Dictionnaire Historique Et Topographique de La Provence

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DICTIONNAIRE

HISTORIQUE
ET

TOPOGRAPHIQUE
DE LA PROVENCE,
ANCIENNE
ET

MODERNE

E. Garcin - 1835
A
ABEILLES (LES). Hameau de Verdolier. Voyez SAULT.

ADRÉS (LES). Hameau de Montauroux. Voyez ce mot.

ADUNICATES. Nom d’une peuplade celto-lygienne. Sa position ne nous est connue


que par ce passage de Pline: Regio Oxibiorum, Ligaurumque, super quos, Suetri,
Quariates, Adunicates. Les Oxibiens occupant la plage des environs de Cannes et la
campagne de Grasse, les Litgauniens étant dans les environs de Calian, et les Suetri aux
environs de Castellane, on ne peut placer les Quariates et les Adunicates que sur la route
de Grasse à Castellane. Aussi, presque tous les auteurs affectent aux premiers les rives
de l’Artuby près du logis du Pin, et aux seconds la campagne entre Séranon et Andon.

ÆGYTNA. Une des villes capitales des Oxibiens, peuplade celto-lygienne qui occupait
le littoral entre Antibes et la Siagne, Ægytna se trouvait au lieu appelé Gourjouan. Les
Romains la détruisirent, et forcèrent les habitans à se retirer dans l’intérieur des terres.
Plus tard, elle renaquit de ses cendres, mais elle fut anéantie par les Maures ou Sarrasins;
ce fut alors que les habitans allèrent se fortifier sur la hauteur où se trouve le village de
Mougins.

ÆMINES-PORTUS. Voyez PORT-MIOU.

ÆRIA. Position ancienne, près de la rive gauche du Rhône, sur une hauteur, au lieu
même où est la tour de Lers, reste du Chateau-Neuf, dans le territoire de Bédarrides. On
n’en voit plus de vestiges.

AGAY, AGAYE, OU NAGAYE. Anse sur la côte maritime du département du Var,


formant un port qui sert de relâche aux vaisseaux. La voie aurélienne passant par là, les
Romains y bâtirent une ville qui, d’après l’itinéraire d’Antonin, s’appelait Portus
Agatonis, duquel on a fait Agay. Un auteur moderne prétend que cette ville s’appelait, à
cette époque, Athenopolis, tandis que cette dernière, suivant les apparences, se trouvait
près de l’anse d’Antéa, entre Agay et la Napoulle. Sur une élévation vers la mer, entre
Agay et Saint-Raphaël, sont les restes d’un ancien phare que les gens du pays nomment
Tour de Darmont. Il n’est pas vraisemblable que cet édifice ait servi de lieu de refuge à
la reine Jeanne 1re, ainsi que plusieurs écrivains ont osé l’avancer.

La caranque d’Aurèle, entre Agay et la Napoulle, a fait faire plusieurs conjectures aux
savans qui ont exploré cette partie du littoral. La plus probable, c’est qu’on lui donna le
nom d’Auréle, à cause qu’elle touchait la voie aurélienne (lou camen aurelian), qui
suivait cette côte.
La Garonne d’Agay, sorte de torrent qui descend de l’Estérel, forme, avant d’entrer dans
la mer, un marais pestilentiel, unique cause de l’insalubrité de cette position maritime et
de l’éloignement de tous habitans. Voyez SAINT -RAPHAEL.

AIGALADES (LES). Hameau dans le territoire de Marseille. Le château n’a rien de


curieux, mais son point de vue est magnifique. On peut promener ses regards sur la
campagne de Marseille et sur une grande étendue de mer. Pas une voiture sur la route
d’Aix, pas un navire dans le golfe ne peut voyager sans être aperçu des Aigalades.

AIGLUN ET LES NOBLES, Aiglunum. Village à 3 lieues de Digne (Basses Alpes).


Dans les anciens titres, on lui donnait le nom de Castrum de Elglesino. Le climat est
doux et tempéré; le sol, aride, excepté sur le bord de la Bléonne, produit du blé et du vin.
Pop. 383 hab.

AIGLUN. Village du canton de Saint-Auban, à 13 lieues de Grasse (Var). C’est la seule


commune du canton qui produise les principaux fruits de la basse Provence. Le territoire
ofIre une grotte où se trouve du cristal de roche; il offre aussi une cascade fort curieuse
formée par les eaux de la petite rivière de la Gironde. Un petit vent qui se fait ressentir le
matin emporte une grande quantité de gouttes d’eau qui, vues au lever du soleil,
montrent en l’air une sorte de queue de paon d’une vaste circonférence, où brillent
toutes sortes de nuances. Les plantes ou les branches d’arbres qui reçoivent ces gouttes
d’eau se couvrent en moins de huit jours d’une couche de tuf, et deviennent des pièces
curieuses propres à embellir un cabinet. Pop. 300 hab.

AIGOUX (SAINT). Cap sur la côte maritime du département du Var. Voyez VILLEPEY.

AIGUES. Rivière qui prend sa source dans le Dauphiné, passe par Nyons, entre dans le
département de Vaucluse, arrose les territoires de Cairanne, Camaret, Orange, et se jette
dans le Rhône en-dessus de Caderousse; son cours est de vingt lieues. Elle reçoit les
rivière de l’Oule, d’Ennuye et plusieurs autres ruisseaux. On trouve dans son lit des
géodes qui renferment des cristaux dans une marne durcie. Près de Nyons est un pont à
une seule arche, ouvrage des Romains. Quoiqu’il ne soit plus dans la Provence, nous
citerons un fait assez curieux: Un vent particulier descend tous les matins depuis la
source jusqu’au pont sans le dépasser, et remonte l’après-midi depuis le pont jusqu’à la
source, sans se faire ressentir en-dessus ni à une certaine distance des deux rives.

AIGUINES, Castrum de Aquina ou Aquinia. Village du canton d’Aups, à 10 lieues de


Draguignan (Var), près la rive gauche du Verdon, sur une hauteur, à une extrémité de la
vaste plaine de Camp-Juers (Camp de Jules). Le château du lieu est fort beau et son
perron est magnifique; le point de vue est fort étendu.

Le territoire fournit du vin, de l’huile, du foin, du bon blé et de belles racines de buis
dont les habitans, au nombre de 1,100, fabriquent des ouvrages recherchés dans le
commerce. Ces ouvrages ne sont pas aussi élégans que ceux qui nous viennent de Saint-
Claude, mais ils sont plus solides.
AINAC. Village à 5 lieues de Digne (Basses Alpes). Productions, les mêmes qu’aux
environs. Pop. 114 h.

AIX, Aquœ-Sextiœ. Ville fort ancienne, fondée par quelques Phocéens de Marseille
joints aux naturels du pays, qui voulurent quitter la vie sauvage. Cependant cette ville
reconnaît pour son fondateur Caïus-Sextius Calvinus, général romain, qui, l’an de Rome
630, vint s’établir dans ces lieux, pour préserver Marseille des incursions de ces
indigènes et de quelques autres peuples de la Celtique. Il remporta sur les premiers une
grande victoire près du lieu où est la ville d’Aix, à laquelle il donna le nom d’Aquœ
Sextiœ, formé, commé on voit, du nom de ce fondateur et de celui des eaux thermales
qui s’y trouvent.

Sous les empereurs, Aix devint colonie romaine. Mais, au temps de la décadence de
l’empire, elle passa successivement sous la domination des Wisigoths et des Français,
Les Sarrasins la possédèrent à leur tour. Après eux, elle fut soumise aux comtes de
Provence. Raymond Bérenger établit sa cour à Aix en 1235; et quoique ce siècle fût
encore grossier, les seigneurs provençaux y trouvaient ce qu’on appelait le gai saber et la
galanterie. La comtesse Béatrix, qui en faisait l’ornement, y avait amené, de la cour de
Savoie, plusieurs dames d’un nom illustre, dont quelques-unes inspirèrent la muse de
plusieurs troubadours.

Sous cette princesse, la cour de Provence devint la plus brillante de ce temps. Il était
d’usage alors aux jeunes filles, nées de parens nobles, de faire leur éducation auprès des
dames de qualité. Comme ces dernières étaient en grand nombre à Aix, elles y attirèrent
un plus grand nombre de demoiselles, tellement que chacune de ces maîtresses avait
plusieurs élèves qui faisaient, quoique dans un genre différent, les mêmes fonctions
serviles que la jeune noblesse faisait auprès d’un grand seigneur. Les demoiselles ne
quittant point leurs maîtresses soit à table, soit dans les cercles, soit dans les
promenades, faisaient que la moindre réunion offrait plus de gaîté et, par conséquent,
plus d’agrément qu’une grande fête dans toute autre capitale. D’après cela, il serait
difficile d’exprimer les jouissances qu’on éprouvait à la cour de Provence. Toutes les
dames se modelaient sur Béatrix, quoiqu’elle fût un modèle difficile à imiter. La vertu
chez elle était relevée par tout ce que l’esprit et la figure ont d’agrémens. Rien n’égalait
les charmes répandus sur toute sa personne. Ses discours étaient fins et bien conçus; ses
réponses belles et agréables, ses regards doux et accompagnés de sourire; son accueil
gracieux, et ses honnêtetés flattaient plus que les honneurs. Aussi la ville d’Aix
n’oubliera jamais d’avoir possédé dans son sein le modèle de toutes les princesses et de
toutes les dames de qualité.

Les Provençaux, et notamment les habitans de la ville d’Aix, s’attachent facilement à


leur prince, mais ils portent encore plus d’affection aux princesses, lorsqu’elles ont fait
quelque chose pour s’attirer l’estime et le dévouement des citoyens. La reine Jeanne fut
l’idole des Provençaux. Tous auraient volontiers sacrifié leur vie pour elle, surtout
lorsqu’ils la surent dans le malheur et entre les mains de son mortel ennemi.
Louis 1 er d’Anjou, héritier de la reine Jeanne, loin d’aller venger cette princesse
indignement emprisonnée, et ensuite assassinée à Naples, parut plus jaloux de s’assurer
de la Provence que de porter les armes dans un pays dont la conquête serait difficile.

La ville d’Aix et le plus grand nombre des Provençaux refusèrent de reconnaître ce


prince, sous le prétexte que la mort de la reine n’était point assurée; mais, dans le fait,
parce qu’il leur était odieux, à cause des vexations qu’il avait exercées douze ans
auparavant dans les territoires d’Arles et de Tarascon, et encore plus odieux de ne le
point savoir avec son armée au fond de l’Italie pour demander la tête du meurtrier de la
reine.

Louis, piqué de cette résistance, et étant instruit des véritables motifs, alla mettre le
devant la ville d’Aix, sans pouvoir la réduire ni par les armes ni par les négociations. Il
leva le pour aller réparer sa faute en Italie; et comme il fut à Tarente, apprenant que la
ville d’Aix persistait dans le refus de le reconnaître, il la priva de ses privilèges, et
ordonna, en mars 1383, qu’on transportât à Marseille la cour souveraine et les archives
de la chambre des comptes.
Cet ordre ne fut point exécuté. Après la mort de ce prince, la reine Marie, mère de Louis
II, et régente du royaume de Provence, voulant punir la ville d’Aix de ce qu’elle avait
embrassé le parti de Charles de Duras, renouvela cet ordre, le 25 juillet 1385; mais il
n’eut pas plus de succès. Les habitans tinrent ferme dans leur résolution, malgré les
désastres qu’ils éprouvaient dans leur territoire par la licence et la fureur des troupes de
la régente. Ce ne fut qu’après la mort de Charles de Duras, qu’ils reconnurent pour roi le
jeune Louis II, ce qui valut à la ville d’Aix le maintien de ses anciennes prérogatives.

Le bon roi René affectionna tellement la ville d’Aix et la Provence, qu’il oublia d’avoir
été roi de Naples; tant est, que les vastes et nombreuses possessions ne font pas toujours
le bonheur des princes ni la prospérité des peuples.

Charles II, dernier comte de Provence et de Forcalquier, n’ayant point d’enfant, institua
Louis XI, roi de France, pour son héritier. La ville d’Aix approuva ce choix, et s’en
réjouit.

François 1er visita plusieurs fois cette ville, et y reçut tous les honneurs dus à son rang et
à ses mérites. (cependant ce prince étant dans le malheur, la ville d’Aix ouvrit ses portes,
le 6 août 1524, au connétable de Bourbon qui, à la tête d’une armée allemande et
piémontaise, venait asr Marseille. Le 9 août 1536, elle reçut Charles-Quint comme on
doit recevoir un potentat de l’Europe, sans considérer si sa visite était amicale ou si elle
avait des vues d’ambition. Il y fit son entrée en triomphateur, reçut la visite des
personnes notables; et puis, accompagné d’elles et des principaux de sa cour, il alla à la
cathédrale de Saint-Sauveur, non point pour rendre des actions de grâces à Dieu des
hauts faits d’armes qu’il avait faits à l’Estérel, au Muy, à Brignoles et à Saint-Maximin,
mais pour se faire couronner roi d’Arles et de toute la Provence. A la suite de la
cérémonie, il nomma un archevêque à la capitale qu’il venait de se donner, quoiqu’il y
en existât déjà un, et qui jouissait d’une bonne santé. Il divisa la Provence en plusieurs
principautés, créa des duchés et des marquisats, etc. Le lendemain, se croyant maître de
la Provence, il pensa qu’il était de l’intérêt de sa puissance de tenir un lit de justice dans
lequel il déploierait toute l’autorité souveraine: il le tint en effet; et après avoir cassé le
Parlement, les autres tribunaux et les consuls d’Aix, il érigea un sénat composé de cinq
sénateurs et de cinq avocats, qu’il avait amenés d’Italie dans ce dessein. A la place du
viguier et des consuls d’Aix, l’empereur établit un vicomte et trois tribuns. Enfin, en
reconnaissance du bon accueil qu’il avait reçu de cette ville, Charles-Quint, nouvel
O m a r, fit mettre le feu aux archives du palais, le jour même qu’il fut forcé de
l’abandonner pour se sauver à toute hâte en-delà de la frontière.

Dans l’année 1561, un certain nombre de protestans de la ville et des environs, se


réunissaient secrettement pendant la nuit dans la maison d’un conseiller fauteur zélé de
l’hérésie le peuple en étant instruit, excita les enfans à briser les portes et les fenêtres des
huguenots, et à crier dans les rues, hors d’ici les protestans. Le Parlement prit des
mesures pour réprimer le désordre, et le roi donna le fameux édit du mois de janvier
1562, que les consuls d’Aix refusèrent d’enregistrer. Flassans, premier consul, se mit à
la tête d’une troupe d’hommes sans aveu, la plupart sortis de la lie du peuple, et, pendant
plusieurs jours, il pendit tous les protestans qu’il rencontra, à un pin sous lequel ils
tenaient leur prêche.

Ce désordre dura jusqu’à l’arrivée du vicomte de Cadenet qui, à la tête de quelques


troupes, se rendit maître de la ville, et priva Flassans du chaperon.

Les soldats huguenots se voyant maîtres de la ville, se livrèrent à toutes sortes d’excès
contre les catholiques, et ne négligèrent rien pour les empêcher d’exercer leurs devoirs
religieux, même lorsqu’ils étaient dans les églises. Mais l’excès le plus insultant eut lieu
le jour de Saint-Marc. Les catholiques avaient l’usage d’aller nu-pieds en pélerinage à
une chapelle assez éloignée de la ville. Les huguenots furent pendant la nuit semer sur le
chemin une grande quantité de Draines d’épinards, dont les pointes aiguës estropièrent
les pieds des pèlerins. Une pareille insulte ne fut point sans vengeance. Le 3 mai, jour où
les pénitens noirs avaient usage d’aller en procession à une chapelle hors des faubourgs,
un grand nombre d’hommes couverts d’une cape noire qui cachait des armes et une
carnassière remplie de pierres, sortent de la ville, surprennent le poste des huguenots qui
gardaient la porte, en terrassent plusieurs, et mettent les autres en fuite. De là ils courent
se rendre maîtres d’un autre poste, s’emparent de l’hôtel-de-ville, repoussent la Garnison
qui était accourue pour les combattre, la poursuivent l’épée dans les reins, lui tuent
beaucoup de monde, et finissent par chasser toutes les troupes jusque hors du territoire.
Cette guerre de religion couvrit la Provence de ruines, de sang et de deuil, et la ville
d’Aix fut souvent exposée aux plus vives alarmes.

La guerre civile ne fut pas le seul fléau qui désola cette ville. La peste y attira plusieurs
fois ses horreurs. Celle de 1580 surprit la ville d’Aix affligée depuis quelques mois d’un
rhume si violent, qu’il faisait découler des narines une humeur épaisse et visqueuse dans
laquelle il s’engendrait des vers. En juillet de cette année, la contagion faisait tellement
des ravages, que tous les tribunaux et tous ceux qui avaient quelques moyens prirent la
fuite, pour aller se réfugier dans les lieux non encore infectés. Parmi les personnes
marquantes, il ne resta qu’Honoré de Guiran, assesseur aux consuls, qui eut la générosité
d’exposer sa vie pour secourir ses concitoyens.

Cette année, les pluies fréquentes avaient empêché d’ensemencer la plus grande partie
des terres. Celles qui le furent, ou ne produisirent rien, ou ne donnèrent qu’une récolte
modique; et encore cette récolte germa-t-elle dans les champs avant qu’on eût fait la
moisson, ou dans l’aire avant qu’on eût foulé les gerbes. Ces pluies ayant continué
presque sans interruption pendant plus d’un an, les fleurs des oliviers et des arbres
fruitiers coulèrent, et les raisins pourrirent dans la vigne; de sorte que les trois fléaux, la
guerre, la peste et la famine désolaient, en même temps toute la Provence. La peste dura
sept ans, quoiqu’elle cessât par intervalles, tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre.
La ville d’Aix perdit en dix mois seulement huit mille cinq cents personnes, parmi
lesquelles se trouvaient les médecins, les apothicaires, les prêtres et tous ceux qui se
faisaient un devoir de prodiguer leurs soins aux malheureux. On ne trouva plus de
fossoyeur qui voulût ensevelir les morts; aussi les cadavres restaient dans les rues ou
pourrissaient dans les maisons, à moins que les enfans n’eussent le courage d’inhumer
leur père et mère, ou ceux-ci leurs enfans.

Le peuple attribua ce fléau à la malice d’un ermite, natif de Sainte-Colombe, diocèse de


Lodi. Il s’appelait frère Valère-des-Champs. On croyait, dit un historien, qu’en voyant
un malade, il distinguait au premier aspect le genre de maladie dont il était atteint, et s’il
en mourait ou s’il en échapperait: on s’imagina même qu’il était en son pouvoir de
donner la vie ou la mort. Cette opinion lui attira des présens d’une infinité de personnes;
il se fit une si grande réputation de sainteté, qu’on grava son portrait, et chacun voulut
l’avoir auprès de son lit. L’engoûment n’était pas seulement parmi le peuple; il avait
gagné toutes les classes des citoyens, jusqu’aux magistrats et aux ecclésiastiques.

Mais les passions de l’hypocrite parurent enfin à travers le voile mystérieux dont il les
couvrait. On s’aperçut qu’il entretenait une femme de mauvaise vie, et que pour soutenir
la réputation de prophète qu’il s’était acquise, il empoisonnait ceux dont il avait prédit la
mort. Le Parlement n’osant le faire arrêter publiquement, de crainte de soulever la
populace, ordonna au geôlier de le retenir quand il viendrait visiter les prisons. Dès qu’il
fut enfermé, ceux que la crainte ou une pusillanime superstition avait retenus, éclatèrent;
on découvrit des crimes-secrets que personne n’avait eu le courage de révéler, et le
coupable fut condamné, le 23 décembre 1588, à être brûlé vif. On assure qu’en allant au
supplice il ne dit que ces mots: à peccato vechio penitenza nova.

La peste de 1629 emporta près de douze mille personnes à Aix. Celle de 1720 y fut
introduite par des contrebandiers dont l’avidité du gain ne leur faisait point appréhender
une ville populeuse. M. de Vintimille du Luc, évêque d’Aix, animé du même esprit de
charité que M. de Belzunce à Marseille, se dévoua tout entier à la mort pour procurer des
consolations aux malheureux pestiférés. Les ecclésiastiques et tous les jeunes gens de
l’un et de l’autre sexe, appartenant aux meilleures familles, suivirent l’exemple du digne
prélat; les courtisanes même crurent ne trouver une occasion plus favorable pour expier
leurs criminelles complaisances, que celle d’aller dans les hôpitaux soulager les malades
en leur prodiguant des soins généreux.

C’est près de la ville d’Aix, qu’à l’époque de l’arrivée des Phocéens en Provence, se
trouvait la capitale des Ségobringiens, peuple qu’il ne faut pas confondre avec les
Saliens, car ils n’étaient que leurs alliés et avaient un chef particulier. Le roi des
Segobringiens fit transporter sa cour dans la ville commencée par les Marseillais. C.
Sextius s’en étant emparé, l’agrandit, la fortifia, l’embellit, la peupla en grande partie de
familles romaines, dédiant la ville au dieu Mercure, et les eaux thermales du pays à
Priape. Ces eaux étaient connues avant Sextius; les Ségobringiens en fesaient usage et y
étaient beaucoup attachés. Aussi virent-ils avec douleur qu’on élevât des fortifications
près de la source. Ils s’en plaignirent; et Sextius, pour les tranquilliser, leur assura que
les ouvrages qu’il fesait construire étaient destinés à conserver aux habitans ces eaux
précieuses dont ils se montraient si justement jaloux.

Le long séjour des barbares en cette ville et leurs dévastations furent cause que les eaux
se perdirent. Elles n’ont été retrouvées qu’en 1704, en enlevant les décombres d’une
vieille maison. Non seulement on découvrit une source d’eau chaude qui sortait à gros
bouillons, mais encore des bains, dont les dimensions montraient assez qu’ils avaient été
publics. D’ailleurs, un mentula de pierre, une quantité de médailles et d’inscriptions
trouvées parmi les décombres qui cachaient les eaux, attestent que ces bains étaient
réellement ceux qui avaient été bâtis par les Romains. On les a reconstruits de nouveau
pour le public, et on a fait à coté une rotonde au milieu de laquelle est une fontaine de
cette eau, où les pauvres vont boire ou se laver gratuitement.

Plusieurs chimistes ont essayé d’analyser cette eau. On a reconnu que sur vingt-cinq
livres se trouvent 12 grains de carbonate de chaux, 18 grains de carbonate de magnésie,
7 grains de sulfate de chaux, une quantité de gaz oxigène, et une matière animale de la
nature de la gélatine.

La ville actuelle ferait l’admiration des amateurs du beau, du majestueux, si elle n’était
point privée de ses monumens anciens qui attestaient le bon goût des Romains. Le
principal édifice qu’on y trouve est la cathédrale Saint-Sauveur; la façade n’en est pas
fort ancienne; les sculptures qui décorent cet édifice et la porte d’entrée sont de 1504.
Quelques personnes ont cru y reconnaître des sujets païens; mais les bons connaisseurs
n’y aperçoivent que deux prophètes et six femmes vêtues comme on l’était au seizième
siècle. Chaque compartiment est orné d’arabesques et séparé par des guirlandes de fleurs
et de fruits, le tout traité avec art et d’un goût peu commun; mais malheureusement cet
édifice a eu à souffrir du vandalisme révolutionnaire. On éprouve un sentiment pénible,
en voyant sur ce chef d’œuvre des temps modernes l’empreinte de l’ignorance, de
l’irréligion et de la fureur.

Cet édifice fut bâti au lieu même où se trouvait un temple dédié au Soleil. C’etait un vrai
monoptère dans le goût du Panthéon de Rome. Les colonnes du baptistère sont un reste
de cet ancien temple; elles sont toutes de marbre; cependant il y en avait deux en granit
de l’Estérel pris dans la carrière d’Esclans. On en voit encore une intacte; elle décore la
fontaine qui se trouve devant l’hôtel-de-ville d’Aix; cette pièce est ce que cette ville
offre de plus curieux.

Les Romains avaient élevé à Aix trois fameuses tours qui étaient, sans contredit, les plus
beaux monumens qu’ils eussent laissé dans les Gaules. Elles étaient enclavées dans une
vaste enceinte de murailles où se trouvait la demeure des gouverneurs, des prêteurs
romains et de tous ceux qui, dans la suite, ont administré la province. Ces monumens
furent respectés par les Barbares, et admirés par tous les princes qui avaient visité cette
ville. Pourquoi a-t-il fallu que la philosophie et l’inconstance du dix-huitième siècle
aient porté les hommes à anéantir ces chefs d’œuvre. Quelque temps avant leur
destruction, on avait découvert, au couchant de la tour dite du trésor, une rotonde
composée de huit colonnes de marbre ou de brèche de couleur verte. Comme cette
trouvaille excitait des disputes entre plusieurs envieux, on recombla cette fouille, et l’on
ensevelit ce monument précieux. Espérons du zèle, des lumières et du patriotisme de nos
administrateurs, qu’ils ne dédaigneront pas la gloire de rendre au pays ce qui peut lui
rester encore des trésors de l’Antiquité.

Le nouveau palais de justice se trouve au même local où étaient les trois belles tours. Ses
quatre façades, loin de nous les faire oublier, nous en font, au contraire, bien plus
déplorer la fierté. Heureusement l’intérieur de ce palais nous dédommage un peu de ce
que l’extérieur a de défectueux ou de disproportionné, Je dis un peu, car cet édifice ne
présente aucune pièce assez spacieuse pour contenir le monde qui accourt ordinairement
lorsqu’on juge une affaire intéressante.

Une salle de bains antiques existe sous la fontaine de la place aux Herbes. Cette salle est
une rotonde dans le pourtour de laquelle sont pratiquées seize niche contenant chacune
un de marbre et deux tuyaux dont l’un devait servir pour l’eau chaude, et l’autre pour
l’eau froide; mais depuis plusieurs années on en a fait murer l’entrée. Le canal des
fontaines offre à tous pas de belles pièces d’architecture qui croupissent dans la fange.

Cependant on conserve dans une salle de l’hôtel-de-ville une belle pièce de mosaïque et
le fameux bas-relief de l’accouchement de Léda; ce dernier morceau mérite sa
réputation.
La ville d’Aix avait autrefois une cour d’amour qui se distinguait sur toutes les autres
par les moyens de conciliation que les juges employaient pour pacifier les parties. Ils
trouvaient moins agréable de prononcer des sentences que de faire des amis et des
heureux. Les dames du pays se disputaient à l’envi la gloire de défendre l’innocence et
de la faire triompher de ses persécuteurs.
L’hôtel-de-ville, qui est digne de la capitale de la Provence, renferme une bibliothèque
plus riche que celle de Marseille; un seul don lui valut, à ce qu’on assure, près de quatre-
vingt mille volumes.

La faculté de droit de la ville d’Aix fut établie par le pape Alexandre V, ce qui attira dans
cette ville les principales lumières de la province.

La ville d’Aix est très-bien habitée, surtout pendant l’hiver; aussi la société y est-elle
excellente et fort polie; c’est, pour ainsi dire, un reflet de la capitale; les dames surtout y
brillent par leur esprit et leur aimable gaîté. Un tiers de la population y vit de ses
revenus. En été, les familles riches se disséminent dans la campagne, et laissent leurs
vastes maisons sous la surveillance d’un simple gardien.

Au faubourg Saint-Jean, il y a une fort belle caserne pour une place qui n’est pas
militaire; elle ne date que de 1730.

Le territoire d’Aix est fort aride, quoiqu’il touche à la rivière de Lar qui le traverse en
partie. Il en serait autrement, si la ville eût entretenu les aqueducs romains qui lui
amenaient les eaux de la Traconade de Jouques ainsi que celles de Saint-Antonin. La
terre est une marne calcaire blanchâtre, d’une nature crayeuse, et, par conséquent, peu
propre à la culture. Cependant on y récolte du vin, peu de blé, quelques amandes et très-
peu d’huile. La plupart des oliviers y étant constamment endommagés par le froid, on
s’attache à la culture du mûrier.

Les carrières gypseuses du territoire d’Aix offrent dans le calcaire marneux une quantité
abondante d’hélisses terrestres et fluviatiles, et d’empreintes de poissons d’eau douce.
Entre les plâtrières et la ville est un beau calcaire silicieux grisâtre, d’un grain tres-fin et
brillant, renfermant beaucoup d’ossemens pétrifiés qu’on avait pris pour des
antropolites, mais qu’on a enfin reconnu appartenir à des ruminans.

Cette sorte de brèche osseuse ne se montre pas au-dessus du sol. On y trouve également
des empreintes de palmiers, de joncs, de papyrus, de roseaux, de fougères, etc.

Le voisinage de Marseille nuit beaucoup au commerce de la ville d’Aix. Cependant elle


pourrait devenir industrielle; ce qui le prouve, c’est qu’elle possède des filatures de
coton, des fabriques de toile et de drap, des teintureries, des imprimeries en toile. Elle
pourrait avoir encore d’autres fabriques qui seraient pour elle une source de richesses.
Nous conseillerions volontiers à l’autorité municipale du lieu, de ne rien négliger pour
attirer dans cette ville des tisseurs en soie. Par ce moyen, les soies qu’on récolterait en
Provence seraient ouvrées dans le pays et n’iraient point faire valoir l’industrie de
certaines villes qui profitent de notre négligence. D’ailleurs, cette fabrication donnerait
un grand bénéfice, et augmenterait considérablement la population.
La ville d’Aix est aujourd’hui le chef-lieu d’une académie, ayant dans son ressort les
departemens du Var, des Bouches-du-Rhône, des Basses Alpes; elle est aussi le d’une
sous-préfecture du département des Bouches-du-Rhône; elle a une cour royale, un
tribunal de première instance, une cour d’assises, un tribunal de commerce, un
archevêché, une école de droit, une chambre de manufacture. Son commerce consiste
principalement en vin, huile d’olives, amandes, eau-de-vie, laines, draps, soierie; elle a
quatre foires dans l’année; celle du dix février dure 3 jours; celle de la veille de la Fête-
Dieu dure 8 jours; celles du 24 septembre et du 3 décembre durent 5 jours; tous les
jeudis il y a un marché pour les bêtes à laine. La ville est traversée par la route de Paris à
Antibes, et par celle de Marseille aux Alpes; elle est à 200 lieues de poste de Paris. Pop.
25,000 hab.

Les communes du ressort des deux justices de paix de cette ville sont, Aix, Éguilles,
Saint-Marc-de-Jaumegarde, Meyreuil, Tholonet, Vauvenargues et Venelle.

DESCRIPTION DE LA PROCESSION DE LA FETE-DIEU,


qu’on fait quelquefois à Aix.

Trois grands personnages jouent leur rôle dans cette procession; ce sont le Prince
d’amour, le Roi de la bazoche et l’Abbat ou l’Abbé de la jeunesse. Le premier était pris
dans le corps de la noblesse, le second dans celui du barreau, et le troisième dans celui
des métiers.

Le Prince d’amour, drôlement costumé, était le principal officier des jeux. En cette
qualité, pendant toute l’année, il ait au conseil de la ville après les consuls, et y avait
voix délibérative. Mais comme cette charge était pour lui trop dispendieuse, il fut
remplacé par un autre personnage connu sous le nom de Lieutenant du Prince d’amour, à
qui on accordait une indemnité de mille francs, le droit de pelote et l’entrée gratuite au
spectacle; sa suite était composée d’un porte-enseigne, six bâtonniers, des trompettes,
violons, tambours, etc.

Le Roi de la bazoche, aussi drôlement costumé que le Prince d’amour, et ayant en sus le
Cordon Bleu et la décoration du Saint-Esprit, était précédé de son cortège qui était le
plus nombreux et le plus magnifique; 1° c’était le premier bâtonnier suivi d’une
compagnie de mousquetaires; 2° un second bâtonnier suivi du capitaine des gardes, du
connétable, de l’amiral, du grand-maître, du chevalier d’honneur et d’une compagnie de
gardes à casques; 3° le troisième bâtonnier et sa compagnie de mousquetaires, le guidon
du roi, le lieutenant du roi, les symphonies et les juges; 4° enfin, le Roi de la bazoche
entre deux gardes du Parlement, et suivi d’une troupe de jeunes gens invités par lui.

L’Abbat, tenant un bouquet à la main, était accompagné de deux abbés et d’une grande
suite de parens et d’amis. Il était précédé de dix officiers, un guidon, un porte-enseigne,
un lieutenant d’abbé et six bâtonniers qui commandaient les compagnies de fusiliers
attachés à l’abbadie, pour exécuter les décharges de mousqueterie. L’Abbat avait aussi
voix délibérative au conseil, et jouissait d’un droit de pelote.

La veille de la Fête-Dieu, vers les neuf heures du soir, les bâtonniers de l’abbadie et de
la bazoche parcouraient la ville accompagnés de fifres et de tambours. Dans leurs
différentes stations, les bâtonniers simulaient un combat à la lance, et saluaient les
dames en finissant chaque pas d’armes; ce jeu tout chevaleresque s’ appelait la passade.

Une heure après, le grand cortège du guet se mettait en ordre. La marche était ouverte
par la Renommée à cheval, sonnant de la trompette; un groupe de chevaliers lui servit de
cortège.

Ensuite venaient deux personnages grotesques, montés sur des ânes, entourés d’animaux
et escortés d’une foule d’enfans qui les poursuivaient avec des huées.

Après, c’était Momus avec ses grelots, Mercure portant les ailes et le caducée, la Nuit en
robe noire parsemée d’étoiles, et tenant à la main des pavots.

La mythologie était tout-à-coup interrompue par le groupe des Rascassetos, composé de


quatre individus ayant pour tout ornement deux poitrails de mulets; une têtière couvrait
la tête de trois d’entre eux et armés, l’un d’un peigne, l’autre d’une brosse, et le
troisième d’un forse, sorte de ciseau dont on se sert pour tondre les bêtes, ils entouraient
le quatrième affublé d’une grande perruque, et fesaient semblant de le peigner, de le
brosser et de le tondre.

Le jeu du chat venait ensuite. Un Israëlite tenait une perche surmontée d’un veau en bois
doré; trois autres Hébreux, dont l’un tenait un chat à la main, se prosternaient devant
l’idole; Moïse arrivait, portant les tables de la loi; Aaron, revêtu de ses habits
pontificaux, cherchait à calmer le courroux de Moïse.

La mythologie reparaissait; Pluton et Proserpine précédaient le groupe des petits diables


qui voulaient s’emparer d’une âme figurée par un jeune enfant vêtu de blanc et à demi-
nu; cet enfant se tenait fortement à une croix qu’un ange lui présentait; les dables, ne
pouvant enlever l’armetto (l’âme), épuisaient leur rage sur l’ange qui recevait des coups
sur un coussin placé entre les deux ailes.

Les grands diables, au nombre de douze, arrivaient entourant Hérode; un homme vêtu en
femme, dont le costume parodiait la mode du jour, se tenait à côté d’Hérode, et le
brossait; on l’appelait la diablesse; mais elle représentait réellement Hérodiade; car, dans
l’origine, elle figurait dans un autre groupe où se trouvait saint Jean-Baptiste, et qui a été
supprimé.

Neptune et Amphytrite venaient ensuite, accompagnés d’une troupe de Faunes et de


Dryades dansans au son du tambourin. Le Dieu des bergers paraissait à cheval,
poursuivant la nymphe Syrinx qui, pour indiquer sa métamorphose, portait un roseau à
la main; Bacchus était assis sur un tonneau, la coupe d’une main et le thyrse de l’autre;
Mars et Minerve, Apollon et Diane terminaient le groupe mythologique.

Il était suivi du spectacle de la reine de Saba, qui n’est autre chose qu’une caricature;
trois suivantes, un danseur et un tambourin formaient toute sa suite; chaque fois que la
reine s’arrêtait, le danseur, tenant en main une épée dont la pointe supportait un petit
château garni de cinq girouettes, exécutait une danse, à l’imitation des baladins de
l’Inde; la reine, les mains sur les hanches, suivait les mouvemens du danseur, et lui
rendait ses saluts avec une gravité affectée les suivantes clôturaient le jeu en exécutant
aussi une danse.

Saturne et Cybèle paraissaient à cheval avec les attributs que la fable leur donne; ils
étaient suivis par deux troupes de danseurs; après venait le grand char de l’Olympe
portant Jupiter et Junon; Vénus et Cupidon présidaient aux jeux, aux ris et aux plaisirs;
la marche était fermée par les trois Parques qui étaient là pour rappeler que la mort
termine tout; ainsi finissait le guet.

Le lendemain, jour de la Fête-Dieu, vers les dix heures du matin, la procession était
précédée des groupes de la veille, qui avaient trait à l’ancien et au nouveau testament; il
en paraissait aussi de nouveaux que nous allons faire connaître.

Les tirassouns. C’était la scène du massacre des Innocens; Hérode présidait lui-même à
l’exécution; il était escorté d’un tambourin, d’un porte-enseigne et d’un fusilier qui, au
signe donné, fesait une décharge; quelques enfans, vêtus d’une seule chemise de toile
écrue, tombaient à terre et se vautraient dans la poussière; Moïse, à ce spectacle,
montrait au roi sanguinaire les tables de la loi.

La belle étoile. Les trois mages allant à Béthléem, précédés d’un ange portant une étoile
flamboyante au bout d’un long bâton; trois pages, chargés de présens, suivaient les
mages.

Les apôtres. Leur costume était oriental, et chacun d’eux portait un symbole propre à le
faire reconnaître; leur divin maître était avec eux, et marchait recueilli et comme accablé
sous le poids de la croix.

Saint Christophe. Un homme très-fort, caché sons un squelette énorme à longue barbe
blanche, et dont les bras étaient étendus en croix, portait sur une des mains un enfant
Jésus de carton.

Les chevaux-frus. Ces chevaux étaient de carton; un trou placé sur le dos permettait au
cavalier d’y passer jusqu’à la ceinture, où il fixait la carcasse du cheval avec des
cordons; le cheval était caparaçonné de manière que le bas de l’homme en était caché;
c’était le cavalier qui portait le cheval; il tenait de la main gauche la bride, et de la droite
une épée; cet escadron était guidé par un coureur, un héraut et un arlequin qui
s’évertuaient à faire des sauts et des gambades; les cavaliers exécutaient au son des
tambourins diverses manœuvres d’équitation, en fesant imiter à leurs chevaux tous les
mouvemens naturels du cheval.

La Mort. Les jeux qui précédaient la procession étaient terminés, comme ceux du guet,
par la Mort; mais elle avait déposé les attributs mythologiques pour se montrer dans
toute sa laideur.

Sitôt que les jeux étaient terminés, c’est-à-dire vers les quatre heures du soir, la
procession sortait de la cathédrale. Ce qui la distinguait et la rendait plus imposante,
c’étaient les trois cortèges du Prince d’amour, du Roi de la bazoche et de l’abbadie qui
venaient y étaler toute la pompe de leurs riches costumes, et y exécuter des décharges de
mousqueterie; c’étaient les corps de métiers et les corporations avec leurs bannières et
leurs drapeaux; c’étaient les autorités civiles et militaires et un nombreux clergé, au
milieu d’une foule immense arrivée de tous les points de la Provence et des provinces
voisines.

Cette cérémonie, qui a paru ridicule à quelques-uns, ne doit être considérée que comme
la fidèle expression des mœurs du temps, comme un mystère muet où tous les objets se
dessinent avec leurs véritables couleurs.

La marche du guet, qui se fesait la veille et dans la nuit, était un mélange de sujets tirés
de la fable et de la bible. Ce mélange n’était pas fait sans dessein; il se rapportait à ces
temps où le paganisme triomphait partout, excepté dans la Judée, où la vérité ne se
montrait qu’à demi, mais dans l’attente d’un triomphe prochain; c’est pourquoi toutes
les divinités païennes étaient rassemblées; mais leur marche était souvent interrompue
par des personnages tirés de l’ancien testament; c’était là le premier acte des mystères.

Le lendemain, le polythéisme ne se montrait plus; les personnages de l’ancien testament


reparaissaient et étaient suivis par ceux du nouveau, qui ne figuraient d’abord que les
scènes les plus mémorables de la naissance du Messie; mais le mystère de la
Rédemption était bientôt caractérisé par le groupe des apôtres et de leur divin maître prêt
à accomplir les prophéties; c’était le second acte.

Enfin tous ces jeux allégoriques ayant cessé, la religion chrétienne se montrait
triomphante et dans toute sa pompe; c’était là le troisième et dernier acte des mystères.

ALAMONTE. Position ancienne désignée par l’itinéraire d’Antonin, sur la route de


Sisteron à Gap, qui n’était pas la même d’aujourd’hui. On a conservé ce nom dans celui
de Mouestier d’Alamont, sur le bord de la Durance, à 5 lieues et demie de Sisteron; ce
lieu portait, en 1190, le nom de Castrum Alamontis. On assure que c’est la même
position que celle d’Alarante, dont il est fait mention dans la table théodosienne.
ALARANTE. Voyez ALAMONTE.

ALAÙNIUM. Les historiens ne sont pas d’accord sur la position d’Alaunium.


Cependant, d’après l’itinéraire d’Antonin, il est à présumer qu’elle était à Aulun, dans le
territoire de Lurs.

ALBERTAS. Village à 2 lieues d’Aix. Voyez Bouc.

ALBICI, ou ALBICCEI. Peuplade celto-lygienne qui avait pour capitale Albece.


Plusieurs écrivains modernes, voulant donner de la célébrité aux lieux qui avoisinent
Marseille, ont fait bien des conjectures pour placer ce peuple au plan d’Aups, sur la
montagne de la Sainte-Baume, ou dans la campagne d’Aubagne, ou à Aubagne même;
mais les preuves les plus convaincantes attestent qu’il occupait Albiosc près de Riez, et
que cette dernière était leur capitale. Cependant on peut croire avec vraisemblance que
quelques Albici, après que Marseille eût été soumise par César, pour ne pas retourner
dans leur pays qui était très-pauvre, s’établirent aux environs de Marseille,
principalement à Peynier; mais ils se trouvèrent confondus avec les habitans de la
contrée.

ALBIOSC, anciennement ALBECE. Village du canton de Riez, à une lieue du Verdon,


et 15 lieues de Digne (Basses Alpes). Ce village appartenait aux Albici, nation celto-
lygienne dont parle César. Le climat y est tempéré, le territoire produit du blé, des
légumes et du vin peu recherché. Le pays n’offre d’autre industrie que celle de
l’agriculture. Pop. 190 hab.

ALCONIS. Ancienne position qui se trouvait entre Heraclea Caccabaria et Pomponiana,


c’est-à-dire entre Saint-Tropez et les îles d’Hyères. Je crois qu’Alconis se trouvait au
même lieu où est le port de Cavalaires. Voyez ce mot.

ALLAUCH, Allaudium. Ville à 3 lieues de Marseille son chef-lieu de canton. Ce fut la


première colonie marseillaise. Le climat y est sain et tempéré; le Maëstral y fait ressentir
sa violence. Les habitans sont vifs, laborieux, et ont le génie commercant; les femmes
surtout vont presque tous les jours à Marseille vendre leurs denrées. Le terroir, sec et
aride, produit beaucoup de vin, de l’huile, du blé et des poires. Il y a des mines de gypse
blanc, gris et rouge, beaucoup de craie et quelques indices de mine de fer; on n’y boit en
été que de l’eau de puits et de citernes. L’ancien lieu se trouvait sur une hauteur, et était
défendu par des murailles et des tours dont on voit encore les ruines Populat. 4,800 hab.

ALLEIN, Alligaum ou Castrum de Alenii, anciennement appelé Castrun de Alique,


Alliquam, Allenq, Allein et Allen. Village du canton d’Eyguières, à 10 lieues d’Arles.
Ce lieu parait avoir été fondé par les habitans d’Aeria, ancienne ville des Saliens, citée
par Strabon, et qui doit être placée au quartier de Rousset, dans le territoire d’Allein; car
Artemidore dit: Aeria est bâti sur un terrain fort élevé; toute cette contrée est une plaine
abondante en pâturages, excepté sur la route d’Aeria au Lonerium, qui est selon les
apparences, le lit primitif de la Durance.

La tradition, s’accordant avec le sentiment de quelques anciens auteurs, place une ville à
l’endroit précité, aux environs duquel il y a plusieurs chapelles ou restes de chapelles
antiques qui ont été dédiées par les chrétiens à saint Martin, à saint Jean, à saint
Georges; on y voit des restes d’un camp bien retranché appelé tourre vieillo. D’un autre
côté, on rencontre une grotte nommée par les habitans caverne de la chèvre d’or; elle se
trouve sur les flancs d’un rocher où sont gravées les lettres T, î, î, V; ces caractères sont
très-allongés et d’une grande dimension.

Ce lieu a été habité par les Romains, à en juger non seulement par la multitude de
tombeaux antiques, qu’on y rencontre souvent dans les terres, mais encore par des
fragmens de pièces d’architecture qui paraissent avoir fait partie d’un beau cénotaphe.
Un de ces fragmens se trouve sur la principale porte du village, et les autres dans les
murs extérieurs de la chapelle du cimetière.

Tout près de l’ancien Aeria, on trouve sur la plate-forme de la montagne dite de


Verègues un grand nombre de tombeaux creusés dans le roc, dont les uns sont
découverts et les autres fermés d’un couvercle semblable à ceux des sarcophages
antiques. Ces tombeaux ont la figure d’une bierre, plus étroite du côté des pieds et plus
large à l’extrémité opposée: quelquefois même il y a d’un côté une échancrure ronde
indiquant la place de la tête; les ans, les dessinent alors les épaules, et l’ensemble retrace
exactement la figure d’une momie.

Les Barbares du nord détruisirent l’ancien Aeria. Les Sarrasins achevèrent d’anéantir ce
qui subsistait encore. Ce fut ces derniers, sans doute, qui démolirent le cénotaphe dont
nous venons de parler. Mais ayant reconnu que ce monument n’avait été élevé que pour
éterniser la mémoire d’un homme qui avait cessé d’être, ils choisirent cet emplacement
pour ensevelir leurs morts. Aussi, dans ce cimetière, qui est le seul du pays, on trouve,
aux deux extrémités de chaque fosse, une pierre debout, comme on le voit aux tombes
des Musulmans.

Allein fit partie pendant longtemps du domaine des comtes de Provence. En 1257,
Benoît d’Alignano, évêque de Marseille, et probablement issu d’une famille noble
d’Allein, céda la haute seigneurie de sa ville épiscopale (Marseille) à Charles 1er
d’Anjou, qui lui donna en échange les terres d’Allein, etc. Le 24 mai 1473, Jean Allardo,
évêque de Marseille, échangea la seigneurie d’Allein pour la baronnie d’Aubarn avec le
roi René. Vers le milieu du quinzième siècle la seigneurie d’Allein fut donnée par le roi
de Franc, à Jacques II de Renaud, descendant du fameux Fouque de Renaud, podestat de
la république d’Arles et fut érigée en marquisat en faveur de César de Renaud, un de ses
arrière-petit-fils, par lettres patentes du mois de mars 1695; et cette terre est restée à
cette famille jusqu’à la révolution.

Le village est ceint de murailles flanquées par quatre tours. On y entre par quatre portes,
dont une avait sa herse en fer. Quelques places et plusieurs promenades embellissent les
avenues.

Le territoire est traversé par le canal de Crapone, et par celui de Boisgelin. Le premier
arrose et fertilise les terres; le second, au contraire, étant trop profond loin de servir à
l’irrigation, est un grand obstacle à l’écoulement des eaux pluviales. Le sol produit du
blé, du vin, peu d’huile et beaucoup de sainfoin. On y cultive principalement le mûrier et
l’amandier; aussi les cocons et les amandes forment la majeure partie des revenus des
habitans, au nombre de 1,368. Ils sont livrés uniquement à l’ agriculture; leurs mœurs
sont douces et sociales; ils ont le caractère extrêmement gai et vif; ils sont doués d’un
bon esprit. Dans aucune circonstance de la révolution, les agitateurs n’ont pu parvenir à
porter le peuple à des excès.

ALLEMAGNE, Allemania, Allamania et Allemagnium. Village du canton de Riez, à 14


lieues de Digne (Basses-Alpes), au bord de la petite rivière de Colostre, à l’extrémité
d’une plaine inégale, longue et très-étroite, au pied d’une colline du haut de laquelle
roulent, en temps d’orage, des torrens d’eau qui menacent d’emporter le village. Ils
traversent la principale rue, et y déposent beaucoup de gravier et de cailloux.

Allemagne a été un lieu considérable. Les eaux stagnantes de la rivière, les grands
défrichemens et, plus encore, les effets désastreux des guerres civiles se plurent à
dépeupler ce village. Le seigneur du lieu, un des chefs du parti des religionnaires, fut
assiegé dans son château par le baron de Vins. Leydiguières vint exprès du Dauphiné
pour secourir le seigneur d’Allemagne qui était son parent. Un combat meurtrier eut lieu
entre les Razats et les Carcistes; onze gentilshommes, quarante officiers, six cents
soldats périrent dans cette journée; de Vins fut complètement battu, mais le baron
d’Allemagne y perdit la vie.

De sages précautions ont rendu ce village plus salubre. Des bourgeois de Riez ne
dédaignent pas d’aller passer la saison des chaleurs dans leurs campagnes près
d’Allemagne, et de respirer l’air à toute heure du jour. Le territoire produit des truffes,
des noix, du blé, du fourrage, des légumes et surtout du vin exquis. Le village n’annonce
pas être dans une grande aisance; un grand nombre de maisons sont délabrées. Il y a peu
d’années, qu’une trombe d’air enleva la toiture de plusieurs habitations, déracina des
arbres et emporta un gros noyer avec toutes ses branches à une grande distance du lieu
où il avait été arraché. Population 730 hab.

ALLONS, Pagus Allonsensis, Allontium. Village du canton de Saint-André, à 8 lieues


de Castellane dans une vallée très-froide en hiver, car il y tombe beaucoup de neige. Les
montagnes sont couvertes de bois de hêtre, la source de la fontaine du Roi arrose unc
partie de la plaine qui produit du blé et du foin. Pop. 472 hab.

ALLOS, ou Alloz, Allostrum. Petite ville chef-lieu de canton pour son territoire
seulement, à 6 lieues de Barcelonnette. Elle était la capitale des Gallitœ. peuple celto-
lybien. Il est fait mention d’Allos dans les trophées d’Auguste. On prétend que
Charlemagne fit bâtir l’ancienne paroisse qui se trouve à environ deux cents pas en-
dessous de la ville, et qui subsistera encore longtemps, malgré le peu de soin et de
respect qu’on a pour cet ancien édifice. On trouve encore des restes de fortes murailles
et de deux forts dont l’un est à l’est et l’autre à l’ouest de l’endroit.
Allos faisait partie de la vallée de Barcelonnette; la Foux, la Baumelle et Boucher sont
les trois principaux hameaux du territoire. Un grand nombre de ruisseaux arrosent la
campagne; les principaux sont, Auriac, Anchay, Boucher, Chancelaye, Roubions, Tapié
et Valsebière. Le climat est très-froid, le sol fertile; les montagnes, couvertes de gazon,
nourrissent en été une grande quantité de bétail venant des environs d’Arles; elles
produisent beaucoup de plantes médicinales fort estimées, et des framboises excellentes.
On y voit beaucoup de chamoix, des chèvres sauvages, des bartavelles et même des
gélinottes; on y trouve aussi du cristal de roche.

Dans le territoire d’Allos, et au sommet de la haute montagne du Laus, est un lac qui a
près d’une lieue de circonférence, et à certains endroits plus de trente pieds de
profondeur. Il donne naissance au ruisseau du Chadoulain, et fournit beaucoup de truites
excellentes et bien saumonées; on y en a pris qui pesaient jusqu’à cinquante, soixante et
quatre-vingts livres; pendant l’hiver, on les pêche en brisant la glace qui est à la
superficie. Plusieurs auteurs ont avancé que ce lac donnait naissance au Verdon, preuve
certaine qu’ils n’ont pas visité ce lieu, car la disposition du terrain leur eût prouvé le
contraire.

Le bois est abondant, mais il n’y a que le mélèze qui soit propre à la menuiserie; on s’en
sert également pour la charpente des maisons qui étaient couvertes en bois avant la mi-
décembre 1833, époque où toute la ville a été dévorée par les flammes. Les habitans au
nombre 1,410, sont naturellement vifs et emportés, mais l’éducation corrige facilement
leur caractère.

ALPES. Montagnes qui séparent la France de l’Italie; elles séparent également la


Provence des état du roi de Sardaigne. Les anciens appelaient Alpes Maritimes cette
chaîne de montagnes qui s’étend depuis la Durance, près d’Embrun et Briançon, jusqu’à
la mer, près de Cimiez et Nice. Les principaux animaux que ces montagnes renferment
sont l’aigle royal, le vautour, la marmotte, le chamoix, la chèvre sauvage et le loup gris.

ALPES (BASSES). On a donné ce nom à un département compris dans l’ancienne


Provence. Il forme cinq arrondissemens; Digne est le chef-lieu; Barcelonnette,
Castellane, Sisteron et Forcalquier son les sous-préfectures. Sa population est d’environ
150,000 hab.

ALPINES. On donne le nom d’Alpines à toutes les montagnes et fortes élévations qui se
trouvent dans l’ancienne Provence, sur la rive droite de la Durance prise dans son ancien
lit; de sorte que toutes les hauteurs qui se trouvent entre Orgon, la Crau d’Arles et le
Rhône font partie des Alpines.
AMIRAT, Amiratum. Village du canton de Saint-Auban, à 15 lieues de Grasse (Var),
sous un climat pur et tempéré, et formé des hameaux Amirat, Barlet, Maupenq et Ubac.
La belle source du Barlet jointe à celle de Creisonnière arrose les prairies et les jardins.
Le pays avait autrefois beaucoup de vignes; on y recueille des fruits excellens. Les
habitans, au nombre de 140, sont d’un caractère ardent.

AMPUS, en provençal Empus. Village à 3 lieues de Draguignan son chef-lieu


d’arrondissement et de canton, et sur la voie aurélienne qui de Fréjus allait à Riez.

Plusieurs historiens prétendent que le nom de ce village dérive du latin amputare, et


donnent pour raison, que les Romains avaient établi en ce lieu un hôpital pour y soigner
les malades blessés. C’est ainsi que nous l’avons assuré dans la première édition de cet
ouvrage. Mais ayant de nouveau exploré le territoire et consulté les anciennes écritures,
nous sommes fondés à croire que l’étymologie doit être tirée de la prononciation
provençale, et que le mot Empus doit dériver d’Emporium ou Empurirœ, qui signifie
foire, marché public. La chose est si vraie, qu’au quartier du plan d’Ampus se trouve un
grand pavé antique qui, selon la tradition du pays, aurait servi de place à un grand
marché public. En effet, plusieurs chemins venaient de divers sens y aboutir, ce qui fait
présumer qu’on s’y rendait de tous les lieux circonvoisins. Cette place s’appelait
Mercanti. Le peuple en a fait Marcandi peut-être a-t-on supprimé le mot locus qui le
précédait, ce qui aurait signifié lieu, emplacement pour les marchands, place de la foire
ou du marché.

Un autre emplacement sur le plateau d’une élévation, porte le nom de la paro. Ce nom
semble dériver de paro œre, qui signifie acquérir par argent, acheter. Les gens du pays
pensent qu’il se tenait là le marché aux bestiaux, ce qui n’est pas invraisemblable, à
cause des grands pâturages et des nombreux troupeaux qu’on a de tout temps élevés
dans le territoire. D’ailleurs, le nom de ce plateau l’annonce de manière à n’en pouvoir
douter.

La voie aurélienne se montre encore sur plusieurs points du territoire. Elle a conservé le
nom de camin-roumiou. Il y a quelques années qu’on découvrit près de Mercanti, une
pierre miliaire dont on a inconsidérément enlevé toute l’inscription; et une autre miliaire
au commencement du siècle dernier, qui prouvait que la ville d’Antéa n’était pas loin de
là.

Il importait aux historiens modernes de s’assurer sur quel point se trouvait cette
ancienne capitale des Sueltereri, qui devint une station militaire sous les Romains. Mais
il leur était trop pénible de quitter les grandes routes pour aller gravir les montagnes et
explorer les territoires. Voila aussi pourquoi les uns ont hasardé de placer Antéa à
Ampus, et les autres à Aups, à cause sans doute de l’initiale de ces noms. Papon, au
contraire. ne trouvant pas assez d’analogie entre les noms d’Aups et d’Ampus avec celui
d’Antéa, dit tout bonnement que de ce dernier il n’en existe plus aucun vestige.
Cependant je peux assurer, sans crainte d’être contredit, qu’Antéa existe encore, et qu’il
conserve presque en entier son nom primitif. Je l’ai reconnu moi-même au hameau de
l’Antier, qu’on a corrompu par celui de l’Antier. Voyez ce qu’il en est dit à l’article
DRAGUIGNAN.

Le territoire d’Ampus fut distribué, à ce qu’il parait, à plusieurs familles romaines qui
vinrent y établir des villes plus ou moins considérables. Il y en eut une au quartier de
Reynier qui devint, dans la suite, un village. Il fut fortifié sous les comtes de Provence.
Pendant les guerres de religion, il servit de boulevard aux protestans qui menaçaient la
ville de Draguignan; mais ayant été battus complètement par les habitans de cette
dernière ville, ils ne furent plus en force pour défendre le lieu de leur refuge, et eurent la
douleur de le voir détruire ce même jour.

Le nom du quartier de Villote annonce assez qu’en cet endroit il y avait un autre villa.
La situation du lieu, la fertilité du sol, une source d’eau assez abondante, prouvent
qu’elle a dû être très-agréable et très productive. En-dessus de l’habitation actuelle, il y
avait un lac qui a dû servir de vivier aux poissons et aux coquillages dont les Romains
fesaient grand usage. Les atterrissemens ont presque comblé ce lac. Cependant, lors des
fortes pluies, il s’y ramasse encore deux ou trois mètres d’eau qui y attirent des oiseaux
aquatiques.

De temps en temps, on découvre dans les terres des fragmens de pièces d’architecture
qui paraissent avoir servi à des monumens païens, principalement à de petits temples
particuliers, que les Sarrasins détruisirent lors de leurs invasions.

Le hameau de Lagne ou Lagnéros vit, en 1745, une armée espagnole qui se rendait en
Piémont, camper auprès d’un grand puits qui porte le nom du quartier. Ce hameau n’est
formé que de fermes et de métairies. La campagne est très-giboyeuse; on y trouve
beaucoup de vipères dont la morsure est souvent très dangereuse.

Il parait que les premiers habitans du territoire d’Ampus avaient fait éprouver des pertes
considérables aux couquérans des Gaules. On peut en juger par le nom d’un quartier
appelé Malbosc (mauvais bois), et par les nombreux squelettes d’hommes qu’on a
découverts dans la terre ou dans du sablon, entassés par piles, reposant sur une longue et
large brique tumulaire.

Le village actuel est sur une élévation terminée par un précipice. Le territoire est d’une
étendue considérable en grande partie couverte de chênes blancs. Le sol produit du bon
blé et des truffes noires excellentes. Il y a une carrière de marbre qu’on a exploitée
pendant quelque temps, et qu’on vient d’abandonner. Pop. 1,200 hab.

A N A S TASIE (SAINTE). Village du canton de la Roquebrussane, à 3 lieues de


Brignoles (Var). La partie du territoire que la rivière de Nissole arrose dans la plaine,
produit du blé, du vin, de l’huile, du foin et des haricots blancs excellens. Pop. 560 hab.

ANATILIA. Cette ville, dont Pline fait mention, était près de l’embouchure du Rhône,
en-dessous d’Arles, et était la capitale des Anatilii. Les alluvions du fleuve en ont
couvert les fondemens.

ANATILII Peuple celto-lygien qui occupait la rive gauche du Rhône, près de son
embouchure, et qui avait Anatilia pour capitale. Cela étant, ce pays n’appartenait pas aux
Saliens, comme le prétendent plusieurs écrivains du siècle.

ANDIOL (SAINT). Village du canton d’Orgon, sur la route d’Avignon, à 5 lieues


d’Arles. Le climat est le même que celui d’Orgon, mais le sol est plus fertile. Pop. 750
hab.

ANDON, Adonum. Village du canton de Saint-Auban, à 9 lieues de Grasse (Var), et près


de la source du Loup. L’ancien village était sur une élévation au couchant du territoire, il
fut brûlé en même temps que celui de Thorenc. Vers le milieu du siècle dernier, on
commença à bâtir la nouvelle commune. La température est à-peu-près comme celle de
Séranon. Dans le territoire, on voit des forêts de pins d’une énorme grosseur; on ne
trouve pas de passe-partout assez longs pour les couper en billots; on a essayé de faire
flotter les moins épais sur le Loup, mais ce travail est fort pénible et très-coûteux. Pop.
270 hab.

ANDRÉ (SAINT). Bourg chef-lieu de canton, à 4 l. de Castellane, sur la rive droite du


Verdon. Le pays abonde en fourrages et en fruits à pépins; il s’y fait un commerce de
laine; il y a même une mécanique par l’eau, pour carder et filer la laine; on y élève
beaucoup de menu bétail qu’on garde tout l’hiver malgré les neiges. Pop. 700 hab.

Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Saint-André, Allons, Angles,
Argens, la Celle-Michel, Courchons, Moriès, Méouille, la Mure et Peyresc.

Saint-André est aussi le nom d’un hameau dans le territoire de Marseille.

ANGÉS. Petit village à 4 lieues de Forcalquier (Basses Alpes). Le climat et les


productions sont les mêmes qu’aux environs. Pop. 69 hab.

ANGLES, Anguli. Village du canton de Saint-André, à 4 lieues de Castellane. Il fesait


partie des terres baussenques. Pop. 282 hab.

ANNOT, Annotia. Bourg chef-lieu de canton, à 10 lieues de Castellane et à une lieue de


la rive droite du Var, sur la petite rivière de Vaire. On y voit des oliviers, des vignes et
beaucoup de châtaigniers dont le fruit est très-petit; il y a des fabriques de draps
communs; le climat est un des plus doux des environs Pop. 1,097 hab.
Au quartier dit Vers-la-Ville, on a découvert, à différentes reprises, des tombeaux très-
anciens. C’est près de là que se trouvait la ville primitive qui a du être couverte par les
éboulemens de la montagne, et notamment par des roches qui s’en sont détachées. La
plupart de ces roches sont percées d’une quantité de trous carrés et disposés de manière
à faire juger facilement qu’ils ont servi d’appui aux poutres d’une multitude de maisons
qui y étaient adossées.

A environ une lieue d’Annot, et sur la route d’Entrevaux, se trouve une grotte dite de
Saint-Benoît; elle est fort curieuse, non seulement par sa vaste étendue et par les
stalactites qu’on y voit, mais par les ossemens humains qu’on découvre dans les
enfoncemens les moins accessibles. On présume avec vraisemblance que ces ossemens
sont ceux des premiers habitans qui, pour avoir fait cause commune avec les Oxibiens,
les Déciates, les Suelteri et plusieurs autres peuples contre les Romains, furent, par ordre
de Fulvius, poursuivis jusque dans les bois et dans les cavernes où on les fit périr par les
flammes. On découvre encore dans la grotte Saint-Benoît des parties de charbon qui
semblent provenir du combustible qu’on employa pour exécuter cet ordre inhumain,
c’est-à-dire pour étouffer les malheureux qui, pour se soustraire à leurs ennemis,
s’étaient cachés dans cet enfoncement.

Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Annot, Saint-Benoît, Braux,
Fugeret, Méailles, Montblanc, Ubraye et Vergon.

ANSOUIS, anciennement Castrum de Ansoissis, actuellement Ansoissium. Village du


canton de Pertuis, à 7 lieues d’Apt (Vaucluse), et à une lieue de la Durance, dans une
vallée des plus agréables de la Provence, ce qui lui attira de bonne heure des habitans.
Les ruines d’un château fort ancien en sont une preuve certaine. Le climat y est tempéré,
mais les hivers y sont plus froids que dans la partie moyenne de la Provence. Les
habitans, au nombre de 996, y jouissent de la santé, et sont tous dans l’aisance.

Le sol, en partie sablonneux et en partie argileux donne des productions excellentes; les
plus recherchées sont les navets, les melons, les prunes et les cerises. On y fait le
commerce des céréales et des truffes des environs. Les fossiles sont très fréquens dans le
territoire. On y trouve une petite source d’eau bitumineuse et froide dont le peuple, pour
se purger, va boire jusqu’à soixante verres dans une matinée. Cette eau sort d’un trou
creusé en forme de puits sur une élévation; on la désigne dans le pays sous le nom d’aïto
blanco.

ANTÉA ou ANTÉIS. Voyez DRAGUIGNAN.

I1 y a aussi du nom d’Antea une anse entre Agay et la Napoulle. Du temps des guerres
continentales. Des Anglais y sont venus quelquefois faire aiguade. C’est de là que l’on
croit que les premiers Marseillais jetèrent les fondemens d’Athenopolis. (Ce ne fut peut-
être qu’un commencement de ville ou même qu’un temple dédié à Pallas. Vo y e z
ESTÉREL.
ANTIBES, Antipolis. Ville maritime et militaire, chef-lieu de canton, à 6 lieues de
Grasse (Var). Son encien nom dérive d’un mot grec qui signifie vis-à-vis, à l’opposé. En
effet, elle est située en face de Nice, mais en-deçà du Var. Elle fut fondée par les
premiers Marseillais, qui la gouvernèrent jusqu’à ce qu’elle fût tombée au pouvoir des
Romains. Ces derniers en firent une ville latine, l’agrandirent, l’embellirent de plusieurs
monumens remarquables, à l’exception d’un amphithéâtre. Il y avait une école
d’utriculaires, où l’on apprenait à naviguer sur des outres enflées. Un aqueduc conduisait
au cirque les eaux de Fonvieille, source qui se trouve sur le chemin de Biot; ce canal est
encore en assez bon état. Les eaux de la fontaine de Bouillie, à deux lieues d’Antibes,
sur la route de Grasse, venaient alimenter les fontaines et les bains publics.

Antibes avait un théâtre qui se trouvait à l’endroit où il y a le parc de l’artillerie. On y


trouve encore quelques marches anciennes. Un jeune enfant nommé Septentrio, âgé de
12 ans, mourut après avoir dansé pendant deux jours de suite sur ce théatre, pour amuser
les Antipolitains et s’attirer leurs applaudissemens. Une inscription romaine rapporte ce
fait. On est fondé à croire, par une autre inscription qu’on y voit encore, que quelque
flatteur avait fait élever dans cette ville un monument au fameux cheval Boristhène
tendrement affectionné de l’empereur Adrien.

La ville d’Antibes devint opulente par son commerce. Elle rivalisait avantageusement
avec plusieurs autres plus importantes. Mais l’invasion des Sarrasins et des pirates, les
incursions des peuples du Nord. Les différens s qu’elle essuya, firent disparaître son
commerce et ses habitans. Cependant elle en conserva assez pour être la principale ville
de la contrée, et elle eut des princes et des seigneurs particuliers. Les monumens furent
détruits et ensevelis sous les terres. De temps en temps on découvre de belles pièces
d’architecture, des pierres d’inscription, des tombeaux, des mosaïques, des médailles de
bronze du Bas-Empire, etc. La paroisse d’aujourd’hui se trouve au même emplacement
où il y avait autrefois un temple dédié à Diane, qui était la même que celle d’Éphèse et
de Marseille, à laquelle on avait consacré toutes les forêts du littoral. A côté de cette
église sont deux hautes tours qu’on croit avoir été bâties deux cents ans avant J. C.; ce
sont ces deux pièces seulement qui attestent l’ancienneté du lieu.

Dans cette église, ainsi que dans plusieurs autres; de la Provence, on y célébrait dans un
temps la fête des Fous, sorte de saturnale qui avait lieu le jour de Noël ou le jour de
l’Épiphanie. Le peuple s’y montrait avec toute l’indécence possible, chacun se piquant
d’employer le moyen le plus extravagant et le plus propre à changer le temple de Dieu
en une maison de scandale et de dissolution.

Chez les pères franciscains, également à Antibes, on célébrait la fête des Innocens de la
même manière que la populace célèbre aujourd’hui les derniers jours d’un carnaval.
Heureusement pour la religion, toutes ces scènes ridicules et scandaleuses ne se
renouvellent plus; elles furent introduites pendant les siècles d’ignorance, des siècles
plus éclairés les ont fait disparaître.
Le territoire d’Antibes n’est pas fort étendu, mais il est très-bien cultivé; toute la
campagne n’est que jardins, vignes et vergers; les oliviers y sont très-beaux, et l’huile en
est excellente; les figues sont préférables à celles de Grasse; les vins sont assez estimés;
les melons et tous les fruits, les légumes et les blés méritent la préférence qu’on leur
donne; le tabac de ce pays est ordinairement classé tabac de première qualité; les
orangers, les jasmins d’Espagne, les tubéreuses, les roses et les autres fleurs fournissent
aux fabriques de parfumeries et aux distilleries du pays pour les eaux de senteur. Le
séjour d’Antibes serait on ne peut plus agréable, si la ville présentait un peu plus
d’amusemens à la société, et surtout si l’on n’y était pas comme en prison.

Le territoire d’Antibes offre des brèches de Nice, de Narbonne, de Gibraltar, et


principalement celle dite d Antibes qui est tout osseuse. Il est étonnant qu’on n’ait
jamais découvert de squelettes qui pussent constater à quels genres d’animaux ces
ossemens appartenaient. La campagne offre plusieurs coulées volcanique. La principale
est celle de l’étang de Vaugrenier, à environ cent mètres du bord de la mer, où, pendant
l’hiver, on va à la chasse des canards, des sarcelles, des macreuses et de quelques autres
animaux aquatiques. Ce creux n’est autre chose que le cratère d’un volcan éteint. On en
trouve sur tout le littoral, depuis le Var jusqu’au-delà de Toulon.

La belle résistance que les habitans d’Antibes opposèrent à l’armée autrichienne, en


1815, valut a cette ville le titre honorable de bonne ville du royaume. Une colonne au
milieu de la place attestera longtemps la bravoure et la fidélité des Antibois. La ville est
défendue par un fort sur le bord de la mer, et par des remparts et des bastions solides et
imposans mais elle est malheureusement dominée, et il faudra, plusieurs autres
forteresses pour la rendre inabordable du côté de la terre; le fort Carré la défend assez du
côté de la mer. Le port n’est propre que pour les petits bâtimens de cabotage.

Il y a à Antibes une justice de paix, un tribunal de commerce et de prud’hommes, 4


foires dans l’année, savoir: le 24 janvier, le 20 juin, le 20 août et le 18 novembre Pop.
5,500 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Antibes, Biot et Vallauris.

ANTONIN (Saint). Village du canton de Tretz, à 2 lieues d’Aix, et au midi du mont


Sainte-Victoire. Les soldats de Marius s’y étaient retranchés. On y voit encore les restes
de l’ aqueduc que les Romains y avaient Construit pour conduire les eaux du lieu dans la
ville d’Aix. Le climat est doux et sain. Pop. 235 hab.

APT. Ville des plus anciennes de la Provence; elle était capitale des Vullgientes, peuple
celto-lygien. On croit qu’elle s’appelait hat. Les premières phalanges romaines qui
pénétrèrent dans le pays détruisirent cette ville; mais Jules-César la fit reconstruire et lui
donna son nom: Alpta-Julia-Vulgientes. L’empereur Auguste afIectionna également
cette ville; aussi, après sa mort, on lui éleva un temple dans Apt fait qui est attesté par
plusieurs inscriptions. Le temple avait un certain nombre de prétresses spécialement
occupées à brûler des parfums et à chanter des hymnes en l’honneur de cet empereur. Il
paraît que ces prêtresses avaient le droit de se marier; une inscription trouvée à Apt
annonce qu’une fille nommée Vénonia Maximilla fit élever un monument aux dieux
mânes, en mémoire de sa mère, prêtresse du temple d’Auguste.

Les Romains embellirent cette ville à-peu-près de la même manière que tant d’autres où
l’on avait établi des colonies; mais elle n’eut point d’amphithéâtre, car on n’en élevait
que dans les villes du premier ordre. Sous Trajan, Apta Julia jouissait d’un droit italique
auquel diverses prérogatives étaient attachées. On ne sait point de quel empereur elle
l’avait reçu.

Au Commencement du dix-huitième siècle, on trouva à Apt trois statues qui furent


transportées à Versailles; les deux plus grandes sont d’un bon travail et dignes de figurer
dans un muséum. Le monument le plus singulier qu’on ait trouvé en cette ville, c’est une
table de marbre noir, sur laquelle se trouve gravée l’épitaphe du fameux cheval
Boristhène que l’empereur Adrien affectionnait à tel point, qu’il lui fit ériger un tombeau
et une colonne sur laquelle il fit graver une épitaphe de sa composition. Le voyage
d’Adrien en Provence, l’an 120 de J-C., a fait croire à quelques-uns que cet empereur,
passant par Apt, eut le malheur d’y voir mourir son cheval, et que c’est là qu’il lui fit
élever un monument. Mais comme on n’a jamais découvert le tombeau ni la colonne le
plus grand nombre a pensé qu’un contemporain de cet empereur, voulant lui faire sa
cour, imita sa folie en fesant élever un cénotaphe en l’honneur du cheval impérial.

Lors de la décadence de l’empire romain, la ville d’Apt essuya diverses révolutions qui
lui firent perdre une partie de son ancien lustre. Les Sarrasins vinrent ensuite comme on
réparait la ville, et ils la ravagèrent de nouveau Ce ne fut que vers la fin du dixième
siècle que ces malheurs cessèrent, et qu’elle parvint à se relever à-peu-prés de ses ruines.
Ce n’est guère que de cette époque que date la cave souterraine qu’on voit dans l’église
cathédrale, où l’on trouve diverses pierres gravées de plusieurs figures, et qu’avaient
vraisemblablement servi à quelque temple des dieux du paganisme. Mais cette
particularité doit-elle faire penser que la cave sacrée a été construite avant l’ère
chrétienne? Non, certes; car ces pierres sont disposées sans ordre, placées çà et là au
hasard, ce qu’on n’eût point fait dans un temple consacré aux dieux.

En 1562, du temps des guerres de religion, la ville d’Apt fut assiégée par le baron des
Adrets. Les habitans lui opposèrent une résistance héroïque; mais ils auraient été
infailliblement forcés de se rendre, si le comte de Sommerive ne fût promptement venu à
leur secours.
Les gens d’Apt croient communément que sainte Anne vint finir ses jours dans cette
ville qui, tous les ans, en célèbre la fête. La reine, mère de Louis XIV, en 1623, fit écrire
à l’évêque de cette ville pour qu’on priât la sainte d’intercéder afin qu’elle eût bientôt un
dauphin. La fête de sainte Anne étant un jour de foire pour ce pays, est cause que la
plupart des Provençaux ne connaissent cette ville que sous le nom de Santana d’Apt, ce
qui signifie Sainte-Anne d’Apt.
La ville d’Apt n’est pas bien grande; elle est entourée de murailles vieilles, mais très-
solides. Son éloignement de la mer des grandes rivières et des principales routes est
cause qu’elle n’a pu étendre son commerce ni s’attirer une grande réputation. Elle n’en
est pas pour cela plus malheureuse; au contraire, son existence, depuis le départ des
Barbares, a été des plus paisibles et des plus heureuses.

Les habitans ont des mœurs. et ne s’exposent que rarement à être repris de la justice.

On fabrique à Apt des bougies très-estimées, de la confiture très-recherchée, des étoffes


de laine et de coton, des chapeaux, de l’eau-de-vie, et surtout de la poterie qui jouit
d’une grande réputation.

Les environs offrent toutes les matières premières pour cette dernière fabrication; de
bonnes argiles rouges, de blanches et de vitrifiables servant à la faïence; d’autres argiles
plus compactes propres à la fabrication des eaux fortes qu’on y distille également. Les
coteaux situés à l’est fournissent un sablon fin, léger qui rend les argiles plus fusibles
dans les fabriques de faïence; il relève l’émail de leur couverture.

En creusant dans les terres des environs d’Apt, on trouve plusieurs autres productions
précieuses et curieuses; tantôt c’est une ocre supérieure à toutes celles qu’on connaît
ailleurs; tantôt ce sont des pyrites qui annoncent des minerais et des fossiles; tantôt ce
sont des pétrifications de plusieurs objets différens; ici ce sont plusieurs sortes de
coquillage, principalement des cornes d’Amon, qui sont minéralisées avec le cuivre et le
fer; là ce sont des poissons plats, tels que la dorade, la sole et autres à demi-pétrifiés et
très-bien conservés jusqu’aux nageoires ailleurs ce sont des carrières de gypse enrichies
de cristaux selénitiques, et quelquefois des pierres spéculaires; toutes ces curiosités sont
connues depuis longtemps.

On trouve également aux environs d’Apt beaucoup de silex très-fin, dont on se sert pour
la fabrication des pierres à fusil. Celles qui proviennent des fabriques d’Apt sont fort
estimées; elles sont ordinairement claires, transparentes, sans tâche et de couleur fauve.
Heureuse est la ville qui excelle dans son industrie; il est hors de doute, qu’avec la
probité et l’amour du travail, elle parvient toujours à la fortune.
La ville d’Apt est très-froide en hiver et très-chaude en été, à cause de sa situation dans
une longue vallée entourée de coteaux dominés par des montagnes nues du côté du nord,
et couvertes de neige une partie de l’année. Ces coteaux sont complantés de vignes et
d’oliviers, et embellis par plusieurs maisons de campagne agréables; la plaine offre des
terres à blé, des prairies et beaucoup de mûriers pour la nourriture des vers à soie. Le
pays est assez bien habité; on y trouve beaucoup d’habitans qui jouissent d’une honnête
aisance. Leur vie est douce et agréable; éloignés du tumulte du monde, ils se réunissent
dans des sociétés intimes et familières, où l’on trouve plus d’amitié, moins d’égoïsme et
des passions plus modérées. Leur exemple sert de modèle à la classe industrielle, et tout
le pays s’en ressent.
La ville d’Apt n’a plus son évêché; elle est un chef-lieu d’arrondissement du
département de Vaucluse, sur le Calavon, à 188 lieues de Paris; elle a quatre foires dans
l’année, celles de Saint-Clair, de Sainte-Luce, de Quasimodo et de Ste-Anne. Pop. 5,727
hab.

Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Apt, Auribeau, Caseneuve,
Castellet, Gargas, Gignac, la Garde, Saint-Martin-de-Castillon, Rustrel, Saignon, Saint-
Saturnin, Viens et Villars.

ARALUCI, Aralucis, nom qui signifie Autel de la lumière. Tout les historiens modernes
ont donné à tort le nom d’Aralacis au village de Mandelieu. On pense avec plus de
vraisemblance que ce village s’appelait Ad Lucum, et que Aralucis désignait la grotte de
la Sainte-Baume, sur le revers de la montagne de l’Estérel, du côté de la mer. En effet, il
semble que les rayons du soleil, passant par une ouverture qui se trouve encore au haut
de la voûte, dardaient sur un point intérieur de la grotte où il parait qu’anciennement il y
avait un autel païen; on croit reconnaître encore l’emplacement du trépied sur lequel le
grand prêtre rendait ses oracles.

ARAUS. Voyez ORANGE.

ARBOIS. Montagne qui se trouve entre la Penne et Trébillane, près d’Aubagne. On y


voit les ruines de deux églises fort anciennes, ce qui annonce que cette hauteur était
habitée. Nous savons que des Barbares, venus de la Celtique Lyonnaise, secoururent les
premiers Marseillais, et s’établirent ensuite sur le littoral, depuis Marseille jusqu’au Var.
N’allons pas croire, comme certains auteurs modernes, que des Albici soient venus se
placer au milieu d’un peuple qui leur était étranger et même ennemi. Pensons plutôt que
la montagne d’Arbois n’a été occupée que par des soldats de Bellovèse.

ARCHAIL, OU ARCHAL, Archalio. Village à 3 lienes de Digne son chef-lieu


d’arrondissement et de canton. Climat froid au sol de mauvaise qualité, ne produisant
que du blé; deux torrens arrosent le territoire. pop. 170 hab.

ARCHE (L’), et par corruption LARCHE, Archia. Ancienne ville du canton de Saint-
Paul, à 5 lieues et demie de Barcelonnette, et à 2 lieues de l’Argentière, village du
Piémont, pays des Oratelli, peuple des Alpes maritimes, que les auteurs anciens
s’accordent à placer près des Nementuri. Il y avait autrefois un fort carré dont on voit
encore quelques restes. C’est entre le lac de Lauzagni et celui de la Magdeleine que se
trouve la ligne de démarcation entre la Provence et le Piémont. Le premier lac donne
naissance à l’Ubayette; les eaux du second vont grossir le Pô qui a son embouchure dans
la mer Adriatique.

La montagne de l’Arche, dont le sommet est à 2.520 mètres au-dessus de la mer,


présente une longue plaine couverte de prairies. Dans le mois de juillet, qui est son
printemps, on admire la beauté des fleurs de cette prairie et la vivacité de leurs couleurs;
on respire avec un égal plaisir leur doux parfum; on y recueille toutes sortes de plantes
médicinales infiniment préférables à celles de tous les autres lieux de la Provence. On
est frappé d’étonnement, à la vue de l’immensité de pays que l’on découvre du haut de
cette montagne, depuis les hautes Alpes et la Savoie jusqu’à la mer. Les botanistes ne
manquent pas de visiter cette montagne dans la belle saison. Le pays est si froid en
hiver, que les habitans, au nombre de 780, descendent dans les climats tempérés pour y
vivre de leur travail.

Les plantes les plus remarquables par l’éclat de leurs couleurs ou par la suavité de leur
parfum, qui se trouvent sur les montagnes pastorales de la vallée de Barcelonnette et
notamment sur la montagne de l’Arche sont, le lys bulbifère, le lys martagon, le lys
pampon, la fritillaire méléagre, le panicaut des Alpes, le sabot de Vénus, l’épilobe en
épi, l’aconit Napel, l’aconit paniculé, l’aconit anthora, le trollius d’Europe, le ciclamen
d’Europe, l’ancholie vulgaire, les ancholies visqueuse et alpine de Linné, l’asphodèle
rameux de Linné, la violette à éperon, la violette à grandes fleurs, la violette jaune, la
tulipe sauvage, la Daphné, le pied d’alouette élevé, etc., etc.; toutes ces fleurs pourraient
être cultivées dans les jardins.

Il ne pourrait pas en être de même du plus grand nombre de fleurs qui viennent
naturellement dans cette région froide, et parmi lesquelles nous citerons particulièrement
l’orchis noir qui répand une forte odeur de vanille, l’orchis odorant, l’orchis canopsea,
les primevères, les saxifrages, les androsaces et une infinité d’autres qui, au printemps
de ces pays, charment la vue et pénètrent les sens.

ARCS (Les), Caéstrum de Arcubus. Village du canton de Lorgues, à 2 lieues et demie de


Draguignan, et à une demi-lieue de la rive gauche de la rivière d’Argens. La plupart
croient que le nom de ce village vient d’une fabrique d’arcs et de flèches établie par les
Romains. On croit qu’un grand édifice qui est hors du lieu et qui sert maintenant
d’usine, fut cette même fabrique établie par le peuple-roi. L’intérieur de cet édifice est
réellement de construction romaine, mais il est revêtu à son extérieur d’un placage en tuf
très-épais, qui fait qu’on ne peut pas juger de ce qu’il a été dans son principe. Pendant
les guerres civiles, cet édifice a dû servir de forteresse, puisqu’on l’avait terrassé.

D’autres pensent que le nom de cette commune provient de plusieurs arcs en bâtisse que
les Romains y avaient construits, on ne sait trop pour quel objet. On y en voit encore
quelques-uns vers la partie haute du village. Je pense que ces arcs sont les restes d’un
retranchement romain qui fut fait lorsque les armées d’Antoine et de Lepidus étaient en
présence sur les deux rives du flumen Argentum. Ce retranchement a dû être construit
par Antoine qui se trouvait sur la rive gauche; Lépidus en avait également construit un
sur la rive droite et dans le territoire de Vidauban. Il parait que le retranchement
d’Antoine fut, dans la suite perfectionné; car il existe de beaux restes de constructions
qui ont résisté aux siècles et au génie destructif des hommes. Nous citerons
principalement la tour qui domine un grand précipice, la tour dite de la vieille église,
celle de Vachère, et celle appelée fort Barro qui défendaient la place sur tous les points
dont l’accès était facile.

Près de la prétendue fabrique d’arcs on a découvert un cimetière garni de tombeaux


romains, à en juger par les objets qu’ils renfermaient, tels que des amphores, des vases
cinéraires, des lampes sépulcrales, etc. Ceux qui ne contenaient que des ossemens ont pu
appartenir à des Sarrasins qui ont occupé le pays.

Sur la rive gauche de l’Argens, et à une petite distance du pont actuel, se trouvent
d’autres vestiges de construction romaine, qui annoncent que sur cet emplacement il y
avait un temple à oracle, Il existe encore une partie du souterrain par où l’on faisait
disparaître ceux qui avaient le malheur de s’apercevoir de la fourberie des prêtres païens,
et qui n’avaient pas la prudence de se montrer croyans. Le souterrain conduisait à la
rivière, où les victimes, après avoir été poignardées, étaient précipitées dans un gord.

Les Templiers s’emparèrent de cet édifice et en firent une de leurs demeures. Les guerres
intestines la détruisirent en grande partie, et les gens du pays ont abattu le reste. Une
ferme voisine est entièrement construite des débris du temple et du monastère. On
rencontre à tous pas, dans la terre labourée, des fragmens de tuiles romaines, et des
débris de mosaïques en marbre de différentes couleurs.

Au devant de la ferme sont deux pierres miliaires en granit: une seule présente encore
des restes d’inscription, mais difficiles à être copiés.

Le village des Arcs est bâti en amphithéâtre, sans ordre et sans goût, sur une belle
exposition au midi; les rues sont sales et étroites; les eaux des fontaines, principalement
celle dite du Saouzé, sont fort bonnes, et arrosent, de concert avec une autre belle
source, une grande partie de la campagne qui produit abondamment du vin, de l’huile,
du foin, du blé, des haricots et surtout des melons très-estimés. Il y avait, en 1814, une
fabrique de sucre de betteraves et de sucre de raisin; mais cet établissement tomba à la
paix continentale. On trouve encore dans le pays des fabriques d’eau-de-vie et une
filature pour la soie. Population 2,500 hab.; foire, le 29 août.

On voit, à l’est du village, près de la forêt des Maures, une fontaine d’eau ferrugineuse
qui dépose une sorte de terre jaune ocracée. Au lever du soleil, on y voit sur l’eau
surnager une sorte de crème légère dont les couleurs approchent de celles de l’arc-en-
ciel. L’alkali phlogistique en précipite un peu de bleu de Prusse; le reste n’est qu’une
chaux de fer qui rend cette eau un peu minérale, et dont on pourrait se servir dans le
besoin. C’est dans le territoire des Arcs que se trouvait le monastère de la Celle-
Roubaud, qui prit ensuite le nom de Sainte-Rosseline. Voyez ce mot.

ARELATE. Voyez ARLES.

ARGENS, Argentium. Village du canton de Saint-André, à 7 lieues de Castellane, et sur


la rive droite du Verdon. Climat assez froid; les personnes y vieillissent rarement; les
habitans, au nombre de 266, y sont laborieux et savent tous lire et écrire. La seule
industrie est l’agriculture; le sol est mauvais; aussi produit-il peu de blé et quelques
herbes potagères.

ARGENS, ou ARGENT. Amnis Argenteus, ou flumen Argentum. Rivière qui partage


presque le département du Var. Sa principale source se trouve dans le territoire de
Seillon. Elle reçoit, près de Châteauvert, les eaux de Barjols, de Varages et d’Ollières,
qui forment ensemble une petite rivière qui devient considérable en recevant celles du
Caulon, de la Carami, de la Nissole, de la Braque, de la Floreye, de l’Aye, de la
Nartubie, de l’Endres et du Fournel. Elle arrose principalement les territoires de Correns,
de Montfort, de Carcès, de Lorgues, de Vidauban, des Arcs, du Muy, de Roquebrune, du
Puget et de Fréjus, et va se jeter dans la mer à une lieue de cette dernière ville, après un
cours de vingt lieues. Elle est flottable depuis le pont qui se trouve sur la grande route, et
sert à transporter les billots et les planches provenant des scieries du Muy.

Quelques-uns pensent que le nom d’Argens fut donné à cette rivière, parce qu’elle
roulait autrefois dans ses eaux un sable très-fin et un peu argenté.

La rivière d’Argens offre des cataractes près de la chapelle Saint-Michel, entre Vidauban
et le Thoronet; la rivière se précipite du haut d’un rocher très-élevé dans des gouffres
très-profonds, et l’eau disparaît entièrement pour aller ressortir à une certaine distance;
ces cataractes sont une belle horreur qui mérite d’être vue. Un paysan eut le malheur de
s’y laisser entraîner par l’eau en présence de plusieurs personnes; le fil de l’eau le
conduisit à l’endroit qui avait le plus de profondeur; et comme il ne frappa sur aucun
rocher, il revint bientôt au-dessus de l’eau écumante. Il appela du secours pendant
longtemps, mais le grand bruit fit que personne ne put l’entendre; d’ailleurs on le croyait
mort, et les spectateurs s’empressèrent de fuir un lieu qui leur avait offert une scène si
déplorable. Ils allèrent porter cette fâcheuse nouvelle à Vidauban, pays du malheureux
noyé.

Cet infortuné ne s’étant fait aucun mal, attendit jusqu’au lendemain, pour voir si l’on
viendrait le secourir. Mais ne voyant arriver personne pour lui jeter des cordes afin de le
retirer de ce gouffre, pressé par le froid et par la faim, il se résigne à la mort. N’étant pas
bien aise de souffrir longtemps, il se précipite en plongeant au fond des eaux, et en se
dirigeant du côté où elles fuyaient; la force du courant le pousse avec une rapidité
surprenante, et va le jeter sur le sable à une petite distance en dessous de l’endroit où la
rivière reparaît. Un laboureur, en allant abreuver ses bœufs, l’aperçoit lui prodigue
ses soins, et le conduit à Vidauban au moment même où sa famille lui fesait rendre les
bonheurs funèbres.

C’est sur les rives de l’Argens, entre Vidaubal et les Arcs, et en face du Forum Voconii,
que les armées d’Antoine et de Lépidus furent quelque temps en présence. A quelques
centaines de pas du pont actuel se trouvait le pont des Romains. On en voit encore les
culées, dont une est au milieu de la rivière et à une assez grande profondeur.

Les alluvions de l’Argens ont formé la vaste plaine entre Roquebrune, le Puget et Fréjus,
qui, dans le principe, n’était qu’un golfe. Vers le milieu du siècle dernier, en creusant un
puits près d’une grande ferme sur la rive gauche de la rivière, et presque en face de
Roquebrune, le terrain s’éboula. Les effondreurs, d’abord effrayés, descendirent
jusqu’au fond, et trouvèrent une maisonnette avec plusieurs ustensiles de ménage fort
anciens.

Les différentes couches de terrain vues dans cet éboulement sont très-marquées; tantôt
on distingue le schiste micacé des hauteurs de la Garde-Freinet; tantôt on reconnaît le
calcaire graveleux ou argileux, ou ferrugineux des collines au nord; tantôt, enfin, on peut
se convaincre que les terres de grès de la région de l’Estérel ont aussi contribué à
combler ce vaste golfe pour en faire un des greniers du département du Var.

ARIS. Voyez SIGONCE.

ARLES. Quelques auteurs modernes ont fait remonter l’origine de cette ville à la plus
haute antiquité. Plusieurs ont voulu la rendre la capitale des Saliens, et ont assuré que
Protis, un des chefs de la première colonie phocéenne qui vint en Provence, alla en ce
lieu demander au roi Nanus ou Comanus la permission de fonder une ville sur la côte de
ses états. Cependant Pline dit que les Anatilii habitaient vers l’embouchure du Rhône; et,
à cette époque, la mer était très-rapprochée du lieu où se trouve Arles. Nul auteur ancien
n’a fait mention de l’existence de cette ville avant la fondation de Marseille. Nous
savons que la bourgade qui servait de chef-lieu aux Saliens était la capitale de tous les
peuples alliés aux Saliens. Une capitale où se tenaient les assemblées générales de la
nation devait occuper un point central, et non pas être tout-à-fait à l’extrémité, et séparée
des autres bourgades par des déserts, par des marais impénétrables, et surtout par une
grande rivière difficile à traverser, telle que celle de la Durance, qui, dans le principe, au
lieu d’aller se jeter dans le Rhône, passait d’abord d’Orgon à Lamanon, entrait dans la
Crau et se jetait dans la mer, près de Foz-les-Martigues; et ensuite d’Orgon passait par
Saint-Gabriel, les Baux, et resserrait le territoire d’Arles entre elle et le Rhône.

La ville d’Arles n’a pas existé avant César. Les Anatilii ont pu être alliés des Saliens;
mais il ne connaissaient pas l’art de construire des maisons, quoique leur chef-lieu
s’appelât Anatilia. Lorsque Scipion fut à la poursuite d’Annibal, ce général romain passa
au lieu où se trouve la ville d’Arles; et Polybe, historien de cette guerre, ne parle nulle
part qu’il y existât des traces d’une habitation. Marius même, lorsqu’il divisa les eaux du
Rhône dans le canal qu’il fit creuser à une très petite distance du lieu où Arles fut bâti,
n’aurait pas manqué de la connaître: il se serait fait un devoir de la préserver de l’attaque
des Barbares. Les Barbares eux-mêmes, qui passèrent le Rhône sur ce point, auraient
saccagé cette ville, si elle eût réellement existé.

César est le premier auteur qui fasse mention d’Arles, non comme une ville, mais
comme un lieu propre à la construction des galères. Il nomma ce lieu Arelate, qui
signifie large plaine. Il ne dit pas que les habitans furent employés à la construction de
douze galères destinées contre Marseille, mais qu’il envoya des ouvriers pris dans ses
légions, et qu’ensuite, après avoir jugé de l’importance du lieu, il envoya le questeur
Tibérius avec une colonie pour s’y établir. Voilà donc la véritable origine de la ville
d’Arles.

Une inscription nous apprend que le préfet du prétoire transporta son en cette ville,
quand les Barbares se furent emparés de Trèves. Il y résidait avec beaucoup d’autres
officiers qui occupaient les premières charges de l’empire en deçà des Alpes. De là vient
qu’on y tenait tous les ans l’assemblée générale des sept provinces qui étaient encore
sous la domination romaine. Ces prérogatives méritèrent à la ville d’Arles le titre
glorieux de Métropole des Gaules, que les empereurs Honorius et Valentinien lui
donnèrent.

Cette ville, par sa position, devint bientôt l’entrepôt des Marseillais et des peuples de
l’intérieur.

L’appas du gain y attira un grand nombre de familles romaines et gauloises. Les unes
bâtirent Tarascon et Avignon sur le bord du Rhône; les autres, Cavaillon sur le bord de la
Durance. Les revers qu’éprouva Marseille attirèrent tout le commerce à Arles, et cette
ville devint si peuplée, si riche, si florissante, que le grand Constantin l’affectionna
vivement, lui donna son nom: Nobile totius Gallitcœ imperium, l’orna d’un grand
nombre de beaux édifices et y établit sa résidence. Ce fut cet empereur qui défendit les
jeux de l’arène; il y substitua les courses d’hommes et de chevaux, la joute, les sauts,
décernant des prix à ceux qui s’y distinguaient. Il permit la fête des Mados; c’était une
suite des fêtes du paganisme, en l’honneur de la déesse Maïa. Le premier jour de mai,
une fille richement parée était placée sous un dais, ses amies demandaient poliment aux
passans quelque pièce de monnaie pour acheter une bague, un collier ou une écharpe à la
Maio. Cet usage subsiste encore dans quelques communes; mais on n’expose que des
filles jeunes, et cette fête n’est considérée que comme un jeu d’enfant.

Constantin eut pour successeurs ses trois enfans. L’empire des Gaules échut à Constantin
le jeune, et cet empire comprenait l’Angleterre, l’Espagne, les Alpes Cottiennes, et tout
ce qui se trouvait entre les Alpes et l’Océan. Ce jeune empereur eut à lutter contre un
usurpateur qui, ayant su s’attirer la confiance des troupes, se fit proclamer empereur des
Gaules, et s’empara d’abord de l’Angleterre. Ce tyran, encouragé par le nom de
Constantin qu’il portait, envahit une partie des Gaules et vint établir à Arles le de son
empire. Des forces furent bientôt dirigées contre lui. Il fut obligé d’aller se renfermer
dans Valence; mais, ayant été secouru par le chef de l’armée d’Angleterre, il repoussa
ses ennemis, et fut faire la conquête de l’Espagne. Honorius, empereur d’Occident,
craignant sans doute pour ses états, fit la paix avec l’intrus et l’associa à l’empire.
L’usurpateur revint à Arles pour se reposer de ses fatigues et jouir du fruit de son
usurpation. Mais un autre tyran, nommé Constance, vint le surprendre dans cette
capitale. Après quatre mois de, la ville se rendit. Constantin, pour se soustraire à la
fureur de ses ennemis, crut devoir recourir à une religion qui n’est pas celle des rois
illégitimes. Il se fit sacrer prêtre, et se présenta au général de Constance revêtu des
habits pontificaux. Mais il fut arrêté ainsi que son fils, envoyé à Honorius, et massacré
en route par des soldats qui, quoique au service d’un usurpateur, détestaient ceux qui se
livraient au crime de l’usurpation.

A cette époque, la ville d’Arles se trouvait divisée en deux parties; celle sur la rive
gauche du Rhône était la ville de Constantin. Cet empereur y fit bâtir le château de la
Troulle qui fut longtemps la demeure des souverains. Il fit reconstruire les murailles qui
tombaient de vétusté, et convoqua lui-même en cette ville le premier concile, où l’on
condamna les erreurs les Novatiens. La partie sur la rive droite du fleuve. s’appelait la
ville de Saint-Géniez, en mémoire du martyre de ce saint. Cette dernière subsiste encore
en petite partie, et c’est le faubourg de Trinquetaille qui, naguère, communiquait à la
ville par un pont de bateaux, et actuellement par un joli pont en fil de fer.

Le haut rang que cette ville occupait dans l’empire était soutenu par une grande
magnificence. Peu de villes pouvaient à cette époque, offrir de si beaux édifices et de si
grands monumens. Plusieurs empereurs se plurent à l’embellir. Parmi ces vastes édifices,
quelques-uns offrent encore de beaux restes; mais le plus grand nombre a disparu ou va
bientôt disparaître.

Après avoir été pendant six siècles sous la domination romaine, la ville d’Arles tomba,
en 480, au pouvoir des Wisigoths, conduits par Euric leur roi, qui régnait déjà sur toute
la Narbonnaise première, c’est-à-dire depuis le Rhône jusqu’à l’Océan, et qui avait
Toulouse pour capitale.
Les Francs, après avoir défait les Bourguignons, qui s’étaient établis dans la partie de la
Provence en-delà de la Durance, et qui s’étendaient jusqu’en Suisse, vinrent, sous la
conduite de Gondebaud, mettre le devant Arles. Ils cernèrent la ville et la réduisirent à la
famine Les assiégés se défendaient avec valeur, et tous les jours ils faisaient éprouver
des pertes plus ou moins considérables aux asans. Quelques traîtres, sous des vues de
récompense, résolurent de livrer la place à l’ennemi. Un ecclésiastique, frappé des
horreurs qui se commettraient dans la ville si elle venait à être prise d’assaut, et croyant
la chose inévitable, descendit par les remparts durant la nuit, et alla se rendre aux Francs.
Comme ce prêtre était parent de saint Césaire, il n’en fallut pas davantage aux ennemis
de la religion pour accuser ce saint évêque d’entretenir des intelligences avec l’ennemi.
C’en était fait de ce saint prélat, quand le hasard, ou plutôt une permission divine, fit
découvrir les véritables traîtres. Un Juif pendant la nuit lança à l’ennemi une pierre à
laquelle était attaché un billet qui promettait de lui livrer le poste occupé par les
Israëlites, sous la condition, que lui et les gens de sa secte conserveraient leur vie, leurs
biens, et qu’ils auraient part au pillage de la ville. Le bras qui lança cette pierre ne fut
pas assez vigoureux; elle fut trouvée par une patrouille, et portée à celui qui commandait
la place. Le Juif et ses complices furent à l’instant punis, et saint Césaire fut rétabli dans
son église avec tous les honneurs dus à sa dignité et à ses vertus.
Des troupes de renfort arrivèrent pour délivrer la ville. Les Francs furent poursuivis par
Théodoric, qui leur enleva tout le Languedoc et chassa les Bourguignons de la Provence.

Après cette conquête, Théodoric rentra dans Arles où il fut reçu avec les plus vives
démonstrations de joie et de reconnaissance. Il rétablit dans cette ville le de la préfecture
des Gaules. Les Provençaux regrettant le gouvernement romain, aimaient tout ce qui leur
en retraçait l’image. Aussi se soumirent-ils à leur nouveau préfet qui les gouverna avec
sagesse pendant tout le temps qu’il occupa cette place, c’est-à-dire depuis l’an 511
jusqu’en 529.

La ville d’Arles jouit de la plus grande tranquillité jusqu’en 566, époque de la mort de
Clotaire. Deux des fils de ce roi, Sigebert et Gontran, se disputèrent la possession de
cette ville, quoiqu’elle fût du domaine de Gontran. Sigebert l’ayant surprise sans
défense, s’en empara, et exigea le serment de fidélité des habitans. Mais bientôt il se
convainquit qu’un ambitieux ne peut guère compter sur un serment obtenu par la force
ou par la terreur. Gontran, indigné de la conduite de son frère, accourut avec une armée,
pour reprendre une place qu’on lui avait ravie si indignement. Les habitans engagèrent
les troupes de Sigebert à faire une sortie générale pour surprendre l’armée de Gontran
qui dormait dans ses tentes en pleine sécurité. Mais dès que les soldats de Sigebert furent
hors des murailles, les portes de la ville furent fermées; et, pris entre deux feux, ils
furent tous écrasés ou passés au fil de l’épée. Ceux qui échappèrent au carnage se
précipitèrent dans le Rhône, préférant la mort à une honteuse défaite.

Sous son véritable maître, la ville d’Arles jouit de ses prérogatives, et sa tranquillité ne
fut proprement troublée que dans le huitième siècle.

En 737, les Sarrasins, venus d’Espagne, s’emparèrent du Languedoc, et essayèrent de


pénétrer en Provence.

Ils en furent écartés par la vigoureuse résistance des habitans qui occupaient la rive
gauche du Rhône

Mais Mauronte, gouverneur d’Arles, profitant du temps où Charles-Martel faisait la


guerre en Saxe livra aux Barbares les villes d’Arles et d’Avignon et le reste de la
Provence. Ces hommes, avides de pillage, altérés de sang, ennemis jurés de la religion et
de ses ministres, mirent le feu aux églises, détruisirent les monastères, violèrent les
v i e rges, massacrèrent les moines et les prêtres, pillèrent les villes, maltraitèrent
cruellement les habitans, et laissèrent partout des marques de leur brutalité. A Arles, ils
détruisirent un grand nombre d’édifices publics et brûlèrent la ville de Saint-Géniez,
c’est-à-dire la moitié de la ville d’Arles qui se trouvait sur la rive droite du Rhône.

A cette nouvelle, Charles-Martel vint asr les Barbares, qui s’étaient réunis en grand
nombre dans Avignon, escalada les remparts, mit le feu à la ville, et passa au fil de
l’épée tous les Maures qu’il rencontra. Il parcourut ensuite toute la Provence, chassa
devant lui les Sarrasins ainsi que le traître Mauronte, et les força à aller se réfugier au
milieu des bois et des neiges des montagnes du Dauphiné et du Piémont. Mais ils en
sortirent bientôt pour venir exercer à nouveau dans la Provence leur rage et leur fureur
Charles-Martel revint aussi; et, de concert avec le roi des Lombards, il défit
complètement les Barbares dans le comté de Nice et sur le bord de la mer.

Cette terrible leçon fit que les Sarrasins respectèrent pendant quelque temps nos côtes.
En 850, ils débarquèrent à l’embouchure du Rhône, et le remontèrent jusque près
d’Arles, pillant et ravageant la campagne sur l’un et l’autre bord du fleuve. Mais voyant
les habitans de la contrée s’avancer en bon ordre pour les combattre, ils jugèrent prudent
de se rembarquer en toute hâte. A peine eurent-ils regagné leurs vaisseaux, que la
tempête les fit échouer sur la côte; et tout ce qui avait échappé à la fureur des flots fut
massacré par les gens du pays.

Dix-neuf ans après, les Barbares surprirent l’évêque d’Arles dans son château qui se
trouvait au bord de la mer dans l’île de la Camargue. Près de trois cents de ses gens
furent inhumainement écharpés; lui seul fut fait prisonnier et mis sur un vaisseau. Les
habitans d’Arles, qui affectionnaient tendrement leur digne pasteur, donnèrent aux
Sarrasins pour sa rançon cent cinquante livres pesant d’argent, cent cinquante casaques
et autant d’esclaves et d’épées. L’évêque fut remis à terre revêtu de ses habits
pontificaux; mais auparavant ils avaient eu la barbarie de lui arracher la vie.

Saint Trophime, archevêque d’Arles, fut le premier qui apporta les lumières de
l’évangile dans cette ville. Ses descendans les communiquèrent aux villes de Tarascon,
d’Avignon, d’Apt, de Vienne, etc., ce qui valut à la l’église d’Arles la suprématie sur
celles des autres villes de la Gaule. Cette gloire lui fut injustement disputée par celle de
Vienne, et cette contestation faillit occasionner une grande effusion de sang. Un grand
nombre de conciles se sont tenus en Provence, principalement dans la ville d’Arles, et
leurs décisions ont toujours obtenu l’approbation du souverain pontife.

La ville d’Arles a eu un grand nombre de rois dont l’histoire de Provence fait mention.
L’empereur d’Occident prétendait avoir la suzeraineté de ce royaume; mais ni lui, ni
ceux à qui il donna cette couronne ne sont parvenus à la posséder. Richard Cœur-de-
Lion, roi d’Angleterre, à qui l’empereur avait donné le titre de roi d’Arles, pour le
défrayer de la tyrannie qu’il avait exercée sur lui, voyant que ce titre n’était que
chimérique, ne remplit pas la moindre démarche pour se faire reconnaître par les
Provençaux.
Plusieurs évènemens funestes se sont plu à dépeupler cette ville et à troubler les
habitans. En 1384, la peste exerça de tels ravages à Arles, que le peuple, pour désarmer
la colère de Dieu, donnait tous ses biens aux œuvres et aux religieux. Comme les
possessions de ces derniers ne payaient aucune contribution à l’état, la reine Jeanne
ordonna aux moines de rendre ou du moins de vendre les biens qu’il avaient reçus à des
personnes soumises à payer les impôts.
L’ignorance de cette époque fit donner une origine estraordinaire à la contagion qui
désolait la ville d’Arles et ses environs. On prétendait que c’était un feu sorti de la terre
ou tombé du ciel, qui, s’étendant vers le couchant, consuma plus de cent lieues de pays,
dévorant hommes, animaux, arbres et pierres. Il en résulta, ajoute-t-on, une corruption
qui infecta la messe de l’air. On disait que ce feu tombait du ciel comme la neige,
brûlant les hommes, la terre et les montagnes. D’autres soutenaient que c’était une pluie
de vers et de serpens.

En juin 1365, l’empereur Charles IV vint se faire couronner roi à Arles alors sous la
domination de la reine Jeanne. Il y lit des actes de souveraineté. Ce fut dans ce voyage
qu’on lui donna dans l’église de Saint-Trophime le spectacle indécent de la fée des
Foux, sorte de saturnale dont nous avons parlé dans l’article ANTIBES. L’empereur en
fut si scandalisé, qu’il ne voulut point en permettre la continuation.

Trois ans après, Duguesclin, après s’être emparé de Tarascon, vint mettre le siège devant
Arles. Mais les habitans, entièrement dévoués à leur reine et à la patrie, lui opposèrent
une si vigoureuse résistance, qu’il fut forcé, dix-neuf jours après, de repasser le Rhône.

En 1384, les Tuchins, malfaiteurs de plusieurs pays, qui parcouraient la Provence pour
faire du butin, furent attirés par quelques-uns de leur horde dans la ville d’Arles, et firent
main basse sur plusieurs habitations. Ils y auraient sans doute laissé des traces plus
profondes de leur fureur et de leur avidité, si les habitans du bourg, ne fussent venus
tomber sur eux à la pointe du jour, et ne les eussent chassés de la ville. Les traîtres
appartenant à la noblesse eurent la tête tranchée, et les autres furent pendus ou noyés.

Le cruel Raymond de Turenne vint, en 1395, dévaster le territoire d’Arles. La plupart


des habitans prirent la fuite. La ville ne trouva d’autre moyen, pour arrêter le
brigandage, que celui de donner tous les mois à Raymond quinze saumées de froment et
six cent cinquante-trois livres en numéraire. La reine autorisa elle-même ce traité, qui
eut son plein et entier effet, jusqu’au jour où les eaux du Rhône jetèrent sur le rivage
près de la ville le cadavre de ce désolateur de la Provence.

La ville d’Arles fut réunie à la France en même temps que le reste de la Provence. Louis
XI la visita, et y fut reçu comme un père au milieu de ses enfans. Charles-Quint, après
s’être fait couronner roi d’Arles, aurait désiré venir dans cette ville pour y exercer
quelques actes de souveraineté. Mais les troupes qui le précédèrent, voyant les
Arlésiens, ainsi que les dames de marque, travailler avec ardeur pour mettre la ville en
état de défense, retournèrent auprès de leur maître, pour l’engager sans doute à renoncer
à son royaume illusoire. L’aspect imposant de la ville de Marseille acheva de le
convaincre; et, dans sa retraite précipitée, il perdit ses prétentions et ses titres sur la
Provence.

Dans ses premières années, la ville d’Arles a cultivé les sciences et les arts. Il y eut une
académie ou l’on enseignait les langues latine et grecque; aussi parlait-on dans cette
ville avec la même pureté qu’à Rome et à Athènes. Plusieurs inscriptions nous ont
transmis que les femmes même rivalisaient avec les hommes dans ces études.

Au commencement du dix-septième siècle, il s’y était établi une sorte de société


littéraire qui fut d’abord une image de la cour d’amour, mais qu’on érigea bientôt en une
académie dont l’émulation lui fit des envieux. Malheureusement on y admit de jeunes
gens; la fougue de leur jeunesse, leur inconstance et leur légèreté firent tomber cette
société, sans qu’on ait jamais pu la relever, malgré les efforts de plusieurs savans du
pays. Cependant la ville offre encore assez de personnes instruites pour qu’il soit
possible de faire renaître cet établissement, qui serait d’autant plus utile, qu’Arles
n’offre aujourd’hui presque aucun agrément aux habitans aisés. Ce serait d’ailleurs pour
ce pays, où, comme dans le reste de la Provence, le bas peuple est encore fort arriéré
sous le rapport de la civilisation, un foyer d’où jailliraient bientôt les lumières si
nécessaires aux progrès de l’agriculture et des arts.

L’église cathédrale d’Arles est d’une haute antiquité; le portail, bâti au treizième siècle
est le chef d’œuvre de l’architecture de ce temps; il représente la tentation de la première
femme, la naissance de J. C., le Jugement dernier et saint Michel pesant les âmes; on y
voit aussi des scènes de la vie agreste. L’intérieur de cette église est fort vaste et décoré
d’assez bons tableaux; la petite nef fait le tour même du sanctuaire.
Dans l’église Sainte-Anne, toute délabrée, se trouvent un grand nombre de sarcophages
dont quelques uns sont assez curieux, un autel dédié à la bonne déesse, des bas-reliefs
dont l’un représente les Heures, le fameux Mithras, le groupe de Médée prêt à égorger
ses enfans. On y trouve aussi un grand nombre de cippes, d’autels votifs, etc. Les
principales pièces ont été enlevées et transportées à Paris.

L’amphithéâtre qui, naguère, était, dans son intérieur, encombré d’une multitude de
petites maisons qui le cachaient, est aujourd’hui mis à découvert. On n’a plus besoin de
monter sur les toits de ces maisons pour mesurer de l’œil l’étendue d’un édifice qui a dû
être magnifique. Il parait qu’il était plus vaste et d’un meilleur goût que celui de Nîmes.
Mais malheureusement il a été victime de la rage et du génie destructif des peuples
barbares qui ont occupé longtemps la ville d’Arles. Le premier étage de cet amphithéâtre
était en pilastres d’ordre dorique, le second étage était en colonnes d’ordre corinthien; la
colonne de gauche de la porte du midi conserve encore son chapiteau pour en servir de
preuve; on voit les restes de plusieurs gradins. Il y avait quatre portes d’entrée, mais il
n’existe plus que celle du nord qui, quoique sans ornement, est très-belle et d’une forme
majestueuse; elle introduisait dans l’arène par un corridor d’une construction ingénieuse
et magnifique. Sous cette même porte est le passage d’un étage souterrain qui est la
partie la plus curieuse de tout l’amphithéâtre.
Le temps n’aurait rien pu pour détruire un pareil édifice.
Dans le huitième siècle, cet amphithéâtre fut changé en forteresse; on éleva des tours sur
les portes d’entrée, mais leur construction est bien différente de celle qui leur sert de
base.
Non loin de cet édifice, et du côté du midi, on trouve les restes du théâtre; deux colonnes
qui décoraient la scène existent encore dans la petite cour de l’ancienne maison de la
Miséricorde; elles sont de brèche d’Afrique avec basés, chapiteaux et entablement de
marbre blanc. Quoique ces colonnes aient été dégradées par quelques accidens inconnus,
et qu’on n’en ait pas tous les soins qu’elles méritent, elles font l’admiration des
connaisseurs.

Le cirque se trouvait sur le bord du Rhône. Il y avait un obélisque d’un granit de


l’Estérel qui fut transporté, en 1576, sur la place du Marché. C’est le seul monolithe de
granit qui peut-être ait été exécuté hors de l’Egypte; cet obélisque a en tout 62 pieds
d’élévation.

C’est quelquefois sur cette place qu’a lieu le combat contre les taureaux pris dans l’île
de la Camargue. On établit une enceinte circulaire en dehors de laquelle sont des gradins
pour les spectateurs; on lâche un taureau dans cette arène; des hommes armés de bâtons
l’excitent; le taureau court sur celui qui le provoque, et au moment où il baisse la tête
pour le dosser, l’homme saute lestement par le côté et lui assène un coup de bâton sur le
mufle; l’animal s’irrite, entre en fureur, mais c’est en vain qu’il consume ses forces;
d’autres le remplacent et ne sont pas plus heureux enclin, le plus sauvage et le plus fort,
qu’on a réservés, pour terminer le combat, est introduit avec une grande, cocarde de
ruban attachée à ses cornes; le prix est destiné à celui qui pourra enlever cette cocarde.
Après des essais longtemps infructueux, un vigoureux athlète se présente. Loin de fuir le
terrible animal, il court au-devant de lui, et, saisissant les cornes, il le renverse, sur le
dos, ce qui lui donne le temps d’enlever la cocarde. Il arrive quelquefois que le taureau,
poussé à bout, poursuit avec opiniâtreté l’homme qui l’attaque, et lui porte des coups
plus ou moins dangereux.

Les Romains avaient un forum près du lieu où est la place Saint-Julien, ou place des
hommes; on en a trouvé des traces dans les caves du quartier. On a cru reconnaître un
quadrangulaire vaste et profond, entouré d’une double galerie voûtée, dont une partie
soutenait une autre galerie garnie de colonnes et de balustres.

Un ancien aquéduc souterrain traversait le Rhône et portait à la ville de Saint-Géniez les


eaux qui lui étaient nécessaires. Cet aqueduc, quoique moins large et moins haut que la
belle route que les Anglais viennent de construire sous la Tamise, ne put subsister long-
temps. Il fut remplacé par des tuyaux de plomb qui touchaient au fond du fleuve; il y a
peu d’année on retira un de ces tuyaux parfaitement conservé.

Les alentours de la ville d’Arles seraient charmans dans un pays sain. Les bords du
Rhône offrent de grandes troupes d’éphémères sortant des eaux, et tombant presque en
même-temps sans vie; les libellulines, vulgairement appelées demoiselles, y sont
également trés-nombreuses pendant l’été. Il y en a d’une espèce qui ne vivent que deux
heures. Pendant ce court espace de temps, elles grandissent, s’accouplent, se
reproduisent et meurent. Les deux animaux les plus curieux, celon moi, qui se trouvent
aux environs d’Arles, sont le castor de France (lou ribré), qui vit dans les îlots des
embouchures du Rhône, avec à-peu-près les mêmes habitudes et la même intelligence du
castor du Canada, et une sorte d’araignée de couleur verte pointillée de jaune, à laquelle
on vient de donner le nom de miccromenata sorricoïdes, parce qu’elle produit un fil
épais qu’on peut mettre en peloton et employer à certains ouvrages de filature.

Les sauterelles et les criquets prennent naissance dans les pays chauds de la Provence, et
principalement à Arles; ils causent un dommage considérable à l’agriculture. En 1613,
dans le territoire d’Arles et de ses environs, plus de six mille hectares de champs à blé
furent dévastés en peu d’heures par ces insectes malfaisans. L’autorité ordonna une
chasse générale, et on recueillit trois cents quintaux de ces insectes et trois mille
quintaux de leurs œufs.

La population de la ville d’Arles, qui n’est aujourd’hui que d’environ 19,000 âmes,
annonce une ruine prochaine, à moins qu’on ne parvienne à dessécher les marais qui
l’avoisinent, ou qu’on n’y dirige une eau coulante propre à les assainir, ce qui ne serait
ni bien difficile, ni fort dispendieux, en déviant les eaux de la Durance prises à
Rognonac.

Le territoire d’Arles est un des greniers de la Provence; le blé y donne quelquefois le


quarante pour un. Tous les ans, des milliers de moissonneurs y arrivent de toutes parts et
même des pays montagneux pour s’aider à couper les blés. Il est rare qu’il n’en meure
pas un certain nombre, à cause de l’insalubrité du climat, et la plupart des autres se
retirent dans un état maladif qui les empêche de travailler de long-temps. Le pays
d’Arles recueille aussi beaucoup de fourrage; il pourrait en fournir pour tout le
département; il a aussi des vignes et toutes sortes d’arbres fruitiers, mais le fruit en
provenant n’est guère bon. De nombreux troupeaux sont nourris pendant l’hiver dans la
campagne d’Arles, et, pendant l’été, ils sont envoyés dans la haute Provence et dans le
haut Dauphiné.

Le costume actuel des femmes d’Arles et de ses environs a été beaucoup modifié; elles
ont quitté le drolet, mais elles portent un justaucorps très-court, d’une étoffe noire, sur
un jupon d’une couleur tranchante; leur coiffure est remarquable par un nœud de ruban
très-large; elles aiment les dentelles, et se parent de riches bijoux. Arles est, de tous les
pays de la Provence, celui où les femmes apportent le plus de soin, de propreté,
d’élégance dans leur costume; mais les hommes forment en cela un contraste qui
n’échappe pas à l’observation des étrangers. Heureusement on en est dédommagé par cet
accueil civil et affectueux qu’on rencontre rarement en Provence. Avec quel zèle ils
s’empressent de montrer à un étranger les curiosités du pays, lui donnent tous les
renseignemens possibles, lui offrent leurs services et leur amitié; ils ne ressemblent point
à ces flatteurs qui vous touchent la main et vous trahissent presque en même temps. Ce
sont des hommes francs, qui ont le cœur sur les lèvres, et qui ne sauraient feindre de
l’amitié pour quelqu’un qu’ils ne pourraient souffrir.
Arles est aujourd’hui un chef-lieu d’arrondissement du département des Bouches-du-
Rhône, et sous-préfecture; il y a aussi un tribunal de commerce, mais l’archevêché a été
supprimé. Cette ville se trouve à 189 lieues de Paris, et a trois foires dans l’année, le 17
janvier, le 14 février durant 8 jours, et le 3 mai durant un jour. Voyez les mots CRAU,
CORDES, CAMARGUE et MONTMAJOUR.

Les communes du ressort des deux justices de paix de cette ville sont, Arles, Fontvieille
et le Mas blanc.

ARTACELLA, OU ARCTACELLA. Voyez CELLE.

ARTIGNOSC, Artignoscum. Village du canton de Tavernes, à 9 lieues de Brignoles


(Var), sur la rive gauche du Verdon. L’air y est pur et vif. Les maladies et les guerres
civiles avaient entièrement dépeuplé cette commune. Il y a près de deux siècles, une
colonie génoise et quelques familles espagnoles vinrent s’y établir. Aussi le caractère
des habitans, au nombre, de 500, est bien différent de ceux des communes voisines. La
principale production du pays est le blé qu’on va vendre aux marchés d’Aups et de
Barjols.

ARTIGUES, Castrum de Araga, ensuite Artigos ou Artigies. Petit village du canton de


Rians, a 8 l de Brignoles (Var), au bas d’une colline sur laquelle on trouve les restes de
l’ancien village. Sa position nord fait que le soleil n’y parait que cinq ou six heures
pendant les petits jours; aussi l’hiver y est rigoureux, l’air pur et les maladies rares. Le
sol, du coté du village, est gras et fertile; au coté opposé, il est sec et stérile; cependant il
produit du vin potable et du blé qui est recherché pour la semence. Population 260 hab.

ARTUBIE, ou NARTUBIE. Rivière du département du Var. Elle prend sa source au


territoire de Mont-ferrat, passe à celui de Château-double, reçoit un torrent qui vient
d’Ampus, traverse la jolie plaine Draguignan ou elle prend le nom de Pis, pour reprendre
celui d’Artobie ou Nartubie au commencement du territoire de Trans où elle reçoit les
eaux, la Foux de Draguignan, et va se jeter dans l’Argens, en delà du village du Muy. On
ne doit pas confondre cette rivière avec Artuby.

ARTUBY Autre rivière qui prend sa source dans les montagnes près de Séranon, et va se
jeter dans Verdon, en dessus d’Aiguines.

ASSANES. Partie de la commune d’Ansouis.

ASSE. Rivière du departement des Basses-Alpes, formée par le torrent de Blioux qui
passe à Senez, et par le torrent de Clumane. Le nom d’Asse ne convient à cette rivière
que depuis le bas du bourg de Barrême, quoique certaines personnes le lui donnent
même à Senez. L’Asse est sujette à des debordemens; son lit est mobile et rempli de
creux et de cailloux, ce qui le rend un peu glissant. Il est dangereux de traverser cette
rivière quand elle est un peu forte. Le proverbe du pays dit: La rivière d’Asse ne la
connaît que qui la passe. Elle se jette dans la Durance près d’Oraison.

ASTOIN, Astonium ou Castrum d’Astoini. Village du canton de Turriers, à 9 lieues de


Sisteron. Le climat y est froid et sain; il naît dans le territoire plusieurs sources ou
torrens qui forment la rivière de la Sasse. Les habitans, au nombre de 153, ne se livrent
qu’à l’agriculture.

ASTROMELA, ASTRAMELA, ou MASTROMELA. Ville très-ancienne et jadis


considérable près de l’embouchure de la Duransole, au cap même d’Œil, au bord de
l’étang de Saint-Chamas. Elle fut bâtie au même lieu où se trouvait le mallus des
Saliens. Ce fut là où Protis, chef des Phocéens qui fondèrent Marseille, vint obtenir la
permission du roi du pays dont il épousa la fille Gyptis. Euric, roi des Wisigoths,
détruisit Astromela Les habitans prirent la fuite, et, au rétablissement de l’ordre, une
partie fut bâtir la ville d’Istres, et l’autre partie celle de Berre. On trouve encore
beaucoup de ruines de la ville d’Astromela, surtout en fouillant la terre. C’est la ville
d’Astromela qui donna le nom primitif à l’étang de Berre, Mare Astramelo, et, par
Gorruption, Mastramela.

ATHENOPOLIS, Ville de Minerve. Position romaine qui, selon les apparences, se


trouvait sur le bord de la mer, près de la caranque d’Antéa, entre la Napoulle et Agay
(Var), sur la voie aurélienne où l’on a découvert depuis peu un pierre milliaire. Certains
auteurs modernes ont placé Athenopolis même à Agay, sans songer que, du temps des
Romains, ce dernier lieu s’appelait Portus Agatonis; d’autres lui ont assigné Grimaud et
Sainte-Maxime, villages qui se trouvent dans l’ancien Sinus Sambracitanus.

Les Marseillais ont du fonder Athenopolis dont le nom est tout grec, ils l’établirent
vraisemblablement sur un point où il y avait de l’eau potable, et ce point est près de la
caranque d’Antéa; un temple dédié à la déesse de la sagesse peut seul avoir donné le
nom à cette position. Voyez [ESTÉREL]

AUBAGNE, Albania. Ville chef-lieu de canton à 4 lieues de Marseille, sur la route de


Toulon.

Aubagne est d’une origine presque inconnue. Quelques auteurs ont cru qu’une colonnie
arlésienne s’établit dans la plaine d’Aubagne au commencement de l’ère chrétienne;
mais deux raisons combattent assez fortement une pareille idée La première est que
César, considéré comme fondateur d’Arles, s’empara de la ville d’Aubagne et la joignit
au gouvernement d’Arles, et chacun sait que César existait avant l’ère chrétienne; la
seconde raison est, qu’au premier siècle de notre ère, la ville d’Arles n’était pas encore
assez populeuse pour envoyer une colonie bâtir sous les murs de Marseille, ville déjà
assez puissante, qui n’aurait point permis un établissement qui n’avait d’autre but que de
tenir ses habitans sous le joug des Romains.
Quelques historiens modernes ont voulu soutenir qu’un démembrement des Albici, et
même que tous les Albici qui habitaient aux environs de Riez, habitaient également le
plan d’Aups sur la montagne de la Sainte-Baume, et qu’il s’étendaient jusqu’à Aubagne
où ils rendirent des services à César; et que ce général, par reconnaissance, leur permit
de s’établir à Aubagne. Les Albici ne pouvaient être en même temps et près de Riez et
près de Marseille. Nous savons que quelques Albici qui occupaient la campagne
d’Abiosc, joints à quelques Variacens qui habitaient Valensoles, s’étaient fait distinguer
par leur valeur, lors du de Marseille. Quelques-uns de ces braves ont pu s’établir dans les
environs de cette ville, principalement Peynier où il en existe encore une preuve
physique; mais ils étaient en si petit nombre, qu’ils se trouvèrent confondus parmi les
habitans du pays. Rien n’atteste qu’ils aient formé un établissement particulier.

Le rapport du nom d’Albania avec celui d’Albici a vraisemblablement fait conjecturer


que les Albici avaient fondé Aubagne. Je préférerais une autre conjecture bien plus
probable. César ayant été bien servi par des Albains, soldats de la campagne de Rome,
leur distribua des terres aux environs de Marseille et leur permit d’augmenter une ville
qui existait déjà et à laquelle il donna le nom d’Albania. Il ne serait pas étonnant que cet
empereur eût soumis cette ville au gouvernement qu’il avait créé à Arles; la colonie
d’Albania, jointe aux différentes stations romaines des environs, pouvait avoir pour but
d’être un poste important contre Marseille, en cas qu’elle se brouillât avec Rome.

Depuis le commencement du treizième siècle jusque vers la fin du quinzième, la ville


d’Aubagne passa sous la domination de beaucoup de maîtres qui, par leurs
susceptibilités, leurs vexations et leurs disputes avec leurs voisins, principalement avec
les Marseillais, qui l’ont prise et saccagée plusieurs fois, ont été cause que, pendant près
de trois siècles, les habitans d’Aubagne ont été leurs victimes. Ayant constamment les
armes à la main, ils étaient devenus les meilleurs soldats de la province. Dans le temps
de la ligue, étant restés fidèles au parti du roi, ils furent, en 1589, assiégés dans leur
château par le comte de Carcès. Mais celui-ci, après avoir éprouvé la plus vigoureuse
résistance et perdu beaucoup de monde, se retira honteusement. Les habitans, se croyant
hors de danger, se livrèrent à leurs occupations domestiques; mais, peu de jours après, le
baron de Vins, gendre du comte de Carcés, surprit la place et maltraita cruellement ceux
qui n’avaient pas pris la fuite. Cela n’empéêcha pas que les gens d’Aubagne ne fussent
des premiers à proclamer Henri IV, et qu’ils ne contribuassent de toutes leurs forces et
de toute leur bravoure à faire rentrer les Marseillais sous l’autorité royale.

La ville d’Aubagne est bâtie sur un tertre argileux recouvert de poudingue. Du côté de
l’ouest, les maisons sont baignées par l’Huveanne; au centre de la ville passe un torrent
qui inonde les quartiers neufs quelquefois jusqu’au premier étage des maisons. Les
ruines de l’ancien château paraissent encore au haut de la ville vieille. Le pays possède
des tanneries, des papeteries, une vingtaine de fabriques de poterie, et une fabrique de
faïence très-ordinaire. Les montagnes présentent des indices de fer hydraté et des pyrites
martiales de couleur jaune à reflet métallique, on y trouve aussi des mines de houille non
encore exploitées.
Le territoire d’Aubagne est fort vaste et presque tout en plaine; il est très-bien cultivé, et
fournit de l’excellent vin en abondance, du blé, de l’huile, des câpres, des légumes, des
plantes potagères, du foin, des fruits des plus belles espèces et des meilleures qualités.
On porte le tout à Marseille où l’on en tire un parti fort avantageux. C’est ce qui est
cause de la grande aisance des habitans qui sont au nombre d’environ 6,000; aussi sont-
ils gais, actifs, spirituels, sociables et passablement heureux. Il y a quatre foires dans
l’année, savoir: le lundi avant la quinzaine de Paques, le jeudi avant la Fête-Dieu, le 21
septembre et le 8 décembre.

Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, Aubatgne, Cuges,
Gémenos et la Penne.

AUBAN (SAINT), autrefois MONT-ALBAN. Village chef-lieu de canton, à 15 lieues de


Grasse (Var). Le nom de ce lieu annonce assez qu’il est d’origine romaine. Le voisinage
de Brigantium fit qu’on distribua cette terre à quelque capitaine nommé Albanius, nom
qu’on francisa (Alban), et qu’on corrompit (Auban), ce qui fit adopter à ce village saint
Auban pour patron, à cause de la ressemblance de nom.

La Clue de Montauban est un passage qui, quoique fort scabreux, est très-curieux à voir.
C’est une montagne coupée en deux; elle est formée par de grandes couches de pierre
calcaire, la plupart inclinées à l’horizon. L’Estéron, rivière qui vient du côté de
Soleilhas, passe au milieu et coule avec plus ou moins de fracas, suivant la profondeur
de son lit et l’âpreté des rochers. Il est presque impossible à l’œil de l’homme de suivre
le cours de cette rivière au fond de ce précipice. Le chemin se trouve à mi-côte sur la
rive gauche, taillé dans le roc et couvert, dans une assez longue étendue, par le rocher
même, la vue du précipice et la hauteur des montagnes, dont les cimes semblent presque
se toucher, rendent ce passage ténébreux et effrayant. C’est la plus belle horreur qu’il y
ait en France; la Suisse même n’offre rien de si curieux à voir. Les neiges qui
s’amoncèlent en hiver dans cet espace resserré empêchent d’y pénétrer, et il y aurait du
danger à le tenter pendant cette saison rigoureuse; les glaces y ont quelquefois jusqu’à
quatre pieds d’épaisseur. Pendant la révolution, les soldats qui passaient par ce chemin
se plaisaient à faire tomber les pierres du parapet dans le précipice, pour jouir du bruit
a ffreux qu’elles faisaient dans leurs chutes, ce qui rendit ce passage encore plus
dangereux. Heureusement on vient de le réparer; mais on aurait dû élargir le chemin, en
creusant de nouveau dans le roc; par ce moyen, deux bêtes chargées pourraient se
rencontrer sans se heurter.

La partie de cette montagne qui se trouve sur la rive droite n’offre qu’une énorme paroi
d’un kilomètre de longueur sur environ quatre cent soixante mètres de hauteur, et qui
semble s’être séparée de l’autre partie. Vers la mi-hauteur du point le plus élevé se
trouve un trou de la forme d’une porte cochère, à l’entrée duquel on aperçoit de la
bâtisse. Jusqu’aujourd’hui personne n’a pu faire une conjecture vraisemblable sur le
moyen que des hommes ont pu employer pour parvenir à ce trou, ni pour deviner le but
qu’ils se proposaient en allant bâtir là. J’ai toujours pense que quelque seigneur du lieu
avait voulu établir un colombier dans cet enfoncement.

Sur le rocher où se trouve le chemin était anciennement un village appelé Saint-Estève.


On y découvre encore une face d’une grande et haute tour carrée garnie de meurtrières.
L’habitation était entre la tour et le précipice; elle était entourée de fortes murailles,
surtout du côté de la tour; cette hauteur offre quelques simples assez rares.

Dans-le territoire de Saint-Auban il y a une fontaine nommée fouan de Carestier. Elle


donne lieu à un préjugé assez drôle; cette merveilleuse fontaine ne coule qu’en temps de
disette et de mauvaise récolte, et annonce, dit-on, par son flux périodique, que les biens
se vendront fort cher; dans les années abondantes elle tarit. On ne sera pas étonné de ce
phénomène, lorsqu’on saura que, dans ce pays, les grandes pluies à la fin du printemps
et les orages sont les causes des mauvaises récoltes, et que ce ne sont que ces pluies qui
peuvent fournir à la fontaine de quoi couler tout l’été. L’eau de cette fontaine est plus
froide que la glace; il serait dangereux d’en boire et même d’y tremper ses mains sans
précaution.

Le climat de Saint-Auban est froid et sain; le sol varie à chaque instant; il y a des forêts
de hêtres dont la feuille est employée pour les paillasses, et le bois fournit à la seule
industrie du peuple en hiver, qui est la fabrication de cuillers à pots, de fuseaux,
d’égrugeoirs, de coquetiers, de grande jattes et d’échelettes, sorte de harnais pour les
bêtes de somme. Cette commune a formé un établissement qui devrait être adopté dans
tous les petits endroits; c’est un bureau de bienfaisance qui, à la fin avril, fournit aux
habitans du blé sans intérêts, et aux malades indigens du linge, des couvertures et de
l’argent jusqu’à cent cinquante francs. Pop. 650 hab.

Les communes du ressort de la justice de paix de ce lieu sont, Saint-Auban, Aiglun,


Amirat, Andon, Briançonnet, Caille, Colongue, Gars, le Mas, Sallagriffon, Séranon et le
Valderoure.

AUBÉNAS, Albenacium. Village du canton de Reillanne, à 3 lieues et demie de


Forcalquier. On y élève beaucoup de pourceaux. Le sol produit du blé, des légumes et
des fruits. On trouve au quartier du Plan un sillon de souffre assez pur. Pop. 170 hab.

AUBIGNAN, Aubignanum. Bourg du canton de Carpentras. Ce lieu est devenu célèbre


par le mémorable que ses habitans soutinrent pendant les guerres de religion, et par le
courage intrépide qu’ils déployèrent en repoussant les protestans. Il est généralement
reconnu que les habitans d’Aubignan ne sont bons que pour état militaire. Leur paresse
ne leur permet pas de se livrer à aucun travail, encore moins à celui de l’agriculture. Ils
sont fort heureux d’habiter un pays fertile qui, malgré leur insouciance, leur fournit de
l’huile, du blé et des légumes suffisamment pour vivre; cependant ils élèvent des vers à
soie qui leur donnent des cocons fort estimés. Aubignan aurait besoin d’une colonie
d’agriculteurs de Sault, et il changerait bientôt de face. Peut-être qu’alors l’exemple de
ces derniers ferait un meilleur effet sur les Aubignanais que toutes les remontrances qui
leur ont été faites et qu’on leur fait journellement. Pop. 1,730 hab.

AUBIGNOSC, Albinioscum. Il conviendrait mieux qu’on l’appelât Le Binosc, car c’est


là le vrai nom de ce village qui fait partie du canton et de l’arrondissement de Sisteron
dont il est à une lieue et demie, sur la rive droite de la Durance, avec un hameau nommé
La Forêt. Le climat y est beau et froid en hiver, à cause des vents qui y soufflent souvent
fréquemment; l’air y est très-pur, entre sol passablement bon. Un canal de dérivation des
eaux du Jabron contribue à le rendre productif; ses principales denrées sont, le blé,
l’avoine, l’épeautre, l’orge et les légumes. Pop. 342 hab.

AUDIBERGUE. Montagne au nord d’Escragnolles, arrondissement de Grasse (Var). On


y trouve des fossiles et même des bélemnites de plusieurs dimensions. Ce fut sur cette
montagne que tomba la fameuse aérolithe qui, naguère, se trouvait à Caille et qu’on
vient de transporter à Paris.

Le peuple des environs croit que cette montagne renferme une mine de fer très-pur. Il
serait à désirer que la chose fût vraie, pour que les pauvres gens puissent avoir en hiver
une occupation industrielle, telle que la fabrication des clous pour souliers, dont on fait
une grande consommation dans la haute Provence. Mais je crois que le peuple se
trompe, car je n’y ai rencontré aucun indice qui m’assurât la présence de ce métal.

AUGES. Petit village à 2 lieues de Forcalquier son chef-lieu d’arrondissement et de


canton. Ses productions sont les mêmes que celles des pays environnans. On y élève
beaucoup de pourceaux. Pop. 69 hab.

ALLUN. Voyez ALAUNIUM.

AUPS, ou AULPS, anciennement ALPL, Castrum de Alpibus ou de Alpes, Vi l l a


Alpium, Oppidum de Alpibus. Petite ville chef-lieu de canton, à 6 lieues et demie de
Draguignan, non loin de la voie romaine qui conduisait de Fréjus à Riez. Aups fut visité
par plusieurs Romains illustres et notamment par Jules César. Ce fut là qu’on montra à
ce grand conquérant le premier magistrat du lieu, couvert de bure et s’occupant à
labourer la terre, et qu’à cette vue, César répondit qu’il préférerait être le premier
citoyen à Aups que le second à Rome.

Dans le territoire d’Aups se trouvent les ruines d’une bâtisse antique qui porte le nom
d’infirmiero, preuve que, du temps des Romains, il y avait dans ce quartier un hospice
militaire, puisqu’il s’y trouvait une infirmerie. En fouillant dans les terres, on trouve
quelquefois des tombeaux ou sarcophages portant inscription et renfermant des
ossemens ou des armes romaines, ainsi que le petit mobilier dont on les garnissait.

Au-dessus de la ville actuelle, et au pied de la montagne, sont les ruines de l’ancienne


ville qui tira son nom de sa situation au pied de la chaîne des Alpes. En 1574, les
habitans d’Aups furent massacrés par les religionnaires; cela ne les empêcha pas d’être
constamment attachés au parti catholique, et d’être des premiers à reconnaître la
légitimité de Henri IV. Pendant le temps des guerres civiles, les habitans de la nouvelle
ville se mirent en état de repousser toute attaque en se fortifiant dans les ruines de
l’ancienne.

La ville actuelle se trouve dans la plaine; ses rues sont fort étroites et très-sales, à cause
de la quantité de fontaines et des ruisseaux qui s’y trouvent; les façades des maisons,
presque toutes d’un goût ancien; elles sont noires, à cause de l’humidité de l’atmosphère
qui procure des brouillards. On y trouve cependant une belle rue et une assez jolie place
devant la paroisse, où l’on a construit depuis peu une fontaine en marbre veiné rouge
trouvé dans le pays. Il y a dans la campagne une mine de fer en grain et des bancs de
sable quartzeux.

Au commencement de ce siècle, une bande de brigands qui infestait le département, fut


attirée par le préfet du Var dans une maison de campagne à vingt minutes de la ville, sur
la route de Quinson. Pendant la nuit, elle fut cernée par la gendarmerie et quelques
soldats; un des brigands, d’accord avec l’autorité, mit feu à une mèche qui tenait une
barrique de poudre placée exprès, et toute la bande fut en un instant ensevelie sous les
décombres.

On trouve à Aups des tanneries et des fabriques de poterie commune. Le climat est
tempéré, l’air sain et vif; le sol produit beaucoup de blé très-estimé, de l’huile d’olive et
du foin excellent. Le grand nombre de petites sources qui se trouvent dans la campagne
arrosent les prairies.

Naguère, un torrent qui passe au couchant de la ville, déborda un jour de foire, entra
dans la ville, et emporta des troupeaux de brebis ainsi que des hommes qui voulaient
tenter de les préserver.

Les jours de foire à Aups sont, le 2 février, le 25 mars, le 12 mai, le 15 août, le 8


septembre, le lundi après le 9 octobre, le 8 et le 21 décembre. Pop. 3,500 hab.

Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, Aups, Aiguines,
Baudinard, Bauduen, les Salles et Vérignon.

AUREILLE, ou OREILLE, Aurelia. Petit village du canton d’Eyguières, à 6 lieues


d’Arles, bâti depuis environ deux siècles, au pied des collines nommées les Houpies. Il
fut construit sur les ruines d’un autre village dont on ignore le nom. Les vents et les eaux
rendent le pays fort sain; le sol est aride et ne produit guère que de l’huile. On y nourrit
de nombreux troupeaux, et on y élève beaucoup de vers à soie. Il y a aussi quelques
cardeurs à laine. Le canal de Craponne et l’ancienne voie aurélienne traversent le
territoire. On y trouve de temps à autre des vases antiques, des urnes cinéraires en terre
cuite, et des tombeaux de brique, signes du séjour des Romains. Je pense avec
fondement que c’est en ce lieu que se trouvait la position romaine appelée Teritias.
Popul. 700 hab.

AUREL, Aurelum. Village du canton de Sault, à 9 lieues de Carpentras. Le climat y est


froid; les neiges couvrent quelquefois la campagne pendant tout l’hiver. Les habitans
profitent de cette saison rigoureuse pour fabriquer des étoffes de laine. Le sol est ingrat
et ne produit que du blé et du foin. La tour du village est un monument fort ancien; il n’y
a autrement de curieux que deux gouffres profonds. Pop. 800 hab.

A U R E N T. Petit village du canton d’Annot, arrondissement de Castellane, d’une


population de 55 habitans. C’est dans le territoire d’Aurent que naît la Coulome qui
arrose quelques terres.

AURIA. Voyez AERIA.

AURIAC. Petit village de 55 habitans, à 5 lieues de Brignoles. Voyez SAINT-ESTÈVE.

AURIBEAU, ou plutôt AURIBEL, Auribellum ou Horreum belli. Village à 2 lieues de


Grasse son chef-lieu de canton. Les auteurs modernes ne sont pas d’accord sur la
position de l’Ad horrea des Romains. Les uns placent cette position à la Napoulle,
d’autres à Cannes et d’autres à Grasse. Les uns et les autres ont été induits en erreur, car
l’Ad horrea répond parfaitement à Horreum belli qui est Auribeau, village sur la rive
gauche de la Siagne. César y établit des greniers pour le service des troupes qui allaient
dans l’intérieur. On voit encore une porte ouvrage des Romains. Il était difficile a un
chariot d’y passer, car elle était fort étroite. Le bon état dans lequel-elle se trouve la fait
admirer de tous les connaisseurs qui visitent ce lieu.

En 1707, le duc de Savoie ne pouvant suivre la route à cause du fort de l’ile Sainte-
Marguerite, passa par Auribeau, et voulut se rendre maître de ce village pour le saccager.
Mais les habitans lui opposèrent une vigoureuse résistance, et bravèrent ses menaces par
des saillies aussi spirituelles que risibles. Il tenta plusieurs fois l’attaque, et fut
constamment repoussé avec des pertes considérables, ce qui le détermina à aller passer
la Siagne plus haut et à s’enfoncer dans les montagnes du Taneron.

L’exposition d’Auribeau est magnifique. Le village est bâti en amphithéâtre, au haut de


l’angle d’une élévation, et visant au midi. D’un côté on voit le ruisseau de Vaucluse
bordé de vignes, de prairies et de closeaux presque tous garnis de plantes potagères ou
légumineuses; de l’autre c’est la Siagne dans un fond, ombragée sur différens points par
de beaux peupliers. La rive opposée au village est une des montagnes nues du Taneron,
qui contraste singulièrement avec la partie du territoire d’Auribeau qui n’est qu’une forêt
de beaux oliviers. Au midi est la vallée par où la Siagne, devenue flottable, passe pour
aller se rendre dans la plaine de Laval. La mer se montre au fond de cette vallée; et, sans
lunettes d’approche, on distingue les bâtimens de l’état et du commerce qui vont de
Marseille en Italie.
Une vraie romaine qui, du pays des Oxibiens conduisait dans celui des Ligauniens,
suivait la Siagne et passait sous Auribeau qui défendait ce défilé.

Le village est sous un climat chaud en été et tempéré en hiver; il ne possède point d’eau
jaillissante, et on est obligé d’avoir recours à l’eau de puits ou à celle de la rivière. La
principale denrée du pays est l’huile d’olive qui vaut celle de Grasse; il est malheureux
que les oliviers y soient en grande partie infestés du gallinsecte qui semble s’être
acclimaté dans le pays. Pop. 600 hab.

AURIBEAU, ou AURIBEL, Auribellum.Village adossé à la montagne du Luberon, et à


2 lieues d’Apt son chef-lieu de canton. Climat tempéré. On y a découvert des monumens
antiques de toute espèce, et tout prouve que les Romains avaient établi en ce lieu un
camp d’observation. Sans avoir besoin de lunettes d’approche, I’œil distingue facilement
les vaisseaux à la voile à la distance de douze lieues. On y cultive des mûriers et des
arbres fruitiers; le commerce du pays consiste en plantes potagères que les habitans
d’Auribeau portent journellement à Apt. Pop. 135 hab.

AURIBEAU, ou AURIBEL, Aribellum. Petit village à 6 lieues de Digne son chef-lieu


d’arrondissement et de canton. Le sol de ce pays est sec et aride; le climat y est vif et
froid en hiver, et, pendant l’été, les chaleurs y sont plus fortes que sur le littoral.
Productions, seigle et pommes en quantité. Pop. 147 hab.

AURIOL, Auriolum, Castrum de Auriolis. Bourg du canton de Roquevaire, sur


l’Huveaune, à 7 lieues de Marseille. Quoique ce bourg n’existât pas du temps des
Romains, la campagne avait été partagée par Jules César à plusieurs familles romaines
qui se plurent à l’habiter; elles l’embellirent d’un grand nombre de maisons de
campagne, et de monumens la plupart assez curieux, et dont la variété faisait l’agrément
de toute la vallée de l’Huveaune. Aussi, à différentes époques, on y a découvert des
restes de temples, des tours, des piscines et autres bassins d’agrément. En creusant les
terres, on a trouvé des tombeaux assez riches, des inscriptions et beaucoup de médailles
de plusieurs règnes.

Mais, dans le huitième siècle, lorsque les Sarrasins infestèrent nos côtes et firent
quelques incursions dans le pays les habitans de la campagne d’ Auriol quittèrent leur
villœ pour aller se fortifier sur une colline. Le bourg qu’ils établirent prit le nom de
Paudiolum; il est encore connu sous celui de Pajol; mais on n’y voit que les restes d’une
grande tour carrée, d’une ligne fortifiée de quelques cassines, et d’un ancien temple
dédié aux Naïades.
Dans le douzième siècle, une grande partie des habitans, ne pouvant se loger dans le
bourg, se décidèrent à venir bâtir de nouvelles demeures près du château d’Auriol qui fut
d’abord appelé Turres aquœ, après Turris quatuor, à cause de ses quatre tours, et ensuite
Castellum massiliense, et ce fut en 1383, époque où les Marseillais s’en emparèrent pour
punir les habitans de s’être déclarés pour Charles de Duras; ce château fut également
pris et dévasté par le Duc d’Épernon, pendant les guerres de religion.
On croit avec fondement que Caïus Marius fit construire la grande tour d’Auriol, dans la
crainte que qu’il ne prît fantaisie aux barbares qu’il voulait combattre, de passer par
Marseille, et ensuite par cette vallée; le nom de cette tour semble assez l’annoncer:
Turris maga ou Turris Mariana, en français Tour mane. Au devant de cette tour se trouve
une place sur laquelle on foule le blé, et qu’on appelle Aire de Marius. Immédiatement
après les guerres de la ligue, I’habitation fut transportée sur la ribe droite de la rivière.

La plaine d’Auriol, quoique fort étroite, est presque toute arrosable; les plants d’oignons
sont estimés dans la contrée; les fruits rouges y sont d’une qualité supérieure et sont
recherchés à Marseille; les vignes sont toutes sur des coteaux; aussi le vin en est-il assez
estimé; ses passes entrent en concurrence avec celles de Roquevaire.

Les hauteurs d’Auriol étaient autrefois couvertes de mélèzes; ils ont fait place aux
chênes verts et aux chênes blancs infiniment plus convenables à un climat tempéré
Quelques oliviers embellissent les coteaux, mais ils ne donnent pas un grand produit.

On trouve dans le territoire des carrières d’une craie très-blanche et fort pure, du gypse
blanc et gris, des argiles pour la poterie et les briques hexagones, des mines abondantes
de houille et de fer hydraté, et des coquilles fossiles en grande quantité.

Le bourg offre des fabriques de poterie et de briques dites tomettes d’une excellente
qualité, des distilleries d’eau-de-vie et des moulins à papiers. La population est de 4,300
habitans; les jours de foire sont, les 17 septembre, 29 octobre et 5 décembre.

AURONS. Village du canton de Salon, à 7 lieues d’Aix. Son nom lui vient d’Aurosus,
parce qu’il se trouve à une exposition battue par tous les vents. Le climat est sain et
tempéré; le sol est fertile, surtout dans les vallées, où l’on récolte beaucoup d’olives et
du bon blé, Le village ne date que du neuvième siècle; il fut souvent troublé pendant les
guerres civiles. Pop. 230 hab.

La petite montagne de Caronte se trouve dans le territoire d’Aurons. A son sommet on


voit les débris d’un fort et les restes d’une ville que le peuple nomme villo-routo; on
présume que c’était l’Alesia des Romains, que des historiens ont place en Bourgogne.

AUTON, ou Authon, Autho. Petit village du canton de la Motte, à 5 lieues de Sisteron.


Son climat est très-froid en hiver; il y tombe une grande quantité de neige qui ne fond
qu’au printemps. Le Vauson et l’Authéon, ruisseaux qui ne tarissent jamais, arrosent les
terres et les rendent assez productives. Pop. 340 h.

AUVAYE, ou AVAYE. Position auprès de la source de la Siagne, où les Romains avaient


établi un poste pour la garde des eaux, qui de cette source passaient dans un superbe
aquéduc qui les conduisait jusqu’à Fréjus.
Autour de cette forteresse romaine dont on voit encore des vestiges, plusieurs familles
de Calian bâtirent des maisons pour se mettre sous la protection de ce poste. Ce village
s’accrut lors de l’irruption des barbares; mais, lors des guerres de religion, ne se trouvant
plus en sûreté, tous les habitans déguerpirent pour aller augmenter le bourg de Fayence
et les lieux circonvoisins. Auvaye n’offre plus que des ruines, et notamment celles de la
forteresse. J’y ai reconnu les deux piliers à une porte, du côté d’un précipice.

AUZET, Castrum Auzeti. Village du canton de Seyne, à 10 lieues de Digne. Climat


venteux et très-froid en hiver. Le chaume qui couvre les maisons est souvent enlevé par
le vent. Les habitans, au nombre de 303, sont tous agriculteurs; ils vivent de leur travail,
mais ils ne s’enrichissent pas. Ils recueillent des grains et des légumes; ils ont beaucoup
de pins et de hêtres; du fruit de ces derniers ils retirent une huile qui sert à éclairer, et qui
devient mangeable en vieillissant. Pendant l’hiver, les habitans travaillent à des étoffes
de laine dans des étables. Il y a dans le territoire une source périodique qui coule
pendant dix mois et cesse pendant deux; mais ses eaux ne sont pas potables. Les
hauteurs voisines offrent des simples en abondance.

AVANTICI. Peuplade celto-lygienne qui était voisine des Bodiontici, à en juger par ce
passage de Pline: Avanticos atque Bodionticos quorum oppidum Dinia. On ne peut guère
assigner aux Avantici que le pays qui se trouve entre la Durance et l’arrondissement de
Digne; mais il serait difficile et même impossible de désigner sur quel point se trouvait
leur chef-lieu. Si les premiers Romains qui envahirent la Celto-Lygie pénétrèrent dans
cette contrée, nous sommes autorisés à croire que nulle famille un peu importante ne s’y
établît, car elle nous aurait laissé quelques traces de la magnificence de cette époque, et
nous aurait transmis quelques détails sur un peuple considérable qui figura dans l’armée
gauloise qui alla porter ses ravages en Italie.

AVATICI. Autre peuplade celto-lygienne qui paraît être une division des Saliens. Elle en
était très-voisine, car elle occupait les bords de l’étang de Berre, depuis le pays des
Saliens jusqu’au Cœnus qui est l’étang de Caronte d’aujourd’hui. La ville capitale de ce
peuple était, sous les Romains, MARITIMA. Voyez ce mot.

AVERNE, ou LAVERNE, ou LA VERNE. Grande de forêt dans le territoire de la Molle,


département du Va r, près du littoral, entre le golfe de Grimaud et Hyères. Les
Camatulici, peuplade celto-lygienne, habitaient cette contrée. Les premiers Marseillais
vinrent leur donner les premiers principes de civilisation et les instruisirent dans leur
religion. Un temple, dédié à Diane, fut élevé sur les ruines de celui de Dis, et on
consacra à la déesse des forêts tous les bois des environs, où se trouvaient alors
beaucoup de cerfs et de sangliers. Plusieurs volcans dont on voit encore des traces, et
l’invasion des Sarrasins détruisirent le temple, incendièrent les forêts et rendirent le pays
presque entièrement désert.

Dans le douzième siècle, un certain nombre de religieux de l’ordre de Saint-Bruno,


vinrent s’établir dans cette solitude où ils vécurent long-temps en paix et dans une
félicité peu connue des hommes avides qui troublent fréquemment la société. Mais, à la
fin du dixhuitième siècle, c’est-à-dire au commencement de la révolution française, ces
pieux solitaires, menacés de la mort la plus cruelle, se sauvèrent en Italie, où ils errèrent
pendant plusieurs années, et moururent dans leur émigration.

La chartreuse de l’Averne se trouve sur le penchant d’une colline. Elle fut bâtie avec de
la pierre ollaire grise, dure, mêlée de filets d’asbeste tachetée de noir, et qui a
l’apparence du plâtre gris. Une partie de ce vaste bâtiment a été détruite; une autre,
destinée aux supérieurs et aux voyageurs, existe encore Ce lieu si long-temps habité par
des hommes pieux et hospitaliers, cette maison de prière et de charité, n’a maintenant
pour habitans que des valets de ferme et des gardiens de chèvres. Au lieu du son d’une
cloche qui rappelait autrefois les heures de la prière, du travail et du repos, on n’entend
plus que le bêlement des grands troupeaux de chèvres blanches qui se nourrissent là où
les brebis mourraient de faim.

Les forêts de l’Averne sont sur un sol qui n’offre que montagnes, vallées et précipices.
Elle sont garnies de pins maritimes, de chênes-liége et de châtaigniers. Le bois à brûler
du premier, l’écorce du second et le fruit du dernier sont embarqués pour Marseille. Le
sol est composé de schiste, de quartz micacé d’une grande beauté, de gneiss arrondi en
galet, de granit strié, de schorl, de l’asbesté incombustible, et de quelques fragmens de la
tourmaline magnétique. On y trouve aussi de la cyanite prismatique, de la cyanite
lamellaire, delacyanite à lames divergentes, du spath pesant et des blocs de serpentine cà
et là que les chartreux; avaient extraits d’une carrière voisine; mais point de source d’eau
pour alimenter une fontaine ni pour arroser un jardin; à peine trouve-t-on quelques petits
surgeons d’eau qu’on ne peut réunir. Les hirondelles ne nichent jamais dans cette
contrée, faute de terre compacte pour faire leurs nids.

Une partie des forêts de l’Averné, mise en culture, suffirait aux besoins d’une population
de six mille âmes au moins qui pourraient avoir leurs habitations près du port de
Cavalaire, où il n’y a qu’une forte tour et un poste de douaniers; la campagne donnerait
des primeurs comme celle d’Hyères; l’oranger y serait moins exposé aux rigueurs des
saisons; la vigne produirait considérablement du vin préférable à ceux des environs, qui
jouissent d’une bonne réputation, et la côte maritime du département du Var n’offrirait
pas une si longue lacune sans habitation.

AVIGNON Avenio, et, plus souvent, Avenio Cavarum. Ville chef-lieu du département de
Vaucluse, sur la rive gauche du Rhône, à une demi-lieue du confluent de la Durance et
dans une plaine fort vaste, à xxx lieues de Paris.

Le nom d’Avenio est celtique, et signifie rivière, ce qui est une preuve de l’ancienneté
d’Avignon. Tous les historiens modernes s’accordent à dire qu’elle était la capitale de la
nation celto-lygienne appelée Cavares. Cependant le territoire d’Avignon ne montre
aucune preuve qu’on ait pu y établir le chef-lieu d’une grande nation d’alors. Je crois
qu’Avignon était une ville des Cavares, mais que la capitale était Carpentras. Les
premiers Marseillais vinrent établir à Avignon des comptoirs pour leur commerce
intérieur. Cc fut là que d’autres Marseillais se décidèrent à monter le fleuve pour aller
donner naissance au commerce dans le Lyonnais. De Lyon ils montèrent la Saône et
allèrent jusqu’à l’Océan propager les lumières et le luxe de l’Orient. Ce furent donc les
Marseillais qui, les premiers, pénétrèrent dans toute la France actuelle pour y faire
connaître les avantages de la civilisation, du commerce et de l’industrie.

César ne manqua pas de s’emparer d’Avignon et d’y établir une garnison. Les
descendans de cet empereur se plurent à embellir cette ville. On y trouve encore des
traces de la magnificence romaine, tels que des arceaux qui formaient les anciennes
murailles, une colonne d’ordre corinthien, des pavés en mosaïque que l’on rencontre
quelquefois en creusant les terres, etc. Il y avait aussi un temple dédié à Jupiter, derrière
la petite montagne de Notre-Dame-des-Dons. Dans le siècle dernier, on trouva près de là
une tête de Jupiter, une de Janus Bifrons et une de Julia Mammea, mère de l’empereur
Alexandre Sévère.

Dans la décadence de l’empire romain, la ville d’Avignon éprouva diff é r e n t e s


révolutions, soutint plusieurs s, fut possédée par plusieurs maîtres, et changea souvent de
forme de gouvernement. Les Sarrasins s’y réfugièrent en 737; Charles-Martel les en
chassa et brûla une partie de la ville. En 1226, Avignon fut assiégé et pris par Louis VIII;
mais les Avignonnais ne tardèrent pas à secouer le joug. Ils érigèrent leur ville en
république qui fut d’abord gouvernée par des consuls; ensuite l’autorité fut confiée à un
seul gouverneur, sous le titre de Podestat. Mais cette souveraineté ne dura que vingt-six
ans. Tous les hommes qui occupaient un certain rang dans la ville avaient leur parti, et se
fesaient la guerre pour obtenir le pouvoir suprême.

Raymond Béranger, comte de Toulouse, et possesseur d’une grande partie de la


Provence et du Comtat Venaissin, ayant refusé de livrer ceux d’entre ses sujets qu’on lui
désignait comme hérétiques, fut excommunié, et ses terres devaient être mises en
interdit, si, avant la fête de la Toussaint, il n’avait pas satisfait pleinement sur un certain
nombre d’articles qu’on exigeait de lui. Le danger était pressant. Pour le prévenir,
Raymond partit pour Rome, reçut un accueil favorable du souverain pontife et une
pleine satisfaction. Mais, arrivé à Avignon, le légat, qui lui en voulait sans doute, fit
naître de nouvelles difficultés, et soumit le comte à des conditions que son honneur ne
lui permit pas d’accepter; car elles étaient toutes préjudiciables à ses sujets et
humiliantes pour sa personne. Il refusa.... Les légats alors déclarèrent le comte
excommunié, ennemi de l’église, apostat. Ses domaines en Provence furent livrés au
premier occupant. Les suites de cette affaire remplirent le Languedoc de ravages, Rome
d’intrigues, et tous les princes éclairés d’indignation.

Innocent III, trompé par de fausses relations, approuva d’abord la conduite des légats;
mais ensuite, mieux informé par des plaintes qu’on lui porta, il indiqua un concile à
Rome au mois de novembre 1215. Le comte y accourut, accompagné de son fils
Raymond et de son gendre, le premier pour réclamer ses propriétés, les derniers pour
faire valoir leurs prétentions incontestables, dans le cas que le comte en fût déchu.
Simon de Montfort, qui avait usurpé les domaines du comte de Toulouse, s’y rendit
aussi; de sorte qu’on voyait, d’un côté les princes légitimes injustement persécutés et
dépossédés, et de l’autre un usurpateur dont l’ambition était démasquée, et qui, sous un
voile de piété facile à percer, cherchait à s approprier le bien d’autrui. La cause de ce
dernier prévalut, et l’histoire jusqu’alors ne fournit pas d’exemple d’une injustice
pareille dans une assemblée aussi solennelle, qui d’ailleurs était tout-à-fait incompétente
pour un pareil différent.

Cependant le pape, fâché de cette décision, témoigna beaucoup de tendresse au jeune


Raymond qui n’avait rien fait pour s’attirer la haine des légats. Il lui remit la concession
de Beaucaire, du Venaissin et du marquisat de Provence, et l’autorisa de vive paix à
reconquérir les biens dont on avait dépouillé son père, principalement ceux qui étaient
entre les mains du comte de Montfort.

A son arrivée dans Avignon, l’an 1216, le jeune comte reçut l’accueil le plus favorable;
la ville et les habitans se donnèrent à lui, et lui offrirent mille cavaliers bien armés pour
l’aider à faire la conquête de ses états. Tout le Venaissin et même Marseille mirent le
même empressement pour le seconder.

La guerre se porta d’abord dans le Languedoc, et y fut très-meurtrière. L’année d’après,


elle s’alluma dans le comtat Venaissin. Les Marseillais, joints aux habitans d’Avignon,
de Saint-Gilles, de Beaucaire et de Tarascon, poursuivirent avec une sorte
d’acharnement le cardinal Bertrand, légat du Saint-Siège, qui ne rougissait pas de jouer
le premier rôle dans une guerre où toutes les lois étaient violées. Les Avignonais,
poussés par un excès de zèle et de dévouement à leur prince, se saisirent de Guillaume
de Baux, prince d’Orange, l’écorchèrent vif, et le coupèrent en morceaux, barbarie qui
ne se renouvelle plus que chez les sauvages inhospitaliers. Plusieurs seigneurs
s’armèrent alors contre Raymond; mais ils firent la guerre sur les rives de la Garonne, et
délivrèrent la Provence de bien des horreurs.

En 1226, le roi de France, Louis VIII, voulant s’emparer des états du comte de Toulouse,
pour lesquels il n’avait d’autres titres que les mesures des légats, faisait défiler ses
troupes sur la rive droite du Rhône où la terreur lui soumit plusieurs villes.

Les Avignonais ne se doutant pas du danger qui les menaçait, lui envoyèrent une
députation pour renouveler la promesse qu’ils avaient déjà faite, de donner passage à
l’armée française sur le pont du Rhône. et pour demander leur absolution au cardinal
Saint-Ange, légat du saint-Siège. Le cardinal le leur promit, à condition qu’ils
s’engageraient par serment à obéir à l’église, à lui remettre les forteresses, à laisser
passer l’armée française au milieu de la ville, et à donner des otages pour la sûreté de ces
promesses. Tout cela n’annonçait pas des intentions pacifiques. Ensuite, quand il fut
devant la ville, il lança publiquement une nouvelle excommunication contre le comte de
Toulouse et ses partisans, et jeta un nouvel interdit sur ses terres.
Les Avignonais, qui conservaient un fond d’attachement pour le comte, furent alarmés
de cette sévérité. Ils ne comptaient pas assez sur la générosité de leurs ennemis, pour
croire qu’ils ne s’empareraient pas d’Avignon, s’ils permettaient à l’armée d’y entrer. Ils
leur refusèrent donc le passage, ainsi que les vivres qu’ils avaient fait acheter dans
Avignon. Après avoir attaqué et tué quelques Français, ils abattirent le pont de bois pour
empêcher les communications entre la partie de l’armée qui avait passé le fleuve, et celle
qui était restée de l’autre côté.

Le roi, voulant à toute force étendre sa puissance en Provence, mit le devant Avignon.
Le comte de Toulouse avait fait enlever tous les vivres du pays Venaissin: les femmes,
les enfans, les vieillards et les troupeaux s’étaient réfugiés dans les montagnes. Les prés
furent labourés, afin d’enlever à la cavalerie française les moyens de subsister. Toutes les
provisions furent arrêtées, et les fourrageurs poursuivis par les gens de la campagne.

L’armée française manqua bientôt de tout. La plupart des soldats, exténués par la faim,
ne pouvaient plus faire le service. Les uns mouraient faute de nourriture, les autres par
les flèches et les coups de pierre qu’ils recevaient du haut des remparts de la ville ou au
milieu des champs. Ceux qui restaient, soit négligence, soit mépris de la vie,
n’ensevelissaient point les cadavres; la pourriture s’y mit, l’air en fut infecté et tout
couvert de grosses mouches, qui, se mêlant aux boissons et aux alimens déjà mal sains
par leur nature, y portaient le germe de corruption qui les avait engendrées, et faisaient
périr un grand nombre de ceux qui avaient échappé au fer et à la faim.

Plusieurs assauts furent infructueux, et la valeur française fut sur le point d’échouer
devant cette place. Charles VIII en eut honte; aussi y fit-il venir toutes ses forces pour
tenter un dernier effort. La ville, réduite à elle-même, et manquant peut-être de
projectiles, capitula après trois mois de, et se soumit à obéir à l’église. Le légat exigea
des habitans de traiter en ennemis le comte de Toulouse et sa famille, de secourir le roi
de France, de n’accorder aucun asile aux hérétiques, sous peine de bannissement et de
confiscation des biens, de donner mille marcs d’argent à l’église d’Avignon en
indemnisation, de détruire les murailles et les remparts de la ville, de combler les fossés,
et de ne pas les rétablir sans sa permission et celle du roi Charles VIII.
En 1228, toutes les terres que Raymond VII possédait en-deçà du Rhône furent données
forcément au pape; mais elles furent rendues par Innocent IV. En 1335, Robert, frère de
Louis de Duras, vint en Provence avec des troupes, et s’empara du château de Baux. A
cette nouvelle, plusieurs ennemis de la reine Jeanne coururent à se ranger sous les
drapeaux du rebelle, portèrent le ravage dans le voisinage et vinrent mettre le devant
Avignon. Mais le pape le fit lever à prix d’argent. D’autres brigands les remplacèrent
bientôt: après avoir désolé la campagne, arraché les arbres et les vignes, massacré les
habitans, ils se replièrent sur Avignon, où ils obtinrent une forte somme pour se retirer.
C’est alors que le pape, ne voulant plus être exposé à de pareilles contributions, fit
entourer la ville des murailles qui subsistent encore, et dont le grand-maître de Rhodes
fit presque toute la dépense.
Ce pays rentra dans les mains des pontifes de Rome, sous Philippe le Hardi et Grégoire
X; mais la ville d’Avignon ne faisait point partie de cette possession, quoique les papes y
fissent leur résidence. Ce ne fut que vers le milieu du quatorzième siècle, que la reine
Jeanne vendit à Clément VI la ville et l’état d’Avignon pour le prix de quatre-vingt mille
florins d’or qu’elle ne toucha pas, attendu qu’après l’acte de vente, le pape réclama
pareille somme qu’il prétendait lui être due pour un arrérage de la cense annuelle à
laquelle le royaume de Naples était soumis. Les Provençaux appelèrent cette aliénation,
vente malheureuse et maudite.

Clément V s’étant établi à Avignon en 1308, y fit transporter aussitôt le pontifical; mais
Grégoire XI retourna à Rome en 1376, et ne laissa pour gouverneur qu’un vice-légat qui
avait tout à la fois la juridiction ecclésiastique et civile. Depuis cette époque, Avignon et
le comtat Venaissin ont été pris et rendus par la France dans trois occasions différentes;
mais, au commencement de la révolution, elle s’empara pour la quatrième fois, et força
le souverain pontife à y renoncer, attendu que Clément VI ne les avait acquis que d’après
un droit controuvé, qu’il avait fait valoir dans un moment où la reine Jeanne était dans le
malheur, et où elle sollicitait de ce pape la déclaration de son innocence du crime qui lui
était imputé à tort par le roi de Hongrie.

Ce Clément VI était avide des richesses de ce monde; son goût fut également celui des
grands de sa cour; son frère, le cardinal Hugues Rogiez, laissa apres sa mort plus de
quinze cent mille livres presque tout en or. Les grandes richesses des gens d’église
attirèrent à Avignon une armée de brigands nommés les tards-venus, tous Anglais. Ils
affamèrent cette ville dans un moment où la peste y exerçait ses plus grands ravages,
puisqu’en quatre mois elle perdit dix-sept mille personnes parmi lesquelles se trouvaient
neuf cardinaux, cent évêques, un millier d’ecclésiastiques et huit officiers de la cour du
pape. Cette armée de brigands se grossit considérablement par l’arrivée d’autres troupes
anglaises, allemandes, brabançonnes et gasconnes; elles se livraient au pillage, au
meurtre et au viol. C’en était fait de la Provence, si le marquis de Montferrat n’eût
trouvé le moyen de les conduire en Italie, pour les mettre aux prises et les faire détruire
par les Visconti.

Le Rhône baigne les murs d’Avignon du côté de l’ouest. Le lit de ce fleuve fut rapproché
de la ville à l’occasion des différens qu’elle essuya. On ne sait trop si ce rapprochement
fut fait par les assiégés pour se mettre à couvert des coups le mains de l’ennemi, ou par
les assiégeans pour mettre leur camp à l’abri des insultes des assiégés. Mais on sait
positivement que cette déviation a occasionné dans les environs de grandes marres
d’eau, et que des champs entiers s’étaient changés en marais infects et insalubres qui
donnaient la mort aux habitans de la campagne et à ceux des communes voisines. Le mal
a été réparé en grande partie, mais il y reste encore à faire.

On passait autrefois ce fleuve sur un beau pont en pierre qu’on appela long-temps le
pont du miracle. En 1178, persuadé que l’ignorance aimait le merveilleux, on publia
qu’un jeune pâtre, âgé de douze ans, nommé Bénézet, avait été inspiré de faire
construire ce pont. L’âge de ce pâtre, son état, sa pauvreté, n’inspirant pas toute la
confiance qu’exigeait un pareil projet, on fit croire au peuple que cet enfant avait lui seul
chargé sur ses épaules une pierre de treize pieds de longueur sur sept de largeur, et qu’il
l’avait portée au lieu même où le pont devait être commencé, Il n’en fallait pas tant, dans
ce siècle de stupidité, pour échauffer des cervelles déjà naturellement vives. On cria au
miracle; les bourses s’ouvrirent; on fit des legs dans les testamens; les souverains de
Toulouse et de Forcalquier concoururent à l’enrichir, Mais, dans la suite, les eaux du
Rhône, pour détromper le peuple qui, par tradition, aurait perpétué une pareille erreur,
emportèrent dans un instant et le pont et le miracle, Il est permis de croire aux grandes
vertus de Bénézet, puisqu’elles lui ont valu la canonisation; mais l’histoire n’assure pas
qu’il ait porté lui-même le lourd fardeau de cette pierre.

La ville d’Avignon serait assez importante, si, à différentes époques, elle n’avait pas
perdu beaucoup d’habitans. Le commerce actuel n’est rien, comparativement à ce qu’il a
été. Son industrie pourrait être infiniment plus considérable et lui aitirer un grand
nombre d’ouvriers; mais cette ville est une de celles qui voient de sang-froid de petites
communes s’enrichir de leurs dépouilles, et qui ne font aucune démarche pour les
recouvrer. Elle a pourtant encore des fonderies, des fabriques d’eau-forte, des moulins à
garance, des manufactures d’étoffes de soie à peine connues dans les environs, et un
grand nombre d’imprimeries qui travaillent pour les départemens du Midi,
principalement pour les ouvrages classiques et pour les livres de piété. Les éditions
d’Avignon sont très-ordinaires et sur mauvais papier, ce qui est cause qu’elles se vendent
à vil prix; cependant il y a quelques imprimeries qui s’attachent aujourd’hui à mieux
faire, et à procurer une meilleure réputation aux presses de leur ville.

Avignon n’a ni rue bien alignée, ni belle place; la ville est bâtie en rond, entourée de
vieilles murailles flanquées de tours, construites avec de gros quartiers de pierres taillées
avec assez de symétrie et soutenues à certains endroits par des arceaux; mais toutes ces
défenses ne sauraient garantir la ville pendant une heure de siège.

Dans un temps, on comptait à Avignon sept portes, sept paroisses, sept églises
privilégiées, sept confréries de pénitens, sept collèges, sept hôpitaux, et plusieurs autres
établissemens remarquables par le nombre septénaire. Il y avait aussi une faculté de
théologie, une de droit, une des arts, une de médecine, une université fondée en 1303, et
une académie littéraire, qui subit le même sort que celle d’Arles c’est-à-dire qui mourut
peu d’années après sa naissance. Tous ces établissemens ont disparu pour faire place à
un athénée, à un hôtel pour les invalides, une préfecture, un tribunal de première
instance et de commerce, une bourse et chambre de commerce et un conseil de
prud’hommes.

Le palais papal, qui fut ensuite occupé par les vice-légats, existe encore; mais il est
converti en caserne militaire, qui est une des plus vastes du Midi. En face du palais se
trouve l’ancien hôtel des monnaies; il est occupé par plusieurs brigades de gendarmerie.
Un grand rocher couvert de terre et de gazon domine la ville du côté du Rhône. Ce
rocher a dû supporter une forteresse importante à l’époque où la poudre n’était pas
encore connue. Elle servait en la ce temps à défendre le passage du fleuve, et à tenir la
ville sous l’obéissance. Cette élévation est visitée par la généralité des voyageurs qui
arrivent en cette ville. De là, on peut promener ses regards sur un vaste horizon qui offre
des variétés agréables. D’un côté c’est le Mont-Ventoux dont le sommet est blanchi par
la neige et les Alpines couvertes d’arbres et de gazon vert; de l’autre ce sont les plaines
du Languedoc, où Bacchus et Cérès sont constamment liés ensemble; plus près c’est la
vieille Durance qui s’enfonce dans le lit du vieux Rhône son époux; ailleurs ce sont une
infinité de Naïades, filles de la nymphe de la Sorgue, qui viennent féconder les prairies,
les jardins et les vergers du territoire. En un mot, tout ce que l’œil peut apercevoir du
haut de cette roche est majestueux, gai, riant et digne de l’admiration de ceux qui aiment
contempler la belle nature.

Avignon, dont le site serait très-agréable, si ce n’était le Maëstral qui s’y fait
vigoureusement sentir, se trouve en même temps dans la position la plus heureuse pour
le commerce. Le Rhône, toujours navigable, et la route de Marseille à Lyon servent à
voiturer les marchandises qui viennent de la Suisse et de tous les départemens de France,
ainsi que celles qui de Marseille montent dans les pays au-dessus de la Provence, ce qui
procure journellement à Avignon des voyageurs en tout genre. Le territoire est très-gras
et de la plus heureuse fertilité; les promenades, toujours en plaine, sont magnifiques; la
plupart des chemins sont bordés d’arbres qui garantissent du vent et de l’ardeur du
soleil. De tous côtés on voit des allées de mûriers qui servent à élever une quantité
prodigieuse de vers à soie, ce qui est cause que toutes les maisons de campagne sont, au
printemps, converties en magnanières, et que le pays compte une infinité de filatures
pour la soie et des moulins pour la tordre. Le sol produit avec succés la garance, la
gaude, la graine d’Avignon, le chardon de bonnetier, beaucoup de blé, des légumes, de
fourrage, de vin et d’huile d’olive. Il y a de belles pépinières d’arbres fruitiers et
d’arbres d’agrément, qui fournissent à trente lieues à la ronde. Presque tout le territoire
est arrosé par les belles eaux de la Sorgue, qui sont celles de la fontaine de Vaucluse. Ces
eaux, après avoir fertilisé la campagne, viennent servir aux belles teintures du pays. Le
territoire offre une fontaine d’eau minérale nommée Font couverte; cette eau est un peu
sulfureuse et purge légèrement; elle est une ressource médicinale pour les pauvres de la
contrée.

La population d’Avignon est de 29,960 habit. Ils sont naturellement affables et gais avec
les personnes de qui il n’ont pas à se plaindre. Comme il n’en coûte rien pour se bien
conduire envers des citoyens occupés de leur ménage et de leur industries, je pense que
tout honnête homme peut être assuré de l’estime, de l’attachement et de la protection des
Avignonais. Il y a à Avignon quatre foires dans l’année, savoir: 24 février, le 3 mai le 14
septembre et le 30 septembre. Voyez BARTHELASSE.

AYE, ou ALLE. A un quart de lieue du village de Gonfaron (Var), sur la route même de
Toulon à Antibes, est une jolie source qui porte le nom de Fédaye, corruption de fontaine
d’Aye, qui, après avoir reçu les eaux des montagnes qui la resserrent, va se réunir à
l’Argens, à une demi-lieue au-dessus du Muy. Cette rivière est presque la seule du
département où l’on pêche des moules; des porphyres et un granit dur en forment
souvent le fond. Le porphyre éprouve une interruption dans le territoire de Vidauban, et
donne lieu à une belle cataracte au-dessous de laquelle on a établi une dérivation pour
deux scieries à planches.

Lors des grosses pluies, la rivière d’Aye est un torrent dangereux pour ceux qui que
hasardent à la traverser hors des deux ponts. Cependant, en 1834, la source d’Aye tarit
entièrement.

AYNAC, ou AINAG. Petit village à 4 lieues de Digne son chef-lieu d’arrondissement et


de canton. Le territoire offre une source d’eau salée. Pop. 113 hab.

B
BADINE. Port de la Badine. Petit port dans le golfe d’Hyères, le long de l’étang de
Giens.

BAGNOL, Bagnolis, autrefois Castrum de Bagnols. Village du canton de Fréjus, à 5


lieues de Draguignan, dans une contrée qui avait long-temps servi de refuge aux
Sarrasins. Il fut peuplé, dans le treizième siècle, par trente-cinq familles génoises
conduites par le noble Louis Amero, dont les descendans s’appellent seulement Mero.
Cette colonie, en arrivant en ce lieu, adopta les mœurs, les usages et surtout le langage
des Provencaux; elle perdit entièrement l’idiome et les mœurs génoises.

Le village est bâti en amphithéâtre, à l’extrémité d’une vaste forêt dépendante de celle
de l’Esterel, dans un lieu peu fréquenté, quoique près de la route de Fréjus à Castellane.
Le climat est assez sain; le sol, schisteux, produit du blé, du vin, de l’huile, des haricots
dits de l’œil noir, des noisettes et des châtaignes moins belles et ne se conservant pas
autant que celles des autres parties des Maures. Dans les forêts de pins, on trouve en
quantité des fraises plus parfumées que celles des jardins cultivés, des morilles et des
champignons, vrais agaricus deliciosus; des sangliers habitent ces forêts, et y attirent les
chasseurs des villages voisins.

Il y avait autrefois dans le territoire de Bagnol une verrerie qu’on pourrait rétablir avec
avantage, ne fut-ce que pour consommer le bois de pin qu’on laisse souvent pourrir sur
place, faute de pouvoir le vendre. Une pareille manufacture pourrait aussi se servir du
charbon de terre de la mine très-abondante qu’on trouve dans le pays et à un endroit
d’un accès facile. Une pareille industrie donnerait de l’aisance aux habitans de ce pays
qui sont au nombre de 800, et ils seraient par là intéressés à la conservation des forêts
qu’on incendie de temps à autre.

BANDOLS, Bandolum, autrefois BENDOR. Village du canton d’Ollioules, à 4 lieues de


Toulon, formé. en 1714, par un démembrement du village de la Cadière. Il est d’un
origine très-récente et n’est pas mal bâti, dans un site riant et sain, et sous un climat
chaud. La gelée n’y est pas connue, ce qui rend ses vins excellens et fort recherchés pour
les colonies; les orangers y viennent en plein vent; bien des productions de l’Afrique y
viendraient également bien; le sol, quoique pierreux et sec, donne des primeurs; au cœur
de l’hiver, on y recueille des artichaux et même des pois verts; le terroir serait productif,
s’il pleuvait souvent; mais les vents de la mer forcent les nuages à aller se décharger un
peu plus avant dans l’intérieur des terres; un seul ruisseau arrose quelques jardins.

Le port de Bandols serait le plus sûr et le plus commode de la Provence, s’il plaisait au
gouvernement de le faire confectionner sur un beau plan. Il y aurait l’emplacement d’un
superbe arsenal de marine qui rivaliserait avec celui de Toulon. Le comte d’Estaing, qui
connaissait parfaitement la localité, le proposa administre du roi, mais quelques
mauvaises considérations empêchèrent que ce projet ne s’effectuât. La France a
plusieurs établissemens de ce genre sur l’Océan, pourquoi n’en aurait-elle pas deux sur
la Méditerranée? Celui de Bandols, assez fort par sa position, n’aurait pas besoin d’une
nombreuse garnison pour repousser toute attaque ennemie. D’ailleurs, Marseille et
Toulon serviraient de boulevards à Bandols, si le gouvernement daignait en faire un
nouveau Cherbourg. Le projet qu’il a d’ouvrir des établissemens de charité pourrait fort
bien lui faire envoyer à Bandols de pauvres ouvriers propres à être employés aux travaux
de la marine; et une infinité de brouillons oisifs qui infestent les villes, seraient tirés de
la misère et de l’ennui, et le village de Bandols, qui n’a aujourd’hui qu’environ 1,300
habitans, deviendrait en peu d’années une ville très-importante et digne de l’affection du
roi.

BANON, Banonum. Bourg chef-lieu de canton, à 5 lieues de Forcalquier, bâti sur une
hauteur, avec un beau marché tous les lundi. Ses forêts offrent beaucoup de chênes, ce
qui est cause qu’on élève beaucoup de cochons dans le pays, et qu’il s’y fait un grand
commerce de pourceaux. La plaine est agréable et bien cultivée; elle est arrosée par le
Calavon, qui prend naissance dans le territoire, et produit principalement du blé, des
légumes, du foin et des fruits de toutes espèces; le pays a une verrerie dans la campagne.
Pop. 1,340 hab.

Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Banon, Carniol, l’Hospitalet,
Montsalier, Redortier, Revest-du-Biou, Revest-des-Brousses, la Rochegiron, Saumane,
Simiane et Valsaintes.

BAR (LE), Castrum de Albarno. Village chef-lieu de canton, à 3 lieues de Grasse (Var),
sur la rive droite du Loup et sur le penchant d’une colline, ce qui est cause de sa grande
irrégularité. Le territoire est coupé par des collines couvertes d’oliviers et de figuiers,
dont les productions fort estimées attirent beaucoup d’argent au pays. Les eaux de la
fontaine du village et celles du Loup arrosent les jardins et beaucoup de prés. Au bord de
la rivière, il y a une belle papeterie qui, malheureusement, ne fabrique que du papier
d’emballage. Les truites de la rivière sont excellentes et bien saumonées; il est dommage
qu’on ne leur donne pas le temps de grossir et même de multiplier.

Du temps des Romains, tout le territoire du Bar n’était qu’une épaisse forêt qui servait
de retraite à de nombreux troupeaux de sangliers qui firent donner le nom d’Apros à la
rivière. Ces animaux ont entièrement disparu, ainsi que les chênes qui leur fournissaient
des glands. Pop. 1,200 hab.

Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, le Bar, Caussols,


Châteanneuf, Clermont, Courmes, Gourdon, Opio, Roquefort, le Rouret, Tourrettes et
Valbonne.

BARBAN. Sorte d’île, hameau de la commune de Rognonas.

BARBANTANE, Bartantana, autrefois BELLINETUM ou BELLINTE. Village du


canton de Château-Renard, à 6 lieues et un quart d’Arles, non loin du confluent de la
Durance, situé sur une hauteur, dans une contrée fertile en vins et en fruits excellens. Le
climat est sain, et le pays très-exposé au Maëstral. Le sol est en partie ravagé par les
inondations du Rhône et de la Durance, et le restant est aride. On trouve dans les collines
des pierres coquillières et du grès. Les femmes de Barbantane font le commerce des
plantes potagères qu’elles vont vendre journellement à Avignon; les habitans, au nombre
de 2,400, tous agriculteurs, aiment avec rage la danse et les farandoules; et un jeune
homme qui n’aurait pas la passion de danser, fût-il un Crésus, trouverait difficilement à
se marier dans un pays où quiconque ne danse pas est censé n’être bon à rien.

BARCELONNETTE et la vallée du même nom forment le premier arrondissement


communal du département des Basses Alpes.

Les Esubiens, nation celto-lygienne connue sous le nom de Braccata, furent les premiers
habitans de cette vallée, ou plutôt furent le peuple le plus considérable; car il y en avait
plusieurs autres qui étaient ses alliés naturels, tels que les Némaloni, les Embiens, les
Nementuri et les Oratelli. Ils établirent leur capitale, c’est-à-dire ce que les Latins
appellent leur mallus, au lieu ou se trouve le village d’Ubaye, non seulement parce que
la température est la plus douce de toute la vallée, mais parce que de là ils surveillaient
leurs voisins et pouvaient les arrêter, en cas qu’ils eussent voulu venir troubler les
différentes peuplades de la vallée.

Les Esubiens et leurs alliés, invités par les Boïens et les Insubriens, autres peuples qui
habitaient le revers des Alpes, du côté du Pô, à faire cause commune pour attaquer les
Romains, marchèrent vers l’Italie, surprirent les phalanges de la république dans la
Toscane, les battirent, se chargèrent d’un riche butin, et prirent ensuite le chemin de
leurs montagnes pour aller y cacher le fruit de leur victoire et de leurs rapines. Mais
l’armée du consul Attilus, qui se trouvait vers l’Adriatique, et celle du consul Attilus,
qui, venant de la Sardaigne, débarqua sur les côtes occidentales de l’Italie, prirent les
montagnards entre deux feux, et leur tuèrent ou mirent hors de combat environ quarante
mille hommes.

Cette grande défaite fut cause que les Esubiens et les autres peuples de la vallée virent
avec plaisir, quelque temps après, Annibal se diriger vers l’Italie. Ils eurent garde de se
réunir aux autres Celto-Lygiens pour aller disputer le passage à un conquérant qui
semblait devoir bientôt les venger de ceux dont ils avaient à se plaindre.
Malheureusement les Carthaginois furent complètement défaits. Les Romains, pour
punir les Esubiens, envoyèrent de nouvelles forces dans les Gaules, qui rendirent les
peuples de la vallée tributaires de Rome; et Auguste, dans la treizième année de son
règne, vint les soumettre au joug de l’empire, ainsi que Pline l’assure, d’après le trophée
des Alpes qui se trouvait à la Thurbie, près de Monaco.

Les Esubiens et leurs alliés supportèrent patiemment le joug des Romains; ils finirent
par s’y accoutumer et par se lier intimement avec leurs maîtres de qui ils tenaient leur
instruction.

Plus de cinq cents ans après, les barbares du Nord vinrent, le fer et la flamme à la main,
désoler cette contrée. Heureusement ils en furent bientôt chassés. Pendant leur séjour, les
habitans furent entièrement démoralisés et contraints de vivre en sauvages dans les lieux
les plus tristes et les moins accessibles. Après l’expulsion des barbares, nombre de
moines bénédictins, animés par cette charité chrétienne qui faisait toute leur gloire et la
règle de leur conduite, accoururent former trois établissemens dans cette vallée, dans la
seule-vue de réunir les familles éparses, de les civiliser, de les initier à la foi de
l’évangile, de leur apprendre à se construire des maisons, à défricher et à cultiver les
terres, etc.

Dans la suite, les Sarrasins vinrent, à différentes reprises, infester toute la vallée. Ils
détruisirent beaucoup de villages, et en construisirent de nouveaux dont la plupart ont
conservé leur nom arabe.

En 973, Guillaume le, comte d’Arles, aidé des troupes de l’empereur Rodolphe, expulsa
pour toujours les Maures, et la vallée fut réunie à la Provence. Raymond Bérenger V,
autre comte d’Arles, bâtit la ville de Barcelonnette près des ruines de celle qui avait été
construite par les Romains, et donna à la vallée le nom du chef-lieu.

Comme Louis II, comte de Provence, était occupé à la conquête de Naples, Amédée
VIII, comte de Savoie, s’empara de la vallée; mais il en fut chassé, dès que le comte de
Provence fut de retour de son expédition. A la mort de ce dernier, Amédée IV la reprit et
la garda jusqu’en 1447, époque où René d’Anjou la reconquit de nouveau pour la perdre
presque en même temps; François 1er s’en empara en 1547. Cette même année, l’armée
impériale étant entrée en Provence, le duc de Savoie profita de cet évènement pour
reprendre Barcelonnette, mais il fut forcé de l’abandonner, lorsque les Allemands
repassèrent la frontière. La paix de Câteau-Cambrésis finit par l’accorder au Savoyard.
En 1630, Louis XIII s’en empara, mais il la rendit deux ans après. Enfin le traité
d’Utrecht finit par la donner à la France. C’est ainsi que, pendant vingt siècles, cette
vallée fut le théâtre successif des guerres de ses voisins, qu’elle en éprouva tous les
ravages et toutes les sollicitudes. C’est aussi ce qui est cause qu’on n’y trouve plus
aucun vestige des monumens qui pourraient aujourd’hui intéresser les voyageurs et les
historiens.

Un auteur contemporain veut, qu’avant l’arrivée des Romains, cette vallée fût connue
sous le nom de vallis negra, vallée noire. Pour moi, loin d’être de cet avis, je pense que
toute dénomination latine ne doit dater que de l’invasion des Latins; et qu’avant l’arrivée
des Romains, cette vallée devait avoir un nom qui dérivât de celui de la rivière qui la
baigne dans toute sa longueur, qui est d’environ quinze lieues de pays. Cette vallée, dont
la plaine est à environ 1,500 mètres au-dessus du niveau de la mer, est située entre des
montagnes extrêmement raides et élevées, qui sont toutes découpées par des vallons, des
ruisseaux et des torrens qui n’offrent au premier coup d’œil que des solitudes et des
précipices affreux. Presque toutes ces montagnes, dont quelques-unes ont plus de 3,600
mètres au-dessus du niveau de la mer, sont couvertes de gazon, de plantes odoriférantes
plus belles et plus suaves que celles de nos parterres, et de plantes médicinales qui
possèdent les mêmes vertus que celles qui viennent des montagnes de la Suisse et de la
Franche-Comté. Parmi ces dernières, nous citerons principalement l’absinthe des Alpes;
l’angélique des montagnes, l’arbousier bousserole, la cacalie des Alpes, le carvi, la
conyse, diverses espèces de dentaires, le doronic plantaginé, l’ellébore blanc et noir,
l’ellébore d’hiver, le fenouil des montagnes, la gravelle vulgaire, l’impératoire, l’orobe,
les deux espèces de lunaires, le nerprum purgatif, différens orchis, la berce, l’Arnica des
montagnes, le pied-dechat, la quintefeuille ainsi que la potentille frutiqueuses, le raisin
de renard, la reine des prés, le laurier rose des Alpes, le rosier primprenelle, le sabot de
Vénus, la scandix, des montagnes, trente-neuf espèces de saxifrages, d’innombrables
espèces de scandix, le selin des montagnes, le sénéçon blanchâtre, le spirea, le
thélictrum à feuilles d’ancolie, les thlapsis de toutes les espèces, principalement celui de
rochers, des montagnes et des Alpes, la toque des Alpes, la valériane, etc.

La face de la montagne des Orres, qui borde la rive droite de l’Ubaye, n’offre dans sa
base qu’une roche schisteuse; sa partie moyenne, quelques parties de grès; et sa partie
supérieure, le calcaire nu et un gravier infertile, tandis que la face des montagnes qui
bordent la rive gauche, beaucoup moins penchante que la première, offre de belles forêts
de sapins et de mélèzes, et des prairies naturelles où le menu bétail va paître par milliers
pendant la saison où la neige a fait place à la plus belle végétation; les plaines, excepté
celle entre le village des Thuiles et celui de Saint-Pons, sont toutes labourables ou
couvertes de prairies arrosables, de vergers et de jardins potagers. L’air de cette vallée
est fort sain; les pluies y sont fréquentes; les gelées des mois de mai et de juin nuisent
souvent aux récoltes, surtout aux endroits élevés, l’hiver y est très-long; le froid, les
neiges, les glaces interceptent les communications, et forcent les habitans à passer les
journées dans des stablats; ceux de la ville deviennent de vrais salons, vu que toutes les
personnes honnêtes, généralement fort instruites, les fréquentent et s’y livrent à tous les
amusemens de la bonne société.

Le printemps, toujours tardif, est ordinairement pluvieux dans toute la vallée, surtout
dans le vallon de Fours; les pluies et les vents nuisent aux céréales, aux prés et aux
feuits. L’été n’y commence qu’en juillet, et les chaleurs n’y durent guère que deux mois,
encore sont-elles tempérées par un vent frais qui commence vers les neuf heures du
matin, et ne cesse qu’au coucher du soleil. L’automne y est la saison la plus agréable;
elle donne des fruits excellens, même des prunes et des cerises. On ne trouve quelques
vignes que près du village d’Ubaye, mais le raisin n’y parvient jamais à une parfaite
maturité.

Les terres de la vallée sont bien cultivées; on sème les légumes en mai et avril, et le
froment en août et septembre; la moisson commence en juillet, et ne finit, sur les
hauteurs, qu’au commencement d’octobre. Quelquefois les moissons sont surprises par
les neiges qui les couvrent pendant sept ou huit mois. On assure que la qualité du blé
n’en est point altérée. Cela paraîtrait fabuleux, si nous ne savions qu’il en est souvent
ainsi sur les montagnes de la Suisse.

Les quadrupèdes qu’on voit sur les montagnes boisées et gazonnées de la vallée sont, le
loup commun, le renard, le chamois, le chevreuil, la marmotte, le lièvre blanc, le lièvre
gris, l’écureuil blanc, l’écureuil noir, la fouine, la belette, le blaireau, la loutre, le loir,
etc.; les oiseaux sont, l’aigle royal, l’aigle commun, le vautour des Alpes, le milan,
l’épervier, le faucon, le corbeau, la cresserelle, la corneille à bec et pieds rouges, celle à
bec et pieds jaunes, et celle à bec et pieds noirs, le faisan ou plutôt la gélinoite, le coq de
bruyère, la bartavelle, la perdrix grise, la perdrix rouge, la perdrix blanche, le coucou, la
grive, le geai, le passereau des montagnes, la pie, le grimpereau, la bergeronnette, sans
compter les oiseaux qui y viennent au printemps pour en partir en automne, ni les
oiseaux nocturnes qui sont les mêmes que dans la basse Provence. Les alpilles y sont
communes, et des mouches cantarides vivent sur la feuille des frênes.

Les montagnes de la vallée renferment beaucoup de marbre de différentes couleurs. Les


torrens en précipitent des blocs plus ou moins considérables. On trouve dans l’Ubaye,
dans les torrens et même dans les champs en culture, des marcassites d’or, d’argent et de
cuivre; il y en a de jaunes, de grises et de noires. Dans les terrains penchans, on trouve
des coquillages, des poissons et des plantes petrifiés; dans les montagnes du Châtelar et
dans celles qui sont au-dessus de Barcelonnette, on voit, au bas des rochers, des pierres
qui sont transparentes et qui ont toutes la dureté du cristal. Le sol de la vallée est
argileux et mêlé d’une marne noirâtre qui contribue beaucoup à la fertilité. L’ardoise est
commune entre les villages de Jausier, de Châtelar, de Meyronnes et de l’Arche; on
l’emploie pour la couverture des maisons et des murs qui clôturent la plupart des jardins.
Plusieurs auteurs assurent qu’il y a une mine d’or dans les montagnes de Maurins et de
Fouillouse; j’avoue n’avoir rien rencontré qui pût m’indiquer la présence de ce métal. Je
crois qu’on le trouverait plutôt sur la montagne de Morgon qui tient au village de Pontis.
Il y a une mine de plomb à la montagne de Pallon près du hameau de la Malune,
territoire de l’Uvernet, sur le chemin qui conduit à Allos, et une de fer à un quart de
lieue de Barcelonnette. C’est là que les Sarrasins, qui, pendant près de deux siècles, ont
habité ces montagnes, fabriquaient leurs armes, leurs outils et leurs instrumens
d’agriculture; on y découvre encore les débris des forges qu’ils y avaient établies à cet
effet; il y a aussi, sur plusieurs points de la vallée, de la tourbe et des mines de charbon
de terre reconnu très-bon et facile à être exploité.

La vallée de Barcelonnette, ainsi que toute la haute Provence, a sans doute été plus
habitée qu’elle ne l’est aujourd’hui; les terres y étaient mieux cultivées et mieux
soutenues, et les récoltes étaient plus assurées; aussi les habitans n’abandonnaient pas
leur pays à l’approche de l’hiver comme ils font aujourd’hui. Plusieurs villages sont
tombés en ruines ou ont été détruits par les Maures et par les guerres dont ce pays a été
le théâtre. Ceux qui ont survécu à la fureur des soldats, ne sont que des diminutifs de ce
qu’ils étaient autrefois. Le manque de bras et la nonchalance des agriculteurs sont deux
des principales causes de la médiocrité des récoltes et de la pauvreté des habitans; aussi
la plupart des cultivateurs vont avec leurs familles passer l’hiver dans la basse Provence;
les femmes ramassent des olives et des châtaignes, les enfans travaillent avec leurs
mères; s’ils sont jeunes, ils demandent l’aumône, font les décroteurs, les souillons de
cuisine ou font danser la marmotte; les hommes servent de goujats aux maçons, fendent
le bois à brûler, jouent de la vielle, font voir la lanterne magique, etc. Les habitans du
vallon de Fours prennent un plus grand essor. Au lieu de s’arrêter en Provence, ils vont
exploiter les provinces du Nord; il en est même qui poussent leurs courses jusqu’en
Belgique, en Saxe et même en Danemark. Ils restent plusieurs années sans retourner
dans leur pays, mais ils n’y reviennent jamais sans être chargés de numéraire et d’objets
précieux.

Ceux à qui l’âge ou les infirmités n’ont pas permis de quitter le chaume paternel,
s’occupent en hiver à carder, à filer la laine, et à en faire un drap commun et grossier
pour les vêtemens des deux sexes.

La pauvreté ou l’avarice est cause que les hommes se nourrissent fort mal. Ils conservent
leur sobriété même dans leur migration, et quand ils sont obligés de se nourrir à leurs
frais; aussi tout le numéraire qu’ils touchent peut être considéré comme bénéfice. La
plupart emploient le fruit de leurs économies à l’achat de quelques marchandises qu’ils
colportent d’abord, qu’ils étalent ensuite sur les places publiques; ils finissent toujours
par s’établir dans quelque ville, et deviennent en peu d’années de riches marchands.
Parvenus à la fortune, ils appellent auprès d’eux leurs frères et leurs sœurs, et leur
fournissent tous les moyens possibles pour les acheminer à quelque industrie. Les moins
heureux retournent dans leurs climats pour y cultiver l’héritage de leurs pères, sans
désespérer de faire fortune un jour, Quelques-uns ne dédaignent aucun moyen vil ou peu
délicat de gagner une pièce de monnaie. Tout pour l’argent! Rien pour la considération!
Telle semble être la devise de ceux qui végètent dans leurs masages.

Il est des circonstances où ces hommes ne conservent pas leur sobriété, et c’est toutes les
fois qu’ils sont invités à quelque festin. L’usage de cette vallée est que les mariages, les
baptêmes et les funérailles sont célébrés par de grands repas qui réunissent quelquefois
jusqu’à cent cinquante personnes. Rien n’est épargné pour satisfaire la soif insatiable et
le vorace appétit des convives, qui témoignent en bien mangeant et en enivrant la part
qu’ils prennent à la fête qui les réunit.

Les personnes honnêtes savent se distinguer du commun par une conduite décente et
polie. La multitude emploie dans les affaires une superfluité de paroles engagéantes. Dès
qu’un marché est conclue vendeur montre à l’acheteur le vice de la marchandise qu’il
vient de lui livrer, surtout lorsqu’il s’agit de la vente d’une vache, d’un mulet, etc.,
marchés qui ont lieu ordinairement sur la place de la Grave. Celui qui achète à terme
emploie ordinairement toutes sortes de prétextes pour ne jamais payer. La présence d’un
huissier peut seule lui faire délier la bourse et satisfaire le créancier. J’avoue cependant
que le pays offre des personnes qui se conduisent avec plus de délicatesse, et qui
méritent toute confiance.

Au lieu même où se trouve la ville de Barcelonnette, il y avait anciennement, ainsi que


nous l’avons déjà dit, une autre ville qui servait d’entrepôt aux Romain. Elle fut rebâtie
et entourée de murailles en 1231, mais, dans la suite, elle a souffert plusieurs incendies
funestes. En 1542, les Français y mirent le feu; en 1558, ce fut le marquis d’Uzel; en
1582, le baron de Vins; en 1601, Lesdiguières, chef des huguenots; en 1714, elle fut
encore brûlée par accident; en 1740, la foudre y mit le feu à plus de quatre-vingt
maisons, et en 1761, il y eut plus de cent maisons qui furent la proie des flammes.

La ville d’aujourd’hui se trouve dans la plaine 194 lieues de Paris. Ses rues sont larges,
ses maisons bien bâties et bien alignées; il y a plusieurs places fort régulières; les
promenades sont très-agréables, surtout celles en delà de l’Ubaye, qui vient presque
baigner les murs de la ville et qui arrose toutes les rues et les jardins. La ville a un
tribunal de première instance et deux foires, le lundi de Passion et le 30 septembre,
appelée lou grand Sandré. Pop. 2,099 h.

Les communes qui font partie du ressort de la justice de paix du lieu sont, Barcelonnette,
Enchastraye, Faucon, Fours, Jauziers, Saint-Pons, les Thuiles et Uvernet.

BARCILONNETTE. Village sur la rive droite de la Durance, nouvellement soustrait au


département des Basses-Alpes, pour être réuni au département des Hautes-Alpes.
Barcilonnette est aussi l’ancien nom du village de Saint-Laurent-du-Var.

BARGÈME, Bargema. Village du canton de Comps, à 7 lieues et demie de Draguignan.


Les guerres intestines forcèrent les habitans à se fortifier. Ils entourèrent leurs
habitations de fortes murailles en pierres de taille. On n’entre dans le village que par
deux portes voûtées d’une assez forte solidité.

Le caractère des habitans de Bargème a eu longtemps une triste réputation. Leur


indolence, jointe à la stérilité du sol, les rendant toujours pauvres, ils étaient poussés au
crime et à la mauvaise foi par la misère et par la faim. La division des terres communes
aux habitans de ce pays a donné de l’aisance à presque toutes les familles, aussi le
peuple se conduit-il mieux qu’avant la révolution. La religion est ce qui a le plus
contribué à ce changement subit. Un bon prêtre leur a prêché d’exemple, et chacun sont
empressé de l’imiter. Leur petite paroisse est aujourd’hui la plus jolie, la mieux décorée
et la plus richement meublée de toutes celles de la montagne, le tout grâce au nouveau
zèle et à la générosité. Popul. 360 hab.

BARGEMONT, Bergamonum, Bargemonum. Village du canton de Callas, à 3 lieues et


demie de Draguignan, sur un coteau fertile et agréable, entouré de collines, et au pied
d’une haute montagne dont la chaîne, se soutenant à-peu-près à la même hauteur depuis
la Durance jusqu’au Var, forme une ligne de démarcation qui divise la Provence en basse
et en haute. Cette chaîne, en calcaire du Jura, se montre toujours en-dessus de la région
des oliviers, et les expositions au midi présentent souvent la roche nue.

Bargemont ne fut, dans le principe, qu’une villa romaine. Un officier y attira sa famille
et ses esclaves pour exploiter les terres et y cultiver la vigne et l’olivier. Il est à regretter
de ne plus y trouver de vestiges de la construction de cette première maison de
campagne, ni ceux des temples, des bains, des piscines et autres monumens dont les
Romains aimaient à embellir leurs demeures rurale. Cependant on y découvre, de temps
à autre, des médailles du Haut-Empire, des urnes cinéraires renfermant des lampes
sépulcrales, des ampoules et tout le petit mobilier funéraire de ce temps. On distingue les
cendres des personnes opulentes, en ce qu’elles sont renfermées dans une petite urne de
verre bleu qui est elle-même, pour sa conservation, renfermée dans une grande urne de
terre cuite.

Les Sarrasins ne manquèrent pas d’exercer leur génie destructif sur cette ville et sur les
habitations qui se trouvaient dans le territoire. Au commencement du dixième siècle,
Bargemont passa sous la domination des rois d’Arles. La fortification du lieu date de
cette époque; on voit encore une partie du rempart ainsi que plusieurs tours; le reste fut
détruit pendant les guerres intestines.

Le village actuel est plus considérable qu’il ne l’était anciennement. Le climat en est
sain; la vie animale et les eaux y sont excellentes; le terroir est fertile près du lieu, à
cause du nombre de petites sources qui l’arrosent; le pays n’a presque pas de plaine; tout
est amphithéâtre couvert d’oliviers. Les principales productions sont, l’huile, le foin, de
bonnes figues, des cerises noires et toutes sortes de fruits exquis. On y trouve du gypse
blanc en abondance et d’une extraction facile. Les habitans, au nombre de1,920, sont
vifs, spirituels et industrieux; leur petit commerce s’étend jusqu’à Grenoble, d’où ils
apportent du chanvre. Les jours de foire sont bien suivis, principalement pour le menu
bétail; elles se tiennent le lundi après Quasimodo, le 3 août, le 21 octobre et le 23
décembre.

BARJOLS, autrefois BARJOULS, Barjolium. Petite ville chef-lieu de canton, à 5 lieues


de Brignoles. Sa jolie exposition et les belles eaux qui s’y trouvent attirèrent plusieurs
familles romaines qui établirent leurs demeures sur les points les plus convenables du
territoire. Elles formèrent avec les Sueltériens du pays une alliance qui, dix siècles plus
tard, les mit à même de résister avec succès aux Sarrasins. Après l’expulsion des
barbares, les habitations s’agglomérèrent, et l’on bâtit un château-fort qui fut donne à un
noble du pays, en récompense des services rendus à la patrie. Un héritier de cette famille
(le sieur de Pontevés) le céda au prévôt et au chapitre de cette ville. Mais, en 1237,
Raymond Bérenger V, comte de Provence, exigea qu’on lui en donnait la possession, en
échange du droit d’albergue qu’il avait sur cette ville le jour de la Saint-Michel.

Pendant les guerres intestines, le seigneur de Flassans, homme naturellement dur,


mécontent de l’édit du roi, qui avait pour but de pacifier les catholiques et les protestans,
se mit à la tête d’une troupe de fanatiques et de gens sans aveu, et se livra aux plus
grands excès dans tous les lieux qu’il parcourut. Poursuivi par une armée de dix mille
hommes, il vint avec ses quinze cents partisans s’enfermer dans Barjols où il était assuré
d’être bien reçu par les habitans.Il y fut bientôt bloqué par l’armée du roi commandée
par Saint-Auban et le baron des Adrets. La place, n’ayant que quatre petits canons
dirigés par des hommes peu exercés, ne put se défendre long-temps. Le quatrième jours
(6 mai 1562), la ville fut prise d’assaut; six cent personnes furent passées au fil de
l’épée, les prêtre jetés dans les puits, les églises pillées, les autels profanés, les reliques
de saint Marcel brûlées. Quoique les intentions du roi fussent qu’on ramenât par la voie
de la douceur tout le monde à l’obéissance, un grand nombre de personnes de distinction
furent victimes de la barbarie des vainqueurs; les unes furent pendues, et les autres,
conduites sur le haut d’un rocher appelé le Castélas, furent précipitées sur des blocs
hérissés de pointes qui restèrent long-temps teints du sang de ces malheureuses victimes.
Flassans fut assez heureux pour s’échapper. Il se cacha dans une des îles de Lérins, en
attendant le moment favorable d’aller se venger sur les protestans dans la ville d’Orange.
Toutes les fois que ses soldats égorgeaient un religionnaire, ils lui criaient avec rage et
fureur: Paye Barjouls! Paye Barjouls!

En 1590, la ville de Barjols fut encore attaquée par un corps de protestans commandés
par d’Ampus et le président du Castelet. La ville se rendit à composition, moyennant
quatre-vingt-dix mille francs, très-forte somme pour le pays d’alors, mais les soldats,
habitués aux cruautés les plus révoltantes, et ulcérés par l’esprit de parti, qui égare les
hommes, égorgèrent inhumainement, et contre la foi des traités, plus de cinq cents
habitans, pillèrent les maisons des prêtres, et même les églises, sous le prétexte qu’elles
contenaient les meubles et les effets des bigarrats, c’est-à-dire des gens du parti
contraire. La voix des chefs n’avait plus de force pour se faire obéir par des hommes
ivres de sang et de pillage; il fallut leur laisser assouvir leur rage et leur fureur.
Immédiatement après cet événement, le roi, ne voulant plus que Barjols fût exposé à de
nouveaux désastres, céda la citadelle à la ville qui en fit abattre une partie et laissa
démanteler le reste. On en voit cependant encore des vestiges assez considérables. Le
peuple croit que cette citadelle avait été un château de plaisance de la reine Jeanne. Il est
possible que cette princesse ait logé pendant quelques jours dans cette forteresse,
lorsqu’elle allait en personne visiter ses chers et, bien aimés Provençaux. Tous assurés
pourtant que le roi Robert aima beaucoup cette ville, où il avait été élevé; aussi, en, il la
fit chef de bailliage, et y établit une viguerie qui, pendant la révolution française, fut
changée en district.

