfants de ces deux groupes dans un climat de paix et de tolérance. Cet érudit peul est très
écouté par les populations locales. Il devient ainsi, le guide spirituel de tout le Dallol.
Depuis lors, les Zarma, plus nombreux s‟éparpillèrent dans toute la région en y créant des
nouveaux villages. Sentant le poids de l‟âge, Ali Anna décide de quitter la localité pour
74
son pays natal. Il est accompagné par des membres de sa famille dont son fils aîné, Sambo
« Devenu vieux, Ali rassembla tous les peul. Il leur fit savoir qu’à son âge son
devoir lui commandait de retourner chez lui, au Macina, pour montrer ses enfants
à ses parents et, aussi, pour leur faire connaître leur pays d’origine [……]. Ali
Anna, après avoir séjourné, au Boboye 44 1 ans dans son village de Garouré 2,
retourna au Macina » (Hama, 1968 : 24- 25).
Ali Anna arriva dans le Dallol vers la fin du XVIIe siècle : « Accompagné de ses disciples,
Ali Anna, un Peul Barry de Dâri Fittouga du Macina, arriva dans le Dallol Bosso vers la
fin du XVIIe siècle » (Hama Beidi : 19). Il y séjourna 44 ans avant de regagner son pays
natal. Son voyage pour les lieux saints a duré neuf ans. On peut situer son départ à la fin de
la première moitié du XVIIIe siècle. Avant de partir, il a confié le trône à son gendre, le
mari de sa fille Aïssa. Il va mourir au Macina, quatorze ans après son retour dans ce pays.
Après le départ d‟Ali Anna, les populations regroupées par cet érudit se sont dispersées à
régresser dans le Dallol. Son fils Sambo revient dans cette localité et ouvre une nouvelle
école à Darey.
Après la mort de son père, Sambo Ali Anna revient dans le Dallol et va retrouver
les siens dans le village de Darey : « Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Sambo,
dont le père Ali Anna avait déjà séjourné dans la région lors de son passage pour la
Mecque et au retour, revint dans le pays » (Hamani, 2007 : 267). Il sera bien accueilli par
les populations de ce village. Il va poursuivre l‟œuvre de son père en ouvrant une école
1 - Les 44 ans, c‟est le temps qu‟Ali Anna a passé hors de son pays natal.
2- Le village de Garouré se trouvait un peu au Nord de Birni N‟Gaouré actuel. Selon Boubou Hama ce nom
vient du mot zarma ‟‟Garou’’ car le village était situé au pied d‟une colline qui avait la forme d‟une maison,
d‟un ‘’garou’’. La langue peul en a fait „‟Garouré’’. Après la construction du mur (Birni en hausa) qui
protège Garouré par Boubacar Louloudji, la ville prit le nom de Birni N‟Garouré. L‟administration coloniale
est responsable de la déformation du nom de la ville qui devient Birni N‟Gaouré au lieu de Birni- Garouré.
75
coranique. Il parvient, comme lui, à réunir autour d‟un même douddale les enfants peul et
zarma. Ces propos de Kimba Idrissa illustrent bien cette coexistence pacifique entre les
deux communautés : « Tous les gens du Dallol, Peul et Zarma, apprirent le retour de
Sambo. Ils accoururent vers lui, lui construisirent une concession à Darey. Après ce geste
touchant de sympathie, Sambo ouvrit une école coranique. Peul et Zarma envoyèrent leurs
enfants en masse » (Idrissa, 1981 : 47). Le Dallol a vécu ainsi en paix jusqu‟à la mort de
Sambo. C‟est avec son fils et successeur, Bouboucar Louloudji que les relations entre les
Selon la tradition locale, cet érudit serait d‟origine arabe. On retrouve cette
thèse orientale dans presque toutes les familles des lettrés musulmans de l‟espace nigérien
précolonial. Mais, la véritable confusion sur les origines de ce lettré musulman a été semée
par Hambali Muhammadu qui le confond au célèbre savant de Tombouctou qui porte le
même nom : « The most important man in the history of Junju is Sheikh Ahmed Baba,
former scholar of the University of Timbuktu » (Hambali, 1972: 1).Traduction : [La plus
importante personnalité dans l‟histoire de Dioundou est le Shaykh Ahmed Baba, ancien
savant de l‟Université de Tombouctou]. Voulant montrer par tous les moyens qu‟il s‟agit
bel et bien du grand intellectuel de Tombouctou, l‟auteur affirme que le village de Kwama
a été fondé en 1635 par cet érudit après le déclin de l‟empire soηey: « Sheikh Ahmed Baba
founded Kwama village in about 1635 » (Hambali, 1972: 3). Autrement dit : [Shaykh
76
En réalité, il ne s‟agit pas du savant musulman de Tombouctou mais d‟un autre
érudit qui porte le même nom que lui. En effet, toutes les sources que nous avons
consultées montrent qu‟Ahmed Baba, après avoir purgé sa peine de prison à Marrakech est
revenu à Tombouctou rouvrir son école. Il est mort dans cette ville, le 22 avril 1627, donc
bien avant la création du village de Kwama. Joseph Cuoq nous donne plus de précision sur
Ces propos de Cuoq prouvent qu‟il ne s‟agit nullement du savant Ahmed Baba de
Tombouctou car il y a huit (8) ans d‟écart entre la date du décès de cet érudit et la date de
création du village de Kwama fournie par Hambali. D‟autres sources avancent le XIX e
77
Après un recoupement de ces différentes versions, Kwama serait créé vers la fin
du XVIIIe siècle. Mais, ce centre n‟a pas eu toute l‟importance que lui accordent les
traditions locales. D‟ailleurs après la mort de son fondateur, une querelle de succession
opposa ses descendants qui se dispersèrent pour fonder plusieurs autres villages parmi
Khamed Elhadj pour certains, Ahmed Elhadji pour d‟autres, cet érudit surnommé,
Alissan de Tabla était un saint homme qui serait arrivé au Taghazar vers le début du XVIIIe
siècle. Selon la tradition locale de Tabla, ce lettré musulman n‟est pas un Kel Essouk mais
Selon des sources concordantes (Boubé Gado, 1980 et Seyni Gagara, 2003),
Khamed Elhadj était un Touareg Kel Essouk qui aurait quitté l‟Ader avec plusieurs
groupes touareg à la suite d‟un conflit qui l‟opposa à une armée du Zamfara :
Selon Seyni Gagara, Khamed Elhadj serait arrivé au début du XVIIIe siècle dans le
qui vivaient avec lui sous sa protection l’accompagnèrent. C’étaient des Debbakar, des
Ihayyawane, des Izawitan, des Tamijirt de l’Azawak oriental » (Gagara, 2003 : 35). Malgré
2 - ANN- 15. 1. 2 : Notice sur le cercle du Djerma et Historique du cercle par le capitaine Salaman 1903 –
1904, p. 19.
78
le nombre relativement élevé de tribus maraboutiques qui composent sa suite, la portée de
Au début, Khamed Elhadj et sa suite n‟avaient d‟autres activités que les études
coraniques et l‟élevage du bétail. Les enfants des différentes tribus touareg installées à
Tabla fréquentaient l‟école ouverte par cet érudit. L‟islam commença à se propager de
façon sensible au sein de cette communauté. Mais, l‟arrivée d‟autres migrants a eu pour
conséquence, une pression sur la terre. Ainsi, les velléités guerrières vont prendre le dessus
« A leur arrivée, ils ne portaient pas de boucliers, ils jouèrent le rôle de marabouts
pieux, inoffensifs et pauvres. Ils ne tardèrent pas à changer de tactique dès qu’ils
eurent effectué la reconstitution de leurs troupeaux ; ils prirent les armes et la lutte
avec les Djermas ne cessa plus guère jusqu’à l’occupation française »1.
Khamed Elhadj œuvra au début pour le rayonnement de l‟islam dans cette partie du Dallol
Bosso. Mais, son œuvre n‟avait pas eu une grande portée car du fait de la pression
différents groupes vivant dans le Dallol. La mission religieuse fut ainsi reléguée au second
plan et l‟islam amorça ainsi, un recul. Après un séjour dont la durée n‟avait pas été
déterminée par les traditions locales, Khamed Elhadj mourut à Tabla et son fils Hamed lui
succéda.
1 - ANN- 15-1-2 : Notice sur le cercle du Djerma et Historique du cercle par le capitaine Salaman 1903 –
1909, p. 19.
79
IV- Etude des centres d’études islamiques
propagation du savoir religieux. Il s‟agit d‟un site choisi par un érudit soit du fait de sa
concentration humaine. Peut être considéré comme centre d‟études islamiques, toute
localité dans laquelle s‟installe un lettré musulman avec pour mission principale, la
diffusion du savoir religieux. Cette propagation se fait à travers la création par l‟érudit
d‟une ou de plusieurs écoles coraniques. Le Soudan occidental a connu des grands foyers
religieux qui ont joué un rôle important dans la propagation de l‟islam avant le XIXe
siècle :
« Le XVIe siècle fut une période particulièrement brillante dans l’histoire du Soudan
occidental. Tombouctou, Dienné, Gao,Oualata etc… devinrent les centres actifs d’un
grand mouvement religieux et intellectuel. Ces villes étaient en relation avec les
grandes universités d’Afrique du nord (Fès, le Caire) et de l’Orient arabe » (Cissoko,
1966 : 167).
C‟est surtout au XIXe siècle qu‟on assiste à une progression sensible de l‟islam dans notre
Coran : « Cet apprentissage est en ce sens primordial pour tout croyant qui se doit d’en
connaître, ne fut- ce qu’une partie » (Hassane, 1995 : 84). Ce savoir est enseigné autour
des douddales ou écoles coraniques. Ces dernières, ont joué un rôle de premier plan dans la
particulier.
80
2- Le fonctionnement des centres d’études islamiques
dispensé pour les jeunes apprenants dans les écoles. On distingue deux types d‟écoles
traditionnellement implantée dans les anciens campements, devenus par la suite des
quartiers » (Hassane, 1995 : 85). Cette école est fréquentée non seulement par les élèves
(talibé) originaires du centre mais aussi ceux des villages voisins et parfois lointains. Ces
jeunes sont confiés au maître par leurs parents. Il est désormais chargé de la formation
religieuse du jeune apprenant mais aussi de son éducation morale pour en faire un modèle :
« Quand l’enfant accède à l’école coranique, l’enseignant l’entoure d’une attention toute
particulière et prend les dispositions qui favorisent sa réussite » (Hassane, 1995 : 87).
Quant à l‟autre école, elle est saisonnière. Après les travaux champêtres, la plupart des
enseignants qui résident dans les villages se trouvant dans la sphère d‟influence du
fondateur du centre d‟études islamiques quittent ces lieux pour venir s‟installer à côté du
maître afin d‟approfondir leurs connaissances. Ils sont généralement accompagnés de leurs
dans le centre. A l‟approche de la saison des pluies, ces écoles saisonnières ferment leurs
portes. Les enseignants et leurs élèves regagnent les villages pour les travaux champêtres.
plusieurs répétiteurs qui sont chargés d‟encadrer les jeunes apprenants. Ce sont des élèves-
ma appelés santaru en fulfuldé. L‟enseignement est dispensé dans la cour du maître ou non
loin de celle- ci. Une case est généralement aménagée pour abriter les élèves. La nuit, les
apprenants étudient autour d‟un grand feu qu‟ils entretiennent à tour de rôle. Le jour, ils
révisent les passages du Coran sous un hangar qui se trouve non loin de leur case. La
81
« Pour résoudre le problème de l’identification des lettres, l’enseignant fait appel à la
langue maternelle de l’élève, haoussa, soηey- zarma, peule ou autre et se réfère parfois
à des objets ou des images présents dans l’environnement de celui- ci. Ainsi, chaque
lettre aura une description propre qui la caractérise » (Hassane, 1995 : 97).
Chaque apprenant dispose d‟une planchette rectangulaire polie sur les deux faces appelée
walaha en zarma. C‟est sur cette planchette que le répétiteur écrit quelques lettres de
l‟alphabet à l‟élève.
lire et à écrire. A ce niveau, c‟est un passage du Coran que l‟élève cherche à mémoriser en
quelques jours. Ce sont les répétiteurs qui sont chargés d‟apprendre le passage à l‟élève et
de veiller à ce que cette partie soit bien assimilée par celui- ci avant de l‟autoriser à
progresser. Les cours se déroulent du vendredi soir au mercredi soir. Ils débutent à l‟aube
avant la prière du matin. Les élèves sont pris en charge par la communauté. Aux heures
des repas, ils vont de porte en porte chercher la pitance en chantonnant d‟une voix
mélodieuse :
Généralement avant la fin de cette chanson, les locataires de la concession offrent à l‟élève
une partie du repas du jour. Les répétiteurs ne sont pas rémunérés à la fin du mois. Ils sont
partage généralement les dons qu‟il reçoit entre les tous ouléma de sa cour (y compris les
répétiteurs).
82
Cette première phase pend généralement fin après cinq à six ans d‟études pour les
élèves brillants. Elle s‟étale sur huit à dix ans pour les élèves qui ont des difficultés
niveau formation des formateurs (voir pp 236 – 237). Ces deux niveaux sont appelés
beyrey- caw autrement dit „‟l‟étude du savoir‟‟ et les programmes d‟enseignement tournent
La plupart des centres d‟études islamiques ont été créés à l‟écart des cours traditionnelles
que les lettrés musulmans considèrent comme corrompues. La création ex-nihilo du plus
grand nombre de ces centres s‟explique par l‟insécurité qui sévit dans la zone. Les ouléma
sont porteurs d‟un message. Or, pour faire passer ce message, il faut éviter d‟être partisan
dans ces conflits qui déchirent l‟Ouest du Niger. En s‟installant à côté d‟un souverain
d‟une principauté, le camp adverse peut mal interpréter le choix du lettré musulman. Pour
observer une stricte neutralité, les érudits choisissent généralement des terrains vides
d‟hommes pour s‟installer. N‟étant plus partisans dans ces conflits, ils deviennent
crédibles. Quelqu‟un qui est socialement crédible, s‟il vient avec un message, il a toutes les
chances de le faire passer. C‟est à cause de leur neutralité que beaucoup d‟entre eux ont
servi d‟intermédiaires pour régler les différends et les litiges. Ils président aussi les
s‟explique surtout par le souci qu‟ont les érudits de se faire accepter par la société mais
« Les lettrés musulmans de l’époque sont des fins connaisseurs de la société. Ils
connaissent l’importance de garder des bons rapports avec le milieu. Ils évitent
toujours une rupture car ils savent comment vivre en harmonie au sein de la société. Ils
83
élaborent des stratégies pour se faire accepter puis après, ils essaient de convertir les
gens sans chercher à les transformer culturellement »1.
1
- Entretien avec docteur Moulaye Hassane, enseignant- chercheur au MARA, le 10/12/2012 à l‟IRSH.
84
Conclusion de la première partie
Au terme de cette étude, il ressort que l‟islam est un fait ancien dans l‟Ouest du
Niger où son premier contact selon Paul Marty et Moumouni Yacouba est antérieur à la
phase soηey du XVIe siècle : « Nous savons, par traditions, que l’islam a été apporté
dans le Djermaganda et les pays voisins, vers Tessaoua et Zinder par le Grand Chérif
Mohammed Abd- Al- Karim Al - Marili1, ou tout au moins, par ses disciples immédiats »
(Marty, 1931 : 342). Selon Moumouni Yacouba, les populations de Dendi (la partie Sud
de notre zone d‟étude) ont connu l‟islam avant l‟avènement d‟Askia Mohamed : « Avant
l’avènement du fondateur de la dynastie des Askia, l’islam était connu des populations du
Dendi surtout dans les centres urbains » (Moumouni, 1997 : 362). Comme on le constate,
la religion de Mohamed est un phénomène ancien dans notre zone d‟étude mais c‟est un
C‟est surtout au XVIe siècle qu‟il va faire une progression sensible dans notre
zone d‟étude avec l‟installation des lettrés musulmans par Askia Mohammed dans
plusieurs localités. Après la chute de l‟empire soηey, l‟activité religieuse de ces ouléma
connait un ralentissement. L‟islam a régressé pas seulement dans l‟Ouest du Niger mais
dans toute la sphère d‟influence de l‟Empire Soηey : « De 1591 à la fin du XVIIIe siècle,
l’islam connut une longue léthargie dont il ne se réveillera qu’à partir du XIXe siècle sous
l’action des Peul » (Hama, 1978 : 64). Les lettrés musulmans qui viendront après la
conquête marocaine dans la zone n‟ont pas pu faire progresser l‟islam à cause de la
« Avant le XIXe siècle, l’islam n’était pas très répandu dans l’Ouest du Niger. Au
XIXe siècle même il n’y avait que quelques rares localités qui disposent d’une
mosquée de vendredi, il s’agit de Say, de N’Dounga, de Birni N’Gaouré, de
Sinder… Dans presque tous les villages du Niger Jusqu’à une période récente, on
1
- Al –Marili : Il s‟agit d‟Almaghili.
85
organisait la fête du septième mois de l’année appelée Yénandi. C’était une
cérémonie qui drainait une foule importante. Les Saney faisaient partie des
premiers érudits à œuvrer pour l’expansion de l’islam dans la zone. Mais, la chute
de l’empire avait eu pour conséquence le retour en force des croyances
ancestrales »1.
première moitié du XVIIIe siècle. On observe même un recul de l‟islam dans l‟Ouest du
Niger au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Cette situation est due à un retour en
force de la religion du terroir car les érudits de cette époque n‟ont ni l‟aura, ni le charisme
de leurs prédécesseurs pour faire passer le message de Dieu. L‟arrivée de plusieurs autres
L‟islam se trouve ainsi largement supplanté par la religion du terroir. Cette dernière est
restée prépondérante dans la zone jusqu‟à la fin du XVIIIe siècle. Il faudra attendre le
Mohamed.
86
Carte No 3 : Centres d’études islamiques de l’Ouest du Niger du XVIe au XIXe siècle
87
DEUXIEME PARTIE : LE CENTRE D’ETUDES ISLAMIQUES DE BIRNI
N’GAOURE
88
DEUXIEME PARTIE : LE CENTRE D’ETUDES ISLAMIQUES DE BIRNI
N’GAOURE
petit fils d‟Ali Anna. Nous aborderons ensuite les causes des hostilités dans le Dallol qui
Contrairement à Mahaman Diobbo qui a brillé par l‟exemple dans toute la partie Ouest du
Niger, Boubacar Louloudji est un personnage controversé qui par ses ambitions
D‟ailleurs, la différence sur le plan des comportements entre les deux personnages a poussé
les populations de Say à surnommer Alfa Mahaman Diobbo, rappelons – le, „‟ Alfa
Gouma „‟, ce qui veut dire le „‟ marabout discret ‟‟ et Boubacar Louloudji „’Alfa Hotta’’,
Nous nous pencherons aussi sur l‟œuvre des successeurs de cet érudit et leurs
démêlés avec les Zarma. La mésaventure de cet alim, nous le verrons, n‟a
malheureusement pas servi de leçon à ses héritiers qui vont poursuivre la même politique
expansionniste de leur père, ce qui va raviver la tension dans le Dallol. C‟est pourquoi, le
centre d‟études islamiques créé dans cette vallée est celui dont la situation religieuse et
politique fut la plus tumultueuse. Les violences qui ont secoué ce centre vont se
poursuivre jusqu‟à la fin du XIXe siècle et auront leur couronnement en 1896, avec la
89
Chapitre IV: Boubacar Louloudji et son œuvre
poursuivi la même politique que ses prédécesseurs (l‟enseignement religieux dans la paix),
la seconde phase de son règne fut très tumultueuse en raison du caractère oppressif du
régime. Ce qui va plonger la zone dans la violence. Il s‟agit dans ce chapitre d‟aborder la
plus importants de l‟Ouest du Niger. Le choix de cette dénomination s‟explique par le fait
qu‟il a changé plusieurs fois de capitale à cause des soubresauts politiques qui ont secoué
cette zone : Darey, Kotchirey, Garouré, Tamkalla, Kollo, Bikim puis Birni N‟Gaouré.
Tamkalla est la capitale du centre d‟études islamiques de 1832 à 1861. C‟est un village
historique. Après la défaite des Peul devant la coalition Zarma- Kabi, la population a été
dispersée. Le site de ce village se trouve à 7 kilomètres à l‟Ouest de Birni N‟Gaouré qui est
cumulativement chef-lieu de canton et de département. Précisons que c‟est une ville située
à une centaine de kilomètres de la capitale, Niamey, sur la route principale (RN1) reliant
l‟Ouest et l‟Est du pays. Tamkalla est un village situé dans la vallée fossile du Dallol
essentiellement dominé par la grande vallée sèche appelée communément Boboye qui
prédomine sur presque toute la bande sud du département sur une longueur d‟environ 170
kms et s‟étend sur 10 à 20 kms de large. Le Dallol Bosso est une importante vallée fossile
située entre 12º25 et 14º10 de latitude Nord et est orienté selon un axe Nord-sud. En fait,
1
- Birni N‟Gaouré porte aussi le nom de la vallée qui traverse cette zone. Les Zarma l‟appellent Boboye et
les Peul Dallol.
90
c‟est le nom donné par les Peul à cette vallée fossile. En peul, „’Dallol’‟ veut dire
« vallée ». Les Zarma quant à eux donnent à cet affluent, le nom de « Boboye ». Il est
limité au Sud par le fleuve, et s‟étend au Nord au delà de la frontière nigéro- malienne. Il
est bordé à l‟Ouest par le plateau du Zigui et à l‟Est par celui du Fakara. Longue de plus de
1600 km, le Dallol Bosso est une vallée morte d‟une rivière. Elle est la plus large des
vallées fossiles de la rive gauche du fleuve. D‟orientation constante Nord-sud, elle présente
une anomalie entre Bonkoukou et Baléyara. Là, la vallée se resserre jusqu‟à 5 kilomètres.
Le Dallol était autrefois un puissant affluent qui devrait drainer des masses
considérables d‟eau vers le fleuve Niger. Aujourd‟hui, cet affluent est desséché et, est
devenu une vallée fossile qui ne draine plus de l‟eau jusqu‟au fleuve. Comblé par les
aujourd‟hui une vallée morte, encombrée par le sable. En considérant l‟ancien lit de ce
puissant affluent desséché, on ne peut que regretter les causes climatiques néfastes qui
transformèrent ce cours d‟eau en vallée sèche. Mais, malgré l‟assèchement de son lit, elle
est d‟une importance capitale pour les populations à cause de sa fertilité remarquable et
surtout l‟accès facile à l‟eau. Dans son lit, on dénombre plusieurs mares permanentes et
Le Dallol se situe dans la partie sahélienne du Niger, caractérisée par une seule
saison des pluies, s‟étendant de juin à septembre avec des étés rudes : maxima pouvant
dépasser 45º en avril- mai. La fraicheur relative des mois de novembre à février permet la
pratique des cultures de contre- saison. Le climat est de type sahélien au Nord et sahélo-
soudanien au Sud. Le Boboye se situe entre les isohyètes 750 mm au Sud et 550 mm au
Nord. La végétation est celle du climat tropical sec : savane arborée et arbustive. Elle est
beaucoup plus abondante dans le lit de la vallée et moins abondante sur les plateaux
91
département situé dans la partie Ouest de la région de Dosso. Il couvre une superficie de
4432 km². Il s‟étend sur une longueur d‟environ 70 km du Sud au Nord. Il est limité :
un petit paradis au milieu de ses immenses plateaux arides. Non seulement ses terres sont
riches mais aussi la nappe phréatique est à faible profondeur. Dans la partie Ouest du
alimentaire. En dehors de sa vocation agricole, cette vallée est aussi une zone favorable à
l‟élevage. C‟est pourquoi la zone du Dallol est un lieu de brassage de populations venues
d‟horizons divers comme le souligne Moussa Brah : « Le pays des Dallol est l’une des
régions où se groupent les plus grandes diversités de genre de vie, d’ethnies et de races
tant les peuples, les cultures se sont interpénétrés les uns les autres.. » (Brah, 1983 : 41).
C‟est aussi une zone dans laquelle, les populations s‟adonnent à l‟exploitation du natron
92
Carte N°4 : Localisation du département de Birni N’Gaouré ou Boboye dans l’Ouest du Niger
93
II- Le règne de Boubacar Louloudji (1796- 1833)1
le Jihad, il était un alim populaire et respecté dans tout le milieu car il n‟avait pas encore
affiché ses ambitions politiques. La paix régnait dans la région et les enfants des
communautés peul et zarma étudiaient le Coran autour des mêmes douddales. Mais, dès le
déclenchement du Jihad, il prit fait et cause pour celui- ci. Boubou Hama le présente
Il a pour grand père, Ali Anna, un peul originaire du Macina qui a séjourné dans le
Dallol au cours de son voyage pour la Mecque. A son retour des lieux saints, il fonda, le
centre d‟études islamiques de Garouré. Devenu vieux, il quitta cette vallée avec deux de
ses fils, Sambo et Harouna, pour regagner la terre de ses ancêtres, le Macina où il mourut.
Dix ans après la mort de son père dans son village natal à Foutouga, Alfa Sambo décida de
revenir dans la zone pour rendre visite à ses parents restés sur place. Il laissa son frère
Harouna qui mourut plus tard au Macina. Selon la tradition locale, à son retour dans le
Boboye, il trouva que le village de Garouré fut détruit par des gens venus de l‟Ader. Après
1 - Selon la tradition locale, Boubacar Louloudji aurait accédé au trône à l‟âge de 25 ans et serait mort vers
1833 à l‟âge de 62 ans. Ces différents éléments nous ont permis de faire des recoupements et d‟avoir sa durée
de règne.
94
ce pillage, les Peul quittèrent le village et s‟installèrent à Dârey1 près de Kala où Sambo
Ali les retrouva. Ils étaient dirigés par un Peul appelé Hamma Tombo Kaïna. Ce dernier
remit la chefferie à Alfa Sambo. Comme son père, il ouvrit une école coranique pour
enseigner tous les enfants du village et ceux des villages environnants et même lointains.
Hamma Tombo Kaïna, l‟ancien dirigeant donna aussi sa fille Korga en mariage au nouveau
leader, Alfa Ali Sambo. De cette union, Sambo eut cinq enfants : Hamma, deux jumelles,
Hâoua et Adama, un fils Boubacar (qui sera plus tard surnommé Boubacar Louloudji) et
enfin, un autre garçon du nom de Djibo. Tous les fils de Sambo suivaient les cours en
même temps que les autres enfants. Selon la tradition locale, Boubacar fut parmi les élèves
a- L’enfance
Boubacar Louloudji est né dans le Dallol à Dârey selon la tradition locale de Birni
Malgré son infirmité (aveugle à l‟âge de 12 ans), il a pu poursuivre ses études et a fait
preuve d‟une intelligence remarquable. Quelle est l‟origine du surnom Louloudji2 ? Selon
1 - Dârey : Selon Adamou Seybou, chef de village de Dârey, le nom de son village est d‟origine peul. En
effet, leurs ancêtres étaient des chasseurs, ils avaient choisi ce site parce qu‟il y avait trop d‟antilopes (Oryx)
dans la zone. Et quand les Peul conduisaient leurs animaux au pâturage, ils les regardaient avec admiration et
disaient en fulfuldé : « Daaré Kooba », c'est-à-dire regardez ces antilopes d‟où le nom Dârey. Selon une
autre version, Darey, village situé à 19 kilomètres au Nord- est de la ville de Birni, tire son nom d‟un arbre
fruitier qui pousse en abondance sur les terres du village. Les Zarma donnent le nom de Darey à cet arbre
(son nom scientifique est Zizuphus mauritiana) d‟où le nom du village, Darey. Mais la version qui nous
semble vraisemblable, c‟est la première car selon la tradition locale, le village serait fondé par un chasseur
Golé du nom de Bagaza. Et généralement, les chasseurs s‟installent là où le gibier est abondant. Bagaza vient
de Gao, il s‟est installé d‟abord à Kiota Nazamné avec les membres de sa familles et ses esclaves puis à
Tombo Kossomboli avant de s‟installer sur le site de Darey. Selon cette même tradition, le choix de ce site
s‟explique par l‟abondance du gibier dans la zone à cette époque. En effet, selon Adamou Seybou, les Peul
dirigés par Hamma Tombo Kaina avaient trouvé le chasseur et sa famille sur place et, les deux communautés
cohabitaient pacifiquement, chacune avec son dirigeant. Les Peul faisaient paître tranquillement leurs
animaux à côté des chasseurs qui s‟adonnaient eux aussi à leur activité principale c'est-à-dire la chasse. Et
quand Sambo était revenu, Hamma Tombo lui remit le pouvoir du village peul de Dârey.
2 - Louloudji, village situé à une dizaine de kilomètres au Nord- ouest de l‟actuel Birni N‟Gaouré. Il tire son
nom du fait qu‟à l‟époque, les populations de ce village à cause des moustiques et des fauves construisaient
95
la tradition locale, il a eu ce surnom à la suite d‟une histoire rocambolesque qui s‟est
effet, Alfa Sambo, son père était un alim très respecté par les populations du Dallol.
Chaque année, au moment des récoltes, les paysans prélevaient leur „‟Zakat 1’’ sur la
récolte qu‟ils donnaient en aumône à cet érudit. Et, ce sont les ‘’talibé’’ du maître qui
allaient de village en village percevoir la ‘’zakat’’. Tous les élèves s‟acquittaient de cette
Exaspérés par le comportement de Boubacar, ils exigèrent une année qu‟il fasse
partie de la délégation car avant tout, c‟est sa mère la première bénéficiaire du mil qu‟ils
vont apporter. Le maître ayant senti la détermination de ses élèves de ne pas consentir à
aller prendre le mil sans la compagnie de son fils, ordonna à celui - ci de les suivre. Mais
avant leur départ, il recommanda à ses élèves de ne pas trop charger Boubacar d‟un poids
au- dessus de ses forces. Ils acceptèrent mais arrivés dans le village de Louloudji, ils firent
« Au moment des récoltes, comme à l’accoutumé, ‘’Alfa Sambo envoya ses élèves
dans le Dallol afin d’y percevoir la dîme de mil auprès des cultivateurs qui la lui
donnaient chaque année. Avant le départ des élèves pour cette mission, Alfa leur
recommanda de ne pas trop charger son fils Boubakar. Arrivé au village de
Loudoudji où les élèves devaient charger le mil, Boubakar les supplia de l’aider à
prendre sa charge. Les élèves, jaloux de ses succès à l’école, ne voulurent pas lui
venir en aide. Ils l’abandonnèrent seul à Loudoudji. Boubakar par miracle
parvint, tout seul, à prendre le chargement et vint à Darey avant ses camarades
qui l’avaient abandonné.
A son arrivée, son père lui demanda les nouvelles de ses camarades. Boubacar lui
raconta, alors tout ce qui s’était passé à Loudoudji. Alfa Sambo cacha Boubakar [
]. Quant aux élèves qui étaient venus d’ailleurs bien après Boubakar, ils
semblaient ignorer tout de lui et ils se contentèrent, tout simplement de dire que
celui- ci était allé s’amuser dans le village et que depuis trois jours, ils ne
l’avaient plus revu. Sur ce, Alfa Sambo, afin de les démentir et aussi pour prouver
tout ce qu’il savait d’eux, sortit de sa cachette Boubakar dont la présence étonna
leurs cases au dessus des hangars. Louloudji est le pluriel du mot peul, ‘’Loudou’’, qui signifie, case au
dessus d‟un hangar. Les Zarma le Surnomment Louloudji car selon eux, Boubacar est né dans le village de
Louloudji.
1 - Zakat : il s‟agit ici, de la dîme sur les récoltes. En effet, après les récoltes au-delà de 30 bottes, les paysans
musulmans prélèvent une dîme sur les récoltes (1 botte sur 10 bottes) qu‟ils remettent au modibbo du village
ou de la zone.
96
tous les élèves qui crièrent ‘’Ah ! Voilà Boubacar de Loudoudjé. A partir de ce
jour, Boubacar fut qualifié de saint et surnommé ‘’ Loudoudji’’» (Hama, 1969(a) :
26- 27).
A partir de cet incident Sambo, décida de ne plus laisser son fils suivre les
conduisait ses bêtes, il vit venir à lui une autruche qui, de ses ailes, le frappa sur le visage.
Ayant très mal aux yeux, il courut jusqu‟au village où il entra dans leur concession. Son
père alla le rejoindre à l‟intérieur de la maison et lui demanda ce qui n‟allait pas. L‟enfant
raconta à son père toute l‟histoire. Sambo se mit aussitôt à prier Dieu pour qu‟il rende la
vue à son enfant mais en vain. Boubou Hama rapporte les mots de désespoir de Boubacar
vois dans le ciel, quelque chose que peut être tu ne vois pas » (Hama, 1969(a) : 29). Au
moment où cet incident arriva, Sambo avait 22 ans de règne et Boubacar n‟avait que 12
ans. Malgré son handicap, il resta un élève brillant car bien qu‟aveugle, il lisait tous les
livres que son père lui présentait. C‟est surtout cette intelligence exceptionnelle de cet
élève qui, malgré son infirmité savait lire et écrire qui poussa la population à croire à son
Comment à une époque où il n‟y avait pas le braille, un aveugle parvenait – il à lire des
documents ?
Boubacar continua ses études et un jour, il demanda à son père le nom du village
créé par son grand père et exprima son désir d‟aller vivre sur le site. Quant il eut atteint
l‟âge de 17 ans, son père fit venir les habitants du village, les Zarma qui habitaient l‟ancien
site de Garouré et les informa du désir de son fils. Ils manifestèrent leur inquiétude car
selon eux l‟endroit est hanté. Mais malgré l‟inquiétude des Zarma, Sambo et les habitants
97
« Arrivé sur les lieux, Boubacar dit aux zarma ceci: ‘’ comme l’ancien site du
village est hanté, nous allons nous installer devant à coté du baobab rouge. Les
zarmas et les peuls acceptèrent. Ils allèrent tous construire leurs cases près du
baobab rouge. Et ils nommèrent le village de Kotchirey. C’était là que vécut Alfa
Sambo pendant 14 ans jusqu’ à sa mort » (Hama Beidi, 2003 : 39).
b- La formation religieuse
Boubacar Louloudji est le fils d‟Alfa Sambo et de Korga. Dès le jeune âge, il entra
à l‟école coranique de son père avec les autres jeunes du village et ceux des villages
environnants. D‟après la tradition locale, il fut le „‟talibé’’, le plus brillant de l‟école de son
père. Très tôt, il devint dans le pays, très populaire à cause de son intelligence mais aussi
quitta son village natal pour approfondir son savoir notamment dans le Gobir. Selon Saka
Balogun, il fréquenta plusieurs écoles coraniques et aurait même eu des contacts avec
« Abu Bakr Luduje succed as a leader, inhering the growing influence and fame of
his family. Abu Bakr himself, before this time, had been moving from one place to
another, as a student, learning from his learned friends. It is probable he had made
some contacted with the Fulani malems of Gobir, including Uthman on possibly
studied under the during this period. When Abu Bakr settled at Birni Ngaure, his
political influence grow remarkably » (Saka, 1970 : 111).
voyageait d‟un endroit à un autre, étant jeune élève, pour apprendre auprès des aînés lettrés
musulmans. Il est probable qu‟il eut pris contact avec les ouléma peul du Gobir y compris
Ousmane sous lequel il aurait beaucoup appris pendant cette période. Quand Boubacar se
fut installé à Birni N‟Gaouré, son influence politique s‟était véritablement accrue]. C‟est
surtout avec le Jihad d‟Ousmane Dan Fodio que cet érudit va devenir un personnage
98
et difficile de caractère. Ses ambitions démesurées vont malheureusement plonger le
Le centre d‟études islamiques de Garouré est l‟un des plus importants centres de
l‟Ouest du Niger créé par Boubacar Louloudji : « Birni Ngaure become the most extensive
and powerful emirate, west of Gwandou. It was also the first to be established in zaberma
area. The founder of the emirate was a Fulani Malam, Abu Bakr Luduje » (Balogun, 1970:
110). Traduction : [Birni N‟Gaouré était devenu l‟émirat le plus vaste et le plus important à
l‟émirat était un marabout peul, Abou Bakr Loudouji]. A la mort de Sambo, les Zarma déjà
témoins du comportement capricieux de son fils, n‟eurent pas confiance en Boubacar. Ils
occupations que l‟enseignement coranique. Ils jouissaient d‟une grande notoriété dans le
« The founder of the emirate was a fulani Malam, Abu Bakr Luduje. Before him; two
members of his family had been connected with the area and had acquired some influence
l‟émirat était un marabout peul, Boubacar Louloudji. Avant lui, deux membres de sa
1 - Tchérindji, village situé à 5 kilomètres au nord de la ville actuelle de Birni sur la route de Kiota. Ce
village tire son nom d‟une herbe qui pousse en abondance dans cette zone, le ‘’bourgou’’ (Echinochloa
stagnina).. En effet, les Zarma et les Peul donnent le nom de ‘’Tchérindji’’ à la botte de cette herbe. Et,
comme on trouve les bottes de cette herbe en quantité dans ce village, il prit alors le nom de Tchérindji.
99
Après la mort de son père Alfa Sambo, Boubacar quitta Kotchirey pour créer
Garouré, le Birni N‟Gaouré actuel. En tant qu‟alim, il ouvrit une école coranique et fit
construire une mosquée de vendredi. Cette école était fréquentée à la fois par les jeunes
peul et zarma (parmi ses élèves, il est important de souligner un nom, Daouda Bougaran,
qui sera plus tard à la tête de la coalition armée contre son ancien maître). Le Dallol connut
véritable éducateur. Les Zarma le considéraient comme un saint. Mais, ce climat de paix
Ousmane Dan Fodio. Ce qui entraîna des bouleversements politiques profonds dans le
Dallol. Ce mouvement religieux fera tâche d‟huile dans tout le Soudan central au XIXe
siècle. Et dans l‟Ouest du Niger, parmi les fondateurs des centres d‟études islamiques, c‟est
Boubacar Louloudji seul qui prit faits et causes pour ce mouvement. Il saisit l‟occasion
pour mener une véritable politique expansionniste dans le Dallol. Comme l‟avait souligné
Kimba Idrissa, il voulait transformer « une autorité morale en une sujétion politique »
(Idrissa, 1994 : 177). L‟autorité religieuse du Dallol sera ainsi érigée en un véritable
pouvoir politique oppresseur. Cette nouvelle donne politique va provoquer la colère des
Zarma de l‟Est, alliés du Kabi et de l‟Aréwa. L‟islam, qui devrait être le ciment de l‟unité
entre les deux principales communautés de cette zone, sera utilisé comme une arme par
l‟érudit pour asservir le groupe des sédentaires. Parlant du règne de celui- ci après
étouffante que les sujets de Garure aient jamais connue » (Harouna, 1985 : 57).
C‟est un incident dramatique au bord d‟un puits entre un jeune sédentaire et un jeune
nomade de Karra, qui va servir de prétexte à Boubacar Louloudji pour lancer sa campagne
100
peul chercher un mouton ou le vau d’une vache qu’ils vont égorger pour leur hôte.
C’est ainsi qu’un Zarma vint trouver un Peul au bord d’un puits et lui demanda de
lui donner une vache qu’il va égorger pour son hôte. Le jeune peul lui dit de
choisir au sein du troupeau et de tuer la vache qui lui plait sauf une (il s’agit d’une
vache Malle, très grasse, habbanaye1). Mais, le jeune zarma fit la sourde oreille et
tua la vache du peul. Ce dernier mécontent prit à son tour sa lance et tua le
Zarma »2.
Pour sauver sa vie, le Peul courut pour informer Boubacar Louloudji qui le cacha à
concession de l‟érudit et dirent : « Nous poursuivons un gibier et il est rentré dans votre
concession. Il faut le faire sortir pour qu’il réponde de ses actes »3. Il les calma et leur
« It was a dispute between a zaberma young man and a fulani hardsman which
soon developped into a tribal warefare between the two ethnic groups of the
combatants. The dispute which arose over a cow led to the death of the zaberma
young man when the fulani herdman struck him with his spear. When a group of
zaberma failed in their attempt to track down the fulani killer, they accepted an
offer of arbitration made by Luludje and dispersed the zaberma were to be
deceived…..» (Balogun, 1970: 111).
Traduction : [C‟était une dispute entre un jeune zarma et un berger peul qui s‟était vite
transformée en conflit tribal entre les combattants des deux groupes ethniques de la région.
La dispute dont une vache était la cause avait abouti à la mort du jeune zarma quand le
jeune berger à l‟aide d‟une lance lui assena le coup fatal. Comme le groupe de jeunes
zarma n‟arrivait pas à trouver le peul assassin, ils acceptèrent une offre d‟arbitrage de la
part de Louloudji. Quand les jeunes zarma s‟étaient dispersés, ils avaient été trahis].
demandant de retourner chez eux puis de revenir le lundi suivant pour que le différend soit
1- Habbanaye : c‟est une promesse de don que les Peul font généralement à des parents ou amis. Elle consiste
à prendre l‟engagement de donner le vau d‟une vache bien ciblée à un parent quand celle- ci mettra bas. Pour
les Peul, c‟est une parole d‟honneur qu‟un noble est tenu de respecter.
2 - Archives sonores de l‟IRSH : entretien avec Siddo Sayoma réalisé par Diouldé Laya le 23/04/1969.
3 - Archives sonores de l‟IRSH : entretien avec Siddo Sayoma réalisé par Diouldé Laya le 23/04/1969.
101
jugé conformément à la loi coranique dans la mosquée, en présence des parents des deux
protagonistes. Mais, c‟était juste une ruse pour les tromper car en réalité il voudrait gagner
du temps. En effet, avant le départ des sédentaires, il leur disait ceci : « Vous venez avec
tous les parents de la victime et l’agresseur aussi doit venir avec tous ses parents »1.
qu‟il commencera avec eux. Boubacar convoqua alors les Peul et leur demanda de venir en
grand nombre et bien armés, le lundi. Ils arrivèrent les premiers et se cachèrent dans la
mosquée avec leurs armes. Le lundi matin comme convenu, les membres de l‟autre
communauté vinrent en grand nombre (300 guerriers) devant la mosquée où chacun voulait
entrer avec ses armes. Le modibbo leur demanda de ne pas rentrer dans l‟édifice avec des
armes car selon lui, il est interdit d‟entrer dans la maison de Dieu, armé. Les sédentaires
qui ne se doutaient de rien et qui avaient confiance en lui avaient accepté de déposer les
armes. Entre-temps, les Peul bien armés étaient embusqués dans la mosquée. Selon Siddo
Sayoma : « Quand les Zarma désarmés rentrèrent dans la mosquée, les Peul surgirent
avec leurs armes, les ligotèrent et les massacrèrent, leurs cadavres furent jetés dans une
grotte non loin de Birni qui porte depuis ce jour, le nom amato2 »3 .
Ce carnage gratuit montre toute la cruauté de l‟homme. Non content d‟avoir massacré des
Saint- Livre, le Coran, Boubacar Louloudji décida à partir de ce jour d‟entreprendre une
après ce carnage plus autoritaire à l‟égard de ce groupe. Ainsi, au nom de la lutte contre les
„‟infidèles‟‟, cette communauté sera victime d‟exactions les plus ignobles de la part d‟un
1 - Archives sonores de l‟IRSH : entretien avec Siddo Sayoma réalisé par Diouldé Laya le 23/04/1969.
2 - Amato : Nom d‟une grotte située à 1,5 km au sud de Garouré. Amato est un mot zarma qui signifie, „‟que
la grotte se remplisse‟‟.
3 - Archives sonores de l‟IRSH : entretien avec Siddo Sayoma réalisé par Diouldé Laya le 23 /04/1969.
102
leader religieux, censé la protéger. Mais comme le souligne Boubou Hama, la plupart des
acteurs du Jihad ont profité de ce mouvement religieux pour assouvir des fins politiques :
« On ne peut guère douter que le Cheikh ait été lui-même un homme très religieux
et qu’il prenait ses recommandations au sérieux. Pourtant, beaucoup de ses
partisans furent malheureusement de simples aventuriers et la religion leur servait
simplement à cacher leur soif de puissance. Quand venait le moment du pillage, ils
dépouillaient sans différence musulman et païen » (Hama, 1967 : 74).
opportunistes car on ne peut pas mener des exactions sur des populations déjà converties à
l‟islam, au nom de cette religion. Même les populations du Dallol qui ne se sont pas
converties ne constituent pas une menace pour la religion de Mahomed. Seules des raisons
politiques peuvent justifier les actes aussi graves posés par un leader religieux.
« Boubacar Loudoudji a pris goût au pouvoir, il voulait alors asservir les Zarma,
mais il n’avait pas de prétexte valable et leur nombre le faisait peur. En effet, les
Zarma sont trois fois plus nombreux que les Peul. Déclarer la guerre à une
communauté aussi nombreuse sans raison valable serait un acte suicidaire pour
cet alim. Et, le Jihad constitue le plus beau cadeau offert par Shaykh Ousmane
Dan Fodio au modibbo du Dallol. L’incident qui déboucha sur la mort du jeune
zarma est une belle occasion saisie par Boubacar Loudoudji pour réduire la
capacité de nuisance des Zarma. En massacrant 300 guerriers zarma et en jetant
leurs corps dans une grotte, il veut affecter psychologiquement cette communauté.
Il a minutieusement préparé la guerre, alors que les Zarma ne sont pas bien prêts à
faire la guerre. Profitant de l’impréparation de ce groupe et de l’effet de surprise,
Boubacar Loudoudji va conquérir plusieurs villages zarma au nom du Jihad disait-
il alors que les mobiles sont purement politiques »1.
Après le charnier d‟ „‟Amato‟‟, Boubacar informa officiellement en présence des Peul qu‟il
a pris la décision de déclarer la guerre aux Zarma. Cette nouvelle attitude de Boubacar
103
2- Le déroulement du conflit
Louloudji va déclarer la guerre aux Zarma. Selon la tradition locale rapportée par Boubacar
Hama Beidi, ce sont les mauvais conseillers de l‟érudit qui sont à la base de la brouille
« Pendant 30 ans, le Dallol connut la paix. Après, Boubacar eut des mauvais
conseillers qui le brouillèrent avec les gens de son royaume. Ceux qui étaient en
désaccord avec lui furent vendus dans les pays étrangers. Boubacar et les siens
multiplièrent les exactions contre les Zarma pendant longtemps » (Hama Beidi,
2003 : 53).
Sans nier en bloc le rôle joué par les conseillers de Boubacar Louloudji dans la
détérioration du climat politique dans le Boboye, il faut surtout souligner que le modibbo
Dallol est une personnalité capricieuse, aux ambitions politiques démesurées. Les
différentes péripéties lors de son exil, nous donnent d‟amples informations sur la vraie
nature de l‟homme. Même hors de son pays, il n‟a pas cessé ses agissements contraires aux
principes de l‟islam.
Mettant en avant ses ambitions politiques, il va multiplier les exactions contre les
Zarma. Il donna l‟ordre à des jeunes peul d‟aller chercher un cheval rouge qui se trouvait à
Karra. Selon la tradition locale, tout celui qui monterait sur ce cheval pour entreprendre des
conquêtes deviendrait maître du Dallol. Selon cette même source, l‟érudit quoique aveugle
monta sur ce cheval, brûla le village de Karra puis ce fut successivement, et en 15 jours, le
tour des villages de Djodéli, Korankassa, Gorzoré, Guillaré, Alfabéri, Zouzou- Saney,
même en marchant est tiré par un guide, peut- il monter avec tant d‟adresse sur un cheval
et brûlé en un temps record autant de villages ? Comment un alim qui a déclenché le Jihad
contre les „‟mauvais musulmans‟‟ peut- il croire à cette histoire de cheval rouge ? Il s‟agit
d‟une tentative d‟explication d‟une guerre dont les mobiles sont surtout politiques. Quand
104
les Zarma de Kiota lui demandèrent : « Pourquoi brûles- tu tant de villages »? Il leur
répondit ceci : « Il y a deux choses qui, quand elles viennent à manquer dans un pays, il
devient ingouvernable : le pouvoir et la religion ; et c’est par le feu qu’on les impose »1.
Mais selon la plupart de nos informateurs, le souverain est surtout intéressé par les terres
du Dallol, et a utilisé la religion comme prétexte pour mener une guerre d‟expansion :
craignant une éventuelle incursion de ses ennemis, jugea utile de fortifier sa ville de
Garouré. Il décida de la construction d‟un mur et, pour ce faire exigea la contribution des
populations du Dallol. Il répartit le travail entre les différentes communautés. Comme lors
de la construction de la mosquée, Boubacar fit appel aux gens de Kafi (Dosso) et c‟est
Farakoy, le dirigeant du village qui traça le plan du ‘’Birni’’ sur le sol. Boubacar divisa le
travail entre les différents villages. La construction de ce mur fut l‟occasion saisie par lui
pour torturer moralement les populations du Dallol, particulièrement les Zarma et les
Maouri. En effet, chaque soir, Boubacar se rendait sur le chantier pour constater lui- même
l‟évolution des travaux. Mais chaque fois qu‟il y arrivait, quelle que soit la qualité du
travail abattu, il disait toujours la même chose en fulfuldé: « ‘’Wodaï’, autrement dit ’’ce
n’est pas bon’’. Et, il obligeait les gens à recommencer le travail » (Hama, 1969(a) : 30).
Ce cynisme de Boubacar Louloudji dura 3 ans et, un jour, le groupe Maouri à l‟intérieur
de modibbo Dallol. Fidèle à ses habitudes, un soir, il se rendit sur le chantier et répéta le
1- Archives sonores de l‟IRSH : entretien avec Siddo Sayoma réalisé par Diouldé Laya le 23/04/69.
2 - Entretien avec Mayaki Bonkano le 13/09/11 à Tchérindji.
105
même refrain en fulfuldé : „‟Wodaï’’. Exaspéré par cette attitude de Boubacar Louloudji, le
chef Maouri rétorqua en ces termes : ‘’Wodi, Wodaï, Wodata’’ qui signifie : ‘’c’est bon’’,
‘’ce n’est pas bon’’, ‘’ ce ne serait jamais bon’’! (Hama, 1969(a) : 31). Et le chef ordonna
à tout son groupe d‟abandonner le travail. Ces mots courageux prononcés par Bonkano
Bamey firent une forte impression sur tous les autres travailleurs. Ces derniers qui
leurs villages. Ce fut, le début de la révolte des Maouri et des Zarma contre la dictature de
cet alim.
Outre la torture morale, il imposait de lourds tributs aux sédentaires. Il vendait même
des hommes libres comme esclaves et n‟hésitait pas à déposer tout souverain zarma qui ose
le défier. C‟est à cause de ce comportement contraire aux principes de l‟islam que « les
Bonkano. Elles assurèrent leur soutien indéfectible à l’audacieux » (Harouna, 1985 : 58).
La nouvelle coalition Zarma- Maouri était décidée à mettre fin à ce règne de terreur de
l‟érudit. Mais, elle voulait éviter tout désaccord avec les autorités de Gwandou. Pour
montrer sa bonne foi et son attachement à l‟islam, avant d‟engager la guerre, elle envoya
Louloudji. Une attitude qu‟elle juge contraire aux prescriptions de l‟islam : persécutions
des musulmans, vente d‟hommes libres comme esclaves… : « Zabermawa and fulani
traditions on the rule of Luduje agree on the fact of the oppressive nature of the
administration. Many Zabermawa, Muslims and non- Muslims alike were captured and
sold into slavery » (Balogun, 1970 : 170). Traduction : [Les traditions zarma et peul à
Plusieurs Zarma musulmans et non musulmans ont été capturés et vendus comme
esclaves]. Il faut signaler à ce niveau que dès le début du Jihad, Shaykh Ousmane Dan
106
Fodio, ayant constaté les velléités expansionnistes de Boubacar Louloudji, le rappela à
l‟ordre : « J’ai appris ce que tu as fait. J’ai appris que tu as brûlé des villages. Désormais,
suivant la voie de la religion, tu dois d’abord proposer l’Islam aux gens. C’est seulement,
quand ils refuseront que tu pourras et devras leur faire la guerre » (Hama, 1969 (a) : 40).
1- La prise de Garouré
Malgré les conseils du Shaykh, dans les faits, il fit fi et se mit à persécuter des
peuples déjà convertis à l‟islam. C‟est pourquoi, la coalition a bon espoir que sa cause sera
entendue par les autorités religieuses de Gwandou. Après avoir reçu les représentants de la
coalition, Abdoulaye envoya une lettre à Boubacar pour lui demander de cesser de tels
le Dallol avec une main de fer. Les Zarma envoyèrent une seconde fois leurs représentants
à Gwandou pour se plaindre de son comportement. L‟Emir de cet Etat autorisa, Bougaran,
l‟émirat à combattre son maître car ses pratiques sont contraires à la religion. De retour,
celui- ci apporta la bonne nouvelle à ses partisans : Abdoulaye Dan Fodio nous autorise à
préparer le combat. Informé par un de ses partisans qu‟une guerre se préparait contre lui,
Boubacar demanda de faire sortir les femmes et les enfants de Garouré et de les amener du
côté de Kafi2. Abdoulaye conseilla à Bougaran d‟engager les hostilités un jeudi matin. Et,
c‟est durant cette journée que l‟assaut fut donné contre le Birni du Lamido. Les Peul
1 - Gorou- Bankassam, village situé à une cinquante de kilomètres à l‟Est de Dosso ; le fondateur est un sudié
du nom de Bankassam. Ce dernier choisit un koris (Gorou en zarma) comme site pour le village qu‟il créa
d‟où le nom Gorou- Bankassam autrement dit, le koris de Bankassam.
2 - Kafi est un ancien centre d‟études islamiques. Ses autorités entretiennent des relations cordiales avec
celles du Dallol.
107
« Hamma Bugaraan, un descendant de Buyaki, établi à Nikki, entreprit de
rassembler les mécontents Zarma dont notamment Sorkoyzé, un prétendant évincé
de la chefferie de Kiota et Gani Koda, Zarmakoy de Doso. L’armée zarma prit
Garure qu’elle brûla et Bubakar Ludduji s’enfuit vers le Gwandu » (Gado, 1980 :
204).
Boubacar prit la fuite avec sa suite mais il sera poursuivi par les Zarma jusqu‟au pied d‟une
colline sur laquelle, il parvint à monter. Bougaran demanda à ses hommes de ne plus le
poursuivre et de lui laisser la vie sauve. Les Zarma ont chassé ainsi, Boubacar du
Dallol : « De 1808 à 1831, les zarma débarrassés de la domination des peul du Dallol
de son pays. Plusieurs péripéties vont le conduire dans diverses localités. Il se rendit avec
sa suite d‟abord dans le Sud du Dallol à Kouassi. Dans cette localité, il livra bataille contre
chemin vers Gwandou où il sera accueilli hors de la ville par Abdoulaye Fodio en
personne. Mais malgré l‟hospitalité dont il fut l‟objet, Boubacar ne remercia pas l‟émir, au
contraire, il lui fit part de son amertume car il le considère comme étant responsable de sa
déchéance :
« Tu as prié pour les Zarma pour que je sois chassé et pour que Birni N’Garure
devienne des ruines où seules les pintades pourront venir tranquillement pondre
leurs œufs ? Quant à moi, je ne souhaite pas la destruction de Gandou, seulement,
j’espère que les bûcherons de ce village, seront dorénavant accompagnés par des
cavaliers chaque fois qu’ils partiront chercher du bois » (Hama, 1969 (a) : 33).
D‟après la tradition locale Boubacar refusa l‟invitation d‟Abdoulaye qui, pourtant ordonna
à sa suite de l‟héberger dans la ville de Gwandou. Il se rendit à Fouda où il sera rejoint par
108
sa famille et une partie de ses sujets qui s‟étaient réfugiés à Kafi lors du siège de Garouré
qu‟après Fouda, il s‟est rendu à Sokoto où il sera accueilli hors de la ville par Shaykh
Ousmane Dan Fodio en personne. Il l‟a hébergé dans sa ville. Mais très tôt, Boubacar va
A Wourno aussi, la population sera obligée de trouver une astuce pour le faire partir. De ce
village, il s‟est rendu successivement dans les localités suivantes : Dioguirma, Kaodié,
Nikki (dans le Borgou), Samsoro, Toura, … puis à Botou. Mais partout où il passe,
Boubacar s‟est montré insupportable et les populations ont dû trouver un stratagème pour
A Botou, il sera bien accueilli par le souverain de cette localité, Niantiamiri Biga.
Avant son départ, le leader de cette ville, bien que fervent adepte de la religion
traditionnelle a donné ses trois (3) filles en aumône à Boubacar Louloudji qui a procédé au
partage :
109
Selon la tradition locale, il est resté trois mois à Botou et deux ans à Malleyel. Il a quitté
ensuite Botou pour ce dernier village. C‟est dans cette localité qu‟il a appris qu‟Alfa
Mahamane Diobbo se trouve à Gaoudel et il est allé le rejoindre. Les deux ouléma sont
restés ensemble trois mois durant dans ce village. Puis, ils vont quitter Gaoudel pour
Larba.-Birno où Mahaman Diobbo a voulu rester mais les princes se sont opposés,
craignant son influence, d‟où cette fameuse chanson „‟Kolle1 –Larba-Birno ma Koli Alfaga
ga, zankay ma koli Talibey ga … 2„‟, littéralement cette expression signifie : „‟ Kolle de
Larba- Birno craint le maître et le suit de près et les enfants aussi craignent les‟‟ talibé’’ et
les suivent de près‟‟. Leçon bien apprise, les sages du village suivent de près les faits et
gestes du religieux et les enfants du village à leur tour surveillent les „‟talibé’’, parce que
l‟influence de l‟érudit dans la zone est telle que les princes ont eu peur de l‟héberger.
Après ce refus, les deux ouléma ont quitté Larba-Birno, ils ont transité par Kaporé, un
village de Bittinkodji avant d‟arriver à Neni-Goungou. Sur cette île très tôt, la nouvelle de
la présence de deux saints se propagea rapidement jusqu‟au Zarmaganda et sur toute la rive
droite du fleuve. Les populations de ces contrées vont affluer à Neni en y apportant des
biens aux saints. Mais là aussi, Boubacar Louloudji ne va pas tarder à décevoir ces
personnes animées de bonne volonté. Boubou Hama nous donne d‟amples informations
« Mais Boubacar, allant dans le sens de ses habitudes, se mit à tuer les bœufs et les
ânes qui transportaient tous ces biens à Neni. Quand les animaux venaient du
Zarmaganda, il les vendait sur la rive Gourma du fleuve et, quand ils provenaient
de cette rive du Niger, il les bazardait au Zarmaganda. Les gens finirent par se
méfier de l’île de Neni et de Boubacar Loudoudji. Ils n’allèrent plus le voir. Quand
ils le pouvaient, ils allaient rendre visite à Alfa Mahamane Diobbo. Celui-ci leur
disait toujours :
- Allez apporter vos présents au marabout du Dallol, Boubacar Loudoudji.
A cette invitation, les gens répondirent :
- Nous ne pouvons pas apporter nos présents au méchant marabout du Dallol »
(Hama, 1969(a) : 54).
1 -Kolle est le nom du guerrier de Larba qui est farouchement opposé à l‟installation de Mahaman Diobbo
dans son village.
2 - Entretien avec Alzouma Bazi Cissé à Niamey le 11/11/07.
110
Ce passage de Boubou Hama montre bien à suffisance l‟ingratitude du modibbo Dallol.
En effet, malgré l‟hospitalité dont il fut l‟objet de la part des populations de Neni et de ses
environs, Boubacar Louloudji refusa de mettre fin à ses caprices. C‟est ainsi qu‟il s‟en prit
aux biens des populations qui avaient pourtant accepté volontairement de venir en aide à
des hommes de Dieu. A notre niveau, ce comportement nous pousse à nous poser un
certain nombre de questions : Est- ce sa cécité précoce qui le pousse à être aussi méchant ?
Bittinkodji, poussèrent les deux saints à quitter Neni pour Goudel. Dans ce village,
Mahamane Diobbo fut bien accueilli par la population locale. Après avoir séjourné à
Goudel, les deux ouléma et leurs suites quittèrent cette localité pour Say. Boubacar
Louloudji resta à Say deux ans durant. Entre- temps, la paix semble revenue dans le Dallol.
Il exprima son désir de retourner vivre sur sa terre natale. Il demanda à Mahaman Diobbo
d‟intercéder auprès des Zarma pour que ces derniers le laissent revenir dans son pays et
promit de se tenir tranquille. Ce qui rassura cette communauté qui par respect pour l‟érudit,
autorisa son retour dans le Dallol. Mais avant de quitter, il promit à Mahamane Diobbo
qu‟il viendrait faire la prière chaque vendredi à Say. Boubacar Loudoudji quitta ainsi la
cité religieuse pour Tondifou1 à la périphérie du Dallol. Il séjourna quatre ans durant dans
Mahamane Diobbo (1825), Boubacar serait arrivé à Tondifou vers fin 1827 et le début de
18282. Et comme il l‟avait promis, il venait chaque vendredi faire sa prière à Say. Un jour,
il invita Mahamane Diobbo à visiter le Dallol, le pays d‟où il fut chassé. L‟érudit trouva le
site très intéressant et encouragea Boubacar à regagner en paix sur sa terre natale.
111
Grâce à la médiation de Mahaman Diobbo, religieux bien connu et très respecté
dans tout l‟Ouest du Niger, Boubacar Louloudji et les siens avaient été réinstallés dans le
Dallol. L‟érudit de Say avait accompagné Boubacar dans son pays natal. Il fonda ainsi
une nouvelle capitale, Tamkalla vers 1832-1833. Par rapport à l‟origine de ce nom,
Pour montrer sa bonne foi, il envoya une lettre pour s‟excuser auprès de
Mohamed Bello et d‟Abdoulaye Fodio. Il leur assura de sa volonté de vivre désormais dans
un médiateur, son fils Mohamed, pour réconcilier les Zarma et les Peul. Mais, avant son
arrivée, les Zarma paniqués par ce retour inattendu de Boubacar Louloudji avaient déjà
préparé la guerre. C‟est à Kiota, que Mohamed Abdoulaye va livrer bataille contre la
coalition zarma qui sera vaincue. Au cours de ce combat, Bougaran sera tué. Après cette
victoire, le Dallol connut de nouveau la paix. Boubacar vécut sept mois durant à Tamkalla
avant de rendre l‟âme au cours de l‟année 1832-1833. Mais avant de mourir, il prit soin de
désigner son successeur afin d‟éviter les querelles de succession qui sont en général à la
base du déclin des Etats. Pour éviter d‟éventuelles contestations, il procéda à un tirage au
sort. Boubacar Hama Beidi nous donne plus de détails sur ce mode de scrutin :
« Un jour Boubacar, sentant sa mort prochaine appela ses 15 fils adultes capables
de prétendre au trône de Tamkalla : ‘’ Je ne vous laisserai pas dans l’embarras
après ma mort, je vous ferai un tirage au sort’’. Il inscrit sur 15 bouts de papiers
les professions auxquelles pouvaient prétendre ses fils : chefferie, marabout,
berger, cultivateur, guerrier… Il mit les papiers dans un panier avec une
ouverture juste pour une main. Il agita le panier pour bien mélanger les papiers.
112
Ensuite, il invita chacun à y introduire sa main et à prendre un seul papier. Chacun
en prenait un, le regardait, puis le mettait dans sa poche. Boubacar Loudoudji
invita chacun à lire son bout de papier. Ensuite, il dit à ses enfants : ‘’ Le tout
puissant a donné à Aboulhassane la chefferie, à Aboulwafa1 le titre d’Imam. Que
chacun se contente de ce dont Dieu lui a donné et reconnaisse sa place dans sa
famille’’ » (Hama Beidi, 2003 : 81).
Quelques jours après, Boubacar rendit l‟âme à Tamkalla suite à une piqûre d‟un scorpion :
« Boubacar vécut sept mois à Tamkalla et rendit l’âme suite à la piqûre d’un scorpion »
d’études secondaires
entre celui- ci et les Zarma. Ces derniers hésitent à envoyer leurs enfants à l‟école d‟un
maître „‟méchant‟‟. Malgré ce contexte de crise, Boubacar initia la création des centres
1837)
Comme son père Sambo et son grand père Ali Anna, Boubacar ouvrit une école
coranique fréquentée à la fois par des jeunes peul et des jeunes zarma parmi lesquels,
Bougaran qui conduisit la coalition qui le chassa du pouvoir. En dehors de son école, il
installa des modibbo un peu partout dans le Boboye afin que ces derniers l‟aident à
1 - Selon la tradition locale, Aboulhassane et Aboulwafa sont nés la même nuit de mères différentes.
Aboulwafa naquit vers 9h du soir et Aboulhassane ne vint au monde que bien plus tard, le matin de bonne
heure, presque à l‟heure de la prière. Mais, ce sont les parents d‟Adama Kouré, la mère d‟Aboulhassane qui
vinrent annoncer les premiers la naissance de celui-ci. Boubacar décida de nommer l‟enfant Aboulhassane.
On vint ensuite, après la prière du matin, lui annoncer la naissance du fils de sa femme Dioko. On lui dit
même que l‟enfant naquit dès le début de la nuit, vers 9h du soir. Mais, sa bénédiction était déjà allée au fils
de sa femme Adama Kouré, né bien après celui de Dioko. L‟enfant de celle-ci fut appelé Aboulwafa. La
tradition lie la chance d‟Aboulhassane à cette bénédiction.
113
propager l‟islam dans cette zone. Parmi ceux- ci, l‟un des plus célèbres reste
lettré musulman venu de Tendirma (Macina). Il appartient à la famille des Peul Silloubé2.
l‟année 1833, la fatigue et le poids de l‟âge (62 ans) l‟obligèrent à renoncer à son projet. Il
fit alors escale à Tamkalla où il fut bien accueilli par Boubacar Louloudji. Ce dernier
apprécia les hautes qualités intellectuelles de son hôte et lui demanda de rester pour l‟aider
dans la Diina :
« Boubacar Louloudji indiqua un site non loin de Tamkalla sur lequel Mamadi
Diobbo et sa suite s’installèrent. C’est ainsi que Mamadi fonda la cité religieuse de
Birniyel. Il ouvrit une école coranique que fréquentaient ses enfants et ceux des
villages environnants. Parmi ses enfants le plus brillant reste indubitablement
Toukour Mamadi. Après la mort de cet érudit en 1837, c’est le grand frère de
Toukour, Sidikou qui prit le pouvoir. Sidikou Mamadi (1837- 1866), succéda à son
père en 1837 et poursuivit son œuvre. Mais c’est surtout avec Toukour Mamadi
(1866- 1901) que l’on assista à une intense activité religieuse à Birniyel avec
l’ouverture de plusieurs écoles coraniques dans le village »3.
Selon la tradition locale, il y avait une véritable ferveur religieuse dans le village surtout
sous le règne de Toukour Mamadi. Mais avec la chute de Tamkalla, le village avait
« Une bonne partie s’était réfugiée dans le Sourguey c'est-à-dire l’Imanan. Après
le retour de la paix, la population de Birniyel avec Mamadi Toukour à leur tête
revint occuper le site de leur ancien village. De la fondation du centre jusqu’en
1901, c’était la Qadriya qui était en vogue dans ce village et ses environs. La
Tidjaniya sera introduite à Birniyel sous le règne d’Ibrahim Sidikou (1901- 1946).
Le Shaykh Hanafi de Fandou Bali- Bali par exemple fit ses études coraniques dans
ce centre »4.
1- Birniyel : village situé à quelques 15 kilomètres de Margou. Birniyel signifie en peul, petite forteresse.
Birniyel et Dionkoto étaient en fait deux sites défensifs créés par les autorités de Garouré pour surveiller et
contrecarrer les mouvements des cavaliers du Kabi.
114
2- Le centre de Garbou1
Le village fut créé vers 1833 par Ali Tchanga, un peul originaire de Famaké
(Macina). Il appartient à la famille des Peul Sidibé. Ali Tchanga y était venu avec sa
famille et quelques lettrés musulmans. Contrairement à la plupart des Peul qui avaient pour
fondation jusqu‟à la période coloniale, Garbou avait toujours fourni aux Lamido du
Boboye, les meilleurs archers de la zone. Ce village et Dionkoto étaient des forteresses
construites sur la voie qu‟emprunte généralement l‟armée du Kabi pour attaquer le Boboye.
C‟étaient des sites défensifs qui servaient en même temps de remparts. Depuis la chute de
Garouré, les Lamido du Boboye et leurs successeurs ne vivaient plus au même endroit, afin
d‟éviter le problème de relève car en cas d‟attaque si le Lamido et son Yerima étaient tués,
est le remplaçant du souverain en cas d‟absence. Il est aussi l‟héritier du trône en cas de
décès du souverain : « Il jouit du pouvoir de donner des ordres à tous les dignitaires au
nom du chef » (Beidi Hama, 2003 : 173). C‟est ainsi qu‟Aboulhassane installa,
Aboulwafa, le futur héritier du trône de Tamkalla à Garbou. Il ouvrit une école dans ce
village et enseignait les enfants de ce village et ceux des villages environnants. Jusqu‟au
règne de Lamido Soumana, les yerima du trône du Boboye avaient toujours été installés à
Garbou. Ainsi, les souverains Aboulwafa, Sita et Soumana avaient comme yerima,
Bayéro, Beidi et Sita. Et tous ces suppléants avaient résidé à Garbou. C‟est Soumana qui
mit fin à cette pratique en envoyant son remplaçant à Falmey. Selon Garba Zoumari :
« De sa création à nos jours, dix chefs se sont succédé sur le trône de Garbou, il
s’agit de : Ali Tchanga (1833- 1865), Hama Foulan (1865- 1897), Amadou Ali
(1897- 1915), Boubacar Bouro (8 mois), Baaba Wala (1915- 1954), Sambo Hama
(1954- 1972), Boubé Zika, Salou Sambo, Manou Salou, Amadou Salou et Garba
Salou depuis 1980 »2.
115
3–Le centre de Boumba1
A la différence des deux autres villages, Boumba n‟est pas fondé par
un Peul. C‟est un village fondé par un Goubé nommé Bilan. Son père, Kada, venu de
« Après la mort de Kada, son fils Bilan quitta Patchiga et vint fonder
Boumba. Après la mort de Bilan Kada, c’est Souley Kada qui accéda au
pouvoir puis ce fut le tour de Sidikou Kada, Guittizé- Baaba, Bonkano
Souley, Sidikou Souley, Koukou Bilan, Yayé Koda Souley, Seyni Sidikou,
Adamou Seyni, Adamou Sidikou, Abdoulaye Moumouni (souverain
actuel) »2.
Il faut souligner ici que Kada fut un grand alim. Il fit ses études coraniques au Macina. Il
avait ouvert une école coranique à Boumba fréquentée par les enfants de ce village et ceux
« Tous les souverains qui se sont succédé sur le trône de Boumba, de sa création
jusqu’aujourd’hui sont des lettrés musulmans à l’exception de Yayé Souley Koda.
Ce dernier n’a étudié que la moitié du Coran avant d’être enrôlé comme tirailleur
parmi les troupes françaises à la guerre de 1914- 1918. Il n’a donc pas eu la
chance de poursuivre ses études coraniques »3.
Selon la tradition locale, le village est resté jusqu‟à nos jours un centre d‟études
douddale et Boumba était l’un des rares villages disposant d’un Coran écrit à la main
ralenti l’activité religieuse dans ce village »4. Selon les dignitaires de ce village, le Coran
dont il est question est actuellement disponible dans les archives de la cour. Nous n‟avons
1 - Boumba : Il y a deux versions sur la signification de Boumba. Selon la première, Boumba tire son nom
d‟une plante épineuse appelée Goumbi (Acacia ataxacantha) en Zarma qui était très abondante sur le site,
donc Boumba tire son nom de la déformation de Goumbi. Selon la deuxième version, après la création du
village, il y eut une grande famine qui décima tout le troupeau du village. Et les gens se plaignaient de cette
situation en disant en zarma : « wa si no kala day gumba. » autrement dit : « il n‟y a pas de lait, il ne reste
que la boule sans lait. » d‟où l‟origine de Boumba.
2 - Entretien avec Abdou Saley paysan à Boumba le 09/10/2011.
3 - Entretien avec Idrissa Daouda paysan à Boumba le 09/10/2011.
4 - Entretien avec Djibrilla Omar imam de la grande mosquée de Boumba le le 09/10/2011.
116
malheureusement pas eu la chance de le voir et de le filmer car le Gardien détenant les clés
de la chambre dans laquelle se trouve le document est absent lors de notre séjour dans le
village.
durable, l‟histoire du Dallol Bosso. Petit fils d‟Ali Anna, il a réussi au début comme ses
parents à réunir autour de lui les enfants issus des deux importantes communautés (zarma
comportement d‟un leader religieux contraire aux principes de l‟islam va pousser cette
communauté à la révolte : c‟est le début des violences dans le Dallol. Ses successeurs ont-
ils réussi à ramener une paix durable dans cette vallée fertile ?
117
Photo no 1 : La tombe de Boubacar Louloudji à Tamkalla
118
Chapitre V : L’œuvre d’Aboulhassane, fils et successeur de Boubacar Louloudji
Après la mort de Boubacar Louloudji et les violences connues sous son règne,
l‟espoir était permis de croire à une accalmie dans le Dallol. Mais, ses successeurs
assoiffés de pouvoir allaient commettre les mêmes erreurs que lui, plongeant ainsi cette
mais la fin de son régime sera caractérisée par la reprise des hostilités dans le Boboye.
1- Le choix de l’homme
successeur par son père suite à un tirage au sort, le remplaça. Il s‟empressa d‟informer les
raconta toute la procédure à l‟émir qui fut rassuré. Après le départ de son hôte, il informa
amir al moumine de Sokoto (le commandeur des croyants), Mohamed Bello qui, à son
tour, envoya des émissaires auprès de l‟émir de Gwandou, Abdoulaye pour lui dire ceci :
Après avoir lu la lettre de Mohamed Bello, Abdoulaye se rendit à Tamkalla où il réunit les
deux communautés. Les Zarma acceptèrent de s‟entendre avec les Peul au nom de l‟islam,
1 - Il s‟agit plutôt de Mohamed Bello car Ousmane Dan Fodio est décédé bien avant l‟accession
d‟Aboulhassane au pouvoir.
119
leur religion commune. Avant de quitter le Dallol, il demanda aux populations de
construire un „‟Birni’’ pour protéger la ville contre les assauts éventuels des ennemis. Il
„‟Lamido’’(ce titre est plus politique que religieux). Il lui délimita son territoire (bordure
nord et Tanda du côté du Dendi) et lui dit ceci avant de retourner à Gwandou :
« Lamido- zarma, Aboulhassane, la paix est là, devant toi. Si tu commandes avec
sagesse ou tu gouvernes mal, sache que chacun de tes gestes est pesé par Dieu
devant lequel tu es responsable de toi- même et de tout un pays. Quand tes sujets
viennent te voir, rends-leur la justice, suivant la loi du Coran, selon les coutumes
islamiques. S’ils sont assez nombreux et qu’ils en manifestent le désir, donnez-leur
le chef de leur choix. Si parmi les villages qui dépendent de ton état certains
arrivent à la désunion entre eux ou à la révolte contre toi, ne leur fais pas la guerre
avant de me prévenir » (Hama, 1964-1969 : 71).
Il faut noter à ce niveau que Boubacar Louloudji est le premier à porter ce titre
de Lamido- zarma. Son père, Sambo et son grand père, Ali Anna ne se sont pas intéressés
au pouvoir temporel. Ils ont vécu comme des leaders religieux. Ils ont œuvré surtout pour
la propagation de l‟islam dans la zone. C‟est Boubacar Louloudji avec ses ambitions
« Quand l’enceinte fut achevée, Boubakar écrivit à Ousmane Dan Fodio pour lui
dire qu’il s’était réconcilié avec les gens du Boboye. Ceux- ci dit –il, répondirent
nombreux à mon appel. Ils accoururent à Garouré où ils construisirent une
enceinte pour protéger la ville. Ousman Dan Fodio envoya, à la suite de la lettre
de Boubakar, des émissaires pour le couronner ‘’Lamido- zarma’’ » (Hama, 1969
(a) : 41).
Lamido- zarma signifie, souverain du Zarma en peul. Bien que peul, il porte ce titre car il
se trouve à la tête d‟une zone peuplée majoritairement par des Zarma. En plus, il
ambitionne d‟étendre son pouvoir hégémonique sur cette communauté. Après la mort de
Boubacar Louloudji, son fils Aboulhassane s‟est rendu aussi à Gwandou pour chercher le
120
soutien d‟Abdoulaye afin qu‟il soit nommé „‟Lamido- zarma’’. C‟est ce qui justifie le
déplacement de l‟émir de Gwandou dans le Boboye. Après ses sages conseils, Abdoulaye
est retourné à Gwandou avec l‟espoir que le Dallol connaîtra désormais la paix. La
présence massive des Zarma au cours de cette réunion prouve si besoin est, qu‟ils
entretiennent des relations cordiales avec les autorités de Gwandou. En atteste, le voyage
de Bougaran dans cet Etat pour informer les autorités du comportement déviationniste de
Lamido et l‟avis favorable qu‟il reçut pour chasser Boubacar Louloudji du Dallol.
Les Zarma étaient restés des années durant tranquilles jusqu‟au moment où
paix dans le Dallol dépend en réalité du comportement des érudits placés à la tête du centre
d‟études islamiques du Boboye. Si ces religieux avaient des problèmes avec une partie de
leurs sujets, c‟est parce qu‟ils avaient oublié qu‟ils étaient avant tout des porteurs du
message divin. Et en tant que tels, ils devaient être des Lamido justes et équitables. Ils
comme des tyrans au milieu d‟une communauté composée majoritairement par des gens
plus ou moins avertis sur les questions religieuses. Ce sont ces comportements des
souverains contraires à la religion de l‟islam qui étaient à la base de leurs démêlés avec les
Zarma de l‟Est. En effet, les seuls moments d‟accalmie étaient ceux au cours desquels les
Lamido Dallol ne s‟étaient pas écartés des principes religieux et s‟étaient adonnés
Après le départ d‟Abdoulaye, la paix fut de courte durée dans le Dallol car deux (2)
ans plus tard, une crise éclata. En effet, la population du village de Bengou, dans le Dendi
121
d‟Abdoulaye Fodio, ne livra pas directement bataille à ce village. Il envoya d‟abord un
message aux gens de Bengou, pour les convaincre de payer l‟impôt mais ceux- ci
refusèrent. Il informa aussitôt Abdoulaye qui l‟assura de son soutien et lui donna rendez-
vous à Dioundou :
« Le Lamido Zarma envoya une lettre pour mettre au courant Abdoulaye Dan
Fodio qui lui répondit de le rejoindre à Dioundou. Ils s’y rencontrèrent, chacun
avec sa troupe, pour donner une correction aux habitants de Bengou. C’était un
jeudi soir. Ils passèrent la nuit à Dioundou. Le vendredi après la prière, ils
montèrent sur leurs chevaux et se dirigèrent vers Bengou. Les habitants de Bengou,
ayant appris leur arrivée à Dioundou, quittèrent leur village. Le Sultan de Gandou
et le Lamido Zarma trouvèrent un village vide, aucune âme n’y vivait. Ils apprirent
que tous les guerriers s’étaient réunis à Tanda. Et ils se dirigèrent vers Tanda (…).
Un combat très violent s’engagea entre les Peuls et les Zarmas. Ces derniers,
acculés par leurs ennemis au fleuve, firent appel à leurs frères de Karimama qui
les firent traverser le fleuve. Ainsi ils se mirent sur la rive droite. Les Peuls mirent
le feu au village de Tanda. A la poursuite des Zarmas, ils longèrent le fleuve
jusqu’à Kouassi où ils s’arrêtèrent » (Hama Beidi, 2003 : 89 - 90).
Après cette bataille, Abdoulaye retourna à Gwandou et mourut peu de temps après.
Gwandou par son fils Mohamed. Dans le Dallol, la paix semble revenir mais pour
quelques années. En effet, un Peul maltraité à Botou et désireux de se venger, vint après
avoir retrouvé la liberté trouver Aboulhassane. Il lui fit comprendre (en exagérant les faits
bien sûr) que les Gourmantché sont les pires ennemis de l‟islam car pratiquant le „’Shirk1
de façon cruelle. Il lui décrit les pratiques occultes des populations de Botou : « J’ai vu là
où, vraiment, on est infidèle ! Cet endroit, ce village, c’est Botu. Dans ce village, les
habitants ont emmuré vivant, un homme dans une statue en banco et c’est derrière le
‘’tooru2’’, qu’ils font leurs prières » (Hama, 1964-1969 : 78). Irrité par ces propos du Peul,
Aboulhassane chercha à vérifier les faits. Il écrivit à Boubacar Alfa Mahaman Diobbo pour
lui demander son avis sur ces pratiques ancestrales qui avaient cours à Botou. Boubacar
répondit à Aboulhassane en ces termes : « Je ne sais pas beaucoup de choses sur le chef de
122
Botou. Je sais qu’il est très généreux et qu’il donne et fait l’aumône aux musulmans. Mais
seulement, je sais qu’il ne fait pas la prière, qu’il n’est pas musulman » (Hama, 1964-
1969 : 78).
Boubacar Alfa Mahaman Diobbo, se rendit lui-même à Gwandou pour raconter l‟histoire à
de le suivre pour qu‟ils aillent ensemble mener la guerre sainte contre le village de Botou.
Arrivés à Diongoré, non loin de Say, les deux hommes firent appel à Boubacar Alfa
non violence), leur répondit en ces termes : « Vous allez livrer combat à un homme qui
n’est pas musulman certes, mais qui leur donne et qui leur fait sans cesse l’aumône,
beaucoup de bien » (Hama, 1964- 1969 : 80). Même Aboulhasane ne voulait du tout pas de
cette guerre :
« Aboulhassane allait à cette guerre à contrecœur, il avait épousé une des sœurs du
chef de Botou. De Diogoré les troupes de Gandou et de Tamkala se dirigèrent
Botou. Le combat s’engagea. Comme les gens de Tamkala allèrent mollement dans
cette ville, le gros du travail fut laissé aux troupes du Gandou. Les Gourmantchés
résistèrent héroïquement, les Peuls se replièrent sur Kirtachi » (Hama Beidi, 2003 :
99).
Il faut souligner à ce niveau que la plainte du Peul n‟est que la goutte d‟eau qui a fait
prétexte pour livrer bataille contre cette communauté. La plainte du Peul est une belle
123
car les dirigeants des régions exerçaient leurs fonctions conformément à leurs prérogatives.
Seules les affaires litigieuses les plus graves qu‟ils n‟avaient pas pu trancher étaient
connut ainsi la paix et les populations vaquèrent normalement à leurs occupations. Mais,
un incident grave intervenu dans le Zigi fit monter la tension. En effet, un chef zarma
Seyni Kâdi commit l‟adultère dans le village de Gassé- Béri. L‟affaire fut portée devant
« Voyez d’après la loi du Coran, l’acte que vient d’accomplir Seyni Kâdi mérite la
mort. Maintenant qu’il encoure cette peine, par mesure de clémence, je vais le
déporter de son village. Je vais l’assigner en résidence forcée dans un autre coin
de mon royaume ; ce sera là sa punition, la peine de prison que son acte, avec
beaucoup d’indulgence, appelle, c’est un strict minimum. De Bankadé,
Aboulhassane déporta Seyni Kâdi à Pullo1, à l’Ouest de Tamkalla »2.
Ainsi, l‟acte ignoble de Seyni Kâdi ne fut pas jugé conformément au Coran car le
‘’Lamido’,’ voudrait éviter une sentence lourde qui pourrait occasionner un soulèvement
des Zarma. Mais malgré cette indulgence d‟Aboulhassane, certains membres de ce groupe
danger et il l‟avait évité de justesse. Deux ans après, les incidents se multiplièrent non
seulement entre les deux communautés du Dallol mais aussi entre Zarma eux-mêmes. Mais
Mais comme son père, cette accalmie fit naître chez Aboulhassane, une certaine
1- Pullo signifie en fulfuldé peul, le premier site du village est situé à l‟Ouest de Margou. Le village actuel
est situé entre les villages de Kodo et de Kanaré.
2 -Archives sonores de l‟IRSH : entretien avec Siddo Sayoma le 23/04/1969.
124
présenta aux yeux de ses sujets comme étant l‟homme réunissant toutes les qualités (le plus
« Je vous réunis pour me ‘’vanter’’. Dans le pays zarma, personne n’a commandé
avec autant d’honneur et de bonheur que moi. Il y a 27 ans que je commande ce
pays dans la paix. Je me vante de cela. Tout jeune encore, j’ai 30 enfants. Je me
vante de cela aussi. Sans ma responsabilité de chef, je peux prouver au pays zarma,
que dans celui-ci, je suis le plus instruit. C’est pour moi un sujet de vanité. C’est
encore ma qualité de sultan qui m’empêche de prouver que dans le zarma, je suis
l’homme le plus brave. C’est là pour moi une occasion de satisfaction personnelle.
C’est toujours mon état de sultan qui m’interdit de prouver que dans le zarma, je
suis l’homme le plus beau » (Hama, 1969 (a) : 85-86).
operation against the zaberma which he completed in 1848/9. He than gave the zaberma a
treatment which was strictly not legally proper in the context of the Islamic law, even to
conquered people» (Alkali, 1969: 191). Traduction : [Dans la zone zarma Aboulhassane a
continué ses opérations militaires contre les Zarma entre 1848 et 1849. Puis il fit subir aux
Zarma un traitement qui était contraire à la loi islamique, même un peuple conquis ne
devait pas être soumis à une telle torture]. Pire, il laissa ses enfants maltraiter les paisibles
désordre. Les Zarma de l‟Est ressentirent vivement cette injustice contraire aux lois
1- La chute de Tamkalla
Pour dénouer la situation, les Zarma de l‟Est font appel à Daouda, le fils de
1 - Pour plus de détails sur l‟attitude nouvelle d‟Aboulhassane, voir les ouvrages de Boubou Hama, Histoire
traditionnelle des Peul du Dallol Boboye et de Boubacar Hama Beidi, Histoire traditionnelle des Peul du
Dallol Bosso.
125
Mais à Gwandou une fausse nouvelle circulait dans la ville accusant le Zarmakoye de
devant une nouvelle aussi grave. Il ne prit même pas le soin de vérifier l‟information à la
source. Convaincu que Zarmakoye venait de signer une alliance avec le pire de ses
ennemis, Kabi, Mohamed Bello mobilisa une armée pour attaquer la ville de Dosso : « Il y
eut quiproquo ; les Peul de Gando crurent que c’était Kossam, le roi de Dosso, qui avait
demandé l’aide de leur ennemi mortel, contre leur protégé Aboulhassane. Les Peul de
Gando décidèrent d’apporter la guerre à Dosso » (Hama, 1969 (a) : 87). Malgré toutes les
explications fournies par Aboulhassane pour dissuader Mohamed à renoncer à son projet,
celui-ci attaqua cette ville qui selon lui a renié la religion. Cette guerre menée contre
Dosso par l‟armée de Gwandou avait été interprétée par les Zarma comme étant une
stratégie d‟Aboulhassane visant à les affaiblir. Elle encouragea aussi, les Wangaari à
sceller une alliance solide avec le Kabi : « Events connected with the defeat of Dosso were
to create conditions which prompted the 1849 alliance » (Alkali, 1969 : 188). Traduction :
[Les évènements liés à la défaite de Dosso ont abouti à l‟alliance de 1849]. Les Zarma de
l‟Est, irrités par le comportement du Lamido Boboye, ont décidé de se révolter contre lui.
rendent la vie difficile aux populations de la zone. Ils ont multiplié les abus et les exactions
126
Halimatou retourna encore chez les fils d’Aboulhassane. Ce fut en vain. On la
renvoya par un refus hautain. Furieuse, Halimatou retourna de nouveau chez
Aboulhassane. [……..].
Malgré les pleurs et les supplications d’Halimatou, Aboulhassane, par cruauté, ne voulut
pas s’intéresser à ce cas flagrant d’injustice qui réclamait la vengeance de Dieu. Excédée,
Halimatou s’adressa de toute sa foi et de tout son cœur directement à Dieu, au-delà des
hommes, d’Aboulhassane et de ses fils » (Hama, 1969 (a) : 89 - 90).
Elle pria ainsi, Dieu afin qu‟il punisse Aboulhassane et, la prière de cette pauvre femme fut
exaucée par le Seigneur. En effet, le comportement des enfants d‟Aboulhassane fit monter
coalition zarma, Daouda du comportement insupportable adopté par Lamido et ses fils. Et,
L‟émissaire eut alors, un argument de taille pour convaincre le Sarkin Kabi, Nabamé de la
nécessité de l‟aider mais aussi des chances qu‟ils avaient de remporter la victoire à cause
Kabi. En effet, les autorités de cet Etat cherchaient aussi à mettre fin au pouvoir
coalition qui porte le nom Nabamé qui est composée des éléments du Kabi, des Zarma de
l‟Est, du Dendi et de l‟Arewa: «The Nabame alliance is perhaps the most important single
event in the 19th century history of Kebbi. The objective of the alliance was to eliminate
Fulani control in the region of the componment states, and in the case of Kebbi to regain
the independence lost. » (Alkali, 1969 : 230 - 231).Traduction: [L‟alliance Nabamé est
peut- être, le seul évènement le plus important dans l‟histoire du Kabi au XIXe siècle.
L‟objectif de l‟alliance était de mettre fin à l‟hégémonie peul dans la région et permettre au
Kabi de retrouver son indépendance perdue]. Cette alliance marque un tournant décisif
dans l‟histoire du Boboye car elle va permettre au Kabi d‟instaurer son hégémonie sur les
127
Au même moment où cette alliance se nouait entre les Zarma de l‟Est, le Dendi, le
Kabi et l‟Aréwa, un autre guerrier commença à faire ses preuves dans le Dallol, il s‟agit
d‟Issa Korombé. Ce dernier est revenu dans son village après un long exil. Il sera très vite
populaire dans la région en faisant preuve de bravoure et de finesse au cours des combats
qu‟il engagea contre les Touareg. Il sut ainsi contenir les assauts de ces derniers et rejoignit
la coalition Zarma appuyée par l‟armée du Kabi pour combattre Aboulhassane. Il tint ces
Issa intégra ainsi la troupe de Daouda qui bénéficie désormais du soutien des Kabbawa et
« Les Zarma se tournèrent ensuite vers l’autre camp ennemi. Pour ce faire, les
chefs militaires se réunirent à Fada Zéno près de Doso où ils attendaient l’’armée
du Kabi. Les alliés firent mouvement vers Tamkalla. Le Lamido de Tamkalla avisé
prit l’initiative de se rendre à Kala où il espérait prendre de vitesse ses ennemis.
Ces derniers s’étaient cette fois-ci, démarqués de leur itinéraire habituel.
Auparavant, les zarma et leurs alliés attaquaient les Peul de Kala1. Cette fois-ci,
après l’étape de Kwara-Zeno, ils descendirent directement à Tamkalla. Quand le
Lamido Abul Hassan se rendit compte qu’il avait fait un faux calcul, il dépêcha un
messager, Sagaidou à Tamkalla. Dans son message, il ordonna à son représentant
de déclarer Tamkalla ‘’ville ouverte’’. Mais le messager fit le contraire à sa tête et
engagea cinq mille hommes dans la bataille. Isa Korombe et ses alliés infligèrent
une défaite cuisante à l’armée ennemie » (Harouna, 1985 : 64-65).
Quelle triste fin pour le Lamido Aboulhassane qui a réussi au début de son règne à
instaurer un climat de paix dans le Dallol. C‟est surtout son comportement déviationniste
et les lourdes fautes commises par ses enfants qui l‟ont rendu impopulaire vers la fin de
son règne et ont permis à la coalition d‟avoir le dessus. Les autorités de Gwandou,
1 - Kala, village situé sur le tronçon Birni- Kiota à quelques 20 kilomètres de Birni.
128
militaire à Aboulhassane dont la capitale Tamkalla fut mise à sac par la coalition en 1854.
Barth décrit l‟état lamentable de la ville lors de son second passage, c'est-à-dire en 1855 :
« The town of Tamkala, which gives great celebrity to this region, had suffered
considerably during the revolution of zabérma ; and in the bulky crops of native
corn (which were just ripe) had not hid the greater part of the town from view, it
would most probably have presented even a more diladated appearence ; for not
only was the wall which surrounded the place in a great state of decay, but even the
house of the governor himself was reduced almost to a heap of ruins » (Barth,
1965 : 538).
Traduction: [La ville de Tamkalla qui donne une grande célébrité à cette région, avait
notoirement souffert de la révolution zarma. Ainsi, les cultures abondantes de maïs local
(qui venait juste d‟être mûr) n‟obstruait en rien la vue de cette ville, mieux lui offrait
l‟aspect d‟une ville saccagée car, non seulement les murs qui entouraient la place étaient
dans un état de ruines totales, mais aussi, même la maison du chef était réduite presque en
partie : « By the year 1854 the independance of Kebbi had been archieved. Fulani political
influence in the region had been completely eliminated» (Alkali, 1969: 250).Traduction :
[A partir de 1854, l‟indépendance du Kabi avait été acquise. L‟influence politique peul
descendance de se réfugier sur l‟île de Bikim1, la famille quitta le Boboye pour s‟installer
provisoirement dans cette localité. Une seconde fois, le centre d‟études islamiques du
Dallol connut une période de troubles au cours de laquelle les Peul perdirent le pouvoir et
la famille dirigeante contrainte à s‟exiler. Boubou Hama souligne cette triste fin des
„‟Lamido’’ du Dallol:
1- Bikim est une île située sur la rive droite du fleuve dans le parc national du „‟W‟‟ à l‟Ouest de Boumba et
au nord de la Mékrou. C‟est une île difficile d‟accès à cause de l‟abondance des arbres mais aussi des bras du
fleuve de la Mékrou.
129
« Mais, ce qui est caractéristique dans le Dallol, c’est le pouvoir, basé sur la
morale du Coran. Nous y voyons les princes prospérer quand ils ont respecté cette
morale, et succomber et punis, quand ils sont tombés dans l’arbitraire et
l’injustice. Chacun de leurs actes, chacune de leurs actions sont appréciés sous
l’angle de la justice permanente de Dieu » (Hama, 1969(a) : 94).
Cette analyse faite de l‟auteur sur l‟évolution de la situation politique dans le Dallol est
pertinente. En effet, Ali Anna et Sambo ont vécu en paix dans cette zone parce qu‟ils se
sont conformés à la morale du Coran. Mais, Boubacar Louloudji et son fils Aboulhasane
ont tous eu une fin de règne douloureuse à cause du non respect de cette morale. Le
premier fut contraint à l‟exil ; quant au second, il eut une fin tragique car il trouva la mort à
celle de Say qui a connu la stabilité depuis sa création jusqu‟à l‟arrivée des troupes de
conquête coloniale. Ce qui a permis à ce centre de rayonner dans tout l‟Ouest du Niger et
même au-delà. En effet, si Say a connu une telle stabilité, c‟est grâce au comportement
exemplaire de Mahaman Diobbo et de ses successeurs, qui ont opté pour la cohabitation
Dallol. Tafa, enfant choyé par son père est déjà tristement célèbre dans le Boboye à cause
de son comportement insupportable à l‟égard des populations de cette zone. Nous pouvons
affirmer sans risque de nous tromper qu‟il est en grande partie responsable du malheur qui
frappa son père. Sans consulter ses oncles, Tafa1 s‟empare du pouvoir et s‟érige en maître
absolu. Il s‟installe à Kollo et affiche un mépris total non seulement à l‟égard de ses sujets
mais aussi à l‟égard des autres membres de sa famille. Cette attitude du nouveau dirigeant
1 - Tafa n‟a normalement pas droit au trône car selon les témoignages que nous avons recueillis à Birni, il a
tiré l‟imamat lors du tirage au sort organisé par son père peu avant son décès. Et, Boubacar conseilla
vivement à ses enfants de respecter le sort que Dieu a réservé à chacun d‟eux.
130
pousse les membres de sa famille à quitter Kollo pour se réfugier sur l‟île de Bikim.
Véritable dictateur, il n‟épargne personne même pas ses propres frères. Ainsi, il n‟hésite
« Un jour, Tafa partit à Kouré. Dans cette ville, il acheta du mil mais, n’ayant pas
d’argent pour le payer, il se saisit sans façon de la jument que montait son frère,
Bayoro. Il offrit cette jument en paiement du mil qu’il venait d’acheter. Non content
de cette attitude indélicate à l’égard de son frère, il le mit à pied et l’obligea à
trotter devant son cheval. Ainsi de Kouré à Kollo, tout le monde vit Bayoro trotter
devant le cheval de son frère Tafa, nouveau Lamido- Zarma du Boboye. Bayoro
n’était pas content du traitement qui lui fut infligé. Il en fit part à Kollo à ses autres
frères qu’il ne fallait pas l’étaler au grand jour » (Hama, 1969 (a) : 97).
131
Photo no2 : La tombe de Yakubu Nabame, souverain du Kabi, autour duquel se
constitua, la fameuse coalition qui porte son nom et qui mit en déroute les Peul.
132
Les Zarma de l‟Est, très inquiets par la reconstitution du pouvoir peul à Kollo
« C’est un habitant de Bassi, Modi, ami intime de Tafa que Daoudou choisit pour
qu’il conduise le nouveau Lamido dans son piège. Modi vint à Kollo et dit à
tafa : ‘’ tu es maintenant un Amirou, il faut faire le tour de ton territoire car tous
les Zarma ne sont pas contre vous’’. Tafa demanda parmi les membres de sa
famille ceux qui vont l’accompagner dans sa tournée. Ils refusèrent tous de
l’accompagner et prièrent même Tafa de ne pas effectuer la tournée. Malgré le
refus des siens de l’accompagner, Tafa prit l’imprudente décision d’effectuer la
tournée car il a confiance en Modi. Devant le refus de Tafa et sentant le danger
qu’il courait, Bayéro et les autres frères de Tafa quittèrent Kollo pour se réfugier à
Bikim. Peu de temps après, Tafa sera pris au piège à Gorou- Koumassi et tué »1.
La capitale du Dallol sera transférée sur l‟île où Amadou Koursounani, oncle d‟Aboulwafa
accéda provisoirement au trône (la tradition locale reste muette sur la durée de son règne).