En 1799, un événement funeste plongea la ville de Barjols dans le deuil. Un fabricant de


salpêtre, passé par le désespoir, en voulant s’arracher la vie, s’assit sur un barril de
poudre et y mit le feu. L’explosion du magasin fut si terrible, que sept ou huit maisons
s’abîmèrent dans leurs ruines, treize personnes y périrent et douze furent plus ou moins
grièvement blessées.

Ainsi que plusieurs autres villes de la Provence, Barjols avait des jeux particuliers qu’on
célébrait à l’occasion de la fête patronale du lieu. Un bœuf gras figurait à la procession
de Saint-Marcel. Après, il était égorgé. On en faisait rôtir une partie, et le reste était mis
en daube. Le tout était servi sur une grande table où chacun avait le droit de s’asseoir.
Plus tard, on se contentait d’aller en demander une portion moyennant le prix de 5 sols.
Les entrailles de ce bœuf étaient réservées pour la jeunesse nubile, qui, élégamment
costumée, exécutait à cette occasion une danse particulière. On assure même que chaque
couple manquait rarement d’être uni-en mariage dans le courant de l’année.

Près de la ville se trouve un des sites les plus pittoresques de la Provence, la vallée du
Fauvéri. Il semble que la nature ait prodigué tous ses dons pour faire de ce lieu un
magnifique paysage. Sur le penchant de la vallée, d’un côté s’élèvent des rocs immenses
parsemés d’arbustes chétifs dont le feuillage fait ressortir la couleur grisâtre de la pierre;
de l’autre on aperçoit les façades varices d’un grand nombre d’usines et de plusieurs
maisons d’un joli goût; au milieu, des prairies toujours vertes sont arrosées par les eaux
qui tombent en cascades du haut d’un bloc de tuf très-élevé qui se trouve au fond. Ce
tuf, décoré par l’orme et le peuplier, sert de base à un groupe de fabriques et de maisons
de plaisance couronnées par une masse de roches calcaires dont les pointes aiguës ou
arrondies se perdent quelquefois dans les brouillards produits par les eaux du Fauvéri.

En-dessus se trouve le site des Carmes qui doit son nom à une maison de carmes qui s’y
trouvait. Les restes seuls d’une chapelle antique, creusée en partie dans le roc, annoncent
le passage des pères dans cette vallée. Ce lieu devait être éminemment propice au
recueillement et à la prière. Là se trouvent réunies de magnifiques horreurs. On se plait à
chercher dans la nature ce qu’il y a de plus poétique et de plus propre aux émotions. On
néglige aujourd’hui les belles fabriques qu’on y voit, pour jouir d’une belle scène de la
nature et d’un admirable paysage. Des blocs de rochers s’élèvent majestueusement; leur
cime stérile et nue contraste singulièrement avec la jolie vegétation qui les environne.
Lorsque le Fauvéri est gonflé par les orages, il forme de grandes cascades dont le bruit
semble annoncer le renversement de la montagne. Les eaux qui se précipitent en
grondant dans un gouffre profond, sortent en bouillonnant pour se répandre en nappes
écumeuses dans la prairie.

Plusieurs cavités se trouvent dans le roc qui supportait l’ancien monastère des carmes.
Mais leurs voûtes, quoique humides, sont loin d’être aussi riches en concrétions que
celles de la grotte de Villecrose. Cependant on y voit plusieurs pièces de stalagmites,
dont l’une présente une sorte de pilier, et l’autre la carcasse d’un petit navire sur sa
quille. En fait de stalactites, les plus remarquables sont des grappes de raisin, une dinde
plumée et bardée, une citrouille et surtout un beau mouton de Barbarie qu’on dirait fait
d’après nature.

Le Biez, dit ruisseau des écrevisses, traverse la ville, pour mettre en mouvement un
grand nombre d’engins, et notamment un moulin à papier tenant à l’ancien château, et
qui date de 1620. Le pays a dix-neuf moulins à tan, vingt-quatre tanneries, trois belles
papeteries, une blanchisserie, un moulin à foulon, et une fabrique de cartes qui, dans
plus de la moitié de la Provence, jouit d’une réputation bien méritée.

Le climat de Barjols est doux et tempéré, l’air sain; le sol, quoique ingrat, est bien
cultivé; il produit principalement du foin, de l’huile excellente quand elle est fabriquée
avec soin, du vin et d’autres fruits. On trouve dans le territoire plusieurs carrières de
marbre non exploitées; une espèce est tout blanc, l’autre est un rose mêlé de blanc et de
noir. Population hab. Les foires sont, le lundi après le 17 janvier, le huitième jour après
Pâques, le 27 juin, le 29 septembre et le 30 novembre.

Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Barjols, Aurias, la


Bastidonne, Bézaudun, Brue, Esparron, Saint-Martin, Pontevés, Seillons et Varages.

BARLES. Village du canton de Seyne, à 8 lieues de Digne, situé dans un vallon, sur la
petite rivière de Brès. Pays très-froid en hiver, a cause des neiges qui y séjournent de six
à huit mois de l’an. On trouve dans le territoire une sorte de pierre grise, vitrifiable, dans
laquelle on distingue des points brillans qu’on prendrait pour de l’argent natif. Le pays
offre une fontaine d’eau minérale propre à la guérison des écrouelles. Il importe quelle
soit connue, pour que les personnes attaquées de cette maladie aillent s’y baigner et
tâcher d’y trouver la guérison. Pop. 508 hab.

BARNABE (SAINT). Hameau dans le territoire de Marseille.

BARON (LE), ou ALBARON, Castrum Albaroni. hameau des Saintes-Maries, dans la


Camargue, près de la rive gauche du petit Rhône.

BARRAS.Village à 3 lieues de Digne son chef-lieu d’arrondissement et de canton, sur la


rive droite de l’Edaye. Le sol produit du blé et du mauvais vin. Pop. 207 hab.

BARRÉME, Barrema. Bourg chef-lieu de canton, à 7 lieues de Digne, sur la route de


Castellane, à la jonction de la rivière de Blioux et de celle de Clumane, qui, ensemble,
forment la rivière d’Asse. L’ancien lieu était bâti sur une élévation nommée le Col Saint-
Jean. Mais, en 1040, il fut entièrement consumé par la foudre; la paroisse fut seule
exceptée. Ce fut alors que les habitans transportèrent leurs demeures au pied de la
colline et à une exposition abritée des vents froids et impétueux, sous un climat doux et
fort sain. La plaine, quoique très-peu étendue, est fort agréable et offre de jolies
promenades; elle est très-fertile en blé, fruits, pâturages, chanvre et plantes potagères. Le
sol des hauteurs est ingrat, stérile et trèspenchant; il ne produit des céréales qu’à certains
points; ailleurs on ne pourrait y faire passer la charrue; les bœufs ou mulets qui la
traîneraient seraient en un instant précipités dans le fond des vallées. Pop.1,070 hab., y
compris les hameaux.

Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont Barrême, Bédéjun, Chaudon,
Clumane, Saint-Jacques, Lambruisse, Saint-Lions et Tartonne.

BAIRROUX (Le), ALRAROUX ou AUBAROUX. Village du canton de Malaucène, à 5


lieues d’Orange, situé sur une élévation d’où l’on aperçoit une plaine immense qui
satisfait agréablement la vue, puisqu’elle se porte sur toute la partie de l’ancien bas
Comtat Venaissin. La plaine de Barroux est fertile en blé et en huile. On trouve dans les
collines du gypse et des fossiles curieux. Le climat est sain et purifié par le Maëstral.
Populat. 920 hab.

BARTHELASSE. Ile formée par le Rhône, en face d’Avignon. C’est vers le centre de
cette île que l’on doit assigner l’ancien lieu appelé Mutatio Cypresseta, que des auteurs
modernes ont placé près de la ville de Sorgues. Nous savons que cette position touchait
la rive gauche du Rhône, à une lieue d’Avignon. Mais comme depuis l’époque de la
destruction de cet ancien lieu, on a détourné une grande partie du fleuve pour lui faire
baigner les murailles d’Avignon, on ne peut plus assigner à la position romaine la rive
gauche du nouveau lit du fleuve, mais celle de l’ancien lit, et, par conséquent, l’intérieur
de l’île de Barthelasse.

Cette île servait autrefois de retraite à des malfaiteurs, à des hommes poursuivis par la
justice, surtout pour des affaires politiques. Ils se tenaient principalement dans les isclos,
sortes d’ilots qui se trouvent au milieu du fleuve. Il n’en est plus ainsi aujourd’hui; cette
île est rendue très-agréable par des promenades, des guinguettes, des cafés qu’on y a
établis. Le nom de Barthelasse vient d’être changé en celui de Bagatelle

BARTHELEMY (SAINT). hameau dans le territoire de Marseille.

BASTIDE-D’ESCLAPONS (LA). Village du canton de Comps, à 7 lieues de


Draguignan. L’ancien village, nommé Esclapons, était situé au pied de la montagne de
Lachens, du côté de l’est, et entouré de fortes murailles dont on voit encore des vestiges;
il fût détruit pendant les guerres civiles. Le climat est assez froid. l’air très-sain. Il y a
des forêts de chênes, de pins, de sapins et de mélèzes; les pâturages y sont bons et
abondans; les fromages du pays sont estimés; le sol est peu fertile. Populat. 150 hab.
Voyez ESCLAPONS et LACHENS.

BASTIDE-DE JOURDAN. Village du canton de Pertuis, à 6 lieux d’Apt. Territoire


fertile et bien cultivé; il produit principalement du blé assez estimé. Foire, le 21 avril.
Pop. 810 hab.

BASTIDE -DE PREVOT, ou LA BASTIDONNE-SAINT- C H R I S TOPHE, Locus


inhabitatus sancti Christophori. Village du canton de Barjols, à 4 lieues de Brignoles. On
n’y voit que des maisons de campagne habitées par des cultivateurs et des bergers.
Climat tempéré; sol maigre, sec et, pour ainsi dire, stérile. Cependant, à force de soins et
d’engrais, il produit du blé, des légumes et un peu d’huile d’olive. A quelque distance de
l’église on voit des vestiges d’un village qui tut détruit par les Sarrasins. Pop. 80 hab.

BASTIDONNE-DE-SAVERIE, Bastidonna Savericana. Village du canton de Pertuis, à 9


lieues d’Apt, et sur la rive droite de la Durance, bâti sur le penchant d’un coteau. Les
fontaines coulant rarement en été, on est réduit à boire de l’eau de puits. Le défaut de
sources et la situation inclinée du sol empêchent les habitans de former des prairies et
des jardins; cependant on n’y trouve personne dans l’indigence, tant est que l’homme
laborieux procure par ses soins la fertilité au sol le plus ingrat, fût-il entièrement privé de
substance végétale. C’est ainsi que le territoire, quoique d’une petite étendue et d’une
nature infertile, produit, à force de travail et de persévérance, du blé, du vin et de l’huile.
Pop. 300 hab.

BASTIDONNE. Voyez BASTIDONNE-DE-PRÉVÒT.

BATAlLLES. Rivière qui coule près d’Hyères, et qui, après un cours de deux lieues, va
se jetter dans la mer, près de Bormes.

BAUDIMENT, ou BEAUDIMENT, Baudimentum. Village à 4 lieues de Sisteron son


chef-lieu d’arrondissement et de canton, au pied de la montagne Saint-Joseph-de-la-
Pérusse. Sur un rocher fort élevé sont les ruines d’un château qui avait appartenu à la
reine Jeanne, où cette princesse allait quelquefois passer le temps des chaleurs de la
canicule. Le territoire est arrosé par deux ruisseaux; le sol produit du chanvre, des truffes
noires bien parfumées, des pommes de terre, de l’avoine, du seigle, de l’épeautre, des
légumes, peu de froment et peu de vin. Le commerce du pays consiste en bois de hêtre
pour le charronnage, et un charbon de bois; le gibier y abondait autrefois, mais la licence
le rend tous les jours plus rare.

Sur la montagne de Grapon est un grand creux nommé lou traou de l’oulo (le trou de la
marmite). Il en sort un petit vent continuel et sensible. Dans la montagne de la Pérusse
on trouve une fontaine d’eau minérale, appelée fontaine de faces. Le village est fort
ancien; il fut connu des Romains. On trouve souvent dans les terres des médailles et des
tombeaux antiques Pop. 135 hab.

BAUDINAR, Bellum Dinacium ou Bella Dinarium. Village du canton d’Aups, à 10


lieues et demie de Draguignan, et à une lieue et un quart de la rive gauche du Verdon, où
se trouve un pont dit de Silvestre, d’une seule arche et d’une hardiesse qui attire les
regards des curieux. Climat sain et tempéré; terrain pierreux, mais fertile en blé, vin,
huile et légumes; avec plus de bras, le pays produirait davantage. Les forêts sont de
chênes blancs mêlés de quelques pins; on y élève beaucoup de cochons. Le territoire
renferme du joli marbre qu’on néglige entièrement, quoique d’une extraction facile. Pop.
330 hab.

BAUDRON, Castrum de Baudron. Village qui fut détruit en même temps que celui de
Favas, et dont les territoires n’en font qu’un. Voyez le mot FAVAS.

BAUDUEN, Baudonium. Village du canton d’Aups, à 10 lieues et demie de


Draguignan, sur la rive gauche du Verdon. Il était connu dans un temps sous le nom de
Bauenjium, et se trouvait sur la voie romaine qui conduisait de Fréjus à Riez. Le climat
est sain et tempéré, quoique un peu exposé aux vents; le sol peu fertile; le territoire est
parsemé de rochers et de terres incultes, et offre d’assez beau marbre dont les carrières
n’ont jamais été exploitées. Le commerce du pays est déchu avec sa population qui n’est
plus aujourd’hui que de 1,000 habitans. C’est la patrie de saint Lambert évêque de
Vence. Les moulins et les papeteries du pays sont entièrement abandonnés.

BAUME-SISTERON (LA), ou LA BAUME DE CHARDAVON. Sorte de faubourg de


Sisteron, séparé de la ville par la Durance, que l’on traverse sur un pont en bâtisse d’une
seule arche.

BAUMES-DE-VENISE. Bourg chef-lieu de canton, à 4 lieues d’Orange, à couvert du


Maëstral et des autres vents du nord par une montagne, ce qui fait que la température y
est aussi douce que dans la région la plus méridionale de la Provence. Le sol est arrosé
par de belles eaux qui ne tarissent jamais; aussi la plaine n’est que prairies, jardins et
terres labourables, presque entièrement couvertes de mûriers; les vins muscats blanc et
rouge y sont délicats; les câpres qu’on y recueille en quantité sont fort estimées; mais les
huiles y sont trop grasses, et ne peuvent servir que pour les fabriques. Dans le torrent de
Salettes on trouve trois sources d’eau salée, mais qui ne sont pas considérables. Pop.
1,690 hab.
Les communes qui font partie du ressort de la justice de paix du lieu sont, Baumes,
Gigondas, l’Afure, la Roque-Aric, Sablet, Suzette et Vacqueiras.

BAUME (SAINTE). Montagne du département du Var, à 7 lieues de Brignoles. Son


nom dérive d’une grotte, connue en provençal uno baoumo, célèbre dans l’histoire de
l’église et dans les annales de la Provence. Cette grotte, connue sous le nom de Sainte-
Baume, se trouve sur la montagne de ce nom. Un énorme rocher de nature calcaire,
escarpé sur ses deux faces, domine de beaucoup une vaste forêt dont les arbres, d’une
hauteur prodigieuse et d’une belle verdure, présentent du haut du rocher l’aspect d’une
vaste prairie couverte d’un gazon uni. L’œil du voyageur ne peut se figurer que cet
immense tapis, d’un vert uni, soit formé par les cîmeaux des chênes, des ifs, des pins,
des érables, la plupart aussi vieux que le monde, quoique d’une vigueur égale à celle de
leurs premiers âges.

De ce rocher élevé, on découvre toute la basse Provence. A l’ouest et au nord, les Alpes
arrêtent une horizon immense; et à l’est et au midi, une vaste étendue de mer se déroule.
La magnificence de ce lieu sauvage, le silence imposant qui y règne, la vue d’une nature
grandiose, souvenir d’une grande douleur, agitent sensiblement l’âme, et la portent au
recueillement et à la prière.

Nous savons tous qu’après la résurrection de Jésus-Christ, par suite de la persécution des
chrétiens dans la Judée, une barque amena sur la côte de Provence, et dans l’île de la
Camargue, Marie Jacobi, Marie Salomé, Marcelle et Sara leur servante; nous savons que
cette barque contenait aussi sainte Marthe qui se fixa dans une petite île du Rhône, là
même où se trouve aujourd’hui la ville de Tarascon, et sainte Magdeleine qui préféra au
monde la plus triste solitude, où rien ne pouvait la distraire dans ses prières, ni
interrompre les larmes qu’elle aimait à répandre pour l’amour de son Dieu.

Saint Maximin fut le seul mortel instruit du lieu où vivait la sainte pénitente. Ce fut lui
qui l’assista dans ses derniers momens; ce fut aussi lui qui lui fit ériger une chapelle
dans la grotte, et à l’endroit même où elle avait rendu le dernier soupir. Les largesses et
la foi des comtes de Provence et de François Ier les firent augmenter et embellir cette
chapelle, et construire un couvent pour les religieux de différens ordres qui s’y sont
succédés jusqu ‘aujourd’hui.

Parmi les personnages illustres qui ont visité la Sainte-Baume, nous pouvons citer saint
Louis, roi de France, Charles II, prince de Salernes et comte de Provence, Jean 1er, roi
de France, Charles VI, Louis XI avec Marie d’Anjou sa mère, Anne de Bretagne, épouse
de Charles VII, et depuis de Louis XII, Louise de Savoie, mère de François 1er, Claude
de France sa première femme, et la duchesse d’Alençon sa sœur, ÊEléonore d’Autriche,
femme de ce monarque, accompagnée de son fils Henri II, les ducs d’Orléans et
d’Angoulême, Charles IX accompagné du duc d’Anjou son frère et du roi de Navarre
(depuis Henri IV), Louis XIII, Anne d’Autriche, Louis XIV, et enfin la duchesse
d’Angoulème, fille du trop infortuné Louis XVI.

La chapelle de la Sainte-Baume subit, à l’époque de la révolution, le sort de tant d’autres


églises; elle fut dévastée. Elle a été un peu restaurée sous le règne dé Louis XVIII.

A quatre-vingt mètres au-dessus de la grotte, et à mille mètres au-dessus du niveau de la


mer, est une sorte de crucifère appelé le saint Pilon, comme on dirait le saint Pilier, la
sainte Colonne. Là il y a une petite chapelle bâtie par un cardinal de la maison de
Bouillon; elle était ornée d’une belle statue, et revêtue intérieurement de marbres
envoyés de Rome. Tout a été détruit dans cette chapelle, et elle restera
vraisemblablement long-temps encore dans cet état.

Le pic des Béguines, point le plus élevé de cette montagne, est à 1,114 mètres au-dessus
du niveau de la mer. Ce pic est d’un marbre veiné rouge, renfermant entre ses couches
des cames, des tellines et autres coquillages, vrai dépôt que la mer a formé on ne sait
trop à quelle époque.

Quelques écrivains modernes, plus propres à séduire par de faux brillans qu’à instruire
par un raisonnement juste, ont cru pouvoir, d’un seul coup de plume, expliquer une
énigme qui a toujours paru comme un problème impossible à être résolu par des
hommes. C’est la nature, ont-ils dit, qui a formé dans la terre des cailloux qui ont la
forme de toutes sortes de coquilles; des cailloux qui ressemblent à toutes sortes de
poissons, à toutes sortes de plantes, à toutes sortes d’ossemens.

La multitude, au contraire, moins présomptueuse que les prétendus savans, trouve


surprenant que les plus hautes montagnes de la terre offrent, même à leurs sommets, une
prodigieuse quantité de coquilles et de poissons fossiles ou pétrifiés. Aussi croit-elle que
ce sont les alluvions de la mer et des rivières qui ont formé toutes les éminences du
globe que nous habitons, à des époques qu’on appelle déluges.

Comme on ne voit point de raz-de-mer qui élèvent les eaux à la hauteur de la moindre
des collines, on peut douter qu’il en ait existé qui les aient élevées jusqu’au sommet des
Alpes et des pics les plus élevés. Comment donc se fait-il que des dépôts marins se
trouvent sur toutes les élévations du globe? Jusqu’à présent les géologues de toutes les
nations n’ont donné que des conjectures plus ou moins vraisemblables. Mais pas une
assez satisfaisante. Sans être géologue, moi-même, on me permettra, j’espère, d’émettre
mon opinion que je crois contraire à toutes celles données avant la mienne.

Le globe de la terre n’avait, dans le principe, ni élévation, ni vallée. Les eaux de la mer,
contenues dans une infinité de lacs plus ou moins étendus, poussées par la moindre
tempête, inondaient une certaine étendue de pays. Comme elles se retiraient avec plus de
vitesse qu’elles n’étaient venues, ces eaux entraînaient dans leur fuite une terre allavine;
et cette terre, composée de grès, d’argile, de gravier, de cailloux, de sablon, d’ossemens
même, couvrait une quantité prodigieuse de coquilles et de poissons que les eaux de la
mer avaient amenés. Ces dépôts contribuèrent à former la bande secondaire qui
enveloppe le globe, et cette bande couvrit la bande primitive qui, comme chacun sait, est
toute granitique et couverte généralement par le calcaire. Tout cela n’a pu avoir lieu qu’à
des époques infiniment reculées, et qui datent de plus de six et de dix mille ans.

Ce n’est qu’après ces différens évènemens que les montagnes se sont formées, non point
par les débordemens de la mer, ni par ceux des fleuves et des rivières, car il n’en existait
point alors; non point par les eaux pluviales qu’on a supposé avoir sillonné la terre et
creusé les gorges, les vallons et les vallées; mais par une révolution du globe, excitée par
le feu central de la terre. Ce feu intérieur, par un pouvoir incalculable, força la double
écorce qui formait l’enveloppe du globe à faire une infinité d’éruptions d’une nature
différente de celle des volcans, mais telles à-peu-près que celles que certaines maladies
intérieures font faire à la superficie du corps des animaux.

C’est ainsi que la bande primitive ou granitique souleva la bande secondaire, tantôt
calcaire ou coquillière, tantôt marneuse, et forma les différentes élévations qu’on nomme
pics, montagne, collines, coteaux. Quelquefois la bande secondaire ne fut que déchirée;
de là ces couches inclinées par l’élévation de granit, qui passa à travers les cratères et les
déchiremens pour faire des coulées entre les couches de la bande secondaire, ou même
au-dessus de ces couches. Le plus souvent le granit n’a fait que soulever à plat les
bandes supérieures; c’est ce qu’on voit à la montagne de la Sainte-Baume, dont la base
est granitique, le massif est calcaire, et le sommet est couvert à certains endroits de
dépôts marins provenant des différentes inondations de la terre qui eurent lieu avant la
formation des montagnes.

BAUME (SAINTE). Il existe dans le département du Var une autre grotte qui porte le
nom de Sainte-Baume. Elle se trouve sur la montagne de l’Estérel du côté de la mer, au
bord d’un affreux précipice qui fit donner au quartier le nom de Maou-Peys, mauvais
pays. C’est là où saint Honorat, évêque d’Arles, par attachement pour saint Léonce,
évêque de Fréjus, vint passer plusieurs années, avant d’aller dans l’île de Lérins, qui
porte son nom, où il fonda une célèbre abbaye.

Un contemporain prétend que cette grotte à dû être un temple que les Romains dédièrent
à Apollon, conducteur du char du soleil et dieu de la lumière. Il croit que ce temple fut
appelé Aralucis, autel de la lumière, nom qui lui convient parfaitement, et non au village
de Mandelieu, ainsi que les écrivains modernes ont osé l’avancer. Pour moi, je pense que
le temple de la lumière fut fondé par les premiers Marseillais, et qu’il se trouvait, dans le
principe, sur le plateau au-devant de la grotte, où est aujourd’hui une sorte de jardin
garnie d’un grand nombre d’orangers qui y viennent naturellement, quoique ce soient
des hommes qui les y aient introduits; que ce temple ayant été détruit par les Oxibiens,
lorsqu’ils étaient en guerre avec Marseille, les cérémonies religieuses eurent lieu dans
l’intérieur de la grotte obscure, où la lumière ne pénètre que par une ouverture au haut
de la voûte, par où les eaux pluviales tombent dans une citerne. Dans cette grotte se
trouve encore un autel chrétien où, tous les ans, le premier du mois de mai, on célèbre la
messe, à cause d’un grand nombre de personnes des communes de Fréjus et de Saint-
Raphaël qui s’y rendent en dévotion. Auprès de la grotte, on trouve des châtaigniers, des
figuiers, des noyers, des cyprès, un houx de haute futaie, et des oliviers sauvages venus
naturellement dans les rochers. Voyez ESTÈREL.

BAUMES (LES). Hameau dans le territoire de Marseille.


BAUMETTES. Village du canton de Gordes, à 4 l. d’Apt. Pays pauvre, sol sablonneux
et assez stérile; on y cultive cependant beaucoup de mûriers. Popul. 126 hab.

BAUX (LES). Baucium. Village du canton de Saint-Rémy, à 4 lieues d’Arles.


L’empereur Conrad, qui n’avait aucun droit sur la Provence, en ayant donné
l’inféodation aux seigneurs de la maison de Baux, ceux-ci essayèrent plusieurs fois à
main armée de manifester leurs prétentions, ce qui occasionna de grands troubles et
l’effusion de sang. En 1161, la citadelle de Trinquetaille, refuge et boulevard des
rebelles, ainsi que trente autres places baussenques, furent prises et rasées par Raymond
de Barcelonne, vrai comte de Provence.

le château de Baux, construit sur un rocher dominant la vaste plaine de la Crau, présente
les ruines d’uu vaste et bel édifice, et d’une forteresse formidable dans les temps des
guerres civiles. Aussi, ce poste fut-il souvent occupé par les parties qui se disputaient
l’autorité les armes à la main; et, sur la demande des habitans et l’offre d’une somme
considérable, le roi Louis XIII en ordonna la démolition en l’année 1632, c’est-à-dire
vers l’époque où il entrait dans la politique du gouvernement de détruire la féodalité, et
de ne laisser subsister aucun de ces châteaux fortifiés qui pouvaient offrir des points
d’attaque et de défense.

Climat moins malsain que les communes en-dessous; le sol est propre aux oliviers, dont
l’huile est excellente. L’étang de Comte est à une lieue des Baux, près des marais qui.
vont se joindre à ceux d’Arles. Les montagnes du pays, comprises parmi les Alpines,
fournissent de belles sources; les pâturages en sont gras, et les fromages fort estimés.
Pop. 600 hab.

BAYONS, Bayo. Village sur la rive droite de la Sasse. Le territoire offre une bande
schisteuse où l’on trouve des pierres quartzeuses et vitrifiables, ainsi que des pyrites. Le
sol produit du blé et des légumes. La foire du pays est le 8 septembre. Pop. 720 hab.

BEAUDUC. Êtang de la Camargue, en face des Saintes-Maries.

BEAUJEU, Castrum de bello joco. Village du canton de la Javie, à 6 lieues de Digne,


divisé en plusieurs petits hameaux, dans des gorges assez tristes. Climat froid en hiver;
les collines sont infertiles, les vallons peu productifs, malgré l’abondance des eaux de
l’Origeol et celles d’un ruisseau qui naît dans une petite prairie, près du chemin de
Seyne. Pop. 430 hab.

BEAULIEU. Voyez ROGUES.

BEAUMES. Voyez BAUMES-DE-VÉNISE.

BEAUMONTS, Bellomons. Village du canton de Pertuis, à 9 lieues d’Apt, non loin de


la rive droite de la Durance. On y trouve des pyrites et des mines de charbon de terre. Il
y a peu d’années, une secousse de tremblement de terre en sépara presque toutes les
maisons. Climat et productions, les mêmes qu’à Mirabeau. Pop. 1,050 hab.

BEAUMONTS, Locus de bello monte. Village du canton de Malaucène, à 6 lieues et


demie d’Orange. L’ancien lieu était sur une élévation au pied du Mont-Ventoux. Les
guerres de religion ayant détruit le château et le village, les habitans vinrent établir leurs
demeures aux hameaux des Valettes, de Notre-Dame et de Sainte-Marguerite. Climat
tempéré, sol bon et fertile; ses productions sont, le blé, le vin, l’huile, les légumes, le
chanvre, le foin et beaucoup de millet noir dont on se sert pour engraisser la volaille et
les cochons. Le territoire n’est arrosé que par un ruisseau qui naît au pied du Mont-
Ventoux. Pop. 550 hab.

BEAURECUEILS. Voyez SAINT-ANTONIN.

BEAUSSET (LE), ou BEAUCET, Beaucetum. Village du canton de Pernes, à 2 lieues de


Carpentras. Climat tempéré; on y recueille beaucoup d’huile; la soie y forme une
branche de commerce très-lucrative; aussi la campagne offre une grande quantité de
mûriers, et le village possède un grand nombre de filatures; c’est la patrie de saint Gens,
ermite et solitaire. Pop. 325 hab.

BEAUSSET (LE), Beaussetum. Village chef-lieu de canton, à 4 l. et trois quarts de


Toulon, sur la route de Marseille et d’Aix. Ce lieu existe depuis un grand nombre de
siècles. Il est probable qu’il fut fondé par quelques-unes des familles qui abandonnèrent
le séjour dangereux de Tauroentum, pour venir, dans l’intérieur des terres, en chercher
un autre qui leur offrît plus de sécurité. La seule preuve que nous ayions de son
ancienneté, c’est une cloche qui porte le millésime de 1034.

Une division de l’armée de Charles-Quint, qui se dirigeait sur Toulon, fut surprise dans
le territoire du Beausset par quelques soldats français et par les paysans de la contrée.
Prise entre deux feux, entre ce village et celui de Cuges, elle fut écharpée et presque
anéantie.

Au même quartier, pendant la révolution et après le 9 thermidor, un grand combat eut


lieu entre les troupes de la convention et celles dites sans-culottes de Toulon. Ces
dernières furent complètement battues et repoussées jusque dans leur Ville.

Climat tempéré, air bon, pur, sec et élastique; une partie du territoire produit un vin
excellent pour les colonies; on y recueille aussi du blé, de l’huile, des câpres, mais peu
de fruits. Les forêts du pays sont considérables et garnies de pins; on en retire la résine
dont on fait la poix, le galipot, l’eau de térébenthine. La principale industrie est la
fabrication du charbon de bois, qu’on porte à Toulon et à Marseille. Foire, le dimanche
de Quasimodo. Pop. 3,300 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, le Beausset, la Gadière, le
Castellet, Riboux, Signes et Saint-Cyr.
BEAUVEZET. Village du canton de Colmars, à 13 lieues de Castellane, sur la rive
droite du Verdon. Le sol produit du blé, du fruit et de bons pâturages pour les nombreux
troupeaux qui vont y passer l’été; les fromages du pays sont fort estimés. Pendant
l’hiver, on y carde la laine, et on y fabrique des étoffes communes. C’est la patrie du
curé GAUFREDY, qui, accusé de sortilège, fut brûlé vif à Marseille; ses parens
changèrent leur nom en celui d’Engelfred. Populat. 690 hab.

BEC-DE-L’AIGLE. Cap de la côte maritime du département des Bouches-du-Rhône,


près de la Ciotat, qui forme le golfe des Lecques conjointement avec le cap de Tarente.

BÉDARRIDES, Betterilœ. Bourg chef-lieu de canton, à 3 lieues d’Avignon, dans une


contrée délicieuse, fertile et abondante, surtout en excellens pâturages, sur la rive droite
de l’Ouvèze, et près du confluent de l’Ozeille et de plusieurs canaux. Le sol produit
principalement du blé, du vin, du foin, des légumes, des plantes potagères et de beaux
fruits. Pop. 2,220 hab.

Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Bédarrides, Courthéson,


Sorgues et Védènes.

BÉDÉJUN, Bedejunum. Petit viliage à 4 lieues de Digne, situé dans un pays


montagneux. Il ne produit des grains et des légumes que pour nourrir ses habitans. Pop
115 hab.

BÉDOIN, Bedoinum. Bourg du canton de Mourmoiron, à 3 lieues de Carpentras, situé


sur le penchant d’une petite colline, et une partie en plaine. Il est entouré de murailles
solides et fort anciennes; le territoire, parsemé de bouquets de chênes verts, est divisé en
trois parties, dont l’une est sablonneuse, l’autre argileuse, et la troisième couverte de
pierres de grès. Le sablon qu’on rencontre en plusieurs endroits est employé pour les
fourneaux des verreries; les argiles servent aux fabriques de poterie du pays; ces mêmes
argiles pourraient être employées à l’amendement des terres sablonneuses; mais ce sera
plus tard, c’est-à-dire lorsque les agriculteurs seront plus instruits sur l’avantage qui
résulterait d’un pareil mélange.

La campagne offre beaucoup de vignes et de mûriers; la terre, vitrifiable, présente des


pyrites, indices certains du charbon de terre, qu’on devrait employer pour le chauffage,
pour les fabriques et pour les filatures de soie du pays, vu que le bois à brûler commence
à manquer, et qu’on ne s’occupe guère du reboisement des forêts.

Dans un quartier du territoire on voit les ruines du village de Frontignan. Les habitans,
échappés au massacre des barbares, abandonnèrent ce lieu pour s’établir sur la route, à
Bédoin, pays ancien et vraisemblablement habité par les Romains, à en juger par les
inscriptions qu’on y a trouvées à différentes époques.
Pendant la révolution, les habitans ne pouvant supporter la vue d’une longue perche
qu’on avait plantée sur la place, parce que, sous le beau nom de liberté, ce n’était, selon
eux, que l’insigne de la terreur et de l’anarchie, l’arrachèrent et la livrèrent à la proie des
flammes. A cette nouvelle, un général, qui se disait Français, partit de Marseille avec des
troupes, et, sans, consulter son âme, il vint raser la ville de Bédoin, et plongea les
habitans dans la dernière des misères. L’histoire a déjà fait justice contre un pareil forfait
qui donne une juste idée de cette circonstance déplorable. Cependant la ville a été
reconstruite, et elle a beaucoup gagné sous le rapport de la régularité.

Le Mont-Ventoux se trouve dans le territoire de Bédoin. Les productions de ce pays


sont, le blé, l’huile les mûriers, les fourrages, des fruits excellens et du vin ordinaire.
Foire, le 14 septembre. Pop. 2,250 h.

BÉIGIERS, Castrum de Bellegerio. Village du canton de la Javie, à 7 lieues de Digne.


Le sol produit des légumes et du vin médiocre. Pop. 415 hab.

BEINES. Village du canton de Mézel, à 6 lieues de Digne, sur la rive gauche de l’Asse.
Le territoire n’offre en grande partie que des horreurs et la plus triste solitude. Le seul
hameau des Pallus est riant en été; on y voit des prairies et des eaux limpides et
abondantes. L’huile qu’on recueille dans le pays est très-bonne, et les fruits y sont
délicieux. Pop 407 hab.

BELCODÈNES, Belcadenœ, vulgairement Brecrouedo. Village du canton de


Roquevaire, à 6 lieues de Marseille. Le territoire abonde en mines de charbon de terre.
Pop. 250 hab.

BELGENCIER, Belgenciocum. Village fort ancien du canton de Solliés-Pont, à 4 lieues


et un quart de Toulon. On à trouvé fréquemment des inscriptions qui attestent que ce lieu
existait du temps des Romains. La Gapeau arrose ce territoire et lui procure des moulins
de plusieurs espèces, des tanneries, des poteries, des papeteries et une fabrique de savon,
qui augmentent les richesses du pays. Les plantes exotiques y viennent bien. L’illustre
Peyresc, né dans ce village, y avait acclimaté les végétaux des régions les plus chaudes.
Les principales productions du territoire sont, le blé, l’huile et du vin excellent. Il y a
deux foires, le 15 janvier et le 16 août. Pop. 1,500 hab.

BELLINTO. Voyez BARBANTANE.

BELLE-AFFAIRE. Village du canton de Turriers à 8 lieues de Sisteron, divisé en


plusieurs petits hameaux. On y trouve, dans plusieurs vallons, du marbre qui ressemble à
la brocatelle d’Espagne, du poudingue, des cailloux roulés. Le sol produit du blé, de
l’avoine, du chanvre, des légumes, le climat est froid. Pop. 372 hab.

BÉNAT. Cap de la côte maritime du département du Var, près de Bormes.


BENOIT (SAINT). Village du canton d’Annot, à 12 lieues de Castellane, près du Var.
Climat tempéré; sol ingrat, aride et presque stérile; à force d’engrais et de culture, il
produit du blé et du vin. Pop. 543 hab.

BERHENÇON. Voyez BRÉGANÇON.

BÉRITINI Peuple chananéen qui habitait dans les environs de la Penne, près de
Glandèves, non loin d’Entrevaux et de la rivière du Var.

BERRE, Berra. Ville chef-lieu de canton, sur l’étang de ce nom, à 5 lieues et demie
d’Aix. Lorsque la ville d’Astramela fut détruite par les Wisigoths conduits par leur roi
Euric, c’est-à-dire vers la fin du cinquième siècle, une partie des habitans vinrent bâtir la
ville de Berre à laquelle ils donnèrent le nom de Gada-rose; ce ne fut que long-temps
après qu’elle prit le nom de Berre.

Lors des guerres de religion, Berre était reconnue comme place importante. Le duc de
Savoie, voulant se maintenir en Provence, fit tous ses efforts pour s’emparer de cette
place; il l’assiégea, et s’en rendit maître en 1591; mais, sept ans après, il fut forcé de la
rendre au duc de Guise. Il aurait été inutile d’entretenir ses fortifications, vu que, par les
nouvelles tactiques militaires, cette place ne pouvait supporter le siège d’un jour.

Cette ville est assez bien bâtie; son port est sûr et la plage est fort commode. Plusieurs
môles facilitent l’embarquement des marchandises; mais il n’y a pas de fontaine; un seul
puits fournit aux besoins de l’habitation. Le peuple y est souvent oisif, ce qui est cause
de sa grande dissipation. Il n’existe pas en Provence de pays où il y ait moins de mœurs.
Il serait dangereux pour une famille étrangère d’aller faire sa résidence dans un pareil
lieu. Aussi tout le monde fuit ce pays avec effroi, soit sous le rapport de ce relâchement
blâmable, soit sous celui de son mauvais climat. C’est bien dommage, car cette ville est
très-agréablement située, et son territoire est très-productif en grains huiles, amandes et
jardinage. Sa population est de 1,700 hab.

Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, Berre, la Fare, Rognac,
Velaux, Ventabren et Vitrolles.

L’étang de Berre, qui, dans le principe, a dû être appelé Mare Astramelœ, de la ville
d’Astramela, et non Mustramela, d’un conte que l’on fait sur une nommée Marthe, a
environ quinze lieues de tour. Il est bordé de nombre de communes qui, la plupart,
respirent un air malsain qui occasionne des fièvres intermittentes en été et en automne.
Au sud-est, l’étang est traversé par un chemin qui se trouve quelquefois entièrement
sous les eaux. Une tradition populaire attribue ce chemin à Caïus Marius qui, dit-on, le
fit construire dans une seule nuit, en présence des ennemis. On ajoute que le nom de
Cayon, que ce chemin a conservé long-temps, vient du latin Caïus. On l’appella ensuite
camin dejay, et aujourd’hui le chemin du roi. Les savans qui l’ont examiné conviennent
tous que la nature seule a contribué à sa formation. Ce chemin forme l’étang de
Marignane, auprès duquel sont les salines de Berre qui fournissent du sel jusqu’au centre
de la France. On entend aujourd’hui par étang de Berre, une division de l’ancienne Mare
Astramelœ, et la plus proche de la ville de Berre. Voyez MARTIGUES.

BÉSAUDUN, Besaudunum. Village du canton de Coursegoules, à 10 lieues de Grasse,


situé au milieu d’une colline, vis-à-vis la montagne de Chairon. Climat froid en hiver,
tempéré en été; sol peu productif en grains et en légumes, mais qui donne abondamment
des pâturages et des fruits exquis. Populat. 230 hab.

BÉSAUDUN, ou BÉZAUDUN. Petit village du canton de Barjols, à 8 lieues de


Brignoles, et d’une population de 82 hab.

BESSE. Petite ville chef-lieu de canton, à 3 lieues de Brignoles, près de la rivière de


Nissole, et touchant à un lac très-poissonneux, dont l’eau ne croupit jamais. Il n’y a
point de danger à s’y promener en bateau. C’est un plaisir qu’on s’y procure assez
souvent en été.

La ville est assez bien bâtie; elle a des rues fort larges et bien alignées; ses deux places
ont chacune une fontaine abondante. Le territoire est presque tout en plaine arrosé par la
rivière, il produit du blé, du vin de l’huile, des haricots blancs et des plantes potagères;
les ruisseaux sont remplis d’écrevisses Quoique le pays ne nourrisse pas de nombreux
troupeaux, on y fait des fromages très-estimés; il y a quelques fabriques d’eau-de-vie.
Hubert de Vins fit le de Besse, et l’emporta d’assaut dans l’année 1578. Les foires du
pays sont, le 25 août et le 21 septembre. Popul. 1,650 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, Besse, Cabasse,
Candamy, Flassans, Gonfaron et Pignans.

BÉVONS, Bedonium. Village à une lieue et demie de Sisteron son chef-lieu


d’arrondissement et de canton, près de la montagne de Lure. Territoire peu fertile;
cependant il produit du blé dont le grain est gros et pesant; les fruits et le vin y sont
excellens. Popul. 190 hab.

BEYNE. Voyez BEINE.

BIANSON. Le torrent de Seillans, réuni au ruisseau de Camandre de Fayence, au Riou


de Tourrettes, à la Camiole de Calian, et à la Font-Durane de Montauroux, forment la
rivière de Bianson qui reçoit unc partie des eaux des Maures de Calian, et va se jeter
dans la Siagne, près de la chapelle de Saint-Cassien du Thaneron et de la tour carrée, de
construction romaine, qui défendait autrefois ce défilé.

BIOT. Village du canton d’Antibes, à 5 lieues de Grasse, sur la rive de la Brague. Ce


pays est fort ancien, car on y voit encore les ruines d’un temple dédié à la chèvre d’or.
Les Sarrasins le détruisirent et menèrent tous les habitans en esclavage. Une colonie de
familles génoises vint jeter les fondemens du village actuel sur une colline qui a pour
noyau une roche principalement composée de débris de coquilles arrondis et réduits en
sable, renfermant par intervalle des glands de mer, des peignes, des cames, des vis, des
pinnes marines, des huîtres, des oursins, des tuyaux de mer et autres coquillages assez
bien conservés. Le langage du pays est le génois corrompu, qui s’altère
considérablement par le rapport que les habitans ont avec les étrangers. Le village de
Biot est renommé à cause de ses fabriques de poterie, principalement pour les jarres et
les marmites, qu’on porte par mer et par terre dans plusieurs départemens de France et
même dans le Piémont. Le climat est assez tempéré; le sol produit du blé, du vin, de la
bonne huile, des figues belles et fort estimées, et beaucoup de tabac excellent qui
donnerait un bénéfice considérable aux agriculteurs du pays, s’ils n’étaient point
contrariés et vexés par un monopole qui est un lourd fardeau qui pèse sur le peuple. Il y
a dans le tertitoire de belles argiles èt du beau marbre qui, travaillé, obtiendrait la
préférence sur ceux qu’on tire de Carrare. Pop. 1,200 hab.

BLAISE (SAINT). Ancien village dans le territoire de Piganières. Il n’en existe plus que
les vestiges.

BLASCON. Après que les premiers Marseillais eurent vaincu les Cénobringiens, et
qu’ils leur eurent ôté tous les moyens de faire la guerre, ils leur firent goûter les
avantages de la civilisation. Plusieurs peuplades se formèrent; celle de Blascon vint
s’établir dans l’île où se trouve une partie de la ville des Martigues, nom qu’elle portait
déjà, et qui paraît venir de blas-cœni, poisson du cœnus, parce qu’on y pêchait et qu’on
y pêche encore beaucoup de muges qui sont l’espèce de poisson la plus particulière de
l’ancien Cœnus.

BLAUVAC, Blauvacus. Village du canton de Mourmoiron, à 2 lieues de Carpentras. Le


climat est bon, l’air pur, le sol argileux et sablonneux; les productions sont les mêmes
qu’aux environs. On y fait ordinairement d’assez bonnes récoltes. Les grains y sont bien
nourris, et le blé pour les semences est recherché des villages voisins. Pop. 380 hab.

BLÉGIERS. Voyez BÉGIERS.

BLÉONNE, ou BLÉOUNE. Petite rivière du département des Basses-Alpes, qui prend


sa source dans un hameau nommé Prats, parcourt un espace d’environ 16 lieues, passe
par les territoires de Blégiers, Champourcin, la Javie, Mousteiret, Marcoux, Digne,
Courbon, les Sièyes, Malijai, où elle se jette dans la Durance.
Les Bodiontici occupaient les deux rives de cette rivière. On pense que le nom de ce
peuple a été corrompu, et qu’il devait tirer son nom de celui de la rivière. Voilà aussi
pourquoi plusieurs auteurs contemporains nomment ce peuple Blédiontici et Bledonici.

BLIOUX, Blivium. Village du canton de Senez, à 4 lieues de Castellane. Climat sain, sol
assez bon; le peuple y aime le vin avec excès. Les ruisseaux Ricoufreide et Chaussano
arrosent le territoire, se joignent à un autre ruisseau qui porte le nom du village même,
parce qu’il y prend sa source; tous réunis, ils vont se joindre à celui de Clumane, près de
Barrême, et forment la rivière d’Asse. Les productions de Blioux sont les mêmes qu’à
Senez. Pop. 840 hab.

BOADES, Castrum de Bogada. Ancien village séparé de Senez par le ruisseau de


Plioux. Il fut détruit par le cruel Raymond de Turenne. (Voyez LES MÉES). On n’y
trouve aujourd’hui que quelques métairies.

BODIONTICI, corruption de Blédonici, dérivé du nom de la rivière de Blédona, la


Bléonne. Les Bodiontici étaient un peuple celto-lygien qui, selon Pline, occupait les
rives de la Bléonne, et avait son chef-lieu à Digne.

BOISMAUX. Hameau dans la Camargue, et près des Saintes-Maries.

BOISSET, Boissetum. Hameau à 3 lieues d’Apt son chef-lieu de canton, sur la rive
gauche du Calavon. La plaine produit de l’huile et du vin; les collines sont assez bien
boisées; le territoire offre des schistes remplis de débris de testacées et de jolis
icthyolites; les pierres coquillières y sont très-communes; on y aperçoit aussi des
cailloux silicés et du sable micacé.

BOISSON. Voyez BUISSON.

BOLBOTON. Voyez RICHEREMCHES.

BOLLÈNE. Ville chef-lieu de canton, à 4 l. d’Orange, non loin du pont Saint-Esprit. Le


territoire, fertile, est arrosé par le Lez, qui baigne les murs de la ville. On y recueille du
blé, du vin, du jardinage, de l’huile et autres fruits exquis. Pop. 4,680 hab. Les foires du
pays sont, les 2 janvier, 2 février, 25 mars, 6 avril, 13 août, 8 septembre, 11 novembre, 8
décembre et 21 décembre.

Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Bollène, la Garde, Paréol, la
Motte, la Palud, Mondragon, Mornas, et Sainte-Cécile.

BOMPAS. Hameau du canton de Cavaillon, à 2 l. et demie d’Avignon, bien près du pont


de la Durance. Les productions sont les mêmes que celles des villages voisins.

BONDE. Belle source et étang très-poissonneux, d’une lieue et un quart de tour, au midi
du village de la Motte-d’Aigues, près de Pertuis.

BONNIEU. Cap de la côte maritime du département des Bouches-du-Rhône, au midi


des Martigues.

BONIEUX, ou BONNIEUX. Petite ville chef-lieu de canton, à 3 lieues d’Apt, située sur
le penchant de la montagne du Léberon, visant au Nord. L’ancien lieu était autrefois bâti
en hémicycle au pied de la même montagne; on le nommait BITONNE. Mais, dans le
treizième siècle, du temps des guerres des Albigeois, les habitans, fatigués des troubles
qu’ils éprouvaient, furent bien aise de se mettre en mesure de défense pour l’avenir; ils
abandonnèrent leurs demeures pour aller en construire de nouvelles sur la hauteur, et
sous la protection d’un vieux château bien fortifié. Ils s’entourèrent de bonnes murailles
flanquées de tours; on ne pouvait entrer dans cette enceinte que par deux portes garnies
chacune d’une herse et d’une avant-porte qui en défendaient l’approche. Deux faubourgs
s’établirent ensuite hors la ville et du côté du nord. Le nom de cette ville dérive du joli
point de vue qu’elle offre et qui est assez étendu.

A environ une lieue de Bonieux, et du coté de l’est, on voit sur le Caulon ou Calavon un
beau pont à trois arches qui fut construit par les troupes de Jules-César. Il est encore en
bon état, et porte le nom de Pont Julien. Les Romains construisirent en outre le chemin
Roumieu, qu’on voit encore sur le bord de la rivière et sur une longueur de quatre lieues.

On prétend qu’il y a une mine d’or sur la montagne au midi de la ville. Le peuple prend
souvent des pyrites pour de l’or, ou du moins pour du minerai. Cette montagne, ou plutôt
le vallon de Valmasque, qui se trouve à l’ouest, nous rappelle un fameux combat qui s’y
livra entre les catholiques et les huguenots. Le climat de Bonieux est doux; les
productions sont à peu près les mêmes qu’à Apt; il y a une foire le 17 janvier. La
population est de 2,570 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Bonieux, Buoux, la Costes,
Ménerbes, Opède et Sivergue.

BORMANI. Voyez BORMES.

BORMES, Borma ou Bormium. Bourg du canton de Collobrières, à 9 lieues de Toulon,


sur le penchant d’une colline, à une petite distance de la mer. Son nom annonce assez
que les Borman, peuple celto-lygien, habitaient dans la contrée; mais rien ne prouve que
le chef-lieu fût à Bormes. Je suis fondé à croire que leur mallus était au même endroit où
se trouve la ville de Solliés, position à portée d’Olbia qui était le port de ce peuple d’où
l’on tirait du poisson en abondance. D’ailleurs, c’était là à-peu-près le centre du pays
que ce peuple occupait, c’est-à-dire de la vallée du Gapeau, tandis que le lieu où se
trouve le village de Bormes en aurait été tout-à-fait à l’extrémité.

L’histoire rapporte qu’en 1482, saint François de Paule, appelé en France par Louis XI,
aborda à Bormes, et trouva le pays désolé par une peste des plus désastreuses; que ce
saint, pour récompenser la charité qu’il reçut des habitans, obtint du ciel la guérison des
malades; et que, depuis cette époque, ce bourg n’a plus été attaqué de ce fléau, lors
même que la contagion infestait les pays voisins, ce qui est souvent arrivé.

Les jardins de Bormes offrent les mêmes productions que ceux d’Hyères; le clmat est
assez sain, les collines très-fertiles; on y recueille du blé et de belles châtaignes qu’on
embarque pour Marseille. Au bas de la plaine est le hameau de Lavandou, où l’on a
établi une pêcherie. Les Catalans y venaient à la pêche du corail. Le territoire offre du
talc savonneux argenté, des terres ferrugineuses connues dans le commerce sous le nom
de crayons sanguins, des terres bolaires, du poudingue assez compacte, et des forêts de
pins. Populat. 1,500 hab. Foire, le dimanche de Quasimodo.

BOUC, Castrum de Bucco. Village du canton de Gardanne, à 2 lieues d’Aix, et perché


sur un rocher. D’une ancienne forteresse qui se trouvait au lieu même du vieux château
portait le nom de nobile fortalitium aquense, ce qui annoncerait que ce village a été un
faubourg ou une dépendance de la ville d’Aix. Les habitans, renfermés dans cette
forteresse, repoussèrent vivement les attaques des ligueurs commandés par de Vins. Le
village de Bouc, depuis 1767, est nommé ALBERTAS, ou plutôt, par suite de
l’entêtement des Provençaux, ce village est nommé indifféremment Bouc ou Albertas.
Le climat est sain, le sol fertile; on y recueille peu d’huile, mais elle est excellente; peu
de blé, et beaucoup de vin propre à être embarqué. Pop. 1,400 hab.

BOUC. Voyez TOUR-DE-BOUC.

BOULBON, anciennement BOURBON, Bulbo, autre-fois Castrum de Bulbano. Village


du canton de ChâteauRenard, à 5 lieues d’Arles, sur la rive gauche du Rhône, et au pied
d’un coteau en face du confluent du Gardon. Climat sain. Le fleuve inonde tous les ans
une partie de la plaine et la rend très-fertile, principalement en blé. Pop. 1,00 hab.

BOURGUET (LE), autrefois BAGARRIS. Village du canton de Comps, à 6 lieues et


demie de Draguignan. Le village de Bagarris se trouvait sur une hauteur. Les guerres de
religion furent la cause de sa destruction et de l’établissement du nouveau lieu dans la
plaine. Climat froid; sol de médiocre qualité et marneux, offrant du silex; il produit
beaucoup de prunes. Le Jabron et le ruisseau de Boubion arrosent quelques terres. Pop.
200 hab.

BOURGUET, ou BOURGET. Village du canton de Reillanne, à 2 lieues et trois quarts


de Forcalquier. Productions, les mêmes qu’aux environs. On y élève beaucoup de
pourceaux Pop. 55 hab.

BOURRÈLY. Château fort curieux dans son intérieur, dans un site fort gracieux, sur le
bord de la mer, à une lieue et demie de Marseille.

BOUYON, ou BOYON, Boyo. Village du canton de Coursegoules, à 11 lieues de


Grasse. Climat froid; territoire baigné par l’Estéron et par le ruisseau de Boyon, la
principale récolte est celle de l’huile d’olive, peu de blé et peu de vin. Pop. 550 hab.

BRANTES, Brantelœ. Village du canton de Malaucène, à 9 lieues d’Orange. Climat


froid à cause des montagnes qui l’entourent et qui sont couvertes de neiges pendant
l’hiver. Le sol est fertile en blé, légumes et pommes de terre. On trouve dans le territoire
des mines de houille qu’on pourrait utiliser. Populat. 495 hab.
BRAS, Brachium. Village du canton de Barjols, à 4 lieues de Brignoles, sur la rivière
d ’ A rgens, qui sépare le territoire de ceux de Seillon et de Saint-Estève. Dans la
campagne de Bras se trouve un lac dont les eaux sont très-profondes; elles devinrent
rougeâtres, lors du fameux tremblement de terre de Lisbonne. Le peuple a cru long-
temps que si l’on manquait, le jour de la Saint-Marc, de venir processionnellement
autour de ce lac, il en sortirait des flammes qui réduiraient tout le village en cendres;
bien plus, ce peuple s’imaginait entendre, le jour de la Magdeleine, la voix plaintive et
lamentable de plusieurs personnes qui y furent abîmées lorsque ce creux se forma. Le
terroir est argileux et d’une bonne qualité; il produit du blé et du vin. Pop. 1,320 hab.
Les foires, sont, le 3 août et le 26 décembre.

BRAS-D’ASSE, Bras vallis Assice. Village du canton de Mézel, à 7 lieues de Digne, sur
la rive droite de l’Asse, et sur une hauteur près du torrent appelé Vallon des Cardeurs.
Ces deux rivières sont redoutables lors de leurs crues, et elles causent un dégât
considérable dans les terres. On passe ordinairement l’Asse sur les épaules des paysans
qui travaillent dans la plaine; un étranger ne s’exposerait pas seul dans une rivière qui lui
offre du péril par l’inégalité de son lit. Le climat est doux et sain; les productions sont,
les prunes, les légumes, le chanvre, le vin, les pommes de terre et de la bonne huile. Pop.
399 hab.

BRAUX, ou BREAUX, Branchium. Village du canton d’Annot, à 12 lieues de


Castellane. Climat et productions, les mêmes qu’à Annot. Pop. 460 hab.

BRÉGANÇON, ou BERGANÇON. Petite île avec un château, séparée par un canal


étroit d’une pointe du continent, en face de Port-Cros, l’une des îles d’Hyères. C’est
dans l’île de Brégançon que se trouvait Pergantium, qui, selon Etienne de Byzance, était
une des villes celto-lyguriennes voisines de celle d’Olbia.

BRÉNON, Brenonum. Village du canton de Comps, à 8 lieues de Draguignan, sur


l’Artuby et le Jabron, adossé à la montagne de Clare, du sommet de laquelle on aperçoit
au soleil levant la flèche du clocher de Fréjus, quoique cette ville en soit éloignée de 10
lieues en ligne droite. Pop. 115 hab.

Le climat est tempéré en été, mais très-froid en hiver, parce que le soleil n’y darde ses
rayons que pendant quatre heures de la journée; le sol est marneux; la marne du pays est
appelée roubine, et ne bonifie pas le terrain. Cependant on y recueille beaucoup de
fruits. Il y a dans le territoire de la craie, du charbon de terre et des coquillages fossiles.

BRÉOULLE (LA), Bredula. Village du canton du Lauzet, à 8 lieues de Barcelonnette,


près du confluent de l’Ubaye, et divise en plusieurs parties presque toutes sur le même
alignement. Climat sain et froid en hiver, à cause du vent du nord qui fait qu il y pleut
rarement; aussi on n’y récolte d’autre fourrage que le sainfoin. Une grande partie des
collines ne produisent rien; cependant il y en a qui, vers le haut, ont des hêtres, des pins
et des mélèzes; et vers le bas, quelques noisetiers et quelques vignes. Là se trouvent les
ruines d’un ancien couvent de templiers. La montagne du Col la cime est toute brillante
du côté du nord, à cause de la grande quantité de pyrites qui réfléchissent les rayons du
soleil. Elles sont des indices certains que la terre renferme des mines de charbon de
terre; on croit qu’il s’y trouve aussi de l’ardoise.

L’ancien village se trouvait sur une colline assez élevée, près de la Durance, et que l’on
nomme le Château; on y voit encore des vestiges de ses fortifications.

Le duc d’Épernon assiégea opiniâtrement cette place défendue par un brave du pays,
qui, à cause de sa valeur, fut surnommé La Bréoulle. Le chemin qui du village conduit
en Dauphiné, est tracé, à travers des rochers, dans une longueur d’environ deux cents
mètres Ce lieu a ouvert un passage très-dangereux jusqu’en 1755, époque à laquelle
l’administration y fit construire un parapet. Il fixe l’attention sous le double rapport de
la singularité du site et de la hardiesse des travaux. Pop. 948 hab.

BRIANÇONNET, Castrum Briansoni. Village du canton de Saint-Auban, sur l’Estéron,


à 12 lieues de Grasse. Ce lieu est fort ancien; c’est le Brigantium des Romains, position
autrefois considérable, dont il ne reste d’autres traces que plusieurs inscriptions que
Millin n’a pas vues. Cet antiquaire a visité la Provence; mais il a souvent négligé de
visiter la contrée difficile. Le pays du Briançonnet lui aurait offert, chez les habitans,
des médailles d’or et d’argent qu’on trouve journellement en cultivant la terre; et dans
l’habitatıon, des inscriptions sans nombre qui offrent le plus grand intérêt aux amateurs
d’archéologie.

Le village actuel est entouré de belles prairies qui servent à la nourriture de plusieurs
troupeaux. Le territoire offre beaucoup de pyrites que certains minéralogistes peu
instruits prirent pour du cuivre; ils induisirent en erreur plusieurs crédules qui
dépensèrent beaucoup d’argent pour faire creuser dans la terre, croyant trouver une mine
abondante de ce métal. Pop. 530 hab.

BRIGANTIUM. Voyez BRIANÇONNET.

BRIGANÇON. Voyez BRÉGANÇON.

BRIGNOLES, Brinonia, de deux mots celtiques, brin, prune, et on, bonne, dont on a fait
le mot latin Brinonia. Ville chef-lieu d’arrondissement du département du Var, avec
tribunal de première instance, tribunal de commerce, à 227 lieues de Paris.

La ville de Brignoles n’existait pas du temps des Celto-Lygiens, quoiqu’une partie de


son territoire et toute la contrée fussent occupés par des Suelteri qui avaient Antéa pour
capitale. La plaine de Brignoles n’était alors qu’un marais causé par la Caramie, rivière
dont le lit, non resserré, changeait souvent de place. Ce marais rendait le territoire
malsain et presque inhabitable à un peuple qui, ne vivant que de chasse, était obligé de
parcourir chaque jour la campagne, et de coucher en plein air dans toutes les saisons.
Les premiers Romains ne jugèrent pas convenable d’y établir une bourgade. Cependant
plusieurs familles étrangères vinrent y défricher des terres, et se construisirent quelques
maisons de campagne sur une hauteur, hors de l’atteinte des inondations. Ce
commencement d’habitation s’accrut considérablement, lors de la destruction de
Matavo ou Matavonium, qui se trouvait dans la plaine de Cabasse. C’est sans doute ce
qui a fait croire à plusieurs historiens que Brignoles était le Matavo des anciens,
quoique le pays n’offrît aucun vestige qui pût les autoriser à le croire.

Dans le sixième siècle, Brignoles était déjà une ville assez importante, et sa population
allait toujours croissant. La ville ne pouvant contenir tout le monde, on fut forcé de
construire un grand nombre de hameaux et de faubourgs. Parmi ces derniers, nous
citerons ceux de Saint-Jean, de Saint-Martin, de Saint-Pierre, de Saint-Simian et de
Brignolette, comme étant les plus populeux. Mais, pendant les guerres intestines, ces
faubourgs furent forcément abandonnés par les habitans. lls se réfugièrent sur une
éminence, autour du palais des anciens comtes de Provence. Ce fut là qu’ils bâtirent la
ville actuelle; ils l’entourèrent de murs et contre-murs flanqués de tours et de bastions;
ils y creusèrent de larges fossés principalement dans la partie en plaine, ce qui la rendit
forte et imposante aux chefs des différens partis qui désolèrent la province. Les Tuchins
ainsi que Raymond de Turenne firent de vains efforts pour s’en emparer. C’est alors que
ce dernier, homme bouillant et emporté, assouvit sa rage sur le village de Camps.

L’heureuse situation de la ville de Brignoles, la bonté de son climat devenu sain par les
travaux des hommes, la beauté de ses promenades et la fertilité de son terroir,
engagèrent les souverains de la Provence à venir y passer la belle saison de chaque
année. Les comtesses ne manquaient jamais d’y venir faire leurs couches, et d’y passer
leurs convalescences. Nombre de familles de distinction y fixèrent leur domicile, et
Brignoles devint la seconde capitale de la Provence. La noblesse ne manqua pas de
s’emparer de l’autorité dans la ville, ce qui ne lui fut pas difficile chez un peuple qui
préférait obéir à la folle vanité de commander. Mais comme les nobles établirent une
sorte de gouvernement aristocratique qui lésait les intérêts du souverain ainsi que ceux
du peuple, Bérenger IV s’empara par finesse du consulat, et tint pendant un siècle la
ville sous l’oppression. Les habitans parvinrent à secouer le joug despotique de leurs
administrateurs, et laissèrent de nouveau le pouvoir à la noblesse oisive, qui vexa
tellement le peuple par les abus les plus révoltans, que celui-ci se ligua et exclut à son
tour ses oppresseurs et du consulat et du conseil. Mais, peu de temps après, le peuple,
naturellement bon, pleinement persuadé du regret et du repentir des nobles, leur
pardonna et leur confia de nouveau toutes les charges municipales auxquelles ils
tenaient par vanité plutôt que par intérêt.

Saint Louis, évêque de Toulouse, fils de Charles II et de Marie de Hongrie, naquit à


Brignoles en 1274, et y mourut en 1297. Ses restes furent portés à Marseille où ils furent
visités par plusieurs princes étrangers. Mais une flotte espagnole, revenant d’Italie,
surprit cette ville, s’empara des reliques du saint évêque, et les emporta en Espagne où
elles sont encore. Je suis étonné que les habitans de Brignoles, bons religieux et ayant
une grande vénération pour ce saint leur compatriote, n’aient pas profité du moment où
les armées françaises étaient en Espagne, pour réclamer ces précieuses reliques. Il est
hors de doute qu’ils ne les eussent obtenues sans difficulté.

Le connétable de Bourbon, par suite d’une brouillerie avec le roi de France, se mit à la
tête d’une armée autrichienne, et se rendit maître de la ville de Brignoles. La ville et les
faubourgs ne purent tenir un seul jour contre la valeur de ce grand capitaine, tant il est
vrai qu’il n’est point de place assez forte pour résister à la valeur d’un général français.
Mais, onze ans après, Brignoles résista vigoureusement à l’empereur Charles-Quint qui
croyait que sa seule présence ferait tomber les murailles et les bastions. Forcé de battre
en retraite, il fut poursuivi par une centaine de jeunes gens du pays qui, sans expérience
dans l’art militaire, tombèrent dans une embuscade, et furent enveloppés par toute
l’armée impériale. Après avoir tenté plusieurs fois inutilement de se faire jour à travers
les rangs ennemis, et avoir jonché le sol de cadavres, harassés de fatigue, et ne pouvant
résister au nombre, ils se rendirent prisonniers.

L’empereur, fier d’un événement qui venait de mettre entre ses mains les enfans des
principaux notables du pays, retourna sur Brignoles, et fit précéder ses troupes par les
prisonniers liés ensemble. Les assiégés, craignant de donner la mort à leurs propres
enfans, ne brûlèrent pas une amorce; au contraire, ils ouvrirent les portes aux Impériaux.
Charles-Quint entra dans la ville en triomphateur, et la livra au pillage.

Après ce trait de cruauté, il voulut, à l’imitation des conquérans romains, bâtir une ville
qui rappelât le souvenir de cet exploit. Mais, présumant qu’on ne lui donnerait peut-être
pas le temps d’en creuser les fondemens, il se contenta de donner le nom de Nicopolis à
la ville existante, nom qu’elle conserva une vingtaine de jours, c’est-à-dire tout le temps
qu’elle fut occupée par les troupes allemandes.

Lors des guerres de la ligue, qui mirent toute la France en combustion, le duc d’Épernon
fut envoyé en Provence en qualité de gouverneur. Il soutint de son mieux l’autorité
royale; mais l’abus qu’il fit de son autorité lui attira de puissans ennemis. Il ne trouva de
tranquillité qu’à Brignoles, où il établit sa résidence. La crainte d’y être troublé fit qu’il
s’y fortifia de son mieux; il y fit même construire une citadelle assez importante, qu’il
fit détruire jusqu’aux fondemens, lorsqu’il reçut la nouvelle de sa disgrâce et l’ordre de
quitter le pays.
Le baron de Vins, ayant une offense particulière à venger sur cette ville, vint l’assiéger;
mais il éprouva une vigoureuse résistance. Feignant de renoncer à cette entreprise, il fut
se cacher dans une forêt du territoire de Bras. Les habitans de Brignoles, croyant être
délivrés entièrement de leurs ennemis, se livrèrent à la joie et à la débauche. La nuit,
tous les hommes, fatigués par la danse et par la boisson, s’abandonnèrent au sommeil.
Mais le lendemain, 1er janvier, avant le lever du jour, de Vins vint leur souhaiter la
bonne année. Les dormeurs furent éveillés par les cris des mourans qui tombaient sous
les coups des soldats de Vins, et par ceux des femmes qui se désespéraient de voir
saccager leurs maisons.
Pendant les guerres du Semestre, Brignoles donna des marques non équivoques de sa
fidélité au roi. Elle contribua beaucoup à la victoire remportée par le régiment Saint-
André, le 15 juin 1649, sur les parlementaires, dans la plaine du Val. Elle indiqua, en
1746, aux troupes françaises qui venaient à marche forcée pour secourir Toulon, des
chemins raccourcis à travers les montagnes qui séparent les deux villes; elle donna aussi
des avis salutaires au maréchal de Belle-Isle, campé au Puget-les-Toulon, et, par ses avis
et son secours, les troupes du duc de Savoie furent refoulées jusqu’en-delà de la
frontière.

Les habitans de Brignoles, au nombre d’environ 6,000, ont des mœurs, de la religion et
de la probité; ils sont fidèles et très-dévoués à leur patrie; ils sont polis et très-affables
envers les étrangers On ne trouve point parmi eux cette tourbe disparate qui fait à tort
déprécier les gens de certaines villes. Le peuple se modèle aux personnes honnêtes, et le
riche ne dédaigne pas de sourire aux malheureux, en supposant que le pays en offre.

La grande rue de Brignoles est belle. Deux places offrent des fontaines élégantes. Les
dehors de la ville sont agréables, mais entièrement dégarnis d’arbres. La cime des
hauteurs qui l’environnent, est également nue, ce qui est cause sans doute que les vents
enlèvent presque toujours la récolte des prunes si estimées dans le midi et dans le nord
de l’Europe.

Brignoles a également perdu la fabrication du savon par le manquement d’oliviers du


territoire, et celle de la faïence, à cause de la rareté des matières combustibles, ignorant
qu’au bas de la montagne de Canderon se trouvait une abondante mine de charbon de
terre. Mais elle a conservé plusieurs autres genres de fabrication qu’elle soutient avec
persévérance et succès, par le caractère industriel des habitans, par leur fidélité dans la
confection des marchandises, et par le petit bénéfice dont ils savent se contenter. C’est
ainsi que Brignoles a une papeterie, des tanneries, des ciergeries, des distilleries d’eau-
de-vie et des filatures pour la soie; elle pourrait avoir des verreries et des marbreries, si
l’on daignait exploiter les mines de Canderon qui sont presque toutes d’un accès facile,
ou du moins qu’on pourrait rendre telles, à peu de frais.

Le territoire de Brignoles, très-bien cultivé, donne principalement du blé, du vin, du


foin, du jardinage et des légumes; on y trouve quelques mûriers, et l’on pourrait en
augmenter considérablement le nombre, ne fut-ce qu’en ombrageant la grande route qui
longe tout le territoire qui a plus de 2 lieues de longueur. Le pays a quatre foires dans
l’année, savoir: le samedi de Passion, le mardi avant la Pentecôte, le 18 août et le 11
novembre.
Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, Brignoles, Camps, la
Celle, Tourvés, le Val et Vins.

BRILLANE ( LA ), Briniana. Village du canton de Peyruis, à 3 lieues de Forcalquier,


sur la rive droite de la Durance que l’on passe sur un bac. Climat sain. Les productions
sont, le vin, le blé, les légumes et le gros sain foin introduit depuis peu, et qui, en outre
des doubles récoltes qu’il donne, bonnifie les plus mauvais terrains. Pop. 245 hab.

BROC ( LE ), Castrum de Braco. Village du canton de Vence, à 9 lieues de Grasse, sur


la rive droite du Var. Pays fort ancien que les Romains ont long-temps habité, à en juger
par les inscriptions, les médailles et les tombeaux qu’on y a trouvés. Climat tempéré en
été et froid en hiver. Les productions sont, le blé, les légumes, les figues et l’huile. Une
partie de la plaine est arrosée par un ruisseau qui vient de Bézaudun. La foire est le 17
janvier. Pop. 800 hab.

BR0VÈS, Brova. Village du canton de Comps, à 6 lieues de Draguignan, dans la


montagne. Climat sain. Le pays produit du blé. Pop. 250 hab.

BLUE, Brua. Village du canton de Barjols, à 5 l. de Brignoles. M. Ie marquis Roux-de-


Corse acheta cette terre et fit reconstruire le village; quatre îles de maisons, tirées au
cordeau, forment trois belles rues; celle du milieu, beaucoup plus large que les deux
autres, est garnie de beaux arbres qui en font un fort joli cours. Des manufactures y
furent établies, et plusieurs familles s’y fixèrent. Il est fâcheux que des circonstances
malheureuses aient changé la face du pays. Les fabriques ne sont plus qu’un tas de
décombres, et la plupart des maisons sont inhabitées. On n’y compte plus que 330 hab.

BRUNET, Castrum de Bruneto. Village du canton de Valensole, à 10 lieues de Digne,


sur la rive gauche de l’Asse. Climat froid, à cause de son exposition aux vents du nord.
Le sol produit du blé, des grains, des amandes, beaucoup de fruits, principalement des
prunes, des poires et des pêches. Pop. 530 hab.

BRUSQUET ( LE ). Village du canton de la Javie, à 3 lieues de Digne. Il est bâti au


même emplacement où se trouvait autrefois le bourg de la Lauzière, Castrum de
Lauzeria, qui, dit-on, fut détruit pendant les guerres intestines. Le territoire offre
beaucoup d’arbres fruitiers qui produisent considérablement; on y fait beaucoup de
prunes-Brignoles qu’on expédie dans les villes de commerce. Pop. 615 hab.

BUECH. Petite rivière qui prend sa source dans les montagnes de la Croix-Haute en
Dauphiné, d’où, après un cours de 13 lieues, elle se rend dans la Durance, près des murs
de Sisteron.

BUISSON, Boissonum. Village du canton de Vaison, à 5 lieues d’Orange, sur la rive


gauche de l’Aigues. Terrain fertile, s’il n’était pas négligé; les collines présentent
beaucoup d’ostracites. Pop. 395 hab.

BUOUX, Buolis. Village du canton de Bonieux, à une lieue et demie d’Apt. Pendant les
guerres de religion, il fut le théâtre de quelques exploits militaires; mais son fort finit
par être détruit. Climat doux et tempéré; sol de médiocre qualité; encore est-il dégradé
par plusieurs torrens; cependant il produit du seigle, du froment, des noix, des amandes,
du raisin et des fruits exquis. Les pâturages y sont abondans, et les laitages y sont
meilleurs que dans le voisinage. Pop. 240 hab.

C
CABANES, Cabanœ. Village du canton d’Orgon, à 7 lieues et demie d’Arles, sur la rive
gauche de la Durance. On dit que des bergers construisirent là quelques cabanes qui
servirent bientôt de gîte aux voyageurs qui d’Avignon allaient à Tarascon. Ces cabanes
se multiplièrent; plusieurs familles d’artisans y accoururent et s’y établirent pour y
exercer leurs métiers. Les simples cabanes furent converties en maisons, et un petit lieu
de repos est devenu un assez joli village. Le climat est sain; le sol est fertile en grains et
en mûriers; aussi dans le pays on élève beaucoup des vers à soie. Foire, le 22 juillet.
Pop. 1, 350 hab.

CABAROS. Voyez TITAN, une des îles d’Hyères.

CABASSE. Village du canton de Besse, à 3 lieues de Brignoles, sur la Nissole. Ce lieu


est le Matavo ou Matavonium des anciens, position celto-lygienne, et station romaine se
trouvant sur la voie aurélienne qui de Fréjus allait à Aix.

Plusieurs auteurs, qui ont écrit sur la Prorence sans l’avoir suffisamment explorée,
placent Matavo, les uns à Brignoles, les autres à Vins et même à Cotignac, quoique ce
dernier lieu fût extrêmement éloigne de la voie aurelienne. Comme une erreur entraîne
toujours à une autre, la fausse position de Matavo en fit donner une inexacte au Forum
Voconii, qui a été placé, tantôt à Gonfaron, tantôt au Luc, et, en dernier lieu, au Cannet
du Luc.

Papon a reconnu par lui-même que Matavo était réellement à Cabasse; mais il n’a pas
pris la peine de s’assurer de l’endroit où devait se trouver le Forum Voconii. Il vit bien
qu’il y avait erreur, ou chez les historiens de la Provence qui l’avaient précédé, ou dans
l’itinéraire romain qui donnait les distances. Pour corriger cette erreur, il dit qu’au lieu
de XII milles de distance entre Matavo et Forum Voconii, ainsi marqués dans
l’itinéraire, il fallait lire VII. Ce moyen est unique pour trancher une pareille difficulté
Cest tout comme s’il eût dit que le C, chiffre qui signifie toujours cent, doit, dans le
besoin, être pris pour L, autre chiffre qui désigne le nombre cinquante. Si Papon se fût
transporté lui-même sur tous les lieux, et qu’il eût pris la peine de chercher les véritables
positions, il n’eût pas manqué de reconnaître que le Forum Voconli ne pouvait être au
Cannet, à cause d’un grand circuit qu’on aurait été obligé de faire pour éviter une
direction impraticable, mais bien à Taradeau, naguère Taradel, corruption de Taladel,
distant de Cabasse de XII milles, en passant par le Thoronet et le pont d’Argens, près du
hameau de Sainte-Marie. Il aurait eu pour seconde preuve la plaine des Arcs et de
Vidauban, où il est dit que les armées de Lépidus et d’Antoine campèrent sur les rives
de l’Argens près du Forum Voconii, il aurait vu que la route de Forum Julii à Matavo
était tout-à-fait directe, et qu’il existait, entre ces deux derniers lieux, la distance exacte
marquée dans l’itinéraire; et alors, non seulement Papon eut relevé les erreurs des
écrivains qui l’avaient précédé, mais il eût évité d’en commettre lui-même, ne fût-ce
que celle de dire que la route de Forum Julii (Fréjus) à Reiis Apollinaris (Riez) passait
par Forum Voconii, Antéa, etc.

L’estimable auteur de l’Annuaire du département du Var, à qui je suis redevable de


plusieurs renseignemens précieux, fait mention d’une pierre milliaire, divisée en deux
pièces, qui se trouve dans le cimetière joignant l’église de Cabasse, et dont voici la
copie exacte:

IMP. CAES
FE. VAL. CONS
TAXTINO
P. F. AVG.
DIVI. MAXI
MIANI AVG.

NEPOTI.
DIVI. CONS
TANTI. AVG.
PII.
FILIO
XXXIV

On doit la lire ainsi: Imperatori cœsari, Flavio Valerio Constantino, pio, felici, Augusto,
divi Maximiani Augusti nepoti, divi Constantini pii filio, triginti quatuor. Ou bien: A
l’empereur César-Flavius - Valérius Constantinus, pieux, heureux, Auguste, petit-fils du
divin Maximianus Auguste, fils du divin Constantinus, trente-quatre. ”

Ce nombre trente-quatre indique la distance de Fréjus au lieu de la route près de


Cabasse où ce milliaire fut planté. M. R… s’est aperçu et a convenu lui-même, que la
distance marquée sur ce milliaire n’était pas aussi forte que celle qu’il y a réellement de
Fréjus à Cabasse, en passant par le Cannet.

La grande confiance que ce judicieux contemporain avait à Honoré Bouche et à Papon,


qui placent le Forum Voconii au Cannet, ou plutôt ses grandes occupations
administratives, ont été cause, sans doute, qu’il ne songea pas, à rectifier une erreur qui
lui paraissait sensible. En suivant une ligne droite de Cabasse à Fréjus, les douze milles
de distance l’auraient conduit même à l’ancien Taladel, où le nom du lieu ainsi que les
vestiges de constructions romaines, lui auraient attesté la position du Forum Voconii,
que j’ai eu la satisfaction d’y découvrir moi-même.
Ce qui avait contribué à faire placer Matavo à Brignoles, fut un monument qu’on
découvrit en cette ville en 1526, monument qu’on n’érigeait jamais que dans les villes
de premier ordre et dans les chefs-lieux d’une contrée. Je veux parler du fameux
Lectisterne, Sorte de lit de marbre, que Peyresc fît transporter à Aix sur un chariot fait
exprès. Cette trouvaille ne prouve rien. Si Peyresc put faire traîner, à douze lieues loin,
un pareil monument, pourquoi un autre, avant lui, n’aurait-il pas pu le faire transporter
de Cabasse à Brignoles, qui n’en est qu’à trois lieues. De tous les temps, on s’est plu à
dépouiller un lieu de ses plus beaux ornemens pour en enrichir un autre. Heureusement
Cabasse a conservé nombre de preuves de son ancienneté. On trouve fréquemment dans
le territoire des pierres d’inscriptions assez curieuses. La principale est celle-ci.

PRO. SALVTE
C. CAESARIS. GERMAN.
F. GERMANIC AVGUST.
PAGVS MATAVONCVS.

On s’apercevra que cette inscription n’est pas conforme aux différentes copies qu’en ont
donné les historiens modernes, qui la tenaient, presque tous, de gens peu capables de
copier exactement les pièces d’archéologie; aussi elle change tout le sens qu’on a voulu
lui donner. Cette inscription doit être lue ainsi: Pagus Matavonicus Germanico Augusto,
pro salute Caii Cœsaris Germanici filii. Et en français: Les habitans de Matavonium à
Germanicus Auguste, pour la santé de Caïus-César Germanicus, son fils.

En voici encore une toute défigurée par Honoré Bouche, qui assure n’exister plus de son
temps, et que l’on trouve cependant encore dans le petit cimetière susdit, et appliquée au
mur d’une sorte de monoptère joint au chœur de l’église, qui est lui-même un
monument fort ancien.

D. M.

CORNELIA. Q. FIL. PIA. SIBI. ET. G. ADRETICIO VICTO


RI. VOLT. MARITO. OPTIMO. ET. MERENTISSIMO. ET. G.
ADRETIClO. FIRMINO. FIL. ET. SEXT. ADRETICIO. IN
SEQVENTI. FIL. ET. T. ADRETICIO. VINDICI, FIL. ET. G. AD
RETICIO. GRATO. NEPOTI. DEFVNCTO. ANN. XVI.
ET. G. ADRETICIO. PIO. NEPOTI. ET. ADRETICLÆ. PIE. NE.
POTI. ET. TITO. ADRETICIO. AVITO. NEPOTI. ET. VIC
TIMARIÆ IVNÆ NVRV! MERENTISSIAE.

V. F.

Cette inscription a été traduite par l’auteur de l’Annuaire de cette manière: Cornélia,
fille de Quintus, a fait vœu d’élever ce monument de sa pitié, à elle “ même, à Caïus-
Adretitius Victor, de la tribu Voltinia, son excellent époux, qui a bien mérité d’elle, à
Caïus-Adretitius Firminins son fils, à Sextius-Adretitius Vindex son autre fils, à Caïus-
Adretitius Gratus son petit-fils, qui est mort âgé de seize ans, à Caïus-Adretitius Pius
son autre petit-fils, à Adretitia Pia sa petite-fille, à Titus-Adretitius Avitus, aussi son
petit-fils, et à Victamaria Junia sa bru très-méritante.

On découvre de temps à autre, dans le territoire de Cabasse, des tombeaux, des


médailles de plusieurs règnes, des traces de plusieurs édifices importans.

On distingue encore un monument antique, connu par le vulgaire sous le nom de


Maison des fées, qui ne sert aujourd’hui que de retraite aux oiseaux de proie.

Une bâtisse bien conservée forme la façade d’une ancienne maison de cinq étages qui
cache une grotte spacieuse que la nature forma dans le roc d’une montagne. On y voit
encore dans l’intérieur une sorte de four à cuire le pain; ce qui confirme la tradition, qui
veut que ces ruines et ces cavités aient servi de lieu de refuge aux habitans de la contrée,
pendant les incursions des Sarrasins, et lors des troubles des guerres civiles qui
désolèrent la province.

La masse de rocher où se trouve la grotte, dont nous venons de parler, est de nature
calcaire; elle a des voussures d’une infinité d’espèces hardiment profilées par la nature;
une multitude d’arbustes s’élèvent des fentes de cette roche, et y croissent avec facilité,
parce que le bûcheron ni le berger ne peuvent guère les atteindre pour les mutiler.

Au fond de la plaine de Cabasse, sur la route du Thoronet, et près de la chapelle de


Saint-Loup, sont les ruines d’un château bâti par les Sarrasins, qui, après avoir détruit
Matavo, se plurent à venir habiter l’entrée d’une petite vallée romantique qui conduit les
eaux de la Nissole dans l’Argens, près de Carcès. Cette vallée offre de grandes horreurs,
du pittoresque, du gai, du gracieux, et en même temps du magnifique et du curieux;
toute la description que je pourrais en faire laisserait beaucoup à désirer. Un habile
dessinateur pourrait y exercer long-temps ses crayons; un botaniste y ferait une
abondante moisson; un géologue y trouverait de quoi satisfaire son goût; toute personne,
même les moins initiées à la science, ne peuvent parcourir ce lieu sans être pénétrées
d’admiration. Les Maures africains firent leurs plus chères délices de se promener
journellement sur les prairies naturelles, souvent émaillées de fleurs, qui se trouvent sur
les deux rives de la Nissole et de la Caramie, à l’endroit où elles confondent leurs eaux.

Le climat de Cabasse est assez sain, quoique les brouillards que la Nissole lui procure
rendent le lieu humide. Le sol produit du bon blé, de l’huile, du jardinage et beaucoup
de foin; aussi on élève dans le pays beaucoup de bêtes à laine; des vaches suisses
paraissent y être bien acclimatées; elles y donnent une grande quantité de lait; les
fromages du pays sont si gras, qu’ils peuvent être comparés à ceux du Mont-d’Or. Les
forêts du territoire n’offrent proprement que des chênes blancs et des chênes verts. Les
foires du pays sont 11 mai et le 31 août. Populat. 1, 500 hab.
CABASSOLE. Voyez CAMARGUE.

CABELLIO. Voyez CAVAILLON.

C ABRIÈRES-D’AIGUES, Cabreriœ. Village du canton de Pertuis, à 6 lieues et demie


d’Apt. L’histoire des guerres de religion fait souvent mention de Cabrières et de
Mérindol. Voyez ce mot.

Le climat de ce lieu est assez tempéré; l’air y est très-sain; le sol, très-productif, est
arrosé en partie par des eaux qui viennent du Léberon. Pop. 490 hab.

CABRIÈRES, Capraria. Village du canton de L’isle, à 4 lieues et un quart d’Avignon.


Les productions sont les mêmes qu’aux environs. Pop. 780 hab.

CABRIÈS, Cabrerrès, autrefois Castrum de Cabreria. Village du canton de Gardanne,


à 2 lieues et un quart d’Aix, sur une élévation et sous un climat pur et sain. Le territoire
est sec, mais bien cultivé; il produit du blé et du vin estimé. Il y a dans le territoire une
carrière de marbre blanc veiné. Pop. 1, 000 hab.

CABRIS. Village du canton de Saint-Vallier, à 2 l. de Grasse, situé au sommet d’une


montagne nue, en roche calcaire, et au même endroit où se trouvait anciennement un
temple dédié aux dieux du paganisme. Son point de vue est superbe; il s’étend non
seulement sur le territoire de Grasse qu’il a à ses pieds, mais sur une vaste étendue de
terre et de mer. Ses productions sont, le blé, le vin, les figues et surtout l’huile d’olive de
première qualité. Le village n’a point d’eau jaillissante, il a recours à des citernes ou à
des fontaines fort éloignées dans la campagne. On trouve dans le territoire beaucoup de
marbre, de la lignite, du charbon de terre et du gypse blanc et gris.

La commune de Cabris, avec beaucoup d’oliviers, n’a point de pressoirs pour détriter
ses olives. Dans les fureurs de la révolution, les habitans détruisirent ceux que le
seigneur du lieu possédait sur la Siagne. On est obligé aujourd’hui de recourir à ceux du
territoire de Grasse; et, dans les années de récolte abondante, les gens de Cabris ont eu
souvent la douleur de laisser gâter leurs olives, ne pouvant les détriter en temps
opportun. Un moulin à la Sinéty, construit près de la fontaine du hameau de Pémeynade,
éviterait ce désagrément et rendrait beaucoup au propriétaire. Le hameau du Mousteiret
était anciennement un village; celui du Tignet a été converti en commune, mais celui de
Pémeynade n’a pas encore pu l’obtenir, malgré ses demandes réitérées. Sa situation
dans la plaine et auprès de la route le rend plus agréable que le cheflieu Pop. 1, 800 hab.

C A D E N E T, Cadenetum, autrefois Caudellensis pagus. Chef-lieu de canton du


département de Vaucluse, sur la rive droite de la Durance, à 4 lieues d’Apt. Les
Caudeltenses, peuple celto-lygien, avaient leur chef-lieu dans le territoire. Nombre de
familles romaines vinrent y établir des habitations plus ou moins élégantes. On y a
trouvé des vestiges d’un petit temple, ou peut-être d’un simple oratoire dédié à la
fortune, qui fut érigé dans un temps fort reculé. Il paraît que long-temps après on y
déposait encore des bijoux en offrande. Vers le milieu du siècle dernier, on y trouva un
collier de grenats avec des glands d’or, une chaîne, un bracelet, un anneau, deux cercles
d’or, deux petits vases d’argent, un aigle d’argent et un petit bouclier votif de même
métal; plusieurs médailles ont été également trouvées dans le territoire, des médailles
d’argent, dont les plus récentes étaient à l’effigie du premier Maxime, qui existait au
troisième siècle de notre ère.

Il y a tout lieu de croire, que la primitive ville était d’une grande étendue, et qu’elle
embrassait les environs de la colline sur laquelle se trouvait la citadelle, vu, qu’à
différentes époques, on y a découvert des ruines, des colonnes et autres restes d’anciens
monumens d’une jolie ville. Les fonts baptismaux de la paroisse actuelle ont
vraisemblablement figuré dans un temple magnifique dédié aux dieux du paganisme; ils
sont considérés comme un monument des plus antiques et des plus beaux qu’il y ait en
France; ils sont de marbre blanc, ornés d’un bas-relief admirable.

La ville moderne est à l’ouest de l’ancienne, et sur le penchant d’une colline; elle est
défendue, du côte du nord, par un mur terrassé et par des ouvrages avancés. Ses
fortifications étaient autrefois plus considérables, mais Louis XIV en fit enlever les
canons.

Toute la plaine qui s’étend depuis le Cadenet jusqu’à la base du Léberon, n’est qu’un
vaste dépôt de grès siliceux mêlé d’argile, et contenant des coquilles marines, bivalves.
Les hauteurs ont à leur base des monceaux de sablon de différentes couleurs, qui se
communiquent dans l’intérieur, et qui ont laissé entre eux de grandes concavités où les
bergers enferment leurs troupeaux. Ce sablon est couvert par différentes couches de
terre que les eaux ont déposées à différentes reprises, tantôt d’une manière horizontale,
tantôt inclinées à l’horizon, et tantôt obliques, transversales ou perpendiculaires à
l’horizon, selon les circonstances et les événemens qui ont occasionné ces dépôts
terreux, ou selon le degré de force que le feu intérieur de la terre mit pour soulever ces
couches de leur ancien niveau.

A quelle époque ces formations ont-elles eu lieu? Quand ont-elles commencé? Quand
ont-elles fini? Il serait bien difficile de répondre juste à ces questions. Nul mortel, pour
savant qu’il soit, n’est à même de les résoudre, sans s’exposer à se tromper et à tromper
le public. Tout ce qu’on peut assurer avec vraisemblance, c’est qu’elles datent de
beaucoup plus que de six mille ans, et qu’elles ont commencé à une époque infiniment
plus reculée. On peut en juger par les différens dépôts de coquilles; les unes sont
entièrement converties en pierres, les autres n’ont qu’une simple enveloppe qui enduit
leurs valves pour indices de pétrification; les pègnes, les tellines, les huîtres, les moules
ont conservé la plupart leur nacre intérieure. Des couches de poissons parfaitement
conservés se montrent sur différens points; ils n’ont pas encore atteint un degré
lapidifique, et un grand nombre se montrent encore avec leurs nageoires. La plupart des
roches de ces coteaux sont calcaires; les autres, formées par les débris des testacées, font
la pierre coquillière.

Le terroir de Cadenet est d’une bonne qualité; la plaine offre beaucoup de mûriers, et les
coteaux sont couverts de vignes et d’oliviers qui fournissent de ton vin et une huile qui
est comparée à celle d’Aix. Il est dommage que les brouillards de la Durance fassent
souvent avorter le germe des blés, et couler les fleurs des arbres fruitiers. Les foires
sont, le 20 janvier, le 1er mars, le 24 août, le 21 septembre et le 8 décembre. Pop. 2, 600
hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Cadenet, Cucuron, Lauris,
Lourmarin, Mérindol, Puget, Puyvert, Vaugines et Villelaure.

CADENET. Hameau dans le territoire de Marseille.

CADEROUSSE, Cadurossum ou Caderossia. Ville sur la rive gauche du Rhône, à une


lieue d’Orange, son chef-lieu de canton et d’arrondissement. Sous les Romains, cette
ville s’appelait Vindale, et avait un gouverneur; ce qui prouve qu’elle était regardée
comme un lieu considérable. Il y avait, à cette époque, un temple dédié à Jupiter
Ammon.
C’est dans la plaine de Caderousse, ou plutôt de Vindale, que Domitien Enobarbus
secourut Autun contre Teutomalion, roi des Saliens, qui avait dans son armée nombre de
Dauphinois et de Savoyards. Long-temps après, Fabius Maximus y remporta une grande
victoire sur les Auvergnats, dont cent cinquante mille furent noyés dans le Rhône.

Le climat de Caderousse est à-peu-près comme celui d’Avignon; il est très-exposé au


Maëstral, qui y règne fréquemment, et qui y rend l’air moins chaud, mais très-sain. Le
terrain est de la meilleure qualité. La plaine était autrefois d’une plus grande étendue;
mais la rivière y a fait tant de dégâts qu’elle est considérablement réduite. Les
principales productions sont, les céréales, les légumes, le foin, les ligues, les cocons et
le vin qui est fort gros. Le ruisseau appelé le Meyne arrose presque toute la plaine, et
passe sous les murs de la ville. Il y a des filatures pour la soie, et des fabriques de serges
en laine, vulgairement appelées Cadis. Pop. 3, 175 hab.

CADIÈRE (Là). Bourg du canton du Beausset, à 5 lieues et un quart de Toulon. Les


habitans de Tauroentum, ville phocéenne qui se trouvait à une extrémité du golfe des
Lecques, étant continuellement troublés par les pirates, abandonnèrent leur ville pour
aller s’établir dans l’intérieur des terres. Ils se fixèrent d’abord au haut d’une colline
d’où ils apercevaient la mer et le rivage, sans que de la mer et du rivage ils puissent eux-
mêmes être aperçus; ils entourèrent de murailles le lieu de leur retraite, pour le mettre à
l’abri du Maëstral; on en voit encore des vestiges. Ce lieu devint bientôt considérable;
ils l’entourèrent de trois nouvelles enceintes, et y construisirent un grand château
flanqué de tours, qui a été détruit au commencement du siècle dernier. Le nom de la
Cadière dérive de cadiero, mot provençal qui annonce assez qu’en cet endroit il se
trouvait beaucoup de genévriers ou de cades.
Le climat de la Cadière est à-peu-près celui de Bandols, et le sol donne non seulement
les mêmes productions, mais encore de l’huile, des figues très-estimées, de bonnes
noisettes et beaucoup de câpres de la première qualité. Pop. 4, 600 hab. Foires, le 30
novembre.

CADIÈRE. Petite rivière. Voyez CALCARIA.

CAGNES, Cagna. Bourg du canton de Vence, à une lieue du Var, et à 51. E. de Grasse.
Il est situé sur une colline qui borde la route royale d’Antibes à Nice, à une distance de
quinze minutes de la mer; deux routes départementales, partant l’une de Grasse et de
l’autre de Vence, viennent y aboutir. Ce lieu était le Deciatum des anciens. Tout prouve
que les Deciates, peuple celto-lygien qui occupait les rives de l’Apros (le Loup), avaient
leur mallus et leur retranchement à l’endroit même où se trouve le bourg de Cagnes,
dont la situation et l’exposition étaient on ne peut plus convenables aux habitans de la
Celto-Lygie. La ville primitive éprouva le même sort qu’Ægytna, ville des Oxibiens, et
le peuple, après avoir essuyé plusieurs grands revers, fut forcé d’abandonner le littoral
aux Marseillais, alliés des Romains, et d’aller chercher un refuge chez les peuples de
l’intérieur.

L’avenue orientale de ce bourg offre de nombreux vestiges de tombeaux romains, En


1788, tandis que l’on réparait la route d’Italie, on rencontra, à l’endroit où l’on voit
aujourd’hui un oratoire sous le nom de Saint-Antoine, divers tombeaux en brique
renfermant des ossemens et, entre autres, un squelette de haute stature, bien conservé,
qui avait une pièce de monnaie dans la main. Il y a peu de temps encore, on a découvert
non loin de là, et toujours près de la route, plusieurs de ces tombeaux où étaient aussi
quelques pièces de monnaie portant une tête d’un côté, et au revers les lettres S. C.
(senatus consulto): c’est tout ce qu’on a pu déchiffrer sur ces médailles assez
communes; mais elles prouvent suffisamment l’antiquité des tombeaux dont il est
question.

On trouve dans l’intérienr de la commune, sur une pierre calcaire qui forme le dessus
d’un banc en maçonnerie, à côté de la porte d’entrée d’une maison, l’inscription que
voici:

D.
M.
M. LIVIVS NICOSTRATVS
LIVIO ONESIMO PATRI ET
LIVIA. NICE. LIVIO ONESIMO
MARITO ET LIVIO HERMAE
PATRONO VIVI FECERVNT
SIBI
POSTERISQVE SVIS.
Traduction:

Aux Dieux Mânes.

Marcus, Livius Nicostratus et Livia Nicca ont, de leur vivant, élevé ce monument à
Livius Onesimus, leur père et leur mari, a Livius Herma, leur patron, et à eux-mêmes et
à leur postérité.

Non loin de l’embouchure du Loup, et à cent mètres de la rive gauche de cette rivière,
qui limite le territoire de Cagnes, on rencontre les ruines du monastère de Saint-Véran:
c’est à l’endroit même où avait existé une célèbre église qui fut bâtie dans les premiers
temps où la lumière de l’évangile pénétra en Provence. Cette église est connue, dans les
annales ecclésiastiques, sous le nom de Notre-Dame la Dorée. Il parait d’après la
chronologie de Lérins (page 363), et l’histoire de Bouche l’ancien, qu’elle fut d’abord
détruite par les barbares et rétablie ensuite sous le règne de Charlemagne, qui, allant en
Italie, la combla de magnifiques présens. Ces richesses et le voisinage de la mer furent
une nouvelle cause de sa destruction.

On trouve, dans le premier des ouvrages cités, que Durandus. qui, du monastère d’Apt
dont il était abbé, passa à l’évêché de Vence, conçut, dès son arrivée, le projet de relever
cette belle église et d’y établir un monastère. Ce projet s’exécuta en 1026; et, par
l’influence du prélat, l’établissement reçut bientôt de grandes donations. Un abbé
nommé Pontins en eut le premier la direction; mais, après un laps de trente ans, celui-ci
reconnut que le monastère ne pouvait exister plus long-temps dans l’observance
régulière sans être lié à une grande congrégation, et il se soumit, en l’an 1056, à la
célèbre abbaye de Lérins. Nonobstant une aussi sage précaution, la main du temps
frappa de nouveau sur cette demeure religieuse; elle fut abandonnée, ses édifices
périrent, et le revenu des terres qui lui restaient passa entre les mains du chapitre de
Vence, qui en a joui jusqu’au moment de la révolution.

Des bâtimens ruraux se sont élevés sur ces ruines dont on ne voit plus aujourd’hui que
quelques vestiges en face de la route d’Italie.

Les causes de l’abandon de ce monastère ne sont pas connues; mais il ne put provenir
de sa position, car elle avait été bien choisie: élevé sur un terrain légèrement en pente,
au midi et en vue de la mer, l’édifice religieux dominait des prairies et de vastes
champs, auxquels l’industrie agricole a fait éprouver de grandes améliorations, depuis
qu’ils n’existent plus en main morte. Tout à côté, une dérivation du Loup, les eaux
d’une belle source appelée les Baumes, du nom des voussures ou grottes qui la
dominent, mettent en mouvement quantité de moulins et usines remarquables, dont la
construction, à peine achevée à travers bien des difficultés vaincues, n’a pas coûté
moins de cent mille francs. Ce développement industriel fera époque dans le pays.
C’est en cet endroit que campa le consul Q. Opimius, lorsque, suivant Polybe, il vint
mettre le siége devant Ægytna, pour venger l’insulte faite par ses habitans à Flaminins,
ambassadeur de Rome.

Dans sa position, Cagnes ne fut pas exempt de la domination féodale; mais, sans
regretter ce régime, ses habitans aiment à dire, par tradition, que le pouvoir qui en
dérivait fut toujours assez doux entre les mains honorables qui l’exercèrent jusqu’au
moment où, déjà miné par le temps, le trop vieil édifice dût tomber à jamais. La terre de
Cagnes était érigée en marquisat; elle appartenait à feu M. de Grimaldy, des princes de
Monaco, dont l’ancienne et illustre famille possédait, de temps immémorial, la
seigneurie d’Antibes qui fut achetée 25, 000 florins, par le bon roi, en 1608.

L’ancien château seigneurial, un des boulevards de l’époque, forme un point de vue


très-pittoresque. On n’a aucune date certaine sur la construction de cet édifice presque
en ruine. Quoique assez grand, il est renfermé dans une seule tour crénelée, formant un
octogone irrégulier, et assise sur un massif en talus d’environ 30 pieds de hauteur,
auquel se rattachent des murs d’enceinte bien conservés de la partie ancienne du village.
C’est un ensemble de fortifications auxquelles les guerres féodales, et surtout les
incursions des Sarrasins ont donné lieu, comme dans beaucoup d’autres endroits de la
Provence.

Deux rampes latérales, conduisant au haut d’un perron aussi élevé que le massif sur
lequel la tour est assise, se fesaient remarquer autrefois par de gros balustres en marbre;
la porte d’entrée, que fermait un pont-levis, conduit dans une cour, autour de laquelle
règne un péristyle à colonnes. Le premier et le second cadre offrent des galeries
ouvertes, soutenues également par des colonnes, et le long desquelles règnent des
balustrades à hauteur d’appui. Le tout est en marbre et présente un ensemble aussi
massif que pourraient l’être un escalier, une colonnade de Versailles ou de toute autre
grande maison royale. Ces galeries ne conduisent pourtant qu’à des salles d’une
médiocre grandeur et d’une distribution peu commode, à l’exception d’une seule qui
renferme un plafond renommé, lequel est peint à fresque et représente la chute de
Phaëton.

Cette peinture a, dans tous les temps, excité la curiosité des connaisseurs, et la plupart
de ceux qui se rendent en Italie ne manquent jamais de monter à Cagnes pour y voir les
restes de ce morceau qui n’est point au-dessous de sa brillante réputation. Feu M. Ie
comte de Villeneuve-Bargemont, dont plusieurs écrits se rattachent à la gloire du
département qui l’a vu naître, a consacré quelques pages à la description de ce beau
travail qu’il attribue à Carlone, auteur du plafond de l’église de l’Annonciade, à Gènes.

Nous lui empruntons les expressions suivantes sur le morceau principal, pour donner
une idée du génie de l’auteur:
— Le peintre a choisi le moment où Phaëton, renversé de son char, entraîné par ses
chevaux dont les rênes sont flottantes, est précipité dans l’immensité des airs: sa main
gauche cherche à trouver un point, l’appui, la droite se porte à la tête en signe d’effroi,
et la jambe droite est élevée en l’air, de manière à offrir le plus beau raccourci; le visage
est noble, et la consternation qui y règne n’a rien qui ne soit digne du fils d’Apollon.
Les quatre chevaux sont groupés de la manière la plus savante: l’un paraît être culbuté
derrière le char; deux autres, renversés aussi dans le même sens, veulent se raccrocher
l’un à l’autre, et se sont attrapés chacun par la bouche; le quatrième, qui est de couleur
blanche, semble tomber perpendiculairement sur le spectateur; toutes les parties de son
corps sont de la plus grande beauté, et les quatre jambes, dont deux (les postérieures)
sont vues en raccourci, ont l’air de se raidir par un mouvement convulsif; la crinière
hérissée et la queue flottante de ce coursier viennent faire diversion à la beauté des
formes; la tête, pleine de vie, de noblesse, est magnifique dans tous ses détails; les yeux
sont pétillans, et la bouche entrouverte semble faire entendre un hennissement
douloureux.
— Toutes ces figures, groupées de manière à présenter un ensemble parfait, sont
correctement dessinées, et l’art se remarque surtout dans les jambes des chevaux, qui
sont aussi bien distribuées qu’il a été possible de le faire dans une scène de désordre et
de confusion.
Les accessoires ne sont pas moins soignées: les ornemens du char sont simples, mais
nobles et bien entendus; le talent marqué de l’artiste pour la perspective se remarque
jusque dans une roue qui est détachée, et qui, en tombant, a l’air de se rouler sur elle-
même; l’illusion est véritablement faite pour embarrasser le dessinateur, car la manière
dont elle se présente varie, de quelque situation qu’on la regarde.
En dernière analyse, ce plafond peut-être considéré comme un monument très-précieux
sous le rapport du dessin, de la composition et de l’impression.

On dit dans le pays, et le voyageur français a répété, que le peintre, après avoir travaillé
trois ans à faire ce morceau, ne pouvait perdre de vue ce cher ouvrage dont il était
amoureux, et qu’au moment de son départ, il versa des larmes, en disant: Bella mia
cascata di Phaëton, io non piu ti vedere, mai, mai, mai.

Pendant le règne de Napoléon, on a plusieurs fois rêvé au moyen de transporter ailleurs


ce superbe morceau par les procédés qu’on a découverts pour enlever les peintures à
fresque. Ce projet ne c’est pas réalisé, et le Phaëton de Carlone est encore dans le
château de Cagnes. Mais hélas! Ce chef-d’œuvre n’est plus à l’abri de la destruction qui
le menace; les parties qui lui servaient en quelque sorte d’introduction, et qui étaient
très-remarquables dans leur ensemble, ont presque généralement péri. Un hôpital
militaire fut établi dans le château pendant les dernières guerres d’Italie, et ce n’est pas
sans motifs que les amateurs des arts ont déploré cette circonstance. Pendant
l’occupation des alliés en 1815, ce fut pis encore: une garnison piémontaise s’y était
casernée, et au moment d’évacuer le pays, des soldats se firent un jeu de tirer des coups
de fusil à balle, en ajustant la tête de Phaëton. Heureusement le plomb vandale
n’atteignit aucune partie essentielle du médaillon qui, après un si cruel adieu, est tout ce
que l’on peut encore admirer aujourd’hui.
Du balcon qui éclaire l’un des côtés du salon dans lequel se trouve cette fresque, on
jouit d’un très-beau point de vue; mais si l’on monte au faîte du château, autour duquel
on se promène comme sur un bastion, le point de vue est plus magnifique encore; il est
le centre d’un panorama difficile à décrire.

Parmi les souvenirs historiques qui se rattachent au château de Cagnes, on peut citer la
résistance honorable qu’il fit, à l’aide des habitans, en 1592, au duc de Savoie, qui,
profitant alors des troubles de la France, envoya des secours aux ligueurs pour chercher
à s’emparer de la Provence. Mais on sait que le maréchal duc de Lesdiguières, qui
commandait les troupes de Henri IV, eut la gloire, en cette occasion, de sauver une
seconde fois cette province.

Le climat de Cagnes est à-peu-près celui de Nice. Son territoire, presque entièrement
formé de cailloux roulés, donne de l’huile, du blé, des légumes, du vin excellent et tous
les fruits communs à la Provence. Le tabac et le mûrier y sont cultivés avec succès;
l’oranger n’y vient en pleine terre que selon les abris; mais on le trouve dans tous les
jardins, à quelque exposition que ce soit. Ce territoire, baigné par le Loup au sud-ouest,
est traversé par la rivière de la Cagne, dont le village a pris le nom: elle met plusieurs
moulins et usines en mouvement, et arrose une jolie vallée au fond de laquelle on voyait
un ancien château tombé naguères sous le marteau de la Bande noire. Cette vallée
s’étend du nord au sud, où la Cagne a pour confluent le Malvan, ruisseau qui prend sa
source près du territoire de Vence, et dont le nom romantique désigne, dans celui de
Cagnes, une autre vallée que l’on parcourt avec plaisir. Si l’on monte à mi-côte, l’œil se
plaît dans un riant paysage; il aime surtout à remarquer la ville de Saint-Paul et ses
fortifications sur une hauteur pittoresque, d’où un vieux canon nommé Lacan, sans
anses et sans affût, formant à lui seul tout le matériel de la place, fait entendre ses
détonations dans les grandes circonstances; plus bas on voit la Colle, fille de Saint-Paul,
l’un des plus jolis villages du canton, mais singulièrement nommé dans sa situation en
plaine. Deux lointains remarquables terminent la perspective: d’un côté, des montagnes
chenues, fesant partie du premier échelon des Alpes, arrêtent les regards, qui, de l’autre,
iront se perdre dans l’horizon de la Méditerranée.

En redescendant dans la vallée, l’amateur d’antiquités va visiter un bâtiment rural, où il


trouve quelques restes de monumens, sur lesquels l’Annuaire du Var a donné, en 1824,
la notice suivante:

Vence et ses environs sont une mine féconde en anciens monumens; aucun des travaux
qu’on y fait pour l’exploiter n’est infructueux. Deux nouvelles inscriptions viennent
d’être découvertes sur le domaine du petit Saint Jean, appartenant à M. Guérin, ancien
président de la cour royale d’Aix, lequel est situé à l’extrémité nord-ouest du territoire
de Cagnes, dans la jolie vallée du Malvan. Nous allons essayer d’en donner la
description.
OTI DIVI CO
NSTANTINI
AVG. PII

Il est difficile d’établir quelle est la nature de ce monument, et à qui il était consacré.
Mais nous pensons qu’il peut avoir été élevé à l’honneur de Julien l’Apostat, lorsqu’il
fût proclamé Auguste dans les Gaules, par les soldats, en 360, au mois de mars ou
d’avril. Julien était fils de Jules Constance, frère du grand Constantin. La qualification
de nepoti divi Constantini Aug. pii, qui est dans l’inscription, s’accorde avec
l’explication que nous en donnons. Elle paraît même ne convenir qu’à Julien. Alors il
faudrait lire l’inscription ainsi: Flavio Claudiano Juliano nepoti divi Constantini,
Augusti pii.

Nous ne pensons pas, comme on l’a cru d’abord, que ce monument puisse être une
pierre milliaire. Nous nous fondons, pour rejeter cette opinion, sur ce que les pierres
milliaires destinées à être placées aux bords des chemins pour marquer les distances,
portaient une inscription renfermant le nom du souverain qui avait fait construire ou
réparer la route; et on y ajoutait ordinairement les titres et les différentes marques de
puissance dont il était revêtu. Ce nom était un nominatif, parce que l’inscription n’était
pas dédicatoire, mais simplement énonciative. Au lieu qu’ici les dernières lettres du mot
nepoti, qui sont intactes, prouvent que le nom qui commençait l’inscription était au datif
et qu’elle était dédicatoire. C’était donc un monument élevé à l’honneur du souverain, et
non une pierre milliaire.

Cette inscription existe sur un tronçon de colonne de pierre calcaire grisâtre, d’un travail
assez poli, mais enraillé par le frottement; il a, dans son état actuel, 190 centimètres de
hauteur sur 143 de circonférence.

La seconde inscription, sur une pierre en forme d’autel, est ainsi conçue:

M. M.

VIRIAE MEL
POMEDES
MATRI DVL
CISSIME
SEVERINA
PECIT DE SVO
SIBI.

C’est là incontestablement la pierre tumulaire d’un monument élevé à la mémoire d’une


mère par sa fille.

Elle nous paraît devoir être lue comme il suit:


Diis Manibus

Severina fecit de suo sibi Viriœ Melpomeni matri dulrissimœ, c’est-à-dire:

Aux Dieux Mânes.

Severina a fait à ses frais à Viria Melpomenes, sa mère très-chère, ce monument.

Toute autre explication serait superflue; seulement nous ferons observer que la dédicace
M. M., en tête de l’inscription doit porter D.M., Aux Dieux Mânes; telle qu’elle a été
gravée, c’est un non sens, et d’ailleurs il n’y en a pas d’exemple. Nous fesons encore
observer que Melpomenes étant un nom propre, on n’aura pas cru devoir le décliner,
mais on doit dire Melpomeni.

Près de ces deux monumens, on en a trouvé un troisième sous la forme d’un carré long.
C’est probablement aussi un tombeau; il n’y a pas d’inscription, mais la figure de la
hache, qui y est sculptée, l’annonce assez. La hache, Ascia, indiquait la magnificence
que les Romains apportaient dans la construction de leurs monumens funéraires. Aussi
la pierre sur laquelle se trouve cette figure est-elle d’un grain très-fin. Il était défendu
autrefois, par la loi des douze tables, d’orner les tombeaux de la figure de la hache. Mais
ces mœurs simples et modestes qu’Ovides décrit dans le livre II Des Fastes, disparurent
et firent place a un abus extrême de richesses et d’ornemens des tombeaux. On peut
donc inferer de ceci que le tombeau dont cette pierre fesait partie appartenait à quelque
famille distinguée.

Après ces détails archéologiques, nous reprenons la suite de quelques indications qui se
rattachent à la topographie et au produits du territoire.

Les vallées de la Cagnes et du Malvan donnent un chanvre renommé que l’on porte aux
foires de l’arrondissement de Grasse et à celles d’une partie de l’arrondissement de
Draguignan. Le lin est également cultivé dans ces vallées. Dans le siècle dernier, ces
productions, justement appréciées, engagèrent des négocians de Lyon à élever sur le lieu
même une grande manufacture de toiles. Mais une administration infidèle, plus que
l ’ i n s u ffisance de la matière première, dont les besoins étaient remplis par des
importations d’Italie, fit tomber cet établissement, qui pendant nombres d’années fut
très-favorable au pays. Il y reste encore aujourd’hui un souvenir de ses avantages dans
la possession successive de quelques bons ouvriers en tisseranderie.
Sur le littoral, qui est la partie du territoire traversée par la route d’Antibes à Nice, on
croit s’apercevoir que l’on est près d’entrer sur le sol de l’Italie. Là on remarque dans la
végétation une vigueur qui s’annonce par la beauté des oliviers dont la plupart ont
résisté au rigoureux hiver de 1709 et à tous les froids extraordinaires qui se sont
succédés depuis. Mais le rapport de ces arbres séculaires n’est plus ce qu’il devrait être,
en raison de l’étendue et de l’élévation de leur branches. Cependant il y en a encore
d’un seul pied qui donnent jusqu’à 80 décalitres de fruits.
Dans ce territoire, dont le sol est inégal, varié et, par cela même, très-agréable, croissent
quelques plantes maritimes qui aiment les climats tempérés. L’aloès commun vient dans
tous les environs de Cagnes; il est surtout remarquable par la hauteur de sa tige à fleurs
liliacées. Le myrte, le grenadier y bordent les chemins; le gibier, les perdrix rouges
surtout y abondaient autrefois; mais le défrichement des coteaux que couvraient le grand
et le petit pin maritime, l’abus de la chasse en ont presque amené la destruction. Les
embouchures du Var, de la Cagne et du Loup attirent, en hiver, quantité d’oiseaux
aquatiques que la température retient sur ces bords. C’est toujours un nouveau plaisir
pour les chasseurs, qui peuvent tirer aux plongeons, aux canards, aux oies sauvages, aux
colymbes, aux sarcelles, aux poules d’eau, aux macreuses et à des espèces qui leurs sont
inconnues.

La disette du bois de chauffage fait désirer de voir se repeupler, en essences forestières,


les coteaux actuellement dépouillés, et presque généralement abandonnés, à cause du
dépérissement des vignes, apres vingt ans de produit. Ici l’on ne peut s’empêcher de
réfléchir sur ce système vicieux d’un cadastre éternel, contre lequel le conseil général du
Var porta de si justes doléances au gouvernement, lors de la gelée des oliviers en 1820.
Voilà des coteaux qui, saisis par l’expertise dans un certain rapport, cesseront
néanmoins de produire dans quinze ans; après cette époque, ils vont rester improductifs
pendant des siècles, parce qu’ils ne présentent plus que des cailloux laves, et pourtant
l’impôt foncier qui leur est assigné aujourd’hui pèsera constamment sur les
propriétaires!..

Nous n’osons reproduire une expression vulgaire, pleine de vérité, à propos de ce


territoire si fertile en apparence, mais nous la traduisons ainsi: — C’est un “ miroir
flatteur, qui trompe la coquette qui s’y fie. En effet, malgré sa belle végétation, l’olivier
n’y satisfait que rarement l’espoir du contribuable, et les plus belles moissons,
fécondées par de trop grandes rosées, y sont presque toujours brûlées dans un instant par
un vent du sud, au moment de tomber sous la faucille.

Une autre remarque assez fâcheuse que l’on fait au sujet de la commune de Cagnes,
c’est que les habitans y sont réduits à l’eau de citerne, et que la classe peu aisée n’a pas
même cette ressource. L’eau de la Cagne est la seule que la masse de la population
puisse, boire; elle serait assez bonne, mais cette rivière est exposée à recevoir toutes les
vidanges des moulins à huile de Vence, de la Gaude et de Saint-Jeannet; aussi, durant le
travail de ces usines, son aspect est tel, qu’il répugne aux voyageurs de laisser leurs
montures s’y abreuver. Un ancien arrêt du parlement de Provence prescrivait de
n’effectuer ces vidanges que du samedi soir au dimanche, sous peine de trois mille
francs d’amende. On a dont que cette pénalité n’était plus en harmonie avec notre
législation, lorsqu’on a voulu faire revivre cet ancien règlement, dont il serait difficile
d’ailleurs de constater la violation. L’idée philanthropique d’amener au pied du village
les eaux d’une source assez abondante, ne fut pas secondée dans la tentative qui en fut
faite, il y a quelques années; et, chose bizarre, la classe peu aisée, la partie de la
population la plus intéressée à cette amélioration, la regardait comme inutile, en raison
de ce que l’eau ne monterait pas au point culminant de l’habitation, qui est à quatre-
vingt-dix mètres au-dessus de la source. Deux mille hectolitres d’eau par jour sont
nécessaires pour alimenter convenablement cette commune. Il est à espérer que la
machine simple de M. Cordier, dont un homme peut faire le service, réalisera un jour ce
bienfait.

En terminant cet article, nous n’oublierons pas de dire qu’à cause de sa situation sur une
colline, le bourg de Cagnes a ses rues penchantes, qu’il n’est pas même trop bien bâti,
mais le goût des constructions s’y est introduit, et déjà on élève de jolies maisons dans
la plaine, dont on n’a plus à craindre le mauvais air qui résultait de la stagnation des
eaux. Cette amélioration est due à une culture mieux entendue, à des écoulemens bien
dirigés, et surtout à l’élévation successive des terres alluvines, œuvre lente des siècles,
mais toujours favorable dans son résultat. Ou peut en dire autant du Cros-de-Cagnes,
hameau bâti sur le rivage de la mer, depuis qu’un vaste pâturage de ses alentours a été
converti en jardins. Les parfums de l’oranger y ont succédé aux miasmes de quelques
mares qu’y occasionnait le torrent des Vaux, mieux contenu aujourd’hui dans son cours.

Ainsi l’eau, ce fluide bienfaisant, agent de fraîcheur et de vie quand le mouvement


l’anime, devient, dans son repos, une source infecte d’émanations méphytiques.

Le Cros-de-Cagnes est un lieu d’embarquement et de débarquement pour le commerce


local et pour celui du canton de Vence. Les poissons qui abondent le plus sur cette plage
sont la sardine et l’anchois, dont la pêche et la salaison occupent annuellement un assez
grand nombre d’individus. On y prend aussi, dans le mois de mars et d’avril, un petit
poisson appelé nonat, qui est de la longueur d’une épingle et d’une grosseur
proportionnée. On le transporte en toute hâte dans les environs et même jusqu’à Grasse,
où les talens culinaires en font des beignets et une sorte de pâté délicieux: c’est un régal
pour les gourmets et les palais délicats. Mais, sur le lieu même, on mange ce poisson
avec autant de plaisir, sous le simple apprêt du bouille-abaisse ou de la croque-au-sel.

Le commerce du pays résulte de ses productions; son industrie consiste dans une filature
de soie, quelques distilleries d’eau de fleur d’oranger, la salaison des sardines et des
anchois, 4 moulins à farine, 18 à huile, 2 scies à eau et plusieurs briqueteries, dont le
génie militaire de la place d’Antibes a toujours employé les produits préférablement à
ceux des environs.

Il n’y a pas plus d’un siècle, les habitans de Cagnes étaient encore de mœurs simples, et
l’indolence fesait leur caractère distinctif. Avant de se mettre en chemin pour les travaux
de la campagne (s’aviar), ils consultaient les quatre points cardinaux, et le moindre
nuage les fesait rentrer dans leurs habitations pour y attendre gaîment le beau temps,
bien que dans une position qui n’était pas toujours le bonheur idéal.

Depuis soizante ans, ils sont successivement devenus beaucoup plus actifs et plus
laborieux; placés dans la sphère de la petite culture, il ne manquent ni de soins ni de
persévérance, malgré l’inconstance des saisons. Il y a aujourd’hui chez eux avidité de
s’instruire et de s’élever à l’aisance et aux plaisirs de la consommation. La classe aisée
s’est toujours distinguée par un tour d’urbanité qui plaît; le progrès tend vers une utile
émulation à cet égard. Puisse un luxe corrupteur ne jamais altérer une si heureuse
révolution!

Quelques observations superficielles avaient fait croire que le pays était peuplé de
contrebandiers. Si l’on y compte quelques individus, comme on en trouve partout, qui
louent leur coopération à la fraude, il est vrai de dire qu’il n’est pas de commune
frontière où l’on se livre moins à ce commerce illicite.

Cagnes est chef-lieu de perception des contributions directes, de recette buraliste et de


syndicat maritime. Il y a, en outre, un bureau de poste, deux bureaux de douanes pour
les frontières de terre et de mer, et trois écoles primaires. Sa population est de 2, 349
habitans. Foires, le lundi après le 20 janvier et le 20 août.

(Article communiqué.)

CAGNOSC, Castrum de Cagnosco. Hameau ruiné, entre Gonfaron et le Luc. C’était


autrefois un village.

CAILLE, Callia. Village du canton de Saint-Auban, à 9 lieues de Grasse. Climat très-


froid en hiver, à cause de la grande quantité de neige qui y tombe; et assez froid en été,
quoique dans la montagne on éprouve des chaleurs insupportables. On y voit, dans cette
saison, deux ruisseaux dont les rives offrent un terrain tourbeux qui paraît s’enfoncer à
une grande profondeur. Cette tourbe provient des eaux stag, nantes qui ont décomposé
les plantes de la vallée, dans un espace qui a environ six cents pas de largeur sur deux
mille quatre cents de longueur, depuis la digue qui la sépare du village d’Andon,
jusqu’au pied de la montagne sur la rampe de laquelle est assis le village de Gaille. Les
prairies restent couvertes d’eau pendant sept ou huit mois de l’année. Le dégorgement
de ces eaux, dans l’ouverture nommée l’embut, procure de gros brouillards qui nuisent
considérablement aux habitans, aux bestiaux et aux récoltes.

Les roches qui se montrent dans le territoire de Caille, sont du calcaire du Jura, dans
lequel est interposé un calcaire oolitique ou coquillier, contenant principalement des
peignes. Dans les terres on trouve des pyrites dans une sorte d’argile employée par les
tuiliers du pays. Le dessus des hauteurs est couvert de belles plantations de pins et de
sapins qui servent pour la charpente et pour la menuiserie.

Au haut d’une montagne en face du village de Caille, il y a une grotte souterraine fort
belle et très-riche en stalactites. On y trouve tout ce que l’imagination croit y voir. Ses
voutes sont très-élevées, et nombre de pointes de rochers semblent menacer les curieux
qui visitent ces concavités. Darluc rapporte que les deux premiers amateurs d’histoire
naturelle qui eurent connaissance de l’existence de cette grotte, dans laquelle des enfans
avaient déjà pénétré, élargirent à l’aide d’un pic la crevasse qui servait d’antre à la
caverne, et s’y introduisirent pour y admirer la beauté du travail de la nature. Ils eurent
soin de se charger de morceaux de stalactites curieux pour en faire l’ornement de leurs
cabinets. Pendant qu’ils s’occupaient à leurs recherches, l’humidité de la grotte
affaiblissant la lueur des torches qui les éclairaient, ils se hâtèrent de remplir leurs
poches et de prendre la fuite. Mais, dès qu’ils furent au passage étroit, la peur qu’ils
avaient de rester sans lumière, le volume de leurs poches pleines de concrétions, et
même leurs vêtemens qui avaient grossi de volume en s’imbibant de l’humidité de la
grotte, tout cela fit qu ils ne purent pas se glisser par l’ouverture. Dans ces entrefaites,
ils perdirent leur dernière lumière, ce qui les effraya au point de négliger de chercher un
moyen pour sortir de leur prison. Cependant, après être un peu revenus à eux, ils
vidèrent leurs poches, quittèrent leurs vêtemens, et se sauvèrent en chemise, après s’être
écorchés en plusieurs endroits de leurs corps. Cet événement fit du bruit dans le village;
le peuple se rendit à la grotte, en élargit considérablement l’ouverture, de manière à
n’être plus obligé d’en sortir entièrement nu.
Vers le milieu du siècle dernier une aérolithe, sorte de pierre météorique qui ressemble à
du fer, tomba du ciel sur la montagne d’Audibergue, aux environs de Caille. Un berger
la découvrit. Il en instruisit son maître qui la fit traîner par des bœufs jusque dans la
plaine, où elle fut abandonnée. Un maréchal ferrant, la prenant pour du fer, la fit
transporter à Caille près de sa boutique; il en brisa un morceau pour essayer de le forger.
Il en fit des fers de mulet qui furent d’un bon user; mais il négligea d’ouvrer le reste du
bloc. Il l’abandonna même, et, depuis plus de cinquante ans, il servait de siége dans la
rue. Cette aérolithe, une des trois plus belles connues, vient d’être transportée à Paris
comme une pièce fort rare et fort curieuse; elle pèse quatorze cent soixante livres. En
paiement, le gouvernement a fait cadeau au village de Caille d’une jolie horloge très-
bien confectionnée, qui sera infiniment plus appréciée que toutes les aérolithes qui ont
pu tomber du ciel, par des hommes qui ne connaissent et n’apprécient que l’argent qui
provient de leurs denrées, Pop. 200 hab.

CAIRANNE, ou CAYRANNE, ou QUEYRANNE. Village du canton de Vaison, à 3


lieues et un quart d’Orange, sur la rive gauche de l’Aigues. Les Romains avaient long-
temps habité ce lieu; aussi, à différentes époques, on y a trouvé des monumens anciens,
des pavés en mosaique, des tombeaux, des médailles et autres objets. Près de la fontaine
dites de Mourgues sont encore une masure et les ruines d’un édifice qui ont dû être très-
importans. Le territoire produit du blé, du fourrage, du safran et beaucoup de fruits; le
gibier y est bon et les lièvres y étaient très-abondans avant la révolution, tandis
qu’aujourd’hui le nombre en est considérablement diminué par la licence des chasseurs
et de ceux chargés de surveiller les contraventions. Pop. 855 hab.

CAIRE (LE). Village du canton de la Motte, à 6 l. de Sisteron. Le charbon de terre y est


abondant. A la surface des mines est une tourbe bitumineuse qui brûle au feu, et qui
répand une fumée forte et désagréable. Le climat est tempéré; le sol produit du seigle,
du vin, des pommes de terre. Pop. 280 hab.
CALASCRAIGNE. Petite île près de la côte du département les Bouches-du-Rhône, au
midi de Marseille.

CALAVON, ou CAULON, Caslevo, autrefois Aucalo. Rivière qui naît près de Banon,
passe à Apt, à L’Isle, et se jette dans la Durance, entre Caumont et Cavaillon. C’est sur
le Calavon, près de Bonnieux, que l’on voit encore le pont Julien, que César fit
construire et auquel il donna son nom.

CALCARIA. Ancien nom d’une petite rivière dans le département des Bouches-du-
Rhône. On sait positivement que cette rivière se jetait dans l’étang de Berre; mais on
ignore l’endroit de sa source. L’un veut qu’elle soit au-dessus de Marignane, l’autre au
Village des Pennes. Quelque révolution du globe l’a sans doute fait tarir, et la culture
s’est emparée de son lit, de manière qu’on n’en voit plus la moindre trace.

CALIAN, dans le principe Ligaunia, ensuite Mons Calidus, et aujourd’hui Calianum.


Petite ville du canton de Fayence, à 7 lieues et un quart de Draguignan, sur le ruisseau
de Camiole, en provençal Camuro, du latin Camera. Cette ville date d’un temps fort
reculé; son ancien territoire fut habité par les Ligauni, peuplade celto-lygienne formée
par un démembrement des Suetri qui occupaient la ville et les environs de Castellane.

Pline dit: Regio Oxibiorum, Liganorumque, super quos Suetri, Quariates, Adunicates. Si
les Oxibiens occupaient les cantons de Cannes et de Grasse, et si les Quariates et les
Adunicates étaient dans les pays traversés par la route qui de Grasse conduit à
Castellane, il est inconcevable que certains auteurs aient placé les Ligauni, tantôt sur le
littoral de la Ligurie près de Savone, tantôt dans les Alpes Cisalpines, et tantôt à Grasse,
pays qui appartenait aux Oxibiens; tandis que la plaine de l’ancien Calian est en-
dessous, et n’est séparée que par une montagne de la vallée que les Quariates et les
Adanicates occupaient.

La ville de Calian offre des preuves incontestables de son ancienneté. Plusieurs


inscriptions que le temps a respectées, mais que bientôt l’ignorance et le génie destructif
feront disparaître, attestent que le pays avait des sextum vir augustaux. Comme ces
pièces n’ont jamais été décrites, nous allons les donner en entier.

D. M.
M. IVLIO
EVXINO

MII. VIRO
AVG.

C. COELIO
C. ET. L. LIB.
SESTERTIO
C. COELIO. C. L. FELICI.
VI. VIR.
C. COELIVS. C. L. FAVSTVS
VI. VIR. FRATER. FECIT

La première de ces inscriptions est le reste d’un tumule qu’on a employé à la


construction de la chapelle de Notre-Dame; les deux autres, je les ai fait transporter
moi-même dans le sanctuaire de l’église paroissiale, pour qu’on s’en servît de crédence,
ou plutôt pour qu’elles y fussent en sûreté.

En outre de ces inscriptions, on trouve fréquemment, en creusant les terres, des


tombeaux, des vases cinéraires, des amphores, des lampes sépulcrales, des médailles,
des ustensiles de ménage, des épées romaines, et des caveaux d’une construction fort
ancienne.

Les Ligauni ayant fait cause commune avec les Oxibiens et leurs autres alliés contre les
Romains, éprouvèrent les mêmes revers, et leurs villes capitales furent entièrement
détruites par les vainqueurs. Ligaunia se trouvait, selon les apparences, sur
l’amphithéâtre du Cavaroux. Le nom de cette terre est une corruption de Cadaveroux
(Cadaverosus), à cause des masures qu’on y trouvait, mais qui n’existent plus.

Après ce désastre, une partie des habitans construisit une nouvelle ville sur les deux
rives de la Camera; L’autre partie se divisa, pour aller, sans quitter le territoire, jeter les
fondemens des villages de Seillans, Montauroux et Avaye ou Auvaye. Tous ces lieux
furent visités par les différens peuples barbares qui envahirent la Provence; mais nous
ignorons les excès qu’ils y commirent.

Calian, en sa qualité de ville la plus ancienne et la plus importante de la contrée, fut


érigé en principauté, et sa juridiction s’étendait depuis Seillans jusqu’à la mer de
Cannes, c’est-à-dire sur tout le pays qui avait été occupé par les Lagauni et par les
Oxibiens. Les cartulaires des pères de Lérins qui, à cette époque, avaient un monastère
dans le territoire de Calian, disent qu’en 1038, il y avait un Hugo, prince de Calian; et
qu’en 1094, il y en avait un autre nommé Fulco-Dodo. Cette principauté fut créée à
l’occasion du mariage de Hugo, fils de Gibelin de Grimaldy, seigneur d’Antibes, prince
de Mourgues, aujourd’hui Monaco, avec Hermengarde, fille de Guillaume 1er, comte de
Provence, et en récompense des services que le père et le fils avaient rendus à
Guillaume lors de la destruction des Sarrasins du Fraxinet. Ce démembrement ne fut pas
pour long-temps; le Caliannais rentra dans le domaine de la Provence, par l’extinction
de la postérité d’Hermengarde.

Le seconde ville de Calian fut, en 1391, réduite en cendres par le cruel Raymond de
Turenne, fils de Guillaume Roger, comte de Beaufort de Canillac, et d’Éléonor de
Comminges. Les habitans allèrent s’établir sur plusieurs points du territoire. Les
communes de Fayence et de Tourrette ne datent que de cette tette époque; auparavant
elles n’étaient que des hameaux de Calian, ainsi que celui de Saint-Paul et celui de
Vermasque improprement appelé Saint-Laurent, qui n’est que le nom du patron de
l’ancienne église dont on voit encore les vestiges.

Calian fut rebâti une troisième fois, mais sur une éminence où se trouvait un hameau
fortifié qui, avec le fort du Castelet et le fort Saint-Barthélemy de Montauroux, avait
servi de boulevard à l’ancienne ville. Le nouveau Calian est bâti en amphithéâtre et sans
goût, mais à une belle exposition, et sous un climat aussi sain que doux.

La plaine en-dessous de la ville n’est formée que des alluvions de la Camiole; son sol
est sablonneux et ne possède presque pas d’humus; il ne produirait assez qu’à force
d’engrais; mais malheureusement le pays en manque, même pour ses oliviers. Il lui
faudrait des prairies, et il en aurait, si l’on remettait les eaux de la Siagne dans le
fameux aqueduc, encore existant en grande partie, que les Romains avaient construit
pour conduire ces eaux à Fréjus. Mais les Caliannais, naturellement spirituels et propres
à toutes sortes d’instructions, sont abandonnés des leur bas age à leur volontés, et se
rient de tout projet d’amélioration.

Un jour viendra, sans doute, où des spéculateurs étrangers au pays viendront effectuer
une entreprise faussement qualifiée d’impossible; et les eaux de ce canal seront vendues
ou affermées à bon prix aux propriétaires. Cependant la commune est assez riche pour
faire exécuter à ses frais ce grand travail, d’autant plus qu’une grande partie de
l’aqueduc romain est encore dans un bon état, et qu’il n’y aurait proprement à faire en
entier que la jetée pour retenir les eaux au sortir de la source, et un canal pour les
conduire dans l’ancien aqueduc.

Les Sarrasins, à leur arrivée en Provence, donnèrent aux habitans le spectacle de leurs
danses guerrières. Une de ces danses, appelée la Mauresque, s’est conservée dans cette
contrée. Nulle commune ne s’y livre aussi souvent et avec autant de passion que celle de
Calian. Elle s’exécute en courant les rues les uns derrière les autres sur une seule file, en
gambadant ou battant des entrechats, et s’arrêtant de temps à autre pourboire à la-ronde,
ce qui échauffe leurs têtes et excite les disputes.

Les femmes préfèrent la danse dite le rigaudon; elle s’exécute toujours au son du fifre et
du tambour. Un cavalier avec sa dame, suivis de plusieurs autres couples, courent deux
à deux et parcourent plusieurs fois tout une place, pour vaste qu’elle soit: quelquefois
les cavaliers se séparent des dames et prennent une direction contraire; tantôt les
hommes font un grand branle, et tantôt ce sont les dames; mais puis tous les couples se
réunissent et courent encore en sens divers; tout cela s’appelle la vole, faire la vole, à
laquelle succède le rigaudon, qui est de se prendre deux à deux, c’est-à-dire un cavalier
avec sa dame, se regardant en face, l’un allant en avant et l’autre en arrière jusqu’à
l’extrémité de la place, et retournant de la même manière. Il arrive souvent que les
couples se heurtent par le derrière, même avec intention; ils se donnent des coups si
rudes, si violens, que le plus faible tombe quelquefois à la renverse; que ce soit un
cavalier, que ce soit une dame qui tombe, tout le monde en rit aux éclats; quand deux ou
trois couples se sont entravés, ils font ensemble un petit branle, et reprennent ensuite
leur promenade ridicule qui se ressent des Maures africains.

Le pas qu’on exécute au rigaudon s’appelle tricoter; la plupart le font en dansant sur le
talon, ce qui est risible pour l’étranger qui le voit pour la première fois, et insipide, si
c’est à la seconde. On peut dire que dans ce pays la danse a lieu toute l’année; qu’il n’y
a ni l’Avent ni le Carême qui détiennent. Si, par fois, ils n’est pas permis aux ménétriers
de sortir avec leurs instrumens, les filles se réunissent sur plusieurs points du village et
dansent parmi elles, en s’accompagnant de leurs chants qui ne sont autres que des cris
perçans et pris au ton du fausset: cette manière de chanter est commune à tous les
villages.

Bien des gens croient que c’est la passion de la danse et la fréquente occasion de danser
qui font que les Caliannais aiment leur pays de manière à ne presque pas pouvoir
s’habituer ailleurs. Nous citerons un fait assez curieux, qui prouve que c’est un motif
plus louable qui leur fait chérir le lieu qui les a vus naître. En 1707, lors de l’invasion
des Piémontais, un général autrichien nommé Brounk, au service du duc de Savoie,
arriva à Calian avec une partie des troupes qu’il avait sous son commandement; la
femme de ce général eut pendant la nuit les douleurs de l’enfantement, et accoucha d’un
garçon; ce qui fut cause que le pays eut une garnison qu’on ne retira qu’à la retraite des
Savoyards.

Quarante ans après, un corps d’armée autrichien passant par la petite route qui conduit
de Grasse à Draguignan, éprouva des pertes considérables au passage de la Siagne, par
le courage et la valeur des paysans caliannais. Les Impériaux arrivèrent en force sur le
pays de Calian, bien résolus de le livrer à la proie des flammes. Comme il se disposaient
à exercer leur vengeance et leur fureur, le général qui les commandait les assembla, et
leur dit: — Je sais que vous avez “ fortement à vous plaindre des gens de ce lieu; ce sont
des méchans comme nous n’en rencontrerons, peut-être jamais; ils se sont conduits à
notre égard de la manière la plus cruelle; ils mériteraient une juste représaille ……;
mais ils sont mes compatriotes; Calian est mon pays, et je Elois le faire respecter.
Malheur à celui d’entre vous qui osera porter atteinte aux personnes et aux propriétés.
On voit clairement que cet officier était le fils du général Brounk.

Le territoire de Calian est divisé en deux parties séparées par celui de Montauroux. La
partie à l’ouest se trouve sur la bande calcaire, et celle à l’est sur la bande schisteuse. La
première, qui est celle où se trouve la ville, est complantée de chênes verts et blancs
dans ses expositions au nord, d’oliviers et de figuiers sur ses amphithéâtres au midi, et
de vignes dans une grande étendue de ses plaines. Cette partie n’était autrefois qu’une
épaisse forêt. Le sol est maigre, sec et pierreux; il ne produit qu’à force de culture et
d’engrais. Le sol est à-peu-près tel que Diododre de Sicile le décrit, en parlant de la
Celto-Lygie en général.
— Les Celto-Lygiens qui viennent après la Celtique, dit-il, habitent un canton sauvage
et stérile. Ils mènent une vie misérable, travaillant assidûment à des ouvrages rudes et
pénibles. Comme leur pays est couvert d’arbres, ils sont obligés de passer presque tout “
le jour à les couper: pour cet effet, ils se servent de haches extrèmemenl fortes et
pesantes. Ceux qui travaillent à la terre sont le plus souvent “ occupés à casser les
pierres qu’ils y rencontrent, car ce terroir est si ingrat, qu’il serait impossible d’y trouver
une seule motte de terre qui fût sans pierre. Cependant, quelques “ rudes que soient
leurs travaux, la longue habitude les leur fait paraître supportables; ils achètent une très-
petite récolte par beaucoup de peines et de fatigues.

La seconde partie du territore de Calian est appelée Thaneron, et, par corruption,
Taneron. C’était une vaste forêt dans un pays fort ardu, d’environ douze lieues de
circonférence, qui avait ses seigneurs particuliers. Le dernier de ces seigneurs n’ayant
pas de postérité, laissa cette vaste terre à la maison de Gabris, et la juridiction à la
commune de Calian, dont les habitans avaient seuls le droit d’y introduire des
troupeaux, et de s’y défricher des terres, moyennant un droit de champart (de tasquo).

Cette partie du territoire offre une population d’environ 800 habitans, disséminés dans
des cassines éparses et toutes plus rustiques. Dans les terres cultivées se trouvent
beaucoup de vignes, de figuier, de noisetiers, d’oliviers et de châtaigniers mais les
vignes, plantées sur un sol très-penchant, n’y durent que quelques années, vu que la
moindre averse entraîne la terre soulevée et met à découvert les racines Les terres en
friche n’offrent que des forêts de pins maritimes qui pourraient être remplacés par le
pinus larix ou pin de l’île de Corse, arbre précieux pour nos ports de construction. Au
fond de toutes les gorges, et auprès du moindre surgeon d’eau, se trouvent des
arbousiers dont le fruit, entièrement négligé, pourrait donner un sirop excellent, et un
rhum qui équivaudrait à celui qui vient de la Jamaïque; les châtaigniers pourraient
fournir une excellente nourriture, si l’on avait soin d’en multiplier l’espèce. La
généralité des habitans de ce quartier y est dans la plus affreuse misère, et le manque de
nécessaire les porte assez souvent au crime. La plupart ne vivent que de la fabrication
du charbon de bois. Il y a pourtant des mines de charbon de terre et de plusieurs sortes
de minerais, les mêmes que l’on rencontre sur la montagne de l’Estérel, dont le
Thaneron est une dépendance. Toutes ces mines sont négligées et méprisées par des
hommes aussi rustres qu’ignorans, qui ne travaillent point pour acquérir des biens, et ne
permettent pas que leurs voisins fassent des plantations pour augmenter leurs fortunes.
On assure qu’on s’occupe en ce moment de soustraire ce quartier à la juridiction de
Calian, pour en faire une commune particulière. Les habitans de Calian, loin d’en être
fâchés, s’en réjouissent, et considèrent cette sonstraction comme une vermine qu’on
enlève d’un corps qui tient à être pur et sain.

C’est dans le quartier du Thanéron, et près de la chapelle Saint-Cassien, qu’on voit


encore une tour romaine et les restes d’une fortification établie plus tard, pour défendre
le passage aux troupes qui remonteraient la Siagne et le Bianson.
Calian est la patrie de sainte Maxime de la maison de Grasse; elle mourut supérieure du
monastère de filles dont on voit encore les ruines près du pont de la Camiole.

Le pays de Calian offre une papeterie, trois verreries et une scierie à planches. Les
principales productions sont, l’huile, le vin et quelques fruits. La plaine dite des Touas
donnerait des amandes en quantité, s’il plaisait aux agriculteurs d’y cultiver l’amandier;
et cette récolte les indemniserait souvent du manque de celle des olives, qui y réussit
rarement.
Les foires du pays sont, le premier et le dernier vendredi de mars et le 7 août. Pop. 2,
200 hab.

CALLAS, Cellascium. Petite ville de Provence, chef-lieu de canton, à 2 lieues et demie


de Draguignan. Rien n’atteste que le pays ait été occupé par des familles romaines. Son
territoire n’était vraisemblablement, à cette époque, qu’une vaste forêt de pins, de
chênes blancs et verts, défrichée en très-grande partie, après l’expulsion des Sarrasins,
pour y cultiver la vigne et l’olivier. La plus grande partie du territoire, encore en friche,
se trouve sur la bande granitique. Le sommet de la montagne de Rouët est un granit
primitif, dont les cimes dentelées attestent la vieillesse; ses flancs et sa base sont
hérissés de leurs débris; sa croupe s’abaissant insensiblement vers le nord, s’étend et se
lie au grès qui y succède au granit. Le bas de la montagne est coupé par la petite rivière
d’Endros, autrefois Endelos, sur laquelle, pendant les crues d’eau, l’on fait flotter les
billots de pins destinés aux scieries du Muy.

Vers le milieu de la forêt de Rouët, et même sur le bord de la rivière, est un lieu appelé
l’Argentière. Aux granits qui se trouvent dans cette partie sont mêlées des paillettes
d’argent. Plus d’une fois on a essayé de séparer ce métal; mais les frais ont toujours
excédé le profit.

Le granit s’étend aussi dans le quartier de Pennafort, où se trouvait anciennement un


pagus établi par des Romains. C’est d’une de ses carrières qu’ils tirèrent deux des belles
colonnes qui formaient le temple du soleil de la ville d’Aix, celles que l’on voyait et que
l’on voit encore dans les territoires de Valensole et de Riez, ainsi que l’obélisque qui se
trouve sur la place du marché de la ville d’Arles. Celui qui connaît le quartier de
Pennafort, juge facilement de l’invraisemblance que ces belles pièces d’architecture
aient pu être transportées par eau, ainsi que certain auteur a osé l’avancer.

La petite ville de Callas est bâtie en amphithéâtre sur la bande calcaire; elle est dominée
par la colline de Piol, dont le sommet offre la roche entièrement nue; les rues, toutes
étroites et tortueuses, sont sales, à cause du fumier qu’on est obligé d’y faire pour la
fructification des oliviers. Ses habitans, qu’on qualifie à tort de stupidité, sont laborieux,
propres à l’agriculture et au commerce. Ils transportent leurs huiles dans tout le
Dauphiné et même à Lyon.
En 1431, le pays de Callas s’était compromis pour cause d’insubordination et de
désobéissance au roi. Ces forces militaires furent dirigées contre ce lieu pour le détruire
et pour châtier sévèrement les habitans. C’en était fait de Callas, si la ville de
Draguignan n’eût employé tout son crédit à la cour pour le préserver d’une ruine totale.
Ce service est entièrement oublié.

En 1579, le seigneur de Callas fut égorgé dans son château par un ennemi particulier.
Parce que les habitans avaient soutenu un long procès contre le seigneur, ils furent
accusés d’être les auteurs de ce meurtre. Par arrêt de 1584, ils furent reconnus innocens.
Le seul coupable fut puni par la justice. En 1620, les héritiers du feu seigneur ayant
établi des contestations sur les droits féodaux, les habitans achetèrent les biens et les
droits seigneuriaux; de ces derniers ils en firent hommage au roi, qui les accepta.

Pendant la dernière révolution, le pays a été aussi calme qu’en temps de paix. Les
honnêtes gens ne se sont point cachés, et ont conservé entre leurs mains l’autorité
municipale. Le peuple n’a point envié des charges pour lesquelles il ne se sentait point
capable; aussi nulle persécution n’a eu lieu dans ce pays. Au contraire, nombre de
malheureux Provençaux trouvèrent à Callas un sûr asile contre le délire révolutionnaire
qui les poursuivait avec acharnement.

Après nos malheureux désastres, en 1815, lorsque les armées étrangères occupaient la
France, une assez forte garnison fut imposée à Callas. Les habitans du pays, irrités déjà
par la vue des soldats ennemis qui ravageaient la campagne et maltraitaient ceux qui
étaient forcés de les recevoir dans leurs maisons, se levèrent comme un seul homme, et
jurèrent d’exterminer tout le détachement. Le massacre aurait commencé; il aurait eu
des suites terribles, si le maire qui prévoyait que d’autres troupes seraient envoyées pour
venger celles qui auraient été sûrement exterminées, n’eut calmé cette effervescence,
causée surtout par la haine contre l’étranger, en montrant les suites de ce coup d’état. La
population se calma; mais c’est un souvenir glorieux qui doit rester.

Callas possède, depuis le 2 août 1826, un bel établissement d’instruction primaire


gratuite, fondé par M. Verrion, vicomte d’Eselans, avec une rente sur l’état de quinze
cents francs par an. Dirigée par le mode d’enseignement mutuel, l’école est une des
mieux assorties en ce genre.

Le climat de Callas est tempéré; le sol est, en général, assez mauvais et sec; il produit
cependant du blé, du vin et surtout beaucoup d’huile. Population: 2, 100 hab.

Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Callas, Barg e m o n t ,


Châteaudouble, Claviers, Figanière, Favas et Montferrat.

CAMARAL. Cap de la cote maritime du département du Var, près de Ramatuelle.

CAMARET, Camaretum. Village à une lieue et un quart d’Orange son chef-lieu de


canton et d’arrondissement, entouré de remparts, sur la rive gauche de l’Aigues, dans
une plaine fertile et agréable, à laquelle on a donné le nom de plan de Dieu, pour
prouver qu’elle ne peut être meilleure. Les prairies, les jardins et les mûriers produisent
considérablement au pays. Pop. 2, 225 hab.

CAMARGUE (LA). Grande île formée par le grand et par le petit Rhône et par la mer.
Cette île n’est éloignée de la ville d’Arles que par la largeur du fleuve, que l’on passe
sur le même pont de fil de fer qui aboutit au hameau de Trinquetaille. Les Anatiliens,
peuple celto-lygien, occupaient cette île. Le mot Anatilii, en langue celtique, signifie
habitant d’une île. Leur ville capitale se trouvait à l’embouchure du grand Rhône
d’alors, qui était peu distante du lieu où se trouve la ville d’Arles.

Le nom de cette île est une corruption de Campus Marii ou de Caïus Marius, dont on a
fait Camaria ou Camargue. Marius avait parcouru la Camargue, lorsqu’elle s’étendait
jusqu’à l’étang de Galéjon, où passaient jadis les eaux du grand Rhône qui
communiquaient avec les fossœ Marianœ. C’est sur le bord du Galéjon, et du coté de
l’est, que les Marseillais Phocéens avaient bâti une ville qui tut nommée Rhoda,
Rhodos, Rhodanutia, ville qui donna le nom au fleuve. Il n’en paraît plus aucun vestige.
Les atterrissemens du Rhône l’ont entièrement couverte, et toutes les fouilles qu’on a
faites depuis, n’ont pu découvrir le point exact où elle se trouvait.

Le petit Rhône a également fait un pas vers l’est. Son ancien lit était ce qu’on appelle
encore le Rhône mort. Louis IX, dans sa première et seconde croisade, s’embarqua à
Aiguemorte. La mer s’avançait jusque là. Mais le déplacement du petit Rhône a forcé la
mer à se retirer à une grande distance de cet ancien port. L’étang de Valcarès, qui
occupe presque un quart de la Camargue était un golfe très-enfoncé dans les terres. Le
grand Rhône, par ses atterrissemens, a non seulement rétréci le golfe sur tous les points,
mais il en a fait un étang, en le séparant de la mer par un banc de sable. Autrefois le
grand Rhône portait ses eaux jusqu’aux Saintes-Maries, c’est-à-dire à la pointe sud-
ouest de la Camargue.

Le canal du Japon, qui forme l’île du plan de Bourg, ne date que de 1711. Il fut formé
par une grande crue des eaux du grand Rhône. Du côté de cette île, la mer recule d’une
manière sensible. La tour Saint-Louis fut construite en 1737 sur l’ancien rivage, et elle
en est aujourd’hui éloignée au moins d’une lieue. Jugez de combien la mer doit avoir
reculé, depuis que les Romains bâtirent la ville d’Arles.

Le terrain de la Camargue est un limon composé de silice, d’alumine, d’oxide de fer et


de débris calcaires couverts d’une grande couche d’humus qui, dans les marais, se
rapproche de la nature de la tourbe.

Beaucoup de branches d’arbres et de feuillage y sont enfoncées, et ne contribuent pas


peu à la fertilité du sol.
Voici un fait singulier qui surprendra beaucoup de monde, et que la plupart trouveront
fabuleux. En traversant l’étang de Fournaux lorsqu’il est à sec, on croit voir l’eau au-
devant de soi, qui recule au fur et à mesure que l’on avance. Les personnes qui ne
connaissent pas le phénomène du mirage s’empressent de faire le tour de cet étang,
tandis qu’elles pourraient le traverser à sec.

La Camargue nourrit une grande quantité de chevaux et de bœufs sauvages; les chevaux
sont très-légers à la course et beaucoup plus infatigables que les autres chevaux du
royaume: mais ils sont sauvages et ombrageux. On y a nouvellement établi un haras de
la plus belle espèce.

Les bœufs, ou plutôt les taureaux, vulgairement appelés dans le pays bœufs marins,
parce qu’ils vivent au bord de la mer, n’y sont plus aussi nombreux que dans le temps
où l’on y en comptait plus de seize mille. Ces animaux ne se nourrissent que dans des
marais fangeux, sous un climat brûlant en été et très-froid en hiver. Ils ne sont soignés
par personne, et vivent dans un état tout à fait sauvage. Des gardiens à cheval sont
chargés d’un troupeau dont le moindre est de cent têtes, et le plus fort de quatre cents.
Ils n’ont d’autre charge que de les faire rester dans le pâturage qui leur est assigné. Ces
hommes sont si vigoureux, si lestes et si adroits, qu’ils ne craignent pas de s’élancer
dans les troupeaux pour leur enlever les jeunes veaux.

Ces taureaux étant tous noirs, et ceux d’un troupeau, se mêlant souvent avec ceux d’un
autre, il est important pour les propriétaires de connaître chacun ce qui lui appartient. Il
cet effet, on applique à chaque bête une marque qui désigne le troupeau ou le nom du
maître. Cette opération s’appelle la ferrade. C’est un spectacle amusant pour les gens de
la contrée, qui y accourent en foule. Les gardiens, auxquels se joignent des jeunes gens
d’Arles et des environs, tous montés à cheval, et armés d’un long trident, courent dans
les marais à la poursuite des jeunes taureaux. Dès qu’on en aperçoit un, il est en même
temps entouré, piqué et forcé de se diriger dans une enceinte faite avec des charrues, des
pieux, et de tout ce qu’on a pu se procurer. Tous les spectateurs entourent la barrière; la
plupart sont armés de perches pour repousser au besoin l’animal.

Parvenu dans l’arène, le taureau est serré de plus près; et lorsqu’il est harrassé de
fatigue, on le combat à pied, et on finit par le renverser sur son dos. Chacun s’empresse
de tenir l’animal par quelque partie de son corps. Le propriétaire approche de la
personne de l’assemblée qu’il veut honorer, lui présente le fer chaud, et la prie de venir
l’appliquer sur le taureau. Dès que la personne a repris sa place, on ouvre une issue à
l’animal par où il se précipite avec toute la fureur dont il est susceptible, pour aller
promener tristement sa honte dans les marais qu’il vient à peine de quitter, L’île de la
Camargue, dans ses extrémités, offre un animal fort curieux qui mérite d’être connu.
C’est le castor de France, qu’on nomme en provençal lou vibre, du latin viber. Il habite
les embouchures du Rhône et principalement dans les îlots qui se trouvent au milieu du
fleuve. Il ne vit que d’écorce d’arbres qu’il va couper lui-même, et qu’il charrie par le
courant de l’eau jusqu’à sa demeure, qui est très-commode et convenable à ses
habitudes. Elle est si bien construite et tellement cachée, qu’on ne peut la découvrir, à
moins que le terrain qui la couvre ne s’éboule. Pour préserver leurs demeures des
inondations, ces animaux, à l’aide de plusieurs branches et de joncs entrelacés, élèvent
sur l’entrée de leur tanière une espèce de tour qu’ils cimentent avec de l’argile. Par ce
moyen, les eaux des plus fortes crues ne les surprennent jamais.

Les moucherons et les arabites désolent les habitans pendant l’été. Les gens sont obligés
de boire de l’eau du Rhône, parce que celle des puits est saumâtre et d’un goût si
désagréable, que les bestiaux n’en veulent pas. Les poissons qui se nourrissent dans les
étangs sont si mauvais, qu’ils occasionnent la fièvre à ceux qui ont l’imprudence d’en
manger.

Il y a, dans la Camargue, de vastes étables pour y recevoir les nombreux troupeaux qui,
au commencement de l’automne, descendent des montagnes de la haute Provence et du
haut Dauphiné. Ils s’y nourrissent d’herbes salées qui sont favorables au menu bétail.

Les marais de la Camargue sont garnis d’arundo aquagmites, de joncs de masses et


autres plantes aquatiques. Les prairies naturelles offrent le vulpin, le fliole des prés, le
foin, plusieurs fitugues et autres graminées, les bardanes, les onopordons, les
centaurées, les carlines, les sénéçons, les armoises, les chardons, etc. On y trouve aussi
des lambruches ou lambrusques, sortes de vignes sauvages qui donnent un vin un peu
âpre, mais d’un assez bon goût. Celui provenant des vignes cultivées est fort gros et
assez mauvais. L’île de la Camargue, qui a environ dix lieues de long, contient huit
hameaux et un bourg. Voyez SAINTE-MARIES.

CAMATULICI. Peuplade celto-lygienne qui occupait le littoral, depuis l’embouchure


de l’Argens jusqu’en delà du village de Ramatuelle. Leur chef-lieu était, selon toute la
probabilité, dans le territoire de Grimaud. Voyez ce mot.

CAMÉLIONE, Mons Acema ou Cemenus Mons. Montagne qui sépare la vallée de


Barcelonnette du marquisat de Saluce, dans le Piémont. Elle communique son nom à
toutes celles qui forment la vallée et qui s’étendent jusqu’aux sources du Var.

CAMPDUMY, Campas Dumy (champ de buissons), anciennement Camptuemia. Petit


village du canton de Besse, à 2 lieues de Brignoles. Productions, les mêmes qu’aux
environs. Pop. 80 hab.

CAMPJUEL, Campus Julii (Champ de Jules). Vaste plaine pierreuse qui se trouve entre
Trigance et Aiguines. On assure que Jules César y fit camper son armée. On trouve
encore des vestiges de campement près de Vérignon. Le duc de Savoie s’y arrêta aussi,
lorsqu’on le força à quitter la Provence, après s’y être soutenu pendant plusieurs années
par les intrigues de la comtesse de Sault. Cette plaine n’offre aucune source. Les
grandes fermes qui s’y trouvent disséminées, donnent chacune jusqu’à mille et douze
cents francs par an à des muletiers pour leur apporter de l’eau du Verdon ou d’ailleurs.
On présume que les eaux pluviales de cette plaine fournissent à la belle source dite
fontaine l’évèque, et qui se trouve dans le territoire de Beauduen. Cette plaine est
giboyeuse; on y va à la chasse des lièvres et des perdrix, Il s’y trouve beaucoup de
vipères.

CAMPS, Castrum de Campis. Village à une lieue de Brignoles son chef-lieu de canton
et d’arrondissement, bâti au pied d’un coteau, au bas duquel naît une belle source d’eau
excellente appelée, dans les temps les plus anciens, fons de Camps. Il est immanquable
que des familles romaines n’aient établi plusieurs villa, dans le territoire. Je pense même
qu’il devait y en avoir une considérable près de la fontaine, et que c’est cette villa qui
forma le village primitif.

Les troupes de Raymond de Turenne, n’ayant pu s’emparer de la ville de Brignoles,


vinrent piller et brûler ce village qui n’offrait aucune défense. Mais il fut bientôt rebâti.
On y compte aujourd’hui plus de quarante fabriques de chapeaux de laine qu’on expédie
dans toute la Provence et dans les colonies.

Le climat est sain, le sol fertile. On y recueille un peu de toutes les productions de la
basse Provence. Les châtaignes n’y sont pas aussi bonnes que sur les montagnes des
Maures; mais le vin cuit qu’on y fait mérite la réputation dont il jouit. Des bancs de grès
très-étendus percent par intervalles à travers les masses calcaires, et font que les plantes
potagères y sont excellentes. Pop. 1, 100 hab.

CANDERON. Montagne près de Brignoles, dont le sommet est à 760 mètres au-dessus
du niveau de la mer. Elle contient du marbre de différentes couleurs, du jaspe qui prend
facilement le poli; il est fond brun rouge parsemé de tâches blanchâtres et noires. Au bas
de cette montagne se trouve une mine de charbon de terre qui, exploitée, pourrait être
fort avantageuse aux fabriques des environs, et favorable à une verrerie qu’on pourrait
établir sur le lieu même.

CAMBIER. Plage à l’entrée du golfe de Saint-Tropez, près de laquelle se trouvent des


madragues pour la pêche du thon.

CANNAT (SAINT), Sanctus Cannatus. Village du canton de Lambesc, à 3 lieues et un


quart d’Aix. Ce nom fut donné à ce lieu par le fils d’un gouverneur romain qui résidait à
Aix vers l’an 475. Cet enfant fut nommé Cannat (Cannus natus), parce qu’il naquit avec
des cheveux blancs. Il se retira du monde, pour aller habiter dans un bois solitaire voisin
de la ville d’Aix; il s’établit à un quartier appelé Sauzet, de la quantité d’osiers noirs (de
saoutes), qui se trouvaient au bord d’un petit ruisseau qu’on y voit encore. Il fut bientôt
retiré de sa solitude pour aller occuper le siege épiscopal de Marseille. A sa mort,
conformément à ses dernières volontés, il fut inhumé au Sauzet, dans une petite chapelle
qu’on y bâtit en son honneur.

L’arrivée des Wisigoths en Provence fit fuir nombre d’habitans de la ville d’Aix et de
plusieurs autres endroits. Ils vinrent s’établir en ce quartier, et construisirent leurs
demeures près de la chapelle. Ils s’adonnèrent à cultiver un sol ingrat qui ne produit,
même aujourd’hui, qu’à force d’engrais; cependant on y recueille du blé, du vin et de
l’huile. Des événemens malheureux ont fait abandonner entièrement le lieu du Sauzet;
et les habitans, au nombre de 1, 900 préfèrent avoir leur domicile sur la grande route.

Le territoire de Sàint-Cannat n’était, dans le principe, qu’une vaste forêt très-sombre, où


les Druides exerçaient leur ministère religieux. Les Celto-Lygiens n’étaient pas comme
ces sauvages dont on nous dépeint l’ignorance et la barbarie. C’étaient, au contraire, des
hommes qui vivaient en société, qui exerçaient l’hospitalité et qui rendaient un culte à
l’être suprême qui, selon eux, présidait à la police du monde. Ils n’élevaient point de
temple à leur dieu, car ils ne pensaient pas qu’il fût permis de renfermer son immensité
dans des murailles; aussi allaient-ils lui rendre leurs hommages, non sur les hauts lieux,
comme fesaient la généralité des peuples réputés civilisés, mais dans le fort des bois les
plus sonores, les plus silencieux, les plus capables d’inspirer le respect, le recueillement,
et de pénétrer de terreur. Les sacrifices n’étaient offerts que vers le milieu de la nuit; le
peuple s’y rendait avec empressement; chacun était muni d’une torche pour éclairer sa
route, et pour accompagner avec pompe et solennité le taureau ou la génisse qu’on allait
immoler.

En outre de cette divinité supérieure à laquelle ils avaient donné le nom de Dis, leur
ancien roi, à qui ils étaient redevables de leur législation, les Celto-Lygiens adoraient
aussi un être inférieur, qu’ils appelaient Neith; c’était, selon eux, le souverain des vents
et des tempêtes, du feu et de l’eau, du froid, du chaud, et de tout ce qu’ils redoutaient le
plus. C’est pourquoi ils lui offraient du gibier, du poisson, des plantes marines et des
fruits, selon qu’ils allaient à la chasse, à la pêche, ou qu’ils allaient se livrer à la
navigation ou à un long voyage par terre. Leurs cérémonies religieuses étaient si
imposantes, si édifiantes et si dignes de respect et d’admiration, que la plupart des
Phocéens, fondateurs de Marseille, abandonnaient leurs temples pour aller immoler des
victimes aux divinités tutélaires des Celto-Lygiens.

Pour arrêter cette sorte de schisme, le gouvernement de Marseille décida de corrompre


les mœurs et les usages des peuples de la contrée, et de rendre leur culte odieux aux
étrangers qui viendraient s’établir dans la Celto-Lygie. Il ne lui fut pas diff i c i l e
d’inspirer à des hommes simples et sans expérience, l’idée de donner à leur culte une
sorte d’uniformité avec celui que les Phocéens rendaient à leurs dieux. Il les engagea à
choisir plusieurs hommes pour être les ministres de leur religion. Ces nouveaux prêtres,
connus sous le nom de Druides, furent à leur tour séduits par les funestes exemples et
les conseils pernicieux des prêtres grecs; et, en peu de temps, le sacerdoce druidal
s’empara de tout le pouvoir, et eut sur la nation l’ascendant le plus tyrannique que
jamais ministres d’une religion aient pu s’arroger. Cet ascendant les porta bientôt au
plus affreux despotisme, et le despotisme les rendit encore plus cruels que ceux qui leur
avaient servi de modèles. Ce fut en vain que les nobles, autrement appelés cavaliers,
parce qu’ils combattaient à cheval, firent leurs efforts pour étouffer, ou du moins pour
réduire le pouvoir des Druides; le mal avait poussé de trop fortes racines. Ces nobles
furent, par les Druides, voués à la vindicte publique, jusqu’à ce qu’ils eussent témoigné
beaucoup de respect pour eux, et qu’ils les eussent reconnus comme leurs supérieurs.

Il y avait quatre espèces de druides: les Druides proprement dits, les Bardes, les
Vacerres et les Eubages. Les Druides avaient le soin des sacrifices, des prières, de
l’interprétation des dogmes de la religion, de déclarer la guerre, de conclure la paix, de
l’administration de la justice, de l’instruction de la jeunesse dans les sciences et la
divination, etc. Les Bardes chantaient des vers à la louange des dieux et des hommes
illustres; ils jouaient des instrumens et chantaient à la tête des armées. Les Vacerres ou
Vates offraient les sacrifices, et vaquaient à la contemplation de la nature. Les Eubages
tiraient des augures des victimes humaines qui avaient été substituées aux taureaux et
aux génisses qu’on immolait avant la création des Druides.

Le sexe féminin n’était point entièrement exclu des fonctions sacerdotales; mais il fallait
être vierge et être élevée de bonne heure à cet état, pour apprendre à juger les personnes
qui s’étaient rendues coupables du crime d’injure, de médisance et de diffamation; et
surtout pour avoir assez de force et de fermeté pour enfoncer le glaive de la justice dans
le cœur des victimes humaines. Ces filles, qui étaient en même temps vierg e s ,
prêtresses, prophétesses, juges et bourreaux, étaient appelées Druidesses, et avaient leur
monastère également dans une sombre forêt, et à peu de distance de celui occupé par les
Druides. La fécondité des Druidesses n’était pas punie aussi rigoureusement que celle
des Vestales romaines; on croit qu’elles étaient condamnées à demeurer cloîtrées tout le
reste de leur vie.

Le souverain prêtre druide était un personnage très-important; aussi, lorsque sa place


était vacante, elle allumait les désirs des ambitieux. Le conclave s’assemblait alors par
députés dans un des principaux monastères druidals, et n’en sortait une jusqu’à ce que le
nouveau souverain prêtre fût élu. On ne sait pas s’il y avait un pareil souverain pour
chaque royaume, ou si un seul suffisait pour toute la Celto-Lygie. On ignore même en
quel lieu ce chef des ministres druides fesait sa résidence. Je pense qu’il devait y avoir
un tel souverain pour chacune des cinq grandes nations celto-lygiennes, savoir: les
Saliens, les Cavares, les Albici, les Suelteri et les Vediontici; et que leurs résidences
étaient dans les forêts voisines d’Astramela, de Carpentorate, de Reii, d’Antéa et de
Cemenelum. Ils ne devaient point habiter à portée des villes grecques ou romaines,
telles que Marseille, Arles, Vaison, Aix et Fréjus, sur lesquelles ils n’auraient eu aucune
autorité. Leur puissance n’aurait pu s’étendre sur tous les habitans; et, dans les malheurs
publics, ils n’auraient pu faire immoler sur l’autel un homme de leur choix, qui, le plus
souvent, était un citoyen dont le zèle leur fesait ombrage.

Voilà ce que c’était que les Druides; voilà quel fut le résultat de l’affreux machiavélisme
des Phocéens et des Romains. Ce fut sous le prétexte de l’immolation des victimes
humaines, que les Romains détruisirent la religion et les prêtres celto-lygiens. Les
Romains n’avaient pas raison de reprocher aux Druides, encore dans un état voisin de la
barbarie, de sacrifier à leurs dieux des hommes qui, d’après Diodore de Sicile, n’étaient
que des malfaiteurs ou des malheureux que le sort de la guerre avait fait tomber en leur
puissance, quand les Romains eux-mêmes, à l’époque la plus florissante de leur
civilisation, infiniment plus barbares que les Druides, forçaient non seulement les
prisonniers de guerre, mais leurs propres concitoyens, leurs parens, leurs serviteurs à
s’entregorger eux-mêmes, non comme une punition due à quelque grand crime, mais
aux uns, pour avoir défendu leur prince et leur patrie, leurs enfans, leurs biens, leur
indépendance; et aux autres, pour avoir osé adorer la divinité sous un nom différent et
de tout autre manière que la multitude ignorante qui formait la masse de la nation; ou
pour avoir osé préférer les félicités de la vie future aux louanges et aux honneurs des
grands, parvenus à la fortune par le crime de la rébellion et en trompant le peuple; et les
Romains faisaient de la mort de ces infortunés l’objet de leurs féroces comme de leurs
plus chères récréations. Hommes, femmes, enfans, patriciens, plébéiens, prêtres ou
magistrats, tous accouraient à l’amphithéâtre pour jouir de l’affreuse agonie des
Gaulois, des Romains, des sujets de l’empire qu’ils contraignaient à se déchirer les uns
les autres, ou qui devaient périr sous la griffe et sous la dent des tigres, des lions, des
léopards, animaux bien moins cruels que les hommes qui leur fournissaient
journellement leur pâture et puis on nous fait encore l’éloge du peuple romain; on nous
vante ses lois et ses mœurs; on regrette leur gouvernement, on déplore la chute de leur
empire. Hélas! Quel aveuglement! Si ces barbares n’avaient jamais existé, ils n’auraient
point communiqué à tous les peuples qu’ils subjuguèrent, des principes de trahison et de
cruauté qui se perpétueront jusqu’à l’entier dépeuplement de la terre.

CANNES, Castrum de Cannis. Ville chef-lieu de canton, à 4 lieues de Grasse, sur le


bord de la mer, vis-à-vis les îles Sainte-Marguerite et Saint-Honorat, avec un tribunal de
prud’hommes.

Plusieurs auteurs, tant anciens que modernes, ont dit que la ville capitale des Oxibiens
était Ægytna; d’autres ont soutenu que c’était Oxibia. Je pense que la capitale de ce
peuple était divisée en deux parties, distantes l’une de l’autre d’environ une lieue. La
première partie, conçue sous le nom d’Ægytna, se trouvait, ainsi que tous les auteurs
nous l’assurent, au fond du golfe Jouan; la seconde, appelée Oxibia, était au pied d’un
retranchement naturel, sorte de fortification qui avoisinait toujours le lieu où les anciens
peuples tenaient leurs assemblées générales. Ce retranchement des Oxibiens se trouvait
sur une éminence qui domine la ville de Cannes, où l’on voit encore les ruines d’un
ancien château qui défendait la plage et la voie aurélienne. Ce château, construit par les
Marseillais. dès qu’ils furent maîtres du littoral, fut appelé castrum Marcellinum; en
1132, il prit le nom de castrum Forum.

Les Romains, après avoir défait les Oxibiens près de l’embouchure de l’Acro (la
Siagne), détruisirent leurs villes capitales. Ce fut sur les ruines d’Oxibia que les
Marseillais jetèrent les fondemens de la ville de Cannes, qui fut saccagée et détruite par
les Sarrasins, et les habitans menés en esclavage. Des familles génoises, mêlées à
quelques autres du pays qui avaient pris la fuite à l’approche des barbares, repeuplèrent
la ville actuelle que le commerce de Grasse fait valoir. Les bâtimens marchands ne s’y
arrêtent guère, parce que la plage ne leur offre aucun abri contre les vents du midi. Un
double môle y serait très-urgent, et les navires, en cas de guerre maritime, y seraient en
sûreté sous les batteries du fort de l’île Sainte-Marguerite. La ville de Cannes, qui a des
parfumeries et des scieries, serait en peu d’années une ville industrielle et commerçante,
et l’on pourrait compter sur la franchise et la bonne foi des habitans.

C’est dans le territoire de Cannes que se trouve la plaine de Laval, célèbre par la bataille
des Romains contre les Oxibiens, et par celle des troupes d’Othon contre celles de
Vitellius jointes à celles de Valius. Elle dura la moitié de la journée et toute la nuit
d’après. Les soldats d’Othon, quoique victorieux, ne purent profiter de leur victoire. Ils
se rembarquèrent pour l’Italie. Vitellius fut s’enfoncer dans Antibes, et Valius retourna
tristement à Fréjus. Les soldats romains, dirigés par un nommé Cassius, construisirent
une montagne au bord de la mer, pour qu’elle leur servît de retranchement et de défense
contre l’armée d’Othon. Parce qu’on a bâti une chapelle en l’honneur de saint Cassien
au-dessus de ce tertre, la plupart ont cru que cette élévation était l’ouvrage des moines
de Lérins. Les moines ont desséché bien des marais pour en distribuer la terre aux
pauvres, mais ils n’ont point élevé de montagnes pour se rendre redoutables.

La plaine de Laval était, dans le principe, un golfe ouvert du côté du midi, et fort abrité
sur tous les autres points. La rivière de Siagne a, par ses atterrissemens, comblé cette
vaste étendue de mer, et en a fait un champ à blé et une prairie qui seraient très-
productifs, si les eaux de la Siagne, sortant toutes les années de leur lit, ne les inondaient
pour les convertir en marais pestilentiels. Cette plaine n’était autrefois qu’une rizière qui
fournissait une grande partie de la France. Les habitans de quelques petites communes
voisines réclamèrent pour qu’on discontinuât cette culture qui rendait le pays insalubre.
Ce moyen n’a pas suffi pour rendre cette contrée plus saine, et la France s’est rendue
tributaire du Piémont pour se procurer du riz. On pourrait sans crainte et sans
inconvénient rétablir ces rizières; on pourrait aussi remplacer avantageusement la
culture du riz par celle du pastel, du tabac et de la patate du Malaca. Cette dernière a
très-bien réussi dans un essai en grand qu’on vient d’y faire,
et le fruit en provenant est aussi bon que si on l’avait recueilli dans les meilleurs fonds
de la zone torride, C’est devant Cannes que se trouvent les îles de Lérin si célèbres dans
l’histoire de l’église et dans les annales de la Provence. Voyez SAINT-HONORAT et
SAINTE MARGUERITE. Les principales productions de Cannes sont, le blé, le vin et
le foin. La pêche y est abondante, et les poissons y sont meilleurs qu’à Antibes. Populal.
4, 000 hab. Foires, le 16 mai, le 14 septembre et le 6 décembre.
Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont Cannes, le Cannet,
Mouans, Mougins, la Roquette et Sartoux.

CANNET (LE). Village du canton de Cannes, à 4 l. de Grasse. Ce n’était naguère qu’un


hameau de Cannes; mais, en 1774, il fut érigé en commune. Ce village est divisé en
plusieurs parties, et se trouve sous le plus beau climat de la Provence. Son exposition est
magnifique. Il est abrité de tous les vents par des coteaux garnis de beaux oliviers et
d’une grande quantité de beaux orangers qui parfument le village et la campagne. Les
roses, les tubéreuses, la cassie et plusieurs autres fleurs embellissent les jardins, et
fournissent aux distillateurs du pays. La campagne est arrosée d’une infinité de petites
sources qui font de ce pays un paradis terrestre. Du village on découvre une grande
étendue de mer qui vient baigner le pied de la rampe, les îles de Lérins, dont la première
n’est qu’à quelques minutes de la route d’Italie, et l’île de Corse dans un grand lointain,
quand l’horizon est sans nuages au lever du soleil. Le territoire produit principalement
de la bonne huile, du vin et des fleurs d’oranger; les jardins donnent des primeurs.
Foires, le 25 novembre et le 19 septembre. Pop. l, 350 hab.

CANNET (LE). Village du canton du Luc, à 6 lieues et un quart de Draguignan, situé


sur une colline fort raide du côté du midi.

Ce serait faire injure au bon goût des Romains, de croire qu’ils avaient fait du Cannet un
lieu important. On ne peut pas même supposer que la voie aurélienne passât par ce
village. Le manquement d’eau, la forte rampe pour arriver sur cette élévation, et la
fausse direction de Forum Julii à Matavo, sont une preuve certaine que le Forum
Voconii des Romains n’était pas au lieu où se trouve le village du Cannet. Nous croyons
l’avoir suffisamment démontré aux articles CABASSE, DRAGUIGNAN et
TARADEAU, auxquels nous renvoyons nos lecteurs.

Cependant le lieu du Cannet fut connu des Romains. On y voit des traces de leur long
séjour. Il est hors de doute que la vaste plaine, fertile en grande partie, et la belle
exposition de l’amphithéâtre qui la garantit du côté du nord, n’aient attiré des familles
romaines dans le pays. Des restes de monumens nous l’attestent de manière à n’en
pouvoir douter. La chapelle de la Trinité, sur la grande route, est construite en partie de
pierres sépulcrales, la plupart portant des inscriptions. Le manquement d’eau ne permit
pas de bâtir une ville ni un bourg dans le territoire, mais simplement des villas ou
maisons de campagne, dont la plupart furent embellies de monumens et même de petits
temples en l’honneur de quelques divinités particulières. Cette année même, le
propriétaire de la terre dite Sainte-Maïsse a trouvé, en faisant des feuilles, des traces non
douteuses d’une piscine de construction romaine, composée de plusieurs bassins, dont
un plus grand que les autres, et contenant une multitude de coquilles d’huîtres de
l’Océan, signes incontestables qu’il y avait près de là une maison de campagne qui avait
appartenu à une riche faınille. Une seconde preuve, c’est une plaque en plâtre blanc,
garnie de moulures et autres ornemens, et qui paraît avoir servi à l’embellissement
d’une maison de maître. Ajoutons à cela des médailles, une grande quantité de fragmens
de tuiles romaines et de briques tumulaires, une petite cuiller en ivoire, en sortes de
verres évasés, sur pied et à bord doré, des tuyaux de plomb propres à la conduite de
l’eau, une petite conque en calcaire dur, très-bien sculptée, qui recevait l’eau d’un petit
canal et la donnait vraisemblablement à des bains, nombre de carreaux de marbre
coulés, moitié blancs et moitié foncés, qui peuvent avoir servi à une salle de bains ou à
un petit temple. Je ne doute point, qu’en continuant les recherches, on ne trouve en ce
même quartier les fondemens de la villa dans ses trois divisions.
Une villa ou maison de campagne romaine était un grand bâtiment divisé en trois
parties; l’une, appelée artana, destinée uniquement pour le maître et sa famille; l’autre,
dite rustica, comprenait toutes les habitations des intendans des travaux, des ouvriers, et
même des esclaves, si le maître était un militaire; enfin la troisième, désignée sous le
nom de fructuaria, où se trouvaient, selon les lieus et les climats, les granges, les cuves,
les pressoirs, les jarreries nécessaires à l’économie rurale. Les Romains ne divisaient
pas comme nous les propriétés. Ils ne connaissaient, au contraire, que la grande culture.
Une villa était souvent un village très-peuplé, dont les propriétaires étaient comme
furent plus tard les seigneurs au milieu de leurs vassaux.

L’arrivée des Sarrasins dans le Sinus Sambracitanus (le golfe de Grimaud), força
vraisemblablement les habitans du territoire de quitter la campagne, pour aller se
fortifier sur la hauteur, et braver, par leur position, les menaces du Fraxinet, qu’ils
avaient en face. L’histoire ne nous dit pas si le Cannet fut attaqué par les barbares;
cependant nous pouvons le présumer, vu que tous les autres lieux de la contrée ont
éprouvé les effets du génie destructif de ces ennemis des chrétiens. Ce fut, je crois, à
cette occasion que quelques habitans, pour éviter la mort ou l’esclavage, furent se
cacher dans un lieu sauvage et d’un accès difficile auprès des cataractes de l’Argens, où,
pour se livrer à leurs devoirs religieux, ils taillèrent dans le roc la chapelle connue sous
le nom de Saint-Michel. L’avenue de cette chapelle, presque toute la voûte, les parois,
les banquettes qui se trouvent au bas, la marche qui sépare le sanctuaire du corps de la
chapelle, tout cela n’est qu’une seule et même pièce taillée au ciseau. Il y a de bâtisse
que la clef de la voûte, que le temps ou les hommes ont dégradée, et qu’on ne
s’empresse point de réparer. Cependant cette solitude est souvent visitée par des curieux
et par des savans. Tous aimeraient trouver des preuves de la piété des fidèles
d’aujourd’hui, qui pussent être balancées avec celles des premiers chrétiens qui
s’établirent dans ce triste lieu; tant il est vrai que ce n’est pas dans le bruyant de la
société, mais bien dans la retraite, que l’homme se détache réellement du monde pour ne
s’occuper que de son propre salut.

Le village du Cannet est d’une construction égale à celle de la généralité des communes
rurales. Les habitans n’avaient d’autre eau pour boire que celle des citernes du château
seigneurial. Mais, lors de la dernière révolution, le peuple, égaré par l’esprit de
circonstance, détruisit en un seul jour et le château et les citernes, sans songer qu’en
nuisant à son seigneur il se nuisait encore plus à lui-même. Aussi, depuis cette époque,
les habitans vont chercher l’eau fort loin et jusqu’au bas de la rampe, à une petite
fontaine particulière généreusement rendue publique.

Ainsi que nous l’avons dit, le Cannet a une vaste plaine qui, bien cultivée, fournirait aux
besoins d’une nombreuse Population. Elle est fertile, immédiatement au-dessous de la
route d’Italie, mais les trois quarts ne sont que des landes. Elle est traversée par la
rivière d’Aye, et coupée par de petits torrens dont un donne naissance à une source
d’eau salée. Les amphithéâtres, de la partie calcaire sont couverts de beaux oliviers, et
ceux de la partie schisteuse offrent des chênes-lieges, des châtaigniers et de grandes
forêts de pins de plusieurs espèces, parmi lesquelles on distingue le pinus pinea et le
pinus sativa. Ces arbres forment avec leurs branches un espèce de parasol, et produisent
des pommes fort grosses remplies de pignons d’un bon goût. C’est une ressource pour
les pauvres gens, qui vont les vendre dans les communes voisines, principalement à
Draguignan, où il s’en fait en été une grande consommation.

Auprès du pont de l’Aye, il y a une verrerie où l’on fabrique tantôt des cristaux, tantôt
du verre à vitre ou du verre vert. Au quartier Saint-Dalmas, il y a une mine de plomb
qu’on avait commencé d’exploiter avec succès. La mésintelligence qui régna entre les
concessionnaires, la mort du directeur, l’ignorance des ouvriers et la banqueroute que fit
le régisseur, en enlevant la caisse des actionnaires, furent cause de l’abandon de cette
mine. Tous les bâtimens qu’on avait construit pour cette fonderie sont détruits. Les eaux
et les éboulemens ont comblé et fait disparaître tous les travaux.

Les principales productions du territoire du Cannet sont, l’huile, le vin, le blé, les
châtaignes et les pignons. Pop. 810 hab.

CAPELETTE (LA). Hameau dans le territoire de Marseille.

CAPET. Voyez SÉPET.

CAPILATI. Nom générique des Celto-Lygiens et des Gaulois, qui portaient les cheveux
longs. C’étaient ceux qui habitaient la haute Provence, depuis en dessus de Vence
jusqu’à Allos.

CARAMIE, Caramia. Petite rivière du département du Var, qui naît dans le territoire de
Mazaugues, traverse les plaines de Camps, la Celle, Brignoles, le Val, et se réunit à
l’Issole en dessous de Carcès, ou, ensemble, elles forment de superbes cascades.

CARCÉS, Carcer. Joli village du canton de Cotignac, à 4 lieues de Brignoles, sur la rive
droite de l’Argens. Son nom annonce assez que, du temps des Romains, on avait établi
en ce lieu une prison pour renfermer les malfaiteurs. Depuis cette époque, le pays a
toujours été habité; mais le village n’est proprement connu que par un de ses anciens
seigneurs dont la conduite fait époque dans l’histoire de cette province.

En 1578, il se forma en Provence une guerre intestine. Le comte de Carcés, grand


sénéchal et lieutenant du roi, commandait les catholiques connus sous le nom de
Carcistes, autrement dits Marabecz ou Maraboux, noms qui signifiaient cruels et
sauvages, car, en effet, ils se livraient au vol, au viol, au meurtre et à toutes les cruautés
imaginables. Ils étaient commandés par le seigneur de Beaudument et par le baron de
Vins, neveu du grand sénéchal. Les religionnaires, connus à cette époque, sous le nom
de Razats, parce qu’on le disait si gueux qu’ils n’avaient pas le moyen de se faire raser,
avaient à leur tête les barons d’Allemagne, des Arcs et d’Oraison. Ces deux partis
ravagèrent la Provence, brûlèrent un grand nombre de communes et saccagèrent les
campagnes. Le parlement condamna la conduite des Carcistes, et permit de courre sur
eux et de les tailler en pièces.

A cet ordre, une partie de la Provence prit les armes; et, en peu de jours, 600 carcistes
périrent devant Cuers, 400 furent sabrés à Cabasse, et au moins autant trouvèrent la
mort devant la ville de Lorgues qu’il assiégeaient depuis six semaines. Presque toute la
garnison du château de Trans, qui était nombreuse, fut passée au fil de l’épée, et le
village de Carcés ne dut son salut qu’à l’arrivée en Provence de Catherine de Médicis
qui pacifia les esprits pour quelque temps.

La rivière de Nissole, qui passe à Cabasse, et la Caramie, qui longe le territoire de


Brignoles, après avoir confondu leurs eaux, viennent se jeter dans l’Argens, en dessous
du village de Carcés, où elles forment une cataracte dont le développement est
d’environ six cents mètres. L’eau se précipite sur des rochers taillé en amphithéâtre.
L’irrégularité de ces barrages, l’écume qui les couvre, les iris qui les colorent,
l’élévation verticale des rochers qui encaissent la rivière, les jardins dérobés dans leurs
fentes, les arbres qui sortent de leurs moindres scissures, offrent aux amateurs du beau
un ensemble d’autant plus intéressant, que l’utile se trouve confondu entre l’agréable, le
triste et le merveilleux. D’après cela, il n’est pas étonnant qu’en 1660, Louis XIV ait
visité ces curiosités pour pouvoir en faire le récit dans sa capitale. Il n’est pas étonnant
encore que, de temps à autre, des amateurs distingués viennent s’extasier à la vue d’un
des plus beaux sites de la Provence.

Carcès est un grand pays de vin; et comme il arrive souvent qu’on ne peut le vendre à
aucun prix, on le livre à la distillation. Plusieurs distilleries se servent de l’appareil
simplifié d’Adam de Montpellier. C’est là la seule industrie du pays. On pourrait y
introduire avec avantage la fabrication du vert-de-gris. Il y avait autrefois un moulin
pour tordre la soie.

Les rives de l’Argens offrent de belles prairies; le reste du territoire est fertile en blé. Le
cultivateur emploie comme engrais le mazin, qu’on trouve à peu de profondeur sur le
bord de la rivière. Foires, le troisième dimanche après Pâques, le 20 juillet et le 15
octobre. Pop. 2, 050 hab.

CARCONTE. Ville ruinée, qui se trouve dans le territoire d’Auron, et près de la rive
droite de la Touloubre.

CARNIOL, Cariniolum, vulgairement CARMUEL. Village du canton de Banon, à 5


lieues de Forcalquier.

Climat tempéré air sain; le sol ne produit que pour les besoins du cultivateur. On v élève
des pourceaux, Pop. 90 hab.
CARNOULLES, Castrum de Carnolis ou Carnolum. Quelques-uns font dériver ce nom
du latin carniticina, prétendant que, du temps des Romains, on avait exécuté des
criminels en ce même lieu.

Carnoulles est un village du canton de Cuers, à 9 1. de Toulon. Il n’était autrefois qu’un


hameau du village de Château-Royal, qui se trouvait au haut d’une colline, à l’extrémité
du territoire, du côté du Puget. Le village ainsi que le hameau ayant été brûlés du temps
des guerres civiles de 1383, les habitans se réfugièrent à Pignans. Mais, en 1520, les
propriétaires des terres de Château-Royal, pour être plus à portée de leurs biens,
construisirent le village actuel de Carnoulles au lieu même où se trouvaient les ruines du
hameau de ce nom. Le climat est chaud; l’air pur et sain; le sol, en général, est assez
bon. Les principales productions sont, le blé, l’huile et le vin; il y a quelques fabriques
d’eau de vie. Foire, le 11 octobre de chaque année. Pop. 720 hab.

GAROMB. Bourg à 2 lieues de Carpentras son chef-lieu de canton et d’arrondissement.


Il est fermé de murailles en pierres de taille, avec une poterne, un pont-levis, un fossé, et
a toute l’apparence d’une ville bien fortifiée. Aussi fut-il respecté pendant les guerres de
religion. Le territoire produit beaucoup de vin, d’huile et de fruits; il donne aussi du blé
et toute sortes de légumes. On a trouvé dans la campagne un tombeau en pierre
renfermant un cercueil de plomb, et à côté un pavé en mosaïque et une statue d’Apollon.
Foire, le 22 septembre. Pop. 256 hab.

CARONTO. Voyez CORRENTO.

CARPENTRAS, Carpentorate. Ville chef-lieu d’arrondissement du département de


Vaucluse, sur l’Auzon, à 179 lieues de Paris. C’est une des plus anciennes villes de la
Provence. Son nom carpentorate est formé de trois mots celtiques, car ou caer ville, pen
colline, et toracte passage; ce qui convient parfaitement à cette ville.

Presque tous les auteurs anciens et modernes s’accordent à dire que Carpentras est une
des trois villes des Cavares, nation celto-lygienne qui occupait la rive gauche du Rhône
et la rive droite de la Durance. Quelques-uns disent aussi que Carpentras était la capitale
des Memini. Cette erreur est inconcevable. On serait fondé à croire que ces historiens
avaient intérêt à donner de la célébrité à certaines villes au préjudice de plusieurs autres.
C’est ainsi qu’ils ont désigné Avignon comme capitale des Cavares, tandis que, d’après
les auteurs anciens, cette ville n’était qu’une petite bourgade, lorsque les premiers
Marseillais vinrent y établir des comptoirs pour le commerce intérieur. D’ailleurs, le
territoire d’Avignon n’offre rien qui ait pu convenir au chef-lieu d’une nation celto-
lygienne: point de retranchement naturel, point d’amphithéâtre à l’abri des vents, et une
vaste plaine qui, à cette époque, était marécageuse. Ajoutons que cette ville se serait
trouvée tout-à-fait à l’extrémité de cette nation, tandis qu’une ville capitale doit, autant
que possible, se rapprocher du centre.

Si nous examinons la situation de Carpentras, nous y trouverons tout ce qu’on ne saurait


rencontrer d’indispensable à Avignon: retranchement naturel à peu de distance,
exposition en amphithéâtre, terrain sec sur la hauteur, collines qui autrefois étaient
boisées et giboyeuses, et surtout un point central entre les autres villes des Cavares, qui
sont Orange, Avignon et Cavaillon. D’après cela, loin de prendre en considération
l’importance des villes actuelles, ne jugeant que d’après les preuves physiques, la
vraisemblance et la raison, nous rendrons à Carpentras ce qui lui appartient, en
soutenant qu’elle fut la capitale des Cavares.

Les historiens qui, je ne sais trop pourquoi, ont transporté le siége de cette capitale à
Avignon, sentirent que Carpentras avait dû appartenir à un peuple ancien. Aussi, pour ne
pas lui ravir cette gloire, ils jurèrent à propos d’y assigner le chef-lieu des Memini, et
nommèrent cette ville Carpentorate Meminiorum, au préjudice de Forcalquier, vraie
capitale de ce peuple. Cette sorte de larcin en fit faire un autre non moins important.
Comme le Forrum Neronis avait éte établi dans la capitale des Memini par Tibère
Néron, lieutenant de César dans les Gaules, quelques auteurs, ne trouvant plus ce peuple
à Forcalquier, ont cru de voir transporter ce fameux marché à Carpentras. Par ce moyen,
ils se trouvaient d’accord avec ceux qui les avaient induits à erreur. Pour moi, exempt de
prévention en faveur ou contre l’ancienneté de telles ou telles villes, et m’étant fait un
devoir de relever toutes les inexactitudes et les invraisemblances historiques que je
croirai reconnaître chez ceux qui ont écrit avant moi sur cette province, je soutiens que
le Forum Néronis appartenait à la capitale des Memini, c’est-à-dire à Forcalquier, et non
à la capitale des Cathares qui, selon toutes les probabilités, devait être Carpentras. Je
soumets volontiers mes décisions aux personnes instruites, à celles qui ne mettent ni
considération, ni partialité, ni caprice dans leurs jugemens; et je suis persuadé que toutes
se rangeront à mon avis.

On sait que les homains, voulant changer et adoucir les mœurs des habitans de la Celto-
Lygie, envoyèrent des colonies dans toutes les principales villes des dillérentes nations.
Carpentras étant une ville capitale, reçut nombre de familles étrangères, qui rendirent le
lieu infiniment plus considérable qu’il ne l’était auparavant. Aussi fut-il embelli de
plusieurs monumens dignes de la magnificence des conquérans des Gaules, mais qui
furent anéantis par les différens peuples barbares qui vinrent à plusieurs reprises désoler
cette belle province et la couvrir de ruines.

En 1320, la ville de Carpentras obtint le siége des sénéchaux qui était à Pernes, et devint
par là la capitale du comtat Venaissin. Six ans auparavant, il y eut à Carpentras un
conclave pour nommer un successeur à Clément V. Six cardinaux italiens voulaient que
le souverain pontife fût de leur nation, afin qu’il transférât le Saint-Siège à Rome. Un
plus grand nombre voulait un, Français. Les cabales fermentèrent, l’esprit de parti se
communiqua non seulement aux écclésiastiques qui ne faisaient point partie du
conclave, mais encore à la Populace du pays d’élection traînait en longueur, quoiqu’on
eût supprimé une partie des alimens nécessaires à la subsistance des cardinaux. Le
peuple, naturellement impatient, fatigué d’attendre, mit le feu au palais où le sacré
collège était assemblé, et ce feu consuma une partie de la ville. Les cardinaux qui
échappèrent aux flammes prirent la fuite pour aller quelque temps après se réunir à
Lyon.

La ville de Carpentras se trouve sur une petite élévation, à l’extrémité d’une longue
plaine. Sa campagne est bornée du nord et de l’est par de hautes montagnes dépendantes
du Mont-Ventoux. Cette situation, qui n’est pas la même de la primitive bourgade,
l’expose à tous les vents et la rend très-froide en hiver. Mais en revanche, pendant l’été,
elle jouit de plus de fraicheur que les communes voisines.

Carpentras possède une bibliothèque fondée par le célèbre évêque d’Inguimbert. Elle est
composée de vingt-cinq mille volumes et de huit cents manuscrits, parmi lesquels on en
distingue plusieurs de Peyresc de Belgencier, qui vivait dans le dix-septième siècle;
deux marines originales de Vernet forment la plus belle décoration intérieure de cet
édifice. Dans un des corridors se trouve un monument phénicien qui a donné lieu à une
dissertation de l’auteur du Voyage du jeune Anacharsis. Cette dissertation a été
savamment réfutée par un Carpentracien, M. l’abbé Eysseric, homme non moins
recommandable par ses vertus chrétiennes que par son savoir et ses lumières.

La bibliothèque est contiguë à l’ancien évêché, où siégent aujourd’hui les tribunaux. Il


est rare de trouver ailleurs une plus belle salle d’audience; les frises en sont peintes par
les meilleurs maîtres du temps.

Il y avait, dans l’enceinte du palais épiscopal, un arc de Marins. On apprendra avec plus
d’indignation que de surprise, que le cardinal de Bussy en fit le point d’appui d’une
superbe cuisine. On a cru pendant long-temps que cet arc de triomphe avait été élevé à
la gloire de Marius. M. de Fortia prétend, avec quelque apparence de raison, que ce
monument triomphal, ainsi que ceux d’Orange et de Cavaillon, devait être consacré à
César, puisque ces trois arcs de triomphe se trouvent sur la route que le vainqueur des
Gaules avait tracée dans ce pays.

L’hôpital de Carpentras est un superbe édifice, à trois corps de logis, où tout est beau, où
tout est grand, trop grand peut-être pour une aussi petite ville. C’est au sein de ce
monument que reposent, sous un tombeau de marbre blanc, d’un assez beau style, les
cendres vénérées de ce vertueux évêque d’Inguimbert.

Tous les voyageurs s’accordent à dire qu’il serait difficile de trouver un plus bel escalier
que celui de cet hôpital.

En visitant les gracieux environs de Carpentras, l’attention est fixée par l’aqueduc qui
fournit l’eau nécessaire à la ville. Cette construction élégante et hardie, ouvrage de
l’ingénieur d’Allemand, est soutenue par quarante-huit arches; les deux dernières, à
l’extrémité de la ville, s’appuient sur un pont sous lequel coule la rivière d’Auzon.

L’église de Saint-Siffrein peut être encore citée comme un beau monument. On y


conserve une relique chère à la piété des habitans du pays; un des saints clous qu’on
assure avoir servi au crucifiement de Jésus-Christ; le même clou dont le grand
Constantin avait orné son casque, qui lui servait comme de talisman, et lui procurait
toujours la victoire contre les ennemis qu’il combattait. Cette précieuse relique ne sort
qu’à l’occasion des grands périls. Elle sortit pour la première fois dans le seizième
siècle, et préserva la ville de la contagion qui couvrait de deuil tous les pays
circonvoisins, et pour la seconde fois, en 1790, au moment où les Av i g n o n n a i s
assiégeaient cette ville pour laquelle ils ont toujours eu de l’antipathie.

Le territoire de Carpentras offre des jardins, des prairies et des terres à blé. On y cultive
le safran, la garance et une sorte de plante fourragère qui amende les terres et donne un
grand revenu aux agriculteurs. Cette plante est appelée gros sainfoin, chaud sainfoin à
deux coupes. Elle s’élève beaucoup plus haut que le sainfoin ou esparcette; elle
s’accommode du mauvais terrain presque aussi bien que du bon, et n’a pas besoin d’être
arrosée. Les hauteurs sont couvertes de vignes, d’oliviers et d’arbres fruitiers. Sur tous
les points on trouve des mûriers; aussi on élève dans le pays beaucoup de vers à soie
dont les cocons sont fort estimés.

La ville de Carpentras a une sous-préfecture, une cour d’assises, un tribunal de première


instance et un tribunal de commerce. Elle avait aussi un évêché supprimé d’après le
dernier concordat. On trouve à Carpentras des fabriques d’eau-de-vie, d’esprit-de-vin,
de vitriol, d’eau-forte, de vert-de-gris, de savon, de colle forte, des tanneries, des
moulins à garance et des filatures pour la soie. Qu’y apprête la serge dite cadis. Il y a
deux foires dans l’année, le 21 septembre et le 27 novembre. Pop. 9, 830 hab.

Les communes du ressort des deux justices de paix de cette ville sont, Carpentras,
Aubignan, Caromb, Saint-Hippolyte, Loriol et Sarrians.

CARPIAGNE. Hameau dans le territoire de Marseille.

CARQUEIRAINE. Cap de la cote maritime du département du Var, près d’Hyères,


formant la rade de Giens. 0n y trouve de la malachite, dont on a poli quelques fragmens
pour orner des bracelets. C’est vraisemblablement de lapis lazuli, que Gassendi assure
avoir été découvert par Peyresc.

CARRI, ou CARRI-LE-ROUET. Petit village du canton des Martigues, à 10 lieues


d’Aix, et à peu de distance du port qui porte également le nom de Carry, et qui forme un
petit golfe. Ce village est l’Incarus de l’itinéraire maritime. Quelques-uns l’ont pris pour
l’ancienne Caitaria, petite ville de la Gaule narbonnaise. Le vin de ce pays est piquant et
se conserve; il doit ses qualités à la nature du sol graveleux dans lequel les vignes se
trouvent plantées. La pêche et le bois procurent un grand produit au pays. Pop. 400 hab.

CARROS, Carrocium. Village du canton de Vence, à 10 lieues de Grasse, et à une petite


distance de la rivière du Var. Climat venteux et sain; sol aride sur le penchant des
collines; celui de la plaine le long du Var est fertile et bon. Il y a dans le territoire des
mines de charbon de terre et des fossiles. On y trouve de temps à autre des pierres
d’inscriptions, preuve certaine que le pays a été habité par des Romains. Les oliviers y
sont des plus beaux de la Provence, et l’huile est excellente. Pop. 650 hab.

CARSALADE. Ilot près de la côte maritime du département du Var, non loin de Six-
Fours.

CASENEUVE. Voyez CAZENEUVE.

CASSIS, Villa Carcitana selon les uns, Carcicir Portus suivant les autres. Petite ville
port de mer du canton de la Ciotat, à 5 lieues de Marseille. On assure que Cassius y
débarqua et donna le nom au pays. Nous savons positivement que les Romains ont long-
temps habité ce lieu, et qu’ils y laissèrent des traces de leur séjour; cependant ils n’en
firent jamais un endroit important. L’ancienne ville était sur une élévation. Elle occupait
l’emplacement où se trouve le fort qui défend la rade et le port. Mais comme les
habitans se sont adonnés à la navigation, ils ont jugé à propos de transporter leurs
demeures à portée du port qui malheureusement est ouvert. La principale industrie du
pays est la pêche du corail, et l’exploitation des carrières de pierres de taille et des
cadettes, qu’on transporte par mer à Marseille et à Toulon.

On montre au haut d’une colline une espèce de soupirail par lequel il s’échappe un vent
comme celui qui sort d’un soufflet de forge, accompagné d’un sifflement assez fort. On
donne à ce singulier sommet le nom de martin-buffo. Il doit son origine à une grotte
creusée dans le roc, et dont la voûte est percée à la partie supérieure. La mer, qui
s’engouffre dans cette grotte, en chasse l’air avec violence, et il s’échappe par le haut de
la voûte qui s’ouvre extérieurement par des conduits étroits.

Sur la côte de Cassis il y a le port Miou, (Æmines portus des anciens). Un navire qui ne
connaît pas ce port, croit, en y entrant, ne pouvoir manquer de se briser contre le rocher
qu’il a en face. La tradition porte qu’un navire étranger, poussé par une violente
tempête, était sur le point d’échouer sur les rochers qui bordent la côte, quand le fils du
capitaine conseille à son père d’entrer dans ce port inconnu qui, selon lui, présentait un
port de salut. Le père, une fois entré, croyant que son vaisseau allant se briser, s’emporte
comme un furieux contre son fils lui assène un grand coup de hache sur la tête et l’étend
raide mort à ses pieds. Le courant de l’eau fait naturellement changer de direction au
vaisseau, et il se trouve bientôt dans un excellent abri. Le capitaine, alors repentant
d’avoir inconsidérément arraché la vie à un fils qui l’avait bien conseillé, s’enfonça son
épée dans le cœur, sans qu’aucun de ses marins ne daignât lui retenir le bras, tant ils
étaient indignés de son premier crime.

La ville de Cassis occupe toute la plaine. Le territoire est tout montueux et très-rampant.
Le terrain est maigre et sec. La principale production est le vin, qui jouit d’une bonne
réputation; le vin blanc surtout est très-recherché à Marseille. Pop. 2, 300 hab.
CASTELLANE, Castellum Salinensium, ou Petra Gastellana Salinensium. Ville chef-
lieu d’arrondissement du département des Basses Alpes, sur la rive droite du Verdon, à
207 lieues de Paris.

Les premiers habitans de Castellane étaient des Celto-Lygiens, connus sous le nom de
Saliniens. Ils faisaient partie de la nation Suetri, qui occupait les environs de cette ville.
Elle en était la capitale. Sa situation à mi-hauteur d’un rocher lui fit donner le nom de
Salinœ, et à ses habitans celui de Saliniens. C’est par cette raison que les Romains
l’appelèrent d’abord cité des Saliniens, de sorte que le nom de Salinien; ne servait qu’à
distinguer les gens de la ville de ceux de la campagne, qui portaient le nom de Suetri.

Les Suetri firent cause commune avec les Esubiens, lorsqu’ils allèrent porter les
troubles dans l’Italie; avec les Oxibiens contre les armées impériales, qui s’étaient
emparées de la basse Provence, et avec les Saliens contre C. Sextius Calvinus, qui
occupait les environs d’Aix. Aussi les Suetri furent-ils traités avec la même rigueur que
leurs alliés, et assujettis aux mêmes humiliations. Après avoir été long-temps tributaires
de l’empire, ils furent soumis par Auguste, dans sa conquête des Alpes; et cet empereur
ne négligea rien pour faire trouver à ce peuple son joug supportable et léger. Aussi,
d’ennemis implacables des Romains, les Suetri devinrent leurs sujets fidèles et dévoués.

Les Sarrasins ayant détruit Salinœ, vers l’an 812, le reste des habitans se fortifia tout-à-
fait au haut du rocher, là même où était le retranchement naturel qui avait servi de
défense aux Suetri et aux Saliniens. Ce fut alors que ce lieu prit le nom de Petra
Castellana. Ensuite, la Population ayant augmenté, l’on bâtit une ville bien fortifiée en
dessous de l’ancienne, et on la nomma simplement Castellana. Après les guerres, les
habitans descendirent dans la plaine, y établirent leurs nouvelles habitations qu’ils
entourèrent de murailles. On donna également à cette ville le nom de Castellana, et on
oublia entièrement ceux de Salinœ et de Saliniens.

Cette dernière ville devint la capitale d’une petite souverainete qui comprenait trente
communes, et qui s’étendait jusqu’à Digne et Moustiers. Ce petit état fut assez fort pour
résister à une seconde invasion des Maures, et pour arrêter tout voisin qui aurait voulu
étouffer sa puissance. Cet état se forma en 1032, et se soutint jusqu’en 1257, époque où
il fut soumis au gouvernement de Provence et à la cour royale de Draguignan.

La ville de Castellane fut tranquille jusqu’au temps des guerres de religion.


Leydiguières, à la tête d’une armée de protestans, vint l’attaquer, pour venger les
outrages que plusieurs personnes de sa secte y avaient reçus. Après avoir fait tous les
préparatifs de siége, il somma la ville de se rendre à discrétion, sous peine de subir la loi
sévère et barbare du vainqueur. La ville, effrayée du nom de Leydiguières dont les
cruautés étaient connues, se rendit en effet; mais comme ce chef redoutable faisait son
entrée triomphale, une vieille femme jeta de sa fenêtre un gros vase (un bugadier), qui
frappa sur la tête du triomphateur, et le fit tomber raide mort de dessus son cheval. Les
protestans, effrayés d’un pareil événement, se sauvèrent dans la campagne, comme un
troupeau de faibles brebis poursuivies par des loups affamés. Castellane, fière de s’être
débarrassée à bon marché de ses ennemis, se qualifia du titre glorieux de vaillante, titre
qu’elle se donne encore quelquefois, sans en sentir le ridicule.
La nouvelle ville de Castellane ayant été construite des débris de l’ancienne ville, est
cause qu’on n’y trouve presque plus de traces de son ancienne magnificence; car elle
avait de beaux monumens et même un cirque. Cependant on y voit quelques inscriptions
que Millin ne daigna pas aller reconnaître, quoiqu’elles ne fussent pas indignes de ce
savant archéologue. Témoin celles-ci.

IVLIA FVSCINA
OSSVARIVM
VIVA SIBI FECIT

M. MATVGONI MÀRCELLINI ET
M. MATVCONI MAXIMI DECC
CIVITATIS SALIN. M. MATVC
ONIVS SEVERVS ET IVLIA
FVSCINA FILIIS PIISSIMIS
ET SIBI VIVI FECERUNT
H. M. H. N. S.

M SETOSIVS..
M. RVFINO SETO..
CIVIT SALINIENSIS
PRAETORI MAXI...
AMANTISSIMO
QVI OBIIT PRIO NO..
NAS MENSIS V..
TITO VESPASIANO IMP. VIX.
DIEBVS.. MENS.. II
ANNO.. IN HORTO
SVORVM.

Le territoire de Castellane, situé entre des montagnes, et arrosé par des rivières et des
ruisseaux rapides, produit du fourrage, du blé, des légumes, des fruits de toutes espèces,
principalement des prunes qu’on fait sécher et qu’on livre ensuite au commerce. Il s’y
teint beaucoup de laine; il y a des fabriques de cire, de chapeaux et de draps communs.
Les fontaines à remarquer sont celles de Pasquier à la Palud, qui est fort abondante, et
celle des Moulins, qui est salée.

Castellane a un tribunal de première instance. Les foires sont, le lundi après Saint-Pons,
le lundi avant la Magdeleine, le 14 septembre et le lundi avant la Toussaint. Pop. 2, 100
hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Castellane, Castillon,
Chasteuil, Demandolx, Eoulx, la Garde, Saint-Julien, Peyroules, Robion, Soleilhas,
Taloire, Taulanne et Villars-Brandis.

CASTELLARD (LE). Village à 5 lieues de Digne son chef-lieu d’arrondissement et


de canton. Climat trèsfroid; sol peu fertile. Cependant on y recueille des céréales et des
légumes. Pop. 183 hab.

CASTELLET. Village du canton du Beausset, à 5 lieues de Toulon. Il fut formé par


plusieurs familles de la Cadière, village dont les territoires sont contigus, ou plutôt par
une partie des anciens habitans de Tauroentum, lorsqu’ils furent contraints de quitter le
rivage de la mer, à cause des pirates qui infestaient la côte. Climat fort sain, sol fertile; il
produit du blé, de l’huile, des câpres et du vin excellent qui peut être importé en
bouteilles et vendu à bon prix. Pop. 2, 100 hab.