Il fit appel à Aboulwafa refugié à Dioguirma. Celui-ci se rendit aussitôt à Bikim et prit le
pouvoir. Mais, le non respect des règles de succession ne plut pas à Bayéro qui quitta le
lieu : « Bayéro Aboulhassane n’était content, car il voulait en toute occasion l’application
Beidi, 2003 : 123). Il alla ainsi, en aventure dans l‟espoir de trouver le pouvoir mystique
mais aussi, l‟appui militaire nécessaire pour combattre les Zarma et reconquérir le Dallol :
Sur l‟île de Bikim, Aboulwafa mourut après sept (7) ans de règne. Puis ce furent
Seydou Diaré, Dadi et Soumana dit Baba Sidi qui régnèrent respectivement neuf (9) et
treize ans :
133
« Après le départ de Bayéro, Aboulwafa vivait heureux pendant sept ans. Il mourut
à Bikim. Seydou Diaré le remplaça. Il suivit le chemin de son prédécesseur : il était
aussi un marabout. Il régna pendant neuf ans. Après sa mort, Dadi fut nommé roi à
Bikim. Il régna pendant trois ans. Il s’inspira de l’exemple d’Aboulwafa. C’était
l’époque où le Dallol vivait l’ère des marabouts. Son successeur fut Soumana dit
Baba Sadi. Il vécut comme ses prédécesseurs » (Hama Beidi, 2003 : 125).
perdu le pouvoir dans le Dallol. Au cours de la période qui suit et qu‟on peut qualifier de
période intermédiaire, les descendants de Boubacar Louloudji tentent tant bien que mal de
conserver l‟unité de la famille et un semblant de pouvoir dont l‟autorité ne s‟exerce que sur
l‟île de Bikim. D‟ailleurs, après Tafa les autres Lamido ont surtout régné en chefs religieux
et non en chefs politiques. Ils ont consacré leur temps de règne à l‟enseignement religieux
sur cette île. Ils ont œuvré pour le rayonnement de la religion musulmane mais dans un
espace limité. Ce flottement du pouvoir prendra fin avec le retour de Bayéro Aboulhassane
dans le Dallol.
134
135
Cette carte permet de situer les villages qui ont joué un rôle important dans l‟histoire du
de 1833 à 1854), de Tondifou (village dans lequel Boubacar Louloudji a séjourné deux ans
après son retour dans le Dallol), de Boumba (la bataille sanglante de 1896 a eu lieu dans
etc.
136
Chapitre VI : Le rétablissement du pouvoir peul dans le Dallol
Après la chute de Tamkalla en 1854, les Peul ont véritablement perdu le pouvoir
dans le Dallol. La capitale de ce centre sera transférée à Kollo puis à Bikim. Déçu par la
défaite sanglante des siens et désireux de se venger, Bayéro quitta cette dernière localité
pour chercher les secrets de la guerre. Ce chapitre abordera son exil, son retour triomphal
dans son pays natal ainsi que l‟organisation politique et administrative du centre d‟études
islamiques du Dallol.
1- L’exil de Bayéro
Bayéro est né à Tamkalla, d‟Aboulhassane son père et de Hassia1, sa mère. Il fit ses
études coraniques dans l‟école de son père, à Tamkalla. Après la prise de la capitale du
Boboye par les Zarma, il vécut un moment à Kollo. Mais le comportement du nouveau
Lamido, Tafa, l‟incita à quitter cette localité avec ses autres frères pour s‟installer sur l‟île
de Bikim. Meurtri par la défaite et les dissensions au sein de sa propre famille, désireux
il n‟avait qu‟un souci principal : comment procéder pour reconquérir le Dallol perdu ?
remporter cette bataille, si lui-même n‟arrivait pas à acquérir les secrets de la guerre. Il se
rendit à cet effet dans plusieurs localités à la recherche de ces derniers. Ainsi, de cette île, il
Wanzarbé, fief des Soninké2. Dans ce village, Bayéro y demeura deux ans durant. Il profita
de son séjour à Wanzarbé pour s‟initier aux secrets de la guerre auprès de la prêtresse du
1 - Hassia est une zarma, c‟est une femme kallé du village de Guessé dans le Zarmaganda.
2 - Soninké : Ce sont les détenteurs de la magie Soŋey.
137
village, Kassaï. Il y a lieu à ce niveau de se poser des questions : Est – ce que l‟homme
religieux qui a le pouvoir ou qui cherche le pouvoir est le même que le simple religieux
prêcheur ? Comment un érudit qui se bat pour l‟instauration d‟un islam extirpé de toutes
les survivances des croyances ancestrales peut – il se permettre de chercher les secrets de
trouve dans le comportement de Bayéro qui est prêt à tout pour reconquérir le trône de ses
ancêtres. Après Wanzarbé, il se rendit chez les Kounta du Mali puis se fixa dans le Yaga1
où il fut très mal accueilli par la population. Son frère, Abdou le rejoignit dans cette
localité :
« Bayéro vint s’installer à Séba dans le Yaga sans donner des explications aux
habitants intrigués et pendant deux ans, il ne pouvait trouver une parcelle pour
construire. Chaque fois qu’il sollicitait un bout de terre, on lui disait :’’ si tu veux
une parcelle pour construire ta case, pourquoi as- tu abandonné la terre de ton
père ? Retourne chez toi. ‘’Bayéro supporta quand même toutes les tracasseries
des gens de Séba » (Hama Beidi, 2003 : 129).
Devant l‟hostilité des Peul de Yaga à l‟égard de Bayéro et de son frère, les deux
étrangers firent preuve de bravoure pour amener les populations à les accepter comme des
siens. L‟occasion leur fut offerte par des guerriers Mossi qui, un jour, attaquèrent Séba, la
capitale et vainquirent les Peul. Ils enlevèrent tous les bœufs de la ville. Alertés, Bayéro et
son frère Abdou se lancèrent à la poursuite des guerriers mossi et les vainquirent :
« Ayant appris la nouvelle, Bayoro scella son cheval, le monta et se lança, seul, à
la poursuite des Mossi. Il les rattrapa. Il engagea le combat contre eux après avoir
traversé une rivière mais il y fut projeté avec violence dans le lit de la rivière où il
eut les mains déchirées et la figure meurtrie. Dans cette position il avait perdu
connaissance et était à la merci de ses ennemis. Mais, Abdou eut vent du départ de
Bayoro. Il le suivit à la trace et il le trouva juste au moment où il tombait dans la
rivière. Il le souleva, lava ses blessures, mais il ne perdit pas son temps. Il se lança
à la poursuite des Mossi avec encore plus de vigueur que Bayoro. Les cavaliers
Mossi eurent peur. Ils se sauvèrent en laissant le troupeau de bœufs entre les mains
d’Abdou. Celui- ci ramena à Séba son frère Bayoro, pantelant de sang, et le
troupeau au complet » (Hama, 1969(a) : 104 -105).
138
Cette victoire surprise des deux frères face à de redoutables guerriers poussa les
populations de Yaga à changer d‟attitude à leur égard. D‟ailleurs, le roi, très content de
l‟exploit des deux frères, leur donna en mariage deux de ses filles : « Le roi de Yaga fut
stupéfait devant le courage des deux frères. Il donna à Bayoro sa fille Ayssa et à Abdou,
son autre fille, Fatima » (Hama, 1969 (a) : 105). Ainsi, les deux frères furent hébergés
comme des héros à Séba. Bayéro profita de ce nouveau climat favorable pour faire venir sa
famille. Même des Peul et des Zarma se joignirent à sa famille pour s‟installer à Yaga :
« Bayoro devint dans le Yaga un guerrier de premier plan. Il y fut rejoint par des Zarma et
Djoloff, Ali Bori N‟Diaye révolté contre les français, sera chassé de son royaume par les
troupes du colonel Dodds. Ce dernier prit la capitale du Djoloff, Yang- Yang, le 24 mai
1890, obligeant ainsi le souverain à s‟enfuir pour se réfugier au Nioro, dans le Macina.
Ahmadou Sékou reçut le fugitif du Djoloff. Mais, le Macina sera à son tour attaqué par les
colonnes françaises d‟Archinard. Le Nioro sera pris en janvier 1891. Ahmadou Sékou ne
s‟avoue pas vaincu. Tout en se repliant sur le Hombori, il continue de harceler les français.
A partir de 1893, Ahmadou Sékou et Ali Bori N‟Diaye prirent la fuite vers l‟Est pour
chercher refuge à Sokoto. Après avoir transité par Dori, les fugitifs arrivèrent dans le Yaga.
Comme le dit un adage populaire : « Le malheur des uns fait le bonheur des autres ». En
effet, pour Bayéro, l‟arrivée des troupes des deux rois, équipées d‟armes modernes
constituent un „‟don de Dieu‟‟, une occasion à ne pas rater pour prendre sa revanche sur les
Zarma.
139
Après avoir sympathisé avec les nouveaux arrivants, il prit tout son temps pour leur
expliquer les mobiles de son exil et son désir de reconquérir la terre de ses ancêtres. Les
Foutanké comprirent l‟enjeu et décidèrent de lui apporter tout leur soutien. Ainsi, Bayéro
et ses alliés quittèrent Yaga et vinrent s‟installer à Lontia1. Le séjour dans la localité de Say
est confirmé par les traditions locales mais aussi par plusieurs auteurs parmi lesquels,
Lem :
Connaissant la force de frappe de la coalition zarma, Bayéro voulut réunir toutes les
chances de son côté. Il alla ainsi à Kounari, à Dantchandou puis à Kirtachi, solliciter
l‟appui militaire des souverains de ces différentes localités. De Lontia, les Foutanké
Gandé… Aussitôt, la nouvelle du retour de Bayéro circula dans le Dallol. Ce retour fit
monter la tension dans cette zone. Commence alors une nouvelle période de troubles avec
son cortège de malheurs. Après ces premières expéditions punitives couronnées de succès,
l‟armée de la coalition se retira à Lontia pour préparer minutieusement leur plan de guerre
1 - Lontia, village situé actuellement à cinq kilomètres de la ville de Say sur la route principale, Niamey- Say.
Hourst évoque la présence des Foutanké lors de son passage en 1896 dans son ouvrage, intitulé, Sur le
Niger et au pays des Touareg, 1898.
140
II- La bataille de Boumba
Bayéro et ses alliés, après avoir peaufiné leur stratégie de guerre, traversèrent le
fleuve et brûlèrent plusieurs villages sur leur passage. La stratégie de la coalition consiste à
priver les sédentaires de leur principal soutien, le Kabi en attaquant et en détruisant cet Etat
coalition. Le combat décisif eut lieu à l‟embouchure du Dallol- Bosso, à Boumba : l‟armée
d‟Issa Korombé se trouvait du côté du fleuve et celle de la coalition vers le plateau. C‟est
l‟un des combats les plus meurtriers de l‟histoire du Boboye. Le souvenir de ce combat est
resté très vif dans les traditions locales. Il prit le nom de ‘’ Boumba hané1’’. Il opposa la
coalition zarma à celle des Foutanké. Ce fut un combat meurtrier au cours duquel les
sédentaires perdirent 3000 guerriers : « La bataille de Bumba fut la plus sanglante de toute
l’histoire du Zarmatarey car Bumba hané, « le jour de Bumba », coucha 3.000 Wangaari
zarma et parmi eux les plus farouches, les plus indomptables et les plus implacables
grand guerrier, fut tué au cours du combat : « Le colosse de la guerre, Issa Korombé, fut
tué d’une balle tirée par Marou Koumbel du Fouta » (Hama, 1969 : 109). Cette défaite de
la coalition (zarma- kabbawa et arawa), malgré l‟importance des effectifs de son armée
était certainement due au fait que les Foutanké étaient techniquement mieux équipés car
disposant d‟armes à feu alors que les coalisés n‟avaient que des armes traditionnelles :
« Deux souverains détrônés : Amadou Chékou chassé du Macina et Ali- Bori ex- roi du
Diolof, à la tête de 2000 ou 3000 guerriers fanatiques, armés de fusils et bien entraînés
par quinze années de lutte contre nos troupes, arrivèrent sur les bords du Niger » (Périé et
1 - Boumba hané ou Boumba Alamisso : Le jour de Boumba ou le jeudi de Boumba car la bataille eut
lieu un jeudi.
141
Sellier : 1057). Bayéro, grâce à l‟appui de cette armée bien entraînée et équipée de fusils a
Après cette défaite, les sédentaires se replièrent à Dosso qui sera vaillamment
défendu par le Zarmakoye Attikou, successeur d‟Alfa Atta, tué au cours du combat. Devant
Foutanké abandonna la zone en 1897 et essaya de rejoindre Sokoto. Ne pouvant passer par
le Sud car le Dendi et le Kabi défendent la cause des Zarma, la coalition contourna ces
atteindre ainsi Sokoto. En traversant le Kourfey, la coalition tomba dans un guet- apens,
une bonne partie de la troupe fut massacrée. Au même moment, l‟arrivée des français est
précipitamment Sokoto. Fourage Gérard décrit les difficultés auxquelles les Foutanké
« Certes les forces rassemblées par le Zarmakoi Alfa Atta de Dosso et confiées au
chef de guerre (Wonkoi) Issa Korombé subissent une sanglante défaite à Bumba en
1896 ; mais les toucouleurs ne parviennent pas à prendre Koigolo ni à s’ouvrir une
route vers l’est car le Zarmakoi Attiku et le wonkoi Moussa ont su cristalliser les
résistances, rassembler de nouvelles troupes et reprendre l’initiative. C’est
finalement vers le nord et à travers le Kurfeye que les toucouleurs, réduits en
nombre par des échecs subis à Bonkoukou dans l’Imanan et à Filingue, réussissent
à se frayer un passage vers Sokoto » (Fourage, 1899 - 1911 : 264- 265).
D‟après plusieurs sources, Ali Bori N‟Diaye n‟a pas pu atteindre Sokoto. Il
serait mort à Lougou (Doutchi) selon certaines versions et à Koudourou (Nigeria) selon
d‟autres. Quant à Ahmadou, il sera reçu par l‟Emir de Sokoto qui l‟installa dans la
142
Dosso par l‟administration coloniale. Ayant déjà toutes les informations sur la force de
frappe de cette dernière, il envoya une lettre de soumission au chef de poste de Dosso
en 1899. Quelques jours plus tard, il effectua une visite pour rencontrer les autorités
coloniales de Dosso :
revenant à chacun des souverains protagonistes. Ainsi, Zarmakoye eut le Nord et l‟Est
comprises entre le Niger et le Dallol- Bosso. Ce qui permit aux fugitifs de regagner le
Birni N’Gaouré
1- L’organisation politique
qui porte le titre de Modibbo. Mais rappelons- le, depuis l‟avènement de Boubacar
Louloudji, ce titre fut remplacé par celui de Lamido- zarma. La dévolution du pouvoir est
héréditaire : le Lamido est choisi parmi les descendants d‟Ali Anna, fondateur du centre
143
et un burnous. C’est un représentant de Say qui est chargé de revêtir le nouveau
chef. Puis le nouveau chef, assis sur une peau de mouton blanche, se lève, s’avance
vers l’Emir et place les mains dans les siennes en signe d’hommage. Après le reste
de la population vient lui rendre hommage. Au même moment on tape le tambour
de guerre, annonçant des événements » (Hama Beidi, 2003 : 167).
Le Lamido dirige la prière et conduit la guerre sainte, assisté par les chefs de villages et de
quartiers. Avant l‟avènement du Jihad, Ali Anna et Sambo avaient régné comme des chefs
religieux. Ils n‟avaient pas de dignitaire pour les assister : « Jadis, le chef portait le titre de
Môdibbo Dallol. Il n’avait pas de dignitaires qui l’assistaient » (Beidi Hama, 2003 : 163).
Ces religieux étaient très respectés et leurs décisions s‟imposaient à tous. Mais, le Jihad
aura pour conséquences dans le Dallol, un changement de titre. Ainsi, modibbo Dallol sera
remplacé par Lamido- zarma. Selon Saka Balogun, dans les centres d‟études islamiques de
l‟Ouest du Niger, les deux personnages importants de la cour sont le cadi et l‟imam. C‟est
troisième dignitaire, le Majidadi : « Apart from Birni Ngaure which constantly appointed
the Majidadi before its Capital was sacked in c. 1854, all the other emirates West of
Gwandu appointed only the Qadi and the Imam » (Balogun, 1970 : 263). Traduction : [En
capitale en 1854, tous les autres émirats de l‟Ouest de Gwandou ne nomment que le Cadi
et l‟Imam]. Le Majidadi, c‟est un mot d‟origine haoussa qui signifie littéralement l‟homme
satisfait, il est chargé des relations extérieures. Il est choisi parmi les fils de la sœur du
souverain.
Dans tous les centres d‟études islamiques, la composition de la cour n‟a pas connu
de changement majeur avant la période coloniale. C‟est au cours de cette époque que
certains souverains ont commencé à nommer les dignitaires de la cour selon le modèle des
cours haoussa. C‟est le cas par exemple de Birni N‟Gaouré où c‟est le successeur de
144
Bayéro, Beïdhi, qui va nommer plusieurs dignitaires en s‟inspirant de la composition de la
cour de Gwandou :
« Le blanc à son arrivée leur demanda :’’Qui vous avez élu ? C’est bien Beïdhi, n’est – ce
pas ? ’’ La majorité déclara : ‘’Oui c’est lui que nous voulons’’… Le blanc remit un écrit
qui faisant de lui le Lâmido. Un nouveau règne commença. Une fois revêtu de ses habits,
le chef nomme des dignitaires de la cour suivant les traditions du Haoussa » (Hama Beidi,
2003, 169).
C‟est ainsi que des titres comme Mayaki, Lawan- Putchi, Waziri, Mayfada… feront leur
apparition :
- Waziri : Ce titre est décerné à un fils de la sœur du chef sans droit à la chefferie.
2- L’organisation administrative
lieu dans la mosquée. Il nommait les chefs de quartiers et de villages. Chaque dirigeant
administrait les populations placées sous sa tutelle. Les villages étaient regroupés en
secteurs. A la tête de chaque secteur se trouvait un dirigeant qui était chargé de transmettre
les ordres de Lamido. Selon Boubacar Hama Beidi : « Les chefs portaient toujours le titre
de hôrêdjo. Après la guerre sainte, on plaça à la tête de chaque groupe un chef diom wuro,
issu de la grande famille de migration. Et ces groupes devinrent des villages » (Hama
145
Conclusion de la deuxième partie
fondateurs (Ali Anna et Sambo). Ces derniers ont surtout mis l‟accent sur l‟enseignement
basculer dans la violence et, depuis lors les heurts sont fréquents dans le Boboye avec tout
contrôler toutes les terres du Dallol qui va mettre le feu aux poudres. Ses successeurs vont
cette dernière l‟un des plus grands foyers d‟insécurité de l‟Ouest du Niger.
146
Photo no 3: Issa Ko à Boumba
La bataille de Boumba eut lieu sur ce terrain en 1896. Le chef de Guerre zarma, Issa
Korombé fut tué au cours de cette bataille sous ce baobab à droite (dès lors l’arbre
147
TROISIEME PARTIE : LE CENTRE D’ETUDES ISLAMIQUES DE
SAY
148
Le XIXe siècle, marque un tournant dans l‟histoire de l‟islamisation de l‟Ouest du
Niger. Le Jihad d‟Ousmane Dan Fodio aura des répercussions sur l‟ensemble de la zone et
centres secondaires qui vont jouer un rôle important dans la propagation de l‟islam dans
l‟Ouest du Niger. Parmi ces centres d‟études islamiques, Say reste incontestablement le
plus important. L‟histoire de ce centre est liée à celle d‟un homme, son fondateur : Alfa
Mahamane Diobbo. Cet alim, originaire du Macina fonda au début du XIXe siècle, la cité
religieuse de Say. Grâce à sa culture islamique et à son sens profond de justice et d‟équité,
il va rapidement faire de cette ville un grand centre d‟études islamiques dont l‟influence
Dans cette partie, nous allons à travers l‟étude de ce centre d‟études islamiques
montrer comment le fondateur de Say qui s‟est installé dans cette ville après la chute de
diffusion du savoir islamique dans l‟Ouest du Niger. Nous tenterons également dans cette
successeurs d‟Alfa Mahaman Diobbo jusqu‟à la création du poste de Say en 1897, qui
149
Chapitre VII : Historique du centre d’études islamiques de Say
Dans l‟espace nigérien, le XIXe siècle est marqué par le renouveau islamique de
Shaykh Ousmane Dan Fodio. Parmi les centres d‟études islamiques créés dans l‟Ouest du
Contrairement à la plupart des grands ouléma de son époque qui étaient contraints
(à cause du refus des populations de pratiquer un islam pur), d‟entreprendre le Jihad pour
répandre l‟islam, Mahaman Diobbo opta pour une adhésion à la religion de Mohamed par
singularité de ce‘’Wali’’ surtout pendant ce siècle dominé par des guerres. Il fit de Say un
commerciaux. Mais, malgré cet important rôle historique qu‟il a joué, il y a peu d‟écrits sur
l‟histoire de ce centre. C‟est pourquoi nous avons proposé d‟étudier ce dernier. Ville créée
par cet érudit, Say est le centre d‟études islamiques le plus important de l‟Ouest du Niger
première medersa de la colonie du Niger. Ce n‟est non plus pas par hasard si cette cité a été
choisie pour abriter depuis le 15 janvier 1987, l‟Université Islamique financée par
La ville de Say est actuellement chef lieu d‟un département. Cette entité
administrative est située à l‟extrême Sud-ouest du pays entre les latitudes 12º et 13º30. Le
150
Carte no 6 : Localisation de Say dans l’Ouest du Niger
151
La population est composée de Peul (42%), de Zarma-Soŋey (22%), de Gourmantché
(22%), de Haoussa1… Une seule voie relie la ville de Say au reste du pays. Il s‟agit de la
route Niamey-Say, qui continue au- delà de cette ville vers Tamou et jusqu‟au Parc
« Pour tous les royaumes qui ont vu le jour dans cette région du Niger, le fleuve a
toujours constitué une artère vitale. Son contrôle devient alors plus qu’un
impératif, parce qu’un cours d’eau en lui-même est souvent une voie de circulation,
dont les techniques de transport appliquées de pont de rupture de charge,
combinées à une confluence ou un carrefour routier, constituent une position
urbaine particulièrement importante. Aussi, la ville de Say 2, qui était le
représentant spirituel du Sultanat de Sokoto, permettait à ce dernier le contrôle
effectif de cette région » (Sajo, 1982 : 9).
Après la chute de Tamkalla en 1854, les voies de la rive gauche du fleuve sont
passées sous le contrôle de la coalition Zarma – Kabi, Say devient dès lors le représentant
de Gwandou dans tout l‟Ouest du Niger. Ce rôle politique aura un impact positif sur les
activités économiques faisant ainsi, de cette ville, un carrefour sur le plan commercial.
Selon la tradition locale, Alfa Mahaman Diobbo a quitté le Macina pour accomplir
une „‟mission‟‟ (Dontoni) que Dieu lui a recommandée. Selon cette tradition, c‟est à l‟âge
de 39 ans que l‟esprit de sainteté lui aurait été révélé dans sa grotte appelée Diobbo. A
partir de ce moment, il eut pour mission de prêcher pour répandre l‟islam. Cette version
cherche à donner une origine mystérieuse à la mission religieuse. Elle assimile Mahamane
Diobbo au prophète Mohamed. Mais, la version la plus répandue sur ce déplacement est
«Le fait qu’il ait quitté son village pour la région de Gao, c’est parce qu’il avait
une sœur qui vivait à Gabéro (village situé non loin de Gao) avec son mari. Cette
1
- -BCR : Recensement général de la population et de l‟habitat 2001.
2
- Il s‟agit d‟un usage détourné de termes, c‟est plutôt le dirigeant du centre d‟études islamiques de Say qui
est le représentant spirituel de Sokoto dans la zone.
152
sœur était restée longtemps dans ce village sans donner de ses nouvelles. Inquiété
par ce silence, Alfa Mahaman Diobbo avait décidé de la rejoindre pour voir ce qui
n’allait pas. Mais, sa sœur serait morte bien avant son arrivée dans le village. A
partir de là, il décida de continuer son chemin. Aujourd’hui, encore, il y a des gens
de Gabéro qui chantent des chants religieux de Mahaman Diobbo. S’agissant de
son itinéraire, après Gabéro, il séjourna à Gao puis à Larba.-Birno où il voulait
rester mais les Soŋey se sont opposés. Après ce refus, il quitta ce village, il transita
par Kaporé, un village de Bittinkodji avant d’atterrir à Neni-Goungou…»1.
Au niveau des sources écrites, il y a plusieurs versions. La première est celle des
auteurs comme Urvoy (1936) et Lem (1943) qui pensent qu‟il aurait quitté son village natal
pour effectuer un pèlerinage à la Mecque mais qu‟arrivé à Neni, le poids de l‟âge l‟obligea
à renoncer à ce voyage. La seconde version est soutenue par Kimba Idrissa qui retrace un
«Vers la fin du 18e siècle, devenu grand marabout, il entreprend des prédications
dans la zone Sonay de Kokoro et du Gorouol autour du village de Bangutara,
Larba, Tirga, dans le Dargol autour de Sinder où il rencontra le marabout connu
sous le nom de Issoufou Sinder. Très vite son audience s’élargit et fit de nombreux
disciples parmi les Sonay, les Kurtey, les Wogo, les Zarma et les Peul qui
reconnurent sa sainteté. De nombreux éléments de ces groupes le suivirent dans ses
déplacements. Empruntant la voie du fleuve, il fit de courts séjours à Gudel,
Kaporé (dans le Lamordé), puis se fixa pour une dizaine d’années dans l’île de
Neni (près de Niamey) » (Idrissa, 1981 : 44 - 45).
Son séjour sur cette île serait le plus long des différentes étapes (7 ans pour
certains, 10 ans pour d‟autres). A Neni, très vite la renommée du saint gagna le
Zarmaganda et toute la rive Gourma. De ces deux régions, les aumônes et les dîmes des
fidèles affluèrent sur l‟île. Déjà beaucoup de fidèles ayant eu écho de ce grand érudit
étaient venus lui prêter allégeance et se convertir volontairement à l‟islam. En effet, dans
- Alfa Sorry Beldo Hooré, un érudit peul avec lequel Mahaman Diobbo échangeait
153
musulman le plus influent du Bittinkodji : « Mohaman Diobo fut l’hôte à Neny,
d’un marabout influent pour l’époque, Alfa Sori, dont le tombeau longtemps
parcourut le Bargou puis arriva à la Tapoa. C‟est dans cette région du Liptako-Gourma
qu‟il eut vent de la présence de Mahaman Diobbo dans le pays soηey ; il alla alors le
tradition de sa famille, il est originaire de Bounza (Nigeria) et est issu d‟une famille de
lettrés musulmans. Même dans sa ville natale, leur quartier porte le nom « Zooronawa ».
Selon Abdoulsalam Soumaila, petit frère de feu Oumarou Soumaila (ancien président de
« Les raisons du départ de cet alim de Bounza sont liées à un différend qu’il a eu
avec le Sultan de l’époque. En effet, ce dernier lui a confié le poste d’Alkali de la
ville mais il a décliné l’offre. Il n’a pas accepté ce poste parce que c’est un
religieux respecté et aimé par la population. Il craignait en occupant ce poste de
commettre des erreurs en tranchant des différends et d’être mal vu par la
communauté. Mais ce refus irrita le Sultan. Après cette brouille, il décida d’aller
approfondir ses connaissances religieuses au Macina. A son retour au pays, il
aurait appris la présence de Mahaman Diobbo à Neni et décida alors de lui rendre
visite. Après les salutations d’usage, Alfa Adamou aurait fait comprendre à
Mahaman Diobbo qu’il désirerait rester à ses côtés pour l’aider dans sa tâche.
L’érudit rassura son étranger en lui faisant comprendre son projet de quitter l’île
de Neni pour s’installer quelque part en aval. L’érudit et son hôte s’installeront
plus tard sur l’île qui portera le nom de Say. C’est pourquoi le quartier Zooronay
est l’un des plus anciens quartiers de la ville de Say »2.
Il faut signaler que c‟est après la mort de Sorry Beldo Hooré que les relations entre
habitants de cette localité ont beaucoup d‟estime pour Sorry Beldo Hooré. Ce dernier est
1
- Le zooran est issu d‟un père d‟origine servile et d‟une mère libre.
2- Entretien avec Abdoulsalam Soumaila à Say le 12/12/07.
154
un grand lettré musulman originaire de Bittinkodji, très respecté du fait de son savoir, de
son attitude mais aussi de son ascendance. Il est issu de la famille aristocratique de cette
principauté car sa mère est une princesse de Lamordé. Selon Alio Mahaman, il est la plus
importante personnalité religieuse de la zone : «When the Jihad started, the most important
personnality on the right bank of the River Niger was Alfa Sory Beldo Hore, installed at
personnalité la plus importante sur la rive droite du fleuve Niger était Alfa Sorry Beldo
Selon la tradition locale, l‟affluence des gens sur l‟île de Neni et la renommée de
l‟érudit inquiétèrent les princes de Lamordé. Le décès de Sorry Beldo Hooré constitua
une occasion belle que les autorités politiques du Bittinkodji n‟hésitèrent pas à saisir. Pour
décourager Mahaman Diobbo et l‟inciter à quitter leurs terres, elles capturèrent deux de
ses talibé. Ils avaient été vendus par la suite comme esclaves sur un marché de la place.
Ayant appris la nouvelle, il se rendit à Lamordé pour réclamer ses talibé mais en vain. Cet
acte l‟affligea et il décida alors de quitter l‟île. Il traversa le fleuve pour s‟installer à
Goudel, village situé en face du lieu de départ sur la rive gauche. Il fut chaleureusement
accueilli par la population de ce village. Mais avant de quitter Neni, il invoqua Dieu afin
qu‟il vengeât ses talibé. Quelques jours après son départ, des guerriers touareg attaquèrent
le village de Lamordé qui fut pillé et saccagé. A Goudel, Mahaman Diobbo prit une
femme de nom de Gomni avec laquelle il eut trois garçons et deux filles. Moulaye
«Lors de cette étape, Diobbo aurait épousé la fille du chef de Goudel, dénommée
Gomni ; de leur union naquirent cinq enfants dont deux filles : Ramatoullaye et
Rakitoullaye et trois garçons : Abdul- Wahabi, Mamoudou et Abdoul Wahidou. Le
155
premier et le troisième de ses fils succédèrent plus tard à la chefferie de Saayi»
(Moulaye, 1995 : 30).
Le séjour d‟Alfa Mahaman Diobbo à Goudel a été confirmé par tous nos interlocuteurs
interrogés sur place dans ce village. Selon Seydou Hamidou, chef du quartier Yantala
haut :
« Mahaman Diobbo après avoir quitté Neni est arrivé à Goudel où il fut
chaleureusement accueilli par le souverain de ce village. Il était resté dans le
quartier Koudai au bord du fleuve. Son séjour à Goudel n’a pas été long mais
avant de quitter, il épousa une des filles du souverain, du nom de Gomni. C’est Alfa
Mahaman Diobbo qui traça la fondation de la plus vieille mosquée de ce
quartier…»1.
village. Embarqués dans des pirogues, ils descendirent le fleuve jusqu‟au niveau de l‟île
qui portera plus tard le nom de Say. Par rapport à l‟origine de ce nom, nous avons plusieurs
versions :
156
* C’est là que nous construirons, c’est là que tu allumeras le feu de ton auréole
qui attirera toutes les populations de la rive droite du Niger.
Les deux marabouts firent accoster leurs pirogues. Ils ordonnèrent à leurs hommes
de débroussailler l’île à laquelle Boubacar donne le nom de Saayi d’où Say»
(Hama, 1969(a) : 54-56).
- La deuxième version rapportée aussi par Boubou Hama donne une autre
«variante» de la signification de ce nom. Selon cette version, les deux ouléma étaient
arrivés au niveau de Say sous un orage. A la fin de l‟orage, Mahaman Diobbo dit à
Boubacar : «Younde Saayi,(l’orage s’est dissipé). Après cet orage, les deux amis arrêtèrent
alors là, leur long exode. Ils appelaient l’endroit Saayi d’où Say » (Hama, 1969 :57).
chance. Ainsi „‟ cha’a „‟ devient Say. En effet, „‟Saaya’‟ en Zarma et „‟Saa’a‟‟ en peul,
- Selon la tradition locale, il quitta le Macina (Mali actuel) au début du XIXe siècle,
vers 1825 sur l‟île de Say où il trouva un pêcheur du nom de Albarka Toka. Les premiers
mots qui sortirent de sa bouche furent : „’Saayi doo wooni saaye diina’’ ; (ce lieu s‟appelle
Say et sera le point du départ du rayonnement de l‟islam). Et depuis lors Say, devient la
plaque tournante de l‟érudition pour des milliers de disciples et lettrés musulmans, un pôle
- Enfin, sur la carte de l‟itinéraire suivi par Mahaman Diobbo, on voit une ville au
Sud- est du Macina, non loin de Djenné, qui porte le nom de Say. L‟existence de cette ville
dans le pays d‟origine de l‟érudit, nous laisse supposer que Say doit être une répétition du
nom de la ville natale de cet alim. En effet, la plupart des auteurs confirment que ce dernier
est originaire du Macina. Leurs versions, l‟itinéraire suivi par cet érudit et le fait que nous
ayons plusieurs exemples dans la sous région : Nikki (Niger) et Nikki (Benin), Bodinga
157
(Niger) et Bodinga (Nigeria), Kounari (Niger) et Kounari (Mali)…, nous pousse à soutenir
la thèse selon laquelle, Say est le nom de la ville natale de Mahaman Diobbo.
158
Carte N°7: Itinéraire de Mahaman Diobbo
159
L‟histoire de la gourde magique, indiquant les sites d‟accueil aux populations qui
émigrent est très ancienne. On la retrouve dans les traditions orales de plusieurs localités
exacte ? D‟après Alkali Amadou Tidjani : «Il s’agit d’une gourde dans laquelle un lettré
musulman fait des incantations afin que Dieu fasse pour le groupe en déplacement, le
s’avère le meilleur »1. Mais à notre avis comme la référence à la thèse orientale, il s‟agit là
d‟un moyen pour les nouveaux arrivants de donner un certain pouvoir magico- religieux à
leur autorité.
Trois dates sont avancées pour situer la création de la ville de Say. Selon
Maikoréma Zakari, Say serait fondé vers 1812 (Zakari, 2007: 96). Boubou Hama (1967) et
Diouldé Laya (1991) avancent la date de 1816. Balogun avance aussi la même date : « He
probably settled permanently at Say about 1816 » (Balogun, 1970: 115). Traduction : [Il
s‟est probablement installé à Say de manière définitive vers 1816]. Selon Lem et la
tradition locale, Say serait fondé vers 1825 : « En 1825, Diobo descendant le fleuve avec sa
suite de talibé s’arrêta en face de Say, qui lui parut une région fertile » (Lem, 1943 : 67).
fondation de la ville de Say : « Après avoir séjourné à Neeny et à Goudel, séjour dont la
durée n’est pas précisée, Diobbo et son entourage continuèrent de descendre le courant en
pirogue. Ils arrivèrent un soir de 1242/1825 à hauteur de l’île qui allait abriter Saayi »
160
Les recoupements des évènements qui ont marqué les relations entre Say et ses
voisins, nous poussent à soutenir la version selon laquelle cette ville serait fondé en 1825
car selon la plupart de nos informateurs, Mahaman Diobbo a vécu neuf années seulement
dans cette cité avant de rendre l‟âme. Son fils, Boubacar a accédé au pouvoir en 1835
(Hassane, 1995 : 80). Les différentes sources que nous avons recueillies indiquent que
par le marabout de Say, celui- ci réclama à Guéladjo, en plus des cadeaux rituels, son
magnifique cheval. Le nouveau converti, hautin refusa de se séparer de son coursier. Alfa
Maman Diobbo ne lui tint pas grief » (Dionmansy, 1959 : 6). L‟érudit de Say selon la
même source serait mort, un (1) an après l‟installation de Guéladio sur le site d‟accueil
(1834). Selon Loyzance, il serait arrivé vers 1834 et aurait trouvé l‟érudit de Say au
pouvoir :
« Lorqu’en 1820 Galadio, chef de Kounari, eut été définitivement vaincu par Sekou
Hamadou, qui s’était emparé du commandement du Macina, il partit avec la
plupart de ses gens dans le Liptako, puis vers 1834 résolut de se rendre auprès
d’Ousman Dan Fodio, chef de Sokoto. Il se mit donc en route sur Say, et y
rencontra le marabout Mohaman Diobbo. Ce dernier au nom de Abdoulaye, chef
de Gwandou, lui remit la région jadis occupée par les Foulmanganis. Galadio fit
venir les gens de la fraction qui se trouvaient encore à Dori et fonda l’actuel
village de Gueladio »1.
Mais, selon Balogun, le Kounari serait fondé vers 1833: « Like the other emirates,
Kunari was established about 1833 by entering into an agreement with Gwandu»
(Balogun, 1970: 119- 120). Traduction: [Comme les autres émirats, Kounari avait été
établi vers 1833 avec l‟accord de Gwandou]. Si Mahaman Diobbo était décédé au cours
de l‟année 1834, après avoir vécu neuf (9) durant à Say, il serait arrivé dans cette localité
vers 1825. Certains évènements ayant marqué l‟histoire du Dallol, nous permettent de
retenir cette date. L‟exil de Boubacar Louloudji par exemple d‟après la tradition locale a
161
duré plus de dix ans (13 ou 14 ans). La prise de Garouré selon Soumana Harouna (1985)
date de 1811. Il aurait rejoint Mahaman Diobbo à Gaoudel vers 1814. Les deux érudits ont
vécu ensemble deux ans à Larba – Birno. Ils ont quitté cette localité vers 1817 pour
s‟installer à Neni :
Après avoir séjourné sept (7) ou dix ans (10) ans durant à Neni, ils quittèrent
cette île pour s‟installer à Say au début de l‟année 1825. A Say, Boubacar Louloudji ne
resta que deux (2) ans durant. Il quitta cette ville vers 1827, pour s‟installer à Tondifou où
il était resté quatre (4) ans avant de créer Tamkalla dans le Dallol. Si on retient la date
1825, comme celle de la création de la ville de Say, Tamkalla serait fondé vers 1832. Cette
date est vraisemblable car après recoupement des sources, Boubacar Louloudji aurait
quitté Tondifou vers 1831 pour Tamkalla au cours de l‟année suivante vers 1832. Il
n‟avait vécu que sept (7) mois seulement dans cette ville car il mourut au cours de la même
année. Tous les témoignages que nous avons recueillis dans le Dallol affirment
qu‟Aboulhassane a accédé au pouvoir quelques mois après la mort de son père, en 1833.
2- L’occupation du site
Say est une île située sur la rive droite du fleuve Niger à 54 kilomètres de Niamey,
dans une zone basse où un bras du fleuve coupe la ville de la terre ferme pendant la période
de crue. Pendant l‟étiage, ce bras du fleuve se transforme en véritable marécage. C‟est sur
162
une partie de ce bras qu‟est réalisé l‟aménagement hydro- agricole actuel de Say. Avant
l‟arrivée de Mahaman Diobbo, la zone était habitée par les populations Gourmantché.
Mais, les quelques maigres renseignements que nous avons reçus à ce sujet ne nous
permettent pas de dater avec exactitude leur installation dans la zone. Selon A. Loyzance :
« Ils se seraient installés dans la première moitié du 16è siècle. Ces Gourmantchés ont été
repoussés vers le Sud-ouest actuel par les peuls Bittinkobés lors de leur installation »1.
Tous les auteurs qui ont traité la question du peuplement de la zone affirment l‟antériorité
de la présence des Gourmantché dans cette partie de l‟Ouest Niger. Selon Saka Balogun,
cette communauté a précédé tous les autres groupes ethniques vivant dans cette zone:
« Available evidence strougly suggests that the Gurmawa inhabited, before the
other ethnic groups, most of the area now populated by the Cengawa, Songayawa,
Arawa, Kurfawa and Zabarmawa in the Dendi region of Nigeria, the south-
western part of the Niger Republic and the South- eastern extreme of upper Volta.
When the Gurmawa occupied the area is not known. It is certain, however, that by
the sixteenth century or even before, they were already scattered in small groups
all over the area» (Balogun, 1970 : 27).
Traduction: [Des preuves disponibles appuient fortement la thèse selon laquelle, les
Gourmantché auraient habité bien avant les autres groupes ethniques, la plupart des zones
peuplées de nos jours par les Tchangawa, les Soηey, les Arawa, les Kourfayawa, les
Zarma, dans les régions Dendi du Nigeria, la partie Sud- Ouest de la République du Niger
et l‟extrême Sud- Ouest de la Haute- Volta. La période pendant laquelle les Gourmantché
ont occupé cette zone demeure inconnue. Il est cependant, certain que dès le XVIe siècle,
ou même avant, ils étaient éparpillés en petits groupes dans toute la zone]. Il est donc
incontestable que les Goumantché sont les premiers occupants de la région mais, ni la
documentation disponible, ni les enquêtes que nous avons menées sur le terrain ne nous ont
permis de préciser la date exacte de leur arrivée dans cette zone. Ce qui est sûr, avant
l‟arrivée de Mahaman Diobbo à Say, les Gourmantché avaient déjà été refoulés plus à
1- ANN --16.1-1. Notes sur les peuls et les gourmantchés de Say par A.Loyzance, SD, p. 1.
163
l‟Ouest par les Peul Bittinkoobé : « Ces Bitinkobé, déjà fervents adeptes de l’Islam, plus
nombreux, plus forts, imposèrent leur religion et exercèrent pendant longtemps une lutte
implacable contre les populations fétichistes locales rebelles à l’Islam » (Lem, 1943 : 59).
Selon la tradition locale de Say, à son arrivée sur le site, Mahaman Diobbo n‟a
trouvé qu‟un pêcheur du nom d‟Albarka Toka et sa famille. Après avoir accosté sur l‟île,
maisons. Pour certains, c‟est le souverain de Jangoré qui autorisa le religieux à s‟installer
sur l‟île ; pour d‟autres celui de Lontia. Dans tous les cas, les populations des deux villages
trouve actuellement au quartier Bolonguièye de Say. Il faut noter au passage qu‟elle a été
plusieurs fois reprise. Quant à Boubacar Louloudji, il s‟installa un peu plus loin du fleuve.
L‟emplacement du modibbo Dallol s‟appelle Jama‟aré (c‟est sur ce site que se trouve le
quartier actuel de Modibadjé) à coté du quartier Zooronay, créé par Alfa Adamou.
Peu après son installation au bord du fleuve, divers groupes ethniques venus surtout
de l‟Ouest s‟installèrent à côté de cet érudit. Devant l‟afflux des nouveaux venus,
Mahaman Diobbo dut leur céder la place pour s‟installer plus à l‟Ouest sur le site actuel de
construction ne sera effective que sous le règne de son fils et successeur, Boubacar. Elle est
multiplièrent. Avec l‟afflux des gens, outre les quartiers principaux créés par les trois
164
ouléma : Faada-Béri par Mahaman Diobbo, Jama‟aré par Boubacar Louloudji, Zooronay
par Alfa Adamou viennent s‟ajouter ceux créés par les populations des différentes
Goura.
Le lettré musulman s‟est installé d‟abord au bord du fleuve. Après l‟abandon de cet
endroit par Mahaman Diobbo, son piroguier, Oussou et sa famille y élirent domicile. Ainsi,
fut créé le quartier Bolonguièye. Quant à Goungo-Bon, il est créé par une partie de
l‟équipe qui a suivi le lettré musulman jusqu‟à Say. C‟est un quartier peuplé en majorité
de Kourté. Il compte également en son sein des Wogo et des Zarma-Soŋey. Goungo-Bon
„‟dessus‟‟ donc Goungo-Bon signifie „‟sur l‟île‟‟. Il faut signaler que le site initial de ce
quartier se trouvait derrière la préfecture actuelle de Say. Bonfeba est créé par des Peul
Sillantché mais il n‟existe plus de nos jours. Ce groupe a quitté Say pour s‟installer dans le
Dallo-Bosso. Barma-Goura, prolongement sud de Say, est créé par Barma, un guerrier
quartier aussi a disparu parce que devant le refus de l‟érudit de faire la guerre, Barma est
retourné dans son village natal car c‟est un guerrier qui n‟a d‟autres activités que celle-ci.
L‟ensemble de ces quartiers forme le premier village de Say qui deviendra très tôt une
ville à cause de l‟afflux des gens, du développement des activités agro- pastorales et
165
1- L’origine sociale de Mahaman Diobbo
Mahaman Diobbo. Selon la tradition locale, cet intellectuel musulman soufi de la confrérie
« Qadriya », serait d‟origine arabe. Son père, Boubacar Salihou et sa mère Ramatoulaye
auraient quitté leur ville natale, Sardadine (à coté de Médine) à la suite d‟une sécheresse
vers le XVIIème siècle pour venir en Afrique. Après avoir traversé la Syrie, le Maroc,
l‟Algérie, la famille s‟installa dans la région du Macina (Mali actuel) où son père trouva la
mort. Il serait né dans cette localité. Il faut signaler à ce niveau, que cette référence à
l‟origine orientale des communautés musulmanes dans l‟espace nigérien n‟est pas
spécifique à la famille de l‟érudit de Say. En effet, presque toutes les grandes familles
musulmanes d‟Afrique ont conservé dans leurs traditions, cette version qui fait venir le
Mais, en réalité, Alfa Mahaman Diobbo est un peul originaire du Macina. Son père
s‟appelle Boubacar et Salihou est le nom de son grand père. Diobbo est « son surnom, en
1995 : 15). Il aurait quitté cette région dans la seconde moitié du XVIIIe siècle pour
effectuer son pèlerinage à la Mecque selon certaines sources, et pour d‟autres pour
accomplir une mission, ‘’dontoni’’ en zarma. Il séjourna dans plusieurs localités (Gao,
Au niveau des sources écrites, les versions pour situer l‟origine de Mahaman
Diobbo restent vagues et contradictoires. Yves Urvory (1936) dans son ouvrage, écrivait
ces quelques lignes sur l‟origine du fondateur de Say : «La ville fut fondée dans les
dernières années du XVIIème siècle par Alfa Mahaman Diobbo c’était un marabout
166
originaire du Macina ; où il vivait avec sa famille» (Urvoy, 1936 :75). La période qu‟il
avance ne se justifie pas car tous les auteurs sont unanimes à reconnaître que la ville de
Say fut fondée au début du XIXe siècle et non à la fin du XVIIe siècle. Dans la
monographie de Say de 1915 (anonyme), Mahaman Diobbo est présenté comme un Peul
originaire du Fouta Djalon. Le capitaine Salaman quant à lui, le présente comme un Peul
originaire du Sénégal :
«Vers la fin du 18e siècle , une partie de la famille de Dem que l’on peut
considérer comme la famille royale du Fouta , quitte les rives du Sénégal avec une
famille nombreuse : Arrivée à Say, la caravane s’y arrête et une partie s’était
installée définitivement sous le commandement de Mahaman Diobbo : ce dernier
prit vite de l’influence, marabout lettré, il acquit aussitôt dans le pays la réputation
d’un homme sage et prudent. Dans ce pays où la religion musulmane était
d’importation récente, l’arrivée d’un vrai marabout, homme de bon conseil,
connaissant le Coran et sachant l’interpréter, fut événement. Mahaman Diobbo
laissa accréditer la légende qui disait qu’il était un chérif : les chérifs
appartiennent à la descendance de Fatima ; la fille préférée de Mohammed »1.
Le capitaine Salaman non plus ne lève le voile sur l‟origine de l‟érudit. Les auteurs
nigériens qui ont écrit sur l‟histoire de Say comme Boubou Hama, Moulaye Hassane, n‟ont
pas tracé l‟arbre généalogique de Mahaman Diobo même si la plupart reconnaissent qu‟il
Une autre version sur l‟origine de l‟alim, est celle de Mahaman Alio qui écrivait
ceci: « Alfa Mahaman Jobbo said to have been born at Bamba ; Kooro-Gounga or Jenne
the traditions are very vague on this Diobbo matter » (Mahaman, 1997 :113).Traduction :
[On dit qu‟Alfa Mahaman Diobbo est né à Bamba; à Kooro- Goungou ou à Djenné. Les
traditions restent vagues en tout ce qui concerne Diobbo]. Quant à kimba Idrissa; il donne
la version suivante dans son ouvrage : « Mahaman Diobo ; fils de Boubacar Peulh
originaire de Macina ; naquit à Bamba près de Gao... » (Idrissa, 1981 ; 45). Moulaye
Hassane souligne cette confusion autour des origines de Mahaman Diobbo en ces termes :
1- ANN - 15.1-2. Notice sur le cercle Djerma et historique du cercle par le Capitaine Salaman, 1903-1904,
P. 1.
167
«Plusieurs lieux de naissance sont rapportés : Bamba pour certains, Kooro-
Goungou (île sur le fleuve non loin de Gao) pour d’autres ou Djenné…Quant à sa
date de naissance, elle n’est mentionnée nulle part, les indications approximatives
que nous avons pu trouver la situent à la fin du 18ème siècle..» (Hassane, 1995 : 16).
Ces propos de Moulaye Hassane résument tout sur l‟état des connaissances sur la
question. L‟analyse des différentes versions et des traditions recueillies sur place ainsi que
l‟itinéraire suivi par cet érudit permettent d‟affirmer sans risque de nous tromper que
Mahaman Diobbo est originaire du Macina comme le soulignent la plupart des auteurs et
Avant d‟entamer nos recherches sur le terrain, nous étions confiant quant à
renommée dans notre zone d‟étude. Mais, ce qui nous a surtout surpris une fois sur le
terrain, c‟est le manque de manuscrits dans cette ville. Pourtant au XIXe siècle, d‟après
certains témoins et certains explorateurs comme Toutée, Gironcourt, cette ville comptait
une masse critique de documents en langue arabe. Lors de nos entretiens, tous nos
interlocuteurs ont confirmé l‟existence de ces écrits dans le temps mais selon eux, ils ont
tous disparu. Selon Soumana Nouhou : « Il y avait le Tarikh de Say, écrit par Alfa
168
par suite de négligence de la part de nos parents, ce tarikh a disparu »1. Cette version a été
confirmée par Alzouma Bazi Cissé, infirmier à la retraite et ancien député national ainsi
Mahaman Diobbo aurait été d‟abord formé dans l‟école coranique de son père,
Boubacar. Après ses études auprès de celui- ci, il quitta le Macina pour Gao afin de
parfaire ses connaissances religieuses. Par rapport à son intelligence, nous avons recueilli
plusieurs témoignages parmi lesquels celui d‟Abdoulsalam Soumaila, petit fils d‟Alfa
« D’après ce que mon père m’a rapporté, lui aussi tient cette information de ses
parents, Mahaman Diobbo était très brillant. Il a eu à le démontrer lors de sa
rencontre avec Sorry Beldo Hooré, l’un des plus remarquables Alfa de la zone
avant l’avènement du Jihad. Pour tester son niveau, cet érudit l’a soumis à
plusieurs épreuves (lecture et commentaire de documents religieux) et il a pu
surmonter ce test en lisant et en commentant avec une certaine aisance tous les
documents qui lui ont été soumis »2.
Pour approfondir ses connaissances, il quitta son village natal pour Gao, rappelons- le, un
« Il quitta son village natal, semble- t- il, pour Gao où il se fixa un certain temps
peut – être pour approfondir ses études, car il est de tradition en Afrique sud-
saharienne que le disciple, une fois entamée la lecture du Coran, change de maître
et même de village. Il part à la recherche d’autres expériences lui permettant
d’acquérir des méthodes diverses. Cette tradition lui facilite également
l’acquisition des connaissances aussi bien religieuses que sociales » (Hassane,
1995 : 17).
169
Mais, la tradition locale reste muette sur les noms des maîtres qui l‟ont formé après son
père. Selon Moulaye Hassane, le nom d‟un seul enseignant a été retenu, il s‟agit d‟Alfa
Mahaman Diobbo est issu d‟une famille de lettrés musulmans du Macina. Parmi les
membres de sa famille, son père reste incontestablement celui qui a eu une grande
« Mahaman Diobbo tient en grande partie son pacifisme de son père. Ce dernier
est un partisan de la non violence. Il a enseigné à son fils dès son jeune âge ses
vertus. Malgré ses qualités intellectuelles exceptionnelles, Mahaman Diobbo était
calme et moins bouillonnant que les jeunes talibé de son âge. Pour son père, un
bon alim est celui qui évite la bagarre, les ‘’on dit’’ bref tous les comportements
négatifs que Dieu stigmatise dans le Coran »1.
Imbu des théories pacifistes de son père, Mahaman Diobbo va quitter le Macina pour un
long périple qui va le conduire dans plusieurs localités avant son installation définitive à
Say.
Alfa Lamine, Sorry Beldo Hooré, Alfa Adamou, Boubacar Louloudji…). Tous ces lettrés
Tondo Djalley et son compagnon Alfa Lamine sont partisans de la non violence.
C‟est pour fuir la violence qu‟ils quittèrent leur terre natale, Bourra pour s‟installer sur l‟île
de Sinder. Sorry Beldo Hooré est le fondateur du centre d‟études islamiques secondaire de
170
Tirga. De son vrai nom Boureima Boukari, il doit son surnom à sa bonté. Sorry Beldo
Hooré signifie un chanceux, en un mot quelqu‟un de bien. Selon les témoignages recueillis
à Tirga et à Say, c‟est lui qui a initié Mahaman Diobbo à la Qadriya. Quant à Alfa
Adamou, il est l‟ancêtre des habitants du quartier Zooronay de Say. Il est connu grâce à
son profond attachement à la paix. Son arrière petit fils (l‟ancien président de l‟Association
Islamique du Niger), feu Alfa Oumarou Soumaila a surtout brillé dans ce pays à cause de
son profond attachement à un islam tolérant. Tous ces érudits que Mahaman Diobbo a
l‟ont renforcé dans son élan pacifiste faisant ainsi de cet alim, un véritable apôtre de la non
violence.
Selon Séré De Rivières, Say avait pris de l‟importance bien avant l‟arrivée de
Mahaman Diobbo sur le site : « Say avait toujours eu une importance politique. Askia
Mohamed (XVe siècle) en avait fait le chef lieu administratif de la région, en y installant
une garnison militaire. » (Séré De Rivières 1965 : 92). Cette version n‟est soutenue par
aucun autre auteur et tous les informateurs que nous avons interrogés à Say et dans les
Niger à celle qui porte le même nom et qui est située au sud de Mopti (Mali actuel) qui a
Avant l‟arrivée du saint homme à Say, le site était très peu connu des populations de
l‟Ouest du Niger. Mais, avec l‟installation de Mahaman Diobbo sur l‟île, sa sainteté ainsi
que son sens élevé de justice et d‟équité vont attirer de nombreuses populations : le site
171
devient, en peu de temps, le foyer intellectuel et commercial le plus important de l‟Ouest
du Niger. Il faut signaler à ce niveau que les terres de Say appartenaient au chef de Lontia 1.
« Alfaga après sa brouille avec les Bittinkobé de Lamordé va quitter l’île de Neni
pour s’installer à Goudel où il sera chaleureusement accueilli par le souverain de
ce village. C’est de cette localité qu’il a envoyé des émissaires auprès du dirigeant
de village de Lontia afin qu’il accepte son installation ainsi que celle de sa suite
sur les terres de Say. Le souverain de Lontia a accepté avec plaisir l’arrivée d’un
érudit sur ses terres. Comme on le constate, ce sont les autorités de Lontia qui ont
placé Mahaman Diobbo sur leurs terres et non celles Gwandou. D’ailleurs celui-ci
n’a jamais cherché à se faire nommer Amirou par Gwandou »2.
Contrairement à la plupart des grands intellectuels musulmans de son époque qui étaient
contraints d‟entreprendre le Jihad pour répandre l‟islam, Mahaman Diobbo opta pour une
pacifiste fait la singularité de ce lettré musulman surtout pendant ce siècle dominé par des
guerres. Il fit de Say un véritable havre de paix, un carrefour sur le plan religieux et
l‟Ouest du Niger.
a- L’organisation religieuse
religieux. Malgré les crises du XIXe siècle, il opta pour un islam tolérant, car pour cet
alim, la foi étant avant tout une affaire de cœur, le prêche est certainement un moyen
plus efficace (que la sagaie) pour amener les gens à l‟islam. Son profond attachement à un
islam tolérant, il l‟exprime dans cet extrait tiré du poème 1 (Uruufaba) de notre corpus en
1 - Lontia : Village à cinq (5) kilomètres de Say sur la route principale, Niamey- Say.
2 - Entretien avec Alzouma Bazi Cissé, infirmier à la retraite à Niamey le 01/08/12.
172
kuba tamgam Bamba kayri1 Ukuba combattit et défie Bamba
La première strophe montre les succès fulgurants d‟une armée islamique conduite
par Uqba Ibn Nàfi‟ dans le cadre d‟une conquête ; une véritable collection de victoires. Par
contre, la seconde strophe est d‟un tout autre ton : l‟apostasie massive est tout aussi rapide
que la conversion, sitôt que la contrainte cessa. Ce qui aboutit à un relâchement total de la
religion. Ce chant religieux justifie l‟option du fondateur de Say pour une conversion
1-Chant religieux composé par Alfa Mahaman Diobbo et recueilli par Diouldé Laya auprès d‟Alfa Agano en
1968.
2 - Ukuba : Il s‟agit du conquérant arabe Uqba Ibin Nàfi‟ al-Fihri qui a entrepris une expédition en 666 dans
le Fezzan(Libye) puis dans le Kawar (Niger).
3 - Entretien avec Alzouma Bazi Cissé, infirmier à la retraite à Niamey le 01/08/12.
173
En fait, la lecture d‟un seul de ses poèmes suffirait à convaincre le lecteur du profond
respect que Mahaman Diobbo avait pour toute forme de vie, humaine, animale ou végétale.
La ville de Say est avant tout une cité religieuse, son organisation aussi a une base
religieuse. Le fondateur du centre n‟a jamais voulu porter le titre d‟Amirou et il s‟est
toujours fait appeler „‟ Modibbo „‟ qui signifie littéralement marabout. Mais, comme tout
religion pour organiser sa communauté. Il est chef religieux, gardien de la foi islamique. Il
dirige lui-même les prières et veille au respect des règles de l‟islam sur l‟ensemble du
en cas d‟empêchement du grand alim. Alfa Mahaman Diobbo est aidé dans sa tâche
religieuse par les imams de quartiers et les grands ouléma de la ville. Ces derniers ont
toujours été consultés par l‟érudit afin qu‟ils donnent leur avis sur les questions d‟intérêt
« Depuis sa fondation, jusqu’à la mort du père fondateur, Say donnait l’image d’un
foyer d’acquisition et de diffusion du savoir, géré par un groupe collégial de
personnalités religieuses. Ce groupe était dirigé par Diobbo, homme saint et
inspiré. Ce dernier présidait en personne le conseil et désignait les responsables de
la structure étatique qui, constituée de trois instances principales, était de
conception très simple :
A son sommet se trouvait, l’imam des imams en la personne de Diobbo, qui
déléguait son autorité à d’autres personnalités religieuses assumant le
fonctionnement réel de tel ou tel secteur. Lui-même gérait les questions à caractère
politique et diplomatique essentiellement les réconciliations entre les hommes, les
groupes et les régions proches ou lointaines. Il conférait également le rattachement
initiatique selon le rituel de la confrérie (Qâdirîya) dont il était le représentant
dans cette région » (Hassane, 1995 : 72 – 74).
Après ce grand imam des imams, il y a le cadi nommé par Mahaman Diobbo. Il
est chargé de faire appliquer la loi musulmane (Shari’a) en accord avec un Conseil
le souci de maintenir la cohésion sociale, l‟autorité religieuse de Say a fait cultiver l‟esprit
174
de tolérance et a impliqué les sages des différentes communautés vivant dans cette localité
dans la gestion des affaires politiques et juridiques. Ainsi, quand un différend éclate entre
deux membres d‟une communauté, les sages ont le devoir de trouver une solution
d‟exposer chacun sa version. Ils font tout pour rapprocher les points de vue afin de mettre
fin à ce différend. Mais, si les parties campent sur leur position, les sages feront appel au
dirigeant du groupement ou du village. A défaut d‟une solution, l‟affaire est portée devant
le cadi. Ce dernier juge les actes les moins importants chez lui dans sa „‟zaura1’’. Mais, les
actes graves et ceux n‟ayant pas fait l‟objet d‟un compromis, sont jugés à la mosquée
principale en présence du grand imam. C‟est une audience qui se fait en présence des
«Si je mens
-Que notre seigneur me maudisse au nom du Coran,
-Que les calamités venant du levant,
-Du couchant du soleil,
- Du nord et du sud,
Me tombent dessus ! » (Moulaye, 1995 :76).
Selon la croyance populaire, même si l‟auteur d‟un tel acte était innocent, il ne s‟en
sortirait pas indemne. C‟est pourquoi les gens dans la plupart des cas préféraient payer les
175
réparations plutôt que de laisser leurs enfants poser un acte aussi grave. Outre son rôle de
juge, le cadi dirigeait les cérémonies religieuses de mariage, de baptême. C‟est lui qui
présidait aussi aux funérailles lors des décès. Il était chargé de réconcilier également les
couples en cas de différend, mais il ne prononçait jamais de divorce, car ceci était du
ressort du grand imam des imams. Comme on le constate, le cadi jouait un rôle important
dans la communauté, c‟est pourquoi, il est le deuxième personnage après le grand imam.
« Il dirige les prières quotidiennes à la mosquée principale, s’il le peut, ainsi que
la prière hebdomadaire (Salat al Gumma) et celles des deux fêtes annuelles
(Ramadan et adhâ). Il reste à la disposition des fidèles qui lui soumettent leurs
questions éventuelles, aussi bien sociales que religieuses » (Hassane, 1995 : 79).
religieux, il a ouvert des écoles coraniques ‘’douddales’’ dans les quartiers de la ville de
Say. Dans ces écoles coraniques, les jeunes ‘’talibé’’ (écoliers) apprennent à lire le Coran
mais aussi à écrire. Il s‟agit non seulement des enfants de la ville de Say mais aussi de
religieuse était surtout intense pendant la saison sèche. Pendant cette période les parents,
cultivateurs pour la plupart, confient les enfants aux ouléma, qui profitent de cette longue
saison pour venir à Say approfondir leurs connaissances. Les quartiers de la ville
176
entre érudits permettent de tisser des relations ; donc de développer la solidarité
au sein de la communauté »1.
Dans la cour de la grande mosquée, il y avait un hangar et des arbres, les groupes d‟ouléma
Ce qui fait la particularité du centre d‟études islamiques de Say, c‟est l‟attachement des
autorités aux valeurs islamiques. Le symbole du pouvoir est une «peau de prière» (peau de
mouton), ceci pour rappeler la mission religieuse de cette ville. En plus, les descendants de
Mahaman Diobbo qui se sont succédé au trône après sa mort portent tous le titre de
«Alfaizé» (terme Zarma-Soŋey qui signifie fils du marabout). Ce nom est choisi par l‟érudit
avant sa mort en vue de pérenniser l‟essence religieuse de sa cité. Ce titre est pédagogique
car il veut que ses successeurs gardent en mémoire, l‟origine de leur autorité qui se veut
avant tout l‟incarnation d‟un pouvoir religieux. Par conséquent, ils doivent se comporter
b-L’organisation économique
Say est avant tout un centre d‟études islamiques qui n‟a ni armée, ni police.
L‟administration du pays est différente de celle des Etats centralisés. Une telle
organisation se contente de peu de ressources. En effet, Alfa Mahaman Diobbo est une
personnalité religieuse, désintéressée par le bien matériel. Durant les neuf (9) années qu‟il
compagnons (la tradition locale reste muette sur son nom) pour surveiller le marché et le
fleuve dans l‟unique but de sécuriser la ville contre les pillards et de veiller à ce que les
marchands vendent leurs articles aux clients conformément aux règles de l‟islam. Les
177
ressources du centre d‟études islamiques au temps de Mahaman Diobbo sont constituées
tous côtés. Et, comme Alfa Mahaman Diobbo est un pieux qui craint de commettre
répartition des présents. Ces quelques vers extraits du chant1 de notre corpus (vers 125
«Iri si te koy sonku tooŋe Nous ne serons pas souverain afin d‟éviter l‟injustice»
Iri si ciiti sonku tooŋe Nous ne serons pas juge afin d‟éviter les abus»
Iri si bolnay sonke tooŋe Nous ne serons pas marchand afin d‟éviter les provocations»
Iri heri fay sonke tooŋe Nous ne partagerons pas de bien afin d‟éviter les
provocations»
Sai fa waazu iri ma tuba 1” Uniquement les prêches nous conduisant à la soumission à
Dieu».
Mahaman Diobbo n‟a jamais, selon la tradition locale, touché aux biens destinés à la
communauté :
1 - Sonothèque de l‟IRSH : Chant recueilli par Diouldé Laya auprès d‟Alfa Agano en 1968.
178
partage avec sa communauté. Détenteur du pouvoir spirituel, Alfa Mahaman
Diobbo distribue aussi les terres à la population de Say. Et, chaque fois qu’une
nouvelle vague de migration arrive dans cette ville, il indique au leader du groupe
l’endroit où sa communauté doit s’installer ainsi que la portion de terres qu’elle
peut exploiter. Ainsi, à cause de cette attitude exemplaire de cet intellectuel
musulman, le nombre de nouveaux venus se multiplia, transformant ainsi le village
de Say en une ville carrefour »1.
Il faut rappeler à ce niveau que l‟autorité à Say fut d‟abord une autorité
religieuse avant de devenir politique. En tant qu‟autorité religieuse, elle n‟a pas de
notabilités aux fonctions précises comme il en existe dans les grandes entités politiques ou
même au niveau de certaines principautés. Il n‟y avait donc pas d‟institutions socio-
Coran et des préceptes de l‟islam. La vie de la cité et les questions religieuses étaient
gérées par le groupe d‟ouléma, réuni autour d‟Alfa Mahaman Diobbo. Toutes les questions
concernant la vie de la cité sont réglées après une large consultation entre les différents
Diobbo. Ce dernier s‟est toujours comporté comme un chef religieux et n‟a jamais cherché
à exercer une autorité politique. Mais, comme toute organisation humaine suppose une
autorité, Mahaman Diobbo, personnage sage et respecté est le chef spirituel et a délégué
une partie des ses pouvoirs à ses compagnons. L‟une des personnalités importantes du
ville de Say. Ce dernier a surtout convaincu par sa piété et son exemplarité. C‟est avec
l‟afflux des gens que le fondateur de la ville décida d‟organiser la cité sur une base
religieuse.
179
3 - Mahaman Diobbo, homme de paix et médiateur
Il doit sa renommée à sa foi mais aussi à son comportement. Le succès de son œuvre
musulmane Mahaman Diobbo, religieux profondément pacifiste opta pour une adhésion
volontaire du fidèle à l‟islam. Cette attitude pacifiste fait la singularité de l‟homme surtout
pendant ce siècle dominé par des guerres. Très tôt, sa renommée va se répandre de part et
haoussa :
« Il est à peu près certain que Say avant sa décadence actuelle était le principal
centre commercial du Moyen Niger. Toutes les caravanes venant du Nord- Est, du
Nord et de l’Est s’y donnaient rendez- vous pour se rendre à Sansané Mango et
Salaga ; Say était en outre un gros centre religieux où une grande quantité de
musulmans venaient faire pèlerinage au tombeau de Mohaman Diogbo grand père
du chef actuel, dont la réputation de grand marabout et de saint homme s’était
répandue jusqu’au-delà de Gao »1.
Et, des populations venaient d‟horizons divers à Say pour chercher des conseils, pour
régler des litiges mais aussi pour solliciter la médiation du saint homme pour mettre fin à
des différends les opposant à d‟autres communautés. A ce niveau, nous pouvons signaler
trois exemples de médiation menée par cet alim et qui ont toutes été couronnées de
succès.
dans le pays soŋey, il a trouvé les Wogo dans une situation très difficile. Ces populations
font constamment face à des incursions des pillards touareg. Il a promis à leur Alfa, Tondo
de lui trouver un site où lui et sa suite seront à l‟abri des incursions de ces pillards. Les îles
paraissent aux yeux de Mahaman Diobbo des lieux sûrs car isolées par l‟eau, elles
comme les îles situées non loin de Tillabéri appartiennent à Amirou Kourté, il a d‟abord
1
- IRSH, Historique du cercle de Say, BRO 189, p. 9.
180
écrit à ce dernier pour lui demander l‟autorisation de laisser les Wogo de Bourra exploiter
les terres de Sinder. Amirou Siddo Yoro dit Tolakoy, accepta la proposition de l‟érudit
mais à condition que cette communauté paie la dîme sur la terre. Cette version est
rapportée par le capitaine Salaman : « Peu après le nommé Tondo, chef d’une fraction
d’Ouagobés de Gao et le Marabout AMADOU LAMINE vinrent saluer le chef de Say et lui
demander un terrain pour lui et les siens. ALPHA MOHAMAN s’adressa à Tolakoy. Ce
dernier l’autorisa à habiter les îles de Sinder »1. C‟est donc l‟intervention de Mahaman
Diobbo qui a permis aux Wogo de s‟installer sur les îles et de créer le centre d‟études
« C’est en tout cas au début du XIXe siècle, du fait de la pression touarègue, que
Tondo Jelley a dirigé la migration de Bourra (où se trouvait à l’époque l’ensemble
du groupe) à Sinder d’une partie des wogo, en ralliant sur son parcours divers
groupes Kado, Sorko, ou autres et s’est installé au Nord de Tillabéry entre les deux
chefferies kourtey grâce à l’intervention du célèbre marabout de Say Alfa
Mahaman Jobbo » (Olivier Sardan De, 1982 : 392).
Comme on le constate, c‟est par l‟action de Mahaman Diobbo, homme de Dieu très
respecté dans la zone que Tondo et sa suite ont été autorisés à s‟installer sur l‟île.
d‟Oumarou Djibrilla, la principauté connut une crise politique grave. A l‟origine de cette
crise, un différend qui opposa Amirou à son cadi, Ranié. Ce dernier cachait les présents
qu‟il recevait lors de ses tournées à l‟intérieur du centre d‟études islamiques pour rendre
des jugements au nom du souverain de Sinder. Mais, toutes les tractations de ce dernier
pour ramener le cadi à la raison se sont avérées vaines. Ce qui poussa le leader du centre à
le limoger :
1 - ANN- 15- 1- 2 : Notice sur le cercle du Djerma et Historique du cercle par le capitaine Salaman 1903-
1909, p. 10.
181
vont exproprier les terres des Wogo mais grâce à la médiation de Mahaman
Diobbo, ils ont accepté de les restituer aux populations de Sinder »1.
Garouré en 1811 par les Zarma, le Lamido Dallol était contraint de s‟exiler. Après avoir
transité dans plusieurs localités, il va rejoindre Mahaman Diobbo dans le pays soŋey à
Gaoudel. Les deux Alfa vont faire le reste du trajet ensemble. Après la création de Say,
Boubacar va rester dans cette ville deux ans durant. Un jour, il a exprimé son désir de
retourner dans son pays natal. Mais, les Zarma sont là et l‟attendent de pieds fermes :
« Pour éviter que son retour provoque des heurts, Boubacar Louloudji a demandé
à Mahaman Diobbo, homme de paix, influent et respecté par toutes les
communautés de l’Ouest du Niger, d’entreprendre une médiation afin que les
Zarma acceptent son retour dans le Dallol. Alfa Mahaman Diobbo décide
d’entreprendre la médiation, mais à condition que Boubacar Louloudji accepte
aussi de rester tranquille après son retour dans son pays natal. Malgré tous les
actes posés par cet alim dans le Boboye, les Zarma par respect à l’érudit l’ont
autorisé à y revenir. Et comme promis, il n’a plus posé d’actes allant dans le sens
de la remise en cause du compromis trouvé par Alfa Mahaman Diobbo »2.
« Les Djermas s’allièrent au Kabbi et les Peulhs furent chassés de tout le Dallol
Bosso et du Fogha. Ils durent se refugier sur le Gourma à Say et à Néné. Sur
l’intervention de Mohaman Diobo chef de Say, les Peulhs furent cependant
autorisés à passer sur la rive gauche. Ils s’installèrent à Tiamkalla où ils résidèrent
pendant 30 ans en paix »3.
hostilités vont reprendre dans le Dallol. Mahaman Diobbo est en effet, un homme de paix
dont l‟influence s‟exerce sur la zone allant de Gao au Dendi. Autour de cet érudit, se sont
rassemblées des populations d‟origines diverses (Zarma, Soηey, Wogo, Peul…) liées
uniquement par la foi musulmane. La tolérance et la paix que l’alim a su cultiver entre les
182
pacifique, ce qui a permis une large diffusion du savoir religieux dans sa zone d‟influence.
Ce succès de Mahaman Diobbo, dans un contexte marqué par des crises s‟explique par son
option pour la non violence. Alors que le Dallol est plongé dans des crises, il a réussi à
faire de Say un havre de paix, ce qui fait de lui l‟érudit le plus influent et le plus respecté
183
Chapitre VIII : L’œuvre littéraire et philosophique de Mahaman Diobbo
politique et religieuse. Une pensée qu‟il exprime à travers une vingtaine de chants
religieux qu‟il a composés en zarma (alors qu‟il est peul) depuis le début du XIXe siècle et
qui nous sont parvenus grâce à une chaîne de transmission. Composés pour la plupart
entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle par Mahaman Diobbo, ces chants nous
sont parvenus grâce à Alfa Agano1. Malheureusement, les dernières générations n‟ont pas
remercier Diouldé Laya qui, en 1968 a recueilli ces chants (sur instruction du Président de
Il affirme avoir appris une cinquantaine de chants mais avec l‟âge, il a oublié la
plupart. La bande disponible à la sonothèque de l‟IRSH compte vingt trois (23) chants dont
deux composés par Boubacar dit Modibo, fils et successeur de Mahaman Diobbo, il
Jugement Dernier), chant 3 (Wa mooru ibiliisa : éloignez- vous de Satan), chant 4 (Diina
fayda : les bienfaits de la foi), chant 5 (Wa tooηe naη : gardez – vous de nuire à autrui)
chant 6 (Hunde- beerey : l‟orgueil), chant 7 (Tuubi fayda : bienfaits du repentir), chant 8
(Muhammadu : Mohamed), chant 9 (Beeney nda gandey : les cieux et les terres), chant 10
(Boori fannu : les bonnes œuvres), chant 11 (Woy nda aru futey : les femmes et les
1 - Alfa Agano, de son vrai nom Abdoulbâki Koureyssiyou, Agano est le petit fils d‟Alfa Adamou, un des
compagnons de Mahamane Diobbo et ancêtre des habitants du quartier Zooronay de Say. La descendance
d‟Alfa Adamou a compté des noms d‟illustres hommes en matière de culture islamique, parmi lesquels nous
pouvons citer Alfa Soumaila (frère aîné de Agano), feu Alfa Oumarou Soumaila, fils du précèdent, neveu et
gendre de Agano (ancien président de l‟Association Islamique du Niger). Agano est donc un digne
descendant de cette lignée d‟érudits de la ville de Say. Il est décédé en 1979 à l‟âge de 88 ans.
184
(Meehaw : le jeûne), chant 14 (Tooηe kow : le provocateur), chant 15 (Saaray : la
tombe)… Ces chants religieux composés par Alfa Mahaman Diobbo sont des poèmes qui
Ils sont appelés „‟Caw dooni1’’en zarma et ont en général, un trait commun : inciter
les croyants à la méditation et les amener sur la voie de l‟islam. Le chant religieux a en
incite les fidèles à bannir des comportements incompatibles avec l‟islam (l‟orgueil et la
vanité) et à suivre l‟exemple du prophète Mohamed. Fait frappant, ces chants sont destinés
car ils sont chantés dans des circonstances précises : cérémonies de mariages, réunions des
marabouts, les vendredis, recherche de pitance par les talibé… Selon Soumana
Abdourahamane :
« C’est au prêche, et rien que cela, qu’Alfa Mahaman Diobbo consacra sa vie.
Outre le « douddale », il utilisa d’autres moyens comme ces chants qu’il composait
et chantait à l’occasion des rassemblements. Il les faisait apprendre aussi à ses
disciples qui les chantaient devant les concessions en quête de leurs repas. Par ce
procédé, l’érudit multipliait aussi sa voix et assurait la répétition quotidienne de ces
chants à la devanture de la plupart des concessions »2.
lui- même un véritable phénomène poétique dont la révélation a fait grand effet dans une
Arabie fière de sa poésie. Et, c‟est d‟abord par la beauté de sa forme et l‟harmonie de son
rythme qu‟il s‟est imposé comme miracle. Selon Simozrag et Goasguen, le verbe
coranique est apparu à un moment où la poésie est en vogue dans le monde arabe :
185
« A l’âge d’or de l’éloquence arabe où la langue atteignit l’apogée de sa pureté et
de sa force où les titres d’honneur étaient décernés solennellement aux poètes et
aux orateurs dans les concours annuels, il a suffi de l’apparition du verbe
coranique pour que l’amour acharné de la poésie et de la prose fut bouleversé, de
même que les sept poèmes dorés et suspendus sur le temple d’Al- Ka’ba furent
descendus. Dès lors, toutes les âmes durent se prêter à cette merveille de
l’expression arabe » (Simozrag et Goasguen T2, 1999 : 105).
personnes dont Omar Ibn Al Kattab, second calife de l‟islam ou encore Ka‟ab Ben
conversion de son auteur à l‟islam. Le fait que dès les débuts de l‟expansion de l‟islam,
le prophète se soit entouré de poètes célèbres (Hassan Ibn Thabit, Ka‟ ab Ben Malik, Abda
Mahomed. Tous ces poètes ont mis leur art au service exclusif de la foi. La poésie devient
propagateurs de l‟islam vont apporter cet art dans les régions du monde touchées par cette
religion.
En Afrique musulmane aussi, cet art a été largement utilisé par les ouléma, ce qui a
appartient à chaque leader d‟une communauté islamique, d‟ordonner ce qui est licite et
« Dans les écrits de ces intellectuels, ainsi que dans leurs sermons et leur
propagande, l’on décèle des ingrédients du langage politique de l’islam. Ce
langage, lorsqu’il fait écho à des aspirations d’émancipation, peut mobiliser de
vastes secteurs de la population. Parmi les concepts mobilisateurs de l’action
politique, figure l’obligation de faire la commanderie du bien et l’interdiction du
mal (al-amr bi ‘l- ma’ ruf wa al- nahy an al- munkar » (Kane, 2003 : 30).
Pour faire passer le message divin dans une société où la majorité ne sait ni lire ni écrire,
les ouléma font recours à la poésie. Chantée dans la langue du terroir, elle permet
186
d‟atteindre toutes les couches de la société. C‟est un moyen d‟éducation efficace d‟autant
Parmi les auteurs, on peut citer : le Shaykh lui même, son frère Abdoulaye, sa fille Nana
Asmaou, Mallam Janeidou… Dans la sphère d‟influence du califat de Sokoto, des érudits
locaux ont également utilisé la poésie comme moyen de diffusion de l‟islam. Parmi ceux -
ci, nous pouvons citer Mahaman Diobbo, auteur d‟une vingtaine de poèmes. Au XX e
siècle, la Qadriya sera supplantée par la Tidjania au Niger. Cette confrérie va donner à la
Mohamed (Muludh), organisée chaque année à Kiota est l‟occasion choisie par les
Zakhirou1 pour exposer leurs talents. Ceci prouve que la chanson religieuse fait partie de la
localité. Les témoignages recueillis à Say et ses environs confirment l‟existence des
« Les manuscrits de la ville de Say étaient conservés dans une maison située à
l’intérieur du palais. Mais, cette pièce présente un trou au niveau du toit. Une
année, il y a eu des pluies diluviennes et l’eau passait par ce trou pour se déverser
dans le récipient qui n’était malheureusement pas couvert. C’est l’odeur
nauséabonde qui se dégageait du canari qui avait alerté les locataires du palais.
Quand ces derniers étaient arrivés au niveau du récipient, le constat était amer :
tous les documents s’y trouvant avaient été réduits en bouillie. C’est ainsi que nous
avions perdu ces manuscrits »2.
1 - Zakhirou : Ce sont des disciples des Shaykh qui ont mémorisé les chansons religieuses.
2 - Entretien avec Alzouma Bazi Cissé, infirmier à la retraite à Niamey, le 01/08/2012.
187
Selon d‟autres informateurs, ils ont été rongés par des termites. Les chants religieux
génération en génération. Ces poèmes ont été composés par Mahaman Diobbo dans des
circonstances précises :
Quand la communauté fait face à une épreuve, il compose un chant pour l‟exhorter à
accepter cette difficulté comme émanant de Dieu. Le chant „‟Uruufaba’’, par exemple, a
été composé sur l‟île de Neni suite à une terrible sècheresse. Il s‟agit là d‟une invocation
pour demander la clémence de Dieu, nous pouvons à titre d‟exemple retenir quelques vers
Gaahamey beri jinde yoη ku Les corps se sont amaigris et les cous allongés
Borciney koy tuuri yoη ku Les nobles sont réduits à ramasser du bois
Faaba tamba almaney ben Secours – nous vite, le bétail est décimé
Haw koyey naη zama haw ben Les bergers n‟en sont plus, faute de troupeau
Barikarey go kaaru heri ben Voici les cavaliers mais, point de monture
Iri ga jirbi farmi mana ben On est contraint à dormir en saison de culture
Bagna laala na nga koy fay Le mauvais esclave a renié son maître
188
Zamana diina mo na koy fay Et les gens, se sont écartés de la voie de Dieu
Dans ces vers, Mahaman Diobbo décrit une sècheresse qui a sévi à Neni pendant qu‟il y
était. Pour montrer l‟ampleur de la calamité, l‟auteur décrit l‟état du cheptel décimé. Bien
plus qu‟une perte matérielle, ceci constitue un drame pour une communauté d‟éleveurs. Il
Nous avons aussi des chants composés par Mahaman Diobbo dans le but de
ramener les gens sur le droit chemin de Dieu. A un certain moment, il a eu à constater des
comportements incompatibles avec l‟islam (port d‟amulettes par les enfants au cou ou à la
hanche) dans la ville, il a aussi composé des chants pour inciter les gens à les bannir. Les
vers suivants du chant 2 de notre corpus interpellent les croyants (Alciyooma zaaro ou le
Mais, dans la plupart des cas, ces chants portent sur des rites islamiques, ils
constituent un moyen d‟éducation religieuse en même temps, ils interpellent les fidèles à se
conformer aux principes de l‟islam, à bannir l‟orgueil, la vanité et à respecter tous les êtres
vivants. Les chants religieux visent à éduquer la communauté. Par rapport à l‟authenticité
189
de ces chants, nos informateurs affirment que Mahaman Diobbo est sans aucun doute leur
auteur :
« D’abord ce n’est pas du zarma courant et les formes canoniques du soηey de Gao
et de Tombouctou contenues dans ces chants prouvent si besoin est qu’ils ne
viennent pas de Sokoto et qu’ils ont été bel et bien produits par Mahaman Diobbo.
Cet accent soηey prédominant dans les chants n’est du tout pas étonnant quand
l’on sait que l’auteur a séjourné une vingtaine d’années en pays soηey notamment
à Gao (Mali actuel et à Larba (Téra/Niger), avant de se fixer à Say. Si ces chants
provenaient de Sokoto, les mots haoussa ou peul seraient prédominants, ce qui
n’est le cas »1.
divin par un érudit peul a été mal interprétée par les Bittinkoobé :
« L’adoption de cette langue par Alfa Mahaman Diobbo dans le seul but de diffuser
le message islamique fut d’ailleurs la cause de l’hostilité des Peul de Lamordé à
son égard, lors de son escale à Neni. C’était, pour eux, une aliénation d’autant plus
intolérable qu’elle venait d’une autorité morale. Leur hostilité devint alors
tellement vive qu’ils en sont arrivés à enlever et à vendre comme captifs deux des
disciples de Mahaman Diobbo. Dans le chant 1 de notre corpus « Uruufaba », ce
dernier avait fait allusion aux comportements des gens de Lamordé (chant1 : vers
120 à 125) qu’il juge tout à fait incompatible avec une foi sincère. Car, pour lui il
n’y a que la foi qui compte. S’il avait quitté le Macina natal, c’est pour contribuer
à la diffusion de l’islam. Et pour atteindre cet objectif il était prêt à adopter tout
comportement, culturel ou autre ; pourvu que le message passât. Pour lui toute
langue comme toute autre spécificité ethnique ou même raciale n’est que moyen
dont meilleur usage ne pourrait en être fait qu’en matière de culte. Car, devant
Dieu il n’y a d’identités autres que croyant ou non- croyant »2.
Le chant Hunde- beerey ou l’orgueil (chant 7) de notre corpus s‟adresse en premier lieu à
un des fils de Mahaman Diobbo. « Abdoulwahidou qui ne respecte du tout pas son demi-
frère, Boubacar dit modibbo malgré ses qualités intellectuelles certaines. Il se fait très
orgueilleux vis-à-vis de son demi- frère. Ce qui n’est du tout pas du goût de leur père qui
aime tant ce dernier »3. Nous avons à titre d‟exemple, ces quelques vers de ce chant :
190
Hunde- beerey nga no ay ga hoy dooni wo ra C‟est l‟orgueil que je pourfendrai dans ce
chant
Dernier
Ya bunay, ma hundi ye ganda Koy se O mon enfant, fais- toi humble devant le
Seigneur
Hunde – beeray si di nga Koy alcioyooma Car l‟orgueil ne mènera point à Dieu au Jour
Dernier
Ya bunay, si dokoray ni nayze folloη O mon enfant, ne déconsidère pas tes proches
Dokorayka ga tun suba baabu daama Qui déconsidère les gens se trouvera, Demain,
embarrassé
Ya bunay, si hortu mo hundi kulu ga O mon enfant, ne sois pas méchant envers les
Hundi horta ga tun suba baabu jirma L‟âme méchante sera ressuscité Demain sans
honneur
Tous les témoignages que nous avons recueillis sont concordants et présentent Mahaman
A un moment où nos sociétés sont secouées par des violences (conflits fonciers
inexplicables surviennent dans nos Etats qui, sont pourtant musulmans, il existe des
mécanismes qui, s’ils sont utilisés, peuvent contribuer à prévenir ces conflits. Les chansons
191
islamiques font partie des mécanismes disponibles »1. Il faut souligner à ce niveau que ces
chants sont des poèmes. Et, leur composition sous forme de poèmes n‟est pas du tout
poétique dont la révélation fit grand effet dans une Arabie fière de sa poésie.
Alfa Agano a appris les chants auprès de son cousin, Hamma Kâto :
« C’est auprès de son cousin Hamma Kâto (surnommé Mâzou- Baaba) qu’Alfa
Agano apprit ces chants religieux (après ses études coraniques). A noter que ce
cousin est plus âgé qu’Agano. Hamma Kâto a ainsi connu les enfants d’Alfa
Mahaman Diobbo. C’est d’ailleurs de Modibo qu’il tient ces chants. Agano lui-
même est de la troisième génération sur l’arbre généalogique de Say, son grand
père étant l’un des compagnons du fondateur de Say »2.
Il faut à ce niveau saluer Alfa Agano, qui malgré le poids de l‟âge et son infirmité, fut le
effet, non voyant de sa naissance, il avait eu à mémoriser le Coran. Ce qui prouve le mérite
de cet homme qui devait par la suite mémoriser ces chants qu‟il déclamait à des occasions
déclamait aussi sur demande, ce qui donnait lieu à des veillées dans les familles qui
l‟invitaient. Ces invitations dépassaient d‟ailleurs les limites de Say : « Agano dit avoir été
Très attaché à ce riche patrimoine légué par ses parents, cet érudit a durant toute sa
vie lutté pour que la jeune génération s‟intéresse à ces chants mais en vain. Cette
inquiétude d‟Agano est fondée car quelques années après sa mort, aucun Alfa de la ville de
192
Say ne sait chanter ces chants. Tout ce patrimoine allait disparaitre n‟eût été l‟engagement
d‟un homme, Diouldé Laya qui a eu l‟ingénieuse idée d‟enregistrer ces chants en 1968
avant la mort d‟Alfa Agano. Ils sont actuellement disponibles à la sonothèque de l‟IRSH
mais, l‟état de conservation de la bande sur laquelle 23 chants ont été enregistrés laisse à
d‟autant plus nécessaire surtout que les détenteurs des informations ne sont plus de ce
monde.
La poésie occupe une place de choix dans ce qu‟on peut appeler la bibliothèque
islamique en Afrique de l‟Ouest. Tous les grands leaders du Jihad Al – Hajj Omar,
Ousman Dan Fodio, Sékou Amadou… étaient des grands poètes. Elle était un moyen de
communication par lequel les grands intellectuels débattaient des questions politiques,
religieuses et philosophiques. Les poèmes d‟Ousman Dan Fodio sont récités par les talibé
certain dans les sociétés islamiques. Dans un milieu où la majorité de la population ne sait
Les chants religieux ont un aspect pédagogique car chantés dans la langue du terroir,
l‟objectif visé est la recherche de l‟adhésion de l‟auditeur à l‟islam avec pour but ultime
193
son salut. Pour ce faire, le contenu des chants est minutieusement préparé car l‟auteur doit
concevoir un récit qui fortifie l‟âme et qui interpelle l‟esprit. C‟est ainsi que la plupart des
chants religieux tournent autour de la mort et l‟intensité avec laquelle elle est annoncée ne
laisse personne indifférente. En dehors de la mort, plusieurs aspects de la vie courante sont
abordés. Il est important pour tout musulman de connaître l‟importance du Zikr. Pour s‟en
convaincre faisons recours aux versets du saint Coran : « Souvenez- vous d’Allah, assis ou
couchés » (Sourate 4 An- Nisa V, 103). Une autre sourate : « C’est bien dans le Zikr
d’Allâh que les cœurs trouvent la quiétude » (Sourate 13 Ar- Rad V, 28). Les sourates du
Coran qui soulignent les vertus du Zikr sont nombreuses d‟où l‟importance de la collecte
des œuvres déjà connues. Ces chants contiennent des leçons de sagesse et des invocations
Sur le plan littéraire, ces chants religieux sont tous des poèmes en vers avec des
rimes régulières. Les limites des strophes sont claires avec une richesse exceptionnelle sur
le plan rythmique, avec des figures de style. Le penchant de l‟érudit de Say pour la poésie
s‟explique aisément quand on sait le rôle que celle-ci a joué dans la révélation. Avant cette
dernière, la poésie était en vogue en Arabie. Les chants religieux constituent la preuve que
Mahaman Diobbo est un alim ayant eu une large culture islamique. C‟est un moyen
indispensable pour la propagation de toute religion car ils facilitent et rendent agréable
plus authentique, en ce sens que le saint Coran a d‟abord frappé les esprits et les âmes par
sa perfection poétique. Il est donc normal que les chants religieux fleurissent dans toutes
les communautés musulmanes. L‟esthétique contenue dans ces chants n‟est qu‟un moyen
194
Le corpus présente une variété de textes : du narratif, du descriptif, de l‟explicatif…
texte narratif. L‟auteur y fait le récit, tel que prévu par les textes religieux, de ce jour
désigner ce jour redouté des âmes, car elles y rendront compte de toutes leurs œuvres,
bonnes ou mauvaises. Un autre aspect qui montre la richesse de ces chants sur le plan
littéraire, c‟est la gravité du ton dans la plupart des textes. Cette caractéristique s‟explique
par les thèmes dont le plus dominant est celui de la mort. Celle- ci est en effet, le thème
central de plusieurs textes. Et à chaque fois, il est fait des récits et des descriptions tous
affligeant les uns et les autres. Cette gravité du ton vise à toucher la sensibilité du fidèle
afin de l‟amener à méditer profondément sur ce « Jour des Comptes ». L‟auteur dans ces
trois vers du chant 2 (49 -51), nous donne une idée des conditions dans lesquelles les âmes
seront ressuscitées :
général a suscité partout où il est diffusé de vives admirations. A Say, les chants religieux
constituent un riche patrimoine légué par Alfa Mahaman Diobbo. Malheureusement, de nos
jours peu d‟intérêt est accordé à ces chants comme l‟attestent les conditions dans lesquelles
tombe régulièrement en panne. Raison pour laquelle nous avons passé des mois avant de
195
pouvoir écouter tous ces chants religieux. Pire, à Say, nous n‟avons rencontré aucun Alfa
capable de réciter ne serait- ce qu‟une strophe de ces chants. Nous nous sommes même
quartier et descendant de cet érudit nous a clairement dit ceci : « Jeune homme ne perds
ton temps à chercher dans cette ville, celui qui sait chanter les chants légués par Alfaga et
Modibo1. Le dernier Alfa de la ville à les mémoriser est Agano et, il est décédé depuis
longtemps ». Ces propos d‟imam Abdoulsalam Soumaila, prouvent l‟urgence qu‟il y a pour
les chercheurs à collecter le plus rapidement possible les informations sur notre passé
auprès des détenteurs encore vivants de la tradition orale. Si Diouldé Laya n‟avait pas eu
l‟intelligence d‟enregistrer ces chants auprès du dernier de la lignée à les avoir mémorisés,
ce serait tout un pan de l‟histoire de notre pays qui aurait disparu. A la question de savoir si
ces chants ont réellement été composés par Mahaman Diobbo, Abdoulsalam Soumaila a
répondu :
« Ces chants ont été effectivement composés par Alfaga et Modibo car chaque
chant à une histoire c'est-à-dire nous savons le lieu et les circonstances dans
lesquelles il a été composé. Le chant urufaaba de Mahaman Diobbo a été composé
sur l’île de Neni suite à une terrible sècheresse »2.
Sur le plan philosophique, les chants religieux ont une portée réelle. Il s‟agit de
chants d‟assistance morale aux membres de la communauté mais aussi, d‟un constant
rappel au devoir (la soumission à Dieu). En effet, l‟adoration de Dieu est précédée de la
connaissance divine. Sans connaissance d’Allah, il n‟y a pas d‟adoration. Et, ces chants
développent des thèmes importants tels que, la soumission à Dieu, la sincérité dans les
thèmes développés visent l‟éducation des individus car la qualité de tout groupe humain est
1 - Alfaga: il s‟agit de Mahaman Diobbo et Modibo, c‟est son fils et successeur, Boubacar.
2 - Entretien avec Abdoulsalam Soumaila imam de la mosquée de Zooronay à Say le 12/12/07.
196
fonction des individualités qui la composent. La formation des individus pour qu‟ils
comprennent leur religion afin de bien faire l‟adoration est un devoir pour tout ‘’alim’’.
L‟adoration de Dieu est en effet, clairement énoncée dans le Coran : « Je n’ai créé les
Dans les textes apparaît une variété de traits de caractères dont deux nous semblent
Pour Alfa Mahaman Diobbo, la paresse est un défaut que tout bon musulman
doit combattre par l‟amour du travail. C‟est pourquoi ce dernier est un sujet constant dans
la plupart des chants religieux. Il est présenté comme une exigence pour tout être humain
dévotion à Dieu. Et, c‟est par lui également que l‟homme acquiert son autonomie, son
indépendance et même sa notoriété. Dans ses chants, l‟auteur exhorte l‟auditoire non
physiques et surtout d‟activité licite. Nous avons un exemple dans le chant 4, vers 41 à 44 :
1 - Entretien avec Soumana Abdourahamane, Chargé des Affaires Culturelles à l‟ambassade des Etats- Unis
le 05/12/09 à Niamey.
197
« Da ni si ba ma jaase Si tu veux éviter le déshonneur
l‟homme. Il est la condition de son honneur, car le travail assure l‟indépendance. L‟idée du
défrichage dans le second vers, vise à créer des conditions optimales de l‟accès à la
propriété foncière ; car un morceau de terre pris en bail expose l‟exploitant aux humeurs du
bailleur. Les deux derniers vers de la strophe précisent la mise en valeur des terres
recommandées par l‟auteur qui distingue deux types de cultures : la culture de subsistance
et le jardin. Ici, il faut noter la haute vision de ce lettré musulman, car le jardin constitue un
palliatif pour le travailleur et le met à l‟abri des caprices du climat. En effet, en cas de
travail physique envisagé par l‟auteur assure une indépendance à la fois foncière,
à la concentration, au retour sur soi ; le travail physique crée ainsi les conditions propices
au travail intellectuel et spirituel. Dans ce contexte, Abu- Obaϊd a entendu Abu Horaϊra
s‟exprimer ainsi : L‟Envoyé de Dieu a dit : « Aller chercher une charge de bois et la
rapporter sur son dos vaut mieux pour chacun de vous que de demander quelque chose à
quelqu’un, qu’il vous donne cette chose ou qu’il vous la refuse » (El- Bokhâri, 1984 : 11).
Dans les chants religieux, le rapport est très étroit entre activités physiques, intellectuelles
198
et spirituelles. Toujours dans le chant 4, vers 13 à 16, l‟auteur utilise une image pour
Cette métaphore du champ confirme l‟idée que tout travail licite est d‟abord un acte de foi
voué à Dieu. Ensuite, le rapprochement établi entre le champ et la religion signifie que les
bienfaits sont au bout de l‟effort. Autant on ne tire de profit d‟un champ qu‟après l‟avoir
travaillé, autant la foi ne profite à l‟homme que s‟il œuvre dans ce sens, avec tout ce que
cela signifie d‟efforts. La valeur de la métaphore est ici de donner aux auditeurs une image
expressive la plus proche de leur réalité pour les convaincre de la nécessité d‟un effort
L‟islam est une religion qui a toujours prôné la modération en toute chose et
contrairement à l‟image véhiculée par une certaine opinion en Occident selon laquelle
l‟islam est une religion d‟intolérance et d‟extrémisme. L‟islam tel qu‟enseigné par le
prophète Mohamed est une religion universelle dont le message transcende le temps et
l‟espace et qui propose aux hommes un ordre social régi par les lois divines, sources de
199
modération en insistant sur trois domaines : le déplacement, le propos et l‟alimentation.
La modération prônée par l‟auteur dans les déplacements est précisée dans les vers 45 à 52
du même chant :
Comme on le constate, ce sont les déplacements dits méritoires que l‟auteur met en
exergue. En cela, l‟auteur de ce chant, Mahaman Diobbo, est un exemple pour avoir
1 Jihaadi : Ici, le mot Jihad désigne toute action accomplie pour raffermir sa foi. Contrairement aux idées
réductrices, Jihad ne signifie pas exclusivement guerre au sens militaire du terme. Dans ce contexte précis, il
inclut des voyages d‟études ou de diffusion de l‟islam, l‟assistance apportée aux nécessiteux, les réalisations
d‟ouvrages d‟intérêt collectif (mosquées, puits…..).