CASTELLET. Village du canton des Mées, à 9 l. de Digne, et à quelque distance de la


rive gauche de la Durance. Le sol produit des céréales, mais peu de vin, quoique les
territoires circonvoisins en fournissent beaucoup. Pop. 370 hab.

C A S T E L L E T, Casteletum. Village à 2 lieues d’Apt son chef-lieu de canton et


d’arrondissement. La montagne du Luberon termine et borde son territoire au midi. Le
sol produit du blé, du vin et de l’huile. On y cultive des mûriers, et on y élève des vers à
soie. Le territoire est rempli d’argile de différentes couleurs, excellente pour faire de la
poterie. Aussi le pays offre beaucoup de fabriqués de poterie ou faience jaune, brune ou
marbrée, dont on fait un grand commerce. Pop. 285 hab.

C A S T E L L E T- S A I N T-CASSIEN, Casteletum sancti Cassiani. Village du canton


d’Entrevaux, à 16 lieues de Castellane, sur la rive droite du Var. Climat sain. Le sol
produit d’excellens fruits; les montagnes sont couvertes de bois de hêtre, de chênes et de
pins. Une petite rivière et trois ruisseaux arrosent le territoire. Pop. 112 hab.

CASTELLET-LES SAUSSES. Petit village du canton d’Entrevaux, à 13 lieues de


Castellane. Production, les mêmes qu’à la Sausse et autres lieus circonvoisins. Pop. 580
hab.

CASTÈOU-VEIRE. Ancien lieu qui servit de refuge aux habitans de Maritima


Avaticorum, et qui fut détruit par Raymond de Turenne. Il se trouvait dans le territoire
de Saint-Mîtres, et sur une élévation d’où l’on découvrait une grande étendue de terre et
de mer.

CASTIGNAUX. Hameau dans le territoire de Toulon.

CASTILLON. Village à une lieue d’Apt. C’est le même que Saint-Martin-de-Castillon.


Voyez ces mots.
CASTILLON. Petit village à 3 lieues de Castellane son chef` lieu de canton et
d’arrondissement, divisé en deux parties, et près de la rive droite du Verdon. On passe
cette rivière sur le pont Julien, qu’on présume avoir été construit par ordre de Jules
César. Ce pont s’écroula vers le milieu du dix-septième siècle, preuve certaine que sa
construction n’était pas des meilleures. Il fut rebâti en 1698. Le chemin de Castellane à
Saint-André passe sous la petite arche. Le sol produit du bon blé et des noix dont on fait
de l’huile. Pop. 190 hab.

CASTILLON. Voyez BEAUX.

CATÉNACA. Ancien village, sur la voie romaine qui de Forcalquier allait à Apt. C’est
le même que Céreste. Voyez ce mot.

CAULON. Rivière. C’est la même que Calavon, dont nous avons déjà parlé. Il existe
une autre rivière nommée Caulon, qui a sa source à Nans, passe à Rougiers et se jette
dans l’Argens, près de Bras.

CAUMONT, Calvi Montes. Village du canton de Cavaillon, à 2 lieues d’Avignon, sur


le penchant d’une colline qui domine une plaine fertilisée par les eaux de la Durance.
Les principales productions sont, le blé, le vin, l’huile et beaucoup de mûriers. La marne
grise est fort commune dans le pays. Avec la pierre calcaire du territoire on fait de la
chaux qui a la propriété de durcir dans l’eau. Pop. 1, 835 hab.

CAUSSOLS, Cavas solum. Petit village du canton du Bar, à 4 lieues de Grasse. Dans
le principe, cette terre fut distribuée à des familles romaines qui y établirent des villages
dont la plupart ont dû être fort agréables, à cause de la quantité de petits ruisseaux qui
arrosent les terres. Lors de l’arrivée des peuples barbares qui ravagèrent la Gaule, les
habitans se réunirent sur un seul point, et formèrent l’ancien village qui eut, dans la
suite, des seigneurs particuliers. Un de ces derniers, qui, quoique gouverneur d’Antibes,
habitait continuellement la capitale, trompé par un agent peu digne de la confiance, dont
il l’avait honoré, fit détruire le village par des troupes qu’il y envoya expressément.

A une certaine distance des ruines de l’ancien Caussols se trouvent celles de plusieurs
châteaux forts et d’un village qu’on nomme encore aujourd’hui la Valette. Nul auteur
n’a daigné parler de ce dernier lieu. Si l’on fait attention que les différentes maisons qui
étaient groupées autour du château n’étaient que des cassines fort étroites, on pensera
qu’elles n’ont dû être occupées que par des hommes de peine, à la solde du maître de
cette terre. Alors, on conjecturera avec vraisemblance, qu’à l’approche des barbares, ces
ouvriers cultivateurs vinrent établir leurs demeures sous la protection d’un château qui
en imposait par sa force et par sa situation; mais que cette précaution ne préserva par
leurs cassines du genre destructif des barbares.

Le territoire de Caussols est un vaste bassin, en forme d’entonnoir, couvert de prairies.


Plusieurs abîmes facilitent le dégorgement des eaux pluviales et de celles des ruisseaux;
ces abîmes portent le nom des personnes ou des bêtes qui y sont tombées. On trouve
dans ce territoire beaucoup de plantes curieuses. Les plus remarquables sont, le séneçon
doronic, la sarrète à feuilles variables, la sarrète à tige nue, la renoncule d’Illyrie, la
valériane tubéreuse, le chrysanthème a feuilles de gramen, le groseillier des Alpes, la
potentille des rochers, le trèfle des Basses-Alpes, le trèfle de balbis, l’astragale
vésiculeux, l’érysme des Alpes, le bulbocode printanier, le plantain du Mont-Victoire, la
sévoine voyageuse, le Daphné des Alpes, le Daphné camlé, la fritillaire à involucre, la
scille d’Italie, l’an, drosace septentrionale, l’érythrone dent de chien, etc.

Le sol produit du blé et du foin. Le pays n’a, pendant l’hiver, qu’une vingtaine
d’habitans; mais, dans la belle saison, nombre de familles de Grasse, qui y possèdent
des terres, vont y passer quelques mois, et leur présence rend
le pays moins solitaire. En creusant les terres, on découvre
de temps en temps des tombeaux romains avec leur petit mobilier funéraire, et des
médailles de plusieurs règnes.
Sur les hauteurs on trouve beaucoup de fossiles, principalement des bélemnites de
plusieurs formes et de diverses longueurs.

CAVAILLON, Cabellia Cavarum. Ancienne ville, des Cavares. Les premiers Marseillais
y établirent un comptoir et des marchés, comme ils en établissaient sur tous les points
propres à étendre, augmenter et faciliter leur commerce.
Les Romains y fondèrent une colonie qui devint assez importante. Les bateaux
remontaient alors la Durance jusqu’en dessus de Cavaillon. Cette ville avait un port
assez vaste qui fournissait aux Cavares, aux Voconces et aux Tricastins. Cette ville avait
aussi un collége pour les bateliers, où l’on apprenait à naviguer sur des outres. Ces sortes
de bateliers étaient appelés utriculaires, et portaient une médaille sur laquelle on voyait,
d’un côté, une outre enflée, et de l’autre, ces paroles: Collegcam utricularium
cabellicensium Lucius Valerius successus.
L’impétuosité, les débordemens et l’inconstance des eaux de la Durance sont cause que
le port n’existe plus, que beaucoup de jardins ont été entraînés, et que nul bateau ne peut
plus remonter la rivière.

On assure qu’il a existé pendant long-temps un canal de navigation de Cavaillon à Arles;


que c’est sur ce canal que naviguaient les utriculaires, qui avaient leurs tribunaux à
Cabellio (Cavaillon), à Glanum (Saint-Remy), à Ernagium (Saint-Gabriel), et à Arelate
(Arles). Si la chose est réellement, nous pouvons assurer qu’il n’existe plus de traces de
ce canal. Les seuls restes d’antiquité, preuves du long séjour que les Romains ont fait en
ce lieu, sont des médailles sans nombre qu’on trouve journellement dans les terres,
quelques tombeaux avec leurs mobiliers, et un reste d’arc de triomphe près de l’ex-palais
épiscopal.
Les dehors de la nouvelle ville sont fort gracieux, et l’on y respire un air très-pur. La
Durance, par ses eaux limoneuses, fertilise son sol, et fait que le territoire est considéré
comme un des jardins de la Provence; les aulx qu’on y recueille en très-grande quantité,
approvisionnent plusieurs provinces; ses melons sont portés jusqu’à Paris; les artichauts,
les pois verts, des fruits exquis, surtout les pêches, donnent tous les ans un revenu
considérable au pays; ajoutez à cela la culture du sumac, celle du safran, du chardon de
bonnetier, de la gaude, d’une grande quantité de mûriers qui fait que dans le pays on
élève beaucoup de vers à soie, qui alimentent une quantité de filatures et de fabriques
d’organsin. Les récoltes de blé, de vin, d’huile et de foin sont une preuve de la grande
aisance du pays.
La ville de Cavaillon a perdu son évêché. Elle n’est plus aujourd’hui qu’un chef-lieu de
canton, à 4 lieues d’Avignon. Pop. 6.920 hab. Foires, 1er mai et 1er septembre.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Cavaillon, Caumont, Cheval
Blanc, Maubec, Robion et Taillades.

CAVALAIRE. Hameau et port de la commune de Gassin, à 2 lieues de Saint-Tropez,


dans le pays anciennement occupé par les Camatulici. C’est là où se trouvait Alconis,
position romaine que les auteurs s’accordent à placer entre Heraclea Cacabaria et
Pomponias. Les Romains y ont séjourné long-temps. De temps à autre, on en découvre
des preuves, principalement en médailles de plusieurs règnes et de différentes grandeurs.
Ce hameau est formé de quelques cabanes de pêcheurs.
Le port reçoit les vaisseaux marchands, et ils y sont défendus par un château, par des
redoutes et par un poste de douaniers. C’est là où l’on embarque le bois à brûler des
forêts voisines, pour le transporter à Marseille.
Les environs du hameau de Cavalaire sont fort intéressans sous le rapport des mines. Au
quartier de la Garsinière, on trouve des cratères d’un volcan éteint, et de la serpentine en
quantité. A une petite distance du port, au milieu d’une carrière de serpentine ou pierre
ollaire, on a reconnu depuis peu trois variétés sensibles de fer chromaté. La plus dure et
la plus pesante est d’un brun noirâtre, à grains fins, et un léger brillant métallique; une
autre, plus fragile sous le marteau, se brise dans le sens des couches d’oxide de fer, qui
séparent ses fragmens et empêchent de voir sa structure; la dernière est en lames polies,
noirâtres, superposées, sans figures bien déterminées, ayant un reflet spathique,
lorsqu’on la fait mouvoir à la lumière; elle tient de la nature de la stéatite camelleuse qui
serait pénétrée de fer chrômaté.
Ces différentes variétés ont donné pour analyse.

Acide chromique. 43 parties


Oxide de fer. 34, 7 “
Alumine. 20, 3 “
Silice. 2 “
——————————
Total. 100

Dans les expositions abritées de la campagne de Cavalaire, il y a des citronniers, des


orangers, des poncires et des dattiers qui mûrissent quelquefois leurs fruits, preuve
certaine que le pays est sous un climat chaud et bien abrité. Ce pays inhabité pourrait
supporter et suffire à une nombreuse Population, attendu que les terres, toutes en friche
et qui ne produisent, pour ainsi dire, rien, pourraient être plantées en vignes, oliviers,
orangers, et devenir en peu de temps un des plus riches territoires de la Provence, surtout
si l’on y réunissait une partie de la forêt de l’Averne. Des réfugiés étrangers, ou plutôt
des familles indigentes de la Provence, pourraient, sous de bons directeurs, fertiliser ce
beau pays, et construire une ville importante sous le rapport de la marine et sous celui
des productions locales. Voyez GASSIN.

CAVARES. Peuple celto-lygien qui occupait une partie du département de Vaucluse.


Avignon, Orange, Carpentras et Cavaillon étaient leurs villes principales, mais Avignon
était leur capitale, à ce que disent les modernes. Cependant j’avoue que la position de
cette ville ne l’indique guère, tandis que la ville de Carpentras, par sa position centrale,
par son exposition et par sa situation au pied d’un retranchement naturel, semble
indiquer que nul lieu n’a été plus convenable à la capitale d’une nation celto-lygienne.
Voyez CARPENTRAS,

CASE-NEUVE. Casa nova. Village à 2 lieues d’Apt son chef-lieu de canton et


d’arrondissement. Le climat est vif et froid, aussi les rhumes et les odontalgies y sont
très fréquens. Le sol est bon; il produit du blé, du vin et des fruits excellens. Pop. 137
hab.

CÉCILE (SAINTE). Village du canton de Bolenne, à 2 lieues et un quart d’Orange. L’air


est vif et pur; le sol est fertile en blé, vin et safran. On y élève quantité de vers à soie. Il
y a même des filatures. Population 1, 990 hab.

CELLE (La), Artacella ou Arctacella. Village à une lieue et demie de Brignoles son
chef-lieu de canton et d’arrondissement. Son nom latin signifie petites cellules ou
cellules étroites, attendu que, dans le principe, il y avait là un grand monastère qui offrait
une multitude de petites chambres ou cellules. Il fut d’abord occupé par des moines, et
ensuite par des filles qui furent richement dotées par les anciens comtes de Provence.
Il y a quelques années, un propriétaire, creusant dans sa terre, trouva une sorte de
tombeau en briques, renfermant une petite statue et un crucifix, le tout d’or massif. La
statue fut vendue à Toulon moyennant la somme de dix-huit mille francs.
Le village de la Celle est situé dans une vaste plaine fertile exposée à l’impétuosité des
vents. Le territoire est excellent
et très-bien cultivé. Il produit du blé, du vin, du foin et des fruits de plusieurs espèces. Il
est étonnant que les habitans n’aient pas transporté leurs maisons sur la grande route, qui
n’en est qu’à un quart de lieue, ou du moins qu’ils n’aient pas songé d’y construire une
auberge, qui aurait attiré au pays de nouvelles familles, et procuré aux habitans un
débouché pour leurs denrées. Aussi ce village n’a qu’une Population de
700 hab.

CELTO-LYGIE, ou CELTO-LIGURIE. On comprend par ces deux dénominations toute


la partie de la Celtique que les Romains appelèrent Gaule transalpine, et qui se trouvait
entre le Rhône, les Alpes et la mer, c’est-à-dire toute l’ancienne Provence, y compris le
comté de Nice et une partie du Dauphiné. Aujourd’hui, par le mot Celto-Lygie, que j’ai
adopté de préférence comme étant le plus court, je ne désigne que la partie de l’ancienne
Provence qui forme les départemens du Var, des Basses-Alpes, des Bouches-du-Rhône
et de Vaucluse
Lors de la première expédition des Phocéens qui vinrent fonder, ou plutôt qui vinrent
restaurer la ville de Marseille, la Cetto-Lygie avait ses habitans. Je crois même pouvoir
assurer qu’ils étaient très-nombreux; car ils formaient huit nations distinctes, dont
chacune avait pour alliés plusieurs peuples qui se gouvernaient par des chefs et par des
lois particulières.
Les nations celto-lygiennes étaient connues sous les noms de Saliens, Cavares,
Commoni, Suelteri, Védiantici, Voconcii, Albici et Esubliani.
Les Saliens occupaient tout le pays qui se trouve entre la plaine de la Crau d’Arles
jusque vers le golfe des Lecques. Leur ville capitale était Astramela, sur le bord de
l’étang de Berre, autrefois Mare Astramélœ. Leurs alliés étaient les Anatilii, sur les rives
du Rhône, près d’Arles; les Saluvii, prés de l’ancien Glanum, aujourd’hui Saint-Remy;
les Désuviates, près d’Orgon; les Salyes, près de Salon; les Avaticienses, au bord ouest
de l’étang de Berre; les Ségobringiens, aux environs de la ville d’Aix, et les Ligurri, près
de Jouques.
Les Cavares occupaient tout le pays compris dans les arrondissemens d’Avignon et de
Carpentras. Cette dernière ville était leur capitale. Ils avaient pour alliés les Vordense,
près de Gorde; les Caudellense, près du Cadenet, les Vulgientes, près d’Apt; les
Eguituri, près de Reillanne, et les Mémini, près de Forcalquier.
Les Commoni occupaient le littoral, depuis le golfe des Lecques jusqu’à la rade de
Giens. Leur capitale se trouvait au Revest, près de Toulon. Ils avaient pour alliés les
Bormani, à Solliès, et les Camatulici, aux environs de Grimaud.
Les Suelteri occupaient tout le centre du département du Var, depuis la montagne Sainte-
Victoire jusqu’à l’embouchure de la Siagne. Leur ville capitale était Antéa ou Antéis,
près de Draguignan. Ils avaient pour alliés les Ligauni, près de Calian; les Oxibiens, près
de Cannes, et les Déciates, près de Cagnes.
Les Védiantici occupaient la rive gauche du Var. Leur capitale était Cimiez, dans la
campagne de Nice. Ils avaient pour alliés les Nérusii, près de Vence; les Vélauni, près de
Gréolière; les Quariates, près de Séranon; les Adunicates, sur les rives du Jabron, et les
Ectinii, près d’Entrevaux.
Les Voconcii occupaient le nord du département de Vaucluse. Leur capitale était à
Vaison. Ils avaient pour alliés plusieurs peuples qui se trouvaient dans le département de
la Drôme actuel.
Les Albici occupaient les environs de Riez et de Moustiers. La première de ces deux
villes était leur capitale. Ils avaient pour alliés les Variacenses, près de Valensoles; les
Bodiontici ou Blédiontici, près de Digne; les Avantici, sur les bords de la Sasse; les
Centii, près de Senez; les Suétri, aux environs de Castellane; les Vergoni, près de
Vergons; les Gallitœ, près d’Allos; les Véamini, près de Thorame, et les Édenates, près
de Seyne.
Les Ésubiens, enfin, occupaient la partie inférieure de la vallée de Barcelonnette. Leur
chef-lieu était près du village d’Ubaye. Ils avaient pour alliés les Savinéate, près de
Savine, sur le bord de la Durance; les Némaloni, près de Méolans, sur l’Ubaye; les
Embusiens, dans la campagne de Barcelonnette; les Némenturi, près de Jauziers, et les
Oratelli, près de l’Arche.
Les Ésubiens et leurs alliés furent réunis aux états de Cottius, qui régnait sur le haut
Dauphiné, connu de ce temps sous le nom d’Alpes cottiennes.
Plus tard, les villes de Chorges, Guillestres, Briançon dans les Hautes-Alpes, et les villes
de Seyne, Digne, Senez, Castellane, Glandevès, Vence, Cimiez et Nice firent partie de la
province des Alpes maritimes, dont la ville d’Embrun était la capitale; et les villes de
Gap, Sisteron, Apt, Vaison, Orange, et, d’un autre côté, celles d’Antibes, Fréjus, Riez et
autres dépendirent de la Gaule narbonnaise, qui avait la ville d’Aix pour capitale.
Sous les comtes, la ville de Forcalquier devint le chef-lieu de la haute Provence, qui
comprenait tout ce qui se trouve sur les rives droites du Verdon et de la Durance, moins
cependant le comtat Venaissin qui, sous la reine Jeanne, passa sous la domination des
papes, et la principauté d’Orange qui appartint à des souverains étrangers.
La basse Provence eut toujours Aix pour chef-lieu.
Depuis la mort du dernier comte jusqu’à la révolution française, toute la Provence,
moins la principauté d’Orange et le comtat Venaissin, a été une province du royaume de
France, qui ressortissait du parlement d’Aix. Enfin, depuis le commencement de la
révolution française, le comtat Venaissin ainsi que la principauté d’Orange sont rentrés
dans le domaine de la Provence, et cette province a été immédiatement après divisée en
quatre départemens.
Trois seulement ressortissent de la cour royale d’Aix, et le quatrième, celui de Vaucluse,
ressortit de celle de Nîmes. Cependant ces quatre départemens forment ensemble la
totalité de la huitième division militaire, dont le chef-lieu est Marseille.

CELTO-LYGIEN, ou CELTO-LYGURIEN. On donnait ce nom aux premiers habitans


de la Celto-Lygie, c’est-à-dire à ceux qui occupaient tout le pays qui se trouve entre le
Rhône, les Alpes et le mer, pour les distinguer des Celtes, qui occupaient toute l’étendue
de terre entre le Rhône, le Rhin, l’Océan et la Méditerranée, et des Lyguriens, qui se
trouvaient sur tout le littoral, entre les Alpes et l’Arno.
Les Celto-Lygiens vivaient bien parmi eux. Quoique divisés en une infinité de petits
états qui avaient chacun leur gouvernement particulier, ils formaient ensemble huit
nations distinctes, dont la principale, celle qui servait de boussole et de gouvernail aux
autres, était celle des Saliens. Ces peuples vivaient dans une sorte de démocratie qui
tenait le milieu entre le gouvernement républicain et le gouvernement monarchique. Ils
se donnaient un roi qu’ils choisissaient, non parmi les plus riches ou les plus éloquens,
mais bien parmi les plus braves, parmi ceux qui avaient rendu les plus grands services à
la patrie. Ce roi conduisait les hommes au combat et distribuait des récompenses. Il
n’avait pas d’autre prérogative. Le peuple faisait des lois et jugeait les causes. L’autorité
du chef durait pendant environ un an; mais il arrivait souvent qu’on lui conservait son
autorité pendant le reste de sa vie.
Ces peuples reconnaissaient plusieurs dieux, parmi lesquels je citerai Teutavès, Hésus et
Taramis. Ils leur immolaient les prisonniers de guerre, les animaux pris sur les ennemis,
et leur sacrifiaient toutes les richesses qu’ils avaient enlevées; ce qui prouve que ce
n’était pas toujours l’amour du gain qui leur faisait prendre les armes, mais seulement la
défense de leur patrie et de leur liberté. Ils croyaient à l’immortalité de l’âme. Aussi,
quand un homme mourait, on ensevelissait avec lui ce qu’il avait le plus aimé, jusque les
obligations des sommes qu’il avait prêtées, pour en exiger le paiement dans l’autre vie.
Quelquefois même on égorgeait sur son bûcher quelques-uns ou la totalité de ses
esclaves, pour aller le servir dans la région où il allait habiter.
Les Celto-Lygiens, au rapport de plusieurs historiens, étaient, en général, d’une taille
assez avantageuse, et avaient le regard menaçant. Leur tempérament, naturellement
robuste, était encore fortifié par les exercices les plus pénibles. Dès leur plus tendre
jeunesse, ils s’accoutumaient aux fatigues, à la soif et à la faim. Ils supportaient avec
fierté les plus grandes douleurs. Leur éducation était toute militaire; leur courage,
impétueux et bouillant, était rarement réfléchi. Ils aimaient la liberté et l’indépendance
jusqu’au fanatisme, et ce fanatisme allait souvent à la férocité. Lorsqu’ils étaient
assiégés dans leurs retranchemens ou dans une ville par un ennemi étranger à leur
nation, et qu’ils n’avaient aucun espoir de pouvoir se défendre ni d’être délivrés, loin
d’implorer la clémence des assiégeans, ils poignardaient leurs femmes, leurs enfans? et
se tuaient eux-mêmes. Ils égorgeaient sur le champ de bataille les blessés qui ne
pouvaient suivre le gros de l’armée, et qui se félicitaient, en mourant, d’être préservés de
l’esclavage.
Les captifs mordaient leurs chaînes, ils se tendaient la gorge l’un à l’autre, et se
rendaient le cruel service de s’étrangler réciproquement.
Cependant, avec un pareil caractère, les Celto-Lygiens étaient susceptibles de
reconnaissance mieux que les peuples civilisés d’alors. Ils n’oubliaient ni les services ni
les politesses qu’ils avaient reçus. Pour reconnaître l’amitié et les bons offices, ils
n’allumaient point le calumet, comme font les sauvages du Nouveau Monde; ils ne
mangeaient pas le grain de sel, ainsi que font les Turcs de nos jours; mais ils gravaient et
partageaient le tesseire. C’était un morceau de bois, un morceau de brique ou de
vaisselle de terre (on le nomme encore tesson, en provençal escadéloun), sur lequel on
gravait les noms, ou des deux peuples, ou des deux familles, ou des deux personnes qui
se liaient pour la vie et pour la mort.
Les parties contractantes cassaient ce teisseire à-peu-près par le milieu, et chacune en
prenait une partie, pour la conserver comme un titre d’une authenticité incontestable, qui
devait passer jusqu’à la postérité la plus reculée.

La frugalité était naturelle aux Celto-Lygiens. Ils ne vivaient que de la chasse ou de la


pêche, et ne buvaient que de l’eau mêlée avec du miel ou avec du lait. Ils connurent,
dans la suite, une autre boisson qu’ils faisaient avec des grains d’orge, et qui approchait
de la bière simple. Leur vaisselle était de bois ou d’argile; les plus distingués buvaient
dans les cornes des animaux qu’ils avaient tués à la chasse; les plus braves buvaient dans
les crânes des ennemis qui étaient tombés sous leurs coups. Les principaux faisaient
mettre autour de ces crânes un cercle d’or qu’on se procurait dans les mines du pays.
Ces peuples prenaient leurs repas assis par terre, ou sur des peaux qui leur servaient
également de lits. A la fin des repas qu’ils prenaient en commun à l’occasion de quelque
fête particulière, ils allumaient de grands feux et y dansaient autour, comme font les
sauvages des déserts, et poussaient des cris pareils à ceux qui donnaient l’alarme,
lorsque le pays était menacé d’une invasion ennemie.

Avec tout cela, les Celto-Lygiens étaient hospitaliers et très-humains. Ils regardaient
comme un grand crime de maltraiter un étranger, surtout lorsqu’il n’avait pas le moyen
de se défendre
Rome, sous le prétexte de venir secourir Marseille, son alliée, envahit la Celto-Lygie, à
laquelle elle donna le nom de Gaule Transalpine, et la réunit à la république. Les peuples
des pays conquis, ne pouvant se résoudre à vivre sous des lois qui leur étaient
étrangères, et surtout à fléchir le genou devant des conquérans ambitieux et cruels qui
étaient venus leur apporter des chaînes, se soulevèrent à différentes reprises, et firent
éprouver des pertes considérables à leurs oppresseurs. Mais leurs ressentimens et leur
courage héroïque ne purent tenir long-temps contre des armées aguerries, ni contre
l’habileté des chefs qui les commandaient. Les Gaulois, après avoir fait des prodiges de
valeur, furent battus sur tous les points, et poursuivis avec acharnement dans l’intérieur
des terres. Il n’y eut point de sûr asile pour eux. Le fer et la flamme du vainqueur les
atteignaient dans les forêts les plus sombres, dans les gorges les plus impénétrables et
dans les antres des rochers, où ils périssaient par milliers par l’effet de la fumée. Ce fut
de cette manière que ces illustres républicains, dont on a tant vanté la grandeur et la
magnanimité, communiquaient les lumières de la civilisation à des hommes réputés
sauvages parce qu’ils n’ambitionnaient point les terres de leurs voisins, et qu’ils ne
voulaient être gouvernés que par les chefs dont ils avaient fait choix eux-mêmes.
L’empire n’exerça pas moins de tyrannie sur le peuple vaincu que n’avait fait la
république. César, s’il faut en croire Suétone, sous le prétexte de punir des révoltes,
détruisait les villes et les temples gaulois pour en piller les richesses. Auguste, dit un
savant moderne, non seulement écrasa le peuple d’impôts, mais il défendit aux Gaulois,
sous peine de mort, d’écrire et de parler leur langue maternelle, Ce fut lui qui fit effacer
de toutes les archives, de tous les écrits et de tous les monumens, les noms vulgaires. A
cette occasion, tous les livres, privilèges, annales de la nation gauloise furent livrés aux
flammes par les officiers de l’empereur. Par ce moyen, la nation gauloise perdit le
souvenir de sa gloire passée, de sa liberté ravie; on effaça, pour ainsi dire, les traces de
son origine et de son existence politique.
Le peuple, forcé d’adopter le langage de leurs tyrans, de leurs maîtres, en adopta aussi
les mœurs et les usages. Aussi, Gervais de Tilbury, qui vivait sous Othon IV, a fait le
portrait des Provençaux d’une manière qui n’est pas tout-à-fait à leur gloire. Je ne peux
croire que cet auteur ait voulu parler des Provençaux en général. De tous les temps on a
vu, et l’on voit encore aujourd’hui, des écrivains juger des mœurs de tout un royaume
par celles de la capitale; d’autres écrire sur tout une province, n’en connaissant à peine
que deux ou trois villes sur un même point. Qu’un voyageur vienne de nos jours visiter
la Provence. S’il fait son entrée par le pont du Var, il ne trouvera d’abord qu’un mélange
confus de Piémontais et de Génois, dont le caractère est bien différent de celui des vrais
Provençaux. S’il y pénètre par le Col de Vars, il arrivera chez des peuples qui ont vécu
nombre de siècles sous les lois piémontaises, des peuples qui ne se considèrent pas
encore bien eux-mêmes comme faisant partie des Prorençaux. Si ces voyageurs arrivent
par Avignon, il ne sera pas étonnant qu’ils rencontrent encore des descendans de
certaines familles qui, avant la révolution, avaient cherché dans le comtat un asile contre
la justice de leur pays. Enfin, qu’un voyageur arrive par mer à Marseille, et il sera
étonné de trouver dans la principale ville de la Provence des traits
de toutes les nations et de toutes les provinces du royaume.
Mais que cet observateur pénètre dans l’intérieur des terres, qu’il visite Aix, Arles, Apt,
Brignoles, Draguignan, Forcalquier, etc., et il pourra se flatter de connaître la Provence
et les Provençaux.

CÉNOMANI. Soldats celtes de l’armée de Sigovèse et de Bellovèse, qui, après avoir


secouru les Marseillais contre
les Saliens, abandonnèrent leurs chefs et s’établirent sur le littorat, depuis Marseille
jusqu’au Var. Ils se réunirent aux Commoni et autres peuples qui s’y trouvaient déjà; et,
d’un commun accord, ils construisirent des habitations dans les sites les plus favorables.
C’est ainsi qu’Aubagne, Telo Martius, Olbia, Fréjus et autres lieux prirent naissance.

CÉRESTE, Cœsarista. Village du canton de Reillane, à 5 lieues et trois quarts de


Forcalquier. Son nom annonce assez qu’il doit sa fondation à Jules César, ou plutôt que
César distribua la ville de Céreste à plusieurs familles qui y établirent des villæ; mais les
différentes invasions les forcèrent à se réunir sur un seul point pour se défendre contre
leurs ennemis communs.
La position romaine que l’itinéraire désigne sous le nom de Catuiaca, se trouvait au
quartier de Carluc, cacus lacus. On y voit encore un grand nombre de tombeaux taillés
dans la pierre, et suivant les formes du corps qui devait y être déposé.
Le territoire de Céreste abonde en ichtyolites. Les pierres coquillières y sont communes
ainsi que les débris de corps marins. Dans la montagne qui borde au midi le chemin de
Céreste à Viens, on trouve une grotte assez profonde, dans laquelle on a exploité une
sorte de poudingue assez dur pour en faire des pierres meulières.
Près de Céreste on voit, sur le Cavalon, deux ponts qu’on cite pour être de construction
romaine. Ces ponts sont réellement fort anciens; mais ils n’offrent rien de bien
merveilleux, pour être attribués au goût et au génie des illustres conquérans des Gaules.
Les principales productions du pays sont le blé, le vin et les olives. On y élève beaucoup
de pourceaux. Pop. 1, 180 hab. Voyez CEYREST.

CÉSAIRE (SAINT). Village du canton de Saint-Vallier, à 4 lieues de Grasse, situé au


bord d’un précipice au fond duquel on voit couler les eaux de la Siagne. Ce lieu existait
avant le saint dont il porte le nom. On peut croire avec fondement que le nom primitif
dérivait de celui de César, conquérant des Gaules; et que les habitans, convertis à la foi
de l’évangile, changèrent le nom de leur lieu en un mot chrétien qui eût du rapport avec
le premier. C’est ainsi que de Cœsarius ils firent Saint-Cézaire, aujourd’hui Saint-
Césaire.
Les vastes réservoirs de construction romaine qu’on voit dans ce village, et qui furent
ensuite réparés et augmentés par les seigneurs du lieu, ont fait penser à quelques-uns que
c’étaient des greniers que César avait fait construire pour le besoin de ses troupes. Mais
si ces observateurs avaient fait attention que cette position était trop écartée de la voie
romaine pour avoir des greniers, et que les Romains ne formaient point de grands
établissemens en un lieu dépourvu d’eau, ils auraient pensé que ces réservoirs ne
pouvaient être que des citernes
Du temps de César, le pays n’était pas assez habité pour qu’on y recueillît beaucoup de
blé. Je crois même qu’il était entièrement privé d’habitans, ce qui engagea le général
romain à distribuer les terres à plusieurs officiers qui l’avaient bien servi; et que ceux-ci,
suivis de leurs familles et de leurs esclaves, vinrent y établir plusieurs villœ.
Il est possible que dans le territoire de Saint-Césaire il n’y eût que deux ou trois villœ..
On ne put les rendre aussi agréables que celles établies dans la plupart des vallées, où
l’on conduisait les eaux des sources et des ruisseaux dans des piscines, sortes de
réservoirs convertis en viviers, où quantité de poissons et de coquillages étaient nourris à
grands frais. Dans les lieux arides, tels que le territoire de Saint-Césaire, on se contentait
de construire de grandes citernes.
Quelquefois plusieurs de ces grands propriétaires en construisaient chacun une sur un
même point, et c’est ce qui arriva à Saint-Césaire.
Les différens troubles que la Provence essuya par l’invasion des Maures et des peuples
barbares du nord qui pillaient, saccageaient, dévastaient et détruisaient tout ce qu’ils
rencontraient, déterminèrent les habitans des villœ du territoire de Saint-Césaire à se
réunir sur un seul point, afin de mettre leurs denrées et leurs troupeaux à l’abri du
pillage, et de pouvoir se défendre contre toute attaque ennemie. Ils durent choisir de
préférence le lieu où se trouvaient les citernes; autrement, privés d’eau pour boire, ils
n’auraient pu tenir vingt-quatre heures.
Dans la campagne de Saint-Césaire on voit encore les ruines d’une de ces villœ. Elle se
trouve sur un rocher taillé à pic et près de la chapelle Saint-Ferréol.
Non loin de là, mais en dessous de ces premières ruines, se trouvent celles d’un second
corps de logis, qui a dû être la rustica; celui dit fructuaria a entièrement disparu. Je
présume que les éboulemens l’ont entraîné dans la Siagne, qui passe en dessous.
Depuis long-temps les habitans de Saint-Césaire négligent les citernes qui se trouvent
dans l’enceinte même du village. On pourrait facilement les réparer; et ce serait d’autant
plus nécessaire, que le peuple est souvent obligé d’aller quérir de l’eau à la Siagne,
c’est-à-dire à une demi-lieue loin et dans un grand fond. On voit encore près du puits du
Plan une auge en pierre, d’une seule pièce, où l’on abreuve le bétail. Elle porte une
longue inscription romaine, qui constate que cette auge était un tombeau, dans lequel on
inhuma les restes d’un membre de la famille Sempronia, une des plus illustres de
l’ancienne Rome. Cette pièce seule aurait constaté le séjour des Romains dans le pays.
On n’a plus besoin de ce témoignage, vu qu’on y trouve fréquemment, en creusant les
terres près du village, des tombeaux, des lampes sépulcrales, des vases cinéraires, des
amphores, des anneaux et des médailles de plusieurs règnes. Il n’y a pas longtemps
qu’on y trouva un dieu lare en bronze assez bien conservé. Quelques connaisseurs
croient que c’est un César ou un Auguste, que certain chevalier portait suspendu en
guise de décoration.
A environ une lieue du village, et au quartier de la Foux, il y a une belle source d’eau
pure qui sort d’un vaste réservoir souterrain, que l’on va voir comme une curiosité. On
entre dans un antre assez étroit, et l’on arrive dans une grotte formée d’énormes rochers,
dont les uns servent de parois, et les autres forment la voûte quelquefois à une hauteur
prodigieuse; l’eau de cette sorte de lac est très-fraîche. Des nageurs ont essayé
vainement d’aller d’une extrémité à l’autre. Les galets ou cailloux roulés que l’eau
charrie, annoncent que ce réservoir s’étend à plusieurs lieues loin. Je suis étonné que les
gens du pays, habitués à l’eau par l’usage qu’ils ont d’aller en plongeant pêcher des
truites dans la Siagne, n’aient pas essayé, à l’aide d’une petite barque et de falots placés
de distance en distance, d’aller s’assurer de l’étendue de ce vaste souterrain.
L’ancien village de Saint-Césaire est très-mal bâti, et offre quelques restes de
construction fort ancienne. Le nouveau village, attenant au premier, présente déjà une
belle place et plusieurs rues bien percées. Le climat est sain, mais très-exposé au
Maëstral et à l’air vif de la montagne. Le point de vue est fort étendu. Le sol produit du
blé, du vin, et beaucoup d’huile préférable à celle de Grasse. Pop. 1, 200 hab.

CEYRESTE, OU CÉRESTE, Cœsarista. Village du canton de la Ciotat, à 8 lieues de


Marseille. Presque tous les auteurs qui ont écrit sur la Provence, ont confondu Cœsarista
avec Cytharista, qui est la Ciotat. La ressemblance de nom induit souvent à erreur.
Comme César eût dépouillé Marseille de presque toutes ses possessions hors du
territoire, craignant qu’elle ne prît bientôt des mesures pour les rattraper, il établit
plusieurs stations aux environs de cette ville, et notamment une à Cœsarista (Cœsaris
statio), afin de la tenir sous l’obéissance. Un château fut construit et occupé par des
troupes romaines. Celles-ci se conduisant bien, s’attirèrent la confiance de quelques
cultivateurs disséminés dans la campagne, qui, insensiblement, transportèrent leurs
habitations autour du château et formèrent un bourg que les Romains entourèrent de
murailles dont on trouve encore des ruines, et une fontaine qui existe encore en entier.
Les habitans actuels nomment le château, un vieil édifice d’un goût bizarre, qu’on ne
saurait croire avoir été un édifice romain. Aussi quelques-uns ont pensé que c’est la
reine Jeanne qui le fit bâtir. Cependant la construction paraît être plus ancienne. On
croirait que c’est une forteresse qui date d’une époque fort reculée, mais toujours
postérieure à celle des Romains.
Le village a dû être assez important. Les évêques de Tauroentum y avaient une maison,
où ils allaient passer quelques mois de l’année. Cette maison, qui existe encore, et dont
les pierres qui forment le cintre sont ornées de mîtres, a fait croire à quelques-uns que
Ceyreste était anciennement une ville épiscopale.
Le village actuel est bien peu important. On a trouvé dans son enceinte des médailles de
plusieurs règnes et un grand bronze d’Alexandre Sévère.

On assure que la voie aurélienne y aurait passé. On peut présumer que les habitans sont
paisibles, laborieux et ennemis du libertinage. Bien plus encore, on affirme qu’aucun
crime n’a été commis dans la commune, et que jamais Ceyrestain n’a subi de peine
infamante ni même afflictive; ce qui est fort rare, dans une époque où les orages
révolutionnaires ont corrompu jusqu’au moindre des hameaux. Il est à regretter que la
Pop. ne soit que de 700 hab.
CHABRIERS. Village, ancien hameau d’Entrages. Voyez ce mot.

CHAFFAUD (LE), Castrum de Cadafalco. Village à 3 lieues de Digne son chef-lieu


d’arrondissement et de canton, dans la plaine, sur la rive gauche de la Bléonne, qui y
cause souvent de grands dégâts. Productions, blé, vin, légumes et prunes. Pop.224 hab.

CHAMAS (SAINT), Sanctus Amantius. Bourg du canton d’Istres, à 7 lieues d’Aix, sur
le bord de l’étang de Berre, ou plutôt sur une partie de l’étang de Berre, qui porte le nom
d’Étang de Saint-Chamas.
L’origine de cette petite ville est inconnue, quoiqu’elle ne soit pas antérieure au
douzième siècle. Le pont Flavius, qui se trouve près du lieu, n’est pas une preuve qui
constate l’existence de la ville du temps des Romains. Les itinéraires en auraient fait
mention, que les moines du Mont-Majour, ayant voulu dessécher les marais des
environs, bâtirent une chapelle en ce lieu en l’honneur de saint Amant; qu’ayant dis-
tribué les marais desséchés à plusieurs cultivateurs, ceux-ci se construisirent des maisons
près de la chapelle, et formèrent un petit village qui, dans la suite, s’accrut au point où
nous le voyons aujourd’hui. C’est un bourg assez considérable, divisé en deux parties
par une colline formée de coquilles marines et fluviatiles liées par du safre. Le rocher,
creusé dans toute sa hauteur du côté de l’étang, montre certaines cavités qu’on suppose
avoir été habitées avant la formation du village. Quelques-uns servent encore d’asile à
des familles qui n’ont pas le moyen de se procurer un appartement. Le côté opposé de la
colline est longé par l’ancien rempart, et le dessus offre le canal qui conduit les eaux de
la Touloubre à une poudrerie et aux moulins du lieu. Les deux parties de ce bourg se
communiquent par une voûte de près de trente toises au travers de ce rocher.
La partie la plus ancienne du bourg, c’est-à-dire celle de l’est, était entourée de remparts
qui subsistent encore. L’élégance de ses maisons, l’alignement et la largeur de ses rues
sont cause que c’est la partie la mieux habitée. L’autre partie n’était jadis qu’un marais,
qu’on dessécha en creusant un petit port qui est devenu assez actif. Aussi les marins se
sont emparés de ce quartier, et ils en sont presque les seuls habitans.

La poudrerie royale se trouve en suivant la colline vers le nord. Elle touche à l’étang et à
la colline, et forme un vaste enclos où l’on a établi un fort joli jardin. Le point de vue de
cette fabrique est pittoresque par la chute d’eau qui fait mouvoir les différens engins. Les
magasins de cette poudrerie sont sûrs et commodes. Ils ont été creusés dans le roc, et
faits avec toutes les précautions convenables. Cette industrie est très-avantageuse au
pays.
Saint-Chamas est une de ces petites communes qui, loin d’imiter la capitale de la
province, ont pour les monumens anciens tout le respect et toute la vénération qu’ils
méritent.
A environ cinq cents pas du bourg, et sur la Touloubre, se trouve le pont Flavius. La
magnificence de sa décoration le fait regarder comme un monument triomphal. Cet
édifice avait un peu souffert; mais on s’est empressé de le faire réparer. Dans ce pays, on
pense qu’il vaut mieux entretenir que détruire. On aurait voulu, sans doute, pouvoir se
procurer des ouvriers à même d’imiter le travail des Romains; mais, dans ce siècle qui
n’est pas entièrement celui du génie et du bon goût, on n’a trouvé que de la bonne
volonté et des maçons. Les faces latérales de ce pont portaient un lion à chaque
extrémité. Trois furent détruits; ils ont été remplacés par d’autres qui font ressortir d’une
manière sensible la beauté et l’élégance de celui qui a résisté à la barbarie des hommes;
qui se plaisent à détruire ce qu’ils devraient respecter et admirer.

C’est dans le territoire de Saint-Chamas, et même au cap de l’Œil, que se trouvait la ville
d’Astromela ou Astramela, capitale des Saliens. Indépendamment d’une multitude
d’objets qu’on y a trouvé à différentes époques, on y a découvert, il y a peu d’années,
une belle salle de bains. C’est une galerie de plus de cent mètres de longueur et de
cinquante de largeur, offrant de chaque côté nombre de chambres nécessaires à un pareil
établissement. Les eaux de la rivière de Lar y arrivaient par des tuyaux qu’on a
également reconnus, de manière à n’en pouvoir douter.
Il n’y a qu’un quart du territoire de Saint-Chamas qui soit cultivé. Une partie n’est qu’un
jardin très-fertile en fruits et en légumes; et l’autre n’offre qu’oliviers qui donnent de la
bonne huile. La manière de préparer les olives à la picholine, fut imaginée à Saint-
Chamas par un nommé Picholini. Cette manière, qui est de saler les olives vertes, s’est
répandue dans toute la basse Provence. Aujourd’hui on a, dans ce pays, per- fectionné
cette industrie; on tire le noyau de l’olive salée, et on le remplace par de l’anchois haché.
Ce travail exige beaucoup de soins, d’adresse et de propreté.
La fertilité du sol de Saint-Chamas est due aux eaux de la Duransole, à celles de la
Touloubre et aux canaux de Craponne et de Boisgelin. Le peuple de ce pays est fort
passionné pour la danse, mais pas à un point à leur faire négliger leurs affaires. La
Population de ce bourg est de 2, 900 hab.

CHAMATE. Montagne située auprès de Vergons.Voyez ce mot.

CHAMPOURCIN, Castrum de Camporci. Ancien village à 2 lieues de Digne. Il n’en


existe plus que des ruines. Productions, blé, vin et quelques fruits. La montagne présente
des cailloux silicés dans la pierre calcaire.

CHAMPTERCIER, anciennement Castrum de Oseda, aujourd’hui Campus Terserius.


Village à 2 lieues de Digne son chef-lieu de canton et d’arrondissement. Les territoires
sont limitrophes. L’ancien village a dû être un faubourg de Digne. Il s’y tenait des foires
et des marchés, ainsi qu’on peut en juger par certaines mesures qui se trouvent sur le
penchant d’une colline élevée en forme de cône, appelée la tour d’oise. C’est la patrie du
fameux Pierre Gassendi.
Climat doux et tempéré. Le sol, bon et fertile, produit toutes sortes de céréales, du vin,
des fruits, principalement des prunes qu’on fait sécher, pour les livrer au commerce.
Le territoire offre une mine de charbon de terre. Pop. 400 hab.

CHAPPE. Petit port de la côte maritime du département du Va r, entre Bormes et


Cavalaire.
CHARDAVONS, Cardavo ou Chardavo. Village à 3 lieues de Sisteron son chef-lieu
d’arrondissement et de canton. Il est entouré de rochers. On ne peut y parvenir que par
deux gorges, dont l’une se nomme peiro escricho.

C’est là qu’on voit cette fameuse inscription, rapportée par tous nos historiens, qui nous
apprend que El Posthumus Dardanus fit ouvrir cette route. (Voyez DROMONS).
La montagne de la Gache est au-dessus de ce rocher. Le climat de ce village est froid et
sain. On ne cultive que la plaine, qui est fertile en grains de toutes espèces. Pop. 42 hab.

CHARLEVAL. Village du canton de Lambesc, à 6 lieues et un tiers d’Aix, sur le canal


de Craponne, et dont le territoire touche la rive gauche de la Durance. Productions, les
mêmes qu’à la Roque d’Anthéron Pop. 800 hab.

CHASTEUIL, Castellium ou Castoneum. Petit village à 3 lieues de Castellane son chef-


lieu d’arrondissement et de canton, sur la rive droite du Verdon. Près du village, il y a
une fontaine abondante qui fait l’admiration des étrangers, par les chutes d’eau et par les
cascades multipliées qu’elle présente. Les productions sont les mêmes qu’aux
communes voisines. Pop. 160 hab.

CHATEAU-ARN0UX, Castrum Arnulphii. Village du canton de Volonne, à 3 lieues de


Sisteron, sur la rive droite de la Durance. Climat plus chaud que celui des communes
voisines. Sol peu fertile; il ne produit que du seigle et du vin. Heureusement il y a
quelques fabriques de poterie qui procurent un peu d’aisance au pays. Pop. 618 hab.

CHATEAUDOUBLE. Village très-ancien, du canton de Callas, à 2 lieues et demie de


Draguignan, autrefois divisé en deux parties également fortifiées, et d’où est venu
probablement son nom. La première, qui n’existe plus, était bâtie sur un roc immense
inaccessible de tous les côtes, excepté du côté du nord, où un chemin étroit et difficile y
conduit. Ce lieu, fortifié par la nature seule, a dû être imprenable. Les Romains y
ajoutèrent les secours de l’art, et y bâtirent une tour qui défie encore aujourd’hui les
injures du temps. Ils choisirent cette position élevée, pour garder les Populations
turbulentes du pays qui, souvent vaincues, mais jamais domptées, regrettaient toujours
leur indépendance.
Il paraît qu’ils ne réussirent que faiblement à s’établir dans le pays, et que jamais ils ne
purent venir à bout des habitans.
On désigne encore sous le nom de camp-redon, de camp-kounillier, et d’autres de ce
genre, les différens campemens de l’armée destinée à les soumettre. On dit même que le
général, désespérant de remplir sa mission, se retira, en disant que c’était une caverne de
voleurs ou de brigands, spelunca latronum, qui est resté au lieu désigné;et qui se
conserve encore aujourd’hui sous le nom de spalanca. Voleurs ou brigands, il n’est pas
moins vrai que ces hommes préférèrent, à un esclavage honteux, des combats meurtriers
contre un ennemi discipliné, et en défendant opiniâtrement les lieux où ils étaient nés, ils
méritèrent bien de leur patrie, ils furent dignes de leurs aïeux, de ces nobles Gaulois dont
le monde se souvient. On voit encore sur ce roc presque nu, une citerne antique qui
fournissait, il n’y a pas bien long-temps encore, de l’eau aux habitans du village actuel.
Un temple païen, on ne sait à quelle époque, fut converti en église, sous l’invocation de
Notre-Dame; et ces murs qui avaient été les témoins des prostitutions du culte des faux
dieux, virent long-temps le sublime mystère des chrétiens. Aujourd’hui le clocher, de
construction moderne dit-on, s’élève seul sur des ruines et des décombres. Les fureurs
de la révolution passèrent par là, les hommes de 93 arrachèrent la croix de bois plantée
en face, sur le bord du précipice, profanèrent la chapelle et commencèrent à la démolir.
Le cimetière du village l’entoure aujourd’hui, et les débris du vieux monument se mêlent
souvent aux ossemens blanchis; ce sont des ruines mêlées à des ruines.
L’autre partie, qui forme à elle seule le village, et qui garde cependant toujours le nom
de Château-double, est entourée de minces remparts à demi-détruits. Du côté du nord,
des tourelles s’élèvent de loin en loin sur des éminences qui toutes dominent le village.
Beaucoup de maisons n’ont de fondemens, du côté de l’est, que la pointe aiguë des
rochers et des précipices qui les entourent. De loin elles semblent suspendues sur
l’abîme. Il serait difficile de trouver des sites d’une beauté si singulière, c’est toujours
une nature horrible, mais grande et belle, et souvent imposante. Des blocs d’un roc très-
dur s’élèvent comme des colonnes gigantesques, semblables à ces anciens colosses de
l’Égypte; près de là, sont suspendues des masses énormes, d’une manière effrayante. De
ce côté (du sud et de l’est), les abords du village sont excessivement difficiles; un
chemin tortueux et ardu se replie plus de vingt fois aux pieds de deux roches élevées, sur
l’une desquelles apparaissent les maisons.
De temps en temps, des masses se détachent des flancs et roulent avec fracas. C’est le
chemin le plus fréquenté cependant, et l’on ne persuaderait pas aux habitans de
l’abandonner. Il est vrai de dire qu’on ne se souvient pas qu’un homme y ait péri. Au bas
de la colline serpente la limpide rivière de la Nartubie avec ses peupliers élégans et ses
bords toujours verts; et sur un tertre élevé, entre quelques noyers séculaires, un temple
antique est bâti sous l’invocation de Saint-Jean, qui protège le pays; saint Jean qui
semble regarder toujours les précipices et les rochers, les maisons sur la cime du roc et
les habitans qui descendent, pour les préserver de tout danger.
Lorsque gonflée par les torrens qui se précipitent des montagnes, la Nartubie sort de son
lit, on la voit du Pic-du-Coq (Coullet de Gaou), à une profondeur effrayante, miner la
roche qui supporte les maisons. Un vieux proverbe de Nostradamus, que répètent quel-
quefois les habitans sans trop s’effrayer, menace Château-double d’une ruine complète
de ce côté. On peut dire que si la rivière coulait toujours à pleins bords, le village
pourrait bien un jour s’ébranler.

Lors de l’invasion des Sarrasins, le chapitre de Fréjus vint se mettre sous la garde des
habitans de Château-double; plus tard, les protestans qui menaçaient la ville de
Draguignan, vinrent également s’y réfugier; mais ils en furent chassés par les
Draguignanais eux-mêmes, qui détruisirent une partie des fortifications.
En différens lieux, dans le pays, on a trouvé des tombeaux antiques, principalement au
quartier de la Garde, où l’on voit encore les ruines d’une fortification de ce temps, et des
vases de plusieurs dimensions.
Le territoire offre une mine de fer abondante que la difficulté des transports a fait
abandonner. Le sol produit du blé, du vin, de l’huile excellente. C’est le pays des rouge-
gorges; on y en prend prodigieusement en automne. Pop. 1, 000 hab. Foire, le 25 juillet.
Voyez REBOUILLON.

CHATEAU-D’IF. Petite île avec prison d’état dans un château fort, devant Marseille. On
la nommait autrefois Stucium. Voyez MARSEILLE.

CHÂTEAU-GOMBERT. Hameau dans le territoire de Marseille.

CHATEAU-NEUF, Castrum novum. Village du canton de Moustier, à 4 lieues de Digne.


Les habitans ont depuis quelque temps abandonné le village pour s’établir dans la plaine,
principalement aux hameaux de Chauvet, du Plan et de Pençonet.
Le territoire produit du blé et de bons pâturages pour la nourriture du menu bétail. Pop.
566 hab.

CHATEAU-NEUF-D’OPIO, Castrum novum. Village du canton du Bar, à 2 lieues de


Grasse, sur une hauteur dont le point de vue est très-agréable et fort étendu. Le pays fut
saccagé par les Sarrasins, et une partie des habitans fut menée en servitude. Des Génois
se réunirent aux habitans fugitifs, et peuplèrent le village. Le climat est fort doux. Les
productions sont, le blé, le vin, les figues, et l’huile, qui équivaut à celle de Grasse. Pop.
1, 250 hab.

CHATEAU-NEUF-MIRAVAIL. Petit village du canton de Noyer, à 5 lieues de Sisteron,


sur la rivière du Jabron. Il produit du blé, des légumes et quelques fruits. Pop. 645 hab.

CHATEAU-NEUF-DU-PAPE, ou CHÂTEAU-NEUF-CALCERNIER. Bourg à 2 lieues


d’Orange son chef-lieu de canton et d’arrondissement, bâti sur le sommet d’une colline.
Territoire fertile en vin excellent, qui commence à être importé comme vin de luxe. Les
hauteurs sont couvertes de cailloux roulés, ainsi que l’est assez généralement toute la
côte du Rhône. Le territoire offre un lac d’eau salée. Pop. 1, 273 hab.

CHATEAU-LE-RETARDIER. Hameau dans le territoire de Suzette, près la Baume-de-


Venise

C H AT E A U - N E U F - L E S - M A RTlGUES, Castrum novum Ruffi. Village ancien, du


canton des Martigues, près de l’étang de Boluçon qui fait partie de celui de Berre, et au
nord d’une colline assez élevée, ce qui le rend très-froid en hiver. Les productions sont
les mêmes qu’à Marignane. Pop.500 hab.

CHATEAU-NEUF-DE-GADAGNE, ou DE GIRAUD-L’AMI, Castrum novum amici.


Village du canton de L’Ile, à 2 lieues et demie d’Avignon. On assure qu’anciennement il
était surnommé De la destraou. En effet, on voit sur la porte du village une hache et un
soc de charrue sculptés sur la pierre. Le territoire produit beaucoup de vin et d’huile.
Pop. 1, 112 hab.
CHATEAU-NEUF-LE -ROUGE, Castrum novum rubrum, vulgairement appelé Négrel
ou Négreou. Petit village du canton de Tretz, à 3 lieues d’Aix. Les habitans sont
disséminés sur la colline nommée lou seiglé, où l’armée de Marius passa, pour observer
les mouvemens des barbares qu’il poursuivait. Climat beau; air pur, sol fertile en blé,
huile et vin clairet. La rvière du Lar touche le bas du territoire, mais elle ne lui sert que
de limite. Pop. 380 hab.

C H AT E A U - N E U F - VA L - S A I N T- D O N AT, autrefois CHAT E A U - N E U F - L E -


CHARBONNIER. Village du canton de Volonne, à une lieue et demie de Sisteron, près
de la route des Alpes, et séparé de Château-Arnoux par le ruisseau de Font-couverte.
Climat très-froid en hiver, à cause de son exposition aux vents.

Le sol de la plaine est bon; aussi produit-il beaucoup de blé. Populat. 438 hab.

CHÂTEAU-REDON, Castrum retundum. Petit village du canton de Mézel, à 3 lieues de


Digne, sur la rivière d’Asse, dont les eaux arrosent le territoire, le fertilisent ou le
dégradent, suivant que les eaux sont plus ou moins abondantes. Les principales
productions sont le blé, le vin et les fruits. Population 144 hab.

CHATEAU-RENARD, autrefois Castrum de Raynaro, aujourd’hui Castel-Renardus.


Bourg chef-lieu de canton, à 6 lieues et un quart d’Arles, sur la rire gauche de la
Durance, et sur une colline isolée dont la pente est fort douce et presque insensible. Un
château seigneurial, qui paraît avoir été très-fort, est le seul monument remarquable du
pays.
Le climat est très-pur, à cause de son exposition battue par tous les vents, notamment le
Maëstral. Le point de vue est magnifique, non seulement par sa vaste étendue, mais par
les bastides du territoire qui sont en si grand nombre et si rapprochées, qu’elles forment
une ville rurale. On y fabrique de la chaux par le moyen de certains fours qui brûlent
continuellement. Le sol est ingrat; cependant il produit du blé, du vin et des légumes.
Pop. 2, 500 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix de ce lieu sont, Château-Renard,
Barbantane, Boulbon, Graveson, Noves, Saint-Pierre-de-Mésoargues et Rognonas.

CHATEAU-ROYAL. Voyez CARNOULLES

CHATEAU-VERT, Castrum verum, actuellement Castrum viride. Village du canton de


Cotignac, à 3 lieues de Brignoles, traversé par la rivière d’Argens. Une villa romaine
était dans ce territoire, à environ mille pas à l’est du village; les ruines ne paraissent
plus; mais le temps et les hommes ont respecté en partie un petit temple où l’on
distingue encore la place qu’occupait le trépied sacré. La vallée de Bagarède est tout-à-
fait romantique. Les étrangers se détournent quelquefois de leur route pour venir
l’admirer. Ils aiment à s’enfoncer dans la vallée sourde, formée par un déchirement de la
montagne, pour voir le pont des fées, ouvrage de la nature; les concrétions qui se
trouvent attachées aux rochers taillés à pic, et les sources qui naissent dans ces rochers et
à une grande élévation. Par le moyen d’une corde, on descend dans un souterrain obscur
qu’on assure avoir près de deux lieues de longueur, ce qui est fort douteux. Dans le
trajet, on entend un grand bruissement d’eau, et l’on suppose qu’on est près de l’écluse
de l’Argens qui dérive les eaux pour l’irrigation dans le territoire de Correns. La rivière
donne quelques truites; les collines offrent du sumac pour les corroyeurs. Le sol est
assez bien cultivé; il produit du blé, du vin, de l’huile, des fruits et des légumes. Pop.
130 hab.

C H ATEAU-VIEUX, Castrum vetus. Village du canton de Comps, à 10 lieues de


Draguignan. Le territoire offre des mines de charbon de terre, des marcassites, du gypse
blanc, gris et rouge, et de la terre argileuse propre pour la poterie. L’ancien village était
sur un rocher où se trouvait un château-fort qui a donné le nom au pays. Le sol n’est pas
bon; aussi produit-il moins que celui des lieux circonvoisins. Population 180 hab.

C H ATELAR, Castelarius. Village à 2 lieues de Barcelonnette son chef-lieu


d’arrondissement et de canton, sur la rive droite de l’Ubaye. Ce qu’on appelle la ville, se
trouve sur une éminence dont la vue n’a rien d’agréable. Il y avait un château-fort où
l’on tenait garnison, et qui fut abattu dans le dix-septième siècle. Le hameau de la
Condamine est seul visité par les voyageurs, à cause de sa situation dans la plaine et au
bord de la rivière. Le pays n’offre point de plaine, et les hauteurs ne produisent que des
herbages pour la nourriture du menu bétail. On y a trouvé un petit autel votif ainsi que
quelques poteries romaines; non qu’il y eût eu là le moindre campement, ni même un
pagus, mais seulement une villa avec ses trois divisions. Pop. 635 hab.

CHAUDON, Caldonum. Village du canton de Barrême, à 5 lieues de Digne. Climat ni


trop froid ni trop chaud. Terroir marneux et fertile; il produit du grain, des fruits et du
vin. Les troupeaux qu’on y élève sont la seule branche de commerce du pays. Le
hameau de Norante forme la moitié de cette commune. Pop. 576 hab.

CHEIRON. Montagne dans l’arrondissement de Grasse, au nord des villages de


Coursegoules et de Gréolières. Il y a de bons pâturages pour les troupeaux,
principalement aux expositions au nord. Les eaux mettent journellement à découvert des
bélemnites de différentes dimensions. D’autres coquillages fossiles se trouvent dans
l’espace qui est entre les couches du calcaire qui forme le massif de la montagne. Des
amateurs de botanique vont de temps en temps y faire des recherches d’une infinité de
plantes fort rares.

CHÉNÉRILLES, autrefois Castrun de canalis, aujourdhui Locus de canabiis ou


chinitensis. Petit village du canton des Mées, à 5 lieues de Digne, situé sur une hauteur,
à quelque distance de la rive gauche de la Bléonne. Climat doux et sain. Le sol, de
médiocre qualité, donne un peu de tout, mais en petite quantité. Pop. 106 h., disséminés
dans la campagne.
CHEVAL-BLANC. Village du canton de Cavaillon, à 7 lieues d’Avignon, sur la rive
droite de la Durance. Ses productions sont les mêmes qu’à Cavaillon; on y élève des
vers à soie. Pop. 1, 545 hab.

CHRISTOL (SAINT). Village du canton de Sault, à 9 lieues de Carpentras, dans une


plaine resserrée par des collines très-élevées, et où des Maures séjournèrent long-temps.

Le terrain, sec et sablonneux, produit du blé, du vin et des légumes. Pop. 677 hab.

CIMIEZ, Cemenelium. Ville épiscopale de l’ancienne Provence, qui n’offre depuis long-
temps que des ruines.
On la trouve, sous les noms de Civitas Cemenelensis ou Cemeliensis, dans les auteurs
ecclésiastiques; Cemenelum, dans la table de Peutinger; Cimela ou Çumela, dans les
Martyrologes, et Cimies ou Cemele, dans les écrivains gaulois. C’était la ville principale
des Vediantiens, et une rivale d’Arles. Saint Nazaire y baptisa saint Celse, et saint Pons y
souffrit le martyre, vers le milleu du troisième siècle.
Cette ville, qui était considérable, fut détruite à la fin du sixième siècle, temps que les
Lombards et les Saxons ravagèrent la Provence. Les habitans se retirèrent à Nice, qui est
situé à une demi-lieue vis-à-vis de l’ancien Cimiez, et s’y fortifièrent. Nice jusqu’alors
n’était considéré que comme un faubourg de Cimiez.
Quoique Cimiez ne fasse plus partie de la Provence, nous avons cru bien faire de le
mentionner, pour l’intelligence de ceux qui s’attachent à l’historique de l’ancienne
Provence. Voyez le mot VEDIANTII.

CIOTAT, Citharistes. Petite ville chef-lieu de canton, dans le golfe des Lecques, à 6
lieues de Marseille. Elle fut construite, 160 ans avant Jésus-Christ, par les Marseillais.
Ils lui donnèrent le nom de Cithariste, et au golfe celui de Sinus Citharistes. César visita
ce lieu, et y établit une station maritime. Ses successeurs y firent passer une route de
second ordre, qui suivait la côte, et passait par Telo Martius, Olbia, Alconis, Heraclea
Caccabaria et Forum Julii. Des restes de quais attestent que les Romains avaient
séjourné long-temps à la Ciotat, et que des vaisseaux venaient y mouiller.
L’invasion de la Provence par les barbares, notamment par les Sarrasins, les Lombards et
les Normands, troublèrent cette ville, au point que les habitans furent forcés de déguerpir
et de chercher un lieu de refuge dans l’intérieur des terres. Aussi cet abandonnement fut
cause que les maisons tombèrent en ruines, et que la ville n’offrit plus que des tas de
décombres.
Sous Bérenger IV, quelques Catalans, ayant jugé le golfe des Lecques propre à la pêche,
se joignirent à quelques pêcheurs du village de Ceyreste, et bâtirent sur le rivage un
hameau, qu’ils nommèrent, en langue catalane, Bort de nostre cieuta. Nombre de
familles vinrent augmenter ce lieu, qui devint en peu de temps un joli bourg, qu’on
nomma Burgum civitatis. La quantité de pirates qui infestèrent cette côte, forcèrent les
habitans à s’enfermer dans des murailles et à se fortifier de sept tours, dont on voit
encore des vestiges.
Dès que le bourg se sépara de Ceyreste, et qu’il fut érigé en commune, ce qui eut lieu en
1429, le corps des marins fit construire une nouvelle tour fort élevée pour découvrir les
corsaires et les pirates.

Un saint ermite fut l’habiter, et mettait une cloche en branle, dès qu’il découvrait une
barque ennemie. Le peuple alors courait aux armes, et prenait des mesures pour
préserver les vaisseaux.
Sous François Ier, la Ciotat comptait une Population de 12, 000 âmes. Le plus grand
nombre y fut attiré à cause de
la grande quantité de navires marchands qu’on y construisait pour les Échelles du
Levant. Cette industrie procurait de grandes richesses à tous les ouvriers et aux
propriétaires terriens. Vers le milieu du siècle dernier, le chantier de ce port ne pouvait
suffire aux constructions commissionnées par le commerce de Marseille. Les bénéfices
étaient si grands, et il s’y consommait une telle quantité de boisson, que les agriculteurs
se décidèrent à abandonner en partie la culture de l’olivier, qui était d’un très-faible
produit dans leur territoire, et y substituèrent la culture de la vigne, qui convient
parfaitement au sol et aux expositions du pays. Mais comme le sol est presque infertile
les vignes commencent à n’y plus bien venir.
La ville de la Ciotat se trouve au fond d’une anse. Ses rues sont larges et bien alignées. Il
y a peu de temps, en creusant une cave dans la ville, on a trouvé des ossemens qu’on
peut considérer païens, à cause d’une lampe sépulcrale très-bien conservée qui se
trouvait parmi ces débris de corps humains. Il y a un tribunal de prud’hommes, établi de
temps immémorial, une école gratuite d’hydrographie, un sous-commissariat de mariné
et un trésorier des invalides. Le port, défendu par une batterie sur les ruines du château
Béloard, est d’une bonne tenue, et peut recevoir des frégates.
L’Ile verte, non loin de la pointe dite le Bec de l’aigle, défend l’entrée de l’anse où se
trouve la Ciotat. Pendant la dernière guerre continentale, plusieurs fois les Anglais se
sont approchés de cette île. La dernière fois, ils prirent terre pour faire aiguade, et se
firent soutenir par des troupes de débarcation. Cela n’empêcha pas qu’ils fussent chassés
avec perte par une poignée d’hommes éclopés.
Les rochers qui bordent la côte de la Ciotat et de ses environs, sont une sorte de
poudingue formé de débris du terrain intermédiaire de la côte du département du Var,
principalement des phillades, de quartz et de grès agglutinés par un ciment de grès rouge
et brun. Ce poudingue est en grands amas posés sur un terrain traumatique, qui fait suite
à celui de Saint-Nazaire et de Six-Fours. Il paraît plus ancien que le poudingue des
environs de Marseille, et que celui des bords de la Durance.
Une fable assez risible qu’on raconte à la Ciotat, est, qu’au pied d’un rocher dit le
Capucin, se trouve une grotte sous-marine. On prétend qu’un marin, en plongeant,
s’enfonça sous la saillie d’un rocher et pénétra fort avant, sans autre but peut-être que
d’étudier la profondeur. Le hasard le fit arriver sur une pointe où il put se fixer hors de
l’eau. Une douce clarté qui pénétrait par les crevasse d’une route immense et fort élevée
lui permit de distinguer l’intérieur de la grotte, dont les parois étaient couvertes de
branches innombrables du plus beau corail. Il aurait voulu retourner tout de suite pour
aller publier cette trouvaille; mais il lui fut impossible de trouver l’issue par où il était
venu. Ce ne fut que le lendemain à la même heure, qu’un rayon du soleil, donnant sur un
certain point de la mer, lui indiqua la direction qu’il devait suivre pour sortir
heureusement de cette espèce de tombeau. Muni de quelques échantillons du corail qu’il
avait trouvé, il sortit sain et sauf, et, chose extraordinaire, il oublia sur quel point se
trouvait la grotte, il ne se rappelait que les prétendues richesses qu’il y avait laissées. Les
crédules ont essayé vainement, et à différentes époques, de percer la montagne par sa
partie supérieure. On s’est enfin lassé d’une entreprise aussi ridicule que ruineuse.
Les pêcheurs de la côte de Provence croient que les grottes sous-marines contiennent
beaucoup de corail, à cause de la tranquillité des eaux. Cette raison est tout-à-fait fausse.
Les polypes, qui font le corail, ne se plaisent que dans les mers profondes, où ils
trouvent mieux de quoi se nourrir. L’expérience a prouvé que plus on s’écarte de la côte,
plus la pêche du corail est abondante.
Le territoire de la Ciotat est très-aride; il n’y a pas un seul courant d’eau. La ville n’a
que des puits et des citernes. Cependant on trouve trois sources; celle de l’anse du pré,
qui est peu distante de la ville; la font sainte, qui est au fond du golfe, et une troisième
dans le port, qui jaillit du fond de la mer. Cette dernière ayant été couverte par les eaux
de la mer, ne peut plus être aperçue. Les Romains avaient conduit à Citharistes, par le
moyen de plusieurs conduits dont il existe encore des vestiges, les eaux de plusieurs
sources qui se trouvent sur le penchant méridional des montagnes de Roquefort. On
pourrait facilement rétablir ces conduits; et les eaux procureraient à la Ciotat de
nouvelles fabriques, tandis qu’elle n’à que des filatures de coton; elle avait des fabriques
de coton qu’on a abandonnées depuis quelque temps. Le vin du pays est fort estimé, non
seulement à cause du terroir et des expositions, qui sont favorables à cette denrée, mais
parce qu’on le fabrique avec plus de soin qu’ailleurs, sans avoir plus de peine. Popul. 6,
200 hab. Foire, 6 mars et 15 août.
Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, la Ciotat, Cassis,
Ceyreste et Roquefort.

CIPIÈRES, ou plutôt CIPPIÈRE, du latin Cippus. Village du canton de Coursegoules, à


10 lieues de Grasse, et à une petite distance de la rive droite du Loup, anciennement
occupée par les Vélauni, peuplade celto-lygienne des Capilati, qui avaient leur chef-lieu
dans le territoire de Gréolières. Le territoire de Cipières est coupé par de hautes
élévations, et notamment par le Cheiron. La partie qui est en plaine est bien cultivée et
donne du blé et des pâturages excellens. Les fromages du pays sont fort estimés. On y
mange de truites excellentes et bien saumonées. Pop. 950 hab.

CITARISTA. Voyez LA CIOTAT.

CLARET. Petit village du canton de la Morte, à 5 lieues de Sisteron, sur la rive gauche
de la Durance. Les vallées offrent communément des blocs de marbre. L’espèce la plus
abondante est celle qui ressemble à la brocatelle d’Espagne. Une de ces brèches est
violette, et l’autre d’une couleur verdâtre. Le sol produit du vin des pommes, des poires,
beaucoup de noix dont on fait de l’huile, assez de légumes, mais peu de blé.Pop. 465
hab.
CLAVIERS, Claverium. Village du canton de Callas, à 3 lieues et demie de Draguignan.
Ce lieu est fort ancien. Il était très-important aux époques des guerres intestines et des
troubles du gouvernement féodal. L’ancien village était enfermé dans un vaste château
très-fort, situé sur une élévation inabordable sur plusieurs points. Le village et le château
furent détruits, après avoir soutenu plusieurs siéges opiniâtres contre des forces
nombreuses.
Le village actuel est bâti sur le même coteau, près des ruines de l’ancien château, et à
une exposition plus douce et plus agréable. Il est entouré de collines complantées de
vignes et d’oliviers, et couronnées de forêts de pins et de chênes verts. Dans toute la
longueur du territoire, du nord au midi, est une petite vallée fertile, arrosée par le
ruisseau d’Ensiay. Le climat est tempéré; l’air vif et sain; le sol, naturellement aride et
ingrat, produit de l’huile, du vin, du blé, du chanvre, du foin, des légumes et des fruits.
Le pays offre des fabriques de chapeaux, et des muletiers qui transportent les huiles
jusques dans le Dauphiné.
A quinze minutes du village, et au quartier de la Lioure, on trouve une grotte assez
remarquable par les masses d’albâtre qu’on y voit. Dans de petits réduits, il y avait de
jolies pièces de stalactites qu’on s’est plu à dégrader. Il y a encore plusieurs bassins
contenant une eau claire, limpide et très-fraîche.
Dans le territoire se trouve un hameau nommé Meaux ou Meaulx, Castrum de Mels. Ce
lieu existait du temps des Romains. Selon Poinsinet de Sivri, traducteur de Pline, c’était
une des villes alliées des Oxibiens. Il paraît que cette ville éprouva le même sort que
celles d’Œginœ et d’Oxibii. Les habitans, échappés au carnage, bâtirent le village de
Claviers au lieu même où se trouvait un retranchement naturel. Pop. 1, 150 hab. Foire, le
6 juin.

CLEMENSANE. Petit village du canton de la Motte, à 4 lieues et demie de Sisteron,


situé dans les montagnes, à une petite distance de la rivière de la Sasse. Productions,
comme au chef-lieu du canton. Popul. 415 hab.

CLERMONT, Clarus Mons. Petit village du canton du Bar, à 3 lieues de Grasse; situé
dans un pays hérissé de collines. Le sol est fertile, principalement en fruits. Pop. 36 hab.

CLUMANE, Clumaneum ou Clemanœ. Village du canton de Barrême, à 7 lieues de


Digne, formé par des hameaux et des métairies, où, pendant les troubles de la révolution,
nombre de familles persécutées trouvérent un toit hospitalier qui les cacha aux
frénétiques qui les poursuivaient. Son territoire est divisé en deux parties par une rivière
qui coule du nord au midi, et qui porte le nom de Clumane, jusqu’à sa jonction à la
rivière de Blioux, au-dessous de Barrême, où elles forment la rivière d’Asse. Le climat
n’est ni bien froid, ni bien chaud, mais très-sain. Le sol est assez bon, quoique souvent
endommagé par les torrens. Le manque de bras fait qu’une grande partie reste sans
culture. Cependant on y recueille assez de grains, de légumes et de fruits, qui procurent
une honnête aisance au pays. Pop. 1, 000 hab.

CLUMENSANE. Voyez CLÉMENSANE.


COGOLIN, Cogolini, en provençal Cougoulin. Ce nom paraît être une corruption ou un
diminutif de Cougouilloun, dont on se sert encore dans le pays pour désigner une
sommité. En effet, le village de Cogolin, du canton de Grimaud, et à 11 lieues et demie
de Draguignan, se trouve sur le penchant méridional d’un vaste plateau, dont l’extrémité
la plus rapprochée du village, est terminée par une petite élévation pyramidale
couronnée par un moulin à vent. C’est sur cette sommité que fut établi
un repaire de Sarrasins, pendant le long séjour que ce peuple barbare fit au Frazinet et
dans ses environs. Après leur expulsion, l’on y bâtit un château entouré d’une vaste
enceinte de hautes murailles, dans laquelle se réfugiaient, en cas de danger, les
cultivateurs avec leurs troupeaux. En 1579, les soldats du comte de Carcès, commandés
par les sieurs de Vins et de Beaudument, en occupant ce village qui s’était rendu sans y
être forcé, se livrèrent au vol, au viol, au meurtre et à toutes les cruautés imaginables.
Les habitans de Cogolin s’entendirent avec ceux de Grimaud, Ramatuelle et Gassin, qui
étaient exposés aux mêmes scélératesses; ils demandèrent du secours à la ville de Saint-
Tropez, qui leur fournit un détachement de sa milice et une pièce d’artillerie qui servit à
enfoncer la porte du château de Cogolin.
La garnison fut exterminée, et le château rasé jusqu’aux fondemens. On respecta
néanmoins une porte surmontée d’une tour qui subsiste encore, et sur laquelle a été
placée l’horloge publique.
Le village de Cogolin ne paraît pas avoir existé du temps des Romains, comme on
pourrait le croire du nom que porte encore une de ses principales rues, appelée rue
Romaine. Cependant quelques restes d’inscriptions et de tombeaux en briques, trouvés
sur divers points du territoire, prouvent que ce peuple y eut des habitations isolées, mais
peu opulentes.

Cogolin paraît avoir été bâti sur le cratère d’un volcan éteint. En creusant les terres les
plus rapprochées du village, on y trouve des masses de laves et de basaltes dont on se
sert depuis long-temps à former le chambranle des portes et fenêtres des maisons. On
présume que le vaste souterrain qui, de l’ancien château, communiquait dans la
campagne, est une dépendance de ce cratère. Je crois que c’est de là qu’on a tiré la
grande quantité de pierres volcaniques qu’on a employées à la construction du village.
La montagne de Faucon, qui termine le territoire de Cogolin à l’ouest, fournit aussi une
espèce de grès volcanique très-dur, que l’on emploie dans la bâtisse comme pierre de
taille, et dont on fait des meules pour les moulins à huile.
On avait commencé à exploiter, il y a peu d’années, sur le penchant nord-est de la
colline qui domine Cogolin, une mine de plomb argentifère, dans une gangue quartzeuse
souvent enveloppée de roches granitiques. Le minerai était assez riche pour donner des
profits considérables; mais les travaux furent mal dirigés, et les ouvriers pas du tout
surveillés; on se laissa gagner par les eaux, et la mine fut abandonnée.
Le territoire de Cogolin, bordé, du côté de Grimaud, par la rivière de Giscle, est traversé
dans toute sa longueur par celle de Renoux ou de la Molle. (On lui donne
indifféremment ces deux noms) Ces deux rivières sont à sec pendant l’été; mais, pendant
leurs crues d’hiver, elles servent au flottage du bois à brûler.
On en fait des tas énormes au fond du golfe de Grimaud, où des navires vont le charger
pour le porter principalement à Marseille.
Le territoire de Cogolin est très-fertile, surtout dans la plaine, qui est annuellement
engraissée par les débordemens des rivières. Il produit beaucoup de blé, de vin et de
foin. On y recueille aussi de l’huile, du maïs et des haricots noirs. On y a cultivé avec
succès la patate douce d’Amérique, que Linné appelle consvolvulus batata. On pourrait
y cultiver avec avantage le chanvre, la garance et surtout le tabac. Sur la colline il y a
quelques chênes à liége. Les bois de pins sont devenus fort rares, car le territoire est peu
étendu et presque tout cultivé.
L’air y était autrefois très-fiévreux; il est devenu plus pur, par suite de la destruction des
forêts environnantes, qui interceptaient les vents, et par la mise en culture des parties
marécageuses de la plaine. Les maladies y sont maintenant peu communes.
Malgré sa position avantageuse à l’embranchement de la route royale de Saint-Tropez à
Toulon, avec la route départementale qui va au Luc et à Draguignan, Cogolin n’a ni
fabrique, ni industrie manufacturière. Cela vient sans doute de ce que la Population n’est
pas assez considérable, quoiqu’elle augmente tous les jours depuis l’assainissement des
marais. Les habitans, au nombre de 1, 200, sont actifs et laborieux. Ils sont entièrement
livrés à l’agriculture; ils élèvent aussi beaucoup de bœufs, et des chevaux de la race des
ègues.
Il y avait à Cogolin un dépôt d’étalons du gouvernement; il vient d’être supprimé,
quoiqu’il eût donné d’assez beaux produits, et qu’on dût en attendre de plus grands
avantages dans la suite,
Il y a, le 9 août, une foire consacrée principalement à la vente du gros bétail,
Il y a peu d’années, on trouva dans la cave d’une maison de Cogolin un monument grec,
qu’on présume n’avoir pas été construit dans ce pays, mais avoir été apporté de l’île de
Lesbos.
Ce monument a trois pieds deux pouces de hauteur sur dix pouces six lignes de largeur,
il est triangulaire. Sur chacune des trois faces est représentée en bas-relief une figure
encadrée et placée au-dessus d’un large espace vide, en forme de parallélogramme, qui
semble destiné à recevoir une inscription: on n’y aperçoit cependant aucune trace de
lettres; mais, au-dessus de chaque figure, on lit des caractères grecs.
Une de ces figures représente une femme debout et vue en profil. Elle est vêtue d’une
tunique qui descend jusqu’à terre, en formant de longs plis. Cette première tunique est
recouverte par une seconde plus courte qui s’arrête au-dessus du genou. Sur sa tête est
jeté un voile qu’elle relève de la main droite; son bras gauche est plié au-dessous du
sein. Dans l’espace qui est au-dessus de la figure, on lit le mot RITO.
Une seconde figure représente un homme avancé en âge.
Il s’appuie sur un long bâton. Ce personnage est vêtu d’un ample manteau ou pallium,
qui laisse à découvert le haut de la poitrine et les deux bras. Au-dessus de la statue, on
lit:
epmon
..... no?
m - omnaio?
La troisième figure est celle d’un vieillard couvert également d’un manteau, dans lequel
le bras gauche est enveloppé.
Le bras droit est nu ainsi que la poitrine. Cette figure est vue presque entièrement en
face.L’inscription qui la surmonte est:

mnh? I V V?
?ATOPO

Des personnes instruites, qui ont examiné avec soin ce bas-relief, ont jugé que ce
monument avait rapport au retour d’Ulysse à Ithaque. La femme qui soulève son voile
qui cachait son visage, serait Pénélope, qui cherche à s’assurer si Ulysse est réellement
l’individu qui se précipite à elle. L’homme appuyé sur un bâton serait Ulysse lui-même.
Le bâton annonce et le voyageur, et l’homme disposé à châtier les téméraires qui
dissipaient son bien et persécutaient sa femme et son fils. Le vieillard serait le fidèle
Eumée, cet ancien serviteur, qui accueillit avec tant d’empressement le destructeur de
Troye, au moment où il descendit sur le rivage d’Ithaque.
Tel est ce monument que les habitans de Cogolin auraient droit de réclamer auprès de
celui de leurs compatriotes qui dépouilla son propre pays pour enrichir le village de la
Valette.

COL-NÈGRE. Cap de la côte maritime du département du Va r, entre Bormes et


Cavalaire.

COLLE-DU-VAR. Village du canton de Vence, à 5 lieues de Grasse. L’origine de ce


village ne remonte pas bien haut. Elle est intimement liée à un fait historique qui s’est
passé sur les lieux mêmes.
La bataille de Cérisoles, 1554, où les Français furent vainqueurs, ayant ouvert les portes
de la France aux Anglais et aux Impériaux, François Ier fut obligé de rappeler ses
troupes, pour venir defendre les frontières de la Provence.
La position du village de Saint-Paul lui paraissant avantageuse, il ordonna de l’entourer
de murailles assez fortes pour soutenir un long siége. Les lignes de ces murailles furent
tracées, les remparts s’élevèrent, et tous les habitans qui avaient leurs maisons en dehors
de cette enceinte furent forcés d’aller établir leurs demeures ailleurs. Ils choisirent de
préférence le quartier dit le Coulet, dans le même territoire, où se trouvaient déjà une
chapelle et quelques chétives habitations. Ils y construisirent un grand nombre de
maisons, et comme la Population s’accrut, le nom du Coulet fut changé en celui de la
Colle, qui en est l’augmentatif.
Les habitans de Saint-Paul qui avaient vu, sinon avec une secrète satisfaction, du moins
d’un œil sec l’espèce d’ostracisme auquel avaient été pour ainsi dire, condamnés leurs
compatriotes, se faisaient un jeu de leurs intérêts. Les demandes que ces derniers
adressaient par fois au conseil municipal de Saint-Paul, à la formation duquel ils
devaient naturellement et convenablement contribuer comme faisant partie de la même
commune, étaient rarement écoutées. Les Collois, fatigués du peu de considération que
la mère-patrie avait pour eux, profitèrent de la première occasion favorable pour briser
les liens de servage dans lesquels les retenait la métropole; et, malgré l’opposition
formée par le conseil municipal de Saint-Paul, le hameau de la Colle fut érigé en
commune, en 1790, époque où il avait déjà 1, 350 habitans, tandis que la métropole n’en
avait que 1, 050.
Sur une pierre qui se trouve à un angle du clocher, on lit ces mots: Concordea et Labora.
Cette inscription semble rappeler le procédé dont les premiers se servirent pour élever ce
temple à la divinité. Comme ils avaient fait la perte de leurs maisons de Saint-Paul, et
des dépenses pour s’en construire de nouvelles à la Colle, il ne leur resta pas les moyens
pour contribuer aux dépenses que nécessitait la construction d’une paroisse. Le curé du
lieu, homme très-éloquent et fort zélé, haranguait tous les dimanches, à la fin de la
messe, ses paroissiens, et les conduisait ensuite processionnellement, tantôt à une
carrière, tantôt au bord de la rivière, et chacun apportait, selon sa force, une pierre ou un
sac de sable; et lorsque tous les matériaux furent rendus au lieu désigné, le prêtre et
quelques âmes pieuses contribuèrent pour le salaire du maçon qui fut chargé de cette
construction.
Le village de la Colle est, par sa position aux pieds de plusieurs collines qui le ceignent,
à l’abri de presque tous les vents. Sa température est très-douce, et son climat fort sain.
La grande propreté des rues, et l’air de la campagne qu’on respire de l’intérieur des
maisons mêmes, font que les habitans n’y meurent presque que de vieillesse. Le village
est bâti en forme d’une croix romaine; chaque maison a son jardin, ou touche à la
campagne du propriétaire.
Le territoire de la Colle offre des forêts de beaux oliviers, qui n’ont point été
endommagés par les rigueurs de l’hiver de 1820, des vignes considérables, des orangers
qui viennent en plein vent et qui donnent des fruits excellens, des jujubiers et toutes
sortes d’arbres fruitiers à noyaux et à pépins. Une partie de la plaine, arrosée par le Loup
et par un ruisseau, donne des primeurs. Indépendamment des fruits, le sol produit des
céréales et des légumes en abondance.
Le peuple, en naissant, apporte le génie mercantile, qui se développe avec l’âge, et se
fait distinguer dans toute la contrée. L’avidité de faire fortune leur fait oublier
quelquefois la première condition du commerçant, la bonne foi dans les traités, même
pour les affaires de moindre valeur. Les personnes instruites se conduisent avec
conscience, et s’attirent l’estime et la confiance de ceux avec qui elles sont en rapport.
Pop. 1, 500 hab.

COLLE-SAINT-MICHEL.Village du canton de Saint-André, en face de Thorame-Basse,


à une petite distance de la rive gauche du Verdon. Pays froid, dans des montagnes
fertiles en gras pâturages, où l’on nourrit des troupeaux nombreux, et l’on fabrique des
fromages des plus exquis. Pop. 105 hab.

COLLOBRIÈRES, Colluberia. Bourg chef-lieu de canton du département du Var à 7


lieues de Toulon, situé dans un bassin entouré de montagnes, au bord d’un petit ruisseau.
Le sol est schisteux et offre des indices de mines de plomb, d’antimoine, des productions
volcaniques, et plusieurs variétés de pierres ollaires. Il produit du blé, des haricots noirs,
et surtout des châtaignes très-estimées. Ses forêts contiennent le pin maritime et le
chêne-liège, dont l’écorce sert aux fabriques de bouchons du pays. Collobrières
deviendrait un lieu considérable, si l’on mettait en culture une partie des forêts qui
touchent à celles de l’Averne. Ces coteaux seraient favorables à la vigne, aux oliviers,
aux orangers et à toutes sortes de primeurs. Populat.1, 500 hab.

COLLONGUE. Petit village du canton de Saint-Auban, à 12 lieues et demie de Grasse.


Climat et productions, les mêmes qu’aux Mujoulx. Pop. 180 hab.

COLLONGUE. C’est le même que Simiane-les-Aix. Voyez ce mot.

COLMARS, Colmartium ou Collis Martia. Petite ville chef-lieu de canton du


département des Basses- Alpes, à 15 lieues de Castellane, sur le Verdon. Elle tire son
nom d’une colline que les anciens Romains avaient consacré au dieu de la guerre, et sur
laquelle les premiers chrétiens du pays firent bâtir une église en l’honneur de saint
Pierre. Quelques auteurs ont pris cette ville pour l’ancienne Gallicœ ou Gallitœ, chef-
lieu d’une peuplade celto-lygienne, et dont il est fait mention dans les trophées des
Alpes. Mais, en examinant les lieux, on croira avec plus de vraisemblance que les
Gallitœ occupaient la campagne d’Allos.
Colmars a essuyé bien des révolutions. Cette ville était autrefois divisée en plusieurs
parties, dont la principale était sur un coteau où l’on trouve encore des ruines. Peu-à-peu
les habitans se réunirent au bord du Verdon, dans une petite plaine assez agréable, En
1390, Raymond de Turenne la réduisit en cendres, En 1583, la petite troupe du capitaine
Cartier s’en empara, à la faveur des pétards qu’il fit jouer pendant la nuit. Enfin, dans le
dix-septième siècle, la France en a fait une place militaire. Deux forteresses et des
remparts flanqués de tours la mettent en état de résister à une armée qui voudrait passer
par ce défilé sans artillerie. Cette place est une triste garnison; aussi l’on n’y met guère
que quelques vétérans. Les couvertures des maisons sont faites avec de l’ardoise,
Le territoire de Colmars est fertile en grains et en fruits. Ses montagnes, couvertes de
gazon, nourrissent en été de nombreux troupeaux qui viennent d’Arles.

Il y a plusieurs fabriques de draps communs. Les fromages du pays et des environs sont
fort estimés.
A une petite distance de la ville, et près de la route d’Allos, il y a une fontaine
intermittente qui coulait et s’arrêtait pendant sept minutes. Le tremblement de terre de
Lisbonne la fit tarir; elle n’a reparu qu’en 1770, mais avec des variations qui prouvent
que les naturalistes n’avaient pas bien connu la cause de ses suspensions.
Le quartz abonde à Colmars; il y a même quelques indices de minéraux. Les prairies
sont couvertes de belles plantes; l’érable et le sapin sont communs dans les collines.
Pop. 955 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Colmars, Beauveser,
Thorame-Basse, Thorame-Haute et Villars-Colmars.

COLOSTRE, Colostrus. Petite rivière qui prend sa source au-dessus du village de


Raumoure, passe par Riez, Allemagne, Saint-Martin, où elle se jette dans le Verdon. Un
certain auteur prétend que cette rivière était, dans un temps, très-considérable et même
navigable, mais qu’un tremblement de terre en fit disparaître la source. Voyez ce que
nous en disons au mot RIEZ.

COMMONI. Nation celto-lygienne qui, d’après Ptolomée, occupait tout le littoral,


depuis Marseille jusqu’à l’embouchure de la rivière d’Argens. Voyez le mot Toulon.

COMPS. Castrum de Comis. Petite ville chef-lieu de canton du département du Var, à 5


lieues de Draguignan. La guerre entre Charles d’Anjou et Charles de Duras, qui se
disputaient avec acharnement la succession de la reine Jeanne, fit tomber les remparts
qui entouraient la ville de Comps, et qui étaient, à cette époque, assez forts pour soutenir
un long siège.
La ville fut également détruite, et les habitans allèrent s’établir dans la campagne, où ils
bâtirent les neuf hameaux qu’on y voit encore, et qui sont, Oribau, Baillon, Chardon,
Don, Douesse, Gavent, Jabron, Sauve-chane et la Souche.
Cependant quelques-uns vinrent à la paix relever la ville de ses ruines. Elle fut bâtie en
amphithéâtre sur le penchant d’un rocher et dans un quartier stérile et dégarni d’arbres.
Aussi c’est un bien triste séjour. Le climat de la ville proprement dite est froid en hiver, à
cause de sa situation entre des collines et une gorge ouverte qui l’expose aux vents
d’orient et d’occident. Le climat des hameaux est infiniment plus doux. Le sol est, en
général, ingrat et infertile. Le défrichement des hauteurs et les fortes pluies ont emporté
presque tout le terrain. Autrefois il y avait beaucoup de vigne, qui se chargeaient de
fruits; mais aujourd’hui il n’y en a plus. Il n’y reste pas même du terrain pour en planter.
L’unique production est le blé et le seigle. Les semailles de mars, telles que l’orge,
l’avoine et autres légumes y donnent quelques produits. Comps est, j’ose dire, le pays le
plus pauvre du département.

Dans les bancs de pierres calcaires qui forment le toit ou le lit de plusieurs mines de
houille, on trouve des couches épaisses de gryphites, de vis, de buccins, de moules et
autres coquillages. On y trouve aussi des pyrites ferrugineuses. Pop. 740 hab. Foires, 23
mai et 24 juin.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Comps, Ghâteauvieu,
Bargème, la Bastide, le Bourguet, Brénon, Brovés, la Martre, la Roque-d’Esclapon et
Trigance.

CONIL, Cuniculus. Grande forêt de pins, vis-à-vis de Cuges, d’où l’on tire beaucoup de
poix, de résine, d’essence de térébenthine, etc.

CONSÉGUDES. Petit village du canton de Course-goules, à 12 lieues de Grasse. Climat


et productions, comme à Dos-Fraire. Pop. 270 hab.

CONSTANTINE, Constantina. Nom d’un camp fortifié, sur une petite montagne, à une
lieue est de Saint-Chamas. On y a découvert, à différentes époques, des monumens
antiques, tels que des statues d’or, d’argent ou de jaspe, des anneaux d’or et des
médailles de plusieurs règnes.
La montagne de Constantine est au bord de l’étang de Berre. Les eaux viennent presque
baigner son pied. Autrefois elles s’élevaient beaucoup plus haut, à en juger par les
anneaux d’amarre qu’on y voit encore. Sur le sommet, on trouve des débris d’un camp
retranché, de forme ovale, entouré de murs en pierres sèches fendus par deux tours. Hors
de cette enceinte, on voit à chaque pas de grosses pierres de taille détachées.
Au midi, il y a une citerne bâtie avec un ciment très-dur; elle est aujourd’hui comblée.
La tradition porte que le grand Constantin se retrancha dans cette forteresse. Cela peut
bien être; le nom qu’elle porte semble l’annoncer. Mais ce que nous pouvons assurer,
c’est que ce n’est pas cet empereur qui la fit construire. Sa première construction en
pierres sèches prouve que c’est un retranchement celto-lygien, que les Romains avaient
ensuite perfectionné et augmenté. Ces sortes de retranchemens étaient toujours à portée
d’un chef-lieu les premiers habitans, et le chef-lieu voisin de Constantine était
Astramela, près de l’embouchure de la Duransole, même au cap d’Œil, où l’on trouve
encore beaucoup de ruines de cette ancienne ville qui paraît avoir été considérable. Elle
fut détruite vers la fin du cinquième siècle, et lors de l’invasion d’Euric, roi des
Wisigoths. Les habitans prirent la fuite; et, au rétablissement de l’ordre, une partie alla
bâtir la ville d’Istres, et l’autre celle de Berre. Mais quel peuple habitait la ville
d’Astramela? c’est sur quoi les auteurs modernes ne sont pas d’accord. Pour moi, je suis
fondé à croire qu’elle était la capitale des Saliens. Elle ne pouvait être que le mallus
d’une grande nation de ce temps. Son retranchement, sa position et son point central le
prouvent suffisamment. Mon idée, quoique contraire à celles des auteurs modernes et
des contemporains, fut sentie par Honoré Bouche, à la différence qu’il prit les ruines du
retranchement de Constantine pour celles d’une ville qu’il supposa être la même où
Protis, un des chefs de la première expédition phocéenne, vint faire alliance avec le roi
des Saliens. Voyez ce mot.

CORBIÈRES, Corberiœ ou Locus Corberiis. Village du canton de Manosque, à 6 lieues


de Forcalquier, sur la rive droite de la Durance. Le climat est tempéré. Le territoire est
divisé en deux parties. Le coteau produit du blé et de l’huile excellente, des légumes, des
citrouilles, etc. La plaine, souvent ravagée par un torrent et par la Durance, est
sablonneuse, et produit du vin très-ordinaire. Dans les meilleurs fonds on recueille des
noix, des fruits à noyaux et à pépins, Pop. 590 hab.

CORDES, ou CORDOUE.Montagne des Alpines, dans le territoire d’Arles. Les


Sarrasins, venus d’Espagne, donnèrent le nom de Cordoue à cette hauteur, lorsque,
chassés de la ville d’Arles, ils vinrent s’y réfugier. Ils s’y retranchèrent à l’aide d’une
muraille qui existe encore en partie.
Au sommet de cette montagne, et du côté du midi, il y a une grotte en forme de croix,
qu’on appelle le trou de fées. C’est, je pense, un temple souterrain dont l’origine date de
la persécution des premiers chrétiens par les Romains. Les Sarrasins ont dû se servir de
ce temple pour; y enfermer leur butin et leurs trésors, qui étaient immenses; car ils
avaient pillé toutes les églises et les maisons des principaux particuliers. L’avidité des
richesses les portait à commettre toutes sortes d’horreurs. Ils détruisaient les temples,
massacraient les ministres et les habitans, violaient les vierges; les religieuses de
Marseille, au nombre de quarante, pour conserver leur virginité, se coupèrent le nez et se
déchirèrent le visage; mais elles furent massacrées par la main des barbares.
Heureusement Charles-Martel arriva avec des forces considérables, et fit main basse sur
tous les Sarrasins qu’il rencontra en Provence et dans le Languedoc.

CORNILLON. Village du canton de Salon, à 61. et demie d’Aix, situé près d’une
branche du canal de Craponne, et ayant un hameau nommé Confoux. Climat doux et
tempéré; sol fertile en blé, pâturages, fruits, et surtout en huile d’olive. Pop. 680 hab.

CORRENS, Castrum de Corredis, autrefois de Coreno ou Correno. Bourg du canton de


Cotignac, à 3 lieues de Brignoles, et sur la rivière d’Argens. Il est tout en plaine. Dans le
plus ancien quartier, on voit une vieille citadelle appelée fort Gibron, qui a soutenu
plusieurs siéges opiniâtres. Ce quartier est ceint de murailles épaisses; ses rues sont
étroites, et sa place est bien ombragée en été. Il y a dans le pays des fabriques d’eau-de-
vie. La plaine offre quelques terres arrosées par la rivière. Le territoire produit
abondamment du blé, du vin, de l’huile et des légumes; l’orge y vient à merveille. La
plupart des terres labourables sont imprégnées de muriate de soude, et perdent de leur
fertilité, lorsqu’on les laboure trop profondément; dans les bosquets qui bordent la
rivière, on trouve du sumac, vulgairement appelé bois de fustet. Dans le onzième siècle,
le pape Sergius fonda, dans l’église paroissiale de Notre-Dame-de-Correns, un Jubilé ou
Pardon qui avait lieu toutes les années où la fête de l’Invention de la Sainte-Croix devait
être célébrée le vendredi. Le jubilé commençait la veille à deux heures après-midi, et
finissait le lendemain de la fête à la même heure. Nombre de fidèles y arrivaient de
toutes les parties de la Provence. L’histoire fait mention qu’en 1613, il y vint cinquante-
cinq mille personnes en procession; qu’il s’y trouva cinq cents prêtres confesseurs pour
s’aider à absoudre et à donner la communion aux pèlerins. Il existe encore un proverbe
qui, pour exprimer un grand concours de monde, dit: c’est le pardon de Correns. Cette
fête procurait des sommes considérables au pays, dont la Population est de 1, 500 hab.
Foires, le 3 mai et le premier septembre.
Pendant les guerres civiles, le baron de Vins y tailla en pièces plus de quatre cents razats.

CORRENTO. La ville de Métapine, qui se trouvait sur le continent en face de l’île de la


Tour-de-Bouc, changea son nom en celui de Corrento, dérivant du courant de l’entrée de
Bouc. La ville se divisa en deux parties. L’une resta sur la terre ferme, et l’autre fut
s’élever dans l’île de Bouc, et conserva le nom de Corrento.
Il n’en existe plus que la tour que les Marseillais construisirent vers le douzième siècle,
et qui fut augmentée sous Louis XIV.
Elle est aujourd’hui convertie en phare qu’on allume toutes les nuits, pour guider les
navires dans le port de Bouc, dont le fond est de bonne tenue, et dont le mouillage sera
très-sûr quand la chaussée de la sèche Foucard sera terminée.
C’est de la ville de Corrento que dérive, par corruption, le mot Caronto, nom donné à
l’étang qui se trouve entre l’île de Bouc et l’ancienne position de Métapine.
COSTE (La), Costa. Village à 3 lieues d’Apt, près la rive gauche du Calavon, et adossé
au mont Léberon. On y recueille du blé, du vin et un peu d’huile. Pop., 640 hab.

COTIGNAC. Petite ville chef-lieu de canton, à 4 lieues de Brignoles. Un auteur, qui a


longuement écrit sur la Provence, prit cette ville pour le Matavonium des Romains,
quoiqu’elle fût très-écartée de la voie aurélienne. Nous avons heureusement les preuves
les plus convaincantes que cette ancienne station se trouvait dans le territoire de
Cabasse, et je crois l’avoir suffisamment prouvé en son lieu.
La ville de Cotignac fut fondée, selon moi, en 585, par plusieurs familles juives qui
s’étaient cachées dans les bois, pour éviter le bannissement prononcé contre tous ceux de
leur nation qui n’embrasseraient point la foi de l’évangile. Je ne donnerai d’autres
preuves que les restes d’une synagogue, le nom hébraïque de plusieurs rues, et le génie
économe et industriel des habitans actuels, génie qui se rapproche beaucoup de celui que
nous connaissons aux Hébreux contemporains qui se conduisent avec probité. Rien ne
prouve que les Romains aient formé le moindre établissement dans le territoire; le
terrain était trop aride, car la belle source qui se trouve au-dessus de la ville n’existait
pas de ce temps.
Rien ne prouve aussi que les Romains aient formé des établissemens à l’endroit où se
trouve la ville, quoiqu’on y trouve des restes de constructions fort anciennes. Il paraît
que les Maures ayant détruit l’endroit, les habitans établirent leur gîte dans les
différentes cavités qui se trouvent dans l’énorme banc de tuf qui couvre la ville au nord-
ouest. Ce ne fut qu’après l’expulsion des barbares, que les habitans se décidèrent à
construire leur nouvelle ville qui fut, en l238, inféodée par Bérenger IV en faveur de
Guillaume de Cotignac son ministre, et tuteur de Béatrix sa fille, de concert avec Romée
de Villeneuve.
Pendant les guerres intestines, Cotignac fut exposé à la férocité des gens sans aveu qui
couvraient la Provence de troubles et d’horreur. Deux hautes et fortes tours furent
construites sur le haut du rocher, pour défendre l’approche de la ville. Quelques habitans
se fortifièrent dans le rocher même, où il était impossible de les atteindre. Ces
fortifications existent encore en partie, quoique fort dégradées.

Deux belles sources se réunissent près de la chapelle Saint-Martin, et se dirigent vers la


ville. Une troisième source, peu importante, dite de Saint-Joseph, naît plus haut, et ne
peut guère être utilisée.
Quelques auteurs ont pris la source Saint-Martin pour celle dite Saint-Joseph.
L’historien H. Bouche veut que cette source n’ait été découverte que dans le quinzième
siècle, et d’une manière miraculeuse, selon lui, et fabuleuse, selon plusieurs autres.
Il veut qu’un jeune homme du pays, nommé Gaspar, altéré par la soif, et ne trouvant pas
le moindre surgeon d’eau pour l’apaiser, ait rencontré en ce quartier un vieillard nommé
Joseph Fontaine, qui lui dit qu’il ne parviendrait à se désaltérer que tout autant qu’il
soulèverait une énorme pierre qu’il lui montra, et que la force de dix hommes n’aurait
pu, peut-être, faire mouvoir. Il paraît que ce jeune homme, plein de confiance en ce que
lui dit le vieillard, essaya de soulever cette pierre, qu’il y parvint facilement, et que le
vieillard disparut, dès que l’eau commença à jaillir.
Le jeune Gaspar cria au miracle. Le peuple accourut de toutes parts. Chacun crut que
Joseph Fontaine était un saint, et on donna son nom à cette source, en l’appelant fontaine
Saint-Joseph. Dans le principe, nombre de malades venaient s’y baigner, et y trouvaient
la guérison, ou du moins un soulagement à leurs maux. Si cela est vrai, nous pouvons
dire que la vertu de l’eau de cette source est entièrement épuisée.

Quant aux deux autres, elles servent à l’irrigation, à huit fabriques de tannerie, douze
filatures pour la soie, douze moulins pour la tordre, etc.
Le sol produit principalement du blé, du vin et de l’huile.
Le cotignac, sorte de confiture faite avec du moût de raisin et du fruit du cognassier, fut
imaginée en cette ville, qui lui donna son nom. Il est étonnant que cette fabrication, ainsi
que celle du raisiné, ne soit pas devenue une industrie provençale. Cependant la ville de
Marseille fait des expéditions de ce dernier jusque dans les colonies, et est obligée de se
le procurer elle-même dans plusieurs contrées de l’Italie, par la raison que nul Provençal
n’a daigné jusqu’à présent faire cette spéculation en grand. Le seul canton de Courtenay
(département du Loiret) en débite tous les ans de mille à quinze cents quintaux, qui
rendent de trois à quatre cents mille francs.
Au nord du territoire de Cotignac, il y a de vastes forêts de chênes mises en coupes
réglées, qui rendent considérablement aux propriétaires.
A un quart de lieue de Cotignac, et sur une élévation, se trouve l’église de Notre-Dame-
de-Grâce, fondée en 1519,
et célèbre par la dévotion des fidèles qui, dans un temps, y venaient processionnellement
de toutes les parties de la Provence. En 1663, Louis XIV et Anne d’Autriche sa mère y
vinrent en dévotion. Pop. 3, 800 hab.
Les foires du pays sont, le lundi après la Purification, le 19 mars, le lundi après
l’Annonciation, le 9 juin, le lundi après l’Assomption, le lundi après la Nativité, le lundi
après la Saint-Martin et le lundi après la Conception.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Cotignac, Carcès,
Châteauvert, Correns Entrecasteaux et Monifort.

COUDOUX. Hameau de Ventabren. Il est fertile en huile d’olives et en amandes dures


et tendres.

COULOUBROUX. Hameau dans le territoire de Seyne, sur le ruisseau du même nom.

COURBONS. Village à une lieue et demie de Digne son chef-lieu de canton et


d’arrondissement, au haut d’une colline fort élevée. Le territoire touche la rive droite de
la Bléonne, depuis le pont de pierre de Digne jusque près du village des Sièyes. Le sol
produit du blé, du vin, peu d’huile, mais beaucoup de prunes qu’on fait sécher et qu’on
livre au commerce. Popul. 544 hab.

COURCHONS. Petit village du canton de Saint-André, à 4 lieues de Castellane. Site


très-froid en hiver. Le sol produit du blé et des légumes; mais il manque de bois pour le
chauffage. Au midi du village est la montagne de Shaup, où l’on nourrit de nombreux
troupeaux dont la plupart viennent de la basse Provence. Pop. 125 hab.

COURMES, Corma. Village du canton du Bar, à 7 lieues de Grasse, et sur la rive gauche
du Loup, Climat froid; sol pierreux et pénible à cultiver, Le village, quoique sur la
montagne, est dans un enfoncement où le soleil ne paraît que fort tard.
Au nord du village sont les ruines d’une commune dite de la Magdeleine, qui fut détruite
pendant les guerres intestines.
A l’est, il y eut, dans le principe, une maison de campagne ou ferme romaine, avec un
grand nombre de tombeaux, preuve certaine qu’elle a longtemps existé. Quelques
maisons autour de cette villa, formèrent un hameau, où l’on voit les ruines d’une église
et une grande quantité d’ossemens dans un lieu où fut probablement le cimetière
autrefois,
La plupart des montagnes ne sont que des rocs pelés. Celle dite de Courmette est fort
élevée; son point de vue est fort étendu. Il s’étend depuis la montagne de l’Estérel
jusqu’à celle du Col de Tende en Piémont, et jusqu’à l’île de Corse au midi. Ce fut du
sommet de Courmette que le célèbre Cassini calcula et prit la distance des environs.
L’aérostat lancé à Paris le jour du couronnement de Napoléon, vint presque toucher le
sommet de Courmette: un nouveau vent se leva, et le poussa avec une rapidité étonnante
jusque dans la campagne de Rome. Le sol de Courmes produit du blé et des herbages
pour les troupeaux. Pop.: 185 hab.

COURONNE (La). Hameau dans le territoire des Martigues.

COURSEGOULES, Corsica ou Corsicula. Bourg chef-lieu de canton, à l2 lieues de


Grasse. Ses premiers habitans sont sortis de l’île de Corse et des bords du Golo,
principale rivière de cette île. C’est ce qui a donné le nom à ce lieu. Dans un temps,
Coursegoules rendit un service à la patrie. En récompense, le roi de France lui accorda le
titre de bonne ville, que les habitans n’ont jamais fait valoir, quoiqu’ils conservent
soigneusement et avec une sorte de vénération le parchemin qui leur sert de titre. Le
territoire est fort vaste et offre un grand nombre d’habitations éparses. Le sol abonde en
mines de charbon de terre qu’on exploite en ce moment, en mines de plomb et de fer
qu’on ne manquera pas d’exploiter dans la suite, parce que des étrangers s’en mêlent, et
que la ville de Vence fait en ce moment construire une route roulière qui conduira dans
tous les territoires dans lesquels se trouve la mine de charbon de terre. Le terroir produit
principalement du blé et des pâturages. Dans le territoire est une montagne terminée au
sommet par un plateau d’une lieue carrée de superficie; inutilement on essaie d’y creuser
des puits. Le cultivateur est obligé d’y porter de l’eau pour abreuver ses bestiaux. Au-
dessous est la source de la Cagne; on l’entend couler avec fracas dans l’intérieur de la
montagne, long-temps avant qu’elle se montre au jour. L’uniformité constante du
volume de ses eaux prouve que le bassin qui l’alimente est d’une grande capacité. Pop.
530 hab. Foire, le 8 septembre.
Les communes du ressort de la justice de paix de ce lieu sont, Coursegoules, Bésaudun,
Bouyon, Cipières, Conségudes, les Ferres, Gréolière, Mujoulx et la Roque-d’Estéron.
COURTHÉSON. Bourg du canton de Bédarrides, à 3 lieues et demie d’Avignon, dans
une contrée délicieuse, fertile et abondante en pâturages. On y trouve des carrières de
pierres coquillières. Pop. 1, 060 hab.

CRAPONNE. Canal de dérivation des eaux de la Durance prise près de la Roque-


d’Anthéron, passe à Alein, Lamanon, Salon, Pélissane, Lançon, Cornillon, Saint-
Chamas, où il se jète dans l’étang de Berre.

CRAU (LA). Hameau dans le territoire d’Aubagne. Voyez LUCRETUM.

CRAU (LA). Hameau dans le territoire d’Hyères.

CRAU D’ARLES (LA). Vaste plaine entre le Rhône, l’étang de Berre et la mer. Elle a
huit lieues dans tous les sens, et n’offre ni élévation, ni habitation, ni eau, ni arbres, ni
terrain, surtout en dessous du chemin d’Arles à Salon. Ce n’est que cailloux roulés de
différentes grosseurs. Le premier historien qui visita cette plaine, crut que ces cailloux
étaient les mêmes que les dieux firent pleuvoir sur les enfans de la terre qui avaient osé
méconnaître leur puissance. Les naturalistes d’aujourd’hui reconnaissent que la plaine
de la Crau n’était, dans le principe, qu’un vaste golfe de la mer, dans lequel la Durance,
qui d’Orgon passait à Lamanon, venait se jeter. Cette rivière non seulement combla ce
golfe par des atterrissemens considérables, mais encore elle obstrua son ancien lit, et fut
forcée de s’en creuser un autre dans une direction contraire.
La plaine de la Crau se divise en région pierreuse et en marais. La première est
subdivisée en terrains nus et en bruyères. Les terrains nus poussent, aux mois de mai et
de septembre, une herbe fine et rare qui sort de dessous les cailloux, et qui est
recherchée avec avidité par le menu bétail, vu qu’elle contient beaucoup de sel marin.
Cette herbe consiste en plusieurs sortes de graminées, telles que les Crypsis schœnoïdes,
la calamagrostis espigeios, l’avena nuda, la festuca stipoïdes, la rottbala filiformis, la
poa disticha, et plusieurs espèces de pâturins et de chiendents.
On y trouve aussi la salvia precox, la thapsia villosa, l’hissopus canescens, le
lithospermum officinale, la bidens tripartita, les chironia pulchella et maritimum (petite
centaurée), appelée dans le pays herbo de la Craou.
L’autre région de la Crau, en outre de ses marais qui la rendent mal saine, a un grand
nombre d’étangs qui ne contribuent pas peu à son insalubrité. On travaille en ce moment
à un canal qui doit assainir cette partie.
La formidable armée des Cimbres, des Ambrons et des Teutons passa plusieurs jours
dans cette plaine de la Crau pour provoquer C. Marius, général romain, qui s’était
retranché à Foz-les-Martigues, anciennement Fossœ marianœ. La privation d’eau et de
toute subsistance força les barbares à continuer leur route vers l’Italie. Ils mirent trois
jours pour défiler devant le camp des Romains, à qui ils adressaient mille insultes. Ils
eurent bientôt à se repentir de leur audace et de leur témérité. Voyez le mot
POURRIÈRES.
CREISSET. Petit village du canton de Mézel, à 6 lieues de Digne, sur la rive gauche de
l’Asse, en face de Norante.
Le climat est froid et sain. Terrain en partie fertile et en partie très-ingrat, Il donne du
froment, du seigle, de l’orge, des légumes et de bons fruits. Des plantes médicinales
abondent sur les montagnes voisines. Le village est sur un rocher.
Le sol est presque tout en pente, et garni de sources qui font ébouler les terres. Pop. 160
hab.

CRESTET (LE), Crestetum. Village du canton de Vaison, à 6 lieues d’Orange., et bâti


sur une colline; Le climat est bon, sain et tempéré; le sol est des plus fertiles. Le blé, le
méteil, l’orge et l’épeautre y viennent à merveille. Le vin n’y est pas mauvais; l’huile est
excellente et les fruits délicieux. Mais la récolte la plus importante est celle des vers à
soie qui étant biens nourris, donnent des cocons recherchés. Il y a aussi de bons
fourrages et beaucoup de bois à brûler. Il est rare de trouver des pays où tout soit bon,
comme à Crestet. Le territoire est arrosé par l’Ouvèze, le Grausel et par une infinité de
petits ruisseaux provenant des sources qui naissent à chaque pas. Pop. 536 hab.

CRIDE. Cap de la Cride. Cap de la côte maritime du département du Var, qui forme la
baie de Bandol.

CRILLON, Credulio. Village du canton de Mourmoiron, à 2 lieues et demie de


Carpentras, situé sur une hauteur, dans une contrée agréable et fertile en blé, vin, huile et
fruits. On trouve dans le territoire du bol, de l’ocre et de l’argile pour la poterie. Pop.
610 hab.

CRISTAN. Ilot près de la côte de Bormes département du Var.

CROCHON. Voyez COURCHONS.

CROIAGNE. Hameau dans le territoire de Saint-Saturnin, près d’Apt.

CROISETTE (DE LA). Cap sur la côte maritime du département du Var, près de Sainte-
Maxime, et à l’entrée du golfe de Grimaud.

CROIX (SAINTE). Village du canton de Riez, à 15 lieues de Digne, sur la rive droite du
Verdon. Climat tempéré; air assez sain, depuis qu’on a desséché les marais. Le sol est
fertilisé par les eaux de la rivière. Il produit des fruits et beaucoup de légumes; l’huile du
pays, quoique en petite quantité, est préférable à celle d’Aix. Pop. 487 hab.

CROlX-DE-LA-LAUZE (SAINTE). Village du canton de Reillane, à 5 lieues et demie


de Forcalquier, et sur la rive gauche du Calavon. Climat tempéré. Le sol produit du blé,
du vin, des légumes, de l’huile et des fruits de plusieurs espèces. On y commerce en
pourceaux. Pop. 220 hab.
CROIX. Port de la Sainte-Croix. Petit port sur la côte maritime du département des
Bouches-du- Rhône, au midi des Martigues.

CROTTES (LES). Hameau dans le territoire de Marseille.

CRUYS, Castrum de Crecio. Village du canton de Saint-Étienne-les-Orgues, à 4 lieues


de Forcalquier, et au pied de la montagne de Lure. Le sol produit du blé et du seigle, et
la montagne, des chênes et des pâturages;
A une petite distance du village, et au pied de la montagne, il y a un abîme dans lequel
nos historiens disent qu’on jetait autrefois les femmes convaincues d’adultère. Le peuple
prétend que cet abîme est sans fond. Quelques-uns croient qu’à une grande profondeur
passent, les eaux qui vont former la fontaine de Vaucluse. Cependant d’Arluc n’en fixe
la profondeur qu’à cent quatre-vingt-dix-huit pieds. Pour moi, je crois m’être assuré
qu’il n’y passe aucune eau courante.
On raconte qu’un prêtre, s’y faisant descendre pour l’assurer de la vérité de ce qu’on en
disait, fut tellement épouvanté de la quantité d’oiseaux nocturnes qu’il y rencontra, et
qu’il prit pour des spectres, qu’il faillit y perdre la vie. On ajoute que la raison de cet
homme s’égara pour le reste de ses jours. Population 540 hab.

CUCURON, Cacuro. Petite ville du canton de Cadenet, à 5 lieues d’Apt. Un vieux


monument, nommé tour de Jules César, atteste son ancienneté. Plusieurs inscriptions
qu’on y a découvertes, ainsi que nombre de médailles, prouvent que le pays a été habité
par des Romains.
Cucuron n’a jamais été un lieu bien important. L’historien H. Bouche assure qu’une
femme de cette ville donna naissance, en 1639, à un monstre. Sans doute, c’est un de ces
contes du moyen âge, que le peuple croyait si volontiers alors, et qu’il ne dédaigne pas
quelquefois aujourd’hui.
Dans le territoire de Cucuron, on trouve un rocher de six mètres de hauteur et de quatre
de largeur, uniquement composé de coquillages pétrifiés, mêlés avec des débris de corps
marins. C’est une curiosité digne de l’attention des amateurs.
Le climat de Cucuron est tempéré; mais il est souvent rafraîchi par la violence du
Maëstral. Le sol, quoique arrosé par une infinité de petites sources qui naissent çà et là
dans le territoire, est assez ingrat. Cependant il produit du blé, du vin, de l’huile et
beaucoup de mûrier. La ville a une fontaine de vingt tuyaux qui coulent continuellement
de la même manière. Dans le pays on élève beaucoup de vers à soie, et il s’y trouve
plusieurs filatures. Pop. 2, 250 hab. Foire, le 25 janvier.

CUERS, Castrum de Corcis. Petite ville chef-lieu de canton, à 5 lieues et demie de


Toulon. On pense que les Romains ont formé différens établissemens dans le territoire
de Cuers.
La beauté de son ciel, la douceur de son climat, la fertilité de son sol et les sites
magnifiques annoncent que la campagne devait avoir nombre de villœ, et même des plus
opulentes. On ne peut nier que les Romains n’aient connu le pays. La seigneurie
appartenait au cadet de la maison de Marseille, et passa ensuite à celle de Glandevés.
Isnard de Glandevés soutint un siége de 19 jours contre Charles de Duras. En
reconnaissance de la fidélité et du dévouement des habitans envers leur souveraine, la
reine Marie leur donna le privilège d’aller bûcherer dans les forêts d’Hyères qui se
trouvaient entre le Gapel et le Réal-Martin. A une demi-lieue nord de la ville est un
quartier appelé Cros Aurélien. On croit que cet empereur y campa et y offrit un sacrifice.
C’est près de cet endroit que l’on a trouvé plusieurs médailles à l’effigie de divers
empereurs:Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus et Domitien.
Dans le seizième siècle, une troupe des plus ardens carcistes campèrent dans le territoire
de Cuers; mais pendant la nuit, ayant été surpris par les habitans d’Hyères, de Toulon et
des autres lieux circonvoisins, ils furent éveillés et forcés de se sauver à demi-nus et sans
armes. Les cavaliers laissèrent la selle et la bride de leurs chevaux et près de six cents
homme hors de combat.
La baume de la Glu, au hameau de Valcros, est enrichie de stalactites fort curieux. En
1707, lorsque les Piémontais vinrent assiéger Toulon, les habitans cachèrent dans cette
cavité ce qu’ils avaient de plus précieux. Une autre grotte, la Caoumo doou loup, n’offre
point de concrétions. C’est une sorte d’aquéduc naturel, de hauteur d’homme. Cependant
on ne trouve point dans le quartier d’eau apparente qui puisse faire croire qu’elle ait pu
passer dans cette espèce de canal. Sur le Puits se trouve un abîme très-profond; on ne
peut entendre le bruit que font les pierres qu’on jette dedans; une grande détonation fait
présumer qu’il y a des voûtes très-spacieuses. On exploite dans le territoire une belle
carrière de gypse.
La fosse où l’on travaille ressemble à une vaste église à trois nefs.
La ville de Cuers est bâtie au pied d’une colline plantée de vignes, d’oliviers et d’arbres
fruitiers. Au dessous de la ville, on voit beaucoup de jardins, de prairies, de vergers où
se trouvent un grand nombre de jujubiers dont le fruit est livré au commerce. La plaine
offre des vignes très-considérables, dont le vin est ordinairement exporté par mer.
Autrefois on y faisait du malvoisie et du vin muscat, qui jouissaient d’une grande
réputation. Foires, les 1er janvrier, 15 avril, 1er août et 28 octobre. Pop. 5, 250 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, Cuers, Carnoulles,
Pierrefeu et le Pujet.

CUGES, Cujœ. Village du canton d’Aubagne, à 7 lieues de Marseille. Rien n’annonce


que des familles romaines aient séjourné dans le territoire de ce lieu. On croira plutôt
que des paysans des villages voisins vinrent y cultiver quelques coins de terre dans les
clairières des immenses forêts. A l’arrivée des Maures, les habitans quittèrent la
campagne pour aller se fortifier sur la hauteur. Ils y construisirent un village qu’ils
nommèrent Caquée ou Cuget. Mais, à l’expulsion de la moouraillo (de la gent maure ou
les Sarrasins), les habitans, voulant se rapprocher de leurs propriétés, déguerpirent du
Cuget; et s’établirent sur la colline dite de Sainte-Croix, où ils s’entourèrent d’un
rempart, et bâtirent un château-fort dont on voit encore des vestiges. Plus tard, la
Population augmentant d’une manière sensible, on jugea convenable de bâtir le village
actuel qu’on nomma Cuges.
A cette époque, en 1509, le bassin de Cuges n’était qu’un vaste, lac alimenté par les
ruisseaux et les torrens qui viennent des hauteurs voisines. Le peuple s’empressa de
dessécher ce bassin par le moyen de plusieurs fossés qui conduisent l’eau dans plusieurs
fentes du rocher qui l’entoure, et où elle se perd comme dans un abîme. Le défrichement
d’une partie des bois qui se trouvaient sur le penchant des collines, a été cause que les
eaux pluviales ont entraîné les terres végétales, et dans le bassin, et dans la vallée de
Juilhans, près du village de Roquefort. Aussi le sol de cette vallée est d’un bon produit,
tandis que le territoire de Cuges est maigre et peu-productif.
Les fortes pluies du mois de novembre 1834, ayant encombré les canaux de faite de cette
espèce d’entonnoir, il en est résulté que le bassin s’est de nouveau rempli d’eau; et cette
plaine fertile ne présente plus qu’un vaste lac qui, pendant l’été, peut devenir infect.
Les forêts de pins procurent une grande industrie dans le pays. On y fait la poix, la
résine, le galipot, la colophane, la térébenthine et le benjoin. Cette industrie s’étend des
communes voisines jusqu’à Toulon. Il en est de même de celle du charbon de bois, que
nombre de charrettes et de mulets chargés transportent journellement à Marseille,
Toulon et autres lieux.
Les habitans de Cuges ont conservé l’usage fort ancien, que lorsque quelqu’un meurt,
les parens et les amis, après avoir accompagné le défunt jusqu’à la fosse, font porter
chacun un plat dans la maison du plus proche parent du mort, pour faire un festin,
pendant lequel on ne manque pas de faire l’éloge de l’ami qu’on vient de perdre. Pop. 1,
850 hab.

CURBANS. Village du canton de la Motte-du-Caire, à 9 lieues de Sisteron. Son nom


dérive du latin curatio, cure, et du provençal bans, bains, à cause d’une source d’eau
minérale purgative qu’on trouve dans le territoire. Le fer qu’elle contient noircit les
dents de ceux qui en font un fréquent usage. Il est surprenant qu’elle cuise bien les
légumes.
La montagne de Pifoucha offre une grotte très curieuse aux naturalistes. L’air intérieur y
est si froid en été, que l’eau qui se filtre à travers la voûte, forme de petits glaçons
comme des cierges de plusieurs dimensions. En hiver, au contraire, l’air y est fort
tempéré, et on éprouve du plaisir à y passer quelques heures. Cette grotte peut être
considérée comme une glacière naturelle.
La montagne de Malaupe, au pied de laquelle se trouve le village, a aussi ses curiosités:
une mine de cuivre, des mines de plomb tenant argent, de la molibdène, des carrières de
gypse et de marbre statuaire transparent, qu’on prendrait pour de l’albâtre. On pourrait
de toutes ces richesses retirer un parti fort avantageux.
La Durance passe à une petite distance du village.
Le sol produit quelques céréales, peu de fruits et des herbages. Pop. 565 hab

CUREL. Petit village du canton de Noyers, à 6 lieues de Sisteron, sur la rive gauche du
Jabron. Climat et productions du sol, les mêmes qu’à Château-Neuf-de-Miravail. Pop.
308 hab.

CYPRESSETA MUTATIO. Ancienne, position que certains auteurs modernes ont placée
au même endroit où se trouve la ville de Pont-des-Sorgues. On sait que, ce lieu était près
de la rive gauche du Rhône, et à environ une lieue d’Avignon.
En ce cas, comme depuis que Cypresseta a disparu, on a rapproché considérablement le
fleuve de la ville d’Avignon, nous pouvons assurer avec vraisemblance que cette
position ne pouvait se trouver que dans l’île de Barthalasse, formée par l’ancien et le
nouveau Rhône.

CYR (SAINT). Village du canton du Beausset, à 5 lieues de Toulon, avec un hameau,


sur le bord du golfe des Lecques.
Ce village se trouve près de l’endroit où était autrefois le port de Tauroentum. Une
grande partie des maisons sont construites des pierres de l’ancien quai ou des édifices
qui l’avoisinaient. La plaine est très-fertile en vignes, oliviers, céréales, etc. Le sol n’est
qu’une terre qui a été entraînée des hauteurs voisines par les eaux pluviales. Les
hauteurs de la montagne des Beaumèles présentent beaucoup de fragmens de tombeaux
en briques; et les amphithéâtres du cap Tarante offrent sous le sable des ruines
considérables et dignes de l’admiration des curieux, Voyez TAUROENTUM.

Saint-Cyr n’était naguère qu’un hameau de la Cadière; son éloignement de ce dernier, le


voisinage de la mer, l’importance de l’habitation l’ont fait ériger en commune.
La population, qui n’est que de 1, 780 hab., s’accroît chaque jour, et deviendra bientôt
considérable, surtout si l’on parvient à jeter un môle pour servir de relâche aux navires
du cabotage.

DABISSES (LES). Hameau dans le territoire des Mées.

DALMAS (SAINT), ou plutôt COL SAINT-DALMAS. Montagne à l’est de Fours, et


sur le confin de la Provence et du Piémont. Elle est fertile en pâturages et en plantes
médicinales, que des herboristes étrangers viennent chercher après la fonte des neiges
qui y séjournent environ huit mois de l’an. Le Bachelard prend naissance même à la
frontière, passe dans la vallée de Fours, et vient se jeter dans l’Ubaye, près du village
d’Uvernet.

DAME. Ile Notre-Dame. Ilot près de la côte maritime du département des Bouches-du-
Rhône, au midi de Marseille
et du hameau de Daume.

DAME. Notre-Dame. Hameau dans le territoire de Marseille.

DAME. Fort Notre-Dame de la Garde. Petit fort sur une grande élévation qui domine la
ville de Marseille. Il est entièrement négligé. Il ne sert proprement que de poste à une
vigie chargée de signaler les vaisseaux qui se montrent dans le lointain. C’est dans ce
fort que se trouve la chapelle de Notre-Dame de la Garde, vulgairement la Bonne-Mère,
patronne de Marseille et des marins provençaux.

DAME. Cap Notre-Dame. Cap de la côte maritime du département du Var, au midi de la


Seyne.
DARBOUX, ou ARBOUX. Hameau près de l’ancien Aeria. Dans le temps, ce hameau
était un lieu assez considérable, entre Sérignan et Mondragon, près de la rivière de Letz.

DAUME, vulgairement ENDOUME. Ilot, plage et hameau dans le territoire de


Marseille.

DAUPHIN. Village à une lieue de Forcalquier son chef-lieu d’arrondissement et de


canton, près de la petite rivière de Laye, qui arrose une partie des terres.
Au quartier de Barneri, on voit encore quelques tronçons de colonnes en pierre
commune et les fragmens d’un buste de la même pierre très-grossièrement travaillée. De
tous les temps on a vu des personnes avoir la manie d’imiter le luxe des riches. Aussi
font-elles construire grossièrement ce que les autres font faire avec goût. Une famille
romaine, peu opulente, possédant une maison de campagne dans le territoire de Dauphin
eut la fantaisie d’avoir un temple auprès de sa demeure, et elle s’en procura un selon ses
faibles moyens, sans songer, sans doute, que son mauvais goût serait un jour critiqué par
des hommes peu habitués à voir élever des monumens qui fassent honneur à leur siècle.
Le climat de Dauphin est tempéré; le sol produit du vin, de l’huile, du blé, de l’épeautre
et du foin. Il y a des mines de charbon de terre très-abondantes, et des strats conformes à
ceux qu’on trouve près du Rhin. Foires, le 2 janvier et le 11 novembre. Popul. 585 hab.

DÉCIATES. Peuple celto-lygien qui occupait les rives du Loup (l’Apros), près de son
embouchure dans la mer, entre Antibes et le Var, et non entre la Siagne et le Var, comme
un auteur contemporain veut le prétendre. Selon les historiens modernes, le chef-lieu de
ce peuple a dû être dans le territoire de Villeneuve Loubet; mais ils ne l’assurent pas. Un
peuple si belliqueux et si redoutable aux Romains, devait avoir son chef-lieu près d’un
endroit fortifié par la nature; et cet endroit ne se trouve sur aucun point du territoire de
Villeneuve; preuve certaine que ces écrivains n’ont pas exploré eux-mêmes les lieux, et
qu’ils s’en sont rapportés au témoignage de personnes peu expertes dans la partie.

Un véritable amateur aurait reconnu cet endroit fortifié dans le territoire de Cagnes, et au
lieu même où se trouve le village de ce nom, lieu unique dans toute la contrée;
exposition au soleil levant, retranchement naturel, eau potable à portée, trois choses
principales que les anciens peuples cherchaient avant de former leurs établissemens.
Les Déciates, alliés des Oxibiens, les secondèrent dans leurs attaques contre les
Romains, et essuyèrent les mêmes traitemens de la part des vainqueurs, c’est-à-dire la
destruction de leurs villes, et le désagrément de quitter le rivage de la mer pour aller
s ’ é t a b l i r, dans l’intérieur des terres, chez les autres peuples leurs alliés. Vo y e z .
OXIBIENS

DEMANDOLX. Village à une lieue de Castellane son chef-lieu d’arrondissement et de


canton, et près de la rive droite du Verdon. Il est divisé en plusieurs hameaux.
La source de Fonte-Bouillon arrose presque tout le territoire. Le sol est fertile; le blé
qu’il produit est de la première qualité. Il y a des prairies, des noyers, des pruniers dont
le fruit séché est livré au commerce, des chênes qui donnent assez de glands, et des
ruchers très-productifs. Pop. 363 hab.

DÉZUVIATES. Peuple celto-lygien qui occupait Orgon et ses environs jusqu’à Sénas. Il
était allié des Saliens. Peut-être même en était-il un démembrement.

DÉZAUMES. Étang de la Crau d’Arles, au midi de Saint-Martin.

DIDIER (SAINT). Petit village du canton de Pernes, à une lieue et demie de Carpentras.
On y trouve de la pierre
coquillière excellente pour la bâtisse. Le sol est assez bon, et ses productions sont à-peu-
près les mêmes qu’aux environs. Pop. 515 hab.

DIEU-DONNÉ: Port et jetée qui unit les îles de Pomègues et Ratonneau devant
Marseille. Voyez ce mot.

DIGNE, Dinia, Digna, Dine, civitas Diniensium; et, selon Scud. et Ortélius, Donoy.
Ville épiscopale, chef-lieu du département des Basses-Alpes, avec tribunal de première
instance, cour d’assises, tribunal de commerce, à 197 lieues de Paris. Je pense que le
véritable nom de cette ville est Dinia, nom qui lui vient du celtique din, eau, et ia,
chaude. On trouve, en effet, à environ vingt minutes de la ville, sur la route de
Castellane, au bord d’une rivière entre deux collines, une source d’eau thermale dont la
chaleur est à 39 degrés au thermomètre de Réaumur. Cette eau contient de l’hydrogène
sulfuré, de l’acide sulfurique, de l’acide carbonique, de la chaux et de la magnésie, ce
qui la rend propre à la guérison de plusieurs maladies, mais funeste aux maux vénériens.
Les Romains connurent cette fontaine. On ignore s’ils y firent construire les premiers
bains, ou si ça été long-temps après eux. Tout ce que nous pouvons assurer, c’est qu’on a
établi depuis plusieurs siècles un hôpital militaire; mais on en a eu si peu de soin, qu’on
le prenait naguère pour une masure. On affirme qu’une quantité de serpens, non
venimeux à la vérité, qui se tenaient près de la source, venaient souvent se baigner avec
les malades. Un heureux changement de maître vient de rendre cet établissement aussi
agréable que la localité pouvait le permettre, et les malades pourront à toute heure du
jour se promener à l’ombre de plusieurs arbres qui ne contribuent pas peu à embellir ce
nouveau local.

La ville de Digne est fort ancienne. Son origine remonte à la plus haute Antiquité. Elle
était la capitale des Bodiontici ou plutôt Blédiontici, peuplade celto-lygienne alliée et
même faisant partie des Albici, nation qui avait pour capitale la ville de Riez. Digne n’a
pas été le théâtre de grands exploits, du temps des Romains. Cependant on assure que
Jules César y passa, et qu’ayant trouvé cette ville mal bâtie, il la qualifia, d’indigne. Je
pense que ce qu’on fait dire à César est une pure calomnie; car, à l’arrivée des Romains
en Provence, il n’y avait pas de ville bien bâtie dans toute la Celto-lygie.
Un auteur contemporain, de qui j’ai quelquefois emprunté les lumières, est fort en peine
de trouver l’ancienne position de la ville de Digne. Cependant l’emplacement de la ville
actuelle était on ne peut plus convenable aux premiers habitans de cette contrée:
exposition au soleil levant, sur un amphithéâtre à l’abri de tous les vents, ayant en dessus
un retranchement naturel, et en dessous deux rivières où coulait continuellement de l’eau
excellente pour boire; situation bien préférable à celle du village des Sièyes, où la
Bléonne, sortant de son lit, rendait le pays mal sain. Il ne s’agit pas de juger d’un lieu
par ce qu’il est aujourd’hui, mais par ce qu’il était dans le principe; et l’on évitera de
faire des erreurs peu dignes d’un observateur judicieux.
Les différens peuples barbares qui vinrent contrarier les Romains dans leurs conquêtes,
détruisirent la ville de Digne jusqu’aux fondemens. Les habitans se réfugièrent sur les
hauteurs voisines comme en des lieux de sûreté.

Un hameau fut, à cette époque, formé vers le plateau qui termine la montagne de
Cosson. Aussi, près de la chapelle de Saint-Michel, on trouve une quantité d’ossemens
et de tombeaux chrétiens qui conservent tous les signes d’une haute antiquité. Quelques-
uns renferment un petit pot de terre de la même forme que ce qu’on appelle en
provençal, un toupin.
Ce pot paraissait être destiné à y tenir de l’eau bénite, usage qui s’est entièrement perdu.
Après l’expulsion des barbares, quelques familles descendirent au quartier de Notre-
Dame, sur la route de Barcelonnette; et, plus tard, nombre d’autres transportèrent leurs
habitations autour de l’ancien retranchement celte, où elles se fortifièrent de plusieurs
tours. L’industrie fit accroître considérablement la population du nouveau lieu; mais les
guerres intestines et la peste de 1629 sont cause que la ville de Digne est aujourd’hui
réduite à un tiers de la population qu’elle avait eue autrefois.
La ville d’aujourd’hui offre quelques jolies maisons dans leur intérieur, une belle
promenade servant de cours et de pré de foire, beaucoup de vergers, dans la plaine
seulement, car les hauteurs ne présentent que des rochers et des arbustes qui ne
produisent rien. La plaine serait très-productive, mais elle est à moitié occupée par la
Bléonne, qui fait tous les jours quelque nouvelle usurpation. Il est surprenant qu’une
ville éclairée telle que Digne, n’ait pas songé à réduire le lit de cette rivière, en plantant
sur les deux rives des arbres inclinés; de manière que les branches penchantes pussent
prendre racine dans le limon que l’eau entraîne habituellement lors des fortes pluies et
du dégel. La vallée, depuis Digne jusqu’à Malijeai, y gagnerait considérablement, et les
terres basses, voisines de la rive gauche, ne seraient pas constamment ravagées et
couvertes d’eau stagnante et de gravier.
Toutes les maisons de campagne de Digne, ainsi que celles du territoire de Courbons,
ont un essui où l’on met sécher les prunes qu’on récolte dans le pays; et ce fruit, joint
aux laines et aux bestiaux, forment le principal commerce du chef-lieu, qui s’étend fort
loin.
La montagne Saint-Vincent, au nord de la ville, contient beaucoup d’astroïtes. Les
coquilles pétrifiées y sont communes, malgré les visites fréquentes des amateurs.
Une autre montagne, au nord des bains, offre des marcassites et des blocs d’une terre
martiale dans laquelle on voit du fer cristallisé.
A quelques minutes au nord de la ville, et sur la route de Barcelonnette, on voit encore
l’ancienne cathédrale, qu’on prétend avoir été bâtie par Charlemagne. Quoique cet
édifice soit, pour ainsi dire, abandonné, il résistera encore long-temps à la rigueur des
siècles.
A environ une lieue de cette ville, est le petit village de Champtercier, patrie du célèbre
Gassendy. Ce lieu était anciennement un faubourg de Digne, à en juger par les vestiges
des marchés et des foires qui s’y tenaient. Ces foires se tiennent aujourd’hui à Digne
même, et elles sont fort courues. Elles ont lieu le premier lundi de Carême, le 2e lundi
après Pâques, le lundi après l’Octave de la Fête-Dieu, le lundi après la Saint-Julien, le
lundi après la Toussaint, le 30 novembre et le 21 décembre. Le commerce du pays
consiste principalement en prunes-Brignoles, amandes, huiles, cire, miel, laines,
chanvres, toiles de Seyne, mulets, chevaux, bourriques, et tout ce qui peut être utile aux
habitans de la haute Provence. Population 4,160 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, Digne, Aiglun, Ainac,
Auribeau, Barras, le Castellard, le Chaffaut, Champtercier, Courbons, les Dourbes,
Entrages, Saint-Estève, Gaubert, la Gremuse, Lambert, Malmoisson, Marcoux,Melan, la
Pérusse, la Robine, les Sièyes et Thoard.

DILIS POSITIO. Ancien village qui se trouvait au cap de la Couronne, près des
Martigues. Voyez LAURONS.

DO. Ilot près de la côte d’Agay, département du Var.

DOIRE (LA). Hameau dans le territoire de Séranon.

DOS-FRAIRES. Village du canton de Vence, à 10 lieues de Grasse, sur la rive droite de


l’Estéron, près de son confluent dans le Var. Ce village fut cédé par le Piémont à la
France, en vertu du traité de 1760. Il y a dans le territoire des mines de charbon de terre
non exploitées. Le sol produit des céréales, du vin, de la bonne huile et des figues
excellentes. Populat. 120 hab.

DOURBES (LES). Village à 2 lieues de Digne son chef-lieu d’arrondissement et de


canton, près la rive droite de l’Asse. Climat très-froid en hiver, et très-chaud en été. Le
sol est assez bon, malgré les rochers dont le territoire est parsemé. On y recueille des
céréales et des légumes. Le village manque d’eau, mais ses hameaux ont chacun une
source abondante. Pop. 293 hab.

DRAGUIGNAN, Dracœnum ou Dracenœ. Ville chef-lieu du département du Var, bâtie


sur un canal qui amène les eaux de la Nartubie, à 228 lieues de Paris.
Un auteur, qui a fait de grandes recherches sur la Provence (Cœnalis), et qui a commis
bien des erreurs, veut que Draguignan soit le pays des Déciates, que tous les historiens
s’accordent à placer sur les rives du Loup (l’Apros), c’est-à-dire dans les territoires de
Cagnes et de Villeneuve-Loubet. Poinsinet de Sivri, dans sa traduction de Pline, dit que
le chef-lieu des Déciates était aussi la capitale de dix autres villes, parmi lesquelles il
comprend la Granégone. Cependant Honoré Bouche, Achard, Papon et autres, font de la
Granégone un ruisseau qui, selon eux, a sa source dans le territoire de Draguignan, et va
se jeter dans l’Argens, près de Roquebrune. Il suffit de lire ce passage, et de connaître le
territoire de Draguignan, pour être entièrement convaincu que ces écrivains ont écrit sur
la Provence, les uns sans sortir de leurs cabinets, les autres sans explorer la campagne,
tous sans prendre des renseignemens des personnes capables de leur en fournir d’exacts.
Pour moi, je puis assurer, sans crainte d’être contredit, que la Granégone n’a jamais été
une ville; qu’elle n’est pas non plus une source ni un ruisseau, mais un simple nom de
quartier, où se trouvent trois ou quatre bastides, une petite chapelle ruinée, et que le tout
ne peut former un hameau.
Le traducteur de Pline a pu prendre sur la carte le mot Granégone, qui se trouve sur la
rive gauche du Pis, pour celui de l’Antier, qui est sur la rive opposée. Ce Lantier, ou
plutôt l’Antier, est l’ancien Antéa ou Antéis, ville capilale des Sueltéri, nation celto-
lygienne qui occupait les deux rives de l’Argens, depuis sa source jusqu’à son
embouchure dans la mer. Antéa n’était donc pas une ville des Déciates, mais une ville
alliée des Déciates, comme elle l’était également des Ligauni, des Oxibiens et de
plusieurs autres peuples qui pouvaient se trouver entre la source du Lar et l’embouchure
du Var.
La ville d’Antéa, dont les historiens modernes disent n’exister aucun vestige, et ne
savoir sur quel point elle se trouvait, et qu’ils supposent, d’après la découverte qui fut
faite d’une pierre milliaire sur la voie romaine qui conduisait de Fréjus à Riez, avoir été
située dans le territoire d’Ampus, la ville d’Antéa existe, pour ainsi dire, encore, et porte
son nom primitif. Elle est exactement sur l’ancienne voie romaine, au fond du bassin de
Draguignan, sur le penchant de la montagne de la Cygue, à une exposition au soleil
levant, d’où l’on découvre toute la vallée de la Nartubie et de l’Argens jusqu’à la mer,
Cette vallée, de huit lieues de long, bordée de collines et de coteaux, présente à l’œil du
voyageur étonné l’aspect le plus éclatant, le plus pittoresque et le plus magnifique. Des
deux côtés, la vue s’étend avec plaisir sur les vergers d’oliviers qui couvrent les
amphithéâtres des deux rives, et semblent se marier avec les forêts de pins et les roches
granitiques des hautes montagnes qui bordent le littoral. En face, on contemple avec
délices et satisfaction le spectacle le plus gracieux et le plus varié. L’on commence
d’abord par admirer le bassin riant de praguignan, où la Nartubie promène ses eaux au
milieu des vignes, des prairies et des vergers qu’elle féconde; ensuite on découvre les
eaux claires et limpides de la Foux se confondant avec celles de la Nartubie, pour aller
arroser le territoire du joli village de Trans; phus bas on aperçoit l’Argens: serpentant
dans la pittoresque vallée du Muy, pour aller traverser et couvrir de limon les vastes
plaines de Fréjus, et mêler ses eaux avec celles de la mer. Ce magnifique tableau est
enrichi de plusieurs communes placées les unes à la suite des autres, et d’un fond d’azur
relevé par le vert ondulé d’une vaste étendue de mer qui semble se perdre dans
l’immensité. D’après cela, il n’est pas étonnant que le roi des Sueltéri ait choisi de
préférence la situation d’Antéa pour y établir sa capitale et le siége de son
gouvernement.
C’est réellement au hameau de l’Antier que se trouvait cette ancienne capitale. En
creusant dans les terres, à environ trois cents pas au-dessus de l’habitation actuelle, on
trouve les fondations de plusieurs édifices qui paraissent avoir été importans. Il y a peu
d’années, qu’à environ cent pas au-dessous de l’endroit, on découvrit une ancienne
construction, que les paysans du quartier prirent pour les fosses d’une tannerie, et qui
étaient des sortes de viviers, où des familles romaines nourrissaient des coquillages dont
elles étaient friandes. En démolissant cette construction, le maçon découvrit une grande
quantité de medailles romaines toutes en argent, qu’il alla vendre à un orfèvre de
Draguignan.
Papon dit que le nom d’Antéa dérive du celtique ante, qui signifie à l’extrémité, à
l’opposé. En effet, la ville d’Antéa se trouvait à l’extrémité d’un vaste bassin, au fond de
la vallée du Pis, et à l’opposé de Forum Julii. Ajoutons, qu’ainsi que toutes les capitales
des anciens peuples, Antéa était situé sur un amphithéâtre exposé au soleil levant, abrité
des vents du nord, non loin d’une eau potable, à portée d’un retranchement naturel, dans
un pays giboyeux.
La situation et l’exposition de l’Antier ne peuvent être contestées. L’eau potable s’y
trouve, non seulement à la rivière qui coule au pied de la rampe, mais à la jolie source
qui sourd au centre de l’habitation actuelle. Quant au retranchement où se tenaient les
assemblées de la nation, il était sur un rocher en forme de pain de sucre, que les gens du
quartier nomment encore, en provençal, Castéou-de-liégé, corruption du latin Castellum
legis (Château de la loi). En effet, c’est du haut de ce pic, et de l’intérieur d’une enceinte
de blocs de rochers, que le roi des Sueltéri donnait la loi à ses peuples; c’est de là aussi
qu’il pouvait braver les menaces des envieux de sa puissance.
La primitive ville d’Antéa devait être construite dans le même goût que les principales
villes de la Celtique. Les Celtes d’alors avaient à-peu-près le même génie: aussi leur
manière de construire les habitations et les villes, leur manière de les fortifier, de les
défendre, de les attaquer, était chez eux partout la même. Nous savons que les maisons
des Celto-Lygiens étaient aussi simples que les grands qui les faisaient construire et qui
les habitaient. (Il n’y avait que les hommes riches et puissans qui eussent des maisons.)
Quelques perches ou la flêche de quelques jeunes pins, de quelques mélèzes fichés en
terre sur un plan circulaire, retenaient une sorte de mur intérieur en terre pétrie qui, sans
ces espèces de piliers, aurait croulé à la moindre averse.

Des peaux d’animaux, l’écorce du chêne-liège, des nattes de joncs et de roseaux, et


même du chaume, couvraient ces humbles et étroites demeures placées sans ordre et
sans goût, comme une quantité de petits gerbiers, dont elles avaient la forme et
l’élévation, sur une aire en amphithéâtre qui n’offrirait entre eux ni ruelle ni le moindre
emplacement propre à y fouler les gerbes. Ce groupe informe de cassines était, autant
que possible, adossé à un retranchement naturel, et toujours entouré d’une sorte de
rempart formé de longues poutres et de grosses pierres. Ces poutres, non entièrement
équarries, et ayant sur la face extérieure des tronçons taillés aigus, reste des branches
qu’on avait coupées, étaient placées à travers; et, dans leurs intervalles, saillaient les
angles bruts d’une multitude de grosses pierres qui rendaient ces murailles, toutes
hérissées de pointes, difficiles à être prises d’assaut.
Une ville capitale était, au besoin, défendue par les hommes les plus vaillans de la
nation. Le souverain ne se contentait pas de donner, du haut de son retranchement, les
ordres nécessaires pour la défense de la place. Il sortait quelquefois lui-même sur un
char hérissé de piques et de boucliers, suivi d’un grand nombre de chevaliers armés, et
de plusieurs Bardes chantant des hymnes de la guerre et du combat. Il attaquait lui-
même l’ennemi qui se trouvait au-devant de la place, et le poussait vers le fossé qui
entourait les murailles, pour l’y précipiter ou pour le faire accabler de pierres et de traits
par les soldats dont les remparts étaient garnis.
Si la guerre était de Gaulois contre Gaulois, ou les assiégés étaient plus forts que les
assiégeans, et l’avantage de la situation assurait la victoire aux premiers, ou les
assiégeans étaient plus forts que les assiégés, et ces derniers étaient forcés de se tenir
dans leurs barricades et de s’y défendre de leur mieux. Les assiégeans alors, après avoir
consulté les Druides qu’ils savaient à leur suite, et fait immoler plusieurs victimes à
leurs dieux, construisaient, hors de la portée des traits ennemis, une haute tour carrée, en
bois assez fort pour résister aux coups qui lui seraient portés. Cette tour achevée, on la
traînait pendant la nuit jusqu’au devant d’une des portes de la ville assiégée. Du haut de
cette sorte de donjon, cent bras des plus vigoureux lançaient de grosses pierres sur la tête
des hommes qui défendaient l’entrée de la place; et si les torches ennemies
n’incendiaient cette fatale machine, c’en était fait de la ville; elle succombait en peu de
jours, et quelquefois en peu d’heures. Les assiégés se retiraient alors dans le
retranchement, dernier boulevard qui lui restait; mais le manque de vivres et de
projectiles les forçait bientôt de se rendre à discrétion.
Les Sueltéri ayant toujours bien vécu avec les peuples qui les avoisinaient, n’eurent, je
crois, aucun siége à soutenir contre les Celto-Lygiens, et Antéa, leur ville capitale,
subsista long-temps, comme ces chênes respectés par les tempêtes et par la cognée du
bûcheron.

Mais comme tout ce qui est l’ouvrage des hommes est périssable, et qu’il n’y a rien de
stable dans ce monde nous verrons bientôt à quelle époque cette ville fut entièrement
détruite, quel fut le peuple qui la détruisit, et quelle fut la cause de sa destruction. En
attendant, on me permettra de donner de nouvelles preuves qui attestent qu’Antéa
existait au même lieu que je lui assigne, et que j’ai été le premier à le signaler.
L’ignorance de la position d’Antéa a fait commettre plusieurs erreurs aux historiens
modernes, notamment celle sur la véritable position du Forum Voconii. Ceux qui
croyaient qu’Antéa se trouvait à Aups, n’ont pas craint d’avancer que le Forum Voconii
était à Draguignan. Ils y étaient en quelque sorte autorisés par la distance de cinq lieues
qui se trouve entre ces deux villes. Les autres, qui ne calculaient les distances que sur la
carte, en suivant la ligne directe, supposant que l’Antéa était l’Ampus de nos jours, ont
soutenu, l’un, que le Forum Voconii était Gonfaron; l’autre, que c’était le Luc, et le plus
grand nombre, que c’était le Cannet du Luc. Mais les Romains mesuraient différemment
les distances.... Loin de suivre la ligne droite, souvent impraticable à cause des
montagnes, des vallées et des forêts peut-être impénétrables de leur temps, ils les
mesuraient en suivant les routes pratiquées, sur lesquelles ils avaient eu soin de placer
des pierres milliaires. A cette époque, il s’en fallait beaucoup que les routes fussent
exactement les mêmes que celles de nos jours. On sait positivement que celle qui du
village de Trans conduisait à celui des Arcs, passait par la plaine de Sainte-Rossoline.
D’après cela, si nous voulons trouver la véritable position du Forum Voconii, nous
dirons: de l’Antier à Draguignan une lieue, de Draguignan à Trans une lieue, de Trans à
Sainte-Rossoline une lieue, de Sainte-Rossoline aux Arcs une lieue, et des Arcs à
Taradeau une lieue; ce qui fait en tout cinq lieues. Or, le Forum Voconii se trouvait à
Taradeau, dont les distances avec Matavo, Forum Julii et Antéa sont exactement les
mêmes que celles marquées dans les itinéraires.
Les premiers Romains qui envahirent la Celto-Lygie connurent Antéa. Plusieurs familles
italiennes s’établirent en cette ville, et s’y construisirent des habitations en rapport de
leurs rangs et de leurs fortunes. Mais l’esprit remuant des Sueltéri et de leurs alliés, leur
attachement pour la liberté, et leur haine pour des hommes qui étaient venus leur ravir
leur indépendance, attirèrent dans le pays des armées romaines qui, non seulement
détruisirent la ville d’Antéa, mais encore le retranchement qui leur servait d’asile et de
défense.
Le peuple alors était caché dans les forêts de Malmont et Malbos (mauvais mont et
mauvais bois), et fit éprouver des pertes considérables à ses oppresseurs. Le fer et la
flamme des Romains finirent par soumettre les révoltés.
Les malheureux habitans d’Antéa se réfugièrent sur une hauteur du Malmont. Ils y
construisirent de nouvelles demeures, et donnèrent à ce lieu le nom d’Arguenaud, puis
celui de Griminum, vulgairement Guignan.
Ce nouveau lieu subsista pendant plusieurs siècles, c’est-à-dire jusqu’à ce que les
habitans eussent reçu les lumières de l’évangile, par saint Hermentaire (sant Armentàri),
premier évêque d’Antibes, qui vivait en 450, et non en 880, comme certains historiens
l’ont avancé; car, dans le neuvième siècle, le lieu de Griminum fut détruit par les
Sarrasins, et les habitans occupaient la ville de Draguignan qui était déjà populeuse et
bien fortifiée.
Saint-Hermentaire, animé d’un saint zèle, vint, sous le règle des Romains, augmenter le
nombre des disciples de la foi, Comme, à cette époque, il fallait, pour persuader les
hommes, parler en même temps et aux yeux et au cœur, le saint prélat, homme vaillant et
vigoureux, s’arma d’une lance et d’une épée, et fut dans la campagne combattre un
énorme serpent qui était l’effroi de tout le pays. Il eut le bonheur de le percer de son
arme, et de le voir expirer à ses pieds, sans avoir été atteint lui-même. Ce haut fait
d’armes, et le signalé service qu’il venait de rendre à l’humanité, lui valurent la
confiance de toute l’habitation. Il profita de cette confiance pour persuader le peuple des
vérités de la religion de Jésus-Christ. Tout le monde s’empressa de renverser les idoles
païennes, et de substituer à leur place l’image de la Rédemption. C’est à cette époque,
que la ville prit pour armoiries un dragon ailé ayant la tête traversée d’une épée. Telle est
l’assurance qui nous est donnée par la plupart des historiens, telle est la tradition
populaire qui s’est conservée jusqu’à nous.
Immédiatement après leur conversion, les habitans de Griminum abandonnèrent la
hauteur pour venir s’établir au pied de la montagne, et près d’un sol marécageux qu’ils
desséchèrent. Ils y bâtirent une ville qu’ils nommèrent d’abord Dragoniam, et ensuite
Draguignan.Ils l’entourèrent de fortes murailles; et, plus tard, ils la fortifièrent par une
haute et vaste tour, sur un rocher escarpé au centre du lieu, par trois citadelles du
plusieurs bastions. La population s’accrut et diminua successivement. On agrandit et on
embellit la ville à différentes époques. Elle devint bientôt considérable et une des plus
importantes de la Provence. La juridiction de sa cour royale comprenait les vigueries de
Castellane, de Grasse, de Draguignan, de Lorgues, d’Aups, de Brignoles, d’Hyères et de
Toulon. En 1569, le roi y établit des prud’hommes, qui jugèrent gratis les affaires en
dessous de cinq florins.
Le greffier de ce tribunal n’avait pour tout émolument qu’un liard par ordonnance.
Les guerres civiles firent tomber les premiers remparts de Draguignan. Comme les
huguenots menaçaient de saccager la ville, l’autorité jugea à propos d’aller cacher les
reliques de saint Hermentaire dans l’île Saint-Honorat. Draguignan fut assez heureux
d’échappera la vigilance des gens de la nouvelle secte, qui couvraient la campagne de
deuil; car ils se livraient au viol, au meurtre, au pillage et à l’incendie. Ils ne tardèrent
pas à se présenter devant la ville pour tâcher de l’enlever d’assaut; mais ils furent
vivement repoussés par la bravoure des habitans, dirigés par le sieur de Saint-Martin,
lieutenant du grand prieur de France. Cet échec ne découragea pas les religionnaires. Ils
se réfugièrent dans les villages de Châteaudouble et du Muy, pour attendre une occasion
plus favorable; mais ils furent surpris par les Draguignanois, qui les chassèrent de ces
deux positions, et détruisirent les remparts qui leur servaient de défense.
En 1515, la ville et les faubourgs de Draguignan furent entourés d’un nouveau rempart
flanqué de tours, et bordés d’un large fossé. Cette ville semblait prévoir qu’elle allait
être le théâtre des plus grands désordres. Au commencement du seizième siècle, les
catholiques, moins nombreux, ou, peut-être, moins audacieux que leurs adversaires,
étaient forcés de se tenir cachés. Ils se réunissaient néanmoins à la campagne ou dans
des caves de la ville, pour y remplir leurs devoirs religieux aussi secrètement qu’il leur
était possible.

Les chances de la guerre ayant affaibli les religionnaires, ils furent à leur tour opprimés
par les catholiques, qui usèrent de représailles, et surpassèrent même ceux qui leur
avaient donné l’exemple du carnage et de la barbarie, En 1560, Antoine et Paulon de
Richieu, sieurs de Mauvans, habitans de Castellane, insensés armés par les luthériens, et
tous deux animés par le souvenir de l’exécution de l’arrêt du parlement contre le lieu de
Mérindol, (Voyez ce mot), commirent les plus grandes scélératesses dans les communes
qu’ils parcouraient. Antoine parut seul à Draguignan, peut-être sans intention criminelle,
quoique sa présence fût d’un mauvais présage. Il fut reconnu par quelqu’un qui jugea
défavorablement son apparition. Le peuple en fut instruit, et s’empressa de se saisir de sa
personne. Ce même jour, malgré les remontrances des gens honnêtes de la ville, Antoine
fut inhumainement massacré par la populace, qui lui arracha le cœur, pour le promener
dans les rues au bout d’une perche. Le corps, après avoir été traîné autour des remparts,
fut livré et abandonné aux chiens. Ceux-ci, moins avides de sang que les hommes,
refusèrent une telle nourriture, et semblèrent vouloir donner une leçon d’humanité.
Un protestant du pays sortit pendant la nuit, recueillit avec soin les restes du cadavre et
les inhuma. Le parlement en ordonna l’exhumation, et fit pendre aux portes de la ville
d’Aix, et par la main du bourreau, ces membres dégoûtans et à demi-putréfiés.

Cette conduite irrita tellement Paulon, qu’il mit toute la haute Provence en combustion.
Après, il courut s’enfermer dans Sisteron; mais, prévoyant qu’il ne pourrait s’y soutenir,
il fut terminer sa misérable vie dans le Périgord.
Le commencement du dix-septième siècle n’offrit pas de scènes sanglantes dans
Draguignan; mais ses environs étaient ravagés par la peste. La ville envoya des secours
aux lieux frappés par la contagion, depuis Toulon jusqu’à Riez, Moustiers et même
Colmars, quoique ce dernier lieu ne fût pas dans sa juridiction.
A cette époque, un ver rongeur attaquait les tiges tendres des oliviers, et les desséchait
en peu de jours. La ville leur intenta un procès, qui fut plaidé de la même manière que
dans une autre circonstance, où la ville d’Arles fit sévir contre les rats qui désolaient la
campagne.
Vers l’an 1650, une troupe d’ennemis du roi, qui s’étaient fortifiés au village de Reynier
et au château de Rhuez, vint tenter de surprendre la ville qui était sans garnison. Les
habitans, la plupart armés de broches et de bâtons ferrés, firent une sortie, poursuivirent
les rebelles, les atteignirent au quartier de la Granégone, où il y eut un combat meurtrier.
Les rebelles perdirent beaucoup de monde, et leurs lieux de refuge furent détruits.
Cet événement mit la ville dans la nécessité de se tenir sur la défensive. De temps en
temps elle était attaquée; mais elle opposait toujours une vigoureuse résistance. Le
gouvernement du roi, voulant faire cesser le désordre qui régnait chez les Provençaux,
envoya à Draguignan le baron de Roumoules, qui ordonna aux habitans d’ouvrir les
portes de la ville et de se réunir sans armes sur un même point, hors des murailles. Les
habitans obéirent; et pendant qu’ils étaient assemblés, les rebelles, qui se trouvaient
cachés dans la campagne, pénétrèrent dans la ville, s’emparèrent de la tour de l’horloge
et de plusieurs autres postes, et assassinèrent quelques hommes de marque qui se
trouvaient dans les rues. Ils furent bientôt cernés dans leurs retranchemens.
Le gouverneur de la province leur envoya un parlementaire qui reçut un coup de fusil
parti de la tour qu’on voyait encore, il y a peu d’années, sur la place de Porte-Aiguières.
Les communes des environs s’armèrent pour venir délivrer la ville de cette troupe de
perturbateurs. Ceux-ci en étant informés, et n’étant pas en force pour opposer une forte
résistance, prirent la fuite, dans l’espoir de revenir plus tard pour y assouvir leur fureur.
Ils reparurent en effet avec des forces considérables. Ils essayèrent plusieurs fois de
prendre la ville à l’escalade.

Les habitans, après avoir repoussé les différens assauts, firent une grande sortie, et
remportèrent sur les ennemis du roi une victoire complète. A cette nouvelle, toute la
Provence se sentit comme soulagée d’un fardeau accablant. La ville de Marseille
ordonna des réjouissances publiques. Elle écrivit une lettre de félicitation, et offrit des
secours à Draguignan dont la guerre avait épuisé les ressources.
Deux ans après, des officiers de plusieurs contrées, qui avaient la ville pour prison,
formèrent un parti qui donna lieu à une nouvelle guerre civile dont Draguignan fut le
berceau. Ce parti, connu sous le nom de sabreurs, parce que les chefs se servaient
habituellement du sabre, se trouva en présence d’un autre parti non moins redoutable,
appelé les ganivets, à cause qu’il était composé en grande partie d’hommes qui
maniaient journellement le canif (lou ganif). Ils avaient chacun à leur tête une jeune
paysanne du pays, qui les commandait. Ce fut à qui maintiendrait le chaperon dans sa
faction, et à qui vengerait ses haines particulières sous le voile des haines nationales.
Dans ce désordre affreux, la fureur aveuglait tout le monde. Le père égorgeait ses enfans
sans pitié; le fils plongeait le poignard dans le sein de celui qui lui avait donné le jour, la
femme embrassait la cause contraire à celle de son mari, à qui elle témoignait une
grande aversion; les filles étaient autant de furies qui parcouraient les rues, armées d’un
glaive teint de sang, et qui excitaient tout le monde au carnage. Le maire de la ville, M.
de Gansard, fut la première victime. Nombre d’officiers et de pères de familles furent
massacrés; les femmes, les vieillards et les enfans en bas âge ne furent point épargnés; et
leurs corps furent entassés dans des caves ou dans les tours qui entouraient la ville.
Cet esprit de parti se communiqua à Lorgues, Brignoles, Saint-Maximin, et de là dans
toute la Provence et le comtat Venaissin. Le roi envoya promptement des troupes contre
Draguignan, ordonna la démolition de la forteresse sur le rocher de l’horloge, qui servait
de refuge aux sabreurs, et fit sévir contre les auteurs de ces troubles qui, comme
étrangers, avaient tous pris la fuite et s’étaient sauvés dans le Piémont.
Cet événement a fait naître un bruit diffamatoire contre Draguignan; et ce bruit s’est
conservé jusqu’à aujourd’hui.
Il s’agit d’un régiment de cavalerie nommé la cornette-blanche, qui, pour s’être mal
comporté envers les habitans, aurait éprouvé, dans une seule nuit, une sorte de vêpres à
la sicilienne. Ce bruit est entièrement faux. Deux raisons vont le prouver. La première,
est que ce régiment étant en garnison dans cette ville avec deux régimens d’infanterie,
ces derniers n’auraient point manqué de le défendre; la seconde, est qu’il n’existe rien
dans les archives du parlement de Provence qui atteste qu’un pareil excès ait eu lieu. Ce
qui donna naissance à cette calomnie, c’est vraisemblablement l’arrêt rendu par le
Parlement contre les officiers sabreurs, et dont l’exécution en effigie eut lieu dans la
ville où ils avaient commis le crime.
Dix-huit mois après, tout fut pacifié; et le siége, qui avait été momentanément transféré à
Lorgues, fut rendu à Draguignan. Cette même année, le roi, convaincu du bon esprit des
habitans, offrit à sa chère ville (ce sont ses propres expressions) une chambre de
commerce et sa protection pour les manufactures du pays. Ils confirma les privilèges de
Draguignan qui étaient immenses; nous ne citerons que les droits de péage et de ceyde
qu’il avait dans toute la province, parce que ces droits étaient fort avantageux.
Après ces terribles événemens, la ville jouit d’un calme parfait. Elle n’éprouva de
nouveaux troubles qu’en 1707, par des hommes payés pour maintenir l’ordre et pour
faire respecter les personnes et les propriétés. Une armée française vint camper dans la
plaine, pour empêcher le duc de Savoie de s’écarter de la ligne qu’on lui avait tracée,
lors de sa retraite de devant Toulon. Ces soldats français se conduisirent à Draguignan
pire que dans un pays qu’ils auraient conquis par les armes. Ils se livrèrent à tous les
excès les plus blâmables; ils démolirent les bastides, volèrent les ferremens et les
instrumens aratoires, coupèrent un grand nombre d’oliviers, arrachèrent les vignes,
s’emparèrent des récoltes et maltraitèrent les cultivateurs. Ce qui révolta le plus les
habitans, ce fut de n’obtenir d’autre justice de la part du chef de ces forcenés, que de
grands éclats de rire et une plaisanterie offensante.
Draguignan est aujourd’hui le chef-lieu du département du Var. On lui a rendu une partie
du lustre qu’il avait autrefois.
Il a une cour d’assises, un tribunal de première instance, qui connaît en appel les
jugemens correctionels des tribunaux des trois autres arrondissemens, un tribunal de
commerce, une sociéte des dames de la maternité, une autre des dames de la
miséricorde, etc.; il avait naguère une Société d’émulation qui, dès sa naissance, fut en
grande réputation dans le royaume. Le manque d’encouragement la fit tomber. Elle a été
remplacée par une société d’agriculture et de commerce, qui ferait le plus grand bien, si
elle était secondée par les principaux propriétaires du département. La bibliothèque de la
ville est très-utile au public; elle fut fondée par M. Joseph Fauchet, premier préfet du
Var, et est composée de 15,000 volumes, d’un médaillier et d’un cabinet d’histoire
naturelle. On y trouve aussi quelques beaux tableaux originaux de plusieurs peintres
fameux.
L’église paroissiale en offre également plusieurs qui attirent l’attention des connaisseurs.
Un de ces derniers, ouvrage de Vanloo, décorait à Paris le grand autel de Saint-Germain-
des-Prés.
Les étrangers remarquent avec raison le jardin des plantes de cette ville, qui serait mieux
nommé les champs élysées; car ce n’est qu’une promenade publique formée par des
arbres exotiques d’une belle venue.

On se plaît particulièrement au centre du jardin, autour d’un beau jet d’eau, au milieu
d’une place bien ombragée et ornée de jolies statues en marbre. Au sommet du jardin
sont nombre de caisses d’orangers, et une infinité de vases contenant des plantes et des
arbustes rares, dont la plupart viennent de la zone torride. Cet établissement est encore
dû aux lumières et au bon goût du premier préfet du Var. Le jardin anglais qui sert
d’ornement à cette promenade, ainsi que l’esplanade et le lavoir immense qui se trouve
au bas, sont dùs à M. Chevalier, septième préfet du Var.
Les habitans de Draguignan, au nombre d’environ 10,000, sont naturellement gais,
hospitaliers et très lians avec les étrangers. Depuis un temps immémorial, la noblesse
des environs venait passer ses quartiers d’hiver dans la ville, exprès pour y jouir de
l’agrément de la bonne société. C’est qu’en effet on y trouve toujours des réunions
choisies, où la jeunesse se livre à des divertissemens honnêtes et instructifs. On admire,
chez la généralité, cette politesse et ces manières aisées qui annoncent une éducation
soignée et l’usage du monde. L’instruction que les jeunes gens reçoivent au collége de
cette ville, tenu autrefois par les savans pères de la doctrine chrétienne, et devenu
maintenant, grâce au zèle éclairé de l’administration municipale, l’un des plus importans
collèges de l’Académie d’Aix, contribue beaucoup à développer chez eux le goût de
l’étude et du travail. Aussi les connaissances sont généralement répandues dans toutes
les classes de la société.

Je ne dois point terminer cet article, sans parler des deux cérémonies religieuses qui
avaient lieu autrefois à Draguignan, telle que la procession de la Fête-Dieu et celle de la
fête patronale du pays.
Autrefois la Fête-Dieu était, pour les habitans et pour les étrangers qui s’y rendaient en
foule, un des plus beaux jours de l’année. On établissait des théâtres sur toutes les
principales places de la ville. Des orchestres nombreux s’y réunissaient, et faisaient
vibrer dans l’air des sons harmonieux. Le clergé en habit sacerdotal, les magistrats en
grande tenue, et les autorités civiles et militaires, stationnaient devant les différens
théâtres et sur des gradins disposés exprès, pour y voir représenter des scènes tirées de
l’écriture sainte; ce qui était cause que la cérémonie durait toute la journée et une partie
de la nuit. Les jeunes gens de l’un et de l’autre sexe, appartenant aux meilleures familles
du pays, figuraient dans ces scènes intéressantes, s’y piquaient à l’envie pour mériter les
applaudissemens de l’assemblée; et les personnes du quartier ne négligeaient rien pour
donner à ces représentations tout l’éclat qu’elles méritaient. Aussi toutes les maisons
étaient tendues de riches tapisseries ouvragée des mains des habitans, et les fenêtres,
garnies de draperies, de guirlandes et de vases de fleurs qu’on cultivait exprès toute
l’année.
Il existe depuis long-temps en Provence la coutume de faire la Bravade, lors de la fête
patronale d’un lieu. Chaque pays a ses usages particuliers. Les uns croient bien honorer
leur saint, en faisant beaucoup de bruit et des décharges de mousqueterie à tous pas; et
c’est ce qu’on voit à Calian, Saint-Tropez et plusieurs autres communes du littoral; les
autres forment des compagnies de dragons et de carabiniers pour escorter les reliques;
d’autres enfin se contentent d’aller processionnellement à une chapelle ordinairement
située à la campagne. Là, des galoubets et des violons, sous une voûte de verdure,
attirent la jeunesse aux plaisirs de la danse, pendant que la multitude, assise sur la
pelouse au bord d’une fontaine ou d’un ruisseau, fait un repas champêtre ou mange des
friandises que l’on vend sur le lieu même. A l’approche de la nuit, la jeunesse retourne
en faisant la farandoule, sorte de danse inventée par Thésée, et introduite en Provence
par les Grecs. On appelait alors cette danse “La grue”, parce que les danseurs forment
une longue chaîne qui, à l’imitation d’une volée de grues, s’entrelace d’une infinité de
manières.
Les cérémonies de l’ancienne bravade de Draguignan méritent d’être citées, soit par les
différens jeux qui la composaient, soit par l’antiquité de l’origine de ces jeux. D’abord
des baladins, couverts de rubans, à l’imitation des Corybantes qui dansaient autour du
jeune Jupin, marchaient en tête de la bravade, en exécutant des pas grotesques, selon les
ordres qui leur étaient donnés par le bâtonnier qui les dirigeait; ce jeu nous vient des
anciens Grecs. Ensuite c’étaient les “chevaux frus”, c’est-à-dire chevaus fringans,
précédés des galoubets, au son desquels ils exécutaient en cadence une danse
particulière, en se croisant dans tous les sens; ce second jeu fut apporté par les Phocéens;
c’est une imitation du combat des Centaures avec les Lappithes. Après venaient les
olivettes; c’étaient seize jeunes gens, vêtus à la romaine, qui, en présence de leurs chefs,
se livraient un combat particulier, en dansant; ce jeu faisait allusion à la fameuse
querelle de César et de Pompée. Puis arrivaient les Turcs suivis du grand sultan et de ses
principaux ministres, traînant à leur suite plusieurs esclaves enchaînés, en mémoire des
Sarrasins, lorsque à la fin du neuvième siècle, ils saccagèrent le lieu de Griminum et
menèrent les habitans en servitude. Enfin venaient des compagnies de dragons, hussards,
romains, et carabiniers, qui saluaient les reliques par de grandes décharges de
mousqueterie. Cette coutume vient de ce que les Sarrasins, étant maîtres du pays,
empêchaient les chrétiens de remplir leur devoirs religieux; et que ceux-ci furent forcés,
pour célébrer la fête de leurs patrons, de faire escorter les reliques par des hommes
armés, pour tenir en échec les infidèles et pouvoir se défendre en cas d’attaque.
Les foires du pays sont, le lendemain de la Pentecôte, le 1er septembre et le 13
décembre. On vient d’y établir un marché pour les bestiaux, qui aura lieu les premier et
troisième mercredis de chaque mois.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Draguignan, Ampus,
Flayosc, la Motte et Trans.

A l’extrémité nord-ouest de la plaine de Draguignan, et sur la voie aurélienne qui passait


à Antéa, il existait sur la Nartubie un pont de construction romaine, qui résista à plus de
seize siècles; mais une forte inondation, qui eut lieu en 1827, en a emporté l’arche en
entier, et l’a couverte de gravier.
A quelques minutes de la ville, et au quartier de la Laouro, on remarque un monument
druidique, vulgairement appelé la pierre de la fée. C’est une grande et large dalle, d’une
superficie d’environ cent deux pieds sur deux d’épaisseur, qui doit peser quatre cents
quintaux poids de marc. Cette dalle, supportée par deux autres, sert de toiture à une
petite habitation rurale.
Au quartier du Dragon, près de l’ancien Griminum, j’ai reconnu un petit autel en
calcaire du pays, dédié au dieu Sylvain. On y lit très-distinctement ces caractères.

ARA
SILV
ANI

Au sommet de la colline du Seyran il y a une petite éminence appelée la chèvre d’or. Le


peuple croit qu’en cet endroit, un pauvre paysan, qui n’avait pour toute fortune qu’une
chèvre, trouva dans un tas de pierres un trésor qu’on y avait caché pendant les guerres
civiles; qu’il s’en servit pour en acheter plusieurs immeubles importans, et que cet
homme dit tenir sa fortune de sa chèvre. Pour moi, je pense qu’en cet endroit il y avait
anciennement un temple dédié à la chèvre d’or, tout comme il y en avait un dans les
territoires de Biot, de Lorgues, de Saint-Vallier, etc.
Le quartier de Villette (par corruption Billette), offre encore des vestiges d’une villa
romaine. Elle se trouvait près de la voie aurélienne qui passait à l’endroit même où est
bâti Draguignan. On y voit encore la grande partie d’un réservoir qui fournissait à une
piscine où l’on nourrissait des huîtres de l’Océan.
La ville de Draguignan est située sous un climat sain et tempéré, au pied de la montagne
du Malmont autrefois célèbre par le bon vin qu’on y récoltait. César en fit le plus grand
éloge; aussi on le transportait à grand frais jusqu’à Rome.
La position du bassin de Draguignan, entouré de collines toutes complantées en oliviers,
vignes, figuiers et arbres fruitiers, forme un coup d’œil ravissiant. Le comte Chaptal
nommait ce bassin un grand jardin anglais. Ce coup d’œil frappe les gens du Nord,
surtout pendant l’hiver, parce que la verdure et la végétation continuelle des oliviers qui
couvrent les amphithéâtres, celle des cyprès, des lauriers et autres arbres qui ne perdent
point leurs feuilles, et qui servent d’ornement à la multitude de bastides qui se trouvent
disséminées dans la campagne, charment admirablement la vue et la satisfont en même
temps.
La plaine, d’une vaste étendue, offre de jolies promenades sur presque tous les points
Elle est en grande partie arrosée par un canal de dérivation des eaux de la Nartubie. Ce
canal vient également traverser la ville, pour mettre en mouvement un grand nombre
d’engins, et fournir à plusieurs fabriques. Le peuple croit que ce canal fut donné au pays
par la générosité de Jeanne 1re, reine de Naples et comtesse de Provence. Ce pendant il
existe dans les actes de la commune, une délibération de cette époque, par laquelle le
conseil municipal alloue des fonds pour la réparation du canal dégradé par la vétusté.
Au quartier de la Foux il y a une source très-abondante d’eau salée, contenant du souffre
et de l’alumine. Elle sert à faire fonctionner des pressoirs à huile, des moulins à farine,
un moulin à foulon, une blanchisserie pour la toile, et une mécanique pour carder la
laine.
Les eaux de la source du Dragon, qui ne servent qu’à un pressoir à huile, à une rescence
et à deux moulins à plâtre, seraient précieuses pour une filature de coton. Ce même
quartier offre des carrières de gypse gris et blanc avec indices de cristallisation.
On trouve dans le pays des fabriques de savon, de draps, d’acétate de plomb, de poteries
communes, des tanneries, des teintureries, des filatures pour la soie, un beau moulinage
pour la soie, des distilleries d’eau-de-vie, etc.
La ville, sans être bien bâtie, offre d’assez jolies rues et quelques édifices remarquables.
Nous citerons le palais de justice, une prison modèle, la seule qu’il y ait en France,
construite d’après le plan de M. Baltar, architecte de Paris et professeur de dessin à
l’école polytechnique; une caserne récemment construite, et un théâtre en construction,
sur le modèle de l’Ambigu-Comique de Paris, qui fera honneur à l’architecte qui en a
fait le plan, et pour l’embellissement et la commodité duquel l’administration
municipale ne négligera rien.
Je n’oublierai pas pourtant la tour de l’horloge, si justement admirée par les voyageurs
instruits qui visitent cette ville. Cette tour, construite en 1667, est carrée, et s’élève avec
majesté à une hauteur prodigieuse. Sa base est un grand rocher taillé à pic sur toutes ses
faces, et dominant tous les autres édifices qui l’entourent. Ce rocher est lui-même
supporté par un autre rocher infiniment plus étendu et s’élevant comme une montagne,
au centre de l’endroit.
La ville de Draguignan avait autrefois quatre hospices, dont deux extra muros. Elle n’en
a plus qu’un aujourd’hui, mais à une situation des plus heureuses qu’on puisse trouver.
Elle avait aussi dix monastères, sept pour hommes et trois pour filles. Dans ces
monastères, il s’y est tenu plusieurs assemblées, dont une, à celui des Augustins, fut
présidée par le général de l’ordre. Il y avait aussi une synagogue dans la rue de la
Juiverie; il en paraît encore des vestiges.
Parmi les grands personnages qui ont honoré Draguignan de leurs visites, nous citerons
principalement quatre rois de France, qui tous laissèrent des preuves non équivoques de
leur attachement pour une ville qui, dans les circonstances les plus pénibles et les plus
périlleuses, avait fait tous les sacrifices pour soutenir la cause royale et mériter le titre
honorable de ville fidèle.
Peu de villes de la Provence offrent autant d’emplacement pour être augmentées et
embellies. Les familles étrangères qui transporteraient leur domicile à Draguignan,
trouveraient à peu de frais des locaux aux plus belles expositions, propres à y construire
des maisons spacieuses et agréables. Elles seraient assurées d’y respirer un air sain, à
cause des vents alizés qui viennent de l’est, et commencent à neuf heures du matin pour
ne cesser qu’au coucher du soleil. Il n’y a pas d’eau stagnante dans le territoire. La
plupart des personnes qui sont venues à Draguignan pour rétablir leur santé, y ont fixé
leurs demeures. C’est aussi ce qui a valu en peu d’années à cette ville au moins un tiers
de sa population actuelle.

DRAIX, Drazi. Village du canton de la Javie, à 4 lieues de Digne, sur la rive gauche de
la Bléonne. Climat froid en hiver, et très-chaud en été. Sol pierreux et fertilé en grains,
légumes et fruits de toute espèce. Il y a de bons pâturages, et l’on y élève nombre de
troupeaux de menu bétail,
Pop.156 hab.

D R O M O N S - S A I N T-GÉNIEZ, OU SAINT-GÉNIEZ DE DROMONS, Castrum


Dromondi. Village à 3 lieues de Sisteron son chef-lieu d’arrondissement et de canton. Le
mot Dromons est celtique. Il est formé de dro, couper, et mon, pierre. En effet, il y a près
du village un rocher qui a été coupé par la main des hommes. Ce rocher est appelé pierre
écrite, parce qu’il s’y trouve gravée une inscription qui rappelle que le chemin fut ouvert
là au commencement du cinquième siècle, sous l’empire d’Honorius. Nombre d’auteurs,
qui ont écrit sur la Provence, ont donné cette inscription en tout ou en partie, mais la
plupart d’une manière inexacte. Les amateurs d’archéologie ne me désapprouveront pas
de la donner telle qu’elle a été copiée et traduite par l’auteur de la Géographie ancienne
du département des Basses-Alpes.

CL + POSTVMVS DARDANVS V INL + ET PA


TRICIAE DIGNITATIS EX CONSVLARI PRO
VINCIAE VIENSENSIS EX MAGISTRO SCRI
NII LIB. + EX QVAEST + EX PRET + GALL + ET
NEVIA GALLA CLA + ET INL + EEM + MATEREAM
EIVS LOCO CVI NOMEM THEOPOLI EST
VIARVM VSVU CAESIS VTIMQVE MON
TIVM LATERIB + PRAESTITERVNT MV ROS
ET PORTAS DEDERVNT QVOD IN AGRO
PROPRIO CONSTITVTVM TVETIONIO OM
NIVM VOLVERVNT ESSE COMMVNE ADNI
TENTE ETIAN V + INL + COM + ACERATRE ME
MORATI VIRI CL + LEPIDO EX CONSVLA
GERMANIAE PRIMAE EX MAG MEMOR
EX COM + RERVM PRIVAT + VT ERGA OMNI
VM SALVTEM FORV
M STVDIVM
ET DEVO
TIONIS PVBLIC TI
TVLVS POSSET OSTENDI.
— Claudius Postumus Dardanus, homme illustre, revêtu de la dignité de patrice, ex-
consulaire de la province viennoise, ex-maître des requêtes, ex-questeur, ex-prêteur des
Gaules, et Nevia Galla, noble et illustre dame, son épouse, ayant fait couper les flancs de
la montagne, de chaque côté, ont procuré un chemin viable au lieu dont le nom est
Théopolis, lieu qu’ils ont fortifié par des murs et des portes; le travail, fait dans leur
propriété particulière et destiné néanmoins par eux à servir à la sûreté de tous, été
exécuté encore avec l’aide de Claudius Lépidus,homme illustre, compagnon et frère du
sus-mentionné, ex-consulaire de la province germaine, ex-secrétaire de l’empire, ex-
intendant des affaires privées.
Afin que leur sollicitude pour le salut de tous, et un témoignage de la reconnaissance
publique, pussent être montrés par cette inscription.

Ce chemin fut ouvert par Dardanus, préfet du prétoire d’Arles, afin de pouvoir arriver
plus facilement dans une de ses terres, où il voulait se fortifier, de manière à se faire
respecter des peuples barbares qui menaçaient d’envahir la Gaule narbonnaise. Il paraît
qu’il effectua son projet sur une hauteur connue alors sous le nom de Théus; et, dans la
ferme conviction que les dieux préservaient de tout accident l’homme qui mettait sa
confiance en eux, il leur consacra sa maison de campagne fortifiée, qui aurait pu devenir
une ville, si les habitans de la contrée fussent venus s’y réfugier. C’est ainsi que, du nom
primitif de ce lieu Théus, il en fit celui de Théopolis, ville des dieux, c’est-à-dire ville
mise sous la protection des dieux. Le peuple de la contrée n’a conservé à ce lieu que la
première dénomination, en lui donnant une prononciation italienne, ou de l’ancien
langage provençal, Théous, nom qui a été donné ensuite à un petit village bâti en ce
quartier, où se trouve une chapelle souterraine construite, vers le douzième siècle, avec
des débris d’autres monumens, qui peuvent fort bien être ceux que Dardanus et sa
famille tirent élever dans leur terre.
Le territoire de Dromons offre une mine de plomb, une fontaine d’eau salée imprégnée
de foie de souffre, du vitriol, des pierres remplies de soufflures, qui font présumer que le
pays a eu des volcans. Les hauteurs présentent beaucoup de plantes médicinales. Le
climat est froid, les récoltes tardives et abondantes en blé et en foin, quoique le sol des
vallées soit pierreux et graveleux. Pop. 490 hab.

DURANCE, Durantia. Grande rivière formée par le Dur et par l’Ance, près de Mont-
Genèvre, dans le haut Dauphiné.
Elle entre dans la Provence, en dessus de Sisteron; et, après avoir reçu la Sasse, le
Buech, la Bléonne, l’Asse, le Verdon, le Calavon et une infinité de ruisseaux, elle se jette
dans le Rhône, en dessous d’Avignon. Son ancien cours était d’Orgon à Lamanon,
Eyguières et la vaste plaine de la Crau, qui, dans le principe, n’était qu’un golfe, et que
la rivière combla de terre alluvines et de cailloux roulés de différentes grosseurs. Puis, la
Durance s’ouvrit une autre issue qui la conduisit dans les territoires des Beaux et
d’Arles; enfin, peu de temps avant l’arrivée des Romains, elle passa par Cavaillon,
Bompas et Avignon, où elle a continué de couler.
Quelques auteurs modernes ont prétendu que la Durance était navigable, les uns jusqu’à
Cavaillon, les autres jusqu’à Pertuis, et un dernier jusqu’au confluent du Verdon; ce qui
est tout-à-fait inexact. Silius Italicus dit que cette rivière fut un obstacle à la marche
d’Annibal, au-dessus du pays des Voconces; et Tite-Live dit que les Gaules n’ont point
de rivière moins propre à la navigation que la Durance, parce qu’elle est toujours
inconstante, sans lit et sans bornes certaines. D’après cela, on peut croire avec
vraisemblance que les utriculaires, sorte de mariniers qui se trouvaient à Cavaillon et qui
ne naviguaient que sur des outres enflées, ne descendaient ni ne remontaient la rivière,
mais ne faisaient que la traverser, comme on fait aujourd’hui avec un bac, pour passer
d’une rive à l’autre.

La Durance ravage considérablement les plaines qu’elle traverse, principalement celles


aux environs de Manosque, Pertuis et Orgon. Des Juifs s’offrirent de la resserrer à leurs
frais, sous la seule condition qu’on leur abandonnerait tout le sol qu’ils gagneraient sur
elle. Cette proposition ne fut point acceptée par l’ancien parlement de Provence, par la
seule crainte de trop enrichir des hommes industrieux, dont la fortune éclipsait ou faisait
envie à nos plus puissans seigneurs. En refusant cette offre, le Parlement aurait dû la
faire resserrer lui-même au profit de l’état, ou plutôt au profit de la province; mais, de
tous les temps, on a trouvé des égoïstes qui ne voulaient ni faire le bien ni le laisser faire
aux autres.
Cependant les bateaux à vapeur remonteraient aujourd’hui la Durance jusque dans les
Hautes-Alpes, tandis qu’ils ne peuvent naviguer à un quart de lieue du confluent. Si le
projet du resserrement de cette rivière s’effectuait un jour, ce qu’on nous fait espérer, on
n’aurait plus besoin de songer à dévier ses eaux dans des canaux navigables, tels que
celui qu’on a déjà entrepris et abandonné plusieurs fois au col de CantoPerdrix, qui
devait passer par Aix et venir aboutir à Marseille.

DURIO. C’est le nom d’une ancienne ville de Provence dont on ignore la position. Les
uns veulent que ce soit l’ancien Sisteron; d’autres soutiennent que c’est Donzère, ville
qui fait aujourd’hui partie du département des Hautes-Alpes; un seul veut que ce soit la
même que l’ancien Aeria.
Le nom Durio désignant une situation d’un accès difficile, nous concluons que cette
ancienne position n’était à aucun des lieux qu’on s’est plu lui assigner jusqu’à
aujourd’hui.

E
ÉBUSIANI. Voyez ÉSUBIANI.

ECTINI. Peuplade celto-lygienne qui habitait le long du Var, près le Puget-de-Theniers,


ou peut-être dans la campagne d’Entrevaux.
ÉDENATES. Autre peuplade celto-lygienne dont le chef-lieu se trouvait à Seyne. Elle
occupait toute la vallée de la Blanche.

ÉGUILLE, Castrum de Arquilla ou Aquila. Village à une lieue et demie d’Aix son chef-
lieu de canton et d’arrondissement, et sur une hauteur. Le sol produit du blé,
du vin, des amandes et quelques olives. Le beurre du pays jouit d’une bonne réputation;
les herbages y sont excellens Pop. 2,500 hab.

ÉGUITURI. Peuplade celto-lygienne dont le chef-lieu était à Reillane. Tout prouve que
ce pays a dû être occupé par les premiers habitans de la Celto-Lygie.

EMBIENS. Peuple celto-lygien, division des Ésubiens, et qui paraît avoir occupé la rive
gauche de l’Ubaye, depuis en dessous de Méolan jusque sur les hauteurs en face de
Jausier, contrée appelée par les anciens, vallis nigra, à cause de la couleur du sol et des
épaisses forêts qui s’y trouvaient. Il est vraisemblable qu’une subdivision de ce peuple
fut occuper la petite vallée de Fours, en remontant le ruisseau de Bachelard.

ENCHASTRAYO. Village à une lieue de Barcelonnette son chef-lieu d’arrondissement


et de canton, près la rive gauche de l’Ubaye, et sur le penchant d’une montagne. Il y a
une mine de charbon de terre. Le sol produit du blé, mais principalement de gras
pâturages pour les troupeaux de menu bétail qui y viennent passer la saison des chaleurs.
Pop. 850 hab.

ENDOUME. Voyez DAUME.

ENDROS, autrefois ENDELLOS. Rivière qui naît à Saint-Paul-près-Fayence. Elle reçoit


les ruisseaux ou torrens de Seillans, Bargemont, Callas, Figanières, et se jette dans
l’Argens, à une demi-lieue en dessous du Muy, où l’on vient de jeter un pont qui était
indispensable lors de la saison des pluies,

ENGRENIER. Étang dans la Crau d’Arles, à l’est de Foz-les-Martigues.

ENTRAGES, ou ENTRAGILES, Village à 2 lieues de Digne son chef-lieu


d’arrondissement et de canton. Le territoire est souvent inondé par la rivière d’Asse.
Heureusement que les vents qui se font vigoureusement ressentir dans le pays,
dessèchent les eaux en peu de temps, et font que la plaine ainsi que les coteaux
produisent du blé, du vin, des légumes et des fruits. Pop. 275 hab.

ENTRAIGUES, Interaquas. Village à 2 lieues de Carpentras son chef-lieu de canton et


d’arrondissement, sur une branche de la rivière de la Sorgue, dont les eaux fertilisent le
territoire naturellement aride, et font mouvoir un moulin à papier.
Le sol produit un peu de tout. Le village fut pillé par les calvinistes, malgré le château
du pays qui, à cette époque, était très-fort. Pop. 1,410 hab.
ENTRECASTEAUX, Intercastra ou Intercastrum. Village du canton de Cotignac, à 5
lieues de Brignoles, situé entre trois collines qui ne laissent entre elles que
l’emplacement de l’habitation et le lit de la rivière de Brest, dont les eaux viennent
baigner presque les murailles. Si ce village est mal bâti, si les vents qui suivent la vallée
s’y font vigoureusement sentir, on en est en quelque sorte dédommagé par un joli petit
cours ombragé de beaux ormes, qui est une promenade fort agréable.
Le pays fut connu par les Romains. Ce sont eux, sans doute, qui vinrent défricher les
terres des belles expositions du territoire. C’est dans ces quartiers que l’on a trouvé, à
différentes reprises, des tombeaux antiques avec leur petit mobilier, et des urnes en
pierre sculptée, renfermant un vase de verre contenant des cendres et un anneau d’or qui
paraît avoir appartenu à un chevalier romain.
Les Maures vinrent anéantir les premières habitations. Ils y séjournèrent eux-mêmes, à
en juger par les briques tumulaires de leur règne qu’on découvre dans la campagne. Ce
fut à leur expulsion que les habitations s’agglomérèrent sur un même point. L’église
paroissiale paraît avoir été construite dans le treizième siècle. La chapelle de Notre-
Dame, sur le chemin de Carcès, existait déjà. Celle de Sainte-Anne, au sommet d’une
colline, est d’une construction beaucoup plus récente. L’étranger la visite avec plaisir,
pour admirer un tableau de Vanloo, représentant sainte Anne instruisant Marie sa fille, et
pour jouir d’un point de vue magnifique qui s’étend depuis les montagnes schisteuses du
littoral jusqu’aux montagnes calcaires qui forment le premier échelon des Alpes.
Le territoire offre des vallées riantes et fertiles. Les coteaux sont garnis d’oliviers
donnant une huile très-recherchée, et qu’on expédie jusqu’à Paris comme huile de luxe.
Le vin cuit du pays est fort estimé, les foins sont excellens. Il s’y fait tous les ans des
plantations de mûriers considérables qui procureront bientôt une industrie lucrative et
des filatures pour la soie. Le peu de communication que ce village a avec les villes de
consommation, fait qu’on est obligé de convertir les vins en esprits. Aussi Entrecasteaux
a deux distilleries, et pourrait en avoir une troisième dans la campagne, à portée des
douze hameaux dont celui de Saint-Antonin est le principal. Foires, le 1er juin, le 6 août
et le 4 novembre. Pop. 2,300 hab.

ENTRECENS. Tour et étang dans la Crau-d’Arles, entre Saint-Chamas et Saint-Martin.


On y pêche beaucoup de carpes.

ENTRECHAUX, Intercallis. Village du canton de Malaucène, à 7 lieues d’Orange, avec


trois hameaux. L’air est pur, principalement sur les hauteurs. Le sol est sablonneux et
fertile. Ses productions essentielles sont le vin et les mûriers; aussi on y élève beaucoup
de vers-à-soie. Le territoire est arrosé par l’Ouvèze, sur laquelle est un pont fort ancien;
le Toulerin ou Tholorenc, qui vient du Mont-Ventoux, et le Grausel, qui vient de
Malaucène. Pop,1,115 hab. Foires, 3 février et 5 septembre.

ENTREPIERRES, Inter-Petrœ. Village à une lieue et demie de Sisteron son chef-lieu


d’arrondissement et de canton, divisé en trois hameaux, savoir: Méziers Entrepierres et
Naux.
Le climat du premier est modéré; aussi on y recueille beaucoup de fruits. Celui de Naux,
est froid, et le sol ne fournit que du blé et de l’avoine. Le hameau d’Entrepierres a un sol
pierreux et de peu de valeur. Ses productions sont peu de chose. Le territoire est arrosé
par plusieurs ruisseaux. Celui dit le Jabron n’est qu’un torrent qui porte plus de
préjudice que de fécondité. Pop. 438 hab.

ENTREVAUX, Intervalle, autrefois Intervallium. Petite ville militaire, chef-lieu de


canton du département des Basses-Alpes, à 4 lieues de Castellane, sur la frontière du
Piémont et sur la rive gauche du Ta r, avec une bonne citadelle et un tribunal de
commerce.
La situation du pays annonce assez que les Ectini, peuple celto-lygien, occupaient le
territoire. La hauteur où se trouve la forteresse actuelle a dû servir de retranchement à ce
peuple; l’amphithéâtre où est la ville a dû être leur mallus. On serait fort en peine de
trouver dans la contrée une position aussi favorable aux premiers habitans des Alpes
maritimes.
La ville de Glandève se trouvait à un quart de lieue d’Entrevaux. A la destruction de la
première, le siége de l’évêché qu’elle avait fut transféré à Entrevaux; mais, dans la suite,
il fut supprimé à cause de son peu d’importance.
Lorsque Charles-Quint se disposait à envahir la Provence, un détachement de son armée
contre la foi des traités, s’empara de la ville d’Entrevaux qui faisait partie du comté de
Nice et appartenait au roi de Piémont. Quoique les impériaux n’eussent éprouvé aucune
résistance de la place, ils incendièrent la ville et passèrent la garnison au fil de l’épée,
pour effrayer vraisemblablement les villes de la Provence qui n’ouvriraient point leurs
portes à des ennemis si lâches et si cruels.
Après avoir été chassé de la Provence, Charles-Quint ne songea point à restituer cette
place à qui de droit.
Plusieurs années après, une fille du pays, âgée de vingt ans, d’un courage héroïque et
d’une éloquence à donner de l’audace au plus timide, réunit secrètement les jeunes
paysans et les bergers, les harangua, leur montra le chemin de la gloire, marcha à leur
tête, un mouchoir blanc d’un main et une épée nue de l’autre, éventra le premier officier
allemand qui voulut s’opposer à elle. Son exemple anime ses compagnons. Ils
surprennent les impériaux, désarment forcément les uns, terrassent courageusement les
autres, et, dans un instant, toute la garnison est faite prisonnière et chassée de la ville de
la manière la plus humiliante. Après ce brillant exploit, la jeune héroïne réunit les
principaux habitans qui se trouvaient disséminés dans la campagne; elle se plaint
fortement du duc de Savoie, de ce qu’il n’avait pris aucune mesure pour délivrer la ville
et venger ses sujets lâchement assassinés; elle montre la couleur sous laquelle elle a
vaincu les impériaux, en fait le plus grand éloge, et propose à ses compatriotes de se
mettre sous sa protection. Sa volonté fut celle de tous. Le roi de France accueillit l’offre
de cette ville, et l’exempta du droit de taille. Mais, plusieurs années après, les habitans
d’Entrevaux, voulant, comme tous les autres Français, contribuer aux dépenses de l’état,
demandèrent au roi, comme une grâce, d’être assujettis aux mêmes charges, et cette
demande fit l’admiration de tout le monde.
Je suis étonné que la ville d’Entrevaux, et même que les rois de France n’aient point fait
élever un monument en cette ville, qui rappelât à la postérité la plus reculée le nom de
cette héroïne et la belle action qu’elle fit pour venger ses compatriotes et son pays.
La ville d’Entrevaux est bâtie sur une colline et en amphithéâtre. Ses rues sont raides et
presque toutes en escaliers. Il y a toujours des troupes en garnison, comme étant une des
clés de la Provence.
Dans le territoire on trouve des indices de mines de plomb, de cuivre et de fer. On y a
découvert de l’or natif renfermé dans du quartz. Le sol produit du blé, des légumes, des
herbages excellens et des melons très-estimés. Pop. 1,434 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Entrevaux, Aurent, Castellet,
Saint-Cassien, Castellet-les-Sausses, Saint-Pierre, la Rochette, les Sausses et Ville-
Vieille.

ENTREVÈNES, Intervenas ou Intervenœ. Village du canton des Mées, à 9 lieues de


Digne, situé sur une élévation exposée à tous les vents. Climat sain, sol aride. A force
d’engrais et de culture, il produit du blé, du vin et de l’huile. Pop. 576 hab.

ÉOUBE. Voyez Olbia et Hyères.

ÉOULX, ou Éoux, Eolus. Petit village à 2 lieues de Castellane son chef-lieu


d’arrondissement et de canton.
Le nom d’Eole fut donné à l’ancien lieu, parce que, placé sur une hauteur, il était exposé
à tous les vents. Le village actuel est sur une situation plus heureuse.

Son climat est tempéré; son point de vue est fort étendu.
La neige n’y séjourne pas aussi long-temps que dans les communes voisines. Le sol
produit peu de grains et peu de légumes de médiocre qualité; mais, en revanche, il y a
beaucoup de prairies et des pâturages excellens. Le territoire offre de la craie, du char-
bon de terre, des coquillages fossiles et des plantes médicinales. Pop. 298 hab.

ERNAGINUM, ou ERNAGINA. Ville de l’ancienne Provence du temps des Romains, et


de laquelle il n’existe plus de vestiges. Elle se trouvait au lieu de Saint-Gabriel, entre
Arles et Saint-Remy, où passe aujourd’hui la nouvelle route qui communique entre ces
deux villes. Je crois qu’Ernaginum fut détruit par Euric, roi des Wisigoths.

ESCALE (L’), Scala. Village du canton de Volonne, à 5 lieues de Sisteron, près la rive
gauche de la Durance, sur laquelle on vient de jeter un joli pont sur quatre sortes de
câbles en fer. Au premier essai les câbles cassèrent, et beaucoup de spectateurs furent
victimes. Ce pont communique au village de Château-Arnous, et rend la route de Digne
à Sisteron plus courte et plus agréable. Climat tempéré; territoire presque tout arrosable
par les eaux dérivées de la Bléonne et de la Durance. On y recueille du vin, de l’huile,
des noix et des fruits. Plusieurs torrens exercent leurs ravages sur plusieurs points, et
notamment entre les deux principaux hameaux près de la route. Populat. 597 hab.

ESCLANGON, Esclango. Petit village à 2 lieues de Digne. Climat froid; sol peu fertile;
il produit du blé et peu de vin. Pop.100 hab.
ESCLANS. Ancienné communauté qui, depuis environ un siècle, n’en est plus une. Son
territoire a été divisé entre les communes de la Motte et du Muy.

ESCLAPON. Lieu inhabité, sur le penchant de la montagne de Lachens. Du côté du


midi était le village, d’un accès difficile. Il fut ravagé et détruit pendant les guerres
civiles. Ses terres sont, en général, cultivées par les habitans de Mons; elles produisent
abondamment du blé de première qualité. Il y a quelques prairies arrosables et de bons
pâturages, des forêts de chênes blancs, de sapins et de mélèzes. Près du chemin qui
conduit à Castellane se trouve un abîme profond. En y jetant des pierres, on entend
quelquefois un bruit effroyable suivi d’une nuée de corneilles qui sortent de cette cavité.
Les hauteurs offrent une coulée volcanique. On vient de découvrir dans la vallée du Fil
un sable excellent pour la fabrication du verre. Les fromages de ce quartier sont fort
estimés.

ESCRAGNOLLES, Scralegnola ou Sclangola. Village du canton de Saint-Vallier, à 6


lieues de Grasse, et divisé en deux parties. L’ancien village ainsi que les habitans ayant
été détruits par le cruel Raymond de Turenne, les terres furent distribuées à plusieurs
familles pauvres du village de Mons. Voilà pourquoi les gens de ces deux lieux parlent le
même jargon, qui est un génois corrompu. Les gens d’Escragnolles, lorsqu’ils vont à
Mons, disent encore, nous allons à la ville. Les montagnes, en calcaire du Jura, sont
toutes pelées, principalement à leur exposition au midi, où l’on ne passe que
difficilement; les forêts sont de pins, de chênes et de hêtres. Le sol produit du blé. La
petite Siagne, ou Siagnore, naît à l’est du territoire. Elle a deux sources éloignées
d’environ deux cents pas; les eaux passent dans des gorges peu fréquentées et incultes;
n’arrosant point de prairies, on est obligé de faucher les herbes des terres en jachères,
pour suppléer au fourrage, qui manque. Pop. 300 hab.

ESPARRON-DE-PALLIERS. Village du canton de Barjols, à 8 lieues de Brignoles.Le


sol, quoique ingrat, produit du bon blé et en quantité. Pop. 600 hab.

E S PARRON-LA-BASTIDE, Sparro. Village du canton de Turriers, à 8 lieues de


Sisteron. Climat très froid en hiver, ce qui empêche le monde de se livrer aux travaux de
l’agriculture. Aussi, pour se préserver de l’oisiveté et de l’ennui, on s’y occupe à faire de
petits outils et des meubles en bois, qu’on va vendre dans les communes du département,
dès que les neiges leur permettent de sortir, ce qui n’est guère que dans le courant du
mois de mars. La principale production du sol est le blé. Pop. 256 hab.

ESPARRON-DU- VERDON. Petit village du canton de Riez, à 16 lieues de Digne, à


une certaine distance du Verdon, et partagé par un petit ruisseau. Une inscription fut
placée à ce village, comme un monument de reconnaissance, à la mémoire de TER-
PERDULLUS par DOMITIUS EUTICHON, son affranchi. Climat fort tempéré. On y
recueille du vin, de l’huile, beaucoup de blé et assez de foin. Le pays est assez agréable,
à cause de ses prairies. Pop. 515 hab.
ESPÉREL. Ancien village, aujourd’hui hameau dans le territoire de Montferrat. Il est
divisé en grand et en petit Espérel. On y trouve une grande quantité de ruches à miel.

ESPINOUSE, Spinosa. Petit village du canton de Mézel, à 5 lieues de Digne, sur une
hauteur. Les chemins sont fort raides, mal entretenus et ravagés par des torrens. La
révolution française a vu détruire le château du lieu assez fortifié pour arrêter un ennemi
nombreux. Le territoire, quoique montagneux, est fertile et agréable; il produit
principalement du blé. Pop. 204 hab.

ESTÉREL. Montagne du département du Var, dans le territoire de Fréjus. Son sommet


s’élève à huit cents mètres au-dessus du niveau de la mer, qui vient baigner le pied de sa
face méridionale.
Les géologues anciens ont toujours regardé l’Estérel et toutes les élévations de la basse
Provence, comme une dépendance des Alpes. Les modernes, au contraire, pensent que
les montagnes littorales du département du Var ont pour commun centre le massif de
l’Estérel, vu qu’elles n’ont aucun rapport avec la chaîne des Alpes, soit dans leur
direction et leur configuration extérieures, soit dans la nature des terrains et des
substances qui la composent. Bien plus, ces derniers croient fermement que l’Estérel et
ses dépendances ont la même analogie que les montagnes de l’île de Corse, et ne
craignent pas d’avancer que cette île a dû être originairement unie au continent de la
Provence.
Pour moi, je pense qu’une montagne, lors de sa formation, n’a point dépendu d’une
autre montagne, mais bien du degré de force et de la direction du feu souterrain qui força
le sol à quitter le niveau de la terre, et à former des éminences que nous appelons
montagnes, collines, etc. Ici, comme aux montagnes des Maures et à celles de l’île de
Corse, la bande primitive déchira, en s’élevant, la bande secondaire, et la couvrit sur
tous les points d’une coulée granitique et quelquefois volcanique. Ainsi, quoique le
granit se montre sur toutes les faces de la montagne de l’Estérel, et qu’il la couvre
depuis la base jusqu’au sommet, de manière à empêcher l’infiltration des eaux pluviales,
le calcaire qui forme la bande secondaire ne fait pas moins partie de cette montagne,
quoiqu’il ne se montre sur aucun point. Le calcaire fut englouti par l’effet que produisit
l’éruption granitique. Qui sait si la multitude de volcans qui ont existé sur nos
montagnes littorales n’ont pas été produits à cette même époque? Tout prouve qu’ils sont
très-anciens, et qu’ils datent de long-temps avant que la Celto-Lygie eût reçu ses
premiers habitans.
Le massif apparent de la montagne de l’Estérel est granitique, accompagné de porphyre,
de micachistes, de diabasses orbiculaires, de grès rouge, en un mot, des mêmes roches
que celles qui forment toutes les montagnes des Maures. On y trouve également du
quartz améthiste, de la clappe, du porphyre globuleux, du porphyre bleu en une carrière
que les Romains avaient exploitée, du fer oxidulé magnétique aimantaire, quelques
géodes, une sorte de grenat que les anciens Hébreux nommaient ligures, parce qu’il avait
été trouvé sur la côte de la Celto-Lygurie, du jaspe en blocs ou en morceaux détachés
dans les intervalles des rochers, et quelquefois dans le fond des vallons, y ayant été
entraîné par le temps, qui a décrépi les sommités les plus élevées.
Le granit de l’Estérel est une sorte de pierre grise, composée de molécules quartzeuses,
du feld-spaht et de mica. On le reconnaît aux belles colonnes qui se trouvent près de la
ville de Riez et du bourg de Valensoles, à celle qui décore la fontaine devant l’hôtel de la
ville d’Aix, et à l’obélisque qui embellit la place du marché de la ville d’Arles. Ces
belles pièces furent tirées d’une carrière dans le territoire de Callas, quartier de
Pennafort, où l’on rencontra par hasard une racine de la montagne que nous décrivons.
Il y avait autrefois, sur la montagne de l’Estérel, un temple dédié à la déesse des forêts.
Toutes les dépendances de cette montagne lui étaient consacrées. Elle en portait même le
nom, puisqu’on l’appelait la Diane estérelle. Comme il y avait la peine de mort contre
ceux qui toucheraient aux arbres de cette forêt, ce lieu fut long-temps redouté par le
peuple, à tel point que, même après le culte de cette déesse et la destruction de son
temple, on croyait que la divinité continuait à résider dans un lieu qui lui avait
appartenu. La sombre obscurité de cette forêt, le danger qu’il y avait de la traverser, soit
par les bêtes féroces qui y faisaient leur séjour, soit par les brigands et les voleurs qui
s’en servaient de repaire, firent croire que cette montagne était habitée par quelque malin
esprit, auquel on donna d’abord le nom de nymphe estérelle, et ensuite celui de fée
estérelle. On lit, dans les actes de l’ermite Hermentaire (Armentari), qui vivait dans le
moyen âge, qu’on offrait des sacrifices à la fée estérelle; et que celle-ci, en
reconnaissance, donnait aux femmes stériles un certain breuvage qui procurait la
fécondité.
Indépendamment du temple de la Diane estérelle, cette montagne en avait plusieurs
autres qui méritent d’être cités.
Sur une élévation qui domine la batterie de l’Escaillon et la grande caranque d’Antéa,
les Marseillais élevèrent un temple à la déesse Pallas, et jetèrent les fondations d’une
ville qui prit le nom de cette déesse, Athénopolis.
Cette élévation est encore appelée montubis, corruption de mont-urbis, montagne de la
ville. J’y ai reconnu moi-même les vestiges de nombre de maisons très-anciennes, et une
quantité de cavités souterraines, où les bergers renferment leurs troupeaux de chèvres
qui paissent habituellement parmi les rochers qui forment la face méridionale de la
montagne de l’Estérel. Ces chèvres sont si bien élevées, qu’à un certain cri de leurs
gardiens, elles grimpent, sans la moindre contrainte, les points les plus scabreux de la
montagne. C’est ce qui les préservait d’être saisies par les débarcations anglaises qui,
pendant la guerre continentale, infestaient ces parages.
Sur la même face de la montagne se trouve une grotte qu’on nomme Sainte-Baume. Sur
le plateau qui se trouve devant l’entrée de cette cavité se trouvait, au dire de plusieurs
savans, un temple dédié au dieu de la lumière, fondé par les premiers Marseillais, et que
les habitans de la contrée détruisirent; ce qui décida les prêtres qui l’avaient en soin à
faire leurs cérémonies religieuses dans l’intérieur du souterrain, où ils élevèrent un autel
qui fut nommé Aralucis. Il paraît qu’on choisissait, pour faire les sacrifices, une certaine
heure du jour où les rayons du soleil, passant par une ouverture qu’on voit encore au
haut de la voûte naturelle, venaient darder même sur l’autel.

Cette grotte, ainsi que nous l’avons déjà dit, servit quelque temps de retraite et de cellule
à saint Honorat, fondateur du monastère de Lérins. Elle servit également d’asile à
plusieurs de ces moines qui échappèrent furtivement des mains des Sarrasins, au
moment qu’il les menaient en servitude.
C’est au pied de cette montagne, et au bord de la mer, que passait la voie aurélienne. Il
en paraît encore quelques restes que les gens du pays nomment camin aourélian. Ce
quartier n’offre, d’un côté, qu’une vaste étendue de mer bordée d’écueils dangereux; et
de l’autre, que des rochers et d’affreux précipices. Aussi l’amphithéâtre est appelé maou
pey, ce qui signifie mauvais pays. Je ne sais pas comment des personnes éclairées, qui
ont fait des grandes recherches sur la Provence, ont pu penser que les Oxibiens, peuple
qui ne vivait que des fruits que la terre lui fournissait naturellement, avaient établi leur
chef-lieu dans une contrée si peu productive. Elles n’ont pas songé que si les Oxibiens
avaient réellement occupé ce pays, il aurait été impossible aux Romains de les attaquer
par terre et de leur livrer une bataille rangée. Une poignée d’hommes aurait suffi pour
détruire une armée romaine, pour nombreuse qu’elle fût. Et cependant nous savons que
des légions romaines suivirent cette route, pour venir châtier les Oxibiens, qu’ils
rencontrèrent dans la plaine de Laval, près de l’embouchure de l’Acro, qui est la Siagne
d’aujourd’hui. Si les Marseillais et les Romains fondèrent quelques établissemens sur
cette côte, ce ne fut que pour protéger leurs marines, et non pour exploiter un pays qui
n ’ o ffre presque pas de terres végétales. Les arbres ne viennent bien que dans les
scissures des rochers, mais ces arbres ne sont que des pins et quelques châtaigniers,
Dans le principe, il y croissait quelques arbres qu’on ne trouve à présent que dans, la
zone torride. On a trouvé, en creusant quelques parties terreuses, de grosses buches de
bam-bouc pétriliées, dont un échantillon a été déposé, dans le cabinet d’histoire naturelle
de Draguignan.
La montagne de l’Estérel était autrefois touffue de pins maritimes, étouffés par des
arbousiers, des bruyères, des cystes noirs, des genêts épineux, des sumacs de corroyeurs,
des myrtres et de plusieurs autres arbustes couvrant la fougère, le corymbe doré,
l’immortelle, plusieurs belles espèces de saxifrages, la fraxinelle, des inules, des
érigerons, et surtout des fraisiers qui donnaient et qui donnent encore un fruit dont le
parfum embaume la campagne et pénètre les sens du voyageur. Le loup gris, le renard
fauve, le sanglier, le cerf étaient les seuls habitans de cette forêt. Les voleurs de grand
chemin vinrent se réunir aux bêtes farouches, et donnèrent de ce lieu l’idée la plus
effrayante. Les incendies ayant beaucoup éclairci cette forêt, et l’autorité départementale
l’ayant faite défricher jusqu’à une certaine distance de la route, il en résulte
qu’aujourd’hui le voyageur ne redoute plus que l’auberge qui se trouve au haut de la
montagne. Sans égorger les étrangers, elle a la réputation de saigner profondément leur
bourse pour salaire des repas qu’ils y prennent. C’est ce qui a fait dire de tous les lieux
où l’on paie fort cher, c’est l’Estérel.
La route d’aujourd’hui est fort bien entretenue; mais elle est très-raide, de quelque côté
qu’on arrive. Il en aurait été autrement, si l’on eût conservé celle du bord de la mer. On
aurait pu à tous pas y arrêter toute invasion ennemie. On pourrait, sur la route actuelle,
trouver plusieurs points propres à être fortifiés, ne fût ce que la hauteur dite de Saint-
Jean.
Là, une seule redoute serait considérée comme une clé du royaume. Une cinquantaine de
braves Provençaux, sans autre défense que leur courage et l’aspérité du lieu, arrêtèrent
en cet endroit l’armée de Charles-Quint. Cet empereur ne put surmonter cet obstacle
qu’en faisant incendier la forêt.
La montagne étant aujourd’hui déboisée, on n’aurait plus à redouter l’embrasement. Un
fortin, sur un rocher, ne craindrait point d’être battu en brèche. Ce serait une de ces
places formées par la nature, qui défient tous moyens destructifs inventés par les
hommes.

ESTÉRON. Rivière qui prend sa source dans la montagne de Teilhon, passe dans la clue
de Saint-Auban, traverse les
territoires de Soleilhas, des Ferres, de Conségudes, de Dos-Fraires, et se jette dans le
Var, au-dessus du Broc.

ESTÈVE-LES-THOARD (SAINT), Castrum sancti Stephani ou de sancto Stephano.


Village à 5 lieues de Digne, son chef-lieu d’arrondissement et de canton.
Climat, nature du sol et productions, les mêmes que dans les pays environnans. Pop. 115
hab.

ESTÈVE (SAINT).Hameau dans le territoire de Tarascon; hameau dans le territoire de


Brue, et hameau dans le territoire de Digne.

ESTOUBLON, Stoblonum; Village du canton de Mézel, à 5 lieues de Digne, sur la rive


gauche de l’Asse et traversé par un torrent, qui, après une forte pluie vient tellement
gros, qu’on voit quelquefois ses eaux s’élever jusqu’au premier étage des maisons qui se
trouvent à la plus basse rue, qui est la route roulière.
Le village d’Estoublon est célèbre dans l’histoire de Provence, par la défaite des Saxons.
Ces barbares, venus par Mont-Genèvre, Embrun, Seyne et Digne, établirent leur camp
dans la plaine entre Estoublon et Mézel. Ils avaient envahi l’Italie avec la Lombardie.
Mais ensuite ils furent battus par le patrice Mommulus à Embrun, et obligés de se replier
sur la Provence; ils entreprirent de former un établissement aux dépens des Francs-
Bourguignons; mais Mommulus les mit en déroute entre Riez et Digne, à Estoublon.
Le roi Gontran permit aux vaincus de traverser paisiblement ses états pour retourner sur
les rives de l’Elbe, d’où ils étaient partis. Le climat d’Estoublon est doux.
Le territoire produit du blé, du vin, des prunes-Brignoles et autres fruits. Pop. 542 hab.

ÈSUBIANI. Peuple celto-lygien surnommé Braqueti, à cause qu’il portait une sorte de
culotte, selon les uns, et un petit manteau fourré, selon les autres. Il occupait les bords de
l’Ubaye, à l’entrée de la vallée de Barcelonnette. Il est fait mention de ce peuple dans le
trophée des Alpes.
D’après l’inspection des lieux, je suis physiquement convaincu que leur retranchement
était sur l’élévation où se trouvait l’ancien village de la Bréoule. Voyez BAR-
CELONNETTE.

ÊTIENNE-DE-ORGUES (SAINT). Bourg chef-lieu de canton, à 3 lieues de Forcalquier,


et au pied de la montagne de Lure. Ce pays fournit journellement des droguistes aux
principales villes de France. La plupart commencent par colporter leurs marchandises;
après, ils en chargent une bête de somme, et dès qu’ils ont fait quelques économies, ils
s’établissent dans une ville, où ils font ordinairement de grandes fortunes.
Le pays est assez riche. Le climat est doux. Le voisinage de la montagne de Lure attire
souvent des orages au pays. Le sol produit du blé, du seigle, du vin, de l’huile et des
pâturages. Pop. 1,161hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Saint-Étienne, Cruis,
Fontienne, Lardiers, Mallefougasse, Montlaux, Ongles et le Revest-en-Fangat.

ÉTOILE. Montagne qui se trouve au nord du territoire de Marseille, et qui s’étend


depuis Septème jusqu’à Allauch.
Sur son revers, au nord, il y a beaucoup de mines de charbon de terre.

ÉVENOS, Evenœ, en provençal Ebro. Village du canton d’Ollioules, à 2 lieues et un


quart de Toulon. Nombre de personnes ont cherché vainement l’étymologie du nom de
ce village. Les uns veulent qu’Éveno, dérive de différentes veines d’eau qu’on trouve
dans ce lieu; de mauvais plaisans veulent qu’il vienne des deux mots latins heu nos, par
allusion à la pauvreté du lieu, ou du mot ebriosus, qui ferait entendre que les premiers
habitans étaient sujets à l’ivrognerie; d’autres veulent qu’il dérive du celtique abrar, qui
signifie allumer, brûler, ou du latin abrodo, qui exprime ronger. Ces deux dernières ont
été conçues en ce que dans le territoire, on trouve des traces de volcans éteints qui ont
rongé l’intérieur des terres, et plusieurs couches de lave noire et compacte, divisée par
des traits irréguliers représentant imparfaitement des colonnes de basalte. La colline
d’Évenos offre, du sommet à la base, trois bancs distincts. Vers le sommet, sur environ
trente mètres d’épaisseur, est un banc basaltique; celui du milieu est en calcaire du Jura,
et celui inférieur est en roches quartzeuse à petits grains.
Le territoire d’Évenos offre de la pozzolane en quantité.
Elle est aussi bonne que celle de Rome ou du mont Vésuve, surtout si l’on a soin de
prendre de celle qui n’a point encore été altérée par le contact de l’air et de l’eau. Elle a
été employée avec succès dans le port de Toulon.

Le territoire offre également des carrières de marbre jaune qu’on avait essayé
d’exploiter, mais qu’on a été forcé d’abandonner, à cause des difficultés du transport.
Sur le plus haut rocher du lieu se trouve une tour parfaitement bien conservée,
quoiqu’elle existe depuis avant Jésus-Christ. Elle est bâtie en pierres volcanisées. Elle
est à même de résister jusqu’à la fin du monde, à moins que le génie destructif de
l’homme ne vienne employer ses efforts pour l’abattre.
Le pays d’Évenos a un souterrain en forme d’église, qu’on nomme le saint trou. On y
descend comme dans un puits.
Il a environ cent mètres de longueur sur dix-huit de hauteur et vingt-cinq de largeur. Son
dôme est très-curieux et fort élevé. On y voit une infinité de concrétions formées par la
nature, qui représentent des tuyaux d’orgue, des choux-fleurs, et tout ce que
l’imagination veut y voir. Au milieu est une source d’eau excellente, sortant de terre
dans une petite conque admirable d’environ un pied de diamètre, également formée par
l’eau. Elle est toujours pleine d’eau, quelque quantité qu’on en puise.
Le village d’Évenos est situé sur une hauteur qui domine le passage des vaux
d’Ollioules. Aussi, en 1793, pendant que les Anglais et les Espagnols occupaient la ville
de Toulon, les troupes françaises, commandées par Carteaux, s’étaient fortifiées à
Évenos pour défendre le défilé. Le climat d’Évenos est bon. Le sol produit du blé, du
vin, de l’huile et des fruits exquis, mais en petite quantité, vu qu’il n’y a que les vallons
qui
soient cultivables. La seule industrie est la fabrication du charbon, qu’on porte
journellement à Toulon, pour se procurer du pain et tout ce qui est nécessaire. Pop. 650
hab.

EYGALIÈRES, Castrum de Aquilis. Bourg du canton d’Orgon, à 6 lieues d’Arles, placé


sur une hauteur, dans un sol fertile et abondant en productions de tous les genres, Il y a
dans le territoire un marbre très-estimé qui porte le nom de Saint-Rémy, c’est une brèche
entremêlée de blanc, de jaune, de rouge et de couleur de chair. Pop. 1,320 hab.

EYGUES. Voyez AIGUES.

EYGUIÈRES, Aquaria ou Acquariœ. Bourg chef-lieu lieu de canton, à 6 lieues d’Arles,


et sur une branche du canal de Craponne. Son étymologie vient d’une source abondante
au bas de l’endroit.
Un auteur a avancé que c’est en ce lieu que se trouvait la position romaine appelée
Teritias. Pour moi, je crois que cette position se trouvait à Aureille, où l’on en voit
encore les vestiges. Cependant il était immanquable qu’un climat aussi doux, et un site
aussi gracieux n’attirassent au pays plusieurs familles romaines pour y établir des
habitations. Je suis persuadé qu’il y a eu des villœ fort agréables, occupées par de grands
personnages de ce temps; mais on n’en a découvert aucune trace. La Durance passait,
dans le principe, dans le territoire d’Eyguières, pour se rendre dans la plaine de la Crau.
Sous le règne de Louis XIV, des protestans du pays commirent de grands excès, pour
reavoir leur temple, élevé autrefois par la dame du lieu, et qui avait été interdit par un
arrêt du parlement. Le sol est fertile en grains, en vin et en huile très estimée. Pop. 3,100
hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Eyguières, Alein, Aureille,
Lamanon, Malemort, Roque-Martin et Vernègues.

EYRARGUES. Village du canton d’Orgon, à 6 lieues et demie d’Arles, dans une plaine
fertile arrosée par le canal du Réal. La principale production est le blé, le vin blanc
connu sous le nom de clarette. On y cultive des mûriers, et on y élève beaucoup de vers
à soie. Pop. 2,320 hab.
F
FARE (LA). Village du canton de Berre, à 4 lieues d’Aix, près la rive droite du Lar et de
la hauteur de Constantine, dans une contrée abondante en huile excellente et en amandes
à coquilles tendres. On y recueille aussi des céréales. Pop, 2,300 hab.

FARE (LA). Village du canton des Baumes de Venise, à 5 lieues d’Orange. Climat
tempéré. Sol ingrat; il produit assez d’huile fort estimée. Popul. 138 habitans,

FARON, ou plutôt PHARAON. Montagne avec un fort du même nom, qui domine
toutes les fortifications de la ville de Toulon. Voyez ce mot.

FAUCON. Petit village du canton de la Motte, à 7 lieue de Sisteron. Climat et


productions, les mêmes qu’à la Motte. Pop. 200 hab.

FAUCON. Petit village du canton et de l’arrondissement de Barcelonnette, à une demi-


lieue de cette ville, dans une plaine agréable et arrosée par l’Ubaye qui la divise dans
toute sa longueur. Ce village n’a jamais été le chef-lieu d’une peuplade celto-lygienne.
Sa situation le prouve assez; car nul chef-lieu sans retranchement naturel à portée. Cela
n’empêcha pas les Romains de s’établir dans le territoire de Faucon.
Un savant du pays, par ses profondes et laborieuses recherches, a assuré que, dans un
temps, on trouvait sur la rive droite de l’Ubaye une ville nommée Sales ou Salins, qui fut
ensuite appelée Notre-Dame aux Noix et enfin Faucon. Mais il n’a pu désigner l’époque
à laquelle cette ville fut fondée. Je ne pense pas qu’elle l’ait été par les Romains, attendu
que ce lieu était trop rapproché de Barcelonnette, où se trouvait réellement une ville
romaine. Je crois que la campagne de Faucon devait avoir des villœ qui ont dû
appartenir à de riches familles, à en juger par les restes d’aqueducs en briques qu’on y
voit, les nombreux tombeaux et les vieilles constructions qu’on y découvre en creusant
les terres, dont quelques-unes semblent avoir servi à des bains particuliers. Ajoutons à
cela plusieurs inscriptions romaines, des fragmens de marbre, des anneaux de bronze
souvent encore enfilés aux os des bras ou des jambes des squelettes auxquels ils
appartiennent.
Des bénédictins défrichèrent les terres de ce pays, et les distribuèrent aux habitans, que
le séjour des barbares du nord avait démoralisés et rendus sauvages. Il y eut trois
établissement en ce genre dans cette vallée, à Faucon, à Saint-Pons et à Uvernet. Les
productions sont les mêmes qu’au chef-lieu. Population 486 habitans.

FAUCON, ou FAULCON.Village du canton de Vaison, à 6 lieues d’Orange. Le sol


produit abondamment du blé, du vin, des fruits et des pâturages. Population 594 hab.

FAVAS. Petit village du canton de Callas, à 4 lieues de Draguignan. Il fut, ainsi que celui
de Baudron, ruiné, au huitième siècle, par les Sarrasins, qui établirent sur la montagne de
Piol, à huit cent soixante mètres au-dessus du niveau de la mer, un retranchement
considérable qu’on voit encore presque en entier. Il consiste en trois enceintes de
murailles en pierres sèches. Celle extérieure a environ mille pas de tour. Des fossés
profonds, creusés dans le roc, rendaient cette position imprenable. Les ruines du village
de Baudron existent encore; elles sont considérables et offrent des pans de murailles
d’une assez grande élévation.
La situation de ce village, sur une hauteur au milieu de plusieurs montagnes autrefois
couvertes d’un bois épais, annonce assez que ce lieu a dû être un repaire des barbares
africains. N’ayant jamais pu se relever de ses ruines, les habitans de ce village se
disséminèrent dans la campagne, et le territoire a été réuni à celui de Favas qui n’offre
également que des habitations éparses; les principaux propriétaires faisant leur résidence
dans plusieurs autres communes mieux habitées et plus agréables. le sol produit du bon
blé et des pâturages excellens. Pop. 95 hab.

FAYENCE, ou plutôt FAIENCE, Faventia, et ensuite Faentia. Bourg chef-lieu de canton,


à 6 lieues de Draguignan, sur une hauteur, près du ruisseau de Camandre. Un auteur qui,
selon les apparences, connaissait mal la Provence, prit ce lieu pour l’ancien Antéa ou
Antéis, que tous les historiens placent sur la voie romaine qui de Fréjus allait à Riez, et
que nous avons reconnu nous-même au quartier de l’Antier, au fond du bassin de
Draguignan. Antelmi, théologien de Fréjus, dit que le nom de Faventia fut donné à
Fayence, à cause que les habitans assistaient et favorisaient les Romains qui venaient
tous les ans y passer le quartier d’hiver. Cela peut être; car nous savons que les Ligauni,
premiers habitans de la contrée, oublièrent facilement les cruelles persécutions qu’ils
avaient éprouvées de la part des conquérans des Gaules. Mais on ne trouve nulle part
que Fayence fût, à cette époque, une ville ou une bourgade. On ignore même sur quel
point du territoire se trouvaient les premières habitations agglomérées. Je crois avec
fondement qu’elle étaient à-peu-près au même endroit où se trouve la ville actuelle. Je
suis autorisé en quelque sorte à le croire ainsi, à cause du retranchement naturel qui se
trouvait au lieu même où l’on voit l’ancienne tour de l’horloge, qui a dû appartenir à
quelque fortification, à cause de l’eau potable du Raï, qui, quoiqu’on en dise, doit avoir
coulé là de toute ancienneté, et par l’heureuse exposition, la douceur de la température et
la bonté du climat de cet amphithéâtre digne des premiers habitans de la Celto-Lygie.
Quelques vestiges de construction très-ancienne; découverts au quartier de Notre-Dame-
des-Cyprès, ont fait croire à des personnes du pays, que, sur ce point, avait existé une
ville romaine assez considérable. Deux raisons assez plausibles vont prouver que la
chose n’est pas du tout vraisemblable. D’abord, la situation de ce quartier dans une
plaine découverte, et, par conséquent, très-exposée aux vents du nord, n’aurait pas été
choisie par les Romains pour venir y passer la saison rigoureuse du froid; ensuite, des
hommes éclairés, tels qu’on nous représente les Romains, étaient assez prévoyans pour
ne jamais construire des habitations sur des points entièrement privés d’eau potable,
surtout quand ces points n’étaient pas importans par leur situation militaire.
D’après cela, nous ne craignons pas d’assurer qu’au quartier de Notre-Dame des Cyprès
il n’y a jamais eu de ville romaine. Cependant il y a eu une villa ou maison de campagne
dans ses trois divisions, établie par une famille romaine, et rendue aussi commode que la
localité pouvait le permettre. On a trouvé, en creusant les terres, des vestiges de bains
particuliers et un tuyau qui paraissait amener les eaux d’une chaudière dans plusieurs
baignoires de forme ronde et assez creuses pour s’y tenir assis commodément. Ces
baignoires étaient faites de briques, preuve certaine que le propriétaire de cette villa
n’avait pas assez de moyens pour s’en faire construire de plus riches et de plus
élégantes.

Aux alentours de ces ruines, on a trouvé, il y a peu d’années, plusieurs tombeaux, dont
l’un, de forme ovale et couvert d’une seule dalle, ne contenait que la décomposition d’un
corps humain; et les autres, tous de briques, renfermaient des cendres, des cuillers de
bois et des médailles de plusieurs règnes; il y en avait à l’effigie de Jules César,
d’Auguste, de Caracalla, d’Aurélien, de Domitien, de Vespasien, etc; on y trouva aussi
un petit bronze de Diane et un de Cybèle.
Ce fut sur les ruines d’une partie de la villa romaine que les pères de Lérins, qui avaient
la juridiction ecclésiastique du territoire de Calian, construisirent un monastère et
creusèrent un puits dans, le roc, à l’imitation de celui que saint Honorat, fondateur de
leur ordre, creusa dans l’île qui porte son nom. Ce puits existe encore, et touche à la
chapelle de Notre-Dame, dont la construction paraît être du douzième siècle époque à
laquelle ce quartier appartenait à Calian.
L’ancien Faventia n’existait plus depuis long-temps.
Les Sarrasins, qui avaient exercé leurs ravages dans toute la contrée, l’avaient fait
entièrement disparaître. Les habitans échappés au massacre ou à l’esclavage, s’étaient
réfugiés au chef-lieu, et c’est de là que, pendant plusieurs siècles, ils exploitaient leurs
terres.
Cependant, quoique ces personnes, originaires de Faventia, fussent nées, à Calian, elles
se regardaient toujours comme étrangères à cette ville. Aussi profitèrent-elles d’un
moment favorable pour transporter leur domicile à portée de leurs terres. Une fabrique
de faïence établie sur une hauteur, attira auprès d’elle les nouvelles habitations, et cette
fabrique donna le nom de Faïence (Faëntia) à toute la bourgade, qui, quoique dans la
juridiction de Calian, se considéra comme indépendante, et se gouverna comme telle,
jusqu’à ce qu’elle eût acquis le titre de commune, qu’on ne put lui refuser, parce que sa
population s’était considérablement accrue à l’occasion de la destruction de Calian par
Raymond de Turenne, et, plus tard, par le déguerpissement des habitans du village
d’Avaye.
Des personnes recommandables du pays assurent que depuis long-temps Fayence est
considérée comme ville royale, et que, jusqu’à la révolution de 1789, elle a joui de la
somme de 4 fr. par an, que le roi lui faisait payer pour la réparation et l’entretien des
fortifications du lieu. C’est peut-être pour cette considération que, le 28 octobre 1590,
trois commissaires délégués du parlement de Provence lui donnèrent commission de
faire raser, démolir et abattre le château de Tourrettes, village à quatre cents pas loin,
afin qu’il ne sevit plus de lieu d’asile aux carcistes et autres fugitifs.
Quoiqu’il en soit, le bourg de Fayence est le principal lieu du canton. Le climat est sain
et agréable; mais le pays est très-mal bâti. Le territoire offre des mines de charbon de
terre non exploitées, et qui seraient d’un grand secours pour l’habitation, à cause du
manque de bois à brûler.
Le sol produit du blé, du vin et beaucoup d’huile.
Les foires de Fayence sont, le lundi avant le jeudi gras, le 1er mai, le 9 septembre et le
18 novembre. Pop. 2,200 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Fayence, Calian, Mons,
Montauroux, Saint-Paul, Seillans et Tourrettes.

FEISSAT, Feissalium,Village à 7 lieues de Sisteron: son chef-lieu d’arrondissement et de


canton, dans les montagnes, près de la source du Vauson. La grande quantité de neige
qui y tombe tous les ans rend le pays froid jusqu’à la fin du mois de mars au moins. Il y
a beaucoup d’aigles sur les hauteurs. Les habitans, pour préserver leurs poules, tendent
des cordes dans les rues à une certaine hauteur. L’aigle, fondant sur sa proie et donnant
de l’aile contre une corde, tombe et reçoit la mort avant d’avoir pu reprendre son vol.
Les montagnes sont couvertes de pins et de plantes médicinales, et les vallons sont peu
fertiles; à peine donnent-ils quelques céréales et quelques plantes potagères. Pop. 95
hab.

FERRES (les). Hameau dans le territoire de Conségudes.

FERRIÈRES (Les). Hameau dans le territoire de la Valderoure.

FERRIÈRES. Voyez MARTIGUES.

FIGANIÈRE, Figaneria. Village du canton de Calas, à une lieue et demie de


Draguignan. Quelques personnes pensent que son nom primitif est fuga-ni-grorum,
parce qu’en ce lieu les habitans mirent en fuite quelques Maures africains. On assure
qu’un de ces barbares perdit sa lance, et qu’on la trouva sur le chemin qui porte encore
le nom de chemin de la lance.
Ce village est situé au pied de trois collines complantées de beaucoup d’oliviers, et
couronnées de forêts de pins, dont le mort-bois fait le commerce des pauvres gens du
pays, qui le portent sur la tête à Draguignan. La plaine, quoique ingrate et aride, offre
beaucoup de vignes. Un torrent impétueux ramasse les eaux des collines, et menace
souvent la partie du village qu’il traverse sous un long et large canal voûté. Il y a une
belle fontaine dans le village, et les eaux, chaudes en hiver et très-fraîches en été, sont
excellentes et très pures.
Les eaux de la source des Buyedoux arrosent quelques terres qui donnaient naguére des
plantes potagères et des melons très-estimés. Cette culture est entièrement négligée, on
ne sait trop pourquoi. Malgré cette source, le pays n’a pas d’eau pour mettre en
mouvement les engins qui seraient nécessaires à l’habitation. Aussi est-on souvent
obligé d’aller détriter les olives dans d’autres communes. Un moulin à Sinéty
conviendrait parfaitement aux propriétaires d’oliviers.
L’Ancien Village était, dit-on, sur la colline de Saint-Blaise, où l’on voit encore quelques
ruines. Je suis fondé à croire, d’après des titres encore existans, que l’ancien lieu était
sur la hauteur de Saint- Clément, où se trouvent réellement les ruines d’un village. Les
habitans vinrent se réfugier près d’un lieu fortifié par la nature de sa position. Au
quartier des Buyedoux, on vient de trouver en creusant dans les terres, des vestiges
d’une villa romaine, et des tombeaux avec leurs petits mobiliers.
Au quartier des Salettes il y avait autrefois un village nommé les Salles ou les Salettes,
Salesiœ; les habitans, ne pouvant y vivre, déguerpirent pour aller vivre ailleurs. Ce
quartier offre des indices de mines de fer, beaucoup de pierres coquillières, et surtout des
ostracites et des échinistes. Le 11 mai de chaque année, il y a à Figanière une foire qui se
tient tantôt au village et tantôt à la campagne Pop 1,400 hab.

FIGONS. Hameau dans le territoire d’Éguilles, près d’Aix.

FLASSAN, Flassanum. Petit village du canton de Mourmoiron, à 3 lieues de Carpentras,


et au pied du Mont-Ventoux. Il y a dans le territoire une grande forêt. Sol assez ingrat,
qui donne des céréales. Pop. 514 hab.

FLASSANS, Flatus Sanus ou Flassanus. Village du canton de Besse, à 3 lieues de


Brignoles, sous le climat le plus doux et le plus sain de la contrée. L’ancien village était
sur le haut d’un coteau en forme de pain de sucre.

On y voit encore quelques cabanes rustiques et des ruines. Les habitans abandonnèrent
ce lieu pour s’établir sur la route. Le sol est favorable aux céréales, à la vigne et à
l’olivier.
Il n’y a pas jusqu’au plus petit coin de terre qui ne soit cultivé, à moins, qu’il ne soit
couvert de bois. Les rues de l’ancien lieu sont en produit. Les bois sont fournis de
chênes blancs et verts. La rivière de Nissole arrose une partie du territoire ainsi que les
prés et les jardins; on y pêcha des truites assez bonnes. Foire, le, 20 août, Populat. 900
hab.

FLAYOSC, anciennement Castrum Flayoscum, et aujourd’hui Flayoscum,seulement.


Village à une lieue et trois quarts de Draguignan son chef-lieu de canton et
d’arrondissement. Les habitans ont une même origine que ceux du chef-lieu. A la
destruction d’Antéa plusieurs familles vinrent construire leurs cassines autour d’un
retranchement, et formèrent une petite bourgade qui fut dépendante d’Arguinaud, ville
qui prit ensuite les noms de Griminum et de Dragoniam ou Draguignan. Saint
Hermentaire, après avoir converti à la foi de l’évangile les habitans de Griminum, vint,
en 451, accorder le même bienfait à ceux de la bourgade de Flayosc, que nombre de
familles italiennes avaient rendue assez considérable. Le territoire offre un pont fort
ancien qui porte encore le nom, d’Arguinaud; il est sur la Floreil et près des ruines,
d’une maison de Templiers.
Les Sarrasins détruisirent Flayosc; mais il ne tarda pas à renaître de ses ruines. Il fut
entouré de fortes murailles flanquées de tours. On y entrait par trois portes, dont l’une
fut appelée porte dorée, et l’autre porte Paris. Près de cette dernière, on croit reconnaître
les vestiges d’un temple païen, où le peuple croit qu’on adorait une reinette (sorte de
grenouille); il semble que le nom de cette sorte d’idole s’est conservé en la place qu’on
appelle de la Reinesse.
Un puits très-profond fournissait de l’eau à la primitive habitation. Mais lorsque le
village fut devenu plus considérable, c’est-à-dire sous le règne de la reine Jeanne 1re, on
fit venir d’une lieue et demie loin les eaux d’une belle source, qui traversent le pays,
fournissent aux fontaines, font mouvoir une multitude d’engins, et arrosent de belles
prairie. en dessous du lieu.
On trouve, en creusant les terres, des souterrains fort anciens, des aqueducs qui
amenaient des eaux à quelques piscines romaines, des tombeaux, des médailles de
plusieurs règnes, et une petite chapelle sous terre, qui date du temps de la persécution
des chrétiens.
Le pays offre une fabrique de faïence, des briqueteries et beaucoup de cordonniers, qui
fournissent à presque toutes les communes de l’arrondissement de Draguignan, et ont
des magasins de dépôt dans celles du golfe de Saint-Tropez.
Le territoire produit du vin, beaucoup d’huile, du foin et des fruits. On y trouve de belles
carrières de gypse de différentes qualités.
Les foires du pays sont, les 1er mai, 10 août et 3 octobre. Pop. 2,700 habit., dont un tiers
se trouvent dans les hameaux disséminés dans le territoire.

FLAYOSQUET. Hameau dans le territoire de Draguignan.

FONTAINE-L’ÉVEQUE. Voyez SORPS.

FONTIENNE. Village du canton de Saint-Étienne-les-


Orgues, à une lieue et demie de Forcalquier, situé sur une colline. Les maisons, bâties
sans ordre et sans goût, sont très-basses, d’un extérieur rustique et toutes couvertes de
dalles au lieu de tuiles. Le territoire est assez fertile et abonde en pâturages excellens.
Pop. 212 hab.

FONTFREDDE. Hameau dans le territoire de Beaujeu.

FONT-VIEILLE. Village à 2 lieues d’Arles son chef-lieu d’arrondissement et de canton.


On retire de ses carrières toutes les pierres à bâtir, que l’on embarque à Arles et qu’on
transporte jusqu’à Marseille. Ces pierres sont du calcaire crayeux coquillier. Elles sont si
tendres, qu’avec la smille, on leur donne la forme que l’on veut. Les marais de Font-
Vieille rendent le climat malsain. On y recueille du vin, de l’huile et du mauvais
fourrage. Pop. 2,200 hab.

FORCALQUIER. Forcalquerium. Ville chef-lieu d’arrondissement du département des


Basses Alpes, avec tribunal de première instance, à 195 lieues de Paris.
Cette ville est fort ancienne et remonte à la plus haute antiquité. Sa situation prouve
assez que les premiers habitans de la Celto-Lygie ont dû établir, à-peu-près au même
endroit, la capitale d’un petit état, et non au village de Mane, ainsi qu’on a voulu le
prétendre. Les Celto-Lygiens n’étaient point agriculteurs. Ils ne vivaient, dans le
principe, que de la pêche, de la chasse et des fruits que la terre leur fournissait na-
turellement et sans soins. L’horticulture n’était même pas connue d’eux, avant l’arrivée
des Phocéens. D’après cela, à quoi aurait servi aux Celto-Lygiens d’habiter un sol gras et
fertile? Ils préféraient avec raison, une exposition saine, qu’ils trouvaient toujours sur les
amphithéâtres, un lieu fortifié par la nature, qu’on ne rencontrait pas facilement dans un
pays en plaine, souvent aqueux et couvert de marais. Il leur suffisait de trouver une
exposition au soleil levant, un bon abri contre les vents du nord, et une source d’eau
potable pour aller s’y désaltérer à chaque instant du jour. Mais il leur fallait un sol sec
pour y établir leurs cabanes; par ce moyen, il ne s’exposaient point à altérer leur santé
pendant leur sommeil. Il leur fallait un lieu fort pour pouvoir s’y reposer avec sécurité,
et y laisser leurs femmes et leurs enfans sous la garde de quelques vieillards, pendant
que les hommes agiles allaient se livrer à leurs occupations ordinaires.

Voilà pourquoi la capitale des Mémini fut établie autour du mamelon qui domine la ville
de Forcalquier, et non dans la fertile plaine de Mane, desséchée par des hommes
civilisés.
Le retranchement naturel qui se trouvait sur la hauteur à pain de sucre qui domine la
ville actuelle, a dû être très-fort. Les Mémini s’y enfermèrent, lors de l’arrivée des
Romains. Cela n’empêcha pas que l’armée de Jules César ne s’en emparât, et que cet
illustre conquérant ne distribuât les terres des environs plusieurs officiers qui s’y
établirent avec leurs familles et leurs esclaves, pour se livrer à l’agriculture. Ce fut alors
que le territoire de Mane vit convertir ses marais en jardins et en vergers, que toute son
étendue fut embellie de maisons de campagne plus ou moins élégantes, la plupart
enrichies de monumens curieux dont on découvre de temps en temps des vestiges.
Les Mémini, devenus Gaulois, conservèrent leur ancienne capitale, dont la population
fut considérablement augmentée par nombre de familles qui quittèrent des régions peu
heureuses pour venir respirer l’air de la Gaule transalpine. Peu d’années suffirent pour
que ce lieu fût très-important, et qu’il nécessitât qu’on lui donnât un gouverneur
particulier. C’est alors que cette ville prit le nom de Forum Neronis, à cause d’un marché
qui y fut établi par Tibère Néron, lieutenant de César, qui obtint, comme une retraite
honorable, le gouvernement de cette ville, à laquelle il s’attacha et ne négligea rien pour
la rendre prospère; mais il ne put obtenir que la voie romaine y passât, car elle fut
construite à une demi-lieue loin.
Plusieurs écrivains ont voulu, par je ne sais quel motif, ravir à cette ville son ancienneté,
son nom primitif et son beau marché, pour en honorer un tout autre endroit. (Voyez
l’article CARPENTRAS). La plupart des erreurs historiques et topographiques des
auteurs; mêmes les plus recommandables, proviennent de la négligence de s’être
transportés eux-mêmes sur les lieux, et de la confiance aveugle qu’ils ont mis aux
renseignemens puisés chez des personnes peu expertes et peu véridiques. Il est certain
que le moindre amateur, avec un peu de zèle, peut, en inspectant les lieux, reconnaître
les inexactitudes des écrivains qui l’ont précédé, et rendre à chaque localité ce qui lui
appartient réellement. C’est ce que j’ai cru devoir faire, après avoir exploré plusieurs
fois la Provence, et notamment le territoire de Forcalquier, qui nous rappelle de brillans
et de tristes souvenirs.
Les différentes invasions des peuples barbares ruinèrent complètement cette ville. Les
Bourguignons s’emparèrent, en 474, de la partie occidentale de la Provence jusqu’à la
Durance, et, par conséquent, du pays de Forcalquier, qu’ils possédèrent jusqu’en 536,
époque où ils en furent chassés par les Francs.
Sous ces derniers, la Provence ne fut point heureuse.
Les divisions qui régnaient parmi les souverains la livrèrent au despotisme des
gouverneurs et aux ravages des Normands, des Lombards, des Saxons, des Hongrois et
surtout des Sarrasins. Les excès que ces derniers commirent, servirent de prétexte à
Bozon, gouverneur des états de Louis II en deçà des Alpes, pour se faire couronner en
879. Alors commencèrent, à proprement parler, les rois de Provence.
Lorsque les descendans de Bozon II se partagèrent, la Provence, la portion qui échut à la
branche cadette, et qui comprenait les villes d’Apt, Riez, Sisteron, Gap et Embrun, prit
le nom de comté de Forcalquier, parce que cette ville en fut capitale. Elle fut long-temps
le séjour des comtes; mais ces princes souverains ne s’y sont jamais attachés. Ils
préférèrent faire construire un vaste palais dans la ville de Manosque,que de laisser à
Forcalquier un monument digne d’une ville capitale. Aussi les comtes de Forcalquier
tenaient leurs audiences partout où ils se trouvaient, dans la cour d’une maison, sous
l’orme d’une place publique, sous un pin à la campagne, auprès d’une fontaine, au bord
d’un ruisseau, etc. Raymond Béranger IV, dans le treizième siècle, à l’occasion du
mariage de ses quatre filles avec quatre des plus grands potentats de l’Europe, était assis
avec la comtesse sa femme au haut de l’escalier qui conduisait au clocher de Saint-
Mary; ses gendres futurs et les quatre princesses étaient sur les marches en dessous, les
principaux seigneurs venaient ensuite, et occupaient des places bien moins commodes,
et qui étaient cependant enviées par les grands vassaux, qui se tenaient presque à la
porte. D’après cela, il n’est pas étonnant que la ville de Forcalquier n’offre rien de bien
remarquable, si l’on en excepte la porte de deux ou trois maisons. L’ancienne ville se
trouvait à l’est et au midi de l’ancien fort. Elle fut détruite pendant les guerres intestines.
On en voit encore des restes considérables, la plupart couverts de lierre. La ville actuelle
se trouve bâtie en amphithéâtre, et fait face au nord. Ses rues sont étroites, tortueuses et
la plupart fort sales; et c’est ordinairement ainsi dans tous les pays où l’on cultive
l’olivier. Le terroir, quoique sec, maigre, léger et sablonneux, produit assez de blé et de
vin; mais ces récoltes sont précaires, vu que le territoire est sujet aux orages et à la grêle,
vraisemblablement à cause du voisinage de la montagne de Lure, qui n’en est qu’à
quatre lieues. La campagne n’offre ni rivière, ni source importante; aussi elle est
dépourvue de prairies et de jardins potagers; on ne peut point y établir de manufacture
propre à occuper le peuple et à donner de l’aisance au pays, qui est, j’ose dire, sans
industrie. Aussi la ville n’a qu’une pop. de 3,030 hab. Elle a une foire, le 16 août de
chaque année.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont Forcalquier, Dauphin,
Limans, Saint-Maime, Mane, Saint-Michel, Niozelles, (manque un mot), Sigonce et
Villeneuve.

FORCALQUEIRET, Forcalqueiret. canton de la Roquebrussane, à 3 lieues de Brignoles;


dans un pays rempli de collines, où l’on nourrit nombre de troupeaux de menu bétail.
Une division de l’armée de Charles-Quint mettait une grande importance à s’emparer de
ce village. Les habitans mirent de l’opiniâtreté à ne point se soumettre. Les impériaux,
après un siège de plusieurs jours, et après avoir perdu plus de deux cents hommes, se
retirèrent, honteux de n’avoir pu vaincre quelques femmes et quelques vieillards, seule
force qui défendît cette place dont la population était moindre qu’aujourd’hui, car elle
est de 260 hab. La foire du pays est le 29 août.

FORÊT. Hameau d’Aubignan. Il y un autre hameau de ce nom, dans le territoire de


Saint-Géniez-de-Dromons.

FORUM. Ce mot latin, si souvent répété dans l’itinéraire romain, désignait, non
seulement les lieux où l’on avait établi des marchés, mais encore ceux où il y avait des
greniers, des lieux de provisions pour l’armée. Les Romains avaient aussi appelé forum,
les places où le peuple s’assemblait pour les affaires, celles où l’on plaidait, etc.

FORUM-NERONIS. Voyez FORCALQUIER

FORUM-JULII. Voyez FRÉJUS.

FORUM-VOCONII. Voyez TARADEAU.

FOS-AMPHOUX, Castrum de Fos Petit village du canton de Tavernes, à 6 lieues de


Brignoles, situé sur une hauteur. Climat sain et battu des vents. Le sol produit de l’huile,
du vin et du blé excellent et recherché pour semence. Pop. 550 hab.

FOS-LES-MARTIGUES, Fossœ Marianœ, Castrum de Fossi. village du canton d’Istres,


à 10 lieues d’Aix, sur le bord de la mer, vis-à-vis l’île de Bouc.
En cet endroit, la mer s’enfonçait dans les terres et formait un golfe que les Phocéens
nommèrent Limnothalattai, nom qui signifie marais d’eau de mer. Il contenait les étangs
de l’Estomac, d’Engrenier et de la Valduc. A l’entrée de ce golfe, et du côté de l’est,
c’est-à-dire presque en face de Bouc, les Marseillais fondèrent une ville qu’ils
nommèrent Stomalimnœ. (bouche de l’Estomac), dont on voit encore des ruines, partie
sur la côte et le reste sous les eaux du golfe. Au fond de cet ancien golfe, et sur le bord
de l’étang de la Valduc, au-dessous de la chapelle de Saint- Blaise, les Avatici, peuplade
celto-lygienne, placèrent leur chef-lieu, que les Romains nommèrent Maritima
Avaticorum.
Ce fut sur les bords de ce golfe que C. Marius vint se retrancher, pour s’opposer au
passage des Cimbres, des Ambrons et des Teutons. Une presqu’île, celle qui sépare
aujourd’hui les étangs d’Engrenier et de l’Estomac, lui offrit la position d’un camp qui,
moyennant quelques fortifications, pouvait être imprenable. Mais, ne sachant pour
combien de temps il serait dans cette position, et voulant assurer la subsistance de son
armée, aidé par les Marseillais, il fit ouvrir un grand canal de communication entre le
Rhône et le Limnothalattai, lequel fut appelé Fossœ Marianœ: (Fosses de Marius). A
l’embouchure de ce canal dans l’étang de l’Estomac, on construisit des quais et des
magasins dont on a depuis peu trouvé des vestiges.
Dès que Marius eut défait les barbares devant Pourrières, n’ayant plus besoin de son
camp fortifié, il le donna aux Marseillais, en récompense des services qu’il en avait
reçus. Ceux-ci engagèrent les habitans de Stomalimnœ à aller bâtir une ville à
l’embouchure du canal, et cette ville fut appelée par les anciens géographes Marianœ
Portus. On voit encore sous les eaux les ruines de plusieurs maisons.
Après que les Sarrasins eurent détruit les fortifications des Fossœ marianœ, une partie
des habitans alla se fortifier sur une hauteur, entre l’étang de l’Estomac et le grand
marais de la Crau. Ils nommèrent ce lieu Castrum de Fossi, et ils négligèrent entièrement
le canal, qui fut bientôt obstrué sur différens points par le sable; ce qui forma plusieurs
étangs qui augmentèrent l’insalubrité de la contrée. Au dessous du village, et du côté du
midi, paraissent encore des lignes de fortifications et de vieilles tours qui bordent la
colline. Les Romains avaient creusé nombre de tombeaux dans le roc calcaire qui se
trouve dans ces fortifications; la plupart existent encore, mais ils ne contiennent plus
aucun objet antique; tout a été recueilli depuis long-temps par les amateurs qui ont visité
ces lieux.
Le pays de Fos est très-malsain. Mais dès que le canal que l’on construit depuis Arles
jusqu’à la mer en face de BOUC sera terminé, comme il traversera plusieurs étangs, l’air
en sera plus salubre, et le pays deviendra plus peuplé et plus productif. Ce canal, vers
son embouchure surtout, sera toujours d’un grand entretien, à cause des raz de marée qui
viendront le combler. En 1821, la veille de Noël. Il s’en éleva un à la hauteur de six
mètres jusqu’aux étangs d’Engrenier et de la Valduc. La mer aurait repris la place
qu’elle occupait du temps de Marius, si tous les ouvriers d’une fabrique de soude voisine
ne fussent venus rélever et fortifier les chaussées.
Cette élévation des eaux de la mer dura cinq jours.
Le territoire produit des céréales, du vin et du fruit qui n’est pas du tout estimé. Pop.
environ 1,000 hab.

FOUILLOUSE. Hameau dans le territoire de Saint-Paul, près de Barcelonnette.

FOURNEAUX. Étang dans la Camargue, qui donne lieu à un phénomène singulier qui
paraît incroyable au vulgaire. En traversant cet étang lorsqu’il est à sec, on croit voir
l’eau au-devant de soi. Plus on avance, plus cette prétendue eau recule, et l’on finit par
ne rencontrer aucun fluide: cet effet est produit par ce qu’on appelle le mirage.

FOURNIGUE. Ilot et roc de la côte maritime du dépp- artement du Var, près de Bormes.

FOURS. Village à 5 lieues de Barcelonnette chef-lieu d’arrondissement et de canton.


Dans le principe, quelques familles des Embiens, peuplade celto-lygienne qui occupait
la vallis nigra, qui est la même que la vallée où se trouve la ville de Barcelonnette,
particulièrement la rive gauche de l’Ubaye, remontèrent le Bachelard pour s’établir dans
la gorge la plus sauvage de toute la contrée.
Les Romains ne songèrent certainement pas à former des établissemens dans la vallée la
plus froide, la plus triste, et d’un accès très-difficile sur tous les points, à cause des
grandes hauteurs qui l’entourent. Ces hauteurs sont neuf mois de l’an couvertes de six à
huit pieds de neige, qui interceptent toute communication avec les lieux voisins. Nous
croyons que les barbares du nord et les barbares africains ne pénétrèrent dans cette
glacière que pour détruire le travail des hommes; et que les habitans actuels sont
d’origine gauloise, ainsi que l’on peut en juger par leurs usages qu’ils tiennent à
conserver et à perpétuer.
Tout comme les anciens Gaulois, les Fournaisiens sont d’une haute taille, d’une forte
constitution et d’une physionomie agréable; tout comme les Gauloises dont parlent
Diodore de Sicile et Amien Marcellin, les Fournaisiennes, d’une force physique
extraordinaire et d’une agilité inconcevable, remplacent les bêtes de somme pour
transporter de lourds fardeaux sur des chemins hérissés de précipices, où les bourriques
et les mulets ne sauraient passer. Pour que leur taille, leur force, leur physionomie ne
dégénèrent, les habitans de ce lieu sauvage tiennent à ne point s’unir par le mariage à
des familles autres que celles originaires de leur pays. Par ce moyen aussi ils conservent
leurs anciens usages qui sont assez remarquables, surtout ceux à l’occasion des
naissances, des décès et des mariages.
A l’occasion d’un baptême, on n’admet point un parrain ni une marraine qui aient un
vice de conformation ou quelque défaut moral, de crainte que le néophyte ne reçoive
l’impression de quelques-uns des vices de ceux qui l’ont présenté aux fonts du baptême.
Le père et la mère de l’enfant choisissent la marraine; et celle-ci, contrairement aux
usages des autres pays, choisit elle-même le parrain, privilège qui peut avoir rapport à
celui des anciennes Druidesses dans certaines cérémonies religieuses. L’accouchée reçoit
six douzaines d’œufs de la part de la marraine, et elle est tenue de les manger avant de
quitter son lit. Par ce moyen, les femmes ne précipitent pas leurs relevailles, ce qui
affaiblirait leur force et leur santé au préjudice du nourrisson.
Si une personne meurt, la paille de son lit est entassée dans le second champ qui
avoisine l’habitation du défunt, sans qu’il soit permis de toucher à cette paille, ni d’en
faire du fumier. Cet usage semble dire qu’on ne doit point remuer la terre qui couvre la
fosse du mort, avant que le corps soit dans une entière destruction; ou peut-être encore,
qu’on ne doit point se trop hâter de dissiper ce qu’un parent a acquis par beaucoup de
peines.
A côté de la maison commune du village est un hangar renfermant une salle de banquet
uniquement affectée pour un grand repas qui a lieu de rigueur le jour du premier
anniversaire d’un décès. Parens, amis, étrangers, chacun a le droit de prendre place à ce
triste festin, où l’on sert principalement des œufs et du riz.
Le quinzième jour avant celui fixé pour la célébration d’une noce, on procède aux
fiançailles. Les parens de part et d’autre s’assemblent au domicile de la prétendue, et
après une demande d’union réciproque, le plus proche parent de la fille conduit les deux
futurs époux dans une autre pièce d’appartement, pour les y laisser seuls un instant, afin
qu’ils s’assurent mutuellement et sans contrainte s’ils n’éprouveront pas du dédain et de
la répugnance. Après, ils reviennent au milieu des deux familles, ils embrassent chacun
en particulier, en le nommant par le degré de parenté qui existera après l’union. Ils
promettent alors en leur présence de s’unir pour toujours. Les parens proclament aussitôt
le mariage, qui est annoncé en dehors par une décharge de mousqueterie. Cette
cérémonie et le repas qui la suit ne se font jamais avant l’heure de minuit.
Le jour de la bénédiction du mariage, au moment de se rendre à l’église, le père ou, à
son défaut, le plus proche parent mâle de la future, lui présente un verre plein d’eau, et
dans lequel il a jeté une pièce d’or ou d’argent, pour lui marquer que ce sont les derniers
soins qu’elle recevra de lui. La fille boit l’eau, prend la pièce de monnaie et se met à
pleurer, circonstance d’obligation, parce que ces pleurs doivent témoigner le regret
qu’elle a de quitter ses parens pour suivre un étranger.
Le même parent qui a donné le verre d’eau, conduit ensuite la jeune épouse à l’église; et
l’époux, en se plaçant auprès d’elle, a soin de poser un de ses genoux sur son tablier,
pour exprimer la possession. Mais ni l’un ni l’autre ne font usage du sel, pour se
préserver du prétendu maléfice qu’on appelle nouement de l’aiguillette, ainsi qu’on le
pratique dans certaines contrées de la basse Provence.
Après la bénédiction nuptiale, le plus proche parent de l’époux donne à son tour la main
à la nouvelle épouse, et il la conduit dans la partie de l’église où elle devra se placer
désormais parmi ses nouveaux parens.
Au sortir de l’église, ce même parent conduit la mariée vers une pointe de rocher qui
s’élève seule au milieu d’une petite place, non loin de la paroisse, et qu’on appelle la
pierre des épousées. Il l’y assied lui-même, en ayant soin de lui faire placer un pied dans
un petit creux de la pierre, qu’on dirait avoir été pratiqué exprès, quoiqu’il soit fait par la
nature.
Là, elle reçoit les embrassemens de toutes les personnes de la noce.
Chacun lui fait cadeau d’un anneau. Il arrive, quand la noce est nombreuse, qu’on lui en
garnit tous les doigts, en les plaçant les uns sur les autres.
A peine le dernier anneau est-il placé, qu’il se livre un simulacre de combat entre les
habitans du hameau de l’épouse et ceux du hameau de l’époux. (Le territoire de cette
commune offre trente-six hameaux). Cette lutte honorable est un témoignage de l’estime
publique, et il faut, pour la mériter, une conduite exempte de reproches.
La paix étant rétablie, les deux partis se réunissent, et on s’achemine vers la maison de
l’époux, dont la porte se trouve fermée. Celui qui conduit la mariée frappe, et la
personne restée exprès dans la maison demande: Qui est là? Ce sont, répond le premier,
des voyageurs fatigués qui cherchent un gîte. Il lui est réparti qu’on ne peut pas ouvrir,
parce qu’on attend une nouvelle maîtresse de maison. Alors une autre personne du
cortège, prenant la parole, annonce l’arrivée de la nouvelle épouse, et la porte s’ouvre
aussitôt. Après des salutations réciproques, l’épouse s’avance, et on lui présente trois
petits pains. Elle en donne deux à ceux qui sont dans la maison, et un à ceux qui sont
dehors. Par l’acceptation de ces pains, la jeune épouse fait un acte de prise de possession
du logis, et la distribution inégale qu’elle en fait, signifie qu’elle doit être économe et
prodiguer ses soins à ceux de la maison de préférence aux étrangers. Après ce partage
des pains, le plus proche parent de la mariée vient lui présenter dans un plat deux
poignées de froment qu’elle prend et qu’elle répand sur la tête des assistans en augure
d’abondance. Enfin, la dernière cérémonie qui se pratique avant d’entrer dans la maison,
consiste à présenter aux époux de la soupe dans une seule assiette et une cuiller à chacun
d’eux, pour leur faire entendre qu’il doivent désormais vivre en commun, et comme s’ils
n’étaient qu’un seul et même individu.
Ce jour-là, la table de l’hospitalité est servie, et chacun, habitant ou étranger, a droit de
s’y asseoir sans y être invité.
On voit par ces cérémonies, transmises par l’ancien maire du lieu, que les gens de Fours
tiennent à des usages très-anciens, et qu’elles dérivent en grande partie de celles
pratiquées par les Romains dans le mariage par coemption. On retrouve ici le
paranymphi, la cérémonie du domiducus, et la plupart des leçons morales que, chez ce
peuple, la nouvelle épouse recevait sous l’apparence de pratiques mystérieuses.
Les habitans de Fours, tous ceux à même de supporter les fatigues d’un long voyage,
quittent le pays avant le froid. Chaque hameau va exploiter une province ou un royaume
particulier, tels que la Bourgogne, la Normandie, la Flandre, la Belgique, la Hollande, le
Danemark, la Suède, etc.; et au retour, chacun apporte des richesses en numéraire, en
ustensiles et autres objets souvent précieux.
Les hommes, dans leurs voyages comme dans leur pays, ont un chapeau à trois pointes,
un long habit à la française, une veste, une culotte courte et des guêtres d’étoff e
commune qu’ils ont fabriquée eux-mêmes; les femmes, un mouchoir de couleur sur la
tête et pendant sur le derrière, une casaque et un jupon d’étoffe commune; et pour
chaussure, des chiffons ou des peaux d’animaux entortillés à leurs pieds, qu’elles placent
sur un morceau de planche de forme ronde, et qu’elles fixent par une sorte de trélis de
corde. Cette chaussure s’appelle chamberre, porter des chamberres. Les femmes, dans
leurs voyages, portent tout leur petit nécessaire dans leur tablier troussé, et dans un sac
de toile qu’elles ont en guise de havre-sac. C’est ainsi qu’elles font deux ou trois cents
lieues sans faire aucun séjour, pour ne retourner dans leur climat qu’après avoir fait une
petite fortune. Elles quittent avec plaisir les grandes villes, les villes capitales, pour venir
passer le reste de leur vie dans un chétif village qui n’a que 595 hab.
La montagne des Lans orne la vallée de Fours du côté du nord, et va se réunir à la
montagne de l’Arche. C’est du sommet de ces montagnes, qui sont les plus hautes de la
Provence, que la vue s’étend et se perd dans le plus grand lointain qu’on puisse
imaginer. L’œil du voyageur ne peut plus distinguer au fond de ce vaste horizon, ni ce
qui est terre, ni ce qui est mer. Tout lui paraît ciel ou vapeur, et la vue des objets les plus
éloignés lui échappe. Pour éprouver des jouissances, l’observateur porte d’abord ses
regards sur les élévations et dans les vallées qui l’entourent, et ensuite il explore la riche
sommité sur laquelle il se trouve. Elle est non seulement fertile en plantes médicinales et
en fleurs de parterre, mais encore en pétrifications et en insectes fort rares et très-variés,
qui font les délices et l’admiration des amateurs de la science. Ce sont ces hautes
montagnes qui ont fourni à un habile naturaliste du chef-lieu du département les
principaux objets qui enrichissent son cabinet. Parmi les pétrifications, on y voit des bois
de toutes les espèces, conservant encore leurs veines, leurs couleurs et leurs nœuds; des
poissons fossiles, des coquillages fossiles ou minéralisés très-variés, comme ommonites
tuberculées, lombriculaires, etc., nautilites de plusieurs genres et de plusieurs espèces,
des pectinites, des gryphites, des bélemnites, des fungites, des astécites, des polypites,
des éthites, des géodes, des orbulites, etc. On y voit aussi des pierres herborisées, et
d’autres représentant des espèces de ruines, comme les pierres dites de Florence.
Pour ce qui concerne les insectes, je ne citerai que les papillons, qui offrent: les sphinx
ligustri, atropos, ocellatus, euphorbia, phagea, fausta; les papilio podelirius, machaon,
daplidice, polcens, Antiopa, Paphia, Aglaïa, Apollo, Hermione, rumina, Mnemosine,
Cleopatro, Camilla, dia,fidia, blundina, Eupheno, Semele, Fauna, Circe, ligea, etc. etc.;
les bombix villica, hera, quercifollia, jacobea, pulchella, grossulariata, noctua, sponsa,
promula, et une infinité d’autres qu’on fera connaître dans un ouvrage particulier que les
amateurs attendent avec impatience.

FOUX (LA). Hameau de la Valderoure. On donne en Provence le nom de la Foux à des


sources plus ou moins abondantes.

FRAXINET, OU FRAXINETUM. Voyez GARDE-FREINET.

FRÉJUS, Forum Julii, aujourd’hui Foro Julium. Ville épiscopale, chef-lieu de canton du
département du Var, sur la dernière racine apparente de l’Estérel, à vingt minutes de la
mer, trois quarts de lieue de l’embouchure de l’Argens, et 7 lieues de Draguignan.
Dans le principe, quelques Celto-Lygiens de la nation sueltérienne, se livrant à la pêche
et à la piraterie par besoin et par passion, se construisirent des cabanes près du rivage de
la mer, et, par là, ils jetèrent les fondemens de Fréjus.
Peu d’années après que les Phocéens eurent fondé Marseille, des Gaulois qui, sous la
conduite de Sigovèse et de Bellovèse, se dirigeaient vers l’Italie, trouvant le climat de la
Provence assez doux, abandonnèrent leurs chefs, et s’établirent sur le littoral, depuis
Marseille jusqu’au Var. C’est de cette époque que date la fondation de Fréjus, qui vit
changer ses cabanes en une multitude de maisons construites dans le goût de celles qui
formaient la ville de Marseille.
Jules César trouva donc en ce lieu une population agglomérée et une ville assez
considérable.

Il n’en fut pas le fondateur, comme certains auteurs ont voulu le prétendre, mais
simplement le restaurateur et le protecteur. Il y fit bâtir de nouveaux quartiers, y établit
un marché et donna à la ville le nom de Forum Julii. Il y fit aussi commencer un port qui
devait faire de Fréjus une des principales villes des Gaules.
Le port de Fréjus ne fut achevé que sous Auguste, c’est-à-dire dès que cet empereur eut
jugé par-lui même de l’importance de cette ville, et qu’il y eut envoyé une colonie de
soldats de la huitième légion, pour l’aider à exécuter les projets d’augmentation et
d’embellissement qu’il avait conçus. Il fit construire un arsenal pour la marine, un phare
pour servir de guide aux vaisseaux, et un amphithéâtre pour amuser les peuples de la
contrée. De plus, il fit venir à grands frais les eaux de la Siagne de Mons, prises à la
source même, par le moyen d’un superbe aqueduc en maçonnerie qui, à cause de ses
sinuosités, parcourait environ dix lieues de pays. Le grand attachement qu’Auguste
montra pour Fréjus fit que Pline appela cette ville Octavonorum colonia.
Auguste ne borna pas là ses faveurs pour une ville qu’il affectionnait. Après avoir fait
conduire dans le port de Fréjus les vaisseaux dont il s’était rendu maître à la célèbre
bataille d’Actium, il fit bâtir une maison de bains qui avait soixante-deux mètres de
longueur sur trente de largeur; un panthéon dont on voit des vestiges à la ferme de
Villeneuve, un beau théâtre, et un emplacement où les jeunes gens s’exerçaient à la
palestre, à la lutte et aux autres jeux de force et d’adresse usités de ce temps.
La ville, qui avait alors environ une lieue de circonférence et quarante mille âmes de
population, fut entourée de fortes murailles flanquées de tours très solides, et de quatre
portes magnifiques, dont les principales étaient la porte dorée, ainsi nommée, parce
qu’elle avait des clous à tête dorée, et la porte romaine, qui était celle qui faisait face à la
route d’Italie. Cette dernière fut renversée par un coup de tonnerre, au commencement
du dix-huitième siècle.
Agrippa ne contribua pas peu à l’embellissement et à la prospérité d’un lieu qu’il
affectionnait. Plusieurs auteurs pensent que ce fut lui qui y amena les eaux de la Siagne
de Mons, attendu que cet empereur n’effectuait jamais que des entreprises de difficile
exécution.
Les habitans de Fréjus, guidés par Valère Paulin leur compatriote, contribuèrent
beaucoup à affermir Vespasien sur le trône auquel ses soldats l’avaient élevé. Fabus
Valens, ancien favori de l’empereur Vitellius, ayant trahi son maître, forma d’abord le
dessein de se saisir de l’armée navale, d’aborder un des ports de la Gaule narbonnaise,
d’allumer dans cette province la guerre civile, et de soulever ensuite toutes les Gaules et
l’Allemagne contre son souverain. Il se met en mer, et la tempête le jette dans le port de
Monaco, où il ne trouva que de la répugnance contre le projet qu’il avait conçu.
Valère Paulin ayant appris que Vespasien avait été salué empereur, abandonna la cause
de Vitellius, qu’il savait indigne d’un trône qu’il avait usurpé, pour ne s’attacher qu’à
l’homme qui venait d’y être élevé par son mérite. Il vint dans son pays, où il savait avoir
l’estime et la confiance de ses compatriotes, réunit secrètement la jeunesse fréjusienne,
monta plusieurs bâtimens légers qui se trouvaient dans le port, fut surprendre Valens
qu’il savait avoir été jeté par une seconde tempête sur les îles Sthœcades (les îles
d’Hyères), lui livra bataille, se saisit de sa personne, lui fit trancher la tête, et l’apporta à
Fréjus pour la montrer au peuple. Les Vitelliens ayant appris la mort de ce favori dont ils
ne connaissaient pas encore la trahison, perdirent courage, et ne balancèrent pas à se
ranger du côté de Vespasien. Aussi cet empereur en témoigna sa reconnaissance à la
ville de Fréjus, en lui accordant tout ce qu’elle lui fit demander.
La ville de Fréjus ne fut point bâtie sur le cratère d’un volcan éteint, ainsi que plusieurs
auteurs l’ont cru, mais sur une coulée de lave qui annonce qu’il y a eu un volcan dans le
voisinage; non point dans le bas pays, mais bien sur une des hauteurs qui forment la
montagne de l’Estérel. Les murailles et les principaux édifices de Fréjus furent en partie
construits avec des pierres volcanisées, tirées d’une carrière qui tenait à l’ancienne ville,
et que l’on voit encore près de la fontaine dite l’Agachoun. On ne sera pas surpris qu’il y
ait eu un volcan aux environs de Fréjus, quand on saura que tout le long de la côte du
département du Var, on trouve des cratères, des pierres volcanisées, de la lave, de la
pozzolane quelquefois aussi bonne pour la construction que celle qu’on fait venir à
grands frais de Rome ou de la Sicile.
Cette ville, célèbre par sa vaste étendue, sa population et sa situation maritime, célèbre
par les hommes illustres qu’elle a fournis, célèbre encore par le second triumvirat qui y
fut signé entre Antoine et Lépidus; cette ville subsista long-temps dans l’état florissant
où elle avait été mise par les Romains. Mais malheureusement elle fut surprise et
saccagée plusieurs fois par les barbares et par les pirates. En 940, les Sarrasins du
Fraxinet abattirent une grande partie des remparts de Fréjus, détruisirent les tours les
plus fortes, pillè- rent les maisons et les incendièrent, ce qui rendit le pays désert
pendant trente ans, c’est-à-dire jusqu’à ce que Riculphe, évêque de cette ville, ayant fait
construire la cathédrale, y appelât le clergé et les anciens habitans qui s’étaient réfugiés
dans la campagne ou dans les lieux circonvoisins.
Vers l’an 1475, à la suite d’une vive contestation entre le pape et le roi René, les
membres du chapitre de Fréjus, pour avoir embrassé la cause du roi, furent
excommuniés. Les habitans de cette ville, privés de tout exercice divin, allèrent, le jour
des Rameaux, dans les paroisses voisines pour y célébrer leurs devoirs religieux. Des
corsaires profitèrent de ce moment pour venir achever de détruire ce que les barbares
n’avaient fait que commencer. Ils pillèrent et brûlèrent indistinctement toutes les
maisons, et ne laissèrent qu’un monceau de cendres. Ce fut ainsi que toute l’ancienne
grandeur de cette ville disparut pour ne plus reparaître.
En 1536, Charles-Quint, après avoir fait incendier la forêt de l’Estérel, et fait périr par
les flammes les femmes, les enfans et les vieillards qui s’y étaient cachés pour éviter les
insultes d’une soldatesque ennemie, fit son entrée triomphale dans la ville de Fréjus, qui
n’avait en ce moment pour tous habitans que des chanoines, des moines et des abbés.
Par ses ordres, les églises furent dépouillées de leur argenterie, des vases sacrés, des
reliques et autres objets précieux. Après, comptant posséder la Provence pour toujours,
et voulant singer les empereurs romains, qui restaurèrent la primitive ville, il ordonna de
réparer le port pour y amener les vaisseaux du roi de France, et de remettre à neuf
l’amphithéâtre. Ensuite, à l’imitation de Jules César, qui avait donné son nom à Fréjus, il
voulut aussi donner le sien à cette ville: il la nomma Charleville, et la désigna comme
capitale d’un duché qu’il venait de créer. Cette gloire ne fut pour lui qu’éphémère; et un
mois après, c’est-à-dire lors de sa retraite précipitée, ses prétendus sujets de Charville
faillirent lui faire subir le même sort que celui qu’il avait fait éprouver lui-même aux
habitans de la contrée dans la forêt de l’Estérel.
La mer qui, du temps des Romains, venait baigner les murs de la ville, s’est retirée
d’environ vingt minutes. Les atterrissemens de la rivière d’Argens, ceux du torrent du
Reirant et les flots de la mer qui poussent continuellement des sables vers le rivage, ont
comblé peu à peu le port qui a été long-temps un lieu infect et pestilentiel. On l’a depuis
peu desséché et livré à l’agriculture, ce qui a fait un grand bien pour la salubrité du pays.
La chapelle de Saint-Antoine fut bâtie sur un môle flanqué de tours, dont on voit encore
quelques vestiges. Il paraît que ce môle fut construit afin de mettre les vaisseaux à l’abri
des vents qui s’y font vigoureusement ressentir, et d’y ménager tout autour un aqueduc
qui conduisît de l’eau potable dans le port, pour la commodité des vaisseaux et des
personnes domiciliées dans cette partie de la ville. Une des quatre tours de ce môle a été
prise dernièrement, par un savant observateur, pour un petit phare, tandis qu’elle n’était
qu’un poste pour les vigies qui étaient nuit et jour en observation. Un phare existait à
Fréjus; mais il se trouvait sur la partie la plus élevée de la ville. On en voit encore des
restes très-apparens sur lesquels on ne saurait se méprendre.
Des restes d’aqueduc se voient encore à quelques minutes de la ville, sur la route
d’Italie. Ce sont des arcades qui s’élèvent jusqu’à environ dix-huit mètres. Cet aqueduc
était le même qui amenait à Fréjus les eaux de la source de Mons. Il subsiste encore en
grande partie, quoique coupé sur différens points.
Le cirque ou amphithéâtre se montre encore sensiblement, quoique dans un état de
délabrement complet. On ne peut reconnaître son ancienne architecture, ni ce qui
pouvait le distinguer des autres monumens semblables qui se trouvaient dans les Gaules,
quoique, par des fouilles récemment faites, on ait été convaincu qu’il avait du être d’un
goût recherché. Tout ce que nous pouvons affirmer, c’est qu’il avait environ cent
cinquante mètres de longueur.
L’église cathédrale de cette ville offre un baptistère en bon état qui a dû servir de temple
à quelque divinité du paganisme; il est formé de huit colonnes de granit très-dur, dont les
chapiteaux, tous d’ordre corinthien, sont de marbre blanc. Ce petit monoptère est le seul
monument ancien qui ait échappé à la barbarie des hommes.
On découvre de temps en temps, enfoncés dans les terres, des restes de plusieurs autres
édifices, des morceaux d’architecture, des tombeaux, des médailles, des dieux lares et
des statues de plusieurs dimensions. On cite principalement une statue de Vénus-Uranie,
qui fut trouvée il y a environ 180 ans. Elle était d’un fort beau marbre. Le sculpteur
trouva dans le bloc une veine rouge qu’il fit adroitement tomber sur la joue, par la
manière habile dont il disposa la figure. Cette statue ainsi que plusieurs autres pièces
très-curieuses, fut envoyée à Paris, ville qui se plaît à s’enrichir des dépouilles des
autres, sans leur donner des preuves de sa reconnaissance. Il n’y a guère que les peuples
barbares, que les peuples ignorans, qui laissent dépouiller leurs pays de ce qu’ils ont de
plus précieux.
Dans la terre dite Belle-vue, on a trouvé dernièrement une sorte de cimetière contenant
une grande quantité de tombeaux en briques romaines, un cercueil de sapin renfermant
une caisse de plomb et les cendres d’un jeune enfant, plusieurs vases cinéraires en pierre
d’environ vingt pouces de hauteur, avec la figure de plusieurs dieux, et une tête qu’on
présume être celle de la statue d’Agrippa.
Partout, dans le territoire de Fréjus, on a découvert des inscriptions plus ou moins
intéressantes, qui ont été décrites par la plupart de ceux qui ont écrit sur la Provence, et
dont voici les deux principales. La première est un monument que les habitans de cette
ville élevèrent en l’honneur de l’empereur César-Lucius-Domitius Aurélien, appelé
Restaurateur de l’univers, pieux, heureux, invincible, Auguste, qualifié de grand pontife,
et surnommé Germanique, parce qu’il avait remporté de grandes victoires sur les
Germains. C’est pourquoi on ajoute à ce titre celui de Maximus. Il est honoré du titre de
très-grand et de Gothique, parce qu’il défit complètement les Goths; il est encore appelé
parthique, parce qu’il avait vaincu les Parthes.
La seconde est un monument de reconnaissance de la ville de Fréjus envers un de ses
protecteurs, qui était tribun des soldats de la huitième légion et grand prêtre de la
province narbonnaise, etc.

RESTITVTOR ORBIS
IMP. CAES.
L. D. AVRELIANO
PIO. FEL. INVICTO
AVG. PONT.
MAX. GERM. MAX.
GOT. MAX. PART. MAX.
TRIB. P. IIII. COS. III
P. P. P. COS.

V

———
ET PHILOMVS
Q. SOLONIO. Q. F. VOE
SEVERINO
EX V DECVRIIS EQVO
PVBLICO LVPERCO
IIII. VIR. AB. ÆNAR.
PONTIFICI
FLAMINI PROVINCIÆ
NARBONENSIS
TRIBVNO MILITVM LEG.
VIII. AVG.
CIVITAS FOROIVLIENSIVM
PATRONO

En voici une autre qui a été transportée à la bibliothèque de Draguignan.

DI MAN.
NVMSAE. CAESIAE. G. NVMISI. F
CONIVGI. PIENTISSIMAE. VIXIT
ANNIS. LX. L. SOLICIVS. AVRELIAM
D. LEC. V. MAC. ET. LEG P. MINER
VIAE. P. FIDELIS. VIVO. ET. NV
MISIVS. CHRISVS. LIBERTVS. SIB.
ET SVIS. FECERVNT

En Provence, on appelle paluns et paluds, des marais desséchés qui cependant


conservent toujours leur nature marécageuse, parce que, dans la saison pluvieuse, ils
restent inondés. Le sol de ces paluds ou paluns est très-approchant de celui des
tourbières. Il ne paraît même formé en beaucoup d’endroits que de débris de plantes
aquatiques réduites en un terreau charbonneux.
La partie ouest du territoire de Fréjus offre, sur une très-grande étendue, des garones qui
n’ont presque pas d’écoulement, quoique saignées par de larges fossés dans lesquels
l’eau reste stagnante ou s’infiltre dans les terres qui avoisinent ces fosses; ce qui fait que,
quoique ces garones paraissent sans eau. il s’en exhale pendant l’été des miasmes
délétères. Aussi, quoi qu’on fasse, quelque moyen qu’on emploie à Fréjus, le climat sera
toujours le même; et les étrangers qui, dans la saison des chaleurs, recevront et
respireront la rosée du soir et du matin, paieront cher leur imprudence.
Fréjus est privé d’eau potable. On a recours à celle des puits publics ou particuliers. La
plupart de ces puits tirent leurs eaux du biez, qui est une dérivation de la rivière
d’Argens, et ces eaux ne peuvent être que mollasses et d’un goût vaseux. Depuis peu, on
a construit à Fréjus une machine hydraulique d’un grand entretien, qui élève les eaux du
biez à une grande hauteur, les jette dans des purgeoirs, et de là, elles vont alimenter deux
fontaines qui n’ont d’autre utilité que celles de l’agrément, et de servir pour abreuver les
bêtes de somme. Cependant il est des époques où l’on peut les employer pour les lavoirs
de cuisine, et c’est lorsque l’on craint que celles des puits ne tarissent.
Nulle ville de Provence ne se présente sous un si bel aspect que celle de Fréjus. Elle
n’est point resserrée par des montagnes qui la pressent et l’étouffent, en la privant de la
circulation de l’air et des vents alizés; elle n’est point environnée d’un terrain sec,
maigre et infertile, qui rende la campagne triste et fatigante à l’œil du voyageur qui aime
à trouver le beau, le bon et le varié. La ville se montre, de plusieurs lieues loin, sur une
petite éminence qui domine, d’un côté une vaste étendue de mer qui se perd dans un
vaste horizon, et de l’autre une grande plaine couverte de moissons, de prairies, d’une
multitude de jardins, de plantes aquatiques, de lacs et de ruisseaux, où, pendant l’hiver,
l’oie, le canard, la sarcelle et autres oiseaux de passage viennent par milliers chercher
une nourriture abondante et servir de proie aux chasseurs de la contrée. De la ville, on
découvre la vallée de l’Argens et de la Nartubie, qui se prolonge jusqu’à Antéa,
ancienne capitale du pays.
A droite et à gauche, ce sont des montagnes schisteuses, moitié nues et moitié couvertes
de pins maritimes, dont la verdure semble se marier avec celle de l’olivier qui décore les
montagnes calcaires qui forment le fond du tableau. Dans la plaine, on admire au loin le
cours de la rivière d’Argens, et plusieurs villages dont la réflexion des rayons du soleil
fait briller les façades des maisons et la flèche des clochers.
Le territoire de Fréjus est d’une étendue immense. Il tient à l’embouchure de l’Argens et
à celle de la Siagne. La partie à l’est est formée par la montagne de l’Estérel dont nous
avons déjà donné l’article, et auquel nous renvoyons le lecteur, et par le hameau de la
Napoulle, que nous citerons en son lieu avec des détails intéressans.
La côte maritime, au revers de la montagne de l’Estérel, offre quelques points qu’il
importe de connaître. En partant de la Napoulle pour venir à Fréjus, on marche sur la
voie aurélienne, vieille route existante encore en partie, et connue sous le nom de
chemin aurélian. On trouve d’abord la plage Théle, vulgairement Théoule. C’est dans
cette petite plaine que l’on ensevelit sainte Tulle, au rapport de saint Eucher son père.
Sur cette même plage se trouve une fabrique de savon abandonnée, qui a dû être la plus
considérable de la Provence. Les fabricans de Marseille jugèrent à propos d’en faire
l’acquisition, pour n’être plus forcés de soutenir une concurrence qui leur eût été
onéreuse.

Une belle fontaine d’eau potable coule naturellement d’un rocher et tombe dans la mer.
Les bâtimens viennent y faire aiguade, sans avoir besoin de débarquer les futailles.
Après vient le cap Théoule, le cap Roux et la grande caranque d’Antéa, où se trouve une
autre fontaine propre à fournir de l’eau aux navires. C’est dans cette caranque que les
premiers Marseillais, qui jetèrent les iondemens d’Athénopolis sur la hauteur de
Monturbis, devaient tenir leurs vaisseaux comme en un bon abri. C’est là aussi où les
Anglais, pendant la derrière guerre contre la France, envoyaient des débarcations pour
faire aiguade, et pour tâcher de surprendre les troupeaux de chèvres qui broutaient au
bas de la montagne. La conformité du nom de cette caranque avec celui de l’ancienne
capitale des Sueltéri, annonce assez que cette côte appartenait à ce peuple, et non aux
Oxibiens, ainsi qu’on n’a pas craint de l’avancer.
Près de la caranque d’Antéa, il y en a deux autres, celle de Saint-Barthélémy et celle
d’Aurèle, dont le nom dérive de la voie aurélienne qui y passait. Non loin de cette
dernière se trouve une tour dont quelques personnes ont fait grand cas, quoiqu’elle
n’offre rien de rare ni d’ancien. Sa mauvaise construction prouve assez qu’elle n’a point
été élevée comme fortification. A une petite distance de cette tour, et toujours sur le
chemin aurélian, qui est, j’ose dire, impraticable, on trouva une pierre milliaire avec
celle inscription:

TRIBVNICIA
POTESTATE XX
VIIII

Près du torrent de Boulouris, on trouve des carrières exploitées par les Romains; elles
sont dans le même état que lorsqu’on les abandonna. Le porphyre était exploité par
banquettes et à la trace. On remarque, dans le roc taillé à pic, les rainures pratiquées
pour enlever les blocs. Dans une de ces carrières, on trouve encore deux blocs
parallélépipèdes ébauchés et prêts à être enlevés; ils ont sept mètres de longueur sur
quatre-vingt millimètres d’épaisseur; ils paraissent avoir été préparés pour des fûts de
colonnes de la même dimension que celles qui se trouvent dans une prairie près de Riez.
La partie ouest du territoire de Fréjus est une vaste plaine qui s’étend jusqu’à la mer et à
la rive gauche de l’Argens. Cette plaine était, dans le principe, occupée par la mer, et ne
formait qu’un grand golfe. Les charriemens de la rivière et de plusieurs torrens ont non
seulement comblé ce golfe, mais, depuis le séjour des Romains, ils ont exhaussé le
terrain, de manière à ce que les eaux pluviales ne peuvent plus s’écouler. Les terres
labourables produisent beaucoup de blé, à cause de leur fertilité. Les jardins, qui sont
considérables, donnent abondamment des légumes et surtout des plantes potagères. Ces
dernières sont superbes, mais sans goût, à cause des eaux molasses dont on les arrose.
Il en est de même des fruits de toutes sortes d’espèces.
Les foins sont également peu estimés; mais les pois-chiches et tout ce qui est arrosé par
le Reirant jouissent d’une réputation bien méritée.
Les garones de Fréjus, ainsi que celles d’Arles, sont garnies de joncs, de masses et de
roseaux panachés (arundo phragmites). Ces derniers sont entièrement négligés, tandis
qu’on pourrait les couper en été, en faire des fascines, et les enterrer dans les vignes,
comme un engrais qui a l’avantage d’entretenir la vigueur des plants sans altérer la
qualité du vin. Le tamaris est l’arbuste qui vient naturellement au bord des ruisseaux du
territoire. Des hommes laborieux ne manqueraient pas de substituer à leur place l’osier
cultivé, dont le produit ne peut être contesté, ne fût-ce que pour la confection des
futailles et la fabrication des paniers. Le roseau cultivé (l’arundo-donax) croît également
sur les bords des fosses ou ruisseaux, et sans aucune espèce de soin. Fréjus en a
beaucoup, et ç’a été pendant long-temps le principal objet de son commerce.
On expédiait ces roseaux coupés en tuyaux propres à en faire des époulets ou des
peignes pour les tisseurs. Ce commerce a considérablement perdu, et les roseaux ne
serviront bientôt plus que pour faire des claies propres à y mettre sécher des figues ou à
d’autres usages peu importans.

La patate du Malaca, dont la culture a été abandonnée dans le département des Bouches-
du-Rhône, a très-bien réussi dans celui du Var. On en a fait un essai en grand dans le
territoire de Fréjus, près de la Napoulle.
Ce fruit a donné des tubercules sans nombre et d’un goût exquis.
L’olivier vient assez bien sur les amphithéâtres du territoire; mais l’huile en provenant
n’est pas de la première qualité.
Depuis quelques années, on a fait de grandes plantations de figuiers qui, dans la suite,
pourront donner un bénéfice considérable, mais jamais aussi important que celui de la
culture du tabac, si elle n’était pas contrariée par l’administration. Les qualités de tabac
qu’on recueille dans le département sont reconnues supérieures, et on ne les emploie que
pour la première qualité.
La ville de Fréjus offre quelques monumens publics qui méritent l’attention des curieux.
Nous citerons le palais épiscopal, le séminaire, et surtout l’hôpital qu’on vient de
construire sur un plan qui fait le plus grand honneur à l’architecte qui l’a conçu.
Fréjus est célèbre, non seulement par son origine, par son ancienne importance et par les
hommes illustres qu’il a produits, mais par le débarquement de Napoléon, lorsqu’il
revint d’Égypte pour renverser le gouvernement directorial, et par son embarquement en
1814, lorsque, déchu de l’empire, on le conduisait à l’île d’Elbe. Le pays est réputé par
les bons anchois qu’on y sale, et qui sont, sans contredit, les meilleurs connus.
Il y a deux foires dans l’année, savoir: le troisième lundi après la fête de Pâques et le 6
octobre. Populat. 2,635 hab.

Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Fréjus, Bagnols, le Muy, le
Pujet, Saint-Raphaël et Roquebrune. Voyez LA NAPOULLE, ESTÉREL et SAINTE-
BAUME.

FRETTA. Ville ancienne détruite par les Sarrasins, vers la fin du huitième siècle. Elle se
trouvait dans le territoire de Saint-Rémy. On ne doit pas la confondre avec Glanum.

FUGEIRET, Fugœretum. Village du canton d’Annot, à 12 lieues de Castellane, sur la


Coulomo, avec un hameau nommé Argenton. Le climat est tempéré en été et froid en
hiver. Le sol est fertile; mais la partie où domine le sable ne produit que des châtaigniers,
dont le fruit est la principale nourriture du pays. On en transporte jusqu’à Digne et à
Grasse. Population 650 hab.

FUVEAU, Affuvellum, Castrum de Affuvello. Village du canton de Tretz, à 2 lieues et


demie d’Aix, et sur une éminence. Sa position a dû être importante, du temps des
guerres civiles. Les ruines romaines y sont assez fréquentes, non que dans le territoire il
y ait eu une ville ni une bourgade, ni même un pagus, mais des villaœ et des fermes pour
l’exploitation en grand des terres. De temps en temps, on y trouve des tombeaux et des
médailles à l’effigie de plusieurs empereurs.

Le territoire offre des carrières de pierres de cos, dont on se sert pour aiguiser les
faucilles et autres instrumens tranchans, et un grand nombre de mines de charbon de
terre exploitées qui procurent un grand revenu au pays. Le sol produit de l’huile, du vin
et du blé; les forêts de pins donnent de la résine et de la poix. Pop. 1,550 hab.

G
GADAGNES. Voyez: CHATEAU-NEUF-DE-GADAGNES.

GAILLET. Voyez TOURVES.

GALÉJON. Étang situé entre Fos-les-Martigues et le Rhône. Plusieurs canaux viennent


y aboutir, et dessèchent les marais d’Arles. Cet étang est séparé par un îlot de celui de
Ligagnan, et sont l’un et l’autre remplis de poissons.

GALINIÈRE. Ancien village du canton de Tretz, sur la route d’Aix à Brignoles. Il a été
réuni au village de Château-Neuf le Rouge, et n’offre plus aujourd’hui qu’une grande
auberge qui porte le nom de Galinière.

GALLICUS-SINUS. Voyez GOLFE-DE-LYON.

GALLITÆ. Peuplade celto-lygienne dont il est fait mention dans le trophée des Alpes.
Honoré Bouche les place à Colmars, et Papon à Allos. Le peu de distance qu’il y a d’un
de ces lieux à l’autre fait croire que les Gallitœ les occupaient tous deux. Cependant je
pense que le chef-lieu était près d’Allos.

GANAGOBIE, où Puy DE GANAGOBIE. Petit village du canton de Peyruis, sur la rive


gauche de l’Ausson, non loin de son confluent dans la Durance. Productions, les mêmes
qu’aux lieux voisins. Population 79 hab.

GAPEAU, ou CAPEAU, autrefois GAPEL. Rivière du département du Var, dont une des
sources est à Signes et l’autre à Belgencier. Elle reçoit les torrens de Cuers, Pignans et
Collobrières, et se jette dans la mer, près d’Hyères. Vers son embouchure, son lit est
large et profond; il est même navigable. Ses rives sont très-agréables, par les berceaux
de verdure, et par les belles terres en plaine qui sont autant de jardins et de prairies,
souvent d’une immense étendue et d’une grande fertilité.
GARCIN. Voyez GASSIN.

GARDANE, Gardanœ. Bourg chef-lieu de canton, à 2 lieues d’Aix. En 1574, les


huguenots surprirent ce lieu et y commirent toutes sortes d’horreurs. Le territoire
renferme beaucoup de mines de charbon de terre. Le sol est fertile et agréable; il produit
du blé, du vin, de l’huile et beaucoup de plantes potagères, notamment des betteraves et
des melons, qu’on porte par charretées à Aix et à Marseille, ce qui attire beaucoup
d’argent au pays. Pop. 2,960 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Gardane, Albertas ou Bouc,
Cabriès, Collongue ou Simiane-les-Aix, Mimet, les Pennes et Septèmes.

GARDE (LA). Village à 2 lieues de Toulon son chef-lieu de canton et d’arrondissement,


bâti sur un coteau où sont les ruines de l’ancien château, qui a été souvent occupé par les
troupes qui, à différentes époques, sont venues assiéger Toulon. Le fort Sainte-
Marguerite, qui défend les rades de Toulon et de Giens, se trouve sur la côte maritime de
cette commune, et à un quartier qui offre du minerai. Le terroir est schisteux et fertile; il
produit du blé, du vin, de l’huile, et prodigieusement d’oignons qui jouissent d’une
grande réputation, à cause qu’ils se conservent tout l’hiver sans germer. Pop. 2,300 hab.

GARDE (LA), Guardiu. Village à une lieue de Castellane son chef-lieu de canton et
d’arrondissement. Climat sain; le territoire est arrosé par nombre de petites sources et
ruisseaux; il produit du blé, du seigle, des légumes, des noix, des prunes qu’on fait
sécher et qu’on livre au commerce, et beaucoup de foin. On y nourrit du menu bétail et
un grand nombre de bêtes de somme dont on fait le commerce. Population 278 hab.

GARDE. Cap de la vieille Garde. Cap de la côte maritime du département du Var, au


midi de la Seyne.

GARDE-PARÉOL, Guarda-Pariolis. Village du canton de Bolenne, à 2 lieues et demie


d’Orange, et sur une élévation. Air pur et sain. Le sol produit du safran et du blé. On y
cultive des mûriers, ce qui fait que dans le pays on élève des vers à soie en quantité.
Dans le territoire il y a un lac ou étang qui abonde en tanches, carpes et autres poissons.
Pop. 225 hab.

GARDE-FREINET (LA), en provençal la Gardo-Freïnet, ou simplement la Gardi; en


latin Fraxinetum. Bourg du canton de Grimaud, à 8 lieues et demie de Draguignan.
Le nom de Fraxinetum ne vient pas, comme l’ont cru quelques auteurs, de ce que la
montagne où se trouvait placé le fort Freinet, dont nous parlerons bientôt, était couverte
de frênes. Il n’y en a pas un peut-être dans tout le territoire de cette commune, et il a du
en être toujours de même. Le frêne ne vient naturellement que dans les terres fraîches et
légères; on en voit beaucoup dans les terres alluvines de la plaine de Grimaud, mais il ne
peut croître sur les montagnes arides de la Garde-Freinet.
J’ai lieu de croire que la Garde du Fraxinet, la forteresse du Fraxinet et le Fraxinet
étaient trois lieux distincts et assez éloignés les uns des autres. La démonstration de cette
vérité m’entraînerait trop loin; je me contenterai d’indiquer, à l’appui de mon opinion,
diverses bulles du pape et chartes du onzième siècle, en faveur de l’abbaye de Saint-
Victor, et rapportées par Ruffi, qui désignent le village de la Molle et le monastère de
Saint-Pons près Grimaud comme étant au Fraxinet, quoique ces lieux soient distans
d’environ trois lieues l’un de l’autre ainsi que du village de la Garde-Freinet.

In Fraxineto, in villa quam vocent ad Mollen, etc., dit une charte de l’an 1014.
Il y avait, du temps des Romains, dans le site riant et abrité où se trouve la chapelle de
Saint-Clément, à une demi-lieue de la Garde-Freinet, un village dont on aperçoit encore
quelques vestiges. Ce village a dû subsister jusqu’à l’arrivée des barbares africains, et se
trouve rappelé dans l’affouagement de 1200, en ces termes: Item castrum quondem
sancti Clementi. On trouve auprès de la chapelle les débris de nombreux tombeaux de
briques; on y découvrit aussi, il y a environ quarante ans, ua tombeau creusé dans le roc.
La dalle qui le couvrait a été brisée et n’existe plus. Quelques restes d’antiques murailles
et d’autres débris attestent le séjour des Romains en cet endroit. Nous savons qu’ils ne
négligeaient jamais de former quelque établissement dans les sites agréables. Il s’en est
fallu de peu, à la fin du siècle dernier, que ce village ne fût reconstruit par les habitans de
la Garde. Obligés de rebâtir leur église paroissiale, il fut question de l’élever au quartier
de Saint-Clément, dont la position est aussi gracieuse que l’emplacement du village
actuel est triste et pénible. Les chétives maisons qui se trouvaient autour de l’ancienne
église auraient été abandonnées, et on en aurait construit de plus décentes auprès de la
nouvelle paroisse, au quartier de SaintClément. Quelques propriétaires, dont les intérêts
auraient été lésés par la réalisation de ce beau projet, s’y opposèrent fortement et le
firent abandonner.

Il exista, peu après l’expulsion des Sarrasins, dans le territoire de la Garde, un village
qui portait le nom de Freinet, puisqu’il se trouve une longue suite de seigneurs qui en
prenaient le titre, à commencer par saint Fulcher, père de saint Mayeul, ainsi qualifié
dans une charte de l’an 1026, contenant donation du lieu de la Napoulle à l’abbaye de
Lérins.
Ce village subsistait encore en 1325. On trouve, dans les archives de cette commune, des
lettres obtenues en la chancellerie, le 4 juin 1325, portant exemption du fouage pour les
lieux de Freinet, Saint-Tropez, le Luc, la Lauzède, etc. Ils devaient sans doute cette
faveur à l’épuisement qu’ils avaient éprouvé dans la guerre ruineuse que le roi Robert
soutint, quelques années auparavant, contre les Gibelins d’Italie.
Le village de Freinet était situé auprès du moulin ruiné de la Moure. Il fut saccagé dans
la guerre civile occasionnée par Charles de Duras, et abandonné pendant la guerre
encore plus cruelle que fit ensuite Raymond de Turenne. Les habitans se retirèrent alors
au pied des rochers escarpés sur lesquels les Sarrasins avaient établi un petit fort (ce
qu’on appelait Guardia dans la basse latinité), et où se trouvait, à cette époque, un
château appartenant à Jean de Pontevès. Celui-ci leur concéda, le 6 juin 1394, un nouvel
acte d’habitation avec plusieurs priviléges, entre autres celui de prendre dans la forêt du
bois et le liége nécessaire pour couvrir leurs maisons. C’est depuis lors que le village et
le château ont porté le nom de la Garde-Freinet.
Ce château fut rasé ensuite par ordre du maréchal de la Valette, donné le 7 novembre
1589.
Le village de la Garde était autrefois resserré dans une espèce de creux, entouré de
rochers escarpés, et couvert par un ravin profond qui en rendait l’accès difficile. Ses
maisons étaient basses, étroites et d’une mauvaise construction; ses rues, sombres et
tortueuses, formaient un véritable labyrinthe; son aspect était des plus misérable, et ses
habitans fort pauvres. Depuis une cinquantaine d’années, et surtout depuis la paix
continentale, les choses sont bien changées: le commerce des bouchons a répandu
l’aisance dans ce pays peu favorisé de la nature; le village s’est rapidement étendu vers
la route de Saint-Tropez; des places plantées d’arbres, des rues larges et droites, bordées
de maisons d’assez bonne apparence, quatre fontaines donnant une eau toujours
abondante et limpide, en ont fait un joli séjour.
Un chemin étroit et scabreux conduit en dix minutes sur l’emplacement du fort Freinet,
situé au nord-ouest sur un rocher isolé, et dominant toute la chaîne qui court à-peu-près
nord et sud. La partie vers midi est tout-à-fait escarpée; l’on ne peut y monter qu’à l’aide
de degrés mal taillés dans une roche schisteuse, et l’on arrive aux restes de la porte de
l’ancien château. On trouve au-delà une plate-forme d’une petite étendue, entourée de
deux côtés par un fossé d’environ douze pieds de largeur sur huit ou neuf de profondeur,
et des autres côtés par de grands précipices.

Cette plate-forme présente assez bien la forme d’un D, dont la partie circulaire tourne
vers le nord, et détache la plate-forme de la crête des rochers qui s’y joignent par une
pente assez douce. Au milieu se voit une citerne carrée, dans laquelle on descend par des
degrés taillés dans la pierre et bien conservés. Autour sont à peine quelques vestiges de
remparts et de logemens.
En face du fort Freinet, à une demi-lieue vers l’est, on aperçoit le Mont Peigros ou
Pigros. Cest sur le sommet de cette montagne que saint Buvon se fortifia, et d’où il
contribua à la prise de la Garde du Fraxinet. Bellendus, qui rapporte ce fait dans la vie
de saint Buvon, appelle cette montagne Pigros, nom qu’elle a conservé jusqu’à
aujourd’hui.
Quoiqu’on ait disputé sur le lieu où était la forteresse du Fraxinet, si célèbre aux
neuvième et dixième siècles, par le séjour des Sarrasins, il est bien certain qu’elle se
trouvait dans le diocèse de Fréjus, et près du golfe sambracien. Une suite non
interrompue de chartes et de titres authentiques prouve que la vallée qui s’étend de la
Garde-Freinet vers le golfe de Grimaud, a toujours porté, depuis le dixième siècle, le
nom de vallis Fraxineti. Une charte, rapportée par H. Bouche, contient la donation faite,
en 980, par Guillaume 1er à Gibelia de Grimaldi, de la vallée du Fraxinet et des terres à
l’entour du golfe sambracien. Une autre charte de 1014, rapportée par Ruffi, désigne le
village de la Molle de cette manière: In comitatu Foro-Juliensi id est in Fraxineto, in
villa quam vocent ad Mollen. Une autre charte de 1410, mentionnée aussi par H.
Bouche, porte que Pierre Acigne, sénéchal de Provence, était seigneur de la baronnie de
Grimaud et du Val-Freinet. Enfin les barons de Grimaud ont toujours pris, jusqu’à la
révolution, le titre de seigneurs du Val-Freinet.
Ces indications sont parfaitement d’accord avec la tradition locale et la récite des
historiens modernes, surtout avec l’auteur qui raconte que Hugues, roi d’Arles et
d’Italie, ayant appelé à son secours la flotte de Grèce, elle entra dans le golfe
sambracien, et mit le feu aux navires des Sarrasins, tandis que lui-même les assiégeait
par terre.
Les Sarrasins, qui établirent leur quartier général dans la forteresse du Fraxinet, vers l’an
890, profitèrent habilement de leur position avantageuse, pour s’y maintenir pendant un
siècle contre les attaques de leurs ennemis, et fondre de là sur tous les deux les qui leur
offriraient un riche butin. Placés sur les hautes montagnes de la Garde-Freinet, ils
avaient derrière eux le golfe de Grimaud qui leur donnait un abri assuré pour leurs
navires, et une communication facile par mer avec leurs compatriotes d’Espagne et
d’Afrique, d’où venaient continuellement des renforts. La plaine fertile, située entre le
golfe et les montagnes, était entourée de villages peuplés de Sarrasins, et fournissait
facilement au besoin d’hommes plus redoutables par leur courage et leur férocité que par
leur nombre et leur habileté dans l’art militaire. D’immenses et épaisses forêts de pins
entremêlés de bruyères, de ronces et de genêts épineux, à travers lesquelles serpentaient
avec peine des sentiers tortueux, couvraient l’aride plaine du Cannet, et les flancs
escarpés des montagnes rendaient les approches de la forteresse très-difficiles, tandis
que du haut des remparts de la Garde, les Maures découvraient une vaste étendue de
pays, ce qui leur permettait de suivre les mouvemens de leurs ennemis et de tomber sur
eux à propos et à l’improviste.
De là, ils se répandirent comme un torrent dévastateur dans toute la Provence et jusque
dans le Languedoc et le Dauphiné. La plupart des villes de Provence furent en proie à
leurs ravages. Ils occupèrent pendant long-temps la vallée de Barcelonnette et plusieurs
postes importans dans les Hautes et les Basses Alpes. Dans leurs courses, ils
massacraient tous les hommes en état de porter les armes, emmenaient les femmes et les
enfans esclaves en Afrique, détruisaient par les flammes et le fer les édifices publics et
particuliers, et se retiraient toujours chargés d’or et de tous les objets précieux qu’ils
avaient trouvés dans les villes saccagées.
Les seigneurs provençaux contribuèrent eux-mêmes à augmenter la puissance des
infidèles, en les appelant tour-à-tour à leurs secours les uns contre les autres. C’était
dans un temps où les différens seigneurs s’entre-déchiraient cruellement pour venger
leur susceptibilité offensée, ou pour s’emparer des dépouilles de leurs adversaires. Tous
eurent bientôt à se repentir d’avoir attiré des barbares sous leurs bannières. Toulon fut
saccagé deux fois dans l’espace de vingt et un ans; Fréjus fut presque anéanti. Ces
Maures s’étant joints, en 935, à une escadre de leur nation, surprirent la ville de Gênes,
la pillèrent, passèrent au fil de l’épée tous les hommes, et n’accordèrent la vie qu’aux
femmes et aux enfans, qu’ils regardaient comme un butin précieux. Maîtres de toutes les
places fortes, est-il dit dans une ancienne charte, ils ont ravagé tout le pays, détruit les
églises et les monastères, anéanti les monumens du bon goût des Romains; des lieux les
plus agréables ils en ont fait la plus affreuse solitude, et le séjour de l’homme civilisé est
devenu le repaire des bêtes féroces.
Les chrétiens firent les plus grands efforts pour purger le sol de la Provence de cette
poignée d’infidèles qui le désolaient. Hugues, roi d’Arles et d’Italie, aidé de la flotte de
l’empereur d’Orient, les vainquit sans les détruire. L’empereur d’Occident, Othon 1er dit
le Grand, envoya contre eux ses troupes à plusieurs reprises, et promit de venir les
combattre en personne, mais toujours sans succès. Conrad le Pacifique, un de ses
successeurs à l’empire, les ayant attirés dans un piége, détruisit un de leurs corps
d’armée, et les affaiblit au point qu’ils ne purent continuer leurs courses de quelque
temps. Cependant, malgré leurs combats journaliers et leurs pertes fréquentes, les
Sarrasins n’avaient pu être entamés dans la possession des montagnes où il s’étaient
retranchés. Enfin un événement en apparence peu important, amena leur expulsion totale
de la Provence. Saint Mayeul, abbé de Cluny, revenant de Rome avec un nombre
considérable de voyageurs qui s’étaient mis à sa suite, et, pour ainsi dire, sous la
protection de son caractère sacré, fut pris et fait esclave par les Sarrasins du Fraxinet. Il
fallut vendre les vases sacrés de son abbaye pour payer sa rançon et celle de ses
compagnons. Mayeul, né en Provence, d’une famille distinguée, jouissait alors d’une
grande réputation de sainteté et d’un grand crédit, surtout auprès de ses compatriotes.
Guillaume 1er, comte de Provence, avait pour lui tant d’amitié et de vénération, qu’il lui
fit des donations considérables, entre autres celle de la ville de Vallensole, et voulut
recevoir de sa main l’habit de religieux de son ordre avant de mourir. Ses exhortations,
comme un prélude aux croisades que vit éclore le siècle suivant, excitèrent le prince et
les principaux seigneurs provençaux à la destruction des infidèles qui souillaient la
Provence de leurs présences et de leurs cruautés.
Gibelin de Grimaldi, Boniface de Castellane, Buvon, qui depuis fut mis au rang des
saints, et plusieurs autres seigneurs qui avaient déjà combattu en particulier les
Sarrasins, joignirent leurs troupes à celles de Guillaume, et, sous ses auspices,
attaquèrent, vers l’an 973, la redoutable forteresse du Fraxinet. Saint Buvon étant
parvenu à se retrancher sur la montagne de Pigros, vis-a-vis la garde du Fraxinet, le
capitaine de la garde sarrasine de ce poste important vint se plaindre au saint guerrier, dit
l’histoire de sa vie, de ce que le commandant de la forteresse lui avait inconsidérément
ravi sa femme qu’il aimait plus que toutes les richesses du monde; et, pour se venger
d’une pareille insulte, il livra à Buvon le poste et la garde qui lui étaient confiés. Cette
trahison ayant facilité aux Provençaux l’accès des montagnes, la fameuse forteresse du
Fraxinet, que l’on avait long-temps regardée comme imprenable, fut enfin assiégée et
prise d’assaut.
Guillaume fit passer au fil de l’épée le chef des Sarrasins, qu’on avait fait prisonnier, et
tous les soldats de la garnison qui refusèrent d’embrasser le christianisme. Il fit aussi
raser la forteresse, pour qu’elle ne pût à l’avenir servir de refuge à de nouveaux
barbares. Il attaqua ensuite les diverses habitations qu’ils avaient faites à Grimaud,
Cogolin, la Molle, Maravieille, Gassin, Ramatuelle, et autres pointes des montagnes
d’alentour, que les anciennes chroniques désignent sous le nom de Mons-Maurus, et
qu’on appelle encore aujourd’hui montagne des Maures. Ces villages firent peu de
résistance.
Les hommes capables de porter les armes furent massacrés; les autres, ainsi que les
femmes et les enfans, furent réduits en servitude; et au quatorzième siècle, on voyait
encore leurs descendans être les esclaves des Provençaux dont ils avaient été si
longtemps la terreur.
Le climat de la Garde-Freinet est tempéré; l’air est pur et salubre, mais beaucoup plus
froid que celui des communes voisines, à cause de sa situation au nord, et de son
exposition au Maëstral et autres vents qui, dans leur impétuosité, enlèvent quelquefois
des parties considérables de la toiture des maisons, quoiqu’elles soient, en général,
chargées de grosses pierres et qu’elles aient leurs pentes à l’opposé des vents du nord.
Le territoire, quoique vaste, n’est formé que par une chaîne de montagnes rocailleuses et
de vallées profondes et pas du tout soutenues. Il s’y trouve peu de terres labourables et
de prairies. Les vignobles ne sont pas considérables et donnent un vin commun; l’huile,
au contraire, est d’une bonne qualité, mais on y en recueille fort peu. On estime
beaucoup les herbes potagères de la Garde, surtout les navets. Le gibier n’y est point
rare, quoique moins abondant qu’autrefois.
Les produits les plus importans sont, les forêts de pins, les écorces du chêne-liége et les
marrons.

Les châtaignes et les marrons de ce pays sont les meilleures que l’on connaisse. Le plus
grande partie s’embarque au port de Saint-Tropez pour Marseille, Toulon, Nice et les
autres villes du littoral; le reste s’expédie directement par le roulage pour les autres
villes de Provence, pour Lyon et pour Paris. Partout les marrons de la Garde sont
recherchés, à cause de leur saveur agréable et de leur grosseur. On en trouve qui pèsent
près de quatre onces pièce. Il ne sont connus dans l’intérieur du royaume que sous le
nom de marrons de Lyon et quelquefois marrons du Luc. La production des châtaignes a
diminué depuis la révolution, parce que les vieux châtaigniers périssent peu-à-peu et
sont rarement remplacés par des plantations nouvelles, toute l’attention des propriétaires
tendant en ce moment à augmenter le produit des chênes-lièges. Ce pendant les bonnes
récoltes peuvent donner encore douze mille quintaux de châtaignes, poids de table.
Sur cette quantité, on en prélève environ deux cents quintaux, qui doivent peser une
once chaque, et qu’on appelle passebelles ou marrons.
Le produit des chênes-lièges a décuplé en peu d’années et augmentera encore à l’avenir.
Les bouchons de la Garde sont justement renommés dans le nord de la France et dans
plusieurs pays étrangers. Leur consommation augmente journellement, et doit encoura-
ger les propriétaires à faire des semis de ces arbres précieux, qui réussissent dans tout le
territoire, et même en milieu des rochers schisteux qui en occupent une portion
considérable jusqu’à présent sans valeur.
Il y a dans ce territoire des mines de cuivre, d’alqui-foux et de plomb argentifère. Il y a
peu d’années qu’on en exploitait une de cette dernière espèce à la montagne de Peygros.
Le minerai était de bonne qualité; cependant elle a été bientôt abandonnée, comme cela
est arrivé souvent pour les mines de ce pays, quoique les échantillons de minerai, qu’on
a conservés, prouvent qu’il n’était pas d’une qualité inférieure à celui qu’on extrait des
mines de la France, dont l’exploitation est la plus profitable. L’anglais O’Connoer et
l’allemand Hik exploitèrent long-temps, pendant le siècle passé, et avec avantage, l’un la
mine de Vénéron, l’autre celle des Mourgues. Si les entreprises des nationaux n’ont pas
réussi aussi bien que celles de ces étrangers, ne doit-on pas penser que c’est faute de
connaissances assez profondes dans cette partie, d’expérience et d’une bonne direction,
plutôt que par la pauvreté des mines, qu’elles ont échoué? C’était du moins l’opinion
d’un minéralogiste de profession, qui avait résidé plusieurs mois dans ce pays.
Les habitans sont, en général, industrieux et actifs. Il est fâcheux que l’instruction soit
peu répandue, car l’intelligence et l’esprit naturel ne sont pas rares chez eux. Ceux qui
habitent la campagne se livrent exclusivement à l’agriculture. Ils sont laborieux, droits,
simples et charitables. Il n’en est pas tout-à-fait de même dans le village, où toutes les
idées sont tournées vers le plaisir et la passion de s’enrichir. L’on s’y occupe
principalement du commerce des bouchons, qui est encore assez lucratif, quoiqu’il offre
moins d’avantages qu’il y a dix ans. Outre les hommes occupés à écorcer les liéges dans
les forêts, et ceux employés à transporter le liége en planches à la Garde-Freinet et les
bouchons à Saint-Tropez, Marseille et autres villes, cette industrie occupe un nombre
considérable de bras. L’on y compte vingt-huit fabriques de bouchons, qui occupent,
suivant les saisons, de trois cents à quatre cents ouvriers hommes ou femmes. Ces
dernières se montrent fort adroites à ce métier dangereux. On remarque dans ce moment
une jeune fille qui peut rivaliser avec les meilleurs ouvriers pour la quantité et le fini du
travail. On évalue à cinq mille balles de trente mille bouchons chaque, le produit annuel
de toutes ces fabriques, qui s’expédie dans tout le nord de la France et à l’étranger.
Il y a encore à la Garde une petite fabrique de draps communs. Il y avait, avant la
révolution, des tanneries, dont le cuir vert pouvait rivaliser avec celui de Grasse. Cette
industrie a été abandonnée sans cause apparente depuis plusieurs années. Cependant
l’abondance et la bonne qualité des eaux, la facilité de se procurer l’écorce de chêne vert
et la feuille de myrthe, enfin le nombre considérable de bestiaux qu’on élève dans les
environs, devraient engager à reprendre cette branche d’industrie. On pourrait aussi
reprendre le blanchiment de la cire et la fabrication des bougies qu’on y avait exécutés
autrefois avec succès.
On y tient trois foires par an: le 3 mai, le 8 septembre et le 23 octobre; mais elles sont
fort peu importantes.
Il y a dans le territoire beaucoup de hameaux, dont le plus considérable est celui de la
Moure, où se trouve une église érigée en paroisse l’an 1717, et maintenant desservie par
un recteur. Il comprenait autrefois tout le territoire de la commune du Plan-de-la-Tour,
qui en a été détaché pendant la révolution. Populat. 2,112 hab.

GARÉOULT, Garaudam, Castrum de Gareldo. Village du canton de la Roquebrussane, à


3 lieues de Brignoles.
Les terres furent distribuées à des familles romaines qui y établirent des fermes pour
l’exploitation agricole. Aussi, à différentes époques, on y a trouvé des restes de
monumens et des pierres d’inscription. Le clocher qu’on y voit encore était une tour qui,
pendant les guerres intestines, avait servi de défense aux habitans. La partie du territoire,
du côté du levant, est très-fertile, à cause des eaux de la Nissole qui l’arrosent; celle du
côté du couchant est, au contraire, presque entièrement stérile. Le pays offre des
distilleries d’eau-de-vie, et produit des haricots et beaucoup de vin. Pop. 800 hab.

GARGARIA. Voyez SAINT-JEAN-DE GARGUIER.

GARGAS, Gargatium. Petit village à une lieue d’Apt son chef-lieu d’arrondissement et
de canton. Climat sain; sol fertile. Il y a des vignes et des arbres fruitiers; mais les
principales productions sont, l’huile et le blé. Pop.905 hab.

GARGUIER. Voyez SAINT-JEAN-DE-GARGUIER.

GAROUPE. Cap situé au sud d’Antibes. On le reconnaît à une espèce de petite


forteresse bâtie sur une élévation. C’est près de cette pointe que l’on trouve une coulée
volcanique.

GARRAU. Montagne au midi de Cipierre, où l’on découvre de temps en temps des


bélemnites de plusieurs variétés.

GARS. Petit village du canton de Saint-Auban, à 15 1ieues de Grasse, et sur l’Estéron.


Territoire coupé par des montagnes; sol peu fertile, qui donne pourtant du blé et
quelques herbages. Pop. 300 hab.

GASSIN, anciennement GARCIN, en latin Gassinus. Ce dernier nom dérive des mots
Guardia Sinus. C’était autrefois un petit fort bâti sur la pointe d’une colline fort élevée,
d’où l’on découvrait tout le Sinus sambracitanus (aujourd’hui golfe de Grimaud), et une
grande étendue de mer, depuis Fréjus jusqu’aux îles d’Hyères. Lorsque de ce fort on
apercevait les navires des Sarrasins, et, plus tard, des barbaresques qui ont infesté ces
côtes jusqu’au commencement du dix-huitième siècle, on faisait un signal d’alarme qui
était à l’instant répété par le château de Grimaud Aussitôt les malheureux cultivateurs de
la contrée mettaient en sûreté leurs familles et leurs troupeaux, et s’armaient pour
repousser l’ennemi. Il paraît que ce fort s’acquittait fort bien de ce devoir; car on ne
trouve aucune preuve, soit dans les histoires de Provence, soit dans les anciens titres,
que Gassin ait jamais été pris, quoique sa position l’exposât également aux attaques des
ennemis extérieurs et à celles des fauteurs des guerres civiles. Ils ne furent cependant
point à l’abri des troubles qui agitèrent la Provence en divers temps. On sait que les
habitans de Gassin contribuèrent vaillamment, pendant les guerres de la ligue, à la prise
des châteaux de Cogolin et de Ramatuelle, et de la citadelle de Saint-Tropez, tombés au
pouvoir des ligueurs. Plus heureux pendant la révolution de 1789, ils ont joui d’un calme
profond, par suite de l’union et de la sagesse des personnes de toutes les classes et
conditions. Aucune d’elles n’a éprouvé le moindre préjudice ni la moindre animosité
pour les affaires de circonstance.
L’ancienne enceinte du village de Gassin subsiste encore en grande partie, ainsi que la
porte, qui était fort étroite et à un seul battant. Sa construction paraît remonter au
douzième ou au treizième siècle. Cette enceinte fut agrandie presque du double, vers le
milieu du quinzième siècle; mais, dans le dix-septième siècle, on fut obligé d’abattre
cette dernière pour faciliter l’agrandissement du village. Cependant, à mesure que la
sécurité fut plus grande, les habitans commencèrent à abandonner le village, placé sur
des rochers presque inaccessibles, pour se retirer dans leurs maisons de campagne. Il y a
peu d’années, ce village n’offrait presque plus que des maisons noircies par le temps et
des masures ruinées; il semblait menacé d’un abandon presque complet, comme sont
ceux de la Molle, Six-Fours, Séranon, Chénérilles et tant d’autres dont il ne reste plus
que des débris sur des rochers escarpés. Mais il a repris une nouvelle vie, depuis qu’une
administration municipale plus soigneuse est parvenue, avec de bien faibles moyens, à
tracer deux chemins praticables aux charrettes et qui se croisent même au-dessus du
village. Les masures ont été remplacées par des maisons nouvelles; les anciennes ont été
réparées; la population agglomérée s’accroît peu-à-peu, et tout annonce pour ce pays un
avenir prospère ou du moins satisfaisant.
Le territoire de Gassin a été long-temps habité par des Romains. On trouve presque à
chaque pas des traces de leur ancien séjour, soit dans des restes de constructions, telles
que des conduites d’eau, des bains, des piscines, des villœ ou maisons de campagne, soit
par des tombeaux, des urnes funéraires, des lampes sépulcrales, des moulins à bras, des
inscriptions tumulaires indéchiffrables à la vérité, et beaucoup de médailles du Haut-
Empire enfouies dans la terre. Il paraît qu’il y avait dans ce temps deux villages, l’un à
l’emplacement actuel du château de Bertrand, l’autre autour du mouillage de Cavalaire,
qui était l’ancien Alconis des itinéraires, qu’un auteur contemporain affirme être
l’Heraclea Caccabaria, que tous les auteurs s’accordent à placer dans le territoire de
Saint-Tropez. Ces deux villages furent détruits par la première irruption des Maures, l’an
730. Les habitans qui échappèrent au massacre, cherchèrent alors un refuge dans un
endroit qui ne put être aperçu des barbares lorsqu’ils débarqueraient sur la côte, et qui
leur permît cependant de les voir venir de loin. Ils crurent l’avoir trouvé sur une
montagne voisine de Gassin, qui porte encore le nom de Ville-vieille. Peut-être faut-il
reporter à cette époque reculée la bâtisse de la chapelle de Notre-Dame de Consolation
et celle de la fontaine couverte, placée dans un vallon entouré de bois, que forment la
colline de Gassin avec celle de Ville-vielle. Cette chapelle fort ancienne a servi de
paroisse jusqu’au milieu du seizième siècle.
Les Sarrasins du Fraxinet ont été les premiers fondateurs du nouveau village de Gassin;
car ils y établirent un poste fortifié qui leur servit de boulevard. Une singularité qui
distingue Gassin de la plupart des anciens villages bâtis dans une semblable situation,
c’est qu’on n’y trouve point de vestiges d’ancien château. Dans le fait, il n’y en a jamais
eu. Cela vient de ce que la seigueurie en était divisée entre plusieurs co-seigneurs qui,
ayant souvent recours au courage de leurs vassaux, étaient obligés de leur laisser de
grands privilèges qu’ils surent défendre jusqu’en 1789. Parmi les arrière-fiefs répandus
sur le territoire, il y en avait un dont le nom est assez remarquable, pour que je le
consigne ici, quoique je n’aie pu en découvrir l’origine. C’était le fief Virgile. La famille
qui en portait le nom existe encore; mais depuis quelque temps elle a quitté le pays.
Le hameau de Cavalaire (voyez ce mot) fait partie du territoire de Gassin. Parmi les
poissons qu’on y pêche, nous citerons principalement les poissons volans. Ils
ressemblent un peu, pour la forme et la couleur, aux maquereaux; ils sont munis de deux
nageoires latérales fort amples qui s’étendent jusqu’à l’origine de la queue, lorsque ce
poisson est en repos, et qui lui servent d’ailes pour s’élancer au-dessus des eaux à une
distance de cinquante à soixante mètres.
Le climat de Gassin est fort sain et tempère. Les vallées, abritées des vents d’est et de
nord-ouest, jouissent de la température la plus douce. On y voit en pleine terre des
palmiers, des orangers, des citronniers, des poncyres d’une grosseur peu commune et
c h a rgés de fruits. On a admiré pendant long-temps, à une demi-lieue au-delà de
Cavalaire, un palmier d’une hauteur prodigieuse; il donnait des dattes sans noyau, qu’on
pouvait manger, quoiqu’elles fussent un peu âpres et fort petites. Cet arbre a péri lors du
froid rigoureux de 1820. La vallée où il se trouvait porte depuis des siècles le nom de
quartier du dattier.
Le terroir de Gassin est généralement fertile. Il produit du vin, de l’huile, beaucoup de
blé, du foin, des fruits et des légumes. Le gibier y abonde, surtout les lapins, les bécasses
et les perdrix rouges. Le sol est très favorable au développement des arbres,
principalement des pins. Il n’y a pas de rocher aride qui ne se boise en peu de temps. Les
roches schisteuses et les collines escarpées qui bordent la côte vers Cavalaire,
fournissent en quantité le meilleur liége de Provence, et produisent assez de châtaignes.
Il n’y a point de rivière dans cette commune, à cause de sa position péninsulaire. Le
principal courant d’eau est le ruisseau de Bourrian, qui traverse la plus grande partie du
territoire, et se jette au fond du golfe de Grimaud. Il coule presque toute l’année, et met
en mouvement plusieurs moulins à farine et une scierie à planches. Ses débordemens
couvrent souvent la plaine et la fertilisent.
Je ne dois point terminer cet article, sans signaler à la curiosité des amateurs d’antiquités
deux monumens qui méritent de fixer leur attention. Le premier est une masse de terre
en forme de cône tronqué, d’environ quatre-vingts pieds de hauteur et d’une largeur
proportionnée, construite de main d’hommes sur le sommet d’une montagne, entre
Gassin et Grimaud: on l’appelle la colline de la Moutte. Je pense que c’est un monument
druidal. L’autre est un vaste retranche- ment en pierres séches qui couronne tout le
sommet du Mont-Jean, l’une des montagnes les plus élevées des Maures.
C’est un ouvrage des Celto-Lygiens.
Il peut avoir été le principal retranchement des Camatulici qui, comme nous l’avons déjà
dit, occupaient cette contrée.
Le territoire offre aussi plusieurs carrières de serpentine. Celle du quartier de la Canade
a été exploitée long-temps pour fournir à la décoration extérieure de la plupart des
édifices des communes voisines.
Les habitans de Gassin sont généralement bons et honnêtes, mais peu industrieux. Ils se
livrent presque exclusivement à l’agriculture, qui manque encore de bras. Cependant il y
a dans le pays deux fabriques de bouchons. Le principal commerce consiste dans
l’exportation des vins, qui supportent très-bien le transport par mer, et dans
l’exploitation de leurs vastes forêts de pins. Pop. 660 hab. Voyez CAVALAIRE.

GATTIÈRES, Gatteria. Village du canton de Vence, à 7 lieues et demie de Grasse, situé


dans un pays de montagnes, près du Var, et peuplé en grande partie par des familles
originaires du Piémont, ce qui est cause que les mœurs ne sont pas toujours françaises.
Climat tempéré. Le territoire offre des mines de charbon de terre; le sol produit du blé,
des figues, du raisin et des olives. Pop. 530 hab.

GAU. Ile de Gau. Ilot près de la côte maritime du département du Var, au midi de la
Seyne.
GAUBERT, Gaubertum, et, dans le douzième siècle, Castrum de Galberto. Petit village à
deux lieues de Digne son chef-lieu d’arrondissement et de canton sur la rive gauche de
la Bléonne. Près de l’ancien village se trouve un rocher de grès qui s’avance isolément
vers la rivière, qu’il domine. C’est là qu’on voit les restes d’un petit temple ou fanum,
dont une partie est taillée dans le roc, et l’autre paraît avoir été en bâtisse. Ce temple fort
curieux a dû appartenir à une villa romaine.
Des restes de forte bâtisse et de fortifications se remarquent encore sur le plateau de
Gaubert. Le sol produit du blé, du foin et des prunes qu’on livre au commerce du chef-
lieu. Pop. 410 hab.

GAUDE. Village du canton de Vence, à 7 lieues de Grasse, divisé en trois hameaux. Les
habitans, presque tous d’origine piémontaise ou génoise, sont souvent en guerre avec
ceux des villages voisins, quoique leur origine soit la même. A la moindre rixe, ils se
battent et s’assassinent, après s’être mutuellement promis de ne point recourir à la
justice. Francs de justice, se disent-ils avant d’en venir aux mains. Mais comme il en
résulte quelquefois des accidens fâcheux, ils manquent facilement à leur promesse. Il y a
dans le territoire une belle maison de Templiers qu’on vient de restaurer.
Le climat est très-chaud. Le sol est pierreux et sablonneux, et presque tout en coteaux.
On y recueille abondamment de l’huile, des figues et des vins les plus estimés de la
Provence, lorsqu’ils ne sont point frelatés. Les ceps de vigne qu’on ente souvent sur
d’autres arbres sauvages, sont disposés en forme de treilles, de manière à laisser passer
librement les rayons du soleil, en ayant soin encore de donner aux rameaux les fonctions
convenables. La richesse du sol de ce pays doit être attribuée aus alluvions que
produisent sans cesse les nombreux cours d’eau qui arrosent les vallées, et qui entraînent
avec eux un limon plus ou moins productif. Pop. 650 hab.

GÉMÉNOS, Gemini. Village du canton d’Aubagne, à 5 lieues et demie de Marseille, et


sur la route d’Aix à Toulon. La campagne de ce village est, sans contredit, la plus
agréable du département des Bouches-du-Rhône, et mérite d’être visitée, quand toutes
ses prairies sont en fleurs et ses belles promenades ombragées par des arbres qui forment
des voûtes de verdure à une hauteur prodigieuse. Un joli labyrinthe, de beaux jardins et
des vergers arrosés par beaucoup d’eau qui se divise et se subdivise en une infinité de
petits ruisseaux, le doux parfum des fleurs, le chant d’une multitude de petits oiseaux de
différentes espèces, tout contribue à extasier et à pénétrer les sens de l’étranger qui visite
ce pays enchanteur. Les Marseillais y viennent tous les ans pour y jouir d’une vue
agréable, d’une fraîcheur délicieuse, sous les beaux portiques des promenades qui
conduisent au quartier de Saint Pons.
Dans le même territoire, il y a le monastère dit Saint-Jean-de-Garguier, à l’endroit même
où il y avait anciennement un temple en l’honneur de Bacchus. On trouva une
inscription portant ces caractères.

LIBERO PATRI.

Ce monastère prit le nom de Garguier, du latin Gargaria, ancien bourg dont il ne reste
plus aucun vestige, et qu’on présume avoir été situé sur le même emplacement.
C’est même à Gargaria que les premiers Marseillais établirent un marché, peu
considérable à la vérité, car il n’était fréquenté que par les familles des campagnes qui se
trouvaient éparses dans la contrée, et par quelques bourgades qui s’y établirent ensuite.
En 1826, on a découvert dans la campagne de Géménos un monument funéraire
consistant en trois urnes emboîtées l’une dans l’autre. Celle extérieure était en terre cuite
avec deux anses; la seconde, de la même matière, portait dans son fond une plaque de
bronze parfaitement polie; le pied de la troisième urne posait sur cette plaque. Cette
dernière était en verre et avait environ treize pouces de hauteur. Elle contenait des
cendres, des ossemens, des clous placés en croix, une amphore et un anneau en matière
calcaire.
Le territoire offre aux amateurs d’histoire naturelle une infinité de coquilles fossiles,
dont la plupart tiennent encore fortement aux rochers; et les amateurs de l’industrie y
voient avec plaisir une papeterie qui occupe un grand nombre d’ouvriers, et une belle
manufacture de verre à vitre, où l’on travaille aussi le verre cristal.

Il est dommage que ce dernier établissement soit quelquefois contrarié par la


concurrence. La vigne et l’olivier viennent bien dans le territoire, dont les hauteurs sont
couvertes de pins. Il y a une foire le 4 juin. Pop. 1,750 hab.

GERNICA. Voyez TARASCON.

GÉNIÈS (SAINT). Hameau dans le territoire de Marseille.

GÉNIÈS-DE-DROMONT (SAINT). Voyez DROMONS-SAINT-GÉNIEZ.

GIENS. Presqu’île et étang situé au sud de la ville d’Hyères. L’étang a environ une lieue
de longueur. On le nomme aussi l’étang de Pesquier. D’un côté de la presqu’île est la
petite rade de Giens et de l’autre la grande rade d’Hyères, dont l’entrée est défendue par
le château Brégançon. Voyez HYÈRES.

GIGNAC. Village du canton des Martigues, à 7 lieues d’Aix, divisé en nombre de


hameaux dont les uns sont distans de trois lieues du chef-lieu. Les productions sont les
mêmes qu’aux environs. Pop. 1,400 hab.

GIGNAC, Gignacum ou Gignocium. Village à 3 lieues d’Apt son chef-lieu


d’arrondissement et de canton. C’était autrefois un lieu considérable. Comme le parti des
huguenots y dominait, le pays se révolta coutre le roi. Des forces marchèrent contre ce
village, et il fut brûlé.
Ainsi que le château fort qui se trouvait sur un rocher.
Le territoire de Gignac est de peu d’étendue, un quart produit du blé, du vin et de l’huile,
un quart ne produit rien, et les deux autres quarts sont couverts de chênes. On trouve
dans les collines un sablon blanc que l’on a employé pour faire la porcelaine, et dont on
se sert dans la verrerie. C’est une espèce de kaolin ou sable quartzeux. Pop. 218 hab.
GIGOGNAN. Hameau de Sorgues, à une lieue et demie d’Avignon. Son territoire
produit de tout abondamment, mais surtout du blé, de foin, des plantes potagères et des
fruits. On y cultive des mûriers en quantité; aussi l’aisance est dans toutes les familles, et
on n’y voit point de malheureux.

GIGONDAS. Petit village du canton des Beaumes de Venise, à 4 lieues d’Orange.


Climat, nature du sol et productions, les mêmes qu’à Vacqueras. Popul. 950 hab.

GIGORS. Petit village du canton de Turriers, à 8 lieues de Sisteron. Sol peu fertile, qui
donne du blé, des pommes de terre et de bons pâturages où l’on engraisse des troupeaux
de menu bétail. Popul. 229 hab.

G I N A S S E RVIS, Gymnasium cervorum. Bourg du canton de Rians, à 7 lieues de


Brignoles. Les anciens comtes de Provence, chassant volontiers le cerf, avaient établi
différentes vénairies. Ginasservis en était une; aussi avait-il un parc pour les cerfs, et des
garennes pour les lapins. Aujourd’hui la campagne n’offre guère que des pourceaux qui
sont le commerce du pays.
Le territoire de Ginasservis contient un souterrain qui, dans le principe, communiquait
d’un couvent de Druides à un de Druidesses. Des Templiers s’établirent sur les ruines de
l’un, et des religieuses sur les ruines de l’autre. Ce dernier a donné son nom au quartier
(leis moungeos), et se trouve dans le territoire de Saint-Paul de Durance. Climat assez
pur et sain; le sol ne produit guère que du blé; mais cette production y est abondante et
recherchée. Pop. 800 hab. Foires, les 14 septembre et 11 décembre.

GIRAUD. Étang de la Camargue, et dans l’île du Plan-de-Bourg, formée par le grand


Rhône, le canal du Japon et la mer.

GLANDÈVES. Ancienne ville épiscopale, sur la rive droite du Var, à vingt minutes
d’Entrevaux. Elle est appelée dans les anciens titres, Glandat, Glanda, Glandata et
Glandatera; et ailleurs, CITÉ DU GLAND, Civitas Glandis, Glandet et Glandetum; en
dernier lieu Glanatina. Cette ville, connue dès le quatrième siècle, fut dévastée par les
Lombards au huitième, par les Sarrasins au dixième, et enfin ruinée et détruite au
quatorzième par les guerres civiles et par les débordemens du Var. Il ne reste de cette
ville qu’un ancien château situé sur une montagne qui a conservé le nom de Glandèves.
L’ancienne ville était au bas de cette montagne. Le siége épiscopal fut transféré à
Entrevaux, comme étant la ville la plus à portée; mais on a fini par le supprimer.

GLANUM, que Pline nomme Glanum Livii, était une ville qui appartenait, dans le
principe, à un peuple allié des Saliens, et placée entre Cavaillon et Ernaginum. Tous les
historiens s’accordent à placer Glanum à quelques minutes de la ville de Saint-Rémy.
(Voyez ce mot.)

GLEISSOLES. Voyez Tournoux,


GOLFE DE GRIMAUD. C’est le Sinus sambracitanus d’Antonin. Les Sarrasins
venaient fréquemment y débarquer des troupes pour renforcer celles du Fraxinet et des
autres postes qu’ils avaient dans la contrée. La flotte de l’empereur d’Orient y vint aussi
pour combattre contre ces barbares, pendant que Guillaume Ier les attaquait par terre. Ce
golfe a quatre lieues de tour depuis Sainte-Maxime jusqu’à Saint-Tropez. Il est très-
exposé au vent d’est. Il serait téméraire d’y naviguer pendant que ce vent règne avec
impétuosité, Voyez GRIMAUD.

GOLFE DE LYON. C’est le gallicus sinus ou mare grœcum, Golfe de la Méditerranée,


dans lequel les différentes branches du Rhône se jettent.

GOLFE JOUAN ou JEAN, en provençal Gourjouan. Petit golfe de la côte maritime du


département du Var, entre Antibes et Cannes. Son nom actuel semble lui avoir été donné
par les Espagnols, lors de leur séjour dans l’île Sainte-Marguerite, une de celles de
Lérins. C’est au fond de ce golfe que se trouvait Ægitna, une des deux parties de la
capitale des Oxibiens. Les Sarrasins ont débarqué plusieurs fois dans ce golfe pour venir
exercer leurs ravages dans l’intérieur des terres. En 1815, Napoléon y débarqua, à son
retour de l’île d’Elbe.

GOLFE DES LECQUES. Golfe formé par le Bec-de-l’Aigle, sur la côte du département
des Bouches-du-Rhône, et le cap de Tarente,, sur la côte du département du Var. C’est
dans ce golfe, et près de ce dernier cap, que se trouvait la ville de Tauroentum, fondée
par les Phocéens.
Ce golfe a donné son nom à un hameau de la commune de Saint-Cyr. Ce hameau est
tout-à-fait au bord de la mer. Il s’accroît chaque jour, et deviendrait important, si l’on
pouvait y construire un môle propre à abriter les vaisseaux marchands.

GONFARON, Gonfaro, anciennement Castrum de Confario. Village du canton de Besse,


à 5 lieues de Brignoles, situé dans une espèce de gorge qui s’élargit à l’entrée et à la
sortie, et que le maréchal de Belle-Isle trouva à propos de faire garder, en 1746, lors de
l’entrée des Allemands en Provence. D’Anville place en ce lieu le Forum Voconii des
Romains. Nous avons suffisamment démontré cette erreur aux articles.

CABASSE, DRAGUIGNAN et TARADEL, auxquels nous renvoyons nos lecteurs.


La principale production du pays est le vin, qui a la réputation d’être le meilleur des
environs et de souffrir le transport. On y recueille peu de blé et peu d’huile, mais
beaucoup de marrons excellens qui attirent beaucoup de numéraire. Le pays n’a pas
assez de bras pour l’agriculture et n’offre aucune industrie. Cependant une papeterie
conviendrait bien en-dessous de la belle fontaine d’Aye, qui donne naissance à la rivière
de ce nom. Cette fontaine, qui tarit rarement était entièrement à sec en septembre 1834.
C’est à Gonfaron qu’aboutit le chemin du Paradou, jadis continuellement infesté par des
dévaliseurs de grands chemins. Il n’est plus fréquenté, depuis que les grandes routes sont
bien entretenues. Pop. 1,350 hab.
GORDE, Gordan Bourg chef-lieu de canton, à 5 l. et demie d’Apt. On croit que c’était la
capitale des Vordenses, peuple celto-lygien. Il est possible que
ce peuple occupât le territoire de Gordes, mais je doute que le mallus fût au même
endroit où se trouve la ville. Le climat est beau, tempéré et fort sain. Les eaux n’y sont
pas abondantes; cependant le sol est bon et fertile; il donne un peu de toutes les
productions de la basse Provence. Le territoire comprend le hameau des Imberts. Pop.
2,855 hab. Foires, les 3 février et 22 mars. Les communes du ressort de la justice de paix
de ce lieu sont, Gordes, Baumettes, Goult, Joucas, Lioux, Murs, Roussillon et Saint-
Pantaléon.

GOULT Gaudium. Village du canton de Gordes, à 3 lieues et demie d’Apt. C’est, sans
contredit, un des pays les plus pauvres de la Provence; car le sol, sablonneux, maigre et
presque stérile, est entièrement ravagé par deux ruisseaux. Aussi le peuple et même
quelques fabricans d’étoffes communes sont le plus souvent privés d’argent, de manière
à ne pouvoir travailler. Cela ne les empêche pas d’être toujours joyeux. On élève dans le
pays des vers à soie, et on y engraisse beaucoup de cochons. Pop. 1,325hab.

GOURDON, Gordo. Village du canton du Bar, à 6 lieues de Grasse, situé sur une
montagne de rochers taillés à pic du côté de l’est. Plusieurs auteurs donnent à ce lieu le
nom de Gardon. Poinsinet de Sivri, traducteur de Pline, dit que Gardon était une ville
alliée des Déciates. Il suffit de connaître ce village, pour juger qu’il n’a jamais été une
ville, et bien plus, que ce lieu n’existait pas du temps des Romains. Le village n’a dû se
former que lors de l’invasion des barbares. Les habitans disséminés dans la campagne,
réunirent leurs habitations sur un seul point propre à s’y défendre contre toute attaque
ennemie. De ce point on découvre une vaste étendue de mer, les montagnes du comté de
Nice et l’île de Corse.

Sur un pic très-élevé, au bord du Loup, se trouve un grotte spacieuse, dans laquelle il y a
un creux qui est un véritable four à cuire le pain. Il paraît même avoir servi à cet usage
du temps des guerres intestines. On vient d’en enlever les pierres pour les employer
ailleurs pour le même usage. Dans cette grotte il y a également une fontaine où coule
une eau excellente. Les bergers vont y chercher de l’eau dans leurs marmites de cuivre.
Avec leurs souliers ferrés, ils passent sur un chemin d’un demi-mètre de largeur au plus,
taillé sur la roche calcaire. Le moindre faux pas les précipiterait à trois cents mètres de
profondeur. Peu avant d’arriver à la grotte, ce chemin est coupé par une grande crevasse
du rocher. Autrefois il y avait sur ce point une sorte de pont-levis; mais il n’existe plus
aujourd’hui. Les bergers franchissent ce passage aussi lestement qu’un petit fossé au
milieu d’une prairie dans la plaine. Un seul homme, avec des provisions, pourrait vivre
long-temps dans cette grotte, et se défendre contre l’armée la plus nombreuse et la plus
redoutable; aussi cette position est appelée la forteresse de Gourdon. Comme ce pic ne
défend pas le village, et qu’il ne peut servir que de lieu de retraite, on ferait mieux de le
nom- mer le retranchement de Gourdon.
Quoique le village et le territoire de Gourdon soient assez froids, à cause de leur
exposition aux vents du nord et de l’est, on y recueille du blé, du vin, de l’huile et
quelques fruits. Pop.240 hab.

GRANÉGONE (LA), que Poinsinet de Sivri a prise pour une grande ville très-ancienne
et alliée des Déciates; que tous les historiens modernes de la Provence ont désignée
comme un ruisseau qui prend sa source dans le territoire de Draguignan et va se jeter
dans l’Argens, près du village de Roquebrune; la Granégone, dis-je, n’est qu’un nom de
quartier qui ne fait époque à l’histoire de Provence, que pour une bataille où les
Draguignanois défirent complètement un corps de protestans.

GRAND-BOIS, OU GRAMBOIS, Garamdium. Village du canton de Pertuis, à 6 lieues


d’Apt. Territoire peu vaste; sol fertile et bien cultivé par de bons agriculteurs; aussi
produit-il abondamment du blé, du foin, du vin et des légumes. Pop. 870 hab.

GRADUS. Voyez GOLFE DE LYON.

GRANS. Village du canton de Salon, à 8 lieues d’Aix, situé sur une branche du canal de
Crapone, et près de la vaste plaine de la Crau. Climat tempéré et sain; sol très-bien
cultivé; aussi produit-il de la bonne huile, du blé et du vin en abondance. Les eaux du
canal engraissent les terres et arrosent quelques prairies et les jardins. Pop. 1,900hab.

GRASSE, dans le principe Crassus, aujourd’hui Grassa, quoique dans un temps on


l’appelât Grâce. Ville chef-lieu d’arrondissement du département du Var, à 233 lieues de
Paris, avec tribunal de première instance, tribunal de commerce et un évêché supprimé.

L’origine de cette ville n’est pas si ancienne que certains auteurs modernes ont osé
l’avancer. Elle n’était plus la capitale des Ligauni. Elle était dans le pays des Oxibiens,
que occupaient la rive gauche de l’Acro (la Siagne.) Tout au plus si l’on peut supposer
que, du temps des Celto-Lygiens, il y eut un marka (sorte de foire) dans la campagne de
Grasse, où des peuples de l’intérieur, tels que les Ligauni, les Quariates, les Adunicates,
les Vélauni, venaient, à certains jours de l’année, échanger leurs denrées où leurs
marchandises pour des objets qui leur étaient nécessaires, tels que le sel, que les
Oxibiens et les Déciates ramassaient depuis le golfe de Laval jusqu’à l’embouchure du
Var.
Après la défaite des Oxibiens, quelques-uns de ces malheureus vinrent habiter la
campagne de Grasse pour y vivre de la chasse et de la rapine, et surtout pour se livrer à
des cruautés contre les Romains de qui ils avaient tant à se plaindre. Ils occupèrent d’a-
bord la forêt de Malbosc, qui se trouvait entre la ville actuelle et les hauteurs de
Château-Neuf; et de là ils allaient se poster, sur le chemin Roumiou, qui d’Oxibia
conduisait sur les Alpes.
Vers l’an 15 de notre ère, l’empereur Tibère ayant fait sortir de Rome quatre ou cinq
mille juifs, sous prétexte de leur donner des terres en Sardaigne, mais, dans le fait, pour
les faire mourir peu-à-peu par l’air empesté de cette île, nombre de ces malheureux
s’étant aperçus, un peu tard à la vérité, de l’intention cruelle et barbare de l’empereur,
désertèrent la Sardaigne, et vinrent chercher un lieu de refuge dans la Gaule trans-alpine.
Plusieurs barques abordèrent la côte des Oxibiens. Les habitans du littoral (c’était alors
des Marseillais) ne voulurent point admettre parmi eux ces pauvres proscrits. Ceux-ci
furent forcés d’aller chercher un coin d’asile dans l’intérieur des terres. Il se trouvèrent
bientôt en présence des malheureux de Malbosc qui vivaient dans un état de sauvage
inhospitalier. Ils s’observèrent pendant quelque temps avec des craintes réciproques.
Ensuite ils s’abouchèrent, se firent confidence de leurs peines et de leur haine contre les
Romains. Comme leur malheur venait de la même source, les deux peuples firent
alliance, et ne formèrent bientôt qu’une seule et même famille, qui s’adonna à
l’agriculture et à l’industrie. Ce nouveau peuple quitta le fort de la forêt et fut s’établir
au lieu où se trouve le hameau de Magagnosc, dont le nom dérive du latin Magalia, qui
signifie cabanes, loges, huttes; et non pas du provençal Magagno, qui signifierait ruse,
finesse, fourberie.
Plusieurs siècles après, les juifs qui se trouvaient dans les différentes villes de Provence,
ayant exaspéré les habitans en se livrant au vol et au meurtre, des mesures sévères furent
prises contre eux. Il s’en suivit l’ordre rigoureux de les exterminer. Ceux qui se
trouvaient à Magalia, ne s’étant pas livrés à de pareils excès, et tenant beaucoup à rester
dans le pays où ils se trouvaient, et à conserver les terres qu’ils avaient mis en grand
produit, embrassèrent le christianisme, en 585, ce qui leur fit obtenir leur grâce, ainsi
que l’autorisation de bâtir une ville auprès d’une belle source où les Romains avaient
construit, pour la garde des eaux, une tour et un corps de garde dont on voit encore les
façades. Les habitans donnèrent à leur nouvelle habitation un nom qui pût rappeler la
faveur qu’on venait de leur accorder. Quelques auteurs ont cru que le nom de cette ville
venait d’un consul romain nommé Crassus. Ils auraient dû dire que la belle source de
Grâce ayant été gardée par un capitaine nommé Crassus, prit le nom de fontaine de
Crassus, et qu’ensuite le nom de Crassus s’étendit sur tout le quartier. La généralité des
Grassois actuels donnent pour origine au mot Grasse la bonté de leur terroir; mais si l’on
fait attention que, dans les anciennes chartes, le nom de cette ville était écrit par un G
(Grâce), on croira avec plus de vraisemblance qu’il dérive de la clémence ou de la
faveur accordée par le chef de la province.
Il est surprenant que cette ville n’ait jamais offert la moindre inscription qui rappelât
quelque fait mémorable ou qui constatât son ancienneté; preuve certaine que des
familles romaines ne l’ont jamais habitée. Je crois même que, dans le onzième siècle, la
ville de Grasse n’était pas un lieu bien important, vu qu’à cette époque, au lieu d’être le
chef-lieu de la contrée, elle faisait partie de la principauté de Calian, qui comprenait tout
l’ancien pays des Ligauni et des Oxibiens.

Au reste, peu importe que la ville de Grasse soit plus ou moins ancienne, qu’elle ait été
plus ou moins considérable avant le douzième siècle. Il suffit de savoir d’une manière
positive que, depuis sa fondation, elle a été commerçante, qu’elle a soutenu plusieurs
siéges pour préserver ses richesses, qu’elle fut surprise par les Sarrasins qui
massacrèrent une partie des habitans et menèrent l’autre en esclavage, et que ceux qui
avaient pris la fuite à l’approche des barbares vinrent repeupler la ville.
En 1179, Grasse s’allia avec Pise, tout comme si elle avait été érigée indépendante, et
promit de défendre les biens des Pisans et leurs personnes, et, dans le cas où le comte de
Provence ou ses juges inquiéteraient ces étrangers, elle s’engageait à s’intéresser pour
eux ou à les dédommager. Cette séparation de la mère-patrie ne pouvait être de durée;
des forces marchèrent contre la ville de Grasse, et l’obligèrent de rentrer dans le devoir.
Plus tard, elle fit alliance avec Gênes; mais comme elle ne nuisait en rien aux intérêts de
la Provence, le gouvernement d’alors n’y opposa point d’obstacle, et Grasse continua de
jouir de ses droits.
Lors de l’invasion de la Provence par Charles-Quint, la ville de Grasse donna une
grande preuve de sa fidélité au roi et de son dévouement à la patrie. Les habitans
brûlèrent leurs marchandises, leurs foins, leurs grains, pour que l’ennemi ne pût exercer
sa rapine et ne trouvât pas la moindre subsistance; ils détruisirent eux-mêmes leur ville
et leurs maisons de campagne, pour que les chefs ennemis ne trouvassent pas un toit
pour s’y abriter. Un pareil sacrifice leur valut l’estime du roi et les éloges de tous les
Français.
En 1589, la ville de Grasse embrassa le parti de la ligue. Le baron de Vins accourut avec
une armée pour la soumettre. Ce chef ayant été tué sous les murailles d’un coup de
mousquet par un de ses propres soldats, le capitaine Beaumont et le conseiller d’Agar
prirent le commandement du siége, et, en dix jours, la ville se rendit, malgré les ligueurs
qui la défendaient, et les neuf cents chevaux et deux mille hommes de pied que le duc de
Savoie avait fournis, en attendent qu’il pût venir lui-même à la tête de son armée. Cela
n’empêcha pas au duc de venir quelque temps après s’enfermer dans Grasse dont il
enviait la possession. Mais cette ville, ayant perdu le capitaine Laplane lâchement
assassiné par deux officiers, rentra sous l’obéissance du roi Henri IV, et les Savoyards se
décidèrent à évacuer un pays qui ne leur offrait plus de partisans.
En 1707, le duc de Savoie et le prince Eugène, ayant éprouvé une vigoureuse résistance
à Grasse et essuyé des insultes de la part des habitans, promirent d’abandonner cette
ville à quelques régimens de cavalerie et d’infanterie, dès qu’ils auraient soumis la
Provence. Le mauvais succès de ces deux princes devant Toulon leur fit abandonner leur
projet d’envahissement, et les força à retourner à toute hâte vers Nice.
Arrivés à Cannes, se rappelant leur promesse, ils envoyèrent six à sept mille hommes
pour saccager la ville de Grasse. Celle-ci, se méfiant des Savoyards qu’elle savait avoir
commis des violences partout où ils avaient passé, refusa de leur ouvrir ses portes; mais
elle leur offrit une nouvelle contribution.
L’ennemi, voyant une ville sans garnison et qui n’avait pour toute défense qu’une
enceinte de murailles, demanda vingt mille livres argent, dix mille bouteilles de parfums,
tout le pain et le vin dont il avait besoin, et un couvent de religieuses à discrétion. Cette
demande indigna tous les Grassois, au point qu’ils jurèrent tous de se faire ensevelir
sous les ruines de leur ville, plutôt que de se rendre.
Les Savoyards attaquent la ville; les habitans, du haut des remparts, font un feu nourri
sur leurs ennemis trop forts en nombre. Déjà des échelles sont placées; l’assaut
commence. C’en était fait de la ville et de ses braves défenseurs...
La providence veut qu’un détachement de dragons, commandés par le général Sailly,
vienne de Draguignan par la petite route, et qu’un paysan leur apprenne le danger qui
menace les Grassois. Sailly arrive au galop à la vue de Grasse; comme il est aperçu, les
Savoyards abandonnent leurs échelles et une partie de leurs armes, et se sauvent à toute
hâte, en suivant la route la plus courte qui devait les conduire au bord du Var. Leur fuite
fut tellement précipitée, que les chevaux perdirent près de quatre cents fers, en moins
d’un quart de lieue de chemin.
C’est une erreur de croire, comme la plupart des Grassois, que l’ancienne ville fût au
pied de la colline et près de l’endroit où se trouvent les restes de la chapelle dite Saint-
Esprit. En creusant dans les terres, on en aurait trouvé des vestiges.D’ailleurs, il y a des
preuves apparentes que l’ancienne ville se trouvait au midi de la ville actuelle, et que la
rue Tres-Castèous en faisait partie.
Il paraît que, dans la suite, la peste fit beaucoup de ravages dans le pays, puisqu’on fut
obligé, pour se garantir de ce fléau, d’établir une sorte de lazaret à la campagne sous le
vau d’Antibe. On y voit encore les ruines de plusieurs cabanes en bâtisse, où les
malheureux pestiférés avaient été relégués.
La ville est mal bâtie, et elle n’offre aucun monument curieux. Son église paroissiale est
une masse informe qui ne mérite pas d’être vue. Ce qui peut lui donner quelque
célébrité, c’est que Vice-Dominis pape qui ne régna qu’un jour, en avait été prévôt.
Grasse est depuis long-temps une des principales villes de commerce de la Provence.
Les habitans savent créer une industrie, et surtout la perfectionner. Cependant cette ville
possédait autrefois l’art de dégraisser les huiles, ce qui occupait beaucoup de
malheureux et attirait un grand profit au pays. Cet art est entièrement perdu. C’est à
peine si les Grassois d’aujourd’hui savent s’il a existé. On ne voit plus dans cette ville
ces fabriques de gants qui fournissaient toutes les villes de France et les cours d’Europe.
Les premières ont été transférées à Grenoble, et les secondes ont trouvé un sûr asile à
Saint-Étienne-en-Forêt. On n’y rencontre plus ces fabriques de cuir vert, dont la qualité
était naguère très-recherchée dans les montagnes de la Provence et dans celles du
Dauphiné, à cause de sa grande supériorité sur tous les autres. Ces établissemens sont
entièrement tombés, non par le manque des marchandises premières et des moyens de
fabrication, mais par la mauvaise politique des nouveaux fabricans, qui voulaient en peu
d’années faire une aussi grande fortune que ceux qui, depuis plusieurs générations,
travaillaient dans la partie.
La parfumerie est une industrie récente dans ce pays. Elle ne date que du milieu du
siècle dernier. le premier parfumeur conduisit lui-même deux caisses de sa marchandise
jusqu’à Paris, où il vendit sa petite pacotille d’une manière très-avantageuse, et se fit une
réputation qui lui rendit tributaires toutes les cours de l’Europe. Un pareil succès ne
pouvait manquer de lui susciter des rivaux. Plusieurs maisons de Grasse entreprirent la
même industrie, qui leur fut également avantageuse. La concurrenee s’est accrue à un
point, que les petits fabricans, pour arriver promptement à la fortune, ont nui à la
réputation que les bonnes maisons s’étaient acquise. Cependant, quoi qu’on en dise, la
ville de Grasse offre encore beaucoup de fabricans délicats qui, possédant une honnête
fortune, tiennent à conserver la bonne renommée des parfumeries du pays.
La fabrication des boîtes et bonbonnières est presque entièrement tombée. Les anciens
ouvriers se seraient attachés à perfectionner cet état; mais les ouvriers actuels, soit
négligence, soit dégoût, l’abandonnent entièrement aux grandes villes du royaume.
Quoique cette industrie ne soit pas assez importante pour regretter de l’avoir entièrement
perdue, elle l’était assez pour donner du pain à un grand nombre de malheureux.
Le commerce de Grasse achète une grande partie des eaux de senteur de l’Italie et des
différentes contrées de l’Orient, les fleurs de la principauté de Monaco et du comté de
Nice, les huiles de l’arrondissement et les cocons des environs. Il expédie ses
parfumeries dans toutes les parties du globe, et ses huiles dans l’intérieur de tout le
royaume. Par le retour, il attire au pays toutes les productions agricoles et industrielles
les plus indispensables.
Les habitans de la ville de Grasse ont depuis long-temps une réputation d’avarice, de
cupidité que les populations voisines disent méritée. Je ne rappellerai pas ici le proverbe
qui la consacre, parce qu’en fait de mœurs, les dictons sont toujours de faibles autorités.
Il est possible néanmoins, qu’à l’époque où le proverbe auquel je fais allusion fut créé et
lancé contre eux, les Grassois se comportassent en vrais citoyens d’Israël peut-être
qu’aujourd’hui encore, tels et tels paraissent justifier par leur conduite l’opinion
généralement répandue sur le compte de leurs pères. Mais à coup sûr, considérée dans
son ensemble, la génération actuelle doit être jugée plus favorablement. Si des
préventions subsistent encore, il faut les attribuer moins à une indignation excitée par
des vices réels, qu’à cette envie que fait toujours naître le spectacle d’une grande
richesse, Les Grassois doivent leur fortune, non pas à cet esprit de lésinerie qu’on dit
présider à tous leurs actes, mais au courage, mais à l’intelligence et à l’exercice de toutes
les facultés qui créent et font progresser l’industrie. C’est par là principalement qu’ils
ont élevé leur ville à ce haut point de prospérité, objet des sarcasmes de leurs voisins.
L’aisance répandue dans toutes les classes de cette opulente cité a heureusement influé
sur les mœurs, On a commencé depuis vingt ans à y marcher avec le siècle; le précepte
jadis si respecté, de ne parler jamais que le langue de sa mère, a été généreusement
abandonné. Aussi, peuvent-ils s’appliquer avec plus de vérité le mot d’un prince
tristement célèbre, et dire: — Il y a aujourd’hui en France douze mille Français de plus.

Spirituels, gais, hospitaliers, leur société est agréable, enjouée, et c’est surtout en faveur
des étrangers qu’ils se mettent en frais d’amabilité. Les grâces leur sont faciles; ils les
tiennent de la nature. Les physionomies sont parfaitement en harmonie avec ce sol riche,
émaillé, suave, parfumé, qui fait de ce pays une sorte d’Éden. Vainement on chercherait
à se faire une idée de ces lieux enchantés. Quand on voit ces merveilles de la nature et
de l’industrie, on n’ose plus accuser les poètes de mensonge. Les images qu’ils nous
présentent et que nous croyons n’être que le fruit d’ingénieuses fictions, se trouvent là
heureusement réalisées. Qui dira l’impression que font sur l’âme de l’observateur ces
jardins étagés où se montrent dans tout leur éclat les plus brillantes productions de Flore;
ces prairies arrosées par cette Foux, dont l’urne inépuisable répand au loin la verdure et
la fécondité; ces orangers aux fruits d’or, aux fleurs argentées, qui, en plein air, s’élèvent
à la hauteur des arbres indigènes; ces oliviers enfin qui, serrés comme les pins de la
forêt, plus grands et plus touffus qu’ailleurs, n’étendent leurs orgueilleux rameaux que
pour verser avec plus d’abondance leur précieuse liqueur. Si du cours vous portez vos
regards sur le magnifique bassin qui s’offre devant vous au midi, quel gracieux
ensemble, quelle merveilleuse diversité d’objets. Ici Mouans; là Mougins; à gauche la
montagne de Courmette souvent blanchie par les neiges; à droite la plaine de Laval et le
sombre Estérel; en face, au bord d’une immense mer, les îles de Lérins, et par un beau
jour, au bout de l’horizon, les montagnes de la Corse. Elle est délicieuse, en vérité, cette
promenade du cours. Mais pourquoi là où l’on ne va chercher que des idées de plaisir,
est-on attristé par l’image de la douleur?

Pourquoi aujourd’hui encore est-on condamné à voir au bout de l’allée cet hospice que
les convenances et la salubrité publique exigeraient qu’on transférât ailleurs? Il serait
digne des magistrats de cette ville de mettre à exécution le plan conçu à ce sujet par un
administrateur dont la gestion a laissé d’honorables, d’ineffaçables souvenirs. Toutefois,
si les promeneurs ont à se plaindre de ce douloureux voisinage, les malades du moins
n’ont qu’à se louer des soins paternels qui leur sont prodigués. Placés dans des salles
vastes, aérées, bien exposées, ils reçoivent les secours les plus empressés. Une chapelle,
d’une élégante simplicité, ornée de trois tableaux dus au pinceau de Rubens, décore cet
édifice, monument de la charité d’un pieux évêque dont la mémoire est encore chère à
tous les Grassois.
La ville de Grasse offre depuis quelque temps des sortes d’aliénations la plupart avec
penchant au suicide. Quand aux causes qui ordinairement proviennent de l’hérédité ou
du climat, causes puissantes pour les maladies chroniques, on peut mentionner l’esprit
de certaines personnes douces d’une avidité démesurée. Ajoutez à cette dernière cause le
passage subit de la pauvreté à la fortune, et vice versa.
Il existe en cette ville une seconde maladie qui fait bien plus de ravages que la première;
c’est de la phthisie que je veux parler.La cause locale la plus puissante qui occasionne la
phthisie, est, sans contredit, le froid humide qui règne en cette ville une grande partie de
l’année, et qui occasionne même des odontalgies terribles qui ne se terminent que par la
destruction complète des dents. Une cause secondaire de la phthisie, c’est la négligence
de brûler les vêtemens de ceux qui sont morts de cette maladie. Les frères et les sœurs
s’en revêtent plutôt que de les sacrifier. Quelques-uns les font vendre, et empoisonnent
des familles saines. Une cause volontaire qui propage la phthisie, c’est le peu de
délicatesse que certaines personnes ont de s’allier avec un sang phthisique. Ce sacrifice
de la santé provient toujours de l’avidité pour la fortune.
Au quartier d’Antibe il y a une mine de charbon de terre qui, exploitée, serait fort
avantageuse aux fabrications du pays, ne fût-ce que pour les fabriques de savon, les
filatures de la soie et les moulins à huile.
Le territoire de Grasse, offrant beaucoup d’oliviers, doit avoir aussi beaucoup de
pressoirs à huile. Il y en a réellement un grand nombre; mais le pressurage s’y fait fort
mal. Les pressureurs se servent d’un levier très court, et n’emploient pas assez de force
pour bien exprimer l’huile. Aussi, en marchant sur les grignons qui sont répandus dans
les usines, on croit fouler une terre limoneuse. Il n’est pas surprenant que ces grignons
se vendent le double qu’ailleurs aux ouvriers rescenseurs.

On ne s’étonne plus qu’un pressoir à huile s’y vende jusqu’à quarante mille francs,
tandis qu’ailleurs on les obtient pour huit mille. Un ou deux moulins à Sinéty dans
l’endroit forceraient les autres moulins travailler avec plus de conscience.
La chapelle de Saint-Hilaire, au quartier de ce nom; était anciennement un temple dédié
à Jupiter Ammon. Il se trouvait sur la voie romaine qui conduisait au Brigantium. Près
de cette chapelle on célébrait, il n’y a pas long-temps, le Juvenial des Romains (la
jouvine des Grassois). Mais de quelle manière? Tous les ans, le premier jour du mois de
mai, l’autorité municipale du lieu conduisait sur cette hauteur tous les jeunes gens de
l’un et de l’autre sexe. Là, celui et celle qui, au vu de tout le monde, injectaient plus loin
leurs urines, obtenaient un prix, et étaient ensuite promenés dans la ville en
triomphateurs. Heureusement cet usage indécent n’a plus lieu. Je suis assuré que le
peuple d’aujourd’hui refuserait de se prêter à une pareille cérémonie.
Les montagnes des environs de Grasse, et du côté du nord, sont un chaînon de toutes
celles qui depuis la Durance, près de Sisteron, jusqu’au Var, un peu en-dessus de son
embouchure, servent de ligne de démarcation entre la basse et la haute Provence. La
partie inférieure de ces montagnes produit l’olivier; la partie moyenne a perdu ses forêts
et aurait besoin d’être reboisée; la partie supérieure n’est souvent, aux expositions à l’est
et au midi, que la roche nue.

La nature de ces montagnes est un calcaire compact de couleurs différentes; tantôt c’est
un beau blanc ou un blanc sale jaunâtre, tantôt c’est un gris bleuâtre ou un rouge de
sang. Cette dernière couleur provient de la grande quantité d’oxide de fer qui s’y trouve,
et dont la poussière couvre les pierres d’une sorte de rouille qui s’y attache fortement,
mais qui ne pénètre pas dans l’intérieur.
Les couches de ce calcaire sont le plus souvent horizontales. L’épaisseur est
ordinairement considérable vers la base, et diminue à mesure qu’elles s’élèvent vers le
sommet. Là elles se contournent subitement pour redescendre sur la face opposée. Ce
calcaire a souvent le même caractère que celui du Jura, et fournit de l’albâtre et de belles
carrières de marbre de différentes nuances. Ces couches calcaires sont composées de
plusieurs substances, parmi lesquelles on distingue quelquefois le gypse, toujours
entremêlé de lits d’argile de diverses couleurs, mais le plus souvent d’un blanc sale.
Cette formation gypseuse est accompagnée de dépôts de sable en couches subordonnées,
et qui se communiquent toujours sur des points différens.
Les coteaux en-dessous de cette chaîne de montagnes, et qui se trouvent sur le littoral,
sont infiniment moins élevés. Leur nature, dans l’arrondissement de Grasse, est calcaire,
mêlé cependant avec du grès et du granit, par le voisinage de la montagne schisteuse et
granitique qui, de la montagne de l’Estérel, s’étend par sillons plus ou moins larges et
plus ou moins profonds jusqu’à la rivière du Var. C’est dans cette partie inférieure que
l’on voit en été une sorte de mouche luisante que le peuple appelle baïsso luverno. Des
naturalistes croient que c’est le lampire d’Italie, genre d’insecte cléoptère; d’autres le
nomment rhinocéros, même nom d’un grand quadrupède qui porte une corne. Cet
insecte ne se montre qu’à la nuit, et ne passe jamais sur la rive gauche de la Siagne. Si
on l’y porte, ou il meurt presque en même temps où il se hâte de repasser sur la rive
opposée.
La ville de Grasse a trois hameaux, le Plan, Plecassier et Magagnosc. Elle a aussi quatre
foires dans l’année, savoir: le lundi après Saint-Marc, le lundi après Saint-Michel, le
lundi après le 1er novembre et le lundi après Saint-André. Pop. environ 13,000 hab.
La population de Grasse serait infiniment plus considérable, si cette ville n’éprouvait pas
continuellement des migrations, toujours dans la vue d’acquérir des richesses. Toutes les
nations de l’Europe sont exploitées par des négocians de cette ville, qui ne négligent
jamais de procurer de la célébrité au commerce de leur pays. On ne trouve pas de villes
en France qui n’aient dans leur sein quelques familles grassoises, qui y ont été attirées
pour le commerce des parfumeries ou pour tout autre industrie. Ajoutons à ceux-là un
grand nombre de jeunes gens qui voyagent sans interruption pour les productions du sol
et des fabriques du pays. Ces productions sont embarquées au port de la ville de Cannes,
qui, dans le fait, n’est que le port de Grasse, quoiqu’il en soit à quatre lieues.
Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, Grasse, Auribeau,
Mandelieu et Pégomas.

GRAVESON, Graveso.Village du canton de Château- Renard, à 6 lieues et un quart


d’Arles. Climat et productions, les mêmes qu’au chef-lieu de canton. Pop. 2,650 hab.

GRÉASQUE, Gredasca ou Grescha. Village du canton de Roquevaire, à 6 lieues et


demie de Marseille. Il y a des mines de charbon de terre qu’on exploite avec avantage.
On y recueille du blé, du vin en petite quantité. Pop. 370 hab.

GREMEUSE. (LA). Village sur la rive gauche de la Bléonne, à 4 lieues de Digne son
chef-lieu d’arrondissement et de canton. Productions, les mêmes qu’à Chénérilles. Pop.
80 hab.

GRÉOLIÈRES, Grisoliœ. Bourg du canton de Coursegoules, à 10 lieues de Grasse, et


sur la rive gauche du Loup. Les Velauni, peuple celto-lygien, avaient leur chef-lieu près
du village actuel. Ce lieu est divisé en deux parties, en haute et en basse. C’est dans la
partie haute que les habitans s’étaient réfugiés et retranchés, lors de l’irruption des
barbares d’Afrique.

La partie basse est dans une position plus agréable. La rivière offre des truites bien
saumonées. Le territoire est fertile en blé, en vignes et en fruits exquis. On commence à
y introduire la culture de l’olivier, qui y vient très-bien. On y a trouvé une inscription
fort ancienne sur un tronçon de colonne qui sert aujourd’hui de crucifère. Les fromages
du pays sont excellens. Les eaux pluviales découvrent journellement sur les terres
penchantes des bélemnites fort curieux. Pop. 800 hab.

GRÉOUX, Griselium, Castrum de Greoly, aujourd’hui Gredolœ. Village du canton de


Valensole, à 14 l. de Digne, et à deux minutes de la rive droite du Verdon, dans une
vallée agréable. Les Romains ne manquèrent pas de fréquenter cet endroit, non point à
cause de la fertilité du territoire et de la douceur du climat, mais à cause des eaux
thermales minéralisées qu’ils y découvrirent eux-mêmes. Ils en firent la recherche en
creusant un puits très-profondément, et la source très abondante sortit du fond en
bouillonnant et s’élevant d’une manière verticale jusqu’au haut de cette première
construction, sans que la sécheresse ait pu faire diminuer son volume d’eau, qui est
toujours le même du jour qu’on la découvrit. La température de cette eau est, selon le
thermomètre de Réaumur, à 31 degrés, et la même que celle du sang de l’homme.
L’analyse a fourni à un habile chimiste contemporain le résultat suivant:

Pour 12 livres d’eau:

Gaz hydrogène sulfuré. 14 pouces cubes.


Gaz acide carbonique. 19 pouces cubes.
Muriate de soude. 5 gros, 3 grains.
Muriate de mugnésie. 21 grains.
Sulfate de chaux. 20 grains.
Carbonate de chaux. 36 grains.
Barrégine 1 gros, 8 grains.

Nombre de Romains opulens recouvrèrent la santé, en faisant usage des eaux de Gréoux.
Aussi enrichirent-ils celui ou ceux qui en étaient les propriétaires, au point qu’on y fit
construire un bel hôpital dont on croit reconnaître encore les vestiges, et un temple dont
on a trouvé des débris qui annonçaient un monument de bon goût. Quelque grand
personnage adressa un ex-voto à la nymphe des eaux de Gréoux. Il était conçu en ces
termes:

ELIA FAVSTINA, TITIL VITRASII POLLIONIS


CONSVLIS II, PRÆTORIS II, INIPERATORIS PONTIFICIS
ASIÆ VXOR, NYMPHIS GRISELICIS.

Ce qui prouve que la femme d’un Romain, qui avait été deux fois consul, deux fois
préteur, général en chef, pontife et proconsul d’Asie, vint y chercher et y trouva la santé.
La réputation des eaux de Gréoux tomba avec la gloire des Romains. L’invasion des
barbares du nord et celle des Sarrasins firent entièrement oublier les vertus des eaux de
cette fontaine qui ne reprit sa célébrité que dans le douzième siècle. Possédée par des
Templiers, ceux-ci eurent le talent d’y attirer nombre de chevaliers français qui, dans les
croisades, avaient contracté en Palestine la coutume de se baigner. Les guerres intestines
qui, pendant plusieurs siècles, couvrirent la Provence de deuil, virent détruire de fond en
comble cet établissement précieux pour la santé.
Deux siècles et plus se sont écoulés sans que personne songeât à le réparer. Il a fallu un
propriétaire aisé, un homme instruit, un homme qui connaissait à fond l’art d’Esculape,
pour rendre à ces eaux une partie de leur primitive réputation. Aussi, depuis une
trentaine d’années, un grand concours d’étrangers de l’un et de l’autre sexe, de tous les
rangs et de toutes les conditions, viennent, deux fois dans la belle saison, y chercher la
guérison de leurs maux.
L’établissement des bains se trouve à environ cinq cents pas à l’est du village, et cent pas
de la rive droite du Verdon. Des promenades bien ombragées et plusieurs petits jardins
anglais ornés de divers arbustes qui donnent des fleurs odoriférantes, font de ce site un
séjour gracieux. L’hôpital, entièrement construit à neuf, est très-vaste, fort commode et
digne de recevoir des personnes honnêtes. Les baignoires sont toutes de marbre. Il y en a
qui sont carrées, et dans lesquelles on descend par plusieurs marches également de
marbre.
Le climat de Gréoux est tempéré. La plaine est fort agréable; mais les amphithéâtres sont
dégarnis d’arbres, parce que le terrain n’est pas soutenu et ne peut pas l’être, à cause du
manquement de pierres, à moins qu’on ne les fit venir à grands frais de la rive gauche du
Verdon ou des deux extrémités du territoire. Le sol produit du vin, du blé, des amandes
et quelques olives, Pop. 1,440 hab.

GRILLON, Village du canton de Valréas, à 7 lieues d’Orange, et sur la petite rivière de


Letz. Sol fertile en céréales, huile et vins clairets. On y fait beaucoup de clarette, sorte de
vin blanc doux. Pop. 1,310 hab.

GRIMAUD, Grimaldus, Castrum de Grimaldo. Village chef-lieu de canton, sur le golfe


du même nom, à 9 lieues et demie de Draguignan.
Quelques auteurs ont prétendu que ce lieu fut fondé par les Phocéens de Marseille, et
qu’il fut nommé Athénopolis (Ville de Minerve). Pour moi, je pense que Grimaud a une
origine encore plus ancienne. C’était, je crois, le chef-lieu des Camatulici, peuplade
celto-lygienne voisine de celle des Bormani et de la nation des Suelteri. Nous savons,
d’après les auteurs anciens, que les Camatulici occupaient le littoral, depuis
l’embouchure de l’Argens jusqu’en delà d’Alconis que nous avons placé à Cavalaire. Le
nom du village de Ramatuelle semble être formé du nom de ce peuple, à la différence de
la lettre initiale. Mais parce que le mot Ramatuelle a de l’analogie avec celui de
Camatulici, il ne s’ensuit pas que ce village ait été la capitale de ce peuple, mais
seulement qu’il se trouvait dans le pays occupé jadis par ce peuple. Ainsi que je l’ai déjà
dit plusieurs fois et que je le répéterai encore, une ville capitale était toujours, tant que
possible, sur un point central et non tout-à-fait à l’extrémité d’un territoire. Il lui fallait
un retranchement naturel sur une élévation, un amphithéâtre exposé au soleil levant, de
l’eau potable à une petite distance, etc.; tout cela se trouvait à Grimaud, ainsi qu’on peut
encore s’en convaincre en explorant le lieu. Les Romains, s’établissant de préférence
dans les villes capitales, ne manquèrent pas de venir habiter Grimaud, et d’y amener les
eaux nécessaires par un aqueduc dont nous parlerons dans cet article. Mais quel était le
nom de cette ville primitive? Quelle fut son importance? Quelles sont les causes qui
occasionnèrent sa ruine. Sur cela l’histoire est tout-à-fait muette, et nous sommes forcés
de garder un même silence.
Le nom de Grimaud, qui n’est connu que depuis le dixième siècle, dérive de Gibelin de
Grimaldi, qui reçut de Guillaume Ier la baronnie du Val-Freinet, en récompense de ses
exploits contre les Sarrasins, à l’expulsion desquels il avait puissamment contribué.
Gibelin en prit de suite possession. Il établit sa résidence et le siège de sa baronnie dans
la meilleure et peut-être la plus considérable des habitations que les Sarrasins avaient
fondées dans la contrée, sur les ruines de l’ancien lieu, qu’ils avaient peut-être détruit
eux-mêmes, lors de leur premier débarquement dans le golfe sambracitain.
Papon conteste, par des moyens plus spécieux que solides, l’origine du nom de Grimaud
et la véracité de la charte qui en fait mention. Nous pouvons assurer que cette charte de
Guillaume Ier a réellement existé, et qu’elle a été citée, en 1782, comme faisant titre
pour les barons de Grimaud, dans un mémoire au Conseil du roi, dressé par le célèbre
avocat Muraire, de Draguignan, qui fut depuis comte et premier président de la Cour de
cassation. Il existe encore dans le pays plusieurs familles qui portent le nom de Gibelin,
et qui paraissent l’avoir tiré des anciens barons de Grimaud, comme les familles
Boniface à la Molle, et Marquèzy à Ramatuelle, des anciens seigneurs de ces lieux.
Nous citerons, pour seconde preuve, une des vallées de la Garde-Freinet qui porte
encore le nom de Mourgues, ancien nom de la ville de Monaco, chef-lieu d’une
principauté qui appartient aux Grimaldi depuis le dixième siècle. Le nom de Mourgues
en provençal, comme celui de Monaco en italien, signifie moine. C’est pourquoi la
famille Grimaldi avait pris pour cimier à ses armes un moine vu à mi-corps. Il ne serait
pas impossible que le nom de la ville de Monaco, du temps des Romains, Portus
Heraclea Monœci, eût fait prendre, dans les siècles d’ignorance, le fils de Jupiter pour
un saint moine ou un chaste reclus.
On voit, à l’entrée de l’église de Grimaud, un débris de monument qui rappelle
l’existence dans ce lieu de la famille Grimaldi. C’est une petite auge, de forme
pyramidale, en beau marbre de Carrare, qui sert encore de bénitier. Sur la face la plus
voisine de la porte, ou lit cette inscription:

D. PRESBIT MONACHVS D. GRIMALDI.

Elle est en lettres très-bien formées, dans le genre de celles qu’on voit sur les monnaies
de la reine Jeanne et, d’autres monumens du quatorzième siècle.
En 1388, Jean de Grimaldi, sénéchal de Provence pour Charles de Duras, ayant
puissamment contribué à faire passer le comté de Nice et la vallée de Barcelonnette sous
la domination de la maison de Savoie, perdit vraisemblablement alors ses possessions en
deçà du Var, parmi lesquelles on compte la seigneurie d’Antibes.
La baronnie de Grimaud passa successivement dans le domaine de plusieurs familles
illustres ou très-en faveur auprès du souverain, ce qui prouve l’importance qu’on y
attachait.Nous citerons, comme seigneurs de la baronnie de Grimaud et Val-Freinet,
1° Guillaume de Pontevés qui, d’après Papon, prêta hommage pour le fief de Grimaud,
en 1298.
2° Pierre d’Acigné, grand sénéchal de Provence. Il était originaire d’Anjou, et le roi
René l’appelait son cousin. En 1412, il remporta une victoire signalée sur les Aragonais
entre le Rhône et la Durance, ce qui lui valut une grande récompense.
3° Jean Cosse, seigneur italien, et neveu de Balthazar Cosse, qui fut élu pape, en 1410,
sous le nom de Jean XXIII, qui, ayant embrassé le parti du roi René, fut forcé de quitter
les états de Naples, et perdit tous les biens qu’il y possédait. C’était un de plus grands
capitaines et des plus habiles négociateurs de son siècle. En 1450, il fut élu sénateur de
l’ordre du Croissant, en remplacement du roi René. Il est qualifié, à cette occasion,
seigneur de Grimaud et grand sénéchal de Provence. En 1470, dans l’acte d’inféodatian
de la terre de Saint-Tropez, il prend les titres de comte de Troyes, baron de Grimaud et
Val-Freinet.
4° Étienne de Vèse, favori de Charles VIII, qui le fit sénéchal de Nîmes et de Beaucaire,
son pays natal.
5° Enfin Grimaud fut érigé en marquisat en 1627, par Louis XIII, en faveur du sieur
d’Esplane, auquel succéda la famille de Castellane-Saint-Juers, qui le posséda jusqu’à la
révolution.
Grimaud était le chef-lieu d’une baronnie distincte et séparée du vigueyras de
Draguignan, tant pour l’administration civile que pour la justice, ainsi que cela fut
reconnu par arrêt du Parlement, du 22 novembre 1680. Bouche le jeune, en parlant du
siége de Roquemartine, en 1396, dit qu’il fut entrepris par les troupes des vigueries
d’Aix, Brignoles, Draguignan, Grimaud et des terres adjacentes. Il formait, par
conséquent, un district tout-à-fait distinct des vigueries, quoiqu’il ne fît pas partie des
terres adjacentes. Il avait un siége d’appeau auquel ressortissaient les jugemens des
juges seigneriaux de Grimaud, la Garde-Freinet, la Molle, Cogolin, Gassin, Ramatuelle
et Saint Tropez. (Il paraît que Sainte-Maxime et le Revest ne faisaient point partie de
cette baronnie.
Le village de Grimaud, dont il est rarement fait mention par les historiens de Provence,
paraît avoir peu souffert des guerres étrangères et des guerres intestines qui ont si
souvent désolé la Provence. Il était devenu le refuge de toute l’industrie et du commerce
de la contrée. On y voit encore plusieurs vieilles maisons d’une architecture curieuse,
tantôt dans le genre mauresque et tantôt dans le goût italien du moyen âge. Des galeries
à arcades, construites dans le quinzième et le seizième siècle, soutenaient les maisons de
la
Grande Rue et la rue des Juifs, et facilitaient la circulation des acheteurs au-devant des
boutiques dont elles étaient garnies. A cette époque de troubles et de rapines, les
malheureux commerçans ne pouvaient livrer leurs marchandises à la foi publique. Ils
admettaient rarement les acheteurs dans leurs magasins, où ils se tenaient renfermés
comme dans une forteresse, Ils ne traitaient avec eux qu’à travers un guichet ou une
fenêtre, dont ils rétrécissaient l’ouverture autant que le permettaient le passage des
objets vendus et payés d’avance.

Entre ces deux rues se trouve, sur la place du Cros un puits remarquable par son
antiquité, attestée par des profondes entailles faites, dans les margelles de serpentine qui
en forment le contour, par le frottement des cordes des seaux avec lesquels on puisait
l’eau. Ce puits a été creusé à une grande profondeur dans le roc vif et au ciseau, long-
temps avant l’invention de la poudre.
A l’autre extrémité de la rue des Juifs se voit l’église paroissiale, dont la construction
remonte au moins au dixième siècle. Elle est bâtie d’un granit grossier, d’une couleur
tirant sur le blanc sale, tel qu’on en trouve dans les environs. Ses murs, fort épais,
présentent sur leurs faces extérieures et intérieures des blocs carrés et posés par assises
régulières.
La voûte présente intérieurement la même construction; elle a la forme d’une croix
latine; elle est ornée de six pilastres de forme dorique, mais dont les proportions sont
amaigries.
Les bras de la croix forment deux chapelles, dont les voûtes, ainsi que celle de la nef,
sont construites en berceaux.
Tous les arcs sont de plein cintre. Tout prouve que cette église a été édifiée avant qu’on
connût l’architecture gothique. Le chœur est formé par une niche immense creusée dans
un massif carré; aussi n’a-t-on pas craint de bâtir en dessus, dans des siècles postérieurs,
un clocher assez élevé, sans que le poids énorme suspendu sur l’arceau d’ouverture ait
nui à sa solidité. La poussée des voûtes n’est point soutenue non plus par des arcs-
boutans ni par des contre-forts; et cet édifice résistera aux rigueurs des siècles, à moins
que le génie destructif des hommes ne vienne hâter sa ruine. Au sommet de la colline sur
le penchant de laquelle est bâti le village, à l’endroit même où les premiers habitans du
pays avaient construit un retranchement pour préserver leur bourgade, se trouvent les
ruines pittoresques du vieux château, dont la construction est attribuée par la tradition
locale à la reine Jeanne 1ère. Cette princesse intéressante et malheureuse est toujours
vivante dans le souvenir des Provençaux, malgré ses fautes et ses grands revers. Cette
construction, bien supérieure à celle des autres châteaux de la même époque, a dû être
faite par des architectes italiens du quinzième siècle, et vraisemblablement par les ordres
de Jean Cosse, l’un des hommes les plus distingués de son siècle. Il subsiste encore deux
tours rondes de la façade principale, ornées de cordons de serpentine du meilleur effet.
Les fenêtres, toutes carrées, ont des chambranles de la même pierre. Au milieu du
château s’élevait une autre tour d’une grande hauteur: c’était un véritable belvéder d’où
l’on pouvait apercevoir la mer tout autour de la presqu’île de Gassin et Saint-Tropez.
Cette pièce est tombée depuis environ ving-cinq ans. Autour du château s’étend une
vaste enceinte de murailles garnies de meurtrières, par où l’on défendait l’approche du
village.
Ce château n’a été abandonné que vers le milieu du dix-huitième siècle, par le dernier
seigneur. Ayant reçu dans une bataille une blessure qui le rendait boiteux, il trouva
beaucoup trop pénible d’habiter un château dont l’accès était très-escarpé; c’est
pourquoi il transporta son habitation au bas de l’endroit.
Près du village de Grimaud, en creusant dans les terres, on a trouvé des tombeaux de
briques, des médailles et des bâtisses romaines; des voûtes considérables ont été
découvertes, en nivelant la place des Mûriers. Mais ce qui affirme le plus que les
Romains ont long-temps habité le lieu primitif, ce sont les restes de l’aqueduc qui
amenait sur l’emplacement actuel de Grimaud la belle source de Painchaud, qui en est
éloignée d’une lieue, et séparée par la profonde vallée d’Engalières. Ces ruines ne sont
pas imposantes comme celles de l’aqueduc de Fréjus, construit pour l’utilité d’une ville
qui tenait un haut rang dans la province, mais elles méritent encore l’attention et l’intérêt
des curieux. On ne saurait trop admirer combien on avait su allier l’économie avec la
solidité. L’eau était d’abord conduite dans des tuyaux de briques soutenus par une
maçonnerie légère, jusqu’à la vue de Grimaud. Là se trouvait un réservoir voûté destiné
à rassembler les eaux avant de leur faire franchir la vallée qui a plus de trois cents pieds
de profondeur. Du réservoir partait un nouvel aqueduc qui suivait le penchant de la
colline dite de Roux, traversait le torrent d’Engalières sur un pont qu’on y avait jeté
antérieurement, et remontait la colline opposée, en forçant l’eau. On a trouvé jusque vers
l’église actuelle des débris de cet aqueduc, qui était formé de tuyaux enduits d’un vernis
vert, de onze pouces de longueur sur deux ponces de diamètre, placés seulement l’un
dans l’autre, et préservés par deux rangées de noues ordinaires cimentées par un mortier
romain. Il reste encore des vestiges du réservoir, qu’on nomme le puits des fées, et le
pont qui supportait l’aqueduc. Ce pont, bâti en pierres brutes et chargé encore d’une
portion d’aqueduc, peut avoir quatorze mètres d’ouverture et douze de hauteur en
dessous de l’arche. Sa culée occidentale a été percée pour laisser passage aux eaux d’un
biez. Il présente, du côté du nord, un joli point de vue. Sous son arche, pleine de
hardiesse et de solidité, l’on aperçoit une échappée de vue sur la plaine, on ne peut plus
riante et pittoresque.
Le territoire de Grimaud est fort étendu. La plus grande partie est formée par des
montagnes de granit et de schiste argileux entremêlés de bandes transversales de quartz.
L’une de ces bandes, d’une largeur et d’une longueur extraordinaires, est connue sous le
nom de roucas blanc. On y avait exploité une mine d’alquifoux au quartier de Mourety.
Ces collines sont parsemées de petits bois de pins et de chênes-liège entre lesquels se
trouvent un grand nombre de hameaux et de fermes isolées. La partie sud-ouest du
territoire forme une plaine couverte de terres labourables et de prairies, où paissent de
nombreux troupeaux de bœufs et de chevaux. Il n’y a point d’habitation dans cette vaste
étendue, à cause des inondations auxquelles elle est sujette en hiver, ce qui engraisse les
terres par le limon que les eaux y déposent. La mer occupait autrefois cette plaine en
tout ou du moins en grande partie. En creusant la terre à trois ou quatre pieds de
profondeur, près de la grande garonne, on y a trouvé du sable de mer mêlé de coquilles
brisées. Il continue à se former au fond du golfe et surtout du côté de Saint-Pons, des
atterrissemens qui font reculer la mer peu-à-peu d’une manière sensible. On trouve en
plusieurs endroits de la plaine des amas d’eau appelés garonnes et foux. Ces derniers
sont des étangs formés à l’embouchure des rivières et des torrens dans la mer; les autres
sont de véritables lacs alimentés par des sources souterraines. La grande garonne est fort
utile pendant l’été pour l’abreuvage des troupeaux de gros bétail qui y viennent en grand
nombre.
Le terroir de Grimaud est, en général, fertile. Quoique les terres soient bien cultivées
depuis la révolution, cette culture est encore susceptible de grandes améliorations. On
pourrait y faire des récoltes plus riches que celles du blé et des haricots noirs, qui s’y
succèdent régulièrement, d’autant mieux que l’humidité de l’atmosphère, ou plutôt des
brouillards du matin, procure la carie et la rouille au blé, et fait changer plusieurs tiges
en ivraie. L’éducation des troupeaux donnerait de grands bénéfices, si elle était mieux
entendue. Depuis la suppression du dépôt d’étalons à Cogolin, un particulier en a établi
un à ses frais auprès de Grimaud. On espère qu’il contribuera à donner des chevaux
hauts de taille et plus étoffés que la race ordinaire des eygues, dont la petitesse ne saurait
être compensée par la vigueur particulière à cette race.
Une fabrique de bouchons et trois briqueteries forment toute l’industrie de cette
commune. Ces dernières seraient susceptibles d’un grand développement, si l’on
parvenait à perfectionner leurs produits; ce que je ne crois pas impossible, puisqu’on
trouve des briques romaines dans le pays, faites vraisemblablement avec la même terre,
et qui sont tout à la fois plus dures et plus légères.
Il s’y tient trois foires dans l’année: le jour de l’Ascension, le 15 août et le 29 septembre.
Elles sont les plus considérables de tous les environs, surtout celle du 15 août, qui se
tient à une demi-lieue du village, près de la chapelle de Notre-Dame de la Queste, dans
un site riant et commode.
Un peu plus loin se trouve Saint-Pons, maintenant simple métairie, mais auquel se
rattachent quelques souvenirs historiques. Il paraît qu’il y a eu sur cet emplacement,
alors baigné par les eaux de la mer, un village ou du moins une villa considérable, du
temps des Romains. En 1074, il y existait un monastère qui subsistait encore en 1290. Il
a formé un arrière-fief jusqu’à la révolution. On y voit encore une chapelle abandonnée,
avec quelques vestiges de tombeaux, d’un cimetière et d’anciennes bâtisses.
Le village de Grimaud a une maison commune nouvellement restaurée, un beau
presbytère, et un hôpital richement doté pour un pays dont la population n’est que de
1,264 habitans. Des chemins bien entretenus traversent le territoire en tous sens, et
faciliteront les améliorations dont la commune est susceptible. Les principales
productions du pays sont, le foin, le blé et les haricots noirs. On y recueille aussi de
l’huile excellente, et une assez grande quantité de vin d’une qualité ordinaire.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Grimaud, Cogolin, la Garde-
Freinet, Sainte-Maxime et le Plan de la Tour.
En face du village de Grimaud se trouve le golfe du même nom, qui a environ une lieue
de large sur trois de long. Il a dû être une sorte de vivier pour les Camatulici, peuple qui
se livrait particulièrement à la pêche. Ce golfe fut appelé par Antonin, Sinus
Sambracitanus. Plus d’une fois, les flottes marseillaises et les flottes romaines y
trouvèrent un sûr abri contre les tempêtes, et un port de salut, lorsqu’elles étaient
poursuivies par des flottes ennemies. Plus tard, le Sarrasins, sortis de l’Espagne et de
l’Afrique, virent y débarquer, à différentes reprises, des troupes nombreuses qui se
fortifièrent dans la contrée et envahirent toute la Provence C’est également dans ce golfe
que la flotte d’Orient vint attaquer les vaisseaux des Sarrasins qui s’y tenaient en pleine
sécurité. Pendant le blocus continental des dernières guerres, les vaisseaux de l’état et
les navires marchands, poursuivis par les Anglais, venaient y chercher un heureux
refuge, sans crainte que ces tyrans des mers osassent venir les troubler.
Ce golfe, formé pas les territoires de Sainte-Maxime, de Grimaud, de Cogolin, de Gassin
et de Saint-Tropez, est très-exposé au vent d’est; il serait dangereux de le traverser,
lorsque ce vent est déchaîné. Il est plus prudent alors aux voyageurs d’en faire le tour à
pieds que de s’exposer dans une barque qui serait infailliblement engloutie sous les
vagues. Nous donnons d’autant plus volontiers cet avis au public, qu’il ne se passe
presque point d’années qu’il n’y ait des personnes qui s’exposent à être victimes de leur
imprudence et de leur témérité.

H
HERACLEA CACCABARIA. Ville de l’ancienne Provence, avec un port de mer, située
auprès du lieu où se trouve aujourd’hui la ville de Saint-Tropez. Voyez ce mot.
Pline fait mention d’une autre ville de ce nom, qu’il dit placée auprès des embouchures
du Rhône. Quelques auteurs ont cru retrouver la position de cette ville à Saint-Gilles-les-
Boucheries, près d’Arles, mais dans le Languedoc. Cependant rien ne l’assure; car on
peut trouver des positions convenables à une ville, soit dans la Camargue, soit sur la rive
gauche du Rhône et à l’endroit même où se trouvait la ville celto-lygienne Anatilia, à
laquelle les Grecs et les Latins peuvent avoir donné le nom d’Heraclea; et alors elle
aurait été réellement près des embouchures du Rhône, tandis que Saint-Gilles n’est près
que de l’embouchure d’une dérivation de ce fleuve, faite par les soldats de Marius.

HONORAT (SAINT). Une des îles de Lérins, vis à vis la ville de Cannes. Les Celto-
Lygiens l’appelaient Planasia, les Romains Lerinœ, dont on a fait Lérins. C’est dans
cette île que se trouvait la plus ancienne abbaye des Gaules, fondée, vers l’an 410, par
saint Honorat, originaire de Toul, et dont la famille avait dont plusieurs consuls à
l’empire. Ayant quitté les déserts de l’Orient qui lui rappelaient la mort d’un de ses
intimes amis, il vint en Provence chercher une solitude près de Fréjus, à cause de la
grande vénération qu’il avait pour saint Léonce, évêque de cette ville.
Aidé du secours de cet évêque, le saint solitaire fit bâtir un monastère dans l’île de
Lérins, qui était alors déserte et infestée de serpens dont la plupart étaient venimeux.
Nombre de moines, de toutes les nations et des principales familles, vinrent y vivre,
pendant plusieurs siècles, dans la pratique des vertus et dans la sainteté. Beaucoup ont
illustré cette île par leur grand savoir. Aussi elle a fourni long-temps des évêques à
presque toutes les églises des Gaules.
Dans le huitième siècle, les Sarrasins surprirent cette île, s’emparèrent des moines,
auxquels ils proposèrent de grandes récompenses, s’ils consentaient à changer de
religion. Mais, les trouvant fermes dans la foi de Jésus-Christ, ils les firent mourir de la
manière la plus cruelle, à l’exception de cinq, dont quatre furent menés prisonniers.
Après avoir abattu les églises et rasé les bâtimens, les barbares se rembarquèrent pour
aller relâcher dans la rade d’Agay. Les quatre prisonniers prirent la fuite, marchèrent
toute la nuit dans les bois et les rochers, arrivèrent à Aralucis, c’est-à-dire là ou se
trouvait un temple ou les ruines d’un temple dédié à la lumière. Ils se tinrent cachés dans
un souterrain, et repassèrent le lendemain dans l’île, où ils eurent la douleur de trouver
plus de cinq cents de leurs frères morts. Ils leur rendirent les honneurs de la sépulture,
rappelèrent ceux qui étaient passés en Italie, et relevèrent en peu de temps le monastère.
Quelques années après, les Sarrasins y revinrent, mais ils n’eurent pas le temps d’y
exercer leurs cruautés. Ils ne purent assouvir leur rage qu’en 1109. C’était le jour de la
Pentecôte. Pendant que les pères étaient à chanter leur office, les barbares débarquèrent,
pillèrent le monastère et le livrèrent aux flammes.
En 1401, des pirates génois s’emparèrent de nuit et par escalade d’une tour qui se
trouvait dans l’île, et ils la gardèrent jusqu’à la fin de l’année, c’est-à-dire jusqu’à ce
que, faits prisonniers, ils eussent subi la peine capitale au pied de cette même tour.
Le pape Adrien V, en 1516, et François Ier, en l525, visitèrent cette île, en mémoire des
saints martyrs dont les restes se trouvaient dans cette terre. En 1554, les Espagnols la
saccagèrent. Douze ans après André Doria, général de la flotte de l’empereur, y
débarqua des troupes; en 1635, les Espagnols vinrent s’y fortifier et n’en furent chassés
que deux ans après: en 1746, les Anglais et Les Autrichiens vinrent y détruire la forêt
dont elle était couverte, et un an après ils furent forcés de l’abandonner. Au
commencement de la révolution française, nos troupes arrachèrent les vignes qui
auraient pu entraver leurs manœuvres.
Le monastère se trouve sur la pointe d’un rocher qui s’avance dans la mer. Il fut bâti en
1116, pour mettre les moines à l’abri de toute attaque de la part des barbares. Cet édifice
est carré, et ressemble à une forteresse. Il est surmonté d’une grande terrasse garnie de
créneaux; les murs sont en pierres de taille. Ils ont résisté au canon des flottes ennemies,
et plusieurs boulets sont encore attachés aux façades du côté de la mer. On passe sur un
pont-levis pour entrer dans le monastère. Une partie de l’intérieur est encore logeable;
l’autre menace de crouler bientôt. Le dessous du premier étage n’est qu’une vaste citerne
qui résonne au moindre tapage; l’escalier est très-grand; il se ressent du goût du
douzième siècle.
A l’entour de l’île on voit encore les vestiges de six petites chapelles qui ornaient le
monastère au centre. L’église, dont une partie est tombée depuis peu, était fort grande et
en pierres de taille, de même que deux chapelles qui y étaient contiguës. L’entrée de
l’église était décorée de deux colonnes de granit de l’Estérel; on y en voit encore une;
l’autre fut transportée à Marseille. Plusieurs inscriptions se trouvent encore dans le
cloître. La plus curieuse est celle qui se trouve sur un carré de marbre blanc, dans un
mur près du puits que saint Honorat fit creuser au centre de l’île, lequel puits fit
comparer ce saint à Moïse, pour avoir fait sortir de l’eau d’une pierre. Ce puits offre une
belle source d’eau excellente au-dessous du niveau de la mer.
Dans l’intérieur de l’île on voit encore beaucoup de petites cellules entourées d’une
petite enceinte de murailles.

Chaque moine en avait une pour venir s’y livrer à la méditation, et pour s’y distraire en y
cultivant quelques plantes. Le public qui visite ce lieu est pénétré d’un saint respect pour
une terre qui a été entièrement arrosée du sang d’une infinité de saints martyrs.
Cette île est d’une forme ovale, et d’environ une demi-lieue de circonférence, bordée de
rochers ne présentant que de petites anses accessibles à des bateaux. La surface est
presque unie; aussi le canon du fort de l’île Sainte-Marguerite la préserve de toute
invasion. Voilà pourquoi on devrait la cultiver, sans crainte de voir détruire les récoltes.
Elle donne du blé, des haricots verts exquis. Il y a beaucoup de cacie, dont la fleur est
vendue aux parfumeurs de Grasse. L’oranger y viendrait très-bien en plein vent, et ferait
de l’île un séjour enchanteur; car son point de vue est des plus agréables.

HORREA AD. Voyez AURIBEAU, près de Grasse.

HOSPITALET (L’), anciennement Castrum de Hospitaleriis, aujourd’hui Espitaletum.


Village du canton de Banon, à 4 lieues et demie de Forcalquier. Son nom vient d’une
maison de chevaliers Hospitaliers, dont nous ignorons l’époque de l’établissement, et
non pas, comme certains auteurs ont osé le prétendre, d’un hôpital romain, car ce lieu
était fort éloigné de la voie romaine. Ce village a été long-temps une dépendance du
village de Saumane. Productions, les mêmes qu’à Saint-Étienne. Il fournit également des
droguistes, et on y spécule sur les pourceaux. Pop. 163 hab.

HUVEAUNE, dans les chartes anciennes Yvelinus, aujourd’hui Hibelna ou Ibelna.


Torrent ou ruisseau qui prend sa source sur la montagne de la Sainte-Baume, passe à
Saint-Zacharie, Auriol, Roquevaire, Aubagne, et va se jeter dans la mer, à une lieue de
Marseille, près du château Bourrélis (Borrelly…). Ce ruisseau, pendant les fortes
chaleurs, ne coule pas en dessous d’Auriol; il reçoit les immondices de plusieurs
communes, ce qui rend ses eaux plus propres à l’irrigation qu’à alimenter la plupart des
fontaines publiques de la ville de Marseille. La vérité, on a soin de les faire dépouiller
dans un purgeoir qu’elles traversent dans le territoire de la Penne; mais cela n’empêche
pas qu’elles n’arrivent ni fraîches ni propres, et chargées de tuf. On ne peut les rendre
potables que par le secours du filtre.

HYÈRES, Arœ, autrefois Nobile Castrum Arœarum. Ville chef-lieu de canton, à 4 lieues
de Toulon, sur le Gapeau, non loin de la mer. Cette ville est fort ancienne. Son origine
remonte à la plus haute antiquité. Je ne dirai point, pour lui donner une célébrité outrée,
qu’elle a été la capitale d’une peuplade celto-lygienne.... Je serais contredit par la
vraisemblance et par la saine raison. Mais je prouverai que ce lieu est habité depuis un
temps immémorial, et je suis persuadé que tous mes lecteurs se rangeront de mon avis.

Tous les auteurs anciens qui ont écrit sur la Provence, s’accordent à dire que les
Bormani, peuple celto-lygien, occupaient la côte maritime de Bormes et d’Hyères; et
que ce peuple avait pour voisins, d’un côté les Commoni, et de l’autre les Camatulici.
D’après cela, il résulterait que le pays des Bormani n’avait sur le littoral qu’une largeur
de sept à huit lieues, espace fort rétréci pour un peuple qui avait besoin d’une vaste
étendue de terres, pour s’y livrer à l’exercice de la chasse. De nouvelles observations,
que je viens de faire sur le lieu même, m’ont prouvé clairement que les Bormani ont dû
occuper nécessairement toute la vallée de le Gapeau jusqu’à sa source, ainsi que celle du
Riou-Martin jusqu’à l’extrémité du territoire de Pignans. Je dis plus, la situation des
lieux m’a convaincu que ce peuple avait son chef-lieu à l’endroit même où se trouve
Solliès-Ville, et une bourgade sur la hauteur qui domine la ville de Cuers.
Mais, ainsi que tous les autres peuples dont les territoires avoisinaient la mer, les
Bormani avaient établi près de la côte des cabanes pour ceux qui se livraient à la pêche
et à la piraterie; et ces cabanes se trouvaient sur l’amphithéâtre où est la ville d’Hyères,
et au pied d’un retranchement naturel qui a dû être le poste le plus fort de toute la
contrée.
Les Cénomani, peuple celte qui avait suivi Bellovèse dans sa migration, et qui
l’abandonna pour s’établir sur le littoral, depuis Marseille jusqu’au Var; les Cénomani,
dis-je, vinrent augmenter le nombre des cabanes des pêcheurs bormani, tout comme ils
augmentèrent celles des pêcheurs sueltériens, à l’endroit même où se trouve la ville de
Fréjus, Quelques-uns, secondés par des Marseillais commerçans, jetèrent les fondemens
de la ville d’Olbia sur le bord de la mer, à l’est du golfe d’Hyères, et à peu près au même
endroit qui porte encore le nom de port de l’Eoubo. Ceux qui ont prétendu qu’Olbia était
le même que la ville d’Hyères d’aujourd’hui, se trompent bien certainement; car les
Marseillais, n’ayant établi le premier que pour servir de comptoirs et de relâche aux
navires n’auraient pas choisi le haut d’une montagne à une lieue du rivage de la mer, où
il était impossible de faite arriver les vaisseaux.
Les Romains, à leur tour, fondèrent une station maritime au nord de la rade de Giens, et
sur le revers méridional de la colline de Saint Salvadour. Cette station fut nommée
Pomponiana. Elle devint considérable, puisque les ruines qu’on y découvre encore
occupent un espace d’environ dix-sept mille toises carrées; mais cela ne l’empêcha pas
d’être abandonnée.
Les habitans d’Olbia et de Pomponiana, trouvant plus d’intérêt à cultiver les terres qu’à
se livrer au commerce maritime, pour lequel ils ne se croyaient point nés, et étant
fréquemment troublés par les pirates qui infestaient ces parages, abandonnèrent leurs
villes pour venir augmenter la population qui se trouvait protégée par un fort naturel et,
pour ainsi dire imprenable. Les nouvelles habitations furent construites sur un plateau où
l’on avait usage de battre les grains, c’est-à-dire sur la place de l’Aire, en provençal ièro
ou hyère; et comme cette partie de la ville devint bientôt la plus considérable, elle donna
son nom à la partie ancienne, dont le nom primitif est tout-à-fait oublié: peut-être
portait-il le nom de Mas Bormani, ce qui signifierait cabanes des Bormani. Les
nouveaux habitans, n’ayant d’autre eau potable que celle de la source de l’Humino, tout-
à-fait au-dessus de la colline, firent venir celles de la source de Mounacho, qui est dans
la terre de la Castille, par le moyen d’un aqueduc. Ensuite ils embellirent la ville de
plusieurs monumens qui ont entièrement disparu, par l’effet désastreux des différentes
incursions des barbares africains, qui détruisirent tout et menèrent une grande partie des
habitans en esclavage.
Après l’expulsion des Sarrasins du Fraxinet, la ville fut reconstruite; l’église paroissiale
fut bâtie sur les ruines d’un temple païen dédié à Bacchus. Les seules preuves qui en
restent sont quelques chapiteaux ornés de feuilles de vigne.
Comme les anciennes fontaines et les aqueducs avaient été détruits, on creusa d’abord
quelques puits sur la hauteur; ensuite on fit venir les eaux de la source dite la Maire, qui
se trouve sur le penchant d’une colline en face de la ville, et du côté de la mer. Ce sont
ces eaux qui alimentent les fontaines actuelles.
Dans la campagne d’Hyères, et sur la rive droite du torrent de Borrel, on a découvert les
ruines d’une villa qui a dû appartenir à une riche famille romaine. On sait qu’auprès de
l’urbania, partie d’une maison de campagne où logeait le maître, les Romains
établissaient toujours un temple plus ou moins vaste ou élégant, qu’ils dédiaient à une
divinité particulière. Ce temple n’était ordinairement qu’un simple oratoire; mais
quelquefois c’était un monoptère spacieux, enrichi de pièces d’architecture analogue au
bon goût et à la munificence de celui qui le faisait construire. Parmi les vestiges
récemment découverts près de cette villa, devait être une mosaïque servant de tapis au-
devant de l’autel ou au-devant de l’endroit où se trouvait le trépied sacré, et où le prêtre
rendait ses oracles. Cette mosaïque, en effet, se trouve encore dans la terre. Elle n’a pas
assez d’étendue pour qu’elle ait dû servir à décorer une pièce d’appartement, quoique en
général elles fussent petites.
Quelques restes de bâtisse ancienne en ce même lieu ont été prises pour celles d’une
salle de bains.
Je ne sais trop si les riches et sensuels habitans de cette époque ne leur auraient point
préféré celles qui furent par eux amenées à la ville, et dont nous parlerons bientôt. Je ne
pense pas qu’ils se servissent de celles du Borrel, attendu que ce torrent coule rarement
en été, saison convenable pour prendre des bains.
Sur la colline qui domine la ville d’Hyères, on a trouvé, à différentes époques, des
pierres votives et des pierres tumulaires, la plupart portant inscription; et dans la
campagne, des tombeaux reconnus pour avait servi aux premiers chrétiens, en ce qu’ils
portaient des croix et qu’ils renfermaient un bénitier et à-peu-près le même mobilier que
ceux des païens.
Parmi les ruines de Pomponiana, on reconnaît encore aujourd’hui celles de plusieurs
édifices; et en fouillant dans la terre, on rencontre des arceaux en bâtisse, des restes
d’aqueducs qui amenaient vraisemblablement les eaux de la petite source de Saint-
S a l v a d o u r, un quai, des fragmens de mosaïque, des débris de tuiles romaines, de
vaisselles communes, etc.
Au quartier de Notre-Dame de la Crau, on a trouvé dernièrement, en creusant les terres,
une briqueterie de construction sarrasine, et des tombeaux en briques avec ossemens,
preuve incontestable que les barbares africains ont séjourné dans le pays.
Le château de la ville d’Hyères, réputé imprenable à cause de son heureuse situation,
occupait une grande partie de la montagne qui domine la ville. Il fut assiégé par les
comtes de Provence, par Raymond de Turenne, par les carcistes et par les troupes de
Henri IV; il opposa toujours une résistance opiniâtre.
Le baron de Vins, voulant venger ses cavaliers massacrés par les gens du pays dans le
territoire de Cuers, vint essayer de surprendre la place; mais il fut forcé de battre en
retraite, après avoir laissé un grand nombre de ses soldats morts sous les remparts.
Le duc d’Épernon, gouverneur de la Provence sous Henri IV, ayant l’indigne projet de
trahir le roi, qui l’avait honoré de sa confiance, ordonna à M. de Signans de défendre et
de conserver le château d’Hyères jusqu’à la mort, pour ne le céder qu’aux troupes du
duc de Mayenne, ennemi du roi.
M. de Grésil, père de M. de Signans, quoiqu’il sût que son fils commandait cette place,
accepta l’ordre du roi pour aller s’en emparer, pleinement persuadé que son fils ne
méconnaîtrait point son père, et ne voudrait point servir une autre cause que celle de
l’honneur. Mais ce fils, indigne du nom de fils, du nom de Français, indigne de la famille
à laquelle il appartenait, non seulement méprisa toutes les remontrances de son père, non
seulement il lui opposa une vigoureuse résistance et le repoussa avec des pertes
considérables, mais, peu de jours après, comme son père se présenta à lui, seul et sans
armes, dans la vue de le rappeler au devoir et à l’honneur, il se saisit brutalement de ce
vieillard, le recommanda sévèrement à des geôliers, qui le chargèrent à l’instant de
chaînes et l’ensevelirent vivant dans un cachot. On peut, d’après ce fait, juger des mœurs
du parti qui s’était armé contre la légitimité de Henri IV.