200
parcouru une bonne partie du territoire du Mali actuel et de l‟Ouest du Niger (voir carte de
L‟auteur incite les gens à la modération dans le propos. La langue est en effet, un
organe susceptible de grande nuisance à autrui. Et, le prophète a souvent attiré l‟attention
des musulmans sur cet aspect ainsi que le rapporte ce hadith : « Le vrai musulman est celui
dont aucun autre n’a à redouter ni la main ni la langue ». Aussi, la modération dans le
propos est une recommandation sans cesse rappelée dans la plupart de ces chants.
L‟image du cheval, un animal naturellement fougueux, que l‟auteur évoque ici, c‟est pour
étayer la capacité de nuisance de la langue. Cela signifie qu‟il faut nécessairement dompter
sa langue, savoir la retenir pour ne pas en souffrir, tout comme le cavalier tire sur la bride
pour ne pas subir la fougue de sa monture, l‟homme doit tout faire pour bien contrôler sa
langue. Dans la seconde strophe, nous avons des détails sur quelques nuisances de la
langue. Comme le dit le proverbe haoussa : « La langue est comme une hache, il faut
201
savoir la contrôler ». Et, plusieurs hadiths s‟insurgent contre les nuisances de la langue
car elles peuvent compromettre nos mérites. D‟ailleurs ne nous enseigne-t-on pas qu‟on
vivre, l‟homme doit manger mais il est dangereux d‟en faire une fin. Même dans les contes
Farka buzugu nga gunde ra Son ventre recouvre une panse d‟âne »
Ici, la gourmandise est présentée comme un défaut qui altère la dignité de l‟être comme le
Mahaman Diobbo serait mort vers 1834 après avoir fait de Say, l‟un des centres
intellectuels les plus importants de l‟Ouest du Niger. La chanson islamique était en vogue
au XIXe siècle dans tous les centres religieux de l‟espace nigérien. Shaykh Ousmane Dan
Fodio avait composé plusieurs chants religieux parmi lesquels, le chant intitulé Gimmul
chanson au XIXe siècle dans l‟éducation religieuse des hommes. Les chants visent à
202
toucher les cœurs des fidèles afin de les amener à craindre Dieu et à se repentir
religieux, rappelons – le, est le meilleur moyen pour faire passer directement le message
de Dieu.
Sur le plan intellectuel, les chants religieux mettent l‟accent sur la culture de
l‟esprit. Les exhortations à la quête du savoir y sont nombreuses et très explicites. Exemple
de la balance
Ma naŋ ni da ma boori takey se gumo Aie de bonnes intentions pour tes semblables
Ma naŋ ni da ma boori ni goy yoŋ kuna Aie des bonnes intentions dans tout ce que tu
œuvres
pas mécréant »
Ce chant d‟Alfa Mahamane Diobbo intitulé les « bonnes œuvres » a été entièrement
consacré aux actes méritoires. Dans cet extrait, le savoir est mis en avant parmi les quatre
Dernier. L‟auteur insiste et encourage les gens à la quête du savoir, surtout le savoir utile.
203
En apprenant aux auditeurs les actes méritoires, ce chant est d‟un apport important pour la
culture d‟esprit. Le savoir permet à l‟homme d‟assumer son destin en tant qu‟individu et en
tant que fidèle d‟une religion vis-à-vis de laquelle il a des responsabilités. De nombreux
versets du Saint Coran insistent sur l‟importance du savoir. Le premier verset révélé au
Le succès de Mahaman Dobbo est surtout lié à son comportement d‟homme de paix et
de Say, un havre de paix, ce qui va attirer des populations venues d‟horizons divers faisant
ainsi de cette ville, un carrefour sur le plan religieux et commercial. Say devient ainsi, le
plus grand centre d‟études islamiques de l‟Ouest du Niger au XIXe siècle. Mahaman
Diobbo est un érudit qui a marqué l‟espace allant du Dendi à Gao par son aura :
Son penchant pour le chant s‟explique par le fait qu‟il constitue un auxiliaire indispensable
car il facilite la diffusion de la religion et rend agréable son assimilation. Son chant sur le
Jugement Dernier pénètre l‟âme et interpelle l‟esprit. Le chant est un moyen d‟éducation
religieuse efficace utilisé par cet érudit pour atteindre la grande masse. L‟idée d‟enseigner
la religion par le chant procède d‟un tact pédagogique évident car partout au monde, le
chant est destiné au peuple et c‟est pourquoi le fond et la forme sont minutieusement
étudiés afin de le mettre à la disposition de l‟auditoire. Ceci pour donner au message toutes
1 - Archives des Etudes Nigériennes no 16 (IRSH) : Historique du cercle de Say par Taillebourg, 1912, p. 12.
204
de la qualité de sa production. Son succès s‟explique par son attachement à un islam
Ce qui fait la singularité de Mahaman Diobbo, c‟est son option pour la non violence
dans un contexte marqué surtout par des conflits armés. Le refus de faire la guerre a fait sa
renommée au niveau des populations essoufflées par les conflits. Son succès s‟explique
aussi par les médiations qu‟il a menées et son sens profond de justice et d‟équité. Il a réussi
à faire de Say, le plus grand centre d‟études islamiques de l‟Ouest nigérien au XIXe siècle.
Nous pensons que si l‟œuvre de cet alim a eu du succès, c‟est à cause de son option pour la
non violence. Même ceux qui ont opté pour le Jihad, sur le terrain, le bilan est mitigé.
Contrairement à ses contemporains, Mahaman Diobbo n‟a pas laissé d‟écrit mais, il
a légué des textes oraux qui sont des poèmes. Ces derniers appelés Caw dooni (Chants
religieux) en zarma sont des traités sur la vie du musulman dans sa cité. Tous ses poèmes
interpellent le fidèle à préparer sa vie dans l‟au- delà : ils montrent au musulman comment
se comporter dans la société, le chemin à suivre pour avoir le Salut… Son penchant pour
la poésie s‟explique par le fait tous les grands acteurs du Jihad l‟ont utilisée comme
dans la langue du terroir est facile à retenir même pour les illettrés. Son chant sur le
Jugement Dernier pénètre l‟âme et interpelle l‟esprit. Le chant est un moyen d‟éducation
religieuse efficace utilisé par cet érudit pour atteindre la grande masse.
Mahaman Diobbo n‟a certes pas laissé d‟écrits mais, pour nous l‟intellectualisme
n‟est pas forcément lié à l‟écrit, c‟est une réflexion sur le monde. Le fait qu‟il soit
l‟auteur de textes oraux qui sont de véritables traités sur la vie du musulman fait de lui un
intellectuel. Le fait aussi qu‟il ait opté pour la non violence comme mode de conversion
des fidèles, nous confirme la hauteur de vue de l‟auteur. Et, nous le classons dans la
205
catégorie d‟intellectuels que Kane (Kane, 2003) qualifie d‟ « intellectuels non
europhones ».
206
Carte No 8 : Aire d’influence de Mahaman Diobbo
207
Chapitre IX : L’œuvre des successeurs d’Alfa Mahaman Diobbo
Après la mort de l‟alim vers 1834, ses fils vont le succéder. Ils vont essayer de
maintenir tant bien que mal le rayonnement de Say sur le plan religieux et économique.
chapitre abordera l‟œuvre des successeurs de Mahaman Diobbo, les rapports entre Say et le
monde musulman, le rôle joué par ce centre dans l‟islamisation des populations de l‟Ouest
du Niger.
Parmi ses successeurs, Boubacar est présenté comme celui qui a les mêmes traits de
caractères que son père. Selon la tradition locale, ce sont ses qualités morales et
intellectuelles évidentes qui ont poussé l‟érudit à porter son choix sur lui et non sur son
Malgré l‟entente cordiale au sein du cercle des ouléma, Mahaman Diobbo n‟a pas
laissé au groupe collégial (groupe d‟érudits) formé autour de lui, la latitude de choisir par
consensus son successeur après sa mort. Au niveau de sa famille même, il a porté son
choix non pas sur son fils aîné, Sidi mais sur son petit frère, Boubacar. Sentant ses forces
l‟abandonner, il a envoyé l‟aîné de ses fils à Sokoto avec un message contenu dans une
enveloppe scellée. Dans ce message, il informe les autorités de Gwandou qu‟il a porté son
choix sur son fils Boubacar dit Modibo pour le succéder et leur demande par conséquent
d‟entériner ce choix. Alors que d‟habitude, tous les sujets qui engagent la vie de la cité
208
sont débattus et traités par le groupe collégial et les solutions trouvées ont toujours été
consensuelles. Cette anticipation pour désigner son successeur ne procède- t- elle pas d‟une
Comme à Sokoto et dans tous les grands centres religieux, les dirigeants se sont
arrangés à léguer le pouvoir à leurs descendants. Mahaman Diobbo n‟a pas échappé à cette
logique. Il a empêché à son fils aîné de le succéder. Pourtant, c‟est lui qu‟il a envoyé à
« Sentant ses forces l’abandonner, Alfa Mahamane Diobbo envoya son fils aîné
Sidi Alpha Mahamane Diobbo avec un message officiel à Sokoto cacheté et scellé.
Sidi qui ne pensait qu’à remplacer son père au pied levé, s’est précipité à Yaouri
(Nigeria) en pirogue. De Yaouri, il prit des chevaux jusqu’à Sokoto. Arrivé à
Sokoto, il remit le message officiel au Sultan qui était en même temps le suzerain du
royaume de Say. Après lecture du Message, le Commandeur des croyants, Sultan
de Sokoto, aurait dit à Sidi : « Restes ici, je vais dans un village, à mon retour, je te
donnerai la réponse » (Cissé, 2001 : 24).
Les autorités de Sokoto dépêchèrent aussitôt des émissaires mais ces derniers
n‟avaient pas trouvé Mahamane Diobbo en vie. Ils assistèrent à l‟enterrement de ce dernier
l‟intronisation de Boubacar, Sidi fut remercié par l‟émir de Sokoto qui l‟invita à rentrer à
reconnaitrais jamais un tel pouvoir ». Il quitta alors la cour pour créer sa propre cour qui
209
Say : Fada- Beyri où règne le roi de Say, et Fada Kaina, notre quartier où règne
les descendants de Sidi » (Cissé, 2001 : 24).
L‟auteur exagère quand il assimile Say à un royaume. Ce centre d‟études
islamiques n‟est ni un royaume ni un émirat, c‟est une entité socio- politique à la tête de
laquelle se trouve un leader religieux qui porte le titre d‟Alfaizé (après la mort du
fondateur). Il faut souligner à ce niveau qu‟il est un descendant de Sidi et selon lui, c‟est le
penchant de son grand père pour la guerre qui constitue la principale raison pour laquelle
« Son fils aîné, Sidi, bien qu’étant lettré en arabe était surtout un guerrier
farouche, intrépide, vaillant, téméraire et réputé invincible sur les champs de
bataille. Aussi le « Wali1 » nourrissait- il quelques appréhensions pour la
propagation de l’islam dans sa région. Car contrairement à la « Jihad islamique »
plus ou moins en vogue à ce moment là, il souhaitait une adhésion à l’islam par la
persuasion et le consentement volontaire du fidèle » (Cissé, 2001 : 21).
Nous ne savons pas d‟où est- ce que l‟auteur tire toutes ces qualités guerrières qu‟il
attribue à son grand père car Say est avant tout, un centre de propagation de l‟islam qui ni
armée ni police. En plus, Say n‟a jamais fait la guerre. Comment un homme issu d‟un tel
Selon les descendants de Boubacar, si le fondateur de la ville de Say a porté son choix
sur leur grand père, c‟est parce qu‟il remplit les conditions pour diriger un centre d‟études
islamiques. Sur ce plan, tous les témoignages concernant Boubacar concordent quant à
l‟identité de caractère entre son père et lui. Il est aussi présenté comme un Wali par la
population de Say.
Il est généralement considéré comme celui qui a véritablement régné sur le centre
d‟études islamiques de Say car son père, Mahaman Diobbo n‟a jamais voulu du titre
1 - Wali : Il s‟agit de Mahaman Diobbo. Contrairement à la tradition populaire, le wali n‟est pas un faiseur de
miracle mais un saint.
210
d‟Amirou et n‟a pas cherché à se faire investir par les autorités de Gwandou. Sa seule
préoccupation était sa mission religieuse, tâche à laquelle, il avait consacré toute sa vie.
Pendant les vingt six ans (26 ans) qu‟il passa à la tête de Say, Boubacar contribua à
Say, un foyer d‟attraction très important. Comme son père, Boubacar fut un pacifiste qui a
convaincu par l‟exemple. Selon Alfaizé Amadou Issa Cissé, chef de canton actuel de Say :
« Alfa Mahaman Diobbo n’a jamais régné sur cette cité, il a certes exercé son
pouvoir spirituel et son magistère moral car tout comme Ousmane Dan Fodio, Alfa
Mahaman Diobbo n’était pas un chef, mais un guide. C’est son fils, Boubacar qui
commença à régner sur Say avec le titre de ‘’Alfaizé’’ et ce, 26 ans durant»1.
père. En effet, il va faire de Say une plaque tournante de l‟érudition pour les milliers de
politique, son œuvre se caractérise surtout par le raffermissement des liens entre Say et
Sokoto d‟une part et Say et Gwandou d‟autre part. Malgré ce poids politique, Boubacar est
resté attaché à la ligne de conduite de son père, la non violence. En effet, quand Mohamed
Abdoulaye (fils d‟Abdoulaye Dan Fodio) a sollicité son aide pour combattre les
Ces propos montrent la hauteur de vue de Boubacar, qui tient à suivre la ligne de
conduite de son père. En effet, ce dernier disait toujours ceci ; Ay si boro ŋwa, boro si ay
211
ŋwa autrement dit : je n‟agresse personne et personne n‟ose m‟agresser. Et, Modibo
étant toujours à ses cotés, imita l‟exemple de son père sur tous les plans.
« Modibo fut un homme d’une grande culture islamique. En dehors des écoles
coraniques créées par son père, il a ouvert plusieurs autres écoles à Say et dans les
villages se trouvant dans sa sphère d’influence. Il va chercher à se faire introniser
Amirou par les autorités de Gwandou. C’est sous son règne que le poids politique
de Say a été renforcé. Avec la chute de Tamkalla, ce centre d’études islamiques est
devenu le représentant de Gwandou dans l’Ouest du Niger. Ce rôle politique
dévolu à cette ville a renforcé les activités religieuses et économiques. Comme son
père, il a rédigé plusieurs chants religieux parmi lesquels fooma (vanité),
Muhammadu (le prophète), Muumuni Woyey (les croyantes)… C’est sous règne
que Say est devenu véritablement un carrefour sur le plan religieux et
économique »1.
Comme sous le règne de son père, on distingue trois niveaux d‟enseignement que
Après ce niveau élémentaire qui consiste à identifier les lettres, à lire, à écrire et à
dans son village pour ouvrir une école ou d‟intégrer le troisième niveau, celui de la
formation des formateurs : « Ce niveau se trouve dans la cour de la grande mosquée et est
212
dirigé par l’imam des imams. C’est le stade d’approfondissement des connaissances
religieuses »1.
Généralement, la plupart des talibé ne dépassent pas ce niveau car ils fréquentent ces
écoles pour apprendre juste quelques versets indispensables à la prière. Ce sont les élèves
issus de familles de lettrés musulmans qui vont jusqu‟au niveau supérieur parce que le
savoir permet à cette époque d‟accéder aux plus hautes fonctions. Sous le règne de
Boubacar tous les stades étaient très actifs. Il y avait une véritable ferveur religieuse dans
« Boubacar s’était surtout attelé durant son règne à faire rayonner la ville de Say
sur le plan religieux. Pendant la saison sèche, les talibé venaient des villages
environnants de Say (Torodi, Lontia, Diongoré…), mais aussi des contrées
lointaines telles que le pays Soηey, Wogo, le Zarmaganda… En dehors des élèves,
plusieurs maîtres s’y rendaient pour approfondir leurs connaissances. Say était
devenu, un véritable pôle d’attraction sur le plan religieux »2.
Après Boubacar, ses successeurs vont s‟efforcer à maintenir cette ferveur religieuse.
Ces trois niveaux, on les retrouve presque dans tous les centres d‟études islamiques en
Afrique. Mais dans des grands foyers religieux (Sokoto, Gao…), il y a des grandes écoles
sciences secrètes…
213
II- Les successeurs de Boubacar
ville de Say choisit son frère, Abdourahamane pour le remplacer. Il régna sur Say de
1860 à 1872. Comme son prédécesseur, son intronisation se déroula en présence des
Gwandou. Il faut signaler à ce niveau que, même si le dirigeant est toujours choisi au sein
de la famille de Mahaman Diobbo, des critères sont définis pour accéder au trône. Il s‟agit
surtout du critère religieux qui met en avant à la fois les capacités intellectuelles mais aussi
les qualités morales des candidats. En effet, pour diriger un centre d‟études islamiques
comme Say, il faut un homme qui a non seulement une large culture islamique mais aussi
qui est moralement irréprochable. Abdourahamane est jugé apte par le conseil des ouléma
à assumer une telle charge. Selon la tradition locale, durant ses douze années de règne, il
n‟a pas failli à la mission qu‟on lui a confiée. Il s‟est efforcé de garder l‟image de marque
de la cité religieuse, afin que Say puisse continuer à jouer son rôle sur le plan religieux et
économique :
214
2- Les autres Alfaizé et le début de la fin d’une époque
succédé à la tête du centre d‟études islamiques ont été choisis par le conseil des ouléma de
la ville. Ce conseil composé par les imams des différents quartiers de Say a toujours été
guidé par le souci majeur de choisir parmi les descendants d‟Alfa Mahaman Diobbo un
C‟est ainsi que, les Alfaizéqui se sont succédé sur le trône de Say depuis
Au début de la pénétration coloniale française, Say fut occupé sans conquête sous
le règne d‟Amadou Satourou Modibo, petit fils de Mahaman Diobbo. Say fut érigé en
cercle autonome en 1902. Le premier poste de Say a été inauguré par le lieutenant Pelletier
en 1897. Ce dernier, dès son arrivée fixa son campement sur l‟île de Talibiya (à quelques 5
abandonna l‟île pour s‟installer à l‟actuel emplacement de la préfecture. C‟est ainsi que,
des quartiers comme Goungo-Bon, Bonfeba, Modibadjé seront déplacés et le terrain sera
occupé par l‟administration coloniale. En 1902, Say devient un cercle autonome rattaché
215
territoires qui constituaient le cercle de Say et l‟ancienne subdivision de Téra. Le cercle de
l‟enseignement de type européen, les enfants de la ville et surtout les descendants des
souverains sont envoyés à l‟école coloniale et, le temps consacré à l‟étude du Coran a été
considérablement réduit. Par conséquent, les jeunes n‟ont pas le niveau de leurs aînés et
Say amorça ainsi son déclin en tant que centre d‟études islamiques. Et les populations
n‟ont plus en mémoire que le passé glorieux de la ville. En plus, ce sont les échanges qui
«Les marabouts de Say étaient en rapport avec ceux de Sokoto, correspondant par
l’intermédiaire de divers émissaires talibé, marabouts itinérants ou simples
colporteurs caravaniers sur les questions religieuses. Il semble que leur instruction
religieuse ait été assez élevée. Cependant leur enseignement n’était qu’un
enseignement de premier degré et leurs talibés les plus doués allaient continuer et
compléter leurs études, soit à Gao pour les études littéraires, soit à Zinder, pour les
études exégétiques. A l’arrivée des français, ces relations cessèrent et la décadence
qui devait frapper Say au point de vue commercial devait aussi l’atteindre au point
de vue religieux» (Marty Paul, rapporté par Idrissa, 1987, vol4 : 455).
grands centres intellectuels n‟était pas uniquement perceptible à Say, on note la même
tendance au niveau de tous les grands centres d‟études islamiques de la colonie du Niger.
Selon Marty Paul : «La conséquence majeure de la politique coloniale résidait dans ces
brisait en même temps l’audience des plus grands d’entre eux » (Marty Paul, rapporté par
Idrissa, 1987, vol4 : 456). Cette situation suscita cette remarque de la part de Kimba
216
supérieur et à la recherche » (Idrissa, 1987, vol4 : 456). Comme on le constate, la
colonisation porta un coup dur aux activités religieuses dans le centre d‟études islamiques
Gwandu: «The word Gwandu is a derivation from the Hausa word ‘Gandu’
which originally means a royal farmland inhabited by (farms) slaves. The
village now called Gwandu initially belonged to Kanta the great Sarkin
Kebbi. In this farmland, an overseer (Sarkin gandu) was appointed to
supervise the activities of the gandu and his village gradually grew into a
sizeable settlement» (Magaji, 1986: 12).
Traduction: [Le mot Gwandou dérive du mot haoussa 'Gandu‟ qui signifie à l'origine un
domaine royal, habité et mis en valeur par des esclaves. Le village qui s'appelle maintenant
Gwandou appartenait initialement au grand Sarkin Kanta de Kabi. Dans ces champs, un
surveillant (Sarkin gandu) avait été nommé pour superviser les activités sur le domaine et
ce village peu à peu était devenu un centre important]. Ce fut le fondateur de l‟Etat du
Kabi, Kanta qui initia la création de villages d‟esclaves pour mettre en valeur et à son
profit, les réserves de terres fertiles de son territoire. Plus tard, des Peul attirés par la
fertilité des sols sont venus s‟installer à côté de ce village d‟esclaves. Après la conquête de
Birni -N‟Kabi par les jihadistes, Shaykh Ousmane Dan Fodio implanta une base militaire
dans le village. C‟est un site stratégique qui permet de maintenir l‟influence du Shaykh
dans la zone mais aussi de contenir les assauts des Gobirawa, des Touareg mais aussi des
Kabbawa. Quelques années plus tard, Gwandou sera érigé en base militaire et
administrative de la partie Ouest du Califat suite à la division de cet état en deux par
Ousmane Dan Fodio après la chute d‟Alkalawa : « After the capture of Alkalawa, the shehu
gave all the country west of Gwandu to Abdullah and all the east to Bello » (Hiskett, 1963:
16). Traduction: [Après la chute d‟Alkalawa, le Shaykh a donné toute la partie Ouest de
217
Gwandou à Abdoulaye et toute la partie Est à Bello].Selon Saka Balogun, cette division est
intervenue en 1812: « Earlier in 1812, the Shaikh had divided the Caliphate into spheres of
influence under the supervision of his most senior lieutenants. Abdullah was given
territories west of Sokoto while Muhammed Bello was assigned the Eastern emirates »
(Saka Balogun, 1970: 103).Traduction: [Très tôt, en 1812, le Shaykh avait divisé le Califat
en plusieurs sphères d‟influence sous la supervision de ses plus anciens lieutenants. Les
territoires à l‟Ouest de Sokoto revinrent à Abdoulaye tandis que Mohammed Bello se vit
assigner les émirats de la partie Est]. En réalité, le Shaykh a divisé l‟Etat en quatre parties :
l‟Est échoit à son fils Mohamed Bello, l‟Ouest à son frère Abdoulaye Dan Fodio, le Nord à
Ali Jedo, le responsable des opérations militaires et le Sud à ses deux Abdoulsalam et
cette division ne signifie pas le retrait total du Shaykh de la vie politique, il resta tout de
1817. C‟est après la mort du Shaykh et la querelle de succession qui s‟en est suivie entre
Abdoulaye et son neveu Bello que Gwandou est érigé en entité autonome comme le
souligne Saka Balogun : « He returned to his base of Bodinga disappointed. It was from
this year Abdullah began to control western section of the Caliphate without reference to
Sokoto » (Balogun, 1970 : 107- 108). Traduction : [Il retourna dans sa base de Bodinga très
déçu. Ce fut à partir de cette année là qu‟Abdoulaye commença à contrôler la section Ouest
du Califat sans tenir compte de Sokoto]. Mais, les deux émirs vont se réconcilier plus tard
surtout après la bataille de Kalambaina au cours de laquelle, Mohamed Bello apporta son
appui militaire à son oncle pour mettre en déroute la coalition du Zamfara- Kabbawa-
Arawa et Dendawa :
218
« The military success of Kalambaina restored an atmosphere of understanding
between the rulers. Abdullah now recognized Bello as the caliph and swore
allegiance to him accordingly. The Amir al-Mu’minin, in turn, confirmed the
appointment of Abdullah as the Emir of Gwandou » (Balogun, 1970 : 166).
compréhension entre les dirigeants. Abdoulaye, ensuite reconnut Bello comme le Calife et
lui voua allégeance comme il se doit. Quant à Amir Al Mumin, il confirma à son tour, la
est une dépendance de Sokoto, il n‟en demeure pas moins qu‟il jouit d‟une large
autonomie à cause de la personnalité de son leader qui a joué un rôle important dans les
Sokoto : « The Emir of Gwandu, after his appointment, was free to, and did take his
executive decisions and carried them out without reference to Sokoto » (Balogun, 1970 :
341). Traduction : [L‟Emir de Gwandou, après sa désignation était libre de prendre les
L‟Etat de Gwandou était bien connu dans l‟Ouest du Niger car il y a plusieurs
pays Kourté et Sinder) pour son influence religieuse qui s‟étendait jusqu'à Gao. Selon Saka
Balogun, les Lamido ou Amirou, placés à la tête de ces territoires jouissent d‟une
autonomie de gestion: « For most of the nineteenth century, the running of the emirates of
Gwandu, Birni Ngaure, Say, Torodi, Bittinkogi, Kunari, Yaga and Liptako was seen mainly
[Pendant presque tout le XIXe siècle, la gestion des émirats de Gwandou, Birni-Gaouré,
Say, Torodi, Bittinkodji, Kounari, Yaga et Liptako étaient considérés comme étant sous la
219
Selon cet auteur, toutes les entités socio- politiques qui avaient reçu l‟étendard du
Jihad à Sokoto sont des émirats : « Each of the Jihad leaders in the various localities
which eventually came under Gwandu administration obtained a flag, the symbol of
[Chacun des dirigeants des diverses localités qui sont sous la tutelle de Gwandou a reçu
d‟études islamiques de l‟Ouest du Niger, il est exagéré de les qualifier d‟émirats. Ce sont
plutôt des entités socio- politiques à la tête desquelles se trouvent des leaders religieux.
Ces entités n‟ont pas la dimension et ne disposent pas non plus toutes les institutions d‟un
émirat. Le simple fait d‟avoir l‟étendard ne peut pas faire d‟eux des émirats.
Les autorités de ces centres, envoient à la fin de chaque année à celles de Gwandou
militaire de l‟armée de cet Etat. Il faut souligner à ce niveau que, la défaite du Kabi a été
defeat of Kebbi, enabled the Muslims to move from Sabon Birni in Zamfara Kingdom to
Gwandu town in Kebbi. It was this continuous muslim trek to Gwandu that made possible
15).Traduction: [La défaite cuisante de Kabi a permis aux musulmans d‟avancer de Sabon-
Birni du royaume de Zamfara à Gwandou, ville au Kabi. C‟était cette perpétuelle excursion
musulmane sur Gwandou qui a rendu possible leur installation définitive dans la zone]. La
création de cet émirat ne vise qu‟à assurer une meilleure administration d‟un Califat
devenu très vaste. Mais, la mission des leaders du Jihad reste la même : répandre l‟islam à
travers l‟éducation religieuse des Sarakouna, des juges, des ouléma en un mot de toute la
communauté. Boubou Hama fournit plus d‟informations sur les relations entre Gwandou et
220
«L’importance de Gwandu réside dans ses rapports plus ou moins tenus avec les
Zarma et les peuls du Dallol, de Say, de Lamordé et de Torodi. Le royaume de Téra
allait chercher le turban vert à Sokoto. Rapidement, cet état ne devint plus que
purement théorique et d’ordre spirituel maintenu, d’ailleurs par le relais très
souple du saint de Say, Alfa Mahaman Diobbo, répondant d’Abdoulaye Dan Fodio
dans le‘’Boboye’’, chez les Zarma et les sonŋay du fleuve, du Dendi, du Bargou, de
Téra et de Kokoro» (Hama ,1967 : 160).
Say entretenait des relations privilégiées avec Gwandou. Dans l‟Ouest du Niger,
Gwandou de contrôler les voies du fleuve (surtout celles de la rive droite). Après la chute
de Tamkalla en 1854, les principales voies d‟accès au fleuve sur la rive gauche passaient
sous le contrôle des Zarma, alliés du Kabi. Les autorités de Say devinrent alors, les
« The sack of Tamkala exterminated the emirate. The control of the former territory
of Tamkala in a large and strategic section of Dendi enabled the Kebbi alliance to
blockade the surviving emirates of Gwandu in Gurma country. This blockade
succeded in making passage and communications between Gwandu and these
emirates generally very difficult. It was this difficulty that compelled Gwandu to
delegate her supervisory authority to Say as already noted. The result was Gwandu
cessed to exercice effective control over the surviving emirates West of its capital
from about 1860 » (Balogun, 1970 : 430).
Traduction : [La mise à sac de Tamkalla mit fin à l‟existence de l‟émirat. Le contrôle de
l‟ancien territoire de Tamkalla dans une section importante et stratégique du Dendi permit
à l‟alliance Kabi le blocus des émirats survivants de Gwandou dans le Gourma. Ce blocus
avait rendu difficile le passage et les communications entre ces émirats et Gwandou. C‟est
cette difficulté qui avait contraint Gwandou à déléguer ses pouvoirs de surveillance à Say.
Le résultat, ce que Gwandou avait cessé d‟exercer un contrôle effectif sur ces émirats de
A partir de cette date, seules les autorités de Say étaient intronisées par cet émirat.
Alfaizé de Say intronisait à son tour, les autres Amirou de la région : N‟Dounga, Karma,
Larmordé, Birni N‟Gaouré. Le rôle de représentant de cet Etat avait renforcé l‟influence
221
religieuse de Say dans l‟Ouest du Niger. Les relations entre Say et cet Gwandou s‟étaient
surtout raffermies sous le règne de Boubacar. Selon Alfaizé Amadou Issa Cissé, chef de
canton de Say :
«Alfa Mahaman Diobbo a tout simplement régné en tant que chef religieux et n’a
pas cherché à être sous la coupe directe de Sokoto. Toutefois, il a entretenu de
bonnes relations avec cet Etat grâce à l’échange de correspondances. C’est avec
le fils et successeur, de Mahaman Diobbo, Boubacar nommé comme représentant
du Gwandou dans l’Ouest du Niger que les liens entre Say et cet Etat vont se
renforcer davantage »1.
Balogun Saka confirme les propos de l‟honorable chef de canton en ces termes:
« Modibo, the son and first successor of Jobo is generally regarded as the first
Emir of Say. Wide-spread traditions maintain that, although there was
understanding between Muhammad Jobo and Gwandu, Jobo lived and died as a
religious leader, not as a ruler. Say traditions itself asserts that Modibo was the
first appointed Emir of Say » (Balogun, 1970 : 116).
premier Emir de Say. Des traditions très répandues soutiennent que, bien qu‟il eût une
compréhension mutuelle entre Diobbo et Gwandou, celui- ci vécut et mourut à Say comme
un chef religieux, mais pas comme un souverain. La tradition à Say, elle –même affirme
La plupart des ouvrages qui ont abordé la question tout comme la tradition locale
confirment la version selon laquelle, Mahaman Diobbo n‟a pas cherché à être sous la
coupe de Sokoto :
« Bien qu’au moment de son installation à Say vers 1812, cette localité était déjà
sous la juridiction de Gwandu, Alfa Mahamman Jobbo se garda de se faire
nommer amir par les autorités musulmanes de cette localité, il préféra se consacrer
essentiellement à son travail de propagation d’un islam pur qui se fit exclusivement
de manière pacifique… » (Zakari, 2007 : 96).
1 -Entretien avec Alfaizé Amadou Issa Cissé, chef de canton de Say le 12/12/07.
222
Tous les témoignages que nous avons recueillis à Say confirment cette version. Gwandou
même ne s‟est affirmé comme émirat à part entière qu‟après la mort d‟Ousmane Dan
Emirate in the Sokoto caliphate after the death of Shaikh Uthman Dan Fodio in 1817»
de Sokoto après la mort de Shaykh Ousmane Dan Fodio en 1817]. Les relations entre
Gwandou et Say vont surtout se renforcer sous le règne de Boubacar. C‟est ce dernier qui
ira chercher le drapeau et il s‟est fait nommer en même temps représentant de l‟émirat à
l‟Ouest du Niger. Le poids politique de Say dans la zone va devenir important après la
chute de Tamkalla en 1854. Say va ainsi prendre la relève de Gwandou dans cette zone.
Depuis lors, c‟est l‟émir de Gwandou qui intronise le souverain de Say qui, à son tour
intronise les autres Amirou de l‟Ouest du Niger qui sont sous la tutelle de Gwandou. Selon
Lem :
« jusqu’en 1912, date où cette coutume fut abolie pour des raisons politiques par
l’administrateur Taillebourg, les chefs du canton de Say, successeurs de Mohaman
Diobo, recevaient à leur nomination l’investiture du chef de Gandou et eux- mêmes
donnaient par délégation l’investiture, au nom de ce chef nigérien, à tous les
nouveaux chefs de cantons et de villages soumis à leur influence » (Lem, 1943 :
68).
Traduction :[Ce qui est significatif à propos de Say, c‟est la renommée que Mahaman
Diobbo a donnée à l‟émirat. Cette notoriété a permis à Say d‟avoir l‟hégémonie sur les
autres émirats de l‟Ouest de Gwandou, surtout après la résistance victorieuse des Kabbawa
au milieu du XIXe siècle ]. Ainsi, par délégation de pouvoir les autorités de Say intronisent
les souverains des autres centres d‟études islamiques : « La cérémonie d’investiture, qui
223
consistait dans la remise d’un turban, et qui très probablement continua à s’exercer à
l’insu des autorités françaises, donnait une véritable consécration religieuse aux nouveaux
pour informer l‟émir. Ce dernier envoyait son représentant avec des cadeaux (un boubou,
« Once the candidate had been obsen Gwandu was again informed and resquete to
send the traditional insignia of office, a garment (riga), a cloak (al- kibba) and
turban (rawani). A representative of Emir of Gwandu, the Magajin Gari for most of
the time, went to the emirate with the various articles and other gifts to install the
Emir » (Balogun, 1970: 376 – 377).
Traduction: [Une fois que le candidat est désigné, Gwandou est de nouveau informé et
sollicité pour envoyer les traditionnels insignes de l‟émirat, un boubou (riga), un manteau
(al- kibba) et d‟un turban (rawani). Le représentant de l‟émir, le Magajin Gari pour la
plupart du temps, est chargé de se rendre dans l‟émirat avec divers articles et d‟autres
cadeaux pour introniser l‟émir]. Sous le règne de Boubacar, Say sera désigné représentant
des relations entre Say et Sokoto d‟une part et, Say et Gwandou d‟autre part. La présence
l‟actuel chef de canton, constitue la meilleure preuve de la perpétuation des relations qui
Centre d‟études islamiques par excellence, Say avait entretenu des relations
cordiales avec les grands centres religieux de la région mais aussi ceux des pays voisins
224
(Mali et Nigeria notamment). Il s‟agit surtout d‟échanges de haut niveau entre les ouléma
de Say et ceux venant d‟horizons divers comme le souligne Lem dans ce passage :
« Les marabouts de Say étaient en rapport avec ceux du Sokoto, de Gao, de Dori
et du Liptako, correspondant par l’intermédiaire de divers talibés, marabouts
itinérants ou simples colporteurs et caravaniers, sur des questions religieuses et
politiques. Il semble que leur instruction religieuse ait été assez relevée » (Lem,
1943 : 71).
Au XIXe siècle, Say était un centre d‟études islamiques très important dont
l‟arrivée massive des gens venant d‟horizons divers pour s‟y installer. En plus, les ouléma
de l‟Ouest du Niger qui viennent pour la plupart approfondir leurs connaissances dans la
cité religieuse, on note aussi, l‟arrivée des populations issues des communautés zarma et
peul pour solliciter des prières : « The role of a meeting place which Say began to play
was also facilited by the fame of its founder. Many Fulani and Zabarmawa alike, travelled
to Say to seek the prayers of the pious and mystic Jobo » (Balogun, 1970 : 116).
Traduction: [Le rôle de carrefour que Say a commencé à jouer a également été facilité par
religieuses car durant ce mois, les ouléma de Say, organisent le tafsir1. Cette importance
sur le plan religieux, Say le doit surtout à la personnalité de son fondateur, Alfa Mahaman
Diobbo. Selon Lem, l‟action religieuse de ce dernier a été couronnée de succès, ce qui a
« Sans avoir été à la Mecque, le marabout peulh avait admirablement rempli un tel
rôle. Il avait réussi à créer un foyer religieux rayonnant sur toute la vallée du
Moyen- Niger. Il avait étendu son pouvoir spirituel personnel sur toutes les régions
traversées depuis son départ de Gao » (Lem, 1943 : 68).
225
En dehors de la mission religieuse conduite avec succès, Alfa Mahaman
Diobbo est aussi un juge et un grand médiateur. Selon Sita Akilou : «En dehors des
échanges sur le plan religieux, beaucoup de gens viennent d’horizons divers pour
soumettre leurs litiges au jugement du souverain de Say à cause de son sens élevé de
Say, en plus de Gwandou entretient des relations privilégiées avec Gao. Barth nous
« I had already been informed in Gando that A’bu’ Bakr, two years previously,
had navigated the river with a small flotilla of boats, upward as Gagho or Go’go’,
the ancient Capital of Songhay, and collected tribute from the Fulbe or Fellani
settled near the place, but that he had been prevented by the threatening attitude of
the Tawarek from penetrating any farther. In consequence of this expedition on the
river, made in open baots which where continually filing with water, the governor
was suffering very severely from rheumatism, and was scarcely able to move »
(Barth, 1965 : 178).
Traduction : [J‟avais déjà été informé à Gwandou qu‟Aboubacar, deux ans auparavant,
avait navigué difficilement sur le fleuve avec une petite flottille à la hauteur de Gao ou Go‟
go‟, l‟ancienne capitale du Soηey, et recouvra des tributs auprès des Fulbé ou Fulani
installés non loin de la place, mais qu‟il avait été empêché par l‟attitude menaçante des
Touareg de pénétrer plus loin. La conséquence de cette expédition effectuée sur le fleuve,
dans une embarcation à ciel ouvert qui reçoit de façon continue les eaux des vagues, le
Après la mort de Mahaman Diobbo, beaucoup de fidèles de passage ont fait escale à Say
226
IV- Contribution de Say à l’islamisation de l’Ouest nigérien
Malgré les crises du XIXe siècle, Say qui n‟a ni armée, ni police, exerce une
influence sur une grande partie de l‟Ouest du Niger. La paix qui règne sur l‟île, sa position
augmenter sa renommée. D‟abord, bien avant son arrivée à Say, il était déjà bien connu
dans la zone du moyen Niger grâce à ses nombreuses escales tout au long de son
itinéraire. Et, au fur et à mesure qu‟il avançait vers Say, sa renommée grandissait. A
« Alfa Mahaman Jobbo fut un de ces lettrés migrants que la renommée « d’homme
de Dieu » précédait le long de leurs nombreuses étapes. Sarakollé pour les uns,
peul pour les autres, son appartenance ethnique a été reléguée à l’arrière plan par
sa personnalité et une érudition reconnue de longue date aux Africains soudanais
du clan des Cissé. A ces qualités exceptionnelles s’était ajouté un sens pointilleux
de l’équité et du travail personnel qui le mettait au-dessus des autres modibo
(moadib) et alpha de son temps. L’envergure du personnage allait servir Say qui
devient rapidement le centre économique le plus important entre le pays haoussa et
la boucle du Niger en même temps qu’il s’affirmait comme le foyer intellectuel
reliant les centres religieux de Jenné, Gao et Tombouctou à l’ouest et ceux de
Sokoto et wurno à l’est » (Gado, 1980 : 197).
par le comportement des différentes autorités religieuses qui se sont succédé à la tête de ce
centre d‟études islamiques avant la pénétration coloniale. Selon Alzouma Bazi Cissé :
leur attachement à un islam strictement pacifique fondé sur une conversion volontaire, va
227
faire de Say un havre de paix qui attirera des peuples d‟origines diverses et lui conférera un
caractère sacré. Il faut noter à ce niveau que le XIXe siècle est une période d‟insécurité à
cause des différentes guerres qui ont émaillé cette époque. Les populations essoufflées par
les conflits n‟aspirent qu‟à la paix. Et, la cité de Say est l‟une des plus paisibles de l‟Ouest
nigérien, c‟est pourquoi, elle attire des gens venus d‟horizons divers. L‟attitude d‟Alfa
Mahaman Diobbo explique le fait que les habitants de Say l‟aient surnommé, rappelons- le
„’Alfa Gouma’’, ce qui veut dire „‟le marabout discret‟‟. Say a ainsi brillé grâce à sa
fonction religieuse et la paix y régnait jusqu'à l‟arrivée des troupes de conquête coloniale
qui vont démanteler cette organisation mise en place par le fondateur du centre d‟études
islamiques.
Say occupe une position géographique stratégique sur le fleuve Niger. Et, c‟est
économique important et un nœud caravanier. Il faut signaler que c‟est surtout sous le
économique digne de ce nom verra le jour. Outre l‟aumône et les dons provenant
d‟horizons divers, il institua des taxes et impôts. Bénéficiant d‟un charisme à l‟image de
son père, il fit de Say pendant ses 26 ans de règne (1834-1860), un véritable carrefour sur
Boubacar.
ville est située au bord du fleuve entre Yaouri et Gao d‟une part et entre le Zarmatarey et
le Gourma d‟autre part. Cette position géographique fit de cette ville un des marchés les
228
« Le fait que Say soit au bord du fleuve, entre Yaouri (Nigeria actuel) et Gao fait
d’elle non seulement un passage obligé car à l’époque, le fleuve constituait la
principale voie de transport de marchandises mais aussi un point d’escale. En plus,
on vendait un peu du tout des tissus en coton, des céréales, de la cola, des
animaux, des chaussures »1.
« Il est vraisemblable que Say, outre son importance religieuse, était aussi un des
principaux centres de transit commercial du Moyen Niger, situé sur un des points
de passage du fleuve où les gués sont les plus faciles et les plus fréquentés. Toutes
les caravanes venant du nord, du Nord-est et de l’est, de l’Azaoua, de l’Aïr et du
Damergou, devaient y passer pour se rendre à Sansanne Mango, dans le nord du
Togo, et à Salaga, en Gold Coast » (Lem, 1943 : 64).
puis Say au pays haoussa par le Kabi. On peut également emprunter les voies terrestres
comme celle qui permet de relier le Zarmatarey au Gourma : route Kodo- Say-
Tchantchargou. Une autre route permet de relier le centre d‟études islamiques au pays
haoussa, c‟est celle du Boboye qui passe par le Dendi (Boumba) puis le Kabi. En effet,
avant sa décadence, Say était le principal centre commercial du Moyen Niger. Cette
importance économique soulignée par Lem, apparaît encore sous la plume de Diouldé
Sajo :
« En effet, pendant plus d’un demi- siècle, Say est le centre commercial du moyen
Niger. Toutes les caravanes venant du nord et de l’est s’arrêtent ici avant de
continuer leur route vers Sansané Mongo (nord de la République de Togo) pour
chercher de la kola et certains articles d’importation comme les tissus, la
quincaillerie….. Le marché de la ville acquiert une certaine importance. C’est le
lieu privilégié d’approvisionnement d’esclaves, troupeaux, mil, etc » (Sajo, 1982 :
21).
qui a permis à Say de rayonner au XIXe siècle, non seulement sur le plan religieux mais
aussi sur le plan économique. Selon la tradition locale sous le règne de Boubacar (1834-
229
1860), l‟importance était telle qu‟il s‟y tenait tous les jours un marché à Say. Les produits
échangés sur ce marché étaient très variés. Il s‟agit de l‟or, des esclaves, de la cola, des
géographique stratégique du site mais, aussi à cause de la paix qui y régnait. Comme l‟ont
religieuse du Moyen Niger par les autorités de Gwandou rappelons – le, après la chute de
entre Say et le pays haoussa qui portait sur les produits suivants : la cola, les pagnes noirs
et les tissus. Barth souligne la présence de ces commerçants haoussa lors de son passage à
Say en 1855 :
« The market was in many respects better provided than an our outward journey
but with this advantage was coupled the great disadvantage to me personnally that,
a large troop of hausa traders having recently arrived and richly supplied the
market with the manufactures of that region…» (Barth, 1965 : 535 ).
Traduction : [Le marché était, à bien d‟égards que lors de nos voyages passés, mais pour
moi, personnellement, ce grand avantage est couplé d‟un inconvénient ; celui de voir ces
derniers temps de nombreuses troupes de commerçants haoussa envahir le marché avec des
Say entretenait des relations commerciales avec le Borgou (Nord Benin) qui lui
fournissait surtout de l‟antimoine. La ville recevait aussi des produits provenant du Nord
Togo et du Nord Ghana. En dehors des produits, il y avait aussi des esclaves même si la
230
dispose également d‟importantes potentialités agricoles et pastorales qui attirent les
Toutefois le développement de ces échanges sera entravé par le climat d‟insécurité qui
sévit dans l‟Ouest du Niger notamment le conflit armé dans le Dallol. Et, c‟est la
colonisation française qui va donner le coup de grâce et Say perdit ainsi son poids
Le nom du village de Diongoré situé sur la route de la Tapoa rappelle le rôle que cette
ville a joué sur le plan économique par le passé: « Le nom du village de Diongoré, non loin
de Say, prouve que la ville de Say était une zone de transit pour les commerçants Haoussa.
Say va continuer à jouer pleinement ce rôle sous les règnes d‟Alfa Mahaman
Diobbo et de ses fils Boubacar et Abdourahamane. Bien avant l‟arrivée des Blancs, la ville
a amorcé son déclin tant sur le plan religieux qu‟économique. Les derniers Alfaizé n‟ont
ville. En effet, le marché qui est quotidien va devenir hebdomadaire. Petit à petit, on assiste
231
au départ d‟une bonne partie de la population qui va créer des villages tout autour de Say.
La colonisation portera le coup de grâce et Say cessera de jouer son rôle de foyer
Au XIXe siècle, à cause de l‟insécurité qui régnait dans la zone, Say, havre de paix
était devenue un pôle d‟attraction. C‟est pourquoi, elle devient rapidement sous l‟influence
«Alfa Mahaman Diobbo jouissant d’un admirable charisme acquis grâce à son
intégrité morale et à son attachement à un islam strictement pacifique fondé sur
une conversion volontaire, va faire de Say un havre de sécurité, qui attirera des
peuples d’origines diverses et lui conférera un caractère sacré, de nombreux
fidèles du soudan central l’ont visité en tant que lieu saint » (Raulin, cité par
Moulaye, 1995 : 65).
Selon la tradition locale, s‟il n‟a pas entrepris le Jihad comme la plupart des
« Des guerriers lui ont plusieurs fois proposé de constituer une armée à son
service (qui pour diffuser l’islam, qui par appât du butin). Mais jamais il ne les
accepta. L’île de Barma-Goura, située à quelques kilomètres en aval de Say, porte
le nom d’un chef de guerre (Barma), originaire de Hondobon (village situé à 5km
de Gothey sur la route de Téra). Il suivit longtemps Alfa Mahaman Diobbo,
espérant le convaincre de l’utilité de son art. Devant le refus catégorique de cet
érudit pacifiste, il quitta Say pour regagner son village natal. D’autres chefs de
guerre de Dantchandou, Kotatchi, auraient aussi fait, en vain des propositions
similaires à Mahaman Diobbo. Mais, l’érudit de Say déclina l’offre de ces
guerriers car pour lui, Say reste et demeure, un centre d’études islamiques, il n’a
donc pas besoin de constituer une armée pour sa sécurité »1.
232
Balogun souligne le caractère pacifique de ce centre: « Apart from Say, which did
not send military expeditions of its own, the emirs of all the Zabarma and Gurma emirates
or their close relatives commanded their forces in battle » (Balogun, 1970 : 277).
personnelles, les émirs de tous les émirats zarma et gourma ou ceux qui leur sont proches
favorable dans la zone, et c‟est ainsi que des populations d‟origines diverses (Zarma,
Soŋey, Kourté, Wogo…) sont venues s‟installer dans cette ville. Quand la population de la
cité a considérablement augmenté, Alfa Mahaman Diobbo désigna de nouveaux sites sur
villages aux environs de Say. Ainsi, des villages comme Bogha, Dokimana, Sidi-Koira,
Dabiel, Alloré, Dagaré, Dalwey… virent le jour. C‟est surtout la religion qui attira ce
beau monde à Say. En plus de l‟influence religieuse, le centre d‟études islamiques est aussi
une terre d‟asile pour les populations essoufflées par des guerres. En effet, les populations
serviles qui ont fui les villages de leurs maîtres, arrivées à Say, ont toutes les chances de
retrouver leur liberté. Plusieurs cas, nous ont été cités lors de nos enquêtes. A titre
d‟exemple nous avons cette version rapportée par Alzouma Bazi Cissé :
« Des Bellah de Bankilaré, lors d’une incursion dans le Bittinkodji, ont profité de
la proximité de la cité religieuse pour fuir et se réfugier à Say. Arrivés dans cette
ville, Mahaman Diobbo leur a dit de ne pas s’inquiéter, à partir de ce jour là, ils
étaient libres. Le chef guerrier Wanzeidou a envoyé des émissaires à Say pour
réclamer ses esclaves. Mais, l’érudit a dit aux émissaires que les Bellah font
désormais partie de sa famille et qu’il ne va pas les lui livrer. Après avoir insisté
mais en vain, le guerrier Wanzeidou rebroussa chemin. Alfa Mahaman a indiqué
un site à coté d’Alloré aux Bellah. Ces derniers créèrent leur village au bord d’une
mare d’où son nom Fetobellaabe (mot peul qui signifie la mare des Bellah »1.