Le roi, indigné de cet événement, ordonne au duc de Guise de venir s’emparer de vive
force du château d’Hyères, d’en chasser les ligueurs, et de délivrer par là les habitans de
l’oppression d’un soldat inhumain; Six mois après, le château et les autres fortifications
n’offrirent plus qu’un monceau de décombres.
Henri IV ne manqua pas de venir visiter sa bonne ville d’Hyères, et sa présence
dédommagea les habitans de tout le mal qu’ils avaient éprouvé pendant le siége. Le roi
fut conduit dans l’église Saint-Louis, fondée par Louis IX, lorsqu’à son retour de la terre
sainte, il débarqua à Hyères avec sa femme et ses enfans.
En 1707, l’armée navale d’Angleterre, venue exprès pour favoriser le duc de Savoie
lorsqu’il assiégeait Toulon, débarqua à Hyères quelques troupes, qui se crurent
généreuses, parce qu’elles n’exercèrent aucune cruauté sur les personnes. Elles se
contentèrent seulement de piller les campagnes, de brûler les grains, de couper les
arbres, et de répandre à terre l’huile et le vin qu’elles ne pouvaient consommer. Les
malades et les blessés savoyards furent envoyés à Hyères pour y être soignés; mais
l’insalubrité du pays les faisait périr par centaine. Les habitans loin de se venger sur ces
malheureux des outrages reçus de la part des Anglais, leur prodiguèrent leurs soins et
leur fournirent généreusement ce qui leur était nécessaire, exemple frappant du caractère
des Provençaux, qui oublient facilement le mal qu’ils ont reçu, pour ne s’occuper que du
bien que l’humanité leur commande de faire.
Le climat d’Hyères est tempéré en hiver, et très-chaud en été. Une grande partie du sol
est fertile, et ses productions sont précoces. Au quartier du Riolet il y avait autrefois des
rizières très-productives qui attiraient beaucoup d’argent au pays; mais l’idée qu’elles
étaient cause de l’insalubrité du territoire, fit qu’on les abandonna à pure perte. Le
coteau qui abrite la ville est couvert de beaux oliviers qui sont d’un bon produit, et la
partie de la plaine qui l’avoisine n’offre que des jardins et des vergers, les uns donnant
toutes sortes de primeurs, les autres n’offrant presque qu’orangers, citronniers, poncires,
cédras, bigarradiers, qui y viennent en plein vent, ainsi que plusieurs autres plantes
qu’on peut s’y procurer, telles que l’acacia julibrissin, l’aloisla citrodora, l’andropagan
squar-rosus-veti-vert de l’Inde, l’arundo bombos, le calycanthus prœcox, le cassia
corymbosa, le casuarina equiseti folia, le jasminum grandiflorum, la justicia adathoda, la
lagerstro emina indica, le magnolia grandiflora, le melaleuca linarifolia, le melia
azedarach, le metrosideros alba, le nerium splendens, le phaseolus caracala, le phlomis
leanurus, le phœnis dactilifera, le pittosporum sinense, le polygala speciosa, le prunus
lusitanica, la rosa banksiana alba, le saccharum officinarum, la visnea mocanera, l’yuccà
aloifolia, etc. Un seul jardin donne souvent dans une année pour vingt-quatre mille
francs de fruits, sans compter les produits des fraises, des légumes et des fleurs de
parterre. Ces produits, joints à ceux de l’huile et de la grande quantité de vin du pays,
forment en cette ville un commerce continuel et toujours lucratif; aussi le sol du pays est
estimé a des prix exhorbitans. Le seul emplacement de la remise de l’Hôtel des
Ambassadeurs fut, dit-on, vendu plus de dix mille francs. Cet hôtel peut rivaliser avec
avantage ceux qui se trouvent dans la plupart des grandes villes, soit sous le rapport de
l’élégance et de la commodité, soit sous celui des soins assidus et de la bonne chère, qui
ne déplaisent jamais aux voyageurs.
Le territoire d’Hyères a été long-temps sous l’influence des miasmes méphitiques des
marais qui l’avoisinaient. Mais depuis qu’on a facilité l’écoulement des eaux du Gapeau
vers son embouchure, qu’on a comblé bien des fossés et remis en culture la plupart des
terres basses, la ville d’Hyères et son territoire sont devenus aussi salubres qu’on pouvait
l’espérer. Aussi cette année (1835), funeste dans presque toute la Provence à cause des
ravages qu’elle a essuyés par le Choléra morbus indien, la ville d’Hyères en a, pour ainsi
dire, été exempte, tandis que des villes très-saines en ont été désolées. Nous citerons
principalement Marseille, Toulon, Aix, Arles, Brignoles, Saint-Chamas, Antibes,
Lorgues, Cagnes, la Valette, Figanières, Fayence, Ampus, le Muy, etc.
Cette ville est un séjour fort agréable aux étrangers, notamment à une multitude de
familles anglaises qui viennent tous les ans y passer le quartier d’hiver, pour y jouir de la
douceur et de la beauté du climat, de la vue d’une campagne toujours verte et toujours
ornée de fleurs et de fruits. D’après cela, jugez de ce que la ville d’Hyères devait être du
temps où les Romains y avaient amené, par un bel aqueduc dont on découvre encore des
vestiges sur plusieurs points, les eaux claires et limpides,de l’abondante source du Thon,
qui sort d’un rocher, derrière le village de Solliès-Toucas. Si cet aqueduc était rétabli, ce
qui ne serait ni bien pénible ni fort coûteux, et que les belles eaux du Thon arrivassent
encore à Hyères, il n’y a point de doute qu’elles ne rendissent l’air de ce pays aussi sain
que du temps des Romains; que la plupart des riches familles qui viennent passer la
saison du froid en cette ville, n’y séjournassent toute l’année; qu’un grand nombre de
cultivateurs étrangers ne vinssent augmenter la population; que toute la partie inculte de
la plaine ne fût rendue en peu de temps à sa fertilité primitive; c’est alors que le pays
mériterait bien les titres qu’on lui donne, celui de jardin de la Provence, et celui
d’Hespérie de la France.
La ville d’Hyères devait un monument à la mémoire d’un de ses enfans, qui illustra la
chaire évangélique. Elle s’est acquittée de ce devoir avec convenance, et tous les
étrangers qui visitent cette ville se font un plaisir d’aller saluer l’image du célèbre
Massillon. Mais la ville d’Hyères doit, selon moi, un même égard, et de plus un tribut
de reconnaissance à la mémoire de Jean Natte, parce que c’est à lui qu’elle doit une
grande partie de sa richesse. Jean Natte, ayant conçu le louable projet de donner la vie et
la fécondité à la campagne du lieu qui l’avait vu naître, communiqua son moyen à
l’autorité locale de cette époque. Mais, celle-ci, prévenue défavorablement contre un
homme qui n’avait d’autre expérience et d’autre recommandation que la solidité de
son génie, se rit d’un projet qu’elle aurait dû admirer et encourager; Natte, qui voulait à
toute force faire le bien de ce pays, ne se rebuta point du dédain qu’il avait éprouvé
d’abord; il partit pour Aix, se fit présenter au roi René, lui soumit son plan et sollicita sa
protection. Il l’obtint facilement, et l’on trouve encore dans les archives de la cour des
comtes, registre Tauris, fol. 110, l’ordonnance royale du 16 mars 1462, qui autorise Jean
Natte de faire monter les eaux de la rivière de Gapel dans la ville d’Hyères. Muni d’un
ordre supérieur, Jean Natte retourne à Hyères, et en dépit de la prévention,
malheureusement trop en vogue dans les petits endroits, il amène de force les eaux de la
Gapeau au pied de la ville et dans les magnifiques jardins qui en font la richesse et
l’ornement.

Ce canal, pris à environ 7,ooo mètres en dessus de la ville, commença de faire pour la
salubrité du lieu ce que les eaux du Thon pourraient achever, si un autre Jean Natte
daignait se charger de cette entreprise.
La plaine, qui se trouve au midi de la ville, est d’une vaste étendue; mais plus elle
approche de la mer, plus elle devient infertile, à cause des sables et de l’aridité du sol.
Au fond de cette plaine se trouve la presqu’île de Giens, qui contient l’étang de Pesquier.
Cette pointe du continent sépare deux belles rades. Celle à l’est est la rade d’Hyères; elle
est très sûre, et l’on n’y a jamais vu de naufrages. Du temps des croisades, on s’y
embarquait pour la terre sainte.
Ce fut dans cette rade que saint Louis et sa famillet, prirent terre, lorsqu’ils revinrent du
pays des infidèles.
La rade à l’ouest est la rade de Giens. C’est dans la rade d’Hyères qu’en 1830, se réunit
la fameuse flotte de cinq ou six cents voiles, chargée de toutes les troupes
expéditionnaires qui allèrent faire la conquête d’Alger, de tout le matériel, des munitions
de guerre et de bouche nécessaires à cette armée.
Au quartier de Saint-Laurent, et au bord de la mer, sont les salines, divisées dans
plusieurs enclos: où se trouvent nombre de puits à bras ou à roue. Le canal de la Foux y
conduit les eaux de la mer. Ces salines sont aujourd’hui dans une grande activité, et
occupent un tel nombre d’ouvriers, que ce quartier est aussi peuplé que bien des gros
villages.
Près de l’ermitage de Notre-Dame se trouve une grotte dite des Fées. Elle est souvent
visitée à cause des pièces de stalactites qu’on y voit. La chapelle de Notre-Dame est fort
jolie et bien entretenue. On y voit un tableau de Pujet; il représente les douze Apôtres
allant visiter le Saint Sépulcre.
Au quartier de Saint-Salvadour, il y avait autrefois un monastère d’hommes connu sous
le nom de Saint-Pierre d’Alinanare. Il fut ensuite cédé à des religieuses. Les pirates
venaient souvent le menacer, et les Maures le détruisirent en 1406. Ses ruines sont
confondues avec celles de Pomponiana; mais il est facile de les distinguer sous le
rapport de la construction.
On trouve au cap de Carqueyranne, de la malachiste dont on a poli quelques fragmens
pour orner des bracelets. C’est vraisemblablement de lapis lazuli que Gassendi assure
avoir été découvert par Peyresc.
Ce cap est tout-à-fait à l’opposé de Brégançon ou Bergançon, petite île avec un château
fort, séparée de la côte de Bormes par un canal étroit où l’on a construit une jetée. C’est
dans cet îlot que, selon Étienne de Byzance, se trouvait Pergantium, ville celto-
lygurienne. Cela étant, nous pouvons assurer, sans crainte d’être contredits, que cette
ville devait être moindre que la plupart de nos petits villages, car cette île n’est qu’un
rocher aride, d’une très-petite étendue, qui offre à peine l’emplacement d’un fort où l’on
tient toute l’année une vingtaine d’hommes de garnison. La côte voisine est aussi aride
que celle de l’Eoube qui en est à une demi-lieue au plus.

Toute la campagne aux environs de la ville d’Hyères est décorée d’une multitude de
belles maisons de plaisance, la plupart occupées par des familles étrangères qui viennent
y dépenser une partie de leurs revenus. Il arrive souvent qu’elles y donnent des fêtes et
des soirées aussi brillantes que chez les principaux habitans des villes de premier ordre.
La ville d’Hyères offre des filatures pour la soie, car on commence d’y planter beaucoup
de mûriers; des distilleries d’eau-de-vie de rafle et d’eau de fleur d’oranger. Elle a trois
foires dans l’année: le 1er mai, le 25 août et le 15 décembre. Le territoire seul forme tout
le canton. Population 7,200 habitans, y compris ceux du joli hameau de la Crau, au
nombre d’environ 1,500, plus suffisant qu’il ne faut pour former une commune
particulière.
Le hameau de la Crau, à une lieue et demie d’Hyères, s’accroît journellement et d’une
manière très-sensible. Il est tout en plaine et traversé par le canal Jean Natte, dont nous
venons de parler. Deux seules rues forment ce hameau, mais elles sont fort larges, bien
alignées, et se croisent au milieu. Dans une de ces rues devrait passer une route
départementale d’Hyères à Solliès-Farlède; elle faciliterait l’importation du sel, des
oranges et des primeurs dans les quatre cinquièmes du département du Var et dans toutes
les Basses et les Hautes-Alpes. L’autre rue pourrait servir à une nouvelle route, de
Pierrefeu à Toulon; elle serait plus courte, plus directe et plus agréable que la route
actuelle qui, par un long et ennuyeux circuit, va passer au quartier des Salins, où les
charretiers et les voyageurs ne trouvent pas la moindre ressource. Déjà, sur la direction
de la Crau à Pierrefeu, on a jeté sur le Gapeau un pont très-convenable; qu’on en
construise un second sur le Real-Martin, et cette route, si utile au transport des vins,
s’établira d’elle-même, et le hameau de la Crau en retirera un avantage si grand, qu’en
peu d’années les fortunes seront augmentées d’un tiers.
Les îles d’Hyères, ou îles d’Or, furent d’abord nommées Insulœ stœchades, à cause de la
grande quantité de lavande (stœchades) qu’on y trouvait. Ces îles, en face d’Hyères, sont
au nombre de trois habitées, et une déserte. Elles sont célèbres par la mort de Valens,
capitaine de Vitellius. Ce Valens, voulant trahir son maître, s’était emparé de sa flotte
dans la Gaule narbonnaise, et cherchait à soulever tous les peuples de l’Italie. Une
tempête l’ayant jeté sur les Stœchades, il y fut attaqué par quelques navires sortis du port
de Fréjus, et commandés par Valère Paulin qui agissait pour Vespasien, nouvel empereur
qui avait été proclamé par les troupes. Valens eut la tête tranchée, et sa mort décida les
Vitelliens à reconnaître l’autorité de Vespasien, digne du rang où il venait d’être élevé.
L’île dite du Levant ou de Titan est la plus à l’est, et à 7 lieues d’Hyères. On l’appelait
autrefois Hypœa. Elle a très-peu d’habitans, à cause de la grande quantité d’écueils et de
rochers à fleur d’eau qui l’entourent.
Elle offre des carrières de talc blanc et de talc jaune à lames fort unies.
L’île de Port-Cros, ainsi appelée d’un port très profond nommé Port-Maye, où les
vaisseaux peuvent mouiller par trois ou quatre brasses d’eau. Elle est à 6 lieues un tiers
d’Hyères. Cette île, qui est la plus haute de toutes, fut appelée par les anciens Mèze, à
cause de sa position au milieu des autres. On y établit une batterie, lors de la dernière
guerre continentale. On y trouve une grande quantité de granits, dont quelques-uns
renferment des géodes, que beaucoup de personnes prennent pour des grenats.
L’île de Porquerolles est celle la plus à l’ouest, et, par conséquent, la plus voisine de
Toulon et d’Hyères. Elle ne se trouve qu’à 4 lieues de la dernière. Elle est la plus
considérable par ses fortifications et par le nombre de ses habitans. Les anciens Grecs la
nommèrent Prote. Les modernes lui ont donné le nom de Porquerolles, du latin Porcus,
attendu qu’à cette époque, une grande quantité de sangliers sortaient des forêts du
continent, et venaient, à la nage, manger les glands qui se trouvaient dans cette île.
Il n’y a pas long-temps que cette île contenait beaucoup de faisans; mais le long séjour
des troupes les a entièrement détruits.
Les îles d’Hyères ont appartenu successivement à toutes les nations du monde. Les
Lyguriens en dépossédèrent les Celto-Lygiens; les Romains en chassèrent les Lyguriens;
les Grecs y établirent de douces et paisibles colonies; les Maures et les barbares du Nord
y régnèrent tour à tour. Le christianisme y conduisit de pieux solitaires sortis de l’île de
Lérins; mais, en 1198, ils y furent surpris par des Sarrasins et menés en esclavage.
Nombre de leurs successeurs y éprouvèrent plus tard une semblable persécution. Dans le
seizième siècle, par suite d’un édit de Henri II, une troupe de scélérats et de femmes
libertines et sans pudeur y furent relégués comme sur une terre d’exil. En 1654, un faible
reste de ces colons repoussés de la société, s’adonnèrent à la piraterie et attaquèrent
indistinctement les navires de toutes sortes de pavillons; ils allaient s’en emparer jusque
dans les ports du continent. Les gouverneurs de ces îles soutenaient ce brigandage, qui
pesait principalement sur les Provençaux. Heureusement Louis XIV réprima cette
conduite, et fit restituer aux Provençaux ce qui leur avait été enlevé par ces forbans.

HYPPOLITE (SAINT). Petit village de l’arrondissement et du canton de Carpentras,


d’une population de 160 hab.

I
IF. C’est le même que Château-d’If. Voyez MARSEILLE.

ILE (L’). Voyez MARTIGUES

ILE DE BARBAN. Voyez BARBANTANE.

ILE OU L’ILE, Insulœ. Ville chef-lieu de canton, à 3 lieues et demie d’Avignon, sur la
Sorgue, dans une plaine fertile et agréable. Elle est ceinte de murailles, autour desquelles
coule la rivière dans une espèce de fossé ; c’est de là que lui vient le nom de L’Ile.
Ce lieu n’était autrefois qu’un vaste marais. Mais comme la rivière était fort
poissonneuse, quelques personnes, amateurs de la pêche, y bâtirent plusieurs cabanes
qui, en peu d’années, furent converties en maisons.

Ces premiers habitans en attirèrent d’autres, et, tous réunis, formèrent un bourg qui fut
nommé Saint-Pierre. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui la ville Vieille. On entoura ce
bourg, de murailles et de fossés qui le rendirent fort. Les habitans des villages de Saint-
Antoine et de Vélorgues, étant sans défense, se réfugièrent à Saint-Pierre, pour se
préserver des troupes qui pillaient et saccageaient les petits endroits, notamment ceux
des environs. Le lieu devint alors beaucoup plus important. Les marais furent desséchés.
Le sol, mis en culture, donnait des récoltes si abondantes, que tout le monde y fut bientôt
dans l’aisance. Chacun s’attacha à embellir sa maison, et à attirer au pays des personnes
opulentes et tout ce qui pouvait lui donner quelque considération. Aussi on y a tenu deux
conciles, l’un dans le treizième siècle, et l’autre dans le quatorzième.
La ville actuelle a des fabriques de couvertures de laine. On y commerce à la soie et aux
cuirs tannés. Le sol produit de tout abondamment, principalement du blé, du vin, de
l’huile, du foin, des fruits et des mûriers. Les dehors de la ville offrent des promenades
fort gracieuses et en grande partie ombragées. Les foires sont, le 2 février, le 12 mai, le
27 août et le 11 septembre. Pop. 6, 060 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, L’Ile, Cabrières, Château-
Neuf de Gadagnes, Jonquerètes, Lagnes, Saint-Saturnin, Saumanes, Thor et Vaucluse.

ILES D’OR. Voyez HYÈRES.

IMMADRAS. Position désignée dans l’itinéraire maritime, entre le port , Æmines et


Massilia.Presque tous les auteurs s’accordent à placer Immadras dans l’île de Maire, qui
est au midi de Marseille et près du cap de la Croisette.

INCARUS. Autre position de l’itinéraire maritime, qui répond au lieu de Carri, au midi
de Château-Neuf-les-Martigues.

ISSOLE ou NISSOLE. Petite rivière qui prend sa source à la Roquebrussane, passe à


Néoulles, Garéoult, Forcalqueiret, Sainte-Anastasie, Besse, Flassans, Candumy,
Cabasse, reçoit la Caramie, et se jette dans l’Argens en dessous de Carcés, où elle forme
de superbes cascades. Cette rivière offre des truites et des écrevisses.

ISSOLI ou ISSOLET. Autre rivière qui passe à Thorame, et se jette dans le Verdon, près
du village de Saint-André. Autrefois l’Issole ne perdait son nom qu’en se jetant dans la
Durance, près de Vinon. Mais aujourd’hui le Verdon, reconnu plus considérable et
venant de plus loin que l’Issole, a fait oublier le nom de ce dernier dans tout le pays
qu’ils baignent de concert en dessous de leur jonction.

ISTRES, Istrium, Castrum Istrio. Ville chef-lieu de canton, à 8 lieues et demie d’Aix, sur
l’étang de Berre et le petit étang de l’Olivier.

Le nom de cette ville dérive de la grande quantité d’huîtres fossiles ( Octriosus ) qui
composent la colline qui lui sert de base. Les premiers fondemens de la ville d’Istres
furent jetés par les Avaticiens échappés de la ville de Maritima, lorsqu’elle fut saccagée
par les premiers Sarrasins qui pénétrèrent en Provence ; et la ville devint importante par
la réunion d’une partie de la population d’Astromela, capitale des Saliens, qui fut
détruite par Euric, roi des Wisigoths. Istres est divisé en ancienne ville et en faubourgs.
Tout ce qui est ancien se ressent des siècles de mauvais goût ; mais tout ce qui est
moderne est infiniment mieux bâti et, par cette raison, mieux habité.
Les environs d’Istres présentent une suite de collines qui bordent l’étang de Berre. Elles
sont toutes de grès coquillier tertiaire, renfermant une prodigieuse quantité de coquilles
fossiles, parmi lesquelles les ostracites surabondent. Quelques-unes de ces collines sont
couvertes de chênes sur lesquels on recueille le kermès, insecte propre pour la teinture.
La pente de ces collines, qui tourne à l’est vers l’étang de Berre, est une lisière
soigneusement cultivée, dont l’aspect est très-pittoresque. C’est là que se trouve la grotte
dont parle Darluc, et le singulier monument élevé, par les gens du pays, à la memoire du
bailli de Suffren : c’est une roche placée par la nature au milieu d’un vallon romantique,
à laquelle l’art a donné la forme d’un vaisseau de ligne.
La pente occidentale des collines est couverte de vignes, d’oliviers et de prairies. Une
lisière de la plaine, arrosée par les canaux de Craponne et de Boisgelin, n’est qu’un
jardin très-productif. Le reste est la plaine de la Crau et des étangs, où se trouvent des
fabriques de soude factice.
Les femmes d’Istres ont un costume qui approche de celui des Arlésiennes. Elles se
chargent et se parent avec ostentation ; elles ne se piquent pas de suivre les modes ; elles
tiennent opiniâtrement aux anciennes coutumes. Les habitans ont un tel attachement
pour leur pays, qu’ils ne s’en éloignent que forcément. Ils mettent une sorte d’affectation
à ne point frayer ni s’allier avec leurs voisins, afin de conserver les traits originels et les
usages de leurs aïeux. Aussi ils ont conservé quatre sortes de danses fort anciennes. La
plus curieuse est celle dite des épées. Elle fut sans doute introduite dans la Celto-Lygie
par les Phocéens. Néoptolème, fils d’Achille et de Déidamie, l’enseigna aux Crétois, et
donna à cette danse le nom de Pyrrichie. La fable dit que les Curètes inventèrent cette
danse, pour amuser le petit Jupiter avec leurs épées dont ils frappaient sur leurs
boucliers. Cette danse s’exécute à Istres toujours le soir. Les danseurs ont un tour de
grelots à chaque genou, une orange à la main gauche, et une épée nue à la main droite.
Le danseur est entre deux danseuses, et figure alternativement avec elles, en leur
présentant l’orange, qui représente sans doute la pomme d’or des Hespérides. Ces
triolets se croisent d’une manière très-compliquée, et en observant toujours la mesure.
Les uns et les autres brandissent leurs épées, les frappent en cadence, de manière à
figurer un combat.
A Istres on ne connaît d’autre genre de commerce que celui de la soie, du kermès, et de
la vente des moûles très-renommées, que l’on pêche dans l’étang de l’Olivier. Tout le
monde y est ou berger ou agriculteur. Le climat est temperé en hiver, et assez chaud en
été. Le sol fournit de l’huile, du vin, du blé, des légumes, des amandes, du foin et de
toutes sortes de fruits. Il y a trois foires dans l’année, le 3 février, le 3 août et le 2
Octobre. Pop. 2, 900 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Istres, Saint-Chamas, Fos et
Saint-Mître,

ITINÉRAIRE du temps des Romains, ou distance d’un lieu à un autre en pas


géométriques, très-nécessaire pour éclairer l’intelligence de ceux qui se livrent à l’étude
de l’histoire et de la topographie de la Provence ancienne.
ITINÉRAIRE MARITIME D’ANTONIN.

A Nicia ad Antipolim, portus, mille pas XVI.


Ab Antipoli Lero et Lerina, insulas, XI. - A Lerone et Lerina Forum Julii, portus, XXIV.
- A Foro Julii Sinus Sambracitanus, plagia, XXX.
Quelques auteurs modernes disent XXIV, et d’autres, XXIX.
A Sinu Sambracitano IIeraclea Caccabaria, portus, XVI.
Ab Ileraclea Caccabaria Alconis, XII. - Ab, Alconis Pomponianas, portus, XXX. -
Papon ne dit que X.
A Pomponiallis Telonem Martium, portus, XV.
A Telone Martio Æmines, positio, XVIII. - Papon ne dit que XII.
A portu Æmines Tauroento, portus, XII. - Ici Papon ne met pas plus pour Citharista.
A Tauroento Citharista, portus, VI. - A Citharista portus Carcissis, portus, XII. - A
Carcissi Immadras, portus, XII. - Ab, Immadris Massilium Græcorum, portus, XII. - A
Massilia Græcorum Incarum, positio, XII. - Ab Incaro Dilim, positio, XIII. - Papon ne
dit que VIII.
A Dili Fossas Marianas, portus, XX. - A Fossis ad gradum Massilitanorum fluvius
Rhodanus, XVI. - A Gradu per Fluvium Rhodanum Arelatum, XXX.

VOIE AURÉLIENNE, D’APRÈS ANTONIN.

Cemenellum.
Varum flumen, mille pas VI. - Antipolim, X. - Ad Horrea, XII. - Forum Julii, XVIII. -
Forum Voconii, XXII. - Papon dit XXIV.
Matavonem, XXII. - Ad Turrem. XIV. - Tegulatum, XVI. - Aquas-Sextias, XVI. -
Massiliam, XVIII. - Calcaria, XIV. - Fossas Marianas, XXIV. - Quelques-uns disent,
XXX IV.
Arelate, XXXIII. - Ernaginum, VII. - Glanum, XII. - Cabellinem, XVI. - Apta Juliam,
XII. - Catolucum, XVI. - Alaunium, XVI. - Segusteronem, XXIV. - Alabontem, XVI.

VOIE AURÉLIENNE, D’APRÈS LA TABLE DE PEUTINGER.

Cemenello.
Varum flumen, VI. - Antipoli, X. - Ad Horrea, XII. - Foro Julii, XVII. - Foro Voconii,
XVII. - Matavone, XXII. -
Ad Turrem, XVII. - Tegulata, XVI. - Aquis-Sextiis, XV. - Arelate. - Ernagena. - Glano,
XII. - Cabelline, XII. - Ad Fines, XII. - Apta Julia, XII. - Catuiacia, XII. - Alaunio, XVI.
- segusterone. XIV. - Alaronte. XII.
AUTRE.

Foro Voconii.
Anteis. XVIII. - Reis Apollinaris. XXXII

M
MACHOVILLA OU MACHAO. Selon Grégoire de Tours, Machovilla était un lieu situé
dans le territoire d’Avignon;
H. Bouche prétend que ce nom appartenait à l’ancienne ville de L’Ile; Papon, parce qu’il
a lu quelque part que Menerbe s’appelait autrefois Manancha, croit que cette ville était
la même que Machovilla. Comme il est possible que ces trois auteurs se soient trompés,
nous n’adopterons l’opinion ni des uns ni des autres.

MAESTRAL, que l’on prononce Mistral. Vent impétueux qui règne principalement en
Provence. Caton est le plus ancien auteur qui parle de ce vent terrible, qui, dit-il, jetait à
terre un homme armé, et renversait un chariot chargé. Sous le règne d’Auguste, ce vent
renversait même les maisons, et faisait de tels ravages, que cet empereur éleva un autel
au Maëstral, et fit vœu d’offrir des sacrifices à cette nouvelle divinité.
Ce vent, appelé par nos marins Nord-Ouest, et qu’ils prononcent comme Norrat, est le
Skiron des Grecs et le Circius des Latins. Il prend naissance dans toute la région des
Cévennes, et se dirige vers le Rhône, d’où il s’étend dans la basse Provence et dans le
Languedoc.

Ce vent succède presque toujours aux temps pluvieux et il suffit de quelques gouttes de
pluie pour le faire naître, ce qui est cause qu’il désole la campagne. Cependant, en été, il
donne quelquefois une pluie subite qu’on appelle Mistralado. Les agriculteurs font là
remarque que, lorsque après le coucher du soleil, il paraît des éclairs du côté du Rhône,
c’est immanquable que sous quelques heures on n’éprouve un orage; ce qui arrive
souvent du temps que l’on foule les blés. Ce vent dure ordinairement trois jours,
quelquefois neuf et rarement douze. On a remarqué que, lorsqu’il cesse au coucher du
soleil, il reprend le lendemain avec plus de force; et que lorsqu’il continue de souffler
après le crépuscule du soir, il diminue de force et cesse ordinairement à minuit. Mais
cela n’arrive pas toujours, à telle enseigne, qu’en 1769 et 1770, ce vent régna pendant
quatorze mois de suite, sans qu’on ait pu expliquer ce phénomène.
Le Maëstral, qui cause tant de ravages dans la Provence, ne s’étend à guère plus de deux
ou trois lieues en mer. On ne le connaît pas en Corse ni même à Nice. Il ne souffle que
sur la lisière de la côte, et il semble avoir besoin, pour se soutenir, d’éprouver la pression
latérale des chaînes de montagnes. C’est en se resserrant dans les nombreuses vallées de
la Provence qu’il augmente de force et de vitesse. Aussitôt qu’il débouche dans la mer, il
se dilate et se perd dans l’immensité de l’horizon.
Le peuple d’une partie de la Provence donne à tort le nom de Maëstral à tous les vents
indistinctement qui suivent la même direction, c’est-à-dire qui viennent du côté du
couchant. Quelques-uns appellent ces derniers, vents droits ou temps droit.

MAGAGNOSC. Hameau dans le territoire de Grasse. Voyez ce mot.

MAILLANE, Maillana. Village du canton de Saint-Rémy, à 6 lieues d’Arles, dans une


plaine fertile, et très exposé au Maëstral. Les habitans sont réputés d’une indolence
extrême. Aussi les nourrices de ce pays sont préférées à celles des communes voisines,
sans songer que les enfans sucent ordinairement à la mamelle le germe du vice de leur
nourrice. Le territoire est divisé en deux parties, qui produisent beaucoup de blé; mais
celui de la partie haute est réputé le meilleur de la Provence, soit pour semence, soit pour
faire du pain. Tout le terrain est bon pour la vigne, mais le vin y est d’une mauvaise
qualité. En fait d’arbres, on n’y voit presque que des mûriers, des saules et des ormes. Le
commerce ne consiste qu’en menu bétail, que bien des particuliers nourrissent pendant
l’hiver pour consommer leur luzerne. Pop. 1,450 hab.

MAIME (SAINT). Village sur une hauteur, à une lieue de Forcalquier son chef-lieu
d’arrondissement et de canton. Entre ce village, celui de Dauphin et celui de Mane, il y a
une grande plaine coupée par les restes d’un vieux chemin appelé chemin Seinet, nom
que quelques-uns croient être une corruption de Sanguinea (voie de sang).

Ce n’était autre que la voie romaine qui d’Apt allait à Sisteron et dans les Alpes. Une
partie de cette plaine s’appelle encore Champ Prélien, Campus Prœlii, et une autre partie
Champ-Férons, Campus Ferox, ce qui semble attester qu’il y eut là une bataille des plus
sanglantes. Entre ces deux champs, il existe un point qu’on nomme les Encontres, dont
la tradition fait le point de rencontre de deux armées, et celui où se donna le premier
choc. Quoiqu’on ne puisse pas s’en rapporter aux traditions, surtout pour des faits qui
datent d’une époque très-reculée, celle-ci fait exception à la règle, attendu que nous
avons des preuves sensibles qui viennent à l’appui de ce fait.
Il y a quarante ans environ, qu’en plantant une vigne dans la terre de Saint-Clair, qui fait
partie du Champ-Prélien, on découvrit, en creusant les tranchées, près de seize cents
squelettes couches sur le dos, les uns à côté des autres, ayant les bras étendus le long
corps, sans avoir subi le moindre dérangement. Tous paraissaient être les restes
d’hommes d’une haute taille, fort vigoureux, et dans la fleur de l’âge; car ils avaient les
mâchoires garnies de leurs dents.
Depuis cette découverte, chacun dans le pays se demande à quelle occasion eut lieu cette
bataille, quels sont les peuples qui sont venus arroser de leur sang cette plaine dont on
n’a encore effondré qu’une bien faible partie. L’histoire reste muette, et l’on ne peut
faire que des conjectures plus ou moins vraisemblables. Aussi les uns veulent que ce soit
C. Sextius, lorsqu’il défit les Salyens et leurs alliés; ce qui ne peut pas être, attendu que
nous savons positivement qu’il fit bâtir la ville d’Aix à l’endroit même où il remporte
cette grande victoire. Les autres prétendent que c’est Marius, lorsqu’il poursuivit les
débris des peuples barbares qu’il avait complètement battus devant Pourrières; ce qui est
tout-à-fait inexact, car il atteignit et anéantit ces fuyards sur-la rive gauche de la Durance
et dans la plaine qui se trouve entre les villages de Vinon et de Saint-Paul. Quelques
personnes l’attribuent à Jules César, lorsqu’il se rendait dans le pays de Vulgientes, aux
environs d’Apt. Pour moi, considérant que les squelettes qu’on a trouvés à différentes
époques, et notamment en 1793, étaient tous d’une haute stature, telle que celle qu’on
donne aux Gaulois, et qu’il ne s’en trouvait point qui fussent d’une taille moyenne; je
pense que cette bataille du Champ Prélien fut livrée entre Gaulois seulement, mais à une
époque antérieure à l’invasion des Romains, et même à l’établissement des Phocéens sur
la côte de la Celto-Lygie. Plus tard, les historiens grecs ou latins n’auraient point
manqué d’en faire mention; un arc de triomphe, des sarcophages et des inscriptions
auraient transmis cette affaire à la postérité la plus reculée. Les différens noms latins de
cette plaine ne lui furent vraisemblablement donnés par les Romains, que d’après les
rapports que les Gaulois du pays leur firent de cette sanglante bataille.
Sous les comtes de Forcalquier, le village de Saint-Maine possédait un château dont il ne
reste plus qu’une tour en ruine; la tradition conserve le souvenir de quatre princesses qui
y furent élevées en même temps, et qui épousèrent le même jour quatre grands
souverains, parmi lesquels se trouvaient un roi de France et un roi d’Angleterre. Une
partie du terrain qui avoisine ces ruines retient encore les noms de Jardin de la cour,
vigne de la cour, pré de la cour. La principale production du pays est le blé. Les arbres
de haute futaie viendraient bien sur les amphithéâtres, qui sont presque entièrement
dégarnis. Pop. 296 hab.

MAION DU LUC. Hameau dans le territoire du Luc. Voyez ce mot.

MAIRE. Ile de le Maire. Ilot entre Marseille et Cassis. Elle était connue des Romains
sous le nom d’Immadras.

MAJASTRES, Majastris. Village du canton de Sénez, à 7 lieues de Castellane, bâti sur


un rocher. Le sol produit quelques céréales à force d’engrais. Climat froid et sain. On y
remarque un joli pont de tuf qui s’est formé naturellement. Pop. 255 hab.

MALAUCÈNE, Malaucena. Ville chef-lieu de canton, à 6 lieues d’Orange, et au pied du


Mont-Ventoux. Climat très-sain, mais froid en hiver. Sol des plus fertiles, arrosé par une
infinité de sources, et principalement par le Grausel, qui, outre les prairies qu’il arrose,
fait encore aller des papeteries, plusieurs moulins à foulons, dont un à battre le cuivre,
qui mérite l’attention des curieux.

Le commerce du pays est assez considérable; le cuivre, le papier et les étoffes qu’on y
fabrique attirent du numéraire. Il y a plusieurs hameaux dans le territoire; le plus
considérable est Vels ou Veaulx, Vitudi. Foires, les 20 janvier, 3 février, 19 mars, 3 mai,
25 août et 29 septembre. Populat. 3,080 hab.
Les communes du ressort de la justice paix de cette ville sont, Malaucène, Beaumont,
Brantes, Entrechaux, le Barroux, Saint-Léger et Savoillans.
MALCOL. Village inhabité, dans les montagnes aux environs de Sisteron.

MALEFOUGASSE, Malatortella. Village du canton de Saint-Étienne-les-Orgues, à 6


lieues et demie de Forcalquier. Climat assez tempéré. Le voisinage de la montagne de
Lure y fait ressentir la violence du Maëstral. L’air y est pur et sain; le sol fertile, lorsqu’il
est arrosé par des pluies fréquentes au printemps. On y recueille du blé, du gland, des
amandes et des noix. On y nourrit des troupeaux, et on y élève des pourçeaux. Le
commerce consiste dans la vente des douves de tonneaux. Le pays n’a ni rivière ni
fontaine abondante.
Le clocher du village annonce par sa construction que le pays est fort ancien. Pop. 159
hab.

MALLEMOISSON. Village du canton des Mées, à 4 lieues de Digne, sur la rive droite
de la Bléonne. Climat sain. Sol assez fertile en céréales, vin fruits. Pop. 235 hab.

M A L E M O RT, Mala Mors, autrefois Podium Sanguinolentum. Village du canton


d’Eyguières, à 11 lieues d’Arles, sur la rive gauche de la Durance, et près de la grande
route. Ce fut là où Marius, après la bataille de devant Pourrières, atteignit les barbares en
fuite, et les écharpa une seconde fois. Les eaux de la Durance et du canal de Craponne
fertilisent le territoire, et répandent l’abondance dans le pays. On y recueille. beaucoup
de blé, des fruits excellens, et on y cultive, le mûrier, dont la feuille sert à la nourriture
des vers à soie qu’on élève dans le pays. Pop. 1,950 hab.

M A L E M O RT, Mala Mors. Village du canton de Mourmoiron, à deux lieues de


Carpentras, sur la rive droite de la Nasque, dans un pays mêlé de collines et de plaines. Il
produit de l’huile fort estimée. Populat. 1,565 hab.

MALGUE. Château très-fort qui défend la ville et la rade de Toulon. Le quartier de la


Malgue est fort réputé dans les environs par le bon vin qu’il fournit à la table des
gourmets.
Au-dessous du fort la Malgue se trouve la grande tour, autre fortification qui défend la
rade. Elle est bâtie sur une roche schisteuse mêlée de quartz et de grès, parsemée de
beaucoup de mica jaune. Près de là on voit par intervalles des pyrites ferrugineuses, de
la terre bituminisée et de la galène de plomb.

MALIJAI. Village du canton des Mées, à 4 lieues et demie de Digne, sur la rive droite
de la Bléonne et sur la rive gauche de la Durance, près du confluent de ces deux rivières.
On prétend que le nom de ce village dérive du latin male jacet (il est mal placé), parce
que ce lieu se trouve entre l’Escale et le Chaffaut, (ce qu’on rend en français l’Échelle et
l’Échaffaud), nom de deux villages voisins.
Je crois plutôt que ce nom lui fut donné à cause des marais pestilentiels qui se trouvaient
sur la rive gauche de la Bléonne. Depuis long-temps ils ont été desséchés, et leur
emplacement est devenu une terre très-fertile. Le territoire produit du blé, du foin, des
légumes et surtout beaucoup du vin. Le climat est bon. Pop. 507 hab.

MALMONT. Colline fort élevée dans le bassin de Draguignan. Dans le principe, elle
était couverte d’un bois très-touffu, et servit de retraite aux Suelteri, lorsqu’ils étaient
poursuivis par les Romains. Ce sont ces derniers qui donnèrent le nom à cette montagne,
à cause des dangers qu’ils couraient toutes les fois qu’ils en approchaient. Le vin qu’on
recueillait sur cet amphithéâtre jouissait d’une grande réputation. Jules César en fit le
plus grand éloge, ce qui fut cause qu’on en expédia jusqu’à Rome. On vend encore à
Paris du vin de Malmont qui n’a jamais passé dans la Provence. Aujourd’hui cette
colline est couverte d’oliviers.

MANDELIEU, Mantol Vocus, en provençal, Capitou. Petit village sur une hauteur, à 3
lieues de Grasse son chef-lieu d’arrondissement et de canton.

Un auteur, dans les siècles d’ignorance, osa avancer que le nom primitif de la position
qui se trouvait dans le territoire de Mandelieu se nommait Aurélien, nom de cet
empereur qui fit construire la voie romaine qui passait dans la plaine. Un autre auteur
donna à ce village le nom d’Aralucis, et l’erreur de ce dernier a été aveuglement adoptée
par tous les écrivains qui sont venus ensuite. Cependant nul auteur ancien a fait mention
que, sur cette montagne, il y eut un temple ou un autel dédié à la lumière, ce que le mot
Aralucis exprimerait. Je pense avec plus de vraisemblance que ce lieu était nommé Ad
Lucum, ce qui signifie dans le bois sacré. Je suis persuadé que toutes les personnes qui
connaissent les hauteurs de Mandelieu seront de mon avis.
Sur une des hauteurs de ce lieu, il y avait un temple dédié à Venus. Saint Nazaire le fit
détruire vers l’an 447. Sainte Cressentia, sa fille, y substitua un monastère de filles, qui,
selon moi, devait être près du hameau des Adrets, au quartier qui est encore appelé le
Couvent. Dans le voisinage de Mandelieu, il y a deux montagnes qui ont conservé long-
temps leur ancien nom. L’une s’appelait mons Mercurii, et l’autre mons Martii. Sur cette
dernière, le dieu Mars y était adoré sous le nom de Olloubo ou Ollondius, mots grecs
qui, l’un et l’autre, signifient destructeur, ce qui convenait fort bien au dieu de la guerre.
L’insalubrité de la plaine de Laval et de l’étang de la Napoulle ont réduit la populatiou à
80 habitans.

MANE, Mana. Bourg à trois quarts de lieue de Forcalquier son chef-lieu


d’arrondissement et de canton. L’heureuse exposition de ce lieu, la beauté et la douceur
de son climat, et la fertilité de son sol, ont dû lui attirer nombre de familles romaines
pour s’y livrer à la culture des terres. Il est croyable que plusieurs monumens aient été
élevés dans la campagne et même sur la hauteur où se trouve le bourg; mais tout a été
détruit par le long séjour que les Sarrasins et plusieurs peuples barbares du Nord ont fait
dans la contrée. A peine a-t-on trouvé dans la campagne, en creusant les terres, quelques
tombeaux ou pierres tumulaires romaines, confondus parmi une multitude de cercueils
en briques sarrasines, dont les uns contenaient jusque des ustensiles de ménage et des
clous en quantité. Une forge sarrasine a été découverte, il n’y a pas bien long-temps, et
l’on est surpris de n’y point rencontrer des vestiges de leurs habitations.
Le sol de ce pays est fertile. La vigne et l’olivier couvrent les collines et donnent le
principal produit. Une multitude de petits ruisseaux arrosent la plaine, qui n’est presque
que prairies et jardins. Les arbres fruitiers donnent de beaux fruits et d’un goût exquis,
principalement les poires. Le foin et le jardinage sont plus que suffisans aux besoins de
l’habitation. Les foires du pays sont, le 6 janvier, le Lundi saint et le 14 septembre. Pop.
1,492 hab. Voyez SAINT-MAINE.

MANON. Voyez Lamanon.

MANOSQUE, autrefois Manoasque, Manuasca. Ville la plus grande, la plus riche et la


plus peuplée du département des Basse-Alpes, qui n’est cependant qu’un chef-lieu de
canton et le siége d’un tribunal de commerce, à 3 lieues et demie de Forcalquier, et à une
demi-lieue de la rive droite de la Durance, sur la route des Alpes.
On ignore l’origine de cette ville, quoique la beauté et les avantages de sa situation
indiquent qu’elle a dû être habitée par quelque peuplade celto-lygienne.
D’ailleurs les Romains n’établissant des colonies que dans des lieux déjà habités, il
fallait que le pays de Manosque eût des habitans, pour décider Sextius d’y envoyer une
colonie, dans le double objet de récompenser les braves qui l’avaient bien servi, et de
prévenir l’irruption des Allobroges, peuple voleur et dévastateur, qui, franchissant les
montagnes qui servaient de barrière à la Provence, venaient inquiéter la ville d’Aix au
moment de sa fondation. Aucune ancienne construction n’atteste cet établissement; mais
on en a des indices convaincans dans les petits mobiliers funèbres et les médailles
trouvés dans le territoire, et par les ruines d’une villa qui avait un temple dédié à une
divinité particulière.
Les anciennes chartes constatent que, sous le nom de Manosque, on comprenait une
étendue de pays où se trouvaient six lieux habités, savoir: le Château de Manosque, au
sommet du Mont-d’Or, où l’on voit encore les restes d’une tour appelée tour de
Manosque-la-Vieille; le Bourg, qui était là où se trouve la ville actuelle; le Village ou le
Château de toutos Aouros, sur le sommet de la colline de ce nom; le village de Saint-
Pierre, lieu de la sépulture des anciens comtes de Forcalquier; le village de Montaget,
sur la montagne de ce nom; et le hameau de Saint-Maxime, dont il ne reste aucun
vestige. Les habitans de tous ces lieux s’étant successivement retirés au bourg de
Manosque, ont fait de ce lieu une ville assez importante, aux dépens des autres cinq
endroits.
La ville actuelle est ceinte de murailles flanquées de tours.
La porte de la Sonnerie est assez belle. On voyait naguère dans l’intérieur de la ville, et
sur une élévation, les ruines du château que Guillaume, comte de Forcalquier, y avait fait
bâtir, pour preuve de l’affection qu’il portait à cette ville; on a fait sur cet emplacement
une fort jolie place. Ce comte mourut en 1208. Toutes les années, jusqu’à la révolution
de 1789, les consuls de Manosque, accompagnés des notables, allaient jeter des fleurs
sur la tombe d’un prince qui s’était acquis l’estime et l’amour de sa bonne et fidèle ville.
Un siècle auparavant, Manosque avait aboli ses jeux nuptiaux, qui consistaient à donner
en mariage un certain nombre de jeunes filles à un nombre pareil de jeunes garçons qui
s’étaient le plus distingués à la course ou à la lutte.
En 1495, des Provençaux, qui venaient de faire la guerre en Italie, introduisirent dans le
pays une maladie qui avait été jusqu’alors inconnue, et à laquelle on donna le nom de
maou das boubos. C’est la syphilis de nos jours. La ville de Manosque fit des
ordonnances qui prohibèrent aux chirurgiens et aux barbiers de raser ceux qui étaient
atteints de cette maladie. On les relégua dans des lieux écartés, et on ne les retirait
qu’après un examen fait par les gens de l’art. A Manosque, ils étaient logés auprès des
fours. On les regardait comme des pestiférés, dont les approches causaient plus de
terreur encore que la lèpre.
François Ier, dans un des six voyages qu’il fit en Provence, honora la ville de Manosque
de sa visite. Les clés de cette ville lui furent présentées par la fille d’Antoine de Voland,
un des principaux habitans. François Ier était tendre, galant et téméraire; la fille de
Voland était jeune et belle; elle attira singulièrement l’attention du roi. Effrayée de
l’impression que ses charmes innocens avaient fait sur le cœur du monarque, elle courut
chez elle, se couvrit le visage de fumée de souffre, et ternit pour toujours cette beauté
qu’elle craignait devoir être la source de son déshonneur. Cette action parvint bientôt
aux oreilles du roi. Dès qu’il en connut le motif, il loua et récompensa cette fille par un
présent considérable qui ne rendit pas, il est vrai, la beauté à cette jeune personne, mais
qui immortalisa la cause glorieuse qui l’en avait privée.
La ville de Manosque aurait dû éterniser cette mémorable action, et élever un monument
à cette héroïne de la vertu. Une fête de la rosière auprès de la tour de Manosque la
Vieille, attirerait tous les ans un grand concours de jeunes gens. Les mères y
conduiraient leurs filles; et on verrait que, même dans le siècle le plus corrompu, la vertu
est honorée de tous les gens de bien. Ce projet est digne d’une ville qui a des mœurs, et
qui, du temps de la terreur, était un sûr asile pour l’honnête homme poursuivi par l’esprit
de circonstance.
On trouve dans la montagne d’Espet, au nord de la ville, des mines de gypse gris et
blanc, et de charbon de terre. On y trouve aussi du vitriol de Mars, du gypse transparent,
mais en petite quantité. Le minéral qui paraît y être le plus abondant est le souffre. Il y a
deux sources d’eau sulfureuses, l’une à Pitavine, et l’autre à Boune, mais elles ne
jouissent d’aucune réputation. La grande quantité de pyrites sulfureuses est sans doute la
cause des tremblemens de terre qu’on éprouve de temps en temps aux environs de
Manosque. Une violente secousse fit entrouvrir en plusieurs endroits un rocher situé près
du ruisseau de Paradis, d’où jaillirent huit sources d’eau, les unes potables et les autres
sulfureuses, qui, réunies, formèrent un ruisseau assez considérable, et qui vint couler le
long des murs de la ville. Mais, peu de temps après, une autre secousse resserra les
ouvertures du rocher, et fit disparaître ce torrent.
On trouve également dans les montagnes de Manosque beaucoup d’ichtyolithes ou
poissons fossiles.
Les fonts baptismaux de l’église de Notre-Dame sont un sarcophage de marbre blanc,
qu’on avait enfoui à l’époque de l’invasion des Sarrasins, et qu’un laboureur découvrit
sous des ronces renfermant une statue de la Sainte Vierge, d’un assez mauvais travail,
qu’on appelle depuis Notre-Dame du Romigier, du provençal roumi, sous lequel on la
trouva. Le sarcophage n’est pas d’un meilleur goût que la statue, car il manque de
proportion en tout. Le curieux est amplement dédommagé par la vue d’une pièce de
sculpture, ouvrage du célèbre Puget. C’est la tête d’un grand-maître des chevaliers du
Temple, qui reçut le jour en cette ville.
Le climat de Manosque est doux et sain. Le sol, naturellement ingrat, est devenu, par les
soins et les efforts de l’agriculteur, l’un des plus fertiles de la Provence. De là, ce
proverbe qui dit: Si la Provence était un mouton, Manosque en serait le rognon. Il serait
encore plus productif, si l’on effectuait le projet de construire un nouveau canal de
dérivation des eaux de la Durance, qui passerait fort près de la ville, mettrait plusieurs
engins en mouvement, et arroserait toute la plaine qui serait bientôt couverte de jardins
et de prairies. Les coteaux sont couverts de petits oliviers qui donnent une huile de
première qualité. La plaine est couverte de vignes. La grande partie du vin en provenant
est transportée dans les climats froids de la haute Provence et du haut Dauphiné, où, par
le transport et le changement de température, il devient d’une bonté qu’il ne pourrait
acquérir dans son climat.
Autrefois les amandiers couvraient toute la plaine; mais on s’en dégoûta par
l’inconstance de ces récoltes.

On comptait anciennement à Manosque dix mille habitans; mais le nombre diminua


considérablement, lors de la peste de 1591. Cette année-là, on y enterra quatre mille
personnes en terre profane. On n’y compte aujourd’hui que 5,400 âmes. Quoique ce
pays ait fourni plusieurs hommes de lettres, l’éducation a été long-temps négligée.
L’agriculture était la seule occupation de l’homme réputé comme il faut. Cependant
depuis le commencement de la révolution, l’instruction a fait de grands progrès. La
plupart des habitans se sont adonnés au commerce de l’huile fine, des amandes du vin,
de l’eau-de-vie, de la cire, du miel, etc. Il a des fabriques de cadis, de toiles, des
tanneries et de filatures pour la soie.
Les foires sont, le 10 janvier, le 24 février, le lundi après les Cendres, le 15 avril, le 12
mai, le 23 juin, le 6 août, le 24 août, le 21 septembre et le 6 décembre. Ces foires
seraient très-fréquentées, si Manosque avait une communication directe avec le
département du Var. Un pont en fil de fer sur la Durance, près du château de Rousset ou
de l’auberge de la Fuste, suffirait pour, de Draguignan, aller directement à Apt, en
passant par Aups, Riez, Valensoles, Manosque, etc.
Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, Manosque, Corbières,
Montfuron, Pierrevert, Sainte-Tulle et Volx.

MARC-DE-JAUMEGARDE (SAINT). Village à une lieue et demie d’Aix son chef-lieu


d’arrondissement et de canton. Pop. 300 hab. Il ne faut pas confondre ce village avec
SAINT-MARC-LA-RIVIÈRE, qui est un hameau d’Aix, sur la route de Toulon.

MARCEL (SAINT). Hameau dans le territoire de Marseille.

MARCELIN (SAINT). Village du canton de Vaison, à 6 lieues d’Orange, près la rive


droite de l’Ouvèze. Ce village était anciennement un hameau de Vaison; aussi les
productions sont à-peu-près les mêmes. Pop. 200 hab.
MARCOUX, Marcostum. Petit village à 2 lieues de Digne, son chef-lieu
d’arrondissement et de canton près la rive gauche de la Bléonne. Climat sain et tempéré.
Le sol produit peu de blé, mais beaucoup de prunes qu’on sèche et qu’on expédie. Un
ruisseau arrose la moitié du territoire.
Le commerce consiste dans la vente des chevaux, mulets et bêtes à cornes.

MARE ASTRAMELÆ. Voyez LES MARTIGUES.

MARGUERITE (SAINTE). Hameau dans le territoire Marseille.

MARGUERITE (SAINTE). Fort qui défend les approches de la ville de Toulon.

MARGUERITE (SAINTE). Une des îles de Lérins, et la plus rapprochée de la terre


ferme; car elle n’en est qu’à environ diX minutes. Cette île s’appelait anciennement
Léro. Ce nom dérivait d’un temple érigé dans cette île en l’honneur du héros Léron, qui
devait être une divinité celto-lygienne. Ce mot est le même que celui de Héron, dont la
racine est her, qui signifie seigneur dans tous les dialectes celto-lygiens, et d’où est
dérivé celui de héros en latin, en français et en provençal. Les Celtes et les Gaulois
honoraient sous ce nom le dieu de la force et du courage, c’est-à-dire Hercule. L’oiseau
appelé héron lui était consacré. Cet oiseau était très-commun dans les îles de Lérins.
Le port de Montrey était une station romaine pour la marine. Auguste y fit élever des
tours pour la défendre. Un enfant de cet empereur mourut dans cette île, et y fut enterré.
En 1635, les Espagnols se rendirent maîtres de cette île; ils y élevèrent quelques
fortifications, dont une s’appelait le fort Aragonnais; on en voit encore déjà vestiges. Ils
commencèrent la citadelle au même endroit où se trouvait le fort Montrey. Les français
l’achevèrent ensuite, pour défendre le golfe Jouan et la rade de Cannes. Ce fut dans cette
citadelle que, vers la fin du dix-septième siècle, on transféra le fameux prisonnier au
masque de fer, dont on ignore encore le nom et la cause de la détention mystérieuse. Peu
de ses serviteurs avaient la liberté de lui parler, et ces serviteurs n’étaient que des
personnes très-marquantes du royaume. Monsieur de Saint-Marc, gouverneur de l’île,
était dans le secret. Un jour, un pêcheur lui apporta une assiette d’argent qu’il avait
trouvée au fond de la mer, sous la fenêtre grillée où se trouvait le prisonnier.

Étonné d’y voir gravé dessus le dévoilement du mystère, il dit au pêcheur: — Tu es bien
heureux de ne savoir lire, cette trouvaille aurait été ta perte.
On raconte aussi, qu’un frater ayant aperçu sous la fenêtre du prisonnier quelque chose
blanc qui flottait sur l’eau, il l’alla prendre et le porta à Monsieur de Saint-Marc. C’était
une chemise très-fine, pliée avec assez de négligence, et sur laquelle le prisonnier avait
écrit d’un bout à l’autre. Le barbier protesta et jura plusieurs fois qu’il n’avait rien lu;
mais, deux jours après, il fut trouvé mort dans son lit.
Ce prisonnier a donné naissance à bien des fables. La plus drôle, et qui ne date pas de
loin, est que ce prisonnier, parvenu à l’age des passions, témoigna au gouverneur le désir
d’avoir auprès de lui une femme.
Celui-ci, après en avoir obtenu l’autorisation, lui procura une veuve de trente ans, qui
consentit au sacrifice de sa liberté pour procurer une fortune à sa fille unique. En moins
d’un an, cette veuve mit au monde un enfant mâle qu’elle allaita pendant quelques
temps; et dès qu’il fut sevré, le gouverneur le fit passer dans l’île de Corse, en le
recommandant à une personne de confiance comme un enfant venant de bonne part, en
langue italienne de bonna panté. On présume que c’était le trisaïeul du héros de même
nom qui naguère régnait sur les Français, sous le nom de Napoléon.
Sous le règne de Napoléon, en homme puissament riche eut pendant quelque temps l’île
Sainte Marguerite pour prison. Il fit à ses frais établir des promenades garnies d’arbres.
Autrement il n’y avait guère que le jardin du commandant qui offrît quelques arbres, tels
que l’oranger, le figuier et autres arbres fruitiers.
C’est au fond de ce jardin, et non loin de la mer, que se trouvent les ruines d’une vieille
construction qu’on nomme les oubliettes. Un trou en forme de puits, dans lequel on
descend difficilement à l’aide de quelque marches de pierre qui à peine peuvent recevoir
tout le pied; un petit souterrain fort étroit qui conduit jusqu’à la mer, voilà en quoi
consistent les oubliettes. La tradition porte, que lorsque un prisonnier d’état mourait
dans le château, soit de mort naturelle, soit sous le fer assassin, pour que personne ne fût
instruit de sa mort, on le descendait pendant la nuit dans ce caveau, pour le jeter ensuite
au fond de l’eau, par le moyen d’une grosse pierre qu’on lui attachait autour du corps.
Tout cela n’est qu’un conte, inventé du temps où l’on croyait aux fables, aux sorciers et
aux revenans. Pour moi, je ne vois dans cette construction souterraine, que la recherche
d’une eau potable dont l’île est entièrement dépourvue. De pareils travaux ont été
exécutés inutilement sur plusieurs points de l’île, et tous ont été recomblés presque en
même temps. Aussi ce grand jardin est fort aride; ce qu’on y récolte le plus, ce sont des
asperges, des champignons, des escargots et surtout des rats, qui y font les plus grands
dégâts.
Le reste de l’île est inculte. Le climat est tempéré hiver, et la chaleur y est modérée, à
cause des vents frais que la mer y entretient. L’intervalle qui sépare cette île de celle de
Saint-Honorat a si peu de fond qu’il serait dangereux à un navire de s’y laisser entraîner
dans une tempête. Il y a une quarantaine d’années, qu’il y échoua un énorme poisson qui
avait été blessé dans l’Océan. Les tanneurs de Grasse en firent l’acquisition, et le
réduisirent en huile.

MARIE. Les Saintes-Maries. Bourg, chef-lieu de canton pour toute la Camargue, qui ne
contient que des hameaux, formant en tout une pop. de 1,300 hab., à 8 lieues d’Arles.
L’origine du lieu des Saintes-Maries date du commencement de l’ère chrétienne. Marie
Jacobé, dont parle l’écriture sainte, Marie Salomé, Marcelle et Sara leur servante, sainte
Marthe, sainte Madelaine, saint Lazare et plusieurs autres saints personnages, forcés,
après la mort de Jésus-Christ leur divin maître, de fuir une terre de persécution,
s’embarquèrent dans une frêle barque, et à l’aide de Dieu, ils arrivèrent en peu de temps
sains et saufs sur la côte de Provence. Ils prirent terre dans l’île de la Camargue, à
l’endroit même où se trouve le bourg dont nous parlons; et là, après avoir rendu leurs
actions de grâces à Dieu, ils se dispersèrent pour aller sur différens points, les uns pour
prêcher la foi de l’évangile, les autres pour y passer le reste de leur vie dans la retraite.
Les deux Maries ainsi que Sara, que l’on présume avec quelque fondement être la
femme de Pilate, née ainsi que son époux à Avignon, ne voulurent pas aller plus avant.
Leur bon exemple ne manqua pas, quoique chez des païens, de faire un grand nombre de
disciples au régénérateur des mortels, qu’elles avaient si bien connu. Et quand elles se
virent au moment de finir leur pieuse carrière, elles recommandèrent aux chrétiens du
pays de les ensevelir, après leur mort, tout près d’une petite source où, pendant leur vie,
elles aimaient à aller se désaltérer. Leurs dernières volontés furent exécutées; mais dans
la crainte que les persécuteurs des chrétiens ne vinssent troubler les cendres de ces
saintes femmes, on se garda bien de désigner au public le lieu où elles reposaient. C’était
un secret qui ne se communiqua que d’un chrétien à l’autre, encore fallait-il être du pays
et être reconnu d’une grande discrétion.
Environ mille ans après, la Camargue n’avait plus pour habitans qu’un pieux solitaire,
dont la sainteté le fit visiter par un grand personnage qu’on présume être Guillaume Ier,
comte de Provence. Le saint ermite convaincu de la piété de son hôte, lui déclara qu’il
était instruit que le tombeau des saintes Maries se trouvait bien près de la source. Le
comte, animé d’un saint zèle, fit construire une chapelle là où se trouvait la source. Il
l’entoura de fortes murailles pour la préserver des corsaires qui venaient se réfugier dans
l’île, et promit un encouragement à tous ceux qui viendraient bâtir des maisons près de
cette chapelle. En peu d’années, il y eut une ville à laquelle on donna le nom des Trois-
Marie; la ville de la Mar. Les souverains de la Provence se plurent à visiter ce lieu et à
faire du bien aux habitans. La justice de Tarascon était obligée de faire une douzaine de
lieues pour venir aux Trois Maries exercer la justice sur les crimes et délits commis dans
la ville de la Mar.
En 1448, le roi René, prince aussi pieux que bon, ayant appris que dans ses états se
trouvaient les précieux restes de trois saintes femmes qui avaient été témoins de la
passion et de la mort de Jésus-Christ, se fit autoriser par le pape Nicolas V,
s’accompagna de l’archevêque d’Aix, alla sur le lieu, fit faire des fouilles dans l’église,
découvrit d’abord un canal où passait de l’eau douce, le remonta jusqu’à la source qui se
trouvait près d’un autel. Puis, creusant par côté, on trouva non seulement les corps que
l’on cherchait, mais encore, dans une boîte de plomb, la tête de saint Jacques le Mineur,
que Marie Jacobé, sa mère, avait apportée de Jérusalem.
Le souverain pontife instruit de cette trouvaille, délégua le légat d’Avignon pour aller
sur le lieu servir de commissaire apostolique. Il y fut suivi de tout son conseil. Le roi
René, après y avoir envoyé l’évêque de Marseille pour prendre la déposition des
témoins, s’y rendit lui-même accompagné d’un archevêque, douze évêques, quatre
abbés, plusieurs dignitaires des chapitres; nombre de professeurs et docteurs suivirent le
monarque, ainsi que les principaux personnages de la province et du comtat, parmi
lesquels se trouvaient trois protonotaires du saint-siège et trois notaires publics de
Provence. Après que le légat eut reconnu la vérité, et qu’il eût pris l’avis de son conseil,
il prononça le décret; et les reliques furent renfermées dans deux chasses fermées par
quatre clés, dont deux furent remises au roi qui les porta à Aix, où on les a conservées
jusqu’à aujourd’hui. Elles sont dans les archives de la chambre des comptes.

Tous ces détails, qui ne seront pas du goût de quelques personnes, ont été publiés par feu
M. le comte de Villeneuve, préfet des Bouches-du-Rhône, dans la statistique de son
département. Si je les donne presque littéralement ainsi que plusieurs autres extraits de
son ouvrage, c’est que j’y ait été autorisé par ce digne administrateur.

MARIGNANE, Marignana. Village du canton des Martigues, sur l’étang de Berre, ou


plutôt sur l’étang de Marignane, séparé de celui de Berre par une sorte de chemin.
Climat et productions, les mêmes qu’aux environs. Pop. 1,750 hab.

MARITIMA AVATICORUM. Ville qui se trouvait dans le pays des Avaticiens, sur le
bord oriental de l’étang de la Valduc, et qui fut détruite par les Sarrasins. Il en existe
encore des ruines considérables près de la chapelle de Saint-Blaise, mais elles sont dans
le plus grand désordre. En cherchant avec attention, on trouve des médailles impériales,
des fragmens de poterie fine, des morceaux de fûts de colonnes, des chapiteaux, des
jarres, de grandes urnes cinéraires en briques rapportées, etc. En 1774, on trouva un
morceau de colonne sur laquelle était gravé qu’un nommé Antiochus avait construit une
hôtellerie en l’honneur des Héliades, sœurs d’Apollon.
Sur le roc des environs de Maritima, on voit encore des traces de chariots à voie étroite,
et dont les roues étaient à larges jantes, telles qu’on les fait aujourd’hui aux grandes
charrettes; preuve certaine qu’il y avait une route qui de Maritima allait joindre la voie
aurélienne. Cela devait être ainsi à une ville entièrement commerçante, bâtie par les
Marseillais qui expédiaient par le roulage dans l’intérieur des Gaules. Le commerce de
cette ville tomba, à mesure que le canal de Marius s’obstrua, et que la mer fut repoussée
par les sables. La plupart des habitans changèrent de lieu; les autres, après avoir été
pillés par les Maures, furent se fortifier sur une hauteur voisine. Voyez, CASTÈOU-
VEIRÉ.

MARSEILLE, Massilia. Sur le rivage de l’Asie mineure, et près de l’embouchure du


fleuve Herenus, Nélée, archonte d’Athènes, fonda, 1080 ans avant notre ère, une ville
grecque nommée Phocée. Comme le sol où s’établit la nouvelle colonie était peu fertile,
le commerce maritime, malgré ses hasards et ses dangers, fut préféré à l’agriculture.
Grâce à son courage et à sa persévérance, elle arriva en peu de temps à la plus haute
prospérité. Étonnés d’avoir pour rivaux ces Phocéens dont quelques années auparavant
ils soupçonnaient à peine l’existence, les Tyriens eux-mêmes furent bientôt obligés de
partager avec eux l’empire des mers. Les Phocéens établirent successivement des
comptoirs dans la Sicile, sur les côtes de l’Italie et dans l’île de Corse. Ensuite ils
franchirent les colonnes d’Hercule, pour se procurer les minéraux et les richesses de la
Bétique. Au retour de cette expédition lointaine, quelques-uns de leurs vaisseaux que la
tempête avait peut-être séparés de la flotte, cherchèrent et trouvèrent un abri près des
embouchures du Rhône. Ils jugèrent cette partie de la Celtique très-favorable au
commerce. Aussi, arrivés dans la Phocide, vantèrent-ils la situation des lieux que le
hasard leur avait fait découvrir. Ils engagèrent leur gouvernement à y envoyer une
colonie. Le sénat de Phocée s’empressa d’adopter ce projet, fit aussitôt équiper une
flotte, en confia le commandement à Simos et à Protis qui, avant de partir, allèrent
implorer la protection de Diane d’Éphèse. Dès leur arrivée, la déesse se montra en
songe, selon les uns à une prêtresse, selon les autres, à une dame recommandable
nommée Aristarché ou Aristarque, lui ordonna de prendre une de ses statues, et de suivre
les Phocéens jusqu’à la nouvelle terre qu’ils allaient habiter. Aristarché obéit avec
respect. Elle s’embarqua, et un vent favorable conduisit d’abord la flotte à l’embouchure
du Tibre. Tarquin l’Ancien, qui régnait à Rome, fit alliance avec cette colonie de
commerçans; et ensuite, après avoir longé les mers de l’Italie, les Phocéens arrivèrent
sains et saufs sur les côtes de la Celto-Lygie, la 1re année la 45e Olympiade, l’an de
Rome 154, le 15e du règne de Tarquin l’Ancien, et le 599e avant Jésus-Christ.

La flotte phocéenne ayant pris terre au fond d’un golfe appartenant au roi des Saliens,
nation qui occupait le littoral depuis le Bec de l’Aigle (le golfe des Lecques) jusqu’à la
plaine des cailloux (la Crau d’Arles), Protis, suivi de quelques-uns de ses compatriotes,
se rendit auprès du roi Nannus, afin de gagner son amitié, et de se mettre sous sa royale
protection. Le hasard le fit arriver à la demeure de ce prince précisément le jour où sa
fille Gyptis devait faire choix d’un époux parmi les jeunes seigneurs celto-lygiens qu’il
avait eu soin de réunir. La démarche noble et majestueuse de Protis, la douceur de sa
voix, le charme de ses expressions, la beauté de sa figure, et, plus encore peut-être, le
désir d’échapper à des prétendans qui lui étaient tous également odieux, firent que
Gyptis présenta au jeune Phocéen une coupe pleine d’eau qu’elle tenait en main. C’était
ainsi que les jeunes princesses désignaient celui à qui elles voulaient appartenir. Nannus
approuva le choix de sa fille, et céda aux étrangers tout le terrain convenable pour y bâtir
une grande ville, à laquelle ils donnèrent le nom de Massalia, ou plutôt de Mas
Salyorum, parce que en cet endroit il se trouvait quelques cabanes appartenant à des
pêcheurs saliens.
Nannus vit avec plaisir les progrès de la colonie phocéenne, et ces murailles, ces
fortifications dont elle s’environnait, ne lui causaient aucun ombrage. Mais Comanus,
son fils et son successeur, ne partagea point cette noble confiance. Aussi, dans la crainte
d’être un jour troublé dans ses possessions par ces étrangers devenus ses voisins, il
résolut de les surprendre et de les anéantir. Il choisit, pour accomplir ce funeste projet, le
jour où l’on devait célébrer la fête de Flore. Il vint avec son armée s’embusquer dans les
forêts qui couvraient la campagne à l’ouest de Marseille, et envoya dans la ville
quelques soldats, la plupart cachés sur des chariots couverts de feuillages, avec ordre de
lui ouvrir les portes, dès que les Marseillais, fatigués par les danses et les jeux, seraient
ensevelis dans un profond sommeil. C’en était fait de cette ville, si l’Amour ne fût venu
à son secours. Une jeune Salienne, parente de Comanus, éperdument amoureuse d’un
jeune Phocéen, ayant appris le sort qui menaçait son amant, se hâta de l’engager à
quitter Marseille, et lui offrit un lieu de sûreté. Le jeune homme, instruit de la trame
ourdie contre ses compatriotes, courut la dévoiler aux magistrats de la ville.
A l’instant toutes les portes sont fermées, les émissaires de Comanus sont arrêtes et mis
à mort. Tous les Marseillais courent aux armes, font une sortie, surprennent le jeune roi
des Saliens, lui livrent un combat meurtrier, où ce prince trouve la mort avec environ
sept mille des siens.
Ce châtiment sévère ne corrigea pas les indigènes.

Un autre chef nommé Catumandus, appela à lui toute les forces des rois ses alliés, les
réunit sur un même point, pour détruire une cité dont la prospérité toujours croissante lui
inspirait les plus vives alarmes.
Sur ces entrefaites, Ambiga, roi des Bituriges, peuple la Celtique, voisine du Berry,
permit à deux de ses neveux, Bellovèse et Sigovèse, d’aller, avec une puissante armée,
former un grand établissement dans l’Italie. Arrivés dans le pays des Tricastiniens (au
midi du département de la Drôme), Sigovèse prit la direction des Alpes Cottiènes, et
Bellevèse suivit celle des Alpes-Maritimes. Le génie qui protégeait la ville de Marseille
fit rencontrer à ce dernier l’armée de Catumandus. Et ce chef gaulois, ignorant le motif
qui avait pu amener cette armée dans ces lieux, fond sur elle avec impétuosité; et, sans
lui donner le temps de se mettre en défense, la culbute sur tout les points, jonche le sol
de cadavres, et poursuit les fuyards jusque dans les montagnes. Marseille fut donc une
seconde fois préservée d’une destruction totale, aussi se montra-t-elle reconnaissante
envers ses libérateurs. Le brillant accueil qu’elle fit aux Celtes fut cause qu’une partie de
ces derniers abandonnèrent leur chef, et obtinrent des Marseillais des terres sur le
littoral, depuis Marseille jusqu’au Var, ce qui augmenta considérablement la force et la
puissance de la ville grecque, et la rendit redoutable à ceux qui auraient voulu la troubler
par terre.
Plusieurs auteurs disent que les Celto-Lygiens firent un dernier effort pour surprendre
Marseille et en égorger les habitans. Mais que Caramandus, qui était sans doute le même
que Catumandus, étant en vue de la ville, s’endormit, et qu’un songe effrayant vint le
troubler. Il crut voir une femme d’une beauté divine qui lui ordonna, sous peine de mort,
de faire alliance avec les Marseillais. Qu’à son réveil, il ne manqua pas de s’acquitter
d’un ordre qu’il crut lui venir des dieux; qu’il alla, avec les principaux magistrats de la
ville, remercier la divinité protectrice de Marseille, et qu’en entrant dans le temple, il
reconnut en la statue de Diane la même femme qui lui était apparue en songe; et qu’il se
retira, convaincu que les forces humaines ne pouvaient rien contre une ville protégée par
une divinité.
Vers l’an 543 avant Jésus-Chrit, Harpage, un des principaux généraux de Cyrus, mit le
siége devant Phocée. Le sénat obtint un armistice de vingt-quatre heures pour se
soumettre; et, profitant de ce court délai, les habitans dévastèrent leurs temples,
s’embarquèrent avec leurs femmes, leurs enfans et leurs richesses, et se dirigèrent vers
l’île de Chio. Mais les Ilotes leur ayant refusé l’hospitalité, ils décidèrent qu’ils iraient à
l’île de Cirné (île de Corse), où, vingt ans auparavant, quelques familles phocéennes
avaient fondé la ville d’Alalia. Avant d’exécuter ce projet, ils retournèrent furtivement à
Phocée qui était au pouvoir d’Harpage, massacrèrent la garnison qui dormait en pleine
sécurité. Jetant ensuite une barre de fer dans mer, ils jurèrent de ne revenir dans leur
patrie que lorsque ce fer remonterait de lui-même sur l’eau. C’est alors qu’ils cinglèrent
vers l’île de Cyrne, où ils restèrent environ cinq ans. Leur flotte fut en grande partie
détruite par celle des Carthaginois jointe à celle des Tyrrhéniens qu’ils avaient offensés.
Les Phocéens alors se divisèrent; les uns se rendirent dans la Lucanie, et les autres
arrivèrent à Marseille, la 60e année après sa fondation.
Les Marseillais n’ayant plus d’autre patrie que la ville qu’ils avaient fondue,
s’attachèrent à la rendre aussi prospère que sa situation le permettait. Les uns se livrèrent
à l’agriculture, et surent féconder un sol naturellement sec et stérile; ils plantèrent la
vigne et l’olivier jusqu’alors inconnus dans la Celto-Lygie; les autres se livrèrent à la
pêche avec succès; et les vins et la saumure de Marseille furent échangés dans les ports
étrangers contre le froment et les objets de nécessité.
Les vues politiques de Marseille étant le commerce et la navigation, elle établit un
arsenal et des chantiers de construction, encouragea les ouvriers, les marins, et, en peu
d’années, elle eut une flotte qui excita l’envie de Carthage. Celle-ci, contre le droit des
gens, captura plusieurs vaisseaux marseillais en temps de paix. Elle ne tarda pas à s’en
repentir. Les flottes marseillaises cherchèrent à leur tour les vaisseaux carthaginois.
Plusieurs flottes africaines furent entièrement détruites; et les prises furent si
considérables, que la citadelle de Marseille et le temple de Diane ne pouvaient contenir
les riches dépouilles des ennemis.
Les Marseillais cherchèrent à maintenir par de bonnes lois cette prospérité qu’ils avaient
su conquérir par leur courage et leur bravoure. Parmi les institutions dont il s’honorent à
si juste titre, nous citerons celle qui fixait la dépense de la parure, et la dot des filles;
celle qui interdisait l’usage du vin aux femmes de tout âge et de toute condition; celle
qui réglait la cérémonie des funérailles, et qui défendait les larmes et les lamentations,
même à la mort d’une personne tendrement aimée. Deux cercueils étaient placés à
chaque porte de la ville; l’un servait aux hommes libres, et l’autre aux esclaves. Les
corps étaient consumés par les flammes, à une distance de la ville qui ne pouvait être
moindre de deux mille pas. Une cérémonie funèbre finissait toujours par un banquet
entre les parens et les amis du défunt.
Les lois de Marseille permettaient de faire des esclaves, mais le maître n’exerçait point
sur eux une puissance absolue. Il pouvait, à la vérité, soumettre jusqu’à trois fois son
affranchi à la servitude; mais il perdait tous ses droits à la quatrième plainte.
Marseille accordait l’hospitalité à tous les étrangers; mais aucun d’eux n’y pouvait entrer
en armes. On posait les armes aux portes de la ville, où on les reprenait en sortant. Cet
usage fut établi sagement contre les indigènes qui, allant toujours armés même en temps
de paix, auraient pu abuser de la confiance des habitans.
Le gouvernement de Marseille fut d’abord oligarchique. Il devint insensiblement
aristocratique, quoique le pouvoir fût partagé entre un grand nombre de citoyens. La
forme républicaine fut établie, lors de l’arrivée de la seconde migration des Phocéens.
L’autorité souveraine appartint au Sénat, composé de six cents membres appelés
Timouques, c’est-à-dire honorables. Cette dignité était à vie. Nul ne pouvait en être
revêtu, s’il n’avait des enfans et s’il n’était citoyen depuis trois générations. Le sénat
était présidé par quinze de ses membres, qui avaient en outre le pouvoir d’exercer la
police et de diriger l’administration publique.
Ces quinze formaient un conseil présidé par trois d’entre eux; mais le conseil des six
cents avait le pouvoir législatif, le droit de faire la guerre ou la paix, de nommer des
ambassadeurs et de prononcer sur tout ce qui pouvait intéresser l’état.
L’un des premiers soins de la colonie fut d’élever des temples aux dieux de la Grèce.
Ceux d’Apollon et de Diane furent renfermés dans l’enceinte de la citadelle, parce que
ces deux divinités protectrices étaient les plus vénérées dans le pays. Leurs autels ne
furent jamais souillés par le sang des victimes humaines; les infortunés qu’on vit expirer
au milieu des flammes s’y étaient précipités eux-mêmes par dévouement à la patrie. On
croyait alors, que pour détourner une calamité publique, il suffisait à un citoyen de
recevoir les exécrations des siens et de mourir ensuite: la colère des dieux devait
s’apaiser à l’instant. On cessera de s’étonner qu’il se trouvât à cette époque des hommes
qui se dévouassent ainsi volontairement à la mort pour le salut de la patrie, quand on
saura que ceux qui étaient fatigués de la vie, allaient exposer au sénat les raisons qui la
leur faisaient détester; et que si ces raisons étaient reconnues valables, non seulement on
leur permettait de se suicider, mais encore on leur fournissait le poison le plus prompt,
pour qu’ils n’eussent pas long-temps à souffrir. Ce fait est contesté aujourd’hui par des
personnes éclairées, sans doute; mais elles n’ont pu le démentir par des preuves solides.
La justice marseillaise était impartiale, et la loi punissait sévèrement le juge
prévaricateur. Un magistrat, nommé MÉNÉCRATE, qui s’était laissé corrompre, fut
déclaré infâme, et ses biens furent confisqués. Il ne lui resta qu’une fille unique qui était
difforme et paralytique; et désespérant de l’établir aussi avantageusement qu’il l’aurait
pu au temps de sa prospérité, il tomba dans une sombre et dangereuse mélancolie. S’il
regrettait ses richesses passées, c’était surtout pour cette fille objet de toutes ses
affections. Un jour il fit part de la cause de sa tristesse à Zénothémis, jeune homme fort
riche et son intime ami. Après quelques paroles de consolation, le jeune homme emmène
chez lui le père et la fille, fait préparer un grand festin; plusieurs personnes de distinction
y sont conviées; et, au moment des libations d’usage, Zénothémis présente sa coupe à
Ménécrate, en lui disant: — Recevez, ô mon père! recevez cette coupe de la main de
votre gendre. Aujourd’hui j’épouse votre fille; ces convives m’en sont témoins; ils sont
aussi garans de la promesse que je fais, ô mon père! de partager mes biens avec vous.
Le mariage eut lieu, en effet, et jamais union ne fut plus heureuse. Un fils d’une rare
beauté en fut le fruit. Dès qu’il fut grand, Zénothémis le présenta aux sénateurs
assemblés, qui, pénétrés d’admiration de la conduite du père, et attendris par l’air doux
et suppliant du fils, rétablirent ce jeune homme dans les biens et la charge de Ménécrate,
son aïeul.
Cependant la population et le commerce de Marseille allaient toujours croissans. Il lui
importait de fonder au loin des colonies qui pussent la seconder. Elle en établit donc sur
les côtes d’Espagne, de la Gaule et de l’Italie, parmi lesquelles se trouvaient Hemirosco
Pium, aujourd’hui Dénia, près de l’embouchure du Xucas, dans le royaume de Valence;
Emporium, l’Ampurias, dans la Catalogne; Rhodé, Rose, qui était dépendante
d’Emporium; Agatha, Agde, sur la côte du Languedoc; Rhode, Rhodos ou Rhodanusia,
ville qui était autrefois à l’embouchure du vieux Rhône, et qui donna le nom à ce fleuve;
Stomalimné, qui se trouvait sur l’étang de Caronte, près des Martigues; Maritima, qui
existait sur le bord oriental de l’étang de la Valduc; Citharista, position près du lieu où
est la Ciotat; Tauroentum, au fond du golfe des Lecques, à l’opposé de la Ciotat;
Athénopolis, près de la grande caranque d’Antéa, entre Agay et la Napoulle; Antipolis,
aujourd’hui Antibes; Nicœa, Nice, qui appartient au Piémont; Eléa, dans le golfe de
Salerne; Lagaria, près de Thurium, etc.
Pendant qu’elle formait ces différens établissemens, Marseille songea à réaliser un projet
conçu depuis long-temps, mais dont l’exécution paraissait difficile. Il s’agissait de faire
la découverte des lieux d’où les Phéniciens et les Carthaginois tiraient l’étain, le succin,
l’ambre jaune et toutes les autres richesses qu’ils vendaient avantageusement dans tous
les ports qu’ils fréquentaient. Pythéas et Euthymènes, tous deux Marseillais, et doués de
connaissances supérieures, furent chargés d’aller faire ces précieuses découvertes.
Au sortir du détroit de Gibraltar, Pythéas remonta vers le nord, longea les côtes de la
Lusitanie (le Portugal), doubla l’Aquitaine et l’Armorique, reconnut les Cassitérides (les
Iles Britanniques), passa dans le canal qu’on nomme aujourd’hui la Manche, et
découvrit l’île de Thulé (l’Islande), où la durée du jour solsticial était de vingt-quatre
heures. Après il retourne à Marseille pour rendre compte du résultat de ses observations,
et entreprend un second voyage vers le nord-est de l’Europe. Il entre dans le détroit du
Sund, s’enfonce dans la mer Baltique qu’il remonte jusqu’à l’embouchure d’un grand
fleuve qu’il nomme Tanaïs, et qui ne peut être que la Vistule; car le Tanaïs est un fleuve
qui sépare l’Europe d’avec l’Asie, et se jette dans la mer d’Asow.
Euthymènes sortit également par le détroit de Gibraltar; mais il prit la gauche pour
parcourir les côtes occidentales de l’Afrique, d’où l’on tirait la poudre d’or. Il reconnut
l’embouchure du Sénégal. Peut-être qu’il poussa plus loin sa navigation, et qu’il
découvrit l’embouchure du Niger et même le cap de Bonne-Espérance. Marseille dut à
ces deux célèbres navigateurs la découverte de plusieurs nations dont personne
jusqu’alors n’avait soupçonné l’existence.
Alexandre ne tarda pas à augmenter considérablement la prospérité de Marseille, en
ruinant la ville de Tyr et le commerce des Phéniciens. En apprenant la chute de son
opulente et orgueilleuse rivale, Marseille envoya des ambassadeurs pour complimenter
ce héros. Le jeune conquérant leur demanda fièrement ce qu’ils craignaient le plus dans
leur pays. La chute du monde, répondirent les intrépides envoyés. Alexandre s’attendait
peut-être à une réponse plus flatteuse; mais ces paroles hardies lui prouvèrent que les
marseillais étaient d’autres hommes que les êtres mous et efféminés qu’il venait de
soumettre à ses lois.
En effet, les Marseillais, non seulement étaient bons navigateurs et habiles commerçans,
mais ils se distinguaient encore par toutes les qualités du citoyen, du soldat. Ils avaient,
pour défendre leur patrie et leur liberté, la vertu, le courage et l’éloquence. Les écoles de
Marseille, les plus célèbres du monde civilisé, enseignaient avec succès la Dialectique,
la Géographie, l’Éloquence, la Médecine, les Mathématiques et la Philosophie. Les
jeunes gens les fréquentaient par goût et par devoir; ils avaient pour leurs maîtres tout le
respect et tous les égards dus au mérite, et leur vouaient une reconnaissance qui ne se
démentait jamais. Aussi nul ne sortait de ces écoles avec un goût frivole, capricieux,
moqueur, mais avec l’amour pour le travail et pour l’économie, l’attachement pour
l’ordre, pour les lois, pour les personnes chargées de les faire exécuter; avec une fidélité
à toute épreuve, soit dans les opérations commerciales, soit dans leurs alliances avec les
peuples dont ils n’avaient pas à se plaindre; témoin les services qu’elle accorda à Rome,
lorsque celle-ci fit une guerre d’extermination contre Carthage devenue ambitieuse et
conquérante; et les secours en argent qu’elle lui envoya, pour la délivrer des Gaulois
sénonais qui, après avoir embrasé la ville, assiégeaient le Capitole. Ce fut Marseille qui
fit savoir au sénat qu’Annibal avait franchi les Pyrénées pour aller attaquer Rome et
anéantir sa puissance.
Ce fut alors que P. Cornelius Scipion arriva sur le rivage marseillais avec une flotte de
soixante galères, et une légion qu’il alla lui-même poster à l’embouchure du Rhône. Ce
fut deux galères marseillaises envoyées à la découverte, qui apportèrent la nouvelle que
la flotte carthaginoise se disposait à traverser l’embouchure de l’Èbre; ce furent les
vaisseaux marseillais qui, réunis à la flotte du consul romain, lui fournirent le moyen
d’en attaquer une autre plus nombreuse. Dans cette circonstance, Marseille usa
noblement de son influence et de ses richesses; elle s’en servit pour soulever les Gaulois
qui, se plaçant sur la rive gauche du Rhône, disputèrent le passage du fleuve au général
carthaginois.
Toutes ces précautions furent, à la vérité, inutiles; car Annibal envoya, pour traverser le
Rhône, une division de son armée qui exécuta son ordre sans obstacle, attaqua les
Gaulois par derrière, les mit en fuite et les poursuivit au loin. Les Africains se hâtèrent
alors de passer, et ils se dirigèrent ensuite vers l’Italie par les Alpes Cottiènes.
Rome ne fut point ingrate envers les Marseillais. A peine délivrée des craintes que lui
avait inspirées Carthage, il fallut qu’elle tournât ses armes contre les peuples de l’Italie;
la Gaule cisalpine, la Ligurie furent bientôt obligées de se soumettre. Ce fut alors, qu’à
la nouvelle des hostilités que les Oxibiens se permettaient contre Marseille, (les
Oxibiens assiégeaient, en effet, Antibes et Nice, colonies marseillaises), le sénat romain
députa Flaminius Popillus Lœnas et L. Pappius, afin d’engager ces Gaulois à se retirer, à
vivre en paix avec Marseille, sœur de Rome et protectrice des Romains. Ces députés
furent mal reçus par les Oxibiens; et, forcés de se rembarquer, ils vinrent se réfugier à
Marseille comme en un lieu de sûreté.
L’ o ffense faite aux députés romains fut promptement vengée. Le consul Quintus
Opimius marcha contre les Déciates et les Oxibiens, les battit complètement, les chassa
du littoral, qui fut à l’instant donné aux Marseillais, et les força d’envoyer à Marseille
des otages qui devaient être changés à des époques déterminées. Les vainqueurs
s’emparèrent des bourgades, et s’y tinrent en cantonnement jusqu’à ce que tout le pays
fut tranquille.
Marseille fut bientôt exposée à un danger beaucoup plus grand. Les Saliens, jaloux de
l’agrandissement de cette ville, appelèrent à eux tous les Gaulois leurs alliés. Ils se
donnèrent pour chef Teutomal, guerrier plein de hardiesse et d’intrépidité, qui eût peut-
être porté un coup terrible à la puissance de Marseille, si Caïus Sextius Calvinus ne fût
venu à son secours. Les Saliens furent taillés en pièces, et Teutomal fut forcé de se
réfugier chez les Allobroges, peuple qui occupait le pays entre le Rhône, l’Isère et les
montagnes de l’Helvétie. Revenu sur le champ de bataille, le vainqueur construisit une
ville qu’il nomma Aquœ Sextiœ. Ce fut alors que les Marseillais possédèrent tout le
littoral depuis le Rhône jusqu’au Var, sur une largeur de 8 à 12 stades, selon que le pays
était en plaine ou montueux. Teutomal inspira aux Allobroges sa haine et son courroux
contre Marseille et contre les Romains. Il eut même l’adresse d’attirer dans son parti les
Arvernes, nation gauloise très-puissante, qui occupait l’Auvergne actuelle et plusieurs
autres pays. Bituitus, fils du roi de ces derniers, fut attaqué par le proconsul Domitius
Œnobarbus dans la plaine de Vindale, et le battit complètement. Bituitus rassembla des
forces beaucoup plus considérables que celles des Romains, et vint attaquer vers l’Isère
Q. Fabius Maximus. Les Gaulois furent encore battus; et l’on assure que, dans cette
dernière affaire, il y eut de cent vingt à cent cinquante mille hommes de tués ou de
noyés.
Ces différens troubles ayant attiré les armées romaines dans la Gaule transalpine, Rome
jugea à propos de la garder et d’en faire une province, qui fut bientôt considérablement
agrandie par la soumission des Allobroges, des Arvernes et de plusieurs autres états au-
delà du Rhône, qui, tous ensemble, formèrent la Gaule narbonnaise.
Marseille, ainsi délivrée de ses ennemis, semblait se promettre une longue paix. Elle
était loin de prévoir l’orage terrible qui se formait et qui allait bientôt éclater. Une
multitude innombrable de guerriers suivis de leurs femmes et de leurs enfans, sortis des
côtes de la mer Baltique et des forêts de la Germanie, se précipita soudain à travers les
Gaules, répandant partout la désolation et la mort. Ces barbares, connus sous le nom de
Cimbres, de Teutons et d’Ambrons, voulaient, dit-on, s’établir dans les riantes
campagnes de l’Italie. Mais en se dirigeant vers la patrie qu’ils s’étaient choisie, ils
mettaient tout à feu et à sang, et tous leurs pas étaient marqués par des ruines nouvelles.
Effrayée du péril qui menaçait ses possessions en deçà des Alpes, Rome envoya C.
Marius pour arrêter ces barbares.
Marius arrive avec son armée. Il exerce continuellement ses soldats à la discipline, les
conduit à la fatigue, en les soumettant aux travaux les plus pénibles, en leur faisant
élever des fortifications. Marseille le seconda de tous ses moyens. Elle lui fournit des
vivres, des outils et tous les objets utiles ou nécessaires. Néanmoins une année s’écoula
sans que Marius eût un ennemi à combattre.
Enfin les Barbares arrivèrent de nouveau dans la Narbonnaise. Ils voulaient se diriger
sur Marseille, pour passer ensuite en Italie. Marius, retranché dans son camps près de
Foz-les-Martigues, les observait. Il les laissa paisiblement passer le Rhône, et traverser
la plaine de la Crau. Il essuya sans s’émouvoir leurs insultes et leurs provocations.
Décidé à ne rien confier au hasard, il aima mieux les suivre, et attendre, pour les
combattre, qu’il pût avoir sur eux l’avantage de la situation. L’instant décisif arriva
enfin. Ce fut dans la plaine qui avoisine Pourrières que les barbares furent complètement
battus. Ils laissèrent sur le champ de bataille environ trois cent mille morts. Les débris de
cette armée formidable furent poursuivis sans relâche, et entièrement anéantis dans la
campagne de Glanum, aujourd’hui Saint-Rémy. Les soldats marseillais contribuèrent
beaucoup à la défaite des barbares; aussi Marius donna, en reconnaissance, à la ville de
Marseille les Fosses Marianes. Elle utilisa ce canal pour porter ses marchandises dans
l’intérieur des Gaules, et pour faire venir les productions de l’intérieur.

Sous le rapport du commerce, Marseille ne tarda pas à être, après Alexandrie, la ville la
plus florissante du monde; mais il s’en faut que ses richesses agricoles répondissent à
celles qu’elle devait à l’industrie. Les terres qui l’entouraient appartenaient aux
Romains, à ce peuple ambitieux, avide, dont l’univers entier n’aurait peut-être pas
satisfait l’avarice. Dirons-nous que, si jusqu’alors elle avait respecté Marseille, Rome
n’y avait été portée que par des motifs intéressés, parce qu’elle avait besoin de l’appui
de cette opulente cité? L’égoïsme prend trop souvent les couleurs de la reconnaissance et
de l’amitié, pour se maintenir dans ses conquêtes et ses usurpations. Lorsque César et
Pompée se disputaient l’empire, les Marseillais embrassèrent la cause de Pompée, parce
qu’ils la croyaient la plus juste. Ils savaient certes que César, qui avait des forces
considérables dans la Narbonnaise, et qui pouvait compter sur la sympathie et sur le
concours des habitans, ne manquerait pas de se présenter devant Marseille pour la
soumettre par la force des armes; mais cette pensée ne les arrêta point. Ils
s’empressèrent de réparer les remparts et les fortifications de la ville, de construire un
grand nombre de galères, de former des marins. Hommes, femmes, vieillards, enfans,
tous rivalisaient d’ardeur pour la bonne cause. Des députés furent envoyés dans les
montagnes pour engager les Albiciens et les Variacens à envoyer leur jeunesse au
secours de Marseille.
César se présenta devant Marseille à la tête de trois légions. Ses flatteuses propositions
ne furent point écoutées. Les portes de la ville lui furent fermées, tandis que l’entrée du
port fut ouverte à la flotte de Domitien, ami et capitaine de Pompée. César alors fit
cerner la ville par Tribonius. Il alla ensuite faire construire douze galères à l’endroit où
se trouve aujourd’hui la ville d’Arles. Décimus Brutus en obtint le commandement, et
vint bloquer le port de Marseille, pour affamer la ville et pour empêcher la flotte de
Domitien d’en sortir. Sa présence n’intimida pas les Marseillais. Dix-sept galères furent
mises à flot. Elles étaient montées par de bons archers. Domitien fit aussi embarquer ses
esclaves, et leur promit la liberté, s’ils s’en rendaient dignes.
Bientôt les deux partis en vinrent aux mains. Les Marseillais, excellens manœuvriers, ne
cherchaient qu’à mettre les vaisseaux ennemis hors de service. Les Romains, au
contraire, habitués à combattre corps à corps, ne négligeaient rien pour venir à
l’abordage, ce que les Marseillais tâchaient d’éviter. Cependant des corbeaux sont
lancés. Plusieurs vaisseaux restent accrochés. Les combattans s’attaquent à coup de
traits, puis à coup de lance et à coup d’épée. Teulon et Gyaric, qui commandaient la
flotte de Marseille, sont tués en même temps. Cette flotte, privée de ses chefs, ne put
plus combattre avec ordre; aussi neuf galères furent prises ou coulées à fond, et les
autres rentrèrent en mauvais état dans le port.
Tribonius, qui cernait Marseille par terre, voyant le triomphe de Brutus, s’avança vers la
ville pour l’attaquer. Les Marseillais, furieux d’avoir été battus sur mer, jurèrent de s’en
venger sur terre. Ils se rendent en bon ordre sur les points menacés, et font usage en
même temps de la flamme et du fer. Bientôt on voit le feu embraser une grande terrasse
de quatre-vingts pieds de hauteur, se communiquer ensuite à une sorte de rempart formé
d’arbres coupés et entassés les uns sur les autres, et enfin à toutes ces machines dont la
construction avait occupé pendant un mois les charpentiers de l’armée de Tribonius.
Peu de jours après, les Marseillais apprirent avec joie que Nasidius, envoyé par Pompée
avec dix-sept galères, était dans le port de Tauroentum, au fond du golfe appelé
aujourd’hui golfe des Lecques. Une flotte nouvelle est équipée en peu de jours; l’élite
des Marseillais s’y embarque; les mères, les femmes, les amantes les exhortent à vaincre
ou à mourir pour le salut de la patrie. Les deux flottes firent leur jonction et ne
balancèrent pas à aller au-devant de celle de Brutus pour la combattre. Les vaisseaux
marseillais l’attaquèrent avec toute la valeur et l’intrépidité possible. C’en était fait de
Brutus et des dix-huit galères qu’il avait sous son commandement, si le lâche Nasidius
n’eût fait défection avec ses vaisseaux au moment du combat.
Cette trahison découragea les Marseillais qui n’osèrent pas même rentrer dans le port.
Cinq de leurs galères furent coulées bas et quatre prises. A cette nouvelle, les habitans
de Marseille poussèrent des cris de douleur; mais nul ne songea à se rendre. Au
contraire, chacun promit de venger ses compatriotes morts sur les troupes de César.
Tribonius ayant fait élever une tour de six étages qui dominaient les remparts, fit
construire une galerie couverte de briques et de mortier, pour faciliter la sape qui devait
ébranler et abattre les murailles. Les Marseillais, bloqués par mer et par terre, ne
recevaient plus la moindre subsistance; et l’autorité, prévoyant qu’une plus longue
résistance était impossible, et ne voulant pas exposer la ville à la fureur des soldats
ennemis, fit demander au chef des assiégeans un armistice qui devait durer jusqu’au
retour de César. Tribonius, qui avait l’ordre d’éviter autant que possible la ruine d’une
ville qui avait rendu de grands services aux Romains, acquiesça à cette demande, et
laissa ses troupes se reposer dans une entière sécurité. Mais quelques jours après, une
troupe de ceux qui défendaient la ville, sachant les Romains endormis dans leurs tentes
ou dans la tranchée, fit une sortie en plein jour, et embrasa dans un instant toutes les
fortifications ennemies.
Par cette violation des traités, l’exaspération des assiégeans fut au comble. Impatiens de
venger l’affront qu’ils venaient de recevoir, de renouveler leur attaque et de livrer
l’assaut, c’était fait sans doute de Marseille: le coup fatal allait être porté, lorsque, pour
le bonheur de cette ville infortunée, César se présenta. On l’avait repoussé comme
ennemi, on le reçoit maintenant comme libérateur. Les portes s’ouvrent devant lui; on
s’abandonne à sa clémence; et César, par une amnistie générale, se fait pardonner ses
succès.
Aucun Marseillais n’eut à souffrir des insultes, des violences des vainqueurs. Les
personnes, les propriétés furent respectées. Néanmoins, comme rival de Pompée, César
eut à prendre, dans l’intérêt de son ambition, des mesures qui devaient affaiblir pour
longtemps l’influence de Marseille.
Le coup qui l’allait frapper était terrible sans doute; mais il n’humiliait point la fierté
d’un peuple jaloux de sa gloire. Les ordres de César, tout sévères qu’ils étaient, parurent
moins un châtiment infligé aux vaincus, qu’une précaution nécessaire contre un ennemi
qu’il voulait priver de tous ses appuis.
César fit donc abattre les fortifications de Marseille,
la dépouilla de ses armes, de ses trésors, la priva de toutes ses colonies, à l’exception de
Nice, et laissa dans la citadelle une garnison de deux légions.
Cependant la république de Marseille conserva son indépendance sous la protection des
Romains. La population s’augmenta, et des familles grecques sorties de ses colonies, et
de cette foule de Romains qui venaient a Marseille étudier les sciences et les lettres qui y
brillaient alors du plus vif éclat.
Avec les Romains s’introduisirent à Marseille, et le luxe et le goût des frivolités, et les
vices les plus honteux. Bientôt il ne resta plus rien des antiques mœurs.

Avec elles, s’affaiblit insensiblement cette industrie qui éleva si haut la prospérité de
Marseille. Son commerce fut dès lors partagé avec plusieurs villes que les Romains
avaient fondées dans les Gaules, principalement avec Arles et Narbonne.
Marseille était devenue étrangère aux divisions qui déchirèrent l’empire romain, lorsque
après César, Auguste et Tibère, les armées s’arrogèrent le droit de disposer des
couronnes, et que la guerre civile fut le seul chemin qui conduisît au trône. Elle ne sentit
s’appesantir sur elle le joug de la tyrannie, que sous le règne de Maximien Hercule, à
l’époque où les persécutions les plus cruelles furent exercées contre les chrétiens, dont le
nombre s’était accru prodigieusement dans les Gaules.
Dieu ne permit pas que ce furieux persécuteur des chrétiens jouît paisiblement du trône.
Il fut forcé d’abdiquer à cause de ses excès. Mais la rage qu’il avait de régner lui fit
bientôt reprendre le titre d’Auguste qu’il ne conserva pas long-temps. Constantin, son
gendre, lui succéda. Pendant que ce dernier était à Trèves, Maximien, que rien ne
pouvait corriger, voulut une troisième fois ressaisir la couronne. Il s’empare des trésors,
et, après avoir acheté le dévouement des factieux, il marche sur Arles, s’en empare; mais
il n’a pas le temps de s’y fortifier. Constantin le Grand venait à marche forcée pour punir
sa perfidie. Maximien alors se réfugie à Marseille devenue son dernier asile. Il y est
bientôt cerné, et la ville eût été prise d’assaut, si les échelles de l’armée de Constantin
n’eussent été trop courtes. Les Marseillais ne voulant pas exposer leur ville pour soutenir
un tyran justement odieux, ouvrirent une de leurs portes aux soldats de Constantin, qui
se saisirent de l’implacable vieillard, et le conduisirent à Arles, où il se suicida dans la
prison.
Au commencement du cinquième siècle, Jean Cassien (saint Cassien) (on ne sait quel est
le lieu de sa naissance), vint à Marseille fonder un monastère religieux, connu sous le
nom de Saint-Victor, et un autre monastère de religieuses, appelé Saint-Sauveur. Un
grand nombre de personnes des meilleures familles des Gaules vinrent y embrasser
l’ordre monastique. La plupart se livrèrent à l’étude de la théologie, et devinrent les
lumières du monde chrétien.
Alors commença la décadence de l’empire romain. Les peuples barbares du Nord
l’attaquaient sur plusieurs points à la fois. L’empire d’Orient succomha le premier, et
Rome ne tarda pas à subir la loi d’un vainqueur étranger. Les Gaules furent morcelées.
Chaque ville devenait tour-à-tour la proie des Barbares. Marseille ne put se défendre
contre ces nouveaux ennemis. Elle tomba au pouvoir des Visigoths, et, quelque temps
après, des Bouguignons. Gondebaud, leur roi, céda la Provence à Théodoric, roi des
Ostrogoths, qui établit dans Marseille d’immenses magasins de grains pour le besoin de
l’armée.
Dans la suite, les Francs possédèrent toute la Provence, et éteignirent la domination des
Ostrogoths dans ces contrées. Marseille devint la capitale d’une province qui comprenait
les diocèses de Marseille, d’Aix et d’Avignon. Elle eut pour souverain Sigebert, roi
d’Austrasie.
Les Lombards, qui s’étaient établis dans l’Italie, passèrent les Alpes pour faire la
conquête de la Provence. Gontran, roi de Bourgogne et frère de Sigebert, envoya
Mummolus pour les repousser. Il les rencontra sur la rive gauche de l’Asse, dans la
plaine d’Estoublon, leur livra bataille et les anéantit.
Sigebert étant mort, eut pour successeur son fils Childebert, alors âgé de cinq ans, et qui,
deux ans après, fut adopté par Gontran. Celui-ci, n’ayant point de port de mer, exigea de
son neveu la moitié de la ville de Marseille, c’est-à-dire la partie basse. Childebert,
parvenu à l’age de raison, voulut recouvrer ce qu’il n’avait fait que céder verbalement
dans un âge où il ne lui était pas permis de contracter des engagemens. Gontran refusa
de restituer; et, pour se maintenir dans son usurpation, il persécuta cruellement saint
Théodore, évêque de Marseille, qui conservait à son roi une inviolable fidélité. Gontran
mourut enfin, et toute la Provence appartint à Childebert. Ce prince eut plusieurs
successeurs qui établirent à Marseille la résidence des gouverneurs de la province; et ces
gouverneurs prirent le titre de Patrice, de Préfet, de Duc ou de Comte.
La Provence jouit pendant quelque temps d’une paix profonde. Mais elle fut troublée par
l’arrivée des sarrasins, qui, secondés par le gouverneur d ‘Avignon, pénétrèrent dans la
province et saccagèrent Arles, Aix et Marseille. Cette dernière, surtout, vit ses plus
beaux monumens livrés aux flammes, et ses principaux habitans égorgés dans les rues et
sur les places publiques. Les religieuses de Saint-Sauveur, voulant se préserver de la
brutale lubricité des Barbares, se coupèrent le nez et se mutilèrent le visage, préférant la
mort la plus horrible à la douleur de perdre leur honneur. Les Barbares admirèrent un
instant le dévouement héroïque de ces pauvres filles; mais bientôt la fureur s’empara
d’eux, et toutes les religieuses reçurent la mort en regardant le ciel. Heureusement
Charles-Martel vint, à deux reprises différentes, délivrer Marseille et toute la Provence
de ces ennemis des chrétiens.
Au commencement du neuvième siècle, les Sarrasins firent une descente sur nos côtes,
surprirent la ville de Marseille, renouvelèrent leurs massacres, détruisirent une seconde
fois le monastère de Saint-Victor, pillèrent un grand nombre de maisons, et emmenèrent
en esclavage une multitude d’habitans.
Lors des guerres des croisades, et sous le règne des rois de Jérusalem, la ville de
Marseille, pour prix de sa coopération à ces saintes entreprises, obtint une maison à
Jérusalem et une rue dans toutes les principales villes intérieures ou maritimes. Telle est,
à ce qu’on présume, l’origine des quartiers des Francs dans les Échelles du Levant. Plus
tard, elle obtint également des rues et des maisons de campagne dans les îles Baléares,
pour avoir aidé les Espagnols à en chasser les Sarrasins.
Lorsque Boson fut couronné roi de Provence, la ville de Marseille fut comprise dans le
comté d’Arles; et lorsque Hugues eut à son tour usurpé la couronne, qu’il eut été chassé
de l’Italie pour venir mourir dans un monastère, la Provence n’eut plus pour souverains
que des comtes, qui confièrent à des lieutenans nommés vicomtes le gouvernement de
quelques districts importans, et notamment celui de Marseille, qui eut quelquefois
plusieurs vicomtes en même temps.
La ville basse de Marseille ayant acquis de grandes richesses, finit par acheter la
seigneurie de sa ville, et s’érigea une seconde fois en république, dont le premier
magistrat, toujours choisi parmi les étrangers, eut le titre de Podestat. La ville haute était
gouvernée par ses évêques, et formait un état particulier.
Sous le règne des comtes de Provence, Marseille ne fut point troublée par des ennemis
étrangers; mais elle eut plusieurs querelles à soutenir. Tantôt c’était avec l’évêque, tantôt
avec les moines de Saint-Victor, tantôt avec les comtes de Baux. Elle fut presque
toujours déboutée de ses prétentions, et force de payer annuellement de fortes sommes à
ceux avec qui elle avait été en contestation.
Charles d’Anjou, frère de saint Louis et successeur de Raymond Béranger, de qui il
épousa la quatrième femme, comme héritière du comté de Provence, voulut dépouiller
les barons et les villes de leurs justices souveraines. Aidé par Alphonse, comte de
Poitiers et de Toulouse, il obtint la capitulation des villes d’Arles et d’Avignon en 1251.
Toutes les forces furent dirigées contre Marseille, qui se défendit vaillamment pendant
huit mois; mais elle finit par accepter les conditions de paix qui lui furent proposées. La
ville rentra dans le domaine et la juridiction des comtes de Provence; elle eut un
gouverneur désigné sous le nom de Baille. Les fortifications furent détruites, et le comte
renonça au droit d’en faire construire de nouvelles. Il exempta les habitans de toute taxe,
promit de payer la moitié du prix des pensions annuelles que la ville faisait, mais
seulement dans le cas d’un accommodement définitif qui mît fin aux pensions, etc. La
ville conserva, pour ainsi dire, son gouvernement républicain. Mais, l’année d’après,
Charles se dirigea de nouveau sur Marseille qui, craignant de tout perdre pour vouloir
tout conserver, reconnut le comte et ses successeurs comme seigneurs perpétuels de la
ville vicomtable de Marseille et de toutes ses dépendances. La ville épiscopale n’attendit
pas d’être contrainte par la force, pour reconnaître l’autorité du comte. L’évêque et son
chapitre acceptèrent sans balancer les premières propositions qui leur furent faites, et les
deux parties de la ville ne furent plus qu’une ville municipale, surtout lorsque Jeanne eut
fait tomber l’injuste et ridicule barrière qui séparait les Marseillais en deux peuples.
Marseille ne manqua pas de secourir, à différentes reprises, cette reine. Après sa mort,
les Marseillais refusèrent de reconnaître Charles de Duras, son infâme assassin, pour
comte de Provence, et se donnèrent à Louis d’Anjou.
Alphonse V, roi d’Aragon, épousa Jeanne II, reine de Naples, à qui il ne tarda pas de
déplaire, à cause du ton de maître qu’il prenait sur elle. Alphonse, rappelé en Catalogne
pour s’opposer au roi de Castille qui menaçait ses états héréditaires, résolut de se venger,
en passant, de ce que les Marseillais lui avaient capturé deux galères, lorsqu’ils
défendaient la cause de leur prince. Arrivé devant Marseille, il fit attaquer pendant la
nuit, par ses dix-huit galères, l’entrée du port et les deux tours qui la défendaient. (La
tour Saint-Jean et la tour Saint-Nicolas). Il croyait ne rencontrer aucun obstacle; mais il
éprouva la plus vigoureuse résistance. Quelques habitans s’arment à la hâte, et se
dévouant au salut commun, soutiennent contre lui un combat inégal mais opiniâtre. Ce
n’est qu’à l’aide de la flamme qu’il parvient à débarquer. Il incendia plus de quatre cents
maisons pour forcer le peuple à quitter les bas quartiers, qui furent à l’instant livrés au
pillage de la soldatesque aragonnaise. Un des chefs trouve cachée dans une maison la
chasse où étaient renfermées les reliques de saint Louis de Brignoles, évêque de
Toulouse. Il en prévient Alphonse, qui se hâte de la faire enlever et de la faire porter en
triomphe jusque sur son vaisseau. C’était à ses yeux le plus riche butin qu’il pouvait
trouver dans ces lieux, le plus précieux monument de sa prétendue victoire. Bientôt il
apprit que toutes les communes des environs s’étaient armées. Déjà toute la population
de Cuges et de la ville d’Aix se montrait dans le lointain: et Alphonse, ne se croyant pas
assez fort pour résister à ses nouveaux ennemis, se rembarqua promptement, le 26
novembre 1423.
La reine contribua de tous ses moyens à réparer les pertes que la ville de Marseille
venait d’éprouver. Cette ville renaquit de ses cendres; il ne resta plus aucune trace des
dernières dévastations. Bientôt même elle se montra aux étrangers surpris, et plus belle
et plus forte qu’elle n’était auparavant. Elle eut une marine puissante qui fut la terreur
des Catalans et des Aragonnais. Ces derniers armèrent tous leurs vaisseaux pour venir
une seconde fois saccager Marseille; mais celle-ci les attendit sans crainte, et força la
flotte ennemie à s’arrêter dans l’anse, où fut signé un armistice de plusieurs années, et
qui, depuis cette époque, est appelée anse des Catalans, ou simplement les Catalans.
René, le bon René, cet excellent roi, l’idole des Provençaux et surtout des Marseillais,
légua la Provence à Charles de Maine, sous la condition que si ce dernier n’avait point
d’enfans, le comté de Provence appartiendrait Louis XI, roi de France, et ensuite à
Charles VIII, son successeur.
Charles III mourut, en effet, sans postérité, et la Provence devint ainsi la propriété des
rois de France.

Néanmoins elle continua d’exister comme nation indépendante. Marseille eut pour
gouverneur Palamède de Forbin, qui eut le talent d’inspirer aux Marseillais un grand
amour pour le roi. Charles VIII ne négligea rien pour mériter lui-même cet amour.
Depuis cette époque, les Marseillais conservèrent toujours à leurs princes légitimes un
attachement, un culte, un dévouement qui ne se démentiront jamais.
François Ier, lors de son premier voyage, put juger de ces sentimens, par la joie que fit
éclater à son arrivée ce peuple chevaleresque, par les jeux qu’il célébra en son honneur.
Un combat naval fut livré dans le port; une multitude d’oranges étaient dirigées de tous
les côtés contre le monarque, au point qu’il fut obligé de prendre un bouclier pour se
garantir de ces brillans projectiles. Il finit cependant par en envoyer lui-même aux dames
qui, des fenêtres et des balcons, cherchaient à l’atteindre et prenaient plaisir à le voir se
débattre.
François Ier se convainquit bientôt que les hommages qu’il avait reçus ne s’adressaient
pas à sa fortune, qu’il n’en était point redevable à ses succès. Quand vinrent les jours
mauvais, les Marseillais prouvèrent par de grands, par d’héroïques sacrifices, combien
était sincère leur amour pour leurs rois.
La mort de l’empereur Maximilien ayant rendu vacant le trône impérial, François fut
invité par plusieurs princes d’Italie à rechercher, à recueillir ce brillant héritage. Mais
François ne s’étant présenté qu’avec une armée peu nombreuse, fut abandonné de tous
ses alliés, qui firent cause commune avec son adroit compétiteur. Charles fut préféré, et
prit le nom de Charles-Quint. François trouva des traîtres jusque parmi les siens. Le
connétable de Bourbon, guerrier plein de mérite, mais d’une excessive susceptibilité,
vendit ses services à Charles-Quint, qui lui promit le titre de roi de Provence, sous la
condition qu’il en ferait la conquête.
A cette nouvelle, les Marseillais se hâtent de fortifier leur ville, et de l’approvisionner de
tout ce qui lui était nécessaire pour soutenir un long siége. Toute la chevalerie
provençale courut s’y enfermer, décidée à la sauver ou à mourir. Trente-trois vaisseaux
viennent défendre son approche du côté de la mer; tous les édifices en dehors des
murailles sont rasés; tous les lieux élevés, les clochers même, sont garnis de bouches à
feu. Les hommes apprenaient le maniement des armes; tandis que, de leur côté, les
femmes les plus délicates s’exerçaient à servir les troupes, comme si elles eussent été au
moment du combat.
Le connétable s’arrêta quelques jours à Nice pour y attendre la flotte impériale qui
devait le seconder dans ses opérations. Cette flotte ne tarda pas à se montrer devant
Monaco.
La flotte marseillaise vint la recevoir, et l’attaquant avec impétuosité, elle lui coula bas
trois galères et la força d’entrer dans le port. Des troupes impériales débarquèrent sur le
rivage; mais le canon marseillais leur tua plus de deux cents hommes.

Deux vaisseaux ennemis essayèrent vainement d’entrer dans le port. Ils en furent
empêchés par le vaisseau amiral des Marseillais, qui alla les combattre, s’en saisit, et fit
prisonnier le prince d’Orange ainsi que plusieurs seigneurs français qui venaient se
range sous les bannières du connétable.
Bourbon passe le Var, au commencement de juillet 1524. Il n’éprouva d’abord qu’une
faible résistance. Quelques paysans, qui s’étaient armés à la hâte, se mirent à le harceler,
et lui tuèrent trois ou quatre mille hommes. La ville d’Aix, effrayée au seul bruit de son
approche, n’osa point lui fermer ses portes. Ce succès, qu’il devait à la terreur de son
nom, était pour lui le présage d’un prochain triomphe. Néanmoins ce nom si redouté,
Marseille l’entendit sans effroi. Que dis-je? Pleine de confiance dans son courage,
soutenue par son ardent patriotisme, elle attendait avec impatience elle appelait de tous
ses vœux le jour où il lui serait donné de combattre contre ce prince parjure, traître à son
roi et à son pays. Elle ne doutait point de la victoire, parce qu’elle ne doutait point de la
justice, de la sainteté de la cause qu’elle avait embrassée.
Le connétable arrive enfin, et son premier soin fut de faire détruire tous les aqueducs qui
conduisaient les eaux dans la ville. Mais cette mesure cruelle sera sans résultat. Il ne
restera à Bourbon que la honte de l’avoir conçue. Marseille possède un grand nombre de
puits qui suffisent aux besoins du moment.
Ces magistrats timides, que sa présence seule devait faire trembler; qui, selon lui,
s’empresseraient de déposer à ses pieds les clefs de leur ville, ne paraissaient jamais. Il
attendait d’eux des honneurs, et ils lui préparaient des combats. Indigné, décidé à
vaincre une résistance qui l’humilie, Bourbon fait dresser des batteries. Les canons
homicides vomissent la mort dans la ville, tandis qu’armés de la sape, les hordes
allemandes ouvrent la tranchée, forment des parapets.
Cependant les héroïques défenseurs de Marseille ne laissent pas leurs ennemis préparer
paisiblement leurs moyens de destruction. Ils ont aussi, eux, des instrumens de ruine, des
instrumens de carnage; et soudain, de leurs tubes meurtriers, partent à la fois mille
projectiles qui portent le trépas dans les rangs impériaux.
Des cris de douleurs se font entendre; le connétable accourt et en demande la cause.
— Ce sont, répond son premier général, ce sont les consuls de Marseille qui, comme
vous voyez, vous envoient les clefs de leur ville.

Mais bientôt la garnison, honteuse de combattre à l’abri de ses murailles, jalouse de se


mesurer de près avec l’ennemi sur un théâtre plus digne d’elle, fait une sortie, disperse
les travailleurs, tue ou fait prisonniers un grand nombre de soldats, et rentre en triomphe
dans la ville, sans avoir essuyé de grandes pertes. Moins heureuse dans une seconde
attaque, elle a du moins la gloire de surmonter tous les obstacles qui lui sont opposés.
Toute fois, déjà la fatale tranchée est poussée jusqu’auprès de la ville; déjà même, du
côté de l’évêché, les Impériaux ont creusé une mine. Mais ce nouveau péril ne fait
qu’exciter les courages. De nouveaux défenseurs se présentent. Oubliant la faiblesse de
leur sexe, et ne prenant conseil que de leur dévouement, les femmes, devenues soldats,
se joignent à leurs maris, et ensemble, se hâtent d’élever un contre-mur à l’endroit
menacé; et ce mur, monument de leur héroïsme, fut appelé bastion des dames.
Qu’importe donc maintenant que, cédant aux premiers efforts du connétable, un pan de
mur se soit écroulé. Il est, il est encore derrière ces débris un mur d’airain, un mur vivant
que le patriotisme a rendu inébranlable, qui saura résister à tous les assauts. L’artillerie
marseillaise ne cesse de tonner; elle renverse, elle écrase les bataillons impériaux... L’œil
effrayé n’aperçoit bientôt plus sur le champ de bataille que des ruines, du sang et des
cadavres. C’est là, c’est sur ce funeste chemin, c’est sur les restes meurtris, sanglans et
inanimés de leurs frères que devront passer, s’il en reste encore, ceux qui conserveraient
l’espoir de subjuguer la ville. Mais les forces humaines ont leurs limites. Harassés de
fatigue, les assiégés sentent leurs bras défaillir; leurs coups se ralentissent. Les
Impériaux, profitant de ce moment de relâche, montent à l’escalade. C’était fait de
Marseille, lorsque soudain les femmes se présentent en armes, se précipitent sur les
points menacés, renversant, terrassant tous les ennemis qu’elles rencontrent; et, vaincus
de nouveau, les Impériaux donnent enfin le signal de la retraite. Nos généreuses
amazones les poursuivent dans leur faite, font mordre la poussière à tous ceux qu’elles
peuvent atteindre, s’emparent de huit pièces de canon, et rentrent dans la ville avec ce
glorieux trophée de leur victoire.
Honteux de sa défaite, le connétable se retire dans sa tente avec l’intention et l’espérance
de réparer l’échec qu’il vient de recevoir. Mais là une humiliation nouvelle lui est
préparée. La déclaration qui lui est faite par le général allié dissipe toutes ses illusions, et
il est forcé de renoncer à cette couronne de Provence qu’il croyait bientôt pouvoir placer
sur sa tête. Ne voulant point sacrifier ses soldats devant Marseille, ce général signifie à
Bourbon qu’il va le quitter et retourner en Italie; et Bourbon, se voyant abandonné de
son meilleur soutien, et sachant, d’ailleurs, que les Provençaux étaient en armes, et que
des troupes françaises se trouvaient déjà sur les bords du Rhône et de la Durance, se hâta
de prendre la route de Nice, où il arriva avec peine; car les paysans, qui s’étaient
soulevés, le harcelant sans cesse, lui enlevèrent presque toute son artillerie, et firent périr
la moitié de son armée.
A cette nouvelle, Charles-Quint, comptant sur son habileté et sur sa fortune, crut qu’il
aurait bientôt vengé l’affront fait au connétable, et qu’à lui seul appartenait l’honneur de
réduire Marseille. Fidèle à ses maximes, il ne dédaigna point d’appeler à son aide la
félonie, et un traître faillit lui ouvrir les portes de cette ville généreuse. Mais la
conspiration fut découverte, et le traître laissa sa tête sur l’échafaud. L’empereur n’ayant
pu réussir par la perfidie, envoya André Doria avec une flotte formidable qui ravagea
toute la côte de la Provence. Charles-Quint vint en personne joindre son armée qui était
réunie à Nice. Là, il harangua ses principaux capitaines, et, trois jours après, il se dirigea
vers le Var. Il savait qu’il pourrait le passer librement. Le fleuve est donc traversé. Et
déjà son armée a franchi sans obstacle un espace de deux lieues. Ce succès enfle la
vanité du héros, excite son ambition, et, dans le délire de son imprudente joie, il dit à ses
généraux assemblés: Mes amis, peu a peu je serai roi France.
Trois jours après, il se dirigea sur Grasse, où il ne trouva pas un toit pour s’y mettre à
couvert; car les habitans avaient tout détruit. Il prit la route de l’Estérel. Quelques pères
de famille, cachés sur cette montagne, lui firent éprouver des pertes considérables.
L’empereur ne put franchir ce passage qu’en faisant incendier la forêt. Arrivé à Fréjus, il
s’empara de toutes les richesses des églises, et donna son nom à cette ville Charleville.
Le lendemain, son armée fut arrêtée au Muy par quelques jeunes gens qui s’étaient
enfermés dans une tour qui touche au chemin. Ces jeunes gens, après avoir épuisé leurs
munitions et avoir reçu un grand nombre de blessures, et réduits à sept, capitulèrent,
sous la condition qu’ils sortiraient avec tous les honneurs de la guerre. Mais dès qu’ils
furent sortis de la tour, l’empereur, toujours religieux observateur de ses promesses,
ordonna qu’ils fussent pendus. La tour de Taradeau le fit trembler un instant; mais
n’étant pas du tout approvisionnée, le brave qui s’y était enfermé fut obligé de se rendre.
La ville de Brignoles lui opposa une vigoureuse résistance. Forcé de battre en retraite, il
fut poursuivi par une poignée de jeunes gens appartenant aux meilleures familles du
pays. Ceux-ci, après s’être vaillamment battus, furent enveloppés de toute l’armée et
faits prisonniers. Les vainqueurs les firent garrotter et conduire devant Brignoles,
persuadés que les assiégés ne dirigeraient point leurs coups contre leurs enfans. Et en
effet, les habitans de Brignoles aimèrent mieux ouvrir leurs portes à l’ennemi que de
s’exposer à frapper ceux à qui ils avaient donné le jour. Charles-Quint, fier de ce
triomphe, donna à cette ville le nom de Nicopolis, ville de la victoire.
Les troupes allemandes arrivèrent enfin dans le territoire de Marseille. Trois cents
hommes sortirent du port sur des bateaux, et allèrent se montrer sur les hauteurs d’Aren,
pour attirer vers eux les Impériaux. Ce stratagème réussit à merveille; et lorsque les
troupes ennemies furent sur le rivage, plusieurs galères marseillaises, qui étaient cachées
derrière les rochers, se montrèrent et déchargèrent leur artillerie sur cette multitude qui
prit précipitamment la fuite, en laissant un grand nombre de morts et de blessés, parmi
lesquels se trouvaient plusieurs hommes de distinction.
Un seul moulin pouvait fournir de la farine à l’armée allemande; c’était celui d’Auriol.
Cent vingt Marseillais sortent pendant la nuit, traversent sans être aperçus les champs
occupés par l’ennemi, arrivent à Auriol, surprennent la garde du moulin, détruisent
l’engin de fond en comble, et retournent dans la ville avant le lever du soleil, sans avoir
perdu un seul d’entre eux.
Une division allemande se présente devant Toulon, dans l’intention de surprendre la
place. Les habitans de la contrée, réunis sur un seul point, prennent l’ennemi entre deux
feux, lui font éprouver des pertes considérables et l’obligent à prendre la fuite.
Cependant le roi de France arrive à Avignon. Les paysans se lèvent en masse, et Charles-
Quint ne trouve d’autre moyen de salut pour lui qu’une retraite précipitée. Ses soldats,
qui ne trouvaient des vivres nulle part, tombaient d’inanition sur le chemin. L’empereur
lui-même ne parvint à s’échapper qu’à l’aide d’une barque qu’il prit à Cannes pendant la
nuit, et qui le transporta tout tremblant à Nice. Ainsi finit cette fameuse campagne de
Charles-Quint, qui donna naissance à ce brocard: Il s’en est tiré comme Arlequin, avec
les étrivières.
Fidèles au double culte de la religion et de la royauté, les Marseillais, à ces époques de
déchiremens connues sous les noms de guerres de religion et de la ligue, défendirent
avec ardeur, avec dévouement la foi de leurs pères et les droits du prince légitime. Le
second consul, Louis de la Motte-Dariez, opprima les bons citoyens un moment, et
arbora dans cette cité fidèle l’étendard détesté. Mais un nommé Bouquier abattit la
tyrannie, non pas en assassinant Dariez, mais en se saisissant de sa personne, et en la
livrant ensuite à la justice. Peu de temps après, les ligueurs obtinrent un nouveau succès
même dans Marseille. Ils trouvèrent des complices jusque dans le sein du conseil
municipal. Les deux partis s’entredéchiraient impitoyablement. Douze cents Marseillais
armés allèrent attaquer la ville d’Aubagne qui était restée fidèle à Henri IV, et la
livrèrent au pillage.
Il y avait, à cette époque, dans la ville de Marseille un nommé Charles Casaulx, homme
d’un caractère cruel et vindicatif, et qui convoitait le chaperon de premier consul. Il avait
pour lui, et cette populace toujours avide de changement, et la comtesse de Sault, la
femme la plus perfide et la plus ambitieuse qui fut jamais. Celle-ci aspirait à régner en
souveraine sur la Provence; et elle sollicita l’appui du duc de Savoie, autre ambitieux,
qui, de son côté, désirait étendre ses états jusqu’au Rhône. L’un et l’autre avaient besoin
d’un homme audacieux, d’un homme qui n’eût d’amour ni pour son roi ni pour sa patrie;
et la comtesse jeta les yeux sur Charles Casaulx. Mais ses machinations ne purent rendre
les élections municipales favorables à son protégé. Casaulx, transporté de colère,
souleva la lie du peuple, se mit à sa tête, et marchant sur l’hôtel-de-ville, s’empara de
vive force de l’autorité, et confisqua les biens de tous ceux qu’il savait être contraires à
son parti. Ce fut alors que le duc de Savoie et la comtesse de Sault firent leur entrée
triomphale dans Marseille. Afin d’assurer le succès de son entreprise, le duc alla en
Espagne demander au roi son beau-père les secours qui lui étaient nécessaires pour
soumettre les Provençaux; mais il ne revint qu’avec quinze galères et mille soldats,
forces bien inférieures à celles qu’il leur aurait fallu.
Le duc de Toscane, jaloux de l’agrandissement du duc de Savoie, envoya deux galères
pour s’emparer des îles qui se trouvent devant Marseille, et qui étaient encore au pouvoir
des troupes du roi de France. Les Toscans y débarquèrent donc; mais le gouverneur ne
voulut pas leur céder le château d’If.
La comtesse de Sault ayant pénétré le projet du duc de Savoie, se brouilla avec lui; et
celui-ci, craignant les artifices de cette femme, chez qui, par un de ces mystères que
présente le cœur humain, s’alliaient l’ambition et le patriotisme, qui ne pouvait vouloir
l’asservissement de son pays, qu’à la condition qu’elle en profiterait elle-même, alla la
surprendre dans la ville d’Aix, et la fit prisonnière avec son fils, le jeune seigneur de
Créqui. Cette conduite lassa en fin la patience des Marseillais. Leurs yeux se
dessillèrent; ils ne doutèrent plus des intentions criminelles du duc. Casaulx surtout,
appuyé par Bésaudun qui exerçait les fonctions de viguier, disposa les esprits à résister
de toutes leurs forces aux entreprises coupables de l’étranger. Cependant la comtesse,
quoique étroitement gardée, trouva moyen de s’évader déguisée en savoyard et son fils
en jardinier, et se rendit à Marseille pour y soulever ses partisans. Le duc, qui avait pour
complice le commandant du fort Notre-Dame, envoya des troupes s’emparer du
monastère de Saint-Victor, pour de là tirer sur la ville. Ces troupes furent elles-mêmes
foudroyées par les Marseillais, et forcées de battre honteusement en retraite. La Valette
vint à la rencontre de l’armée savoyarde devant le village de Vinon, et la battit
complètement. Le duc ne dut son salut qu’a son travestissement et à la vitesse du cheval
d’un de ses officiers, qui l’emporta d’une seule traite jusqu’à Ginasservis.
Le comte de Carcès, ennemi implacable de la comtesse de Sault, s’avança secrètement
avec son armée pour surprendre Marseille et l’arracher à la domination de Casaulx. Il y
aurait réussi; mais l’explosion d’une barrique de poudre ayant annoncé sa présence dans
le territoire, Casaulx se tint sur ses gardes, et dejoua le projet de son ennemi, qui fut
forcé de se retirer sans hasarder la moindre attaque.
Casaulx n’était pas seulement ambitieux; il était fourbe et ingrat au dernier point. Cet
intrus ne croyant plus avoir besoin de la comtesse sa bienfaitrice pour se maintenir au
pouvoir, et redoutant son influence, ne trouva d’autre moyen, pour l’éloigner de la ville,
que de la faire huer par la canaille, sous le prétexte qu’elle voulait livrer la ville aux
Huguenots. Cette inconduite acheva de le démasquer aux yeux des personnes honnêtes;
et s’il obtint quelques applaudissemens, ce ne fut que des gens qui comme lui étaient
portés au crime.
Le duc d’Épernon, qui gouvernait la Provence sous le nom du roi, arriva devant
Marseille, le 8 avril 1593, dans l’intention de la soumettre. Casaulx et Louis d’Aix, élu
viguier, firent une grande sortie, et poursuivirent les troupes du roi qui allèrent s’emparer
du lieu de Roquevaire, et pendirent trente-six habitans qui avaient voulu leur opposer
résistance. Cependant Casaulx et Louis d’Aix, malgré les haines violentes qu’une
odieuse tyrannie avait excitées contre eux, malgré les dangers auxquels ils étaient sans
cesse exposés, voulaient à toute force se maintenir dans leurs fonctions. Un nommé
Porçin faillit les faire assassiner tous deux sur la place Neuve; mais il fut trahi, et ses
complices furent massacrés dans la maison où ils s’étaient enfermés. On forma ensuite le
projet de faire sauter les tyrans à l’aide de deux sacs de poudre cachés sous leurs bancs à
l’église où ils se rendaient habituellement le dimanche, et cette nouvelle conspiration fut
encore découverte. Effrayé de ces entreprises sans cesse renaissantes contre sa vie,
Casaulx s’assura du fort Notre-Dame et du poste de Saint-Victor. Il confia les portes de
la ville à des capitaines dont il connaissait le dévouement à sa personne.
La porte Royale eut pour chef Pierre Bayon, originaire de Corse, et fixé depuis peu de
temps à Marseille. Il était surnommé Libertat. Ce dernier nom lui venait de son trisaïeul,
qui avait arraché la vie à deux tyrans qui opprimaient la ville de Calvi sa patrie.
Henri IV s’étant réconcilié avec le souverain pontife, fut reconnu par toute la Provence.
Les magistrats de Marseille refusèrent seuls de se soumettre. Casaulx surtout ne voulut
écouter aucune proposition. Il fit même couper les oreilles à un pauvre trompette qui lui
porta un ordre du roi, qu’il foula aux pieds. Il voulait, disait-il, rendre à sa ville son
ancienne liberté. Il y attira des troupes étrangères pour la défendre
contre son légitime souverain; et ces troupes étaient des Aragonnais qui, à une époque
antérieure, avaient pillé, incendié Marseille et massacré les habitans. Les Marseillais, qui
redoutaient le joug étranger dont ils étaient menacés, abandonnèrent la cause de Casaulx,
et n’attendirent qu’une occasion favorable pour briser son despotisme. Elle ne tarda pas
à se présenter. Il est à déplorer, néanmoins, que l’affranchissement de Marseille soit dû,
non pas à la puissance des lois, mais au fer d’un assassin. Le duc de Guise vint avec des
forces considérables pour assiéger la ville. Son approche était le signal de la délivrance.
Vengeance, mort aux tyrans, était le vœu-, le cri de tous, et cependant tous les bras
demeuraient immobiles. Un étranger, un Corse, Libertat se charge de satisfaire aux
ressentimens de tous.
Comme les Français menacaient d’attaquer la porte Royale, Casaulx y accourt pour la
défendre, et Libertat, qui était sûr de ses soldats, lui enfonce son épée dans le cœur et le
fait expirer sous ses pieds.
On n’examine point comment ce tyran est tombé. On ne voit point que c’est par un
crime qu’on a reconquis la liberté; et soudain toutes les bouches font entendre le cri
national, le cri d’amour et de bonheur, vive le roi, vive la France. Le peuple.... tout le
monde, se sentant comme soulagé d’un grand fardeau, arbora la couleur chérie de Henri
I V. La porte Royale s’ouvrit; les troupes françaises entrèrent; les Espagnols se
précipitèrent dans leurs barques pour se rendre dans leurs vaisseaux et sortir au plus tôt
du port, où il essuyèrent les décharges du fort Saint-Jean. Comme le duc de Guise se
présenta à la porte, Libertat, encore baigné du sang de Casaulx, lui fit jurer de respecter
et maintenir les libertés municipales. Après ils traversèrent ensemble la ville au milieu
de tout un peuple qui, s’embrassant et les larmes aux yeux, répétait avec ivresse: vive le
roi, vive le duc de Guise, vive Libertat qui a terrassé le monstre et nous a préservés de la
mort.
Dans ce moment d’allégresse, les enfans de Casaulx sortirent sans obstacle de la ville, et
se réfugièrent dans le fort Notre-Dame de la Garde. Louis d’Aix, qui s’était barricadé
dans l’hôtel-de-ville, en sortit pour aller s’enfermer dans le monastère de Saint-Victor.
Mais à la nuit, craignant que les hommes qui l’avaient suivi ne le livrassent au duc de
Guise, il descendit du haut des murailles à l’aide d’une corde, et alla se cacher dans une
caverne au bord de la mer. Trois jours après, un batelier le conduisit jusqu’à la flotte
espagnole qui se trouvait encore en vue. Les enfans de Casaulx furent mis à la porte du
fort par les soldats. Ils tombèrent au pouvoir des Français, qui leur procurèrent le moyen
de se rendre à Gênes.
Le commandant du château d’If, Beausset de Roque-fort, celui-là même qui n’avait pas
voulu céder la place aux Toscans, mais qui leur avait permis de débarquer dans les îles,
fut mandé à Paris par Henri IV, et laissa le commandement du fort à son fils. Ce jeune
homme étant allé à Marseille pour affaires sans doute, les Toscans profitèrent de son
absence pour s’emparer du château. Ils massacrèrent les sentinelles et firent la garnison
prisonnière. A cette nouvelle, le duc de Guise arma deux vaisseaux et douze galères, et
fut attaquer la flotte italienne. Les Marseillais furent vainqueurs; mais ils ne purent se
rendre maîtres du château d’If. Ce ne fut que par accommodement, et moyennant une
somme de plus de deux cent mille écus, que cette place fut restituée à la France.
L’Espagne, qui regrettait de n’avoir pu s’assurer la possession de Marseille, lorsque ses
troupe y furent appelées par Casaulx, essaya plusieurs fois de la surprendre, par le
secours de quelques agens qu’elle avait dans la ville. La première tentative, conduite par
un Marseillais nommé de Lîle, fut déjouée; et le traître fut écartelé. La seconde fut
dévoilée par un forçat à qui Louis d’Allagonia, seigneur de Meyrargues, avait confié le
secret.
Ce seigneur fut surveillé de près. Étant à Paris, on surprit sa correspondance avec
l’ambassadeur d’Espagne. Il fut aussitôt saisi; on le jugea, et il fut décapité sur la place
de Grève. En 1650, Marseille étant privée de la généralité de ses habitans, à cause de la
peste qui la désolait, vit paraître dans la rade une escadre espagnole sur laquelle était
l’infante Marie-Anne qui allait épouser l’empereur Ferdinand III. A l’instant toutes les
cloches de la ville sonnèrent le tocsin. le peuple, croyant que cette escadre était venue
pour surprendre Marseille, prit les armes et se transporta en foule sur un même point. Le
grand vacarme des cloches fit que la flotte étrangère n’attendit pas qu’on la somma de
partir: elle disparut sans faire aucun acte d’hostilité.
Plusieurs Marseillais de distinction, parmi lesquels se trouvait Gaspard de Glandevès-
Nioselles, méconnurent, par un excès de zèle, l’autorité du roi, et le forcèrent de venir en
Provence. Les Marseillais, pensant que toutes leurs forces réunies ne pourraient résister
au monarque français, envoyèrent à Louis XIV plusieurs ambassadeurs pour le fléchir.
Le roi ne fit aucune promesse, et exigea qu’avant tout la ville reçût ses troupes et
reconnût son autorité. Le duc de Mercœur marcha avec sept mille hommes, arriva près
d’Aren, ordonna au consul de lui apporter les clefs de Marseille, et d’aller l’attendre à
l’hôtel-de-ville. Les troupes du roi entrèrent dans la ville, et les consuls, dépouillés de
leur charge, remirent au gouverneur leurs chaperons. Les habitans, désarmés, furent
soumis à l’obligation de se retirer dans leurs maisons avant dix heures du soir. Une
brèche fut ouverte dans le rempart, pour que le roi fît son entrée dans une ville rebelle.
Une chambre de justice vint d’Aix pour juger les coupables. Seize personnes furent
condamnées en contumace au dernier supplice; leurs biens furent confisqués. Nioselles
devait avoir la tête tranchée; lui et sa postérité devaient être dégradés, sa maison rasée et
remplacée par une pyramide destinée à éterniser son infamie. Ce Nioselles et plusieurs
autres coupables étaient cachés dans un souterrain dont l’ouverture était couverte de
planches et de fumier. Ce ne fut que deux mois après, que, déguisés en marins, et
secondés par un ami fidèle, ils sortirent de leur caveau et se dirigèrent sur le bord de la
mer, où une barque les attendait pour les conduire à Barcelonne, où ils arrivèrent sans
accident. Peu de jours après, un jeune seigneur espagnol ayant osé devant ces fugitifs
vomir des imprécations contre Louis XIV, Nioselles, qui se repentait de sa conduite, et
qui n’attendait qu’une occasion favorable pour manifester les nouveaux sentimens qui
l’animaient, lave dans le sang du calomniateur l’insulte faite à son roi. L’ambassadeur
français à Madrid instruisit Louis XIV de ce fait, et Nioselles obtint de retourner en
Provence, mais sous la condition qu’il n’habiterait ni Marseille ni Aix.

Ce fut le 2 mars 1660 que le roi fit son entrée par la brèche. Sa majesté, voulant
empêcher que cette ville ne retombât sous le joug des factieux, fit élever sur un énorme
rocher, en face de la ville et à l’entrée du port, une citadelle qui porte le nom de Saint-
Nicolas. La ville de Marseille non seulement applaudit à cette sage précaution, mais elle
offrit quatre-vingt-dix mille francs qui furent employés à l’achat des terrains et des
maisons qui devaient être démolies.
Quatre ans après, le fort Saint-Jean fut construit à l’entrée du port et en face du fort
Saint-Nicolas. Par ce moyen, la ville était inabordable du côté de la mer, et nulle barque
ne pouvait sortir sans passer sous le feu de la mitraille et de la mousqueterie. Ce fut alors
que la tranquillité de la ville fut assurée. Un grand nombre de familles étrangères
accoururent. On se livra avec une ardeur nouvelle à la culture des sciences, des arts et
des lettres; le commerce refleurit, grâce à la franchise que le roi donna au port de
Marseille, et qui s’étendait dans tout le territoire de cette ville qui a environ trois lieues
de largeur.
La population augmentant chaque jour davantage, la ville eut besoin d’être
considérablement agrandie. Le plan fut confié, en 1666, au célèbre Puget, natif de
Marseille, et qui était le Michel-Ange de la France. Né pour la peinture, la sculpture et
l’architecture, il alla de bonne heure étudier les ouvrages des grands maîtres qui avaient
illustré l’Italie. A son retour, il se signala par des chefs-d’œuvre dignes du pinceau de
Raphaël et du ciseau des plus habiles sculpteurs de l’antiquité. Plusieurs tableaux qu’il
fit dans les environs de Toulon, les deux Hercules qui soutiennent le balcon de l’hôtel-
de-ville de cette même cité, et les deux fameux groupes qui se trouvent à Paris, dont l’un
représente le Milon de Crotone, et l’autre l’enlèvement d’Andromède par Persée, seront
des monumens éternels de son génie.
Et toutefois ses compatriotes n’apprécièrent point ce grand homme. Était-ce de leur part
envie ou ignorance? Quoi qu’il en soit, ils préférèrent aux plans qu’il avait présentés
ceux d’un architecte obscur, et condamnèrent ainsi leur ville à n’avoir jamais un
monument digne d’elle. Le cours n’est ni aussi long ni aussi large que le voulait Puget;
les façades des maisons qui l’entourent n’offrent point ces beaux et vastes portiques qui
auraient imité ceux des plus beaux palais de l’Italie; l’hôtel-de-ville, fort écrasé, eût été
l’un des plus beaux édifices de ce genre; les églises auraient rivalisé avec la basilique de
la capitale du monde chrétien; en un mot, Marseille aurait reproduit les merveilles de
Rome lorsqu’elle tomba sous le joug des Barbares.
Je ne terminerai pas le récit des évènemens du dix-septième siècle, sans raconter un fait
mémorable, que je puise littéralement dans un ouvrage récent, qui se recommande de
lui-même sous tous les rapports.
— Vers la fin de ce siècle, un trait remarquable de la vie de Nicolas Compian porta dans
tous les cœurs l’attendrissement et l’admiration. Ce négociant Marseillais s’étant
embarqué pour l’Égypte, eut le malheur d’être pris par un corsaire de Tripoli. Il fut
vendu à un riche Musulman. Quoique traité avec une extrême douceur, il versait des
larmes amères au souvenir de sa patrie et de sa famille. Son maître ayant fait de vains
efforts pour le consoler, lui dit un jour:
— Je te permets d’aller à Marseille, d’embrasser tes parens, d’arranger tes affaires,
d’amasser ta rançon; mais promets-moi de revenir, et donne-moi ta parole d’honneur;
c’est un gage qui me suffit. Vas; que Dieu te conduise et te ramène en santé.
Compian partit ivre de joie. Il passa quelques mois an sein de sa famille, qui, ayant
éprouvé des revers et perdu ses richesses, était dans l’impuissance de le racheter. Fidèle
à sa parole, héros de la foi promisé, il se déroba aux caresses de sa femme et de ses
enfans, pour aller reprendre ses fers.
En arrivant à Tripoli, il trouva son maître plongé dans la douleur, et à la veille de perdre
sa femme qu’il aimait éperdument.
— Chrétien, lui dit-il en le voyant, tu sens mon affliction; ton Dieu t’envoie à mon
secours; prie, prie ce Dieu pour ma femme et pour moi, car les prières de l’homme de
bien doivent désarmer sa colère.
A ces mots, Compian, tombant à genoux, pria avec ferveur à côté de la jeune femme.
Les vœux de son âme honnête furent exaucés; le mal diminua,
convalescence commença bientôt, la santé revint, et la joie rentra dans cette maison
long-temps affligée. Le vertueux Musulman, les yeux mouillés des larmes de la
reconnaissance, appela son esclave, et lui dit:
— Écoute-moi, chrétien; cesse de t’affliger. Je voudrais te retenir et couler avec toi le
reste de mes jours; je voudrais, en t’unissant à ma fille adorée te donner le doux nom de
fils. Mais ta religion et la mienne s’opposent à l’accomplissement de mes vœux; il faut
obéir à la loi, malgré le désir de mon cœur.... Écoute, te dis-je; laisse-moi achever, et ne
n’interromps pas “ par des remercimens que je ne mérite pas encore et que je voudrais
mériter. Il me reste un bien à te donner: c’est ta liberté. Ce n’est pas assez pour moi. J’ai
fait charger un vaisseau de blé; ce blé t’appartient, je te l’ai destiné.
Embarque-toi, puisque Dieu veut que tu me quittes; ne vas pas, les mains vides,
rejoindre tes parens. Soyez tous mes amis comme je suis le tien.

La ville de Marseille avait été, depuis dix-huit siècles, ravagée plusieurs fois par la
peste, qui lui était apportée du Levant. Mais c’est surtout en 1720 que la mortalité fut
terrible. Ce fléau fut répandu dans Marseille, le 31 janvier, par le Grand Saint-Antoine,
vaisseau marseillais, venu de Seyde et de Tripoli, par trois autres navires également
venus du Levant avec patente brute, c’est-à-dire que dans le lieu de leur départ il y avait
des soupçons de peste.
Le mal ayant perdu de son intensité, les médecins, trompés par ce symptôme, déclarèrent
que ce n’était qu’une maladie occasionnée par le dérangement de la saison. Mais, au
retour des chaleurs, le mal fut au comble. Les habitans voulaient prendre la fuite et se
répandre dans les différentes parties de la Provence, du Languedoc et du Dauphiné. Mais
un arrêté du parlement ayant prononcé la peine de mort contre tous ceux qui sortiraient
du territoire de Marseille, les riches allèrent habiter leurs maisons de campagne; les
pauvres s’établirent le long des remparts; les étrangers et les artisans allèrent camper sur
les rives de l’Huveaune on chercher un gîte sur les montagnes qui avoisinent Marseille;
les marins et les pécheurs se rendirent dans leurs barques et dans leurs vaisseaux au
milieu du port ou de la rade. La ville manque de vivre; la garnison, privée de pain,
menace d’attaquer la ville; l’autorité municipale menace à son tour la garnison de
marcher contre elle. De grands feux sont allumés pendant la nuit sur toutes les places,
dans toutes les rues, afin de purifier l’air; on parfume l’intérieur des maisons et des
édifices publics, en y brûlant une grande quantité de souffre. Vains efforts; le fléau
exerce toujours de ravages.
Le mois d’août arrive, et le nombre des victimes ne décroît point. Les temples du dieu
vivant sont désertés; les ateliers et les boutiques fermés, le palais de justice sans
magistrats, la bourse de commerce sans commerçans; la confusion seule règne dans cette
malheureuse cité. On n’entend de tous côtés que des cris lamentables et des hurlemens
affreux. Partout on rencontre la mort. Les familles se désunissent; le père meurt sans
bénir ses enfans; la mère, à son dernier soupir, n’aperçoit point auprès de son chevet sa
famille chérie; et les enfans, objets autrefois d’une si tendre sollicitude, sont
abandonnés; de jeunes nourrissons restent long-temps à la mamelle d’une mère qui a
cessé de vivre et dont le corps est en putréfaction. Les portes des maisons sont toutes
fermées. Le maître, qui vient de prodiguer ses soins à son ami, n’y peut plus rentrer, et
est forcé de mourir sur le seuil; partout, au milieu des rues sont des monceaux de
cadavres ou des malheureux expirans, dont les cris et les soupirs sont couverts par le
roulement des tombereaux qui, chargés de victimes, écrasent ceux à qui il reste encore
un souffle de vie.
Presque tous les morts auraient pourri sur les places publiques ou dans leur lits, si les
échevins (principales autorités municipales), secondés par quelques généreux citoyens,
n’eussent animé de leurs nobles sentimens les hommes chargés d’enlever les cadavres.
Tous les malades seraient morts sans recevoir les douces et touchantes consolations de la
religion, si Belzunce ne fût venu à leur secours. Belzunce! A ce nom, quel cœur n’est
pas ému, quel homme n’est pas pénétré de respect et d’admiration. Ce vénérable prélat
se devoue au soulagement des malheureux pestiférés; il n’a de repos ni la nuit ni le jour;
il visite continuellement les mourans; c’est lui qui reçoit leurs derniers soupirs, qui leur
ferme les yeux. Les prêtres qui suivent son exemple et imitent son zèle sont moissonnés
par la mort. Lui seul résiste à tous les dangers. C’est Belzunce qui distribue son argent
aux pauvres, vend tous ses meubles, contracte des obligations pour procurer un morceau
de pain à ceux qui en manquent; c’est Belzunce qui, par des prières et des solennités
publiques, s’efforce de faire renaître le calme dans les esprits.
Le prince régent nomma un nouveau gouverneur, et enjoignit aux intendans des
provinces d’envoyer des fonds de secours à Marseille. Des médecins distingués
accoururent de tous les points du royaume pour donner leurs soins aux malades.
Plusieurs hôpitaux furent établis, les rues nettoyées, lavées et tout-à-fait désinfectées; le
vaisseau le Grand Saint-Antoine et toute sa cargaison livrés aux flammes dans l’île de
Jarre.
La plupart des maisons n’ayant plus de maîtres, échurent aux premiers qui arrivèrent en
septembre de l’année d’après, époque où les échevins déclarèrent, l’état sanitaire de la
ville pour rassurer les étrangers.
C’est pendant que la peste faisait de Marseille un vaste désert, que plusieurs personnes,
retirées à la campagne, se livrant à l’étude des lettres, se réunissaient chez l’une d’elles
pour se communiquer leurs lumières.
Ces réunions continuèrent, quand tout le monde fut rentré dans la ville. Plusieurs
littérateurs marseillais s’y firent agréger; et, en peu d’années, le roi accorda cette
académie naissante le titre de sa fondation.
Toute la ville se ressentit de cette utile institution.
Mais bientôt arriva la révolution de 89. La société académique fut forcée du suspendre
ses travaux. Les Provençaux partagèrent les espérances que la révolution française avait
fait naître dans presque tous les esprits. Quelques désordres fâcheux eurent lieu à
Marseille. La justice n’ayant osé sévir contre les coupables, ceux-ci prirent encore plus
d’audace. Leur troupe s’accrut de cette foule de jeunes gens sans existence fixe dont
fourmillent toutes les grandes villes. Des rassemblemens se formèrent dans certains
quartiers de la ville; des troupes entrèrent dans Marseille; les principaux moteurs furent
arrêtés et enfermés dans le château d’If, où ils furent détenus jusqu’a nouvel ordre.
Quelques mois après, la populace, excitée par des meneurs secret, veut s’emparer des
fortifications, surtout du fort Saint-Nicolas, parce que celui-ci tenait la ville en respect.
Le commandant de ce fort, en homme prudent, consentit à admettre dans la place deux
compagnies de la garde bourgeoise, pour faire le service conjointement avec la troupe de
ligne cinq fois plus nombreuse. Mais le commandant du fort Saint-Jean, le sieur de
Beausset, ne voulait céder la place que d’après un ordre du roi. Son état -major ne
montra pas la même fermeté. La populace entra dans le fort; le malheureux de Beausset
fut massacré, et plusieurs parties de son corps furent promenées dans la ville au bout des
piques et des bâtons.
La ville de Marseille eut son club et ses sections, où les personnes honnêtes étaient
accusées comme aristocrates et ennemies du bien public, et où jamais il ne fut pris des
mesures sévères contre ceux qui fomentaient réellement les désordres. Le commandant
de la garde nationale, pour avoir voulu empêcher la licence et l’effusion de sang, fut
accusé et destitué de son grade. Les gens de bien, ne pouvant entendre de sang-froid les
propositions infâmes qui se faisaient dans les différentes sections, se réunirent dans
l’église des Carmes, afin de décider sur les mesures qu’ils avaient à prendre pour sauver
la ville de l’anarchie à laquelle elle était sur le point d’être livrée. Ils ne trouvèrent
d’autre moyen que celui de la force des armes. Mais comme il leur répugnait de faire
répandre le sang de leurs compatriotes, dont la plupart avaient été entraînés malgré leur
conscience, ils préférèrent se séparer en silence, sauf à se réunir de nouveau dans une
circonstance plus favorable.
Les troubles qui agitaient Marseille se faisaient ressentir dans toute la Provence et dans
le Languedoc. Nombre de personnes d’un caractère peu fait pour braver l’esprit de
circonstance, et un plus grand nombre encore de vieillards, qui avaient passé leur vie
dans des maisons religieuses, quittèrent leurs maisons et leurs cellules pour venir
chercher un refuge dans la ville d’Arles, dont la situation entre un fleuve, la mer et des
marais semblait les garantir contre les persécutions.
Le club de Marseille fut instruit de cette réunion, et prit quelques centaines de
septuagénaires pour une armée formidable qui s’organisait. Ou résolut d’aller exterminer
cette prétendue armée. Mais sachant qu’en la ville d’Aix il y avait le régiment d’Ernest,
et craignant que ces Suisses ne s’opposassent à leur dessein, les clubistes marseillais se
dirigèrent d’abord sur cette ville avec une nombreuse artillerie, s’adjoignirent leurs
confrères de la contrée, et forcèrent ce régiment à mettre bas les armes. Ce fut après ce
premier succès qu’ils marchèrent sur Arles, en proférant le cri, à bas les aristocrates.
Leurs vociférations se faisant entendre de loin, les réfugiés prirent la fuite et allèrent se
cacher dans l’île de la Camargue.
Bientôt les puissances prirent les armes contre la France. Le malheureux Louis XVI fut
enfermé dans la tour du Temple. Les jacobins de Paris demandèrent aux principales
villes du royaume des secours en hommes déterminés. Le club de Marseille ne put faire
un meilleur choix, qu’en admettant dans le bataillon dit révolutionnaire qu’il envoya,
tous les hommes accourus expressément en cette ville dans l’espoir du pillage. Ce
bataillon, composé d’environ cinq cents hommes, se mit en marche et se fit précéder par
la réputation la plus sinistre. Ces cinq cents hommes arrivèrent à Paris la veille du l0
août, journée malheureuse où le sabre des prétendus Marseillais inonda de sang le palais
des successeurs de Saint-Louis et de Henri IV. Ce premier bataillon ayant rempli sa
mission, fut remplacé par un second, qui, composé d’hommes semblables, fut un des
soutiens de la fatale journée du 21 janvier 1793. Les premiers mois de cette année furent
signalés à Marseille par des excès coupables que tout honnête homme doit flétrir. Les
démagogues de cette cruelle époque, appelée à juste raison temps de la terreur, pendaient
ou enfermaient dans de noirs cachot, tous les citoyens paisibles ou qui occupaicat un
rang distingué dans la société. Le 22 avril, Philippe-Égalité, duc d’Orléans, le duc de
Beaujolais, le plus jeune de ses fils, sa sœur la duchesse de Bourbon et le prince de
Conti arrivèrent à Marseille comme prisonniers, et furent enfermés dans le fort Notre-
Dame de la Garde, où le duc de Montpensier, second fils d’Égalité, était écroué depuis
plusieurs jours.
Tout ces excès finirent par diviser ceux même qui y avaient en quelque sorte participé.
Un arrêté de deux représentans réfugiés à Montélimart cassa le tribunal populaire de
Marseille et le comité central des section. Plusieurs membres de ce dernier, loin de
dissoudre leur réunion, l’érigèrent en comité général et s’emparèrent de tous les
pouvoirs. Cet acte courageux et énergique fut applaudi, et des hommes modérés, et de
ceux qui avaient le plus à se plaindre de la révolution. Une coalition se forma entre les
départemens des Bouches-du-Rhône, Basses-Alpes, Hautes-Alpes et le Gard, pour
envoyer chacun un bataillon à Bourges, ville où l’on se proposait d’établir un autre
gouvernement. Le point de réunion était Avignon. Dans ces entrefaites, des
commissaires arlésiens vinrent à Marseille demander des troupes pour les aider à châtier
les sans-culottes qui convoitaient le pouvoir. Le bataillon marseillais qui devait se rendre
à Avignon, se dirigea d’abord sur Arles où il demeura plusieurs jours.
Cependant la Convention, instruite de la coalition marseillaise, détacha de l’armée des
Alpes le général Cartaux avec quinze cents hommes, avec ordre d’arrêter les bataillons
de Nîmes et de Marseille A son approche, les Nîmois abandonnèrent le pont Saint-Esprit
pour aller se cacher dans leurs foyers. Les Marseillais arrivèrent à Avignon, après avoir
repoussé les habitans qui leur disputaient le passage de la Durance. Le commandant
demande à Marseille de nouvelles forces; elle ne leur envoie que des domestiques ou des
hommes payés à la journée. Cartaux se présente, et il est repoussé avec pertes. A peine
le combat est-il fini, qu’un commissaire envoyé par les sections de Marseille apporte
l’ordre au commandant, qu’en cas qu’il soit repoussé par Cartaux, ce qu’on ne croyait
pas, on lui enjoignait de se retirer sur la rive gauche de la Durance pour empêcher
l’ennemi de passer cette rivière. Cet ordre fut mal compris. On crut qu’il y avait du
danger à rester plus long-temps à Avignon. Le bruit se répand qu’on va battre en retraite.
Une terreur panique s’empare de tous les esprits. Tous les Marseillais s’empressent de
quitter Avignon, et se précipitent au bac de Barbentane sans pouvoir se rallier.
A cette nouvelle, Marseille fut consternée. Cependant elle se hâta de demander du
secours aux autres villes de Provence. Plus de huit mille hommes furent bientôt réunis,
et allèrent établir leur quartier général à Lambesc; et de là dirigèrent des troupes sur
plusieurs points pour combattre les forces conventionnelles.
Cet état de choses et la stagnation totale du commerce plongea la ville de Marseille dans
la misère. Elle n’avait plus en circulation que des assignats, qui ne pouvaient lui
procurer du blé pour ses habitans. Elle fut forcée d’envoyer des députés à l’amiral Hood
qui commandait l’escadre anglaise, pour le prier de laisser passer quelques navires qui
allaient chercher du grain dans l’étranger. Ces députés furent parfaitement bien reçus, et
l’amiral anglais adressa cette proclamation aux habitans de Toulon et de Marseille.

— Français, vous êtes depuis quatre ans, travaillés par une révolution qui a
successivement amené sur vous tous les malheurs. Après avoir détruit le gouvernement,
foulé aux pieds toutes les lois, assassiné la vertu, préconisé le crime, des factieux,
parlant de liberté pour vous la ravir, de souveraineté du peuple pour dominer eux-
mêmes, de propriété pour les violer toutes, ont établi leur odieuse tyrannie sur les débris
d’un trône où fume encore le sang de “ votre légitime souverain ... Le tableau de vos
maux est horrible; il a dû affliger les puissances coalisées: elles n’ont vu de remède que
dans le rétablissement de la monarchie.
Je viens vous offrir les forces qui me sont confiées pour épargner l’effusion du sang,
pour écraser les factieux, rétablir l’harmonie et la tranquillité que leur détestable système
menace de troubler dans toute l’Europe.
Comptez sur la fidélité d’une nation franche. Je viens de donner une preuve éclatante de
sa loyauté: plusieurs vaisseaux chargés de blé, venant de Gênes, arrivent dans vos ports,
escortés par des vaisseaux anglais. Prononcez-vous donc, et je vais faire succéder des
années de bonheur à quatre ans de servitude et de calamité.

Cependant Cartaux s’approchait toujours de Marseille, et cette ville desoléé, redoutant


avec raison l’armée républicaine, était en butte contre les terroristes du pays, qui
employaient tous les moyens pour s’attirer des partisans, afin de mieux favoriser
l’approche de l’ennemi et le mettre en possession de Marseille.

L’armée départementale ayant éprouvé la défection des troupes de ligne qu’elle avait, fut
forcée de s’approcher de la ville, dans le dessein de s’y enfermer. Mais, considérant que
les hauteurs étaient au pouvoir des terroristes, et les forts entre les mains de la ligne, sur
laquelle on ne pouvait compter, les départementaux se dirigèrent sur Toulon comme le
dernier de leurs retranchemens. Cartaux entra dans Marseille avec moins de trois mille
hommes précédés des terroristes. Tout ce qui n’était pas dans l’opinion républicaine fut
désarmé. Cartaux se reposa plusieurs jours sur les lauriers qu’il avait cueillis dans cette
fameuse campagne; et son indolence donna le temps aux Toulonnais de négocier et de
céder leur ville aux troupes anglaises, espagnoles et napolitaines, le 28 août 1793.
Marseille, de nouveau tombée sous la Convention, vit rétablir son tribunal
révolutionnaire, qui couvrit la Provence de larmes et de deuil. Tous ceux qui avaient
occupé des emplois ou qui avaient fait partie de l’armée départementale, dont le but était
de secouer le despotisme du parti de la montagne, ou se sauvèrent dans Toulon, ou furent
traduits devant le tribunal révolutionnaire, et de là à l’échafaud.
On ne pouvait échapper au gibet, qu’en adoptant ce cynisme de langage et d’action qui
distinguait alors nos fougueux novateurs. Malheur à la fille, à la femme dont la bouche
n’aurait pas fait entendre ces expressions sacramentelles abandonnées aujourd’hui à la
lie du peuple. Les honneurs devenaient la proie de tous ceux qui osaient prostituer leur
langue et leurs bras aux ignobles tyrans qui avaient asservi la France. Au nom de la
liberté et de l’égalité, on imagina les cartes de sûreté, les certificats de civisme, le
maximum, les réquisitions, les visites domiciliaires, les fusillades, les noyades, les
confiscations, en un mot, toutes les horreurs que peuvent produire la cruauté et la folie.
Plusieurs représentans du peuple, Barras, Fréron, Robespierre jeune, Ricord, Salicetti,
ayant appris que Toulon avait arboré le drapeau blanc et proclamé Louis XVII,
menacèrent de s’en venger sur Marseille. Déjà plusieurs beaux édifices sont, d’après
leurs ordres, ensevelis sous leurs décombres; déjà le balcon de l’Hôtel-de-Ville était
abattu, et des ordres étaient donnés pour combler entièrement le port; heureuse ment la
Convention, toute montagnarde qu’elle était, s’opposa à ce barbare dessein. Les
représentans alors, furieux d’être contrariés dans leurs vues patriotiques, appelèrent
Marseille Ville sans nom, et firent conduire au supplice ses plus vertueux citoyens.
Heureusement le 19 décembre arriva; les conventionnels ayant repris Toulon, Barras,
Fréron et leurs collègues allèrent assouvir leur rage sur la ville conquise, et anéantirent
cette marine que l’intérêt et tant de glorieux souvenirs auraient dû protéger.
Ces hommes avides de sang eurent des regrets. Ils retournèrent à Marseille et
suspendirent le tribunal révolutionnaire parce que, selon eux, il n’immolait pas assez de
victimes. On créa une commission militaire, qui devait fournir à une guillotine sans
cesse en permanence sur la Cannebière. Que de femmes, de vieillards, de religieuses, de
prêtres, de commerçans, de riches, de pauvres, d’artistes, d’artisans furent conduits à
cette boucherie. Les membres de cette commission, peu de jours après leur installation,
envoyèrent le catalogue de leurs jugemens, qu’ils accompagnèrent de ces paroles....
— Vous verrez que nous n’avons pas perdu un instant. La vengeance nationale est ici à
l’ordre du jour; la terreur est dans l’âme des lâches, des aristocrates et des modérés. Le
glaive de la loi nous est confié; il frappe journellement des têtes coupables. Il n’en
échappera pas un, nous vous l’assurons. Plus la guillotine joue, plus la république
s’affermit. Le sang des scélérats, des ennemis de la patrie arrose les sillons du Midi;
leurs corps fertilisent les champs, la terre a soif de ces monstres. Nous travaillons sans
relâche à faire disparaître des départemens du Midi tous ceux qui ne veulent pas la
liberté, qui méprisent l’égalité, qui rejettent l’unité et l’indivisibilité de la république, qui
n’aiment pas la Convention nationale, qui craignent les jacobins et tous les sans-culottes
nos frères. Ça va bien, ça ira mieux dans peu de temps.

Tel était le langage de ces juges qui, pour aller plus rondement, n’entendaient ni témoins
ni accusateurs publics, ni défenseurs, ni même les parties. Ils se con tentaient, du haut du
balcon du palais de justice, de prononcer les arrêts de mort contre les victimes qui se
trouvaient entassées sur la place, et que des charrettes transportaient à l’instant jusqu’au
pied de la guillotine.
En jugeant de cette manière, la commission militaire de Marseille ne pouvait cependant
se suffire. Il lui fallait un tribunal extraordinaire. On l’établit à Orange, et les habitans
des Bouches-du-Rhône et même de Marseille y furent envoyés à charretées.
Le 9 thermidor arriva, et la chute du Néron français (Robespierre) ne fut pas bien
comprise par les clubistes de Marseille. Aussi continuèrent-ils à envoyer des victimes à
l’échafaud. Il fallut que mille hommes de troupes, sortis de Toulon, vinssent faire arrêter
l’effusion du sang et emprisonner plusieurs anarchistes. Les jacobins, furieux de voir le
pouvoir s’échapper de leurs mains, se rassemblèrent et menacèrent d’assassiner deux
représentans qui se trouvaient en cette ville; mais la troupe de ligne fondit sur les
factieux, en saisit une quarantaine et dissipa les autres. Les principaux furent condamnés
à la peine de mort par une commission militaire; ils allèrent à l’échafaud en dansant et
en chantant la Marseillaise.
Les amis de la paix, tout ce qui avait un cœur honnête put un peu respirer; les personnes
du sexe purent se montrer dans les rues sans avoir besoin de blasphémer, et sans craindre
d’être insultées et outragées. Les honnêtes gens, poursuivis à cause de leur fortune,
purent sortir de leurs cachettes et des voûtes souterraines qui les avaient dérobés aux
recherches des terroristes, et préservés d’une mort infamante. Leur présence épouvanta
les pendeurs et tous ceux qui avaient participé aux grands crimes de la terreur. Ils
pensaient bien que celui à qui on avait confisqué ses biens, que les enfans à qui on avait
assassiné leurs pères, que le père dont on avait égorgé le fils, ne verraient pas de sang-
froid des monstres qui causaient leurs larmes. Ils ne se trompaient pas: plusieurs de ces
hommes sanguinaires furent à leur tour poursuivis et livrés aux nouveaux tribunaux.
Heureux ceux qui ne reçurent que la bastonnade, au lieu du dernier supplice qu’ils
avaient si bien mérité. Croirait-on que plusieurs de ces grands coupables furent
demander un asile chez des personnes qui avaient été indignement persécutées, et que
ces misérables furent sauvés par ceux même qui avaient droit de les faire poursuivre.
Faut-il s’en étonner; ne sait-on pas que l’honnête homme, l’homme religieux, l’homme
chrétien pardonne à ses bourreaux, et laisse à la faiblesse le honteux plaisir de la
Vengeance!
Parmi les royalistes, il y en eut un certain nombre qui invoquèrent cette infernale
divinité. On les vit, dans la journée du 5 juin, se diriger en armes vers le fort Saint-Jean,
y pénétrer et massacrer sans pitié les assassins de leurs pères, de leurs frères, de leurs
amis. Ils devinrent inconsidérément assassins eux-mêmes; ils massacrèrent
indistinctement tout ce qu’ils trouvaient dans les cachots; ils y étaient en quelque sorte
autorisés par des représentans qui se trouvaient dans la ville. Les membres de la famille
d’Orléans, qui, depuis le 22 mai, se trouvaient dans cette forteresse, furent respectés.
Fréron vint avec l’autorité d’un dictateur. Il fit ses efforts pour pacifier Marseille, et eut
le talent de mécontenter tous les partis. Après son départ, les élections qui eurent lieu
occasionnèrent des troubles et des rumeurs. Le général Willot vint prendre le
commandement de Marseille. Il adoucit le sort du duc de Montpensier et du comte de
Beaujolais, toujours détenus au fort Saint-Jean. Ce général s’attira l’estime et la
confiance des honnêtes gens; aussi fut-il envoyé par eux au conseil des Cinq-cents.
Mais bientôt arriva le 18 brumaire, où, par un événement aussi imprévu que funeste, les
jacobins arrivèrent de nouveau au pouvoir. Tous les émigrés qui étaient rentrés dans
leurs foyers n’eurent que quinze jours de temps pour évacuer le sol français; leurs
parens, leurs amis furent vivement persécutés. Plus de justice. Le crime se commettait
impunément. Aussi toutes les scélératesses dont la campagne était devenue le théâtre, le
saccagement des métairies, le dévalisement et le meurtre des voyageurs, tout était
attribué aux émigrés, qui se trouvaient quelquefois à plusieurs centaines de lieues. Le
maréchal Lannes vint seconder les terroristes et les animer contre de prétendus
coupables, qui n’avaient d’autre tort que celui de ne point aimer la révolution.
Royalistes, dit ce général mal intentionné dans sa première proclamation; royalistes, je
suis arrivé, demain vous êtes morts. A une pareille menace, il ne parut plus sur la voie
publique que des hommes forcenés qui assassinaient et pillaient dans les magasins en se
disant royalistes, et qui n’étaient que les agens de la terreur. Aussi un grand nombre de
citoyens honnêtes et paisibles furent-ils accusés de ces crimes par les coupables même,
et condamnés comme tels. Comme on conduisait ces malheureux au supplice, la
populace jacobine les insultait et leur envoyait des coups de pierres, et les sans-culottes
les accompagnaient en dansant la carmagnole. Je ne continuerai pas à raconter toutes les
atrocités de cette époque. J’aurais voulu jeter le voile de l’oubli sur celles que j’ai été
forcé de décrire; mais j’avais promis l’historique de Marseille, et je devais mentionner
les faits les plus importans. Heureusement nous voici arrivés au 18 brumaire. Bonaparte,
revenant d’Égypte, débarqua sur la côte de la Provence, et chacun s’en réjouit. Les
jacobins disaient avec joie, voici le couteau des chouans; les amis de la religion le
considérèrent comme le soutien de l’autel; les royalistes virent en lui un connétable qui
venait relever le trône abattu par l’égarement des uns et la cruauté des autres. Chacun fut
plus ou moins trompé dans son espérance. Bonaparte, devenu consul, envoya des préfets
dans tous les départemens. Celui des Bouches-du-Rhône eut Charles de la Croix, qui
calma les esprits et embellit considérablement la ville de Marseille, et favorisa son
agrandissement, en faisant démolir les remparts. Les Marseillais épars dans la France et
dans l’étranger, apportèrent dans leur ville le désir de la paix et de l’oubli du passé.
Chacun s’empressa de reprendre son industrie. Les trésors qu’on avait été obligé de
cacher pendant les troubles furent déterrés. Le commerce reprit quelque consistance; la
religion se montra dans tout son lustre; l’académie des sciences put rouvrir ses séances,
l’école de médecine renaquit de ses ruines; en un mot, tous les Marseillais ne firent
bientôt plus qu’une seule famille, réunie sous un même esprit et un même intérêt, à la
satisfaction de tous les Français qui aimaient la concorde et la prospérité de leur patrie.
Bonaparte, devenu empereur, s’attira l’inimitié de tous les souverains de l’Europe, et
établit ce blocus continental qui jeta le commerce de Marseille dans l’état le plus
déplorable. Les négocians ne vendant point les marchandises dont leurs magasins étaient
encombrés, les fabriquans ne recevaient point de commandes, et les ouvriers ne
pouvaient donner du pain à leurs familles; première cause de la haine des Marseillais
contre Napoléon. Thibaudeau, autre préfet à Marseille, voulant seconder l’ambition de
celui qui lui avait confié ce poste, épuisait toutes les bourses et toutes les familles pour
alimenter les armées françaises, et ce fut ce qui acheva d’aliéner tous les esprits à
l’empereur. Il ne faut pas s’étonner si, en 1814, les Marseillais firent de si grandes
démonstrations de joie à la nouvelle de la déchéance de Bonaparte. Les dépêches
n’étaient pas encore arrivées, que tout le monde, hommes, femmes, vieillards, enfans,
sans distinction de rang et de condition, tous s’embrassaient en répandant des larmes
d’allégresse. Dans un instant le drapeau blanc flotta à toutes les fenêtres de la ville;
chacun arbora la cocarde de Henri IV, et se promenait dans toutes les rues, quoique
encombrées de farandoules composées de personnes de l’un et de l’autre sexe. Le
commerçant donnait la main à une tailleuse; la main du fripier n’était pas dédaignée par
la femme d’un des principaux rentiers; le magistrat, sans blesser sa dignité, prenait une
part active à cette joie universelle; et l’on peut dire que c’est le cœur qui dirigeait tous
les esprits. Le retour de la légitimité ne porta point les Marseillais au crime. Si le peuple
se présenta en foule devant l’hôtel de préfecture, ce ne fut que pour reprocher à
Thibaudeau son despotisme et sa tyrannie. Si quelques-uns se présentèrent à la prison
d’état du château d’If, ce ne fut que pour donner la liberté à une foule de personnes
marquantes qui, accusées de délits politiques, gémissaient depuis long-temps dans des
cachots obscurs et infects. En un mot, les Marseillais, loin de courir les rues en criant à
la lanterne, les parcouraient aux cris mille fois répétés de vive le roi, vive Louis XVIII,
vivent les Bourbons, et se précipitaient ensuite dans les églises pour remercier l’éternel
de les leur avoir rendus. Enfin les rues et les places publiques de Marseille, loin de
présenter des signes de meurtre et de sang, n’offraient que des arcs de triomphe en
verdure et des guirlandes qui unissaient toutes les maisons, pour prouver que toute la
ville ne formait qu’une même famille, qu’elle n’avait qu’un même cœur, qu’un même
esprit, qu’un même amour. Son altesse royale, Monsieur, comte d’Artois; fut témoin de
cet enthousiasme marseillais. Il put se convaincre que la Provence était et serait toujours
religieuse et royaliste.
Le commerce de Marseille se réveilla de l’affreuse léthargie dans laquelle il avait été
plongé par les guerres continentales. Les vaisseaux de ce port promenèrent la couleur
française dans toutes les mers, et portèrent les productions de notre industrie dans toutes
les colonies d’Amérique et dans les Échelles du Levant, et chargèrent à leur retour les
denrées étrangères les plus agréables et les plus utiles. Tout annonçait la plus grande
prospérité pour le commerce français. Les Anglais en furent alarmés. Ce fut pour arrêter
cette prospérité, que Bonaparte fut inspiré à quitter l’exil pour ramener la guerre.
Masséna, qui se trouvait à Marseille, arrêta l’élan des habitans, qui voulaient se porter en
masses sur les bords de la Durance pour arrêter le déserteur de l’île d’Elbe. ils y allèrent,
en effet; mais il n’était plus temps; Bonaparte se trouvait déjà dans le Dauphiné, et la
route jusqu’à Paris ne lui présentait plus d’obstacles. Le duc d’Angoulême, assuré du
bon esprit des habitans du Midi, vint y organiser une armée de volontaires royaux.
Marseille fournit plusieurs bataillons de ses citoyens, dont la plupart répandirent leur
sang pour la défense de leur roi. La trahison et la défection de plusieurs chefs militaires
amenèrent la désorganisation de cette armée. Le duc d’Angoulême fut forcé de capituler,
et il s’embarqua à Cette sur un vaisseau suédois.
Le gouvernement des Cent jours ne se sentant pas assez fort pour résister aux puissances
étrangères qui s’avançaient à marche forcée vers nos frontières, essaya d’attirer dans son
parti tous ceux qui, au commencement de la révolution, avaient donné des preuves de
jacobinisme. Les anciennes haines furent éveillées. Les insultes, les menaces et les voies
de fait furent mises en avant. Brune fut envoyé en Provence pour inspirer la terreur aux
Provençaux. Il est effrayé lui-même, en voyant la garde bourgeoise se refuser
constamment à reconnaître Napoléon. Aussi appela-t-il plusieurs régimens qui aigrirent
les Provençaux par des insultes, des coups de plat de sabre, des emprisonnemens et des
jets de pierre contre les fenêtres. Les troupes bivouaquèrent sur toutes les places
publiques et dans les principales rues. L’autorité d’alors eut l’imprudence de désarmer la
garde nationale et de la dissoudre, pour en organiser une nouvelle composée d’hommes
dévoués au parti. Le manque de sujets rendit cette dernière opération impossible, et
l’autorité n’eut plus auprès d’elle des citoyens armés pour empêcher des désordres qui
ne pouvaient manquer d’avoir lieu en cas de réaction.

Tous les officiers en demi-solde de la huitième division arrivent à Marseille, et forment


un bataillon qu’on appela sacré.
La ville de Marseille fut traitée comme une ville conquise, et le règne du sabre
commença. Les règles de la discipline furent violées; des chants provocateurs ne
cessèrent de se faire entendre. Plusieurs fois des bandes de furieux, les armes à la main,
poursuivirent dans les rues des citoyens désarmés, tombèrent principalement sur les
gardes nationaux, se livrèrent à des voies de fait, et commirent quelques dégâts. Tantôt
ils ordonnaient d’illuminer les maisons, tantôt de mettre des drapeaux tricolores aux
fenêtres; des coups de pierres et des coups de fusil faisaient justice de ceux qui
n’obéissaient pas à l’instant.

Mais bientôt arrive le 25 juin. Le général Verdier annonce aux officiers qu’ils ne doivent
plus crier vive l’empereur. Des Marseillais entendent cet ordre, et dans un instant toute
la ville en fut instruite. Tout le monde court les rues pour se communiquer cette
nouvelle; un poste du bataillon sacré, placé à la Cannebière, a l’imprudence de faire feu
sur le peuple. A cette témérité, tambours marseillais battent la générale; tout le monde
est en armes. Verdier va se cacher chez lui; la fusillade s’engage dans toutes les rues;
toute la ville est pavoisée de drapeaux blancs. La ligne, repoussée sur tous les points,
rentre dans ses quartiers. A quatre heures, il ne restait plus que le poste du Palais, qui
allait être écharpé par la populace, quand un détachement de la garde nationale vint le
prendre sous sa protection, et l’accompagna jusqu’au fort Saint-Jean. Ces soldats, se
voyant en lieu de sûreté, eurent l’ingratitude de faire feu sur ceux qui venaient de les
préserver de la mort. Les officiers du bataillon sacré mitraillèrent le peuple qui se
trouvait sur le quai et la place Saint-Jean. Un pareil forfait ne pouvait manquer d’avoir
des suites fâcheuses; la mousqueterie se fait entendre dans toutes les rues; plus de cent
cinquante morts étaient déjà étendus sur le pavé, quand des habitans de la campagne,
armés de fusils de chasse, arrivent de tous les côtés pour défendre la ville. Verdier,
effrayé du sort qui menace les officiers, suit les conseils d’un Marseillais, fait partir les
troupes la nuit d’après, et les dirige sur Toulon. Elle firent leurs adieux à la ville, en
fusillant une femme qu’elles rencontrèrent hors des barrières. La population entière
aurait poursuivi en armes ces hommes auteurs des troubles et du sang qui avait ruisselé
dans Marseille, mais l’autorité de la ville annonça le retour des Bourbons. A ce nom,
toutes les haines cessèrent, l’esprit de vengeance s’évanouit, la joie universelle vint de
nouveau briller sur tous les visages; tout ce qui eut des sentimens chrétiens courut dans
le temple de Dieu pour le remercier de lui avoir donné la paix, cette douce paix, qui fait
le bonheur des peuples et la félicité de l’homme de bien.
Telle est l’histoire de cette ville antique, la première qui ait existé dans les Gaules, et qui
communiqua les lumières de la civilisation, du commerce et de l’industrie à tous les
peuples qui se trouvaient entre la Méditerranée, les Alpes, le Rhin et l’Océan; de cette
ville qui attira dans ses ports les richesses de toutes les parties du monde, en échange des
productions de son sol, de son industrie et du trafic qu’elle faisait avec tous les peuples
du continent; de cette ville qui, pendant des siècles, eut la sage politique de se faire
craindre et respecter de tous les conquérans ambitieux qui enviaient sa puissance, sa
prospérité et sa gloire; de cette ville qui, tombée sous le joug de plusieurs peuples
barbares et de quelques princes étrangers, sut reconquérir ou racheter ses franchises, sa
liberté et son indépendance; de cette ville enfin qui, devenue française par droit de
succession, n’a jamais cessé de donner à ses rois des marques d’un dévouement sans
borne et d’une fidélité à toute épreuve. Il ne nous reste plus qu’à en faire la description
topographique, et nous allons nous en acquitter le plus exactement et le plus
succinctement qu’il nous sera possible, en n’omettant rien de ce qui mérite le plus d’être
connu.
La primitive ville de Marseille était très-bien bâtie et d’une étendue considérable. Elle
était disposée en manière de théâtre, dont le port aurait servi de scène. Elle était enrichie
de beaux monumens d’architecture comparables à ceux de Carthage, de Rhodes et de
Cysique, l’une des plus belles villes d’Asie, du temps de Strabon. Parmi ces monumens,
se trouvaient un grand nombre de temples magnifiques, dont les principaux étaient celui
de Diane, près de l’endroit où est aujourd’hui l’église de la Major; celui d’Apollon, au
même emplacement de l’église Saint-Sauveur, et celui de Pallas, où se trouve le clocher
des Accoules. On adorait aussi à Marseille Jupiter sous le nom de Dolichen, à cause de
Doliché, île de la Grèce, où ce Dieu avait un temple. En creusant le port de Marseille, on
trouva la statue colossale de Jupiter ainsi que cette inscription:

DEO DOLICHENIO
OCT. PATERNVS EX IVSSV EIVS PRO
SALVTE SVA ET SVORVM.

La ville de Marseille était divisée, du temps de Jules César, en plusieurs parties bien
distinctes. La ville haute était défendue par trois forts, savoir: le fort Roguebarbe, sur la
hauteur des Grands-Carmes; le Château-Babon, sur le bord de la mer, s’étendant de la
place Saint-Laurent jusqu’à la rue Saint-Pierre; et le fort de l’Évêché, près du boulevard
des dames.
La ville basse tenait à la ville haute, et ne venait que jusqu’à la Cannebière et au grand
Cours. L’extérieur de la ville, du côté du port actuel, n’offrait qu’un vaste mur fort élevé,
percé de distance en distance de quelques ouvertures étroites que l’on fermait tous les
soirs avec des grilles de fer. En dedans de ces grilles étaient des places entourées de
vastes magasins ou hangars, où étaient déposées des marchandises.
Les deux parties de la ville réunies avaient plusieurs portes principales: celle du Port
Gaulois, qui se trouvait à l’ouest de l’église de la Major, et dont l’emplacement a été
couvert par les eaux de la mer; celle de la Juliette, qui existe encore; son nom annonce
assez que c’est par là que Jules César fit son entrée dans Marseille; d’ailleurs, c’était à
cette porte que venait aboutir l’ancienne route de France; la porte d’Annone, ainsi
appelée de la Halle au blé qui en était voisine; Cette porte était en face de la rue des
Grands Carmes; celle de la Frache s’ouvrait sur la rue Sainte-Barbe; celle du Marché,
sur la Grande Rue; et la porte Réale, sur la rue des Fabres.
Le rempart qui longeait la ville se terminait auprès du port par une vaste tour appelée
Tour des seigneurs de l’hôpital. En dedans de cette tour, et sur la place du Cul de Bœuf,
était le Theloneum ou grand bureau de la douane. Cet édifice se liait par un mur au
Macellum Thelonei (Marché de la douane), vulgairement appelé le Grand Mazeau. Ce
marché fut transféré sur la place du petit Mazeau.
La troisième partie de la ville était formée de plusieurs bourgs ou hameaux qui, en
s’agrandissant, ont formé les nouveaux quartiers. Le bourg du Bernard du Bois n’a point
perdu son nom; celui de Roubaud était au haut de la rue Thubaneau; la plaine Saint-
Michel formait un autre bourg qui a été remplacé par des rues nouvelles; le haut de la
rue d’Aubagne et les Calades formaient le bourg Burgus Callatœ; il était défendu par le
château de Chroé, qui se trouvait entre la rue des Bergers et le cours Julien.
La Cannebière n’était alors qu’un marais dont les eaux stagnantes refluaient dans les
fossés qui entouraient les remparts. Le bas de la Cannébière s’appelait le Plan
fourniguier. C’est là que commençaient les salines qui occupaient une grande partie de la
Rive-Neuve. La rue Bauveau et ses environs se trouvent à la place de l’ancien arsenal.
La rue Paradis n’était qu’un cimetière appelé les Champs Elysées. Elle reçut le nom de
Paradis, parce que beaucoup de martyrs y avaicnt été ensevelis. Entre la rue de l’Arbre
et celle du petit Saint-Jean était le cimetière de la ville. Il y en avait un autre près de
l’église Saint-Etienne, aujourd’hui Notre-Dame du Mont. Mais il ne servait que pour les
habitans des faubourgs voisins. Enfin un dernier cimetière se trouvait près du monastère
de Saint-Victor: nous en parlerons bientôt avec quelques détails.
La ville actuelle se divise en ville vieille et en ville neuve.
La première est en grande partie l’ouvrage des siècles d’ignorance; elle a été bâtie par
les Goths. On n’y trouve ni jolies rues, ni belles places, ni aucun reste de son ancienne
magnificence. En vain y chercherait-on les fondemens du fameux temple de Diane, qui
était construit, assure-t-on, dans le même goût que celui d’Éphèse. Quelques-uns croient
que ces fondemens se trouvent au fond des eaux, au-dessous de la place de la Tourrette,
où plusieurs rues ont disparu: on croit apercevoir encore au fond de la mer, quand elle
est calme, des vestiges de puits et de maisons. D’autres croient que ce temple était au
lieu même où se trouve l’église cathédrale de la Major. Si cela est, il faut convenir que
cet édifice a subi une bien déplorable métamorphose; c’est une espèce de caveau, sans
façade et sans faîte, que les vagues de la mer menacent d’engloutir.
La ville nouvelle offre de belles et longues rues toutes tirées au cordeau. Les deux plus
remarquables sont celles d’Aix et de Rome, qui, conjointement avec le grand Cours et le
cours Saint-Louis, n’en font qu’une qui traverse la ville dans un sens; et celles de la
Cannebière, de Noailles et de la Magdelaine, qui, conjointement avec les allées de
Meilhan, n’en font également qu’une qui traverse aussi la ville, mais dans un sens
contraire. La rue Paradis et la rue Saint-Ferréol sont magnifiques; celle de Bauveau,
quoique moins longue, est encore plus belle et a toutes ses maisons uniformes. La rue
Cannebière et la rue des Minimes sont d’une largeur extrême. La rue Sainte, la rue
Longue des Capucins et la rue Reinard sont d’une très-grande étendue; celles de la
Darce, de Montgrand, du Tapis Vert et une infinité d’autres sont dignes de la troisième
ville du royaume de France. On en ouvre en ce moment plusieurs autres hors des
barrières, qui rivaliseront bientôt avec celles que nous avons mentionnées et qui font
l’admiration des étrangers.
Ces rues nouvelles ne tarderont pas à se garnir de maisons, surtout si le beau et vaste
projet qu’on vient de former s’effectue sans difficulté. Ce projet consiste à la démolition
d’environ cinq cents maisons de l’ancienne ville, qui forment beaucoup de ruelles fort
étroites et souvent infectes, à cause des urines et des malpropretés qu’on y dépose, pour
y construire une sorte de Bazar dans le genre à-peu-près du jardin du Palais Royal à
Paris.
Ce bazar serait un grand carré long qui s’étendrait depuis la place Saint-Martin jusqu’à
la rue des Fabres; et de la rue des Pucelles jusqu’à la rue Belzunce et à celle des
Templiers.

L’enceinte extérieure serait formée par des maisons uniformes, chacune de quatre étages,
et les maisons qui font face au grand Cours et à la Cannebière en feraient partie.
L’enceinte intérieure serait formée par des portiques avec magasins, entresols et
terrasses; les galeries ou passages entre les deux enceintes auraient leurs voûtes vitrées.
Par ce moyen, on pourrait y circuler à toute heure du jour, malgré les rigueurs du temps.
L’intérieur du bazar, de deux cents mètres de longueur sur soixante-douze de largeur,
offrirait, au centre, une pièce d’eau et un jardin de chaque côté, le tout entouré de deux
rangs d’arbres pour ombrager cette promenade.
Une rue, de quinze mètres de largeur, traverserait le bazar depuis la fontaine des
Méduses jusqu’à la rue du Pont; mais deux entrées principales seraient, l’une près de la
place Saint-Martin, et l’autre dans la rue des Fabres; cette dernière communiquerait
particulièrement avec le port et avec les nouveaux quartiers.

Ce qu’on trouve aujourd’hui du plus curieux à Marseille, c’est, sans contredit, le port
Dieudonné. Quoique récemment construit, il mérite l’attention des curieux. Trois grands
rochers s’élevaient au milieu de la mer. Les anciens les nommaient Sturium, Phœnice et
Phila; et les modernes, îles d’If, de Ratoneau et de Pomègue. Sur le premier, ou le plus
petit, on a construit depuis plusieurs siècles, une forteresse qu’on appelle Château d’If.
Les deux autres n’avaient reçu aucune destination utile.
Louis XVIII ayant considéré qu’entre les rochers de Pomègue et de Ratoneau il y avait
assez de fond pour que les vaisseaux de 74 pussent y circuler sans difficulté, conçut le
projet d’unir ces deux îlots par une jetée, et d’y établir un port où les bâtimens de tous
calibres, venus des pays infectés de la fièvre jaune, pussent y purger leur quarantaine. Ce
projet fut bientôt mis à exécution. La duchesse d’Angoulême, fille de l’infortuné Louis
XVI, vint exprès, en 1823, pour y jeter la première pierre. Une partie des rochers qui
couronnaient ces îles furent brisés et jetés dans l’eau, sur une seule ligne et sur une
largeur considérable. Les coups de mer avaient soin de repousser ces pierres, et de les
placer entre les vides qui se trouvaient entre les unes et les autres; ce qui donna une
grande solidité aux fondations, c’est-à-dire à tout ce qui se trouve au-dessous du niveau
de l’eau. Ensuite on encaissa la jetée qui s’élève à quinze mètres au-dessus du quai, par
un double mur.
Celui du côté du port est vertical et en grosses pierres de taille. Celui du côté opposé,
c’est-à-dire du côté de l’ouest, a un talus très-étendu, formé par de gros blocs de pierres
sur lesquels les vagues en courroux viennent se briser et perdre leur fureur. Quatre
escaliers servent de passage pour descendre du haut de cette espèce de rempart sur le
quai, qui longe la jetée, et s’étend à chaque extrémité. Marseille reconnaissante donna à
ce port le nom du fils adoptif du roi qui venait de lui faire un si riche présent.

Le comte Christophe de Villeneuve-Bargemont, préfet du département des Bouches-du-


Rhône, y a fait graver cette inscription:
NOVUM

In ipso massiliensi sinu


Insulis duabus aggere junctis
Portum
A Deodati nomine insignitum
Navibus quadragenaria mora probandis
In perpetuam civium securitatem
Commerciorumque commoda
Tum regis, tum civitatis sumptibus
Regnante Ludovico XVIII.
Inchoatum
Solium feliciter occupante Carolo X
Absolutum
Hocce monumento
Quod tanti memoriam operis
Acceptique beneficii gratiam
Posteris significet
Ostiorum Rhodani prœfectus
Et Massiliœ ediles
Unà cum mercatorum
Et sanitatis publicœ curatorum
Collegiis
Commendare voluerunt

Anno MDCCCXXV.

Le port Dieudonné est défendu par le château d’If, qui se trouve vers le milieu de son
entrée, par la tour de Pomègue, par le château de Ratoneau et par plusieurs batteries
qu’on se propose de construire, pour empêcher les vaisseaux ennemis de venir, par le
derrière de la jetée, incendier tout ce qui se trouverait dans cet abri. Ce port est beau et
sûr. Il le sera bien
plus, dès qu’on aura fait un môle entre Ratoneau et le château d’If. Il l’eût été
d’avantage, si l’on eût reculé la jetée, de manière à enfermer une caranque naturelle, qui
seule aurait pu contenir plus de cent voiles comme dans un bassin.
Par le moyen des pétards, on a fait dans l’île de Pomègue une place d’armes sur le roc,
où six mille hommes de troupes peuvent manœuvrer sans difficulté.
Le département a fait construire un bel hôpital dans celle de Ratoneau. Voilà tout ce
qu’on trouve dans ces îles. D’ailleurs, pas un brin d’herbe, pas la moindre source: on n’y
boit que de l’eau de citerne.
En face de la rade de Marseille et sur la terre ferme, du côté de la porte de Jules, est un
vaste enclos entouré d’une double enceinte de murailles séparées l’une de l’autre par un
espace assez large, pour que le bras le plus vigoureux ne puisse rien lancer de l’intérieur
de ce lieu sur le terrain qui l’environne. C’est ce qu’on appelle le Lazaret. Là, sous des
voûtes soutenues par des piliers, on dépose les marchandises venues de tous les lieux
suspects de contagion, et elles y sont exposées à l’air en tous sens. Vers le milieu se
trouvent des hôpitaux pour les pestiférés.
Le port, qui se trouve dans l’intérieur de la ville, a une ouverture étroite et recourbée
vers le nord-ouest, ce qui en rend l’entrée très-difficile pour les vaisseaux qui viennent
de l’est. Cependant cette entrée, par sa courbure et son rétrécissement, fait la sûreté du
port, qui est à l’abri des vents, et qui n’offre aucune espèce de danger.
Ce port n’est point l’ouvrage de la nature, mais bien l’ouvrage des hommes, qui, dans le
principe, le nommèrent port Lacydon. Il a été creusé et agrandi à différentes reprises,
ainsi qu’on peut en juger par les différens dépôts de terre qu’on reconnaît à l’endroit
même où l’on construit actuellement un bassin de carénage, et qui pendant long-temps
n’a été qu’une nécropolis ou cimetière. Ce lieu de sépulture étant composé de plusieurs
assises, paraît avoir été formé à des époques bien différentes et très-distinctes. La
première comprend le temps qui s’est écoulé depuis la fondation de Marseille jusqu’au
premier creusement du port Lacydon, qui n’eut lieu qu’environ deux siècles après; la
deuxième est celle où le Lacydon est creusé, et les débris déposés sur toute la rive
méridionale; la troisième est celle où le sol formé par ces remblais devient une
nécropolis grecque. A la quatrième, la nécropolis grecque devient les champs élysées
des Romains; la cinquième s’étend du troisième au dixième siècle.
Ces époques sont ainsi déterminées par les tombeaux, les médailles et la multitude
d’autres objets qu’on y a trouvés récemment.
Le port Lacydon, que nous ne nommerons plus que port de Marseille, est entouré d’un
quai très-bien entretenu. D’un côté, on voit le joli hôtel-de-ville et la bourse du
commerce, au centre d’une très-longue enfilade de maisons qui forment une barrière aux
vents du nord et au Maëstral, ce qui fait que le quai est très-abrité. Si l’on y éprouve
beaucoup de chaud en été, en revanche, on n’y ressent pas le moindre froid en hiver.
C’était une des cheminées du bon roi René. On sait que ce prince, accessible à tous ses
sujets, sans distinction, donnait audience à toute heure du jour sur cette promenade, à
quiconque désirait lui parler et l’entretenir sur un procès, une affaire administrative ou
tout autre sujet.

De l’autre côté du port, c’est le quai du commerce, garanti des vents d’est par une petite
montagne et par un grand nombre de fabriques, de grandes maisons appelées domaines,
parce qu’elles n’offrent que de vastes salles servant de magasins de dépôt. Un canal
forme une sorte d’île garnie de domaines. Au centre de cette île se trouvent les bureaux
et le hangar de la douane. Les navires entrent dans ce canal pour venir déposer les
marchandises, ou pour charger celles qui sont destinées pour les ports étrangers.
Au fond du port est la belle rue de la Cannebière, qui communique au grand Cours et à
toutes les principales rues de la ville. C’est au bas de la Cannebière que se fait
ordinairement le chargement des marchandises qui doivent être expédiées par mer.
De ce point jusque près du fort Saint-Jean, des milliers de vaisseaux de toutes les
nations, sur trois, quatre ou cinq rangs, forment continuellement le plus beau tableau que
l’on puisse voir. C’est une grande ville mouvante, souvent très-peuplée, car chaque
navire est occupé par un certain nombre de marins. Il n’y a guère que les bateaux
pêcheurs qui ne soient point gardés pendant la nuit. Ces bateaux se tiennent près de la
petite place de Saint-Jean. C’est sur cette place qu’est le local qui sert de salle
d’audience aux prud’hommes, sorte de magistrats dont l’origine se perd dans la nuit des
temps. Les Druides, ou prêtres celtes avaient des réunions sous certains chênes où ils
exerçaient la justice. (Ce chêne s’appelle en provençal le drouis.)

Les Romains nommaient les juges de pareils tribunaux prudentes; et les Provençaux les
désignèrent long-temps sous celui de juges sous l’orme. Dans le dixième siècle, on
établit à Marseille de pareils juges connus aujourd’hui sous le nom de prud’hommes. Ce
sont les chefs et les magistrats des patrons pêcheurs. Ils exercent leur juridiction avec
cette simplicité des premiers siècles. Par devant eux, il ne faut ni écritures, ni avocats, ni
huissiers. Le demandeur jette dans une boîte vingt-cinq centimes destinés aux pauvres,
et charge en même temps un des valets du tribunal de citer son adversaire pour le
dimanche suivant. Celui-ci comparaît, dépose dans la même boîte les mêmes épices;
chacun plaide sa cause. Les prud’hommes écoutent avec la plus grande attention, et
tâchent de concilier les parties; à défaut, ils vont aux voix, et le président prononce la
sentence en provençal: La ley vous coundano. On n’écrit pas la sentence, mais elle est
aussitôt exécutée. La partie condamnée vient-elle à s’y refuser, on saisit son bateau, et
tout se termine à l’instant. Si l’un des juges croit être sous l’influence de quelque
sentiment d’amitié ou de haine à l’égard de l’une des parties, il se récuse lui-même, alors
même que ses préventions ne seraient pas connues. Aussi pouvons-nous assurer que
jamais aucune injustice n’a terni la réputation d’un prud’homme de Marseille.
C’est sur la même place Saint-Jean que se trouve le local de la consigne. Là, tous les
capitaines marins viennent, à leur arrivée, montrer à travers une grille leur patente à
l’officier chargé du bureau de la santé, et recevoir ses ordres sur la quarantaine qu’ils ont
à subir. Dans le joli salon de ce local, on voit un beau tableau de David, représentant en
grand Louis XVIII en costume de roi, et un superbe bas-relief du célèbre sculpteur
Puget, représentant saint Charles Borromée et la peste qui désola Milan. Ce morceau
fera toujours l’admiration des amis des beaux-arts.
En face de la consigne et sur l’autre rive du port, est ce qu’on appelle la petite
quarantaine. Là se trouvent toujours beaucoup de bâtimens qui, dans la dixaine, doivent
recevoir l’ordre de communiquer avec la ville. Cependant ils sont surveillés avec la
même rigueur que s’ils étaient atteints de la contagion.
Nous avons dit que l’entrée du port était formée par le fort Saint-Jean d’un côté, et par le
fort Saint-Nicolas de l’autre. Nous ajouterons qu’il est aussi dominé par le fort Notre-
Dame de la Garde qui se trouve sur une très-grande élévation, d’où l’on découvre une
vaste étendue de mer, tout le port, toute la ville et même tout le territoire. Cet ancien
fort, entièrement négligé, ne sert plus aujourd’hui que de poste à une vigie chargée de
signaler à la ville les vaisseaux marchands qui se montrent en vue. C’est dans ce fort que
se trouve la chapelle de Notre-Dame-de-la-Garde, patronne de la ville de Marseille et
des marins provençaux. Il est fâcheux que cette montagne soit entièrement dégarnie
d’arbres, et qu’on ne puisse y en planter, à cause de la disparition de la terre végétale. Ce
serait le plus agréable séjour de la contrée. On y jouirait des plaisirs de la campagne,
sans être tout-à-fait absent de la ville, puisque de cette position élevée on voit tout ce qui
se passe dans Marseille, dans le port, dans la rade et même dans les îles dont nous avons
déjà parlé.
La ville de Marseille a une église cathédrale, trois églises paroissiales, dix églises
succursales intra muros, et une dans chacun de ses vingt-huit hameaux, sans compter un
grand nombre de petites chapelles. Parmi tous ces édifices, il y en a fort peu qui, par leur
grandeur, leur architecture et leur élégance, soient dignes d’une si belle ville. On y
trouve aussi un temple pour les Grecs schisoiatiques, un pour les protestans, et une
synagogue qui est loin de ressembler à l’ancien temple de Jérusalem.
Les Marseillais ont été de tous les temps grands amateurs de spectacle. Ce goût se
conserve encore. Cependant au lieu de cinq salles que Marseille avait avant la
révolution, elle n’en compte plus que deux aujourd’hui: le Théâtre-Français qui n’est pas
toujours ouvert, et le Grand-Théâtre dont la belle façade sert de fond à la rue Bauveau.
Les exigences de quelques jeunes gens sans expérience sont cause quelquefois que le
spectacle est interrompu, et que les personnes sensées se dispensent d’aller être témoins
des troubles qui répugnent toujours à l’homme raisonnable et surtout aux étrangers dont
cette ville abonde.

La ville de Marseille possède le plus ancien observatoire qui ait été connu dans les
Gaules; une académie des sciences et belles-lettres, une société académique de
médecine, une société statistique, une société de beaux-arts, un athénée, un hôpital pour
les insensés, un établissement pour l’instruction des sourds-muets, un grand et un petit
séminaire, un collège royal, une école gratuite de dessin, une école gratuite de musique,
une école d’hydrographie, une école de navigation, une belle bibliothèque publique où
se trouve une collection d’antiques et de médailles, un musée enrichi de tableaux des
meilleurs maîtres; en un mot, Marseille offre tout ce qui peut contribuer à l’instruction et
à la propagation des lumières.
Nous ne passerons pas sous silence plusieurs établisemens de bienfaisance formés par
cette charité chrétienne qui caractérise les Marseillais. De fortes sommes d’argent
étaient, de temps immémorial, employées pour racheter tous les ans un certain nombre
d’esclaves qui gémissaient sous le joug des barbares. D’autres sommes sont aujourd’hui
destinées à nourrir, instruire et donner un métier aux enfans trouvés, aux enfans des
familles nécessiteuses, à soulager les prisonniers, les malades et les infirmes. Les
hommes et les dames du plus haut rang, les commerçans, les artisans, les gens des basses
classes, tous contribuent directement ou indirectement à quelque œuvre pieuse. Si un
pauvre militaire est condamné pour cause de désertion, au sortir du conseil de guerre,
une femme passe devant lui et implore à haute voix la commisération publique. Tout le
monde se précipite aux fenêtres ou sur la
porte des magasins; chacun s’empresse de jeter sa pièce de monnaie, pour faire un petit
sort au malheureux condamné. Un zèle si louable, une générosité si méritante font des
Marseillais des modèles qui devraient avoir tout le monde pour imitateurs.
Ce zèle charitable, que j’admire et que je loue, est dû, n’en doutons pas, à cette religion
dont les Marseillais observent si fidèlement les principes. S’ils fréquentent les églises,
c’est pour y être avec décence et respect; s’ils assistent à une procession, ce n’est point
par hypocrisie, car ils y sont de cœur et d’âme. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir,
dans l’Octave de la Fête-Dieu, ces processions générales où sont tous les corps de
métiers; celle de Notre-Dame du Mont et celle des Réformés, où toutes les meilleures
familles assistent avec tant de recueillement. Je reverrai toujours avec un égal plaisir
celle de Saint-Laurent, où des milliers de femmes, vêtues en indienne marseillaise,
rappellent cette foule de bergères qui, lors de la naissance du Messie, s’acheminaient
vers l’étable de Bethléem, pour y adorer leur sauveur.
Les habitans de Marseille, au nombre d’environ 140, 000, peuvent être divisés en deux
sortes: en Marseillais d’origine, et en Marseillais récens. Les premiers conservent encore
cet esprit patriotique et cette fidélité à leur parole qui leur ont mérité de tous les temps
l’estime et la confiance de tous les peuples de l’univers.

Les Marseillais récens, c’est-à-dire ceux qui sont nés en cette ville de parens étrangers
au pays ou du moins qui y ont été amenés dès leur bas âge, ayant étudié aux mêmes
écoles et humé, les mêmes principes que les Marseillais d’origine, sont animés du même
esprit et montrent les mêmes vertus. Aussi nous ne craignons pas d’assurer que les uns et
les autres sont d’une probité à toute épreuve et les protecteurs des étrangers qui
s’établissent dans leur ville. Néanmoins, il est à regretter que la plupart des jeunes gens,
au sortir des écoles, se livrent inconsidérément à certaines passions qui leur font perdre
en quelque sorte une partie du fruit de leur éducation. Mais vient bientôt l’âge de la
raison, et une conduite plus régulière les rend sans peine et sans contrainte les dignes
émules des parens qui leur ont donné le jour. Nous ne devons pas regarder comme
Marseillais cette foule de Génois, de Catalans, de Grecs et autres étrangers que des
affaires commerciales et industrielles, ou le désir de faire une prompte fortune attirent
journellement en cette ville, et qui, dans un moment de trouble et d’effervescence,
inspirent quelque crainte aux gens de bien. Tout ce qui ne porte pas un cœur Français ne
peut être considéré comme Marseillais.
Le territoire de Marseille, extrêmement vaste, offre une seconde ville très-considérable,
par ses vingt-huit hameaux et par une multitude innombrable de bastides, où les
négocians et les ouvriers vont passer les jour de fête, pour se remettre des fatigues de la
semaine.

Il n’est rien qui délasse mieux l’esprit des hommes sans cesse occupés de spéculations,
de trafics, de correspondances commerciales, que d’aller se récréer avec leurs familles
hors de leurs magasins et de leurs comptoirs. Les ouvriers éprouvent un même
soulagement à leurs pénibles travaux. Aussi un jour de fête les remet entièrement de
leurs peines et de leurs soucis. La cité se trouve alors dans la campagne, qui serait assez
agréable, si les propriétés n’étaient entourées de murs en bâtisse qui interceptent la vue
au point qu’on y est comme renfermé dans les enclos du lazaret.

Le territoire de Marseille est sec et aride. Il n’est guère arrosé que sur un point par les
eaux de l’Huveaune. Partout ailleurs on ne trouve que des puits. Je ne parle pas du
ruisseau de Jarret, attendu qu’il ne coule presque jamais, et que ses eaux n’arrivent pas
jusqu’aux Chartreux, pour arroser le jardin des plantes récemment établi. Aussi les
arbres n’y prennent pas ce développement qu’on pourrait en attendre, si le sol était gras
et humide. Une seule source se trouve dans le territoire et au quartier de la Croix de
Reynier. C’est cette source qui fournit de bonnes eaux aux meilleures fontaines de la
ville et notamment au grand puits.
Marseille est aujourd’hui le chef-lieu du département des Bouches-du-Rhône, et le chef-
lieu de la 8e division militaire. Elle a un tribunal de première instance, un tribunal, une
chambre et une bourse de commerce, un tribunal de prud’hommes, un hôtel des
monnaies, une direction télégraphique, etc. Son commerce s’étend dans toutes les parties
du globe où le pavillon français est admis, mais principalement en Afrique et dans toutes
les Échelles du Levant; il exporte toutes les productions du midi de la France, et les
échange pour celles des pays étrangers et des colonies. La ville offre une manufacture de
tabac, des fabriques de savon, de vitriol, de soude factice, de nitre, d’alun, d’acide
sulfurique, de chapeaux, d’amidon, de bonneterie, de toiles peintes, de papier peint, de
verre à vitre, de verre vert, de chocolat, des ciergeries, des fonderies, des raffineries de
sucre, des filatures de coton, des teintureries, des tanneries, des brasseries, des
distilleries, etc. Il y a une foire le 1er septembre, qui dure 15 jours.
La ville de Marseille est divisée en six arrondissemens de justice de paix, savoir: trois
intra muros et trois extra muros. Les communes qui font partie de ce ressort sont,
Marseille et Alauch.

ERRATA

De l’article MARSEILLE.

- Au lieu de, et les maisons qui font face au grand Cours et à la Cannebière en feraient
partie, lisez: et entourée d’une rue de quinze mètres de largeur, y compris les trottoirs.
- Au lieu de, Une rue, de quinze mètres de largeur, traverserait le bazar depuis la
fontaine des Méduses jusqu’à la rue du Pont; mais...... lisez: Dix passages vitrés seraient
ouverts au public, et communiqueraient aux galeries intérieures ainsi que dans les
jardins; les......

MARTHE (SAINTE). Hameau dans le territoire de Marseille.

MARTIGUES (LES). Ville chef-lieu de canton, à l’embouchure de l’étang de Berre, et à


8 lieues d’Aix. Avant que les Phocéens arrivassent dans la Celto-Lygie, un terrain
fangeux s’étendait depuis les îles où se trouve la ville des Martigues jusqu’à l’étang de
Caronte qui est entre cette ville et la Tour de Bouc. Un terrain semblable séparait l’étang
de Caronte de la terre de Bouc; de sorte que tout l’espace occupé par les bourdigues des
Martigues et de Bouc, n’offrait que boue, au travers de laquelle la surabondance des
eaux de l’étang de Berre s’écoulait et se rendait dans la mer par les deux embouchures
qui entourent l’île où est bâtie la tour de Bouc. Les Romains donnèrent à ces
embouchures le nom de Cœnus, abréviation de cœnosus, qui signifie bourbeux.
L’embouchure orientale a conservé le nom de Cano Vieillo, ou Vieux Cœnus.
Comme la première expédition phocéenne arriva dans les mers de la Celto-Lygie, un des
vaisseaux de la flotte, poussé vraisemblablement par un fort vent d’est, ne put tourner
l’île de Riou et suivre les autres navires qui cinglaient à pleines voiles vers la rade en
face du lieu où se trouvaient les mas des pêcheurs saliens. Poussé vigoureusement par
son derrière, ce vaisseau fut forcé d’aller échouer dans une des embouchures du Cœnus.
Il s’enfonça dans la boue; mais les passagers et les mariniers furent assez heureux d’en
sortir, et de trouver tout près une terre qui leur offrit de l’eau potable, quelques fruits
sauvages et du gibier. Ces pauvres naufragés, ne sachant positivement le lieu où leurs
compatriotes étaient débarqués, n’ayant plus le moyen d’aller à leur recherche par mer,
et ne voulant pas se hasarder dans la fange dont ils étaient, pour ainsi dire, entourés, ces
naufragés se décidèrent à dresser leurs tentes au lieu où ils se trouvaient, en attendant de
pouvoir en sortir sans crainte de péril.
Quelques temps après, les Phocéens de Marseille ayant voulu reconnaître les côtes qui
les avoisinaient, trouvèrent dans l’île de Bouc leurs compatriotes qu’ils croyaient perdus,
et les retirèrent d’un lieu malsain pour les transporter dans leur ville. Ces naufragés,
arrivés à Marseille, voulant s’acquitter d’un vœu qu’ils avaient fait, firent sculpter un
bas-relief représentant Aristarché s’embarquant dans une barque phocéenne, et allèrent
élever un monument près du lieu où leur vaisseau avait échoué. Telle est ma manière de
p e n s e r, et que je soumets volontiers à tous les hommes qui tiennent à ce que les
conjectures soient au moins vraisemblables. Je suis étonné que ce monument ait fait
croire à tous les auteurs modernes que les Phocéens avaient eu d’abord le projet de
s’établir dans la boue du Cœnus, c’est-à-dire de construire en cet endroit leur ville de
commerce. Ils ajoutent que le roi des Saliens, beau-père du chef des Phocéens, ne l’avait
pas conseillé à son gendre, à cause de l’insalubrité du lieu. Tout cela n’a pas le sens
commun, à moins de supposer qu’un homme encore dans l’état sauvage avait plus de
lumières qu’un peuple civilisé. Nul auteur ancien ne fait mention de ce projet
extravagant, ni du conseil du roi Nannus.
Je reviens à l’origine des Martigues. Après que les Marseillais eurent vaincu les Saliens
et leurs alliés, et qu’ils leur eurent ôté tous les moyens de faire la guerre, ils leur firent
goûter les avantages de la vie sociale. Plusieurs nouvelles peuplades se formèrent. Celles
de Métapine et de Blascon ou Blescon vinrent s’établir aux deux extrémités du Cœnus.
Une partie de Métapine est l’île de Bouc; l’autre partie se trouvait en face, mais sur la
terre ferme. Le mot de métapine vient du grec meta, entre, au milieu de; et pinos,
ordures, saletés, boue; au milieu des boues. Blascon était l’île où se trouve une partie de
la ville des Martigues. Ce nom paraît venir de blas-cœni, poisson du Cœnus, parce qu’on
y pêchait et qu’on y pêche encore beaucoup de muges, sorte de poisson qui se plait dans
les eaux bourbeuses. C’est des œufs de ce poisson que dans ce pays on fait la boutargue.

Marius, en attendant l’arrivée des barbares, fit ouvrir une grande tranchée ou canal, afin
que les barques pussent de la mer communiquer avec l’étang de Berre; l’eau douce fut
remplacée par l’eau salée. C’est alors que cet étang, devenu une sorte de mer, fut désigné
sous le nom de Mare Astramelum, à cause d’Astramela, seule habitation qui se trouvât
sur le bord de l’étang. Par abréviation, on l’appela bientôt Mastramelum, et, par
corruption, Mastramela. D’après cela, on verra que je ne suis pas de l’avis de ceux qui
ont écrit que Mastramela dérive d’une nommée Marthe, femme qui passait pour avoir
l’esprit de prophétie, et qui avait été envoyée à Marius par sa femme. Tout ce que je
peux leur accorder, c’est que cette prétendue sybille qui, pour rendre ses oracles, avait
fixé sa demeure dans une des îles des Martigues, parce qu’elle était sans habitans et d’un
difficile accès, donna son nom à cette île, Marticus, Insulœ Martici. Long-temps après,
l’étang, fut divisé en plusieurs parties. Chaque partie prit le nom du lieu qui l’avoisinait
le plus, tels que l’étang de Saint-Chamas, l’étang de Berre, l’étang de Marignane. Il n’y
eut que la partie la plus au midi qui, au lieu de prendre le nom moderne de la ville la
plus rapprochée, prit celui de la femme qui la première avait attiré des habitans aux
Martigues, étang de Marthe.
Nombre de familles romaines s’établirent dans la campagne des Martigues, ainsi qu’on
peut en juger par les ruines et les antiquités qu’on y trouve. La plupart des habitations se
trouvaient dans l’île de Blascon.

Saint Géniez, martyrisé à Arles sous Diocletien, convertit à la foi de l’évangile tous les
peuples de la Contrée. Une chapelle fut élevée à son honneur sur l’étang de Caronte.
Elle attira un grand nombre de personnes de la campagne qui y construisirent un village.
Les Sarrasins et les Normands le saccagèrent. Les habitans se réléguèrent dans l’île de
Blascon qui prit alors le nom de insula Sancti Genesii.
Des moines vinrent, dans le douzième siècle, défricher les deux rivages de la terre ferme
qui forment l’étang de Caronte. La partie du midi fut appelée Jonquières, à cause de la
quantité de joncs qui y croissaient; et celle du nord, La Ferrière, vu que le sol est
rougeâtre et ferrugineux. Les ouvriers qui furent employés à ce travail obtinrent la
propriété des terres défrichées, et s’établirent à portée de leurs domaines.
Les Marseillais creusèrent des canaux dans les marais, entre Métapine et Blascon; ils
amassèrent la vase boueuse sur les deux bords, et firent ce qu’on appelle les bourdigues,
où l’on arrête le poisson par le moyen de claies. Les poissons se trouvant enfermés dans
des sortes de piscines, on les prend quand on veut, malgré la rigueur du temps et de la
saison. Raymond Bérenger IV et l’archevêque d’Arles se disputèrent la possession des
Martigues. Ce dernier, par une transaction, se contenta des bourdigues. Les Marseillais
vinrent s’en emparer de vive force, ainsi que de l’île de Blascon, où ils se fortifièrent.
Bérenger IV, joint aux Arlésiens, chassa les Marseillais, et il ne resta à ces derniers que
le château qu’ils occupaient dans l’île de Bouc, et duquel ils furent dépossédés par
Charles d’Anjou.
L’île de Blascon, qu’on appelle aujourd’hui simplement l’Ile, La Ferrière et La
Jonquière furent longtemps trois villes distinctes. Elles furent réunies en 1581 par
Charles IX. Ces trois parties communiquent ensemble par des pont-levis. Sous Louis
XIV, la population de ces trois parties de ville s’élevait à 20, 000 habitans, tandis
qu’aujourd’hui elles en comptent à peine 7,500. Il serait bien possible que cette ville
reprît son ancienne splendeur, dès que le canal que l’on construit dans la Crau sera
terminé. Il est possible aussi que ce canal fasse renaître la ville de Métapine, partie sur la
terre ferme et partie dans l’île de la Tour de Bouc, et que cette ville devienne une sorte
d’entrepôt pour le commerce de l’intérieur.
La simplicité dans laquelle vivaient les anciens habitans des Martigues, jointe à leur trop
de bonhomie, a donné lieu à leurs voisins de les accuser de stupidité. On leur attribue
nombre de fables controuvées. Cependant il est à propos de détromper les étrangers. Les
Martigaux peuvent être indolens et timides par le peu d’usage du monde; mais ils sont
honnêtes et bons chrétiens. Ils sont aussi de très-bons marins, d’excellens pêcheurs
remplis d’adresse, et surtout très-charitables. Les femmes, quoique réputées assez faibles
dans les villes maritimes, sont très-chastes aux Martigues: une veuve ou une fille qui
aurait manqué aux lois de l’honneur était aussitot chassée par les autres femmes. Une
pareille scène y est rarement arrivée, parce que peu de personnes s’y sont exposées.
Les pêcheurs des Martigues forment le corps le plus considérable du pays. Ils donnent
quelquefois des joutes sur la mer (lou jué de la targo), pour attirer un grand nombre
d’étrangers dans leur ville, et c’est ordinairement à l’occasion de la fête du roi ou d’une
fête patronale du lieu. Ce jeu est le plus magnifique et le plus imposant que l’on
connaisse depuis Toulon jusqu’à Arles et même à Tarascon. Les bateaux jouteurs sont en
nombre pair, équipés chacun de huit rameurs, d’un patron et d’un brigadier. Ils sont
divisés en deux flottilles distinguées par des couleurs. A l’arrière des bateaux sont
placées des espèces d’échelles appelées tintainos, qui saillent en dehors d’environ trois
mètres par l’extrémité supérieure. Le sommet de la tintainos est terminé par un ais fort
étroit et placé horizontalement, sur lequel le jouteur se tient debout. Il porte à la main
gauche un bouclier de bois, et il tient de la droite une lance terminée par un bouton ou
par une plaque. Les prud’hommes du pays sont les juges du combat. Ils sont dans leur
bateau, revêtus du costume cérémonial, qui est tout en noir, le manteau de soie, et le
chapeau à la Henri IV, surmonté de longues plumes noires.
Tout étant disposé, deux bateaux se détachent et rament avec le plus de vitesse possible
l’un contre l’autre.
Les patrons ont soin d’éviter l’abordage, mais de se rapprocher assez pour que les deux
jouteurs puissent se porter mutuellement un coup de lance. Le plus faible est précipité
dans l’eau, et gagne tout honteux à la nage le premier bateau qu’il rencontre. Très-
souvent ils tombent tous deux en même temps. D’autres fois le jouteur perd sa lance ou
son bouclier. Dans ce cas, il est également obligé de céder sa place à un autre.
Tous les jouteurs qui sont parvenus à faire tomber de suite trois de leurs adversaires sans
tomber eux-mêmes, sont proclamés fraires (confrères ou candidats). Au coucher du
soleil, aucun nouveau jouteur ne peut plus entrer en lice. Les fraires ont seul le droit de
jouter entre eux. Alors seulement le prix est disputé. Celui qui a renversé tous ses
concurrens est proclamé vainqueur, et il est promené en triomphe par les autres marins.
Un autre divertissement pour les gens des Martigues et des environs est celui de la
chasse aux canards sauvages, et surtout aux macreuses, qui fréquentent particulièrement
l’étang de Berre. Tous les bateaux du port, ainsi que ceux des lieux voisins, sont garnis
de chasseurs armés de fusils, la plupart très-longs, nommés canardières. Ils entourent
l’étang et se réunissent tous ensemble vers le milieu en formant le cercle. Les oiseaux, à
l’approche des bateaux, se rendent vers le centre de l’étang. Mais dès qu’ils se voient
serrés de trop près, ils prennent tous à la fois leur volée. C’est alors que cinq ou six cents
coups de fusil au moins abattent des milliers de ces oiseaux que des bateaux particuliers
sont chargés de ramasser. Quelquefois les bateaux chasseurs partent d’un même point,
s’étendent, forment une seule ligne, et vont rencogner les oiseaux vers la côte la plus
écartée des petits étangs voisins, dans lesquels il serait impossible de les atteindre.
Cette chasse est annoncée plusieurs jours d’avance dans tout le département. Des jeunes
gens de Marseille, d’Aix, d’Arles, etc., s’y rendent comme à une partie de plaisir. Ils
prennent place dans un bateau qu’ils affrètent à grands frais, et ont une part égale aux
autres chasseurs. Ils sont fort contens, si, après une dépense de trente francs, ils rentrent
chez eux avec du gibier pour cinq francs.
Pour faire cette chasse il faut un temps assez calme; et on ne le rencontre pas souvent
dans un étang où tous les vents qui descendent du Rhône, de la Durance et de plusieurs
autres vallées, se dispersent et soufflent dans toutes les directions avec la plus grande
violence. Les orages repoussés de toutes les montagnes se rassemblent en tourbillonnant,
et éclatent dans la région des étangs avec plus de fracas. Il ne se passe presque pas de
jour sans que l’étang de Berre en soit agité, et souvent d’une manière subite et violente.
Ce qu’il y a de remarquable, c’est que cette agitation n’a lieu que dans certaines parties
de l’étang, de sorte que les alléges qui le traversent éprouvent dans leur marche une suite
de calme et de bourrasques, qui obligent les mariniers à changer fréquemment de
manœuvre.

Cet étang a quatre lieues de diamètre. Les jeunes qui le traversent à la nage courent
toujours de grands périls.
Le territoire des Martigues contient plusieurs hameaux. On y trouve du charbon minéral,
du gypse cristallisé et des pierres coquillières pour la construction des maisons. On en
porte journellement à Marseille. Le sol produit du bon vin et de la bonne huile. Il y a un
tribunal de commerce, un de prud’hommes et une justice de paix, duquel ressortissent
les communes des Martigues, Carry-le-Rouet, Château-Neuf les Martigues, Gignac,
Marignane et Saint-Victoret.

MARTIN (SAINT). Petit village du canton de Seyne, à 16 lieues de Digne. Climat plus
tempéré que celui des villages voisins. Les fruits y sont bons et abondans; les grains et
les légumes viennent assez bien dans certains quartiers. On y recueille un peu de vin qui
n’est pas mauvais. Pop. 155 hab.

MARTIN-DE-CASTILLON (SAINT). Petit village à 2 lieues et demie d’Apt son chef-


lieu de canton et d’arrondissement. C’était anciennement un hameau de Boisset. Climat
tempéré. Productions, blé, légumes et toutes sortes de fruits. Pop. 1,510 hab.

MARTIN-DE-CASTILLON (SAINT). Hameau dans le territoire de Maussane.

MARTIN-D’ALIGNOSC (SAINT), ou San Martin lou Rimat. Ancien village à 3 lieues


de Riez, qui fut incendié lors des guerres de religion.

MARTIN-LA-BRASQUE. Petit village du canton de Pertuis, à 7 lieues d’Apt. Sol assez


fertile; les productions sont, le blé, beaucoup de légumes, de bons pâturages et un peu de
vin. Pop. 395 hab.

MARTIN-LE-CHARBONNIER (SAINT), ou DE-RENACAS. Petit village du canton de


Reillanne, à 3 lieues de Forcalquier. Climat tempéré. Sol assez fertile en blé. On y élève
des pourceaux. Pop. 148 hab.

MARTIN-DE-BORMES (SAINT). Village du canton de Valensoles, à 13 lieues de


Digne, sur la rive droite du Verdon, près du confluent de la Colostre, petite rivière qui
arrose toute la vallée de Riez. Climat tempéré. Le village offre une ancienne tour fort
élevée. Le sol produit du blé, du vin et des légumes. Pop. 539 hab.

M A RT I N - D E - PALLIÈRES (SAINT). Village du canton de Barjols, à 8 lieues de


Brignoles. Terrain sec qui n’est arrosé par aucun ruisseau. Malgré cela, la plaine est
assez fertile et produit du bon blé. Population 450 hab.

MARTIN-DE-CRAU (SAINT). Ce n’est pas une commun, mais un lieu sur la route de
Salon à Arles, et dans la plaine de la Crau, où il y a une église et une auberge fort utile
aux voyageurs qui passent par ce chemin, et qui n’ont pas le malheur de s’égarer dans la
plaine.

M A RTRE (LA), Martha. Village du canton de Comps, à 8 lieues et demie de


Draguignan. Selon les uns, son nom lui vient de sainte Marthe, sa patronne; selon les
autres, de la quantité de fouines qui se trouvent dans le territoire, et qu’on nomme en
provençal lou martré. Il y a un hameau appelé Plan d’Anelle. On fabrique à la Martre
beaucoup d’ustensiles de cuisine en bois, de même que des instrumens aratoires. Il y a
aussi une fabrique de poterie. Le territoire renferme une mine de charbon de terre, des
marnes et des sables quartzeux propres à la fabrication du verre blanc. Trois ruisseaux
arrosent les prairies et les jardins potagers. Pop. 320 hab.

MAS (LE). Petit village du canton de Saint-Auban, à 14 lieues de Grasse, sur l’Estéron
qui lui fournit de bonnes truites. Il appartient à la France depuis 1713. C’est dans ce lieu
que saint Arnoux ou Arnuldus, évêque de Metz, mourut, à son retour de Rome. On a
construit de grandes écluses sur la rivière, pour faire flotter les bois des forêts du pays. Il
y a un beau filon de charbon de terre qui n’a jamais été exploité. Climat plus tempéré
que celui des villages voisins. Les coteaux ne produisent presque rien. Les fonds sont
assez bons, et donnent du vin, des haricots et du blé. Il y a des mines de charbon de terre
qu’on pourrait exploiter avec avantage. Pop. 460 hab.

MAS-BLANC. Petit village à 3 lieues et quart l’Arles son chef-lieu de canton et


d’arrondissement.
L’insalubrité du pays est cause que la population ne s’élève qu’à 190 hab.

MASSARGUES. Hameau dans le territoire de Marseille.

MASTRAMELA. Voyez MARTIGUES.

MATAVO, ou MATAVONIUM. Voyez CABASSE.


MAUBEC, Malabecum. Village du canton de Cavaillon, à 4 lieues d’Avignon, sur la
rive gauche du Calavon. Pays fort agréable, et terroir assez fertile. Productions, les
mêmes qu’aux environs. Pop. 586 hab. Foire, le 2 février.

MAURES (LES). On désigne sous le nom de Maures tout le pays qui se trouve sur la
bande schisteuse entre la Gapeau et la Siagne. Ce nom fut donné cette zone
montagneuse, à cause qu’elle servit long-temps de refuge aux Maures Sarrasins qui
s’étaient fortifiés au Fraxinet. Tout le pays des Maures est couvert d’épaisses forêts de
pins, de chênes-lièges et de châtaigniers qui donnent des revenus considérables. Son sol
granitique et schisteux offre une infinité de volcans éteints, des laves, de la pozzolane,
des pierres ollaires, de la serpentine, du spath pesant, de différentes cyanithes, des
schistes, de quartz micacé, du quartz améthyste, du mica blanc et jaune, du jaspe, de la
trappe, du porphyre globuleux, du porphyre bleu, de l’albâtre, du gneiss, du granit strié,
de schorl, de l’asbeste incombustible, de la tourmaline magnétique, du talc savonneux
argenté, de la galène, de l’alquifoux, de l’antimoine, du cuivre, de l’acier très-fin, du fer
chromaté, du fer oxidulé magnétique aimantaire, des grenats, des géodes, des terres
bolaires, des terres ferrugineuses dont on fait la sanguine ou crayon sanguin, et une
infinité d’autres productions naturelles, toutes plus curieuses pour les amateurs de la
science.
Lors de la formation des montagnes des Maures, la bande primitive ou granitique, en se
faisant jour par les sommets, coula de tous les côtés et couvrit entièrement toute la bande
secondaire ou calcaire qui auparavant se trouvait au-dessus du granit. Cette grande
coulée empêche les eaux pluviales de pénétrer dans les cavités intérieures de la bande
secondaire. Ce qui est cause que ces montagnes ne donnent naissance à aucune rivière, à
aucune source un peu importante; mais simplement, lorsqu’il pleut, à des torrens ou à
quelques surgeons d’eau qui tarissent facilement dans la saison des chaleurs.

MAURIN, Maurinus. Hameau de Saint-Paul de Barcelonnette, dans un vallon entouré de


hautes montagnes. Il est divisé en trois hameaux dont les maisons sont très-basses et fort
exposées à être, emportées par les eaux qui proviennent de la fonte des neiges. On assure
que sur la montagne à l’est il y a une mine d’or.

MAUSSANE, Malimaussane. Village du canton de Saint-Rémy, à 3 lieues et demie


d’Arles, avec un hameau nommé Saint-Martin-de-Castillon. Climat et productions, les
mêmes qu’aux Baux. Pop. 1,700 hab.

MAXIME (SAINTE), Sancta Maxima; anciennement, par corruption, Sainte-Maïxe.


Village du canton de Grimaud, à 10 lieues de Draguignan, sur le bord du golfe
qu’Antonin nomme Sinus Sambracitanus, et connu aujourd’hui sous le nom de golfe de
Grimaud.
Ce pays fut d’abord habité par des Camatulici, peuple celto-lygien qui occupait le
littoral, depuis l’embouchure de l’Argens jusqu’au pays des Bormani. Les premiers
Marseillais, pour assurer leur navigation, ne manquèrent certainement pas de reconnaître
la plage de Sainte-Maxime. Ils dûrent y établir un relache pour leurs vaisseaux, que nous
aurions pris pour l’Athénopolis, si nous ne croyions avoir reconnu cette ville grecque
dans les ruines que nous avons découvertes nous-même entre Agay et la Napoulle. Ce
relâche dût attirer en ce lieu plusieurs familles marseillaises qui, jointes à quelques
habitans de la contrée, formèrent une petite bourgade qui, dans la suite, excita la cupidité
des Romains. Nous savons que Jules-César ayant soumis la ville de Marseille, la
dépouilla de toutes ses colonies, moins la ville de Nice. Le lieu que nous décrivons passa
donc sous la domination du conquérant des Gaules; les terres furent distribuées par lui à
des officiers qui avaient fini leur service militaire; ceux-ci y établirent des villœ et des
monumens de plusieurs genres. On en découvre encore des vestiges, et notamment ceux
d’une salle de bains, des restes de plusieurs voûtes, sur la pointe ou cap Nartèle, du côte
de l’anse de la Garonète, où se trouvait la primitive bourgade; d’autres bâtisses romaines
auprès du village actuel, et surtout autour de l’ancienne bastide des abbés du Thoronet,
seul édifice qui existât dans cet endroit vers le milieu du 16e siècle; et de plus, une
grande quantité de médailles qu’on a trouvées sur plusieurs points du territoire.
Les Sarrasins débarquèrent sur ce même point. Le lieu que nous décrivons fut le premier
victime du génie destructif des Barbares. Les habitans furent en grande partie massacrés
ou menés en esclavage; les autres furent chercher un lieu de refuge dans les communes
de l’intérieur de la Provence.
Après l’expulsion des barbares, le pays fut repeuplé par des Provençaux qui avaient
participé à délibérer la contrée de l’oppression musulmane. Mais la crainte d’être encore
troublés par les Africains ou par les pirates, fit qu’ils choisirent, pour établir leurs
demeures, des endroits éloignés de la côte et d’une défense facile. Il paraît que ceux du
territoire de Sainte-Maxime s’étaient divisés sur trois points différens. D’après une
charte de 1232,contenant un échange entre l’évêque de Fréjus et l’abbé de Lérins, on
voit qu’il existait à cette époque, entre Roquebrune et Grimaud, trois villages, le Revest,
Saint-Pierre de Miramas et Sainte-Maxime. Le territoire de ce dernier comprend
maintenant ceux des deux autres communautés. Les ruines de ces trois villages
subsistent encore. Celles du Revest ne sont pas douteuses; on les appelle encore le vieux
Revest. L’église est tout-à-fait intacte. On trouve tout auprès les ruines d’un château
nommé château des dames. On prétend que ce nom lui vient de ce qu’un seigneur du
Revest, n’ayant eu pour héritiers que quatre filles, celles-ci se partagèrent les terres, mais
jouirent du château en commun. Le territoire du Revest n’a été réuni à celui de Sainte
Maxime qu’au commencement de la révolution.
La communauté de Saint-Pierre de Miramas paraît avoir été la plus ancienne et la plus
importante des trois. Sa qualification de castrum indique que c’était un lieu fortifié. Il en
est fait mention dans le registrum pergamenorum des comtes de Provence, écrit dans le
douzième siècle. On trouve les ruines de ce village sur le sommet de la montagne
escarpée qui s’appelle encore aujourd’hui Sant-Peyre. Il est vraisemblable, qu’après
avoir été détruit par les guerres intestines, il fut rebâti dans la plaine qui se trouve
derrière cette montagne, et qui est connue sous le nom de Plan de la Tour. Il existe
encore tout près du hameau de Saint-Martin, une église appelée Saint-Pierre, dont la
construction paraît être du quatorzième siècle. Elle a servi de chapelle, jusqu’à la
révolution, pour la partie du territoire de Sainte-Maxime la plus éloignée de la mer.
Il y a encore des ruines sur le sommet de la plus haute colline de la contrée, nommée
Pygros. Elles n’ont pu appartenir qu’au primitif village de Sainte-Maxime, dont le
territoire comprenait tout le vallon des Amandiers jusqu’à la mer.
Le village actuel est tout récent. Il y a environ un siècle que cet emplacement n’offrait
qu’une tour carrée qui sert de maison commune, l’église, l’auberge et une ou deux
maisons. Jusqu’alors la côte avait été constamment désolée par les incursions des
barbaresques et des pirates; et les habitans se tenaient dans l’intérieur des terres, pour
voir venir l’ennemi de loin, et se sauver dans les bois presque impénétrables dont ils
étaient entourés. On peut voir encore une grande plantation d’oliviers faite par un
habitant de Saint-Tropez, qui se hasarda le premier, en 1566, à cultiver cette terre. Elle
est placée près de la mer et du territoire de Grimaud, dans un vallon sinueux, et au
milieu d’une grande forêt de pins; de sorte que, malgré son étendue, on ne l’aperçoit ni
de la mer ni du chemin qui borde le rivage. Le logement qu’il y avait construit était situé
sur la partie la plus élevée, et placé de manière à éviter toute surprise.
Son exemple encouragea d’autres Tropéziens à peupler ce territoire. Plus tard, des
habitans de la Garde-Freinet et de plusieurs autres communes vinrent s’y fixer pour s’y
livrer à la culture des terres.
Il n’y avait encore, en 1748, qu’un petit nombre de maisons, lorsque la province y fit
construire une petite jetée qui sert d’embarcadère. On bâtit alors beaucoup de nouvelles
maisons. En 1789, la population avait plus que triplé, et le village était à-peu-près tel
qu’il se trouve aujourd’hui.
Son heureuse position fut alors appréciée. La province, fatiguée des énormes dépenses
qu’elle avait faites pour donner à la ville de Fréjus un port que la nature lui refuse, se
décida à en faire un à Sainte-Maxime, qui aurait offert un embarquement commode aux
denrées d’une grande partie de l’ancien diocèse. On projeta en même temps de faire une
route carrossable sur Roquebrune et Fréjus. Ce fut à cette occasion que fut construit sur
l’Argens le pont qu’on voit près de Roquebrune. Il fut aussi question alors de faire une
route de Sainte-Maxime à Draguignan, passant par le Sui et le Muy. La révolution fit
abandonner tous ces projets. On vient de reprendre le dernier, et dans sa dernière
session, le conseil général du département a voté l’établissement d’une route
départementale du Muy à Sainte-Maxime, qui, en prolongeant celle existante de
Draguignan au Muy, présentera un débouché commode aux vins et aux huiles de
l’arrondissement, et un échange continuel de denrées entre des pays d’une nature très-
diverse quoique très-rapprochés. Le mouillage de Sainte-Maxime est si sûr, qu’il n’y a
jamais eu d’exemple de naufrage; et l’entrée du golfe peut être facilement défendu
contre l’ennemi, en cas de guerre maritime. C’est le cas de dire qu’avec peu de dépense
on obtiendra de grands résultats.
Le village de Sainte-Maxime est placé autour d’un port, sur le penchant d’une petite
colline et dans une position riante. Cependant son aspect misérable atteste le peu
d’industrie de ses habitans, et cette nonchalance qui leur a fait négliger les avantages
immenses qu’il présente pour la pêche et pour le commerce. Il y a cependant une petite
fabrique de bouchons et trois fabriques de roseaux que l’on débite en tuyaux ou en
brochettes pour faire des époulets et des peignes de tisseurs. Cette industrie, précieuse
pour le pays, avait semblé anéantie pendant ces dernières années par l’introduction des
peignes métalliques. Mais on a reconnu les inconvéniens de cette innovation, et l’on doit
espérer que le commerce des roseaux reprendra son ancienne activité; ce qui sera
d’autant plus profitable à Sainte-Maxime, que l’on a constaté depuis long-temps que les
roseaux venus sur les bords de la petite rivière sont les meilleurs que l’on connaisse pour
les peignes fins.
L’exportation des vins de son territoire et de celui du Plan de la Tour, qui est fort
considérable pendant les trois derniers mois de l’année, y procure aussi pendant ce
temps du travail et des profits importans. Mais la place est morte durant les trois quarts
de l’année, faute de communications praticables pour les charettes avec le centre du
département.
Le sol est généralement granitique, schisteux et sablonneux, ce qui le rend aride et très-
propre à la vigne. Aussi il y produit un vin délicat et généreux qui supporte l’exportation
par mer. Il est recherché dans tous les ports de l’Italie. Les vallées, toutes étroites, sont
bien cultivées; les collines sont couvertes de pins, de cistes et de bruyères. On pourrait y
planter des châtaigniers, et y augmenter considérablement le nombre des chênes-liège
qui y sont clairsemés. Dans les fonds, on pourrait cultiver avec avantage l’oranger, le
tabac, la garance et les primeurs de toute espèce, ne fût-ce que pour la consommation du
chef-lieu du département. L’aloès forme des haies autour de quelques plantations et y
fleurit assez souvent. On trouve des indices de mine de plomb près du vieux Revest, et
une mine de charbon de terre au hameau du nouveau Revest. L’une et l’autre n’ont
jamais été exploitées. Pop. 943 hab.

MAXIMIN (SAINT), Forum Sancti Maximini; Ville chef-lieu de canton, à 4 lieues de


Brignoles. La voie aurélienne longeait le territoire, car elle venait de près de l’ancien
Rougiers, mais elle ne passait pas au lieu où se trouve la ville. Les marais qui se
trouvaient dans la plaine ne permirent pas aux Romains d’y former des habitations
agglomérées ni même des villœ. Par conséquent, il n’y eut point là un bourg appelé
Villalata. Ce nom fut imaginé par les troubadours pour rimer avec Tegulata, qui est la
Grande Pugère de nos jours.
Des moines desséchèrent les marais et distribuèrent les terres aux ouvriers qu’ils avaient
employés à ce pénible travail. La bonté du sol de la plaine attira nombre de familles qui
bâtirent le bourg. Charles II, roi de Naples et comte de Provence, posa la première pierre
de l’église, et ses successeurs la perfectionnèrent. Son architecture est la même que les
églises d’Italie de ce temps. Elle est encore aujourd’hui une chapelle royale, dont
l’entretien est aux frais du gouvernement. On admire les proportions de cet édifice, et la
hardiesse des piliers qui soutiennent la voûte. Ses orgues sont belles et en très-bon état.
La boiserie et les stalles du chœur sont d’un bon goût; mais rien n’approche de la chaire
à prêcher faite en bois par un frère de l’ancien couvent du lieu. C’est un vrai chef-
d’œuvre qui, en son genre, n’a pas son égal. Il fait l’admiration des ouvriers les plus
distingués dans la partie. Cette église, non encore achevée à l’extérieur, est le plus bel
édifice du moyen âge qu’on trouve dans le midi de la France.
Les murailles qui entourent la ville furent construites par ordre du roi René, pour la
sûreté des reliques de sainte Magdelaine qui sont dans un petit caveau au centre de
l’église. En 1590, les troupes du duc de Savoie mirent le siége devant Saint-Maximin;
mais elles furent contraintes de se retirer, après quinze jours de travaux inutiles. Pendant
les guerres de religion, des troupes s’y enfermaient comme en un lieu de sûreté. Les
habitans se livrèrent quelques fois à des éxcès, persuadés que les remparts de la ville les
préserveraient d’une juste représaille. Ces remparts aujourd’hui ne tiendraient pas un
quart d’heure contre une pièce de siège.
Le sol de la plaine est très-bon. On y recueille beaucoup de blé, beaucoup de vin et de
légumes. Le safran formait autrefois une récolte abondante et fort avantageuse. On a
abandonné cette culture pour semer le blé, comme une denrée de première nécessité. Les
coteaux renferment du marbre qui est une espèce de brèche jaune, noire et blanche. Il y
en a des colonnes dans la paroisse.
Le pays n’a d’autres commerce que celui des bagues dites magdalénétos, des chapelets
et des castolettes qu’on offre à tous les passans. On pourrait y établir avec avantage des
fabriques de vert-de-gris.
Les jours de foire sont, le troisième lundi après Pâques, le 16 août et le 13 décembre. La
première, dite la quinzaine, est la plus belle et la plus courue de toute la Provence. Il s’y
vend en gros de la quincaillerie, de la mercerie, des draps, des toiles de coton, des toiles
de fil, des toiles peintes, du coton filé, des dentelles, de la tannerie et surtout beaucoup
de chevaux et de mulets. Pop. 3,650 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, Saint-Maximin,
Meinarguettes, Nans, Ollières, le Plan d’Aups, Pourcieux, Pourrières, Rougiers et Saint-
Zacharie.

MAZAN, Mazanum. Bourg, à une lieue et quart de Carpentras son chef-lieu


d’arrondissement et de canton, sur la rivière de Lauzon, dans une contrée fertile en vins,
olives, safran et cerises. Il est entouré de murailles telles qu’on les faisait il y a quatre ou
cinq siècles. La chapelle de Saint-Andiol, à un quart de lieue de la ville, se trouve sur les
ruines d’un temple dédié à quelque divinité du paganisme. Auprès de ces ruines sont des
restes de monumens antiques, qui ont l’apparence d’une villa romaine. Population, 3,860
hab. Il y a trois foires dans l’année, savoir: le 28 juillet, le 30 août et le 28 décembre.

MAZAUGUES, Mazauga. Village du canton de la Roquebrussane, à 4 lieues de


Brignoles. Climat froid et humide qui occasionne de violentes odontalgies. Sol stérile; le
fruit qu’il produit ne saurait se conserver. On y trouve des truffes noires et du charbon de
terre; on y engraisse beaucoup de cochons. La Caramie prend sa source dans le territoire,
et alimente les fontaines. Le pays est entièrement montagneux. La principale industrie
est la nourriture des bêtes à laine. Pop. 620 hab.

MÉAILLE, Medulla. Village du canton d’Annot, à 12 lieues de Castellane. Le sol, en


général, est pierreux et peu fertile; cependant son nom latin annonce assez que, dans un
temps, il a dû être très-productif. Certains quartiers donnent encore du blé excellent. Les
montagnes du territoire renferment plusieurs sortes de minéraux, ainsi qu’on peut en
juger par la grande quantité de pyrites qu’on y découvre.
C’est à une lieue et demie au nord du village de Méailles, qu’en l852,quelques amateurs
ont fait la découverte de l’intérieur d’une grotte qui mérite d’être décrite. Le peuple de la
contrée n’en connaissait que l’antre, qui, par sa forme, fut appelée le cul de bœuf. La
caverne ressemble à une vaste étable de bergerie, et n’offre rien de remarquable,
quoiqu’elle ait plus de cent mètres de profondeur. Cette cavité finit par se rétrécir
insensiblement. On entre alors dans une galerie tantôt droite, tantôt sinueuse, ornée d’un
nombre prodigieux de colonnes de toutes sortes de formes et de dimensions. Les unes
ressemblent à de l’albâtre, les autres à du marbre de toutes sortes de couleurs, selon les
minerais sur lesquels passent les eaux qui forment ces concrétions. On en trouve de
toutes blanches, de toutes noires, de toutes vertes ou grises; quelquefois une seule
colonne présente toutes ces couleurs bien distinctes et à la suite les unes des autres. Il est
de ces colonnes qui tiennent à la voûte et descendent jusque près de terre; d’autres qui
s’élèvent de terre jusque près de la voûte; il en est qui, quoique formées par les mêmes
gouttes, tiennent à la terre et à la voûte, et ne sont séparées que vers le milieu, mais qui
finiront par se rencontrer et par s’unir intimement. Quelquefois, au lieu de colonnes
ornées de leurs chapiteaux d’une architecture magnifique, quoique naturelle, ce sont des
piliers énormes et transparens qui semblent soutenir avec effort tout le poids de l’édifice.
Indépendannnent de toutes ces concrétions, on trouve çà et là une multitude de pièces de
stalagmite dignes de fixer l’admiration des curieux. Ici c’est une conque en forme de
bénitier; là un oiseau, un quadrupède, une figure humaine; ailleurs ce sont des plantes,
des fleurs, des fruits, et une infinité d’autres objets propres à faire l’ornement d’un
cabinet d’amateur.
Le sol de cette galerie, qui a environ une demi-lieue de longueur, est, en général, uni et
couvert d’un sable blanc comme la poudre de marbre ou comme de la craie, qui
empêche de glisser aux endroits penchans. Sur un certain point, le sol est pavé
d’ossemens humains, qui, par le degré lapidifique qu’ils ont acquis, semblent annoncer
qu’ils datent de l’époque où les Romains poursuivaient les habitans des Alpes-Maritimes
avec acharnement, et poussaient la cruauté jusqu’à les étouffer, par le moyen de la
fumée, dans les cavités de la terre, où ces infortunés croyaient trouver un sûr asile contre
la persécution. Et ces Romains vantaient leur civilisation!
Depuis la découverte de cette grotte, plusieurs voyageurs de la contrée se sont fait un
plaisir de la visiter. Ils ont admiré principalement un petit fleuve formé par une infinité
de petites sources qui sortent de l’intérieur de chaque colonne, et qui coule ses eaux
toujours claires avec un doux murmure dans un lit naturellement creusé dans la roche
calcaire. Par intervalles, ce fleuve se jette dans des bassins plus ou moins vastes, ou
disparaît pour reparaître bientôt avec plus de majesté. Quelquefois il se précipite en
cascades, et forme des nappes d’eau magnifiques dans leur petitesse. Enfin le fleuve
tombe dans une cavité, et se perd dans un endroit où l’on n’a pu encore reconnaître
l’issue. La population de Méailles est de 637 hab.

MÉAUNES. Voyez MÉOUNES.

MEAUX, ou MEAULX, Castrum de Niels. Ce lieu existait du temps des Romains. Ce


n’est plus qu’un hameau dans le territoire de Claviers. Voyez ce mot.
MEDE, ou MÈZE. Rivière du département de Vaucluse, qui prend sa source au-dessus
de Bédoin, se réunit à celle des Salettes, prend le nom de Brégoux, et se jette dans la
Sorgue près de Bédarrides.

MÉES (LES), Mediœ, anciennement Castrum de Medis. Petite ville chef-lieu de canton,
à 6 lieues de Digne, sur la rive gauche de la Durance. Un auteur contemporain croit que
son ancien nom est Metœ, et qu’il lui fut donné à cause des rochers qui forment la crête
d’une montagne, et qui, vus de loin, ressemblent à des bornes.
Cette ville est fort ancienne. Les Romains y ont séjourné long-temps, et cela ne pouvait
être autrement dans un pays si fertile et si gracieux. On y a trouvé des tombeaux avec
leurs petits mobiliers, des briques tumulaires des débris de mosaïque, un grand vase rond
de forme antique, nombre de médailles et une inscription qui paraît avoir appartenu au
fronton d’un temple de Jupiter. Un fragment de la pierre qui contenait cette inscription,
porte en tête et en grande lettres, les sigles

I. O. M.

qui signifient, Jovi Optimo Meximo; et au-dessous, en caractères d’une moindre


dimension,

GRAE....

IPO.....

La terre des Mées, celle de Mézel et quelques autres furent inféodées par la reine Jeanne,
en faveur de Guillaume Roger, comte de Beaufort de Canillac, malgré l’édit du roi
Robert et la parole que la reine Jeanne et son mari avaient donnée aux députés de
Provence, de ne point aliéner les terres du domaine; ce qui fut la source d’une guerre
allumée par le fils de ce Roger (Raymond de Turenne), la plus cruelle, la plus horrible
dont la Provence ait jamais vu d’exemples et éprouvé les funestes effets. Animé par
Charles Duras qui voulait se maintenir dans le royaume de Naples, Raymond de Turenne
se créa une armée composée de tous les bannis de l’Italie, de la Guyenne, du Languedoc,
du Dauphiné et du comtat Venaissin, et détruisit une partie des bourgs, villes et villages
de la Provence. Saint-Rémy, les Baux, Pertuis, la Tour d’Aigues, Mérargues, Vitrolles,
Mont-Furon, les Pennes, Calian, Pierrevert, Colmars, Boades, Tolane et plusieurs autres
places furent la proie des flammes et les victimes du brigandage des soldats du cruel
Raymond.

La reine défendit aux Provençaux d’avoir aucune communication avec ces incendiaires,
de leur fournir de l’argent, des vivres, des chevaux, des armes, des habits, sous peine de
punition corporelle et de confiscation de tous leurs biens. Des milices se formèrent sur
tous les points de la Provence. La tête de Raymond fut mise à prix. Dix mille francs, qui,
à cette époque, valaient un million de nos jours, devaient être la récompense de celui qui
en purgerait la terre. Après neuf ans de guerre, de pillage, de meurtres et d’incendies,
Raymond se baignant dans le Rhône à Tarascon, et voyant venir vers lui quelques
cavaliers armés qui n’étaient pas de sa bande, s’élança sur le bord d’une petite barque,
dans la vue de se sauver en traversant le fleuve. Le poids de son corps fit chavirer la
nacelle, et il se noya. Le lendemain on trouva son corps, au bord de l’eau, près d’Arles.
Cette mort rendit la vie à toute la Provence, et fit rentrer la terre de plusieurs lieux dans
le domaine de la couronne.
Un torrent traversait naguère la ville des Mées, et causait un ravage considérable dans la
plaine. On a été obligé de percer une colline, pas bien haute à la vérité, pour dévier ses
eaux, qui passent ensuite sur un superbe aquéduc qui les conduit jusque dans la Durance.
Cependant, après les grosses pluies, il passe encore une grande quantité d’eau dans la
ville, et ce torrent intercepte alors les communications d’un quartier à l’autre, sans qu’on
ait eu la précaution d’y jeter un pont.
Les rochers auxquels la ville est adossée sont curieux. Il sont formés de cailloux roulés,
agglutinés et formant une espèce de poudingue. Tous ces rochers sont terminés en
pyramide, et taillés à pic vers le couchant. Du côté du nord, au contraire, ils sont coupés
en talus, et l’on gravit jusqu’au sommet sans difficulté.
Le terroir est excellent. Il produit du foin et des fruits très-estimés. Son vin surtout, un
peu vieilli, est aussi bon que ceux des rives du Rhône. Aussi il jouit d’une réputation
bien méritée. Les foires sont, le lundi avant les Cendres, le lundi avant la Fête-Dieu, le
jour de la Fête-Dieu, et le lundi avant la Toussaint. Pop. 2,090 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, les Mées, le Castellet,
Chénerille, Entrevenues, Malijai, Mirabeau, Oraison et Puy Michel.
MÉGEAU. Petit port sur la côte maritime du département des Bouches-du-Rhône, au
midi de Gignac.

MEINARGUETTES. Ancien village, aujourd’hui hameau dans le territoire de Signes.


Voyez ce mot.

MEIRANE. Étangs de la Crau, à une lieue et demie d’Arles, au-dessous du bois de Caïs.
Il est poissonneux; on y pêche beaucoup de carpes excellentes.

MEIRARGUES, Voyez MEYRARGUES.

MÉLAN, Melanum. Village à 6 lieues de Digne son chef-lieu d’arrondissement et de


canton. Productions, comme aux lieux voisins. Pop. 147 hab.

MELVES. Village du canton de la Motte-du-Caire, à 6 lieues de Sisteron, une de la


Durance, situé dans les montagnes. Le sol, quoique aride, est fécondé par les pluies. On
y recueille du blé, des légumes et des noix dont on fait de l’huile. Pop. 324 hab.

MÉMINI. Nation celto-lygienne qui avait beaucoup d’alliés, et notamment les Albici,
quoiqu’ils en fussent séparés par la Durance. Les Mémini avaient leur chef-lieu à
Forcalquier, quoiqu’en aient dit certains auteurs modernes, qui ont prétendu que ce
peuple occupait la ville de Carpentras, qu’ils désignent eux-mêmes comme une ville des
Cavares, inconséquence peu pardonnable à ceux qui écrivent l’histoire. Vo y e z
FORCALQUIER et CARPENTRAS.

MÉNERBE, Menerbia. Bourg du canton de Bonnieux, à 4 lieues et demie d’Apt, situé


sur une hauteur, au pied du Léberon et du côté du nord. C’est l’ancien Machao ou
Machovilla, lieu fortifié du temps des Romains. Il prit ensuite le nom de Manancha, et
en dernier lieu celui de Ménerbe. Ce bourg est devenu fameux par le long siége que les
protestans soutinrent contre les armées réunies des catholiques de la Provence et du
comtat Venaissin. Les assiégés n’étaient qu’au nombre de cent vingt hommes et de cent
dix femmes, filles ou jeunes enfans. Ils finirent par capituler, mais avec tous les
honneurs de la guerre. Ils furent jusques défrayés des pertes considérables qu’ils avaient
faites pour se défendre.
Le sol de Ménerbe est fertile en blé, vin, huile et mûriers. Ses collines sont toutes
calcaires. On y trouve des coquilles pétrifiées de toute espèce, et principalement des
pectinites d’une grande forme et d’une belle conservation. Elles sont de l’espèce à larges
bandes. Il y a deux foires dans l’année, le 22 mars et 25 août. Pop. 1,700 hab.

MÉOLAN, OU MIOLAN, Mediolanum. Très-ancien village du canton de Lauzet, à 3


lieues de Barcelonnette, sur l’Ubaye. Il existait du temps des Romains. Les trophées
d’Auguste font mention que ce pays était habité par les Nemolani ou Nemaloni,
peuplade celto-lygienne, l’une de celles qui inventèrent leis brayos ou les culottes. La
nécessité est la mère de l’industrie. La position de Méolan, sa température froide
exigeaient que les habitans se revêtissent avec plus de soin que les hommes des lieux
tempérés. S’ils se fussent contentés de se chauffer à l’ardeur du soleil, la moitié de
l’année ils auraient été obligés de gravir une haute montagne ou de traverser la rivière
pour apercevoir cet astre. Le nom de Méolan annonce assez que ce village ne jouit du
soleil que la moitié de l’année. Encore, dans la belle saison, n’y paraît-il que quelques
heures dans l’après-midi.
Il y avait à Méolan une forteresse dont les calvinistes s’emparèrent en 1598, et qu’ils
abandonnèrent en 1661. Elle ne subsiste plus. Le village est très-exposé aux lavanches
ou avalanches que le dégel précipite de la montagne.
Heureusement que nombre de gros arbres en modèrent la chute, qui est quelquefois si
impétueuse, qu’elles entraînent les rochers, arrachent les arbres, renversent, abîment tout
ce qu’elles rencontrent avec un bruit égal à celui du tonnerre, et viennent enfin obstruer
la rivière. Les hameaux de Lavère et de Saint-Barthélemy sont en delà de l’Ubaye et en
un site assez agréable. Les forêts contiennent les mêmes animaux que celles du Lauzet.
Il y a dans le pays quelques ruchers dont le miel est fort estimé. Pop. 1,275 hab.

MÉOUILLES. Village du canton de Saint-André, à 5 lieues de Castellane, et sur la rive


gauche du Verdon. Il y a de gras pâturages, et on y élève des troupeaux nombreux. Pop
56 hab.

MÉOUNES, Melna. Village du canton de la Roque-brussane, à 4 lieues de Brignoles,


bâti au pied d’une colline au haut de laquelle se trouvent les ruines de l’ancien village.
En 1707, cent cinquante soldats du duc de Savoie vinrent à ce village pour le mettre à
contribution. Cinq paysans du pays s’étant retranchés, forcèrent l’ennemi à battre en
retraite et lui tuèrent huit hommes. Le lendemain, les Savoyards revinrent en plus grand
nombre; et n’ayant plus trouvé les cinq braves paysans, ils incendièrent le village. Il y a
des ruchers qui donnent du miel pareil à celui de Malcon et de Narbonne. Le pays offre
des papeteries, des blanchisseries pour la toile et des martinets à battre le cuivre.

Le territoire est resserré entre des collines. Le sol est fertile dans les vallons par les
arrosemens de la Gapeau. Les productions sont, le blé, le vin, le foin et l’huile. Pop.
1,200 hab.

MÉRINDOL. Village du canton de Cadenet, à 8 lieu et demie d’Apt, au pied du


Léberon, près de la rive droite de la Durance. Ce lieu est fameux par l’arrêt du parlement
de Provence qui en ordonna la destruction. Voici ce qui en fut la cause, suivant Papon.
La secte des Albigeois, poursuivie avec rigueur par la puissance séculière et la puissance
ecclésiastique, ne put être entièrement détruite. Quelques sectaires trouvèrent des
refuges dans les montagnes des Cevennes et des Alpes, ainsi que dans les vals
d’Engraunes et d’Asture en Piémont. Le baron de Cental ayant des terres considérables
au voisinage du Léberon, où il ne pouvait se procurer d’ouvriers pour les faire défricher,
fit venir de ces fugitifs, connus sous le nom de Vaudois, auxquels il distribua des terres,
moyennant un cens annuel. Ces hommes, imbus de préjugés contre l’église de Rome,
furent accompagnés de plusieurs de leurs ministres qui les entretenaient dans la croyance
ou l’erreur de leurs pères. Ces ministres étaient appelés Barbe, mot qui, en langue
piémontaise, signifie oncle, et qu’on donne encore par respect aux hommes d’un âge
avancé dont on ne connaît pas le nom, tout comme on donne le nom de tante à une
femme âge; et les noms d’oncle et de tante remplacent ceux de monsieur et madame.
Ces agriculteurs vaudois vécurent pedant un certain temps dans la tranquillité, ne
s’occupant que de leurs défrichemens, et à se construire des habitations qui formèrent
bientôt un village.
Le bruit des progrès que la secte luthérienne faisait en Allemagne donna de l’audace à
ces paysans, et surtout à leurs ministres, qui, après s’être fait instruire de la religion de
Luther, qu’ils savaient n’être qu’une erreur enfantée par le dépit, s’empressèrent de la
prêcher ouvertement dans une province qui tenait à la primitive église. Les catholiques,
voyant attaquer leur religion dans leur propre pays, prirent les armes pour livrer à la
justice les propagateurs du schisme. Ces derniers se préparèrent à se défendre. Quelques
habitans de Mérindol, saisis les armes à la main, furent condamnés avec rigueur par le
parlement de Provence.
Les Vaudois, irrités contre les catholiques, se réunirent, augmentèrent leur nombre par
des libertins, des hommes sans aveu, et notamment par des moines apostats qui, amenant
avec eux beaucoup de gens du peuple avec leurs femmes et leur enfans, s’emparèrent de
plusieurs lieux fortifiés; et de temps en temps ils faisaient des incursions sur les terres
des catholiques qu’ils ravageaient, et massacraient les paisibles cultivateurs qu’ils y
trouvaient.
Une pareille conduite exaspéra les catholiques. Le roi, instruit de ce qui se passait en
Provence, craignant de voir allumer une guerre intestine, ordonna au parlement de faire
le procès aux habitans de Mérindol de confisquer les biens de ceux qu’on ne pourrait
saisir, et de détruire leurs forteresses ainsi que tous les lieux qui leur servaient d’asile.
Le parlement donna un certain délai à tous ceux qui voudraient abjurer leurs erreurs; et
lorsque le terme fut expiré, il rendit ce fameux arrêt qui ordonnait que le village de
Mérindol et tous les autres qui jusqu’alors avaient été le foyer de l’hérésie, seraient
démolis; que les forteresses et cavernes où les Vaudois se retranchaient seraient
détruites; que les forêts qui leur servaient d’asile seraient coupées; que dix-neuf hommes
seraient jetés vivans dans les flammes; que tous les biens des hérétiques seraient
confisqués au profit du roi, et qu’il était défendu de donner asile, ni de fournir des
moyens de subsistance à aucuns, pas même aux femmes et aux enfans.
Cet arrêt fut rendu public. On donna un nouveau sursis à tous ceux qui quitteraient les
armes et qui se conformeraient exactement aux ordres du roi. Mais loin d’en profiter, les
Vaudois furent ravager le territoire d’Apt, et massacrèrent plusieurs habitans. Cette
inconduite leur attira de nouvelles menaces, qui étaient toujours accompagnées d’un
nouveau délai. Mais la voie de la douceur ne pouvant rien sur des hommes que
l’entêtement avait porté au crime, l’arrêt du Parlement fut mis à exécution. Vingt-quatre
villages furent livrés au pillage et aux flammes, trois mille religionnaires furent
massacrés au village de Cabrières par le vice-légat d’Avignon, qui avait levé des troupes
sans ordre exprès de son souverain. L’exécution de cet arrêt donna suite à une guerre
civile qui fit répandre le sang dans presque toutes les communes de la Provence.
L’entêtement retint nombre de familles dans l’erreur de Luther, tout comme l’entêtement
retiendrait une partie de ceux qui viennent récemment d’adopter le charlatanisme de la
nouvelle secte qui vient de naître à Paris, sous le nom de saint-simonien, si le
gouvernement employait contre les sectaires une rigueur trop sévère. En pareil cas, le
ridicule ou la persuasion font plus que la hache du bourreau. Pop. 829 hab.

MÉTAPINE. Ancienne ville construite par les premiers Marseillais à l’entrée de l’étang
de Caronte, partie sur la terre ferme et partie dans la petite île de la tour de Bouc. On en
trouve encore des vestiges.

MÉTHAMIES. Bourg du canton de Mourmoiron, à une lieue et demie de Carpentras,


sur la rive gauche de la Nasque. Il est ceint de murailles. Le territoire produit du charbon
minéral et le meilleur froment de la Provence.
Pop. 1,025 hab.

MEYRARGUES, Pagus de Meiranicis. Village du canton de Peyrolles, à trois lieues


d’Aix et à une lieue de la Durance. Il était défendu par un château fort qui existe encore.
Il est sur une élévation qui domine le village, quoiqu’il en soit séparé. Vingt-sept
chevaliers de l’ordre des Templiers y furent enfermés.
Ce château servit souvent de retraite et de boulevard aux seigneurs révoltés contre
l’autorité souveraine de nos anciens comtes. Eléonor de Comminges, mère de Raymond
de Turenne, s’y retrancha. Le duc de Savoie avait résolu d’en faire une citadelle, mais on
ne lui en laissa ni le temps ni les moyens.
La position du village de Meyrargues est tout-à-fait désavantageuse. Il est bâti dans une
gorge qui n’est ouverte qu’aux vents du nord. En hiver, le soleil n’y paraît que vers les
onze heures, et en été, il y darde ses rayons jusqu’à son coucher. Les brouillards de la
Durance y sont poussés par l’air, et occasionnent des fièvres intermittentes. On y a
souvent ressenti des secousses de tremblemens de terre, jusqu’à onze dans douze jours.
On voit, à peu de distance du village, des arceaux et des coteaux percés, anciens restes
de l’aquéduc qui portait à Aix les eaux de la Traconnade-de-Jouques. Le ciment qui lie
les pierres est plus dur que le poudingue le plus compacte.
Le sol produit du blé, du seigle, peu de vin et peu d’huile; il y a quelques prairies. Le
terrain cultivé forme la plus petite portion du territoire. Les hauteurs sont infertiles. Le
pays a de belles papeteries qui jouissent de quelque réputation. Pop. 1,010 hab.

MEYREUIL, ou MEYRUEIL, Merolium, autrefois Castrum de Marueil. Village à une


lieue et demie d’Aix son chef-lieu de canton et d’arrondissement.
C’est un démembrement du village de Saint-Marc-de-Arc. Il y avait jadis des édifices
romains qui ont dû être des villœ. On y a trouvé des médailles avec cette légende: Laus
et gloria Trajano; et au revers, Laus et honor Antonio Augusto. Le territoire est
montueux et varié; il ne produit que des céréales. Pop. 820 hab.

MEYRONNES, Meyronis. Village du canton de Saint-Paul, à 4 lieues de Barcelonnette,


dans un vallon, sur le chemin du Piémont. Il a dû être un lieu considérable. Il y avait un
beau château-fort dont on reconnaît encore l’enceinte.
C’est dans une solitude du territoire de ce village que saint Ours, prévôt du chapitre de la
Val-d’Oste, vint se retirer, et qu’il mourut. Tous les ans, le jour de la fête de ce saint, il y
a un grand concours de pèlerins qui y viennent en dévotion. Il y a peu d’années qu’on y
compta ce jour là plus de 6,000 communions. Il y a dans le territoire une mine de
charbon de terre assez considérable, mais d’un accès très-difficile. Il y a aussi une
carrière d’ardoise qui s’étend jusque près des villages du Chatelar et de Jauzier. Cette
carrière est exploitée, et fournit aux toitures des maisons de Barcelonnette et lieux
voisins.
Meyronnes et le village de l’Arche ont formé des espèces de haras qui fournissent des
chevaux, des mulets et des ânes à toutes les contrées environnantes. Les habitans vont
tous les ans jusque dans le Limousin pour se procurer des étalons et des poulins.
Ce commerce procure un grand bénéfice à ces deux com munes. Pop. 600 hab.

MÉZEL, Mezellum. Bourg chef-lieu de canton, à 4 lieues de Digne, sur la rive droite de
l’Asse que l’on passe sur un beau pont de pierre. C’est dans la plaine de Mézel et celle
d’Estoublon, sur la rive gauche de la rivière, que les Saxons furent anéantis par
Mommulus, chef des troupes du roi Gontran. Le territoire produit du vin, un peu d’huile,
peu de blé, quelques légumes, et beaucoup de prunes-Brignoles qui font le commerce du
pays. Le climat est tempéré, l’air sain. Pop. 887 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Mézel, Beynes, Bras-d’Asse,
Saint-Jeannet, Saint-Julien-d’Asse, Saint-Jurson, Château-Redon, Creisset, Espinouse,
Estoublon et Trévans.
MÉZOARGUES, ou SAINT-PIERRE-DE-MÉZOARGUES. Petit village du canton de
Château-Renard, à 5 lieues d’Arles, près la rive gauche du Rhône. Il était autrefois dans
une île de ce fleuve; de là est venu son nom dérivé du latin, in medio aquarum. Le sol est
très-fertile en blé. Pop. 340 hab.

MICHEL (SAINT). Village à 2 lieues et demie de Forcalquier son chef-lieu


d’arrondissement et de canton. On y fait un petit commerce de laine et de pourceaux. Le
sol, calcaire et sablonneus, produit des ceréales et des fruits. Pop. 941 hab.

MILLES (LES), Millia. Hameau dans le territoire d’Aix, où se trouve une blanchisserie
renommée.

MIMET, Mimetum. Village du canton de Gardanne, à 3 lieues d’Aix, sur une élévation
d’où l’on découvre l’étang de Berre et une vaste étendue de pays. Il y a une mine de
charbon de terre. Le sol donne les mêmes productions qu’à Aix. Pop. 510 hab.

MIOLANS. Voyez MÉOLANS.

MIRABEAU. Village du canton de Pertuis, à 11 lieu d’Apt, et à une petite distance de la


rive droite de la Durance. On passait cette rivière sur un beau pont au quartier de Canto-
Perdrix; il subsista jusqu’en 1745. Depuis cette époque, on ne la passe plus que sur un
bac. On a le projet d’y jeter un pont en fil de fer. La montagne de Mirabeau renferme
une grotte remplie de congélations. Le territoire est assez fertile et bien cultivé; il
produit des céréales, du vin, de l’huile et des mûriers. La forêt de Cadarache donne
beaucoup de glands; ce qui fait que dans le pays on élève des pourceaux en quantité.
Pop. 740 hab.

MIRABEL, OU MIRABEAU-LEZ-DIGNE, Mirabellum. Village du canton des Mées, à


4 lieues de Digne, et tout disséminé dans la campagne. Sol fertile en blé et en fruits. Pop.
547 hab.

MIRAMAS. Village du canton de Salon, à 7 lieues et quart d’Aix, près de l’étang de


Berre, ou plutôt de Saint-Chamas. C’était autrefois une ville fortifiée; la voie romaine
passait dans son territoire. On y a découvert plusieurs pierres milliaires et des tombeaux
antiques. En 1590, le duc de Savoie prit cette ville, la détruisit, et les pierres servirent à
bâtir le fort où il se retrancha. Le village actuel est renfermé dans ce fort. Le territoire,
très-fertile, est arrosé par les canaux de Craponne et de Boisgelin. On y recueille du blé,
des fruits et des olives; on y élève des vers à soie; on y nourrit beaucoup de troupeaux;
on y trouve beaucoup de pastel et de kermès pour la teinture, ce qui attire de l’argent au
pays. Les collines sont argileuses, et offrent des dendrites en quantité. Popul. 510 hab.

MIRAVAL. Voyez CHATEAU-DE-MIRAVAIL.


MISON, ou MIZON. Village à 3 lieues de Sisteron son chef-lieu d’arrondissement et de
canton. On y découvre fréquemment des tombeaux antiques. La pièce la plus curieuse,
est un ossuaire en verre commun, d’une forme exactement semblable à celle d’une jarre
dans laquelle on dépose l’huile d’olive, mais beaucoup plus petite. Cet ossuaire était
entier et aussi transparent que si à peine il eût été fabriqué. Des clous de fer de cinq à six
pouces de longueur, trouvés autour de ce vase, sembleraient annoncer qu’il était enfermé
dans une caisse de bois. Ce vase, couvert d’un disque de terre cuite, renfermait les
ossemens d’un jeune sujet, une phiole à parfums et une médaille au type de Domitien.

Un grand nombre d’autres urnes ont été trouvées dans la contrée; mais elles étaient
presque toutes en terre cuite. Dans quelques-unes on a vu un morceau de résine qui,
faute de moyens pour se procurer des parfums, semblerait y avoir été coulée pour
suppléer à une libation à laquelle les Romains tenaient beaucoup. Il s’y trouve une
source d’eau minérale. Le sol est assez fertile en blé et en légumes. Les collines offrent
des indices de minéraux. Le Buech passe au couchant du territoire. Pop. 1,355 hab.

MITRE (SAINT), Castrum Sancti Mitri. Village du canton d’Istres, à 10 lieues d’Aix,
sur l’étang de Berre, bâti sur une élévation par une partie des habitans de Castèou-Veiré,
Castrum vetus, et de plusieurs autres châteaux des environs que Raymond de Turenne
détruisit. Le plateau où se trouve le village domine toutes les collines de la contrée; aussi
le point de vue est magnifique. Au midi, c’est le golfe de Lyon; à l’est, c’est l’étang de
Berre et presque le sommet des Alpes; au nord, ce sont les Alpines et quelques
montagnes du Dauphiné; à l’ouest, ce sont les rives du Rhône, la Camargue, quelques
montagnes du Languedoc, et, selon le temps et la saison, la chaîne des Pyrénées.
Plusieurs étangs occupent une partie de la plaine aux environs de Saint-Mitre. Celui de
Cités est entouré de salines; les eaux de celui de la Valduc arrivent à ces salines par un
canal creusé à travers la montagne, et dans lequel les eaux s’élèvent par des vis
d’Archimède.

Les habitans sont agriculteurs, très-laborieux, passionnés pour la danse, le jeu et la


chasse, et moins lians avec les étrangers que ne le sont ceux des communes voisines. Le
territoire est d’un bon produit; il donne du vin, des figues, des amandes, des légumes et
de la bonne huile; on y recueille aussi le kermès ou vermillon. Les collines sont formées
d’huîtres pétrifiées. Pop. 1,180 hab.

MODÈNE, Maudena, Mutina. Village du canton de Mourmoiron, à 2 lieues de


Carpentras: Terroir fertile et agréable, surtout dans le vallon où coule la rivière de Mède.
On y recueille du blé, du vin, des légumes et du foin. Pop. 250 hab.

MOISSAC, Mosiacum. Village du canton de Tavernes, à 8 lieues de Brignoles. Le sol


produit du bon blé, du vin, de l’huile et des légumes. Les forêts sont en chênes blancs.
Pop. 300 hab.

MOLLE (LA), Villa de Molla. Village du canton de Saint-Tropez, à 13 lieues de


Draguignan. Son territoire fut en partie habité et cultivé par des Romains, ce qui est
attesté par des constructions auprès du château, et par des tombeaux en briques et en
pierres qui se trouvent dans la campagne. Plus tard, le territoire fut occupé par les
Sarrasins du Fraxinet. Des retranchemens en pierres sèches, élevés par ces barbares,
subsistent encore sur la pointe méridionale de la montagne de Marevieille et au fort
Figon. Après l’expulsion des Sarrasins, il y fut bâti un village mentionné dans une charte
de 1014, qui fut détruit vrai semblablement à la fin du quatorzième siècle, dans les
guerres de Charles de Duras et de Raymond de Turenne. Ses ruines se voient encore sur
la cime de la montagne de la Magdeleine, abritées au nord par une énorme masse de lave
qui semble lui avoir donné le nom de môles. Cette masse a dû servir de citadelle au
village, dans ces temps désastreux où la force seule pouvait défendre les cultivateurs
paisibles contre le meurtre et la désolation. Il n’y a plus aujourd’hui que des habitations
isolées.
Le territoire de cette commune est fort vaste; il s’étend sur une longueur de quatre
lieues, depuis les confins de la Garde-Freinet jusqu’à la mer près du cap Nègre. Il est
tout entrecoupé de hautes montagnes et de profondes vallées qui rendent les
communications très difficiles et la culture des terres peu productive. C’est dans ces
gorges sauvages et arides que des moines, de l’ordre de saint Bruno, établirent la
chartreuse de l’Averne dont nous avons déjà parlé. Il y a quarante ans, la surface du
territoire était couverte d’épaisses forêts de pins maritimes, entremêlés de buissons et de
lianes, qui les rendaient presque impénétrables. On y trouvait beaucoup de sangliers, de
cerfs, de chevreuils et d’autre gibier. A peine y voyait-on de loin en loin quelques
cabanes de paysans réduits à un état sauvage et tout-à-fait misérable. Maintenant,
quoiqu’il soit fort rare d’y trouver un homme qui sache signer son nom, la population
commence à sortir de cet état de barbarie.
Elle s’accroît sensiblement, augmente ses cultures et ses plantations et jouit des
premières nécessités de la vie. Déjà elle a ouvert un chemin roulier à travers ses
montagnes, où le pin stérile est devenu plus rare que l’utile chêne-liège. Elle a fondé une
école communale, et voté la construction d’une nouvelle église au bord de la route
royale de Toulon à Saint-Tropez, qui servira de point de réunion aux habitans encore
trop isolés.
Les montagnes de la Molle sont escarpées et généralement composées de schistes
micacés. On trouve cependant une coulée volcanique à la Magdeleine, une carrière de
serpentine à Gourbière, dont on a tiré les belles colonnes qui sont à l’Averne, et une
pierre ollaire sur la montagne de Marevieille, qui se durcit à l’air et prend un beau poli.
Elle se décompose et s’écaille par feuilles, lorsqu’elle est placée à l’air libre, dans un
autre sens que celui où elle était dans la carrière. Sur cette même montagne et au
sommet, il existe un abîme que quelques auteurs ont regardé comme un cratère de
volcan; mais c’est ce qu’aucun indice ne justifie. Le territoire offre des indices de
plomb. On avait commencé d’exploiter une mine de ce métal. Ce travail fut bientôt
abandonné; on ignore sur quel point on avait ouvert le puits. Le climat du pays est le
plus chaud que nous ayions en Provence. La plupart des arbres exotiques viendraient
bien dans les gorges, surtout si l’on y établissait des réservoirs pour retenir les eaux
pluviales, afin de s’en servir pour les arroser quelquefois pendant l’été. Le sol donnerait
aussi de toutes sortes de primeurs, tandis qu’il ne pousse que quelques mauvaises plantes
qui servent néanmoins à nourrir de nombreux troupeaux de chèvres. Popul. 361 hab.

MOLLÉGÈS, Mollegius. Village du canton d’Orgon, à 6 lieues d’Arles. Climat assez


bon. Le sol produit toutes sortes de céréales, des légumes, des pâturages abondans à
cause d’un marais, et beaucoup de mûriers, qui font que dans le pays on élève beaucoup
de vers à soie. On y voit encore les restes d’un fort qui servait de défense au pays
pendant les guerres de religion. Pop. 615 hab.

MONCLAR. Village du canton de Seyne, à 14 lieues de Digne, divisé en quatorze


hameaux. Le territoire, quoique fort montagneux, abonde en pâturages excellens. Les
prairies des vallées sont arrosées par plusieurs ruisseaux. Pop. 583 hab.

MONJEUX, Locus de Monilicis. Village du canton de Sault, à 7 lieues de Carpentras,


situé au pied d’un rocher duquel il se détache de temps en temps des blocs qui finiront
par détruire le village.
Monjeux est entouré d’un mur très-bien bâti. Une partie est en pierres taillées qui
paraissent avoir été des débris d’édifices anciens. Il y a une tour carrée qui autrefois était
couverte et avait cinq étages; elle correspondait avec celles du château de Sault et des
lieux voisins. Elles servaient, du temps des guerres civiles, à découvrir l’ennemi de loin
et à donner le signal de ralliement. D’après certaines inscriptions qu’on y a trouvées, il
paraît que les premiers habitans y avaient élevé un temple au dieu Mars. Ce temple et
plusieurs autres monumens ont dû être détruits par les Sarrasins qui résidèrent long-
temps dans cette contrée.
Il y avait autrefois à Monjeux une grande quantité de fabriques d’étoffes de laine,
connues dans le pays sous le nom de cadis et de rasetti. Cette industrie a été transportée
à Sault où elle se soutient. Le territoire produit du blé excellent et des pâturages. Pop.
994 hab.

MONS. Village du canton de Fayence, à 8 lieues et demie de Draguignan, sur une


éminence très-exposée au Maëstral, qui découvre les maisons, emporte les gerbiers
chargés de grosses pierres, et renverse les hommes qui veulent braver son impétuosité.
Le village semble diviser la basse Provence d’avec la haute. Il est exactement au-dessus
de la région des oliviers. Le climat est tempéré; il y tombe peu de neige. La partie
inférieure, toute en amphithéâtre, est couverte de vignes, d’oliviers et de figuiers. La
partie supérieure n’est qu’une haute montage entièrement nue. On y recueille de
l’excellent blé et plus qu’il n’en faut pour la consommation locale. Les habitans sont les
descendans d’une colonie génoise qui vint s’établir là. Ils ont conservé leur ancien
langage, qui n’est aujourd’hui qu’un jargon corrompu. Les gens de Mons sont fort
laborieux et fort économes. Ce sont, j’ose dire, les Chinois de la Provence; car ils ne
laissent pas le moindre coin de terre végétale sans le cultiver, dût-il ne contenir qu’une
demi-poignée de semence.
Le sol est presque tout pierreux; il offre du sable sulfurique qu’on emploie au lieu de
chaux dans la composition du verre blanc et vert. Le quartier de la Colle est entièrement
couvert de cornes d’Ammon et autres coquilles devenues pierres. Cependant il est très-
bon pour le blé. Les terres communes (lou déven) du pays fournissent des céréales et une
nourriture à nombre de petits troupeaux de menu bétail dont le crottin est précieux pour
les oliviers.
Il y avait autrefois à Mons un château seigneurial assez fort, qui avait soutenu des
siéges. En 1590, le duc de Savoie y envoya des troupes pour s’en emparer; mais elles
éprouvèrent une vive résistance. Les habitans, sur le point de se rendre, suivirent le
conseil et l’exemple d’une femme qui de sa fenêtre jeta une ruche d’abeilles contre les
assiégeans. Ceux-ci, pour se préserver de la piqûre des mouches, furent forcés de
prendre la faite; mais, deux jours après, ils revinrent, bien résolus de ne rien négliger
pour s’emparer de la place. La garnison se rendit à composition, et les habitans à
discrétion. Vingt paysans qui s’étaient mal conduits envers le seigneur du lieu furent
pendus à l’arbre de la place ou à des poutres qui d’une fenêtre à l’autre traversaient la
rue voisine.
Il y a dans le territoire de Mons une grotte souterraine qu’on dit être plus belle que celle
d’Antiparos.

Trois vastes salles, dont l’une a plus de cent mètres de longueur, offrent aux amateurs
qui viennent la visiter des curiosités sans nombre. Tout ce que l’imagination peut se
figurer est représenté sur les parois. La licence et le génie destructif sont cause qu’on a
dégradé les belles stalactites qui descendent des voûtes d’une hauteur immense, et qu’on
a brisé les jolies stalagmites qui s’élevaient de terre. Cependant cette grande cavité
présente encore de quoi satisfaire les admirateurs des ouvrages de la nature.
A environ une lieue au-dessus de la grotte, se trouve un pont naturel connu sous le nom
de pont-à-Dieu. Une très-haute montagne de rochers se divise en deux parties pour
donner passage à l’eau qui coule dans un lit très-profond; un énorme bloc de rocher
appartenant aux deux parties de la montagne sert d’arche à ce pont, qui n’est guère foulé
que par des troupeaux de menu bétail. Aussi n’est-il connu que par les bergers et
quelques cultivateurs qui fréquentent ce quartier.
A une demi-heure en dessous du village de Mons, se trouve la belle source de la Siagne,
dont les Romains avaient conduit les eaux jusqu’à Fréjus, par le moyen d’un bel
aquéduc, tantôt sous terre, tantôt raz de terre et tantôt très-élevé de terre. Ce canal existe
encore en partie. On y découvre encore des pièces de bois qui avaient servi pour les
cintres. La plupart de ces pièces ont acquis un degré de pétrification. A un quart d’heure
de son origine, le canal passe sous un énorme rocher, au bord d’un précipice affreux. On
coupa d’abord ce rocher en deux parties, pour qu’il pût donner passage aux eaux. Mais
n’ayant pas pris les précautions convenables, la partie du rocher qui se trouvait du côté
du précipice se détacha, et dût entraîner dans sa chute un grand nombre de malheureux
ouvriers qui s’y trouvaient. On recommença un même travail; mais cette fois on eut soin
de laisser entre les deux parois une partie du roc qui forme une sorte d’arche de voûte et
un tirant fort et solide. Ce rocher, ou plutôt ce passage entre deux est appelé roque
taillade. Ce travail fut fait au ciseau. On en voit très-distinctement les marques. On dirait
que cet ouvrage n’est fait que depuis quelques années, et je suis étonné qu’aucune
inscription n’indique l’époque précise; cependant il existe depuis plus de dix-huit
siècles. Quelques-uns attribuent ce travail à César, d’autres à Auguste; plusieurs auteurs
pensent que c’est Calligula, parce qu’on sait qu’il se plaisait à vaincre la nature et à
entreprendre les travaux les plus difficiles et les plus périlleux.
Pour la conservation de cet aquéduc, les Romains avaient établi de distance en distance
des tours et de petits forts, dans lesquels se trouvaient des sextum virs et des soldats. Le
premier de ces forts était sur une élévation qui domine la source. Il fut plus tard entouré
de maisons qui formèrent le village d’Avaye, dont il ne reste que des ruines. Parmi la
bâtisse du moyen âge, on distingue encore la construction romaine, et notamment deux
morceaux de piliers de la porte d’entrée du fort romain.
Le village de Mons a trois foires dans l’année: le second lundi d’avril, le dimanche après
le 29 juin et le second lundi d’octobre. Pop. 1,120 hab.

MONSSALIERS, Mons Salicus ou Selicus. Village du canton de Banon, à 5 lieues de


Forcalquier. Il y a des forêts de chênes qui donnent beaucoup de glands, qui servent à
élever dans le pays beaucoup de pourceaux dont on fait un commerce assez
considérable. Pop. 442 hab.

M O N TAGNAC, Montaniocum. Village du canton de Riez, à 12 lieues de Digne.


L’étymologie de Montagnac vient d’une petite montagne en forme de pain de sucre,
située à l’est de ce village. C’est autour de cette élévation qu’était situé le fort
Montagnac, qui, du temps des guerres de la ligue, soutint le siége contre dix mille
hommes de troupes. Rebutés par les difficultés, les assiégeans se retirèrent, après avoir
incendié tous les dehors du lieu. Cependant, peu de temps après (en 1590), ce fort fut
pris par trahison. Elzéar de Rastelles, évêque de Riez, y fut fait prisonnier et obligé de
racheter sa liberté par une rançon considérable. Le gouvernement de Provence força les
habitans de Montagnac à détruire eux-mêmes le fort et les remparts. Le duc de
Lesdiguières livra un fameux combat aux catholiques dans le territoire de Montagnac,
sur la plaine de Puberclaire. L’air de ce pays est sain. Le sol, aride, produit du vin, du
blé, des amandes, un peu d’huile excellente, des pommes de terre et surtout beaucoup de
truffes fort estimées et qui forment le commerce du pays. Pop. 723 hab.

MONTAGNAT. Voyez MANOSQUE.

MONTAUROUX, Mons Orosus Village du canton de Fayence, à 7 lieues et un quart de


Draguignan, bâti sur le plateau d’une colline dont la température, souvent variable, est le
résultat de l’inconstance des vents qui s’y font vigoureusement sentir. Sa position est
vraiment agréable. Du côté du midi et du couchant, des amphithéâtres fertiles,
complantés d’oliviers, de vignes et de toutes sortes d’arbres fruitiers, rendent les
alentours du village très-satisfaisans, malgré la raideur des chemins pour y parvenir.
Montauroux était, dans le principe, un hameau dépendant de l’ancien Calian. Il se sépara
bientôt du chef-lieu, et forma une commune particulière qui donna asile, dans la suite, a
des familles étrangères qui vinrent y apporter le produit de leur industrie et de leur petit
commerce. Son ancienne construction est entièrement disparue. Le fort Saint-
Barthélemy, dont on voit encore les ruines, ne fut bâti que dans les siècles d’ignorance et
de mauvais goût. En 1592,le duc d’Epernon fit pendre à ses créneaux cinq ou six
officiers de la garnison, et étrangler une soixantaine de soldats ou de personnes du pays
qui avaient mis le plus d’opiniâtreté à se défendre. Après, il fit abattre la forteresse.
Depuis cette époque, le village de Montauroux s’est considérablement agrandi. Sa
situation est toute en plaine; aussi ses rues sont bien percées et presque tirées au cordeau.
Sa place du Clos est fort belle et offre un point de vue magnifique. Il est à regretter que,
dans l’intérieur du village, il n’y ait pas de fontaine pour en augmenter l’agrément.
Le territoire de Montauroux est très-vaste. Une grande partie est couverte de forêts de
chênes et de forêts de pins. L’autre partie est bien cultivée, et produit du blé, beaucoup
de vin et beaucoup d’huile. Il y avait dans le pays une fabrique de faïence qui, après
avoir échoué plusieurs fois, ne fait plus aujourd’hui que de la poterie très-ordinaire.
Au quartier de Tournon, et non loin de la rivière de la Siagne, sur un rocher qui repose
lui-même sur plusieurs autres taillés à pic, dans une profondeur de plus de cent
cinquante mètres, est une tour crénelée et assez ancienne. On croit qu’elle avait été bâtie
du temps des guerres civiles. On ne peut y aborder que par un sentier fort étroit et très-
raide, fait en maçonnerie. Au-dessous de la tour se trouve un souterrain naturel qui
faisait partie d’une forteresse où tout était interdit à l’assaillant. Les paysans de la
contrée s’y étaient retranchés, lors de l’invasion de 1747, et firent éprouver des pertes
considérables aux Allemands. Ils n’abandonnèrent ce poste important que lorsque
l’ennemi, par un grand circuit, vint menacer leurs derrières.
Les coteaux et les précipices de ce quartier sont couverts de chênes verts dont l’écorce
est vendue aux tanneurs de la ville de Grasse pour en faire de la tannée; et le bois sert
pour la fabrication du charbon, dont on fait un assez grand commerce. On trouve aussi
quelques chênes-liège qu’on ferait bien de greffer aux branches en châtaigniers, comme
on le pratique ailleurs, et l’on aurait l’avantage de retirer de cet arbre un double produit.
Dans ces forêts on rencontre quelquefois le droui, sorte de chêne qui était l’arbre de
prédilection des Druides de la Celto-Lygie. Le nom seul de cet arbre, que je n’ai vu que
dans ce territoire, prouve assez qu’il était choisi de préférence par les druides, lorsqu’ils
rendaient la justice en public.
Le territoire de Montauroux proprement dit se trouve sur la bande calcaire; mais celui de
son hameau, nommé les Adrets, est sur la bande schisteuse et granitique, et fait partie de
la montagne de l’Estérel. Ce quartier offre de grandes forêts de pins d’Alep et de pins
maritimes. Ces forêts renferment quelques sangliers qui vivent en divagant dans
plusieurs territoires, selon qu’ils sont plus ou moins poursuivis par les chasseurs.
Le sol présente principalement du spath pesant. Cette substance adhérant plus fortement
aux acides que les alkalis eux-mêmes, on peut l’employer pour séparer la soude du sel
marin. On y trouve aussi une mine de charbon de terre qu’on a essayé plusieurs fois
d’exploiter. Le moment viendra sans doute ou cette exploitation se fera avec succès.
La foire du pays est le jour de la Saint-Barthélemy. Pop. 1,480 hab.

MONT-BLANC, Mons Albus. Village du canton d’Annot, à 9 1ieues de Castellane, sur


un rocher qui à la forme d’une crête de coq. Selon la tradition orale des habitans du
pays, ce village se nommait autrefois Monfleuri (mons floridus). Climat froid. Le sol
produit du blé, des légumes, des pommes de terre et beaucoup de fruits excellens. Les
montagnes sont en grande partie couvertes de pins, de chênes et de hêtres dont on se sert
pour la charpente. L’angélique y est très-commune. Plusieurs belles sources arrosent les
terres. Pop. 178 hab.

MONT-CLAR. Voyez MONCLAR.

MONT-DRAGON, Mons Draconis. Petite ville fort ancienne du canton de Bollenne, à 3


lieues d’Orange, près de la rive gauche du Rhône et au pied d’une chaîne de montagnes.
Dans le quatrième siècle, les archevêques d’Arles y fesaient battre monnaie. Dans la
suite, elle porta le titre de principauté; mais sa juridiction ne s’étendait pas bien loin.
Pendant les guerres du comtat Venaissin, elle fut le théâtre de grandes cruautés
commises par les gens de tous les partis. Elle fesait cause commune avec le lieu de
Mornas, et éprouva les mêmes châtimens. Le territoire est fort vaste; il produit beaucoup
de vin, d’huile et de blé. Pop. 2,230 hab.

MONTEUX, ou MONTEAUX, Montilii. Petite ville à une lieue de Carpentras son chef-
lieu d’arrondissement et de canton, sur la rivière de Lauzon, au milieu d’une plaine vaste
et fertile. On croit communément que son nom vient de sa situation, parce que de cette
ville jusqu’aux Alpes on ne cessait de monter, en suivant la voie romaine d’Arles en
Italie.
Cette ville est renfermée dans des murailles très-bien bâties. Elle était le séjour le plus
ordinaire du pape Clément V.
Ce fut là, qu’après sa mort, on trouva ses trésors. Ils étaient immenses, et peut être plus
considérables que ceux d’un royaume de ce temps.
Le territoire de Monteux est tout cultivé; il produit abondamment des grains de toute
espèce. Les prairies, et notamment le gros sainfoin, qu’on y cultive depuis peu, les vers à
soie, le safran et la garance donnent un revenu considérable au pays. La plaine était
naguère couverte de vastes paluds, sortes de terres vagues et marécageuses qui rendaient
la contrée malsaine. Un persan nommé Alten, ayant apporté d’Asie quelques graines de
garance, plante jusqu’alors inconnue en France, fit ses premiers essais en grand dans ces
paluds. Les racines furent si belles, si abondantes et d’une qualité si supérieure à celles
qu’on recueille en Orient, que tous ceux qui cultivèrent cette plante furent amplement
récompensés de leurs travaux, et cette culture procura la salubrité au pays. Si cette ville
eût été susceptible de reconnaissance, elle aurait sans doute élevé une statue à Alten,
pour éterniser la mémoire du double service qu’il avait rendu à Monteux et à tous les
lieux qui ont cultivé la garance avec succès. Cette ville est la patrie de saint Gens. Pop.
4,770 hab.

MONTFAVET. Voyez AVIGNON.

MONTFERRAT, Mons Ferratus. Village du canton de Callas, à 2 lieues et trois quarts de


Draguignan. Il tire son nom d’une montagne voisine qui contient une mine de fer très-
abondante. Elle était exploitée autrefois; mais la destruction des forêts des environs est
cause qu’on l’a abandonnée. Le climat de ce lieu est fort sain. Le sol abonde en terres
séléniteuses; il produit de l’huile, beaucoup de pommes et autres fruits excellens. Le
violent orage de 1827 a entraîné une telle quantité de gravier dans les prés, qu’il faudra
long-temps pour le faire disparaître. Il y a plusieurs ruchers dans le pays. Les terres
d’Espérel font partie du territoire. Pop. 770 hab.

MONTFORT, Mons Fortis. Village du canton de Volonne, à 4 lieues et un quart de


Sisteron. Le sol est d’un assez bon produit; on y recueille du blé, des fruits et des
légumes de toute espèce. Pop. 293 hab.

MONTFORT. Village du canton de Cotignac, à 3 lieues de Brignoles, et sur la rive


gauche de l’Argens. Son site est avantageux. Le territoire est garanti des vents par une
chaîne de collines, ce qui hâte la maturité des fruits et des légumes qui sont fort
recherchés, ainsi que les oignons qui sont blancs et assez gros.
Le blé, le vin et l’huile sont les principales denrés du pays. Pop. 1,140 hab.

MONT-FURON, Locus de Monte Furono. Village du canton de Manosque, à 4 lieues et


trois quarts de Forcalquier, sur une élévation. Le sol est graveleux; le vin qu’on y
recueille est assez bon. Il produit peu de blé, des olives et des fruits. Pop. 350 hab.

MONT-JUSTIN. Village du canton de Reillane, à 5 lieues de Forcalquier, sur une colline


assez élevée. En 1589, il fut assiégé et pris par le duc de Talette. Ce siége, mémorable
par la résistance des habitans et par la cruauté du vainqueur, qui les fit tous passer au fil
de l’épée, a donné lieu à ce proverbe:Il faut nous rendre, Mont-Justin se rendit.
Le territoire est assez fertile; on y recueille du blé, des légumes et des fruits de
différentes espèces. Il y a quelques forêts où l’on engraisse des cochons. Plusieurs
ruisseaux naissent dans le territoire et vont se jeter dans le Calavon. Pop. 220 hab.

MONT-LAUX, ou MONT-LAUR. Village du canton de Saint-Étienne, à 3 lieues et


demie de Forcalquier, Climat froid en hiver. Le sol produit du blé, des légumes et des
fruits. Pop. 199 hab.
MONT-MAJOUR, ou MONT-MAJOR. Montagne au nord de la ville d’Arles, composée
de madrépores et de rochers de corail. Sur cette montagne se trouVait le fameux
monastère fondé par Childebert. Le corps du bâtiment existe encore en partie, mais dans
le plus grand délabrement. Dans le temps, cette abbaye était très-riche et très-fréquentée.
On y a vu arriver à la fois jusqu’à cinquante mille personnes en dévotion. On voit près
du monastère une grotte célèbre dans la tradition du pays. On croit que c’est là que saint
Trophime se retirait pour se soustraire à la persécution. Plus tard, saint Césaire,
archevêque d’Arles, y allait aussi pour s’y livrer à la méditation.
Le monastère domine plusieurs étangs qui se trouvent au sud et à l’est, et notamment
celui de la Péluque. Il y eut, au dixième siècle, dans les épanchemens du Rhône qui
communiquent avec ces étangs, un grand combat naval qui fut très-sanglant, et où les
vénitiens furent complètement battus. Les archives d’Arles annoncent ce fait; autrement,
il serait permis d’en douter. On assure avoir trouvé dans le mur de la plate-forme sur
laquelle est bâti le monastère, de grands anneaux d’amarrage et d’autres preuves que les
escadres ou tous autres navires venaient fréquemment en cet endroit, ce qui paraît encore
plus incroyable; car le monastère est presque au haut de la montagne, et domine la ville
d’Arles.

MONT-MEYAN, Locus de Monte Mejano. Village du canton de Tavernes, à 7 lieues de


Brignoles, près la rive gauche du Verdon, et sur une élévation exposée à tous les vents.
Quelques personnes lui donnent le nom de Monte Medio, prétendant que ce lieu se
trouve au centre de la Provence; ce qui peut être en la mesurant du nord au midi, mais
non pas de l’orient à l’occident. Le climat est vif et sain. Le sol de la vallée est très-bon;
on y recueille du bon blé et des légumes. Le terrain des collines étant léger, ne donne
que du méteil. Il n’y a point de fontaines au village; un seul puits au pied du coteau
fournit aux habitans une eau très-légère. Celle des puits du village ne prenant pas le
savon, est abandonnée à l’abreuvage des bestiaux. La Salle et la Roquette sont deux
hameaux du pays. Pop. 760 hab.

MONT-PÉZAT. Village du canton de Riez, à 13 lieu de Digne, sur le penchant d’une


colline, près la rive droite du Verdon. A en juger par quelques inscriptions romaines
qu’on y a trouvées, et par les restes d’un petit temple païen en l’honneur de quelque
divinité particulière, il est à croire qu’une famille romaine y avait établi une villa assez
considérable. Les barbares dépeuplèrent le pays. Le propriétaire-seigneur de cette terre y
attira quelques valets, qui formèrent la nouvelle habitation à une belle exposition, sous
un climat tempéré. Le sol de l’amphithéâtre est bon et très-penchant, faute de pierres
pour le soutenir; celui de la plaine en dessus du village est peu fertile et très-exposé aux
vents. L’amandier y viendrait assez bien. Les principales productions sont, le blé, des
légumes, un peu de vin et un peu d’huile préférable à celle d’Aix Pop. 149 hab.

MONT-RIEUX, ou MON-RIEUX, MONS RIVULORUM. Ainsi nommé à cause de la


quantité de sources qui naissent de la montagne sur laquelle est situé le monastère de ce
nom, dans le territoire de Méounes, fondé, en 1117, par un gentilhomme italien dont
l’histoire ne nous a pas conservé le nom. Cet homme pieux étant malade, se fit
transporter à la Sainte-Baume de la Magdelaine, où il fit vœu de bâtir une chartreuse au
voisinage de cette fameuse grotte, s’il avait le bonheur de recouvrer la santé. Ayant
obtenu la guérison de sa maladie, il vendit tous ses biens, et fonda la chartreuse de
Mont-Rieux, qui reçut bientôt des dons considérables en terrains.
Cinquante-trois ans après cette fondation, les chartreux y avaient deux maisons; celle
dont nous venons de parler s’appelait maison supérieure, et servait de logement au prieur
et aux cloîtriers; l’autre, qui était la maison inférieure, était habitée par les frères
convers, et servait d’hospice; on en voit encore de grands restes qu’on nomme Mont-
Rieux le Vieux.
Les troupes de Charles de Bourbon et les hérétiques pillèrent les deux parties de ce
monastère et les renversèrent presque entièrement. La première fut rétablie, grâce à la
générosité de plusieurs puissans seigneurs, et d’autres se plurent à l’embellir de belles
pièces d’architecture et de tableaux précieux.
Pendant la révolution française, les moines furent forcés d’abandonner ce lieu de prières
et de recueillement. La terre fut morcelée et vendue à divers acquéreurs; la chartreuse et
surtout l’église furent acquises par une personne qui ne savait point apprécier une
pareille possession. Aussi, pour se procurer de l’argent, elle vendit en détail les tuiles de
ces deux édifices, ainsi que les portes, les fenêtres et toute la boiserie intérieure, et
abandonna les pièces d’architecture, les marbres et la bâtisse à la discrétion de tout le
monde.
C ‘est de cette église que M. Chevalier, septième préfet du département du Var, a fait
enlever des pièces de marbre pour réparer la chapelle de la Sainte -Baume. Le buste de
M. le comte de Valbelle, qui se trouvait sur son mausolée derrière l’autel, fut transporté à
la bibliothèque de Draguignan. Les statues représentant les quatre saisons, qui ornaient
ce mausolée, se trouvent, l’une à la Sainte-Baume, représentant la Magdelaine; l’autre
au palais de justice de Draguignan, représentant la Justice; la troisième embellit la
fontaine du palais épiscopal de la ville de Fréjus, et la quatrième remplit les mêmes
fonctions dans la ville de Toulon.
Le site de la chartreuse de Mont-Rieux est très avantageux. Si l’on y est privé de la
société des hommes, on en est amplement dédommagé par cette douce paix qui fait la
félicité de l’être raisonnable. De plus, on y respire un air pur et sain, on y jouit du
concert continuel d’une multitude d’oiseaux qui viennent pendant le jour s’égayer sous
les berceaux de verdure qui ombragent les différens ruisseaux qui arrosent la campagne
et en font un pays gracieux.

MONT-SALIER. Voyez MONS-SALIER.

MONT-VENTOUX. Haute montagne au nord du département de Vaucluse. Le sommet


s’élève à plus de deux mille mètres au-dessus du niveau de la mer. Aussi son point de
vue est magnifique et fort étendu. Il embrasse presque tout le pays qui s’étend entre le
Col de Tende en Piémont et les montagnes du Vivarais, et tout celui qui du sommet des
Alpes s’allonge vers les Pyrénées.
Des charlatans ont donné depuis long-temps de la célébrité au Mont-Ventoux, par la
prétendue vertu de certaines plantes qu’ils feignaient d’y aller chercher pendant le mois
de juin. Le peuple des environs, naturellement crédule, est dans la persuasion que cette
montagne offre des simples inconnus aux botanistes d’aujourd’hui, et dont la vertu
pourrait prolonger la vie au moins d’un siècle. Il suffit qu’une plante de cette montagne
soit étrangère aux régions inférieures, pour que le peuple le regarde avec une sorte de
vénération.
Cette montagne est calcaire à sa superficie, et passe subitement à la nature granitique. Le
moindre déchirement de la bande secondaire met à découvert le schiste et le granit. Des
fragmens de pierres schisteuses encombrent les ravins qui sillonnent la montagne du
haut en bas.

MORERII, Peuple celto-lygien qui occupait le territoire du Moriès près Castellane.

MORGON. Montagne. Voyez UBAYE.


MORGIOU. Cap de la côte maritime du département des Bouches-du-Rhône, au midi de
Marseille.

MORIÈS, ou MOURIÈS, Moreriœ. Village du canton de Saint-André, à 5 lieues de


Castellane, divisé en quatre hameaux. Les Morerii, peuplade celto-lygienne, habitaient le
territoire, où se trouve une source d’eau salée. Le sol produit du blé, des faits et
d’excellens légumes. On y élève des troupeaux dont la laine et les fromages en
provenant attirent de l’argent au pays. Pop. 953 hab.

MORNAS, Morenatum ou Mornacium. Bourg du canton de Bollenne, à 2 lieues


d’Orange, et sur la rive gauche du Rhône. C’est en ce lieu que les protestans, par leur
cruauté, s’attirèrent le plus la haine des catholiques du comtat Venaissin. Ils se saisirent
d’un grand nombre d’habitans et de soldats de la garnison du château, parce qu’ils
étaient catholiques, et du haut de ce château, qui était sur un rocher escarpé, ils les
précipitèrent la tête première; leurs cadavres furent traînés par les rues et jetés dans le
fleuve. On mit sur chacun des cadavres un billet avec ces mots adressés à Serbellon, qui
commandait les catholiques à Avignon: Laissez-le passer en liberté, il a payé les droits à
Mornas.
L’histoire nous raconte qu’un seul des soldats catholiques échappa à la mort par un
double miracle.
Il s’accrocha en tombant à un figuier sauvage qui avait crû dans une crevasse du rocher.
Les protestans lui tirèrent nombre de coups d’arquebuse sans l’attraper. Le chef des
furieux ordonna qu’on laissât vivre ce catholique, attendu que la providence veillait sur
lui.
Le territoire produit principalement du blé, du vin et de l’huile. Pop. 1,675 hab.

MORVAN. Cap de la côte maritime du département du Var, près de Bormes.

MOTTE (LA), Motta. village à 2 lieues et quart de Draguignan son chef lieu
d’arrondissement et de canton, sur la rive gauche de la Nartubie. Il y avait autrefois des
forges où l’on fabriquait des boulets de canon. Climat tempéré. Les chaleurs de la
canicule y sont très-fortes. Territoire fort vaste, depuis qu’on y a réuni une partie de celui
d’Esclans. Le sol est mauvais, en général. La partie arrosable et quelques petits coteaux
produisent du blé, du vin, de l’huile et des légumes excellens. On y néglige à tort les
melons, qui étaient préférables à ceux des Arcs. On trouve dans le territoire beaucoup de
tuf, des bandes d’un granit grisâtre composé de sablon quartzeux, de mica, de scorie et
de feld-spath. On y trouve aussi des pyrites et des filons métalliques. La rivière offre une
belle cataracte nommée le saut du capelan, parce qu’on prétend qu’un prêtre y avait été
entraîné par le courant de l’eau. Pop. 860 hab.

MOTTE-D’AIGUES (LA), Mota Aiguezii. Village du canton de Pertuis, à 7 lieues


d’Apt, et au nord de l’étang de la Bonde qui a une lieue de circonférence. On y
commerce en laine. Les productions et l’industrie sont les mêmes qu’à la Tour d’Aigues.
Population 465 hab.
MOTTE (LA). Village du canton de Bollenne, à 5 lieues d’Orange, près le pont Saint-
Esprit. Populat. 490 hab.

MOTTE-DU-CAIRE. Village chef-lieu de canton, à 5 lieues de Sisteron. Sol


montagneux et aride. Les jours de foire sont, le lundi avant Saint-Marc, le lundi avant
Saint-Michel et le lundi avant la Toussaint. Pop. 750 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, la Motte, le Caire, Château-
Fort, Clemensane, Claret, Curban, Melve, Nibles, Sigoyer, Thèze, Vallavoires, Valernes
et Vauménilh.

MOUANS, Movens. Village du canton de Cannes, à une lieue et demie de Grasse. Il fut
détruit de fond en comble par les Sarrasins, et rebâti par les gens du pays auxquels se
joignirent plusieurs familles génoises. En 1592,le duc de Savoie, forcé de quitter la
Provence, passa par Grasse, et les habitans l’engagèrent à châtier le village de Mouans, à
cause qu’il avait donné des preuves de son attachement au roi. Le village n’avait pour
toute défense que le courage héroïque de Suzanne de Villeneuve, sa baronne, qui soutint
pendant plusieurs jours en siége meurtrier contre le duc et son armée. Elle ne se rendit
qu’à la condition que le village et le château seraient respectés. Le duc lui donna sa
parole; mais il y manqua en faisant démolir le château. La baronne, furieuse, se plaignit
hautement du duc, jusqu’à ce que celui-ci lui eut promis quatre mille écus pour
l’indemniser en partie du dommage qu’elle avait essuyé. Mais loin de satisfaire à cette
seconde promesse, le duc partit avec son armée et se dirigea vers ses états. La baronne
courut après lui, l’atteignit dans la plaine de Cagnes, et quoiqu’il fût au milieu de ses
soldats, elle lui rappelle courageusement sa promesse. Le duc, loin de répondre, se
dispose à s’enfuir; la baronne alors saisit la bride du cheval, l’arrête; ses regards et ses
paroles firent tellement trembler le prince savoyard, qu’il fit sur le champ satisfaire la
baronne.
Le village de Mouans est tout en plaine. Ses rues sont tirées au cordeau et d’une largeur
proportionnée. On y construit en ce moment, au quartier de la Foux, une fabrique pour
travailler le fer et pour faire toutes sortes d’objets de taillanderie à la mécanique. Les
productions sont les mêmes qu’à Grasse. Population 660 hab.

MOUGINS, autrefois MONGINS. Village du canton de Cannes, à 2 lieues et quart de


Grasse, et sur une élévation. On croit qu’il fut bâti par les anciens habitans de la ville
d’Ægytna, capitale des Oxibiens; et que son ancien nom de Mongins vient par
contraction du latin, Mons-Ægytnœ. Quelques-uns le font dériver de Mons Géminus, en
disant qu’il se trouve sur un des deux mamelons qui, vus de la route venant d’Antibes,
paraissent égaux comme deux jumeaux. Cette dernière étymologie n’est pas du tout
vraisemblable, d’autant plus qu’en venant d’Antibes, on ne voit pas un second mamelon
comparable à celui où se trouve le village dont nous parlons.
Au sud-est de Mougins, il y avait naguère un lac ou plutôt un marais considérable qui
fourinissait beaucoup d’anguilles, et où l’on allait à la chasse des oiseaux aquatiques,
dont le passage a lieu dans la saison du froid. Les eaux stagnantes de ce marais rendant
les environs malsains, on est parvenu à le dessécher, et on a rendu à l’agriculture un
terrain très-fertile et très productif.
Dans le territoire de Mongins il y a une mine abondante de terre alumineuse. La
commune, moyennant une modique redevance, permettait aux potiers de Vallauris
d’exploiter cette mine pour l’usage de leurs fabriques. Mais un de ces potiers, plus
clairvoyant que ses collègues, fit des expéditions de cette terre à Marseille, où il en
retirait un bénéfice considérable. La commune, instruite de ce trafic illicite, jugea à
propos de faire exploiter elle-même cette mine, et en retirer tous les ans un fort produit.
Cependant elle aurait dû songer à faire extraire l’alun dans le pays, et le bénéfice aurait
été plus considérable. Il n’y a pas long-temps qu’on a trouvé dans le territoire un bloc de
pierre lithographique d’une qualité supérieure à celles connues. Aussi des géologues y
sont venus expressément de la capitale pour tâcher de découvrir la carrière de cette
pierre. Il paraît que les recherches ont été infructueuses.
Depuis quelques années, ce pays a été témoin de plusieurs grands crimes d’assassinats
d’habitans contre habitans. On y a vu jusques à une mère faire assassiner par son frère
un fils unique qu’elle avait.
La campagne de Mougins est très-bien cultivée, et donne les mêmes productions que
celle de Grasse, à la différence que la partie au midi fournit des primeurs. Pop. 1,970
hab.

MOURE (LA). Hameau dans le territoire de la Garde-Freinet.

MOURET. Cap de la côte maritime du département du Var, près de Seyne.

MOURIÈS. Village du canton de Saint-Rémy, à lieues d’Arles, au nord de l’étang des


Baux. Le sol donne du blé, du vin et du foin. Pop. 1,900 hab.

MOURIÈS. Autre village près Castellane. Voyez MORIÉS.

MOURMOIRON, OU MORMOIRON, Murmurio. Ville chef-lieu de canton, à 2 lieues


de Carpentras. Territoire fertile en huile, vins, fruits à noyaux et à pépins. La rivière
d’Auzon, qui arrose les terres basses, y procure l’avantage d’avoir des prés et des
jardins. On y trouve beaucoup d’ocre, et des terres bolaires dont on se sert à Carpentras
pour la fabrication de l’eau-forte.
Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, Mourmoiron, Bédouin,
Blauvac, Crillon, Flassan, Malemort, Méthamis, Modène, Saint-Pierre-de-Vassols et
Villes. Pop. 2,100 hab.

MOUSQUIER. Petit port sur la côte maritime du département du Var, près de Bormes.

MOUSTEYRET. Voyez CABRIS.

MOUSTIERS, Monasterium. Ville chef-lieu de canton, à 10 lieues de Digne, près la rive


droite du Verdon. Son nom primitif est inconnu. Cependant elle fut habitée par des
Romains, ce qui est attesté par une inscription et plusieurs tombeaux qu’on y a trouvés.
La ville actuelle est bâtie en amphithéâtre, sur une masse de tuf, au pied d’une chaîne de
rochers calcaires d’une hauteur prodigieuse, coupée par deux ravins qui bordent la ville
proprement dite à ses deux extrémités. Celui qui est au sud-est de la ville, donne une
source d’eau vive assez abondante, qui alimente plusieurs belles fontaines et met en
mouvement des papeteries, des moulins à triturer les métaux qui entrent dans la
composition de la faïence, et des pressoirs à huile dont un, fort vaste, se trouve sous un
énorme rocher. Les chutes d’eau de ce ravin, pratiquées par la nature dans des rochers
couverts de lichen, de mousse et de capillaire, les ponts qui y sont multipliés, les arcs qui
soutiennent les aqueducs, les prairies qui couvrent la plus grande partie des terres au-
dessous de la ville, et les ruisseaux qui y serpentent, bordés de peupliers et autres arbres,
offrent à l’étranger un spectacle riant et pittoresque qui fait un contraste étonnant avec
l’horreur qu’il éprouve à l’aspect des montagnes nues, taillées à pic, qui forment le fond
du tableau.
Il y a au-dessous de la ville, et au pied de la montagne, des grottes où l’on prend des
pièces de tuf très-curieuses par leurs ramifications. Au sud-est de la ville, et à environ
cinq cents pas, il y a une tour qui était autrefois sur les remparts, et qui répond à la porte
des Oules qui se trouve à l’autre extrémité; ce qui prouve que Moustiers était autrefois
une ville beaucoup plus considérable.
Sur la montagne taillée à pic, il y a une vieille masure qu’on appelle la Cacholo. On
prétend que c’est une ancienne tour où l’on renfermait les prisonniers. Son nom semble
assez l’annoncer; mais rien ne peut le prouver.
Ce que Moustiers offre de plus remarquable, c’est une grande chaîne de fer qui lie deux
hautes montagnes par le milieu. Elle a environ deux cents mètres de longueur, et de la
ville ou du faubourg, l’œil aurait de la peine à l’apercevoir, s’il n’avait pour guide
l’étoile qui est au milieu, et qui ne paraît que comme un petit point noir. On dit qu’elle y
fut mise à l’occasion d’un vœu fait à Notre-Dame du lieu par des navigateurs
puissamment riches, au moment d’une grande tempête qu’ils essuyèrent sur mer. Il était
convenu de faire cette chaîne en or; mais dans la crainte qu’elle ne fût enlevée par la
cupidité, on préféra la faire en fer, et donner le surplus en numéraire à la chapelle de
Notre-Dame, qu’on voit encore au milieu d’un affreux précipice. D’autres personnes
prétendent que cette chaîne est un monument de la dévotion guerrière des anciens preux.
On croit qu’elle se rattache aux siècles galans de la chevalerie provençale, et qu’elle
atteste une entreprise héroïque d’armes, soit de courtoisie et pour servir la beauté, soit de
patriotisme et contre les ennemis du prince; entreprise périlleuse sans doute, et dont un
vœu bizarre, exaltant la valeur du combattant et redoublant ses forces, aurait procuré le
succès.
Un auteur contemporain pense, et je suis de son avis, que ce vœu doit être attribué à la
ville de Moustiers elle-même.
— Les rochers, dit-il, au pied desquels la ville est bâtie, séparés les uns des autres par
des fentes et des crevasses très-profondes, menacent sans cesse de se détacher et
d’écraser les maisons sous leurs masses. Plusieurs habitations ont déjà été les victimes
de ces écroulemens. Il y a peu d’années encore, qu’un bloc très-considérable, qui se
détacha au-dessus de la ville, en aurait abîmé tout un quartier si, par grand bonheur, il ne
s’était arrêté à quelques toises au-dessus des premières maisons, où on le voit encore.
En montant à l’église de Notre-Dame, dite de Beauvoir, on remarque à droite, entre des
rochers monstrueux dont l’un semble comme suspendu au-dessus du faubourg qu’il
écraserait en totalité, s’il venait à se renverser une espèce de plancher en bâtisse,
horizontalement jeté d’une roche à l’autre, et qui est destiné, dit-on, à faire connaître si
la masse qui menace le faubourg fait quelque mouvement. Il n’est personne qui, en
allant à Notre-Dame ou en suivant le chemin pratiqué dans cette gorge, ne porte, en
passant, les yeux sur ce plancher; et si on s’apercevait qu’il fût survenu quelque
intervalle entre lui et la pierre, ce serait un signe que celle-ci aurait perdu son aplomb, et
l’alarme serait donnée au quartier.
— D’après cela, il ne semble pas impossible que les anciens habitans de Moustiers, dans
la vue de prévenir les malheurs dont ils sont menacés, aient placé leur ville sous la
protection de la Sainte Vierge, et qu’ils aient jeté une chaîne entre ces deux rochers,
comme pour les assujettir sous la tutelle de la divine protectrice en qui ils auraient placé
leur confiance: l’étoile suspendue au milieu de la chaîne serait alors le symbole de la
Sainte Vierge.
On parvient à la chapelle de Notre-Dame de Beauvoir par des marches étroites taillées
dans le roc. On croit que c’est Charlemagne qui la fit bâtir. Tout ce que nous pouvons
assurer, c’est qu’elle a été dans tous les temps fort fréquentée.
En 1684, une partie de la ville fut emportée par une inondation extraordinaire. Les eaux
qui se filtrent dans les terres pour ressortir plus bas, ont dû former à la longue des cavités
souterraines; ce qui est cause que de temps en temps elles s’affaissent et s’engloutissent
sur les débris de leurs fondemens.
On trouve à Moustiers un grand nombre de fabriques de faïence qui jouissent de la plus
grande réputation. C’est ce qui fait valoir le pays et lui attire des étrangers. Autrement,
ce pays ne serait visité que par quelques muletiers de la haute Provence.
Le climat est assez doux à la ville. Quelquefois, en été, le reflet des rochers donne une
chaleur qui précipite les récoltes. Le haut des montagnes est très-froid, parce que la
partie supérieure est au-dessus de la région des oliviers. Le sol est fertile en foin, blé,
vin, huile et fruits. Il y a une foire le premier mai de chaque année. Pop. 1,760 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Moustiers, Château-Neuf-
les-Moustiers, Levens, la Palud et Rougon.

MOUTTE. Cap de la Moutte, sur la côte maritime du département du Var, près de Saint-
Tropez.

MUJOULX (LES), Mugillus. Village du canton de Saint-Auban, à 13 lieues de Grasse.


Climat très-froid en hiver. Les principales productions sont, le blé, le vin et les
châtaignes. Les collines renferment beaucoup de minéraux. Pop. 295 hab.

MURE (LA), Mure. Village du canton de Saint-André, à 5 lieues de Castellane, près du


Verdon. L’exposition du territoire de ce village dédommage les habitans des rigueurs de
l’hiver. Si le pays n’offre pas d’amusement, du moins on a la satisfaction de n’y mourir
presque que de vieillesse. Le sol, quoique ingrat et stérile, produit des légumes. L’Issole
fournit de l’eau à quelques prairies. Pop. 295 hab.

MURS, ou Mus. Petit village du canton de Gordes, à 6 lieues d’Apt. Te r r i t o i r e


extrêmement montagneux, où se trouve une vaste forêt. Productions, les mêmes qu’aux
lieux voisins. Pop. 644 hab.

MUTATIO CYPRESSETA. Voyez CYPRESSATA.

MUY (LE), Castrum de Modio. Joli village du canton de Fréjus, à 3 lieues et un quart de
Draguignan, bâti dans la plaine près du confluent de la Nartubie dans la rivière
d’Argens.
Turris de Modio, ou plutôt de Medio, ne désignait, sous les Romains, que la tour qu’on
voit encore en très-bon état au bas du village. Le nom de Turris de Medio semble ne lui
avoir été donné que parce qu’elle se trouvait sur la route et à la mi-chemin d’une station
militaire à une autre station, c’est-à-dire qu’elle se trouvait à une égale distance de
Forum Julii (Fréjus) et de Forum Voconii (Taradeau). C’est dans cette fameuse tour que
s’enfermèrent sept gentilshommes provençaux qui avaient projeté de faire périr
l’empereur Charles-Quint, lorsqu’il venait pour s’emparer de la Provence. La machine
qu’ils employèrent écrasa effectivement la voiture du prince; mais comme en ce moment
il se trouvait à cheval, il fut assez heureux d’échapper à ce danger. Les sept
gentilshommes, voyant qu’ils avaient manqué leur coup, se défendirent en désespérés
contre toute l’armée. Cinq furent blessés mortellement, et les deux autres, ne pouvant
plus se défendre, capitulèrent. L’empereur ne fut pas magnanime à leur égard. Au lieu de
leur conserver la vie, ainsi qu’il l’avait promis, il les fit pendre à l’instant à un mûrier
qui se trouvait près de la tour.
Vers l’an 1588, les ligueurs assiégèrent le château du Muy. Le seigneur fut assassiné par
les assiégeans. La marquise, toute effrayée, se sauva sur le toit d’une maison voisine, et
en sautant, elle se trouva accrochée par sa jupe et suspendue à un tuyau de cheminée.
C’est dans cet état, qu’une demi-heure après, elle fut dégagée par les assassins de son
mari, qui, touchés de pitié ou peut-être de remords, eurent la générosité de lui laisser la
vie et l’honneur.
Une partie du territoire d’Esclans a été réunie à celui du Muy. La Nartubie arrose ce
dernier, fournit aux tanneries du pays, et met en mouvement nombre de scieries à
planches qui font la principale industrie du pays. Le sol, cultivé, produit du blé du vin,
de l’huile, du foin très-estimé, des plantes potagères, des légumes et des fruits,
principalement des pêches. Le territoire offre une grande étendue de terres tophacées qui
ne produisent de l’avoine qu’avec peine. Le hasard fit qu’un propriétaire répandit de la
glaise sur cette terre; les plantes qui y vinrent donnèrent beaucoup plus de paille et de
grains. La vigueur extraordinaire qu’on leur remarqua surprit tout le monde et n’éclaira
personne.
Les montagnes du Muy offrent du beau granit et des porphyres, et la vallée un courant
volcanique.
La partie du territoire au nord et en delà de la Nartubie est réputée stérile. On y trouve
cependant le ciste ladanifère en grande quantité, et de grandes forêts de pins où l’on
fabrique la poix et la résine. On y trouve des forges qui depuis long-temps avaient été
abandonnées. On a essayé dernièrement de les remettre en activité. On prétend que les
entrepreneurs ont été payés pour les abandonner de nouveau. Le commerce du pays
consiste en planches qu’on embarque par radeaux sur l’Argens, et ce commerce fait que
tout le monde y est dans l’aisance.
A trois quarts de lieue du Muy, et sur la rive droite de l’Argens qu’on passe sur un bac,
est un désert curieux sur une élévation, au pied d’une montagne de rochers granitiques
dont les déchiremens et les éboulemens forment une infinité de petits sites fort
agréables. On parvient à la chapelle de Notre-Dame de la Roque par un chemin étroit et
tortueux, sous un berceau de verdure. A chaque contour était autrefois une madona où
les fidèles faisaient des stations. Auprès de la chapelle est un ancien monastère qui fut
occupé par des grands Trinitaires. Les moines abandonnèrent un des plus jolis déserts de
la Provence et un climat très-sain pour aller habiter la capitale de la province. Tout près
du couvent et de l’ermitage, on trouve des places formées par la nature. Elles sont bien
gazonnées et ombragées par des arbres venus au hasard et d’une grande élévation. A
côté, l’on voit de grosses dales détachées de la montagne, appuyées d’un seul point sur
un bloc de granit, formant des sortes de cellules ou plutôt des abris contre la pluie et
l’ardeur du soleil; non loin de là, une montagne de rochers, d’une hauteur prodigieuse,
déchirée depuis le haut jusqu’au bas, et formant un passage fort étroit qui conduit dans
un place intérieure où jamais les rayons du soleil n’ont pénétré. Les uns croient que ce
déchirement a été causé par les eaux du déluge, ce qui n’a pas le sens commun; les
autres pensent qu’il n’est dû qu’à quelque volcan, et c’est ce qui est le plus
vraisemblable. Les anciens religieux l’attribuaient à une cause divine. Aussi gravèrent-
ils sur le rocher ces paroles de la passion: Et petrœ scisserunt.
A une petite distance de là, on trouve un antre appelé le saint Trou. Tous ceux qui
visitent ce désert croiraient ne le connaître qu’imparfaitement, s’ils n’avaient point passé
par le saint Trou. C’est une crevasse dans le rocher, où, sans la moindre lumière, on
grimpe au hasard jusqu’à une certaine hauteur, pour passer avec difficulté, et en se
traînant, entre trois rochers qui ne laissent qu’un étroit passage à une personne. Après,
on se trouve dans une grotte assez éclairée et dont la voûte s’élève fort haut. On sort de
cette grotte pou rentrer dans un long et large déchirement de la montagne, nommé le jeu
de ballon, qui est entièrement ouvert aux deux extrémités.
Le point de vue de cette montagne est magnifique et des plus étendus. Il s’étend depuis
les Alpes jusqu’à l’île de Corse, et voit à ses pieds toute la vallée depuis Draguignan
jusqu’à Fréjus. Les voyageurs se plaisent à s’égarer dans les bosquets qui avoisinent
l’ermitage, et où l’on trouve plusieurs sortes d’arbres exotiques.
Le Muy a deux foires dans l’année, savoir; le sept janvier et le troisième lundi après
Pâques. Population 2,050 hab.
N
NAGAYE. Voyez AGAY.

NANS, autrefois NANTE. Village du canton de Saint- Maximin, à 6 lieues de Brignoles,


à l’ouest et au pied
de la montagne de la Sainte-Baume. L’ancien village
était sur une colline où l’on voit encore les restes d’un château fort qui a dû être
important. Du temps des guerres civiles, les furieux détruisirent non seulement le
village, mais encore un grand nombre de maisons de campagne dont on voit les ruines
sur le penchant de la colline. Climat froid en hiver; air des plus sains. Le pays manque
de bras pour l’agriculture. Cependant on y recueille du blé, du vin, de l’huile et de tous
les fruits de la basse Provence. Il y a une fabrique de poterie. Les montagnes et la plaine,
qui est fort vaste, n’offrent partout que mines de charbon de terre qui pourraient fournir
à plusieurs manufactures de verre. Cette plaine est toute pierreuse; elle est battue par le
vent, qui s’y engouffre. Le sol est très-maigre; après plusieurs années de culture, il ne
produit qu’à force d’engrais. Les foires sont, la seconde fête de la Pentecôte et le 10
août. Pop. 1,060 hab.

NAPOULLE (LA). Les Romains avaient construit une ville maritime sue la voie
aurélienne même, au pied de l’Estérel, près de l’embouchure de l’Acro. Cette ville
portait encore au douzième siècle le nom d’Avenionetum ou Avenionis Castrum. Un
auteur moderne a prétendu que ce lieu s’appelait Epulia, et de ce mot il a fait La
Napoulle. Mais la généralité des auteurs s’accordent à dire que le nom de Napoulle est
formé du grec Neapolis, qui signifie Villeneuve, nom qui fut donné à cette ville dans le
treizième siècle, c’est-à-dire lorsqu’on reconstruisit ce lieu qui avait été détruit par les
Sarrasins, et les habitans menés en esclavage. On ne sera pas en peine de le croire,
quand on saura qu’à cette époque le seigneur du lieu s’appelait De Villeneuve.
En 1530, les Sarrasins vinrent de nouveau incendier cette ville, et chargèrent de chaînes
les malheureux qui l’habitaient. On voit encore dans la mer une partie d’un port très-
bien conservé que Marius fit construire avec élégance; preuve inconstestable que ce lieu
devait être important. La voie romaine le traversait, et suivait la côte jusqu’à Fréjus.
La Napoulle n’est aujourd’hui qu’un hameau de Fréjus, devenu très-malsain à cause des
marais de la plaine de Laval et de l’étang de la Napoulle, qui donnent la mort à presque
tous ceux qui ont la témérité d’y passer une saison d’été. Le Riou ou torrent de
l’Argentière, qui prend sa source sur la montagne de l’Estérel, vient baigner ses murs.
On peut le passer sur un vieux pont en très-mauvais état; mais le chemin de détour qui y
conduit est aussi dangereux que le torrent lors de ses crues. Ce torrent emporte les
voitures et les charrettes chargées, et la Siagne submerge une grande partie de la plaine.
Le département du Var a toutes ses routes en assez bon état, moins celle qui se trouve
dans les plaines de Laval et de la Napoulle, où le voyageur court le plus grand péril.
C’est près du hameau de la Napoulle que naguère on a cultivé en grand la patate du
Malaca. Cet essai a parfaitement réussi. Si ce fruit réussissait de même dans les bons
fonds de la Provence, les habitans perdraient presque l’habitude de manger du pain et
des pommes de terre, tellement le goût de la patate leur serait préférable.

NARTUBIE. Voyez ARTUBIE.

NARTUBY, OU ARTUBY. Rivière qui prend sa source aux montagnes au nord-ouest de


Séranon, et qui se jette dans le Verdon près d’Aiguines.

NASQUE, OU NESQUE. Rivière qui prend sa source au-dessous du Revest-de-Bion,


passe à Venasque, à Pernes, et va se jeter dans la Sorgue.

NAZAIRE (SAINT), en provençal Sanari. Bourg du canton d’Ollioules, à 3 lieues de


Toulon. M. de Beaufort le nomme Saint-Nazaire-Beau-Port.
En 1508, seize familles déguerpirent du lieu d’Ollioules pour venir sur le bord de la mer
jeter les fondemens d’une nouvelle habitation, qui prit le nom de Saint-Nazaire. Sa
situation lui attira bientôt de nouveaux habitans. En 1610, sept frères nommés Laget
combattirent vaillamment contre des barbares africains que Philippe III, roi d’Espagne,
avait chassé de ses états. En 1663, selon les uns, ou en 1668, selon les autres, la
population, étant assez nombreuse, obtint l’autorisation de s’ériger en commune, sous la
condition que les habitans construiraient à leurs frais un port à même de contenir seize
galères. Cet emplacement avait été reconnu important par les Romains. On y voit encore
sur le quai, et vers le centre du port, une tour carrée fort ancienne qui servit long-temps
d’asile aux habitans du voisinage contre l’incursion des pirates. Cette tour a plus de
quarante mètres de hauteur. Elle est encore en très-bon état; mais elle n’est plus comme
autrefois entourée des eaux de la mer, qui en défendait l’approche par terre. En 1707,
cette même tour, ayant six pièces d’artillerie, força la flotte anglo-sarde à se retirer, après
avoir essuyé des pertes assez considérables. Louis XIV récompensa le courage et la
valeur des braves du pays qui défendaient cette place, et notamment le chef, pour le
dédommager du bras que le boulet ennemi lui avait emporté.
L’approche du port de Saint-Nazaire est défendue par la batterie du cap Nègre dans le
territoire de Six-Fours, par celle de Portissol où l’on trouve une carrière de pierre de
grès, et par celle de la Cride qui défend également la ville. Ce port est d’une utilité
incontestable, ne fût-ce que pour servir d’abri aux navires marchands, et à ceux qui sont
employés pour le service du chantier de construction de la marine royale, et cependant il
est entièrement négligé. En 1812, trente-six mille francs furent affectés pour le réparer;
mais la débâcle de Russie fit que cette somme n’a jamais été livrée. En 1824, la veille de
Noël, une affreuse tempête coupa le môle et exposa le port à la moindre tempête. Plus de
quatre-vingts capitaines marins de la ville d’Arles réclamèrent pour qu’on réparât les
môles et le port de ce lieu, comme étant un des plus sûrs entre Marseille et Toulon; mais
cette réclamation est restée sans effet. Aussi cette construction dépérit chaque jour,
malgré les sommes que la commune emploie pour l’entretenir. Ce port n’est à peine bon
aujourd’hui que pour des barques, tandis que s’il était réparé, les vaisseaux y seraient
comme dans un bassin. Le mouillage est excellent. Il suffirait d’une bonne forteresse,
pour empêcher une forte escadre ennemie d’en approcher.
Le bourg de Saint-Nazaire fournit à la marine royale d’excellens marins. Le territoire est
peu étendu; il produit du blé, du vin et un peu d’huile. Population 2,700 hab.

NÈGRE. Cap de la côte maritime du département du Var, qui forme la baie de Six-
Fours.

NÉMALONI, OU NÉMOLANI. Peuplade celto-lygienne qui se trouvait sur la rivière de


l’Ubaye. C’était une division des Ésubiens, qui occupait le territoire de Méolans, et
s’étendait jusqu’au pays des Embusiens, sur les rives du Bachelard, et dans l’ancienne
Vallis Nigra. Voyez BARCELONNETTE,

NÉMANTURI. Autre peuplade celto-lygienne qui, selon les apparences, occupait les
rives de l’Ubaye en dessus de Barcelonnette et près de Jauzier. Elle était également
voisine des Embusiens. Il est parlé de ce peuple dans le trophée des Alpes, dont Pline
fait mention,

NÉOULES, Nonnula. Petit village du canton de la Roquebrussane, à 4 lieues de


Brignoles, et sur un coteau. L’ancien lieu se trouvait sur une colline en forme de pain de
sucre, et était dominé par une tour et défendu par des remparts dont on voit encore des
vestiges. Le climat est sain, l’air vif. Le sol produit des céréales, du vin, des légumes, de
bons fruits et peu d’huile. La Nissole prend sa source au pied d’un rocher près du
village. Pop. 670 hab.

NÉRUSI, ou NÉRUSII. Peuple celto-lygien qui habitait à Vence et ses environs jusqu’au
Var. Il était compris parmi ceux qui faisaient partie des Alpes Maritimes. Il donna asile
aux Déciates, lorsque ces derniers furent forcés de céder le littoral aux Marseillais.

NESQUE. Voyez NASQUE.

NIBLES. Petit village du canton de la Mote, à 3 lieues et demie de Sisteron, une lieue de
la rive gauche de la Durance, et sur la petite rivière de la Sasse, qui arrose les jardins et
les prairies. Le territoire est mélangé de bon et de mauvais terrain. Ce dernier domine
par le manque de cultivateurs. Le blé, les légumes et les fruits y sont d’une bonne
qualité. Il n’en est pas de même du vin. Le climat est tempéré en été et très- froid en
hiver.
Il sort d’une montagne une source d’eau salée auprès de la Sasse. Elle est plus ou moins
chargée de sel, suivant que les eaux de la rivière sont plus ou moins élevées. A deux
cents mètres en dessus se trouve une belle source d’eau douce qui, par sa position, ne
peut être utilisée à rien. Le pays est très-pauvre. Pop. 182 hab.

NICOLAS (SAINT). Fort de Marseille qui défend l’approche des flottes ennemies et
commande la ville.

NIOZELLES. Village sur une hauteur, à une lieue de Forcalquier son chef-lieu
d’arrondissement et de canton. Climat tempéré; sol sablonneux, qui produit du froment,
du seigle, de l’avoine, de l’épeautre et quelques légumes. Pop. 293 hab.

NORANTE, Noranta ou Norentuna. Petit village réuni à celui de Chaudon, du canton de


Barrême, à 6 lieues de Digne, situé dans un pays hérissé de montagnes, sur la rive droite
de l’Asse. On y recueille du vin, de l’huile de noix et beaucoup de fruits, principalement
des prunes-Brignoles. Le ruisseau du Turoulet y cause souvent bien des dégâts.

NOVES, Castrum de Novis. Bourg du canton de Château-Renard, à 5 lieues d’Arles, et


sur la rive gauche de la Durance. Il est fort ancien. Il était autrefois ceint de murailles et
entouré de fossés profonds souvent remplis d’eau. Sur une élévation était un château fort
qui servait de retraite aux séditieux, d’où ils faisaient des courses dans les lieux voisins.
Louis XIII le fit démolir en 1611. Ce château avait appartenu à la famille de Laure, pour
qui Pétrarque prodigua tant de vers. La cour d’amour des environs d’Avignon y avait
siégé quelquefois, à cause de sa proximité et de l’agréable situation où il se trouvait. Le
territoire produit du blé, du vin, de l’huile et des fruits. Il y a une foire le 31 du mois
d’août. Pop. 1,720 hab.

NOYER, Naceriœ, autrefois Noguerium. Gros village chef-lieu de canton, à 3 lieues de


Sisteron, dans la vallée du Jabron, près la montagne de Lure. Son territoire s’étend
jusqu’au sommet de cette montagne, où était construit l’ancien château de Noyers, dont
il est parlé dans l’histoire de Provence. C’était une forteresse enfermée dans une
enceinte de murailles dont il reste encore quelques vestiges. Il y a apparence que les
Sarrasins ont séjourné dans le pays. Mais, sous Guillaume Ier, ils en furent chassés par
saint Beuvons, seigneur du pays, qui les poursuivit jusqu’au Fraxinet, où il les anéantit.
Le village a plusieurs hameaux et un vaste territoire. L’air y est pur et sain. Le sol est
pierreux, montueux, arrosé par plusieurs sources, et extraordinairement exposé aux
dégradations des orages. Il produit du blé, des légumes, du vin, différens fruits d’été et
d’hiver, mais surtout des noix et des amandes, qui sont la principale ressource du pays.
Pop. 1,100 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Noyers, Bevons, Château-
Neuf-Miravail, Curel, les Omergues, Valbelle et Saint-Vincent.

O
ŒGYTNA. Ville capitale des Oxibiens, qui se trouvait au fond du golfe Jouan. Les
Romains et ensuite les Sarrasins la détruisirent jusqu’aux fondemens; car il n’en existe
plus le moindre vestige. Les habitans échappés à la fureur des barbares allèrent bâtir le
village de Mougins.

ŒMINES-PORTUS. Voyez PORT-MIOU.


OLBIA. Pomponias Mela place cette ville ou ce port après Antibes et Anténopolis, avant
Glanum et Citharistes. Strabon dit: Est et Tauroentum et Olbia et Antipolis. Ptolomée en
fait aussi mention. Les historiens modernes s’accordent assez à penser que c’est la ville
d’Hyères, ou mieux le port de l’Éoube qui a conservé la conformité de nom. Une colonie
marseillaise, jointe à des Cœnomani, fonda la ville d’Olbia; et son nom grec, qui signifie
heureuse, riche, fertile, s’accorde fort bien avec le territoire d’Hyères, où l’on voit les
productions les plus hâtives, et l’image du jardin enchanté des Hespérides.

OLIVES (Les). Hameau dans le territoire de Marseille.

OLLIERES, Olleriœ, Castrum de Oleriis, et dans une charte de 971, Uleria villa. Village
du canton de Saint-Maximin, à 5 lieues de Brignoles. Climat assez sain; sol aride et
pierreux, fertile en blé et autres grains. Les trois quarts sont en bois taillis. On y trouve
du très-beau marbre portor et des indices de houille. Pop. 390 hab.

OLLIOULES, Oliolis. Petite ville chef-lieu de canton, à 2 lieues de Toulon. Son origine
est inconnue. On croit qu’elle fut nommée Ollioules, à cause du grand nombre d’oliviers
dont le territoire est garni; alors il faudrait écrire Olioules, Olitum, ou, selon moi,
Oliarium, qui signifierait une jarrerie, premier magasin pour entreposer l’huile qu’on ait
construit dans le pays. Son nom pourrait également venir d’oleo, à cause de l’odeur des
orangers qui embellissent les jardins. Mais on ignore si cet arbre est cultivé depuis long-
temps dans les petits jardins d’Ollioules.
On voit dans la ville les ruines d’un ancien château dont la construction paraît être du
treizième siècle. On y trouva une inscription autour d’une légende, dont la promesse
paraît s’être réalisée:

Semper Olliva fidelis regis.

Les hauteurs qui abritent ce lieu rendent sa température douce, au point que les orangers
y viennent en plein vent et donnent des récoltes assurées.
La campagne produit du blé, du vin, des câpres, de l’huile et des figues excellentes. Il y
a beaucoup de jardins potagers dont la plupart sont entourés de murs en pierres
volcaniques. Il en est de même des murs d’une partie des maisons.
Les vaux d’Ollioules sont de grandes horreurs que l’étranger admire sans quitter la
route. Sur la hauteur d’une de ces collines, on trouve de grandes traces de volcan et
beaucoup de laves. En général, ces laves sont très-compactes; on en tire des meules pour
les pressoirs à huile. En brisant ces laves, on y trouve du schorl, du quartz plus ou moins
altéré, du spath calcaire et quelquefois du feld-spath. Cette même colline offre par
intervalle du silex et de la craie. Ailleurs il y a des carrières de marbre blanc et de rouge
sanguin, qu’on pourrait exploiter facilement et avec avantage.
Dans le territoire se trouve aussi une source d’eau thermale au fond d’un puits; et près de
là on a découvert des tombeaux en briques romaines, un petit ossuaire de vingt-cinq
centimètres de hauteur, et des médailles romaines et arabes.
Ollioules est le seul pays où l’on cultive en grand la fleur d’immortelle. La plaine est
très-fertile et très-bien cultivée. Il y a une exposition où l’on cueille, fin mars ou
commencement avril, du raisin mûr qu’on envoie fort loin.
Le pays offre quelques pépinières pour les arbres fruitiers. Les eaux y sont excellentes;
le climat doux, l’air excellent et exempt des maladies qui affligent la plupart des
localités.
Il y a beaucoup d’aménité parmi les habitans. Nul ne s’expose jamais à désobéir à
l’autorité, malgré les différentes circonstances politiques.
Le jour de la foire du 10 août, les dames du plus haut rang de Toulon et des environs,
viennent orner le bal, et ne dédaignent jamais de danser avec toutes personnes du pays
d’une mise décente, parce qu’elles sont assurées de n’y trouver
que la politesse et le respect. Elles y étalent un luxe pareil aux fêtes brillantes des
grandes villes. Pop. 3,140 hab.
Il y a une foire, le 10 du mois d’août.
Les communes du ressort de la justice de paix de ce lieu sont, Ollioules, Bandol,
Evenos, Saint-Nazaire, la Seyne et Six-Fours.

OLYMPE. Colline dans le territoire de Tretz. On la nomme communément Mont-


Olympe. On y voit au-dessus des restes d’un grand camp retranché fait par les premiers
habitans de la Celto-Lygie, avec de gros blocs de pierres entassés sans maçonnerie. Les
habitans de la contrée s’y enfermèrent pour se préserver et s’opposer aux barbares que
Marius poursuivait, et qu’il défit complètement dans la plaine. Vers le pied de cette
colline, on trouve une grande quantité de ruines romaines. La composition de cette
colline est calcaire; on y trouve des ammonites du genre des ellipsolites; il y a aussi une
grande carrière de marbre rouge et blanc.

OMERGUES; (Les). Village du canton de Noyers, à 10 lieues de Sisteron, divisé en


hameaux. L’ancien village se trouvait sur la montagne du Vière. Ses ruines annoncent
qu’il était un lieu considérable. La rivière de Jabron prend sa source dans le territoire. Le
climat est froid et sain. Le sol est bon; il ne produit que des céréales, quoique les arbres
y viennent très-bien. Pop. 790 hab

ONGLES, ou HONGLES. Village du canton de SaintÉtienne-les-Orgues, à 5 lieues de


Forcalquier. Il était autrefois sur une éminence. Les habitans sont aujourd’hui dans la
plaine, et ont formé différens hameaux. Le sol est sablonneux et léger; il produit du
seigle, des glands et des noix. Les oliviers ni la vigne ne peuvent y réussir. Il y a
plusieurs mines d’argent, beaucoup d’indices de fer et de très-gros morceaux de succin.
Le commerce du pays consiste dans la vente des pourceaux. Pop. 827 hab.

OPIO, ou UPIO. Village du canton du Bar, à 2 lieues de Grasse. Il a un hameau qui


forme la plus haute rue du village de Valbonne. Le climat et les productions sont les
mêmes qu’au Bar. Pop. 410 hab.

OPPÈDE, Aupeda. Village du canton de Bonnieux, à 5 lieues et un quart d’Apt, auprès


du Léberon. Il est ceint de murailles, Le faubourg est plus considérable que le village
même. Le sol de la plaine est léger. Les collines sont presque toutes calcaires, La pierre
coquillière y abonde. On y voit aussi du silex incrusté dans le calcaire dur. Pop. 1,450
hab. Foire, le 6 janvier.

OPPÉDETTE, Oppedeta. Village du canton de Reillane, à 5 lieues et un quart de


Forcalquier. L’air y est sain. Le sol est pierreux et d’un mince produit. Tout y est bois ou
rocher. Le Calavon passe dans le territoire à travers une chaîne de montagnes d’environ
une demi-lieue de longueur. Le soleil ne pénètre jamais dans cet étroit vallon appelé
gournier. On dit que les Calvinistes y tenaient leurs assemblées clandestines. On y
trouve dans le roc des siéges taillés et une espèce de chaire à prêcher. Les eaux de la
rivière présentent dans cette solitude affreuse des cascades agréables et des sortes de
bassins curieux. On ne peut guère visiter agréablement ce lieu que dans la saison des
chaleurs. Le commerce du pays consiste dans la vente des pourceaux qu’on y élève. Pop.
218 hab.

ORAISON, Auraisonum. Joli village du canton des Mées, à 10 lieues de Digne, près du
confluent de l’Asse dans la Durance. Ce village n’est formé que d’une belle rue longue,
large et bien droite. Quoiqu’on ne trouve dans le pays aucun vestige de construction
ancienne, on peut présumer que les Romains y avaient établi des villœ pour s’y livrer à
la grande culture. Nous n’en avons d’autres preuves que la beauté du climat, la situation
du territoire entre deux rivières et traversé par un ruisseau qui l’arrose, la nature du
terrain, le voisinage de plusieurs autres lieux habités par de riches familles venues de
l’Italie, et quelques noms d’origine romaine qui se sont conservés dans le pays. Il est
possible que chaque hameau existant doive son origine à une villa particulière, ainsi
qu’on le voit souvent ailleurs. Le territoire est fertilisé par les eaux de la Durance. Il est
renommé pour le blé de semence. Son vin est très-gros et n’est recherché que par les
commerçans des Hautes-Alpes, qui viennent en faire charger des charrettes. Il y a aussi
des fruits, mais peu d’huile. Pop. 2,028 hab.

ORANGE, Civitas Arausione. Ville chef-lieu d’arrondissement du département de


Vaucluse, à 173 lieues de Paris, sur la rivière d’Aigues. Le nom celtique de cette ville
annonce son ancienneté. En effet, elle était une des quatre des Cavares. Le titre de
civitas lui fut donné, parce qu’elle était grande, belle et bien habitée. Sa belle situation,
la richesse de son sol et la beauté de son climat, furent cause que Jules César y envoya
une colonie de soldats de la seconde légion, commandée par Claude Tibère Néron. Cette
ville prit alors le titre de Colonia Julia Secumdanorum. Les Marseillais y établirent un
entrepôt de leurs marchandises, et ils furent dans la suite imités par les commerçans de
la ville d’Arles.
Orange fut considérablement embelli par les Romains, qui y firent construire un théâtre
antique qui fut chanté par les célèbres Euripide, Sophocle et Térence. Il existe encore en
partie. Sa façade a la forme d’un rectangle de cent sept pieds de hauteur sur trois cent
seize de longueur. Il est presque entièrement bâti en pierres coquillières prises dans les
carrières des environs. La base offre un grand nombre d’arceaux séparés par des
pilastres, les uns d’ordre dorique, et d’autres d’ordre corinthien. Ce théâtre avait deux
rangs de précinctions de sept gradins chacun, et pouvait contenir près de sept mille
personnes.
Non loin du théâtre, il y avait un cirque excessivement vaste. On assure qu’une
nombreuse armée aurait pu se placer sur les siéges des spectateurs. Je conviens que son
étendue a dû être immense, mais pas assez pour contenir plus de vingt mille personnes,
quoiqu’on ait avancé qu’elle en contenait quatre fois autant.
Les Romains y élevèrent aussi un arc de triomphe dont on voit encore de beaux restes. Il
porte le nom de tour de l’arc ou arc de Marius. Est-ce bien Marius qui le fit construire?
Sur cela les savans ont beaucoup écrit, conjecturé, recherché et ne se sont pas encore mis
d’accord. Les uns l’attribuent à Caïus Marius et à Lutatius. consuls romains, pour
éterniser la destruction des Cimbres, Ambrons et Teutons. Mais les signes de cette
victoire étaient représentés dans la plaine de devant Pourrières, où commença la grande
action, et auprès de Saint-Remy, où finit l’anéantissement de ces barbares. Les autres
veulent que ce soit Domitius Ænobarbus et Fabius Maximus; quelques-uns l’attribuent à
Jules César, à Auguste, à l’empereur Adrien; tous donnent des raisons plus ou moins
probables.
Cependant si l’on fait attention que cet arc de triomphe est parsemé de loups, enseigne
qui n’existait pas avant Marius, on verra que ce monument n’a pu être élevé qu’en
l’honneur du peuple romain en général, et non d’un ou de plusieurs Romains en
particulier. Mais à quelle époque et à quelle occasion cet arc fut-il élevé? Un pareil
monument annonce une grande victoire remportée non loin de là; et nous savons
qu’unevingtaine d’années avant celle de Marius, Domitius Ænobarbus en remporta une
fameuse sur les Gaulois, entre l’embouchure de la Sorgue et Orange, c’est-à-dire dans la
plaine de Vindale, qui est la même que celle de Caderousse et d’Orange. Cet arc de
triomphe aurait donc été élevé au même endroit où l’action qu’il rappelle eut lieu. Alors
il ne faut pas être étonné que la ville d’Orange ait naguère dépensé vingt-cinq mille
francs pour réparer ce beau monument qui fait sa célébrité.
La ville d’Orange a long-temgs fait partie de la province viennoise. Vers l’an 880, elle
fut érigée en principauté et donnée à Guillaume au court nez. Cette principauté fut
possédée par ses descendans et par plusieurs autres familles. Après la mort du prince
Guillaume, couronné roi d’Angleterre, elle passa à Frédéric, roi de Prusse, et son fils,
Frédéric-Guillaume, la céda, en 1713, à Louis XIV. Depuis cette époque, elle n’a cessé
d’appartenir à la France, quoique des princes étrangers aient porté et portent encore le
titre de princes d’Orange.
En 1562, Serbellion, commandant des troupes papales, et Sommerive, chef d’une petite
armée catholique, échappés au massacre de Barjols, vinrent exercer leur vengeance et
leur fureur sur les religionnaires qui se trouvaient enfermés dans Orange, et parmi
lesquels ils s’en trouvait de ceux qui avaient fait le siége de Barjols, Ils furent tous
massacrés impitoyablement. A chaque coup qu’on leur portait, on leur criait avec rage:
paye Barjols, paye Barjols.
Les habitans d’Orange paraissent avoir conservé leur ressentiment jusqu’à la révolution
française. A cette époque, ils usèrent de représailles envers les prêtres et toutes les
personnes opprimées par la circonstance. On y envoyait de Toulon et de Marseille des
victimes par charretées, et en arrivant elles étaient livrées au bourreau. Dans une seule
opération, dix-huit religieuses, formant ensemble un monastère, y furent guillotinées
sans commisération. La nouvelle de la mort de Robespierre arrêta l’exécution de vingt-
deux condamnés, au moment où on les conduisait au supplice. Il aurait été bien plus
glorieux aux habitans de cette ville, si, dans ce moment de délire, ils eussent rendu le
bien pour le mal. La raison fera sans doute que ces scènes d’horreur ne se renouvelleront
plus dans une ville qui se glorifie d’être française.
Orange a un tribunal de première instance, des fabriques de toiles peintes, de mouchoirs
et de serges, des filatures pour la soie et des préparations pour la garance. Son commerce
consiste en soies, laines, safran, huile d’olive, vin, eau-de-vie, truffes et garance. Les
rivières d’Aigues et de Maine fertilisent la plaine, qui a au moins quatre lieues de long.
L’Aigues charrie des échénites qu’elle a détachées des montagnes voisines de
Carpentras. Les cailloux silicés de cette rivière sont, les uns rougeâtres et les autres gris;
on les grave avec facilité. Le climat d’Orange est pur et sain, malgré qu’il soit très-froid
en hiver et chaud en été. Les foires sont, les 3 février, 30 mai, 9 juillet, 24 août et 21
décembre. Pop. 9,150 hab.
Les communes du ressort des deux justices de paix de cette ville sont, Caderousse,
Camaret, Château-Neuf Calcernier, Joncquières, Orange, Piolenc, Sérignan, Travaillan,
Uchaux et Violès.

ORATELLI. Peuple celto-lygien. Les anciens auteurs disent qu’il était voisin des
Némenturi, qui occupaient les rives de l’Ubaye. D’après cela, je ne sais pas pourquoi les
modernes placent les Oratelli sur les rives du Var, sans désigner le point. Je crois qu’il
est plus vraisemblable de croire que les Oratelli habitaient les environs de l’Arche et le
long de l’Ubayette, ruisseau qui passe par Meyronne et se jette dans l’Ubaye près du
hameau de Gleisole. Peut-être même occupaient ils tout le territoire de Saint-Paul, qui
s’étend jusqu’au lac de Longet.

ORGON, Castrum de Urgone. Petite ville chef-lieu de canton, à 8 lieues et trois quarts
d’Arles, et sur la rive gauche de la Durance. La voie aurélienne qui d’Arles allait à Apt
passait par Orgon. Il en reste encore des vestiges dans ce qu’on appelle chemin arletenc.
Toute l’étendue de terrain qui se trouve entre ce vieux chemin et le canal Saint-Andiol,
fut distribué à nombre de familles romaines qui y établirent des villœ dont on trouve
encore des restes. Plusieurs inscriptions et surtout une dédiée à l’empereur Antonin, sont
une seconde preuve du séjour des Romains en ce lieu. Les Désuviates, peuple celto-
lygien allié des Saliens, avaient leur chef-lieu dans le territoire. La lance des conquérans
des Gaules en diminua tellement le nombre, que ceux qui survécurent à leur défaite
furent pour ainsi dire les esclaves de leurs vainqueurs.
Long-temps avant cette époque, la Durance passait plus au midi et se dirigeait vers
Saint-Gabriel. Mais cette rivière ayant pris son cours plus au nord, les Romains
entretinrent un canal dans l’ancien lit. La prise d’eau appelée lou traou touquet, dont la
voûte est taillée au ciseau, se trouve à l’extrémité du Mont Saouvi. Ce canal se rendait
aux palluns de Mollèges, traversait le territoire de Glanum
(Saint-Remy), passait à Ernaginum (Saint-Gabriel) et allait se joindre au canal Barbegal
près d’Arles. Tout ce canal était navigable et rendait le pays d’Arles fort sain. Le séjour
des barbares et la négligence des habitans qui nous ont précédés sont cause que ce canal
est tout obstrué. Il en coûterait peu pour le remettre dans son premier état, ce qui
donnerait la vie et la santé à une très grande étendue de pays.
Le vieux château d’Orgon date des derniers temps de l’empire romain. C’était peut-être
une citadelle qui défendait le passage le plus important de la voie aurélienne. Ce
château, appelé Castrum Druentiœ, fut pris d’assaut par Euric, roi des Wisigoths,
lorsqu’il allait assiéger Arles. Les Goths lui donnèrent le nom de urbs Gothorum. Dans
le douzième et le treizième siècle, il servait de prison d’état. Louis XI le fit démolir. On
le reconstruisit immédiatement après; mais Louis XIII le fit encore abattre, et il n’a plus
été relevé depuis.
L’ancien village était même au-dessous du fort. Il ne renfermait que des gens de guerre,
des bergers et des familles attachées au seigneur du lieu. Le territoire était inculte. Mais
la population s’accrut au quinzième siècle, parce qu’on distribua les terres à défricher,
moyennant un simple droit de champart (de tasquo). Les nouveaux habitans agrandirent
le village et en firent la ville actuelle, qui est très-exposée aux vents, principalement au
Maëstral. Le sol de ce pays est assez ingrat. On le bonifierait aisément par la vase que la
Durance dépose dans son lit, lors des débordemens. Cette vase, que le soleil dessèche,
occasionne quelquefois des maladies; on préviendrait ce désagrément, si on l’enfouissait
comme un engrais excellent.
C’est au bas de la ville qu’une déviation de l’eau de la Durance forme le canal de
Boisgelin, qui suit en partie le cours primitif de la Durance, lorsqu’elle se dirigeait dans
la mer en passant par Lamanon plaine de la Crau.

Orgon a deux foires dans l’année, le 29 juin et le 2 novembre. Pop. 2,800 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Orgon, Saint-Andiol,
Cabanes, Eygalières, Eyrargues, Mollégès, Senas et Verquières.

ORRES, ou plutôt Horres, du mot horreur. Haute montagne qui sépare la vallée de
Barcelonnette du département des Hautes-Alpes. Sa face du côté de l’est n’offre presque
que des touffes d’arbustes dans les abris de la roche calcaire qui se montre à nu dans la
partie supérieure. La base est schisteuse, et la partie moyenne présente du grès par
intervalle. Les terres ne pouvant s’y soutenir par des murs, sont entraînées par les eaux
pluviales qui forment des torrens très larges et souvent impétueux.

OXIBIENS. Nation celto-lygienne naturellement belliqueuse, qui occupait le littoral


entre la ville d’Antibes et l’embouchure de la Siagne. Elle ne s’enfonçait qu’à cinq ou
six lieues dans les terres, c’est-à-dire qu’elle devait occuper les cantons de Saint-Vallier,
de Grasse, de Cannes et une partie de celui d’Antibes.
Ce peuple fit tous ses efforts pour repousser les lances romaines, lors de la première
invasion de la Celto-Lygie; mais il ne put tenir contre des troupes nombreuses, bien
disciplinées et conduites par des chefs habiles. Aussi il subit la loi du plus fort; mais il
ne se croyait pas vaincu.
Après la défaite d’Annibal, les Gaulois cisalpins, qui s’étaient joints aux Carthaginois,
se sauvèrent en deçà des Alpes avec toutes leurs haines contre leurs vainqueurs. Ils se
réunirent aux différentes peuplades alliées des Oxibiens, et allumèrent le feu d’une
nouvelle guerre. 180 ans avant Jésus-Christ, deux armées romaines furent dirigées
contre eux. Elles incendièrent les forêts et les habitations, massacrèrent ceux qui
s’échappaient des flammes, et à peine laissèrent-elles aux malheureux qui survécurent
un coin d’asile et du fer pour cultiver les terres.
Vingt-six ans après, les Oxibiens, réunis aux Déciates, aux Ligauni et à plusieurs autres
peuples, furent assiéger Nice et Antibes, colonies marseillaises qui leur faisaient
ombrage. Rome envoya des députés à ces Gaulois pour les engager à vivre en paix avec
Marseille. Mais ces députés furent traités de la manière la plus ignominieuse. Après
avoir été fustigés un certain nombre de jours, il furent renvoyés sans oreilles et sans nez.
Une armée romaine vint venger cette offense. Les Oxibiens, sans attendre leurs alliés,
n’écoutant que leur haine et leur désir de se battre, marchent à l’ennemi, le rencontrent
près du fleuve Acro (la Siagne), et lui livrent une bataille meurtrière. La victoire resta
quelque temps indécise. A la fin elle se décida en faveur des Romains. Les Oxibiens
furent battus; et comme ils étaient dans la plus grande déroute, les Déciates arrivèrent
pour les seconder et faire cause commune. La vue du carnage, les cris des mourans et
des blessés, le manque d’armes, tout cela fit qu’ils n’osèrent pas recommencer un
combat inégal, et qu’ils se donnèrent entièrement aux Romains.
Les Oxibiens et leurs alliés n’étaient pas gens à vivre long-temps dans la servitude.
Aussi, trente ans après leur soumission, ils se joignirent aux Saliens, dont la puissance
s’étendait depuis la source de Lar jusqu’au Rhône, et résolurent de tout sacrifier pour se
délivrer du joug romain. C. Sextins Calvinus les surprit à, l’endroit où il fit bâtir la ville
d’Aix, les défit complètement, prit leurs villes capitales et vendit à l’encan presque tous
les prisonniers. Les peuples n’obtinrent leur liberté que sous la condition que tout le
littoral de Marseille à Nice, sur une largeur de huit à douze stades, serait cédé aux
Marseillais. Œgytna, une des deux villes capitales des Oxibiens, fut rasée. Une partie des
habitans fut se réfugier dans une forêt de la campagne de Grasse, où pendant long-temps
elle ne vécut que de brigandage.
D’après ce que nous venons de dire, on voit que les celto-lygiens étaient souvent
guerroyeurs et cruels.
Cependant quelquefois dans leurs cruautés, ils laissaient entrevoir du merveilleux,
témoin ce fait qu’on lit dans Parthénius: — Lorsque les Gaulois ravageaient l’Ionie, ils
entrèrent dans un temple voisin de Milet, au moment où on faisait un sacrifice. Les
femmes les plus notables de Milet s’y étaient rendues, et tombèrent entre les mains de
ces Gaulois, qui reçurent la rançon de la plupart d’entre elles, et emmenèrent les autres
prisonnières. Parmi ces dernières, il y en avait une d’une rare beauté, dont le mari tenait
le premier rang à Milet. Elle s’appelait Érippe, et vint dans la Celto-Lygie avec le
Gaulois à qui elle était tombée en partage,laissant dans sa patrie un enfant de deux ans.
Son époux, nommé Xanthus, l’aimait éperdument. Il vendit une partie de ses biens pour
la racheter, et arriva chez le Gaulois un jour que celui-ci était absent, mais il n’en fut pas
moins reçu avec joie par toutes les personnes de la maison et par sa femme, qui le
reconnut et l’embrassa. Elle n’eut rien de plus pressé, quand le Gaulois arriva, que de lui
présenter son époux, et de lui dire le sujet de son voyage. Le Gaulois parut charmé de la
tendresse et de la générosité de Xanthus; et pour lui montrer son contentement, il lui
donna un repas auquel furent invités ses parens et ses amis. Ayant ensuite prit Érippe par
la main, il la présenta à Xanthus, et lui demanda s’il portait une forte rançon: Mille
pièces d’or, répondit Xanthus.
— Eh bien, répartit le Gaulois, faisons en quatre parts,dont trois seront pour votre
femme et votre fils, la quatrième pour moi. Après quelques propos où l’on témoigna
beaucoup de joie de part et d’autre, Xanthus et sa femme se retirèrent dans l’endroit
qu’on leur avait préparé. Érippe lui demande d’un air inquiet s’il est bien vrai qu’il ait
toute la somme dont il avait parlé: — J’en ai le double, dit Xanthus, car je croyais que
les mille pièces d’or ne fussent pas suffisantes pour ta rançon. Érippe, qui n’avait point
un cœur digne de la tendresse que lui témoignait son époux, alla dire au Gaulois que
Xanthus n’avait déclaré que la moitié de la somme, qu’il fallait se défaire de lui pour
l’avoir toute entière; Car je hais cet homme, lui dit-elle, au lieu que je vous aime plus
que ma patrie et mon fils, et c’est avec vous que je veux passer ma vie. Le Gaulois
frémit d’horreur, en entendant ces mots; mais il réprima sa colère, et quant Xanthus et sa
femme partirent, il voulut les accompagner jusqu’au pied des Alpes. Là, il leur dit
qu’avant de se séparer, il voulait offrir un sacrifice. Quand la victime fut prête, il pria
Érippe de la tenir; ensuite tirant son épée, il la plonge dans le sein de cette femme; puis
il se tourne vers Xanthus, il tâche de le consoler de la mort de cette perfide, et lui révèle
le projet qu’elle avait formé de le faire mourir. Ce Gaulois était je crois un Oxibien.

OXIBII. Seconde ville capitale des Oxibiens, qui se trouvait au même endroit où est la
ville de Cannes. Voyez ce mot.

P
PALUD (LA). Village du canton de Bollenne, à 4 lieues et demie d’Orange, dans une
plaine fertile séparée du Vivarais par le Rhône. Le sol produit du blé, des légumes, du
foin, et des fruits. Il s’y trouve beaucoup de mûriers, ce qui fait que dans le pays on
élève des vers à soie. Pop. 2,322 hab.

PALUD (LA). Hameau dans le territoire de Marseille.

PALUD (LA), Palus. Village du canton de Moustiers, à 13 lieues de Digne, à quelque


distance de la rive droite du Verdon. Les chaleurs y sont excessives au mois de juillet, et
le froid rigoureux pendant l’hiver. Le sol produit peu de blé. Les champignons forment
une récolte, lorsqu’il pleut en août et septembre. On trouve au village plusieurs fabriques
de poterie. L’ancien village était bâti au quartier de Meyreste.
Le territoire est riche en pétrifications et en fossiles très curieux. Il offre des vignes et
des oliviers d’un assez bon produit.
Il y a plusieurs belles prairies au quartier Saint-Maurice.
Une source les arrose, en se précipitant de l’une à l’autre.
Cette source forme les plus belles cascades qu’on puisse imaginer. Auprès de cette
prairie, on trouve de grandes cavernes dans lesquelles on serre les foins et quelquefois
les troupeaux. On ne peut arriver à ces prairies que par des précipices affreux. Ce serait
dangereux de s’y exposer sans de bons guides du pays. Dans un temps, des familles
injustement et méchamment persécutées par le seigneur du lieu, ou plutôt par ses agens,
se réfugièrent en ce quartier. Leurs enfans y vécurent dans l’état de nature et perdirent
jusqu’au moindre germe de la civilisation. Quelques personnes croient qu’il y en a
encore, mais elles sont dans l’erreur; on les aurait vus pendant la révolution, lorsque les
émigrés français vinrent chercher dans ce repaire un sûr asile. contre la persécution.
Population 107 hab.

PAMPELUNE. Cap et plage de la côte maritime du département du Va r, près de


Ramatuelle.

PANTALÉON (SAINT). Village du canton de Gordes, à 5 lieues d’Apt. Climat et


productions du sol, comme aux lieux voisins. Pop. 107 hab.

PARACOL, Pares Collis. Ancien bourg qui n’existe plus.


Il était sur une montagne. Les habitans quittèrent successivement ce lieu élevé pour
s’établir dans la plaine où est aujourd’hui le Val, village près de Brignoles.

PARADOU. Village du canton de Saint-Rémy, à 5 lieues et un quart d’Arles. Les


productions sont les mêmes qu’aux villages voisins. Pop. 700 hab.

PAUL (SAINT). Bourg chef-lieu de canton, à 5 lieues de Barcelonnette, avec quatre


hameaux, savoir: Tournoux, Fouillouse, les Maurins et le Mélesin. Ce pays était connu
par les Romains. Il portait le nom de Val-de-Mons, Vallis Museia ou Vallis Mutii, à
cause d’un romain nommé Muscius qui y fut exilé. Il fut enterré au hameau de
Tournoux, où, dans le dix-septième siècle, on a cru trouver ses ossemens. Vo y e z
TOURNOUX.
La paroisse de Saint-Paul fut ruinée en partie par Lesdiguières, qui en fit tomber la
voûte, en 1591, en assiégeant les habitans qui s’y étaient retranchés.
On voit à Saint-Paul les restes d’un fort appelé le Castellet. Le territoire renferme une
carrière de jaspe, des blocs d’une pierre siliceuse extrêmement fine, qui ressemble
beaucoup au jaspe veiné, et des eaux minérales découvertes au siècle dernier. On assure
qu’il y a une mine d’or en dessus du hameau de Fouillouse; cependant je n’ai rien trouvé
qui annonçât la présence de ce métal. La rivière d’Ubaye, qui longe tout le territoire,
prend naissance au lac de Longet. Ce lac divise ses eaux. Une partie traverse toute la
Provence dans sa plus grande longueur, et l’autre va grossir le Pô et de là se jeter dans le
golfe de Venise. Ce lac offre des truites excellentes qu’on né peut pêcher que dans la
belle saison, à cause des glaces et des neiges qui couvrent la surface de l’eau. Le climat
est très-froid en hiver.
Le territoire, presque tout en terrain très-penchant, est fertile en seigle et en fourrage.
Les forêts sont de pins et de mélèzes, qui ne peuvent être livrés au commerce par la
difficulté de les faire charrier par l’Ubaye jusque dans une rivière flottable. Populat.
1,875 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont Saint-Paul, l’Arche et
Meyronnes.

PAUL-LA-GÉLINE-GRASSE: (SAINT). Village du canton de Fayence, à 5 lieues de


Draguignan. Sur une petite élévation. Au sud-est du village sont des restes du séjour des
Maures. On y trouve des morceaux de tuiles dites sarrasines. Ce sont des briques plates
et longues ayant les deux extrémités recourbées. Elles sont marquées au revers de
plusieurs lettres initiales, ou d’un nom en entier, qui doit être celui du fabricant. Ce
village n’était qu’un hameau de Fayence. Il fut érigé en commune, le Ier janvier 1824.
Le territoire offre des forêts de pins qui, jointes à celles des lieux voisins, fournissent à
une manufacture de verre qui fait le bien-être de ce village. On y travailla d’abord le
verre vert; ensuite le verre à vitre, qui ne réussit pas, après, le verre noir, qui donna
beaucoup de profit. Non content de cela, on voulut reprendre la fabrication du verre à
vitre, qui réussit au mieux, mais qu’on ne put vendre qu’avec perte; c’est pourquoi l’on
n’y fait que du verre noir très-estimé.
Le climat est froid en hiver et tempéré en été.
Le sol, presque tout sur la bande schisteuse, produit l’huile et du bon vin. On pourrait y
cultiver avec avantage le châtaignier et l’amandier. La foire du 25 janvier est très-
courue, à cause de la grande quantité de cochons gras qu’on y amène de tous les
environs, et qu’on conduit ensuite jusque dans le Languedoc. Pop. 480 hab.

PAUL-LE-FOUGASSIER (SAINT), OU SAINT-PAUL-DE-DURANCE. Village du


canton de Peyrolles, à 7 lieues d’Aix, sur la rive gauche de la Durance Marius, ou soit
une partie de son armée, défit, dans la plaine de Marivert, une division des barbares
échapés à la grande bataille de devant Pourrières. Au quartier des Mounges, près les
ruines d’un couvent de Templiers, sont les restes d’un souterrain qui allait jusque près de
Ginasservis. On assure qu’il communiquait d’une maison de Druides à une maison de
Druidesses.
L’ancien village était sur une élévation près du village actuel. Il y a de belles carrières de
tufs et de pierres à bâtir. La Durance a emporté une partie des jardins et du territoire.
Deux sources abondantes arrosent les prairies et quelques potagers. On y pêche des
poissons et des écrevisses. Le sol produit des amandes et des fruits de toute espèce. Pop.
460 hab.

PAUL-DU-VAR (SAINT), Oppidum Sancti Pauli. Petite ville du canton de Vence, à 5


lieues et demie de Grasse. Elle était grande et fort peuplée, avant que François Ier en eût
diminué l’enceinte et l’eût entourée de remparts qui subsistent encore, et de
fortifications qui ont disparues. Les habitans qui ne purent s’y loger furent bâtir dans le
territoire le village de la Colle, ou grossir les lieux voisins.
La colline où se trouve la ville est composée de débris calcaires ou de galets de même
nature, disséminés au milieu de dépôts confus de sable, d’argile ou de marne excellente
pour l’amendement des terres. C’est au mélange de toutes ces matières qu’on doit
attribuer la fertilité du sol de ce pays, qui offre les plus beaux oliviers de la Provence et
des vignes qui donnent du bon vin, surtout du vin muscat. Le climat est fort doux dans
toutes les saisons; c’est pourquoi les orangers y viennent en plein vent, s’y font très-beau
et donnent des fruits préférables à ceux qu’on recueille à Hyères et à Ollioules. Cette
commune, ainsi que celle de la Colle, auraient besoin qu’une dérivation des eaux du
Loup vînt arroser leurs plaines qui seraient bientôt converties en jardins et couvertes
d’orangers, citronniers, bigarradiers, poncires, bergamotiers, etc. Le peuple n’aurait qu’à
s’entendre, pour effectuer ce projet par le seul secours de leurs bras ou par une petite
contribution volontaire Population 1,050 hab.

PÉGOMAS. Village à 2 lieues et demie de Grasse son chef-lieu de canton et


d’arrondissement, sur la rive gauche de la Siagne, dans une petite plaine fertile et arrosée
par le ruisseau de la Foux, qui naît dans le territoire de Mouans. Aussi tous les entours
du village ne sont que jardins potagers et jardins fleuristes. On y cultive particulièrement
la tubéreuse, fleur précieuse et très-recherchée par les parfumeurs de Grasse.
Il y a dans le territoire un haras où l’on trouve des étalons des plus belles races. Le
climat est très-doux et précoce. Le séjour serait des plus agréables, si les brouillards de
Laval et le miasme qui s’exhale des eaux stagnantes de la rivière, n’occasionnaient en
été des fièvres d’accès. Le sol produit des légumes, du foin et de l’huile qui équivaut à
celle de Grasse. Les habitans, au nombre de 590, sont continuellement brouillés avec
ceux du village d’Auribeau. Il est peu de fêtes patronales de l’une ou de l’autre
commune où il n’y ait quelque batterie et un peu de sang répandu. La cause, selon moi,
provient de ce que ces deux lieux
ont été repeuplés en grande partie par des Génois et par des Piémontais, hommes dont le
caractère ne change pas facilement, quand, dans le principe, on ne le réprime pas avec
sévérité. Cependant, dans une circonstance mémorable, les habitans de Pégomas firent
cause commune avec ceux d’Auribeau contre les soldats du duc de Savoie, qui
envahirent la Provence en 1707.
Après avoir fait éprouver des pertes considérables à l’ennemi, ils furent forcés de
s’enfermer dans Auribeau et de repousser la force par la force. Les Savoyards, furieux
de trouver tant de résistance dans un chétif village, écrivirent aux habitans, que
puisqu’ils étaient si braves, ils devraient sortir des murailles pour se mesurer en plein
champ. — Oh! bien! répondirent les paysans, si la partie n’était que double, vous ne la
gagneriez pas; mais dix contre un.... Quelle serait votre honte, si nous vous battions
encore?
L’ennemi ne trouva de parti plus convenable que celui de quitter un lieu qui avait été
témoin de leur défaite, et qui aurait pu l’être de leur entière destruction.

PEIPIN. Voyez PUYPIN.

PEIGIÈRE, par corruption PUGIÈRE. Voyez TÉGULATA.

PEL. Voyez POIL.


PÉLISSANE, Pelissana. Bourg du canton de Salon, à 6 lieues d’Aix. C’est l’ancien
Pisavis, position romaine qui se trouvait dans la Gaule. Les habitans contribuèrent à la
construction des remparts qui entouraient la ville de Salon, à condition qu’on les y
recevrait en temps de peste. Comme les guerres ont fait tomber ces remparts, ce
privilège a prescrit. Le territoire est d’un grand produit. Il y a de superbes plantations
d’oliviers qui donnent une huile excellente, de belles vignes, toutes sortes d’arbres
fruitiers, de belles prairies, des plantations de tabac et des terres à blé. Pop. 2,690 hab.

PEMEYNADE. Hameau de Cabris. Malgré tous ses efforts, il n’a pu encore se faire
ériger en commune. Le froid de 1820 lui fit couper tous ses oliviers. Ils ont repoussé et
donnent une huile égale à celle de Grasse. Il est malheureux pour ce quartier de n’avoir
point d’eau courante, et, par conséquent, point de pressoir à huile. On pourrait, près de la
fontaine, en construire un à la manière Sinety. Celui qui l’entreprendrait y trouverait un
grand avantage, et rendrait un service important à l’habitation.

PENNE (LA). Village du canton d’Aubagne, à 3 lieues de Marseille. Quelque général


romain, du temps de César, y fit élever un mausolée d’une forme presque pyramidale,
pour y déposer les restes de quelque grand personnage. Ce monument existe encore en
partie sur une élévation qui a donné le nom au pays. Tous les noms qui portent le nom de
Penne ou de Pennes, tirent leur étymologie du mot celtique penu, qui signifie montagne,
élévation. Le village dont nous parlons avait autrefois une fabrique de coton. Le sol
donne du vin, des fruits et des légumes. Population 850 hab.

PENNE (LA). Ancien village très-escarpé qui se trouvait dans le territoire de la Celle,
près de Brignoles. Il ne reste que des ruines de ses anciens édifices.

PENNES (Les). Village du canton de Gardanne, à 4 lieues d’Aix. L’ancienneté de ce lieu


est incontestable. On voit encore sur la porte de l’église paroissiale
bas-relief en marbre, avec une inscription qui prouve qu’on y adorait la déesse Cybelle.
Cette plaque représente une montagne sur laquelle est une tour; au bas de la montagne
est un lion, un pin auquel sont suspendus un triangle, un chalumeau et une paire de
cymbales. On y voit encore un louchet et une houlette surmontée d’un bonnet.

L’inscription est:

MATRI DEUM MAGNAE IDEAE PALATINAE CUISQUE


M. RELIGIONIS AD PANOR VIANUS IANUARIUS

Il y a dans le territoire une brèche très-agréable par la diversité des couleurs; elle prend
un beau poli, quoiqu’elle soit difficile à travailler. La fontaine qu’on rencontre en venant
de Marseille est remarquable par la difficulté de l’entreprise. Il a fallu percer une masse
de pierre vive, de l’épaisseur de cent mètres. Les mineurs, qui travaillaient en même
temps au nord et au midi, en suivant la direction de la boussole, se rencontrèrent sur la
même ligne, à très-peu de différence les uns des autres pour la hauteur.
Le climat est tempéré et sain; le terroir est fertile. Les vignes, les oliviers, les amandiers
et autres arbres fruitiers y sont d’un bon produit. Pop. 1,360 hab.

PERGANTIUM. C’est le même que Brégançon.

PERNES, Paternœ. Ville chef-lieu de canton, à une lieue de Carpentras, sur la Nasque et
au bas d’un coteau qui domine une plaine fort vaste. Elle était très-importante dans le
dixième siècle, puisqu’elle était le siége des sénéchaux et des recteurs du comtat
Venaissin ainsi que des autres tribunaux. Elle les perdit en 1320, époque où ils furent
transférés à Carpentras.
Les Romains ont occupé la campagne de Pernes. On en a pour preuve l’ancien portique
d’un temple qui a été construit dans les plus beaux siècles de l’empire, des inscriptions,
des tombeaux avec leur petit mobilier, des anneaux d’or, des instrumens de sacrifice, et
des médailles de différentes formes, de différens règnes et de différens métaux.
La ville de Pernes est agréablement située; Elle est ceinte de remparts flanqués de tours.
L’air y est salubre par la quantité de fontaines qui lavent toutes les rues, et par les vents
du nord qui s’y font fréquemment ressentir. La source qui donne de l’eau à la ville est
tellement abondante, que presque toutes les maisons ont une fontaine particulière,
indépendamment d’un grand nombre d’autres qui sont publiques.
La Nasque baigne et arrose la plaine, qui est fortvaste, et en fait la campagne la plus
riche et la plus riante qu’on puisse voir en Provence; Les coteaux sont enrichis de vignes
et d’oliviers d’un bon produit. Le terroir étant bon, on n’y voit rien d’inculte. Les fonds
n’offrent que prairies, vergers et jardins. Toutes les avenues sont presque bordées de
mûriers. Les principales productions du territoire sont, du très-bon vin, des amandes, des
grains, des légumes de toute espèce, du foin, du safran, de la garance; en un mot, le
territoire réunit, à peu de chose près, toutes les productions de la Provence. La récolte
des cocons y est immense; celle du chanvre est considérable. Aussi le pays offre des
filatures pour la soie, et un grand nombre de tisserands.
Au quartier des Paluns, et à cinq mètres de profondeur, il y a un lit de tourbe de près de
trois mètres d’épaisseur. C’est un composé d’un grand nombre de couches de feuilles
d’arbres et de quelques parties ligneuses; ce qui prouve qu’il y avait autrefois de grandes
forêts dans la contrée. Cette tourbe, mise à la forge, rougit assez le fer pour le rendre
malléable; mais elle n’a pas assez d’action pour opérer la soudure. Cependant elle
pourrait être employée à une infinité de fabriques, et elle épargnerait le bois des forêts
voisines. La cendre de cette tourbe fait un assez beau rouge pour la peinture à huile.
Le territoire offre aussi des carrières de tufs très-légers, des carrières de pierres calcaires
dont une approche beaucoup du marbre statuaire, tellement elle a le grain fin. Les
pétrifications sont communes sur plusieurs points. Il y a une foire à Pernes, le 24 du
mois d’août. Pop. 4,605 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, Pernes, le Beausset,
Roque-sur-Pernes, Saint-Didier, Valleron et Vénasque.

PERRICARD, Podium Ricardi. Hameau dans le territoire d’Aix. En 1675, le cardinal de


Grimaldy y fit bâtir un château qui lui coûta deux millions, très-forte somme à cette
époque.

PERTUIS Ville chef-lieu de canton, à 8 lieues d’Apt, et sur la rive droite de la Durance.
Les premiers Marseillais jetèrent les fondemens de cette ville, y établirent des marchés
et des greniers pour le sel qu’ils y faisaient transporter des environs de Salon. Le chemin
qui communiquait entre ces deux lieux existe encore en partie, et a conservé le nom de
chemin salien. Quelques auteurs modernes ont avancé que ce nom lui fut donné à cause
qu’il servait à voiturer le sel, ce qui n’a pas le sens commun. On a toujours vu que les
routes portaient ou le nom de celui qui les avait construite, ou du pays où elles
conduisaient. Celle-ci portait le nom de chemin salien, parce qu’elle conduisait au pays
et même à la capitale des Saliens, que la connaissance topographique et toute la
vraisemblance m’a fait placer sur l’étang de Berre, près de Saint-Chamas.
Les Marseillais firent également construire à Pertuis des greniers pour les blés qu’ils
échangeaient pour le sel avec les habitans du nord de la Celto-Lygie. Le commerce du
blé s’y est conservé jusqu’à aujourd’hui. Des boulangers de Marseille et d’Aix vont
presque toutes les semaines s’approvisionner aux marchés de Pertuis.
Nous ignorons quel fut le nom que les Marseillais donnèrent à la ville de Pertuis.
Comme on y avait établi un port, les Romains la nommèrent Portus, Portus Pertusii,
Castrum Pertusi, Pertus, et aujourd’hui Pertuis. Elle avait des utriculaires comme à
Cavaillon, qui naviguaient jusqu’aux embouchures du Rhône.
Quelques auteurs ont cru que Pétronne, poète, courtisan, homme d’état, qui vivait sous
Néron, et qui mourut l’an 66 de Jésus-Christ, était né en cette ville. Si cela était, il
faudrait placer à Pertuis le Vicus Petronii des Romains. Mais comme les historiens ne
sont pas d’accord sur le lieu de la naissance de ce poète; qu’il en est qui veulent qu’il ait
reçu le jour à Peyruis; entre Manosque et Sisteron, et que nombre d’autres, faute de
preuves, disent seulement qu’il est né en Provence, aux environs de Marseille, on ne doit
point se permettre de lui assigner un lieu qui pourrait être contredit.
Pertuis existait déjà à l’époque de la victoire de Marius. Les habitans de cette ville en
ont conservé le souvenir, au point que, non seulement ils vont en procession tous les ans
sur le mont Sainte-Victoire, pour remercier Dieu du succès de cette affaire, mais ils cé-
lèbrent une fête, le 5 janvier, pendant la nuit, qui est un simulacre ridicule de cette
bataille.
Vingt et un chevaliers de l’ordre des Templiers furent enfermés dans cette ville.
Quelques auteurs ont prétendu que ces infortunés y furent jetés vivans dans des puits.
Nous savons de source certaine qu’ils furent au contraire élargis secrètement et
dépaysés.
Ce lieu fut, dans la suite, un endroit de refuge pour les troupes de Raymond de Turenne.
Marle, qui était alors sénéchal, vint les disperser, et d’ici il fit assiéger Éléonore de
Comminges dans le château de Meyrargues.
Cette ville était autrefois beaucoup plus considérable. Les moines de Mont-Majour en
ayant voulu disputer la propriété à Guillaume de Sabran, comte de Forcalquier, celui-ci
en fit démolir une grande partie. Je pense que ce fut parce que cette partie appartenait
réellement aux moines. La ville actuelle est ceinte de murailles flanquées de tours. Elle a
soutenu plusieurs siéges; mais le plus mémorable est celui de 1596, contre les ligueurs. ll
fut cause de la destruction de ses bastions et de ses forts.
Pertuis est dans une vaste plaine. La ville renferme des places fort vastes, des tanneries,
des fabriques d’étoffes de laine et des filatures pour la soie. Le climat est froid en hiver.
Les roubines, sortes de marais, y entretiennent une humidité dans l’atmosphère qui nuit
à la santé des habitans.
Le territoire abonde en pâturages. On y recueille du blé, du vin, des olives et des fruits
de toute espèce. Il y a aussi beaucoup de mûriers, ce qui fait que dans le pays on élève
beaucoup de vers à soie. La campagne est fort belle et très-bien cultivée. Il y a une
pépinière qui fournit des plants d’arbres à plus de vingt lieues loin. La nature du sol est
à-peu-près la même qu’à Cadenet.
Il y a à Pertuis de beaux marchés pour les blés et une foire, le 13 du mois d’août. Pop.
4,530 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Pertuis, Ansouis, Bastides
des Jourdans, Beaumont, Cabrières-d’Aygues, Grambois, la Bastidonne, la Motte
d’Aygues, la Tour-d’Aygues, Mirabeau, Peypin d’Aigues, Saint-Martin de la Brasque,
Sannes et Vitrolles.

PÉRUSSE (LA). Petit villaGe à 5 lieues de Digne son chef-lieu d’arrondissement et de


canton. Son nom lui vient de la quantité de poiriers sauvages (pérussier) qu’on trouvait
dans le territoire. Le sol produit des céréales, des légumes et des fruits. Pop. 42 hab.

PESQUIER. Étang, qui se trouve dans la presqu’île de Giens, entre la grande rade
d’Hyères et la rade de Giens.

PEYLE.Nom vulgaire du village et de la vallée de Peyroulle. Voyez ce mot.

PEYNIER, Villa de Puioneroni,de Podio Neroni. Village du canton de Tretz, à 5 lieues


d’Aix. Il fut construit par un démembrement de la ville de Tretz, et eut à peu près le
même sort. Ce pays était couvert d’épaisses forêts qui lui ont valu le nom de Neroni,
altéré de Negroni, et remplacé plus tard par celui de Nigro, qui est plus correct. Ce nom
peut aussi lui venir de la grande quantité de mines de charbon de terre dont
l’exploitation est la seule industrie du pays.
Quelques Albiciens ayant quitté leur pays qui ne leur offrait que misère, vinrent se réunir
aux habitans de Peynier et s’établirent dans la Campagne pour se livrer à l’agriculture.
Ils y eurent un temple au lieu même encore appelé Albisii, où l’on a trouvé des ruines,
des médailles marseillaises et des médailles gauloises.
Le climat de Peynier est doux, l’air sain. Le sol est assez bien-cultivé; il produit du vin
et de l’huile qui équivaut à celle d’Aix. Il y a beaucoup de chênes. La terre contient du
jayet. Pop. 1,000 hab.

PEYPIN, Pedium Pini. Village du canton de Roquevaire, à 5 lieues de Marseille. Climat


tempéré; air sain. Tout le monde y jouit d’une honnête aisance. Chacun y cultive son
propre fonds. Le sol produit principalement des passes, du vin cuit et du vin clairet. Pop.
1,000 hab.

PEYPIN D’AIGUES. Voyez PUYPIN.

PEYRE (SAINT). Voyez PUGET-FIGETTE.

PEYRESC. Village du canton de Saint-André, à 9 lieues de Castellane. Il avait donné le


nom au savant Peyresc, conseiller au parlement de Provence, qui en était seigneur, et
duquel Gassendy avait écrit l’histoire. On y trouve une caverne d’où sort tous les jours
un petit vent qui augmente jusqu’à minuit, et qui diminue depuis minuit jusqu’au lever
du soleil; il cesse alors tout-à-fait pour ne reprendre que le soir au déclin de cet astre. On
assure que dans la même caverne il y a des pierres molles comme de la boue qui, dès
qu’elles sont enlevées de terre, deviennent des cailloux très-dur.
Ceci ne paraît pas vraisemblable. Il conviendrait que quelque savant en fît l’expérience
et nous donnât l’analyse de cette pierre. Le sol de ce pays est fort aride et ne produit
qu’à force d’engrais. Pop. 213 hab.

PEYROLLES, Castrum de Peyrolas. Bourg chef-lieu de canton, à 4 lieues d’Aix, et non


loin de la rive gauche de la Durance. On assure que les Liguri, peuplade celto-lygienne,
avaient leur chef-lieu dans territoire. Je crois qu’il devait se trouver près du village de
Jouques, et à portée de la Traconnade; car les brouillards de la Durance rendent la plaine
de Peyrolles malsaine.
En 1814, un drôle de thaumaturge, nommé Beïnet; sorti de la commune de Saint-Bonnet
près de Gap, se présenta dans le bourg de Peyrolles, accompagné de sa nièce seulement.
Tout en faisant le muet, cet homme eut l’adresse de se donner la réputation d’un saint. A
la vérité, sa nièce, fine et rusée, le secondait à merveille. La religion du curé du lieu fut
trompée par un nombre de miracles simulés. Bientôt de toutes les parties de la Provence
accoururent des aveugles, des boiteux, des épileptiques, des phtysiques, des goutteux,
etc.; toutes les voitures, fiacres, cabriolets de Marseille, Aix et autres villes n’étaient
plus occupés qu’à faire le voyage de Peyrolles; des paralytiques étaient apportés sur des
litières ou des brancards; peu s’en fallut qu’on n’apportât jusque des morts à ressusciter.
A cette nouvelle, la police départementale se disposa à aller s’assurer des faits. Le
prétendu saint ayant été prévenu de cette visite prochaine, s’enfuit dans son pays, où il
mourut quelques semaines après. Le peu de jours que durèrent ses miracles procurèrent
au pays de Peyrolles des sommes immenses. L’aubergiste qui avait chez lui Beïnet fit
une petite fortune.
Le bourg de Peyrolles est bâti dans la plaine et entouré de murailles. Le territoire produit
du blé, du tabac, du foin et du vin. Il y a aussi une belle pépinière d’arbres fruitiers et
d’utilité publique. Populat. 1,200 hab.
Les communes du ressort de la Justice de paix du lieu sont, Peyrolles, Jouques, Saint-
Paul les Durance, Meyrargues et le Puy-Sainte-Réparade.

PEYROULLES, OU PEYROLLES. Petroelœ. vulgairement Peylos. Village à 4 lieues de


Castellane son chef-lieu d’arrondissement et de canton, dans une longue vallée que le
peuple nomme rivière. L’ancien village était sur la hauteur. Les habitations actuelles
forment quatre hameaux. Les eaux dont ce pays abonde fournissent beaucoup de
pâturages. On vante les fromages de ce pays. Le sol est d’une qualité médiocre; il
produit des grains de toute espèce. On y fabrique des étoffes communes de laine. Les
femmes font des chapeaux de paille pour les paysannes. Les sources de Gontal, Marcy,
la Moulière, le Fontanil, etc., naissent dans le territoire et forment la petite rivière du
Jabron, qui se jette dans le Verdon au-dessus d’Aiguines et près du pont de Rougon.
Climat froid et sain. Pop. 576 hab.

PEYRUIS, Petrosium. Village chef-lieu de canton, à 5 lieues de Forcalquier. Quelques


auteurs veulent que le fameux Pétronne, poète qui vivait sous Néron, ait reçu le jour à
Peyruis, et, par conséquent, que ce lieu soit le Vicus Petronii des Romains. Ils donnent
pour preuve l’inscription qu’on trouva dans le territoire, sur le bord de la Durance. En
voici une copie exacte, d’après Honoré Bouche.

PROH DOLOR
AEMY BERE.... PRAE ILLIRICS
QVI IMPER. MAGISTRATVS
SICARIOS INSECVTVS IVSTE
SEMPER FVERT POST ADMINIST.
AEGYPT. DVM IN GALL. CVM LIBER
IVSSV IMP. CON... PROFICISCERE...R
A SICCARIS ET IVDÆIS PERVICACISS.
NEFANDVM FASCINS IN VICO C.
PETRONII AD RIPAM DRVENTIÆ
PVGIONI CONFOSSVS HIC SITVS EST
S. L. H. P. M. R. D. O. M. V. F.

Le territoire de Peyruis est souvent ravagé par les débordemens de la Durance.


Cependant il produit du blé, des légumes, de l’huile, beaucoup de vin et des fruits. Les
foires sont, le 18 septembre et le 24 novembre. Pop. 748 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Peyruis, Angès, la Brillanne,
Ganagobie et Lurs.

PICHAURIS. Hameau dans le territoire de Peypin les Roquevaire.

PIÉGUT, Podium Acutum. Village du canton de Turriers, à 9 lieues de Sisteron. Le


territoire renferme une belle mine de plomb contenant argent. Le sol donne les mêmes
productions que celui de Ventirol. Pop. 170 hab.

PIERRE-DE-VASSOLS (SAINT). Village du canton de Mourmoiron, à 2 lieues de


Carpentras, sur la Mède. Le climat et le produit du sol sont les mêmes qu’à Modène.
Pop. 356 hab.
PIERRE (SAINT). Village du canton d’Entrevaux, à 15 lieues de Castellane. Pop. 512
hab. Voyez PUGET-FIGETTE, son hameau.

PIERRE-DE-MÉZOARGUES (SAINT). Voyez ce mot.

PIERREFEU. Village du canton de Cuers, à 6 lieues de Toulon, bâti sur une hauteur. Il y
avait autrefois une cour d’amour pareille à celle de Signes. On y voit une pierre votive
en l’honneur de la déesse Trétra, inscription qui existait autrefois à Tretz, où elle avait
été lue par Peyresc et autres savans. L’élévation sur laquelle le village est bâti, est un
rocher quartzeux grisâtre, élevé et taillé à pic du côté du nord. Les puits qu’on y a
creusés donnent une eau saumâtre, tandis que ceux qui sont ouverts dans le schiste en
fournissent de très-pure. Au nord de Pierrefeu sont des bancs de grès tenant en
poudingue des porphyres roulés, quoique aucune montagne voisine ne renferme des
porphyres en masse. Le terrain est fertile; il produit de l’huile, du vin, des figues, des
fruits de toute espèce, beaucoup de fourrage et de haricots. Populat. 1,210 hab.

PIERRERUE. Village à une lieue de Forcalquier son chef-lieu d’arrondissement et de


canton. Le sol produit du blé, du vin et de l’huile. Pop. 597 hab.

PIERRE-VERT, petra Viridis. Petit village du canton de Manosque, à 5 lieues de


Forcalquier. Terroir assez fertile; il produit du vin, des légumes et des fruits excellens,
surtout les cerises. Pop. 890 hab.

PIGNANS, Castrum Pignaviense. Petite ville du canton de Besse, à 5 lieues de


Brignoles. Elle avait autrefois une forteresse peu importante, car on ignore à quelle
occasion elle fut détruite.
Pignans fut le théâtre des folies du fanatique Vaillant, qui, secondé par Lamartine et
Lamanon, se mêlait de prophétiser. Vaillant s’annonçait pour être le prophète Élie, et il
trouva des sots qui ajoutèrent foi à son extravagance. M. de Soanen eut trop de bonté de
prendre la peine de le combattre dans ses lettres.
En 1707, le duc de Savoie venant assiéger la ville de Toulon qu’il savait sans troupes et
sans préparatifs de défense, s’arrêta à Pignans, dans la persuasion sans doute que le
gouverneur de Toulon s’empresserait de lui envoyer sa soumission. Il fut étonné
d’apprendre, au contraire, que dix-huit bataillons de troupes françaises, venus à toute
hâte du Dauphiné, ayant passé par la Roquebrussane et par Méounes, avaient déjà
traversé Solliès. Il assembla alors les princes et généraux de toutes les puissances qu’il
avait à sa suite, et tous, lui excepté, furent d’avis de battre en retraite, et de renoncer à
attaquer des Français dans leur pays. On sait combien l’entêtement du duc coûta cher à
sa gloire et à son armée.
Pendant l’occupation de Toulon par les Anglais, les représentans Barras et Fréron et le
général Lapoype coururent le plus grand danger dans le pays. Les deux premiers se
sauvèrent à pied; mais le dernier fut détenu jusqu’à ce que des troupes vinssent le
délivrer. Les habitans firent bonne contenance, et tout se termina à l’amiable. Ils
s’étaient retranchés sur la montagne de Notre-Dame des Anges,qui est formée de schiste
mêlé de quartz en masse et en débris, et ne relâchèrent leur prisonnier, que sous les
conditions que le pays et les habitans ne seraient jamais troublés ni recherchés pour cette
affaire.
Le pays offre une blanchisserie, des tanneries, des martinets pour le cuivre, des moulins
à foulon, une papeterie et une belle distillerie d’eau-de-vie. Ces fabriques sont favorisées
par une belle source qui naît en dessus de la ville, et qui arrose beaucoup de prairies et
de jardins. On recueille dans le territoire du blé, des légumes, de l’huile, beaucoup de
marrons très-estimés et du foin. Mais la principale production est le vin, qu’on distille
presque tout. On fait cependant de la passe. Le pays est froid et humide pendant l’hiver.
Les jours de foire sont, les 17 janvier, 8 septembre et 13 octobre. Pop. 2,400 hab.

PINET. Cap de la côte maritime du département du Var, près de Ramatuelle.

PIOLENC, Podiolenum ou Podium Odolenum. Bourg à une lieue et demie d’Orange son
chef-lieu de canton et d’arrondissement, près la rive gauche du Rhône. Climat assez
froid et très-sujet à des vents impétueux. Le sol est humide et le terrain gras. Il produit
quantité de vin, de blé, de légumes, du foin, du maïs et toutes sortes de fruits. On y
cultivait autrefois le tabac. Il y a un grand nombre de mûriers, de figuiers et de saules. Il
y a une verrerie, une fabrique de faïence, plusieurs filatures de la soie, quantité de
fontaines, dont deux très-abondantes, qui naissent dans le bourg même. Le territoire
renferme du jayet, des pierres coquillières, des argiles propres à la poterie et à la faïence,
et une mine de charbon de terre qu’on a exploité avec avantage. Pop. 2,040 hab.

PISAVIS. Voyez PÉLISSANE.

PLACASSIER, Hameau dans le territoire de Grasse.

PLAN (LE). Autre hameau dans le territoire de Grasse.

PLAN-DU-BOURG. Ile de la Camargue, formée par le grand Rhône, le canal du Japon


et la mer.

PLAN-DE-LA-TOUR (LE). Cette commune n’est établie que depuis un petit nombre
d’années, ayant été détachée de celle de la Garde-Freinet en 1793. Il paraît que son
territoire actuel, ainsi que ceux de Saint-Pierre de Miramas et de Sainte-Maxime, furent
saccagés à tel point, pendant le quatorzième et le quinzième siècle, qu’il n’y resta plus
d’habitations ni d’habitans.
Après la fondation de Saint-Tropez par les Génois, le golfe de Grimaud commença
d’être respecté par les barbaresques et les autres pirates. Pauléty, notaire à Grimaud, se
hasarda le premier, en 1476, à acheter une assez vaste étendue de terre dans le territoire
de Saint-Pierre de Miramas, et tout près du terrain qu’occupe le hameau actuel du Plan
de la Tour. Pour garantir ses valets et travailleurs de toute surprise, il fit bâtir sur une
hauteur, au centre de son domaine, une forte tour qui porta son nom pendant long-temps,
et qui subsiste encore en partie dans la bastide de M. Jean-Baptiste Sigallas, appelée La
Tour. Plusieurs années après, la sécurité et le nombre des cultivateurs augmentant, ce
domaine se divisa, et l’on bâtit dans la partie en plaine une bastide qui est désignée sous
le nom de Plan de la Tour, dans un acte de 1613. La population s’accroissant aussi
graduellement dans la partie du territoire de la Garde-Freinet voisine de la Tour de
Pauléty, qui était fort éloignée du chef-lieu de la commune et même de l’église de la
Moure sa paroisse, l’on y bâtit une église sous l’invocation de Saint-Martin, laquelle fut
érigée en succursale, en 1770. Il se forma à l’entour un hameau qu’on appela Saint-
Martin du Plan de la Tour, et qui devint bientôt un joli petit village bien bâti, avec une
place plantée d’arbres et des rues assez larges. C’est là le chef-lieu de la commune du
Plan de la Tour, qui augmenta rapidement. Il est entouré d’un nombre considérable de
hameaux qui donnent à cette contrée un aspect riant et pittoresque.
Le sol est généralement montagneux et pierreux; les parties basses sont formées d’un
terrain graveleux et stérile; mais l’industrie et le travail de ses laborieux habitans supplée
à l’infertilité naturelle du sol, qui produit du vin et de l’huile excellens; on y élève
beaucoup de gros et de menu bétail, surtout des ânes renommés par leur vigueur et leur
agilité. Il y avait autrefois dans le pays beaucoup de ruches à miel, qui ont un peu
diminué à cause du bas prix du miel et de la cire. L’éducation des vers à soie est peu
suivie; elle serait cependant d’un produit d’autant plus avantageux, que le mûrier réussit
assez bien dans les terrains pierreux impropres à toute autre plantation. Il y avait un
dévidage de soie que les propriétaires ont fermé depuis quelques années. On porte
maintenant les cocons aux fabriques des Arcs, de Draguignan et de Grasse, car il n’y a
plus aucune fabrique de ce genre dans les cantons de Grimaud et de Saint-Tropez. Il
serait à souhaiter qu’il s’en établît quelqu’une, pour encourager la culture du mûrier dans
une contrée où elle est totalement négligée.
L’industrie s’est rejetée sur la fabrication des bouchons, qui se fait assez activement au
Plan de la Tour dans trois fabriques.
Le village du Plan de la Tour fait partie du canton de Grimaud, et se trouve à 7 lieues de
Draguignan. Il y a une foire assez importante pour la vente des bestiaux, principalement
des bœufs et des chèvres, le 1er août. Pop. 1,086 hab.

PLAN D’ÉOUQUE. Hameau dans le territoire de Marseille.

PLAN D’AUPS, ou PLAN HAUT, dans les anciens titres Alma. Petit village du canton
de Saint-Maximin, à 8 lieues de Brignoles, sur la montagne de la Sainte-Baume qui est
en partie dans son territoire. C’est au Plan d’Aups que certains auteurs ont cherché de
placer les Albici, peuple qui habitait aux environs de Riez. Nous avons suffisamment
combattu cette erreur à l’article AUBAGNE, auquel nous renvoyons nos lecteurs. Le
territoire est assez fertile, principalement en blé et en pâturages servant à la nourriture de
nombre de troupeaux. On avait essayé de planter de la vigne à 800 mètres au-dessus du
niveau de la mer; mais leurs fruits ne purent point parvenir à maturité. Le territoire
renferme des grottes spacieuses, principalement celle de la Sainte-Baume, du très-beau
marbre jaune, rouge et blanc mélangé, imitant la brocatelle d’Espagne, et beaucoup de
coquillages fossiles sur le calcaire. Pop. 90 hab.
PLANIER. Tour sur un rocher au milieu de la mer, en face de Marseille et à 2 lieues du
port Dieu-Donné. Cette tour est habitée par un homme à gages qui a le soin d’allumer
tous les soirs un gros fanal, pour avertir les navigateurs qu’il y a là un écueil dangereux.
Pendant la dernière guerre continentale, il est arrivé que le mauvais temps empêchait ce
gardien d’aller à la ville se procurer des provisions. Les Anglais qui croisaient devant
Marseille s’empressaient de lui en fournir gratuitement. On vient d’y construire un
nouveau phare infiniment plus solide que n’était le premier.

POIL (LE), OU LE PEL, LE POIR, Pirus. Village du canton de Sénez, à 8 lieues de


Castellane. Pays très-froid qui ne produit que du blé. Pop. 323 hab.

POMÈGUE. Une des îles devant Marseille. Voyez ce mot.

POMME (LA). Hameau dans le territoire de Marseille.

POMPONIANIS. L’itinéraire maritime désigne un port sous ce nom, entre Alconis et


Telo-Martius. Pline dit que c’est la même île que Mèze. Cependant on a découvert
dernièrement les ruines de cette station maritime dans le territoire d’Hyères et au
quartier de Saint-Salvadour. Alors elle ne se trouvait pas dans l’île de Mèze. Cette erreur
de Pline n’est pas la seule qu’il ait commise, en parlant de cette partie du littoral. Nous
en donnerons une forte preuve à l’article TOULON.

PONS (SAINT). Petit village à une demi-lieue de Barcelonnette son chef-lieu


d’arrondissement et de canton, au pied d’une haute montagne, exposé au midi, mais
entièrement dans la plaine. Ce village est le plus ancien de la vallée. Des Bénédictins
défrichèrent les terres et civilisèrent les habitans, qui avaient été démoralisés par les
barbares du nord. Le portail de l’église, d’une architecture ancienne, porte quelques
inscriptions gothiques; le clocher paraît être de la même époque. Sur une éminence sont
les ruines d’un château qui a dû être assez important.

On a essayé de fabriquer de l’alun très-pur dans ce village et on y a parfaitement réussi,


en faisant dissoudre dans de l’eau une efflorescence provenant d’une terre schisteuse de
couleur noirâtre qu’on trouve dans le territoire. On fait évaporer au soleil cette
dissolution, jusqu’à ce que ce sel ait pris une certaine consistance, et voilà toute
l’opération. Le sol produit du blé, des fruits et des plantes potagères. La plaine est en
grande partie ravagée par un torrent qui se précipite de la montagne des Orres. Pop. 700
hab.

PONT-DE-SORGUES, Pons Sorgiœ. Bourg du canton de Bédarrides, à une lieue et


demie d’Avignon, fermé de belles murailles, dans une belle et vaste plaine, sur la rivière
de la Sorgue et près de son confluent dans le Rhône. On y voit les restes d’un très beau
château bâti par les comtes de Toulouse, détruit par le baron des Adrets, lors de
l’invasion des huguenots. Il y a aussi des martinets pour le cuivre et une papeterie qui
jouit d’assez de réputation. Le sol est varié; il y a du bon et du mauvais.
On y recueille du blé, de l’huile excellente, de bons navets, et surtout beaucoup de vin
d’une bonne qualité. Pop. 2,530 hab.

PONT-ROYAL. Hameau de la commune d’Alain, près du canal de Craponne, qu’on


passe sur un pont. Ce hameau, à peine commencé, est déjà composé de plusieurs
auberges, d’une caserne pour les gendarmes et de plusieurs autres maisons. Dans la
suite, ce sera un bourg qui deviendra commune importante, à cause de la grande route
qui le traverse, et de la fertilité du terroir arrosé par les eaux de la Durance.

PONTEAU. Petit port au milieu de l’île de la Tour de Bouc, sur la côte maritime du
département des Bouches-du-Rhône.

PONTEVÉS. par corruption Pontés. Ancien village du canton de Barjols, à 6 lieues de


Brignoles. Dans le seizième siècle, le seigneur du lieu appela un certain nombre de
familles génoises pour repeupler ce village que les guerres et la peste avaient rendu
presque désert. Le climat est assez beau. Le sol produit du bon vin, de l’huile, des
légumes et surtout du blé pour semence très-recherché, principalement aux marchés de
Draguiguan. Pop. 550 hab.

PONTIS. Village du canton du Lauzet, à 8 lieues de Barcelonnette, entre l’Ubaye et la


Durance. Il est divisé en quatre hameaux situés dans des collines dont l’une est connue
sous le nom de Col de Pontis. Les Ésubiens devaient s’étendre dans ce territoire comme
dans un poste avancé, pour tenir en échec les Savinéates qui occupaient la rive gauche
de la Durance près du confluent de l’Ubaye. Le principal produit est les pâturages. Pop.
275 hab.

PORQUEROLLES. Une des îles d’Hyères. Voyez ce mot.

PORT-MIOU. Port sur la côte maritime du département des Bouches-du-Rhône, au sud-


ouest de Cassis. C’est l’Œmines Portus des anciens,

PORTE. Cap de Porte, sur la côte maritime du département du Var, près de Gassin.

PORTEAU. Cap du Bon-Porteau, sur la côte maritime du département du Var, près de


Gassin.

POURCIEUX, Castrum de Porcals ou de Porcillis. Village du canton de Saint-Maximin,


à 6 lieues de Brignoles. Le nom de ce village a une origine très-ancienne. Les uns le font
dériver d’un consul romain nommé Porcius; d’autres le font venir de purum cœlum; et
quelques-uns du provençal pourciou (toit-à-cochon), à cause de la grande quantité de
pourceaux qu’on y élevait, avant qu’on détruisît les forêts de chênes du territoire. Le
premier est le plus vraisemblable. Un grand capitaine nommé Porcius, servant sous
Marius dans la grande bataille contre les barbares, qui eut lieu devant Pourrières et en
partie dans la campagne de Pourcieux, peut fort bien avoir été enseveli à l’endroit où se
trouve ce village. Il est probable que ce capitaine servît dans la cavalerie; car nous
savons que ce fut un corps de cavalerie qui, près de Pourcieux empêcha les barbares de
s’échapper de ce côté-là.Il existe dans le territoire des vestiges de la voie romaine. Elle
passait entre deux montagnes, pour éviter la plaine de Saint-Maximin qui n’était alors
qu’un vaste marais. On nomme pont des Romains, le pont qui est à Pourcieux, quoiqu’il
ne soit pas de construction romaine. Il est à croire que les Romains y en avaient construit
un que le temps ou quelque événement déplorable ont fait entièrement disparaître.
Au sommet d’une petite montagne en forme de pain de sucre, on voit les restes d’un
ancien château que la tradition porte avoir servi d’asile aux rebelles pendant les guerres
civiles; et que de là, ils faisaient contribuer les lieux voisins jusqu’a Arles, ce qui est un
peu fort et même incroyable; car la ville d’Aix ainsi que celle de Marseille auraient pu
dompter ces malfaiteurs. Arles même aurait pu envoyer des forces plus que suffisantes
pour cerner ce fort, le prendre par famine et le raser ensuite. Lorsqu’il s’agit d’un fait
historique, on ne doit pas plus ajouter foi à la tradition, que si elle nous racontait une
histoire de sorciers ou de revenans.
Le climat est sain et tempéré; le sol est sablonneux; il produit du blé, de l’avoine, du
seigle, du vin et beaucoup de haricots noirs. Pop. 630 hab.

POURRIÈRES, OU PORRIÈRES, Porreirœ, autrefois Castrum de Porreras. Village du


canton de Saint-Maximin, à 7 lieues de Brignoles. Quelques personnes ont prétendu que
le nom de Pourrières venait de la pourriture occasionnée par le nombre des morts qui
succombèrent à la bataille dont nous allons parler. Cette opinion n’est pas du tout
vraisemblable, et ne mérite pas d’être réfutée.
Ainsi qu’on a pu le voir aux articles FOZ-LES-MARTIGUES et CRAU, plusieurs
troupes de barbares sortis de la Germanie, se répandirent dans les Gaules, environ 112
ans avant Jésus-Christ. Ils pénétrèrent en Provence, malgré les efforts et l’habileté des
Romains. Encouragés par leurs premiers succès, ils voulurent entreprendre la conquête
d’Espagne; mais ils trouvèrent des obstacles qu’ils ne purent surmonter, et ils
retournèrent dans les Gaules, pour de là diriger vers l’Italie. Ils se partagèrent en deux
bandes. La moindre prit la route des Alpes Noriques; et la plus nombreuse s’achemina
vers les embouchures du Rhône, passa le fleuve près d’Arles, traversa la plaine de la
Crau, et fut provoquer les Romains qui se trouvaient retranchés à Foz-les-Martigues.
Mais ne pouvant les attirer dans la plaine, elle se décida à quitter un lieu qui ne lui offrait
aucune ressource pour vivre, pour aller en chercher un autre qui lui fût avantageux: elle
prit la route de l’Italie.
Les Romains, commandés par C. Marius, poursuivirent le derrière de l’armée des
barbares, et lui firent éprouver des pertes considérables, principalement à une lieue
d’Aix, près du ruisseau de Bayon. Fatigués par cette dernière affaire et par une longue
marche, les barbares voulurent prendre quelques jours de repos dans la plaine de devant
Pourrières. Marius ne perdit pas le temps. Il ordonna à une partie de ses troupes de faire
le tour de la montagne, et d’aller prendre les positions les plus avantageuses; d’autant
mieux que tous les retranchemens celtes qui entouraient cette plaine étaient déjà occupés
par les habitans, qui avaient également reçu ordre de Marius de s’y enfermer à
l’approche de l’ennemi. Le reste des Romains longea la montagne et à mi-côte, et sans
perdre de vue l’ennemi, il s’y retrancha sur plusieurs points. Ces hauteurs étaient
dépourvues d’eau. Les soldats, dévorés par la soif, en murmuraient. Marius leur montra
la rivière de Lar occupée par les barbares, et leur dit:
— Rendez-vous maîtres de cette eau, et vous boirez.
Le combat s’engagea bientôt et fut très-meurtrier. Les femmes des barbares se battirent
en héroïnes et en désespérées. Mais toute leur bravoure et leurs efforts ne purent rien
contre la tactique d’un chef habile et contre la valeur d’une troupe bien disciplinée. Les
Romains massacrèrent tout ce qu’ils rencontraient; Cimbres, Ambrons, Teutons, tous
furent écharpés. Les femmes et les enfans ne furent pas même épargnés. Les barbares,
qui fuyaient vers l’Italie, furent taillés en pièces par une division de cavalerie romaine en
réserve près de l’endroit où se trouve le village de Pourcieux. A peine quelques Cimbres
s’échappèrent-ils à travers les bois et à la faveur de la nuit. Ils errèrent pendant quelque
temps à l’aventure, et ne s’arrêtèrent qu’à la fin de la terre, c’est-à-dire au bord de la
mer, où ils fondèrent la ville d’Héracléa Cacaberca, aujourd’hui Saint-Tropez. Le reste
des barbares fut poussé vers Aix. Là, ils se divisèrent en deux bandes. La moins
nombreuse prit la route des Alpes et fut anéantie sur le bord de la Durance, dans la
plaine entre les villages de Saint-Paul et de Vinon. L’autre bande fut atteinte et battue sur
la route d’Avignon près du village de Mallemort, et entièrement détruite à Glanum,
aujourd’hui Saint-Rémy, où l’on éleva un superbe arc de triomphe, pour éterniser cette
mémorable affaire.
Près de deux cents mille âmes restèrent sur le champ de bataille de devant Pourrières. Le
roi Teutobochus et plusieurs princes de sa cour furent trouvés parmi les morts. Un grand
nombre de femmes y perdirent la vie. Un général romain y succomba aussi; mais comme
on ne put reconnaître son corps pour lui rendre les honneurs de la sépulture, on lui éleva
un cénotaphe avec de la brèche de la montagne voisine, qui prit le nom de Mons
victoriœ. Le monument a subsisté long-temps. A la fin du siècle dernier, il en paraissait
encore la base, mais aujourd’hui à peine en reconnaît-on la place, tandis que l’arc de
triomphe de près de Saint-Remy est encore en bon état.
Près de Pourrières est une colline connue depuis long-temps sous le nom de peiros
munitiouns, à cause du retranchement qu’on y voit encore; signe probable que près de là
il y avait le chef-lieu d’une peuplade celto-lygienne. Quelques personnes ont dénaturé le
nom de ce retranchement, et en ont fait pain de munition. On ne peut guère se rappeler la
forme des pains de munition du temps des Romains, tandis qu’on reconnaîtra long-
temps encore les pierres militaires des premiers habitans de la Celto-Lygie.
On découvre de temps en temps des médailles romaines dans le territoire de Pourrières.
Le sol produit principalement du vin. Pop. 1,900 hab.

PRADS. Village du canton de la Javie, à 9 lieues de Digne, sur la rive droite de la


Bléonne, dans un pays montagneux. Le sol ne produit que du blé Pop. 522 hab.

PUGET LES TOULON. Village du canton de Cuers, à 7 lieues et demie de Toulon,


divisé en douze hameaux. En 1707, celui sur la route fut brûlé par les troupes du duc de
Savoie qui étaient venues pour assiéger la ville de Toulon. La peste de 1720 en dépeupla
entièrement deux autres. L’ancien village était sur une éminence. Le territoire est en
partie arrosable et en partie stérile. Ses principales productions sont, l’huile et le vin dont
on fait un grand commerce. Il y a des distilleries d’eau-de-vie On y sème aussi du
chanvre et du millet. La principale rivière vient de Pignans; c’est le Riou-Martin (Vicus
Martinus). Les jours de foire sont, le 22 août et le 21 octobre. Pop. 1,780 hab.

PUGET-LES-FRÉJUS Village du canton de Fréjus, à 6 lieues de Draguignan. Climat


tempéré; air moins malsain qu’à Fréjus. Le torrent des Blavets et les marais des environs
ne sauraient procurer la salubrité. Sol partie sec, partie arrosable, et partie fertilisé par
les débordemens de l’Argens. Il est très-productif en blé, avoine, millet, légumes, et
surtout en tabac, qui est réservé par la régie pour faire partie de la première qualité. Il y a
beaucoup de landes et de terres stériles. Foire, le 25 juillet. Population 1,060 hab.

PUGET-FIGETTE. Hameau de Saint-Pierre-d’Entrevaux. L’ancien lieu fut détruit du


temps des guerres civiles. On y voit les restes d’une tour carrée en pierres de taille, qui
était sans doute destinée à donner des signaux; car on voit de semblable tours à plusieurs
villages circonvoisins. Le nouveau village fut d’abord appelé Saint-Peyre.
Le climat est assez tempéré. L’air est pur et sain, quoique l’on voie souvent des
brouillards le midi. Les deux tiers du territoire sont incultes et incapables d’aucune
production. L’autre tiers donne du froment, du méteil, de l’épeautre, des cerises, des
pommes, des prunes qu’on fait sécher au soleil, et surtout des poires que les habitans
font cuire au four pour pouvoir les garder en hiver. Autrefois il y avait des vignes, mais
les raisins ne parvenaient jamais à maturité.

PUY-DE-GANAGOBIE. Hameau de Peyruis.

PUY-SAINTE-RÉPARADE, Podium Sanctœ Repartœ. Village du canton de Peyrolles, à


3 lieues d’Aix, près la rive gauche de la Durance, et divisé en trois hameaux. Sur le
sommet d’une haute colline sont les débris d’un ancien château fort qui soutint plusieurs
siéges du temps de la ligue. Au quartier de Féline est un autre château ruiné. Le sol
produit des grains, du vin, du tabac, des amandes et un peu d’huile excellente. La
Durance a exercé de grands ravages dans la plaine. Il y a dans le territoire une source
d’eau minérale amère et salée. Pop. 1,340 hab.

PUYLOUBIER, Podium Luberium. Village du canton de Tretz, à 4 lieues d’Aix, situé


au midi et au pied du mont Sainte-Victoire. On croit que saint Serf mourut à une demi-
lieue du village, sur le penchant de la montagne, où l’on voit des rocher, très-escarpés.
Le sol produit principalement du vin. Pop. 920 hab.

PUYMERAS, Podium Almeracum. Village du canton de Vaison, à 6 lieues et demie


d’Orange. Des familles romaines avaient construit des villœ dans le territoire, et
peuplèrent le pays. Pop. 820 hab.