233
« Au temps de sa splendeur, Barth disait que la ville de Say dut compter jusqu’à 30 000
habitants. Elle devint un centre d’attraction pour les vagues de migrations de populations
d’origines diverses» (Barth, rapporté par le chef de canton de Say in Sahel Dimanche n°
1254 du septembre 2007, p10). Avec trente mille (30000) habitants, Say était un gros
centre car près de deux siècles après, la ville de Say et les villages environnants de la
population et de l‟habitat de 2001.Ce chiffre est avancé par plusieurs informateurs qui
citent Barth comme référence. Mais, l‟ouvrage de cet auteur que nous avons consulté
Nous ne savons pas d‟où est- ce que nos informateurs tirent ce chiffre. Mais, même avec
8000 habitants, Say était au XIXe siècle, une ville non moins importante.
Dès son installation à Say, Alfa Mahaman Diobbo et les érudits qui l‟accompagnent
ont ouvert des écoles coraniques dans tous les quartiers de la ville. Dans ces écoles, sont
éduqués non seulement les enfants de la cité et des villages voisins, mais aussi ceux venant
du pays soŋey, Kourté, Wogo….Cette formation se fait autour des „’douddales’’ (grand feu
autour duquel étudient les talibé la nuit). Pendant la saison sèche, la ville de Say grouille
de monde. Des enfants venus d‟horizons divers avec leurs maîtres s‟installent dans cette
ville pour apprendre le savoir religieux. Jusqu‟à une période récente, la plupart des jeunes
talibé de l‟Ouest du Niger ont suivi leur formation de base à Say. Il faut rappeler qu‟il y a
234
trois niveaux de formation : le niveau élémentaire, le niveau complémentaire et le niveau
« Les maîtres qui nous ont formés affirment avoir fait leurs études coraniques à
Say. L’exemple que je connais le plus est celui de mon grand frère qui a fait ses
études coraniques à Say avant de les poursuivre au Nigeria. Il a étudié autour du
même ‘’douddale’’ que feu Oumarou Soumaila, ancien président de l’Association
Islamique du Niger ; c’est le père de ce dernier qui les a enseignés »1.
Selon tous les témoignages recueillis à Say, à l‟époque la population n‟avait que deux
activités principales : le travail des champs et la lecture du Coran. Il y avait même une
En dehors des écoles coraniques tenues par les ouléma des quartiers dans lesquelles
sont formés des jeunes originaires de Say mais aussi de contrées voisines et lointaines. Il y
a aussi un niveau supérieur où sont formés les maîtres. Selon Alzouma Bazi Cissé :
«La plupart des érudits de l’Ouest-nigérien étaient à l’époque formés à Say jusqu’à
un certain niveau. Quelques autres vont parfaire leurs connaissances soit au
Nigeria, soit au Macina. Mais dans la plupart des cas, ils restent à Say car il y a
toute une organisation mise en place par Alfa Mahaman Diobbo : C’était une sorte
d’écolesupérieure où les gens venaient apprendre, parce qu’il y avait plusieurs
niveaux d’enseignement. Les maîtres étaient organisés en plusieurs groupes.
Chaque groupe est tenu par un maître spécialiste d’une branche et qui aide les
ouléma à parfaire leurs connaissances dans ce domaine. Et, si l’érudit a atteint un
certain niveau, il peut changer de groupe pour se spécialiser encore dans une autre
branche »2.
Il faut signaler que les lettrés musulmans formés à Say, pour élargir la chaîne de
transmission du savoir religieux, de retour dans leurs villages respectifs, ouvrent à leur
tour des écoles coraniques. C‟est ainsi que la religion de Mohamed va se propager
235
4- La réaction de Say face à la colonisation
pénétration coloniale. Par contre au cours de nos enquêtes sur place, certains témoignages
incitent à en donner une autre version. Ainsi, Alzouma Bazi Cissé soutient que Say a bel et
qui se réfugia sur l‟île de Talibiya et fonda fort Archinard : « En 1896, la mission du
ville de Say lui est interdite. Le fleuve baisse, la mission se réfugie dans une île en amont
de Haynikiray. Elle y fonde ‘’Fort Archinard’’ où elle reste cinq mois »2. Les Français
restèrent sur cette île quelques années avant de transférer le poste à Say. On peut dire que
236
l‟attitude de la population de la cité religieuse à l‟égard des Français. Ces évènements sont
intervenus sous le règne d‟Amadou Satourou. Et, l‟hostilité de ce dernier à l‟égard des
troupes coloniales est largement développée par Hourst dans son ouvrage intitulé, Sur le
Niger et au pays des Touaregs. La résistance de Say était en fait une résistance passive. En
effet, les autorités de Say n‟ont pas pris des armes contre le pouvoir colonial. Mais, elles
ont manifesté leur hostilité à l‟égard du système par l‟adoption d‟un certain nombre de
comportements tels que le refus d‟envoyer leurs enfants à l‟école comme le souligne
Lem :
considérable du niveau des ouléma même si le nombre de musulmans reste très élevé
plus des 9/10e de la population sont musulmanes ; mais sans fanatisme apparent »1. En
effet dans la région de Say, seuls les Gourmantché sont restés attaché à la religion
faire baisser considérablement le niveau des ouléma. Un autre témoignage confirme cette
version : « Une enquête menée sur place, en 1932, montrait de manière évidente
l’affaiblissement des études musulmanes dans un centre dont l’influence religieuse avait
été autrefois si active » (Lem, 1943 : 71). Comme on le constate, l‟administration coloniale
237
a malheureusement freiné un processus enclenché depuis le début du XIXe siècle,
Ville créée au cours de la première moitié du XIXe siècle (vers 1825) par Alfa
Mahaman Diobbo, Say est devenue en peu de temps, le centre d‟études islamiques le plus
important de l‟Ouest du Niger. Un tel succès dans une entreprise religieuse en un temps
aussi court est un fait rare, sinon rarissime. Il faut reconnaître que ce succès est en grande
partie lié à la personnalité du fondateur de la ville qui, dans un contexte de crise, a su par
son comportement exemplaire et son option pour la non violence, attirer de nombreux
fidèles vers Say. Désintéressé par le bien matériel, Mahaman Diobbo est un lettré
volontaire du fidèle, il fît du coup de Say, un havre de paix, ce qui va pousser des milliers
« Say, fondée par le célèbre marabout peul Alfa Mahaman Diobbo, adossée aux
chefferies peules de Ouro- Guéladjo et Torodi, a été au XIXe siècle le principal
centre d’islamisation du Niger occidental. La réputation d’Alfa Mahaman Diobbo
s’étendait dans le pays Songhay – Zarma, de Téra au Zarmaganda,d’Ayorou à
Dosso, les marabouts qu’il avait formés, peuls, zarma, songhay, touaregs,
sillonnaient la région. C’était de préférence à lui qu’on avait recours pour
l’intronisation des nouveaux chefs ; son arbitrage politique était souvent sollicité ;
les tributs, hommages, dîmes et dons affluaient à Say » (Sardan Olivier De, 1982 :
24).
238
QUATRIEME PARTIE : LES CENTRES D’ETUDES ISLAMIQUES
XIXe SIECLE
239
QUATRIEME PARTIE : Les centres d’études islamiques secondaires et état de
Ils sont appelés centres d‟études islamiques secondaires parce qu‟ils sont tous
dans la sphère d‟influence de Say et ont entretenu des relations cordiales avec ce centre.
Cette partie est consacrée à l‟étude de ces centres. Elle fait aussi le point sur l‟état de
l‟islamisation dans notre zone d‟étude à la fin du XIXe siècle. Dans le premier chapitre, il
s‟agit de montrer comment, Tondo blessé au cours d‟un combat sera conduit par un érudit
touareg dans sa famille. Ce saint homme va le soigner et l‟inscrire dans l‟école coranique
qu‟il dirige. Devenu Alfa, Tondo va quitter Bourra, son village natal pour créer un centre
d‟études islamiques sur une île du fleuve Niger à Sinder. Ce centre créé par cet alim
deviendra en peu de temps, l‟un des centres d‟études islamiques les plus importants de la
région de Tillabéri. Sinder va briller tout au long du XIXe Siècle et, jusqu‟à une période
Les deux chapitres suivants traitent des centres d‟études islamiques secondaires de
Tirga, Goudel et Kounari. Ce dernier est un centre militaire que Hamboy, fils et
dernier chapitre dresse un bilan de la situation de l‟islam dans notre zone d‟étude à la fin
du XIXe siècle.
240
Chapitre X : Le centre d’études islamiques de Sinder
Dans l‟Ouest du Niger, le XIXe siècle se caractérise par une insécurité quasi-
permanente : « Jusqu’au XIXe siècle, cette région reste marquée par des mouvements de
249). Les Wogo de Bourra harcelés par les Touareg vont quitter cette localité pour
s‟installer sur l‟île de Sinder. Ce site stratégique situé sur le fleuve Niger a été choisi par
Tondo Djalley, leur souverain. Il s‟agit dans ce chapitre d‟aborder l‟histoire du peuplement
241
Carte N° 9 : Localisation du Canton de Sinder
242
I- Les origines du fondateur du centre d’études islamiques de Sinder
serait fondé vers 1813 par un alim du nom de Tondo Djalley. Originaire du Mali, ce
dernier et sa suite auraient quitté Bourra afin d‟échapper aux exactions exercées par les
Touareg. C‟est ainsi qu‟ils naviguèrent sur le fleuve en suivant une gourde. C‟est cette
dernière qui devrait leur indiquer le site idéal où ils pourraient rester et s‟épanouir sans
courir de danger. Après une longue traversée, Tondo et sa suite finirent par s‟arrêter non
loin de Tillabéri sur l‟île qui porte depuis lors le nom de Sinder1 . L‟important au niveau de
ce centre d‟études islamiques, c‟est que son histoire se trouve consignée à l‟écrit dans un
manuscrit rédigé par un érudit local au début du XXe siècle et reproduit en 1986 par son
2 – Le Tarikh de Sinder
comporte après la page de garde un titre en arabe : ‘’Khutuwatu Ahli Sinder’’qui signifie
„‟les traces de l‟histoire de Sinder‟‟. Ce manuscrit a été découvert en mai 2009, à Sawani
par une équipe de recherche du département des manuscrits arabes et ajami (MARA) sous
département de Tillabéri, elle s‟est rendue dans plusieurs localités : Darbani, Neni, Sinder
etc… Elle a eu au cours de cette mission à collecter plusieurs manuscrits dont celui de
Sinder. A Sawani, chef lieu de la commune rurale, l‟équipe de recherche a été reçue par la
famille de l‟ancien imam et cadi de la localité, feu Elhadji Oumarou Issifi. Le manuscrit en
1 - Sinder : Selon la tradition locale, quand Tondo et sa suite arrivèrent sur l‟île, ils trouvèrent sur place
l‟hospitalité d‟une famille Gourmantché avec à sa tête le nommé Sinader. Sinder serait donc la déformation
du nom de Sinader.
243
question fut découvert dans la bibliothèque privée du petit fils de ce dernier, Sounakoye
Djibrilla.
Le « Tarikh Sinder » est rédigé en langue arabe en 1986 par Sounakoye Djibrilla et
rurale. Il est né vers 1942 dans une famille soηey dans la commune rurale de Sinder. Il fit
ses premières études coraniques auprès de son grand père, Oumarou Issifi Halîl à Sawani.
Il partit ensuite approfondir ses connaissances à Zaria au Nigeria. Il passa une bonne
partie de sa vie dans cet Etat avant de décider de rentrer à Sawani pendant le règne de
Djibrilla fréquenta les cours de plusieurs chefs traditionnels de la région. Ce fut donc
auprès d‟Amirou Elhadji Ibrahim Djingarey (actuel chef de canton) et de son entourage
qu‟il recueillit l‟essentiel des informations sur l‟histoire de l‟île. Devenu aveugle à l‟âge de
Issifi Halîl. Plus connu sous le nom d‟Alfa Issifi Sinder, ce dernier est l‟un des célèbres
ouléma de ce centre d‟études islamiques. C‟est au sein de sa famille que les autorités de
Sinder ont de tout temps choisi le Cadi. Selon des sources concordantes, c‟est Alfa Issifi
Niger en 1912. Ce fut un éminent érudit qui fut le maître de plusieurs lettrés musulmans de
la zone parmi lesquels Dodo, le père de feu Oumarou Soumaila (ancien président de
l‟Association Islamique du Niger). En son temps, les apprenants venaient de tous les
horizons (Gao, Tombouctou, Dori, Say, Birni…..) pour approfondir leurs connaissances
religieuses à Sinder. Elhadji Oumarou Issifi avait une bibliothèque privée dans laquelle les
manuscrits furent rangés dans des cantines. Mais, la bibliothèque était fermée peu après
244
son décès au cours des années 60. Quand la bibliothèque fut ouverte des années plus tard,
ponctuation. Le manuscrit traite de l‟histoire des populations de Sinder depuis leur terre de
départ (Bourra) jusqu‟à leur terre d‟accueil (Sinder). Le corps du texte comporte des
médaillons sous forme de séparateur dans lesquels sont écrits les noms des différents
Amirou qui se sont succédé sur le trône de Sinder. Il traite aussi des rapports entre les
Sinder. Le manuscrit est un document historique écrit par un alim de la localité à la fin du
XXe siècle, ce qui prouve que Sinder fut un centre d‟études islamiques. En effet, l‟œuvre
proposé le manuscrit à l‟Institut Afro- Arabe de Rabat pour son édition. L‟Institut a
C‟est le lieu de saluer cette initiative de l‟IRSH car quelques mois après cette mission,
Sounakoye Djibrilla a rendu l‟âme à Sawani. Ce sont les chercheurs du MARA qui ont
cette localité jusqu‟à leur installation définitive sur les îles de Sinder. Cette migration est
conduite par Tondo Djalley. Ce dernier est issu d‟une famille très attachée aux croyances
ancestrales. Blessé au cours d‟un combat ayant opposé l‟armée de sa principauté à celle
d‟un campement touareg, il sera recueilli par un érudit. Il va ainsi apprendre le Coran
245
auprès de son tuteur. Devenu Alfa, Tondo a exprimé le désir de retourner vivre parmi les
la diffusion de l‟islam. Suivant les conseils d‟Alfa Mahaman Diobbo, Tondo et sa suite
vont s‟installer sur les îles de Sinder. Pour éviter tout problème avec les Kourté, il a
sollicité son intervention pour qu‟il intercède auprès de leur Amirou. Ce dernier a répondu
favorablement à la requête de l‟érudit de Say. Il a donné toutes les terres situées à l‟Est de
Sinder aux Wogo et la partie Est est mise en bail. Les populations peuvent exploiter cet
espace moyennant le payement d‟une dîme annuelle. On retrouve cette version dans la
« Les Wogos sont les derniers arrivés dans le cercle il y a une centaine d’années,
venant de Gao, à la suite de leur chef Tondo DYELLE. Refoulés par les Courtèyes
déjà installés dans les îles, ils se rendirent à Say et demandèrent l’intervention de
Mahamane Diobbo, à la suite de laquelle ils purent s’établir à Sinder Bourra d’où
ils rayonnèrent. A l’heure actuelle, ils habitent les îles situées au Nord de Fouley
jusqu’à Garokoyré (canton de Dessa) »1.
Cette version est également confirmée dans une notice sur le cercle du Djerma, rédigée par
le capitaine Salaman : « Peu après le nommé Tondo, chef d’une fraction d’Ouagobés et le
marabout Amadou Lamine vinrent saluer le chef de Say et lui demander un terrain pour lui
et les siens. Alpha Mohaman s’adressa à Tolakoy2. Ce dernier l’autorisa à habiter les îles
de Sinder »3.
Après leur installation sur les terres de Sinder, Tondo et ses compagnons vont
ouvrir des écoles coraniques pour enseigner les enfants des différentes familles qui ont
migré avec lui. Il est resté au pouvoir pendant 17 ans (1813- 1830). Ses successeurs vont
246
l‟installation de cette dernière, les terres de Tolakoy seront partagées entre les Kourté et les
Wogo :
L‟étude comparative entre le Tarikh et la tradition locale fait ressortir les constats
suivants :
tradition locale. On relève seulement un détail important dans le Tarikh qui ne figure pas
dans la version officielle, c‟est le nom du souverain Oumarou Djibril (1886-1896). Ce nom
n‟est pas mentionné sur la liste officielle des souverains affichée dans la salle d‟accueil de
la résidence du chef de canton. A notre avis l‟absence du nom de ce dirigeant sur cette liste
est due à une omission inhérente à la nature humaine car le chef de canton nous a affirmé
que le lettré de la famille s‟est inspiré du Tarikh pour dresser la liste des souverains depuis
la création de ce centre d‟études islamiques jusqu‟à son règne. C‟est une liste manuscrite
dont plusieurs noms sont presque illisibles aujourd‟hui. En faisant le cumul des durées de
règne de cette liste, on se rend compte que le centre d‟études islamiques de Sinder aurait
duré 188 ans au lieu de 198 ans sur le Tarikh. Il y a donc dix années de moins, ce qui
- Les deux sources sont mêmes complémentaires. Mais, on note que le Tarikh
n‟indique pas le nom du lettré musulman qui fut le maître de Tondo ; il ne donne pas non
plus de détails sur la délimitation des terres attribuées à ce souverain par Amirou Kourté.
Quant à la tradition locale son insuffisance majeure, c‟est qu‟elle ne donne pas de dates
247
repères. Cette lacune est comblée par le Tarikh qui comporte des dates repères importantes
sur la création du centre, sur la durée de règne des souverains etc. L‟auteur a utilisé les
correspondance, il y a souvent des problèmes : écart entre la date figurant sur le calendrier
première fois une grande famille de lettrés musulmans ne rattache pas ses origines à un
pays de l‟orient. Le tarikh ainsi que la tradition orale affirment sans ambages que les
ancêtres des érudits de Sinder étaient des adeptes de la religion traditionnelle. Les deux
sources s‟étalent longuement sur la question et les contenus sont pratiquement identiques.
C‟est pourquoi nous avons jugé utile de ne retenir que le contenu du Tarikh dont les
Devenu vieux, Tondo convoqua ses quatre frères et leur conseilla de garder des
relations cordiales avec les enfants de Mahaman Diobbo. Il les invita à répondre
favorablement à toutes les sollicitations des gens de Say. Ses frères respectèrent ses
dernières volontés et les relations entre Say et Sinder restèrent cordiales jusqu‟au règne de
Amirou Oumarou Djibril. Tondo fut un homme pieux et sage. Il faisait toutes ses prières de
vendredi à Say. Quand un moment il constata qu‟il lui était difficile de parcourir toutes
les semaines, la distance qui sépare Say et Sinder, il demanda à Mahaman Diobbo
l‟autorisation de construire une mosquée pour la prière de Vendredi sur l‟île. Mais, ce désir
ne sera réalisé que sous le règne de Zindiko Djalley. Cette mosquée sera rénovée sous le
248
1- L’œuvre de Zindiko Djalley (1830- 1844) et de ses successeurs
Après Tondo, c‟est son frère Zindiko qui prit le pouvoir. De son vrai nom, Ali, il
régna de 1830 (1250) à 1844. Comme son grand frère, c‟était un pieux très attaché à
l‟islam. Il observa à quelques exceptions près la même attitude que son frère. Malgré la
distance, il se rendait aussi, tous les vendredis à Say pour faire sa prière. Pour permettre à
L‟autorisation fut aussitôt accordée. Zindiko fit bâtir la mosquée. C‟est un Amirou qui se
« Il fora partout où le besoin se fit sentir des puits sur l’île. Il mit aussi l’accent sur
le développement des travaux maraîchers et sur la sécurité dans le centre. Comme
pour le cas de Say, il opta pour la méthode pacifique pour gérer sa population et
pour répandre l’islam en donnant lui- même l’exemple. Ce fut un fin diplomate qui
sut développer des relations cordiales avec ses voisins. Il mit à profit ce temps de
paix pour développer l’enseignement islamique sur l’île de Sinder »1.
Après sa mort, son frère, Boubacar Djalley prit le pouvoir au cours de la même année.
Son règne fut caractérisé par la guerre contre les infidèles des contrées voisines :
« C’est Alfaizé Boubacar de Say qui l’autorisa à combattre un mécréant qui semait
la terreur dans la région. Ce mécréant fut poursuivi par l’armée de Boubacar
Djalley dirigée par Mahrishane, un redoutable guerrier de Sinder. Le mécréant fut
poursuivi jusqu’aux environs de Djamballa où il fut tué »2.
Boubacar eut un règne très court. Il mourut après deux ans de règne en 1846. Après sa
Tondo. Le différend fut porté devant les autorités de Say qui tranchèrent en faveur de ce
dernier (1846- 1861). Se règne fut marqué par deux évènements majeurs : une famine et
249
une guerre. Selon la tradition locale, il eut une famine terrible sous son règne qui endeuilla
les populations de l‟île. Son règne fut également caractérisé par une guerre contre un kofr
du nom de Sahdjilé qui menaçait les paisibles populations de la localité. C‟est au cours du
redoutable guerrier de l‟île trouva la mort. Ainsi, la famine et l‟insécurité avaient fait
secondaire de Sinder.
Tahirou Tondo est l‟exemple type de son père. C‟est un fervent croyant dont le
règne fut marqué par l‟accalmie sur tous les plans. En effet, le nouveau souverain est un
homme de paix doté d‟un sens élevé de justice et d‟équité. Les principaux thèmes abordés
l‟amour du travail, du respect du bien d‟autrui…. Son attitude exemplaire lui a valu la
sympathie des populations de l‟île et celle des habitants des régions voisines. Sous son
règne le centre d‟études islamiques connut la prospérité car il n‟y eut ni guerre ni famine :
« Amioru Tahirou fut aussi un dirigeant très généreux, il avait des greniers
remplis de vivres qui servaient à venir en aide aux populations nécessiteuses de
l’île. En effet, pour éviter à ce que les vivres soient détournés, il préparait à
manger dans son palais pour les indigents qui s’y rendaient en masse. En plus du
repas, il payait la dot et tous les accessoires du mariage à tous les jeunes qui
avaient atteint l’âge de se marier et qui, malheureusement n’avaient pas de
moyens. Il était tellement bien et juste que mêmes les animaux féroces avaient
cessé d’attaquer les animaux domestiques de l’île. C’est sous son règne que l’islam
fut largement répandu à Sinder et dans les contrées voisines »1.
250
Amirou Tahirou était certes généreux et juste mais, même au temps du prophète les
animaux féroces dévoraient leurs proies. Ceci n‟est que le fruit de l‟imaginaire populaire
Sous son règne, on assista à une certaine ferveur religieuse sur l‟île. Les talibé
venaient non seulement des villages insulaires comme Wissili, Fala, Tessa- Goungou…
mais aussi des deux rives du fleuve (Djamballa, Darbani, Bibiyargou, Bankilaré…). Mais,
son règne fut de courte durée. Il n‟eut durant sa vie qu‟une seule fille du nom de Mariah. Il
meurt après sept ans de règne laissant une population de Sinder profondément meurtrie.
Après la mort de Tahirou, c‟est Soumana Bokar (1288- 1292)- (1868- 1872) qui prit
le pouvoir. Son règne fut surtout caractérisé par la reprise des hostilités entre les Touareg
du Haoussa1 (Bibiyergou situé sur la rive gauche) à ceux du Gourma (Bankilaré situé à la
rive droite). Selon la tradition locale, c‟est sous le règne de Soumana que les Touareg de
Bankilaré refusèrent de payer tribut à ceux du Haoussa. Ces derniers déclarèrent alors la
guerre aux Touareg de Bankilaré. Ils avaient constitué une forte armée appuyée par des
alliés Kourté, Zarma, Soŋey. Quand les Touareg du Gourma apprirent la nouvelle, ils se
premier groupe était dirigé par l‟un de ses fils, Karmazi. Ce groupe se dirigea vers le
village de Tara ; l‟autre groupe, à la tête duquel, se trouvait le chef Helo lui-même se
« Helo et ses hommes quittèrent ainsi Bankilaré. Il conduisit son groupe sur
l’île de Sinder où il fut bien accueilli par Amirou. Ce dernier les hébergea à côté
d’une montagne qui porte actuellement le nom de Helo (Helo Tondo2). Mais, cet
endroit était distant du village de Sinder, Helo jugea utile pour sa sécurité et celle
des siens de s’installer sur un autre site proche du village de Sinder. Soumana
Bokar les hébergea de nouveau. Le souverain touareg saisit l’occasion pour
l’informer des raisons qui les avaient poussés à quitter leur village pour venir
1 - Les Touareg de la rive gauche : il s‟agit des Touareg de Bibiyergou (village situé à une quinzaine de
kilomètres de Sinder) appuyés par ceux d‟Inates.
2 - Helo Tondo : Montagne située non loin du chef lieu de la commune rurale de Sinder.
251
s’installer sur l’île. Amirou Sinder promit de les soutenir si les Touareg du
Haoussa osèrent les attaquer sur son territoire. Malgré cette menace, ceux - ci
attaquèrent l’armée de Helo sur l’île. Les deux armées (l’armée de Helo et celle de
Sinder) firent ainsi bloc contre les Touareg du Haoussa et remportèrent la victoire.
Depuis ce jour, les Touareg de Bankilaré ne payaient plus tribut à ceux de la rive
gauche. Après cette victoire, Amirou Sinder demanda au souverain touareg de
retourner à Bankilaré pour vivre en paix avec les siens »1.
Mais, Soumana ne règna que quatre ans sur le trône de Sinder. Il mourut en 1872 (1292) et
laissa derrière lui deux filles et quatre garçons qui sont : Lagaré, Salamatou, Youssouf,
Ali Zindiko (1292- 1293)- (1872-1873) accéda au trône en 1872 après la mort de
Soumana Bokar. Il n‟était pas l‟unique prétendant au trône, il avait pour concurrent,
Alboria Saouda. Ce dernier était déjà candidat contre Soumana Zindiko. Mais, les notables
de Sinder choisirent Ali Zindiko à son détriment. Ils avaient comme argument le droit
n‟eut malheureusement pas le temps de ramener la paix car il mourut après une année de
règne. Il laissa derrière lui quatre enfants : Hamidou, Hassane, Ibrahim et Omar.
En 1873 (1293), après la mort d‟Ali Zindiko, Alboria Saouda accéda enfin, au trône
252
Zindiko. Il leur fit comprendre qu’il n’était pas d’accord avec ce choix. Khalil
rentra directement chez le souverain pour lui arracher les insignes du pouvoir et
personne ne s’y opposa. Les insignes étaient restés avec Khalil trois (3) mois
durant. Après, les notables de Sinder se réunirent chez Khalil pour le prier de
remettre les insignes du pouvoir à Alboria Sauda. Il accepta de les remettre sous la
pression des notables et des sages du village »1.
naturelle, ni guerre. La paix régna sur l‟île et sur l‟ensemble des territoires qui étaient sous
sa tutelle. La prospérité aussi s‟établit. Sinder ne connut pas de sècheresse. Aussi, les
l’arrivée sur l’île de plusieurs talibé venus des villages environnants mais aussi des
contrées lointaines comme Bourra (Mali). Il intensifia les échanges entre Say et Sinder »2.
Mais, son règne fut de courte durée. Il mourut après trois ans d‟exercice du pouvoir en
1876 (1296). Il eut trois enfants qui sont : Khalil, Abbas et Fatouma.
Après la mort d‟Alboria Saouda, Amadou Bokar (1296- 1303)- (1876- 1878),
accède au pouvoir. Amirou paisible et juste, il s‟efforça durant son règne à faire régner la
paix sur l‟ensemble du territoire de Sinder. L‟islam prospéra sur l‟île et ses environs. Parmi
ses successeurs, nous pouvons retenir, Boulkassoum Mahamadou (1303- 1307)- (1878-
1884) et Sabarey Djibrilla (1307- 1309)- (1884- 1886). Leurs règnes furent dans
C‟est seulement sous le règne de Boulkassoum Mahamadou qu‟une guerre opposa Sinder
253
III- Les règnes d’Oumarou Djibrilla et d’Attikou Mahamadou
de l’instance judiciaire
Djamballa. Sa démarche consiste à se réconcilier avec les ennemis d‟hier de Sinder. Grâce
au climat de paix qui régnait sur l‟ensemble du territoire, les cadis de l‟île avaient repris
service. Ils étaient sollicités un peu partout dans les contrées voisines (Djamballa, Wissili,
Bankillaré, Darbani…) pour régler des différends. Ils effectuaient leurs tournées toutes les
adopta un comportement indigne de son rang. En effet, il cachait à Amirou Sinder, les
présents qu‟il recevait lors de ses tournées. Quand il achèvait sa tournée, il rentrait
directement dans le village de ses oncles, Sansané- Haoussa. Le cadi en question s‟appelait
Ranié, un petit fils d‟Aboubacar, le premier cadi de Sinder mais sa mère était une princesse
de Sansané- Haoussa. Choyé par ses oncles, il avait élu domicile dans son village
maternel :
1- Shaykh Aboubacar est un alim que Tondo, le fondateur de Sinder avait trouvé sur l‟île de Wissili et lui
avait demandé de le suivre, en contrepartie, il lui le nommerait Imam et Cadi de Sinder. Depuis la création de
254
se sont réunis chez le cadi, Alfa Ranié pour faire des invocations contre Oumarou
Djibrilla ainsi que sa descendance parce qu’il avait violé le pacte qui liait leurs
ancêtres. Dans leurs invocations, ils avaient imploré Dieu d’empêcher à ce
qu’aucun descendant d’Oumarou Djibrilla n’ait accès au trône de Sinder jusqu’au
jour du Jugement Dernier. Dieu avait exaucé la prière des descendants du Shaykh
Aboubacar car aucun descendant de ce souverain n’avait accédé au trône après ce
dernier jusqu’à ce jour »1.
Après ces prières, le cadi destitué a regagné la terre de ses oncles. Mécontentes de
cette décision, les populations kourté, propriétaires des terres de l‟île décidèrent de
reprendre leurs biens fonciers. Ce qui provoqua une crise grave entre les deux
communautés qui a failli dégénérer en conflit armé. Suite à cette décision des Kourté,
Amirou Sinder demanda à la population de restituer toutes les terres et d‟aller mettre en
valeur les terres du Gourma. La tension dura un an. A la septième année de son règne, en
1893, les autorités de Say entreprirent des négociations qui aboutirent à la réconciliation
entre les deux communautés et les Kourté restituèrent les terres à la population de Sinder.
Après cette réconciliation, Amirou Oumarou vécut une année sur le trône. Il décéda en
coloniale
mort d‟Oumarou Djibrilla. C‟est sous son règne qu‟interviendra la conquête coloniale
avec son cortège de malheurs. Le tarikh de Sinder donne d‟amples détails sur les heurts
« C’est à la deuxième année de son règne c’est à dire en 1896, que des soldats
français étaient arrivés à Sinder à bord de trois pirogues et avaient campé à
proximité du village. Ils avaient demandé à Amirou Sinder d’intimer à sa
Sinder jusqu‟au règne d‟Oumarou Djibrilla, ce sont les descendants du Shaykh Aboubacar qui ont occupé, le
poste de cadi d‟où l‟indignation de ses descendants lors de la nomination d‟Elhadji Seydou comme cadi de
Sinder.
1 - Tarikh Sinder folios 38- 39.
255
population de ne pas sortir la nuit mais également que personne ne vienne les voir
pendant la nuit car ils n’hésiteraient pas à tirer sur tout ce qui bouge.
Mais après cette annonce, un prince du village de Sinder nommé Adam, fils
d’Amirou Sabarey était sorti la nuit (pour ses besoins naturels). Dès que les soldats
français l’avaient aperçu, ils avaient ouvert le feu sur lui et l’avaient tué. Le
lendemain matin, les français étaient venus pour demander à Amirou quelques
hommes pour leur montrer les limites du territoire de Sinder. Amioru Sinder
désigna six hommes pour guider les français. Mais avant leur départ, il avait
demandé aux guides de les amener loin du village de Sinder et de s’enfuir. Les six
hommes avaient accompagné les français jusqu’au niveau de l’île de Farka où ils
avaient décidé de passer la nuit. Au moment où ils dormaient, deux des six guides
s’étaient évadés pour revenir à Sinder. Après les quatre autres s’étaient également
enfui à leur tour. Et quand les français avaient découvert la fuite, ils s’étaient
lancés à leur poursuite et avaient pu arrêter les deux guides qu’ils avaient abattus
sur le champ. Puis arrivés au niveau du village, ils avaient accosté à côté d’une
colline et s’étaient mis à tirer sur la population du village en faisant une victime du
nom de Abass, fils d’Amioru Alboria Saouda et beaucoup de blessés dans le
village. Après ce crime crapuleux, les français avaient poursuivi leur chemin
jusqu’à Kandadji où ils avaient encore ouvert le feu et avaient tué un homme du
nom de Bantassi Dicko. Ce dernier était un joueur de tam- tam. Ils avaient blessé
plusieurs autres. Puis ils avaient continué jusqu’au niveau de Sawani où une de
leurs pirogues s’est brisée au niveau de Koyria et avaient pu sauver les deux
autres. Après ça, ils avaient poursuivi leur chemin et les populations de Sinder
n’avaient plus eu des nouvelles des français jusqu’à la cinquième année du règne
d’Attikou, c'est-à-dire en 1900 »1.
Selon la tradition locale, c‟est au cours de cette année aussi, qu‟un groupe de
français étaient arrivés à Sinder du côté de Gourma. Ces français avaient attaqué l‟île de
Sinder avec leurs armes à feu entraînant une fuite de la population. En effet, cette dernière
s‟était scindée en deux groupes qui avaient pris différentes directions : un premier groupe
dirigé par Amirou Sinder Attikou accompagnés de Alfaga Youni, Shaykh Alboussani,
Shaykh Elhadji Sadou, Ibrahim Ali Zindiko et beaucoup d‟autres personnes de Sinder
avaient pris la direction de Karma. C‟est de cette localité qu‟ils eurent les nouvelles du
massacre de plusieurs personnes de Sinder par l‟armée française à Sansané- Haoussa. Les
victimes auraient été jetées dans une fosse dans cette localité. Amirou Sinder et les Shaykh
dépêchèrent deux émissaires au sein du groupe pour aller recueillir des informations à
256
compagnons le massacre de la population. A partir de Karma, le groupe s‟était scindé en
Shaykh Elhadji Sadou avait pris la direction de l‟Est. Il marcha jusqu‟à Kaoura en pays
Haoussa. Dans cette localité, le groupe s‟était subdivisé encore en deux : un groupe dirigé
par le Shaykh Alboussati a continué vers le Hedjaz. Ces gens ne sont plus revenus à
Sinder. L‟autre groupe dirigés par Amirou Sinder et le cadi Elhadji Sadou est allé jusqu‟à
Bagoudou dans le Gwandou puis à Zaria où ils s‟installèrent. Après un court séjour à Zaria,
Neni. Entre-temps, une partie de la population de Sinder qui avait fui était revenue sur l‟île
mais elle était sans souverain. La population avait décidé de nommer, Ousmane Djibrilla
son frère à sa place. Raison pour laquelle Attikou Mohamadou était resté à Neni jusqu‟à sa
placée sous la direction d‟Alfaga Youni et Ibrahim, fils d‟Ali revint sur ses pas. Ils
descendirent aux environs de Sawani plus précisement à Gourga- Béri. Ibrahim Ali quitta
cette localité avec sa suite pour s‟installer à Ganda- Fabou. Toutes ces localités se trouvent
des tirs des soldats français est sortie de l‟île pour se réfugier à Djamballa et à Sakoira. Les
populations fugitives dans ces deux localités vont tenter de négocier. Parmi ces réfugiés de
peul de l‟armée française qui lui a expliqué l‟état d‟esprit des français. L‟interprète lui a
fait savoir que ce sont des gens qui acceptent la réconciliation et les arrangements à
condition d‟en faire la demande. C‟est ainsi que Khalil est allé avec ce Peul ainsi que
quatre notables de Sinder à la rencontre des français. Ils sont rentrés dans une pirogue à
257
l‟arrière de laquelle ils ont fixé un fanion blanc signe de leur volonté de paix. Ils accostent
sur l‟île de Diounta où se trouve la base des français. Khalil s‟est dirigé vers le
commandant qui l‟a accueilli avec tous les honneurs et lui a demandé l‟objet de sa visite.
Khalil a répondu qu‟il est venu chercher la paix et proposer l‟allégeance de la population
condition qu‟elle lui paie un impôt. Il a donné trois jours à Khalil pour demander à toute la
population de Sinder où qu‟elle se trouve de revenir vivre sur l‟île avec leur souverain.
Khalil est revenu et a réuni tous les ressortissants de Sinder pour les informer de
l‟engagement pris par les français lors de leur rencontre, de leur désir de vivre en paix
avec eux. Et c‟est ainsi que la majorité de la population est retournée vivre sur l‟île de
Sinder. Mais, Alfaga Youni a préféré rester définitivement à Gourka- Béri avec ses
disciples. Tous les chefs de familles de Sinder se sont réunis chez Alfaga Youni pour élire
un nouveau souverain et le choix fut porté sur la personne de Guibey, fils d‟Ali, fils de
Tondo qui est à l‟époque l‟aîné de la famille de Djalley. Mais, il refuse de prendre le
pouvoir. C‟est à ce moment que les chefs de familles se sont entendus sur la personne
d‟Ousmane fils de Djibrilla pour remplacer Attikou Mohamadou en fuite et c‟est en 1901.
Au 3e jour, ils ont présenté le nouveau souverain au commandant français qui les a
accueillis avec tous les honneurs. Le commandant leur a demandé de retourner vivre en
paix dans leur village. Et l‟officier français a continué à résider à Lassia jusqu‟à la 5ème
Ce qu‟on peut retenir de cette version, c‟est que jusqu‟à la période coloniale,
Sinder comptait un nombre important de lettrés musulmans. Même à une époque encore
récente, Sinder reste et demeure, le centre d‟études islamiques le plus important du secteur
258
« Il y a dans le secteur de Tillabéri, un centre très important du point de vue
musulman : c’est Sinder- Bourra1. Là est une mosquée, la seule du secteur, un peu
piteux comme construction, mais très fréquentée, il y a toujours un assez grand
nombre de fidèles de marabouts en prières ou en confrérie »2.
par les troupes françaises, ils ont trouvé refuge dans les îles de Sinder, ce qui a provoqué la
Cette version est confirmée aussi par le capitaine Buck dans sa monographie sur le cercle
de Tillabéri :
1 Sinder- Bourra : Sinder est affectueusement appelé Sinder- Bourra par la population locale afin
d‟immortaliser le nom du village natal du fondateur de Sinder : Tondo Djalley.
2- ANN- 1E7- 33- TMN- Cercle de Niamey : secteur de Tillabéri- Monographie du secteur de Tillabéri, p.
24.
3 - Bokar Ouanzeydou est le chef des Touareg de Bankilaré. Les Touareg de cette localité entretenaient des
relations cordiales avec les autorités de Sinder depuis des décennies. D‟ailleurs, c‟est une coalition de
l‟armée de Bankilaré et celle de Sinder qui avait battu les Touareg du Haoussa (Bibiyergou).
4 - ANN- 1E 7-23 : Monographie du cercle de Tillabéry par le capitaine Buck, 1907, p. 14.
259
De la création de Sinder à nos jours, vingt et un (21) Amirou se sont succédé au trône. Le
tableau ci-dessous donne des précisions sur les différents souverains qui ont régné sur le
260
Liste des Amirou qui se sont succédé à la tête du centre d’études islamiques
261
Tondo Djalley, wogo issu d‟une famille adepte de la religion traditionnelle est
celui qui a conduit une partie de la communauté wogo de Bourra à Sinder Bourra. Avec
l‟appui des érudits qui l‟ont suivi, il va faire de Sinder un centre d‟études islamiques de
renommée régionale. Même si Sinder n‟a pas eu le même poids que Say et le centre du
Dallol, il n‟en demeure pas moins que jusqu‟à l‟installation de l‟administration coloniale, il
talibé plus que dans les autres localités. Selon l‟administrateur Leca, même si les écoles
coraniques sont nombreuses dans tout le cercle de Tillabéri, ce sont celles de Sinder
« On peut les considérer comme très nombreuses mais elles n’ont que peu
d’importance. En général chaque marabout est chef d’école, il n’ya souvent qu’un
élève parfois trois - quatre. A Sinder seulement on trouve un centre d’écoles un peu
plus sérieux qui comptent parfois vingt et même vingt- cinq élèves »1.
1- ANN- 1E 7-23 : Monographie du cercle de Tillabéry par le capitaine Buck, 1907, p. 13.
262
Chapitre XI : Les centres d’études islamiques secondaires de Tirga, de Goudel et de
Kounari
centres d‟études islamiques dans l‟espace nigérien en général et dans l‟Ouest du Niger en
particulier. Outre les deux principaux centres (Say et le centre du Dallol) et un centre
secondaires parmi lesquels, on peut citer : Tirga, Goudel, Kounari. Ce chapitre abordera
l‟étude de l‟œuvre des ouléma qui ont marqué l‟histoire de ces centres au XIXe siècle.
1- Historique du Village
Le village de Tirga est situé à cinq(5) Kilomètres à l‟Est de Kobadié1 sur les bords
du Goroubi. C‟est là que se trouve la tombe du „‟Wali’’, Sorry Beldo Hooré. Ce dernier est
un Peul du Bittinkodji issu de la famille aristocratique car sa mère, Houtman Boureima est
Bittinkodji. Tirga était une réserve foncière sur laquelle vivaient des Gourmantché avant
l‟arrivée de „‟Bittinkoobé‟‟. C‟était le grand père de Sorry Beldo Hooré, Boureima Ali
yéro dit Maya qui occupa les terres de Tirga. Le nom ‘’Tirga’’, fut donné à ce site après
une guerre qui opposa les Peul du camp de Boureima Ali Yéro el les Gourmantché,
populations autochtones. Les combats entre les deux communautés durèrent trois jours et
se soldèrent par la victoire des Peul. A la fin des combats, Maya, le grand père de Sorry
Beldo Hooré inspecta les lieux et constata que tout le champ de bataille était jonché de
cadavres. Il poussa un cri et s‟exclama : „‟Tirga ‘’ qui signifie „‟quel massacre‟‟ ou „‟quelle
1- Kobadié : Village situé à 35 kilomètres de Niamey sur la route de Torodi (Tronçon Niamey-
Ouagadougou).
263
horreur‟‟. Selon notre informateur, Amadou Mamane, les séquelles de cette guerre sont
encore visibles : « Après des pluies importantes, les eaux de ruissellement drainent des os
des victimes de cette guerre jusqu’à la vallée, ‘’ Goroubi’’. Et quand l’eau de la vallée se
retire, on trouve ces morceaux d’os à la berge »1. Version confirmée par Koïnuga2, un
Tirga était resté pendant longtemps un hameau de culture. Les populations s‟y
rendaient seulement pendant la saison des pluies pour mettre en valeur leurs terres. Pendant
agricole. C‟est avec l‟avènement de Sorry Beldo Hooré que ce hameau de culture
Bittinkodji. Après la mort du lettré musulman, la capitale sera transférée à Toulwaré puis à
Kareygorou. La raison c‟est que les populations ont déserté le village à cause du retour de
Alfa Sorry3 Beldo Hooré4, de son vrai nom, Boureima Boukari est le fils de Boukari
Maya et de Houtman. Il serait né vers 17325 sur une île appelée Koorogoungou dans le
Bittinkodji. Le premier site du village se trouve sur une île non loin du village actuel de
Kareygoorou6. Il a été abandonné depuis longtemps suite aux différents débordements des
4- Beldo Hooré : Littéralement Beldo signifie, bon et Hooré, la tête. Beldo Hooré signifie, le chanceux, „‟ le
porte- bonheur‟‟. En effet, le jour où Sorry Beldo Hooré est né, un groupe de pillards touareg a attaqué à
trois reprises le village mais sans succès. Cet évènement sans précédent dans l‟histoire du village est lié à la
naissance de ce garçon chanceux d‟où le surnom Beldo Hooré.
5- Nous avons obtenu sa date probable de naissance en faisant des recoupements. En effet, selon nos
informateurs Sorry Beldo Hooré serait mort, il y a 201 ans et il était âgé de 77 ans.
264
crues du fleuve qui ont inondé le village à plusieurs reprises. Après l‟abandon de ce site, la
niveau que Sorry Beldo Hooré est issue de la famille aristocratique du Bittinkodji. Il a eu
pour premier maître, Alfa Boureima. Ce dernier est un alim originaire de Tombouctou qui
voulait effectuer son pèlerinage aux lieux saints de l‟islam. A l‟époque, à cause de
avant d‟atteindre la Mecque. C‟est ainsi qu‟Alfa Boureima de Tombouctou fit escale dans
le village natal de Sorry Beldo Hooré. Le père de ce dernier hébergea l‟étranger et lui
« Alfa Boureima de Tombouctou fit le premier maître de Sorry Beldo Hooré. Il était
resté pendant plusieurs années sur l’île de Koorogoungou où il ouvrit une école
coranique. Parmi ses ‘’talibé’’, Sorry Beldo Hooré fut le plus brillant. Emerveillé
par l’intelligence du jeune apprenant, il attira l’attention des parents du jeune
garçon sur les qualités exceptionnelles de leur fils. Il leur conseilla de l’envoyer
dans le Gorgal (Macina) afin qu’il puisse approfondir ses études. Devenu vieux et
fatigué, Alfa Boureima renonça à son projet et retourna à Tombouctou où il
mourut »1.
Les parents de Sorry Beldo Hooré suivirent les conseils de l‟érudit de Tombouctou
et envoyèrent leur fils dans le Gorgal. Après plusieurs années d‟études dans le Macina,
Sorry revint au pays et s‟installa à Tirga où il ouvrit une école coranique pour diffuser le
s‟installer sur le site. Voilà comment Tirga est devenu un village. L‟école créée par Sorry
Beldo Hooré était fréquentée par les enfants de Tirga mais aussi, ceux des villages
Soumana Djouldé :
6- Kareygoorou ; Village situé sur la rive droite du fleuve sur la route Niamey- Namaro- Farié à une
quinzaine de Kilomètres de la capitale.
1- Entretien avec Amadou Mamane à Tirga le 20/10/10.
265
« Mahamane Diobbo fréquenta cette école. Etant alim déjà, il s’y rendait pour
approfondir ses connaissances. Sorry Beldo mourut à Tirga vers 1809 à l’âge de
77 ans. Sa tombe y est encore visible. Elle est gardée par un de ses descendants, un
lettré musulman du nom d’Amadou Mamane. Le gardien est de la lignée de
l’aristocratie de Lamordé. C’est feu Président du Conseil Militaire Suprême, Seyni
Kountché qui a financé la construction du mur abritant la tombe de Sorry Beldo
Hooré. La clôture a deux portes : une à l’Est et l’autre à l’Ouest »1.
Après la mort de Sorry Beldo Hooré, le Bittinkodji n‟a malheureusement pas eu un lettré
Goudel est l‟un des villages de l‟Ouest du Niger touché dès l‟époque soŋey par
l‟islam :
Il faut signaler qu‟en dehors des Saney, le village de Goudel a accueilli une famille
d’ouléma modibadjé au XIXe siècle. Modibadjé est un mot composé de modibbo qui
signifie marabout et de badjé qui signifie écorce. Littéralement modibadjié signifie les
« Quand les autorités du Bittinkodji ont sollicité l’aide des modibadjé pour mettre
fin aux incursions touareg dans la zone, ces érudits ont écrit des versets du Coran
sur des écorces. Ils ont instruit les princes de cette principauté de les enterrer sur
le pourtour de leur territoire. Depuis lors, les habitants de Lamordé les désignent
sous l’appellation modibadjé c'est-à-dire les érudits qui écrivent sur des écorces
d’où l’origine de ce nom »2.
C‟est la toponymie qui nous a conduit sur cette piste de recherche. En effet, lors de nos
266
- le quartier modibadjé de Say.
16 km de Niamey sur la route de Tillabéri. C‟est cette identité de noms qui nous a intrigué
et pour lever le voile, nous nous sommes rendu sur le terrain pour interroger les anciens
des deux quartiers. Ces derniers ont confirmé l‟existence des liens de sang entre les
habitants des deux quartiers. Mais, qui sont ces modibadjé installés à Goudel au XIXe
siècle
Selon la tradition de cette famille, les modibadjé de Goudel et de Say ont la même
origine, étant tous des Peul originaires de la même région. Ceux de Goudel viennent d‟un
village appelé „’Manegou’’ (actuel Burkina-Faso). Selon la tradition locale, ce nom est
une déformation du mot mossi „’Miningou’’ qui veut dire les „‟habitués‟‟. Les modibadjé
sont arrivés dans l‟Ouest du Niger au XIXe siècle sur invitation des Bittinkoobé. En effet,
ces derniers après leur installation dans le Lamordé font régulièrement face à des
incursions Touareg. C‟est ainsi que les princes de Bittinkodji ont fait appel aux modibadjé
pour qu‟ils viennent leur faire des incantations afin que Dieu les épargne de ces agressions
répétées. Les ouléma modibadjé et leurs familles se sont installés d‟abord à Badouleré
(village situé à 15 km de Niamey sur la rive droite sur la route Niamey- Torodi). Ils ont
quitté ce site pour Settoré (non loin du premier site) puis à Ganguel (sur la route de
«Le choix de Goudel serait lié au comportement des Bittinkoobé à l’égard d’Alfa
Mahaman Diobbo. En effet, Ahmadou Modi (grand père de Shaykh actuel de
Bongoula) n’ayant pas apprécié l’attitude des princes de Lamordé à l’égard d’un
grand alim comme Alfa Mahaman Diobbo quitta la terre de Bittinkodji pour
s’installer à Goudel. Il fut chaleureusement accueilli par le chef de Goudel de
l’époque »1.