PUYMICHEL, Podium Michaelis, autrefois Castrumde Podio Michale. Village du


canton des Mées, à 8 lieues de Digne. Quoique le sol soit peu fertile, et celui des collines
fort aride, il produit du blé, du vin, de l’huile et quelques fruits exquis. C’est la patrie de
saint Elzéar et de sainte Delphine. Ces deux époux furent mariés dans ce même lieu.
Foire, le 27 septembre. Pop. 820 hab.

PUIMOISSON, Podium Messium. Bourg du canton de Riez, à 10 lieues de Digne. En


1790, on découvrit au quartier de Pas de la Val, une urne en albâtre statuaire, haute de
quarante-huit centimètres, qui renfermait, avec les cendres d’un chevalier, la poignée de
son épée et sa bague qui portait gravée en creux une très-belle tête d’aigle.
A peu de distance de l’urne, on retira trois morceaux d’albâtre qui faisaient partie d’une
pierre tumulaire cassée depuis long-temps, et une cinéraire de plomb de forme ronde,
portant un couvercle de même métal, et pesant en tout environ trente kilogrammes. La
médaille placée sous la cinéraire était à l’effigie d’Auguste. Des vestiges de maçonneries
considérables, et qu’on ne put détruire, annonçaient les restes d’une ville importante qui
a pu appartenir à la famille de ce chevalier, nommé Oltinus Festus. Le nom du lieu paraît
annoncer un territoire fertile en grains! Il a pu l’être dans un temps; mais sa fertilité est
extrêmement diminuée, car son sol ne produit qu’à force de culture et d’engrais. Le
bourg était autrefois bien plus considérable, et avait des forêts d’amandiers. On y
recueillait du bon vin et des pommes de rainette exquises. Les grands défrichemens ont
dégradé le sol et ruiné le territoire, en ce que les pluies ont entraîné la terre végétale. Les
lieux penchans et élevés n’offrent que les traces d’une aridité inconsidérée; et les lieux
en plaine, un fond de terre sablonneux et sans consistance en quelques endroits, et dans
d’autres, des cailloux plats et roulés comme des galets de rivière. On ne trouve pas
d’autres pierres dans les environs pour soutenir les terres et pour la construction des
maisons.
Il n’est presque pas de commune en Provence où les habitans dussent plus s’occuper du
reboisement des forêts qu’à celle de Puymoisson. Les chênes, les amandiers et les
noyers y seraient en peu de temps d’un grand rapport, et arrêteraient l’impétuosité des
vents, qui désolent l’habitation. Les fonds des vallées bien amandées produiraient autant
que tout le territoire actuel, quoiqu’il donne en petite quantité tout ce qui est nécessaire à
la vie. Quelques grands propriétaires du pays devraient donner l’exemple à la multitude,
en commençant eux-mêmes à faire de grandes plantations d’arbres. Le peuple suit
toujours l’exemple des personnes riches et instruites, et sait rendre justice à ceux qui lui
ont procuré les lumières et l’abondance. Pop. 1,350hab.

PUYPIN, OU PEYPIN, Podiopinum. Village du canton de Volonne, à une lieue et demie


de Sisteron, entre la Durance et le Jabron. Climat tempéré. Sol mauvais; il ne produit
qu’à force d’engrais et de culture. Cependant il donne de tous les fruits de la basse
Provence. Pop. 466 hab.

PUYPIN-D’AIGUES, Podium Pini. Village du canton de Pertuis, à 7 lieues et demie


d’Apt, divisé en quatre hameaux. Une moitié des habitans est catholique, l’autre moitié
est de la religion réformée. Climat très-vif; terroir assez fertile en blé, vin et huile. Le
petit village de Saint-Jérôme se trouvait sur un petit coteau. Ce lieu fut détruit lors des
guerres civiles.
Le fossé des Hermitans est une belle source qui, après avoir arrosé une partie du
territoire, se jette dans l’étang de la Bonde. Pop. 400 hab.

PUYRICARD. Voyez PERRICARD.

PUYVERT. Village du canton de Cadenet, à 4 lieues d’Apt. Le sol offre les mêmes
productions que celui de Lauris. Pop. 197 hab.

Q
QUARIATES. Peuplade celto-lygienne. Voyez ADUNICATES.

QUEIRANNE. Voyez CAIRANNE.

QUINSON, Quinsonum, Castrum de Quinsone. Ancienne ville du canton de Riez, à 16


lieues de Digne, et sur la rive droite du Verdon, rivière qui occupe une large partie de la
plaine, et se resserre toute à la fois pour passer sous un pont de pierre d’une seule arche,
et de là entre deux rochers que la nature semble avoir séparés exprès. La ville était
autrefois sur la colline, et portait le nom de Castrum de sancto Michaele de Quinsono.
On y trouve encore des vestiges d’habitations. La ville actuelle est dans une plaine
resserrée par des coteaux couverts de vignes et d’oliviers. Le faubourg est le quartier le
plus agréable, parce qu’il offre deux rues fort larges pour un petit endroit. Les murailles
et les hautes tours qui fortifient la ville sont d’une grande solidité, quoiqu’elles ne soient
pas de construction romaine. En 1726, un particulier ayant creusé sous les fondemens
d’une de ces tours, elle se renversa en entier, sans qu’il s’en détachât une pierre.
On fut obligé, pour la démolir, de recourir à la poudre et aux pétards. Six de ces tours
sont encore sur pied, et donnent un air assez imposant à la ville. Le climat est tempéré,
l’air assez sain. Le sol produit du blé, du vin et de l’huile aussi fine que celle d’Aix.
La plaine au-dessus de la ville, quoique très-exposée aux vents, pourrait être complantée
en vignes et en amandiers, ce qui rendrait considérablement. Malheureusement le pays
manque de bras et de facultés; je dirai même qu’il manque de personnes assez instruites
pour indiquer au peuple tous les moyens d’amélioration dont le territoire serait
susceptible, Cette ville est absolument sans industrie. Il y a une foire, le 4 septembre,
Pop. 917 hab.
R
RAMATUELLE. Village du canton de Saint-Tropez, à 14 lieues de Draguignan.
Le nom de Ramatuelle paraît dériver, au sentiment de tous les auteurs qui en ont parlé,
de celui des Camatulici, peuple celto-lygien, que les anciens historiens placent sur le
littoral depuis le pays des Bormani jusqu’à l’embouchure de l’Argens, et que Pline, au
contraire, indique (liv. 3, chap. 4) comme habitant les montagnes au nord de
l’arrondissement de Toulon. Quelques auteurs modernes ont cru que Ramatuelle
avait été le bourg, chef-lieu de cette peuplade. Sa position est trop isolée pour cela. Il est
plus probable que les Camatulici, puissans alliés des Bormani et des Commoni,
occupaient, en temps de guerre, toutes les hauteurs du littoral jusqu’au Bec de l’Aigle,
pour défendre leurs pays de toute invasion ennemie. Mais cela ne détruit pas que leur
territoire particulier ne fût dans les environs du golfe qu’Antonin appela sambracitain
(sinus sambracitanus). Le nom de Ramatuelle a assez d’analogie avec Camatulici, mais
il ne prouve pas que ce village ait été un chef-lieu; la situation de Grimaud était
infiniment plus convenable.
Cependant il a pu y avoir aux environs de Ramatuelle une habitation agglomérée de ce
peuple, mais au sommet de la montagne des Cuguillières, qui domine toute la presqu’île
formée par le golfe de Grimaud et la grande mer.
Les Romains établirent un autre village ou une station maritime au quartier des Salettes,
vers l’extrémité de la plaine de Ramatuelle. La mer formait alors un enfoncement
jusqu’à la ferme de la Barraque, qui se trouve à deux cents pas environ de celle des
Sallètes. Cette dernière ferme est en partie de construction romaine; ses environs sont
encore couverts de restes de murailles de ce temps, ainsi que des débris de tuiles et de
poterie ancienne. Un peu plus haut se trouve une bonne source qui fournissait de l’eau
aux habitans et aux navigateurs qui relâchaient à ce mouillage. On a découvert dans ce
quartier des tombeaux romains en briques, des ustensiles et des médailles du Haut-
Empire, dont une à l’effigie de Faustine, épouse d’Antonin.
Ces villages furent ruinés par les incursions des Sarrasins qui bâtirent un de leurs forts
au sommet des Cuguillières, entre les villages actuels de Ramatuelle et de Gassin. Ce
fort fut vraisemblablement détruit en même temps que les autres repaires des Maures.
Les habitans se reléguèrent à l’extrémité de la chaîne occidentale des collines qui
forment le Val de Limbert, dans un endroit qui porte encore le nom de Ville vieille. Cette
position avait l’avantage d’être cachée aux ennemis qui venaient soit de la mer, soit de
l’intérieur de la Provence, tandis qu’on les apercevait de loin. Cela n’empêcha pas ce
lieu des ravages affreux qu’entraînèrent les guerres de Charles de Duras et de Raymond
de Turenne.
Lorsque le calme fut rétabli, on construisit sur un mamelon escarpé de la montagne des
Cuguillières, le village actuel qu’on entoura d’une forte muraille qui fit respecter
l’habitation pendant près de deux siècles, c’est-à-dire jusqu’au temps de la ligue; ce fut à
cette époque que La Valette vint l’assiéger. Il s’en rendit maître en juin 1592, aidé des
habitans des lieux voisins, qui tenaient à la cause du roi. La tradition du pays a conservé
quelques souvenirs de cet événement, et rapporte que les habitans de Ramatuelle,
dépourvus à la fin de munitions de guerre, se défendirent contre les assaillans en leur
jetant des ruches d’abeilles, et en faisant rouler sur eux de gros quartiers de rochers dont
ils avaient garni tout le tour de leurs murailles.
Ce village présente encore, à peu de choses près, le même aspect qu’au temps de la
ligue. Ses maisons basses et noires, ses rues étroites et en partie fort raides, en rendent la
vue et le séjour fort tristes. Cependant les habitans sont, en général, laborieux et sobres;
mais leur civilisation est fort arriérée.
A peine, depuis quelques années, s’y est-il formé deux petites fabriques de bouchons,
quoique le liége soit abondant et d’une excellente qualité dans le territoire.
Les autres productions du pays sont, du bon vin, de la bonne huile et des figues très-
estimées. La chasse aux perdrix rouges y est très-abondante. On les poursuit jusqu’à la
mer, pour les faire noyer et les ramasser ensuite à l’aide de plusieurs bateaux. Le sol est
généralement maigre et aride; on y trouve des carrières de beau granit gris-bleuâtre. Il y
a une foire, le 30 novembre. Pop. 620 hab.

RAPHAEL (SAINT), OU SAINT-RAPHEAU. Village du canton de Fréjus, à 8 lieues de


Draguignan, et sur le bord de la mer. C’est là, ou près de là,mais toujours sur la plage,
que, selon moi, se trouvait un ancien lieu connu des Romains sous le nom d’Epurias, ou
plutôt d’Epulias. Les habitans de Forum Julii allaient y faire bombance, à cause du bon
poisson qu’on prenait et qu’on prend encore sur ce parage. On aperçoit dans l’eau, tout
près d’une batterie, les restes d’un carré en bâtisse qui ressemble assez à une salle de
bains de mer; non loin de là, quelques pans de vieux murs que l’on voit encore semblent
indiquer l’endroit où l’on se plaisait à aller manger le poisson frais, tout comme à
Marseille on va à la Réserve, aux Catalans et à Château-Vert, près la batterie d’Harenq.
Le village de Saint-Raphaël est très-exposé au Maëstral, qui apporte une grande quantité
de sable dans les rues et même dans les maisons. Cependant le mouillage de la rade est
t r è s - s û r, et fait de ce village le centre du commerce maritime de la ville et de
l’arrondissement de Draguignan. Il s’y embarque beaucoup de vin, d’huile, de savon,
des planches, du verre, etc. Le pays est célèbre par le débarquement de Napoléon, à son
retour d’Égypte, lorsqu’il vint renverser le gouvernement directorial, et par son
embarquement pour l’île d’Elbe, lorsqu’il fut déchu de l’empire.
Près de la côte sont deux rochers au milieu de l’eau de la mer, dont l’un s’appelle lion de
terre, et l’autre, lion de mer. Sur le premier, il existe encore les restes d’une tour qui
avait servi de phare, du temps des Romains.
La position d’Agay, dont nous avons parlé en son lieu, se trouve dans le territoire de
Saint-Raphaël. Près l’embouchure de la rivière, sont plusieurs petites anses appelées les
Vieilles. Pendant les guerres continentales, les corsaires viennent s’y enfoncer; et là,
cachés par nombre de petits écueils, ils tâchent de surprendre les navires marchands qui
naviguent de côte en côte. Si l’on desséchait le marais pestilentiel qui rend ce quartier
inhabitable, il est hors de doute qu’un grand nombre de familles viendraient s’y établir,
qu’elles formeraient un lieu assez considérable et une force plus suffisante pour faire fuir
les forbans qui infestent quelquefois cette côte. Les navires français y trouveraient un
port et un bon abri contre les tempêtes. En voilà plus qu’il ne faut pour que l’on doive
s’attacher à rendre ce quartier à l’agriculture et à la société des hommes.
Le climat de Saint-Raphaël est tempéré en hiver, mais très-chaud en été, et peu salubre.
On n’y boit que de l’eau de puits. Le sol est sablonneux; ses principales productions
sont, le blé, les vins rouge et blanc. Il y a une belle fabrique de savon. La seule industrie
est la pêche et l’agriculture; aussi le peuple n’y est pas riche. Pop. 980 hab.

RASSUIN. Étang dans la plaine de la Crau.

RASTEAU (LE). Bourg du canton de Vaison, à 3 lieues et trois quarts d’Orange, à


quelque distance de l’Ouvèze, qui arrose de belles prairies qui rendent le pays gracieux.
Le sol, quoique argileux, est fertile en fruits, principalement en poires, pommes et
olives. Pop. 845 hab.

RATONEAU. Une des îles devant Marseille. Voyez ce mot.

REBOUILLON. Hameau dans le territoire de Château Double, traversé par la Nartubie


qui arrose le fond de la vallée et fait mouvoir plusieurs engins. Sa situation près d’une
capitale celto-lygienne, l’obscurité qu’il devait y avoir lorsqu’elle était entièrement
boisée, et la salubrité de la vallée, tout prouve que ce lieu a dû être une retraite des
Druides, et que c’est là où ils faisaient leurs sacrifices de jour et de nuit. Il n’est en
Provence aucun site plus convenable pour de pareilles cérémonies.
On trouve dans ce quartier une mine de fer fort riche et de bonne qualité, donnant
environ quarante pour cent. Le manque de combustibles est la seule cause qu’on ne
l’exploite pas. La vallée est fort étroite; elle est resserrée par de hautes montagnes qui la
privent, le matin et le soir, des rayons du soleil. En 1815, il se forma une grande
ouverture dans la montagne à l’ouest, d’où il sortit pendant un mois un volume d’eau
d’environ un mètre d’épaisseur. On crut d’abord que c’étaient les eaux de l’Artuby ou du
Verdon qui, s’étant creusées une route souterraine, avaient pris cette direction. Les
personnes instruites pensent que ce sont les eaux pluviales du territoire d’Ampus qui,
filtrant dans les terres, se réunissent dans un vaste réservoir souterrain, et que dès que ce
réservoir se trouve suffisamment rempli, les eaux s’enfuient par cette issue, jusqu’à ce
que la terre limonneuse obstrue le passage. Des vieillards se rappelaient un semblable
événement sur ce même point.

REDORTIERS. Village du canton de Banon, à 6 lieues de Forcalquier. On y élève


beaucoup de pourceaux, qui font le commerce du pays. Pop. 536 hab.

RÉGUSSE, Regussia ou Ragussia. Village du canton de Tavernes, à 8 lieues de


Brignoles. On n’y boit que de l’eau d’un puits qui se trouve à quelques minutes de
l’endroit. Climat tempéré et sain. Le terrain, quoique sec, produit abondamment de bon
blé et des truffes bien parfumées.
Les chênes donnent beaucoup de glands, ce qui fait que dans le pays on élève des
pourceaux qui sont une branche de commerce. Pop. 630 hab.
REII-APPOLLINARIS. C’était le nom des habitans d’une ville de la Gaule et de la
Narbonnaise seconde. C’est la même que la ville de Riez de nos jours. Voyez ce mot.

REILLANE, OU RAILLANE, anciennement Aullania, ensuite Radicana, Rallania,


aujourd’hui Rilhana, Rilhanio. Ville chef-lieu de canton, à 4 lieues de Forcalquier. Je
crois qu’elle fut d’abord le chef-lieu des Eguituri, peuplade celto-lygienne,
démembrement des Mémini. Sous les Romains, cette ville devint cité et marché.
L’historien Nostradamus assure que Pompeia, troisième femme de Jules César y fut
enterrée. Je suis étonné qu’on n’ait pas découvert son tombeau; car on dût lui en élever
un plus beau que ceux qu’on construit pour des personnes du commun.
Si Nostradamus, qui a assuré ce fait, ainsi que ceux qui l’ont avancé d’après lui, avaient
vu l’inscription qui les a induits à erreur, ils auraient été convaincus que la Pompeia
Rufina qui mourut à Reillane, au lieu d’être la femme de Jules César, appartenait à l’une
de ces familles de Pompeia qui étaient nombreuses dans la contrée, et qui toutes avaient
pour souche des affranchis de ces maisons illustres. On croit même que l’historien
Trogue Pompée, qui était du pays des Voconcii, sortait de l’une de ces familles.

POMPEIAC. F.
RVFINA

Reillane fut exposée aux brigandages des Sarrasins, des Lombards et de presque tous les
peuples du nord, qui apportèrent l’effroi et la désolation en Provence. Les protestans et
les catholiques la possédèrent et la déchirèrent alternativement. Son château était très-
fort autrefois; il n’en reste plus que quelques parties qui, ainsi que les murailles et leurs
tourelles, annoncent les ravages du temps, de la barbarie, du fanatisme et de l’ignorance.
Ce n’est que long-temps après les Romains, que les habitans commencèrent à descendre
de la cité pour bâtir sur le penchant oriental de la colline. Les anciens édifices, tels que
le château, les remparts, les tours, etc., étaient d’une solidité à toute épreuve. On y voit
les vestiges d’une synagogue, sur lesquels on a trouvé des caractères hébraïques. Ces
vestiges
annoncent le goût, l’ordonnance et l’architecture d’un vrai temple juif.
A l’extrémité et au couchant de Reillane, est un lieu nommé carlue (canes lacus),
ancienne demeure des Druides. Il y avait un souterrain qui, à ce qu’on assure, conduisait
dans une maison de Druidesses qui se trouvait non loin de là, et sur une élévation dite de
Saint-Géniez.
Le climat de ce pays est tempéré; l’air pur, les eaux salubres, les alimens sains. Reillane
deviendrait en peu de temps une ville fort riche, si on lui procurait des bras et de
l’industrie. Il y avait une verrerie et quelques fabriques de draps communs. Le principal
commerce est la vente des pourceaux qu’on élève en grande quantité dans le pays.
La partie méridionale du territoire présente une riche vallée coupée par des prairies
charmantes. On y voit des terres labourables, des amandiers, des vignes et quelques
oliviers. Le blé du pays est d’une qualité supérieure et un des plus fins de la Provence.
De très-belles sources arrosent la campagne; celle de Saint-Martin entraîne des
minéraux; celle du Riou du pas engraisse les terres.
Les foires du pays sont,le 1er mai, le 7 octobre, le 18 octobre et le 13 novembre. Pop.
1,432 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix de ce lieu sont, Reillane, Aubenas, le
B o u rguet, Céreste, Sainte-Croix,Lincel, Saint-Martin-de-Renacas, Mont-Justin,
Oppédette, Vachères et Villemus.

REMY (SAINT), autrefois Glanum. Petite ville chef-lieu de canton, à 5 lieues d’Arles.
Les Saluvii, démembrement des Saliens, avaient leur chef-lieu au haut de la vallée,
même à l’endroit où commence le défilé qui descend au village des Baux. Les Grecs
phocéens connurent cette bourgade, parce qu’elle se trouvait sur la seule route qui de ce
temps conduisait de Marseille à Arles, Ils y établirent un marché, ou peut-être ils ne
firent que rendre très-important celui déjà existant. Les Romains y firent passer la voie
aurélienne; et quand Constantin voulut embellir la ville d’Arles, les carrières de Glanum
lui fournirent toutes les pierres qui pouvaient lui être nécessaires. C’est ce qui fit valoir
le pays, et qui augmenta le nombre des habitans. Aussi ce bourg s’étendit-il
considérablement vers la plaine. Les terres furent défrichées et mises en produit,
plusieurs chemins furent construits, des canaux furent creusés, des monumens furent
élevés, et d’un lieu de rien, ils en firent bientôt une ville très-importante, qui fait époque
dans l’histoire de cette province. D’après les anciens remparts dont on voit encore des
vestiges, on juge facilement que cette ville occupait tout le plateau où se trouvent les
monumens existans. Un aqueduc y apportait les eaux nécessaires aux besoins des
habitans. La fertilité de la campagne fit élever dans la ville un temple à Cérès, dont on
voit encore quelques ruines. Il paraît que dans le pays il y avait un temple dédié à la
Lune. Ce qui le prouve, c’est cette inscription qu’on y trouva:

LVNAE
LVCIFERAE
ATTIA ANTOL

Plusieurs édifices embellissaient Glanum et le rendaient un séjour très-agréable, au point


qu’un grand nombre de familles romaines vinrent l’habiter.
Glanum éprouva le même sort qu’Orgon. Euric, roi des Wisigoths, le saccagea
cruellement. Les habitans, dispersés pendant quelque temps, se réunirent en deux
troupes; l’une bâtit le village de Freta ou Fretta sur les ruines de Glanum; et l’autre jeta
les fondemens du lieu de Saint-Rémy, à dix minutes en-dessous de l’ancien Glanum.
Saint-Rémy visisa cette nouvelle ville. Les habitans lui donnèrent son nom, en mémoire
de la guérison miraculeuse qu’il opéra de la fille unique d’un des principaux
propriétaires du pays. Ce fut en 501, époque où Clovis assiégeait Avignon. 70 ans après,
les cruautés d’Amon, un des chefs des Lombards, forcèrent les habitans de se réfugier à
Freta. En 737, Freta fut réduit en cendres par les Sarrasins, ce qui décida la population à
se réunir à Saint-Rémy qui devint bientôt une assez jolie ville. Les comtes de Provence y
établirent un hôtel de monnaie, qui, sous les princes de la seconde maison, fut réuni à
celui de Taraccon.
C’est dans la plaine de Saint-Rémy que C. Marius acheva de détruire l’armée des
barbares Cimbres, Ambrons et Teutons, échappés au massacre de devant Pourrières et de
près de Malemort. Aussi ce fut au haut de cette plaine et auprès des habitations des
Saluvii, que le vainqueur fit élever, dit-on, un arc de triomphe que les barbares ont
toujours respecté. Il subsiste encore, et est entretenu par le soin de la commune et aux
frais du département. Ce monument est assez bien conservé. Son architecture le rendra
toujours digne des regards des connaisseurs. Quatre groupes en bas-relief, placés sur des
espèces de plinthes entre les colonnes, paraissent être d’un beau travail. Quelques-unes
de ces figures ont deux mètres de proportion. Des figures de Victoire se trouvent dans
les tympans des archivoltes; mais la partie supérieure manque entièrement. La frise au-
dessus des pilastres offre des instrumens de musique et des sacrifices. L’archivolte est
décoré d’une épaisse guirlande de fruits du pays, tels que raisins, pommes de pin,
glands, etc.; en un mot, tout l’édifice est riche et élégant, et mérite d’être admiré par les
curieux.
Un auteur moderne prétend que cet arc de triomphe avait été érigé en l’honneur de Nero
Claudius Drusus, qui vint au monde trois mois après que Livie, sa mère, eut été cédée à
Auguste, l’an de Rome 715, étant alors fort avancée dans sa grossesse. Alors ce Drusus
aurait été le fils légitime de Tibère Néron, et le fils adoptif d’Auguste
A douze mètres de l’arc de triomphe, se trouve un autre monument non moins
recommandable que le premier. C’est un mausolée composé de trois étages élevés sur un
double socle. Le premier étage est de forme carrée; il est décoré par quatre bas-reliefs.
Le second est également carré, mais percé à jour. Les faces présentent une arcade
terminée par deux colonnes corinthiennes qui occupent les angles. Au-dessus de
l’entablement qui termine cet étage, est un soubassement circulaire qui supporte un
péristyle de dix colonnes également d’ordre corinthien. C’est une espèce de temple à
jour des anciens, dans lequel se trouvent deux statues de deux mètres de proportion; le
tout assez bien conservé, à l’exception de quatre bas-reliefs dont les figures sont peu
distinctes. Cependant on juge facilement qu’ils représentent différens combats. Une
grande guirlande en festons, soutenue par des enfans, orne la partie supérieure du
champ. La frise du second étage est décorée de divinités et d’animaux marins. Ce
mausolée n’a pu être élevé que par des gens occupant un rang supérieur, et à la mémoire
d’un personnage marquant. Mais rien n’a pu encore déterminer qui en étaient les
auteurs, ni si ce fut par suite de la bataille de Marius qu’il fut élevé.
Il y avait dans le territoire de Saint-Rémy une cour d’amour, la plus célèbre dont
l’histoire fasse mention. Nous en donnerons le détail à l’article ROMANIL.
Le climat de Saint-Rémy est très-sain. Le Maëstral, qui s’y fait ressentir presque
continuellement, garantit le pays de l’influence des marais d’Arles et de ses environs, et
rend les chaleurs de l’été plus supportables. Les eaux du canal prises à la Durance près
d’Orgon, arrosent le territoire et le rendent très-fertile en grains, huile, vins, garance,
chardons à bonnetiers, légumes, foins, fruits de toute espèce et en mûriers. Les habitans
élèvent beaucoup de vers à soie et ont établi des filatures. Un habile médecin y a formé
un établissement qui acquiert chaque jour de la réputation: c’est un hôpital pour les foux.
Les malades y sont traités avec soin selon la méthode ordinaire. Mais ce qui produit le
plus d’effet, c’est l’élégance du local, l’agrément de ses bosquets et de ses promenades,
la bonne société que le pays offre aux malades, les concerts qu’on leur donne, l’exercice
de la danse qu’on leur procure de temps en temps, etc. Pop. 6,450 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix de cette ville sont, Saint-Rémy, les Baux,
Maillane, Maussane, Mouriès et le Paradou.

REVEL, Revelum. Village du canton du Lauzet, à 3 lieues de Barcelonnette, sur la rive


droite de l’Ubaye, vis-à-vis de Méolan, dans des gorges de montagnes qui présentent un
aspect affreux. Celle où se précipitent les eaux du torrent du Rioclar, offre une mine de
cuivre qu’un soi-disant savant avait pris pour de l’or. Climat des plus froids. Sol ingrat;
cependant il produit du blé et des fruits. La laine y fournit une petite branche de
commerce. Le hameau de la Fère est renommé pour ses fromages. Pop. 925 hab.

REVEST (LE). Village à 2 lieues de Toulon son chef-lieu d’arrondissement et de canton.


C’est là où, selon toute apparence, se trouvait le chef-lieu des Commoni, peuple celto-
lygien qui occupait le littoral depuis le pays des Bormani jusque près de Marseille, ou du
moins jusqu’au Bec de l’Aigle, promontoire à l’ouest du golfe des Lecques. Nulle
situation dans la contrée n’était plus convenable pour une bourgade celto-lygienne.
Exposition en amphithéâtre, abritée de tous les vents, à portée d’une belle source, d’un
retranchement naturel sur la hauteur de Notre-Dame, d’une vaste forêt alors très-
giboyeuse, et de la mer, où l’on pouvait se livrer à la pêche et à la piraterie.
Cette population agglomérée ne manqua pas d’attirer des familles romaines dans le pays.
L’abondance et la pureté des eaux suggérèrent aux Romains d’établir, peu au-dessous de
la source, une teinturerie, à laquelle on donna le nom de Telo-Martius. Ce fut à cette
occasion qu’on construisit sur la hauteur un poste, où des Sextum virs Augustaux étaient
chargés de la garde des eaux. De ce poste il existe encore une tour carrée très-solide, et
un corps de garde entre la tour et la source dite de la Foux. Selon les apparences, la
teinturerie se trouvait près du château des Dardennes, où l’on voit encore plusieurs
usines, notamment une filature pour le coton, et la plus belle scierie à marbre du
département.
La fondation de la ville de Toulon au fond du golfe voisin dût enlever beaucoup
d’habitans au premier Revest. Le petit nombre qui y resta ne put empêcher les barbares
africains de s’en emparer et de s’y établir,pour exploiter les mines de galène argentifère
qui se, trouvent au quartier de Caoume. On en trouve encore des scories au quartier de
Chamberi, où ils avaient établi leurs fonderies. Le nom de Chamberi ne serait-il pas une
corruption de campus belli?
Ce nom lui conviendrait parfaitement, à cause de sa belle situation et de son magnifique
point de vue. Un autre amphithéâtre en face du corps de garde romain, est encore appelé
le camp. Des troupes ont pu y camper avec sécurité et y jouir des belles eaux de la Foux
et du Ragage, sorte de fontaine intermittente qui sourd d’un abîme dont on n’a jamais pu
mesurer la profondeur.
En 1707, le prince Eugène de Savoie (qu’il ne faut pas confondre avec Victor Amédée,
duc de Savoie), commandant un corps d’armée, s’était retranché sur les hauteurs du
Revest, au quartier de Campus-Belli. Les consuls du village se voyant chaque jour en
proie aux détachemens des Savoyards, demandèrent au prince une sauvegarde, sous la
condition qu’ils la paieraient et la nourriraient. Un parti français ayant surpris ce poste,
l’enleva, sous le prétexte qu’il n’avait pas été établi dans les formes, et amena tous les
soldats prisonniers dans Toulon. Eugène, furieux de cet événement, s’en vengea contre
le village qu’il livra aux flammes. Le nouveau château fut épargné; mais l’ancien, qui
renfermait la tour romaine, n’a jamais pu se relever de ses ruines.
Turris ou Tourris dépend du Revest ainsi que l’ancienne Valette, dont on voit encore des
vestiges sur la hauteur. Les pyrites ferrugineuses ou cuivreuses sont très-abondantes
dans le territoire. Le terrain est argileux et sablonneux. La principale production est
l’huile d’olive. Cependant il y a une multitude de petits jardins et de vergers très-
agréables, arrosés par une quantité de petites sources qui naissent à tous pas sur la
hauteur. Celle de la Foux fournit aux engins et à toutes les fontaines du territoire et de la
ville de Toulon. Pop. 670 hab..

REVEST-DES-BROUSSES, ou REVEST-DES-DAMES. Village du canton de Banon, à


3 lieues de Forcalquier. Terrain assez fertile, arrosé par la petite rivière de Largue. On y
élève beaucoup de pourceaux. On y recueille principalement du blé et des glands.
Popul.607 hab.

REVEST-ENFANGAT. Autre village du canton de Saint-Étienne-les-Orgues, à 3 lieues


de Forcalquier, sur une colline. Territoire montueux. Sol ingrat. C’est dans un pareil lieu
où il est impossible à l’homme de gagner sa vie, même à la sueur de son front. Aussi,
malgré le soin qu’on donne à la terre de ce pays, elle ne produit que des ronces et des
épines. Population 208 hab.

R E V E S T-DU-BION. Village du canton de Banon, à 7 lieues de Forcalquier.


Productions, les mêmes qu’aux villages voisins. Pop. 786 hab.

REVEST-LES-ROQUEBRUNE. Voyez SAINTE-MAXIME.

REYNIER. Village du canton de Turriers,à 7 lieues de Sisteron, à une petite lieue de la


rive gauche de la Durance. Productions, les mêmes qu’à Esparron. Pop.317 hab.

RHODES, Rhoda, Rhodos, Rhodanusia. Ville que les premiers Marseillais bâtirent près
de l’embouchure du Rhône, et qui donna le nom à ce fleuve, Rhodanus. Le temps,
l’invasion des barbares et plus encore les atterrissemens du Rhône, sont cause qu’il ne
paraît plus aucun vestige de cette ville, et qu’on ignore le point exact où elle se trouvait.
Tout ce que l’on peut assurer, c’est qu’elle était sur la rive gauche du fleuve, près de son
embouchure, qui, à cette époque, n’était pas fort éloignée du lieu où l’ou bâtit ensuite la
ville d’Arles.

RHONE, Rhodanus. Un des quatre grands fleuves qui arrosent la France. Il a ses sources
près du mont Saint-Godard, au pied du mont de la Fourche, et dans un glacier à deux
lieues des sources du Rhin. Il parcourt le Simplon, entre en Suisse, traverse le Valais,
tombe dans le lac de Genève vis à vis de Villeneuve, en sort à Genève, reçoit les eaux de
l’Arve, passe à Seyssel, où il commence d’être navigable. A 4 lieues de Saint-Géniez, il
se perd dans la fente d’un rocher; il reparaît peu à peu pour passer sous le pont Grezin. Il
arrive à Lyon, où il reçoit les eaux de la Saône. Ensuite il prend celles de l’Isère, de la
Drôme, de la Durance, et se jette enfin dans le golfe de Lyon, en dessous d’Arles, par
trois embouchures nommées Gras, qui occupent douze lieues de largeur. Ce fleuve
charrie plusieurs espèces de pierres, telles que des morceaux de granit, du jaspe, des
silex de toute façon, des laves et des pierres volcanisées. Les sables, noirâtres et
ferrugineux, offrent beaucoup de parcelles d’or. Ce métal n’est point minéralisé avec la
pierre dure; ses molécules sont seulement contiguës aux sables qui les entourent.
Le Rhône tire son nom d’une ville fondée sur ses bords par les Phocéens, ou, selon moi,
par quelques Rhodiens qui s’étaient joints à l’expédition phocéenne. Ces Rhodiens
donnèrent le nom de Rhodès à la ville qu’ils fondèrent à l’embouchure du Rhône, qui ne
se trouvait pas au même endroit qu’aujourd’hui. Sous savons que ce fleuve a éprouvé
des changemens considérables. Tout prouve qu’il coulait originairement dans le
Languedoc depuis en sus d’Avignon, et qu’il ne s’est dirigé du côté d’Arles que peu de
temps avant la fondation de cette ville par Jules César, et peut-être même du temps des
Rhodiens. Ce qu’il y a de certain, c’est que les atterrissemens de ce fleuve sont
prodigieux, et empiètent sur la mer d’une manière extrêmement remarquable. Nous
savons que la tour Saint-Louis, bâtie il y a environ cent ans à l’embouchure du grand
Rhône, en est maintenant éloignée de plus d’une lieue. Le They de Bigue et le They de
Béricle, îles qui forment aujourd’hui les trois bouches du grand Rhône, sont deux îles
toutes nouvelles, dont l’une a plus d’une lieue, et l’autre deux lieues de circonférence.
Le petit Rhône commence à une petite distance en dessus d’Arles, sépare le Languedoc
de l’île de la Camargue, et se jette dans la mer près du bourg des Saintes-Maries. Le
vieux Rhône ou canal du Japon, forme, avec le grand Rhône, l’île du Plan du Bourg,
dans la Camargue.

RHONE. Département des Bouches-du-Rhône. Borné par le département du Var, la


Durance, le Rhône et la mer. Marseille en est le chef-lieu.

RIANS, Riancius. Bourg chef-lieu de canton à 8 lieues de Brignoles. Climat très-beau;


air pur; territoire fort étendu et divisé en plusieurs plaines; sol d’une bonne qualité. Le
blé, sa principale denrée, est fort recherché, surtout pour semence. Le vin y est abondant,
mais il est d’une médiocre qualité. Ses jours de foire sont,le 3 février,le 3 mai,le l0 août
et le 18 0ctobre. Pop. 3,000 hab.
La justice de paix, qui se trouvait à Ginasservis, vient d’être transférée à Rians; et les
communes qui font partie de ce ressort sont, Rians, Artigues, Ginasservis, Saint-Julien,
la Verdière et Vinon.

RIBAUD, ou ILE DU GRAND RIBAUD. Ile en face de la presqu’île de Giens, près


d’Hyères. On la nomme aussi Ribaudas. Son diminutif est Ribaudon, nom qu’on donne à
un îlot voisin.

RIBOUX. Village du canton du Beausset, à 8 lieues de Toulon. C’était un ancien


hameau de Cuges. Aussi les productions sont à-peu-près les mêmes. Population 65 hab.
RIGHEBOIS. Hameau dans le territoire de Salon.

RICHERENCHES, Richerenchiœ ou Richerenchœ. Village du canton de Valréas, à 6


lieues d’Orange, entouré de murailles flanquées de tours, et dans une vaste plaine.
Température douce. Sans le vent nord-ouest, ce serait un printems continuel. L’air y est
sain, le sol fertile; il donne des grains, des légumes, des glands, des fruits de toute
espèce, du bon vin, mais très-peu d’huile. Les cocons sont une grande industrie pour le
pays. La Couronne arrose le territoire. Sur les collines on trouve des camites et des
ostracites d’une belle forme. Pop. 665 hab.

RIEZ, Regium. Ville chef-lieu de canton, avec un évêché supprimé, sur la petite rivière
de Colostre, à 10 lieues de Digne. Les Romains, après s’être emparés des Alpes, bâtirent
cette ville dans le pays des Albici, et lui donnèrent le nom d’Albece, Reiorum
Appollinarium. Comme ce fut peu de temps après les conquêtes d’Auguste que Riez fut
construite et érigée en colonie romaine, sous le patronage de cet empereur, plusieurs
monumens ont désigné cette ville sous les noms de Colonia Julia-Augusta Reiorum,
Colonia Julia-Augusta Appollinaris. La notice de l’empire lui donna les noms de Civitas
Reiensium, vel Regiensium,Regensium, Roginensium.
Quelques auteurs modernes ou contemporains ont pensé que la capitale des Albici devait
être au même endroit où l’on construisit la ville de Riez. Sa position l’annoncerait assez;
car l’Albiosc d’aujourd’hui n’offre rien qui puisse faire conjecturer qu’elle ait été la
capitale d’une grande nation qui avait pour limites le Verdon, la Durance et les Alpes, et
qui donnait la loi à plusieurs peuples qui avaient leurs chefs particuliers. Les habitans de
la nouvelle capitale des Albici s’appelèrent Rienses, tout comme ceux qui occupaient la
capitale des Suetri étaient connus sous le nom de Saliniens.
Cette colonie augustale paraît avoir été considérable. Non seulement elle occupait
l’emplacement de la ville actuelle, mais les deux rives de l’Auvestre et de la Colostre, où
l’on découvre journellement des restes d’anciennes constructions. Le génie destructif
des peuples barbares qui infestèrent ces contrées, et, plus encore, l’ignorance des
habitans qui suivirent ces temps désastreux, ont anéanti les nombreux édifices qui
faisaient le luxe et l’ornement de cette capitale. La plupart des pierres, même des pièces
d’architecture et d’inscription, ont été employées à la construction de la ville actuelle,
dont le mauvais goût est un contraste affligeant de la ville romaine. On ne retrouve plus
les vestiges du cirque ou amphithéâtre dans le champ qui porte encore le nom des
arénes, ni ceux du théâtre, des différens temples et autres édifices publics, dont les
Romains embellissaient les villes de premier ordre. L’avidité de se procurer des pierres a
fait qu’on en a détruit jusque les fondemens.

Cependant on découvre encore quatre belles colonnes de granit gris d’ordre corinthien,
dans une prairie peu distante de la ville, et huit autres colonnes circulaires du même
granit, sur la place du Pré de la Foire, les unes et les autres échappées miraculeusement à
la rigueur des siècles et à la barbarie des hommes.
Les quatre premières colonnes, de cinq mètres quatre-vingt centimètres de hauteur, et de
deux mètres trente-trois centimètres de circonférence, ont servi, selon les uns, à un
palais; et selon les autres, à un prétoire, à un arc de triomphe, à un temple dédié à la
déesse de la Sagesse, etc., sans que nul ait donné une preuve satisfaisante de son
opinion.
Tout ce que nous pouvons assurer, c’est que ces colonnes, loin d’avoir été fondues sur le
lieu, ainsi que des personnes fort instruites ont osé le prétendre, sont de granit de
l’Estérel, et qu’elles ont été tirées de la belle carrière de Penafort près de Draguignan. Ce
qui a donné lieu à cette erreur, c’est que ces personnes n’ont pu se persuader que des
masses si considérables aient pu être transportées de si loin. Un contemporain, voulant
trancher la difficulté, n’a pas craint d’avancer qu’il y avait autrefois à Riez une rivière
très-considérable sur laquelle les navires chargés remontaient sans difficulté; mais qu’un
tremblement de terre en fit disparaître la source. Il en donne pour preuve, les pierres
rondes qu’on trouve dans les terres, sans faire attention qu’on n’en trouve pas d’autres
entre la rivière de l’Asse et celle du Verdon, c’est-à-dire dans une largeur de quatre
lieues de pays. En supposant que la chose fût, ce qui n’a pas le sens commun, cette
rivière devait suivre nécessairement le même cours que la Colostre, qui se jette dans le
Verdon prés du village de Saint-Martin. Le confluent du Verdon dans la Durance a
toujours été près du village de Vinon.

D’où vient donc que tous les auteurs anciens et modernes s’accordent à dire que jamais
les navires n’ont pu remonter la Durance, et qu’il n’y avait que des utriculaires qui
pussent naviguer sur cette rivière, mais jamais en sus de Pertuis? D’ailleurs, il aurait
également fallu qu’il y eût une autre grande rivière entre la carrière de Penafort et la
mer; et celui qui sait la signification du mot penna, et qui connaît le torrent d’Endros, ne
pensera jamais que des bâtimens aient pu naviguer dans ces quartiers montagneux.
Disons avec plus de vraisemblance, et même avec certitude: la voie romaine qui de
Fréjus allait à Riez était assez large et assez solide pour que les chariots les plus
lourdement chargés pussent y rouler sans peine ni embarras. Les seules montées qui
puissent offrir quelques difficultés étaient celle d’Antéa et celle de la rive droite du
Verdon; mais les Romains savaient employer des mécaniques à même de déplacer, de
pousser, d’élever les plus lourds fardeaux, et les conduire jusqu’aux lieux les plus élevés
sur des poutres supportées par une quantité de roues basses et massives. Il n’est pas
étonnant alors qu’ils aient fait transporter une multitude de colonnes avec leurs bases,
piédestaux, chapitaux, entablemens, corniches, etc., jusqu’à Riez et même jusqu’à
Valensole.

Des contes, imaginés par des écrivains enthousiastes de leur pays, ont accrédité pendant
long-temps que les huit colonnes circulaires du Pré de Foire sont les restes d’un
Panthéon ou d’un temple de Cybèle. La récente démolition du mur qui entourait ce reste
de fanum, de forme octogone, a prouvé clairement que cet édifice avait été élevé à
Sylvain ou à toute autre divinité champêtre. Une nouvelle preuve, c’est un autel dédié au
dieu Sylvain, qu’on a trouvé enfoui dans la terre près de ce monument. Cet autel portait
cette inscription:
SYLVANO
DAIDVME
NVS
SYMPHOET.

Un temple chrétien ayant été construit près de ce monoptère, fit qu’on le conserva pour
s’en servir de baptistaire; car, de ce temps, les fonts baptismaux ne faisaient jamais
partie de l’édifice principal. Comme l’église de Notre-Dame de Sède fut détruite, on
convertit ce baptistaire en chapelle, ce qui était un bien, pour conserver un monument
qui rappelait l’importance de la ville romaine. Mais l’esprit frénétique de la révolution et
le génie destructif des enfans de cette époque désastreuse, sont cause que tous les
ornemens d’architecture qui embellissaient ce temple ont été mutilés à coups de pierre
ou à l’aide de tout autre corps dur. Aussi, les fleurs, les fruits, les plantes, les têtes de
Faunes et de Sylvain qui se trouvaient aux fleurons, ainsi que les chapiteaux à feuilles
d’achante ou de persil, sont, j’ose dire, méconnaissables et dans un délabrement
complet. L’illustre Peyresc s’empara d’une inscription qui est un témoignage qu’en la
ville de Riez, il y avait un temple dédié tout-à-la-fois à Rome et à Auguste; il paraît que
le pontife réunissait le titre de Quartumvir à celui de Flamine.

M. SEVERIVS. M. F.
FABVLATOR. FLAM

ROM. ET AVG. IIII VIR PONT


COL. RE IOR APOLLINAR
SIBI ET CAREIAE CAREI. F
PATERCLAE OPTIM. VXORI.

Une autre inscription annonce qu’un Sextum vir augustal avait élevé à Riez un temple à
Cybèle, et que des Décurions lui cédèrent l’emplacement sur lequel il le fit bâtir:

MATRI
DEVM OB
SACRVM
V. S. (votum solvit)
M IVL

IIIIII VIR AVG


C. I. A. A.
L. D. D. D.

On peut rendre de cette manière les deux dernières lignes de cette inscription:

Coloniœ Juliœ Augustœ Apollinaris.


Loco dato decreto Decurionum.
Parmi les ruines de tant de beaux édifices qui embellissaient l’ancienne ville de Riez, il
est hors de doute qu’on y trouva une grande quantité de colonnes brisées en plusieurs
morceaux. Aussi on en rencontre des fragmens à tous pas, les uns servant de bornes, les
autres supportant des banquettes dans les promenades ou servant de pieds-droits à des
portes de maisons. Les seules pièces qui aient obtenu une destination convenable, sont
les deux fûts qui embellissent la porte d’ entrée de l’église Saint-Maxime, sur la hauteur
qui domine la ville, et les six autres formant un péristyle demi-circulaire au fond de cette
même église. Parmi ces derniers, deux seulement sont d’une seule pièce; les quatre
autres sont composés de plusieurs tronçons de modules différens. On présume avec
vraisemblance que ces fragmens de colonnes ont fait partie d’un ancien temple qui se
trouvait sur cette hauteur.
Parmi les temples qui décoraient la ville des Réïens, devait se trouver celui de la mère
des dieux. Un bel autel de marbre blanc, traversé d’un trou pour transmettre le sang des
victimes dans la fosse où se tenait celui qui offrait le sacrifice du taurobole, prouve que
cette dégoûtante cérémonie s’y pratiquait.
Le sacrifice du taurobole, inventé dans les premiers siècles du christianisme, et comme
par opposition au baptême, consistait à creuser une fosse assez profonde, pour qu’un
homme pût s’y tenir debout. On recouvrait cette fosse avec des planches percées, et sur
lesquelles on dressait l’autel taurobolique. Cet autel, percé de haut en bas, laissait passer
le sang de la victime dans la fosse, et celui qui offrait le sacrifice, revêtu d’habits
mystiques et ayant une couronne sur la tête, recevait dévotement ce sang qui ruisselait
sur sa tête et sur ses vêtemens.
Si à la place d’un taureau on immolait un bélier, le sacrifice portait le nom de criobole.
Ces sacrifices étaient en l’honneur de Cybèle. On ne les offrait que dans des
circonstance graves, et principalement pendant les maladies des empereurs, pour
demander aux dieux leur rétablissement.
Peu de villes en Provence ont offert tant d’inscriptions que la ville de Riez; mais toutes
ces pierres, ou sont entièrement disparues, ou ont servi à la construction de la nouvelle
ville. On en trouve une qui induit à erreur plusieurs écrivains modernes; je veux parler
de celle qui se trouve à l’angle gauche du mur de façade qui renferme le fanum de la
place du Pré de Foire. On la tira de dessous un tas de décombres, et on la plaça à ce mur,
sans autre intention que celle de la conserver. Aussi reconnaît-on facilement que
l’inscription qu’elle porte est tout-à-fait étrangère à cet ancien édifice. Voici cette
inscription, mal rendue par plusieurs auteurs:

NVMINIBVS
AVGVSTORVM
C. V. N. A.

Les barbares du nord furent les premiers qui ruinèrent la ville de Riez. Les Sarrasins, qui
séjournèrent long-temps dans la contrée, achevèrent ce que les premiers n’avaient fait
que commencer. A leur expulsion, ils ne laissèrent qu’un monceau de ruines, dans
lesquelles on a trouvé dans la suite un grand nombre d’objets curieux. Nous citerons,
une statue représentant un jeune homme, qu’on a pris pour le dieu Sylvain; un bras de
cuivre doré, une statue de Mercure, un petit buste d’albâtre, de trois centimètres de
hauteur, représentant un empereur romain; une amulette d’une terre très-fine, de quatre
centimètres y compris l’anneau, représentant trois figures égyptiennes, dont deux de
femmes sur les côtés, et une d’homme au milieu; un bracelet d’or et un d’airain, des
sarcophages, des tombeaux en briques, des tumules, plusieurs belles pièces de pavés en
mosaïque, une hache romaine, une quantité de débris de petits pots de terre, et un grand
nombre de médailles, dont une, plus abondante que les autres, à l’effigie d’Auguste,
avec la légende: DIVUS AUGUSTUS PATER, et au revers, un autel avec le mot
PROVIDENTIA en exergue, sans légende.
La ville actuelle est dans une étroite vallée très-bien cultivée. Des jardins, des prés et des
vignes garnissent la plaine; les noyers ombragent les chemins et les ruisseaux, l’olivier
embellit les coteaux Le sol, assez fertile, produit du vin excellent, de l’huile qui vaut
celle d’Aix, des fruits de toute espèce. La ville était entourée de murailles de cailloux
roulés. On ne trouve pas d’autres pierres dans la contrée. On s’en sert pour soutenir les
terres en amphithéâtre et pour construire les maisons. Les rues sont très-étroites et fort
sales les fontaines sont abondantes et donnent une eau pure et très-légère; les
promenades sont belles; il y en a une toute ombragée de marronniers d’Inde. Les
marchés sont suivis à cause du bon blé qui s’y vend. Le pays offre des fabriques de
vermicelles, des tanneries et des corderies. Le commerce consiste en céréales, laines,
cire, miel et autres productions. La ville, d’une population de 3,170 habitans, offre une
société aussi brillante qu’on peut l’espérer. On y trouve des fortunes, de l’instruction et
de l’urbanité, avantage que l’on réunit difficilement dans les petits endroits.
Les foires du pays sont, le 2 janvier, le 18 mai, le 14 septembre, le lundi après le 18
octobre, le 27 novembre et le 21 décembre.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Riez, Albiosc, Allémagne,
Sainte-Croix, Esparron de Verdon, Saint-Jurs, Saint-Laurent, Montagnac, Montpézat,
Puimoisson, Quinson et Roumoules.

RIOU. Ilot avec une tour, près la côte maritime du département des Bouches-du-Rhône,
au midi de Marseille.

ROAIX, Roayssium. Village du canton de Vaison, à 4 lieues et un quart d’Orange. Le


canal, dérivé de l’Ouvèze, répand la fertilité dans la plaine, où sont de belles prairies et
des arbres fruitiers d’un bon produit.
Les mûriers y sont abondans; aussi on élève dans le pays beaucoup de vers-à-soie. Pop.
363 hab.

ROBINE (LA). Village à 4 lieues de Digne son chef-lieu d’arrondissement et de canton.


Le blé forme la principale récolte du pays. Pop. 113 hab.

ROBION, OU ROUBION, Robionum. Petit village à 2 lieues de Castellane son chef-


lieu d’arrondissement et de canton. Climat très-froid; sol pierreux et fertile; cependant
les habitans sont pauvres, à cause qu’ils sont passionnés pour le vin et pour le jeu. Le sol
produit du blé en quantité, des noix, des pommes, des poires et des prunes qu’on livre au
commerce. Au commencement du siècle dernier, une pluie considérable jeta l’épouvante
dans le pays. L’eau, qui tombait de la colline, inonda les maisons, et y laissa une quantité
étonnante de boue limoneuse et de terre qu’on eut bien de la peine à enlever. Les portes
qui étaient au derrière des maisons furent toutes hors de service. Cette époque est
appelée le déluge de Sainte Thérèse. Pop. 133 hab.

ROBION, Robio. Village du canton de Cavaillon, à 4 lieues d’Avignon, et entouré de


murailles. Il a un faubourg et un hameau. Ce dernier se nomme indifféremment, tour de
Sabran ou Mont-Alvernic. La campagne offre une quantité de granges. Le sable du
Calavon rend presque stérile une partie du terrain; l’autre partie abonde en mûriers et en
vignes qui donnent du fort bon vin. Foire, le 15 janvier Populat.1,564 hab.

ROCBARON, vulgairement ROQUEBANON. Village du canton de la Roquebrussane, à


3 lieues de Brignoles. Il produit du blé et des pâturages. Population 330 hab.

ROCHE-GIRON, Rupes Gironis. Village du canton de Banon, à 5 lieues de Forcalquier,


situé dans les montagnes. Habitations éparses. Le sol produit des grains et des légumes.
On y élève des pourceaux. Pop. 372 hab.

ROCHETTE-CHANAM. Petit village du canton d’Entrevaux, à 19 lieues de Castellane.


On croit que ce village, ainsi que celui de la Penne, fut fondé par des familles de Bérite
en Phénicie, venues en Provence sous la conduite d’un Chananéen nommé Jeus. Ces
familles prirent le nom de Béritini.. Elles ne sont connues que par un vœu qu’elles firent
au dieu Mars, surnommé Jeusdrino. Terrain sec, produisant peu de blé. Pop. 372 hab.

ROGNAC, anciennement Castrum de Rochonao. Village du canton de Berre, à 4 lieues


et demie d’Aix. Les habitations sont disséminées dans la campagne. Le sol est pierreux
ou sablonneux. Les productions sont, le vin, le blé, les amandes et l’huile qui vaut à celle
d’Aix. La partie de l’étang de Berre qui touche le territoire de Rognac, s’appelle étang
de Vaine ou de Veine. Pop. 670 hab.

ROGNE. Village du canton de Lambesc, à 4 lieues d’Aix. On y voit les restes d’un
aqueduc bâti par les Romains, une fontaine nommée font Marie (fons Marii), Je pense
qu’on l’appela d’abord fontaine de Marius. Des médailles romaines, qu’on trouve
fréquemment dans un quartier du territoire, prouvent que Marius ou soit une partie de
ses troupes y campa. Il paraît que les Sarrasins visitèrent ce pays, et que les habitans leur
livrèrent un combat meurtrier. Aussi, depuis cette époque, tous les ans, à pareil jour, le
clergé et l’autorité du lieu se rendent à la chapelle de Saint-Marcelin, pour remercier
Dieu de la victoire que leurs pères remportèrent sur les barbares. Le pays produit du blé
recherché, de l’huile excellente, des amandes et du vin. La seule industrie est la
fabrication du charbon de bois. Pop. 1,800 hab.

ROMAIN-EN-VIENNOIS (SAINT). Village du canton de Vaison, à 6 lieues d’Orange,


sur le bord d’un torrent. Il ne renferme que des familles pauvres, à cause de l’infertilité
du terroir. Pop. 520 hab.

ROMAN-DE-MALEGARDE (SAINT). Village du canton de Vaison, à 4 lieues et un


quart d’Orange, sur la rive gauche de l’Aigues. Climat, sol et produits, les mêmes qu’à
Buisson. Pop. 469 hab.

ROMANIL, aujourd’hui SAINT-ROMANIN. Hameau dans le territoire de Saint-Rémy,


qui fait époque dans l’histoire des troubadours.
Il y avait autrefois en Provence des cours d’amour. Dans le douzième siècle, elles étaient
en grande vigueur. Les dames de la plus haute naissance étaient les principaux juges.
Leurs séances se tenaient dans le lieu le plus gracieux de la campagne, en présence
d’une armée de chevaliers, d’une multitude de poètes ou troubadours, et d’une foule
innombrable de jeunes personnes de l’un et de l’autre sexe, venus la plupart de vingt
lieues loin pour assister au couronnement d’amour, ou au châtiment de celui ou de celle
qui avait violé sa promesse, et qui s’était, par là, rendu coupable envers loyauté d’amour.
Les places, dans ces tribunaux, n’étaient vacantes que par la mort ou par déloyauté. Il y
avait des présidentes et des présidens, un prince d’amour, des conseillers clercs et
laïques, une avocate générale, un avocat général, un procureur général, des greffiers, des
secrétaires, des huissiers mâles et des huissiers femelles; il y avait aussi un parquet, une
chancellerie, des honoraires et des épices.
Chaque présidente était tenue d’avoir en titre un chevalier, qui ne devait être
qu’amoureux et respectueux. Il ne pouvait être pris que parmi ceux qui avaient fait ses
preuves par des chansons et des tourmens amoureux auprès de quelque dame, et surtout
répondre convenablement à plusieurs questions, telles que: Qu’elle était la meilleure
manière d’aimer?
Quel était l’amant le plus louable? Quel était en amour le tourment le plus méritoire? et
autres de cette nature.
La belle Laure, amante de Pétrarque, avait été la première présidente de la cour d’amour
que sa tante avait établie en son château de Romanil. Elle avait, pour collègues des
prêtres du premier rang. Le pape Innocent VI assista plusieurs fois à ces audiences
galantes. Un moine des environs d’Avignon, fâché de n’avoir pu obtenir la faveur de
faire partie de ce tribunal, appela les dames qui en étaient membres, las druts dois
cardinnaoux, ce qui signifie, les concubines des cardinaux. Cette qualification n’était
qu’une pure méchanceté. Dans cette cour, tout se passait avec décence et modestie. Le
but était de perfectionner l’amour, de cultiver le cœur et le rendre moins sauvage,
d’adoucir le caractère, d’apprendre à mettre plus de bonne foi et de retenue dans une
passion où les hommes d’à présent en mettent si peu. Il était permis d’aimer une femme,
mais de l’aimer véritablement, de n’aimer qu’elle, de l’aimer par estime et par raison,
avec délicatesse et honnêteté, sans aucune de ces idées charnelles qui offensent la
pudeur et qui assimilent l’homme à la brute. Or, des juges d’un pareil tribunal ne
pouvaient être que des modèles de vertu.

Les arrêts de cette cour étaient exécutés à l’instant, et le plus souvent en présence de la
multitude. Un homme était châtié par des hommes, tout comme une femme l’était par
des personnes de son sexe.

Ce tribunal était si éclairé et si équitable, qu’il ne rendit jamais une sentence injuste.
Voici l’exemple d’un de ces arrêts.
“ Par devant nous, le marquis des Fleurs et Violettes d’amour, s’est assis un procès d’une
amoureuse, demanderesse d’une part, et d’un jeune chevalier, défendeur d’autre part. Et
disait la dite amoureuse, que depuis long-temps elle aimait d’amour tendre et loyal le
chevalier cité; qu’elle avait pris la ferme résolution et promis n’aimer autre que lui, et
refusé le cœur de trois jouvençaux qui avaient soupiré pour elle; que, malgré sa fidélité,
elle était assez malheureuse de voit chaque jour son bien-aimé auprès d’une autre jeune
dame rire, folâtrer et chanter ensemble tout le bonheur qu’amour procure et fait espérer;
qu’une telle déloyauté la tourmente et l’agite au point qu’elle ne chante plus, ne mange
guère et dort encore moins, ce qui est cause que sa santé s’altère et dépérit sensiblement.
— A cette accusation, le chevalier défendeur répondit, n’avoir jamais déclaré aimer ni
fait serment d’amour à la dame demanderesse, à qui il avait déplu dès le premier jour
qu’elle le vit, ainsi que témoins diraient l’avoir appris d’elle; et que lui chevalier
d’honneur, avait voulu prouver à la plaignante, qu’on ne doit jamais rebuter ouvertement
et publiquement un chevalier à qui nature n’a pas refusé tous dons de plaire. C’est
pourquoi, pendant quelque temps, il avait eu pour elle des soins assidus; sans autre vue
que de lui paraître un jour moins rebutant qu’elle l’avait jugé d’abord; mais que son
cœur n’ayant jamais été en gagé, il était le maître d’en disposer à son gré...
Finalement, parties et témoins ouïs, fut absolu ce défendeur des pétitions et demandes de
cette demanderesse, qui, au contraire, fut molestée d’avoir déprisé un chevalier
d’honneur. Et pour que leçon servît d’exemple à toutes les dames capables de mépriser,
un héraut publia ledit arrêt sur toutes les hauteurs qui dominent le lieu où la cour était
assemblée.

ROMOULES, Romulœ ou Romolœ, autrefois Castrum de Romules. Petit village du


canton de Riez, à 10 lieues de Digne, sur la rive gauche de la Colostre. Terroir fertile,
qui produit des céréales, du vin, des fruits, principalement des amandes. Pop. 538 hab.

ROQUE-ALRIC. Voyez ROQUE-HENRI.

ROQUE-D’ANTHÉRON, Rocca Anterona. Village du canton de Lambesc, à 5 lieues


d’Aix, à quelque distance de la rive gauche de la Durance, et près du canal de Crapone.
Productions, blé, vin, huile et tabac. Pop. 1,450 hab.

ROQUEBRUNE, dans les anciens actes, Rupe Nigrensis et Rupe Brunensis. Village du
canton de Fréjus, à 5 lieues et demie de Draguignan, une lieue de la mer, et près de la
rive droite de l’Argens, qu’on vient de détourner pour le faire passer sous un pont
construit depuis avant la révolution. Le village est sur une petite élévation et exposé au
midi. Sa température est chaude, à cause des montagnes qui le défendent des vents du
nord. Ces montagnes sont une reprise de celles de l’Estérel, dont elles ne sont séparées
que par le bassin de l’Argens. Elles sont schisteuses et granitiques, et renferment
plusieurs minéraux, ainsi qu’on peut le voir à l’article MAURES.
L’histoire reste muette sur un petit village qui se trouvait dans le territoire, et qui mérite
d’être cité.
La montagne dite de la Roque, vue du côté de Fréjus, présente à son sommet trois pics,
appelés les croix de Roquebrune. On parvient à celui le plus occidental par un sentier
fort raide et presque impraticable; encore faut-il, sur un point, franchir un déchirement
de cette haute montagne de rochers, qui est un énorme précipice. Arrivé sur cette grande
élévation, on trouve les vestiges d’un village nommé Sainte-Gandi, sans que personne
sache à quelle époque il fut construit ni à quelle circonstance il fut abandonné. Le
manquement d’eau pendant l’été ferait supposer que ce n’était qu’un lieu de refuge, lors
de la persécution des chrétiens. On y voit encore les restes de la chapelle et la pierre du
tombeau de l’autel, un puits, les fondemens d’une quantité de petites maisons, etc.
Le point de vue du pic de Sainte-Gandi est magnifique; mais il ne présente pas une
même étendue de mer que le pic le plus oriental, d’ou l’on découvre une grande partie
de l’île de Corse. Ce dernier pic me rappelle un événement arrivé il y a environ quinze
ans, qu’on me permettra de mentionner ici.
— Une mendiante parcourut un soir toutes les maisons de campagne du quartier de
Pétignon, derrière ce pic, pour tâcher d’obtenir l’hospitalité pour une nuit seulemeut.
Repoussée par plusieurs propriétaires, elle en trouva un enfin qui lui accorda une place
dans son fenil. Vers le minuit, cette mendiante est éveillée par un bruit extraordinaire
Elle croit que la rivière d’Argens précipitait ses eaux sur la montagne. Elle se lève, va
heurter à la porte de la chambre de son hôte pour le prévenir du péril. Celui-ci se lève,
appelle sa femme et ses enfans, et ils vont tous ensemble chercher un lieu de salut sur un
mamelon voisin. Une trombe d’eau se déchargeait au sommet de ce pic. Le courant
d’eau était si fort, qu’il précipitait des blocs de rochers de plus de quatre mètres
d’épaisseur. La maison de campagne même fut atteinte et entraînée jusqu’au bas de cet
énorme précipice.

Le village de Roquebrune manque d’eau en été; on a recours à celle des puits. L’air est
assez sain sur la hauteur; mais il est insalubre dans la plaine, surtout aux quartiers de
Fournel et de Villepey, à cause des vapeurs méphitiques occasionnées par les eaux
stagnantes du marais de Vi l l e p e y, près de l’embouchure de l’Argens. C’est bien
dommage, car ce pays est un des greniers du département du Var. Les céréales sont la
principale production de la plaine, qui est fort vaste et très-fertile. Les hauteurs sont
couvertes de forêts de pins.
L’ermitage de Notre-Dame se trouve sur une élévation d’où l’on découvre une vaste
étendue de terre et de mer. Dans la chapelle, on voit encore un ex-voto que les habitans
firent pour remercier Dieu de ce que, en 1707, leur village n’éprouva pas, des troupes du
duc de Savoie, le même sort que celui du Puget de Toulon, dont l’embrasement est
représenté sur l’ex voto. Roquebrune n’avait pas tort de remercier Dieu d’avoir été
préservé de la visite d’un ennemi incendiaire; la tradition conservait encore le souvenir
du voisinage des Sarrasins du Fraxinet, et des différens siéges que le village avait
essuyés pendant les guerres de religion. Ce fut devant ces murailles que La Valette,
sénéchal de Provence, reçut le coup de la mort par un des assiégés.
Roquebrune à une foire le jour de Saint-Médar, 8 juin, et une le 11mai. Pop. 2,025 hab.

ROQUEBRUSSANE, Castrum de Rocca Brussano ou Brussani. Bourg chef-lieu de


canton, à 3 lieues de Brignoles. L’étymologie annonce que ce bourg était bâti sur un roc.
En effet, on découvre encore sur un roc escarpé des restes de maisons, de remparts et de
fortifications. On présume que cette habitation existait du temps des Romains, et qu’elle
était considérable. Dans le territoire, on a trouvé des tombeaux, des médailles des
premiers empereurs, des lampes sépulcrales, des amphores, des médaillons d’argent à la
Diane de Marseille. etc.

Le bourg d’aujourd’hui est bâti dans un vallon. En 1707, le duc de Savoie, qui était
campé devant Toulon, envoya des troupes pour mettre le pays à contribution. Mais
comme les habitans refusèrent de payer la somme qu’on leur demandait, et qu’ils ne
purent soutenir leur refus avec des cartouches, les Piémontais brûlèrent le château et
quatre-vingt-seize maisons. Il y a dans la plaine un lac, ou peut-être un abîme sans fond.
Le 1er novembre 1755, jour mémorable par le tremblement de terre de Lisbonne, les
eaux de ce lac s’élevèrent à une hauteur considérable. Elles furent agitées et rougies. Le
même mouvement fut observé en Provence aux lacs de Tourves et de Bras et à la
fontaine de Colmars. Le peuple de la Roquebrussane avait la superstition de croire que si
tous les ans on ne bénissait pas le lac, il en sortirait dans le cours de l’année des flammes
qui ravageraient la contrée; ce qui prouve que ce lac s’est formé de quelque volcan.
Un citoyen de ce pays, encore existant, avait le projet d’écrire un ouvrage semblable à
celui que je publie en ce moment. Je regrette beaucoup qu’il n’ait pu l’effectuer. Ses
grandes connaissances en auraient fait sans doute un ouvrage monumental. Ayant été
appelé au siége épiscopal de la ville de Metz, il a trouvé plus à propos et plus digne de
son saint ministère, de ne s’occuper que du nombreux troupeau que la divine providence
a bien voulu confier à sa direction.

On trouve à la Roquebrussane des fabriques d’eau de vie et un joli rucher, dans une
maison de campagne, visité par des amateurs. Il y avait autrefois plusieurs verreries,
qu’on fut obligé d’abandonner par le manque de combustibles. Les montagnes sont
cependant couvertes de pins et de chênes blancs et verts. Le restant, quoique dans un
mauvais sol, offre beaucoup de vignes, d’oliviers et des prairies. Les lentilles et les
haricots du pays sont très-estimés. Il y a un hameau nommé les Moulières, qui est une
transplantation de celui de Peiboulon. Pop. 1,510 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, la Roquebrussane, Sainte-
Anastasie, Forcalqueiret, Garéoult, Mazaugues, Méounes, Néoules et Rocbaron.

ROQUE-D’ESTÉRON. Village du canton de Coursegoules, à 10 lieues de Grasse, sur la


rivière de Estéron, qui va se jeter dans le Var. Il est divisé en deux parties par la rivière.
La principale appartient au Piémont, et la moindre, qui n’a que 210 habitans, appartient
à la France.
ROQUE-D’ESCLAPON. Village du canton de Comps, à 8 lieues de Draguignan, sur le
revers de la montagne de Lachen. Les hommes sont fort laborieux, principalement pour
le commerce des productions de la montagne, qu’ils fournissent aux marchés des pays
en dessous du leur. Le territoire offre de belles forêts de pins et de mélèzes, où l’on
trouve des morilles excellentes et d’une grosseur extrême. Pop. 350 hab.

ROQUE-GIRON. Voyez ROCHE-GIRON.

ROQUE-HENRI, Rupes Alarica, autrefois Roque-Alaric. Village du canton des


Beaumes de Venise, à 5 lieues d’Orange. Un rocher d’environ quarante mètres de
hauteur sur environ quatre-vingts de largeur abrite le village des vents du nord; aussi les
rigueurs de l’hiver y sont moins sensibles que dans les lieux voisins. Climat sain. Le
territoire, traversé par le ruisseau des Salettes, offre beaucoup d’oliviers qui sont d’un
bon produit. Pop. 142 hab.

ROQUE-SUR-PERNES, Rupes super Paternas. Village du canton de Pernes, à 2 lieues


et demie de Carpentras, situé sur le penchant d’une colline au sommet de laquelle est un
château ruiné. L’huile est le principal produit du pays. Pop. 350 hab.

ROQUEFEUIL. Voyez POURCIEUX.

ROQUEFORT, Rupes Fortis. Village du canton de la Ciotat, à 9 lieues de Marseille. Il


était anciennement sur un rocher taillé à pic extrêmement élevé. On y trouve encore des
vestiges d’un château fortifié, de quelques maisons et d’une église bâtie si solidement,
qu’elle a été respectée par nombre de siècles. Les murailles qui entouraient le lieu sont
de construction romaines; preuve certaine que cette hauteur était occupée par une
garnison comme un poste assez important.
Les habitans abandonnèrent la hauteur pour s’établir sur le penchant du rocher. Il y a
plus d’un siècle qu’ils sont tous descendus dans la plaine. Leur nouveau village est sur
une éminence; mais les maisons sont toutes séparées. L’air y est très-sain. On n’y meurt
presque que de vieillesse. Le sol produit du bon vin. Il y a dans les rochers des cavités
assez curieuses. On trouve sur les hauteurs des ammonites, des pierres ferrugineuses et
du silex noir et gris. Les montagnes vers le nord sont couvertes de pins d’où l’on tire la
poix. On découvre, en fouillant la terre, des tombeaux de briques qu’on croit être de
construction sarrasine. Pop. 450 Hab.

ROQUEFORT. Village du canton du Bar, à 3 lieues de Grasse. Il y a sur une hauteur les
ruines d’un château des Templiers. La tradition dit que ces guerriers adoraient une
chèvre d’or; et qu’à l’époque de leur destruction, ils précipitèrent cette chèvre dans un
abîme qui se trouve à la mi-hauteur de la colline. Il serait plus croyable que les
chevaliers du Temple construisirent un monastère sur cette élévation où se trouvait la
statue d’une chèvre d’or, idole des habitans de la contrée, et qu’à l’époque de leurs
arrestations et de leurs proscriptions, car ils ne furent pas massacrés en Provence, ces
guerriers religieux jetèrent dans cet abîme tout ce qu’ils ne pouvaient emporter, ne
voulant laisser aucune de leurs richesses à leurs persécuteurs. Le territoire offre des
pierres lithographiques; mais la qualité varie selon l’endroit d’où on les retire. Le sol
produit du vin, des figues et de l’huile qui équivaut à celle de Grasse. Pop. 810 hab.

ROQUEFURE. Hameau dans le territoire d’Apt, près du pont Julien.

ROQUES-HAUTES. Village du canton de Tretz, à une lieue et demie d’Aix. Les soldats
de Marius avaient pris position dans le territoire. Le sol produit comme aux lieux
voisins. Pop. 95 hab.

ROQUEMARTINE. Rocca Martina. Village réuni à Eyguières. Il fut un lieu de refuge


pour les troupes de Raymond de Turenne. Les milices d’Aix, Brignoles, Saint-Maximin,
Barjols, Lorgues et Draguignan les en chassèrent avec des pertes considérables.

ROQUETTES, Locus de Roquetta. Village du canton de Tavernes, à 8 lieues de


Brignoles. Le principal produit de son sol est le blé. Pop. 89 hab.

ROQUETTE. Petit village du canton de Cannes, à 3 lieues de Grasse. Sol agréable et


fertile en huile, blé et vin. Pop.320 hab.

ROQUETTE, Locus de Roquetta. Hameau dans le territoire de Quinson.

ROQUEVAIRE, Rocovaria vel Rupevaria. Bourg chef-lieu de canton, à 6 lieues de


Marseille, et sur l’Huveaune. Les habitans de plusieurs villœ romaines quittèrent la
campagne à l’approche des barbares, et se fortifièrent dans le territoire, mais sur deux
points différens, ce qui forma les villages de Solobio et de Laza. Sous Béranger IV, ces
deux villages furent abandonnés. Les habitans s’établirent sur une élévation et sur un
point nommé le Sarret. Ils s’entourèrent de murailles et se fortifièrent d’un château qui
fut assiégé et pris par les Marseillais, lors de la guerre contre Charles de Duras.Il fut
ensuite démoli par ordre du roi. Les habitans furent contraints d’aller se construire de
nouvelles demeures sur le bord de l’Huveaune et sur un point appelé Entrecastèoux.
C’est là où se trouve le bourg actuel. Il est divisé en deux parties, et ne forme presque
qu’une rue toute tortueuse. Il est tout en plaine et abrité de tous les vents par les collines,
qui resserrent la vallée et n’en font qu’un défilé fort étroit. On y trouve une papeterie,
une filature pour la soie et une petite fabrique de savon. Il y avait un martinet pour le
cuivre, qu’on a abandonné. Le territoire, très peu étendu, produit principalement des
figues, des câpres, de l’huile, du vin muscat et des passes fort recherchées. Pop. 3,200
hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Roquevaire, Auriol s
Belcodène, Gréasque, Pépin et Saint-Savournin.

ROSSELINE (SAINTE). Ancien monastère dans le territoire des Arcs, connu pendant
long-temps sous la dénomination de Cellâ Robaudi, traduit par le mot barbare Sallobran
dans les siècles d’ignorance. C’était d’abord un temple du paganisme qui tenait à une
villa appartenant à une riche famille. Des chevaliers du Temple s’en emparèrent et y
établirent une de leurs maisons. Après, ce fut une maison de religieuses de l’ordre des
Chartreux, dédiée à Notre-Dame de Sion, fondée par un nommé Robaud.
Roselyne, Rosoline ou Rosseline, fille d’Arnaud II, sire de Villeneuve, baron des Arcs et
de Trans, et de Sibile de Sabran, fille d’Elzéar, comte de Forcalquier, née aux Arcs en
1263, vint augmenter la célébrité de ce monastère. Elle y entra fort jeune, et succéda, en
1310, à sa tante Vians de Villeneuve, qui en était prieure. Elle était sœur d’Elzéar de
Villeneuve, évêque de Digne, et d’Hélion de Villeneuve, l’un des grands maîtres les plus
célèbres de Saint-Jean de Jérusalem, alors fixé à Rhodes. Ce dernier visita sa sœur dans
ce monastère, et lui fit hommage d’un coffret contenant des reliques qu’il avait
apportées de la terre sainte.
Roselyne mourut le 17 janvier 1329, en odeur de sainteté. On a composé un volume sur
les miracles opérés par son intercession. La tradition de celui des pains changés en fleurs
s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Le corps de cette sainte s’est entièrement conservé,
malgré les troubles et ses différentes translations, car il est resté long-temps enfermé
entre deux murailles dans l’ancien château de Trans.
Le monastère de la Celle-Robaud passa dans la suite aux Observantins, et prit le titre de
Sainte-Catherine.

Mais il ne tarda pas d’être rendu à l’évêque de Fréjus qui fit du couvent une maison de
plaisance, et dédia la chapelle à sainte Roselyne. Un grand concours de fidèles de
l’arrondissement de Draguignan y viennent en dévotion tous les ans, le dimanche de la
Trinité. Une quantité prodigieuse d’ex-voto prouvent qu’on n’intercède pas en vain la
protection de cette sainte.
L’église, qui est assez vaste, offre des beautés dignes de l’admiration des curieux. Une
Descente de croix en relief décore le grand autel; le Christ et le linceul qui l’enveloppe
sont d’un bon travail. Il n’en est pas de même des autres personnages, dont quelques-uns
manquent de proportion. A côté se trouvent deux personnages rapportés plus tard. L’un
est sainte Catherine; et l’autre, Louis de Villeneuve, baron des Arcs, le même qui fit
restaurer et embellir cette église.
Dans la chapelle où se trouve le reliquaire qui contient le corps de sainte Roselyne, est
un tableau de la Nativité, peint sur bois en l’année 1541, qui est justement admiré par les
connaisseurs. Dans ce même tableau, on a peint Claude Ier de Villeneuve, marquis de
Trans, et sa femme Isabeau de Feltris, offrant à Notre Seigneur dans la crèche leurs huit
enfans, qui forment un groupes d’anges chantant le Gloria in excelsis Deo.
La boiserie du chœur n’est pas moins admirée par les gens de l’art que la plupart des
ornemens d’architecture de cette chapelle. Le site extérieur est un des plus gracieux que
l’on puisse trouver. De belles places bien ombragées, une source abondante qui fournit à
un vaste bassin et arrose un joli jardin et de belles prairies; un air pur et une exposition à
l’abri des vents qui désolent la campagne; une plaine bien cultivée et des coteaux
couverts de touffes d’arbres, contribuent à varier ce charmant paysage.

ROUET. Petit port sur la côte maritime, et hameau dans le territoire des Martigues.
ROUGIERS. Ancien village du canton de Saint-Maximin, à 4 lieues de Brignoles. Il
était d’abord sur une haute montagne, du côté du midi. Il n’y reste que les vestiges de
quelques maisons et d’une tour romaine qui fit donner à ce lieu le nom de Turris, et non
pas au village de Tourves, comme les historiens modernes l’ont avancé. La voie
aurélienne ne passait pas au village de Tourves. Elle allait passer sous l’ancien Rougiers
qui etait considéré comme une forte position, et le serait encore, si on y élevait une
fortification. On y voit encore quelques cavernes en forme de caves, cimentées au fond
et à l’entour, qui servaient probablement de citernes, ou peut-être de greniers pour le
besoin des habitans et des soldats qui passaient sur la route; car Turris était un lieu
d’étapes, et n’avait point d’habitation agglomérée entre lui et Matavo. Il n’y a pas long-
temps qu’on voyait dans une vieille masure de l’ancien Rougiers cette inscription:

Jovi omnium conservatori, etc.

Après les guerres civiles, les habitans vinrent bâtir au pied de la montagne; mais puis ils
se décidèrent à se réunir dans la plaine, sous un climat tempéré. Le sol est assez bon;
mais le territoire est d’une fort petite étendue. Il est abondant en bol, que les ouvriers
emploient comme du bol d’Arménie. Les principales denrées du pays sont le blé et le
vin. Il y a deux foires dans l’année: le 20 janvier et le 9 septembre. Popul. 990 hab.

ROUGON, ou ROGON, Rogonum, autrefois Castrum de Roagone. Village du canton de


Moustiers, à 16 lieues de Digne, sur le penchant d’une montagne, près de la rive droite
du Verdon. Territoire vaste et bien cultivé, sol fertile en blé et en fruits. On y nourrit
beaucoup de menu bétail; on y trouve des pétrifications et des fossiles curieux. Pop. 497
hab.

ROURET. Petite commune du canton du Bar, à 3 lieues de Grasse. Climat tempéré. Le


sol donne les mêmes produits que celui des lieux voisins. Population 95 hab.

ROUSSET, Rossetum. Village du canton de Tretz, à 3 lieues d’Aix. Climat vif et sain;
sol fertile en vin et en blé. La Galinière et Château-Lar sont deux hameaux de ce lieu.
Pop. 700 hab.

ROUSSILLON, Rossolio. Village du canton de Gordes, à 3 lieues d’Apt. Plusieurs


auteurs rapportent qu’un seigneur de ce lieu, naturellement jaloux de sa femme,
soupçonnant qu’elle avait des liaisons secrètes avec son écuyer, assassina lui-même ce
jeune homme, lui arracha le cœur, en fit faire un ragoût par son cuisinier, et le présenta à
sa femme qui, sans le savoir, en mangea à son soûl. Après, le barbare époux montra à sa
femme la tête de son amant, l’instruisit de ce qu’elle venait de manger, et s’avança sur
elle pour la percer du même fer encore teint de sang. La marquise eut assez de bonheur
pour éviter le coup qui lui fut porté, et de force pour prendre la fuite et retourner chez
ses parens.
Le territoire de Roussillon est fertile en blé et en vin très-ordinaire. Les mûriers y sont
très-abondans, et font que dans le pays on élève beaucoup de vers à soie. Pop. 1,460 hab.
ROUVEAU. Petit port sur la côte maritime du département des Bouches-du-Rhône, près
de Cassis.

ROUVEAUX. Ile près de Six-Fours, département du Var.

ROUX. Cap sur la côte maritime du département du Var. entre Saint-Raphaël et la


Napoulle.

RUSTREL, Rustrellum ou Rocastellum. Village à 2 lieues et demie d’Apt son chef-lieu


d’arrondissement et de canton, exposé au midi et dominé par une haute montagne
couverte de chênes. Le climat serait assez tempéré, si le vent du nord ne le rendait froid,
même en été. Le sol serait assez fertile, s’il était cultivé. Nombre de pauvres familles
étrangères trouveraient de l’occupation dans l’agriculture, et feraient le bien-être du
pays. Au-dessus du village sont les ruines d’un ancien lieu qu’on appelle Ville vieille.
On ignore quel était son ancien nom. Pop. 771 hab.

S
SABLET. Village du canton des Beaumes de Venise, à 3 lieues d’Orange, et près de
l’Ouvèze. Son nom dérive du sable qui couvre le sol de son territoire, qui est fort
agréable et fertile en vin, grains, huiles et toutes sortes de fruits. Il y a beaucoup de
mûriers, et les vers-à-soie y réussissent assez bien. Population 1,206 hab.

SAIGNON, Sanio. Petite ville près la rive gauche du Calavon, et à une lieue d’Apt son
chef-lieu de canton et d’arrondissement. Dans les anciens titres, ce lieu est qualifié de
Castrum insignœ et nobile, olim inexpugnabile. Le site de cette ville a pu donner lieu à
cette qualification d’imprenable, parce qu’elle est sur une montagne qui semble
commander la ville d’Apt. Mais il ne paraît pas qu’elle ait été entourée par des
fortifications qui en défendissent l’approche à une armée, ni qu’elle ait soutenu des
siéges mémorables. Les productions du pays sont les mêmes qu’à Apt. Pop. 1, 130 hab.

SALERNES, Salernœ. Ville chef-lieu de canton, à 6 lieues de Draguignan, sur la petite


rivière de Bresc.
On croit qu’elle fut fondée par des familles de l’ancienne Salerne, ville d’Italie, qui
vinrent s’établir en Provence, sous les premiers comtes. Charles II favorisa cette colonie,
en procurant au nouveau Salernes un marché et la foire Sainte-Catherine, par lettres
patentes à la date du 24 février 1296.
Le pays avait eu déjà des habitans. Une villa romaine a dû être au quartier de Saint-
Loup. On peut en juger par le nombre d’ossemens et quelques fragmens de tombeaux de
briques qu’on y trouve, et par le fond de la chapelle de Saint-Loup, dont la forme et la
construction annoncent le reste d’un petit temple du paganisme. On en jugera encore par
le reste d’un mur au haut d’une colline, et qui a conservé le nom de Mur des Païens.
Les Maures africains vinrent saccager les premières habitations, et formèrent un de leurs
repaires dans le territoire, et à l’endroit le plus sinistre qu’il fût possible de trouver dans
un temps où la campagne était encore couverte d’épaisses forêts. Ce repaire ne présente
plus que des ruines appelées les Muros (leis Mourous). Elles sont situées sur une hauteur
entourée de précipices. On y rencontre à tous pas des fragmens de tuiles sarrasines et de
briques de tombeaux sans nom de fabricant, ce qui semble les distinguer des briques
romaines. Cette élévation n’a jamais eu d’eau pour une population agglomérée; on n’y
voit pas même de vestige de citerne. Mais, au pied de ce raidillon, il y a eu de tous les
temps une multitude de petites sources d’eau excellente qui forment un ruisseau
abondant, malgré les années de grande sécheresse. Cette eau est la même qui arrose
presque toutes les prairies et met en mouvement les engins du pays.
La vallée des Mures est aujourd’hui connue sous la dénomination de vallée Saint-
B a r t h é l e m y. Un peintre ou un poète en ferait un grand nombre de tableaux aussi
pittoresques que gracieux. Les deux montagnes qui la resserrent sont d’abord en
amphithéâtre. La roche calcaire se montre nue, avec la forme de tubercules en nombre
considérable, séparés par la cime verdâtre d’autant de pins chétifs qui, par une cause
inconcevable, s’entretiennent avec vigueur, toujours à la même hauteur, sur un sol
entièrement dégarni de terre végétale. Ensuite, les deux montagnes ne présentent plus
que de hauts rochers coupés à pic, couronnés de pins, et offrant dans leurs scissures le
sumac, l’arbousier et plusieurs autres arbustes dont le feuillage, plus ou moins touffu et
toujours vert, relève les différentes nuances des deux vastes parois. Ces rochers escarpés
ont des cavités à une grande hauteur, où l’abeille laborieuse dépose journellement ce
qu’elle enlève aux plantes aromatiques qui parfument les coteaux voisins. Ils offrent
aussi vers leurs bases des antres plus ou moins profonds, mais qui peuvent, au besoin,
servir d’abri à ceux qui viennent explorer ce quartier. L’antre qui se trouve au fond la
vallée (le trou du loup) a une ouverture de trois mètres de hauteur, et ressemble de loin à
la gueule béante du plus effroyable monstre que l’on puisse imaginer.
Cette vallée n’a, dans sa plus grande larg e u r, qu’un jet de pierre. Elle se rétrécit
quelquefois de plus des deux tiers. Sa direction n’offre que des sinuosités pareilles à
celles du corps du serpent qui s’enfuit. A chaque circuit, on croit voir le fond de cette
gorge; mais, en avançant, on découvre un nouveau prolongement qui surprend, réjouit,
intéresse et satisfait. On ne foule jamais que le gazon fleuri qui sert de tapis à ce joli
parterre. De temps en temps on traverse le ruisseau qui s’enfuit paisiblement sous des
voûtes de verdure formées par le peuplier, l’osier et le roseau de Provence. Là on
n’entend que le doux murmure des eaux et le tendre gazouillement des oiseaux qui se
jouent sous le feuillage; mais, arrivé au-dessus de la plus haute source, on ne croit plus
être sur une terre couverte d’habitans; le silence le plus morne frappe et étonne. On
n’entend presque pas les vents, lors même qu’ils menacent de déraciner les arbres qui
couvrent les sommités voisines. L’écho seul répète les paroles et le bruit des pas du
voyageur. Cette solitude offrirait à des anachorètes, non point les immenses déserts et les
sables brûlans de la Thébaïde, mais de petites prairies émaillées de fleurs, des jardins
potagers, quelques arbres fruitiers entourés de vignes qui donnent un fruit tardif mais
aussi doux que celui qui aurait joui plus de deux heures par jour de la chaleur vivifiante
des rayons du soleil.

Au centre de la vallée se trouve la petite chapelle de Saint-Barthélemy. Elle n’est ni jolie


ni digne du saint sacrifice qu’on y célèbre une fois tous les ans; mais sa situation est
curieuse et, j’ose dire, magnifique. Placée sur une sorte de petit calvaire de rocher, elle
ressemble à un autel au fond d’un vaste sanctuaire. Les habitans de Salernes y viennent
le jour de la fête du quartier, non point tant par dévotion au saint qui a donné le nom à la
vallée, que par un reste de paganisme, qui consistait à aller tous les ans invoquer la
nymphe des sources, pour qu’elle daignât continuer ses bienfaits aux territoires qu’elle
fertilisait.
Cependant, parmi le nombre des habitans, et surtout des étrangers qui y affluent, il en est
qui n’y viennent que dans des vues chrétiennes. Aux premiers rayons du soleil, pendant
le sacrifice de la messe, on les voit à genoux et par groupes sur le tertre qui supporte la
chapelle, tandis que dans la plaine, sur le gazon ou sous les berceaux de feuillage, on ne
voit que des jeunes gens qui se livrent au plaisir de la danse, des couples qui se
promènent avec délice, des enfans qui courent çà et là comme sur une place publique,
des familles ou des réunions assises sur la pelouse, et mangeant ou chantant le verre en
main.
C’est alors que le peintre et le poète pourraient faire de cette vallée le tableau le plus
riche, le plus varie et le plus digne de leurs pinceaux.
La ville de Salernes avait un château très-bien situé, qui paraît avoir été construit dans le
treizième siècle, d’après une inscription qu’on y trouve encore,et que je suis le premier à
donner.

AIIO. OO. CC.LXI

C’est tout comme s’il y avait:

ANNO. M.CCLXI

Ce château ne rappelle aucun siége mémorable. Sa destruction n’est due qu’à la


révolution. C’est du haut de ses ruines qu’on distingue une plaine couverte de prairies,
de vignes et de terres à blé. Les coteaux sont couverts d’oliviers. Parmi les productions
du territoire, nous citerons principalement les figues, très-renommées dans le commerce
sous le nom de figues de Salernes, les melons, et les pêches qui pèsent environ une livre
chaque.

Le pays offre une fabrique de faïence et plusieurs fabriques de briques hexagones dites
tomettes. Elles jouissent d’une réputation bien méritée; aussi en fournissent-elles toute la
Provence et presque tous les ports de la Méditerranée.
Le climat du pays est chaud en été, et très-froid en hiver, à cause des gelées blanches.
Les foires sont, le mardi après l’Épiphanie, le mardi de la semaine sainte, le 24 août et le
25 novembre. Pop. 2,520 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Salernes, Tourtour et
Villecroze.

SALIENS. Grande nation celto-lygienne, fameuse par l’accueil qu’elle fit aux Phocéens,
et par les moyens qu’elle employa bientôt pour s’en défaire. Les auteurs modernes ne
sont pas d’accord sur le lieu où se trouvait la capitale des Saliens. Les uns prétendent
qu’elle était à Aix, parce que dans le territoire il y a un quartier appelé Saint- Jean de la
Salle, que,dans les actes latins, on nommait Sanctus Joannes a Salyes. Un
démembrement des Saliens peut avoir occupé la campagne d’Aix, mais il portait le nom
de Ségobringiens. D’autres auteurs veulent que les Saliens fussent à Salon. Mais ce pays
n’était qu’un vaste étang qu’il n’y a pas long-temps qu’on a desséché. Le quartier de
Salonnet était le seul, à même d’être habité. Aussi, il y avait le chef-lieu des Salyes,
autre démembrement des Saliens, que la plupart ont pris pour les Saliens mêmes.
D’autres auteurs enfin, et ce sont les plus modernes, ont voulu prouver que les Saliens
avaient leur mallus près de l’endroit où se trouve la ville d’Arles. Mais une nation qui
avait sous son commandement nombre d’autres peuples qui faisaient, j’ose dire, toute sa
force, devait, selon moi, être à portée de secourir ses alliés et d’en être secourue au
besoin; et si les Saliens étaient à Arles, non seulement ils étaient à l’extrémité du pays
qui était sous leur obéissance, mais encore ils étaient séparés des autres peuples leurs
alliés par des étangs, des marais et une grande rivière sans pont. Car, peu d’années avant
l’arrivée des Romains en Provence, la Durance passait d’Orgon à Saint-Remy, Saint-
Gabriel, et de là dans les marais d’Arles et de la Crau. D’ailleurs, nous savons que les
environs d’Arles étaient occupés par les Anatilii, peuple allié des Saliens.
Il est plus probable de croire que les Saliens avaient leur chef-lieu à l’embouchure de la
Duransole, qui se jette dans l’étang de Berre, près de Saint-Chamas. Là ce peuple était
sous un climat fort doux qu’il ne dédaignait pas; près d’une eau coulante qu’il
recherchait; près le beau retranchement de Constantine, seul digne d’une grande nation
de ce temps; près d’un étang poissonneux et fréquenté par des oiseaux aquatiques; à
portée de forêts immenses et giboyeuses, dans un pays où les arbres fruitiers viennent à
merveille, et sur un point au centre de leurs alliés, qui s’étendait depuis le Rhône et la
Durance jusqu’à la mer. Des chemins qui de plusieurs contrées se rendaient sur ce point,
ont long-temps porté le nom de chemin saliens, c’est-à-dire chemin qui conduit chez les
Saliens. J’ajouterai que la capitale des Saliens prit le nom d’Astramela, nom qu’elle
conserva jusqu’à sa destruction.
Ce fut sur la côte des Saliens que des Grecs, sortis de la Phocide, vinrent fonder une
colonie. Nannus, roi des Saliens, donna sa fille en mariage à Protis, un des chefs de cette
colonie, qui fonda Marseille. Coman, fils de Nannus, voulant anéantir la ville de
Marseille qui lui faisait ombrage, marcha contre elle pour tacher de la surprendre
pendant la nuit. Mais il fut lui-même surpris et massacré avec six ou huit mille des siens.
Son successeur appela toutes les forces des rois ses alliés, afin de détruire la puissance
marseillaise. Il fut, malheureusement pour lui, rencontré par une grande armée gauloise
venant du côté de Lyon, et se dirigeant vers l’Italie, sous le commandement de Bellovèse
et de Sigovèse. Ceux-ci, croyant que les Saliens s’étaient réunis pour s’opposer à leur
passage, fondirent sur eux et en firent un grand carnage. Caramandus, chef des Saliens,
fit un dernier effort pour expulser les Marseillais. Mais il fut tellement effrayé d’un
songe qu’il eut pendant la nuit, qu’il jugea prudent de s’allier avec Marseille; et les
Saliens devinrent les amis fidèles des Marseillais.
Plus tard, les Saliens, ne pouvant supporter patiemment le joug des Romains,
s’adjoignirent les forces des autres peuples de la Celto-Lygie, et se dirigèrent sur un
même point. C. Sextius Calvinus les surprit, remporta sur eux une pleine victoire qui mit
fin pour toujours à leurs soulèvemens, et bâtit sur le champ de bataille une ville à
laquelle il donna son nom, Aquœ Sextiœ.

SALIGNAC, Salignacus. Village du canton de Volonne, à une lieue et demie de


Sisteron, entouré de murailles, et sur une élévation. Au bas du village se trouve une
plaine traversée par la route de Digne à Sisteron. En creusant dans la terre, on découvre
de temps à autre des briques tumulaires, des petits mobiliers funéraires, des médailles,
des mors de chevaux, des débris d’armures, et autres objets qui font présumer qu’à une
époque très-reculée, il y a eu une bataille dans cette plaine. L’air y est pur et sain. Le
Jabron arrose la vallée, qui produit du chanvre, du blé et du vin. Le sol renferme du
succin en quantité. Pop. 637 hab.

SALINŒ. Ville capitale des Suetri, qui occupaient une partie de la rive droite du
Verdon. Cette ville se trouvait sur le rocher qui domine la ville de Castellane. Ce fut ce
rocher qui donna le nom à la ville de Salinœ ainsi qu’à ses habitans, qui s’appelaient
Saliniens, pour être distingués des Suetri qui habitaient la campagne. D’après cela, M.
d’Anville n’était pas fondé, lorsqu’il plaça Salinœ à Seillans; ou, ce qui revient au
même, que la capitale des Suetri était à Seillans. J’en dis autant de ceux qui ont placé les
Suetri à Senez.

SALINIENS. Voyez SALINŒ.

SALINS. Cap de la côte maritime du département du Var, près de Saint-Tropez,

SALLAGRIFON, Sallagrifo. Petite ville du canton de Saint-Auban, à 12 lieues de


Grasse, dans le val de Chanan, et sur une élévation très-exposée au vent du nord. Les
Romains avaient campé dans le pays, ce qui est attesté par des inscriptions qu’on y a
trouvées. On admire dans le territoire un rocher ouvert en deux endroits pour donner
passage au superflu des eaux. Le peuple croit que ces ouvertures pronostiquent par
avance le changement du temps, par le bruit sourd qui en sort dans un moment calme;
que celle nommée la clue du poli annonce les orages et la grêle en été, ainsi que la neige
en hiver; que l’autre, nommée la clue d’aiglun, au travers de laquelle découlent les eaux
de l’Estéron, désigne la pluie. Une troisième ouverture, dans le territoire de Mujoulx,
annonce le vent. Le sol de Sallagrifon produit du blé du seigle, de l’orge, de l’épeautre,
des légumes et des fruits en quantité. Pop. 200 hab.

SALLES, ou SALLETTES, Salesiœ, ou Sallœ., locus de Salletis. Village du canton


d’Aups, à 11 lieues de Draguignan, à quelque distance de la rive gauche du Verdon.
Climat assez doux; sol fertile en blé, vin, huile de noix, pommes, amandes, peu d’huile,
mais excellente. Pop. 420 hab.

SALON, Solo, Salonum, Salona, villa Salone, Castrum Salonense. Ville chef-lieu de
canton, à 6 lieues et demie d’Aix. Selon la tradition du pays, un lac salé s’étendait
depuis la ville actuelle jusqu’à la vallée où passait autrefois la Durance. Les Romains,
premiers propriétaires agriculteurs, furent forcés de s’établir sur les hauteurs. On trouve
de temps en temps des médailles et des ruines de leurs maisons de campagne
La voie romaine passait aux environs de Salon, ou un reste d’inscription nous apprend
qu’on avait élevé un monument en l’honneur d’un Sextum vir Augustal, c’est-à-dire
d’un des six prêtres institués par Tibère, pour avoir soin des cérémonies établies en
l’honneur d’Auguste, dont on fit l’apothéose après sa mort.
L’ancien lieu, qui se trouvait sur la colline du Valdemech, fut le chef-lieu, non des
Saliens, comme certains auteurs l’ont prétendu, mais des Salyes, subdivision des
Saliens. On trouve encore des ruines considérables de ce lieu, que l’on nomme Salonet.
Sa construction annonce que cette habitation remonte à une très-haute antiquité. On y
voit des entailles sur le rocher, où s’appuyaient les poutres de plusieurs maisons.
Quelques endroits du rocher offrent des creux faits par main d’homme, qui paraissent
avoir été habités. C’est là que les Salyes, qui fabriquaient le sel, avaient établi un marché
qui fournissait cette marchandise jusqu’aux habitans des Hautes-Alpes. La voie romaine
qui d’Aix allait à Arles, passait à Salonet, et non pas à Salon moderne, à cause des eaux
qui l’avoisinaient.
Ce fut sous Charlemage qu’on commença le dessèchement du lac salé de près le lieu où
se trouve la ville de Salon. Après l’expulsion des Sarrasins, on acheva cet ouvrage, et
l’on cultiva la plaine. Alors la population déguerpit de Salonet pour venir bâtir la
nouvelle ville. Les archevêques y construisirent un beau château qui fut illustré par le
séjour de plusieurs princes et de plusieurs papes. Le roi René contribua beaucoup à
l’agrandissement et à la prospérité de ce pays. Le sol, avant lui, était presque stérile. Les
Romains avaient conçu le projet d’y amener les eaux de la Durance pour le fertiliser.
L’empereur Auguste aurait effectué ce projet, si la mort ne fût venue le surprendre. Mais
Adam de Crapone, natif de Salon, fut plus heureux. Il commença le canal qui porte son
nom sous d’heureux auspices, et il eut le bonheur de le finir; ce qui est cause que le
territoire de Salon est un vaste jardin qui fournit à Marseille toutes sortes de fruits. On y
recueille aussi beaucoup de grains, du vin, de la bonne huile, du fourrage, des plantes
potagères et du tabac. La campagne offre principalement le croton tinctorium,
vulgairement appelé tournesol, d’où l’on tire la couleur bleue; et le chêne-kermès (lou
réganèou). C’est sur ses branches que de temps immémorial le pauvre du pays va
recueillir le vermillon.
Il est à regretter que la ville de Salon ait négligé son ancien jardin botanique, auquel
nous sommes redevables de l’introduction et de la multiplicité du jasmin du Cap et de
celui des Açores, de l’héliotrope des Indes, du tulipier de Virginie, du catalpa de la Ca-
roline, de la bruyère du Cap de la verbène d’Amérique, et de plusieurs autres plantes qui
sont devenues très-communes.
Les villes de Salon et de Saint-Rémy se disputent la naissance du fameux Michel
Nostradamus, poète et prophète du seizième siècle. Il paraît qu’il naquit à Saint-Rémy le
14 décembre 1503, et qu’il mourut à Salon le 24 juin 1565. Ses prophéties lui firent une
réputation étonnante hors de la Provence, et surtout hors de Salon, où il éprouva des
désagrémens qui lui firent cruellement sentir, que nul n’est prophète dans son pays. Il en
fut heureusement dédommagé par les marques de bonté qu’il reçut de Henri II et de
Catherine de Médicis, qui lui firent faire un voyage à Paris pour le voir.
Charles IX étant ensuite venu en Provence, en 1564, voulut avoir le même plaisir, et lui
fit présent de deux cents écus
d’or; il lui donna le titre de son médecin ordinaire, avec des appointemens considérables
dont il ne jouit pas long-temps car il mourut l’année d’après. Son tombeau se trouvait
dans l’église des Cordeliers, et il était dit que malheur arriverait à celui qui l’ouvrirait.
Cette église ayant été détruite pendant la révolution, le tombeau a été transporté dans
l’église paroissiale du lieu, et les habitans le regardent comme un monument précieux.
L’ancien château, quoique en bon état, a éprouvé un changement bien funeste. Dans le
principe, il ne servait que pour les grands personnages qui visitaient cette ville; et
aujourd’hui il est converti en une maison de correction.
Les gens de Salon sont fort religieux et aiment passionnément la musique. Les jours de
fête, des femmes, vêtues à l’arlésienne, font danser la jeunesse au son du galoubet, dont
elles jouent assez bien. La ville de Salon est charmante, surtout pour celui qui veut
passer ses jours au milieu d’une petite société honnête, et loin des petites tracasseries
que l’on rencontre ordinairement dans les communes rurales. Il y a trois foires dans
l’année: le 11 août, le 29 septembre et le 11 novembre. Pop. 6,060 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Salon, Aurons, Cornillon,
Grans, Labarben, Lançon, Miramas et Pélissane.

SALONET. Voyez SALON.

SALUVII. Peuplade celto-lygienne, démembrement des Saliens, et dont le chef-lieu était


à Glanum.

SALYES. Peuplade celto-lygienne, autre démembrement des Saliens, qui avait son chef-
lieu à Salonet.

SAMBRACITANUS SINUS. Voyez GOLFE DE GRIMAUD.

SAMBUC (LE). Hameau qui fait partie de la commune des Saintes-Maries, dans la
Camargue.

SAMBUQUE, Sambacus. Forêt traversée par la petite route de Brignoles à Marseille.


Son nom dérive de la quantité de sureau qu’on y trouvait au bord d’un petit ruisseau. Ce
passage, nommé pas de la Sambuque, a été pendant long-temps un vrai coupe-gorge. Le
nom seul inspire encore de l’effroi aux voyageurs.

A différentes époques, et notamment pendant la révolution, des bandes de brigands en


faisaient leur repaire, et y commettaient les plus grandes atrocités. Ce passage a cessé
d’être infesté, depuis qu’on a détruit les arbres qui le rendaient ténébreux.

SANNES, Salubre. Village du canton de Pertuis, à 4 lieues d’Apt. Sol et productions, les
mêmes qu’à Ansouis. Pop. 150 hab.

SANSOUDRE. Hameau dans la Camargue.

SARRIANS. Village à une lieue de Carpentras son chef-lieu de canton et


d’arrondissement. A un quart de lieue loin, il y avait un village nommé Podium Aicardi,
Puyricard ou Piedcart, dont les habitans se retirèrent à Sarrians et s’y fortifièrent. La tour
de la Gache, ou plutôt de l’Agache, est un reste de ces fortifications. Il ne reste du vieux
Puyricard que quelques pans de murailles. On a souvent trouvé dans la terre, auprès de
ces ruines, des armes et des monnaies romaines. Le sol de Sarrians est humide, mais
fertile, depuis que les habitans ont desséché les marais qui étaient autour de la ville;
aussi il produit du blé et du foin. La campagne, qui est ornée de jolies maisons de
plaisance, offre beaucoup de mûriers, ce qui fait que dans le pays on élève beaucoup de
vers à soie. Les géodes sont abondans dans le territoire; ce sont des pseudo-carpolithes.
Pop. 2,650 hab.

SARTOUX. vulgairement Sartoou. Village ruiné du canton de Cannes, et à 2 lieues de


Grasse. Les ruines d’un monastère du moyen âge se trouvent sur la hauteur nommée le
Castélaras, nom qui lui vient sans doute de ces mêmes ruines. Ce monastère a dû être
construit près d’une ancienne maison de campagne appartenant à une famille romaine.
En 1817, on découvrit une inscription qui paraît être du troisième ou du quatrième
siècle. C’est un monument aux dieux mânes, élevé par une nommée Raiela Secundina, à
son fils unique Quinto Luccunius Verus, qui mourut à trente ans sans postérité, et qui
aimait tendrement sa mère.

Voici l’inscription en entier:

A. D M.

RESPICEPRAETRIENSOROTITVLVMQ
DOLEBIS QVAMPRAEMATVRENIMIVM
SIMMOTISADEPTVS. TRIGINTAAN
MORVMRAPT AESTMIHILVXGRATISSI
MAVITAE: ETDEGENTEMEASOLVSSINE
PARVOLOVOIXIQVEMMATERMISERVM
FLEVITQVODPIETATISHONORERELICTA
EST Q. LVCCVNIOVERO
RAIELIAS CECVNDINAMATER
FILIOIISSIMOFECIT
On doit lire:

Id et Diis Manibus:

Respice, prœteriens, oro, titulumque dolebis. Quam prœmature nimium sim mortis
adeptus. Triginta annorum rapta est mihi lux gratissima vitœ et de gente meâ,solus sine
pavolo vixi.
Quem mater miserum flevit,quod pietatis honore relita est Q Luccunio Vero.
Raeilia Secundina mater filio piissimo fecit.

Traduction:

Aux Dieux Mânes:


Regarde, ô passant, ce monument, et tu verseras des larmes. Ma mort a été
excessivement prématurée. Je n’avais que trente ans, lorsque mes yeux se sont fermés à
la lumière du jour.
Seul rejeton de ma famille, j’ai vécu sans avoir d’enfans. Ma mère a pleuré mon malheur
et le sien, étant abandonnée et privée des témoignages de tendresse que je lui donnais.

A Quinto Luccunius Verus:

Raiela Secundina, sa mère, a érigé ce monument, pour perpétuer le souvenir du respect


et de l’amour que ce cher fils avait pour elle.

Les productions du territoire de Sartoux sont, le blé, le vin, les figues et surtout l’huile
qui équivaut à celle de Crasse. Pop. 215 hab.

SASSE. Rivière qui prend sa source en dessus de Seyne, et qui se jette dans la Durance,
à une lieue en dessus de Sisteron.

SATURNIN (SAINT). Village du canton de l’Isle, à 2 lieues d’Avignon, et sur la


Sorgues, qui en fertilise les terres, On y recueille principalement du foin, du blé et du
vin. Pop. 1,380 hab.

S ATURNIN (SAINT). Bourg, à deux lieues et demie d’Apt son chef-lieu


d’arrondissement et de canton, au pied d’une montagne et adossé à un rocher. Les
collines situées au nord sont arides. On y sème du seigle et de l’avoine. La plaine est peu
fertile. Il y a quelques sources; mais, dans le bourg, on ne boit que de l’eau de citernes.
Le climat est beau; mais on y passe subitement du froid au chaud et du chaud au froid.
Le printemps est beaucoup moins agréable que l’automne. Les hivers n’y sont pas bien
rigoureux. Il y a des fabriques de galons. Le commerce consiste en denrées du pays,
telles que le vin, l’huile, la cire et le miel. Le territoire offre du talc, des petites coquilles
métallisées, des pyrites ferrugineuses, etc. Les jours de foire sont, le 22 mars et le 27
août. Population 2,840 hab.
SAULT, Salutuosum. Petite ville chef-lieu de canton, à 6 lieues d’Apt. C’était l’ancien
chef-lieu de la vallée de Sault, qui comprenait huit communes et cinq hameaux, Ce pays
fut habité par des familles romaines. On y a trouvé des médailles du règne d’Auguste
jusqu’à celui des enfans de Constantin, des inscriptions et des tombeaux avec leurs
mobiliers. Les Vandales et autres barbares du Nord ravagèrent ce pays, saccagèrent les
communes et massacrèrent les habitans. Les Sarrasins y construisirent plusieurs villages
qu’ils habitèrent long-temps, établirent des forges pour la confection de leurs armes, et
laissèrent des traces de leur séjour, telles que des tuiles plates encore appelées tuiles
sarrasines, des tombeaux en briques, et une épitaphe en caractères arabes, d’un Sarrasin
mort dans le mois de rhamadan de l’an de l’hégyre 584, qui correspond à l’an 1188 de J.
C.
La ville de Sault occupait anciennement la plaine où est le faubourg des Loges. Les
habitans l’abandonnèrent du temps des guerres intestines, et allèrent se fortifier sur le
haut d’un rocher, afin de se préserver de toute attaque.
Le climat de toute la vallée de Sault se ressent un peu du voisinage du Mont-Ventoux.
Aussi on n’y voit point d’oliviers. Les deux tiers des terres sont occupés par des rochers
ou par un terrain pierreux, autrefois couvert de bois qui faisaient la richesse du pays. Ces
bois, qui donnèrent le nom à la vallée, sont entièrement anéantis et impossible d’être
rétablis, à cause de l’entraînement de la terre végétale. L’autre tiers offre un joli vallon
où sont quantité de prairies et de terres à blé. Il est malheureux que les différens
ruisseaux qui arrosent cette partie soient à sec pendant l’été. Dans ce vallon, il y a une
fontaine d’eau minérale dont le peuple se sert, mais qui n’est pas bonne à toutes sortes
de maladies. Il est téméraire d’eu faire usage sans, au préalable, consulter les gens de
l’art. Il y a aussi des gouffres très-profonds, dont les uns contiennent une grande quantité
d’eau.
A Sault et ses environs, il existe plusieurs fabriques d’étoffe de laine grossière nommée
cadis. Les habitans s’adonnent presque tous à l’agriculture; mais ils ne sont pas entichés
des méthodes vicieuses transmises par leurs pères. Ils aiment profiter des conseils
salutaires des personnes instruites. Ils font des essais en petit, et adoptent toujours le
procédé reconnu le plus avantageux; aussi leur sol, quoique infertile, produit
abondamment du blé et du foin, et on y nourrit nombre de troupeaux de menu bétail. Il y
a une foire à Sault, le 14 du mois de mars. Pop. 2,780 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Sault, Aurel, Monieux,
Saint-Christol et Saint-Trinit.

SAUMANE, Saumanœ, anciennement Salmana. Village du canton de Banon, à 5 lieues


de Forcalquier. L’Hospitalet est une de ses dépendances. Le pays fournit beaucoup de
droguistes, et on y élève beaucoup de pourceaux. Le sol produit des céréales et des
glands. Pop. 256 hab.

SAUMANES. Village du canton de l’Isle, à 4 lieues d’Avignon. Il était anciennement


fortifié. Le climat est tempéré en été et assez froid en hiver, à cause du Maëstral. Les
collines qui entourent le village sont couvertes de pins, de chênes et de hêtres.
Le territoire produit du blé et du vin. Pop. 630 hab.

SAUSSES, Salsœ. Village du canton d’Entrevaux, à 14 lieues de Castellane, bâti en


amphithéâtre, près la rivière du Var. Son nom dérive d’une source d’eau salée qui naît
dans le territoire, et dont on en fabrique du sel très-blanc et à très-petits grains, mais dont
la partie saline n’est pas aussi abondante qu’au sel qu’on fabrique près de la mer. La
température est infiniment plus douce que dans les lieux voisins. Le sol est assez bon. La
plaine est couverte de prairies et de jardins. La principale récolte est celle du froment.
Viennent ensuite les fruits de toute espèce, les légumes, le vin, le chanvre et beaucoup de
gibier; On y trouve des pétrifications et des fossiles en quantité. Pop. 296 hab.

SAVINÉATES. Peuplade celto-lygienne qui a donné le nom au village de Savines sur le


bord de la Durance, faisant aujourd’hui partie du Dauphiné. Mais ce peuple s’étendait
jusque près de Pontis, village qui fait encore partie de la Provence.

SAVOILLANS. Village du canton de Malaucène, à 8 lieues d’Orange, sur la rive gauche


du Tholorenc, et au nord du Mont-Ventoux qui en rend la température froide. Le sol est
fertile en seigle.Population 284 hab.

SAVOURNIN (SAINT). Village du canton de Roquevaire, à 6 lieues de Marseille, divisé


en deux hameaux. Il y a des mines de charbon de terre. On y recueille du blé et du vin.
Pop. 550 hab.

SÈGOBRINGIENS. Peuplade celto-lygienne qui occupait le territoire d’Aix. Elle était


une des alliées des Saliens. C’était peut-être même un démembrement de cette nation,
qui se gouvernait par lui-même. Quelques auteurs prétendent que c’est auprès du roi des
Ségobringiens que Protis, un des chefs de la première expédition phocéenne qui vint
dans la Celto-Lygie, se rendit pour obtenir la permission de s’établir sur le bord de la
mer. D’autres ont assuré que c’est auprès du roi des Salyes; mais le plus grand nombre
soutiennent que c’est auprès du roi des Saliens. La cause de ces erreurs provient de ce
que la généralité des écrivains provençaux ont confondu le nom de ces trois peuples qui,
quoique alliés, avaient chacun leur roi particulier. Voilà pourquoi les uns font aller Protis
à Aix, les autres à Salons, à Saint-Chamas, à Arles, etc. Voyez SALIENS.

SÉGURET.Village du canton de Vaison, à 4 lieues d’Orange, situé sur une élévation,


dans un site très froid en hiver et fort chaud en été. Le territoire présente des ruines de
plusieurs édifices antiques, qui prouvent que le pays était, du temps des Romains, une
dépendance de Vaison. Il y a une montagne qui porte encore le nom de Mars. On croit
que les païens y avaient élevé un temple en l’honneur du dieu de la guerre.
La plaine est fertile et s’étend jusqu’au bord de l’Ouvèze.
Elle est bien cultivée et arrosée par un canal et par une fontaine. Le sol produit des fruits
et des grains en abondance. On élève dans le pays beaucoup de vers à soie. Il y a deux
foires dans l’année: le 23 Janvier et le 2 novembre. Pop. 1,135 hab.
SEILLANS. Celianum ou Seillanum. Village du canton de Fayence, à 6 lieues de
Draguignan. Corneille, dans son Dictionnaire historique et géographique, nomme ce
village Solliniensium urbs, nom qui a dû appartenir à un autre lieu que celui de Seillans.
Je pense que c’est une corruption de celui de la primitive ville de Castellane. C’est sans
doute cette erreur qui en a fait commettre une pareille à un savant qui a voulu écrire
l’histoire de Provence, sans quitter la capitale du royaume.
M. d’Anville désigna Seillans comme la capitale des Suetri, que tous les auteurs qui
connaissent bien la Provence, s’accordent à placer à Castellane. Cette capitale s’appelait
Salinœ, et tirait son nom d’un grand rocher sur lequel elle était bâtie. On ne trouve pas
ce rocher à Seillans. Tout le monde peut se tromper. M. d’Anville, quoique doué de
grandes connaissances, ne fut pas infaillible, Il prit ici la partie pour le tout. Un
démembrement des Suetri, connu sous le nom de Ligauni, vint occuper la vaste plaine
dont Seillans se trouve à une extrémité, et le pays des Oxibiens était à l’autre. Une
preuve incontestable, est ce passage de Pline: Regio Oxibiorum, Ligaunorumque, super
quos Suetri, Quariates, Adunicates. On sait que les Adunicates occupaient le pays de
Séranon, et que les Quariates étaient entre Séranon et Castellane. En dessous de ces
peuples, la première position favorable aux Celto-Lygiens était, sans contredit, la plaine
de devant Seillans, ou plutôt les amphithéâtres, qui offraient à ces peuples des
expositions abritées, de l’eau potable,des élévations pour pouvoir s’y retrancher, des
rivières poissonneuses et des forêts giboyeuses, etc. Voyez l’article CALIAN.
L’ancien village de Seillam était dans la plaine, au lieu même où se trouve l’église de
Notre-Dame, qui en était la paroisse. Il fut bâti par les Ligauni, habitans du territoire.
Des familles romaines vinrent augmenter cette bourgade; d’autres se contentèrent
d’établir des villœ dans la campagne. Mais, à l’approche des Sarrasins, elles furent
forcées de transporter leurs demeures en des lieux fortifiés par la nature. Le pays fut
saccagé par les barbares; la plupart des habitans furent menés en esclavage. Ceux qui
eurent le bonheur d’échapper au massacre et à la servitude, vinrent construire de
nouvelles habitations sur une hauteur voisine à même d’être fortifiée, et nommèrent
l’ancien lieu Rapiamus (pillous), nom qu’il conserve encore, et qui rappelle les cris et
l’action des Sarrasins, lorsqu’ils furent maîtres de l’ancien bourg.
En creusant les terres, dans le champ appelé Rapiamus, on a trouvé des preuves non
équivoques que le pays avait été habité par un grand nombre de familles romaines. Tout
prouve qu’il y avait une salle de bains très-spacieuse, dans laquelle les eaux arrivaient
sous une voûte, conduites dans des tuyaux de plomb. Non loin de là, on a découvert
beaucoup de fragmens de tuiles romaines, une urne cinéraire, des tombeaux avec leurs
petits mobiliers, et des médailles de plusieurs règnes.
Au quartier de la Bégude, à une lieue de Seillans, se trouvent encore des vestiges d’une
villa oppulente. Il paraît qu’elle avait un temple particulier d’une assez belle
construction. On y découvre encore des restes de colonnes, de chapiteaux, de frises et
autres pièces d’architecture, que le temps et l’ignorance ont considérablement dégradées.
Il y a quelques années qu’on trouva au même quartier des tombeaux en briques et un en
calcaire du pays, contenant le squelette d’un chevalier romain.
Les maisons du village actuel se ressentent des siècles du mauvais goût. Les rues sont
mal percées; le pavé en est détestable. Deux fontaines fournissent une eau excellente. On
s’en sert pour arroser des prairies et des jardins potagers. Elle fait mouvoir plusieurs
engins, dont une belle filature à l’usage d’une fabrique de toile de coton, l’une et l’autre
nouvellement établies dans un même local hors du village. Cette manufacture occupe
beaucoup de monde, et procure de l’aisance aux familles pauvres du pays. La paroisse
de Seillans est assez ancienne. On peut en juger par les inscriptions qui sont sur le
portail, et dont l’une est du douzième siècle. Elle rappelle la mort d’un ancien seigneur
de ce lieu. L’ancienne paroisse existe encore l’endroit où se trouvait le primitif Seillans.
C’est un monument qui date des premiers siècles du christianisme en Provence.
Le climat de Seillans est tempéré; l’air y est pur et sain.
Le territoire produit abondamment de l’huile, du vin, des figues et autres fruits. Le sol
est calcaire. Il y a une carrière de marbre non encore exploitée, et des indices d’une mine
de charbon de terre, qui serait précieuse dans un pays dépourvu de bois. La chasse aux
petits oiseaux y est fort abondante en automne et en hiver. Il y a trois foires dans l’année:
le 1er mars, le 21 septembre et le 25 novembre. Popul. 2,170 hab.

SEILLON, Seillonum.Village du canton de Barjols, à 5 lieues de Brignoles, et sur une


élévation. La rivière d’Argens a sa principale source dans le territoire. Le climat est très-
vif; l’air y est assez sain. Le sol est bon, mais sujet à des inondations nuisibles; il produit
principalement du blé, des légumes et des amandes. Pop. 470 hab.

SELLONNET. Petit village du canton de Seyne, sur la rive gauche de la Blanche, à 14


lieues de Digne. Pays de fourrage, de chanvre et de grain. Population 631 hab.

SÉNANQUE. Hameau à une lieue de Vaucluse.

SÉNAS, Senassium. Village du canton d’Orgon, à 10 lieues d’Arles. L’ h i s t o r i e n


Nostradamus lui donne le nom d’Étuviœ, Romanœ, parce qu’il prétend que c’était un
lieu d’étapes pour la cavalerie romaine.
Ce pays était occupé par les Désuviates, qui avaient leur chef-lieu à Orgon. Plusieurs
riches familles romaines y établirent des villœ. On en juge par des restes d’aqueducs qui
conduisaient les eaux de la Durance dans des piscines, sortes de viviers où l’on
nourrissait des huîtres de l’Océan, dont ce peuple était friand.
Les barbares ravagèrent ce pays et n’en firent qu’un désert. De nouveaux habitans
construisirent le village actuel dans une plaine fertile où l’on cultive la garance avec
succès. On y recueille aussi du blé, du vin, des olives et du foin. Le canal de Boisgelin
contribue beaucoup à la fertilité du terroir, et arrose les prairies et les jardins. L’amandier
vient très-bien aux amphithéâtres; les mûriers embellissent la plaine, et font que dans le
pays on élève beaucoup de vers à soie. On trouve dans la campagne des indices de mine
de fer, et une source d’eau considérable, où l’on pêche des anguilles d’un goût délicat.
Pop. 1,400 hab.

SENEZ, Sanicium ou Senicium. Petite ville avec un évêché supprimé, chef-lieu de


canton, à 4 lieues de Castellane, au bord du ruisseau de Blioux, dans une gorge, au pied
d’une montagne, sous un climat froid et humide. Le soleil n’y paraît en hiver que
pendant six heures par jour. Cependant ce lieu est fort sain. Les Sentii, peuple celto-
lygien, démembrement des Suetri, habitaient le territoire. Il faut croire qu’ils avaient
leurs demeures sur la rive droite de la rivière, car la rive gauche était privée de l’ardeur
vivifiante du soleil; et de plus, étant sujette à des inondations qui interceptent
quelquefois la communication d’une maison à l’autre de la ville actuelle, ne faisait pas
pour des hommes qui n’habitaient que des huttes ou des tonnelles. Cette commune à
plusieurs hameaux. Celui de Boades était un village qui fut détruit par le cruel Raymond
de Turenne. Plus tard, le palais épiscopal fut pillé par les protestans d’Antoine et Paul de
Richieu, qui brûlèrent l’église cathédrale. Le territoire n’est pas fertile; il ne produit
qu’un peu de blé, des pommes de terre et peu de fourrage. Cependant on y nourrit assez
de bêtes à cornes. Il y a un moulin à farine encore banal. Pop. 910 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Senez, Blieux,Majastres et le
Poil.

SENTII, OU SENTIENS. Voyez SENEZ.

SÉON. Hameau dans le territoire de Marseille.

SEPTÈMES. Village du canton de Gardanne, à 5 lieues d’Aix. Il y a plusieurs fabriques


de soude factice. Terroir presque infertile; c’est, sans contredit, le plus pauvre qu’on
puisse voir. L’industrie du pays et le voisinage de Marseille lui procurent quelques
moyens. Pop. 730 hab.

SÉRANON, Seranonum. Ancienne ville du canton de Saint-Auban, à 8 lienes de Grasse.


Les Adunicates, peuplade celto-lygienne, avaient leur chef-lieu dans le territoire. Le
pays n’a jamais été bien considérable. La position de la ville, qui se trouvait sur une
grande élévation où l’on voit encore les ruines d’un fort, la fit respecter et des barbares
et des ligueurs. Les Sarrasins avaient séjourné dans le pays. Aussi, on y trouve beaucoup
de tombeaux de briques sarrasines, renfermant des ossemens. On croit, dans le pays,
qu’un couvent de Templiers se trouvait dans la plaine, au même endroit où est la
chapelle de Notre-Dame. On a découvert l’aqueduc souterrain qui y conduisait des eaux
potables. Vers le commencement du siècle dernier, le seigneur du lieu, tyrannisant les
habitans, fut saisi par eux, et conduit sur les terres sardes pour y être assassiné. Tardant à
ces malheureux de se délivrer d’un despote qui les vexait, ils s’en défirent à quelques
pas en deçà de la frontière, qu’ils ne connaissaient pas bien. C’est ce qui fut cause qu’ils
restèrent quelque temps fugitifs, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’ils eussent acheté leur grâce.
Ce fut à cette époque que le peuple abandonna la ville pour s’établir dans la campagne,
où toutes les maisons sont disséminées.
Le climat de Séranon est froid, et le vent nord-ouest y est dominant. Pendant l’hiver, la
campagne est ordinairement couverte de neige. En été, lorsqu’il n’y a pas de vent, les
chaleurs y sont insupportables. Le pays est fort sain; le sol, fertile dans certains
quartiers, produit du blé méteil, des pommes de terre, des légumes, des plantes potagères
d’un goût supérieur et de l’excellent pâturage. La montagne de Lachen est en grande
partie dans la juridiction de cette commune. Plusieurs ruisseaux traversent le territoire.
C’est dans celui de la Clue que l’on pêche quelques truites et des écrevisses. On vient de
découvrir une mine d’étain qui paraît être assez riche. Une compagnie d’étrangers au
pays pourrait en faire un sujet de spéculation. Les hauteurs offrent des coquilles
pétrifiées. Les gens de Séranon sont tous agriculteurs; ils ne tiennent pas aux grandes
propriétés. Si un père, en mourant, laisse huit enfans et vingt coins de terre, chaque coin
de terre est divisé en huit parties, pour que chaque héritier en ait une. Aussi il s’y trouve
des propriétés qui ne valent pas dix francs l’une. Pop. 405 hab.

SÉRIGNAN, Sereniancun. Bourg fermé de murailles, sur une petite élévation, près la
rive droite de l’Aigues, à une lieue et demie d’Orange son chef-lieu d’arrondissement et
de canton. Le terroir est d’un bon rapport; il produit du blé, du vin, des olives et du
safran. Il y a beaucoup de prés et de jardins arrosables. Les collines sont couvertes de
chênes verts. Il y a un étang de cinq lieues de circonférence; on y chasse aux canards,
aux macreuses et autres oiseaux aquatiques; on y pêche aussi des poissons. Pop. 1,220
hab.

SERRES, Serrœ. Ancien village à une demi-lieue de Carpentras. Les habitans


l’abandonnèrent pour s’établir dans la ville.

SEYNE, Sedena. Ville chef-lieu de canton, à 13 lieues, de Digne, sur le penchant d’un
petit coteau, entourée de remparts, et dominée d’une citadelle qui est à son tour
dominée. Les Édénates, peuplade celto-lygienne, avaient leur chef-lieu même à l’endroit
où se trouve la ville, dont la situation était unique pour ces peuples. Cette ville était
limitrophe, avant que la vallée de Barcelonnette fût annexée à la Provence. Les fureurs
des guerres du fanatisme ont fait éprouver de grands ravages à cette ville. Les protestans
s’y étaient fortifiés. Le duc d’Éperon ayant fait transporter des canons dans ces
montagnes par le secours des mariniers, soumit cette place à l’autorité royale.
Le pays offre beaucoup de tisserands. On y commerce en toiles, mulets, ânes et autres
bestiaux. Il y a des étalons de chevaux de belles races. Les habitans jouissent tous d’une
honnête fortune et d’une bonne santé; ils y vivent plus long-temps que dans toute autre
partie de la Provence, attendu que les changemens de saison et les vicissitudes du temps
n’y sont pas si brusques qu’ailleurs. Le climat y est fort rude en hiver; les matinées et les
soirées d’été y sont très-fraîches.
Le chaud ne s’y fait ressentir que quelques heures du jour et d’une façon modérée.
La plaine de Seyne est très-vaste, couverte de prairies, de chènevières et d’arbres
fruitiers. Elle est arrosée par plusieurs ruisseaux et par la rivière de Planche, qui est un
vrai torrent, lors des grosses pluies. Cette plaine offre de la tourbe, qu’on pourrait utiliser
pour le chauffage des poêles en hiver. Les hautes montagnes qui avoisinent Seyne sont
couvertes de gazon et couronnées de neige en été. On y livre, au printemps, les ânesses
et les cavales pleines, qu’on ne retire avec leurs poulains qu’au commencement de
l’automne. Les foires du pays sont, le lundi après Saint-Hilaire, le 5 mai, le 13 août, le
14 septembre et le lundi après Saint-André. Pop. 2,725 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Seyne, Auzet, Barles, Saint-
Martin, Montclar, Selonnet, Verdanches et le Vernet.
SEYNE (LA), Seyna. Ville maritime du canton d’Ollioules, à une lieue et trois quarts de
Toulon, et au fond de la rade de cette ville.
C’est sous le règne de Henri IV, que quelques montagnards de la ville de Seyne,
reconnaissant l’avantage du local, engagèrent quelques habitans de Six-Fours à jeter
conjointement les fondemens de la ville de Seyne dans leur territoire. A leur exemple,
nombre d’étrangers vinrent l’accroître, et,en peu de temps, il y eut plus d’habitans qu’à
Six-Fours même. Cette nouvelle colonie s’occupa principalement de la pêche et de la
navigation. La prospérité des habitans fit qu’ils construisirent un quai, et qu’ils attirèrent
dans leur port des ouvriers nécessaires. Bientôt les vaisseaux vinrent y faire leurs
provisions de vin, même pour la marine royale. On y construit aujourd’hui de petits
bâtimens. Dans le principe, la ville fut construite sur une petite éminence; mais comme
la population augmentait sensiblement, des maisons furent bâties en dessous et dans la
plaine. Pendant le dernier siége de Toulon, la Seyne fut presque entièrement détruite.
Les habitans furent forcés de reconstruire leurs maisons à leurs frais. La ville actuelle est
très-bien bâtie; ses rues sont bien percées et bien alignées; les maisons peu élevées, mais
spacieuses et commodes. Un joli port, un quai fort large, un petit cours et une belle
église font l’admiration des étrangers. Il est à regretter que le pays soit exposé à tous les
vents. Son point de vue est magnifique, du côté de la terre; on distingue Hyères, la
Valette, la Garde, le Revest, Évenos, Ollioules, Six-Fours et surtout la ville de Toulon et
toute sa rade.
En 1805, Latouche, amiral, mourut au cap Cépet, et on l’y enterra. On lui a élevé un
mausolée.
Le cros Saint-Georges est un hameau de la Seyne, et se trouve au bas de la presqu’île de
Samandrier ou Saint-Mandrier. On y voit une église en rotonde d’une jolie architecture,
et un pavé imitant la mosaïque, ouvrage fait par des forçats de Toulon.
Sur la presqu’île de Samandrier est le fort Caire, autrefois fort Napoléon. Les Anglais
s’y étaient enfermés; mais, après quatre assauts différens, ils furent refoulés sur le fort
Balagay, qui fait le pendant de la grande Tour, et sur le fort l’Aiguillette, qui est à la
pointe de la presqu’île. Cette langue de terre offre encore un bel hôpital pour la marine,
et le lazaret pour les personnes qui viennent des pays infestés de maladies contagieuses.
Ce fut sur le monticule de Brégaillon, que le général Cartaux fit placer une couleuvrine
qui faisait éprouver des pertes considérables aux Anglais. Ce général avait établi son
camp près des Quatre-Moulins à vent.
Le pays a un commissaire de classe pour la marine, un tribunal de prud’hommes, quatre
corderies pour la marine, et un ancien couvent de capucins qui fut converti en petit
séminaire, et qui sera bientôt une jolie caserne.
La chapelle de Notre-Dame de la Garde se trouve sur le point le plus élevé du cap Sicié.
Les marins y ont une grande confiance. Le 3 mai et le dimanche d’après, il y a un grand
concours d’étrangers.

Le pays de Seyne éprouva de l’opposition pour s’ériger en commune, de la part de la


commune de Six-Fours; mais enfin elle réussit. Elle convoite aujourd’hui à devenir chef-
lieu de canton; sa population et son importance annoncent qu’elle y parviendra. Les
productions du pays sont, le blé, le vin et l’huile. Il y a une foire qui est le dimanche
après le 2 juillet. Pop 5,610 hab.

SIAGNE. Rivière nommée Acro par les Romains. Elle a sa principale source dans le
territoire de Mons, reçoit les eaux de la Siagnore, qui vient d’Escragnolles, celle de
Bianson et de plusieurs autres torrens, et va se jeter dans la mer près de la Napoulle,
après un cours de huit lieues. On y pêche abondamment des truites excellentes. Les eaux
de cette rivière font mouvoir deux moulins à papiers, plusieurs moulins à farine,
plusieurs pressoirs à huile et des scieries à planches. Sous les Romains, les eaux de la
Siagne, prises à la source, étaient conduites à Fréjus par un bel aqueduc dont il existe
encore de vestiges. Voyez MONS.

SICÉ. Cap de la côte maritime du département du Var, au midi de la Seyne.

SIEYES (LES). Village sur la rive droite de la Bléonne, à une lieue de Digne son chef-
lieu d’arrondissement et de canton. Les Romains établirent plusieurs villœ dans le
territoire. On a découvert dans les terres quelques restes d’Antiquité, qui paraissent avoir
appartenu à un petit temple d’une divinité païenne. Ces vieilles constructions ont fait
conjecturer que ce lieu devait avoir été la capitale des Bodiontici; mais on a été fort en
peine de reconnaître l’endroit où devait se trouver leur retranchement. Je le crois bien,
puisqu’il se trouvait sur la hauteur qui domine la ville de Digne. Le sol produit du vin,
des fruits, principalement des prunes, qu’on fait sécher et qu’on livre ensuite au
commerce. Pop. 368 hab.

SIGNES, Signœ Bourg fort ancien du canton du Beausset, à 8 lieues de Toulon. Une
colonie de Marseillais s’y établit pour l’exploitation des bois, qui étaient immenses et
très-touffus. Comme on était obligé de mettre des signes sur toutes les hauteurs du
terroir pour s’orienter, on donna le nom de Signes au pays.
Dans le douzième siècle, il y avait à Signes une cour d’amour célèbre par sa sévérité.
Une preuve physique, c’est la place d’amour près de l’ancien château, où l’on jugeait les
différens en déloyauté; et une preuve morale, c’est l’ascendant que les femmes y ont
conserve sur les hommes, malgré la licence des guerres intestines et de la révolution.
En 1572, Frédéric de Ragueneau, un des plus aimables prélats de son temps, fut
assassiné dans son château de Signes, à cause de son grand attachement au roi. La
tradition porte que le pays fut fouetté, et que le maire était obligé, tous les ans, à pareil
jour, d’aller à Marseille faire amende honorable dans la cathédrale. Comme nul ne
voulut plus se soumettre à cette rigueur, la commune, pour s’en exempter, fit don d’une
partie de ses usines aux évêques de Marseille, successeurs de Ragueneau.
En 1707, quinze cents Piémontais, campés devant Toulon, allèrent à Signes pour mettre
le pays à contribution. Les habitans répondirent au héraut d’armes qui les sommait de
payer: — Nous n’avons rien à donner à votre maître, parce que nous ne lui devons rien;
d’ailleurs, nos grains sont destinés aux troupes du roi de France qui vont bientôt arriver;
nos fourrages sont pour leurs chevaux. Quant à l’argent, nous l’avons tout employé à
l’achat d’une quantité de cartouches pour repousser du sol français les ennemis de notre
chère patrie. Portez notre réponse à votre chef, et s’il n’en est pas content, qu’il vienne
lui-même; il trouvera au bout de nos fusils les contributions qu’il nous demande.
Les Savoyards, choqués d’une réponse si hardie, marchèrent sur Signes, bien résolus de
mettre tout le pays à feu et à sang, comme ils avaient déjà fait à la Roquebrussane; mais
le colonel et plusieurs centaines des siens furent victimes de cette résolution. Les autres
prirent la fuite et abandonnèrent un grand nombre de blessés.
A cette nouvelle, le duc de Savoie fut dans une grande colère. A l’instant il ordonna à de
nouvelles troupes de se joindre aux premières, et d’aller venger sur Signes la mort de
leurs camarades. Heureusement pour Signes, il fit une grande averse qui remplit d’eau le
torrent qui sépare le village du chemin de Toulon. Les Savoyards crurent que les
habitans s’étaient fortifiés en remplissant les fossés; et ne voulant pas s’exposer à une
seconde défaite, ils jugèrent prudent de battre en retraite, et de renoncer à venger leur
vanité offensée.
Les gens de Signes sont non seulement bons français, mais très-secourables pour
l’honnête homme qui est dans le malheur.

Pendant la révolution française, nombre de familles, persécutées par l’esprit de


circonstance, trouvèrent à Signes un sûr asile contre leurs persécuteurs, et des amis qui
se seraient tous sacrifiés pour les défendre.
Le village de Signes est situé au pied de la montagne de la Sainte-Baume, du côté du
midi. Il y a des tanneries, des fabriques d’acétate de plomb, de draps communs et de
chapeaux dont le noir surpasse en beauté celui des autres fabriques des environs. Le
hameau de Meinarguettes est dans le territoire. C’était anciennement un village. C’est
dans ce quartier que sont situées les glacières qui fournissent à Marseille et à Toulon.
Le territoire de Signes a environ seize lieues de circonférence; il est en grande partie
couvert de chênes verts et blancs dont on fait du charbon, et des forêts de pins dont on
retire la poix, la résine, la térébenthine, etc. On y trouve des cistes ladanifères dont on
pourrait faire le laudanum; et le stirax dont on retire le storax, au moyen d’une incision.
Ces forêts fournissent un excellent pâturage à un grand nombre de troupeaux de menu
bétail. Les fromages, les navets et les légumes du pays sont fort estimés. La rivière de
Gapeau prend sa source dans le territoire auprès d’une source d’eau salée et d’une
source d’eau douce abondante. La rivière fait aller un moulin à papier, fournit des
écrevisses, de bonnes anguilles et autres poissons. Le pays offre des carrières de marbre
non exploitées.

La principale production est le blé. Foires, le 24 juin, le 8 septembre et le 25 novembre.


Pop. 2,220 hab.

SIGONCE, Sigoncia.Village à 2 lieues de Forcalquier son chef-lieu d’arrondissement et


de canton. Il se nommait autrefois Aris. Ce lieu était un entrepôt de chasse des comtes de
Forcalquier. Climat assez tempéré; sol d’une qualité médiocre. La petite rivière de
Barlière arrose une partie des terres, et se jette ensuite dans le Lanson auprès de Lurs.
Popul. 440 hab.
SIGOYER-MAL-POIL. Village du canton de la Motte, à 4 lieues et demie de Sisteron,
sur une hauteur, à quelque distance de la rive gauche de la Durance. Sol aride, montueux
et d’un mince produit, Pop. 248 hab.

SILLANS. VIllage du canton de Tavernes, à 6 lieues de Brignoles. Climat tempéré; air


sain. Principales productions, huile, blé et figues excellentes. La rivière de Bresc prend
sa source dans le territoire, et offre une cataracte assez curieuse. Elle a trente-six mètres
de hauteur, depuis le niveau de l’eau, et vingt-six mètres de profondeur, depuis la surface
de l’eau jusqu’au fond du gor. Le 11 juin, il se tient, au quartier de Saint-Barnabé, et en
rase campagne, une foire qui est le rendez-vous d’un grand nombre de négocians pour
traiter d’affaires importantes. Pop. 430 hab.

SIMIANE. Village du canton de Gardanne, à 3 lieues d’Aix. Il se nommait autrefois


Collongue, et il était un hameau de la commune de Bouc ou Albertas. Aussi les
productions du sol sont les mêmes. A Simiane il y a une mine de charbon de terre. Pop.
1,030 hab.

SIMIANE. Village du canton de Banon, à 6 lieues de Forcalquier, sur la rive droite du


Calavon. Ce pays est très-ancien; mais le nom primitif est inconnu. Parmi les objets
romains qu’on a trouvé au quartier de Cheiran, sont une meule d’un moulin à bras, une
petite cuiller en bronze, des débris de styles pour écrire sur des tablettes, et des médailles
du Haut et Bas Empire.
Il existe à Simiane une sorte de monoptère d’un plan elliptique, dont la destination est
ignorée, selon les uns, tandis que d’autres assurent que c’était un temple. Ce monument
est dégradé à l’extérieur; mais il est bien conservé à l’intérieur, et mérite d’être vu. Des
personnes attribuent sa construction au onzième siècle, époque où l’architecture saxone
était à la mode; plusieurs autres, au contraire, pensent qu’il doit son origine à quelqu’un
des peuples barbares qui occupèrent cette contrée.
Le climat de Simiane est sain et tempéré. La plaine abonde en grains, en tabac et en
fruits délicieux. Les pâturages y sont gras et abondans. Ils servent à nourrir de nombreux
troupeaux. Foires, le 1er septembre et le 4 octobre. Pop. 1,310 hab.

SYMPHORIEN (SAINT). Village à 3 lieues et demie de Sisteron. Voyez SAINT-


SYMPHORIEN.

SINUS AD GRADUS. C’est de ce nom que, dans l’itinéraire maritime, sont appelées les
embouchures du Rhône, aujourd’hui les gras ou leis graous.

SINUS SAMBRACITANUS. Voyez GOLFE DE GRIMIAUD.

SISTERON. Ville chef-lieu d’arrondissement du département des Basses Alpes, à 190


lieues de Paris, sur la rive droite de la Durance, avec un tribunal de première instance et
un évêché supprimé. Quelques auteurs font dériver le nom de cette ville de Vénus de
Cythère, qui y était, dit-on, adorée. D’autres le font dériver de sex terrœ, c’est-à-dire de
six territoires différens dont Sisteron était le chef-lieu, et qui était occupé par les
Voconcii. Les auteurs latins nomment cette ville Cistero, Segestero, Segustero et
Regustero. On a prétendu, que, dans le moyen âge, elle était appelée Civitas Longa, ville
longue. Comme en effet elle était longue et étroite, située entre deux montagnes, près du
confluent de la petite rivière de Buech, qui facilite le flottage des bois. On passe la
Durance sur un beau pont en pierres et d’une seule arche. Anciennement, il y en avait un
autre à vingt pas plus haut, auprès duquel le peuple croyait qu’il y avait un démon dans
un fond qu’on nomme encore aujourd’hui le puits de l’enfer. A l’entrée du pont actuel
sont les restes d’une forte tour que les comtes de Provence avaient fait bâtir pour la
garde de la ville.
Sisteron est défendu par une citadelle bâtie, à ce qu’on dit, au lieu même où était le
temple de Vénus. Les murailles de la ville étaient très-fortes. Elles sont aujourd’hui
entièrement démantelées autant par la vétusté que par le dommage qu’elles ont essuyées
à la suite de divers siéges, du temps des guerres civiles. En 1540 et le 17 juillet, un
violent orage ayant emporté une partie des remparts de la ville, alla se jeter sur un
monastère de filles, et entraîna toutes les religieuses dans la Durance, à l’exception de
deux qui en furent quittes pour la peur.
Près du hameau de la tour de Bavoux est la montagne appelée, dans les anciens titres,
Mons Martis, montagne de Mars. On y remarque encore des vestiges d’un temple dédié
à ce dieu des païens. Saint Pons, dit-on, vint habiter une grotte voisine, et abattit lui
même l’idole. Cependant le martyrologe n’annonce pas que saint Pons ait habité aux
environs de cette ville, à moins que ce soit un autre saint Pons que celui qui fut martyrisé
à Cimiez.
Sisteron étant devenu la retraite des religionnaires, Sommerive marcha contre eux, et
assiégea la place avec vigueur. Il alla à l’assaut, mais il fut repoussé jusqu’à trois fois.
La nuit sépara les combattans. Sommerive ne se sentant pas assez fort, et craignant
d’être surpris par le baron des Adretz et par Monbrun, se retira vers Volonne et les Mées.
Mais comme il était sans cesse harcelé par les religionnaires, et que les femmes de
Sisteron, s’étant emparées de Bouquenègre, lieutenant catholique, l’avaient pendu à un
gibet, Sommerive retourna vers Sisteron, et défit sur la route Monbrun qui venait au
secours de cette ville. A cette nouvelle, le baron des Adrets abandonna la Provence et le
Dauphiné; les chefs qui défendaient Sisteron le suivirent; Sommerive entra dans la ville,
et ses troupes mirent tout à feu et à sang.
La même année 1562,à la renaissance des troubles, Mauvans, surnommé le Brave, à
cause de son courage, voulant de nouveau venger son frère mort a Draguignan, se mit
encore à la tête d’une troupe de religionnaires, et vint s’enfermer dans Sisteron. Il soutint
un assaut et repoussa Sommerive. Mais se sentant trop faible pour tenir plus long-temps
contre des forces supérieures, et prévoyant qu’il ne recevrait aucun secours, il sortit
secrètement de la ville pendant la nuit avec ceux des habitans qui voulurent s’associer à
son sort. Il fut suivi d’environ quatre mille personnes de tout sexe et de tout âge. Les
mères portaient leurs enfans à la mamelle, les jeunes gens soutenaient les vieillards.
Cette troupe fugitive, souvent obligée de quitter le chemin, de traverser des montagnes
escarpées, de gravir des rochers pour éviter d’être atteinte de l’armée catholique qui les
poursuivait, presque continuellement combattue par la faim, la soif, le sommeil et la
fatigue, mit vingt jours pour arriver à Grenoble. Cc fut de là qu’elle se dépaysa pour
toujours.
Depuis cette époque, Sisteron, repeuplée d’étrangers, a été fort tranquille. En creusant
les terres, on trouve beaucoup de pièces archéologiques dont les plus communes sont les
médailles, les vases cinéraires et les lampes sépulcrales. Le commerce du pays consiste
en blé et en bestiaux. Le sol est presque infertile. Le froid de l’hiver et la chaleur de l’été
sont cause que les raisins ne peuvent y acquérir le degré de maturité convenable, et
qu’ils donnent un très-petit vin. Les foires du pays sont, le lundi après Saint-Antoine, le
lundi de Passion, le lundi après Saint-Barnabé, le lundi après la Toussaint et le lundi
après le 9 octobre. Pop. 4,496 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Sisteron, Anthon,
Chardavon, Entrepierres, Feissal, Saint-Géniez, Mison, Saint-Symphorien et Vilhosc.

SIVERGUES, Siverga. Petit village du canton de Bonieux, à une lieue et demie d’Apt,
sous un climat très-pur. Ses montagnes sont couvertes de bois de chênes blancs, où l’on
nourrit beaucoup de pourceaux. La plaine et les vallées n’offrent que des terres
labourables, et des prairies arrosées d’une infinité de petites sources qui naissent dans le
territoire. La campagne est embellie par des noyers et des amandiers, qui donnent un
certain produit. On y nourrit de nombreux troupeaux dont le laitage est fort estimé dans
les environs. Pop. 110 hab.

SIX-FOURS, Six-Furnis, anciennement SIX-FORTS, Sex-Fortis. Bourg maritime du


canton d’Ollioules, à 2 lieues et un quart de Toulon, sur une élévation d’où l’on
découvre la rade de Toulon, celle de Brusq et la pleine mer. Ce lieu est fort ancien.
Quoique tout le littoral depuis Marseille jusqu’à l’Argens fût occupé par les Commoni, il
paraît que quelques Cénomani, soldats de Bellovèse, s’étaient établis en ce lieu; que,
dans la suite, pour éviter toute surprise ennemie, ils bâtirent six forts; le premier, au lieu
où est actuellement SixFours; le second, au Peyrou, où il y a des moulins à vent; le
troisième, au quartier de Croton; le quatrième, au quartier de Brusq, connu autrefois sous
le nom de Port-Mazan; le cinquième, sur la petite éminence où est la batterie qui défend
l’entrée du port de Brusq, et le sixième, au quartier de la Lone.
D’après Soléri, les anciens habitans avaient tous une taille de six pieds au moins; et,
dans la crainte de dégénérer, ils s’étaient fait une loi de ne point se marier avec des
étrangers. Il faut que cette loi ait été violée depuis long-lemps; car les habitans de nos
jours ne sont pas d’une plus haute stature que ceux des communes voisines.
La rade de Six-Fours est bonne, sûre et assez bien exposée. Elle forme un port où les
petits bâtimens sont à l’abri de tous les vents. Cependant il arrive quelquefois que le
Maëstral fait chasser les ancres. Les bâtimens alors vont échouer sur des nattes où ils ne
courent aucun danger. L’entrée de la rade est formée par les Ambiez, deux petites îles
dont la plus considérable est habitée, cultivée et fortifiée. C’est au fond de cette rade où
autrefois il y avait des salines, que se trouve le hameau de Brusq, très-fréquenté par les
marins du petit cabotage, à cause de sa bonne rade.
Le village proprement dit se trouve tout-à-fait au sommet d’une colline, entouré de vieux
murs et de quelques tours. La généralité des habitans l’ont abandonné pour s’établir dans
la campagne, où ils ont formé plus de quatre-vingts hameaux. Celui de Reynier ayant
obtenu l’hôtel-de-ville et une succursale, il en résulte que le territoire de Six-Fours est
divisé en deux parties,l’une qui conserve le nom de Six-Fours, parce que les habitans
continuent à y aller à la messe; et l’autre qui porte celui de Reynier, parce qu’on y fait
les exercices divins, et qu’on y ensevelit les morts du quartier.
On ne trouve à Six-Fours que des citernes. Il y avait autrefois un puits que la négligence
a fait combler.
La simplicité des habitans de Six-Fours les a fait ridiculiser par mille fables pareilles à
celles qu’on attribue aux gens des Martigues, de Callas et autres lieux. Loin de se fâcher
de ce qu’on leur impute, ils se plaisent à fournir de nouvelles matières aux plaisans.
Le noyau de la colline qui supporte le village est un schiste ou roc vif, revêtu d’une terre
argileuse, forte et rougeâtre, mêlée de débris de schiste grisâtre et de fragmens de quartz
de plusieurs couleurs contenant du mica.

L’espace compris entre cette colline et le cap Cépet, y compris le territoire de la Seyne,
est encore un schiste mêlé de quartz et de grès.
On lit dans l’Oryctologie d’Argenville, qu’il y a une mine d’argent et de cuivre dans ce
territoire. Nous n’avons rien trouvé qui nous annoncât la présence de ces deux métaux,
et surtout en quantité propre à exciter la cupidité des spéculateurs.
Le sol de Six-Fours serait assez productif, s’il ne manquait pas de bras à l’agriculture.
Tous les hommes du pays étant marins, les femmes seules ont le soin de cultiver la terre.
Elles ne labourent qu’avec des ânesses; aussi les travaux sont moins bien faits
qu’ailleurs, et les récoltes sont très-médiocres, Les femmes provençales, quoique très-
laborieuses, sont loin de l’être autant que les Celto-Lygiennes du temps des Phocéens et
des Romains. Diodore de Sicile raconte qu’une de ces femmes s’étant louée, quoique
enceinte, pour travailler avec les hommes, sentit, vers le milieu de la journée, les
douleurs de l’enfantement, et, sans faire semblant de rien, elle alla se cacher derrière un
buisson, accoucha, couvrit son enfant de feuilles, le laissa et revint au travail sans dire ce
qui lui était arrivé. Les cris de l’enfant ayant dévoilé le mystère, le chef des ouvriers ne
put décider cette femme à quitter la bêche et le chantier; il fallut que le maître du champ
lui payât son salaire, pour l’obliger d’aller prendre du repos. Si un pareil zèle pour le
travail reprenait chez les Provençales, nul doute que les terres ne fussent d’un meilleur
rapport, et territoire de Six-Fours serait infiniment plus productif. Cependant on y
recueille du blé, du vin, de l’huile et très-peu de jardinage, faute d’eau pour arroser les
terres. Pop. 2,850 hab.

SOLEILHAS,Soleilhanum. Village à 4 lieues de Castellane son chef-lieu


d’arrondissement et de canton. Son nom lui vient des deux mots soleil-has, œstus solis,
parce que le soleil y donne à plein depuis son lever jusqu’à ce qu’il se couche. Ce village
manque de bois. C’est bien malheureux; car le froid y est quelquefois excessif. En 1784,
il y avait quinze pieds de neige. Le sol y est aride, et, malgré les engrais, il ne produit
que des pommes de terres, du blé méteil et quelques légumes. Aussi les habitans sont
pauvres; et une grande partie, pour pouvoir subsister, vont en hiver chercher du travail
dans la basse Provence.
Deux montagnes assez considérables bornent le territoire; l’une, située à l’ouest, se
nomme Tailhoun, c’est-à-dire portion, morceau, parce qu’elle se divise en quatre
portions, dont trois appartenant aux villages de Demandoilx, la Garde et Peyroulles.
C’est au pied de cette montagne que naît la rivière de l’Estéron, abondante en truites
bien saumonées. L’autre montagne se nomme mangeo-pan, à cause de sa hauteur et de
sa roideur, pour exprimer que celui qui monte jusqu’à son sommet gagne l’appétit. Il y a
une source au bas qui forme un ruisseau nommé lou Riou. Il fait les plus grands dégats,
lors de la fonte des neiges ou pendant les pluies abondantes Soleilhas a produit des
hommes qui étaient en même temps très-robustes et très-vigoureux. Pendant les guerres
civiles, un jeune homme nommé Melchior Bauchière, se joignit aux habitans qui
marchaient contre l’ennemi. S’étant aperçu qu’il se trouvait sans armes, il arracha un
jeune pin (un pinatel ou pinateou) s’en fit une massue, et se signala contre ceux qui
venaient troubler son pays. Cette action de force et de valeur le fit surnommer Pinatel.
Ses descendans ont conservé ce nom, principalement à Marseille, où ils furent s’établir.
Un porte-faix de Toulon nommé Marquetas, né à Soleilhas, se faisait remarquer par sa
force. Le fameux sculpteur Puget en a conservé la figure dans un des colosses qui
soutiennent le balcon de l’hôtel-de-ville de Toulon. Pop. 622 hab.

SOLLIÉS-VILLE, Solerii. Petite ville du canton de Solliés-Pont, à 4 lieues de Toulon.


Son heureuse situation sur un amphithéâtre, à une exposition au soleil levant, non loin
d’une rivière, et à portée de plusieurs collines autrefois couvertes de forêts giboyeuses;
tout prouve que sur cette hauteur il a dû s’y trouver le chef-lieu d’une peuplade celto-
lygienne. Nous savons que les Commoni, qui occupaient tout le pays entre la rade de
Giens et le golfe des Lecques, n’avaient d’autres voisins, du côté de l’est, que les
Bormani. Le bon sens annonce assez que ce dernier peuple devait s’étendre dans toute la
vallée que la rivière de Gapeau arrose; et que la montagne de la Sainte-Baume, celle des
Maures et la mer étaient les barrières naturelles qui les séparaient des autres peuples de
la contrée.
Les Romains, ayant pour principe de s’établir de préférence là où se trouvait déjà une
forte population agglomérée, ne manquèrent pas de choisir ce lieu pour leur demeure;
d’autant plus qu’il était infiniment plus salubre que tout le pays en dessous jusqu’à la
mer, Ils élevèrent au même emplacement où se trouve cette ville, un temple qu’ils
dédièrent au Soleil. Ce temple a essuyé les mêmes dégradations que la plupart des
monumens que les conquérans des Gaules élevèrent dans les pays qu’ils avaient soumis
à leurs lois. Cependant il en existe encore des vestiges considérables. Une partie de la
paroisse actuelle présente des murailles de cette première construction; le restant ayant
été détruit par les Sarrasins, fut rebâti dès leur expulsion; mais l’architecture en est bien
différente. Le beau pilastre qui est adossé à la façade du presbytère, faisait partie de
l’ancien temple, à en juger par le morceau de cintre qu’il supporte encore, et qui se
dirige exactement vers le haut d’un pilier de l’intérieur de l’église, Ce cintre annoncerait
que l’ancien temple a dû être infiniment plus élevé que l’église actuelle, et d’un goût très
recherché.
Une pierre triangulaire de plus de deux mètres d’un angle à l’autre, présente des
ornemens gravés qui ont fait faire plusieurs conjectures aux archéologues qui ont visité
ce lieu. Pour moi, je n’y ai reconnu que des attributs de la franc-maçonnerie, depuis le
premier grade jusqu’au sacrifice de celui d’élu. Ce travail est si grossier, qu’on ne peut
pas croire qu’il soit des siècles du bon goût.
Les Sarrasins ont fait disparaître tous les autres monumens romains du territoire. Cela
n’a pas empêché qu’on n’y ait trouvé, à différentes reprises, des médailles d’Auguste, de
Germanicus, d’Agripa, de Claude, de Calligula, de Néron, de Vespasien, de Titus, de
Domitien, de Chrispine, de Trajan, d’Adrien, des divers Antonins, de Philippe père et
fils, de Gordien Pie, d’Aurélien, de Probus, de Sabine, de Faustine, de Maximin, de
Constantin et autres du Bas-Empire.
Les Tuchins, hommes cruels qui se livraient au meurtre et au pillage, se réfugièrent à
Solliés pour y exercer leurs fureurs. Un nommé Simon de Ganteri ou de Gantes, natif de
Brignoles, réunit quelques habitans de Cuers, Solliés et Hyères, vint attaquer les
brigands et les détruisit complètement.
Pendant les guerres de religion, la ville de Solliès se révolta contre son seigneur et
détruisit son château. Les-diguières vint les soumettre et les forcer à bâtir un nouveau
château dans la plaine. Il en commencèrent un sur le bord de la rivière; mais ils
l’abandonnèrent bientôt pour construire celui de Solliés-Pont. Cet événement ainsi que
les précédens furent cause que la généralité des habitans abandonnèrent la ville, pour
aller s’établir dans la campagne, où ils formèrent un grand nombre de hameaux, dont
trois ont été érigés en communes qui toutes portent le nom de Solliès.
Le territoire de Solliès-Ville est tout montagneux. Il est couvert d’oliviers d’un assez bon
produit, mais d’un grand entretien, à cause des murs de terrasse qu’on est obligé de faire
pour les soutenir. Les foires du pays sont, le dimanche de Quasimodo, le 26 juillet et le
30 août. Pop. 990 hab.

SOLLIÉS-FARLÈDE. Village du canton de Solliés-Pont, à 3 lieues et un quart de


Toulon. Ancien hameau de Solliés-Ville, dans une plaine fertile en oliviers, blé, légumes,
et surtout en vignes. La campagne offre beaucoup de hameaux dont quatre portent le
nom de Partegaous, de ce qu’ils furent formés par des familles portugaises qui s’étaient
réfugiées dans ce pays. Parce que ces familles ne fréquentaient point les autres
habitations de la contrée, on les appelait gens-soulet, duquel on fit, dans la suite, le nom
de gens-solem, nom qui s’est conservé jusqu’au dernier rejeton de ces familles. Ces
Portugais firent la guerre en guérillas contre les Savoyards qui, en 1707, étaient venus
assiéger la ville de Toulon.
La chapelle de ce quartier est fort ancienne. Les orangers viennent très-bien dans le
territoire et en plein vent, dans la plupart des expositions. Il y avait un superbe palmier
mâle qui faisait l’admiration des voyageurs. Pop. 1,010 hab.

SOLLIÉS-TOUCAS. Village du canton de Solliès-Pont, à 4 lieues et demie de Toulon,


sur la rivière de Gapeau, dans une vallée fertile et agréable. C’est un autre
démembrement de Solliès-Ville. Quatre jolies fontaines nouvellement construites
rendent le village encore plus gracieux. Quelques fabriques de papier y attirent des
étrangers. On y recueille du vin, de l’huile, du blé, des légumes et des câpres en quantité.
En 1833, on en a expédié huit cents quintaux. Les oliviers ont beaucoup souffert par le
froid de 1820 et par le gal-insecte qui les dévore. Il est surprenant que l’administration
ait laissé les impositions territoriales de cette commune au même taux qu’avant la
mortalité des oliviers. On a vraisemblablement jugé de l’aisance du pays par le jeu
désordonné auquel les habitans se livrent fréquemment et sans bornes; mais on n’a pas
fait attention que cette passion fait des plaies dans la plupart des familles.
Les hauteurs du territoire sont toutes couvertes de coquilles pétrifiées; la vaste forêt de
Molière ou Morière est composée de chênes blancs, de chênes verts, d’ifs et autres
arbres de haute futaie. On y fabrique du charbon qu’on porte jusqu’à Toulon.
Dans le territoire se trouve la belle source du Thon, que les Romains conduisirent à
Hyères par un joli aqueduc dont on voit encore des vestiges. Plus tard, elle fut conduite
au château de Lamagnon, terroir de la Valette, qui appartenait à la reine Jeanne, et
fournissait à une fontaine dite de Madame. Pop. 1,450 hab.

SOLLIÉS-PONT. Bourg chef-lieu de canton, à 4 lieues de Toulon, sur les deux rives de
la rivière de Gapeau. C’est encore un démembrement de Solliés-Ville. On y trouve des
filatures pour la soie, et beaucoup de tanneries pour la grosse et pour la petite peau. La
paroisse du pays, toute moderne, est une des trois plus belles du département. Le
territoire est très-productif. En outre des prairies artificielles, la rivière arrose les jardins,
qui sont considérables et très-importans. La plaine, d’une vaste étendue, est presque
entièrement couverte de vignes que l’on plante ordinairement à peu de frais, en se
servant d’une sorte de plantoir de fer qu’on nomme vulgairement la fichouïro. Par ce
moyen, les vignerons sont dispensés de faire ouvrir des tranchées. Aussi le pays produit
beaucoup de vin très-estimé. Les Génois le transportent par mer dans tous les ports
d’Italie. On trouve dans la campagne des caves si grandes et si bien fournies, que les
charrettes vont y charger dedans. Le territoire offre beaucoup d’oliviers, de carroubiers,
de pistachiers, de jujubiers, de grenadiers, etc. On y recueille aussi des primeurs. Les
foires du pays sont le 5 février et le 14 septembre. Pop. 3,470 hab.

Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Solliés-Pont, Solliés-Ville,


Solliés-Farlède, Solliés-Toucas et Belgencier.

SORGUE. Rivière formée par les eaux de la fontaine de Vaucluse. Elle arrose
principalement les territoires de l’Isle, de Thor, Vedène, Avignon, et se jette dans le
Rhône près de la petite ville de Pont-de-Sorgue. Voyez ces mots.

SORMIOU. Petit port sur la côte maritime du département des Bouches-du-Rhône, au


midi de Marseille.

SORPS, Sorpius. Village détruit sur la rive gauche du Verdon, dans le territoire de
Beauduen. On y voit encore les restes d’un pont bâti par les Romains, qui faisait partie
de la voie romaine qui de Fréjus allait à Riez. Il y a une superbe source qui sort d’un
rocher pour se jeter bientôt dans la rivière. On la dit aussi belle que celle de Vaucluse.
On présume qu’elle est principalement alimentée par les eaux pluviales qui se filtrent
dans les terres de la plaine de Camp-Juel. Cette source est appelée Fontaine-l’Évêque.
Un évêque de Riez lui donna ce nom, à l’époque qu’il y fit bâtir tout près un château de
plaisance. Il est malheureux que l’eau de cette fontaine ne puisse être employée pour
l’irrigation; elle fertiliserait plusieurs vastes territoires.

SOURRIBES, Sorriba, aujourd’hui Subripis. Village du canton de Volonne, à 2 lieues et


demie de Sisteron. Sol peu fertile; cependant il produit des olives, du vin, du blé, du
chanvre et des légumes, mais en petite quantité. Le climat est tempéré en hiver et très-
chaud en été. On a trouvé, en creusant les terres, des médailles des empereurs romains.
Ce pays a un ancien usage qui est assez curieux. Les femmes étant impérieuses et
jalouses de conserver une certaine autorité, n’adoptent aucune étrangère sans la
soumettre à une cérémonie dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Lorsqu’un
homme de ce lieu épouse une fille dans un autre pays, les femmes, attroupées, vont à la
rencontre de la nouvelle mariée; et, comme elle va mettre le pied dans le territoire, elle
lui font jurer sur un grand livre, qu’elle ne vaudra pas plus que les autres. Ce serment se
fait aujourd’hui en riant, mais il s’exécute. Pop. 249 hab.

SPÉRACÈDE. Hameau dans le territoire de Cabris.

STABLO. On croit assez communément que ce lieu est le même que Estoublon. Papon
l’historien fait dériver le mot stablo du latin stabulum, qui signifie étable,écurie. Il ajoute
que, dans les anciens temps, ce mot était synonyme à hospitium, auberge. C’est un fait
que le village d’Estoublon a toujours été un lieu de repos pour les voyageurs.

STOMALIMNA. Strabon appelle de ce nom l’embouchure ou le canal par lequel l’étang


de Berre communique avec la mer. Ce nom est composé de deux mots grecs, stoma
bouche, et limna étang.

STÆCADES. Voyez HYÉRES

SUELTÉRI. Nation celto-lygienne qui avait Antéa pour capitale, et qui occupait les
environs de Brignoles, du Luc et toute la rive gauche de l’Argens, depuis Barjols jusqu’à
Fréjus et la Napoulle. Cette nation était vraisemblablement composée de nombre de
peuplades qui avaient des noms différens, mais qui ne sont point parvenus jusqu’à nous.
Ainsi que les autres Celto-Lygiens, la frugalité leur était naturelle. Ils ne vivaient que de
la chasse ou de la pêche, et ne buvaient que de l’eau mêlée avec du miel ou avec du lait;
ils connurent, dans la suite, une boisson qu’ils faisaient avec des grains d’orge; leur
vaisselle était de bois ou d’argile; les plus distingués buvaient dans les cornes des
animaux qu’ils avaient tués à la chasse, les plus braves buvaient dans les crânes des
ennemis qui étaient tombés sous leurs coups. Les principaux faisaient mettre autour de
ces crânes un cercle d’or assez épais.
Ces peuples prenaient leurs repas assis par terre, ou sur des peaux qui leur servaient
également de lits. A la fin des repas qu’ils prenaient en commun à l’occasion de quelque
fête particulière, ils allumaient de grands feux et y dansaient autour. Dans le principe, ils
ne connaissaient point l’art de bâtir des villes ni même des cabanes. Leurs habitations
étaient simples et sauvages comme eux; avec tout cela, ils étaient humains, hospitalliers;
ils regardaient comme un grand crime de maltraiter un étranger, surtout lorsqu’il était
sans armes.
Les Sueltéri avaient pour alliés les Ligauni, les Oxibiens, les Déciates et plusieurs autres
peuples. Ils éprouvèrent les mêmes revers. Ce qui acheva de les perdre, ce fut d’avoir
voulu secourir les Saliens. Sextius les défit complètement près de l’endroit où se trouve
la ville d’Aix, et les soumit au joug des Romains. Voyez DRAGUIGNAN.

SUETRI. Nation celto-lygienne qui occupait environs de Castellane, et qui avait pour
capitale Salinœ. Voyez ce mot.

SUPORA. Ancien nom de la rivière du Verdon. Voyez ce mot.

SUZETTE. Petit village du canton des Beaumes de Venise, à 5 lieues d’Orange. Il y a


quelques oliviers, des mûriers et autres arbres fruitiers. Le sol donne des céréales. Pop.
193 hab.

SYMPHORIEN (SAINT). Village à 3 lieues et demie de Sisteron son chef-lieu


d’arrondissement et de canton, dans des montagnes, sous un climat froid en hiver et
excessivement chaud en été. Le sol est très-ingrat et presque infertile. On y trouve des
truffes excellentes Pop. 192 hab.

T
TAILLADES (LES), Taillatœ. Village du canton de Cavaillon, à 4 lieues d’Avignon. Les
habitans ne sont que dans des granges ou bastides. Le climat est beau; le sol peu fertile.
On y élève beaucoup de vers à soie qui sont la principale production du pays. Pop. 334
hab.

TAILLADES (LES). Bois dans le territoire de Lambesc.


Il a souvent servi de retraite aux voleurs qui dévalisaient les voyageurs sur la route
d’Aix à Avignon.

TAILLARD. Cap de la côte maritime du département du Var, près d’Hyères.

TAILLOIRE, Tallatoria. Petit village à 3 lieues de Castellane son chef-lieu


d’arrondissement et de canton, inaccessible pendant l’hiver. Les crues d’eau du Verdon,
qui borde le territoire au nord et à l’ouest, empêchent souvent de se rendre en ce lieu.
Climat froid en hiver et très-chaud en été; sol fertile en céréales, légumes et fruits
excellens, principalement les prunes.
Il y a aussi quelques vignes, et un hameau nommé Solées. Pop. 112 hab.
TANERON. Voyez THANÉRON.

TARADEAU, autrefois TARADEL, corruption de

TALADEL, Talaria, nom qui lui venait d’un temple dédié à Mercure. Aujourd’hui
village du canton de Lorgues, à 3 lieues et demie de Draguignan, sur la Floreye, et non
loin de la rive gauche de l’Argens.
Parce que ce lieu est écarté de la route actuelle, et qu’il n’offre que des fermes et des
métairies éparses, la plupart de ceux qui ont écrit sur la Provence ont négligé de le
visiter. Cependant ce lieu méritait d’être connu et d’être examiné de près, pour pouvoir
juger de ce qu’il a pu être dans son principe. On aurait reconnu que, dans les premiers
temps, le territoire était d’une vaste étendue et digne d’une ville assez importante; car il
comprenait toute la rive gauche de l’Argens, depuis le territoire du Muy jusqu’au
confluent de la rivière de Brès; on aurait vu que la voie romaine qui de Forum Julii allait
à Matavo, devait nécessairement traverser une partie de la plaine de Talaria; et on se
serait convaincu que le Forum Voconii de l’itinéraire avait dû se trouver sur un des
amphithéâtres qui avoisinent cette rive, et non pas à Draguignan, à Gonfaron, au Luc, ni
au Cannet du Luc comme on a osé l’avancer. Ce lieu doit, je crois, son origine à un
membre de la famille plébéienne des Voconia; peut-être à un des ancêtres de celui qui,
l’an de Rome 594, tribun du peuple, fit passer une loi fort sage qui porta son nom. Le
premier tenait sans doute un haut rang dans la milice romaine, et était revêtu d’un haut
emploi dans l’administration, pour avoir mérité l’honneur de donner son nom à une ville
qu’il eut ordre de fonder lui-même, pour le besoin et la commodité des troupes qui
traversaient la province transalpine.
Il est assez difficile d’assigner exactement le point où se trouvait cette station militaire.
Cependant, si l’on suit la partie de la route actuelle qui porte encore, dans les actes
notariés, le nom de camin aourélian, on ira du Muy à l’ancien pont d’Argens, qui n’offre
plus que les quatre culées à un grand jet de pierre au-dessous du pont actuel; au village
de Vidauban, au milieu de la plaine de ce dernier; ensuite on prendra une direction à
droite; on traversera l’Argens là même où sont encore les restes d’un pont romain; on
entrera dans la plaine du primitif Taradeau; on se dirigera vers le pont de Sainte-Marie,
dont les culées sont de construction romaine, et on arrivera à Cabasse, anciennement
Matavo, sans faire de grands circuits et sans gravir de fortes élévations. D’après cela, il
est hors de doute que la voie aurélienne, loin de passer par le Cannet du Luc, comme dit
Papon, ni d’aller à Gonfaron, comme l’assure d’Anville, prenait une meilleure direction,
quoiqu’elle traversât trois fois le flumen Argentum.
Cette route ne traversait qu’une faible partie de la plaine de l’ancien Taradeau; mais elle
passait au point même qui se trouve à la distance de XX milles de Forum Julii, de XII
milles de Matavo, et de XVIII milles d’Antéa; preuves certaines que c’était là où se
trouvaient la station militaire et les greniers pour les besoins des troupes, qui portaient le
nom de Forum Voconii. Si lon n’en trouve plus aucun vestige, on doit l’attribuer aux
grands atterrissemens qui ont exhaussé considérablement, à différentes reprises, le sol de
cette plaine, à telles enseignes, que de dessus les hauteurs, on distingue encore un
chemin sous terre, à la couleur des céréales qu’on y sème dessus, et qui ne sont jamais
d’un aussi beau vert que celles qui sont semées aux côtés.
Tout le monde sait que ce fut devant le Forum Voconii que, 41 ans avant Jésus-Christ, et
après la mort de Jules-César, Lépidus, gouverneur de cette province, vint camper sur une
rive de l’Argens, tandis qu’Antoine était retranché sur la rive opposée. En effet, on
trouve encore, en creusant dans les terres, sur la rive droite du fleuve, et à quelques
centaines de pas au-dessous du pont actuel, des vestiges du campement de Lépidus; et au
village des Arcs, des restes de retranchement et de fortifications de l’armée d’Antoine.
D’après cela, nous pouvons assurer, sans crainte d’être contredit par les personnes de
bonne foi, que le Forum Voconii se trouvait sur la rive gauche de l’Argens, et dans le
territoire du primitif Taradeau.
Ce lieu subsista jusque vers la fin du neuvième siècle, c’est-à-dire jusqu’à l’époque où
les Sarrasins du Fraxinet portaient le ravage et la mort dans tous les pays qui excitaient
leur cupidité. Forum Voconii fut entièrement détruit; et les habitans qui échappèrent au
massacre et à la servitude, se réfugièrent dans les bois, et jetèrent les fondemens de la
ville de Lorgues.
Les barbares, voulant se maintenir dans leurs conquêtes, et surtout s’assurer une retraite,
établirent plusieurs repaires non loin de la station qu’ils venaient d’anéantir. Nous
citerons principalement celui qui porte le nom de muros (leis mourous), où l’on voit
encore de grands restes de fortifications et de maisons; et celui sur la hauteur où se
trouvait le temple de Mercure qu’ils avaient eux-mêmes abattu. Ils employèrent une
partie des mêmes pierres à la construction d’une haute tour carrée qui a encore environ
vingt-quatre mètres d’élévation sur six mètres de largeur, dans chacune de ses quatre
faces. Ils établirent aussi un retranchement sur la hauteur voisine, qu’on nomme encore
le fort.
A l’expulsion des barbares, quelques familles encore errantes vinrent établir leur
demeure sous la protection de la tour sarrasine, où l’on se tenait continuellement en
vigie, pour voir venir de loin l’ennemi, et donner le signal convenu, afin de faire retirer
les habitans et les troupeaux qui se trouvaient disséminés dans la campagne. Malgré
cette sage précaution et le courage héroïque d’un nommé Aubanel, qui s’était enfermé
dans la tour qui porte encore son nom, le village fut saccagé et livré à la proie des
flammes par le cruel Raymond de Turenne.
L’état déplorable où les habitans se trouvaient réduits fit qu’ils ne songèrent plus à se
construire de nouvelles maisons. A peine élevèrent-ils quelques cassines dans leurs
campagnes, pour pouvoir se mettre à couvert des injures du temps. Leur triste situation
les rendit inquiets et téméraires. Pendant les guerres intestines, ils se liguèrent avec les
habitans du Cannet, leurs voisins, et allèrent détruire le village de Vidauban. Cette
inconduite fit qu’ils furent à leur tour poursuivis, et forcés de chercher un lieu de refuge
dans le village des Arcs, où ils séjournèrent long-temps, en s’administrant eux-mêmes
dans une partie de la maison commune qu’on leur céda généreusement. La seigneurie de
leur territoire appartenait alors à la ville de Draguignan. Mais, dès que cette ville eut
revendu ses droits à plusieurs co-seigneurs, ceux-ci appelèrent les habitans et leur
accordèrent des privilèges fort avantageux, que des étrangers, accourus pour augmenter
la population, ne purent partager avec eux.
L’amitié que les anciens habitans avaient vouée à ceux des Arcs, fit que ces premiers
établirent leur maison commune au premier étage d’une très-petite maison de campagne
que l’on voit encore sur la limite des deux territoires, et qu’ils choisissaient toujours
pour premier administrateur un citoyen des Arcs. Cet usage s’est conservé jusqu’à la
révolution. Aujourd’hui la maison commune se trouvant sur un point plus central, les
habitans de Taradeau sont forcés de choisir un maire dans le pays, où l’on trouve peu de
personnes qui sachent écrire leur nom.
Le territoire de Taradeau est loin d’avoir conservé sa primitive étendue: non seulement il
a perdu tout ce qui appartient aujourd’hui aux communes de Lorgues et des Arcs, mais
encore la vaste terre d’Astrol, qui devint la propriété des commandeurs de l’ordre de
Malte, et qui fait partie du territoire actuel de Vidauban. C’est dans la plaine de cette
terre que passait la voie aurélienne, et que se trouvait le Forum Voconii. D’après cela, on
ne sera point étonné de ne trouver, dans le territoire de Taradeau, d’autres traces de
construction romaine, que des vestiges d’une villa, en creusant dans la terre; car tout ce
qui se trouvait au-dessus a été détruit. Il n’y a d’apparent que les restes d’un réservoir,
des fragmens de briques et de tuiles, dont la plupart portent le nom de Marcus. Parmi ces
ruines, on a trouvé deux pieds de colonnes qui ont dû appartenir à un petit temple païen,
une meule de granit ayant servi à un moulin à bras, un fragment de tuyau de plomb, un
morceau de tableau de marbre sur lequel étaient peints, en très-belles couleurs, la partie
inférieure de deux hommes, avec une inscription en dessous, dont la tradudion est:

Castor et Pollux, soyez-nous propice.

Au coin d’une maison de campagne, on voit une pierre tumulaire qui conserve encore
ces caractère.

VLIAE
VIBI. F
CHILO
COIVGI

En supposant qu’il y ait eu un trait horizontal sur la lettre O du dernier mot, on pourrait
traduire cette inscription de cette manière:

Chilon à Julie, fille de Vibius, son épouse.

Le territoire produit de l’huile, du vin, et du blé estimé pour les semences. Pop. 360 hab.

TARASCON, Tarasco. Ville chef-lieu de canton, avec tribunal de première instance, sur
la rive gauche du Rhône, en face de Beaucaire, à 3 lieues et un quart d’Arles. Cette ville
est très-ancienne. Strabon la désigne sous le nom de Tarasco; Ptolomée l’appelle
Taurusens; dans le moyen âge, on la nommait Castrum nobile Tarasconi. Le vulgaire
croit à tort que ce nom lui vient d’un certain animal fabuleux appelé dans le pays
tarasque, ne viendrait-il pas plutôt du grec tauros, à cause de la grande quantité de
taureaux sauvages qui se trouvaient et qui se trouvent encore dans la contrée? A la
vérité, l’analogie n’est pas satisfaisante.
Pompée donna les deux rives du Rhône aux Marseillais, et ceux-ci vinrent alors fonder
cette ville, environ 75 ans avant notre ère. Ils y établirent un comptoir pour les
marchandises qu’ils expédiaient ou qu’ils recevaient de la Septémanie. Sa position la
rendait non seulement propre au commerce, elle en faisait aussi un poste militaire
important. D’abord elle était située dans une île entourée par le Rhône, qu’on nommait
insule jarnica ou jovarnica. Les atterrissemens du fleuve ont fini par la réunir au
continent; c’est ce qu’on appelle le faubourg Jarnègues. Ensuite, on y bâtit une citadelle
qu’on nomma, Arx Joris; elle était sur le rocher et à la même place où les anciens comtes
de Provence firent construire le château existant, qui est le plus beau monument dont le
quinzième siècle ait enrichi le Midi. Sa masse énorme et imposante, ses hautes tours
rondes ou carrées semblent menacer encore les ruines de l’ancien château d’Orginon
(Beaucaire). Le château de Tarascon, qui fut achevé et habité par le bon roi René, est
depuis quelques années converti en maison de correction.
Les Romains s’emparèrent de Tarascon vraisemblablement lorsqu’il voulurent s’opposer
au passage d’Annibal. Ils y élevèrent un temple au dieu Mars. Ce fut sur les ruines de cet
ancien temple que les habitans construisirent l’église de Sainte-Marthe, de cette même
Marthe, hôtesse du sauveur, qui vint dans la même barque que Marie-Magdeleine sa
sœur, Lazare son frère et les saintes Marie dont nous avons déjà parlé. Marthe s’arrêta
dans l’île de Tarasco, où elle prêcha la foi de l’évangile, et convertit les habitans. Elle
détruisit le paganisme qu’on représenta sous la figure d’une sorte de monstre marin
auquel on donna le nom du pays. Marthe mourut, et elle fut inhumée à l’endroit où se
trouve l’église qui porte son nom.
Clovis, malade depuis quelque temps, vint, à l’époque du siége d’Avignon, se procurer
une entière guérison auprès du tombeau de Marthe. En reconnaissance, ce monarque
accorda à Tarascon le chef-lieu d’une viguerie d’Arles.
La ville alors, ainsi qu’aujourd’hui, était entourée de murailles flanquées de tours. Au
temps de la ligue, comme elle tenait pour le roi, elle fut assiégée par les ligueurs.
Quelques moines, joints à plusieurs conspirateurs du pays, se réunirent clandestinement
dans une église, et délibérèrent d’ouvrir la nuit prochaine une porte de la ville à
d’Ampos, général des assiégeans, et se donnèrent le mot de ralliement, qui était la mort.
Heureusement pour la ville et pour les partisans du roi, qu’un nommé Henri de Tarascon
s’était endormi dans cette église en faisant sa prière du soir. Quoique caché dans un
confessional, il put tout voir et tout entendre. Il retint même le mot de ralliement. Dès
qu’il put sortir sans être vu, il fut déclarer à l’autorité cette infâme trahison. Les
coupables furent pris sur le fait; Henri fut récompensé par le roi, et ses descendans n’ont
plus été connu que sous le nom de La Mort.
Le roi René, qui affectionnait cette ville, y établit le jeu de la tarasque, qui avait lieu tous
les ans à la seconde fête de la Pentecôte. On promenait dans la ville l’effigie de la
tarasque. La queue de cet animal n’est autre chose qu’une longue poutre qu’une
cinquantaine d’hommes, cachés dans le corps du monstre, dirigent avec force et adresse
pour atteindre les personnes les plus à portée. A cette procession assiste un âne couvert
de fleurs, tout comme à Marseille, à celle de la Fête-Dieu, on promène un bœuf gras:
chez les uns, c’est l’emblème de la bêtise et de l’ineptie; et chez les autres, c’est
l’idolâtrie toute pure.
Les corps de métiers accompagnent la tarasque, qui jette des serpentaux allumés par
toutes les ouvertures de sa tête. Les crocheteurs, contrefaisant les ivrognes, heurtent de
toutes leurs forces les personnes qui bordent la haie; les paysans, avec des cordeaux
tendus, font le croc-en-jambe aux badauds; les bergers, faisant les niais, barbouillent la
figure avec de l’Huile de genièvre (holi de cade) aux personnes qui l’avancent un peu
trop; les jardiniers jettent de la graine d’épinard dans le sein des jeunes filles et
quelquefois dans celui des mamans; les meuniers jettent de la farine sur le visage et dans
les yeux; les arbalétriers décochent des flèches sans pointe, mais qui ne laissent pas que
de faire du mal; les mariniers traînent sur une charrette un bateau rempli d’eau sale pour
en asperger la foule. Heureusement cette ridicule cérémonie n’a plus lieu que dans des
occasions fort rares
La vaste plaine de Tarascon est le produit des anciennes alluvions du Rhône, et des
différens lits de la Durance.
Aussi le sol n’est qu’un limon très-profond, dont la fertilité fait la richesse du pays. On y
recueille abondamment toutes sortes de céréales, de la garance, du foin, du vin, mais le
blé est la principale denrée du pays. La plaine, quoique immense, est dépourvue d’eau
coulante. Un canal pris à la Durance près de Rognonas, serait très-nécessaire à
l’irrigation et à la salubrité du pays. On ne trouve, dans la campagne, que des puits à
bras ou des puits à roues à godets. Aussi, peu de maisons de campagne (de mas) y sont
agréables. On peut en excepter le bel établissement de Tonnelle, où se trouvent de belles
pépinières qui fournissent à trente lieues loin.
La ville de Tarascon est toute dans la plaine. Elle a un joli faubourg très-passant, à cause
de la route d’Aix à Nîmes. Naguère on passait le Rhône sur un beau pont de bateaux.
Aujourd’hui on y a construit un superbe pont en fil de fer, qui paraît être d’une grande
solidité.
La population de Tarascon est d’environ 1,1000 habitans. Les hommes de ce pays
passaient pour être les plus beaux hommes de la Provence. Cela a pu être; mais à présent
leur stature ne diffère pas de celle des autres Provençaux. La plupart des femmes et des
filles sont vêtues à la manière des arlésiennes, et ne diffèrent en rien sous le rapport de
l’élégance de leur taille, de la beauté de leur visage et de la blancheur de leur teint. Les
divertissemens du pays sont à-peu-près les mêmes qu’à Arles: la lutte contre les
taureaux, la joûte sur des bateaux et la danse au son du galoubet.

Les habitans sont très-affables, et leur société ne diffère pas de ceux des grandes villes.
Il est à regretter que cette ville, la quatrième du département des Bouches-du-Rhône,
soit, pour ainsi dire, sans industrie et sans commerce. Le pays offre trois foires dans
l’année: le jour de l’Ascension, le 29 juillet et le 10 septembre. La ville et ses hameaux
forment tout le canton.

TARENTE. Cap de la côte maritime du département du Var, au midi de la Cadière.


Voyez TAUROENTUM
TARTONNE, Tartonna. Village du canton de Barrême, à 6 lieues de Digne. Les maisons
sont toutes disséminées dans la campagne. Climat tempéré; sol bon; il produit beaucoup
de blé et des légumes. Les fruits y sont délicieux, principalement les prunes et les poires.
On y élève beaucoup de troupeaux; mais on n’y travaille plus la laine, qui formait
autrefois une petite branche de commerce. Le territoire est arrosé par plusieurs
ruisseaux. On y trouve un puits d’eau salée. Pop. 510 hab.

TAULANE. Petit village à 2 lieues de Castellane son chef-lieu d’arrondissement et de


canton, situé presque au haut de la montagne de Saint-Pierre. Il fut brûlé par Raymond
de Turenne; et, depuis cette époque, ce lieu est presque inhabité. Climat froid. Le sol
produit des fourrages pour la nourriture du menu bétail. Pop. 130 hab.

TAULANE. Autre petit village fort ancien qui n’existe plus. Il se trouvait sur la rivière
d’Artubi, à une lieue de Séranon.
Le territoire a été réuni à celui de la Marthe.

TAUROENTUM. Ville considérable qui se trouvait sur la côte maritime du département


du Var, dans le Sinus Citharistes, aujourd’hui golfe des Lecques, à l’opposé de la petite
ville de la Ciotat, qui est bâtie au même emplacement de l’ancien Citharistes, et au midi
du village de Saint-Cyr, qui n’était naguère qu’un hameau de la Cadière.
Les auteurs anciens qui ont parlé de cette ville sont, Scymnus de Chios, Strabon,
Ptolomée, César, Pomponius-Mela, Antonin et Appollodore d’Éphèse. Ils désignèrent ce
lieu comme port, portus; comme ville de second ou de troisième ordre, oppidum, et
comme forteresse, castellum. Ils lui donnèrent les noms de Taurentum, Taurentium,
Taurentinum, Taurois, Taurocis, Tauroenta, et, plus communément, Tauroentum dont on
a fait aujourd’hui celui de Tarente.
Cette ville fut fondée par des Phocéens; selon les uns, par ceux de la première
expédition, qui vinrent, 599 ans avant Jésus-Christ, jeter les fondemens de la ville de
Marseille; selon les autres, par ceux qui, environ 60 ans après, chassés de la Phocide par
les troupes de Cyrus, vinrent pour se réunir à leurs compatriotes qu’ils savaient établis
sur la côte de la Celto-Lygie. Il paraît qu’un vaisseau, qui avait pour enseigne un
taureau, et que par cette raison on appelait Taurocis, poussé par une forte tempête, fut
séparé du reste de la flotte, et jeté contre les rochers qui forment le cap de Tarente ou de
Tauroentum. Les Grecs naufragés, incertains s’il leur serait possible de se rendre à
Marseille par terre, surtout si c’était à l’époque où cette ville était en guerre avec les
peuples du littoral, se décidèrent à fonder au lieu même où ils étaient débarqués, une
ville à laquelle ils donnèrent le nom du bâtiment qui les avait amenés.
Cependant ces hommes se considéraient comme Marseillais. La ville de Marseille ne
faisait qu’une avec celle de Tauroentum. Ce qui le prouve, c’est que, dans les auteurs
anciens, le nom de cette dernière est toujours accompagné de ceux de Portus
Massiliensium, Oppidum Massiliensium, Castrum Massiliensium; et que, dans les
d i fférentes guerres que Marseille eut à soutenir, les habitans de Tauroentum ne
manquaient jamais de la secourir, comme un frère agirait envers sa sœur. Lorsque César
assiégeait Marseille, toute la Provence était contre cette ville; Tauroentum, au contraire,
non seulement reçut dans son port la flotte de Pompée et celle de Marseille, mais elle
fournit ses propres vaisseaux, pour les aider à combattre la flotte de César commandée
par C. Brutus.
A la soumission de Marseille, la ville de Tauroentum, considérée comme colonie
marseillaise, tomba au pouvoir du vainqueur. Un grand nombre de riches familles
romaines vinrent s’établir dans cette nouvelle possession, en firent une ville
considérable, très-forte et assez commerçante. Ils l’embellirent d’une infinité de
monumens qu’on n’élevait ordinairement que dans les villes opulentes et bien habitées.
Quoique la ville fût entourée de murailles qui étaient l’enceinte du Castellum, elle avait
aussi une citadelle sur un rocher qui couronnait le cap Tauroentum, au même
emplacement où les Phocéens durent former leur premier asile. C’est sans doute la
situation de ce rocher, à un endroit fortifié par la nature et défendu par la mer, qui décida
les fondateurs de cette ville à choisir ce lieu de préférence; car, avec peu de monde, ils
pouvaient résister long-temps contre un armée celto-lygienne, peu redoutable pour des
hommes qui connaissaient l’art de faire la guerre.
Cette citadelle défendait l’entrée d’un beau port qui s’étendait au nord, et sur une
longueur de plus de douze cents mètres et une largeur d’environ sept cents. Il s’enfonçait
jusqu’au-delà du village de Saint-Cyr, dont la plupart des maisons ont été construites
avec les débris des quais de ce port ou des édifices qui s’y trouvaient. Le ruisseau des
Beaumelles se jetait dans ce bassin, et formait une aiguade utile et commode. La ville se
trouvait même à l’embouchure de ce ruisseau; elle était distribuée partie sur le penchant
de la colline qui dominait le port, partie au-delà sur la hauteur; mais la masse principale
des maisons était au midi, dans un terrain envahi par la mer, ainsi qu’autour et dans
l’enceinte de la citadelle. Le terrain bas devait s’étendre au loin, et être garanti par des
rochers tels qu’on en voit sur la côte, qui, disposés par tables ou dales (de laouvos), et
creusés à leur base par les vagues, se renversent comme un piége ou trébuchet, appelé en
provençal uno lèquo, origine du nom moderne de ce golfe et du hameau qui s’y trouve:
golfe des Lecques, hameau des Lecques. Les rochers qui garantissaient la ville de ce
côté ayant été entraînés dans la mer, une partie de la ville éprouva le même sort, et cette
partie était peut-être la plus considérable et la mieux habitée. En naviguant près de la
côte, on croit reconnaître encore au fond de l’eau plusieurs rues, des places, de vastes
édifices. Les pêcheurs du pays assurent qu’on aperçoit quelquefois sous les vagues des
colonnes et d’autres pièces d’architecture, que les sables recouvrent bientôt pendant un
certain temps.
Cependant tout annonce que cette ville éprouva un autre événement encore plus funeste
que celui de l’envahissement de la mer, si tant est qu’elle se soit avancée par suite de
l’éboulement des rochers, ce dont je doute. Je pense, au contraire, qu’une grande partie
de la ville fut ensevelie sous les flots par les effets d’une violente secousse de
tremblement de terre. Le fameux rocher qui se trouvait sur le cap Tauroentum, et qui
supportait la citadelle, fut renversé; la montagne à l’est fut entièrement bouleversée; les
aqueducs qui descendaient de la montagne des Beaumelles furent brisés. et plusieurs
pièces en provenant ont été précipitées.
On ne peut point attribuer ces effets ni au génie destructif des hommes, ni aux vagues de
la mer qu’on ne voit jamais s’élever à une pareille hauteur; mais bien à une forte
secousse de la terre occasionnée sans doute par un feu volcanique, tel qu’on en voit des
vestiges sur toute la bande granitique qui borde le littoral du département du Var, à l’une
des extrémités duquel se trouvait Tauroentum. La force de ce volcan ayant soulevé les
terrains des hauteurs, ils furent entraînés par de fortes averses, ou peut-être par les eaux
qui jaillirent pendant quelque temps des différentes crevasses de la montagne. Le port en
fut comblé. Le rocher de la citadelle ferma en quelque sorte l’entrée de ce vaste réservoir
qui se changea en marais pestilentiel. Quoique desséché aujourd’hui, on l’appelle encore
le palus, ce qui signifie le marais. Les ouvriers qui opéraient les travaux de
desséchement reconnurent encore les murailles qui soutenaient les quais, et trouvèrent
plusieurs anneaux d’amarrage et une ancre à quatre pointes, du poids de plus de deux
cents livres.
Mais à qu’elle époque eut lieu cet événement terrible? Malheureusement pour l’histoire,
nul auteur n’a daigné le transmettre à la postérité. Tout ce que nous pouvons conjecturer,
d’après les médailles qu’on a trouvées parmi les ruines, c’est qu’il a eu lieu dans le
commencement du troisième siècle, et immédiatement après le règne d’Alexandre
Sévère. A cet événement, l’évêque de cette ville, craignant pour sa propre personne, se
réfugia à Cœsarista, Ceyreste; mais il n’y transporta pas le siége de son évêché, attendu
qu’il restait encore assez de maisons à Tauroentum, pour être la ville la plus considérable
du diocèse. Cet évêché fut établi au premier âge du christianisme. Plusieurs savans,
parmi lesquels nous comprenons le père Isnard, assurent que dans la même barque qui
amena sur les côtes de la Provence les saintes Marie, Marthe, Magdeleine, Lazare,
Maximin et autres saints personnages, se trouvait un disciple de Jésus-Christ nommé
Cléon, qui vint prêcher l’évangile à Tauroentum. Voilà sans doute pourquoi saint Cléon
est reconnu comme le premier évêque du diocèse de Toulon; car nous savons que le
siége épiscopal y fut transporté de Tauroentum en l’année 446, époque où peut-être une
nouvelle secousse de tremblement de terre fit craindre à l’évêque, et même à la
généralité des habitans, la destruction totale de la ville. Quelques historiens modernes
ont écrit que les Sarrasins avaient détruit Tauroentum. Cet anachronisme n’est pas
pardonnable. . . . Je ne sais trop s’il peut être permis de placer des Musulmans plus de
trois siècles avant la naissance de Mahomet leur prophète.
A l’imitation des ecclésiastiques, les habitans de Tauroentum abandonnèrent un lieu qui
ne leur offrait plus de sûreté. Ils allèrent établir leurs nouvelles demeures sur une
montagne voisine, connue alors sous le nom de la Cadière, à cause de la quantité de
genévriers, en provençal de cades, qui s’y trouvaient, et abandonnèrent entièrement leur
ville à quelques pêcheurs. Les maisons ne tardèrent pas à tomber en ruine. Dans la suite,
les pirates, et, plus tard, les Maures africains achevèrent de détruire ce que le temps avait
respecté. Les sables que les vagues de la mer poussent sans cesse vers le rivage,
envahirent les ruines; mais les vents qui règnent sur cette côte ne les laissent point dans
un état de stabilité. Ces sables, poussés par l’impétueux Maëstral, gravissent rapidement
sur les montagnes à l’est, forment des monticules partout où ils trouvent un obstacle, et,
en moins de trois heures, ces monticules ont quelquefois plusieurs mètres d’élévation.
Un bon vent d’est fait bientôt disparaître ces éminences, pour en former de nouvelles au
bas de la montagne et sur les ruines de la ville que nous décrivons. Aussi, à tel endroit,
on commence des fouilles aujourd’hui, que, demain, tous les travaux ouverts avec peine
et à grands frais sont encore recouverts par le sable. La campagne qui entoure le cap de
Tarente peut être considérée comme la Thébaïde de la Provence, et même de la France.
Plusieurs savans archéologues sont venus, à différentes époques, l’exploiter avec succès.
Ils ont reconnu,
1° l’enceinte intérieure du Castellum sur trois faces seulement; il paraît que ce mur de
clôture et de défense servait de contrefort à une multitude de petites maisons pour les
gens du peuple, ou plutôt à de sortes de casernes pour les troupes;
2° les ruines de la citadelle qui paraît avoir été fermée, du côté de terre, par une muraille
d’environ trois cent soixante mètres de pourtour, et défendue par un grand nombre de
tours dont on voit encore quelques vestiges à la face orientale. Un grand édifice
dominait la citadelle ou peut-être en faisait partie; il était du côté du midi; mais il est tout
entier tombé dans la mer, et a entraîné dans sa chute une partite du rocher qui le
supportait, et plusieurs maisons qui y étaient appuyées;
3° les vestiges d’un amphithéâtre sur le rivage, au nord de la ville. C’est un rocher taillé
par la main de l’homme circulairement et en gradins. Quelques-uns ont cru que cet
édifice devait être un théâtre. Cela étant, on n’aurait ici qu’une très-petite partie des
degrés; et l’orchestre, le podium, le proscenium et le postscenium seraient engloutis dans
les eaux. Ce rocher est d’une pierre tendre que l’air et les pluies ont sillonnée; c’est
pourquoi l’on ne doit pas être étonné qu’elle n’ait pas conservé la maçonnerie qui y était
jointe, et dont on voit les débris épars;
4° un édifice immense qui tenait d’un côté à l’amphithéâtre, et de l’autre à la citadelle.
Une des façades était soutenue par des colonnes de plusieurs ordres, ce qui ferait croire
que cette construction appartenait à un grand nombre de familles opulentes. Une
seconde preuve, c’est qu’on y a découvert, dans différentes fouilles, trente-deux pièces
d’appartement de rez-de-chaussée, toutes pavées à la mosaïque, dont un était de marbre
blanc; les vases, les fleurs et les dessins en émaux de diverses couleurs, principalement
du bleu d’azur, du bleu de ciel, du jaune et du rouge; les lambris de ces salles étaient
peints à fresque, les uns d’une couleur, les autres de couleurs différentes, principalement
en bleu et en rouge;
5° des aqueducs d’une construction très-solide, qui amenaient les eaux de plusieurs
sources qui se trouvent sur la montagne des Beaumelles;
6° plusieurs réservoirs de même construction, et dont quelques-uns paraissent n’avoir
servi que de purgeoir aux eaux destinées pour les fontaines;
7° des salles de bains, dont une présente un parallélogramme rectangle de huit mètres
sur six. Les deux extrémités étaient terminées par un demi-cercle de près de deux mètres
de rayon. On descendait dans cette salle par des degrés placés à l’un des angles;
8° des fûts de colonnes, des fragmens de corniches, de frises, de statues, des fondemens
de grands édifices publics, des pans de murailles peintes à la fresque et qu’on rencontre
partout, et dont les belles couleurs n’ont pu être altérées, quoique exposées depuis
quinze siècles à l’action dévorante de l’air, à celle du soleil et des pluies, au frottement
du sable et au sel corrodant des eaux de la mer; preuve certaine que les anciens étaient
bien supérieurs à nos artistes dans la composition des couleurs durables, ainsi que dans
le choix des matières propres à former un enduit si compact.
Les amateurs se sont principalement attachés à la recherche des médailles marseillaises
et romaines. On raconte qu’un riche propriétaire du pays en recueillit plein un sac. M. le
curé de Saint-Cyr, amateur d’antiquités, a chez lui un médailler curieux, fruit de ses
laborieuses recherches dans les ruines de Tauroentum. Le peuple de la contrée y est
également venu faire ses moissons, mais en ustensiles de ménage qui offraient une
valeur intrinsèque, en tuyaux de plomb ou de cuivre; mais il n’avait aucun respect pour
ce qu’il trouvait de plus précieux. Il brisait inconsidérément toutes les pierres
d’inscription, les statues, les colonnes, les chapiteaux, les frises, les vases dont on trouve
à tous pas des fragmens qui font l’admiration des curieux.
Si cette ville n’était pas puissante, dit M. Marin, on peut dire qu’elle était riche. Il n’y a
que des hommes opulens qui embellissent leur demeure avec tant de faste. Le port de
Tauroentum ouvrait aux habitans un commerce maritime avec Marseille, avec ses
colonies et les pays étrangers. Il paraît que leur commerce d’exportation consistait
principalement en briques, en tuiles et en poterie de toute espèce. On ne peut ouvrir la
terre, même dans les lieux qui n’ont point été habités, sans y trouver des amphores, de la
vaisselle et des ustensiles de terre en tous genres. On travaillait avec plus de soin une
poterie fine, plus belle que notre faïence. Le nombre de débris de ces vases est
prodigieux. Il y en avait de bleus, de noir,de gris et de jaunes; ils étaient très-minces;
mais la plus grande partie était d’une couleur sanguine. Ces derniers sont plus épais, et
chargés d’ornemens délicatement dessinés et de figures d’hommes et d’animaux Si ces
fragmens étaient gravés, l’érudition pourrait s’exercer à expliquer ces hiéroglyphes. Les
ouvriers attachaient de la gloire à ces ouvrages, puisqu’ils placaient leurs noms au fond
des coupes. Dans l’une, on lit en très-beau caractères: C. Julius Clemens. Dans d’autres,
on voit des lettres initiales, espèce de chiffre par lequel chaque fabricant désignait son
ouvrage. Ces fragmens, qui paraissent avoir appartenu à des coupes, nous rappellent la
magnificence avec laquelle les Grecs et les Romains ornaient ces sortes de vases. Ils y
représentaient en relief, comme dans ces morceaux, des traits historiques et fabuleux. Ils
en faisaient la récompense de la valeur et des talens. Là, le nom de Parhasius; ici, celui
d’Alcimédon, ajoutaient un nouveau prix à l’ouvrage, et ces noms étaient gravés sur les
coupes.
La montagne des Beaumelles, dont le nom indique assez qu’elle était autrefois couverte
de beaux mélèzes (de béou mèles), est aujourd’hui toute en culture. Les murs de
terrasses qui soutiennent les terres, ne sont, pour ainsi dire, construits qu’en pierres ou
briques tumulaires, et en pièces d’architecture mises en morceaux. C’est sur cette
hauteur qu’on a trouvé deux dolium, sorte de jarres, de cinq pieds de profondeur et
d’autant de largeur, d’une contenance d’environ deux mille litres, ou soixante coupes et
demie (mesure de Draguignan), ou trente milhéroles (mesure de Marseille).
L’ignorance et le peu de respect des monumens antiques fit cependant épargner aux
paysans de la contrée une inscription sur marbre qui mérite d’être décrite.

L. CÆCILIÆ
L. F. DONATÆ
VAL. PHILOSERA
PIS. CONIVGI B. M.
c’est-à-dire Luciæ Cœciliœ Lucii filiœ donatœ, Valerius Philosera piissimœ conjugi
bene merenti.

Cette inscription, dit M. Marin, est une preuve du mélange des anciens colons phocéens
avec les Romains devenus maître de la Provence. Lucius Cæciliœ, Valerius, sont des
noms romains; et Philosera (ami de Junon) a une origine grecque. . . . . . . . . Ce
monument, que nous croyons avoir été consacré à la tendresse conjugale, peut recevoir
une autre explication. Comme il n’y a pas de point après Philosera, et que la syllabe pis
en peut être la suite, il faudrait alors lire Philoserapis, ce qui signifierait ami de Serapis.
Sur le penchant de la même colline des Beaumelles, on découvrit une sorte de cimetière
plein de vases cinéraires, d’amphores et de pièces de monnaie. Parce qu’on n’y a trouvé
aucun tombeau, on a conjecturé que ce lieu de sépulture était destiné au bas peuple. Les
personnes de distinction ainsi que les riches avaient des tombeaux de briques ou de
pierres; mais ils étaient disséminés dans les environs. Cependant, pour que la terre ne
pesât pas sur la cendre des pauvres, elles étaient couvertes de briques creuses et
renversées, semblables aux tuiles qui couvrent nos maisons. Il est probable qu’à
Tauroentum on avait l’usage de brûler les morts; car on n’a trouvé nulle part des
ossemens entiers, mais toujours des os calcinés, des cendres et du combustible réduit en
charbon. Cette coutume, entièrement grecque, fut communiquée aux Romains, qui
l’adoptèrent et en firent usage jusqu’au règne des empereurs chrétiens.
Toutes les hauteurs qui couronnent les ruines de l’antique Tauroentum, n’off r e n t
aujourd’hui à l’œil du nautonnier qui fréquente ce parage, que la roche tapissée de lichen
et ombraguée d’arbustes malingres et chétifs, image fidèle de la nature sauvage dont le
peintre et le poète aiment à orner leurs tableaux. Ces élévations, toutes égalemens tristes,
toujours désertes, ne sont proprement visitées que par des chèvres, et quelquefois par
l’oiseau de passage qui, avant de prendre son essor pour aller chercher une terre
outremer, est bien aise de mesurer l’espace immense qu’il a à franchir d’un seul trait. On
n’y entend plus que le sifflement de la brise et des redoutables aquilons, ou le bruit des
vagues écumantes qui viennent en mugissant saper le pied de la montagne, et tâcher de
l’entraîner dans l’abîme, afin de couvrir et de faire disparaître pour jamais jusqu’au
moindre vestige d’une cité malheureuse, qui aurait dû subsister jusqu’à la fin des siècles,
pour montrer aux races futures le bon goût de nos aïeux.

TAVERNES, Tabernœ. Bourg chef-lieu de canton, à 7 lieues de Brignoles. Climat


tempéré; air sain. Les principales productions du sol sont, le blé, le vin et l’huile. Pop.
1,490 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Tavernes, Artignosc, Foz-
Amphoux, Moissac, Montméyan, Régusse, la Roquette, Sillans et Villeneuve-Coutelas.

TELO-MARTIUS. Voyez TOULON.

TÉGULATA. Ancien lieu qui se trouvait au même endroit où est aujourd’hui la Grande
Pugère, auberge sur la route d’Aix à Brignoles, et près du pont de Lar, où passait la voie
aurélienne. Quelques auteurs anciens ont nommé cette position Tectolata. Plusieurs
écrivains modernes auraient voulu assigner Tectolata à Tretz, tandis que cette ville se
nommait Trittia. Tégulata n’existait pas du temps de Marius; car elle se serait trouvée au
milieu du champ de bataille qui vit périr trois cents mille barbares dans une seule
journée.

TÉRITIAS. Ancienne position entre Glanum et Pisavis, c’est-à-dire entre Saint-Remy et


la petite rivière de Cadière, ce qui correspond parfaitement à Aureille, où l’on trouve
fréquemment des preuves incontestables du séjour des Romains.

TERNY (SAINT), OU SAINT- T R I N I T. Village du canton de Sault, à 9 lieues de


Carpentras, au pied du Mont-Ventoux. Climat froid; air très-vif; sol aride; il produit des
céréales et des légumes. Population 305 hab.

TEY. C’est le nom qu’on donne à trois bancs de sable près l’embouchure du grand
Rhône. Le plus grand est le Tey de Béricle; le moyen est le Tey de la Bigue, et le
troisième, qui est long et étroit, est le Tey de Gloria.

THANÉRON, Tanero. Village du canton de la Javie, à 5 lieues de Digne. Climat sain. Le


sol serait bon, mais il ne peut suffire aux besoins des habitans; il produit du blé et des
fèves. Pop. 218 hab.

THÈLE. Champ situé au pied méridional de la montagne de l’Estérel, au bord de la mer,


entre la Napoulle et le cap Roux. C’est dans ce champ que fut ensevelie sainte Tulle, au
rapport de saint Eucher, son père. Le mot thèle s’est conservé dans la dénomination du
cap de Théoule. La voie aurélienne qui d’Antibes allait à Fréjus passait dans le champ de
Thèle.
Sur la plage de Théoule se trouve une ancienne fabrique de savon, qui a dû être très-
belle, et peut-être la plus importante de la Provence. Les fabricans de Marseille la firent
fermer à prix d’argent. Une belle fontaine coule d’un rocher et tombe dans la mer. Les
bâtimens viennent y faire aiguade, sans avoir besoin de débarquer les futailles.

THÉOPOLIS. Voyez DROMONT-SAINT-GÉNIEZ

THÉOULE (CAP. ) Voyez THÈLE.

THÉOUX. Voyez THÉOPOLIS.

THÈSE. Petit village du canton de la Motte, sur la rive gauche de la Durance, à 4 lieues
de Sisteron. Le sol est peu fertile; on y recueille du blé et des légumes. Pop. 400 hab.

THOARD. Petite ville à 3 lieues de Digne son chef-lieu d’arrondissement et de canton.


Sa position annonce qu’elle a dû être la capitale d’un peuple celto-lygien dont le nom
n’est point parvenu jusqu’à nous. Plusieurs bonnes familles romaines y établirent leur
résidence, et en firent une ville splendide. Il y a une forteresse, un clocher et des tours
sur les remparts qui sont d’une construction fort ancienne. Cette ville a donné naissance
à nombre de personnages illustres qui ont occupé un rang distingué, soit sous le règne
des Romains, soit dans un temps plus moderne. Climat tempéré; air sain. Plusieurs
torrens ravagent le territoire. Le sol, quoique mal cultivé, produit du blé excellent, toutes
sortes de légumes et des fruits d’un goût exquis. Il s’y fait un petit commerce de laine et
de toile. Pop 905 hab.