267
Ahmadou Modi était venu à Goudel avec un autre alim. Il s‟agit de Soumana Kawouré,
son cousin. Les tombes de ces deux érudits se trouvent actuellement au milieu de la
concession „‟Windibéri ‘' à l‟entrée Est de Goudel à coté d‟un jujubier. Selon toujours
«Comme nos grands parents étaient des lettrés musulmans mais aussi des
éleveurs, quand la population de Goudel avait sensiblement augmenté et qu’il y
avait une certaine pression autour de la terre, le père du Shaykh quitta ce village
pour Koubia (non loin de Goudel) puis Soudouré (village natal de feu Diori
Hamani) avant de s’installer définitivement à Bongoula. Le Shaykh actuel est né à
Bongoula 10 ans après l’arrivée de son père sur ce site. Le Shaykh ayant 88 ans en
2007, on pourrait donc situer l’arrivée des Modibajé à Bongoula autour de
1909 »1.
Les Modibadjé sont des lettrés musulmans. Arrivés à Goudel, ils ont ouvert des
écoles coraniques pour apprendre aux enfants du village le savoir religieux. En dehors des
enfants de Goudel, il y a ceux des villages environnants (Kossey, Gaba- Goura, Tondibia)
auxquels il faut ajouter ceux de Koné –Kaina et Koné-Béri. Et, durant leur séjour à Goudel,
les modibadjé n‟ont enseigné que le Coran. Goudel était un point d‟escale pour la plupart
des ouléma qui partaient à l‟époque à Say pour parfaire leurs connaissances.
éleveurs vont quitter ce village. Ils ont séjourné à Koubia avant de s‟installer à Soudouré.
Le nom de cette localité est d‟origine peul. Soudouré est une déformation du mot peul
„‟Soudou- Hayré‟‟ autrement dit „‟le rocher qui ressemble à une maison‟‟. Cette roche est
Arrivés à Soudouré, les modibadjé accompagnés de leurs talibé vont ouvrir une
école coranique :
268
« Aux anciens élèves sont venus s’ajouter ceux du village d’accueil et des villages
environnants, il s’agit de Tondibia, de Koubia, de Tondikoirey, de Gorou- Banda,
de Kareygoorou… Il y a à l’époque plusieurs douddales dans le village de
Soudouré. Mais avec la pression démographique, les modibadjé vont quitter ce
village pour s’installer définitivement à Bongoula »1.
Les modibadjé se seraient installés à Bongoula au début du XXe siècle vers 1909.
Le Kounari était un ancien royaume mais c‟est surtout au XVIIIe siècle qu‟il devint
son père, ce dernier accéda au trône. Mais, son avènement coïncida avec la formation d‟un
Etat islamique dans le Macina par Sékou Amadou. Ce dernier plaça le Kounari sous sa
tutelle et, c‟est le début de tension entre le roi de cet Etat et son suzerain.
Pour comprendre l‟histoire de Kounari, un centre créé par Guéladio dans l‟Ouest du
Niger, il faut remonter au foyer initial pour voir les raisons du départ de l‟homme de son
pays natal. Guéladio est en effet né vers 1776 à Goundaka2 (capitale du Kounari) dans le
pouvoir à son fils aîné, Guéladio qui accéda ainsi, au trône de Kounari :
2- Goundaka est la capitale du Kounari. Selon Amadou Oumarou, c‟est après la conquête du Kounari par
Hambodédio, qu‟un habitant du Kounari de retour d‟un voyage posa la question suivante à ses
parents : « quand est-ce que ce pauvre peul a conquis notre pays ? ». Ces parents lui répondirent en ces
termes : « Gundu hala ga », c'est-à-dire, il faut gader cette question au fond de ton cœur et il ne faut plus
poser ce genre de question d‟où le nom Goundaka.
3 - Bayé Boubou : D‟après la tradition locale, la mère de Guéladio est la sœur du père de Sékou Amadou
(Amadou Boubou), donc elle est la tante de Sékou Amadou. Cette version de la tradition locale est
vraisemblable car avant de prendre la fuite, Guéladio confia sa mère trop vieille à Sékou Amadou malgré
leurs divergences profondes. Il dit à ses émissaires de dire à ce dernier de bien s‟occuper de sa tante.
269
« A notre connaissance, et d’après les écrits de certains chroniqueurs, Hama
Bodedjo Paté avait cinq enfants : Djeladjo, Ousmane, Boyo, Moumoussa et Hama.
Djeladjo était le plus âgé d’entre eux. Après la mort de leur père, au temps du
maître ‘’AHMED HAMDALLAHI (AHMADOU) à Kounari dans le petit village de
‘’Gandagga’’, Djeladjo, étant l’aîné de ses frères, il remplaça son père » (Hama,
1969 : 211).
Selon Hassane Baka, il resta seize ans à la tête du Kounari natal avant de
s‟exiler : «Guelajo Hombodejo Pâté est le chef de la migration des Ferobe au Niger. Il
était resté souverain du Kounari de 1804 à 1820» (Baka, 1992 : 42). C‟est au cours de la
quatrième année de son règne que sa renommée sera supplantée par celle d‟un alim, Sékou
Amadou qui a entrepris des conquêtes pour fonder un Etat musulman dans le Macina.
Aussi, le nouveau suzerain exigea à ce que tous les Ardo se convertissent à l‟islam. La
Face à cette nouvelle donne politique, Guéladio convoqua ses conseillers pour
demander leur avis sur l‟attitude à adopter. Parmi les réactions, la plus pertinente fut celle
« Je n’ai jamais eu peur d’un guerrier et je suis tout disposé à mourir pour
défendre mon frère et le renom de notre famille. Mais je conseille à mon frère de ne
pas s’opposer au marabout. C’est un foudre de guerre que Dieu envoie dans ce
pays. Il faut aller nous soumettre, non pas à lui, mais à Dieu, et déposer notre
soumission entre ses mains. Ainsi nous éviterons la guerre et garderons notre
commandement…. » (Ba et Daget 1955 : 43).
Malgré les conseils de son entourage, Guéladio, fier de ses origines (prince puis chef du
érudits pour écrire sur des ardoises en planche. A la longue, la surface des planchettes
devient noire à cause de l‟encre. Mais, devant l‟insistance de ses conseillers et de ses
1 - Ousmane Hambodédjo est le petit frère de Guéladio ; il est aussi le principal chef de guerre de l‟armée de
Guéladio. Il a le même père que Guéladio mais sa mère est bambara ; elle s‟appelle Téné Diamonzon.
270
meilleurs amis, Guéladio se résolut à se rendre dans la capitale du Macina pour se
Mais en réalité, sa conversion n‟est que théorique car il ne veut pas au fond
renoncer à son titre de Ardo1. En plus, il ne prie pas régulièrement et consomme de l‟alcool
en cachette. Il resta ainsi dans le gouvernement de Diina par intérêt. Il espérait une
récompense sur le plan politique. En effet, il pensait que sa profession de foi amènerait
Sékou Amadou à lui confier un territoire plus large. Mais, grande fut sa déception quand
lors du découpage administratif, c‟est un autre souverain moins important que lui, Gouro
découpage administratif plaça Guéladio sous la tutelle de ce nouveau souverain. Irrité par
sept ans, il résista contre le pouvoir de Sékou Amadou mais son armée fut vaincue au cours
d‟un combat décisif à Sio2. Au cours de cette bataille, son vaillant frère, Ousmane trouva la
mort.
a- L’exil de Guéladio
271
Guéladio et sa suite arrivèrent dans la région de Say où Mahaman Diobbo les autorisa à
s‟installer sur le site qui portera son nom, „‟Wouro Guéladio1’’. La zone d‟influence du
nouveau souverain sera nommée, Kounari. C‟est une réserve de forêt dans laquelle se
trouvent des animaux féroces : « Méfiant, le chef spirituel de Say, après avoir converti
d’éléphants agressifs » (Dionmansy, 1959 : 2). Guéladio Hambodedjo Pâté Yallé est donc
celui qui conduisit les Peul Ferobé de Kounari au Niger. Il faut souligner qu‟avant même
son arrivée dans la zone, il a envoyé un courrier pour informer les autorités de Gwandou.
Ces dernières saisissent à leur tour, Alfaga afin qu‟il autorise Guéladio et les siens à
s‟installer sur les terres comprises entre Torodi et Say afin de mettre fin aux incursions des
Gourmantché dans le Bittinkodji. Ainsi, le souverain et sa suite se fixèrent non loin de Say
et donnèrent au nouveau site le nom du Kounari, en souvenir à son pays natal. Selon Saka
Balogun l‟émirat de Kounari serait créé vers 1833: « Like the other emirates, Kunari was
established about 1833 by entering into an agreement with Gwandu » (Balogun, 1970 :
119- 120).Traduction: [Comme les autres émirats, Kounari avait été fondé vers 1833 avec
l‟accord de Gwandou].
Il faut d‟abord souligner que de son vivant, Guéladio eut 9 femmes et une
- Les fils : Hamboy, Sidi2, Boureima, Poullo, Youssoufi, Diobbo, Amirou Bounti,
Mahaman, Issa, Ali, Harouna, Djafarou, Ilou, Hamza, Marou, Galo, Kebé, Yéro…
1- Wouro veut dire maison et peut signifier par extension village en peul ; Wouro- Guéladio signifie alors
le village de Guéladio. Le village porte ce nom parce que c‟est Guéladio qui l‟a créé.
2- Sidi nom que Guéladio donna à son enfant, c‟est pour rendre hommage au grand alim, Sidi Al Bakkay.
C‟est à ce dernier que Guéladio confia trois de ses enfants pour qu‟ils apprennent les études coraniques.
272
Parmi les garçons, il est à noter que Hamboy, Sidi et Boureima sont nés dans le Macina.
Guéladio va ainsi quitter Goundaka pour une autre terre d‟accueil. Outre sa famille, la
délégation est constituée des Hossoobe (hommes libres), des Sofaabe (garde- corps), des
Garsaabe (griots), des Wahilbe (forgerons), des Sekkebe (bûcherons), des Nyeybe
Après plusieurs péripéties, il arriva enfin à Say. C‟est dans cette ville que Guéladio
accepta de se convertir à l‟islam : il se fit raser et enturbanner par les autorités de Say.
Quand ses détracteurs lui reprochent ce changement d‟attitude de la part d‟un Ardo, il
rétorque : « Je peux accepter tous les modibbo du monde sauf Sékou Amadou ». Cette
réponse de Guéladio montre à quel point il hait Sékou Amadou, le suzerain qui a conquis
son territoire. Sans poser de conditions, il est allé s‟installer sur le nouveau site qui lui a
« Le choix du site octroyé à Guéladio n’est pas fortuit. A cause de l’insécurité qui
règne dans l’ensemble de l’Ouest du Niger à cette époque, les autorités de
Gwandou ont demandé à Alfaga de Say d’installer Guéladio à mi- chemin entre
Say et Torodi. Comme son armée dispose d’armes à feu, il pourra ainsi sécuriser
l’ensemble des territoires de la rive droite se trouvant sous tutelle de Gwandou »1.
Guéladjo, en plus des cadeaux rituels, son magnifique cheval. Le nouveau converti, hautin
refusa de se séparer de coursier. Alfa Maman Diobbo ne lui tint pas grief » (Dionmansy,
1959 : 6). Wouro- Guéladio sera ainsi créé vers 1833, sur le site indiqué par les autorités de
Say. Guéladio va accomplir sa mission en mettant fin aux incursions des Gourmantché et
en chassant le troupeau d‟éléphants qui saccageaient les champs des paysans : « Les
habitants de Say et leur marabout furent surpris quand ils apprirent que Guéladjo tua le
273
chef Gourmantché Ounteini et dispersa le troupeau d’éléphants qui terrorisaient le pays »
zone soudanienne non loin d‟un des affluents de la rive droite du fleuve Niger, le Goroubi.
Il s‟agit territoire qui dispose encore d‟une végétation abondante et des terres fertiles.
Guéladio s‟est installé avec sa suite sur ce site et a toujours entretenu des relations
cordiales avec les autorités de Say. Le centre de Guéladio tire en effet, sa renommée de son
armée qui est la seule équipée d‟armes à feu à l‟époque dans la zone. Elle dispose aussi
d‟une cavalerie. Ce qui est important à souligner, c‟est que malgré son hostilité à l‟égard
de la religion musulmane, trois de ses fils ont tous étudié le Coran et sont des modibbo1, il
s‟agit de Hamboy, de Sidi et de Boureima. Lors du passage de Barth, son fils aîné,
Hamboy poursuivait ses études à Tombouctou : « The old chief even at the present time,
keeps up a continual intercourse with Timbuktu, where his eldest son was at the time
studying, and which place he did not leave until some time after my arrival » (Barth, 1865 :
183). Traduction: [Le vieux chef était, alors encore en relations continues avec
Tombouctou où son fils aîné 2 faisait ses études et il n‟avait pas quitté cette localité jusqu‟à
mon arrivée]. En plus de ses trois fils, le cortège des fugitifs comptait un nombre
important d‟érudits. Parmi ceux-ci, le plus célèbre est Amadou Alfaga. Après 40 ans de
règne sur le Kounari (Niger), Guéladio tomba malade ; il exprima le souhait de mourir
dans son pays natal, le Macina : « Guéladjo régna pendant dix ans à Goundaka et
quarante ans dans le petit Kounari » (Dionmansy, 1959 : 6). Conformément à ses vœux,
une délégation chargée de transporter le souverain malade fut constituée. Ce retour fut
facilité par la conquête du Macina par Elhadji Omar en 1862 : « En 1854, après avoir mis
274
à feu et à sang le Kaarta, en 1861 après avoir pris Ségou, EL- Hadji Omar saccagea
Hamdallahi en 1862. C’était vers cette époque qu’il envoya des émissaires à Guéladjo
pour l’inviter à venir prendre possession du Grand Kounari libéré » (Dionmansy, 1959 :
3). Mais, cet exode en sens inverse allait mal se passer car en cours de route, l‟état de santé
de Guéladio s‟aggrava, la délégation jugea utile de faire escale chez son oncle, Sala Pâté
qui se trouvait à Dori dans l‟espoir de lui trouver des produits pouvant améliorer son état
Dori avant d’arriver dans cette localité. Djeladjo mourut à l’âge de 86 ans » (Hama,
1969 : 215).
Le centre de Guéladio est beaucoup plus un centre militaire que religieux. Il faut
aussi souligner que l‟homme, chef de la migration, n‟est pas en soi un fervent musulman.
Mais, ce qui nous intéresse dans ce centre, c‟est le nombre important d’ouléma qui l‟ont
suivi dans sa fuite et la tentative de son fils et successeur, Hamboy de faire de Kounari, un
« Parmi les ouléma qui ont suivi Guéladio dans son exil, le plus célèbre est
Amadou Alfaga. En dehors de ce dernier, il est à rappeler que trois des enfants de
Guéladio sont des lettrés musulmans, il s’agit de Hamboy, de Sidi et Boureima
appelé aussi Poullo. Ils ont tous fait leurs études coraniques à Tomboucotu chez le
célèbre érudit kounta, Shaykh El Bakkay.C’est d’ailleurs avec l’avènement de
Hamboy que le centre militaire du Kounari va devenir, un centre d’études
islamiques »1.
Gourmantché contre les villages situés le long du Goroubi. En effet, il disait lui- même
ceci après la création de Wouro- Guéladio : « Mi tegii lawol mabbe », autrement dit : „‟ Je
275
viens de couper leur route‟‟. Les heurts entre les Bittinkoobe et les Gourmantché restés
jusque là hostiles à l‟islam sont confirmés par Lem dans ce passage : «Ces Bitinkobe, déjà
fervents adeptes de l’Islam, plus nombreux, plus forts, imposèrent leur religion et
exercèrent pendant de longues années une lutte implacable contre les populations
fétichistes locales1 rebelles à l’Islam » (Lem, 1943 : 59). L‟armée de Guéladio disposant
d‟armes à feu a vite su contenir ces incursions et les Gourmantché, paniqués, se sont
repliés davantage vers le Burkina Faso actuel. Selon Saka Balogun, c‟est avec l‟armée de
Guéladio que la ville de Botou fut vaincue pour la première fois : « And Kunari traditions
claimed that Botou, the capital of the Gurmawa was conquered only when the gun-men of
Kunari were drafted there by Khalil » (Balogun, 1970 : 120).Traduction : [Ainsi, les
traditions de Kounari affirment que Botou, la capitale des Goumantché n‟a été conquise
que quand Khalil a envoyé là- bas, des hommes armés de fusils à partir du Kounari]. Cette
victoire intervenue entre 1833- 1834, et qui s‟est soldée par la mort du chef de Botou,
Bounwel, a permis de contenir les assauts des Gourmantché et de ramener la paix dans
Modibbo Amadou Alfaga fut le premier à ouvrir une école coranique dans le
village de Wouro- Guéladio. Il fut aidé dans cette tâche par le fils aîné de Guéladio,
Hamboy. Au début, les nouveaux arrivants hésitaient à envoyer leurs enfants dans cette
école, mais avec le temps beaucoup des parents comprirent l‟utilité de l‟instruction de
leurs enfants et commencèrent à les y envoyer. Cette hésitation serait probablement due au
souvenir amer que les populations de Guéladio gardèrent du Kounari natal. L‟installation
de Guéladio aux abords du Goroubi permit de faire régner la paix dans la zone. A cause de
276
Nommaabe1 du Bittinkodji et du Torodi. Malgré la puissance de son armée, il n‟y a jamais
eu le moindre désaccord entre Guéladio et les autorités de Say. Selon nos informateurs, de
nos jours encore, Say et cette localité entretiennent des relations cordiales. Barth souligne
que lors de son passage, Guéladio était âgé de 70 ans environ: « Mohamed Gailajo, at the
time of my visity was a man of about seventy years of age. » (Barth, 1965, vol3 : 182).
ans]. Si en 1854, il avait environ 70 ans, vers 1868, Guéladio serait âgé d‟environ 84 ans.
C‟est donc un souverain vieux et malade qui décida d‟effectuer un voyage aussi difficile et
périlleux.
Amadou Alfaga est un érudit faisant partie de la suite de Guéladio. Il est le premier
à ouvrir une école coranique à Wouro- Guéladio. Malgré l‟hostilité de certains dignitaires
de la cour, il a réussi tant bien que mal à rassembler quelques enfants du Kounari autour
« Amadou Alfaga est un érudit exemplaire très respecté par les populations du
Kounari. Comme Mahaman Diobbo, il prêche un islam tolérant, ce qui lui a valu la
sympathie des habitants de Wouro- Guéladio. Il est le premier imam de ce village.
Il est également le premier à ouvrir une école coranique. Les guerriers et les
principaux dignitaires de la cour ont encore en mémoire, le souvenir douloureux
du Macina. Mais, grâce à sa perspicacité, il est parvenu à convertir plusieurs
d’entre eux. Il va ainsi, de porte en porte interpeller les parents sur la nécessité
d’envoyer leurs enfants à l’école coranique. Il a réussi à réunir autour de lui, les
jeunes de tous les quartiers de Wouro- Guéladio. Il a entretenu des bonnes
relations avec les autorités religieuses de Say. Il a fait toutes ses prières de
vendredi dans cette ville. Mais, il meurt au moment où on assiste à une certaine
ferveur religieuse dans le village »2.
Amadou Alfaga meurt quelques années (la tradition locale reste muette sur le nombre
1 - Nommaabe, ce sont des Peul qui sont venus après s‟installer à Kounari sous la protection de Guéladio.
Ce dernier a accueilli les nouveaux arrivants et leur a donné un site d‟hébergement.
2- Entretien avec Amadou Oumarou forgeron à Guéladio le 29/12/2010.
277
se propager dans le Kounari va connaitre un coup de frein brusque avec la mort de cet
Après la mort de Guéladio, plusieurs de ses fils vont le succéder. Parmi ceux-ci,
Hamboy accéda au trône de Guéladio après la mort de son père. Etant l‟aîné et le
plus sage de sa famille, son élection n‟a pas posé de problèmes. Il est un lettré musulman
qui fit ses premières études au Macina d‟abord avant d‟aller à Tombouctou approfondir ses
Guéladio: « In order to convince the Sheik how sensible i was of the confidence which he
placed in me, i made a present of a blue cloth kaftan to Mohammed Boy, the son of the
chief Galaijo, who had studied with him for a year or two, and was now about to return
home by way of Hamda- Allahi » (Barth, 1965: 320). Traduction: [Afin de convaincre le
Shaykh combien j‟étais sensible à cette marque de confiance, j‟avais fait cadeau d‟un
caltan de drap bleu à Mohammed Boy, le fils du souverain Guéladio, qui avait étudié avec
lui pendant un ou deux, et était maintenant sur le point de rentrer au pays par la voie de
Hamdallay].
1- Hamboy : De son vrai nom Hamadou Guéladio, d‟après la tradition locale, le petit frère Guéladio, Boy
Hambodédio est stérile, il n‟a donc malheureusement pas eu d‟enfants. Pour le consoler, son grand frère,
Guéladio lui confie la garde de son fils aîné Hamadou. Les populations de Goundaka l‟appellent
affectueusement, Hamadou Boy (c'est-à-dire Hamadou le fils de Boy), d‟où le surnom Hamboy.
278
Hamboy est un érudit qui n‟aime pas la guerre parce que pour lui, elle n‟a aucun
caractère religieux : les gens font la guerre pour le butin et non pour défendre une cause
termes : « Konu mabbe hana ko diina non, ko nyaam te non, mi walaa hen ».
Traduction : « Leur guerre n’a aucun caractère religieux, les gens sont plutôt motivés
par le butin, je ne m’y engerai pas ». C‟est pourquoi, il va transformer le centre militaire
« Hamboy est un souverain très courtois à l’égard de ses sujets. Même les
dignitaires les plus hostiles à la religion de Mohamed n’osent pas manifester leur
désapprobation en sa présence à cause de l’estime qu’ils ont pour lui. Il va mettre
à profit son charisme pour propager la religion musulmane dans le Kounari. Il se
déplace sur son cheval de village en village avec quelques uns de ses adeptes pour
prêcher. C’est ainsi que des villages comme Dandiré, Kobadié, Tchantchangou
seront touchés par l’islam. Dans le village de Wouro – Guéladio, il a interdit la
vente de la bière locale ainsi que toutes les pratiques contraires aux prescriptions
de l’islam »1.
Durant ses 18 années de règne, il fit régner la paix sur le Kounari et refusa de faire
la guerre. Sa préoccupation première en tant que religieux, est de faire régner la paix et
de répandre l‟islam dans la zone. Il s‟est surtout inspiré de l‟exemple des ouléma de
Say. Erudit de son état, il mit à profit ce temps de paix pour propager l‟islam dans le
Guéladio. Pour ce faire, il fit appel aux autorités de Gwandou afin que ces dernières lui
envoient des maçons à cet effet. Malheureusement, il ne put pas réaliser cette mosquée
de son vivant car il trouva la mort au moment où le chantier était sur pieds. Les ruines de
Hamboy, l‟islam fut largement répandu dans le Kounari. Mais, il mourut vers 1886.
Selon Soumana Abdoulaye : « Hamboy est considéré comme un saint par la population
279
de Kounari. De nos jours encore quand la pluie tarde à tomber ou quand elle s’avère
irrégulière, celle - ci organise des prières à côté de sa tombe pour implorer Dieu »1.
Hamboy eut sept garçons et deux filles : Abdoulaye (l‟aîné), Galo, Kebé, Boureima
la planchette‟‟ n‟est pas facile car la majorité des guerriers sont contre sa politique.
Après la mort du souverain, ce n‟est pas son petit frère direct, Sidi qui accéda au pouvoir
mais plutôt le deuxième frère, Boureima Guéladio. Qu‟est – ce qui explique cette
situation paradoxale ?
essentiellement composé par des esclaves de case. Ce sont ces derniers qui fabriquent les
armes et, ce sont eux qui les détiennent. Ils constituent donc la branche la mieux équipée
de l‟armée du Kounari. En plus, ils ont le droit de faire la guerre et d‟avoir leur part du
« Les 18 années de paix que le Kounari a connues, sous le règne de Hamboy ont
appauvri les guerriers. C’est pourquoi, ils ont décidé de ne plus soutenir un prince
qui ne ferait pas la guerre. Ils décident alors de soumettre Sidi et son petit frère,
Boureima à un interrogatoire. Celui qui va répondre conformément à leurs attentes
sera placé sur le trône de Kounari. Le collège électoral constitué essentiellement
par des guerriers du Kounari fera connaître à la population celui sur qui ils ont
porté leur choix par des tirs en l’air des mousquets à l’intérieur de la concession
de l’heureux élu »2.
C‟est ainsi que Sidi, le grand frère fut le premier à être soumis à cet interrogatoire. Quand
280
konu, mi tokaŋ laawol mawnam » Autrement dit : « Je suis un modibbo, je ne ferai pas la
Le collège électoral dans son ensemble va se diriger chez Boureima, le petit frère de
kokKii kam laamu hannden, jaango enjahan konu ». Autrement dit : « Si vous me donnez
le pouvoir aujourd’hui, dès demain, on ira en guerre ». Après cette réponse, les guerriers
population de Guéladio a compris aussitôt que c‟est Boureima qui a été élu et non Sidi. Ce
dernier déçu par le choix du collège électoral s‟est enfermé dans sa concession et a refusé
de sortir. Il va rendre l‟âme sept (7) ans après l‟accession de Boureima au trône. Sa tombe
Avec Boureima, les guerriers ont retrouvé leur sourire ; comme promis, il a engagé
aussitôt les hostilités dans le Gourma et dans le pays Gourunsi. L‟armée de Boureima a
participé activement à la grande bataille de Boumba de 1896. Avec l‟avènement de ce
passionné de la guerre, on assiste alors au retour en force de la religion traditionnelle et au
développement de la délinquance dans le Kounari, la vente du dorro1se développe un peu
partout. Les modibbo ont été délaissés par les nouvelles autorités et, l‟islam a chuté
considérablement dans le Kounari.
Sa participation aux évènements qui ont secoué l‟Ouest du Niger à la fin du XIXe siècle
s‟explique par son penchant pour la guerre. Il a participé aux premières hostilités engagées
par Bayéro et les Foutanké dans le Dallol : « Partis de Lontia, Ali Buri Ndiay et Bayero
Abul Hassan s’en furent au Kunari prendre contact avec Bureyma Galadio, au Fakara
avec Umar Bantaci chef de Dancandu Sillanke, à Kirtashi avec Dioffo. Ensemble, ils
brûlèrent Tondo Gerinji et Kudagande et se séparèrent » (Gado, 1979 : 459). Boureima
Guéladio a aussi pris part à la célèbre bataille de Boumba. Boubé Gado décrit les forces en
présence en ces termes :
« Si les premières coalitions, formées grâce à l’insistance de Bayero Abul Hassan,
se composaient du Kunari, du Kirtashi, du Fakara, de Bayero et des Futanke,
1 - Dorro : C‟est le nom donné par les Peul du Kounari à leur bière locale.
281
celles-ci comprenaient également le Kogori et le Namari dont les meilleurs
Wangaari étaient tombés héroïquement à Kollo.
Les troupes de Issa Korombé réunissaient les hommes de Wangunya, l’armée du
Kabi et celle du Zarmakoy de Dosso Alfa Atta » (Gado, 1979 : 462).
l‟a contraint à quitter son pays qu‟il aime tant pour s‟installer sur la rive droite du fleuve
Niger dans le Gourma. Avec son armée équipée d‟armes à feu, il va ramener la stabilité
dans cette partie de l‟Ouest du Niger. Ses fils et ses successeurs vont également poursuivre
cette politique de stabilisation de la zone. Parmi ses successeurs, Hamboy est celui dont le
stabilité retrouvée pour répandre l‟islam dans tous les villages placés sous sa tutelle. De
nos jours encore, quand les populations de Kounari font face à des difficultés rappelons- le,
des prières collectives sont organisées autour de sa tombe pour implorer la grâce de Dieu.
282
Chapitre XII : Bilan de l’œuvre religieuse des leaders religieux des centres d’études
Depuis le début du XVIe siècle des ouléma ont œuvré pour l‟expansion de l‟islam
dans notre zone d‟étude. Après plusieurs siècles de contact avec la religion de Mohamed,
l‟occupation coloniale. Il sera aussi question d‟aborder l‟apport de l‟islam aux sociétés
Au terme de cette étude, nous constatons que tous les centres d‟études islamiques du
XIXe Siècle ont été créés et animés par des Peul à l‟exception de celui de Sinder. Alors
terre d‟origine de cette communauté, le Macina. En effet, après la chute de l‟Empire Soney
en 1591, l‟émiettement et l‟instabilité politique qui s‟en étaient suivis avaient provoqué
Ainsi, plusieurs groupes peul vont quitter le Macina pour s‟installer dans l‟Ouest du Niger.
Ils vont créer dans cette zone au XIXe siècle, des centres d‟études islamiques, lieux
1 - Pour plus de détails, lire Diallo Thierno (1972) et Hassane Baka (1992).
283
d‟apprentissage et de propagation du savoir religieux. Parmi ces centres, le plus important
reste incontestablement Say, rendu célèbre par la présence de Mahaman Diobbo. Les
ouléma, placés à la tête de ces centres ont œuvré chacun à sa façon au rayonnement de la
culture islamique dans notre zone d‟étude. A la fin du XIXe siècle, nous pouvons affirmer
Mais malgré tout, la religion traditionnelle reste dominante. Les localités dans
lesquelles les adeptes de la religion du terroir sont largement majoritaires sont : région de
Dosso (Gaya et Dogondoutchi), dans la région deTillabéri, les centres réputés de la religion
traditionnelle sont : Simiri, l‟Anzourou, Goruol, Botou. L‟Anzourou est le fief des
une adhésion importante et volontaire des populations à l‟islam. Selon Paul Marty, le
nombre de musulmans dans le cercle de Niamey qui correspond à peu près à notre zone
d‟étude est très important au début du XXe siècle. Seule la subdivision de Dogondoutchi
surtout par des sédentaires noirs et cultivateurs, c’est le cercle le plus riche et le plus
peuplé de la colonie. Il est islamisé dans son ensemble, sauf dans la région de
Dogondoutchi… » (Marty, 1931 : 346). Selon les statistiques fournies par le même auteur,
cercle de Niamey peut être évaluée en bloc à 310 000 habitants, appartenant à des groupes
ethniques divers (…) Le nombre de Musulmans est d’environ 239000 » (Marty, 1931 :
1 ANN- 1E7- TMN- Cercle de Niamey : rapports politiques trimestriels du 1er trimestre au quatrième
trimestre 1912 : 1er trimestre 3p, 2e trimestre 6p, 3e trimestre 4p, 4e trimestre 13 p.
284
351). Cette forte proportion des musulmans est le fruit d‟un long processus enclenché
depuis le XVIe siècle. L‟islam qui a mis du temps à s‟implanter dans l‟Ouest du Niger va
Ces chiffres ne reflètent pas la réalité car ce sont des statistiques élaborées lors des
des non pratiquants. Ces derniers sont issus de familles musulmanes, ils portent des noms
musulmans mais ne s‟acquittent pas de leurs devoirs religieux. Généralement, lors des
tournées de recensement, tout ce monde est comptabilisé dans le groupe des musulmans.
Mais en réalité, même dans les zones les plus islamisées, la religion traditionnelle est restée
forte même aujourd‟hui. A Say, le plus grand centre d‟études islamiques de l‟Ouest du
Niger, où nous avons vécu de 1981à 1983, la ville dispose d‟un quartier, Goungo- Bon
dans lequel, les adeptes de la religion traditionnelle sont encore nombreux. Tous les
Yenandi2 est organisé au bord du fleuve. Jusqu‟à notre départ de cette ville, les cérémonies
285
Carte No 10 : Carte des religions dans l’Ouest du Niger à la fin du XIXe siècle
286
II- L’apport de l’islam aux sociétés de l’Ouest nigérien
1- L’apport de l’écriture
(Triaud, 1973 : 14). Avant l‟introduction de l‟islam, les messages étaient transmis
oralement par le biais des messagers de la cour. Ces derniers avaient pour rôle de
qui maîtrisaient la langue arabe et qui étaient chargés de rédiger dans cette langue ou
dans les langues du terroir les diverses correspondances en utilisant l‟alphabet arabe :
ce sont des ajami. Les courriers étaient désormais cachetés et scellés. Cet apport de
l‟islam avait facilité les échanges surtout entre les ouléma de l‟époque. L‟école
coranique avait ainsi joué un rôle important dans la diffusion de la culture arabo-
musulmane dans notre zone d‟étude. En effet, c‟est dans cette école que les talibé
classique est l’alphabet arabe puis le Qu’rān » (El Hamel, 2002 : 127). Après une
longue période d‟étude, la plupart des lettrés musulmans parviennent à lire des
documents en langue arabe mais aussi à écrire des correspondances dans leur langue
Dans l‟ensemble, l‟apport de l‟écriture a été marginal car celle – ci est réservée seulement
287
2- L’implication de l’islam dans l’organisation du pouvoir politique
organisation politique dans laquelle les lettrés musulmans jouent un rôle important. Aussi,
Zarmakoye ou Wonkoy pour adopter celui d‟Amirou. Le savoir islamique était un acquis
important dans les sociétés musulmanes du XIXe siècle. Il permet d‟accéder aux plus
hautes fonctions. Ainsi, de conseillers à la cour des souverains, les lettrés musulmans vont
se détacher de ces cours traditionnelles pour créer des centres d‟études islamiques au sein
desquels ils occupent les fonctions les plus élevées. Dans tous ces centres le pouvoir est
Amirou en zarma qui détient à la fois le pouvoir temporel et spirituel. Il nomme lui-même
les dignitaires de la cour et met fin à leur fonction. Dans tous les centres que nous avons
étudiés, la dévolution du pouvoir est héréditaire. L‟introduction de l‟islam n‟a pas changé
responsable de la Oumma islamique est choisi parmi le plus pieux et le plus savant. Or, ce
n‟est pas le cas. La dévolution du pouvoir est restée héréditaire. L‟exemple de Sokoto a
certainement fait tâche d‟huile dans les centres d‟études islamiques de l‟Ouest du Niger.
C‟est ainsi que grâce à leur savoir, des lettrés musulmans issus de familles modestes vont
l‟islam :
288
arabes imâm et émir, étaient assistés dans leur administration par le conseil des
lettrés et des chefs de famille » (Lem, 1943 : 73- 74).
Dans tous les centres d‟études islamiques, le Conseil des lettrés jouent un rôle
moteur dans la gestion des affaires de la communauté. C‟est au sein de ce Conseil que sont
choisis généralement deux ouléma (en fonction de leurs capacités intellectuelles mais aussi
de leur intégrité morale), pour occuper les postes de cadi et d‟imam. Ainsi, après Lamido
ou Amirou vient, Alkali (cadi) qui est chargée des questions judiciaires et qui doit trancher
les litiges conformément à la loi coranique. La loi dans ces centres est régie par la Shari’a.
islamiques :
« On consulta Taburet à tout propos. Une jolie peule de Saga, au teint clair, aux
attaches fines, a manqué à la réserve que les mœurs de sa tribu imposent, paraît- il,
aux jeunes filles et sa grossesse est déjà très apparente. Elle vient timidement
demander « médicaments ». Et comme on lui dit que son cas est incurable, que
notre religion nous défend de supprimer une existence, elle arrive le lendemain
avec sa mère. Celle- ci conte que dans son village on les tuerait toutes les deux à
coups de pierres, si elles rentraient ainsi, ou bien, par mesure de clémence, on les
laisserait aux fers jusqu’à mourir. La jeune fille était jolie ; beaucoup de ceux du
village l’ont demandé en mariage ; elle les a repoussés. Aussi, tous veulent se
venger et appliqueront, sans y rien adoucir, « les justes lois musulmanes » dans
toute leur rigueur. Elle n’a plus ni père, ni frère, ni défenseur. Le séducteur s’est
retiré : la coutume n’autorise pas la recherche de la paternité (…)
Et toutes deux, la mère, les larmes aux yeux, la fille, prostrée, implorent :
« Safarikoy, safarikoy! Docteur, docteur! » Je me demande quel serait dans ces
pays fanatiques, le devoir de conscience d’un médecin disposant du nécessaire, ce
qui n’était pas le cas (…) Je charge Digui de les pousser dehors le plus doucement
possible, avec une grosse charité qui leur permettra de gagner quelque village de
païens pitoyables » (Hourst, 1898 : 309 - 310).
Ce témoignage de Hourst, même s‟il contient des phrases pleines d‟ironie et parfois même
de mépris à l‟égard des lois de l‟islam prouve que la Shari’a était appliquée dans certaines
Mais, l‟application n‟était pas aussi rigide que le soulignait l‟auteur. Les dirigeants des
centres d‟études islamiques avaient toujours cherché une solution à l‟amiable pour régler
289
Un autre auteur, Balogun confirme l‟application de la Shari’a dans tous les centres
« Basically, therefore, the Emirs powers and positions derived from Gwandu which
delegated its authority to them. To this privilege of delegated authority were
attached various obligations namely, obedience the metropolitan Gwandu, payment
of certain dues in cash and kind, rendering of military service to the centre and
establishment of just and equitable rule based on the Shari’a in their respective
areas of authority » (Balogun, 1970 : 274 – 275).
Traduction: [En gros, les limites des pouvoirs des Emirs sont déterminées par Gwandou
qui leur a délégué son autorité. A cause de cette délégation de pouvoir, ils ont des
gouvernance juste et équitable basée sur la Shari’a dans leurs zones d‟influence
respectives]. Mais, la latitude est laissée aux dirigeants des centres de trancher les litiges.
Seuls ceux n‟ayant été l‟objet d‟un consensus sont portés devant l‟émir de Gwandou qui
- Enfin l‟Imam qui dirige les prières et qui donne son point de vue sur des questions
Les centres d‟études islamiques sont tous dans la sphère d‟influence de Sokoto
mais ils jouissent d‟une large autonomie. Avant la chute de Tamkalla, le Lamido du centre
depuis la chute de cette ville en 1854, ce rôle est dévolu aux autorités de Say qui sont
chargés d‟introniser les autres Amirou de l‟Ouest du Niger. L‟investiture est faite
290
conformément aux principes de l‟islam. Avant cette cérémonie, la localité voulant
introniser son Amirou, dépêche une délégation auprès des autorités de Say pour les
informer officiellement. La date d‟investiture est arrêtée d‟un commun accord. Ainsi, les
autorités de Say ont des devoirs vis-à-vis du souverain qui doit être intronisé : « Il est du
devoir du souverain de Say de payer le Jelaba1, le turban et les deux boubous (dont l’un de
couleur noire et l’autre de couleur blanche).Cette cérémonie fait l’objet de tout d’un rituel
religieux » (Baka, 1992 : 86). Ainsi, les souverains des entités socio- politiques de Kouré,
de N‟Dounga, de Birni N‟Gaouré, de Torodi, du Bittinkodji sont intronisés par les autorités
de Say.
La justice aussi est toujours basée sur les lois de la religion musulmane et les autorités
islamiques de l‟Ouest du Niger qui sont sous tutelle. La justice est assurée rappelons- le,
par les Alkali (Cadis) qui jouent un rôle important dans la cour. Ils étaient chargés de
rendre la justice conformément à la Shari’a. C‟est quand le problème n‟était pas résolu au
phénomène urbain dans l‟Ouest du Niger. Tous les centres d‟études islamiques étaient des
lieux presque vides d‟hommes avant l‟installation des lettrés musulmans sur ces terres.
Mais, après l‟implantation des érudits sur les différents sites, les centres verront leur
dont les sites étaient inoccupés mais, qui ont accueilli après l‟installation des lettrés
1- Jelaba : Mot d‟origine arabe qui désigne une sorte de gilet qu‟aimaient porter les souverains d‟orient.
C‟est la raison pour laquelle les nouveaux Amirou aimaient aussi porter ce gilet au dessus de leurs boubous.
Donc, c‟est l‟honneur que Say offrait aux nouveaux Amirou en leur donnant le jour de leur intronisation cette
Jelaba.
291
musulmans des flux migratoires considérables. Le processus d‟urbanisation va surtout
s‟accélérer au XIXe siècle avec le Jihad d‟Ousmane Dan Fodio et ses répercussions sur
l‟ensemble de l‟espace nigérien. Nous pouvons retenir à ce niveau deux exemples : Sinder
et Say.
Sinder, une réserve de terres fertiles est devenue après l‟installation de Tondo
Djalley sur le site, une ville. Lors du passage de Barth, les îles de Garou et de Sinder
étaient les plus importantes de la région et comptaient entre 16000 et 18000 habitants soit
En plus de sa population, Sinder était le plus grand marché de céréales de la zone. Les
terres de Sinder étaient très fertiles et riches. En grande partie inondées pendant la période
des hautes eaux, ces terres recouvertes par des limons devenaient riches en humus après le
retrait de celles-ci. La production était alors abondante faisant ainsi de Sinder le grenier de
la région :
« Sinder est le plus grand marché aux céréales de toute la contrée, et on y trouve
en tout temps du millet en abondance ; pendant mon voyage, on y exportait de
grandes quantités de riz vers les provinces de Saberma et de Dendina. Malgré la
forte demande, le prix des céréales est très bas à Sinder : c’est ainsi que j’y achetai
une demi Sounnie (soit environ 200 livres) de blé, pour un morceau de coton teint
que j’avais acheté à Gando pour 1,050 coquillages, ou à peu près 20 Silbergros »
(Barth, 1865 vol 4 : 180).
La production de céréales sur les terres de Sinder et celles des îles environnantes était
tellement importante à l‟époque que l‟offre était toujours supérieure à la demande. Ainsi,
les prix étaient restés bas sur le marché tout au long du XIXe siècle.
292
En dehors de Sinder, on peut citer l‟exemple de Say qui n‟était qu‟un hameau (selon
la tradition locale) habité par un pêcheur, Albarka Toka et sa famille avant l‟arrivée de
Mahaman Diobbo. Mais après l‟installation du saint homme sur l‟île, Say va rapidement
devenir non seulement une ville mais aussi un carrefour sur le plan commercial et
religieux :
C‟est surtout la renommée de saint homme de Mahaman Diobbo qui poussa plusieurs
communautés (peul, soηey, Kourté, wogo…), à venir s‟installer à Say ou dans les environs
immédiats. Ainsi, le site qui n‟était qu‟un hameau rappelons- le, avant l‟installation du
de l‟érudit et sa suite sur le lieu. C‟est ainsi, qu‟elle devient une ville d‟une grande
293
Conclusion générale
l‟islam remonte au VIIe siècle, l‟islam fut introduit dans notre zone d‟étude des siècles plus
tard. Ce retard s‟explique certainement par le fait que les grands axes du commerce
caravanier ne passaient pas par l‟Ouest du Niger. La zone manque aussi de grandes villes,
lieux par excellence des échanges où séjournaient les caravaniers musulmans venus du
Nord et porteurs du message divin. Contrairement à ces villes commerciales où l‟islam fut
introduit par des agents venus du Nord, dans notre zone d‟étude, c‟est un phénomène
provenant de l‟Ouest. Les deux courants qui ont joué un rôle dans le processus
- Le plus ancien est celui de la phase d‟islamisation de l‟Empire soηey sous Askia
- Le second fut en relation avec le Jihad conduit par Ousman Dan Fodio au début du XIXe
siècle.
L‟islam avait donc essentiellement gagné notre zone d‟étude du côté Ouest. Au XVIe
siècle, cette religion avait été introduite d‟abord dans quelques villages où Askia Mohamed
avait installé des familles de lettrés musulmans : N‟Dounga, Kouré, Kafi… Avec cette
politique du grand Askia, l‟islam fit une progression sensible dans notre zone d‟étude.
l‟Ouest du Niger mais aussi dans toute la sphère d‟influence de l‟Empire Soηey : « De
1591 à la fin du XVIIIe siècle, l’islam connut une longue léthargie dont il ne se réveillera
qu’à partir du XIXe siècle sous l’action des Peul » (Hama, 1978 : 64). Mahmoud Kâti
294
jusque- là, ce fut l’inobservance des lois de Dieu, l’iniquité des esclaves, l’orgueil
et l’arrogance des grands. Au temps d’Ishâq, la ville de Gao avait atteint l’extrême
limite de l’immoralité ; les crimes les plus graves, les actes les plus désagréables à
Dieu s’y commettaient ouvertement et les pires turpitudes s’étalaient au grand jour.
C’était à tel point qu’on avait désigné un préposé aux adultères pour lequel on
avait confectionné un tambour spécial et devant lequel les intéressés se citaient
réciproquement. Il y avait encore d’autres choses dont le récit déshonorerait celui
qui aurait l’audace de le faire. Nous appartenons à Dieu : vers lui que nous devons
retourner » (Kâti, 1913 : 272).
Les lettrés musulmans qui viendront après la conquête marocaine dans la zone n‟ont pas pu
musulmans, elle n‟a pas progressé dans l‟Ouest du Niger au cours de la période allant du
XVIIe au XVIIIe siècle. On assiste même à un recul de l‟islam dans cette zone au cours de
la seconde moitié du XVIIIe siècle. Cette situation est due à un retour en force de la
religion du terroir car les érudits de cette époque n‟ont ni le soutien, ni le charisme de leurs
prédécesseurs pour faire passer le message de Dieu. L‟arrivée de plusieurs autres groupes
essentiellement d‟adeptes des croyances ancestrales n‟a pas facilité la tâche aux lettrés
musulmans.
dernière est restée prépondérante dans la zone jusqu‟à la fin du XVIIIe siècle. Il faudra
acceptent pour la première fois de se convertir et portent dès lors, le titre d‟Amirou. Ce
islamiques dans l‟Ouest du Niger. C‟est avec ces centres, animés essentiellement par des
érudits peul que la religion de Mohamed va faire un progrès significatif dans cette zone.
295
A partir du XIXe siècle, on assiste rappelons le, à l‟éclosion de plusieurs centres
d‟études islamiques dirigés par des lettrés musulmans qui ont joué un rôle important dans
la diffusion de l‟islam dans cette partie de l‟espace nigérien. Parmi ces centres, Say reste
incontestablement le plus puissant. Ville créée au début du XIXe siècle par Alfa Mahaman
Diobbo, elle est devenue en peu de temps, le centre d‟études islamiques le plus important
de l‟Ouest du Niger. Un tel succès dans une entreprise religieuse en un temps aussi court
est un fait rare. Il faut reconnaître que ce succès est en grande partie lié à la personnalité
exemplaire, attirer de nombreux fidèles vers Say. Désintéressé par le bien matériel,
Mahaman Diobbo est un lettré musulman ayant un sens profond de justice et d‟équité. En
optant pour la conversion volontaire du fidèle, il a fait du coup de Say, un havre de paix, ce
qui va pousser des milliers de fidèles fuyant l‟insécurité à venir s‟y installer. Ces
l‟Ouest du Niger.
Contrairement à Say qui a brillé dans toute notre zone d‟étude à cause de l‟option
de ses dirigeants pour la non violence, le centre d‟études islamiques du Boboye a eu une
d‟apaisement et de rassemblement menée par les pères fondateurs (Ali Anna et Sambo).
Mais avec l‟avènement de Boubacar Louloudji, ce centre va basculer dans la violence et,
depuis lors les heurts sont fréquents dans le Dallol avec tout un cortège de malheurs.
C‟est l‟ambition démesurée de ce leader religieux qui veut contrôler toutes les terres de
cette vallée fossile qui va mettre le feu aux poudres. Ses successeurs vont
Boboye et fera de cette zone, l‟un des plus grands foyers d‟insécurité dans l‟Ouest du
Niger.
296
En dehors de ces deux grands centres d‟études islamiques, on note l‟existence de
plusieurs centres d‟études secondaires placés sous la coupe de Say : Tirga, Sinder,
Kounari, Goudel… Ces centres bien que relais de Say ont joué un rôle important dans
l‟islamisation de notre zone d‟étude. Parmi ces centres secondaires, Sinder est celui qui a
Dans l‟ensemble, grâce à l‟action des responsables de ces centres d‟études islamiques,
l‟islam a fait un progrès considérable dans l‟Ouest du Niger. Seules quelques localités sont
Zarma et Peul. A cause de l‟insécurité née des heurts entre les deux communautés, le
centre d‟études islamiques du Boboye avait changé plusieurs fois de capitale : Garouré,
Tamkalla, Kollo, Bikim puis Garouré. Dans ce centre, l‟islam qui devait servir de ciment
pour renforcer l‟unité des différentes communautés vivant dans le Dallol avait
malheureusement été utilisé à des fins politiques. C‟est ce qui fut à la base de tous les
La portée de l‟œuvre des lettrés musulmans serait certainement plus grande s‟il n‟y
avait pas eu cette insécurité quasi- permanente dans la seconde moitié du XIXe Siècle. Elle
avait été un facteur limitant dans le processus d‟islamisation dans l‟Ouest du Niger. En
effet, elle restreint le mouvement des ouléma qui sont les principaux agents d‟islamisation.
Elle diminuait aussi le mouvement des hommes surtout des enfants qui étaient
297
Le poids des croyances ancestrales et l‟insécurité qui sévissait dans la zone seraient
des facteurs qui expliqueraient la lenteur dans la progression de l‟islam dans cette zone.
Mais malgré tout à la fin du XIXe siècle, l‟islam paraît en pleine expansion dans l‟Ouest
du Niger et la Qadriya était la principale confrérie dans cette zone. Les centres d‟études
lieux d‟échanges où les gens venaient apprendre les préceptes du Coran et retournaient
dans leurs villages pour créer des écoles. Le long de la vallée du Niger par exemple, il y
avait toujours des échanges entre les ouléma mais aussi une connexion entre les centres et
plusieurs autres villages : Say- Boboye- Sinder- Garbou- Birniyel Dantchandou- Namari-
pratiquaient un islam Sunnite de rite malikite avec la Qadriya comme ordre confrérique.
Dans la plupart des cas, les populations qui se sont installées dans les centres créés par les
« Faits d’occupation du sol, faits religieux et faits politiques sont mêlés à tel point
qu’il ne peut être question de les dissocier. Les nouveaux arrivants qui prenaient
possession des terres placées sous l’autorité du marabout de Say étaient des
musulmans nouvellement, mais volontairement convertis. Ils n’ont donc pas
apporté avec eux des survivances des croyances relatives à leur terroir natal et
n’ont pas cherché à les adapter à leur nouveau terroir… Les religions
préislamiques ont définitivement perdu tout crédit dans ces populations d’origines
diverses. L’abandon de leur terroir d’origine a entraîné la rupture complète avec
les croyances qui s’y rattachaient » (Raulin cité par Idrissa, 1981 : 45- 46).
Si dans la ville de Say, la religion du terroir a perdu du terrain, dans le reste de notre zone
d‟étude, on note une survivance des croyances ancestrales. Il faut noter que la portée de
l‟œuvre des fondateurs des centres d‟études islamiques serait sans doute plus grande s‟il
n‟y avait pas eu, un autre facteur limitant, l‟installation de l‟administration coloniale.
298
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
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chercheur à
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chercheur à
l‟IRSH
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Bongoula
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retraite
la retraite N‟Gaouré
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Tchérindji
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Doi : 10.3406/CEA.1962.2987
25/03/13.
353
Table des cartes
No Titres pages
No 1 Lieux d‟enquêtes 16
No 2 Etat de l‟islamisation dans l‟Ouest du Niger à la fin du XVIe 68
siècle
No 3 Centres d‟études islamiques de l‟Ouest du Niger du XVIe au 87
XIXe siècle
No 4 Localisation du département de Birni N‟Gaouré ou Boboye dans 93
l‟Ouest du Niger
No 5 Les principaux villages historiques du Boboye 135
No 6 Localisation de Say dans l‟Ouest du Niger 151
No 7 Itinéraire de Mahaman Diobbo 159
No 8 Aire d‟influence de Mahaman Diobbo 208
No 9 Localisation du canton de Sinder 243
No 10 Les religions dans l‟Ouest du Niger à la fin du XIXe siècle 287
354
Table des photos et illustrations
No Titres Pages
No 1 La tombe de Boubacar Louloudji à Tamkalla 118
No 2 La tombe de Yacouba Nabamé à Argoungou 132
No 3 Issa Ko à Boumba 147
No 4 Arewa House 413
No 5 Bibliothèque Abdullahi Fodiyo à Sokoto 414
No 6 Tambours de guerre 415
No 7 Liste des souverains du Nord Nigeria ayant pris l‟étendard du 416
Jihad à Sokoto
No8 La tombe d‟Abdullahi Toga à Argoungou 417
No 9 Echantillons d‟armes de guerre des Kabbawa 418
No 10 Echantillons d‟étendard du Jihad 419
355
ANNEXES
356
ANNEXE 1 : CHANT RELIGIEUX DE MAHAMANE
DIOBBO
357
CHANT 1 : Urru faaba Appel au secours
Ha kaza haala kut‟ bu hu Ainsi que tous les porteurs de livres sacrés
Gaahamey beri jinde yoη ku Les corps se sont amaigris et les cous allongés
Borciney koy tuuri yoη ku Les nobles sont réduits à ramasser du bois
Faaba tamba almaney ben Secours – nous vite, le bétail est décimé
Haw koyey naη zama haw ben Les bergers n‟en sont plus, faute de troupeau
Barikarey go kaaru heri ben Voici les cavaliers mais, point de monture
Iri ga jirbi farmi mana ben On est contraint à dormir en saison de culture
Bagna laala na nga koy fay Le mauvais esclave a renié son maître
Zamana diina mo na koy fay Et la religion, aujourd‟hui, s‟est écartée de voie de Dieu
358
Wande henna kurηe wonga L‟épouse vertueuse est repoussée par le mari
Ize henna baaba wonga L‟enfant vertueux est repoussé par le père
Kayne henna beere wonga Le cadet vertueux est repoussé par l‟aîné
Seeku zeeney ciiti ni ben Les vieillards sont emportés par la mort
35 Taali kaη i te, i dirgana ko Le mal qu‟ils font, ils l‟oublient aussitôt
Gomni kaη Ni te, i dirgana ko Le bien que Tu fais, ils l‟oublient aussitôt
Baani kaη Ni te, i dirgana ko La bonté dont Tu fais montre, ils l‟oublient aussitôt
Adunnia zumbu windi ra ko La fin du monde se profile déjà dans les familles
359
Marsan wo ya iri ga tuubi Maintenant nous nous repentons
Iri biney ra, urru faaba Dans nos cœurs, porte – nous secours
Binay kulu dak ye ka koy do Les propos discourtois nous les cessons
Iri na wo naη, tun ka faaba De telles attitudes nous les cessons, porte – nous secours
60 Lawzu laala iri na feetu Les propos discourtois nous les écartons
360
Kaadi ceeyoη ba nda sawtu En plus des terres nous commandons aux hommes
Iri na wo naη, tun ka faaba De telles attitudes nous les cessons, porte – nous secours
65 Lawzu laala iri na barray Les propos discourtois, nous nous en gardons
Iri ga lawzu iri ga labu may Nous clamions: ces terres là sont à nous
Laabu banda iri ga boro may En plus des terres nous commandons aux hommes
Iri na wo naη, tun ka faaba De telles attitudes nous les cessons, porte- nous secours
70 Lawzu laala iri na barray Les propos discourtois nous les écartons
Iri na wo waη, tun ka faaba De telles attitudes nous les cessions, porte – nous secours
80 Cafari asiley, Soni Ali izey Les mécréants de souche, descendants de Soni Ali
361
Ha kaza yorbotayzey De même que les Yoruba
Woy ka saw- saw bi‟ sawa aba Ceux – là se sont écartés de la Voie
85 Hawsa bi tik Soni Ali izey La rive gauche est animiste par les descendants de Soni Ali
Gurma casu ra igandawayzey Le long de la rive droite aussi, par les Igandawey
Gurma ziji ra gurbatayzey Les terres plus éloignées également, par les Gourmantché
90 Senni wo ne wangu banda Cette Voie qui s‟est frayée par la guerre
Kaη a zumbu bangu banda Après sa révélation au- delà des mers
Melle- koy boη tuubi senda Le chef de Melle s‟y est converti difficilement
Wangu ye yoη Borno tuuba Mais le Bornou ne se convertit que par la guerre
100 Ukuba ce day Toro jaabi A l‟appel d‟Oqba, le Fouta- toro se convertit
Cafari yoη no, i wongu tuba Ce sont des mécréants, ils refusèrent la Foi
362
105 Ukuba tangam bamba kayri Oqba combattit et défit Bamba
120 Cindi yoη koy koyri here ga Certains partirent vers Koyri
125 Woyyu zamana ay nda zor no Nous étions ensemble du temps de Woyyu
363
Iri dumo lansaaru dumo no Nous sommes de la communauté ansâr
Hay wa wo naη wor ma tuuba Cessez ces mauvaises attitudes et repentez- vous
130 Zama soηaare da ga laala Parce que les Soηey sont redoutables
Jine borey do iri ma laala Par nos ancêtres nous ne sommes point redoutables
Taarik iri se iri ma tuuba Retrace – nous l‟histoire afin qu‟on se convertisse
135 Iri se te koy sonko tooηe Nous ne serons pas chef pour éviter les provocations
Iri si ciiti sonku tooηe Nous ne rendons pas la justice pour éviter les provocations
Iri si bolηay sonku tooηe Nous ne serons pas marchand pour éviter les provocations
Iri si heri fay sonku tooηe Nous ne nous partageons pas pour éviter les provocations
Da iri ga boori Koy ga seede Si nous oeuvrons du bien, Dieu est témoin
Da iri si ga boori Koy ga seede Si nous oeuvrons du mal, Dieu est témoin
364
150 Hay wa lakkal senni wo se Prêtez attention à mon propos
155 Deene senni manti hanga Le propos n‟est pas signe de Foi
Dumi sahiihi manti hanga L‟ascendance noble n‟est pas signe de Foi
Amuru goy yoη manti hanga Accomplir ce qui est prescrit, c‟est cela la Foi
Naayu naη yoη day ti hanga Renoncer à l‟interdit, c‟est cela la Foi
Hanga kaη ra zulmu duumi Ceux dont la Foi est d‟injustice mêlée
Hanga kaη ra kibru duumi Ceux dont la Foi est d‟orgueil mêlé
Hanga kaη ra ujubu duumi Ceux dont la Foi est de fierté mêlée
365
Da ni ga fooma gomni fooma Si tu te vantes de ta générosité
170 Iri ga talfi baaba – beri Nous nous confions à notre père vertueux
Iri ga talfi inna – beeri Nous nous confions à notre mère vertueuse
366
ANNEXE 2 : Chant religieux d’Ousmane Dan Fodio
367
„’Gimmul SĖKHO OTHMANO.
ALLÁHO lámido dum essalato burdo fuk- GOD, the lord, he excels all in superi-
Ka rity:
Domáda yá A‟hmedu Jenido lesde fuk- He is greater than you, A‟hmed (Moham-
Alláho gettaini omóje omojίnde neïmmo I praise the Lord God, who sent his
Neloimo A‟hmedu hinne kúbdo takélle He sent A‟hmed to all his reatures.
fukka
Annóro makko yokám wóni ásseli tákeli His light shines over all his creatures:
fukka:
Annóro hakkillo non annóro gide fukka: the light of intelligence, as well as that
Annñro Imáni Mumenίye toháute fukka; the splendor of the Imam of the Faithful
Annóro yίmbe Wiláya ka ánnaba ko fuk- all splendor of the Weli (holy men)
Nange he leuru he móbgel jenatódi fuk- and when sun and moon unite all that is
Ka, splendid,
Fandáki ússuru jellimmádo fukka. Their light does not reach His resplendence.
Alláho burnerί I‟brahim tákele fukka. God blessed Abraham among the whole
Of his creatures.
Bolίdel wolwίde Músa der togéfe fukka. Moses obtained eloquence among man-
368
Kind.
Ahñkki I‟sa bosémbido roibo róho fukka. To Jesus was given strength and spirit.
Amñbda mágriki bñluki non boyίde fuk- Thou hast obtained a sight of Him (of God);
Alláho kamsñdi A‟damu der togéfe fuk- God has distinguished Adam Among all
ka Mankind.
Nan súbtedί Núhu I‟brahίma woddu fuk- Thus Noah and Abraham were distinguished
Kuréshe Háshimo derbalejo makko fukka. Kuresh and Hashem in their dwellings.
Wolláhe ansúbtida Alla fukka. By God thou hast been distinguished over
Toggéfo Alla bedó bébelés hekalfinima All the creatures of God, in heaven and
Toggéfo Alla bedó bébélés hetammihi- all the creatures of God, in heaven and on
Toggéfo Alla bedó bébélés bebé chappe- all the creatures of God, in heaven and
Toggéfo Alla bedó bébélés hedótania: all the creatures of God, in heaven and
Kaunay halfenίma awesίle tákele fukka: all that is blessed in creation is blessed
Through thee:
Subábe der talékelle fú ίdemá gamίdemá all those who have been distinguished
Libábe der takélle fú gam gaigumá be- all that has been created, has been created
369
lίba. Through thy grace.
Ajéjiam ojúdiam gardoumi dótoma no- On account of thy blessing have I come
némbo: to thee:
Gam nómbo hajá mererrétadúm tomá. For such a purpose have I addressed thee.
Gam derje mábe (mada) deum turoye May God hear my prayer through thy
dwaίjima. grace.
Traduction
Lui, Mohamed (SAW) est plus grand que vous. Sa lumière illumine la terre entière.
Vous avez obtenu de Dieu une vision, vous avez obtenu l‟éloquence et l‟autorité
370
Dieu a distingué, Adam des autres créatures
Par la grâce de Dieu, vous avez été élevés au dessus de toutes les créatures de Dieu.
Toutes les créatures de Dieu, à l‟au-delà comme sur terre vous louent
Toutes les créatures de Dieu, à l‟au-delà comme sur terre vous rendent hommage
Tout ce qui est béni dans la création est béni par vous
Tous ceux qui ont été élevés parmi les créatures, l‟ont été grâce à vous
371
ANNEXE 3 : Tarikh anonyme sur les relations entre Gwandou et
Argoungou
372
373
374
Source : catalogue of Islamic manuscripts at IRSH : P378.
375
Traduction
Takaitse’’
Argoungou’’
Après le décès du Shaykh Ousmane1- que Dieu ait pitié de lui - il ya environ six
mois, Mallam Abdoulaye quitta Bodinga 2 pour Gwandou. En ce moment, les Kabbawa
Ce qui poussa le Sarkin Musulmi Bello à venir à Gwandou pour appuyer l‟armée
Ils livrèrent ensemble bataille contre Kalambayna. Ils détruisirent la ville et tuèrent
le chef Dan Bayna. Cette guerre fut le plus grand évènement qu‟a connu le
Gwandou.
Après la mort d‟Abdoulaye, Mohamed, son fils aîné lui succéda au trône.
Sous son règne, il sollicita l‟aide du Sarkin Musulmi Bello et ensemble, ils
livrèrent bataille contre Argoungou. Ils assiégèrent la ville d‟Argoungou pendant des
jours, ils détruisirent les cultures des plateaux et des plaines mais ne sont pas
Mohamed attaqua sans cesse cette ville jusqu‟à ce que cette situation exaspéra les
gens de Kabi car la faim sévissait à Argoungou. En ce moment, Karari Dan Hudi
376
était leur chef. Quand la situation atteignit son paroxysme, il envoya des émissaires
(Sûlhu). L‟Emir du Gwandou donna son accord mais à l‟unique condition que
dernière option. Il quitta Argoungou, mais Mohamed demanda à son petit frère,
parvint à le tuer. Il arrêta sa suite, son fils et sa femme. Un de ses fils, Nabani1
constructions des maisons et autres. Ils restèrent ainsi jusqu‟à la mort de Mohamed.
Son petit frère, Mallam Halilou hérita du trône. Les gens de Kabi observèrent ainsi
la situation. Mais exaspérés, ils firent appel à Nabani, fils de Karari, en exil à
Goudali. Ils le nommèrent Sarki. Ils violèrent ainsi le pacte et les hostilités
reprirent jusqu‟au décès de Mallam Halilou. Et, Hadaru hérita du trône. C‟est sous
son règne que le Sarki de Kabi, Maïnassara trouva la mort. Après ce combat,
Borgou et même la capitale „‟îllo‟‟, il plaça ces territoires sous sa tutelle. Après la
377
L‟origine des relations entre Gwandou et „‟îllo‟‟, c‟est le mariage de la fille
Gwandou. Chaque année, le Sarkin Gwandou envoyait ses émissaires dans ces
Ajami (IRSH).
378
ANNEXE IV : TEXTE EN FULFULDE SUR BOUBACAR
LOULOUDJI
379
ANNEXE 4
380
Traduction : Diouldé Laya
381
ANNEXE V : RECITS PEUL SUR LA BROUILLE ENTRE
382
ANNNEXE V
Selon la tradition locale, le Kounari était effectivement une province sous l‟autorité du
royaume du Macina. Mais, Guéladio va se brouiller avec son suzerain suite à une sanction
infligée à une femme peul conformément à la loi coranique. Les raisons de cette brouille
sont évoquées par cette tradition du Kounari recueillie par Mohammadou Eldridge. Il s‟agit
« 1. On wakti jamanu Haamadu Lobbo Aysa. Kanko ummini Diina ley Hamdallahi.
faa be kewri e julde laya. Nyannde nden naatugol mabbe e wuro Hamadallaahi, be tawi
pullo debbo ana fiyee e ley sakoro Hamdallaahi, Deftere fiyi mo. Mo lamndi, kanko
Gelaajo, ko ɗum woni. Be mbii mo Diina fiyi oo; gortudo Diina fuu fiyetee. Mo wii:
‘’Accee mo! ‘’ Mo wii piyoo’o debbo dori: ‘’Accu! So wanaa non mi yuwete ! ‘’
Mo jabaay, mo wii: Seeku wii’’. Gelaajo yuuki mo. Mo wii :’’So ɗum woni Diina, mi yalti
e Diina hannden !’’ Gelaajo yahi jippoyi jippune mum, kanko e yimbe makko fuu, fa
jemma wari.
‘’Joonin Gelaadjo kay yalti e Diina. Jooni ko woni dabare mum. So weeti, so Alla jabi, so
en njahi fummere en tillike fummunde, miɗo nodda Gelaajo mi sarda e makko. So mi libi
mo, mi watta mo lebbi tati e jamɗe. So lebbi tati timmi, mi yaltina mo, mi lamndo mo. So
mo rewti e golle makko kiiɗɗe, mi watta mo lebbi jeeney. So mo timmini lebbi jeenay ɗin,
383
mi yaltina mo, mi lamndo mo. So mo rewti e golle makko kiiɗɗe faa han, jooni mi tawi
Traduction
lever la religion dans Hamdallay, tout le pays lui obéissait. Un de ces jours- là donc,
Guélâdjo Hambodédjo Pâté Hammadou Yelle Nyanna dénoua les liens de l‟obéissance.
Voici comment.
2. Une fois il quitta son Kounari et vint à Hamdallaï pour la fête des sacrifices. Or,
comme il faisait son entrée dans la cité de Hamdallay, il trouva une femme peul qu‟on
fouettait sur la place du marché. C‟était par ordre du livre. Il demanda, lui Guélâdjo, ce
qu‟il y avait. On lui dit : „‟c‟est la religion qui ordonne ce châtiment. Tous ceux qui
enfreignent la loi seront fouettés.‟‟ Il dit : „‟Relâchez- la ! On ne bat une femme libre ! Toi,
Celui qui la frappait des cordes refusa et dit : c‟est Sékou qui me l‟a ordonné.‟‟ Guéladjo le
tua et s‟écria : „‟ Si c‟est cela la religion, je la quitte aujourd‟hui même !‟‟ Puis il alla
mettre pied à terre dans l‟enclos où il avait coutume de descendre, lui et tous ses gens. La
nuit vint.
3. Sékou fut informé de ce qu‟il avait fait. Il réunit tous les croyants de Hamdallay et
leur dit :‟‟ Maintenant voilà que Guélâdjo est sorti de la religion. Voici ce que nous allons
faire. Dès qu‟il fera jour, si Dieu le veut, après la prière de l‟aube, dès que nous aurons fini
d‟impiété, je le ferai sortir. Si je l‟interroge encore et s‟il reste endurci, je le remettrai aux
fers pour six mois. Je l‟interrogerai de nouveau, et s‟il persiste dans sa vieille impiété, neuf
384
mois de fers ! Si au bout de ce temps il n‟est pas converti, alors j‟aurai vu que c‟est
NB. Mohammadou Eldidge lui a tirés ces textes des manuscrits de Gilbert Vieillard
fond Vieillard.
385
ANNEXE VI : Quelques folios du Tarikh deSinder
386
387
388
389
390
391
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393
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395
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397
398
399
400
401
402
403
{……..}
404
Traduction
Il s‟agit d‟un manuscrit (63 folios) dont les folios 2 à 15 sont consacrés à l‟historique des
migrations des populations de Sinder depuis Bourra jusqu‟à leur installation définitive sur
le site actuel. La traduction de ces folios donne la version ci- après : [Les populations de
(correspondant à l‟an 1229 de l‟hégire), pour s‟installer sur le site actuel de Sinder. Une
partie de la population avait suivi Alfa Mahaman Diobbo lorsqu‟il avait quitté l‟île de Neni
La famille aristocratique de Sinder descend de l‟Askia Ishiak, fils de l‟Askia Daoud, fils de
l‟Askia Elhadj Mohamed, fils d‟Aboubacar et, ce sont des Mamar Touré. Mais pour ce qui
est de leur ancêtre, il se nomme Djalley fils de Souri, fils de Alkaleye, fils de Bamam, fils
de Foudi, fils de Sidikou, fils de Sambeye, fils de Askia Ishiak, fils de Askia Daoud, fils de
Askia Mohamed fils de Babacar Touré. Pour ce qui de Djalley Souri, il quitta Wanzarbé2
pendant longtemps. Il épousa une fille (une princesse) de cette localité du nom de Sena
Hama Zangou. De cette union, ils eurent huit (8) enfants : Tondo, Almadane, Saouda,
Abdoullahi, Zindiko, Sahi, Aboubacar et Sanda. Djalley a vécu pendant longtemps dans ce
village avec ses enfants. Il mourut dans ce village et y laissa ses 8 enfants.
Un jour, une armée Touareg attaqua Bourra et pilla le village. Mais, les guerriers de
Baguine. Ce dernier continua à pourchasser les Touareg pendant plusieurs jours et croisa
un jour cette armée. Baguine et ses hommes furent vaincus et contraints de se replier. Les
1 - Bourra- Village situé près d‟Ansongo dans le nord du Mali actuel. A ne pas confondre avec le village de
Bourra du département de Téra, situé à 145 km au sud- ouest de Niamey. Bourra signifie dans la langue
Soŋey cendres, car le village est souvent sujet à des incendies.
2 - Wanzarbé: Village Soninké situé à 70 kilomètres au nord-ouest de Téra.
405
Touareg ayant déjà franchi les limites du territoire de Bourra, son chef de guerre a jugé
utile de rebrousser chemin avec ses hommes. Mais l‟un des fils de Djalley, Tondo était
sorti avec ses hommes à la recherche du butin. Il avait croisé sur son chemin, Baguine et
ses soldats qui l‟avaient conseillé de rebrousser chemin avec eux car les Touareg avaient
déjà franchi les limites de leur territoire avec le butin. Toutefois Tondo refusa et lui
répondit : « La mort est meilleure que le retour au village les mains vides ». Il avait
instruit Baguine de repartir avec lui à la recherche des Touareg aux confins de leur
territoire. Et quand les Touareg les avaient aperçus, ils avaient tracé une sorte de ligne
rouge sur le sol et demandèrent à l‟armée de Tondo de ne pas dépasser ce trait. Mais,
Tondo et ses hommes avaient marché sur le trait. Les Touareg tracèrent une seconde fois
un trait et une troisième fois mais Tondo et ses hommes refusèrent toujours d‟obtempérer,
ils avaient dépassé tous les traits tracés par les Touareg et s‟étaient retrouvés en face d‟eux.
Ce défi avait poussé les Touareg à réagir avec une rare violence. Ils massacrèrent l‟armée
de Tondo. Ce dernier perdit ses hommes et fut lui-même blessé à plusieurs endroits de son
corps. Les Touareg l‟avaient emporté avec eux et étaient rentrés avec lui dans leur
campement. Ils l‟avaient conduit devant les deux hautes personnalités du campement : le
souverain et le cadi. Quand ces derniers virent Tondo, ils l‟avaient reconnu et dirent ceci
à leurs hommes : « Pourquoi aviez- vous tué ces hommes » ? Ils étaient issus d‟une
communauté avec laquelle nous avions scellé un pacte de non agression. Le chef avait
demandé au cadi du nom d‟Aboubacar d‟amener Tondo avec lui. Il le conduisit chez lui et
se mit à le soigner de ses blessures jusqu‟à ce que Dieu l‟aida à le guérir complètement.
Tondo était resté chez l‟érudit quelques années (3ou 4 ou 5 ans ou plus). Il apprit
l‟intégralité du Coran auprès de cet alim. Mais, la nouvelle parvenue à Bourra faisait état
de la mort de Tondo et de tous ses hommes lors du combat. Puis la population eut une
406
autre nouvelle qui démentait la première : elle confirmait que Tondo était vivant et qu‟il
Après ses études coraniques auprès de ce lettré musulman touareg, Tondo exprima
son désir de rentrer à la maison. Il fit part à son maître de son inquiétude au sujet de sa
d‟habitation actuelle». L‟érudit le conseilla de quitter Bourra avec ses parents et de migrer
vers l‟Est. Mais avant, il devra aller à Neni- Goungou où il trouverait, un „‟cousin‟‟ à lui
du nom de Shaykh Mahaman Diobbo. Le Cadi dit ceci à Tondo : « Ce dernier est un grand
Shaykh, il faut aller le voir et tu diras que c‟est moi, Aboubacar qui t‟ai conseillé de venir
vers lui et que je lui demande aussi de prier pour moi afin que Dieu m‟accorde la victoire
permanente sur mes adversaires ». Il quitta ainsi, son maître (avec sa bénédiction bien sûr)
et partit pour Sinder en compagnie des siens. Après il alla à Neni- Goungou1 trouver
Shaykh Mahaman Diobbo. Ce dernier donna à Tondo une gourde ‘’koulba’’ ou ‘’Zollo’’ et
après pria pour lui. Mahaman Diobbo demanda àTondo de jeter la gourde dans le fleuve.
L‟érudit le conseilla de jeter la gourde dans l‟eau aux confins du territoire soŋey en amont.
Il lui dit aussi ceci : « Cette gourde ne dépassera aucun village ou ville sans que ses
populations ne sortent pour vous suivre. Là où elle s‟accroche, c‟est le site que Dieu vous a
Après Tondo décida de regagner son village. Mais son séjour fut très long, ce qui
poussa son frère, Zindiko à quitter Bourra pour aller à sa recherche. Les deux frères se
croisèrent dans le village de Kandadji, ils se saluèrent et Tondo informa Zindiko du motif
de son voyage. Ils revinrent ensemble à Bourra. Arrivé au village, Tondo fit venir tous ses
frères pour les informer de sa rencontre avec Mahaman Diobbo, de la gourde qu‟il lui
avait donnée, de l‟usage qu‟il devait en faire et du conseil que l‟alim lui avait prodigué.
1 - Il s‟agit de Neni- Goungou, une île située non loin de Tillabéri. Il y a deux Neni- Goungou, le deuxième
se trouve en face du village de Goudel à Niamey.
407
Quatre de ses frères répondirent favorablement à sa demande. Il s‟agit de Zindiko,
Abdoullahi, Saouda et Aboubacar (Bokar). Les trois autres refusèrent, ce sont : Almadane,
Sahi et Sanda.
Après cette réunion, Tondo partit avec la gourde jusqu‟aux confins du pays soŋey et
la jeta dans le fleuve. Il revint et demanda à ses frères et aux familles qui sont d‟accord
avec lui de se préparer pour le voyage. Quatre grandes familles l‟ont suivi dans cette
émigration. A ces familles sont venues s‟ajouter d‟autres qui n‟ont pas une grande
renommée. Ces quatre grandes familles sont : la famille Marou Goundji, la famille Youni,
la famille Koysa, la famille Besse auxquelles il ajouter la famille Toura (une autre grande
Bourra qui l‟ont suivi jusqu‟à l‟île de Sinder dans laquelle elles vivent présentement.
autres familles l‟ont suivi. Des populations des contrées voisines sont aussi venues étoffer
le groupe des migrants. Toutes ces personnes sont rentrées dans des pirogues et quand elles
sont arrivées au niveau d‟Ayorou, les gens de cette localité ont empêché aux migrants de
continuer leur chemin vers l‟Est en leur posant plusieurs questions. Mais, Tondo et ses
hommes ont répondu à toutes les questions. Il a saisi la même occasion pour informer les
gens d‟Ayorou que lui et sa communauté désirent émigrer afin de sauver la religion de
Dieu. Et quand les habitants de cette localité ont entendu cette parole, ils ont libéré la voie
à Tondo et ses hommes. Ces derniers ont suivi la voie du fleuve jusqu‟à l‟île de Wissili. Ils
y ont trouvé, un savant du nom de Zaydi et ils se sont entendus avec lui pour qu‟ils
émigrent ensemble car Tondo a promis à ce lettré musulman l‟imamat et le poste de cadi.
Tondo et l‟érudit ont convenu de cet arrangement. Zaydi et ses hommes ont émigré avec
eux jusqu‟à l‟île de Sinder. Et c‟est comme cela que Tondo et les gens qui sont avec lui se
408
sont installés définitivement sur le site. Et depuis ce jour, Tondo et sa suite sont reconnus
Concernant les groupes qui ont émigré avec Tondo, leur nombre est indéterminé.
Leur arrivée à Sinder date de 1813 (1229 de l‟hégire). La première réalisation qu‟ils ont eu
à faire après leur installation à Sinder, c‟est la construction d‟une mosquée. Après, Tondo
prit ses quatre frères et les chefs de familles pour aller à la rencontre du Shaykh Mahaman
Diobbo pour l‟informer qu‟il est venu avec une forte communauté qu‟il a laissée dans l‟île
de Sinder. Après cela, le Shaykh Mahaman Diobbo a pris Tondo et les gens qui sont avec
lui pour les conduire chez Amirou Kourté nommé Sido fils de Yoro. Il est le propriétaire
des terres de Sinder. Puis le Shaykh Mahaman Diobbo présenta Tondo et ses hommes au
« Tondo est un homme honnête, un homme de bien qui est venu chercher auprès de votre
« Je donne à Tondo tout l‟espace connu sous le nom de Alhoumbouro- Tchiré : de Koïzey-
Tondo jusqu’à l’île de Toula- Foulé, les habitants de Sinder peuvent cultiver ces terres
Tondo et les siens ont accepté cette condition posée par Amirou Kourté puis ils sont restés
quelque temps avec Mahaman Diobbo à Say. Tondo a exprimé une inquiétude à
Mahaman Diobbo par rapport à l‟attitude d‟une de ses communautés (celle des Turawiyune
ou gens de Toura). Ils sont selon lui en grand nombre, ils ont une grande renommée et sont
craints par les gens. Il a demandé au Shaykh de prier pour eux pour qu‟ils ne s‟entendent
jamais sur une chose même entre deux frères ou deux amis. Grâce à la prière du Shaykh,
cette communauté est restée toujours divisée jusqu‟à ce jour. En même temps, Tondo a
informé le Shaykh qu‟au sein toujours de sa suite, il y a trois autres classes sociales
409
pauvres : ce sont tous des Bellah. Et le Shaykh Mahaman Diobbo a répondu en ces
termes : « Les pauvres qui sont avec toi, tous ceux qui sont libres, resteront libres mais les
Bellah ainsi que les tambourinaires restent les serviteurs de l‟autorité sous le drapeau ».
Après, Tondo a demandé à Mahaman Diobbo de prier pour la population de Sinder afin
l‟agriculture et que Dieu bénisse ses terres. Après cette prière, le Shaykh a demandé à
Tondo et ses compagnons de retourner à Sinder pour y vivre tout en lui prodiguant des
sages conseils dans le cadre des relations qu‟il devrait avoir avec sa communauté.
Tondo et ses compagnons sont revenus dans leur île pour y habiter. Il est resté au
pouvoir pendant 17 ans (1813- 1830). Il mourut en 1830 (1250 de l‟hégire) en laissant
derrière lui sept enfants qui sont : Mohamed, Tahirou, Ali, Balo, Nana, Oumou, Barou-
Wandé. Sentant sa mort proche, Tondo a fait venir ses quatre frères et leur a demandé de
garder des relations cordiales avec les enfants du Shaykh Mahamane Diobbo : « Chaque
fois qu‟ils se présentent sur cette île, donnez leur tout ce qui est en votre pouvoir comme
aumône ». Et cette pratique continue jusqu‟à présent entre la population de Sinder et les
descendants de Mahamane Diobbo. Tondo demanda également à ses frères d‟honorer les
enfants du savant Aboubacar, chaque fois qu‟ils viennent leur rendre visite et de leur céder
la direction de la prière et le jugement. Cette pratique aussi est restée dans les mœurs. Les
frères de Tondo et leurs descendants ont respecté à la lettre les dernières volontés du
fondateur du centre d‟études islamiques de Sinder. Mais, sous le règne d’Amirou Oumarou
Djibrilla surnommé Kodio le pacte sera rompu entre les gens de Sinder et les descendants
du savant Aboubacar].
Ajami (IRSH).
410
ANNEXE VII : Quelques images du Nord Nigeria
411
Photo no 4 : Arewa House
Photo d‟Arewa House : un des centres de documentation les plus importants du Nord
412
Photo no 5 : Bibliothèque Abdullahi Fodiyo à Sokoto
413
Photo no 6: Tambours de guerre
414
Photo no 7 : Liste des souvrerains du Nord Nigeria ayant pris l’étendard du
Jihad à Sokoto.
415
Photo no 8 : La tombe d’Abdullahi Toga à Argoungou
416
Photo no 9 : Echantillons d’armes de guerre des Kabbawa
417
Photo no 10 : Echantillons d‟étendards du Jihad
418
INDEX GENERAL
419
Index
Alfaga 110, 175, 199, 259, 260, 261, 275, 276, 277, 278, 279, 280
Alfaizé 18, 26, 180, 213, 214, 218, 224, 225, 234, 239, 252, 303
Ali Anna 8, 17, 18, 49, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 89, 94, 113, 117, 120, 130, 143, 144,
146, 299
Alim 1, 54, 58, 71, 89, 94, 96, 100, 103, 104, 116, 149, 154, 157, 165, 166, 167, 170, 171,
172, 173, 174, 176, 177, 184, 185, 186, 197, 200, 218, 243, 246, 247, 248, 268,
Alkali 61, 62, 63, 64, 154, 160, 292, 294, 305
Alzouma Bazi Cissé 13, 110, 152, 153, 168, 170, 175, 177, 180, 182, 190, 193, 216, 230,
Amirou 2, 133, 172, 173, 175, 177, 184, 185, 213, 215, 222, 224, 226, 247, 248, 249, 250,
251, 252, 254, 255, 256, 257, 258, 259, 260, 264, 274, 275, 291, 292, 293, 294,
420
Barma 154, 162, 221
Barth 25, 36, 37, 39, 51, 120, 215, 219, 223, 263, 265, 267, 281, 296, 328, 358
Birni N‟Gaouré 6, 7, 18, 71, 72, 77, 82, 87, 90, 91, 92, 95, 103, 134, 135, 171, 210, 280,
291
Boboye 7, 8, 14, 17, 18, 19, 25, 30, 32, 35, 67, 68, 70, 71, 72, 82, 83, 84, 85, 86, 91, 96,
97, 105, 106, 107, 111, 112, 113, 115, 116, 117, 118, 119, 121, 122, 127, 130,
135, 171, 210, 218, 279, 285, 286, 287, 293, 294, 299
Boumba 81, 108, 121, 130, 131, 132, 136, 165, 270, 291
Boubacar Louloudji 5, 6, 7, 8, 12, 17, 18, 31, 32, 47, 54, 72, 81,82, 86, 87, 88, 89, 90, 91,
92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 109,
110, 111, 112, 113, 121, 125, 133, 135, 150, 151, 153, 154, 159, 171,
285, 286
Bourra 159, 169, 170, 229, 230, 232, 234, 235, 242, 248, 393, 394, 395, 396
Centres d‟études islamiques 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 12, 13, 14, 15, 18, 19, 20, 25, 26, 27, 28,
30,31, 34, 46, 49, 50, 51, 52, 55, 61, 64, 66, 71, 79, 81,
82, 86, 91, 92, 105, 108, 113, 117, 121, 122, 127, 133,
134, 135, 138, 139, 157, 158, 159, 160, 161, 165, 166, 167,
170, 171, 176, 199, 201, 202, 203, 204, 205, 206, 209, 210,
212, 213, 214, 216, 217, 218, 219, 221, 222, 225, 227, 229, 230,
232, 233, 234, 236, 239, 250, 251, 252, 264, 268, 272, 274, 277,
421
278, 279, 280, 284, 285, 286, 287, 398
Chants religieux 14, 142, 173, 174, 177, 178, 180, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 191,
Dallol 1, 7, 8, 17, 18, 19, 32, 35, 38, 39, 41, 42, 43, 44, 47, 48, 61, 67, 68, 69, 70, 71, 72,
73, 76, 81, 82, 83, 84, 86, 87, 88, 90, 91, 92, 95, 96, 97, 99, 100, 102, 103, 104, 105,
109, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 118, 119, 120, 121, 122, 124, 125, 127, 130, 131,
132, 133, 135,150, 151, 153, 171, 172, 210, 220, 230, 251, 252, 270, 285, 286,
293, 294
Dendi 1, 35, 40, 64, 66, 73, 77, 112, 113, 119, 131, 138, 152, 169, 171, 193, 210, 214, 218,
Dosso 21, 29, 38, 47, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 68, 84, 97, 99, 117, 118, 131, 132, 227,
270, 273, 294, 295, 297, 298, 300, 301, 302, 303, 305, 306, 307, 308, 310, 314
Douddales 2, 3, 72, 86, 108, 165, 174, 223, 224, 257, 266
Emir 2, 99, 100, 112, 112, 132, 133, 203, 207, 208, 211, 212, 213, 222, 278, 279
Emirat 2, 6, 7, 61, 91, 99, 134, 150, 199, 207, 208, 209, 210, 212, 213, 222, 261
Erudit 3, 17, 29, 37, 48, 53, 55, 58, 60, 62, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 78, 81, 88, 90, 92,
93, 96, 98, 102, 103, 104, 106, 113, 139, 142, 143, 144, 145, 146,150, 151, 153,
154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 163, 166, 170, 171, 172, 173, 174, 176, 170,
181, 183, 185, 186, 193, 194, 197, 203, 221, 222, 223, 224, 227, 229, 230, 232, 233,
234, 235, 237, 239, 251, 253, 254, 255, 256, 259, 263, 264, 266, 267, 272, 280, 282,
422
F
Fleuve Niger 35, 37, 55, 57, 61, 83, 144, 151, 169, 217, 229, 230, 263, 271
Guéladio 14, 150, 229, 258, 259, 260, 261, 262, 263, 264, 265, 266, 267, 268, 269, 270,
Goudel 9, 103, 144, 145, 146, 149, 161, 208, 229, 252, 255, 256, 257, 286, 395
Gourma 6, 24, 36, 102, 142, 143, 169, 171, 210, 217, 218, 222, 240, 241, 244, 245, 264,
270, 271
Gwandou 6, 7, 21, 25, 61, 91, 98, 99, 100, 108, 109, 111, 112, 113, 114, 115, 117, 118,
119, 120,121, 134, 141, 143,150, 161, 197, 199, 194, 200, 201, 203, 206, 207,
208, 209, 210, 211, 212, 213, 215, 219, 246, 261, 262, 268, 279, 280, 360, 364
365, 366
Hamboy 14, 229, 261, 263, 264, 265, 266, 267, 268, 269, 271
Haoussa 4, 23, 36, 39, 41, 42, 43, 48, 49, 50, 54, 63, 69, 71, 74, 112, 134, 135, 141, 169
170, 179, 182, 190, 201, 206, 216, 218, 219, 220, 240, 243, 245, 246, 248,
Ile 21, 22, 26, 35, 36, 37, 56, 57, 58, 59, 60, 61,62,102, 121, 122, 124, 125, 127, 142, 143,
144, 145, 146, 149, 151, 153, 154, 157, 159, 160, 161, 162, 169, 170, 177, 185, 204,
423
216, 221, 225, 229, 230, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 243,
244, 245, 246, 247, 248, 253, 254, 281, 282, 286, 393, 395, 396, 397, 398,
Imam 51, 52, 53, 54, 55, 70, 105, 106, 108, 122, 134, 158, 163, 164, 165, 167, 168, 185,
202, 204, 224, 232, 243, 255, 256, 257, 266, 278, 279, 289, 290, 291 292
Islam 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 12, 13, 18, 22, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 39,
40, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 59, 60, 61, 62, 63,64, 66, 67, 72, 76, 77, 78, 92,
95, 96, 98, 99, 106, 109, 111, 112, 113, 114, 138, 139, 141, 142, 145, 146, 153, 154,
160, 161, 162, 163, 166, 167, 168, 169, 174, 175, 176, 178, 179, 182, 188, 193, 194,
199, 209, 211, 216, 221, 226, 229, 235, 238, 239, 242, 243, 254, 255, 259, 262, 264,
265, 266, 267, 270, 271, 272, 273, 274, 276, 277, 278, 280, 283, 284, 285, 286, 287
Jihad 4, 6, 23, 24, 30, 32, 59, 61, 63, 86, 90, 92, 94, 95, 97, 98, 109, 133, 138, 139, 144,
158, 159, 161, 176, 182, 189, 191, 194, 199, 209, 221, 256, 281, 283,
Kabi 7, 82, 92, 106, 107, 117, 118, 119, 120, 121, 123, 130, 131, 141, 206, 209, 210, 218,
Kafi 3, 23, 34, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 57, 62, 70, 97, 99, 100, 280, 283, 292
Kollo 29, 63, 64, 82, 84, 122, 124, 127, 270, 286
Kounari 6, 9, 14, 25, 35, 47, 130, 147, 150, 208, 229, 256, 258, 256, 259, 260, 261, 263,
264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 286, 371, 372
424
Kouré 3, 34, 50, 61, 62, 63, 78, 105, 122, 208, 255, 280, 283, 292
Kourté 40, 154, 162, 165, 169, 170, 208, 222, 223, 235, 236, 240, 244, 282, 349, 297
Lamido 68, 99, 107, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 120, 121, 122, 124, 125, 127, 133,
L‟Ouest du Niger 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 20, 25, 27, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 39, 40,
44, 45, 48, 49, 50, 52, 55, 56, 58, 60, 61, 64, 65, 66, 67, 78, 79, 82, 85,
90, 91 104, 122, 134, 135, 138, 139, 140, 141, 149, 154, 160, 161, 166,
171, 172, 190, 191, 193, 197, 201, 208, 209, 210, 211, 212, 214, 216,
217, 220, 221, 223, 224, 227, 230, 252, 255, 256, 258, 262, 270, 271, 272,
273, 274, 275, 276,277, 279, 280, 282, 283, 284, 285, 286, 287
Mahaman Diobbo 9, 12, 13, 14, 81, 102, 103, 104, 114, 115,122, 138, 139, 141,
142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157,
158, 159, 160, 161, 162,163, 164, 166, 167, 169, 170, 171, 172, 173, 174,
176, 177, 178, 179, 181, 183, 184, 185, 186, 189, 191, 193, 194, 196,
197, 198, 199, 200, 203, 204, 210, 211, 212, 214, 215, 216, 217, 220, 221,
222, 223, 224, 227, 235, 237, 256, 260, 262, 266, 273, 282, 285, 354, 393,
Modibbo 22, 173, 181, 185, 197, 198, 201, 204, 211, 216
Nabamé 119,
N‟Dounga 3, 34, 50, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 77, 149, 208, 210, 280, 283, 287, 290,
425
291, 310
Neni 22, 102, 103, 142, 143, 144, 145, 146, 151, 155, 159, 161, 177, 178, 179, 185, 232,
Ouléma 1, 3, 6, 22, 29, 48,48, 51,52, 53, 55, 56, 57, 58, 60, 77, 90, 102, 103, 139, 146,
154, 158, 163,165, 166, 168, 175, 197, 200, 203, 204, 205, 209, 214, 224, 225,
226, 233, 243, 252, 255, 256, 257, 264, 268, 272, 273, 276, 277, 278, 283, 286,
287
Peul 1, 2, 4, 7, 8, 13, 17, 18, 19, 20, 23, 27, 31, 38, 39, 40, 41, 43, 44, 45, 46,47, 48, 49,
67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 77, 82, 86, 87, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 107, 108,
109, 111,112, 114, 115, 117, 118, 119, 120, 121, 123, 124, 125, 127, 128, 129, 132,
141, 142, 145, 146, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 173, 179, 210, 214, 216, 220, 222,
227, 246, 248, 252, 255, 256, 257, 261, 272, 273, 277, 278, 282, 283, 284, 286
Saney 3, 34, 55, 56, 54, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63 , 64, 78, 96, 149, 255
Say 1, 2, 4, 5, 6, 9, 13, 14, 17,19, 20, 22, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 35, 43, 45, 77, 81, 103,
104, 115, 122, 129, 130, 133, 137, 138, 139, 140, 141, 143, 144, 145, 146, 147, 149,
150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167
168, 169, 170, 171, 172, 176, 179, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 191, 193, 194,
197, 198, 199, 200, 201, 202, 203, 204, 205, 206, 208, 210, 211, 212, 213, 214, 215,
216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 225, 226, 227, 233, 237, 238, 242, 243,
244, 248, 251, 252, 255, 256, 257, 260, 261, 262, 263, 265, 266, 268, 271, 273, 274,
426
Shaykh Ousmane Dan Fodio 10, 23, 24, 90, 101, 191, 206, 212
Sinder 9, 20, 21, 22, 25, 35, 77, 142, 149, 159, 170, 171, 208, 229, 230, 231, 232, 233,
231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 247,
248, 249, 250, 251, 252, 272, 281, 282, 286, 287, 290
Sokoto 1, 2, 4, 6, 10, 20, 23, 30, 38, 61, 101, 129, 1130, 131, 132, 133, 141, 143, 150, 176,
179, 197, 198, 200, 202, 203, 205, 206, 207, 208, 209, 210, 211, 212, 213,214,
Sorry Beldo Hooré 46, 142, 143, 144, 158, 159, 160, 252, 253, 254, 255
Talibé 2, 88, 89, 90, 102, 144, 149, 159, 165, 174, 182, 201, 202, 205, 214, 223, 239, 242,
Tamkalla 7, 8, 25, 39, 82, 104, 105, 106, 107, 110, 111, 115, 116, 117 ,118, 120, 121, 127,
Tombouctou 25, 36, 40, 43, 56, 64, 73, 74, 179, 216, 219, 233, 254, 263, 267
Tondo 130, 159, 169, 170, 229, 230, 232, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 247, 250,
Wangari 57, 59
Wouro – Guéladio 13, 260, 261, 262, 263, 264, 265 266, 267, 268, 270
Zarma 7, 19, 39, 40, 41, 43, 44 , 48, 51, 56, 57, 61, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 81, 82,83, 86,
89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 103, 104, 105, 109, 111, 112, 113,
427
114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 122, 124, 127, 128, 129, 130, 131, 132,133,
136, 141 142, 143,146, 152, 154, 155, 173, 174, 179, 194, 210, 214, 222, 227, 240,
278, 287
Zarma – Soηey 39, 40, 41, 48, 49, 141, 154, 166
428
TABLE DES MATIERES
Table des matières
Introduction générale………………………………………………………………… 1 - 33
Première partie : L’islam dans l’Ouest du Niger du XVIe au XVIIIe siècle…………34 -87
Introduction……………………………………………………………………………35
I- Aperçu géographique…………………………………………………….36- 40
a- Le fleuve Niger…………………………………………………..37- 38
4- Les Touareg…………………………………………………………45
Introduction........................................................................................53
Chapitre III : L’évolution de l’islam dans l’Ouest du Niger du XVIIe au XVIIIe siècle-
69- 84
I- Le retrait des résistants soηey dans le Dendi et le passage d’Ali Anna dans le
Dallol……………………………………………………………………………69 - 70
Introduction…………………………………………………….89
a- L’enfance………………………………………………………..95- 98
b- La formation religieuse…………………………………………98 - 99
2- Le centre de Garbou…………………………………………115
136
1- L’exil de Bayéro………………………………………………………137-139
N’Gaouré………………………………………………………………… 143-145
Introduction………………………………………………………….149
2- L’occupation du site……………………………………………..162-165
a- L’organisation religieuse……………………………………….172-177
b- L’organisation économique………………………………….....177-179
islamiques de Say………………………………………….187-192
1- Le choix de Boubacar……………………………………………..208-210
1- Le choix d’Abdourahamane……………………………………….214
Introduction………………………………………………………….….240
Sinder……………………………………………………………..……...243- 248
2- Le tarikh de Sinder………………………………………………......243-245
l’instance judiciaire……………………………………………254-255
Kounari……………………………….263-282
1- Historique du village………………………………………………...263-264
a- L’exil de Guéladio……………………………………………...271-272
d’études islamiques……………………………………………283-293
1- L’apport de l’écriture……………………………………………287
Sources et Bibliographie………………………………………………………….299-355
A – Les sources…………………………………………………………………….300-328
b- Monographies…………………………………………………….308-311
d- Rapports de tournées…………………………………………......319-322
Annexes…………………………………………………………………………….356- 419
Annexe III : Tarikh anonyme sur les relations entre Gwandou et Argoungou……..372- 378