THOLONET, Tholonetum, Custrum Thodoni. Village avec un hameau nommé Beau-


Recueil, à une lieue d’Aix son chef-lieu d’arrondissement et de canton. La beauté de son
site et l’agrément de ses belles eaux y attirèrent quelques riches familles romaines qui en
firent leur séjour. Aussi, on y voit encore de beaux restes de constructions anciennes qui
attirent l’attention des connaisseurs. Le territoire est traversé par l’aqueduc qui
conduisait à Aix les eaux de Saint-Antonin. On y trouve une pierre jaunâtre, tendre,
formée par le grès, et des coquillages fossiles. On y trouve aussi de la brèche à laquelle
on a donné long-temps le nom de brèche d’Alep. Elle est tachetée et veinée de jaune
foncé, de rouge et de plusieurs nuances grises. Le sol est assez fertile; il produit du foin,
du vin et de l’huile. Pop. 490 hab.

THOR (LE), Tauris, autrefois THOR, Taurus ou Vèlorgues. Bourg du canton de l’Isle, à
3 lieues d’Avignon, dans une grande plaine baignée par un des canaux de la Sorgue, ce
qui le rend, humide et fort boueux. Le territoire est vaste; le sol gras et généralement
fertile; ses principales productions sont, toutes sortes de grains, de la garance et du foin.
On y élève beaucoup de vers à soie. Le château ruiné, nommé Thouzon, bâti sur une
éminence, fut souvent pris et repris par les catholiques et les calvinistes, dans les guerres
de religion du seizième siècle. Le pays a deux foires dans l’année: le 3 mai et le 16
septembre. Pop. 2,880 hab.

THORAME BASSE, Thoramina inferior. Village du canton de Colmars, à 11 lieues de


Castellane, divisé en quatre parties, dont la principale est située dans une sorte de plaine
assez vaste, fertile et bien cultivée. C’est dans son territoire que naît l’Issole, rivière qui
se jette dans le Verdon au-dessus de Saint-André. Le pays fournit des étoffes communes
et des fromages excellens. Le sol donne du blé et de bons herbages. Le climat est froid et
sain. En été, de nombreux troupeaux viennent de la basse Provence pour paître dans les
gras pâturages du pays. Population 892 hab.

THORAME HAUTE, Thoramina superior. Village avec un hameau nommé Andres, du


canton de Colmars, à 12 lieues de Castellane, sur la rive droite du Verdon. Les Véamini,
peuple celto-lygien, occupaient le territoire et les environs. Au-dessus du village, et sur
un rocher, sont les restes d’une citadelle qui défendait ce défilé. Le climat est froid. Il y
tombe ordinairement beaucoup de neige. Le sol est d’une bonne qualité; il produit
principalement du blé et des légumes. Il y a de grandes et vastes montagnes qui donnent
un excellent pâturage aux troupeaux d’Arles, et l’on fait dans le pays des fromages qui
jouissent d’une réputation bien méritée. Les forêts sont de mélèzes, de sapins et de pins.
Pop. 762 hab.
THORENC, OU TORRENC. Ancien village entre Cipière et Andon. Il fut consumé par
les flammes. La montagne du pays, qui porte également le nom de Thorenc, offre de
bons pâturages pour les troupeaux. Les eaux pluviales découvrent de temps en temps des
bélemnites et autres fossiles curieux. Le Jabron a sa source au pied de cette montagne.

T H O R O N E T, autrefois TO L O N E T, nom qui était donné à un bureau destiné à la


perception des impôts ou des droits imposés sur les marchandises. Village du canton de
Lorgues, à 3 lieues et demie de Draguignan, sur la rive droite de l’Argens, avec un
hameau nommé Sainte-Marie. La voie aurélienne qui de Fréjus allait à Cabasse, en
passant par Taradeau, où se trouvait le Forum Voconii, longeait le territoire du Thoronet,
et passait près de l’endroit où se trouve le village. Il y avait une superbe abbaye de
l’ordre de Cîteaux, fondée en 1130 à Tourtour, et transférée cinquante ans après en cette
commune. Le territoire est montueux; le sol, sec, pierreux, argileux ou ferrugineux,
produit du vin, et du blé excellent pour semence. Pop. 700 hab.

THUILES (LES). Village à deux lieues de Barcelonnette son chef-lieu d’arrondissement


et de canton, sur la rive droite de l’Ubaye. Son territoire est ravagé par plusieurs torrens;
celui surtout de Rio-Bourdon, qui descend de la montagne des Orres ou Horres, a une
demi-lieue de largeur dans la plaine traversée par le chemin de Barcelonnette. Pendant
l’hiver, cette plaine est couverte de neige, et des sortes de gros piliers en cailloux roulés
indiquent le chemin aux voyageurs.
Le village des Thuiles est divisé en plusieurs petits hameaux. Le principal est sur le
chemin traversé par un ruisseau qui arrose quelques petits jardins ou closeaux. Le
territoire produit peu de céréales, peu d’herbages, peu de fruits, peu de légumes;
cependant on y fait de l’huile de lin. Pop. 560 hab.

TIBOULEA. Petite île au midi de Marseille.

TIGNET (LE). Petit village du canton de Saint-Vallier, 2 lieues de Grasse, bâti sur le
penchant d’une haute colline. Ses maisons, quoique toutes séparées, paraissent de loin
être sur une même ligne d’une grande étendue. C’est un démembrement de la commune
de Cabris. Sur la hauteur se trouvait une maison de Templiers qui fut convertie, dans la
suite, en forteresse, puisqu’on y voit encore les meurtrières. Un long souterrain, existant
encore en partie, conduisait dans une autre maison dont les ruines m’ont fait penser
qu’elle avait été une ferme romaine. Le peuple nomme ces ruines Castélaras. Le village
du Tignet recueille beaucoup d’huile et du vin; il y a une papeterie sur la Siagne. Pop.
167 hab.

TOULON, Telo-Martius. Ville maritime et militaire, la plus importante de la Provence et


du midi de la France, avec un évêché supprimé; chef-lieu d’une préfecture maritime,
d’une sous-préfecture du département du Var, d’un tribunal de la marine, d’un tribunal
de première instance, d’un tribunal de commerce, de deux justices de paix, d’un
commissariat général de police, d’une direction télégraphique, etc. , etc.
Plusieurs auteurs anciens assurent que les Commoni occupaient les environs de Toulon.
Nul doute que ces Celto-Lygiens n’eussent quelques cabanes sur le bord du golfe de
cette ville, où les pêcheurs se retiraient pendant la chaleur du jour ou la fraîcheur de la
nuit. Les Sueltéri en avaient près de Fréjus; les Bormani, près d’Hyères; les Saliens, près
de Marseille; etc. Mais le chef-lieu des Commoni, c’est-à-dire l’endroit où ce peuple
avait établi son mallus, loin d’être au bord de la mer, au milieu de vastes marais
pestilentiels, à l’embouchure d’un ruisseau dont les eaux, ne coulant pas toute l’année,
étaient, dans certaines saisons, ni claires, ni fraîches, ni salubres, devait être rapproché
des montagnes, à une exposition au soleil levant et au midi, abrité de tous les vents, à
portée d’un retranchement naturel, et d’une eau claire, limpide et agréable au goût. La
connaissance parfaite que nous avons acquise, en explorant nous-mêmes le pays, ne
nous laisse aucun doute sur la situation de cette primitive bourgade. Tout prouve qu’elle
se trouvait à l’amphithéâtre où est bâti le village du Revest, à environ dix minutes de la
belle source de la Foux, et du retranchement qui a dû se trouver sur la hauteur de Notre-
Dame, d’où l’on voyait venir l’ennemi de fort loin; car la vue s’étend non seulement sur
toute la vallée, mais dans tout le golfe de Toulon jusqu’aux îles d’Hyères.
Cette situation se trouve exactement conforme aux distances marquées dans l’itinéraire
maritime d’Antonin.

A Pomponianis Telonem Martium, portus. XV.


A Telone Martio Æmines, positio. XVIII.

Un auteur contemporain, convaincu que Pomponiana se trouvait dans le territoire


d’Hyères, quartier de Saint-Salvadour, a calculé la distance de ce lieu à Toulon, afin de
s’assurer si le Telo-Martius des Romains était réellement cette ville, ainsi que plusieurs
historiens modernes ont osé l’avancer. Mais ayant trouvé que la distance de XV mille
pas le conduisait plus loin que Toulon, et n’ayant jamais voulu s’écarter de la côte, il
hasarda d’assigner au Telo-Martius le rivage de la mer, entre la poudrière de la Goubran
et la ville de la Seyne. Il y fut d’autant plus autorisé, que de ce point à Œmines positio
(l’île des Ambiez), en suivant toujours la côte, quelquefois sur des rochers impraticables,
il y a environ XVIII mille pas, distance désignée par Antonin. J’ai également fait la
recherche du lieu où a dû se trouver Telo-Martius, mais en suivant une toute autre
direction; XV mille pas, calculés à vol d’oiseau, m’ont porté de Pomponiana au château
des Dardennes; XV mille pas, en suivant les endroits les plus frayables, m’ont conduit à
la source de Saint-Antoine; et de ce point aux Ambiez, en suivant une ligne praticable et
assez directe, il n’y a que les XVIII mille pas marqués dans l’itinéraire. D’après cela, je
pourrais conclure que le Telo-Martius était près de la source Saint-Antoine. Mais avant
de rien assurer ni de faire la moindre conjecture, il convient de donner des preuves plus
convaincantes et faciles à être comprises de tout le monde.
On sait que les Romains ne formaient de grands établissemens que là où se trouvait déjà
une population agglomérée. Ils ne la trouvèrent pas cette population dans les marais qui
entouraient le golfe de Toulon; car les Celto-Lygiens, allant presque nus et couchant
ordinairement sur la terre, loin d’habiter sur un sol humide et infect, tel que celui qui
borde le golfe, choisissaient un lieu sec et sain, tel que celui de l’amphithéâtre du
Revest. Aussi les Romains, ayant apprécié tous les avantages de l’heureuse situation de
la bourgade des Commoni, y établirent cette fameuse teinturerie qui, quoique
mentionnée dans plusieurs auteurs recommandables, est considérée comme une fable par
des contemporains, à cause qu’ils n’ont pas su trouver l’emplacement de cette
manufacture.
Cet établissement eut lieu sous le règne d’Antonin le Pieux. L’itinéraire maritime, publié
par les ordres de cet empereur, est le premier ouvrage qui fait mention du Telo-Martius,
non point comme une manufacture impériale, mais parce que sur la côte il se trouvait
quelque magasin de dépôt qui servait de station aux bateaux de poste. On croit
reconnaître encore aujourd’hui, près de la poudrière de la Goubran, des restes de
construction de ce magasin qui appartenait à la teinturerie romaine, quoiqu’il en fût
éloigné d’environ une lieue et demie.
Le Telo-Martius ne se trouvait point sur la côte.
Une nouvelle preuve est que depuis la hauteur de la Seyne jusqu’à la pointe de la grosse
Tour, on n’a jamais trouvé de médailles qui pussent faire présumer que les Romains
avaient habité cette plaine avant le quatrième siècle. On cite quelques tombeaux de
briques découverts au quartier de Claret, au-dessus du retranchement de Sainte-Anne,
dans l’un desquels se trouvaient plusieurs médailles, dont la plus récente était à l’effigie
de Constantin le Jeune. Ces médailles n’ont pu être déposées dans ces tombeaux
qu’après le règne de ce dernier prince, qui mourut l’an 340 de Jésus-Christ. Quand
même ces médailles seraient toutes plus anciennes, ces tombeaux n’étant point dans la
plaine, ni à portée d’une eau abondante, ne désigneraient que le voisinage d’une villa, et
non d’un grand établissement romain.
Le nom et l’origine de la primitive bourgade ont mis l’esprit de bien des gens à la
torture, sans que nul puisse se flatter d’avoir soulevé un coin du voile qui les couvre. Je
ne serai pas plus heureux peut-être; cependant il me convient de ne rien négliger pour
résoudre ce problème.
Dirais-je avec ce chroniqueur, que c’est un nommé Télamon, sorti de la Germanie,
qui,1640 ans avant Jésus-Christ, vint établir une colonie sur ce rivage? Croirais-je avec
cet autre, qu’une troupe de Phrygiens, échappés de l’embrasement de Troye, vinrent
chercher un asile dans cette partie de la Celto-Lygie, d’après l’inspiration de Telo leur
capitaine? Ajouterais-je foi à cet Anglais, qui fait dériver le mot Toulon de celui de
Tolon, qui, selon lui, en langue des anciens Celtes, signifierait une harpe ou une lyre,
instrumens qu’ils ne connurent qu’à l’arrivée des Phocéens. Quelques écrivains plus
sensés ont fait dériver le mot Toulon de Teloneum ou Telonium, qui signifie Bureau
destiné à la perception des impôts, ou des droits imposées sur les marchandises, Bureau
de la Douane. En effet, il existe plusieurs lieux où se trouvaient autrefois de pareils
bureaux, qui portent encore le nom de Toulon et de Tolonet, et, par corruption, Toronet
et Thoronet. Mais cette étymologie ne peut convenir à un lieu qui portait le nom de Telo
avant qu’il y eût un établissement maritime, un établissement industriel, peut-être avant
qu’il fût connu des Latins.
Un contemporain que j’ai déjà désigné, pense, et je suis de son avis, que le mot Toulon
dérive de Telonus ou Telonias, nom d’une divinité que les Celto-Lygiens croyaient
habiter auprès des sources, et à laquelle ils rendaient un culte particulier. Il donne pour
preuve une source dans le territoire des Martigues, qui porte encore le nom de Toulon.
J’ajouterai qu’il en existe plusieurs autres en Provence, et notamment dans le
département du Var, connues sous la même dénomination: à la différence, qu’au lieu de
Toulon, le peuple en a fait Touron. Il y en a une dans le territoire de Comps, une autre
dans celui de Bargème, une troisième au village de Seillans, une quatrième au bas de la
rampe de Calian, une cinquième dans le territoire de Grasse, etc.
D’après tout ce que nous venons de dire, il paraît certain que le nom de Telo appartint
d’abord à une divinité, puis à une source, ensuite à un établissement près d’une source,
et enfin à tout un territoire; ce qui est cause que la ville qu’on construisit au fond du
golfe de Telo-Martius prit le nom du territoire, c’est-à-dire celui de Telo dont on fit
Toulon.
Cette ville, qui n’était d’abord occupée que par des marins, par des pêcheurs et par des
gens de la douane, attira un grand nombre de familles, et des esclaves qui furent
employés au déssèchement des marais et à la culture des terres. La grande fertilité des
terres qu’on avait assainies, donna aux agriculteurs les moyens de se construire des
maisons en bâtisse. La ville naissante devint bientôt importante; et, vers le milieu du
cinquième siècle, elle eut un évêque particulier, nommé Honorat, dont la signature se
trouve au bas d’une lettre écrite, en 451, au pape Léon Ier par plusieurs
évêques.
La ville de Toulon n’est proprement connue que depuis cette époque; et ceux qui
prétendent qu’elle est l’ancien Tauroentum, ajoutent plus de foi à Pline qui n’a bien
connu que la partie montagneuse de cette Gaule, qu’à l’itinéraire maritime d’Antonin,
qui place le Tauroentum à XXX mille pas à l’ouest de Telo-Martias, c’est-à-dire à
l’entrée du golfe de Citharista, aujourd’hui golfe des Lecques, où l’on trouve encore les
ruines de cette ville phocéenne. Un phare construit par les premiers Marseillais à
l’endroit où est la ville de Toulon, et que jusqu’à sa destruction, on a appelé la tour
phocéenne, a accrédité cette erreur chez quelques personnes. Un phare n’annonce pas
une ville, car on en construisait principalement sur les points les moins habitables de la
côte, et, certes, Toulon en était un, à cause de ses marais et de son insalubrité.
Les Romains négligèrent de profiter de l’avantage que leur offrait la situation de Toulon,
pour en faire une ville très-forte qui les aurait rendus maîtres de la Méditerranée. Une
forteresse à la pointe de la grosse Tour, et une autre à la pointe de l’Aiguillette, auraient,
j’ose dire, fermé l’entrée de la rade à toutes les flottes ennemies; et les vaisseaux, au
milieu de ce bassin, auraient bravé les menaces de tous ceux qui auraient voulu les
attaquer du côté de la terre.
Cette négligence fut cause que, dans le dixième siècle, une flotte sarrasine vint
surprendre cette ville, la pilla, l’incendia, et emmena presque tous les habitans en
esclavage; qu’en 1178, ces barbares revinrent, massacrèrent plus de trois cents
personnes, et emmenèrent les femmes et les enfans en Afrique; et que, dix-neuf ans
après, les nouveaus habitans, n’ayant pris aucune mesure pour être avertis à temps du
danger, éprouvèrent un sort semblable à celui de leurs prédécesseurs.
Toulon ne devint une ville importante que sous les rois de France. Louis XII apprécia le
premier les avantages que son royaume pouvait tirer d’un port aussi sûr, et d’une rade la
plus belle qui existe bien loin. Ce fut lui qui commença à fortifier cette ville, et fit
construire la grosse Tour au bord de la mer. Cela n’empêcha pas, qu’au commencement
du seizième siècle, et sous le règne de François Ier, le connétable de Bourbon, à la tête
d’une armée allemande, ne trouvant pas la ville suffisamment fortifiée ni bien défendue,
ne s’en emparât sans difficulté; que peu d’années après, Charles-quint n’y laissât sa
flotte pendant qu’il allait par terre menacer de loin la ville de Marseille.
Plus tard, Henri IV fit agrandir la ville, la fit entourer de fortes murailles, de bastions et
de courtines. Il fit également construire les deux môles qui bordent le port, et plusieurs
autres forteresses dont nous aurons bientôt occasion de parler.
En 1707, les puissances du Nord, moins la Suède et la Russie, craignant que la France ne
devint trop nuissante à cause de son alliance avec l’Espagne, se liguèrent ensemble afin
de la réduire, et de lui enlever la plupart des provinces qui touchaient aux frontières.
Victor Amédée, duc de Savoie, homme réputé pour avoir de grandes connaissances
militaires, fut chargé de commencer les hostilités, et de s’emparer pour son compte de
tout le pays qui se trouve sur la rive gauche du Rhône. Ce chef, avec une armée de
quarante mille hommes savoyards, piémontais et allemands, sous la protection d’une
flotte anglo-hollandaise forte de deux cents voiles, vint en toute hâte réunir ses forces
dans les environs de Nice, pour pénétrer aussitôt en Provence, qu’il savait dégarnie de
troupes; car l’armée française attendait l’ennemi dans les gorges du haut Dauphiné.
Heureusement la Provence avait pour gouverneur Adhémar de Monteil, comte de
Grignan, qui, quoique âgé de soixante-quinze ans, n’avait point perdu l’habitude de bien
observer l’ennemi, et surtout de deviner tous ses projets. Il instruisit la cour de tout ce
qui se passait; mais les ministres du roi, plus faits pour perdre l’état que pour le
défendre, refusèrent au gouverneur tous les secours qu’il demandait.
A d h é m a r, fâché de ce refus, et sentant approcher le danger, appela à lui toute la
population de Toulon et de ses environs, pour l’aider à fortifier la ville et la défendre
jusqu’à la mort. Nul ne fut sourd à cet appel patriotique. Les matelots des équipages des
galères, les ouvriers de l’arsenal de la marine, et deux bataillons qui arrivèrent des bords
du Var, se réunirent aux habitans, et travaillèrent nuit et jour à seconder le brave et fidèle
gouverneur dans tout ce qu’il croyait utile à la défense de la place.
Pendant que l’évêque de Toulon, Louis-Armand Bonnin de Chalucet, secondé par des
dames pieuses, approvisionnait les hôpitaux de linge, de médicamens et de tout ce qui
pouvait devenir nécessaire aux soldats blessés, de Grignan appela à lui le maréchal de
Tessé qui commandait l’armée du Dauphiné, et fit connaître au roi lui-même les dangers
imminens qui menaçaient la ville Toulon, et les mesures qu’il avait prises pour défendre
la place. Louis XIV, sans consulter ses ministres dont il soupçonnait peut-être la
trahison, autorisa le comte à prendre toutes les mesures qu’il jugerait convenables pour
le salut de cette ville et de toute la province.
L’ennemi traversa le Var sur plusieurs points; et pendant qu’il s’amusait à guerroyer
contre les paysans qui lui disputaient le passage, à piller les églises et les maisons des
particuliers, à incendier les villages qui lui refusaient des vivres et de l’argent; pendant
qu’il essayait inutilement de s’emparer de l’île Sainte-Marguerite, dont la garnison, sous
le commandement de M. de la Mothe-Guérin, força la flotte anglaise à se tenir au large,
et les Savoyards à se frayer un passage dans l’intérieur des terres, de Grignan envoya à
franc étrier un de ses aides de camp au maréchal de Tessé pour lui demander un prompt
secours, et lui faire connaître la route qu’il devait faire suivre à ses troupes, afin
d’arriver en moins de temps sous les murs de Toulon.
La ville n’avait en ce moment ni vivres, ni munitions de guerre, ni argent. De Grignan
envoya toute sa vaisselle à la monnaie; la noblesse de la contrée et l’évêque lui-même
suivirent cet exemple. Ce digne prélat emprunta des billets de commerce, et donna tous
ses biens en garantie; par ce moyen, il fit arriver dans la ville tout ce qui était nécessaire
pour faire bonne contenance devant l’ennemi.
Cependant le duc de Savoie, toujours suivi de seize princes et de quatre ministres des
puissances du Nord, arrive à Pignans pour y attendre la division française qu’il savait
devoir arriver du Dauphiné, et lui livrer bataille comme elle se présenterait. Il était dans
la croyance que la ville de Toulon ne pourrait tenir un jour contre lui, et que toute la
Provence subirait sa loi sans difficulté. Cette présomption lui fit écrire à Lyon qu’en trois
mois il y arriverait avec toute son armée.
A peine sa lettre fut-elle partie, qu’on vint lui annoncer que quatorze bataillons de
troupes françaises, partis du haut Dauphiné, loin de suivre la route militaire, avaient
passé par Riez, Tavernes, Tourves, Roquebrussane, Méounes, malgré l’aspérité des
lieux, et qu’on les avait vus défiler à Solliès, petite ville entre Pignans et Toulon. Cette
nouvelle, qui parut d’abord incroyable, fut bientôt confirmée. Tous les princes et
généraux alliés en furent consternés. Tous auraient voulu battre à l’instant en retraite,
prévoyant l’impossibilité de soumettre une place défendue par huit mille soldats
français. Le duc seul persévéra dans sa première résolution, et déclara prendre pour son
compte tout ce qui pourrait en résulter de fâcheux.
La ville de Toulon pouvait commencer à braver les menaces des Savoyards; mais le reste
de la Provence était entièrement sans défense; car le ministre de la guerre avait envoyé
le reste de l’armée des Alpes sur des points que nul ennemi ne menaçait. De Tessé et
tout son conseil approuvèrent une conduite si blâmable. Le brave gouverneur, voyant la
perte inévitable d’une province qu’il affectionnait, signifia au maréchal qu’il préférait se
retirer plutôt que de contribuer à ce qui ferait la honte des soldats français et le malheur
de son pays. Cette menace, prononcée avec énergie, mit le maréchal en considération; le
conseil changea d’avis; et, dès le lendemain, la division du comte de Drillon vint se
réunir à celle de Goesbriant; et, peu de jours après, arriva celle du général Médavi,
formant en tout dix-huit mille hommes, nombre suffisant pour faire mordre la poussière
à toutes les forces du duc de Savoie.
Cependant les Anglais débarquèrent à l’embouchure du Gapeau toutes les batteries de
siége. Victor Amédée arriva à la Valette, où il campa sur deux lignes qui s’étendaient
depuis ce village jusqu’à la mer. Son premier soin fut de se couvrir de plusieurs
retranchemens, principalement du côté du rivage. Après, il attaqua le fort Sainte-
Catherine à quelques minutes de Toulon; et il éprouva une telle résistance, qu’il fut forcé
de rentrer dans ses retranchemens. Le lendemain, il renouvela son attaque, et fut
repoussé avec perte. Il fut plus heureux à la troisième fois: les assiégés ne pouvant tenir
contre le nombre, et n’étant pas secourus à temps, furent contraints d’abandonner ce
poste et d’aller se fortifier ailleurs.
Maître du fort Sainte-Catherine, le duc de Savoie aurait voulu s’emparer du camp
Sainte-Anne; mais il fut repoussé sur tous les points; ce qui le décida à dresser un grand
nombre de batteries pour attaquer toute la ligne depuis Sainte-Catherine jusqu’à la mer;
et deux autres pour reduire le fort Saint-Louis qui, de concert avec le fort de
l’Aiguillette, qui se trouve sur un des points du rivage opposé, menaçaient l’amiral
anglais d’incendier sa flotte, s’il avait la témérité d’entrer dans la rade.
Il commença par canonner et bombarder la ville. Plusieurs maisons furent détruites, et
les autres auraient éprouvé sans doute le même sort, si le gouverneur ne se fut empressé
d’exciter l’ardeur du maréchal de Tessé. Celui-ci, profitant d’une pluie abondante qui
pendant la nuit forçait les canonniers piémontais à rester oisifs, donna des ordres; un
grand mouvement eut lieu dans le camp Sainte-Anne et sur tous les autres points
occupés par les troupes françaises. Trois colonnes se forment en un instant; le maréchal
les commande. Pendant que Drillon s’emparait de la hauteur de Faron, et que le
brigadier Cadrieux, arrivé par mer, faisait une fausse attaque du côte de la hauteur de la
Malgue, le maréchal arrive sans bruit sous les batteries ennemies.
A la pointe du jour, la bataille s’engage sur toute la ligne. La colonne de gauche
surprend quatre bataillons sardes et les foule à ses pieds; celle de droite, après avoir
éprouvé une heure de résistance, attaque l’ennemi en flanc, le poursuit à la bayonnette,
sans lui donner le temps de faire volte face; la colonne du centre se précipite vers Sainte-
Catherine, renverse tout ce qui veut s’opposer à elle, se rend maître de la chapelle,
attaque ensuite un fort plateau bien défendu, culbute tout ce qu’elle rencontre et jonche
le sol de cadavres. Toute l’armée alliée accourt pour tâcher de conserver ce poste
important; mais elle arrive trop tard. Les principales batteries étant au pouvoir des
Français, ils dirigent les pièces sur les Savoyards, les mitraillent et les forcent à s’enfuir
à la débandade jusque dans le camp de la Valette. Cependant ils conservèrent la batterie
qui se trouvait près du pont de l’Eygoutier.
Le prince Eugène, principal général des alliés, ne fut point laissé tranquille dans le
château des Dardennes. Pour le punir d’avoir incendié le village du Revest, sept
bataillons allèrent l’attaquer, et le chassèrent brusquement de tous les postes qu’il
occupait, et où il laissa son artillerie et ses projectiles. Cette journée coûta à l’ennemi
plus de douze mille morts et un grand nombre de blessés. Le comte de Grignan, malgré
son grand âge, resta douze heures à cheval, et brava tous les périls pour sauver la ville et
illustrer la valeur française. Cette journée du 15 août, fête de la France, sera à jamais
mémorable pour les Provençaux, et surtout pour les véritables Toulonnais.
L’amiral anglais, honteux de n’avoir pris aucune part à cette grande affaire, et ayant
ordre de son gouvernement de détruire une place militaire qui faisait ombrage à la
Grande-Bretagne, se décida à attaquer le fort Sainte-Marguerite qui ne se rendit que
lorsqu’il ne lui fut plus possible de se défendre. Le fort Saint-Louis éprouva le même
sort. C’est alors que la flotte ennemie forma une grande ligne pour foudroyer la ville.
Le duc de Savoie fit un dernier effort pour s’emparer de l’objet de sa convoitise, ou pour
le détruire, à l’aide de quelques mortiers qu’il établit derrière l’Eygoutier. Les habitans,
loin d’être effrayés des bombes et des boulets, se divisent par escouades, se dirigent sur
plusieurs points le long de la côte, enlèvent plusieurs batteries, en construisent une
nouvelle sur la hauteur de la Malgue, y traînent des pièces de trente-six qui forcent
bientôt les galiotes anglaises à s’enfuir aux îles d’Hyères, où déjà se trouvaient les
vaisseaux de la flotte qui avaient transporté les soldats blessés. Le chef des alliés,
redoutant une nouvelle attaque par terre, et ne sentant pas ses soldats capables de la
soutenir, troublé lui-même par les dangers qu’il avait courus, s’empressa d’opérer sa
retraite; et au lieu de prendre la route de Lyon, ainsi qu’il l’avait promis, il fut très-
heureux qu’on lui permit de suivre celle qui devait le conduire en quatre ou cinq jours
hors du territoire français.
Ainsi finit cette fameuse campagne qui couvrit de honte et de ridicule le prince
savoyard, et coûta plus de quatorze mille hommes aux alliés. J’aurais désiré trouver dans
la ville de Toulon un monument qui pût rappeler aux générations futures le zèle et la
générosité de l’évêque Louis-Armand Bonnin de Chalucet, et le courage et le
dévouement patriotique du brave gouverneur Adhémar, comte de Grignan, dont le
souvenir sera toujours cher aux Toulonnais reconnaissans.
Louis XIV récompensa les braves qui s’étaient distingués le plus dans la défense de cette
place, fit réparer les forts l’Aiguillette et Saint-Louis qu’il avait fait construire lui-même,
et fit faire le port neuf ainsi que le magnifique arsenal de marine dont nous parlerons
bientôt.
Louis XV fit construire le fort la Malgue qui protège la rade et la ville, et les tient sous
l’obéissance. On doit également à ce prince l’établissement de la boulangerie hors des
murs de la ville, mais tenant à l’arsenal. Par ce moyen, la ville était à même de se
défendre long-temps contre toute attaque ennemie, et n’avait plus à craindre que le fléau
de la contagion ou des discordes civiles.
Toulon, ainsi que nous l’avons déjà dit, fut surpris trois fois par les barbares africains. Il
fut aussi ravagé par les pestes de 1418, 1461, 1476, 1621, 1630, 1664 et 1720; mais ces
désastres ne sont point comparables à ceux arrivés en cette ville pendant le cours de la
dernière révolution.
Les habitans de la ville de Toulon, dont la généralité avait salué avec une sorte
d’enthousiasme les évènemens de 89, parce qu’ils semblaient assurer la paix et le
bonheur de tous les Français, furent bientôt divisés. Les citoyens paisibles, presque tous
propriétaires, voulaient la liberté, l’obéissance aux lois et le respect pour les personnes et
pour les propriétés; mais quelques hommes passionnés, séduits par des démagogues mal
intentionnés, adoptèrent des doctrines pernicieuses qui devaient faire ruisseler dans la
ville un sang qui n’aurait dû être répandu que pour la défense de la patrie contre les
ennemis de la prospérité française. Le parti propriétaire, connu sous le nom de
sectionnaire, opprimé quelque temps, prit enfin la résolution de se défendre, et
comprima les clubistes.
Ceux-ci n’attendaient que le moment favorable pour reprendre le dessus. Les forces des
sectionnaires étaient réduites à trois bataillons de ligne et à des compagnies de gardes
nationales des communes voisines; celles des clubistes consistaient en l’armée de
Carteaux qui se trouvait déjà dans le département des Bouches-du-Rhône, et en la
division des généraux Lapoype et Gardanne qui, arrivant de l’Italie, avait déjà franchi la
rivière du Var.
Bientôt les sectionnaires de Toulon allaient se trouver entre le sabre de leurs ennemis et
le glaive des bourreaux.
— C’en était fait, dit Maximin Isnard dans sa lettre à Fréron; de nombreux échafauds
allaient être dressés dans cette commune. Déjà les subsistances lui étaient coupées du
côté “ de la terre, elle ne pouvait s’en procurer que par la mer; mais les Anglais, qui en
étaient les maîtres, interceptaient l’arrivée de tout navire. Il fallait donc fléchir devant la
Montagne ou l’escadre, se livrer à la merci de Robespierre et de Fréron, ou de l’amiral
Hood: ceux-là apportaient des échafauds, celui-ci promettait de les briser.
Les uns donnaient la famine, l’autre s’engageait à fournir des grains; Fréron apportait
cette constitution de 1793, écrite avec le plus pur sang, de nos représentans et par la
main du bourreau, sous la dictée de Robespierre, Hood proposait de reconnaître l’ancien
ouvrage de l’assemblée constituante. . . Une portion des habitans eut la faiblesse de
préférer le pain à la mort, la constitution de 1791 au code anarchique et illégal de 1793
le régime ancien mitigé au régime nouveau de la terreur, la tyrannie future des princes à
la tyrannie présente de Fréron et à la dictature de Robespierre. Quel que soit ce crime,
Robespierre et Fréron doivent se le reprocher; leurs usurpations, leurs cruautés, leurs
crimes en furent la seule cause.
Les habitans de Toulon, voyant l’affreuse mort s’avancer à grands pas de leur ville, se
hâtèrent d’envoyer une députation vers l’escadre anglo-espagnole qui bloquait les rades
de Toulon et de Marseille. L’amiral Hood l’accueillit avec bienveillance, déclara qu’il
avait ordre de son gouvernement et de celui de Madrid de sauver la Provence de
l’oppression, distribua une proclamation par laquelle l’amiral, déplorant les malheurs de
la France, exhortait les habitans du Midi à secouer le joug terroriste, et promettait sur
son honneur des secours en hommes et en argent, des vivres et des munitions, et un
heureux avenir à tous ceux qui se rangeraient sous les étendards de la légitimité.
A cette nouvelle, les habitans de Toulon se livrèrent aux plus douces espérances; des
républicains de bonne foi, revenus de leur première illusion, sont les premiers à
proclamer Louis XVII. Tout le monde suit cet exemple; et, sans considérer que deux
armées conventionnelles s’avançaient en toute hâte, toute la ville retentit des cris mille
fois répétés de — Vive Louis XVII.
Cependant le comité général s’assemble pour délibérer une réponse aux propositions qui
lui avaient été adressées par l’amiral anglais. La reconnaissance du prince légitime est
prononcée à l’unanimité; les autres propositions, au nombre de neuf, éprouvent quelques
difficultés; mais, après une si longue discussion et plusieurs amendemens utiles et sages,
ils sont adoptés le 24 août 1793.
Trogoff, amiral de l’escadre française, approuvait la résolution des Toulonnais; mais son
contre-amiral, de Saint-Julien, partisan de la convention, menaça de raser la ville, et prit
des mesures pour exécuter son projet. Les habitans courent aux armes, bien résolus de
faire tête à l’orage dont ils étaient menacés. Des batteries sont établies devant la ville; les
forteresses de la côte allument leurs forges, font rougir des boulets pour incendier les
vaisseaux au premier coup de canon tiré sur l’habitation. Le fort la Malgue braque toutes
ses pièces de gros calibre sur l’escadre. Une scène de carnage allait avoir lieu. Mais
comme les marins ne partageaient pas tous la même opinion; que ceux du Midi, et
notamment de Toulon, ne pouvaient se résoudre à soutenir une cause contraire à celle de
leurs compatriotes; que les marins demandaient de débarquer pour s’en aller dans leurs
foyers; le comité général fit déclarer aux équipages que ceux qui seraient bien aises de
se retirer seraient respectés dans leurs opinions, qu’on leur paierait leur solde, et qu’on
les ferait transporter dans leurs quartiers sur des navires français. Cette promesse toute
pacifique commença à calmer les marins, et les jeta dans l’indécision.
Saint-Julien, qui, d’après les conseils de Carteaux, s’était fait reconnaître amiral par ses
équipages, fit signal d’appareiller. Tous les bâtimens obéirent, moins une frégate,
nommée la Perle, qui vint jeter l’ancre entre les deux chaînes. L’amiral Trogoff, qui se
trouvait à terre, se rendit sur la frégate, arbora son pavillon, et fit signal de ralliement
sous peine d’être traité comme ennemi. Deux vaisseaux s’empressèrent de se ranger
sous le pavillon de leur véritable amiral; les autres suivirent insensiblement cet exemple.
Deux ou trois seulement n’obéirent pas à cet ordre. Saint-Julien, voyant sa cause perdue,
fut un instant indécis sur le parti qui lui restait à prendre. En se soumettant aux
Toulonnais, il aurait craint d’être puni comme rebelle; s’il se sauvait dans l’intérieur, il
suffisait qu’il n’eût pas réussi, pour être puni de mort. Il finit par se constituer prisonnier
à l’amiral espagnol qui l’envoya à Barcelonne, où il mourut de remords.
A la lecture de la déclaration de la ville de Toulon, l’amiral anglais se montra si satisfait,
qu’il fit dire aux Toulonnais qu’il paierait en numéraire tout ce qui était dû aux
équipages, pourvu que les bâtimens désarmés fussent placés dans le port intérieur. Le
premier débarquement des troupes anglaises eut lieu au cap Brun, en présence d’un
détachement de la garde bourgeoise. Le fort la Malgue, déjà occupé par des Français, ne
baissa le pont-levis que lorsque les Anglais eurent quitté les rameaux de laurier dont ils
avaient orné leurs têtes. Les troupes espagnoles débarquèrent ensuite. L’amiral Hood,
d’abord en touchant terre, et puis dès qu’il fut rendu dans l’hôtel-de-ville, renouvela la
promesse d’occuper la ville au nom de Louis XVII, et de la restituer à la France au
rétablissement de la paix. Des vivres et des munitions arrivèrent en quantité, suivis de
l’escadre napolitaine chargée de troupes du roi de Sardaigne. Chaque fort reçut une
garnison mi-partie de Français et d’étrangers; et toutes les promesses furent tenues de
part et d’autre avec ponctualité.
A la nouvelle de l’occupation de Toulon par les troupes étrangères, la convention rendit
un décret fulminant contre cette ville et ses malheureux habitans. Tous les citoyens
étaient appelés à la vengeance. Ce décret atroce finissait par ces mots:
— Que la vengeance soit inexorable; ce ne sont plus des Français, ce ne sont plus des
hommes; ils ont foulé aux pieds tous les droits, tous les titres de l’humanité; la France
les a perdus, et l’Angleterre ne les a pas gagnés; ils n’appartiennent plus qu’a l’histoire
des traîtres et des conspirateurs. Que les lâches habitans de Toulon, l’horreur et la honte
de la terre, disparaissent enfin du sol des hommes libres; et que Toulon, son port et ses
escadres rentrent sous les lois de la France!
Cette pièce, dictée par la rage et la fureur, fut brûlée à Toulon par la main du bourreau,
en vertu d’une sentence du tribunal populaire.
Des représentans du peuple, ministres des fureurs de la Convention, accoururent dans le
Var pour le couvrir de larmes et de deuil. Les habitans des communes de ce département,
que des affaires particulières ou administratives avaient attirés dans Toulon, et qui
n’eurent ni le temps ni le pouvoir d’en sortir lorsque les troupes étrangères en prirent
possession, furent soumis à la loi des émigrés, c’est-à-dire à la peine de mort. Leurs
familles furent incarcérées, leurs biens séquestrés et vendus au profit de l’état; en un
mot, une multitude d’innocens furent poursuivis et punis comme des criminels.
Les deux armées conventionnelles s’avancent vers Toulon, sous la direction des
représentans. La mésintelligence qui régnait entre les Espagnols et les Anglais, fit qu’ils
ne songèrent pas, à aller se fortifier au village d’Évenos, pour défendre le passage des
vaux d’Ollioules à Carteaux. Cependant, quelques centaines d’hommes des troupes
alliées, secondés par plusieurs compagnies de garde bourgeoise, allèrent surprendre
l’avant-garde de Carteaux, la chassèrent d’Ollioules, et lui prirent deux canons. Elles
auraient pu la poursuivre jusqu’au-delà du défilé, et se rendre maîtres des hauteurs; mais
les Anglais, préférant le séjour de la ville à celui de la campagne, se contentèrent de
laisser quelques hommes peu capables de se soutenir à un village qui pouvait être
attaqué de deux cotés. Carteaux profita de cette faute: il divisa son armée, et pendant
qu’une colonne attaquait le village d’Événos, l’autre, qui avait tourné la montagne en
passant par Bandols et par Saint-Nazaire,s’empara sans difficulté du village d’Ollioules,
et y établit son quartier de réserve; car ses avant-postes occupèrent toutes les hauteurs
depuis le Revest jusqu’à la Seyne, et tenaient en échec plusieurs forteresses qui
défendaient les approches de la ville.
Toulon n’avait en ce moment que six à sept mille soldats français ou étrangers, dispersés
dans les différentes fortifications qui entourent la rade et la ville, savoir: à l’est, la
Grosse Tour, le fort la Malgue, la redoute du Cap-Brun, les forts Sainte-Catherine et
d’Artigues; au nord-est, le fort, les casernes et la redoute de Faron ou Pharaon; au nord-
ouest, les forts et les redoutes de Saint-Antoine, des Pomets et de Saint-André; à l’ouest,
la redoute de Malbousquet; au sud, la tour de l’Aiguillette et les redoutes Balaguier,
connues sous les noms de fort Caire, fort Malgrave, petit Gibraltar. Il arrivait
journellement des troupes piémontaises et napolitaines; mais aussi les armées
conventionnelles se renforçaient continuellement, et devenaient chaque jour plus
imposantes.
Tout le mois de septembre fut employé à des préparatifs d’attaque ou de défense par les
deux partis. Le 1er octobre, quelques conventionnels surprirent deux avant-postes qui
défendaient l’approche de Pharaon du côté du nord; mais, le lendemain, ils en furent
délogés, et périrent presque tous, soit par les armes, soit en se précipitant du haut de
plusieurs rochers escarpés.
La redoute Malbousquet devint le point de mire des conventionnels. En s’emparant de ce
point, ils étaient assurés de battre la ville et de la raser en peu de temps.
Bonaparte eut ordre de lui opposer trois batteries: celle dite de la Convention fut établie
aux Arènes; les deux autres furent placées à la Goubran et à Mortiers des gaux.
Balaguier et le petit Gibraltar, dans la presqu’île Caire, étaient battus par plusieurs
batteries établies sur les hauteurs de la Seyne; mais ces batteries étaient contrariées par
un vaisseau de ligne, des chaloupes canonnières et bombardières, et un fort ponton armé
de mortiers et de canons de 36, qui s’étaient embossés à Castineau.
Les alliés commirent plusieurs fautes qui furent fort avantageuses aux assiégeans. Pour
réparer ces fautes, une sortie eut lieu du côté de l’ouest, et les conventionnels furent
forcés d’abandonner plusieurs de leurs batteries. Le lendemain, une autre sortie eut lieu
du côté de l’est, et brûla le camp que les conventionnels avaient établi à la Valette. Les
Toulonnais n’ayant pas su tirer parti de ces deux avantages, les conventionnels
s’approchèrent de nouveau, battirent en brèche Malbousquet, donnèrent l’assaut; mais ils
furent repoussés avec perte. L’espoir de mieux réussir ailleurs, fait qu’ils se portent en
force sur Balaguier, où ils éprouvent une résistance opiniâtre. Ils retournent à la charge,
ils s’approchent jusqu’aux pièces, et ils sont mitraillés et forcés de se retirer en désordre.
Dans ces entrefaites, deux plénipotentiaires anglais arrivent, et donnent à connaître la
mauvaise foi de leur cabinet. L’inquiétude se répand dans toute la ville. Le comité
général et celui de surveillance se réunissent, et décident d’appeler dans Toulon tous les
princes français, à l’exclusion de la maison d’Orléans, afin d’établir la régence. Le chef
d’escadre espagnol approuve ce projet; mais le chef anglais refuse de s’y prêter. On le
soupçonnait d’être d’intelligence avec les armées conventionnelles, et on en fut
convaincu, lorsqu’on le vit désarmer la garde bourgeoise, sous le prétexte d’armer des
troupes de ligne qui n’étaient point arrivées et qu’il n’attendait pas.
O’Hara, nouveau gouverneur anglais, instruit que la batterie de la convention foudroyait
Malbousquet, ne put refuser d’ordonner une sortie pour aller enclouer les pièces. Loin de
rester à son poste et d’envoyer un autre général, il conduisit lui-même les troupes,
s’empara de la batterie; mais il avait oublié de se procurer des clous. Tout autre que lui
se serait établi à la batterie, et aurait dirigé les pièces contre ses adversaires, jusqu’à ce
que d’autres troupes de la ville fussent venues l’appuyer. L’affaire aurait été décisive; car
Dugommier, qui avait remplacé Carteaux, avait déjà ordonné d’évacuer Ollioules. Mais
O’Hara, vendu déjà aux conventionnels, laissa sa réserve poursuivre les fuyards
jusqu’au camp de l’Escaillon, sans daigner la faire soutenir. Aussi ces derniers se
rallièrent; un combat meurtrier s’engagea; la réserve, très inférieure en nombre, fut
repoussée; le hasard, ou plutôt une permission divine, fit recevoir deux blessures au
traître gouverneur. Ses soldats voulaient le sauver, Il s’y opposa formellement. Il voulut
se faire prendre prisonnier, afin d’exécuter les ordres de son gouvernement. Les
conventionnels reprennent leur batterie, tentent d’enlever Malbousquet à l’assaut; mais
ils sont de nouveau repoussés par la mitraille et la mousqueterie.
Un prétendu parlementaire, sous le prétexte d’aller appeler un chirurgien anglais pour
soigner O’Hara, entra dans Toulon, et changea plusieurs notes avec l’amiral Hood. Le
lendemain, deux commissaires conventionnels furent également introduits dans la ville,
et eurent un long entretien avec Dundas, autre général anglais, qui commandait les
troupes de terre. On assure qu’ils traitèrent de la reddition de la place, et qu’ils
comptèrent la somme convenue. Dès lors, les Anglais, maîtres absolus de l’arsenal, ne
songèrent plus qu’à réparer leurs vaisseaux ainsi que ceux de l’escadre française qu’ils
se proposaient d’enlever, et laissèrent leurs alliés guerroyer avec les conventionnels, qui
établissaient sur tous les points de nouvelles batteries.
Dugommier et ses généraux assemblés, instruits de tout ce qui se passait, décidèrent de
réunir tous leurs efforts contre le grand camp et le petit Gibraltar, afin d’obliger les
escadres combinées à s’éloigner de la rade et à abandonner la ville. Dans la nuit du 26 au
27 décembre, et à la faveur d’une grande pluie, les troupes s’ébranlèrent, et se dirigèrent
principalement sur la presqu’île Caire réputée imprenable. Le premier choc fut terrible;
mais il n’eut aucun résultat. Une seconde attaque encore plus meurtrière fit dire à
Dugommier:
— Je suis perdu! La pluie devint encore plus forte.

Une troisième attaque fut hasardée. Des hommes de la Seyne, connaissant parfaitement
le pays, conduisirent une colonne, tantôt par des précipices, tantôt en marchant dans la
mer. Elle attaque le petit Gibraltar d’un côte, tandis que le gros de l’armée se précipite
sur l’autre. Les assiégés, ne s’attendant pas à être pris entre deux feux, oublient leurs
moyens de défense.
Quelques Anglais crient sauve qui peut. A ce cri, les soldats jettent les armes et prennent
la fuite. La batterie est enlevée les autres postes de la presqu’île ne peuvent tenir long-
temps. Les conventionnels s’en emparent, et prennent leurs mesures pour s’y maintenir.
Dès ce moment la consternation fut générale dans la ville. Les réfugiés demandèrent des
armes: ils auraient voulu reprendre la presqu’île. . . . Ils l’auraient pu en l’attaquant par
mer; mais les Anglais, ne trouvant pas leur compte à cette résolution, promirent de la
reprendre eux-mêmes, et firent pour cela quelques fausses démonstrations. Dans la
journée du 17, des troupes conventionnelles s’emparèrent sans résistance des hauteurs de
Pharaon. Les Anglais auraient voulu cacher encore aux habitans le danger imminent où
se trouvait la ville. Les traîtres avaient déjà fait tous leurs préparatifs de départ! Aussi,
voyant qu’ils ne pouvaient plus tromper, ils incendièrent l’arsenal, s’emparèrent de
plusieurs vaisseaux, et s’éloignèrent d’une ville qui allait être livrée aux plus effroyables
malheurs.
Comme les Anglais s’embarquaient, les habitans, chargés de ce qu’ils avaient de plus
précieux, accouraient sur le quai, et demandaient, en fondant en larmes, une place sur les
navires. Ils sont repoussés avec rudesse, avec inhumanité; quelques-uns seulement
obtiennent à prix d’or un recoin dans la cale des vaisseaux. La population revient plus
nombreuse encore, et malgré ses cris de désespoir, elle est de nouveau repoussée. La
foule erre par toute la ville, sans savoir où tendaient ses pas. Elle entre dans les églises,
où le saint-sacrement était exposé.
Langara, amiral espagnol, et Moreno, général de la même nation, ignoraient entièrement
ce qui avait pu déterminer la conduite des Anglais. S’ils ont capitulé, se disaient-ils, ils
auront pris un certain délai pour que nous puissions nous retirer sans confusion. Mais
quand ils furent instruits de leur perfidie, les Espagnols prirent leurs mesures pour
évacuer la place. Un grand nombre de malheureux trouvèrent un asile sur leurs
vaisseaux déjà encombrés de malades, mais ils ne purent se charger de grands effets; les
rues voisines du port restèrent encombrées de malles et de ballots comme dans une ville
livrée au pillage.
Les troupes royalistes avaient évacué les forts Artigues et Malbousquet; les
constitutionnels s’en étaient emparés.
Ils commencent un feu vif sur la ville. La population se précipite une troisième fois vers
le port. Les femmes, les enfans sont renversés et foulés aux pieds.
Les premiers arrivés sont précipités dans l’eau; les autres s’élancent en désespérés sur
les embarcations. Ils s’y pressent, ils s’y étouffent. A peine les rameurs peuvent se
mouvoir. Un grand nombre de ceux qui nageaient sans espoir s’accrochent aux canots.
Ils s’efforcent d’y entrer, sans songer que la moindre secousse peut les faire sombrer.
Les soldats sont dans la cruelle nécessité de faire usage de leurs sabres pour se préserver
d’une mort funeste. Dans ce désordre affreux, le fils ne peut suivre son père, la mère
abandonne ses enfans, des familles sont divisées et dispersées, sans savoir si elles
pourront se réunir un jour. La nuit arrive. Les Napolitains, prenant une foule d’habitans
qui s’avancent vers le port, pour un bataillon de conventionnels, font sur elle une grande
décharge de mousqueterie qui jonche le sol de morts et de blessés. Un corps de cavalerie
espagnole, dans la même erreur, poursuit ces malheureux dans les rues, et sabre tous
ceux qui ne peuvent se cacher. La foule revient sur le quai; les uns se jettent
volontairement dans l’eau pour se délivrer d’une vie importune; les autres se précipitent
dans des chaloupes ou dans des bateaux pêcheurs, et, sans savoir manier la rame ni le
gouvernail, ils errent dans les ténèbres, se heurtent, se poussent, se brisent contre les
môles. Ceux qui ont le bonheur de sortir du port, se dirigent vers les escadres qui sont
encore en rade, et demandent d’abord aux Anglais la grâce d’être admis dans leurs
bords. Les factionnaires répondent:
— Les Anglais ne reçoivent personne, et menacent de faire feu sur ceux qui ne
s’éloigneraient pas promptement, Langara, le sensible Langara, outré d’une pareille
conduite, s’écria, en versant des larmes: pauvres Français! nous sommes venus pour
vous assassiner. A l’instant, il ordonne de les recevoir. Les Napolitains suivent cet
exemple. Les Anglais, tout honteux, se décident à en faire autant. Bientôt le vent devient
favorable. Les amarres sont retirées, les voiles déployées, les cordages tendus, l’ordre du
départ se fait entendre; et, au lever du jour, les vaisseaux et un grand nombre de
malheureux Français étaient déjà bien loin.
De nouveaux cris de frayeur retentissent dans toute la ville. L’horrible clarté que
répandait l’arsenal tout en feu, avait fait croire aux habitans qu’ils allaient être dévorés
par les flammes. Tout le monde est sur pied; hommes, femmes, enfans, tous courent dans
les rues, dans l’espoir d’échapper au funeste incendie. Les bombes et les boulets que les
conventionnels envoyaient sur la ville, dispersaient un instant la foule; mais elle se
réunissait bientôt pour chercher un moyen de salut. Quelques hommes résignés à la
mort, voulant, s’il se peut, sauver la vie de leurs femmes, de leurs enfans, courent vers
les poudrières, et arrachent les mèches qui devaient les faire sauter. Les ouvriers, les
matelots rivalisent de zèle avec les habitans, pour sauver le peu de vaisseaux que les
Anglais avaient laissés. Les forçats même, oubliant ce qu’ils ont été, et ne songeant qu’à
ce qu’ils devaient être, se précipitent dans les flammes, et ne négligent rien pour les
éteindre. Heureusement pour la ville et les habitans, le vent change, et une forte pluie
vient seconder les efforts des Toulonnais. Les flammes cessent de s’élever. Pendant que
la multitude jette de l’eau sur les brasiers et sur le bois à demi-brûlé, quelques hommes,
voulant épargner aux habitans l’horreur qu’essuie ordinairement une ville prise d’assaut,
vont ouvrir les portes aux soldats de la convention. Quelques Allobroges, avides de sang
et de pillage, se présentent les premiers; et, guidés par des clubistes de la ville, ils
balaient les quais et les rues de tous les effets précieux abandonnés par les fugitifs. Les
deux armées conventionnelles entrent aussi dans la ville. Le corps de la marine, qui avait
travaillé toute la nuit à éteindre l’incendie pour conserver à la France une ville, un
arsenal, des vaisseaux, et surtout des citoyens dignes d’éloges et de pitié, se porte au
devant des représentans pour se mettre sous leur protection. Deux cents de ces
malheureux, pris indistinctement, sont saisis et alignés sur la place du Champ de
Bataille, contre le mur de la corderie; et, pour récompenser leurs longs services
militaires et leur dévouement de la dernière nuit, ils sont fusillés sans commisération.
Leurs cadavres sont foulés aux pieds et traînés dans les rues, aux cris de: — Vive la
république, vive la liberté, vivent les sans-culottes.
Les représentans font fusiller une marine qui faisait respecter le pavillon français sur
toutes les mers. Fidèles aux ordres atroces de la convention, ils font éprouver le même
sort aux citoyens honnêtes qui leur sont désignés par des scélérats que, pendant le siége,
on s’était contenté de détenir sur le vaisseau le Themistocle, afin de les empêcher de
faire du mal. La place du Champ de Mars fut le théâtre du carnage. Les Toulonnais y
étaient appelés en masse. Là:
— Les cannibales, dit le même Maximin Isnard que nous avons déjà cité, les cannibales
s’élancent dans les rangs ils choisissent leurs victimes au gré du caprice, des passions,
du hasard; l’un saisit son ennemi, l’autre son rival, un troisième son créancier; ils
arrachent le père des bras de son fils, le fils des bras de son “ père, et les entraînent avec
furie. Vainement ceux qu’ils saisissent se jettent à leurs pieds, en leur rappelant leur
ancienne amitié, les liaisons de l’enfance, la parenté qui les unit. . . . Des soldats ont le
courage de favoriser la fuite de quelques malheureux qui implorent leur pitié; mais déjà
plusieurs centaines de citoyens sont alignés le long de la fatale muraille.
Un instant après ils ont cessé de vivre. Cette scène déplorable se renouvela plusieurs
jours de suite, et l’on ne fusillait jamais moins de deux cents personnes à la fois. D’un
autre côté, la guillotine, placée sur le Champ de Bataille, était toujours en permanence;
c’est là qu’on fit la cruelle expérience que dix personnes pouvaient être décapitées en
cinq minutes.

La mort de Robespierre fit tomber les échafauds, et brisa le glaive des assassins. Ceux
qui avaient eu le bonheur d’échapper au carnage purent se montrer sans crainte et sans
effroi.
Cependant les terres et les maisons des pauvres fugitifs furent vendues au profit de
l’état. L’arsenal reprit son activité; le chantier construisit de nouveaux vaisseaux pour
remplacer ceux que les Anglais avaient emmenés contre la foi des traités. La ville fut
réparée, et vit bientôt disparaître les traces du bombardement qu’elle avait essuyé.
L’école forma de nouveaux marins, au grand mécontentement de la Grande-Bretagne.
Aussi, cette nation rivale et ambitieuse, non contente de nous avoir privé de nos
vaisseaux, d’avoir fait fusiller notre marine, cherchait, en 1815 immédiatement après les
cent jours, à faire entrer dans cette ville quelques-unes de ses légions, sous le prétexte de
forcer les habitans à reconnaître l’autorité de Louis XVIII; mais, dans le fait, pour nous
ravir encore nos vaisseaux et incendier notre arsenal. Heureusement la Provence n’avait
point encore oublié 1793; des gardes nationales se rendirent en toute hâte dans Toulon,
et déjouèrent par là les projets criminels des ennemis de la paix et de la prospérité
française.
Il arrive peu d’étrangers dans Toulon qui ne désirent de connaître son bel arsenal; mais
peu obtiennent la permission d’y entrer pour en admirer les beautés.

La porte de ce vaste local est ornée de colonnes d’ordre dorique, détachées du fond, de
bas-reliefs, de trophées de marine, et de deux figures, l’une de Mars et l’autre de
Minerve. Au milieu est un écusson avec des trophées et des cornes d’abondance d’où
sortent des coquillages. A l’une des extrémités de l’attique, on voit un génie qui
embrasse un faisceau de lauriers; à l’autre, un génie qui tient un faisceau de palmes; aux
deux extrémités sont des trophées d’instrumens relatifs aux sciences qui ont rapport à la
marine et à la navigation.
Le bassin se trouve dans l’arsenal. C’est le fruit du génie du célèbre ingénieur
Grogniard. Il fit construire sur l’eau un énorme caisson en bois, qu’il fit remplir de dix-
huit cents pièces de canon de fer ou de fonte. Le poids fit plonger ce caisson. On bâtit
dans son intérieur le bassin existant qui a cent quatre-vingts pieds de longueur, quatre-
vingts de largeur et dix-huit de profondeur. Vingt-huit pompes, mues par des forçats, le
mettaient à sec en dix-huit heures seulement. Aujourd’hui, une seule pompe à vapeur
fait en moins de temps le même ouvrage. Une sorte de bateau conique, appelé bateau-
porte, ferme l’entrée du bassin, dès qu’on y a fait entrer le vaisseau qu’on veut radouber
ou cuivrer. Lorsqu’on veut faire entrer l’eau dans le bassin, on décharge le bateau-porte
qui s’élève insensiblement jusqu’au haut de la coulisse où on l’avait fait entrer. Dès que
le bassin est mis à sec, on y descend par un escalier en pierres de taille pour aller
ramasser une grande quantité de poissons qui sautillent dans le fond.
La belle et vaste corderie, toute couverte, fait l’admiration des étrangers. Les forçats y
sont occupés à filer le chanvre pour la fabrication des voiles. Tous les fuseaux sont mis
en mouvement par un seul engin à bras; et chaque homme file environ une livre de
chanvre par jour, ce qui lui donne de vingt à vingt-cinq centimes pour ses petits besoins.
D’autres forçats y filent des ficelles qu’on goudronne. Un certain nombre de ficelles
roulées ensemble forment un cordon ou forte corde; trois cordes forment un aussière, et
trois aussières composent un câble plus ou moins gros, selon la grandeur du navire
auquel on le destine.
Au-dessus de la corderie, on prépare la filasse pour la filature et pour la corderie. Tout
près est la voilerie, où un grand nombre d’ouvriers sont continuellement occupés à tisser,
coudre et raccommoder les voiles.
L’atelier des forgerons vient ensuite, et la plupart des ouvriers y sont enchaînés deux à
deux. Plus loin est la fonderie, au devant de laquelle une immense quantité de canons de
tous calibres semblent menacer l’univers d’une prochaine destruction. L’atelier des
armuriers est également dans l’arsenal, et peu éloigné de celui des charpentiers et des
menuisiers, où l’on voit quelquefois des tas énormes de jambes de bois, dont chaque
vaisseau se charge pour en faire la distribution à ceux qui perdent une jambe dans un
combat.

Le magasin général offre en tout temps tout ce que l’on peut désirer d’y voir, depuis une
broquette jusqu’à l’objet le plus lourd et le plus volumineux. La salle d’armes mérite
d’être vue en temps de paix; mais elle n’intéresse pas autant les curieux que la salle des
modèles, ainsi nommée à cause des modèles qu’on y trouve de toutes sortes de navires
français ou étrangers, et de tout ce qui a rapport à la marine.
Dans ce même arsenal il y a des locaux où sont logés les forçats. Ceux en bâtisse sont
appelés bagnes, et ceux en bois, galères, quoique recouverts d’un toit. Les forçats sont
enchaînés deux à deux. Leur chaîne pèse vingt-deux livres, et l’anneau de fer qui est à
une jambe, quatre livres et demie. Un délit un peu grave fait, qu’en outre de la
bastonnade, on leur met une double chaîne et un double anneau. Croira-t-on que cet état
pénible et humiliant, loin de corriger les hommes, en fait souvent de grands fripons, et
surtout des faussaires très-adroits? Il n’est pas d’hommes plus habiles que les forçats à
contrefaire les écritures et imiter les signatures les plus difficiles. Heureux sont ceux qui
mettent leur adresse et leur habileté à exceller dans le métier qu’on leur apprend, et qui
doit, au sortir de ce lieu de flétrissure, leur assurer une existence honnête pour le reste de
leur vie.
Les grands artistes qui visitent Toulon aiment à s’extasier devant les deux Hercule qui
soutiennent le balcon de l’hôtel-de-ville, et qui sont l’ouvrage du fameux sculpteur Pujet
de Marseille. Ces deux statues vivront plus que l’édifice qu’elles honorent, a dit un
admirateur de ce siècle. Si Toulon doit un jour subir le sort de Palmyre, quand les
barques des pêcheurs viendront seules sur cette rive déserte, et que les débris du
pompeux arsenal seront couverts par la mousse et le lierre, alors les étrangers, admirant
ces frappans vestiges et les deux Hercule mutilés, se feront une haute idée du siècle qui
produisit de tels ouvrages.
On sait que Louis XIV, ayant fait venir de l’Italie Bernin, réputé pour être le meilleur
sculpteur du siècle, celui-ci, croyant arriver dans une terre encore étrangère aux beaux-
arts, resta stupéfait, lorsqu’en débarquant à Toulon, il vit, en face de la barque qui l’avait
apporté, les deux statues du Puget fraîchement mises en place. Il s’informa du nom de
l’ouvrier qui les avait faites; et dès qu’il sut que cet ouvrier était de Marseille et qu’il
existait encore, il s’écria: Si l’auteur de cet ouvrage est sujet du roi de France, pourquoi
ce Monarque m’envoie-t-il chercher du fond de l’Italie!
Aussitôt il se rembarqua, et retourna à Rome.
La ville de Toulon, eu égard à sa population, est d’une fort petite étendue. Aussi les
étrangers trouvent difficilement à s’y loger, même à des prix exorbitans. Une seconde
ville, spéciale pour le commerce est devenue indispensable. En vain le génie militaire
alléguera-t-il, pour s’y opposer, qu’une nouvelle ville, à l’est de l’actuelle et au bord de
la mer, pourrait servir de retranchement à une armée assiégeante, et favoriser l’attaque et
la soumission de la ville ancienne. Il faut que les habitans et les étrangers se logent et
puissent se livrer à leur industrie. Ce sera ensuite au gouvernement à faire construire de
nouvelles fortifications pour défendre l’approche de la ville projetée, qui, en peu
d’années, sera aussi considérable que la première. Cette nouvelle ville, bâtie sur un plan
bien conçu, offrira, plus de régularité, et peut-être plus d’édifices remarquables que celle
existante, quoique celle-ci en ait plusieurs qui méritent l’attention des curieux.
Indépendamment de l’hôtel-de-ville, nous citerons principalement l’hôpital de la marine,
la nouvelle caserne, la paroisse Saint-Louis, le palais de justice, etc. Le théâtre n’étant ni
assez vaste ni passablement situé, on a le projet de le transporter au même local où se
trouve l’hôpital du Saint-Esprit.
On trouve à Toulon une école navale, une école de marine, et une école de chirurgie qui
forme de bons sujets pour la marine royale. La société des sciences, belles-lettres et arts
du département du Var est séante à Toulon. Quoique cette société ne date que du
commencement de ce siècle, elle s’est déjà acquise une réputation bien méritée, soit par
le choix de ses membres, soit par le zèle qu’ils mettent à propager leurs lumières, fruits
de leurs recherches et de leurs observations. Il est à regretter que cette société ne soit pas
suffisamment encouragée par l’autorité. . . .
On aimerait la voir se réunir dans un local spacieux,
commode, élégant, digne d’une pareille institution et des personnes qui en font la gloire;
on aimerait aussi voir dans son sein une bibliothèque bien assortie, un musée, un cabinet
d’histoire naturelle et d’antiquités, pour que chaque membre résidant eût sous la main
les documens nécessaires à la partie qu’il traite et qu’il veut approfondir. Ces avantages
seraient un sûr moyen pour que cette société académique, qui fait le plus grand honneur
à la ville de Toulon, se soutint et augmentât de plus en plus le nombre de ses
correspondans.
La principale industrie de la ville de Toulon est la construction de la marine royale et la
fabrication de tout ce qui y est relatif. C’est ce qui occupe et nourrit presque la moitié
des habitans. Hors de l’arsenal, on trouve une teinturerie pour le coton, des fabriques de
savon, de draps et de bonnets, des tanneries, un moulin à farine mu par la vapeur, etc. On
pourrait établir avec avantage plusieurs autres fabriques dans le territoire, à cause de la
grande quantité d’eau et de la belle mine de charbon de terre qu’on a récemment
découverte au quartier des Routes, et qui paraît être très-abondante et d’une excellente
qualité.
Le principal commerce de Toulon consiste en grains importés, et en huile, vin, câpres,
figues et passes qu’on récolte dans le territoire et dans les lieux circonvoisins. Le vin du
quartier de la Malgue est un des plus estimés de la Provence, celui des autres quartiers
est embarqué pour la marine, pour les colonies et pour les différens ports de l’Italie et du
Levant.
Les dehors de Toulon sont très-agréables, à cause de ses amphithéâtres, de ses belles
maisons de plaisance et de ses beaux points de vue. Non loin de la ville il y a un petit
jardin des plantes fort riche en productions étrangères. Dans la campagne on voit une
infinité de plantes exotiques qui s’y sont acclimatées. On remarque principalement le
phormium tenax, ou lin de la nouvelle Zélande, qui ne manquera pas de se multiplier
dans toute la basse Provence, dès qu’on aura reconnu l’utilité.
Il se tient à Toulon deux foires dans l’année, qui durent huit jours. Elles commencent le
15 mai et le 15 novembre. Pop. 28,420 hab.
Les communes du ressort des deux justices de paix du lieu sont, Toulon, la Garde, le
Revest et la Valette.

TOULOUBRE. Petite rivière qui prend sa source au-dessous de Vénelles, et se jette dans
l’étang de Berre, près de Saint-Chamas.

TOUR D’AIGUES. Village du canton de Pertuis, à 9 lieues d’Apt. L’origine de son nom
dérive d’une belle tour carrée que les Romains, premiers habitans du lieu, firent élever à
l’endroit où l’on voit les ruines d’un vaste château; et par les belles eaux qui entourent le
village et qui arrosent la plaine. Il y a eu, sans doute, d’autres monumens dans le pays, à
en juger par une inscription qu’on y trouva en l’honneur du dieu Mars, surnommé
Belladoni, mot gaulois qui signifie guerrier.
Le village de la Tour-d’Aigues a acquis une sorte de célébrité dans l’histoire moderne, à
cause d’un superbe château qui fut construit par l’amour et la folie. Le baron de Santal,
espérant avoir la visite de Marguerite de Valois, première femme de Henri IV, fit des
dépenses excessives, non seulement par la construction de ce vaste monument, mais par
la magnificence et la richesse de son ameublement, par une belle galerie de tableaux de
prix, par une superbe bibliothèque, par un vaste cabinet d’histoire naturelle contenant
toutes les curiosités qu’on trouve en Provence, par un parc magnifique où se trouvaient
beaucoup d’arbres étrangers enfin, par un jardin fort vaste, où l’on cultivait une infinité
de plantes exotiques donnant des fleurs odoriférantes, ainsi que toutes les plantes
indigènes qui embellissent nos parterres.
Marguerite de Valois ne crut pas devoir visiter ce lieu. Mais, en 1559, Catherine de
Médicis, suivie de plusieurs personnes de sa cour, vint y passer vingt-quatre heures. Le
feu a dévoré ce vaste édifice, vers la fin du siècle dernier. Il n’en reste que quelques
lambeaux qui ne signifient plus rien.
Le sol de ce pays est fertile et bien cultivé. Il produit toutes sortes de grains, de la bonne
huile, différens fruits, beaucoup de chanvre, et surtout beaucoup de vin; les vers à soie,
des filatures et une fabrique d’organsin sont l’industrie du lieu. Le territoire contient de
belles mines de fer et de charbon de terre qu’on pourrait exploiter avec avantage, et
conserver le bois des forêts qui dépérissent sensiblement. L’établissement de plusieurs
forges serait une nouvelle industrie pour le pays, quoique tout le monde y jouisse d’une
honnête aisance. Pop. 2,500 hab.

TOUR-DE-BOUC. Voyez ce que nous en avons dit: au mot MARTIGUES.

TOUR-DE-SAUMANE. Tour au bord de la mer, près du hameau de Séon, sur la côte de


Marseille.

TOURNOUX, Tornosius. Ancien village, aujourd’hui hameau de Saint-Paul, en dessus


de Barcelonnette. C’est le plus ancien lieu de la vallée. Turnus, général romain, lui
donna son nom, lorsqu’il y fit camper son armée pour s’opposer au passage d’Annibal.
Glaucula, femme de Turnus, donna le sien au petit hameau de Gleissoles, où elle fut
inhumée.
Dans le dix-septième siècle, on trouva dans le territoire de Tournoux, les ossemens d’un
célèbre proscrit romain nommé Muscius, qui donna le nom à la vallée de Barcelonnette
(vallis Muscia ou vallis Mutii), vulgairement Val de Mous.
L’église de Tournoux est fort ancienne. Dans le principe, c’était un temple dédié à
Jupiter. On voit dans cette église les restes du dernier rejeton de la maison de Guise, qui,
en 1747, se tua dans ce hameau d’un coup de pistolet.
Ce hameau est sur une éminence qui domine une plaine en forme de jatte. Cette plaine
est sur une élévation au bas du col de l’Argentière ou de la Magdeleine, mais séparée par
un défilé fort étroit où il ne saurait passer un chariot. Du temps des guerres de la France
avec le Piémont, on place des troupes dans la plaine de Tournoux. La nature a si bien
fortifié cette position, qu’elle ne peut être forcée que très-difficilement; encore, dans ce
cas, on pourrait se procurer plusieurs sorties pour entrer dans le Dauphiné. Nous
pouvons assurer que la plaine de Tournoux est le plus beau camp naturel qu’il y ait dans
le monde. Trois cents hommes empêcheraient une forte armée de passer. On y voit
plusieurs restes de fortifications qu’on remettrait en état en peu de jours et à peu de frais.
Comme une armée d’invasion ne peut y arriver avec du canon, on n’y élève qu’un
simple mur garni de meurtrières. On le couvre, pour qu’un poste puisse y être à l’abri
des injures du temps. Il y en a encore un en assez bon état à sept minutes de Tournoux,
sur le chemin de Saint-Paul; et un autre vers le bas de la hauteur et près du hameau de
Gleissoles. Il y faudrait encore deux batteries, une visant au chemin de l’Arche, et
l’autre pour balayer le côte de Saint-Paul; et cette position serait inabordable.

TOURRETTES-LES-FAYENCE. Village du canton de Fayence, à 6 lieues et demie de


Draguignan, ancienne dépendance de la commune de Calian.
La tradition porte que, du temps des guerres de religion, quelques soldats carcistes se
réfugièrent dans le château du lieu; mais que, manquant de provisions de bouche, ils
sortaient pendant la nuit, pour aller cueillir des fruits et des légumes dans les terres
voisines. Le peuple de Fayence, pauvre, et, par conséquent, inquiet, en porta sa plainte à
l’autorité supérieure de la province. Celle-ci autorisa les Fayençois, à faire venir
d’Antibes, une pièce d’artillerie, et de soumettre eux-mêmes la garnison du château de
Tourettes, qui n’avait pour toute arme que des arquebuses. Ce fut de la hauteur du Puy
que les Fayençois, outrepassant leurs ordres, et profitant du départ de la garnison dont ils
disaient avoir à se plaindre, rasèrent entièrement le château d’un village dont ils auraient
dû entretenir l’amitié. Aussi, depuis cette époque jusqu’à la dernière révolution, les gens
de Tourettes n’ont pu souffrir les Fayençois dans leur village, surtout aux jours de fête
patronale. Bien plus, il suffisait quelquefois à deux ou trois Tourrettans de se présenter
dans Fayence, pour faire en quelque sorte trembler l’habitation. Tant il est vrai que
l’homme fautif pour fort qu’il soit, connaissant son tort, redoute long-temps le faible
qu’il a eu l’imprudence ou la témérité d’opprimer ou d’humilier.
Climat tempéré. Les coteaux au midi sont couverts d’oliviers. Ses forêts sont de chênes
blancs et de pins. La plaine offre des vignes et beaucoup de terres labourables. Le
ruisseau de Chautard arrose le vallon de ce nom, et notamment un joli jardin attenant à
une fabrique de parfumerie et d’eaux de senteur. Dans la plaine sont deux abîmes très-
profonds et toujours remplis d’eau; ils sont peu distans l’un de l’autre. On attribue leur
formation à un tremblement de terre arrivé à la fin du dix-septième siècle. Il y a des
mines d’étain dans la forêt de Pibresson. Les eaux de la Camiole en charrient
quelquefois de gros fragmens; on en trouve aussi des indices au quartier de Tassi. Pour
moi, je n’y ai vu sur plusieurs points qu’une grande quantité de morceaux de briques
tumulaires. Je pense qu’on les fabriquait là; car la pâte de ces briques est exactement
conforme à celle des tuiles qu’on fabrique encore dans cette même terre. Près la rive
droite de la Camiole, et sur la hauteur, sont les ruines du hameau de Vermasque,
improprement appelé Saint-Laurent, nom de son ancien patron, et les ruines du fort du
Castelet, sous la protection duquel on avait bâti quelques cabanes, lors des guerres
civiles. Ce fort servait de défense à l’ancien Calian. Sur un plateau en dessous, et au
midi du Castelet, se trouve un morceau de bâtisse de construction ancienne, de plusieurs
mètres d’épaisseur. Il est difficile de juger à quoi elle a pu servir. Sa situation m’a fait
penser que cette construction peut avoir servi de base à quelque petit temple en
l’honneur d’une divinité du paganisme. Au quartier de Font-Bouillen est une source
périodique qui coule pendant plusieurs années de suite, et cesse également plusieurs
années de couler. Cette source se trouve près des ruines de l’ancien aqueduc qui
conduisait à Fréjus les eaux de Siagne de Mons. Pop. 706 hab.

TOURRETTES-LES-VENCE. Village du canton du Bar, à 5 lieues de Grasse. Une belle


source naît près du village, et arrose une partie des terres. Le climat est assez doux et
sain; le sol produit beaucoup d’huile, des figues et du vin. Les collines abondent en
coquilles fossiles, parmi lesquelles sont principalement des peignes et quelques
icthyolithes. On trouve aussi dans le territoire des pyrites et du charbon de terre. Pop.
1,120 hab.
L’ermitage de Saint-Arnoux se trouve sur le bord de la rivière du Loup, près de l’endroit
où elle est étroitement resserrée par des montagnes de rochers qui s’élèvent à la hauteur
des nues. Parmi ces rochers, on en trouve un creusé en forme de berceau, dans lequel se
rend une petite source d’eau claire et limpide qui attire tous les ans un grand nombre de
malades en dévotion expressément pour s’y baigner. La plupart y trouvent un remède
salutaire pour les maladies de la peau. Le peuple croit que cette eau a une vertu
miraculeuse; mais les personnes instruites l’attribuent avec plus de raison à un principe
bitumineux dont cette eau est imprégnée. En effet, en la goûtant, on y trouve un goût
insipide et terreux. On assure qu’elle ne fait point effervescence avec les acides
minéraux. Les environs de cette source offrent des pyrites qui annoncent la présence de
quelques minerais.

Dans cette gorge affreuse se trouve le chemin dit des chevilles, par où les habitans de
plusieurs communes passent avec la même facilité que les chèvres et les chamois
gravissent sur les montagnes escarpées. C’est un énorme précipice de rochers taillés à
pic, quelquefois à talus très-glissant. L’homme y a taillé de distance en distance, des
endroits propres à y placer le pied. Souvent ce ne sont que des chevilles de bois dur
fichées dans les jointures des couches ou dans les crevasses des blocs. On ne peut lever
un pied que quand on est solide de l’autre, et qu’on se tient fortement des mains aux
chevilles supérieures. Ce passage n’est qu’une sorte de rancher; il faut une demi heure
pour le monter à une personne habituée. Si l’on s’amusait à regarder en dessous de soi,
la vue du danger ferait perdre le jugement, et précipiterait au fond de la gorge les
téméraires qui osent se hasarder à un tel passage.

TOURTOUR, Tortorium, anciennement Castrum de Tortor, et, selon l’abbé Isarn qui
vivait en 1040, Torturu. Village du canton de Salernes, à 4 lieues et demie de
Draguignan. Son nom vient de l’usage où étaient les Romains d’y punir les criminels. Ce
village se trouve sur la voie romaine qui d’Antéa allait à Riez. La tour dite de Grimaud,
qu’on voit dans la campagne, est une sorte de trophée qui rappelle que le sieur de
Grimaldy, seigneur d’Antibes, défit complètement près de là une armée des Sarrasins qui
s’étaient établis dans le Fraxinet. Il paraît que les barbares se soutinrent pendant
plusieurs jours à Tourtour, et qu’ils eurent le temps d’y ensevelir nombre de Maures de
distinction morts aux premières affaires. Aussi, l’on trouve près de la tour de Grimaud
beaucoup de tombeaux de briques sarrasines fabriquées à la hâte et sur le lieu.
En 1130, on fonda au quartier de Florégia un monastère dont on voit encore quelques
ruines; mais, trente ans après, cette abbaye fut transférée au Toronet.
Une belle source d’eau naît à trois ou quatre cents pas en dessus du village. Le site et les
belles eaux qui arrosent les vallons en rendent le séjour délicieux en été. Le terroir est
fertile en huile, en blé très-recherché et en foin très-estimé. Les raisins parviennent
difficilement à la maturité sur la hauteur. Pop. 810 hab.

TOURVES. Joli village à 3 lieues de Brignoles son chef-lieu d’arrondissement et de


canton. Ce lieu n’est pas si ancien que la plupart des auteurs modernes l’ont pensé. Le
nom de Turris qu’il leur ont donné, ne convient pas à ce village, mais bien à celui de
Rougiers, où la voie aurélienne passait au pied de la hauteur sur laquelle se trouvent
encore les restes de la tour qui fit donner le nom au lieu. Un des retranchemens qui, du
temps de Marius, s’opposèrent aux barbares, se trouvait également à Rougiers,
puisqu’on en voit encore les ruines. Cependant, à cette époque, la campagne de Tourves
pouvait faire partie du territoire de Rougiers. Elle était habitée. Des familles
marseillaises et des familles romaines y avaient établi des villœ ou grandes maisons de
campagne pour l’exploitation des terres. On y a trouvé des médailles des anciens
Marseillais, des tombeaux romains et autres choses antiques, ainsi que des restes de
petits temples de divinités domestiques, dont un dédié à Jupiter. Sur la hauteur qui
domine le village de Tourves, et près des ruines du beau château seigneurial qu’on a
détruit pendant la révolution, il existe encore en bon état une pyramide qui imite,
grossièrement à la vérité, celle de Sextius à Rome. Au bas de cette éminence, on avait
établi une vacherie à laquelle on adossa un ciborium gothique qui avait servi dans un
temps à la paroisse du lieu. On croit que cette pierre était un reste de quelque ancien
temple du paganisme.

Le territoire de Tourves est arrosé par un nombre considérable de sources; aussi, après la
récolte du blé, on recueille dans la plaine de nouvelles richesses, principalement des
haricots blancs, Le foin y est très-abondant et très-estimé; la graine des prés est très-
recherchée. Il y a beaucoup de vignes qui donnent un vin excellent. On y trouve des
carrières de marbre non exploitées, un lac assez considérable, et deux moindres à côté.
Ils se sont formés dans des cavités où brûlaient des volcans sous-marins; c’est ce qui fait
que les eaux en sont un peu salées. Le village avait anciennement une savonnerie, une
papeterie, des tanneries; mais ces fabriques sont tombées, faute de pouvoir soutenir la
concurrence. Le pays a une jolie place, de belles promenades qui faisaient partie du parc
de l’ancien château. Il y a aussi trois foires dans l’année, savoir, le 6 août, le 22
septembre et le 19 novembre. Pop. 2,800 hab.

TRANS, Trans. Joli village à une lieue de Draguignan son chef-lieu d’arrondissement et
de canton. C’était autrefois une dépendance de cette ville. L’ancien village était appelé
Infré, du latin infra, parce qu’il était bâti en deçà de la Nartubie, c’est-à-dire du côté de
Draguignan. On en découvre quelquefois des vestiges au quartier de Saint-Victor et près
de la chapelle de ce nom.
La voie romaine qui de Fréjus allait à Riez, suivait la rive gauche de la Nartubie depuis
vis-à-vis le village de la Motte jusqu’à Draguignan, à-peu-près au même endroit où se
trouve ce qu’on appelle encore le vieux chemin de la Motte. Vers le milieu du siècle
dernier, on découvrit une pierre milliaire en face de la terre de Valbourgés; en octobre
1834, j’en ai reconnu une moi-même près de la chapelle de Notre-Dame de Vallauris,
trouvée depuis peu dans la terre; elle est en granit foncé, et porte une inscription assez
dégradée pour en rendre la traduction difficile.
A ce même quartier on a découvert, à différentes époques, plusieurs pièces d’antiquité
qui n’étaient pas sans intérêt. J’y ai reconnu plusieurs tombeaux en briques, des
lacrymatoires, des lampes sépulcrales, des amphores en verre bleu, un dessus de
tombeau en calcaire, ayant aux deux angles de devant une tête d’enfant, et sur la face la
figure d’un animal fabuleux. Dans ces différens tombeaux il y avait des médailles à
l ’ e ffigie de Trajan; et ailleurs, d’autres médailles à l’effigie de César- A u g u s t e ,
d’Agrippa, de Germanicus, de Maxime et d’autres indéchiffrables. On y voit encore
plusieurs pierres de granit qui ont dû appartenir à un édifice romain; quatre sont rondes
comme le fût d’une colonne. En ce même endroit, il y a dans la terre cinq bassins en
amphithéâtre, élevés en gradin chacun de neuf pouces en sus de celui qui vient après. Ils
donnaient de l’eau à un plus grand bassin; ils sont tous en mastic très-solide et bien
conservé. Il paraît que la petite source qui vient grossir le ruisseau en dessous de la
chapelle fournissait à ces bassins; mais qu’une révolution ou une obstruction dans le
canal lui a fait changer son cours. Dans le grand bassin, j’y ai trouvé des écailles
d’huîtres de l’Océan, preuve incontestable que près de là se trouvait une belle villa ou
maison de campagne, appartenant à une famille romaine très-opulente.
En février 1833, on a trouvé au quartier du Gabre plusieurs médailles en bronze, dont les
mieux conservées sont, une d’Adrien, une d’Agrippa et une de Julia Marsa (ou Maesa)
Augusta; elles étaient près d’une belle urne cinéraire intacte, renfermée dans un vase de
grès avec son couvercle.

Le village actuel prit le nom de Trans, à cause de sa position en delà de la rivière. Il


devint bientôt un lieu considérable. La baronie de Trans, ainsi que les terres des Arcs, de
la Motte, d’Esclans et autres, furent inféodées, en octobre 1201, à Gérand Ier de
Villeneuve, par Ildephonse II, comte de Provence, pour les bons et loyaux services que
Gérand avait faits tant au roi d’Aragon son père qu’à lui, en plusieurs diverses et
importantes occasions de paix et de guerre, et le beau et honorable train qu’il avait
toujours tenu auprès de leurs personnes, avec beaucoup de prudence et de sagesse.
Trois siècles plus tard, Louis XII, voulant aussi récompenser les anciens services d’un
descendant de Gérand, Louis Ier de Villeneuve, baron des Arcs et de Trans, chambellan
du roi Charles VIII, commandant son armée navale, ambassadeur à Rome, érigea, par
lettres patentes données à Blois en février 1505, la baronie de Trans en marquisat, titre
qui n’existait point encore dans ce royaume. Aussi, Louis de Villeneuve et ses héritiers
investis du même droit, s’appelèrent-ils premiers marquis de France. . . Vingt- trois
terres ou châteaux dépendaient de ce marquisat.
Louis de Villeneuve, à qui Charles VIII avait donné la principauté d’Avélino près de
Naples, était surnommé Riche l’honneur. Son fils unique fut tué, en juillet 1516, à côté
de François Ier. Bayard et Gaston de Foix répandirent des larmes amères sur la tombe de
leur digne ami.
Le château seigneurial de Trans, un des plus forts de la contrée, était près de l’endroit où
se trouve la jolie maison commune. En 1579, le seigneur d’Estoublon, à la tête d’une
troupe de razats, vint l’assiéger; et, le 23 mai, il l’enleva d’assaut, malgré les prompts
secours que le baron de Vins lui apporta, et malgré la bravoure du seigneur du lieu, et le
courage héroïque de sa femme, qui était fille du comte de Carcès. Cette dernière fut
sauvée du carnage par le baron des Arcs qui la couvrit de son manteau. Le plus jeune de
ses enfans, encore à la mamelle, fut abandonné à la fureur des vainqueurs. Au moment
où il allait être poignardé, un soldat d’Estoublon, tout razat qu’il était, en eut pitié,
l’acheta sept sous et demi, et le confia aux soins d’un muletier de Draguignan, nommé
Trabaud, qui en eut grand soin; à telle enseigne qu’il devint commandeur de l’ordre de
Saint-Jean de Jérusalem. Les autres enfans furent faits prisonniers; mais le baron de
Trans, Claude Ier de Villeneuve, et plus de six cents de ses défenseurs furent passés au
fil de l’épée. Le château fut détruit ce jour-là. Il n’en reste d’autre vestige que le bas
d’une tour.
Le village de Trans est très-bien bâti. La Nartubie baigne ses murs. Cette rivière vient
quelquefois si grosse, qu’elle inonde les rues et menace d’entraîner l’habitation. Les
eaux passent habituellement sous trois ponts peu distans les uns des autres, et se
précipitent dans un gouffre profond, formé par d’énormes rochers de tufs qui
représentent les plus belles horreurs qu’on puisse voir. Les belles cascades de Trans,
quoique au bord de la route, sont presque ignorées, parce qu’elles n’ont pas eu un Vernet
pour les peindre, ni un Pétrarque pour les chanter. Cependant elles sont dignes du
pinceau de l’un et de la plume de l’autre.
Le climat de Trans est tempéré, et l’air très-sain. Il y avait autrefois dans le pays des
moulins à foulon, une belle filature pour la soie, et une fabrique d’organsin, la première
qui ait été connue en Provence. On n’y voit plus aujourd’hui qu’une petite filature à
soie, des moulins à huile et à farine, un tournant pour les taillandiers du pays, des
scieries à planches, et une scierie à marbre qui vient d’être convertie en scierie à bois
pour placage et marqueterie, qui doit fournir à tous les ébénistes de la Provence. On est
étonné que le commerce de Draguignan n’ait pas encore songé à établir dans ce village
une papeterie et même une filature pour le coton; car, quoique Trans soit une commune
particulière, il peut être considéré comme un faubourg du chef-lieu. Ces deux
établissemens augmenteraient l’habitation d’un tiers, et procureraient une nouvelle
aisance qui n’est point à dédaigner.
La plaine de Trans est fertilisée par les eaux de la Foux de Draguignan qui nourrit de
bonnes truites; celles du ruisseau de Vallauris sont favorables aux écrevisses. Le
territoire produit du blé, du vin, des légumes, du chanvre, des plantes potagères et
surtout de l’huile d’olive. Il y a de belles pépinières de toutes sortes d’arbres fruitiers et
d’agrément. Le pays est renommé pour sa bonne clairette, sorte de vin blanc très-
agréable au goût, mais un peu capiteux. On y fabriquait de l’excellent ratafia, qui était
recherché dans les environs. Les distillateurs sont trop riches aujourd’hui pour continuer
une industrie à laquelle ils doivent leur fortune. Pop. 1,300 hab.

TRAVAILLAN. Village à une lieue et demie d’Orange son chef-lieu d’arrondissement et


de canton. C’était naguère un hameau de Camaret. Les produits en sont les mêmes. Pop.
222 hab.

TRETZ, Trittis, Tretis, Castrum et Valle de Trilis et Tretis. Petite ville chef-lieu de
canton, à 4 lieues et demie d’Aix. Quelques Marseillais vinrent fonder cette ville. Ils y
élevèrent un temple à la nymphe Tritœa, fille de Triton, et y établirent un marché qui
devint important. Les Romains y construisirent des greniers qui, selon les besoins,
fournissaient des grains à Aix ou à Fréjus.
Cette ville fut pillée et dévastée par les Sarrasins; mais, après leur expulsion, les
habitans, joints à ceux des lieux voisins, la rebâtirent au pied du mont Olympe, et
l’entourèrent de murailles. Sa population s’éleva jusqu’à dix mille âmes; mais les
guerres intestines, les pestes et autres malheurs en ont fait disparaître les trois quarts.
La ville actuelle est peu considérable; ses remparts sont en partie démolis; ses rues, fort
étroites et irrégulières, offrent encore des maisons supportées par des arceaux. Le
clocher est un beau monument d’architecture ancienne, et mérite d’être vu.
La plaine de Tretz est fort vaste, et s’étend jusque près de Pourrières. Elle fut le théâtre
de la grande bataille de Marius contre les Cimbres, les Ambrons et les Teutons. Les
coteaux sont d’un terrain houiller, et les mines sont exploitées avec avantage. Le mont
Olympe, en outre des ruines romaines, offre des ammonites du genre des ellipsolites, et
une mille de marbre rouge et blanc. Les hauteurs du territoire sont en partie garnies de
pins, de chênes à kermès, de chênes verts et blancs et de quelques érables. Les terres
cultivées donnent du blé, de l’avoine, des haricots noirs, et de l’huile d’olive préférable à
celle d’Aix. La culture de la garance, nouvellement introduite, peut devenir avantageuse,
car elle y vient parfaitement bien. Il y avait plusieurs verreries dans le territoire; mais la
plupart des fabricans ont préféré transporter leurs établissemens à Marseille.
Les habitans de Tretz sont fort religieux. C’est la religion qui les a corrigés de cette
humeur inquiète qui les caractérisait autrefois. Si quelqu’un se porte au crime dans ce
pays, on est assuré d’avance que ce n’est point un de ceux qui exercent fréquemment
leurs devoirs religieux.
La veille de l’Épiphanie offre en cette ville une scène amusante et peu commune. A
l’entrée de la nuit, la jeunesse se rassemble, et va au devant de trois mages, à une
certaine distance de la ville, portant, en guise de présens, des corbeilles de fruits secs.
Trois jeunes hommes, costumés en mages, attendent la troupe. Ils sont complimentés par
l’orateur de la jeunesse, qui est ordinairement très-leste; et après son compliment, il leur
présente les corbeilles. Les mages les reçoivent avec dignité, et donnent à l’orateur une
grande bourse remplie de jetons. Aussitôt celui-ci prend la fuite, feignant de se refuser
de partager l’étrenne avec ses compagnons; il se fait poursuivre pendant quelque temps
par la troupe, et ne se laisse atteindre que lorsque les ambassadeurs envoyés par la ville
sont arrivés à un certain point. Alors la troupe entre dans la ville en faisant la mauresque,
(sorte de danse) dans laquelle l’orateur transfuge se trouve enveloppé. Pop. 2,800 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Tretz, Saint-Antonin,
Beaurecueil, Château-Neuf-le-Rouge, Fuveau, Peynier, Puyloubier, Roques-Hautes,
Rousset et Vauvenargues.
TRÉVANS, Trevanticum, Locum de Trevanis, dans les anciens actes, Castrum de
Trevas. Village du canton de Mézel, à 6 lieues de Digne. Climat tempéré en été, mais
très-froid en hiver; sol montagneux et peu fertile; il produit du blé, du vin, des légumes,
mais en petite quantité. Pop. 123 hab.

TRIGANCE, Trigancia. Village du canton de Comps, à 8 lieues de Draguignan, bâti en


amphithéâtre sur une colline où la roche calcaire se montre souvent à nu. Ce lieu était
naguère dominé par un joli château seigneurial duquel on ne voit plus que les restes
d’une grosse tour de construction moderne. Le village n’a point d’eau jaillissante; on a
recours à celle de plusieurs puits. Un tombeau de marbre, d’environ cinq pieds de
longueur sur deux de largeur, sert d’auge à un puits au bas de la colline, qui fournit le
plus à l’habitation. L’inscription qui se trouve gravée sur ce sarcophage est toute
moderne, et n’indique rien d’important sur l’historique du lieu. Ce ne sont que les
regrets les plus amers d’une fille à sa mère, marquise du pays.
La montagne de la Frache abonde en pétrifications de toute espèce. Les cochlites surtout
y dominent. On rencontre des pyrites à tous pas, qui annoncent la présence de quelque
minéral. La rivière du Jabron partage le territoire. Le climat est froid, l’air sain; le sol,
quoique marneux et souvent pierreux, produit de faibles récoltes en grains, mais
beaucoup de pommes, de noix, de prunes et de pommes de terre. On a essayé d’y
cultiver la vigne; mais le raisin n’y parvient jamais à la maturité. Une vaste forêt de
chênes sur un sol gazonné annonce que dans le pays on élève des cochons et des
troupeaux de menu bétail. Le village offre un grand nombre de tisserands. Pop 800 hab.

TRINIT (SAINT). Voyez SAINT-TERNY.

TRINQUETAILLE. Hameau dans le territoire d ‘Arles, sur la rive droite du grand


Rhône, et tout-à-fait au haut de l’île de la Camargue. Voyez ARLES.

TRICELLATI. Peuple celto-lygien qui ne nous est connu que par l’inscription du
trophée des Alpes. Ce peuple était placé entre les Gallitœ, qui se trouvaient à Alloz, et
les Ectini, qui étaient près d’Entrevaux; ce qui a fait présumer qu’il occupait les environs
d’Adaluis.

TROPEZ (SAINT), Castrum de Sancte Torpete. Ville maritime, chef-lieu de canton du


département du Var, à 12 lieues de Draguignan, placée à l’endroit même où fut autrefois
Heraclea-Caccabaria, ou Cacabaria.
La difficulté de concilier la distance actuelle de Saint-Tropez à Fréjus, avec celle que
l’itinéraire d’Antonin indique entre Forum Julii et Heraclea-Caccabaria, a porté un
auteur contemporain à placer cette dernière ville bien plus à l’ouest, dans le territoire de
Gassin. Cependant, un observateur qui aurait visité lui-même cet emplacement, n’y
aurait trouvé que des vestiges de villœ romaines, et aucune trace de port, de ville, ni de
citadelle ancienne. Il est incontestable, au contraire, qu’il y a eu, sur l’emplacement
actuel de Saint-Tropez, une ville romaine de quelque importance. Des tronçons de
colonnes en granit, qui servent de bornes dans plusieurs rues, des marbres sculptés, des
débris de sarcophages de marbre, d’inscriptions, de mosaïque, des médailles, des
figurines en bronze, des sépultures romaines trouvées en divers temps dans la ville et
aux environs, mettent cette vérité hors de doute. En 1630, des paysans, effondrant la
terre au quartier du Pilon, tout près de la ville, trouvèrent un trépied, une proue de
galère, des poteries et d’autres ustensiles romaines, le tout en bronze. Le trépied attira
particulièrement l’attention des savans du siècle. Peyresc en fit le sujet d’une
dissertation curieuse, qui est le seul ouvrage imprimé de ce célèbre provençal.
L’année dernière, on a trouvé au même quartier une médaille d’or d’Honorius,
parfaitement conservée.
Les Romains n’ont pu dédaigner les avantages qu’offraient la rade et le port de Saint-
Tropez. Ils y construisirent une ville qui devint une station maritime. Cette ville a dû être
détruite en 730, lors de l’invasion des Sarrasins, qui saccagèrent Nice, Antibes et toute la
côte jusqu’à Arles.
Les habitans qui avaient échappé au massacre, rebâtirent la ville au fond de la rade des
Moulins, et à quelque distance du rivage de la mer, dans le quartier des Manes, où elle
pouvait facilement échapper aux regards des pirates. Elle fut saccagée de nouveau par
les Sarrasins, lorsqu’ils s’établirent au Fraxinet, dans le neuvième siècle. C’est
vraisemblablement à cette seconde construction que la ville prit le nom de Saint-Tropez.
Ses ruines subsistèrent long-temps, et servirent, en 1524, pour faire les nouveaux
remparts dont on entoura la ville actuelle du côté de la mer.
Guillaume Ier, disent les historiens de Provence, ayant chassé, en 972, les Sarrasins du
Fraxinet et de toute la province, rétablit la ville de Saint-Tropez, lui rendit son ancien
lustre, et bâtit, pour sa défense, une forte tour que l’on y montre encore. Cette nouvelle
ville fut encore détruite dans la lutte acharnée que les communautés du Val-Fraxinet
soutinrent, à la fin du quatorzième siècle, dans l’intérêt de Charles de Duras contre la
seconde maison d’Anjou, et qui ne fut terminée que par le traité particulier qu’elles
firent en 1388, quoique la ville d’Aix ainsi que les autres communautés et seigneuries de
ce parti eussent fait leur soumission l’année précédente.
Personne n’osa plus habiter alors un lieu trop exposé aux ravages de la guerre et des
pirates. Il resta désert, jusqu’à ce que Jean Cosse, grand sénéchal du roi René, parvint à
y attirer, en 1470, soixante familles génoises, auxquelles il fit accorder des privilèges
équivalant presque à l’indépendance, à condition néanmoins qu’elles repeupleraient et
défendraient la ville à leurs dépens.
Ces nouveaux habitans tinrent leurs promesses, et remplirent dans toute son étendue la
tâche pénible et périlleuse qui leur était imposée pour mettre en sûreté toute la baronie
de Grimaud. La bravoure des citoyens, et l’habileté des magistrats qu’ils élisaient
annuellement, suffirent pour repousser les insultes de nombreux ennemis qui les
attaquèrent tour-à-tour pendant près de deux siècles. Leur ville parvint, dans cet
intervalle, à la plus haute prospérité. Son enceinte, agrandie en 1534, occupa, dès la fin
du seizième siècle, tout l’espace qu’elle couvre aujourd’hui. Après avoir bravé les
invasions du connétable de Bourbon et de Charles-Quint, les Tropéziens résistèrent aux
attaques des Maures qui saccagèrent Fréjus en 1475, brûlèrent la Napoulle en 1530, et
dévastèrent Hyères et Toulon en 1556; ils prirent plusieurs de leurs galiotes, et les
chassèrent enfin de leurs côtes, où ils semblaient vouloir s’établir de nouveau.
Plus tard, lorsque les troubles de la ligue éclatèrent, on les vit constamment veiller à la
défense de leur ville, et aider de leurs armes et de leur argent les villes royalistes et les
généraux de Henri IV. Ce fut par leur secours, qu’en 1519, Cogolin, dévasté par des
compagnies de brigands cantonnés dans son château, parvint à forcer et à détruire ce
repaire; que Ramatuelle, occupé par les ligueurs, fut assiégé et pris en 1592. Ils
fournirent en même temps des secours à Antibes assiégé par le duc de Savoie, et au
connétable de Lesdiguières, assiégeant le Muy. Enfin, attaqués dans leurs foyers par une
partie de l’armée du duc de Savoie, ils la repoussèrent vaillamment le jour de la
Pentecôte, en 1592. Aussi, Henri IV, occupé au long et meurtrier siége de Rouen,
appréciait si fort leur courage et leur fidélité, qu’en apprenant la mort de La Valette, il
leur écrivit le même jour deux lettres très-flatteuses, pour les maintenir dans son parti et
les remercier de leur conduite.
En 1637, vingt galères d’Espagne étant venues pour surprendre la ville et quatre
vaisseaux du roi réfugiés dans son port, les habitans, sans autre secours que leur
courage, après avoir combattu tout le jour, les forcèrent à prendre honteusement la fuite,
sans que la citadelle eût tiré un seul coup de canon. Une procession a lieu tous les ans, le
15 juin, pour consacrer le souvenir de ce fait mémorable, et rendre grâces à Dieu de la
délivrance de la ville à pareil jour. Dans la même année, les Tropéziens contribuèrent si
activement à la reprise des îles de Lérins sur les Espagnols, que Louis XIII écrivit lui-
même aux consuls de Saint-Tropez, pour les remercier du zèle qu’ils avaient montré
pour son service.
En 1813, une petite escadre anglaise ayant attaqué la ville, et les garde-côtes ne se
trouvant pas à leurs postes, les mariniers du pays se jetèrent dans la batterie de Saint-
Pierre, placèrent des canons sur l’extrémité du môle, et repoussèrent encore l’ennemi
avant que la citadelle fît feu.
Tant de courage et de patriotisme furent souvent mal récompensés. Le duc d’Épernon
(dont il est resté de si fâcheux souvenirs en Provence), après avoir obtenu d’eux des
secours en plusieurs circonstances, envoya, en 1593, cinq compagnies de son armée se
réfugier dans leur ville comme dans un asile assuré.
Mais ces soldats, accoutumés à vivre de la guerre et à ne rien respecter, se saisirent par
surprise de la citadelle, que les habitans avaient récemment construite; et les traitèrent en
ennemis vaincus. Ceux-ci, las de cette oppression, parvinrent à obtenir quelques secours
du duc de Guise, prirent d’assaut la citadelle, et la rasèrent jusqu’en ses fondemens.
Ils étaient encore pleins de reconnaissance envers ce chef, lorsque celui-ci, s’étant
débarrassé de son commandement, montra qu’il n’avait agi que pour son propre intérêt,
en chassant les troupes du duc d’Épernon d’une position dont il appréciait l’importance.
Il voulut, en 1602, y faire bâtir une nouvelle citadelle; et il en vint à bout, à l’aide de
l’armée qu’il était censé commander au nom du roi, quoique le roi et les habitans se
fussent opposés autant qu’ils le pouvaient à cette entreprise. En 1631, ce même duc de
Guise, fuyant la haine sanguinaire du cardinal de Richelieu, préféra confier sa vie à la
loyauté des habitans de Saint-Tropez dont il avait violé les droits et blessé les intérêts,
plutôt que de chercher un refuge dans cette citadelle dont il avait cru faire une place de
sûreté pour lui.
Le duc d’Angoulême, gouverneur de la Provence, ayant été dépouillé de son
gouvernement par l’influence du cardinal Mazarin, ses partisans prirent les armes contre
le nouveau gouverneur envoyé par Louis XIV, en 1652; la ville de Toulon et la citadelle
de Saint-Tropez furent les places qui résistèrent le plus long-temps. Dans cette occasion,
le pouvoir royal fit de nouveau un appel à la fidélité des Tropéziens. Ceux-ci montrèrent
le même dévouement qu’autrefois: ils bloquèrent la citadelle pendant deux mois,
repoussèrent à trois reprises différentes les secours que les Toulonnais tentèrent de jeter
dans la place, et finirent par prendre d’assaut la grande enceinte. Alors, la garnison,
retirée dans le donjon, capitula, et se rendit, le 8 août, au duc de Mercœur, nouveau
gouverneur, qui était accouru en personne pour recevoir sa soumission. La citadelle fut
respectée; mais la ville fut dépouillée quelque temps après de son artillerie, marquée de
ses armés et achetée à ses dépens; et peu-à-peu dépouillée de la plus grande partie des
privilèges qu’elle avait acquis au prix du sang de ses citoyens, et dont elle n’avait jamais
abusé.
La ville de Saint-Tropez est placée dans une situation riante, sur le bord du golfe de
Grimaud, anciennement Sinus sambracitanus. D’anciennes tours la défendent encore
suffisamment du côté de la mer; mais elle est sans défense du côté de la terre, depuis la
fin du dix-septième siècle. Sa position géographique pourrait lui donner quelque
importance militaire, si l’on exécutait le projet qu’on a eu plusieurs fois de construire sur
la montagne Bellevue, au midi de la ville, un fort qui ne serait dominé d’aucun côté, et
qui défendrait toute la presqu’île entre le golfe et la plage de Pampelonne. Saint-Tropez
était considéré, dans les seizième et dix-septième siècle, comme une ville forte et utile,
tant pour l’attaque que pour la défense.
Pendant la guerre de 1747 et 1748, le maréchal de Belle-Isle y établit le magasin général
de son armée, et en fit son point d’appui, pendant les deux années qu’il employa à
chasser les Allemands de la Provence et du comté de Nice, qu’ils avaient envahis.
Les avantages naturels de la situation de Saint-Tropez ont donné l’idée pendant deux
fois au gouvernement d’y former un grand établissement pour la marine militaire. Dans
son état actuel, elle présente beaucoup de ressources à la marine marchande. Son port est
à l’abri des vents les plus dangereux, et son magnifique golfe offre presque partout un
mouillage sûr. Elle possède pour la construction des navires, un vaste chantier
susceptible encore d’agrandissement et de grandes améliorations. La plus grande partie
de la population est livrée à la navigation et à la pêche. Aussi, en sort-il un grand
nombre d’intrépides marins également recherchés pour les navires de l’état et pour ceux
du commerce. Il est à regretter que l’industrie locale, étouffée depuis un demi-siècle par
une réunion de circonstances désastreuses, n’ait pas pu reprendre son ancien essor. Dès
le seizième siècle, Saint-Tropez faisait un commerce considérable avec toute la côte de
la Toscane et de la Ligurie, avec la Sardaigne et la Corse. A la fin du siècle dernier, elle
possédait plus de cent navires qui faisaient les voyages du Levant, outre ceux qui se
livraient au petit cabotage entre Gênes et Marseille. A peine maintenant conserve-t-elle
quelques traces de son ancienne prospérité.
Espérons que la colonisation d’Alger permettra de mettre à profit ses avantages
maritimes, et lui rendra l’aisance qu’elle a perdue.
Les navires construits sur son chantier sont renommés par leur durée et leur bonne
qualité à la mer; ils occupent un assez grand nombre d’ouvriers. On recherche avec
raison le thon mariné et les anchois salés de Saint-Tropez. La salaison des sardines lui
donne moins de renommée et plus de profit. On y trouve sept petites fabriques de
bouchons, et une de roseaux pour peignes de tisseurs, qui ne laissent pas d’attirer des
sommes assez importantes au pays. L’exportation des fameux marrons de la Garde-
Freinet occupe plusieurs navires, pendant les mois d’octobre et de novembre; les autres
transportent toute l’année les liéges, les bouchons et le bois à brûler à Marseille et aux
autres villes maritimes de la Provence. Le vin fournit un article d’exportation plus
importante; il jouit de quelque réputation, principalement sur les côtes du golfe de
Gênes. Les bons crûs sont réellement d’une qualité supérieure, et supportent très-bien le
transport par mer. Il faudrait seulement que des marchands entendus dans cette partie les
classassent avec discernement, et leur donnassent les soins nécessaires, tandis qu’ils sont
habituellement mélangés avec les qualités inférieures. Le sol est éminemment propre à
la culture de la vigne, qui couvre tous les coteaux. C’est presque son seul produit; car je
ne parlerai pas de la grande quantité de pastèques qu’on y recueille, et qui pèsent
quelquefois plus de soixante livres l’une. On pourrait y cultiver avec profit les plantes
exotiques; l’oranger y vient à merveille. On peut y voir en plein vent des cannes à sucre,
des bananiers, et le plus beau palmier qui existe maintenant dans le midi de la France; il
produit chaque année une grande quantité de fruits sans noyau, et qui mûrissent souvent
assez pour qu’on puisse en manger, malgré l’âpreté qu’ils conservent dans nos climats.
On remarque en quelques endroits du territoire du beau granit gris, qui paraît avoir été
employé par les Romains. On y trouve aussi des pierres ferrugineuses, et l’on a extrait
du véritable minerai de fer. En creusant un puits au quartier de Saint-Jaume, à
l’extrémité méridionale du territoire, se trouve un étang salé qui fournissait
naturellement du sel de temps à autre, avant qu’on y eût fait des travaux qui l’ont
dénaturé. Tout près de là se trouvent deux madragues pour la pêche du thon; l’une à
l’extrémité de la rade des Canebiers, et l’autre au cap de la Moutte. La mer est très-
poissonneuse, et fournit une grande variété de poissons excellens, que l’on consomme
frais dans les arrondissemens de Draguignan, de Brignoles et de Toulon. On y pêche le
plus beau corail de la Méditerranée, et des huîtres plus petites et meilleures que celles du
Languedoc.
L’air de ce pays est doux et salubre. Il y règne peu de maladies, et encore moins
d’épidémies. La grande peste de 1580, et celle de 1720, presque aussi désastreuse, n’y
pénétrèrent point; jamais les maladies contagieuses n’y ont exercé leurs ravages.
Saint-Tropez avait, avant la révolution, un siége de l’amirauté. Il y a maintenant un
tribunal de commerce, un tribunal de prud’hommes pêcheurs, qui existe depuis un temps
immémorial, une école gratuite d’hydrographie, une inspection des douanes, un sous-
commissaire de marine et un trésorier des invalides. Pop. 3,736 hab. Foires, le 17 mai et
le 26 juillet.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Saint-Tropez, Gassin, la
Molle et Ramatuelle.

TULLE (SAINTE), anciennement THÉTIS. Village du canton de Manosque, à 6 lieues


de Forcalquier, et une demi-lieue de la rive droite de la Durance. Il fut ruiné par des
soldats Piémontais; et, pour le repeupler, on fut obligé d’y attirer plusieurs familles
étrangères. En 1705, Castellane d’Ampus y défit un régiment de protestans des
Cévennes, que Chambaud, gentilhomme du Vivarais, amenait au secours du sieur de La
Valette, gouverneur de la province. Le territoire produit du blé, du vin, de l’huile, des
légumes, des fruits et du jardinage. La Durance et plusieurs torrens, dont un qui traverse
le village, ravagent la plaine. Pop. 1,150 hab.

TURRIERS, Castrum de Turrinas. Bourg chef-lieu de canton, à 9 lieues de Sisteron,


divisé en plusieurs hameaux.
Le sol, peu fertile, produit du blé, des légumes, des fruits et du mauvais vin. Population
618 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Turriers, Astoin, Bellafaire,
Esparron la Bâtie, Faucon, Gigors, Piegut, Reynier, Urtis et Venterol.

TURRIS, ou TOURRIS. Lieu retranché par la nature,dans les montagnes, à 2 lieues de


Toulon. Dans le temps des incursions des Barbares, les habitans des lieux voisins se
retirèrent dans ce lieu; mais, à leur expulsion, ils abandonnèrent Turris, et retournèrent
dans des sites plus agréables.
Il est un autre Turris, qui, du temps des Romains, était une station militaire. Il se trouvait
sur la voie aurélienne, entre Matavo et Tegulata. Ce lieu est le même que le village de
Rougiers de nos jours, et non celui de Tourves, comme plusieurs écrivains l’ont
prétendu.

U
UBAYE. Rivière qui longe toute la vallée de Barcelonnette. Elle est peu considérable
vers sa source; ses eaux, resserrées entre deux montagnes escarpées, descendent par
cascades jusqu’à son confluent. Elle reçoit les eaux du Mélezen en dessous de Saint-
Paul; celles de l’Ubayette, qui vient du col de la Magdelaine, après avoir arrosé l’Arche
et Meyronnes; celles du Bachelard, qui prend naissance au col Saint-Dalmas, coule dans
le vallon de Fours, et passe devant l’Uvernet; celles du Rio-Bourdon, qui descendent la
montage des Orres, et autres petits ruisseaux. On y pêche des barbeaux, des meuniers et
des truites excellentes, mais en petite quantité, à cause des loutres et des pêcheurs, qui
les détruisent. Le lit de cette rivière offre des mines de cuivre. Il n’est pas étonnant que
la vase soit imprégnée de particules de ce métal.

UBAYE. Village du canton de Lauzet, à 7 lieues de Barcelonnette, sur la rive droite de


l’Ubaye, dont il tire son nom. Les Ésubiens ont dû choisir ce lieu pour y établir leur
mallus et leur principal retranchement, cause de sa température, qui est la plus douce de
la vallée.
D’ailleurs, de ce lieu ils pouvaient surveiller leurs voisins, et les arrêter, en cas qu’ils
eussent voulu troubler les habitations qui se trouvaient éparses dans la vallée. En 1690,
ce village fut assiégé et incendié par Pérellos. Deux ans après, il subit le même sort; et,
en 1762, le feu y prit par accident. On y voit encore des ruines. Le village actuel est
divisé en plusieurs petits hameaux. Le territoire est généralement entrecoupé de torrens.
Le sol est sec et situé; sur des coteaux; il produit du froment et du vin; il donne aussi des
fruits, et des noix dont on fait de l’huile. Il y a plusieurs tisserands. Le climat est le
moins froid des environs; l’air y est sain. Le village est dominé, d’un côté par la citadelle
de Saint-Vincent, et de l’autre par le mont Morgon. C’est dans cette montagne, du côté
de Pontis, que sont de riches mines d’or et de plomb tenant argent; on y trouve aussi des
indices de cuivre. Pop. 227 hab.

UBRAYE, Ubradia. Village du canton d’Annot, à 10 lieues de Castellane. On ignore son


origine. Tout prouve qu’elle est fort ancienne, et que des familles étrangères avaient
résidé dans le territoire. L’air y est sain. Deux ruisseaux arrosent les prés. Le sol, à force
d’engrais et de culture, donne des récoltes abondantes. Pop. 610 hab.

UCHAUX. Village à 2 lieues d’Orange son chef-lieu de canton et d’arrondissement. Les


productions sont les mêmes qu’à Sarignans. Pop. 566 hab.

URBAN. Hameau dans le territoire des Beaumes de Venise.

URTIS. Village du canton de Turriers, à 10 lieues de Sisteron. Climat et productions, les


mêmes qu’aux lieux voisins. Pop. 126 hab.

U V E R N E T. Village à une lieue de Barcelonnette son chef-lieu de canton et


d’arrondissement, divisé en plusieurs hameaux fort éloignés les uns des autres. Des
Bénédictins vinrent défricher les terres, et les distribuèrent aux habitans, que le long
séjour des barbares avait démoralisés et abrutis. Il y a un moulin à soie qui, dans un
temps, occupait plus de cent personnes Il est mis en mouvement par les eaux du
Bathelar, torrent impétueux, à cause de sa rapidité et des rochers qui se trouvent dans
son lit. On le passe sur un pont sans parapet, et le moindre faux pas peut précipiter un
cheval. Les eaux de ce torrent sont beaucoup plus légères que toutes celles du voisinage.
Les officiers supérieurs qui campent quelquefois près de Barcelonnette, en envoient
chercher pour boire, quoique le plus souvent elles soient aussi bourbeuses que celles de
l’Ubaye. Le territoire offre une mine de plomb qui paraît être fort abondante. On
pourrait essayer de l’exploiter. Si on l’a négligée jusqu’à aujourd’hui, c’est sans doute à
cause des neiges qui couvrent, sept ou huit mois de l’an, le quartier de la Malune où la
mine se trouve, ou plutôt la rareté du bois; mais on pourrait se servir du charbon de terre
qu’on trouve en abondance dans la contrée, et dont on ne tire aucun parti.
Le loup commun est très-répandu dans cette vallée, et il est attiré par les troupeaux
stationnaires. On ne peut se faire une idée de toutes les ruses qu’il emploie pour
s’emparer des brebis, en mettant en défaut la vigilance des chiens et des bergers. Il
n’attaque l’homme que quand il y est forcé par la faim; et, dans ce cas, aucun péril ne
l’arrête; il traverse les torrens, la neige, les glaces, et va la nuit hurler jusqu’aux portes
des étables et des habitations. Dans la plaine d’Uvernet, sur le chemin de Castellane,
deux brigades de gendarmes à cheval ayant aperçu en hiver plusieurs loups, eurent
l’imprudence d’y tirer dessus. Le bruit ou soit les loups qui fuirent, en attirèrent bientôt
une telle quantité d’autres près de la Malune, que, malgré les balles et les coups de
sabres, ils déchirèrent et dévorèrent tous les gendarmes et leurs chevaux. Il n’y eut qu’un
seul homme qui parvint à se sauver, quoique trempé de son sang. Pop. 710 hab.

V
VACHÈRES, Vacheriœ ou Vachœ. Village du canton de Reillanne, à 4 lieues et demie de
Forcalquier, près la rive gauche du Calavon, dans une contrée assez fertile. Territoire
sablonneux, les productions sont les mêmes qu’aux lieux voisins. Pop. 628 hab.

VACQUEIRAS. Village du canton des Beaumes de Venise, à 3 lieues d’Orange. Il y a


une source d’eau minérale froide qui a eu dans tous les temps une grande célébrité. Ces
eaux sont sulphureuses, et ont le goût des œufs couvés. Le pays est assez abondant en
blé, on y cultive assez bien les terres, qui sont dures et fortes. Pop. 700 hab.

VAISON, Vasio. Petite ville chef-lieu de canton, à 5 lieues d’Orange, et sur une
élévation qui n’est qu’un rocher escarpé. Les Voconces ou Voconiens, nation celto-
lygienne, y avaient établi leur chef-lieu. Leur retranchement se trouvait sur le rocher. Les
premiers Romains qui visitèrent ce lieu s’y attachèrent, et y construisirent une ville dans
la plaine, sur les deux rives de l’Ouvèze. Dans la suite, ils l’honorèrent du nom de
Fœderata, c’est-à-dire d’alliée de Rome, titre le plus flatteur qu’elle pût obtenir. Elle fut
bientôt habitée par les familles les plus nobles de l’empire. Elles y portèrent leur goût
pour les arts et la magnificence. Aussi, elle fut bientôt ornée de monumens beaux,
solides et commodes, de façon que tout le monde s’y croyait dans un quartier de la ville
de Rome, c’est ce qui lui valut sans doute le titre de république, qu’elle porta quelque
temps.
L’emplacement où se trouvait la ville de Vaison dont nous venons de parler, se nomme
encore la Villasse. On y voit une multitude de preuves de son ancienne grandeur. Ici, ce
sont les restes d’un amphithéâtre digne du goût des Romains, là, c’est un superbe pont
d’une seule arcade, sur l’Ouvèze, construit en pierres d’une grosseur et d’une longueur
prodigieuse, sur lequel trois voitures ou chariots pouvaient passer de front. Le temps a
respecté cette belle construction, cependant les inondations ont fait disparaître le
parapet, plus loin, et sur les bords de la rivière, on découvre les ruines des bains, et les
restes d’un quai percé par dix ou douze égouts assez hauts, ailleurs, ce sont un temple
dédié à la déesse des forêts, et des aqueducs souterrains qui servaient à amener dans la
ville les eaux de la Brédouire et de Groseau. En creusant les terres, on a trouvé, à
différentes époques, des colonnes d’une grosseur prodigieuse, des statues de différentes
dimensions, des urnes funéraires en marbre, en plomb et en verre, des médailles de
presque tous les règnes, des bijoux d’or, tels que colliers, brasselets et anneaux, dont un,
il y a peu d’années, sur lequel, à l’aide d’un microscope, on voyait très-bien gravé un
char traîné par plusieurs chevaux. Nombre d’inscriptions curieuses ont disparu, quelques
unes annonçaient que Vaison avait été mise comme Rome au rang des divinités, d’autres
assuraient que cette ville avait des compagnies d’ouvriers, tels que des centonnaires et
des lapidaires ou tailleurs de pierre. On sait que, de ce temps, chaque ville, chaque
particulier, chaque corps de métier avait son génie tutélaire, et que chacun s’empressait
de lui ériger un ex-voto, qui était ordinairement gravé sur pierre.
Les belles pièces de mosaïque qu’on découvre de temps à autre dans la plaine près de la
Villasse, prouvent que l’ancien Vaison a dû avoir un grand nombre de beaux palais et
autres édifices publics. Je pense qu’il avait aussi d’autres temples que celui que je viens
de citer. Les montagnes voisines portent toutes des noms anciens. Les principales sont,
la montagne de Mars, celle de Théus ou Zeus, qui signifie Jupiter, celle de Puy-Muin, en
latin Podium Minervœ, et en français balcon de Minerve, et enfin celle d’Ausis, dérivé
d’Auspey, qui signifie augure. Toutes ces hauteurs ayant été consacrées à des divinités,
ont dû avoir leurs temples et leurs idoles.
L’ancien Vaison a produit nombre de personnages illustres, parmi lesquels je ne citerai
que le célèbre historien Trogue-Pompée, le sénateur Pentagate et Julius Romanus, intime
ami de Pline le naturaliste.
Ce même Pline vint à Vaison non seulement pour visiter le lieu qui avait donné
naissance à son ami, mais pour y voir la pierre qui, selon une prédiction d’Anaxagore,
devait, à cette époque, tomber du ciel. C’était peut-être une aérolithe telle que celle
qu’on vient de faire transporter du village de Caille
(département du Var) au Muséum de Paris. L’histoire ne dit pas si cette pierre tomba
réellement à Vaison, nous savons qu’il en tomba une aux environs d’Apt, et ces deux
villes ne sont éloignées que d’environ 9 lieues.
L’ancien Vaison n’est pas moins illustre dans le sacré que dans le profane. Saint Albin,
un de ses premiers évêques, y fut martyrisé, dans l’irruption de Crocus, roi des
Allemands. Trois de ses successeurs, parmi lesquels nous distinguerons saint Quenin,
s’y sont rendus illustres par leurs miracles et leur sainteté, Daphnus, un de leurs
confrères, brilla au premier concile d’Arles, que le grand Constantin honora de sa
présence. Les évêques Auspice et Fonteïus sont très-connus par les éloges que Sidoine
Apollinaire leur donne dans ses lettres. On en trouve une aussi d’Avit de Vienne à
Gemellus leur successeur. Enfin, cette ville qui a eu trois conciles dans le quatrième et le
cinquième siècle, se glorifie d’avoir vu naître sainte Rusticule, de l’illustre maison de
Murciens.
Cette ville, quoique pillée et ravagée successivement par les Huns, les Wisigoths, les
Sarrasins et les Normands, fut toujours une ville considérable, jusqu’au milieu du
douzième siècle. En 260, les habitans érigèrent un monument à l’empereur Galien. Dans
le cinquième siècle, on regardait Vaison comme une des clés de la Provence. Le choix
qu’en fit ensuite Charles, roi de Provence et de Bourgogne, pour y rester de préférence
aux autres villes du voisinage, prouve qu’elle conservait encore de précieux restes de sa
grandeur passée. Il en est de même de son ancienne cathédrale, bâtie l’an 910, qui, par
son étendue et sa solidité, ne peut convenir qu’à une ville grande et bien peuplée. Le
clocher et le cloître attenant ne lui cédaient en rien pour le goût et pour la solidité.
L’évêque Bérenger de Mornas et ses successeurs ayant refusé de reconnaître les comtes
de Toulouse pour souverains, Raymond V et Raymond VI détruisirent Vaison, pour
punir les habitans d’avoir pris le parti de leurs pasteurs. Le peuple, désolé, alla chercher
un refuge dans les lieux voisins, et, quelques temps après, un petit nombre se décida à se
construire de nouvelles maisons sur le rocher voisin. Plusieurs malheurs forcèrent les
habitans du nouveau lieu à se barricader, ce qui les garantit, dans la suite, du pillage des
Huguenots. Le baron des Adrets s’étant présenté, en 1563, devant la nouvelle ville, fut
forcé de se retirer, après plusieurs jours de siége inutile.
Le terroir de Vaison est, en général, assez maigre, mais, avec de l’engrais et un travail
assidu et bien entendu, il produit beaucoup. Les montagnes sont couvertes de bois de
toute espèce. La plaine n’offre que mûriers et arbres fruitiers, plantés çà et là dans les
prairies et les jardins. La seule industrie du pays est celle d’élever les vers à soie. C’est
aussi celle de la plupart des communes du comtat Vénaissin, qui sont presque toutes
riches et dans des sites agréables et gracieux. Aucune n’est habitée comme elle devrait
l’être. Trois fois autant de population y vivrait également bien, sans nuire aux habitans
actuels. L’industrie se multiplierait partout, un plus grand nombre de consommateurs
ferait mieux vendre les denrées, beaucoup de terres en friche seraient mises en culture,
les fourrages seraient consommés par un plus grand nombre de troupeaux, qui
fourniraient une plus grande quantité de laine et
d’engrais, et ces différens séjours redeviendraient aussi brillans que ce qu’ils étaient sous
les Romains. Depuis long-temps, on rêve à l’établissement de plusieurs dépôts de
mendicité: le département de Vaucluse pourrait en être un pour tous les départemens du
Midi. On n’aurait qu’à confier un certain nombre de familles malheureuses à chaque
commune qui manque de bras pour l’agriculture, ou qui a des terres vagues susceptibles
d’un grand produit. Ces familles seraient libres, et béniraient la main qui leur aurait
procuré une honnête aisance.
Les montagnes des environs de Vaison offrent une quantité d’ostracites, d’anmonites
pyriteuses, de camites, de différens madréporites du genre des orgues de mer, de fungites
cyathiformes ou placentiformes, d’astroïtes étoilés, de nautiles, de bois fossile et autres
productions naturelles.
Les foires du pays sont, le 23 janvier, le 15 février, le mardi de la Pentecôte, le 8
septembre et le 30 novembre. Pop. 2,580 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Vaison, Buisson, Cairanne,
Crestet, Faucon, Puymeras, Rasteau, Roaix, Saint-Marcelin, Saint-Romain en Viennois,
Saint-Roman-de-Malegarde, Séguret et Villedieu.

VAL (LE). Joli village à une lieue de Brignoles son chef-lieu d’arrondissement et de
canton. La primitive habitation se trouvait sur une hauteur, et se nommait Paracol
(Parcs Colles). Les habitans l’abandonnèrent successivement, pour venir établir leurs
demeures dans la plaine et dans un site infiniment plus agréable, quoique moins fort. Ce
site dot être apprécié par les Romains. Une riche famille dut y établir une villa
considérable. La belle source qui se trouve près du village actuel et les jolies expositions
des coteaux qui forment la vallée, l’annoncent de manière à n’en pouvoir douter. Si nous
avions besoin d’une preuve plus convaincante encore, nous la trouverions dans un
fragment d’inscription trouvée, il y a plusieurs années, dans les ruines de la chapelle dite
des Pénitens. Elle paraît avoir servi au tombeau d’un membre de la famille qui possédait
cette terre. Quoique le temps ait dégradé cette inscription, on y lit encore ces mots:

CHO.
Q. ATILII
PYTHEE
ET ATILIA

C’est même au Val que, du temps des guerres intestines, le régiment Saint-André,
composé de deux à trois cents cavaliers, battit complètement, et en moins d’une heure, le
baron de Carcès qui commandait des forces considérables, mais tous hommes
indisciplinés, et habitués plutôt au meurtre et au pillage qu’à faire la guerre.
En 1707, les paysans du pays attaquèrent et défirent un gros parti d’Allemands et de
Piémontais, ce qui fit dire à un général français témoin de cette action: — Les
Provençaux sont de braves gens. Je suis certain, en voyant la résolution de “ tous, que
non seulement le duc de Savoie échouera dans son entreprise, mais qu’il souffrira
beaucoup dans sa retraite.
Peu de mois après, il eut la satisfaction de voir sa prédiction se réaliser entièrement.
Le village du Val s’accroît et s’embellit chaque jour, il deviendra important, à cause de
la petite route de Brignoles à Draguignan, qui le traverse et devient très-passante. Le
climat est doux, l’air fort sain. Une mine de charbon de terre d’une mauvaise qualité se
trouve dans le territoire, du côté de Montfort. Le sol produit du blé, du vin, de l’huile, du
fourrage, des légumes et des fruits. Les foires sont, le 3 février, le 8 août, et le 14
septembre. Pop 1,750 hab.

VA L AVOIRE. Petit village du canton de la Motte, 5 lieues de Sisteron. Climat


excessivement froid, et sol des plus ingrats. Pop. 250 hab.

VALBELLE. Village du canton de Noyers, à une lieue et demie de Sisteron. Les


habitations sont dispersées. L’ancien village était sur une colline. Les torrens empêchent
quelquefois les communications avec les lieux voisins. Le climat, quoique froid en hiver,
est fort chaud en été. La plaine est riante et arrosée par des ruisseaux qui ne tarissent
jamais. Ils contribuent beaucoup à la fertilité du sol, qui donne principalement du blé et
des pommes de terre. Avec un peu de soin, on pourrait y cultiver les artichauts, les
melons et même les orangers. Le pays offre quelques ruchers assez productifs. Pop. 688
hab.

VALBONNE. Village du canton du Bar, à 2 lieues de Grasse, très-exposé au Maëstral,


ce qui rend le pays froid en hiver. Les eaux stagnantes de la Brague le rendent peu sain
en été. Les moines de Lérins en avaient la juridiction. Les Sarrasins détruisirent l’ancien
village, et menèrent une partie des habitans en esclavage. Ceux qui eurent le bonheur de
se sauver dans les montagnes, joints à quelques Piémontais, vinrent rebâtir le village.
Les rues sont toutes bien alignées et percées avec symétrie. La plus haute île de maisons
appartient à la commune d’Opio. Le sol produit abondamment d’huile et du blé. Des
forêts de pins s’étendent jusque près des ponts de Vallauris, sur un sol tantôt calcaire et
tantôt de grès. Par intervalle, on trouve de grandes étendues qui seraient très-propres à
l’agriculture, tandis que, dans l’état, elles ne rendent, pour ainsi dire, rien. On pourrait
avec avantage y planter des vignes, des châtaigniers et des oliviers, les orangers y
viendraient bien, et les fleurs et les fruits produiraient considérablement au pays. Pop.
1,115 hab.

VALCARÈS. Grand étang qui occupe une grande partie de la Camargue.

VAL-DE-ROURE. Village du canton de Saint-Auban, à 9 lieues de Grasse. C’est une


ancienne dépendance de la commune de Séranon. Quoique le climat soit moins froid en
hiver, les productions sont à peu près les mêmes. Le 29 juin, il se tient une foire au
quartier de la Ferrière. Pop. 320 hab.

VALENSOLE, Valens-Solarium. Petite ville chef-lieu de canton, à 12 lieues de Digne.


Les plus anciens documens placent cette ville in agro variacensi. Ce lieu était donc
occupé par les Variacens. Tout prouve que ce pays a pu être le chef-lieu d’un peuple
celto-lygien.
Les Variacens, réunis aux Albici, montagnards fameux, alliés à la République de
Marseille, se distinguèrent par leur bravoure et leur valeur. César les compare aux
meilleurs soldats de son armée.
Les Romains ne manquèrent pas de visiter le pays des Variacents. Plusieurs familles
étrangères s’y établirent.

L’ancien lieu, ou pagus variacensis, se trouvait au quartier d’Arlane. On y découvre de


temps à autre des traces d’antiquité, des médailles consulaires, impériales, marseillaises
et sarrasines, un grand nombre de tombeaux, des lampes sépulcrales et des fragmens
d’ustensiles de cuisine en terre cuite. A ce même quartier il y avait autrefois des
colonnes de granit gris, qui furent prises aux mêmes carrières que celles qu’on voit
encore à Riez.
Près d’Arlane, et au quartier de Granièro, sont des ruines romaines qui ressemblent
parfaitement à des greniers. Ce sont des sortes de caveaux carrés, de six pieds de
profondeur.
Ce pagus variacensis paraît avoir été brûlé par les Barbares. Les charbons qu’on trouve
dans toutes ces ruines annoncent que le pays a été détruit par le feu.
L’objet le plus curieux qu’on ait trouvé à Arlane, est un vase de terre en forme d’une
jarre pour l’huile, mais d’une contenance de dix-sept coupes, mesure du pays, ou cinq
cent trente litres, mesure nouvelle de France, ou vingt amphores, un conge, trois sextarii,
un hemina, un quartarius, un agathus, et près de deux ligulœ, mesure ancienne des
Romains. Ce vase est donc ce que ce peuple nommait un dolium, qui, comme on assure,
contenait vingt amphores.
La ville de Valensole est bâtie en amphithéâtre. Ses rues sont fort roides, à l’exception
de la plus basse, qui est transversale. A la moindre averse, ces rues coulent comme des
torrens impétueux. J’ai vu, un jour de foire, les eaux entraîner une charrette chargée.
Cette ville est la patrie de saint Mayol ou Mayeul, évêque de Cluny.
Le territoire de Valensole est fort vaste. Les plaines supérieures n’offrent qu’un sol très-
maigre, et des amandiers qu’on laissait venir au hasard, mais qu’aujourd’hui on taille
avec soin, aussi donnent-ils abondamment de fruits qui font un grand commerce dans le
pays, et qui, pour les concasser, donnent pendant l’hiver de l’occupation aux femmes et
aux enfans. Les amphithéâtres produisent du blé, de l’huile et du vin médiocre La petite
vallée est fort agréable par ses prairies bordées de noyers, elle est arrosée par les belles
eaux de la fontaine au bas de la ville et par celles d’un petit ruisseau.
Le territoire est fort étendu, il est borné au nord par la rivière d’Asse et par la Durance
jusqu’en dessous du château Rousset. La plaine au bord de cette rivière est étroite mais
très-fertile. On n’y trouve d’habitations agglomérées qu’au hameau du Plan, qui pourrait
un jour devenir commune, à cause de son éloignement du chef-lieu.
Les foires sont, le 31 janvier, le 24 juin, le 9 octobre et le 25 novembre. Pop. 3,520 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Valensole, Brunet, Gréoux et
Saint-Martin-de-brumes,

VALERNES. Petit village du canton de la Motte, à 2 lieues de Sisteron, près la rive


gauche de la Durance.
Les productions sont les mêmes qu’aux lieux voisins. C’est la patrie d’un saint prêtre
nommé Pierre Simon, qui mourut à Aix en 1714. Pop. 620 hab.

VALETTE (LA), Vallis Lœta. Village à une lieue et demie de Toulon son chef-lieu de
canton et d’arrondissement, dans un site fort agréable, sous un climat tempéré et fort
sain. H. Bouche dit qu’on y trouva cette inscription:

IVE. VICTORINUS.
PAPPVS IVLA PR. MEMOR FECI BENE ME
AN. III D. XVI

Le peuple s’y ressent plus des mœurs de la ville que de celles du village. Aussi y trouve-
t-on des personnes instruites dans toutes les classes. L’homme riche fait des expériences
en agriculture, et les communique sans égoïsme aux cultivateurs. Ceux-ci reçoivent les
lumières de ceux-là avec empressement, avec reconnaissance, et ne méprisent point ceux
de qui ils les tiennent. Aussi, le sol du pays, qui est très-maigre et très-ingrat, produit
beaucoup d’huile, beaucoup de vin très-estimé, des fraises excellentes, etc. Le pays offre
des tanneries et des fabriques d’acétate de plomb.
Sur le chemin de la Crau est le château de Lamagnon, qui avait appartenu à la reine
Jeanne. Ses murailles sont très-fortes, les fossés existent encore en partie. Les eaux de la
belle source du Thon, de Solliés-Toucas, venaient autrefois arroser les jardins et les
prairies de cette terre royale. Les foires sont, le dimanche après la Sainte- Anne, et le
dimanche après la Sainte-Cécile. Pop. 2,000 hab.

VALLAURIS, Vallis aurea. Village du canton d’Antibes, à 4 lieues de Grasse. Il fut


fondé par une colonie génoise qui conserva long-temps son langage, mais que la
fréquence des étrangers a corrompu et presque fait disparaître. Le pays a un grand
nombre de fabriques de poterie commune, principalement de marmites et de jarres pour
l’huile. On les embarque et on les expédie fort loin. Le climat est tempéré en hiver et
fort chaud en été, le sol, partie calcaire et partie granitique, offre de bonnes argiles, du
grés, de la manganèse et du joli marbre blanc veiné gris. Les terres cultivées produisent
du blé, du vin, de la bonne huile, de belles figues, des melons et autres fruits. Les forêts
ne sont couvertes que de pins maritimes, qui est la plus mauvaise espèce de toutes. La
plupart des arbres sont chétifs. On ne leur donne pas le temps de croître, car on les coupe
avant qu’ils soient formés, afin de faire cuire la poterie. Quelques amphithéâtres de ces
forêts ont le sol excellent, et on pourrait y cultiver avec un grand avantage la vigne et
l’olivier, qui rendent plus que les mauvais pins.
On appelle, dans la contrée, ponts de Vallauris, un pont dans le territoire, mais sur le
chemin de Grasse à Antibes, et un reste d’aqueduc de construction romaine, qui portait
aux bains publics d’Antibes les eaux de la fontaine de Bouillie.
Il y a quelque temps, il était d’usage à Vallauris, qu’aux enterremens, le plus proche
parent faisait l’apologie du défunt. Le mari faisait l’éloge de sa femme, et la femme
celui de son mari. Mais il arrivait souvent que l’apologie se tournait en blâme, et que le
prétendu éloge n’était composé que d’invectives contre la mémoire de celui ou de celle
qu’on portait en terre. Plus le survivant avait eu des torts envers le mort, plus il
s’efforçait de ternir la mémoire de celui ou de celle qui ne pouvait plus se défendre.
Cette cérémonie n’a plus lieu à Vallauris, ni même à Grasse, où on la pratiquait avec
excès. On a pareillement supprimé de porter à l’offrande treize pains et treize bouteilles
de vin. Dans quelques communes, le peuple se contente de porter un pain et une
bouteille, que le sonneur reçoit comme un salaire. Pop. 1,810 hab.

VALLIER (SAINT), dans son origine, Castrum Valerii, sous les comtes souverains de
Provence, Castrum de Sancte Valerio, au commencement de la domination des rois de
France, Chastel-de-Saint-Vallier, et enfin Saint-Vallier. Bourg chef-lieu de canton, à 2
lieues de Grasse.
Il est probable que Saint-Vallier existait, mais sous un autre nom, avant que les Romains
pénétrassent dans la Gaule. Cinq camps formés de pierre sans ciment et parfaitement
conservés, situés à environ une demi-lieue autour du village, semblent l’attester. On
trouve dans le territoire de cette commune beaucoup de haches en pierre dure ou
tabonas, qui prouvent qu’il s’y est livré, dans un temps très-éloigné, plus d’un combat,
car on n’a fait usage des pierres taillées et aiguisées, comme instrumens de guerre,
qu’avant l’introduction des armes de fer. Assez éloigné de la côte pour que le druidisme
ne fût pas troublé par les étrangers, on voit sur divers points des monumens de ce culte
sanglant. On a découvert récemment sous une énorme pierre, à la campagne, un coin ou
hâche en cuivre, un stylet et des fragmens d’autres instrumens en fer.
Il est incontestable, du moins, que Saint-Vallier ai été fondé par les Romains. Ce fut,
dans le principe, un fort dont les murailles existent encore en grande partie, et qui, par
son étendue, devait contenir facilement plusieurs cohortes. Pour expliquer l’origine de
ce fort, il faut nécessairement se reporter aux premières apparitions des Romains dans la
Gaule, et ne pas perdre de vue la politique astucieuse et constamment suivie par ce
peuple extraordinaire, qui n’intervenait jamais impunément dans les différens où il était
appelé comme allié.
154 ans avant Jésus-Christ, le consul Q. Opimus, envoyé avec une armée dans la Gaule,
à la sollicitation des Massaliotes, prit Ægitna et Oxibia, les détruisit, réduisit la
population en esclavage, et donna aux Massaliotes les terres qu’il avait conquises sur les
Oxbiens et les Déciates, qui furent désarmés. Des troupes romaines restèrent en quartier
d’hiver, et occupèrent les villes et les principales positions militaires de l’arrondissement
de Grasse.
C’est ainsi que les Romains se préparèrent un point d’appui pour subjuguer, à la
première occasion, les Gaulois, dont le nom seul les fesait frémir. Et en effet, en 125, le
consul M. Fulvius Flaccus et son successeur C. Sextius Calvinus, ravagèrent le
département des Bouches-du-Rhône. Ce dernier, après avoir fait la conquête du pays
salien, promena ses légions le long du littoral entre le Rhône et le Var, balayant la popu-
lation et la refoulant dans les montagnes de l’intérieur, pour assurer les routes de terre et
de mer, d’Italie en Gaule. La route de terre longeait la côte entre la mer et les derniers
escarpemens des montagnes.
Castrum Valerii remonte sans doute à cette première époque, et eut pour objet, 1° de
contenir les Gaulois si redoutables des montagnes, et ceux qui, ayant été dépouillés de
leurs biens, de leurs armes et de leur liberté, furent forcés de quitter le sol qui les avait
vus naître, 2° de protéger les quartiers d’hiver et en même temps le passage du Var, 3° de
couvrir et défendre les magasins qui furent établis probablement à Auribeau.
Des médailles et des pièces de monnaie en cuivre et en argent, que l’on y trouve
fréquemment, des tombeaux en terre cuite avec des lacrymatoires, prouvent
suffisamment le séjour des Romains. On a découvert, il y a une douzaine d’années, à un
quart de lieue du village, sur une éminence appelée le Brec, des restes de bâtisse, un
conduit en terre cuite qui y amenait les eaux du Castelas, et des monnaies en cuivre et en
argent, du temps de Jules César. C’était sans doute une villa.
Sur les hauteurs, à une demi-lieue au nord du village, se trouvent deux cassines
entourées de retranchemens en pierres sèches, dont l’une est appelée la tour de Nans
(elle a été détruite il y a trois ou quatre ans), et l’autre la chrève d’or. Celle-ci était
accompagnée d’autres constructions dont on ne voit que les fondemens. De ces deux
points on a une vue magnifique sur tout le littoral depuis Toulon jusqu’au Var. On ne sait
pas quel a été le but de ces espèces de fortifications avancées. Il est possible que, par la
première, on ait eu en vue de surveiller les défilés du nord, et de mettre le fort à l’abri
d’une surprise de la part des habitans de la haute Provence, la seconde annonce que près
de là il a dû se trouver un temple dédié à la chèvre d’or. La situation est à-peu-près
conforme à celle de pareils édifices qui se trouvaient dans les territoires de Lorgues et de
Draguignan.
On a prétendu que ces constructions ont été faites du temps des Sarrasins, mais cette
assertion n’offre aucune probabilité. D’un côté, il ne pouvait s’y loger que quelques
individus, et de l’autre, pour les garder, on aurait affaibli le village, qui se serait ainsi
trouvé à découvert du côté du midi, et livré à l’ennemi.
Quoiqu’il en soit, les habitans eurent certainement à se défendre soit contre les
Sarrasins, soit contre les religionnaires, et c’est sans doute par suite des succès qu’ils
obtinrent, que le village fut surnommé l’espaseto (petite épée), surnom que la tradition a
long-temps conservé.
L’antique origine de Saint-Vallier et l’importance que l’on y attacha se trouvent
corroborées par les droits qu’il avait, et qui lui furent confirmés par les comtes de
Provence et par les premiers rois de France jusqu’à Henri III.
Les habitans avaient les terres cultes et incultes, les pâturages, les eaux (æquor), la
justice, le droit de faire paître leur gros et menu bétail, de couper du feuillage (ramagia)
dans toute la province, et les droits de régale, droits, est-il dit dans les lettres patentes,
dont ils ont constamment joui de tout temps. Les premières lettres patentes que l’on
conserve encore, sont de Sance, frère d’Alphonse Ier, roi d’Arragon, et à la date du mois
d’Auguste 1181.
Il existe, en effet, une sentence de 1430, du juge de la cour (curiæ) de Sancte Valerio, et
une autre sentence, de 1481, du juge de Grasse, qui reconnaît aux habitans le droit de
faire paître leurs troupeaux dans le territoire de cette ville. Il y a une tradition qui
confirmerait ce dernier fait, s’il pouvait être mis en doute, c’est que les bergers allaient
abreuver leurs troupeaux à la Foux de Grasse un couteau ouvert suspendu au côté, ce qui
ferait croire que la force était employée au besoin pour soutenir le droit. Il serait possible
aussi que les bergers fussent armés pour se défendre des voleurs qui, dit-on, infestaient
les territoires de voisins.
Des avantages aussi considérables opposèrent un obstacle à la féodalité, qui
insensiblement y poussa des racines malfaisantes. Le chapitre de Grasse parvint à s’en
faire déclarer seigneur, mais ce ne dut être que postérieurement à 1244, époque à
laquelle l’évêché d’Antibes fut transféré à Grasse, propter insalubritatem aëris et
incursus piratorum, porte la bulle d’Innocent IV.
Sous l’administration paternelle des comtes, Saint-Vallier se maintint dans sa prospérité,
mais sans acquérir aucun accroissement, à cause de sa position et de l’aridité du sol, peu
propre à la culture des céréales, particulièrement du blé, et qui ne permet que d’élever du
bétail. Sa décadence commença quelque temps après la réunion de la Provence à la
couronne. Le clergé fut plus favorisé, et devint, par conséquent, plus puissant. Le
chapitre de Grasse suscita des tracasseries continuelles et des procès interminables à la
communauté, qui ne se laissa pas dépouiller sans opposer une résistance opiniâtre. On ne
peut se lasser d’admirer, dans la lutte qu’elle soutint, cette population forte de son
organisation romaine.
Un arrêt de la cour des comptes, de 1513, rendu en conséquence d’un édit de la reine
Jeanne, de 1366, enjoignit aux habitans de ne reconnaître la juridiction d’aucun seigneur
de la province. Cet édit, remarquable par celui qui le donna, per magnificum virum
Napoleonem, fait connaître et réprime l’audace et l’insolence de la noblesse et du clergé
de cette époque, qui se livraient à toutes sortes de vexations et de cruautés.
Un autre arrêt de la même cour, de 1526, maintint la haute justice et les droits de régale
aux habitans, mais concéda la basse justice au chapitre. Plus tard, la justice fut
administrée par les rois de France.
En 1698, Saint-Vallier avait perdu tous ses privilèges. A la même époque, l’impôt qui
pesait sur les habitans fut doublé.
En 1722, la communauté fut obligée d’aliéner des propriétés importantes pour payer ses
dettes, beaucoup de particuliers vendirent leurs biens et s’expatrièrent. La population,
qui était encore, en 1689, de neuf cents âmes,diminua progressivement.
Pendant les orages de la révolution, les habitans se maintinrent dans les limites d’une
sage liberté, non seulement ils ne commirent aucun excès, mais encore ils s’élevèrent
spontanément et d’un commun accord contre les violences de quelques habitans de
Cabris, qui cherchaient à mettre le désordre dans le canton.
Il y a plusieurs qualités de marbre dans le territoire, dont une, fort belle, a fourni les
colonnes qui ornent le principal autel de l’église de Grasse. Auprès de la montagne de
Graou, et dans un fond, se trouve un lit de tourbe qui serait un combustible nécessaire
pour l’aménagement des bois des environs, qui dépérissent chaque jour. Cette tourbe est
en grande partie recouverte d’une sorte de sable vert propre à la fabrication du verre
vert. Il est employé aux manufactures de verre de Calian, où on le nomme sable de
Saint-Vallier.
Dans la vallée du quartier de Nans se trouve une forte couche de lignite, recouverte par
un banc de grès, qui contient à plusieurs endroits des rognons de cuivre, de fer hydraté.
Cette roche est elle-même recouverte par des lits de sable agglutiné, de peu d’épaisseur
sur quelques points. Ce lignite fournit une houille d’un aspect heureux et facile à rompre
en fragmens rhomboïdaux. Elle fut essayée avant la révolution par un armurier, qui
assura n’en avoir brûlé d’aussi bonne pendant trente ans qu’il avait travaillé dans le
Forêt.
Sur les différentes hauteurs du territoire de Saint-Vallier, la lavande croît avec vigueur.
Plusieurs personnes y transportent leur alambic, et distillent cette plante. L’ h u i l e
essentielle qu’on en retire est vendue aux parfumeurs de Grasse, ou expédiée dans
l’intérieur, pour en faire l’eau de Cologne ou toute autre préparation chimique. Un
chimiste moderne, M. Prouest, a prouvé que le camphre existe dans toutes les plantes de
la famille des labiées, et en quantité considérable dans la sauge et la lavande, et qu’on
peut l’extraire avec avantage.
La curiosité naturelle la plus remarquable du pays est un pont formé de rochers et
couvert de gros arbres, sous lequel passe la rivière de Siagne, et que l’on appelle pont-à-
Diou. Les amateurs ne manquent pas de le visiter, et l’on y va faire des parties de plaisir.
Les moutons que l’on engraisse dans le territoire ont une chair d’un goût exquis, qui les
fait rechercher par les gourmets, les truites que l’on prend vers la source de la Siagne
n’ont pas moins de réputation. L’air pur et frais que l’on respire pendant la chaleur de
l’été, attire souvent des malades dont la santé en éprouve promptement les salutaires
effets.
Foire importante pour le bétail, le 1er lundi de septembre. Pop. 630 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Saint-Vallier, Cabris, Saint-
Césaire, Escragnoles et le Tignet.

VALLUC. Étang de la Valluc. Il se trouve dans le territoire de Saint-Mître, près de


l’étang d’Engrenier.

VALREAS, Valreascum ou Valreacum. Petite ville chef-lieu de canton, tout-à-fait au


nord du département de Vaucluse, à 6 lieues d’Orange, près la rive gauche de la
Coronne. Les dehors sont beaux, les remparts sont bâtis régulièrement, mais l’intérieur
est désagréable par les rues étroites et la plupart escarpées. Il y a de belles fontaines qui
donnent de l’eau excellente. Le territoire est vaste, mais sec et sablonneux, en général,
on y recueille du seigle, des châtaignes, des olives, des glands, du vin, on y élève des
vers à soie, et on y nourrit beaucoup de cochons. Les montagnes au midi offrent des
ostracites, des anmonites pyriteuses, des camites, des différens madréporites du genre
des orgues de mer, des fungites cyathiformes ou placentiformes, des astroïtes étoilés, des
nautiles et du bois fossile. Les jours de foire sont, le 17 janvier, le 24 février, le lundi
après les Cendres, le 15 avril, le l2 mai, le 23 juin, le 6 août, le 24 août, le 21 septembre
et le 6 décembre. Populat. 4,360 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Valréas, Grillon,
Richerenches et Visan.

VALSAINTES. Petit village du canton de Banon,à 5 lieues de Forcalquier. Pop. 73 hab.

VAR. Grande rivière que les Romains qualifiaient de fleuve, Varum flumen. Elle prend
sa source dans les montagnes des Alpes, en dessous de Saint-Dalmas en Piémont, entre
dans la Provence près du village de Sausses, où il reçoit le Colon, passe à Entrevaux,
rentre dans le Piémont au Pujet de Théniers, s’enfonce dans le comté de Nice, et vient
servir de limite au département du Var, depuis le confluent de l’Estéron jusqu’à la mer,
entre Nice et Antibes. Le nom de cette rivière dérive du latin variare, varier, changer. En
effet, son lit change souvent de place, et fait un dégât considérable dans la plaine qui se
trouve sur la rive gauche. C’est pourquoi le roi de Sardaigne a affecté depuis peu la
somme de six millions, pour faire construire une forte digue en bâtisse, à même de re-
pousser l’impétuosité des débordemens des eaux, qui ont ordinairement lieu aux pluies
d’automne et lors de la fonte des neiges. Son lit offre des indices de plomb, de cuivre, de
fer et même d’or. On y trouve des morceaux de beau granit, du grès et une pierre veinée
de spath blanc. Avant la révolution, on passait le Var à gué: aussi s’y perdait-il souvent
du monde; mais aujourd’hui il y a, près du village de Saint-Laurent, un pont en bois de
plus de cinq cents mètres de longueur, dont la moitié est entretenue par la France et
l’autre moitié par le Piémont.

VAR. Département du Var. On aurait mieux fait de l’appeler département d’Argens,


attendu que la rivière de ce nom le traverse presque, et le divise en deux parties à-peu-
près
égales, tandis que le Var ne fait que le séparer des états du Piémont. S’il prenait fantaisie
au roi de Sardaigne de diviser ses états en départemens, et de donner à chacun le nom de
la principale rivière qui le baigne, nous aurions dans le Midi deux départemens du même
nom. Le département du Var est un de ceux compris dans l’ancienne Provence, borné par
le comté de Nice, le département des Basses Alpes, celui des Bouches-du-Rhône et par
la mer, divisé en quatre arrondissemens communaux, Draguignan, chef-lieu, Toulon,
Grasse et Brignoles, sous-préfectures. La pop. est d’environ 312,000 hab.
VARAGES, Varagines ou Varegiœ. Bourg assez agréable, tout en plaine, du canton de
Barjols, à 7 lieues de Brignoles. Un corps de protestans s’étant enfermés dans ce lieu,
furent bientôt cernés et assiégés par ]le baron de Flassans. Les protestans opposèrent la
plus vive résistance. Après avoir consommé leurs munitions, ils se battirent à coups de
pierre, enfoncèrent les rangs des catholiques, et se sauvèrent dans la ville de Saint-
Maximin. Varages a plusieurs fabriques de faïence, une source d’eau salée qui va se jeter
dans l’Argens, et une grotte qui offre des stalactites assez curieuses, quoiqu’elles aient
été beaucoup dégradées dans la révolution. Le sol est bon, et produit assez de blé, de vin
et d’huile.
Les foires du pays sont, le 6 septembre et le 17 décembre. Pop. 1,500 hab.

VAUCLUSE, Vallis Clusa. Village du canton de l’Ile, à 4 lieues d’Avignon. Il était


autrefois plus considérable, mais ayant éprouvé le même sort qu’une infinité d’autres
villages, les habitans construisirent leurs nouvelles demeures sur une hauteur, auprès
d’un château fort et sur un aqueduc construit par les Romains. Ce canal existe presque
intact en plusieurs endroits. Quelques auteurs ont présumé qu’il conduisait ses eaux à
Arles en traversant la Durance, rivière que nous savons avoir toujours été fort large. Il
est plus vraisemblable de croire qu’il les portait seulement à Cavaillon, qui n’est qu’à
deux lieues du village de Vaucluse.
Le climat de ce lieu est fort doux, à cause d’une chaîne de montagnes qui le garantit des
vents du nord. Cependant il y règne un vent particulier, qu’on ne ressent plus dès qu’on
est sorti de la vallée. Le territoire n’est presque que collines, où l’on trouve des fossiles
de plusieurs espèces, beaucoup de pétrifications et de cochites très-belles. Le spath y est
aussi très-commun. Le sol y est ingrat, à force d’engrais et de culture, il produit de
l’huile, des légumes, du raisin et autres fruits d’un goût exquis. Il y a plusieurs
papeteries qui, malgré leur ancienneté, n’ont jamais travaillé à perfectionner le travail.
Vaucluse est la patrie de saint Véran, évêque de Cavaillon. Ce fut lui qui convertit ses
compatriotes à la foi de l’évangile; et le temple des faux dieux fut changé par lui en une
église paroissiale qui lui a été dédiée. On représente ce saint tenant le paganisme en-
chaîné sous la forme d’une couleuvre. Pop. 406 hab.
Non loin de ce village se trouve la source de Vaucluse, Vallis Clausa. Pline l’appelle
Valclusia. Cette fontaine est devenue célèbre par les beaux vers de Pétrarque, archidiacre
de Parme, chanoine de Padoue, le même qui, avec le Dante, contribua beaucoup au
perfectionnement de la langue italienne. Ce Pétrarque, né avec un génie poétique, quitta
la cour d’Avignon, pour aller habiter auprès de la nymphe de Vaucluse, et donner un
libre essor à la fécondité de son imagination. C’est elle sans doute qui lui inspira les
beaux vers qu’il écrivit en l’honneur de la belle Laure, femme d’un gentilhomme
d’Avignon, qu’il n’avait peut-être vue qu’une seule fois. Comme il était d’usage aux
poètes d’alors de chanter la beauté, Pétrarque chanta la belle Laure, et ses beaux vers ont
illustré la fontaine de Vaucluse et la ville d’Avignon.
La fontaine de Vaucluse est une des plus belles qui existent en France. Au pied d’un
demi-cercle de rochers taillés à pic et qui s’élèvent à une hauteur énorme, on trouve un
antre que son obscurité rend effrayant. Des arceaux en pierres brutes, formés par la
nature, en forment la voûte. Ces rochers sont d’un grain rougeâtre et tenant de la nature
du marbre. On en a taillé la base en forme de conque ou de bassin, d’où les eaux de la
fontaine jaillissent tranquillement. Dans l’antre dont nous venons de parler, on peut y
entrer, quand l’eau est basse. La première caverne qui se présente a plus de soixante
pieds de hauteur, l’autre, qui paraît avoir au moins cent pieds de largeur sur autant de
profondeur, n’a qu’environ vingt pieds d’élévation. C’est vers le milieu de cette seconde
caverne qu’on trouve la source de cette fontaine. Ce gouffre, dont on n’a jamais pu
trouver le fond, a une forme presque ovale, et peut avoir une centaine de pieds dans son
plus grand diamètre. L’eau y est claire comme le cristal, sans mousse ni dépôt, mais
crue, pesante et indigeste.
Quand la source est dans son état ordinaire, l’eau passe, par des conduits souterrains et
naturels, dans le lit où elle commence son cours, sous le nom de rivière de Sorgues, que
Pline appelle simplement Orgue, tandis que du pied des rochers latéraux, et de distance
en distance, s’élancent des gerbes d’eau qui tombent à gros bouillons dans la rivière.
Mais, dans les temps de crue, la source s’élève au-dessus du monticule qui la sépare du
lit de la Sorgues, les eaux se précipitent avec fracas sur des quartiers de rochers, et leurs
flots bleuâtres et écumeux franchissent en un instant tout ce qui s’oppose à leur cours.
Quelques personnes pensent que les eaux de cette source proviennent de la fonte des
neiges des Alpes, montagnes qui en sont à une trentaine de lieues, et que ces eaux
passent au fond de l’abîme de Cruys, ce qui ne tombe pas sous les sens. Selon les autres,
cette source est alimentée par les eaux du Rhône et de la Durance, tandis que ces deux
rivières sont plus basses que la source même. Mais on a remarqué que les débordemens
de ces deux rivières font époque aux grandes crues de la source de Vaucluse, on aurait
dû prévoir que les fortes pluies qui fournissent aux rivières, fournissent aussi par
l’infiltration aux réservoirs souterrains. Toutes les eaux qui s’écoulent du Mont Ventoux,
du Léberon et de toutes les Alpines ne se rendent pas dans les rivières, des cavités
souterraines les reçoivent et les communiquent à la source de Vaucluse.
Quelques auteurs ayant considéré la largeur et la profondeur de la fontaine sous la
seconde voûte, ont avancé, sans fondement ni connaissance de cause, que cette
montagne avait dû receler quelque volcan, dont l’explosion ouvrit ces cratères où l’eau
se ramassa dans la suite. Ces auteurs auraient dû s’apercevoir que la pierre de la
montagne, entièrement calcaire, reçoit le poli, elle n’a donc pas souffert l’action du feu
qui l’aurait réduite en chaux. Dans les concavités de cette montagne, on ne trouve ni
pierre soufflée, ni lave, ni pozzolane, en un mot, aucune scorie volcanique. Alors ces
creux ne proviennent pas d’un volcan. Ces concavités, de même que tous les
déchiremens des montagnes calcaires et les réservoirs souterrains, datent de l’époque où
le feu central de la terre fit faire une infinité d’éruptions sur toute la surface du globe,
qui, à son extérieur, était, pour ainsi dire, unie, puisque les eaux de la mer la couvraient
sur tous les points. Ce fut ainsi que les montagnes se formèrent. Le granit haussa et
déchira le calcaire dans tous les sens. La moindre élévation, semblable aux ampoules qui
viennent sur le corps humain, ou au pain que la chaleur du four fait élever, eut dans son
intérieur des cavités plus ou moins grandes. Ces vides furent bientôt remplis par
l’infiltration des eaux pluviales et par la fonte des neiges qui s’amoncelaient et
s’amoncèlent encore tous les ans sur les grandes hauteurs. Ces eaux, par leur pesanteur,
se firent jour, non point en fendant ni en rongeant les rochers, comme quelques-uns ont
osé le prétendre, mais en détachant les terres et graviers qui se trouvaient dans les fentes
des rochers calcaires, ce qui donna naissance aux sources, aux fontaines, aux ruisseaux
et aux rivières. Telle est ma manière de penser à cet égard, que je soumets volontiers au
lecteur.

VAUCLUSE. Le département de Vaucluse est compris dans l’ancienne Provence. Il est


borné par le Dauphiné, par le département des Basses Alpes, par la Durance, qui le
sépare du département des Bouches-du-Rhône, et par le Rhône, qui le sépare du
Languedoc et du Vivarais. Il est divisé en quatre arrondissemens communaux, Avignon,
chef-lieu, Carpentras, Orange et Apt, sous-préfectures. Population, environ 255,000
âmes.

VAUGINES, autrefois Vallis Jovina, aujourd’hui, par corruption, Vallis Jouina. Village
du canton de Cadenet, à 5 lieues et demie d’Apt. On croit que, du temps des Romains,
on y adorait particulièrement Jupiter. Le nom du lieu semble assez l’annoncer. Jou, Jovis
est un nom celtique dont on a fait Jupiter, en ajoutant l’épithète pater. Le climat de ce
village est tempéré, l’air sain, le sol fertile, principalement en pâturages, on y recueille
aussi du blé, du vin et de l’huile, et on y élève des vers à soie. Pop. 510 hab.

VAUGRENIER. Étang près d’Antibes et au bord de la mer, sur la route de Nice. Il fut
formé dans le cratère d’un volcan. En hiver, on s’y promène sur une barque, pour aller
ramasser les oiseaux aquatiques que le chasseur a abattus.

VAUMEILH, que quelques-uns appellent Vaumeuil. Village du canton de la Motte, à 3


lieues et un quart de Sisteron. Le sol est assez productif. La Durance baigne le territoire
du côté de l’ouest. Popul. 550 hab.

VAUVENARGUES, Vallis Veranica, Vallée des Vétérans. Village du canton de Tretz, à


2 lieues et un tiers d’Aix, sur le penchant du mont Sainte-Victoire. Son nom lui vient
vraisemblablement de ce que, selon l’usage des Romains, Marius distribua cette terre à
des vétérans de son armée. Marcellus, un des généraux sous Marius, passa par la vallée
de Vauvenargues pour aller se mettre en embuscade dans le bois de la Palleyrotte. Un
nommé Cinna, commandant un corps de réserve, s’arrêta près de Vauvenargues, au lieu
qu’on appelle encore citadelle de la Cinne (castrum Cinnœ). Des restes d’un camp
retranché se voient encore au hameau des Claps: Clavis. Entre ces deux lieux il y a un
puits qu’on assure avoir été creusé par les soldats de Marius. Selon moi, ce ne doit être
qu’après que ce général leur eut distribué les terres, car ils n’en auraient pas eu le temps,
lorsqu’ils poursuivaient leurs ennemis. Les Romains, après la défaite des barbares
devant Pourrières, élevèrent plusieurs temples à la Victoire. On voit encore quelques
vestiges d’un de ces temples, en face de Vauvenargues, près d’une ferme qui en porte le
nom: lou délubré de la victori. Un aqueduc construit par les Romains, et dont on voit
encore des restes, conduisait à Aix les eaux du pays ainsi que celles de Saint-Antonin.
Les sources sont abondantes dans le territoire.
Climat tempéré, air vif et salubre. Le terrain des collines est léger et propre aux
plantations, celui des fonds est très-fertile en blé et en légumes. Le chêne vert y est
abondant. Pop. 530 hab.

VEDÈNES. Village du canton de Bédarrides, à une lieue d’Avignon, sur la rive gauche
de la Sorgues, dans une plaine bien arrosée. On y recueille du blé, du foin et des fruits
délicieux. Le climat est sain et tempéré, quand le Maëstral ne souffle pas. Population
1,250 hab.

VÉDIANTICI. Nation celto-lygienne qui occupait la rive gauche du Var et tout le comté
de Nice. Elle s’était réunie aux habitans de la côte de Gênes, qui attirèrent les lances
romaines par leur piraterie contre tous navires, principalement contre ceux de Marseille.
Le consul Æmilius marcha contre eux. Surpris de sa prompte arrivée, ils demandèrent
une trêve de dix jours, pour disposer toute la nation et leurs alliés à faire leur
soumission. Mais dans ce court délai, ils font des préparatifs hostiles, et avant même
l’expiration de la suspension d’armes, ils surprennent le camp romain, et tiennent le
consul comme assiégé. Celui-ci, outré contre une si mauvaise foi, et désespérant d’être
secouru, ordonne une sortie générale, tombe à l’improviste sur les Liguriens qu’il met
dans le plus grand désordre, et, trois jours après, toute la partie de la Ligurie qui est entre
le Var et l’Arno, fut de nouveau soumise aux Romains.

VÉLAUNI. Peuplade celto-lygienne qui occupait les deux rives du Loup, près de
Cipières et de Gréolières. Selon les apparences, ce dernier était leur chef-lieu.

VÉLAUX, Locus de Velociis, Locus de Velaux, castrum de Velaus. Village du canton de


Berre, à 3 lieues et demie d’Aix. Sur la montagne Sainte-Eutropie, on voit les restes d’un
ancien retranchement celto-lygien. Le territoire produit du blé, du vin, de l’huile, etc.
Pop. 1,300 hab.

VELLERON. Village du canton de Pernes, à 2 lieues de Carpentras, sur un canal de la


Sorgues, qui fertilise les terres et les rend très-productives en blé, vin, foin, légumes, etc
Pop. 1,090 hab.

VÉNASQUE, anciennement Vendasca, Vindausca ou Vendausca, et ensuite Venasca.


Petite ville du canton de Pernes, à 2 lieues de Carpentras, sur la rive gauche de la
Nasque. Du temps des Romains, la déesse Vénus y avait un temple dont on voit encore
des vestiges. C’est cette ville qui donna le nom au comtat Vénaissin, quoiqu’elle n’ait
jamais été le siége de l’autorité civile, pas même de l’autorité ecclésiastique, quoi qu’en
disent les habitans, qui prétendent que l’évêché de Carpentras avait appartenu à leur
ville. Il est possible que les anciens évêques eussent quelques maisons à Vénasque, et
qu’ils allassent y passer quelques mois de l’année, comme en un lieu agréable, à cause
de la Nasque, qui rend le pays fertile en blé, vin, huile, fourrages et fruits excellens. Pop.
1,060 hab.

VENCE, Vincia. Ville chef-lieu de canton et un évêché supprimé, à 5 lieues et demie de


Grasse. Son nom est celtique, et signifie belle habitation. En effet, cette ville est
agréablement située sous un des plus beaux climats de la Provence. Elle était la capitale
des Nerusii, peuple celto-lygien, et faisait partie de la province des Alpes maritimes,
démembrement de la Celto-Lygie. Cette province comprenait toute la partie
montagneuse depuis Nice et Cimiez jusqu’à la vallée noire, aujourd’hui vallée de
Barcelonnette. Les peuples qui l’habitaient étaient appelés Liguriens chevelus (Ligures
capillati), vu qu’ils portaient les cheveux longs. Avant Auguste, Rome respecta leurs lois
et leurs libertés, moyennant un certain tribut annuel. Elle redoutait qu’en y envoyant des
troupes, elles n’y mourussent de faim et de froid. Ces montagnards étaient barbares et
difficiles à soumettre. Diodore de Sicile nous les représente accablés de misère, dans un
pays stérile qui ne produit ni blé ni vin, et où l’on n’avait pour toute nourriture que du
gibier et des légumes. Sous Auguste, ce pays agreste fut soumis par la force des armes,
ainsi qu’on peut en juger par le trophée des Alpes, élevé à la Thurbie, et dont Pline nous
a conservé l’inscription. On ne désapprouvera pas sans doute que je la donne à cet
article, ne fût-ce que pour faire connaître le nom des différens peuples qui furent
vaincus, et dont les Nerusii faisaient partie.

IMPERATORI CÆSARI
DIVI F. AVG.
PONTIFICI MAXIMO,
IMP. XIIII.
TRIBVNITIÆ POTESTATIS XVII.
S. P. Q. R.
QVOD EIVS DVCTV AVSPICIISQVE
GENTES ALPINÆ OMNES,
QVÆ A MARI SVPERO AD INFERVM PERTINEBANT,
SVB IMPERIVM POP. ROM. SVNT REDACTÆ.
GENTES ALPINE DEVICTÆ.
TRIVMPILINI, CAMVNI, VENOSTES, VENNONETES, ISARCI,
BREVNI, GENAVNES, FOCVNATES:
VINDELICORVM GENTES QVATVOR,
CONSVANETES, RVCINATES, LICATES, CATENATES: AMBISONTES,
RVGVSCI,SVANETES,
CALVCONES, BRIXENTES, LEPONTII, VIBERI,
NANTVATES,
SEDVNI, VERAGRI, SALASSI, ACITAVONES,
MEDVLLI, VCENI, CATVRIGES,
BRIGIANI, SOGIONTII, BRODIONTII,
NEMALONI, EDENATES, ESVBIANI, VEAMINI, GALLITÆ,
TRIVLATTI, ECTINI, VERGVNNI,
EGVITVRI, NEMENTVRI,
ORATELLI, NERVSI, VELAVNI, SVETRI.
Traduction:

A Auguste César, fils du divin César, empereur, grand-pontife, l’an XIV de son règne, et
de sa puissance tribunitienne le XVII, le sénat et le peuple romain, en mémoire de ce que
sous ses ordres et sous ses auspices tous les peuples des Alpes, de la mer supérieure à
l’inférieure, se sont soumis aux lois romaines. Noms des peuples vaincus: Triumpilins,
Camunes, Venostes, Vennonètes, Isarques, Breunes, Génaunes, Focunates: les quatre
nations Vindéliennes, Consuanètes, Rucianètes, Licates, Catenates: Ambisontes,
Rugusques, Suanètes, Calucons,Brixentes, Lépontiens, Vibères, Nantuates, Sédunes,
Véragres, Salasses, Acitavons, Médulles, Ucènes, Caturiges, Brigiens, Sogiontiens,
Brodiontiens, Némalons, Édenates, Ésubiens, Véamiens, Gallites, Trioulattes, Ectins,
Vergunnes, Éguitures, Némentures, Oratelles, Néruses, Vélaunes, Suètres.

Ces peuples tentèrent plusieurs fois de secouer le joug des Romains, qu’ils regardaient
comme des tyrans et des oppresseurs. Ils ne se soumirent réellement que lorsque la
majeure partie des habitans fut d’origine étrangère.
La ville de Vence, par son climat et sa situation, devint le séjour d’un grand nombre de
riches familles romaines, qui s’y attachèrent tout comme si elle eut été le pays de leurs
ancêtres. La ville fut consacrée au dieu Mars. On y adora aussi les déesses Vénus et
Cybèle, auxquelles on éleva des temples. Elle devint bientôt un grenier des Romains.
C’est pourquoi on l’appelle vincium horreum Cœsaris.
Cette ville a dû être bien plus considérable qu’elle ne l’est aujourd’hui. La preuve est le
nombre considérable d’inscriptions et de pierres de monumens antiques qu’on y a
trouvées, et qu’on y découvre de temps à autre. La plus curieuse est celle qui nous
apprend, que trois particuliers y offrirent un taurobole, sorte de sacrifice, pour
l’expiation d’un crime. On creusait une fosse profonde, couverte de planches trouées en
plusieurs endroits, et sur lesquelles on égorgeait un taureau avec la plus grande
cérémonie. Le prêtre destiné à faire l’expiation, se tenait sous les planches, vêtu d’une
robe de soie, et portant sur sa tête une couronne entourée de bandelettes. Il se tournait de
toutes les manières pour recevoir le sang sur toutes les parties de son vêtement. Dès que
la cérémonie était achevée, il sortait de la fosse, et tout le monde se prosternait devant
lui, comme s’il eût représenté la divinité pour laquelle on offrait le sacrifice. Ses habits
ensanglantés étaient regardés comme des choses sacrées. On les conservait
soigneusement et avec beaucoup de respect.
Le grand nombre d’inscriptions qu’on trouve encore à Vence, soit dans l’ancien palais
épiscopal, soit à la cathédrale et autres lieux, suffiraient pour prouver l’ancienneté du
lieu. On voit même dans le pays des colonnes qui avaient servi de bornes aux limites des
terres des Nerusii et des Marseillais.
Il ne reste plus rien de l’ancienne ville de Vence, qui fut saccagée par les barbares. La
ville est resserrée dans une enceinte de murailles qui interceptent l’air et assujettissent
les habitans à plusieurs sortes de maladies. Les faubourgs sont infiniment mieux bâtis et
plus salubres. Un grand ruisseau arrose toutes les rues, les jardins et les prairies. Les
eaux des fontaines sont excellentes. Le pays offre des tanneries et une fabrique de
chapeaux. Le sol donne peu de blé, mais assez de vin, de la bonne huile et beaucoup de
fruits exquis. Ses figues sont très-recherchées dans le commerce, et on y en sèche
considérablement. Le territoire n’offre pas de forêts, mais, en revanche, il y a des mines
de charbon de terre entièrement négligées. Les collines présentent une infinité de
coquillages fossiles et pétrifiés, les plus remarquables sont les peignes.

Près de la ville actuelle, sur la montagne des Pénitens blancs, il y avait autrefois un
village nommé Saint-Laurent, et au quartier Saint-Martin, on voit encore les restes d’un
château des Templiers, dont une partie est en assez bon état.
Les foires du pays sont, le 26 mai, le 10 septembre, le 13 décembre et le 20 février. Pop.
3,500 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Vence, le Broc, Cagnes,
Carros, la Colle, Dosfraires, Gattières, la Gaude, Saint-Jeannet, Saint-Laurent, Saint-
Paul et Villeneuve-Loubet.

VÉNELLES, Venellœ. Village à une lieue et demie d’Aix son chef-lieu de canton et
d’arrondissement, sur une éminence, avec une bourgade sur la route des Alpes. Climat
tempéré, air sain, sol aride, produit du blé, du vin, de l’huile, etc. Il y a des coteaux
infertiles. La Touloubre prend sa source dans le territoire. Pop. 900 hab.

VENTABREN. Village du canton de Berre, à 2 lieues et un tiers d’Aix. On présume que


son exposition au vent de la mer lui fit donner le nom de Ventilabrum, par ceux qui
foulaient leurs gerbes sur la hauteur. Le climat est sain et tempéré, le sol produit du blé,
du vin, de l’huile, etc. Pop. 1,500 hab.

VENTIROL. Petit village du canton de Turriers, à 10 lieues de Sisteron, près la rive


gauche de la Durance, sous un climat froid. Le sol, peu fertile en grains, offre de bons
pâturages pour la nourriture des troupeaux. Pop. 412 hab.

VENTOUREL. Hameau dans les environs de Sault.

VENTOUX. Voyez MONT-VENTOUX.

VERDACHES, Castrum de Verdaches. Village du canton de Seyne, à 15 lieues de


Digne, dans un pays de montagnes d’autant plus triste, qu’elles sont neuf mois de l’an
couvertes de neige. Aussi, pendant l’hiver, il n’y reste presque que les vieillards, qui
s’occupent à carder et à filer la laine. Pop. 270 hab.

VERDIÈRE (LA), Castrum de Verderia. Village du canton de Rians, à 8 lieues de


Brignoles. Climat sain, sol aride, pierreux et dégarni d’arbres, surtout près du village.
Les productions sont, le vin, les amandes et le blé qui est très-estimé et recherché pour
les semences. Les foires sont, le 19 mars et le 8 septembre. POp. 1,600 hab.

VERDOLIER. Hameau dans les environs de Sault.


VERDON. Petit port sur la côte maritime du département des Bouches-du-Rhône, au
midi de la Couronne, hameau des Martigues.

VERDON. Rivière qui s’appelait anciennement Supora, ainsi qu’on le voit dans la
géographie de Philippe Ferrarius. Elle perdait son nom à sa jonction avec l’Issole, qui
vient de Thorame basse, mais aujourd’hui elle porte le nom de Verdon, depuis sa source
sur les montagnes d’Allos jusqu’à son confluent dans la Durance près de Vinon. Les
eaux de cette rivière, qui est assez considérable, sont peu ou pas du tout utilisées.
Cependant elles pourraient être conduites par des canaux dans un grand nombre de
communes du département du Var, notamment dans celles de l’arrondissement de
Brignoles et de Draguignan, où elles répandraient la fertilité et favoriseraient l’industrie.

VERGONS, Vergo. Village du canton d’Annot, à 6 lieues de Castellane, et à une lieue de


la rive droite du Verclon. C’est l’ancien chef-lieu des Verguni, ancien peuple celto-
lygien qui a été assez puissant, mais qui fut cruellement maltraité par les Romains. Ce
village, formé de tristes et chétives masures, se trouve au pied de la montagne de
Chamatte, où l’on voit des indices de grands éboulemens qui ont dû engloutir les
premières habitations. La pente douce de cette montagne s’est changée en précipices
affreux. Sur la même montagne, on trouve quantité de cornes d’Ammon, et de la marne
qui ne contribue pas peu à la fertilité du territoire, qui produit des céréales, des fruits,
des plantes potagères, des légumes et de bons pâturages. Le climat est sain et tempéré,
quoique ce village soit entouré de pays froids. Pop. 470 hab.

VERGUNI. Voyez VERGONS.

VÉRIGNON. Castrum Verignoni. Petit village du canton d’Aups, à 6 lieues de


Draguignan, et au midi de la vaste plaine de Camp-Juel. Les Véruciens, peuplade celto-
lygienne, avaient leur chef-lieu dans le territoire. Les Romains connurent ce lieu. Il se
trouvait sur la voie aurélienne qui de Fréjus allait à Riez. On y voit encore une haute
pierre milliaire, des mêmes que l’on plaçait chaque dix milles. Le sol produit des
céréales. Pop. 120 hab.

VERNÈGUE, Alvernica. Village du canton d’Eyguières, à 10 lieues d’Arles, près la


grande route d’Aix à Paris, que tant de savans ont parcourue, sans savoir qu’à quelques
centaines de pas sont les ruines d’un temple de construction romaine, qui dût être le chef
d’œuvre de tous les anciens monumens des Gaules. Depuis nombre de siècles, le village
de Vernègue est habité et fréquenté par des personnes instruites, ne fût-ce que par les
seigneurs du lieu et leurs amis, habitans de la ville d’Aix, et cependant ces ruines n’ont
été admirées qu’en 1817. Il existe une colonne intacte qui ne manquera pas d’attirer
l’admiration de tous les amateurs du beau et du rare.
Le climat de Vernègue est tempéré, l’air sain. Le sol, fertilisé par les eaux de la Durance
conduites par le canal de Craponne, produit du blé, des légumes et du foin.
Pop. 600 hab.
VERNET, Castrum de Vernaro. Village du canton de Seyne, à 9 1ieues de Digne, et
divisé en deux parties. Le bas Vernet est sur la rive gauche du Bès (quelques-uns
l’appellent le Couloubroux), large torrent qui ravage toute la plaine, le haut Vernet est
sur une hauteur où se trouvait anciennement un fort très-bien situé pour défendre ce
passage. Climat froid en hiver et tempéré en été. Les hautes montagnes qui bordent le
territoire du côté de l’est et du nord, sont toujours garnies de neiges vers le sommet. En
dessous, ce n’est que gazon ou forêts de mélèzes, de hêtres et de sapins. Des troupeaux
nombreux passent la belle saison dans ces pâturages. Les torrens détachent de ces
montagnes plusieurs sortes de pierres. On y trouve quelquefois du grès, des morceaux de
serpentine, des pierres de roche cornée, du quartz, du schiste argileux et surtout du
calcaire compact et spathique, toutes ces pierres indiquent l’organisation des montagnes
supérieures. Pop. 280 hab.

VERQUIÈRES. Village du canton d’Orgon, à 5 lieues d’Arles. Climat très-exposé aux


vents, sol fertile en blé, légumes et vin. Pop. 130 hab.

VÉRUCINS. Peuplade celto-lygienne dont le chef-lieu se trouvait dans la campagne de


Vérignon.

VICTOIRE, montagne SAINTE-VICTOIRE, autrefois Mons Victoriœ, à cause de la


grande victoire que Marius remporta sur les barbares, dans la plaine de devant
Pourrières. Cette montagne se trouve à 2 lieues d’Aix. Les marins appellent le sommet
de cette montagne lou délubre de la victòri, c’est-à-dire le temple de la Victoire. On
présume qu’un temple avait été bâti par les Romains sur la terrasse ou, avant la
révolution, se trouvait un monastère, et au bord d’un précipice formé par le déchirement
des rochers, d’où l’on découvre une vaste étendue de pays. Une partie de cette montagne
se trouve dans le département du Var. Le plateau de Paleyrotte est couvert de bois de
pins, de chênes et d’yeuses. On y trouve aussi le nerprun, plante qui fournit en
abondance un fruit appelé graine jaune ou graine d’Avignon, qui sert pour la teinture
jaune. L’oxicèdre vit exclusivement sur cet arbrisseau. Ce fut dans ce bois que
Marcellus, un des généraux sous Marius, vint se mettre en embuscade pour observer les
mouvemens des barbares et les arrêter dans leur fuite.
Sur cette montagne il y a un espèce de gouffre formé par le déchirement du massif
calcaire qui se rapproche beaucoup du marbre. Ce creux est nommé gallagaï par les gens
du pays. On prétend que ce nom provient de ce que Marius, pour se faire aimer de la
druidesse Galla, lui donna un spectacle atroce, en faisant précipiter en sa présence trois
cents prisonniers ambrons dans cette sorte de chaudière qui a environ cent toises de
diamètre sur cinquante de profondeur, et qui est escarpée sur tout son contour. Le fond
de ce gouffre est une prairie naturelle dont les herbages sont excellens. Les bergers, à
l’aide de cordes, y descendent leurs brebis malades pour les y laisser plusieurs semaines.
Après, ils les retirent bien portantes. Ils attachent à cette prompte guérison des idées
superstitieuses. Ils n’ont pas assez de raison pour juger que ce prétendu miracle n’est dû
qu’à l’abondance et à la bonne qualité des pâturages.
VICTORET (SAINT). Village du canton des Martigues, à 6 lieues d’Aix, près de l’étang
de Berre, ou, si l’on veut, près des étangs de Vaine et de Marignane. Le sol produit du
vin et de l’huile excellente. Popul. 290 hab.

VICUS PETRONII. Village dans lequel naquit le fameux Pétronne, poète, courtisan,
homme d’état, qui vivait sous Néron,et qui mourut l’an 66 de Jésus-Christ. Quelques uns
veulent que ce village soit la ville de Pertuis, d’autres soutiennent que c’est le bourg de
Peyruis, mais le plus grand nombre convient que ce lieu était près de Marseille, mais
qu’on ignore quel est son nom actuel. Voyez PEYRUIS.

VIDAUBAN, Vicus Albanorum, Castrum de Vidalbani. Village du canton du Luc, à 4


lieues de Draguignan, sur la rive droite de l’Argens. Il paraît que cette terre fut distribuée
à plusieurs familles romaines, pour qu’elles en fissent l’exploitation et la missent en
produit. Elles y construisirent d’abord des villœ, et ensuite un village qui fut détruit par
les Sarrasins du Fraxinet. Les habitans se disséminèrent dans la campagne, et, long-
temps après, ils vinrent bâtir le nouveau lieu sur la route d’Italie. Les habitans, ou soit le
seigneur du lieu, s’étant brouillé avec ceux du Cannet et de Taradeau, fut cause que
ceux-ci vinrent surprendre Vidauban et le détruisirent de fond en comble. Il ne tarda pas
à se relever de ses ruines. Pendant les guerres de religion, les huguenots arrivèrent en
force, pénétrèrent dans l’église où tous les habitans s’étaient renfermés, et les égorgèrent
sans pitié. Des fosses furent creusées devant l’église, et on y ensevelit les cadavres
entassés les uns sur les autres. Des pauvres familles des communes voisines vinrent
repeupler ce village. En 1707, il fut brûlé par les Savoyards, lors de leur retraite de
devant Toulon. Quelques pans de muraille montrent encore les effets de cet incendie.
Le Village actuel se trouve dans une jolie plaine fertilisée par plusieurs sources et par un
canal de dérivation des eaux de la rivière d’Argens. Deux belles rues sont assez larges, et
les maisons tirées au cordeau. Climat tempéré. Le sol produit du blé, du vin, des
légumes et des plantes potagères. On y élève beaucoup de volailles, notamment des
dindons.
Les collines sont de grès reposant presque partout sur le granit et sur le porphyre, les
forêts sont de pins de plusieurs espèces, parmi lesquels on distingue le pinus pinea et le
pinus sativa. Ces arbres forment avec leurs branches un espèce de parasol, et produisent
des pommes fort grosses remplies de pignons de bon goût. C’est une ressource pour les
pauvres gens, qui vont les vendre aux villes voisines, principalement à Draguignan, où il
s’en fait une grande consommation.
Sur la rive droite de l’Argens, un peu en dessous du pont actuel, on trouve encore, en
creusant dans les terres, des traces du campement de l’armée de Lépidus, et sur la rive
gauche, dans la terre d’Astrol, des vestiges du Forum-Voconii dont nous avons déjà parlé
à l’article Taradeau. On n’y voit plus de traces de la voie aurélienne qui traversait cette
terre, si ce n’est la culée d’un pont sur l’Argens, dont la construction est toute romaine.
A quinze minutes du village, il est une partie du chemin appelée la caisse de Cauvin, à
cause d’une pierre ferme, creusée comme un coffre, où un brigand nommé Cauvin, se
tenait caché pour assassiner les voyageurs et les dévaliser ensuite.
Le village de Vibauban, avec une population de 1,650 habitans et une rivière qui baigne
presque ses maisons, n’offre aucune industrie, si ce n’est une petite filature pour la soie.
Aussi, le pays ne manque pas de jeunes mendians qui importunent les voyageurs.

VIEILLES (LES). Caranque près d’Agay. Pendant les guerres continentales, les
corsaires anglais viennent s’y cacher derrière des écueils, pour surprendre les vaisseaux
marchands qui voyagent de côte en côte.

VIENS, Vientium. Village sur un roc, entouré de murailles, à 4 lieues d’Apt son chef-
lieu d’arrondissement et de canton. Son territoire est presque entièrement privé d’eau.
On ne voit que vallées et coteaux d’un accès difficile. Dans la montagne qui borde le
chemin de Céreste, se trouve une grotte de laquelle on retire une sorte de poudingue
formé par des cailloux roulés et très-durs, si fortement liés ensemble, qu’on en fait des
pierres meulières excellentes.
Les Sarrasins avaient établi des forges à Viens, preuve certaine que dans le territoire il y
a des mines de fer, il y a aussi du manganèse. Les pierres minéralisées qu’on trouve dans
les terres, et qui contiennent du souffre et de l’arsénic, font présumer qu’on pourrait
rencontrer quelque minéral précieux au commerce. On est assuré de rencontrer du vitriol
en grande quantité. Vers le haut d’un torrent on ne voit qu’un sable ferrugineux où le
vitriol de Mars se forme en abondance. C’est une efflorescence de couleur jaunâtre, que
de loin on prendrait pour du souffre. Les eaux qui naissent de tous les côtés sont
purement vitrioliques. Tout prouve que l’exploitation du vitriol serait avantageuse. Il
serait possible que dans les environs on trouvât du souffre en grandes masses. On peut se
servir de la sonde pour s’assurer du fait, et ne pas faire comme ceux qui, se fiant à des
écrivains qui avaient pris des pyrites pour de l’argent, vinrent ensevelir leurs fortunes
pour trouver dans ce territoire un minéral qui n’y existe pas.
La campagne de Viens est garnie de vignes et d’oliviers d’un assez bon produit. Pop.
1,212 hab.

VILHOSC. Petit village à 3 lieues de Sisteron son chef-lieu d’arrondissement et de


canton. Les productions sont les mêmes que dans les lieux voisins. Pop. 260 hab.

VILLARS, Villarium. Village à 2 lieues d’Apt son chef-lieu d’arrondissement et de


canton. Son territoire, arrosé par des ruisseaux, produit principalement du blé et des
pâturages. Pop. 1,030 hab.

VILLARS-BRANDIS. Village à 2 lieues de Castellane son chef-lieu d’arrondissement et


de canton. Le territoire, borné à l’est par le Verdon, offre de bons pâturages qui font que
dans le pays on élève beaucoup de menu bétail Pop. 140 hab.

VILLARS (LE). Village du canton de Colmars, à 14 lieues de Castellane, sur la rive


droite du Verdon. Il y a des filatures pour la laine qu’on a plusieurs fois abandonnées et
reprises. On y fabrique des étoffes très-communes pour les bergers et les paysans.
Depuis que la basse Provence n’en veut plus, on l’expédie dans le haut Dauphiné.
Climat froid en hiver et tempéré en été. Le sol produit du blé, des fruits et des pâturages
excellens, qui servent aux nombreux troupeaux d’Arles qui viennent y passer le quartier
d’été. Les fromages du pays sont très-estimés. Pop. 640 hab.

VILLECROSE. Castrum de Villacrosia. Village du canton de Salernes, à 5 lieues et


demie de Draguignan. Du temps des Romains, cette terre fut donnée à titre de retraite à
quelque officier qui vint avec sa famille et ses esclaves bâtir une villa assez considérable
qui donna son nom au pays. En effet, il paraît que l’urbania, partie de cette maison de
campagne destinée au logement du maître, se trouvait au fond de la plaine et à-peu-près
dans un creux, les deux autres divisions étaient, l’une au quartier de Saint-Jeannet, et
l’autre à l’endroit où est l’ancienne paroisse. Près de cette dernière, en creusant dans la
terre, on trouve des restes de constructions romaines, notamment ceux d’un aqueduc qui
amenait des eaux nécessaires aux hommes, et qui fournissait à plusieurs bassins d’utilité
ou d’agrément.
Les Sarrasins détruisirent cet établissement. Après leur expulsion, les habitans, qui
erraient dans les bois, vinrent établir leurs demeures sur un même point. Le centre du
nouveau lieu fut occupé par un château seigneurial qui a dû essuyer plusieurs échecs, à
en juger par ses différentes constructions. L’habitation s’étendait du côté de Salernes, et
jusqu’à l’ancienne paroisse, qui paraît avoir été bâtie dans le dixième siècle, c’est-à-dire
à l’époque où la grande généralité des villages de cette contrée renaquirent de leurs
cendres. Une inscription qui se trouve encore en très-bon état, au-devant de l’autel de
cette chapelle, annonce, qu’en 1298, un prêtre nommé Auguste Charles y fut inhumé.
Le territoire de Villecrose offre de curieux une jolie grotte qui s’est naturellement
formée dans le tuf. Elle a trois ou quatre étages décorés de concrétions qui représentent
une infinité d’objets, et quatre belles colonnes que l’eau a formées de bas en haut et de
haut en bas, de manière que les fûts se sont joints vers le milieu. Cette grotte est ce qui
donne un peu de réputation à ce village et qui y attire des admirateurs. Croirait-on que
l’ignorance et le génie destructif en sapent les fondemens, de manière à ce qu’il se
détache de temps en temps de grandes masses de tufs, qui finiront par anéantir ce qu’on
aurait dû conserver avec soin?
Pendant les guerres de féodalité, un seigneur de Villecrose, ne se croyant pas en sûreté
dans son château, se fit construire un lieu de refuge à l’entrée de la grotte, et l’on y
parvenait par un escalier taillé dans le tuf, et par une porte défendue par une herse. Cette
construction est encore en bon état, et offre, avec le rocher et le cierge d’eau qui se
précipite du sommet, le tableau le plus pittoresque qu’il soit possible de dessiner.
Ajoutons à cela un joli ruisseau ombragé de plusieurs arbres, des prairies, des vergers,
des jardins potagers, de petits amphithéâtres cultivés, dont le tout ensemble forme un
site plus curieux encore que la grotte, lors même qu’elle était respectée par le
propriétaire voisin.
Le sol est généralement maigre, et ne produit des céréales qu’à force de culture et
d’engrais. Il donne de la bonne huile, beaucoup de vin, du foin, des figues qui valent les
marseillaises, des melons exquis, et des pêches qui sont, sans contredit, les plus belles et
les meilleures qu’on recueille en Provence. Le pays offre une fabrique de poterie
commune. Il y a une foire, le 9 août de chaque année. Pop. 1,160 hab.
VILLE-DIEU, Castrum de villa Dei. Village du canton de Vaison, à 5 lieues et demie
d’Orange, sur la rive gauche de l’Aigues. Le nom de ce lieu annonce assez que des
familles romaines avaient établi des villœ dans le territoire, et bâti plusieurs temples en
l’honneur des dieux qu’elles adoraient. Le terrain est fertile, et produirait beaucoup, si
l’agriculture n’était pas un peu trop négligée. Les montagnes offrent des fossiles et des
pétrifications, principalement des ostracites. Pop. 950 hab.

VILLELAURE. Village du canton de Cadenet, à 6 lieues et demie d’Apt, et non loin de


la rive droite de la Durance. Climat tempéré, sol d’une bonne qualité, il produit du bon
Vin et de l’huile très-estimée. Il est dommage que les brouillards de la Durance fassent
souvent avorter le germe des céréales, et couler les fleurs des arbres fruitiers. Il y a une
foire, le 25 mai de chaque année. Pop. 912 hab.

VILLEMUS. Castrum de Villamuris. Village du canton de Reillanne, à 3 lieues et un


quart de Forcalquier. Le sol est fertile en blé. Les forêts sont de chênes qui donnent
beaucoup de glands. Aussi, dans le pays, on élève des pourceaux qu’on vend à des
marchands étrangers. Pop. 300 hab.

VILLENEUVE. Faubourg d’Avignon, sur la rive droite du Rhône, et sur la route de


Nîmes. Quelques uns donnent à tort le nom d’île de Villeneuve à l’île de Barthelasse.
Voyez ce mot.

VILLENEUVE, Villa Nova. Village à 2 lieues et trois quarts de Forcalquier son chef-
lieu d’arrondissement et de canton, et près de la rive droite de la Durance. La culture du
gros sainfoin ou sainfoin à deux coupes, nouvellement introduite, rend le sol fertile en
blé et en fourrages. Il produit aussi de la bonne huile et du vin. Le climat est doux et
sain. On trouve quelquefois, en creusant les terres, des traces du séjour des Romains,
telles que des fondemens de plusieurs villœ, ceux d’un petit temple, des tombeaux et des
médailles de plusieurs règnes. Populat. 818 hab.

VILLENEUVE-COUTELAS, Villa Nova. Petit village du canton de Tavernes, à 9 lieues


de Brignoles. Il était anciennement dépendant de la commune de Régusse.
Climat tempéré, air sain, sol fertile en blé excellent. Les forêts sont de chênes blancs,
dont on se sert pour des douves de futailles. La plupart des propriétaires habitent hors du
pays. Pop. 144 hab.

VILLENEUVE-LES-ARLES. Hameau des Saintes-Maries, dans la Camargue.

VILLENEUVE-LOUBET, Ville Nova. Village du canton de Vence, à 5 lieues de Grasse,


sur la rive droite du Loup, et non loin du rivage de la mer. Ce pays était occupé par les
Deciates, peuple celto-lygien fort connu par les pertes qu’il fit éprouver aux premiers
Romains qui pénétrèrent en Provence, et par le traitement qu’il essuya de la part de ses
vainqueurs. Selon quelques auteurs, le chef-lieu des Déciates était dans le territoire de
Villeneuve. A la vérité, on y trouve des ruines considérables qu’on nomme leis
murassos, mais, quoique fort anciennes, ce ne sont pas celles de Déciatum. Les Celto-
Lygiens ne possédaient pas l’art de bâtir dans une grande solidité. Ils ne savaient
qu’entasser des pierres les unes sur les autres, sans faire usage de mortier, ni de plâtre, ni
d’aucune sorte de ciment, ainsi qu’on peut en juger par la multitude de leurs
retranchemens, qui subsistent encore en tout ou en partie. Et ces sortes de constructions
n’étaient faites que sur des hauteurs que la nature avait rendues fortes. Le territoire de
Villeneuve n’offre aucune de ces hauteurs. La seule qu’on trouve dans le pays occupé
par les Déciates, est celle qui domine et couronne le village de Cagnes. Aussi, je pense
que c’est là que devait se trouver le Déciatum des anciens.
En 1707, les troupes du duc de Savoie ayant traversé le Var, pillèrent et brûlèrent le
village de Saint-Laurent. Les habitans de la contrée, voulant défendre leurs personnes et
leurs propriétés, prirent les armes. Les prieurs des villages de Cagnes et de Villeneuve se
mirent à la tête des paysans, firent une vigoureuse résistance, mais, ayant succombé, ils
furent dépouillés et horriblement maltraités. Après quoi, les Allemands pillèrent leurs
églises, s’emparèrent des vases sacrés, brûlèrent les images, tirèrent des coups de fusil
aux Christs, et incendièrent les habitations.
Les hauteurs qui entourent le village de Villeneuve sont d’une nature schisteuse. Ils
renferment de la manganèse. Les Génois qui venaient habituellement à la pêche du
corail aux environs d’Antibes, furent les premiers qui découvrirent cette matière. Ils en
profitèrent pendant quelque temps, en feignant de s’en servir de lest pour leurs bateaux.
Mais, dès qu’on s’aperçut de leur supercherie, on leur défendit expressément de ne plus
toucher à une matière qui pouvait être précieuse aux manufactures de verre de la
Provence, quoiqu’elle ne soit pas de la meilleure qualité.
Le sol de Villeneuve produit beaucoup d’huile excellente, du foin, des légumes, du
chanvre, du jardinage et des fruits. Pop. 696 hab.

V I L L E P E Y, Villa Piscis. Ancien lieu sur la rive droite de l’Argens, près de son
embouchure dans la mer. Son nom annonce assez son origine. Il paraît que le voisinage
de l’ancien Forum-Julii (Fréjus), attira dans ce quartier une famille romaine, dans la
seule vue d’y établir une villa ou maison de plaisance, qui fut bientôt convertie en
guinguette, où un grand nombre de personnes allaient journellement faire des parties de
plaisir et manger du poisson. La prospérité de cette entreprise fit augmenter le nombre
des guinguettes, au point qu’elles formèrent une bourgade assez importante qui subsista
long-temps. Les Sarrasins du Fraxinet ainsi que les pirates la saccagèrent, et les habitans
échappés au massacre et à la servitude, se construisirent de nouvelles demeures sur un
petit coteau exactement vis-à-vis Fréjus, où se trouvaient des ruines romaines qu’on
vient à peine de faire disparaître.
Ce nouveau lieu existait en 1123, d’après une bulle du pape Caliste II, et portait le nom
de Castrum Valla Peis. Il a toujours été une commune indépendante. Il fut détruit, soit
pendant les guerres civiles, soit par le déguerpissement des habitans, occasionné par les
exhalaisons de ses marais. Cependant il conserva son titre et sa qualité, il avait son
maire, son conseil municipal, son juge seigneurial.... A la révolution de 1789, son
territoire, qui était un des plus beaux de l’arrondissement, fut partagé entre les
communes de Fréjus et de Roquebrune, où les habitans de Villepey s’étaient réfugiés.
Saint Aigulfe, appelé par les gens du pays saint Aigout ou Aigoux, est un cap situé au
bord de la mer, dans le territoire de Villepey. Il y existe deux vastes souterrains dans
lesquels on renferme aujourd’hui des troupeaux. Les voûtes sont formées de ce ciment
romain qui paraît indestructible, à telles enseignes que, pour pratiquer une ouverture, on
a été obligé de faire jouer la mine.
Quoique le climat de Villepey ne soit plus aussi fâcheux que ce qu’il était il y a quelque
temps, les habitans ont besoin de se précautionner pendant l’été, parce que les grands
étangs qu’il y a ne laissent pas que d’exhaler un certain méphitisme qui cause des fièvres
intermittentes. Cependant les travaux qui y ont été faits sont singulièrement amendés. Il
serait trèsfacile et très-avantageux d’y établir de grandes pêcheries, ainsi qu’il y en a à
Hyères et aux Martigues, parce que les poissons de toutes qualités, et particulièrement le
turbot, la sole, l’anguille, l’alauze, y abondent. Tout ce poisson y est amené par la mer,
qui communique avec ces étangs.
A l’extrémité supérieure du territoire se trouve un autre étang d’eau douce, qui contient
une grande quantité de carpes d’une grosseur monstrueuse, puisqu’il en est qui pèsent
plus de quatre-vingts livres, il contient aussi, et en grande quantité, d’énormes moules
fluviatiles. Cet étang est avivé par plusieurs ruisseaux, et il se dégorge dans l’étang
d’eau salée.
Les terres de Villepey sont susceptibles de toutes sortes de cultures, et principalement en
céréales. Elles sont extrêmement fécondes, et le fleuve d’Argens, qui les arrose, est
cause de cette fécondité. La température en est très-douce; les orangers, les citronniers
n’ont pas besoin d’y être abrités; l’olivier y croît très-bien et y est productif, les coteaux
sont couverts de cistes ladanifères, de chênes-liège, d’arbousiers et de myrthes, dont la
fleur parfume la campagne, et le fruit sert de nourriture aux merles et aux grives qui y
séjournent tout l’hiver. Dans cette saison, les gourmets de la contrée ne trouvent pas de
plus friands morceaux que les merles de nerte, qu’on prend à des attrapes dans les
bosquets parfumés de Villepey.

VILLE-VIEILLE, Villa Veteri. Petit village du canton d’Entrevaux, à 9 lieues de


Castellane, et près de la rive droite du Var. Climat et productions, les mêmes qu’aux
lieux voisins. Pop 205 hab.

VILLES. Village du canton de Mourmoiron, à 3 lieues de Carpentras, sur l’Auzon. Dans


un temps, on y avait exploité une mine de vitriol de Mars, qui est aujourd’hui
entièrement abandonnée. Cependant on y trouve encore beaucoup de pyrites et des
efflorescence vitrioliques, preuve certaine que ce fossile n’est pas épuisé, et qu’il
pourrait rendre encore considérablement à celui qui en ferait la recherche. Quand on a
des indices, il n’en coûte pas beaucoup pour trouver la mine. Le talent, la prudence et la
bonne volonté, voilà ce qui est indispensable pour entreprendre un pareil travail.
Les productions du territoire sont les mêmes qu’à Mourmoiron. Pop. 1,495 hab.

VINCENT (SAINT). Village du canton du Lauzet, à 6 lieues et demie de Barcelonnette,


près la rive gauche de l’Ubaye, sur une élévation où se trouve une citadelle entretenue et
occupée par des vétérans. C’était la clé de la vallée de Barcelonnette, avant qu’elle fût
cédée à la France. Outre le chef-lieu nommé le quartier de la ville, il y a plusieurs
hameaux, dont Saint-Jean et le Lotaret sont les principaux. Le sol produit des grains, des
légumes et du foin. Les montagnes offrent de bons pâturages. La forêt abonde en pins et
en beaux mélèzes, que l’on fait rouler jusque dans l’Ubaye, pour les faire flotter par
radeaux. Pop. 485 hab.

VINCENT (SAINT). Village du canton de Noyers, à 5 lieues de Sisteron, sur une


hauteur au bas de laquelle coule le Jabron. Ce village était autrefois dans la plaine. Les
guerres de la fin du quatorzième siècle forcèrent les habitans à aller se fortifier sur la
hauteur. Au commencement du dix-septième siècle, on en fit démolir les remparts et les
fortifications. Verdaigue est le principal hameau du territoire. Le sol produit du blé et
peu de vin. Pop. 755 hab.

VINDALE. Ancienne position qui se trouvait sur la hauteur de Caderousse. Voyez ce


mot.

VINON, OU VIGNON-DE-VINEA, Castrum de Vino. Village du canton de Rians, à 10


lieues de Brignoles, sur la rive gauche de la Durance et du Verdon, même au confluent
de ce dernier. Une division de barbares fut détruite dans la plaine, sur la route de Saint-
Paul, par les soldats de Marius.
En 1591, le duc de Savoie, accompagné du baron de Carcès et de plusieurs autres
seigneurs de son parti, vint avec des forces considérables attaquer ce village, où se
trouvait Mesples, Béarnais, brave capitaine sous les ordres de La Valette, charg é
d’empêcher les blés des environs de Riez d’aller approvisionner la ville d’Aix. La
Vallette, voulant conserver la position de Vinon, et surtout préserver les soldats qui
l’occupaient de tomber sous le glaive des Savoyards et des Carcistes, ramassa en toute
hâte quelques soldats à Sisteron, Manosque, Oraison et Riez, les réunit au Châteaudde-
Rousset, sur la rive gauche de la Durance, et marcha sur Vinon, pour tâcher d’en faire
lever le siège.
Le duc de Savoie passa le Verdon pour aller arrêter LaValette. A peine eut-il rangé ses
troupes en bataille, qu’il fut attaqué par La Valette avec une telle impétuosité, que la
moitié des soldats du duc restèrent sur le champ de bataille, et les autres se sauvèrent à la
débandade. Le duc lui-même ne dot son salut qu’à une petite jument barbe qui l’emporta
avec toute la rapidité de l’éclair. On ne chercha pas à l’atteindre, car on le croyait resté
sur le carreau. On s’était trompé, c’était son premier écuyer qui était monté sur le cheval
de son maître.
Le village de Vinon appartient au département du Var. Il sépare celui des Basses Alpes
d’avec celui des Bouches-du-Rhône. Il est lui-même séparé du département de Vaucluse
par la Durance seulement. Le sol produit du blé, du vin, du foin, du chanvre et des
légumes. Il y a aussi beaucoup de chênes verts, dont les glands servent à la nourriture
des cochons. On y élève des pourceaux en quantité, qui forment le commerce du pays.
Pop. 1,200 hab.
VINS. Village à 2 lieues de Brignoles son chef-lieu d’arrondissement et de canton. Un
auteur, qui ne connaissait la Provence qu’imparfaitement, avait placé en ce lieu le
Matavo ou Matavonium des anciens. Nous avons la certitude que cette position se
trouvait à Cabasse. Les productions du territoire de Vins sont, le blé, le vin et peu
d’huile. Pop. 620 hab.

VIOLEZ. Village à 2 lieues d’Orange son chef-lieu d’arrondissement et de canton, sur la


rive droite de l’Ouvèze. Climat tempéré, air très-sain, sol gras et productif,
principalement en céréales, légumes et foin. Pop. 895 hab.

VISAN. Village du canton de Valréas, à 5 lieues d’Orange, sur le Lez, qui arrose la
plaine et la rend productive, principalement en blé, légumes, plantes potagères, foins et
fruits exquis. Les montagnes offrent une infinité de coquillages fossiles et pétrifiés. On
élève dans le pays des vers à soie. Population 2,120 hab.

VITROLLES, Castrum de Vitrola. Village du canton de Pertuis, à 10 lieues d’Apt, à


l’extrémité est du Léberon, et du côté du midi. Le climat est tempéré, l’air sain, le sol
assez fertile, il donne du bon blé, et des pâturages pour la nourriture des troupeaux. On y
élève des pourceaux en quantité. Pop. 320. hab.

VITROLLES-LES-MARTIGUES, Castrum de Vitrola. Village du canton de Berre, à 3


lieues et deux tiers d’Aix, près de l’étang de Vaine, division de celui de Berre. Son
château a soutenu plusieurs siéges. Il fut un lieu de refuge pour les troupes de Raymond
de Turenne. Elles en furent chassées par les compagnies d’Apt, Castellane, Forcalquier,
Digne, Sisteron et Grasse. Le pays produit du blé, du vin, de l’huile et des amandes. Pop.
1,280 hab.

VOCONCII. Peuple celto-Lygien qui occupait le nord de Sisteron ainsi que la vallée du
Jabron jusqu’à la Durance, et qui avait pour capitale Vaison.

VOLONES, Castrum de Volona, Volones. Bourg chef-lieu de canton, à 3 lieues de


Sisteron, sur la rive gauche de la Durance. Son nom Volones annonce assez qu’une
troupe d’aventuriers bâtit la ville actuelle. Les Romains ne manquèrent pas d’occuper
cet agréable séjour, ils y établirent des villœ et des monumens particuliers, mais dignes
des familles puissantes et riches de ce temps. Les différens peuples barbares qui
infestèrent cette contrée, détruisirent ces édifices desquels cependant on découvre de
temps à autre quelques vestiges, ainsi que des colonnes, des tombeaux et des médailles
de plusieurs règnes.
Dans le territoire, Sommerive, avec une armée de catholiques, défit une division de
religionnaires commandés par Monbrun. Le sol produit du blé, du vin, des légumes, des
plantes potagères et du foin. On y fait le commerce du bois de charpente, qu’on fait
flotter jusqu’à Marseille. Le pays vient de perdre la route qui seule lui procurait la vue
des voyageurs. Cette route traverse la Durance, entre les villages de l’Escale et de
Château-Arnoux, sur un beau pont en fer.
La foire du pays est le 8 septembre de toutes les années. Pop. 1,240 hab.
Les communes du ressort de la justice de paix du lieu sont, Volones, Aubignosc,
Château-Arnoux, Château-Neuf-Val-Saint-Donat, l’Escale, Montfort, Peipin, Salignac et
Sourribes.

VOLX, Volcium. Village du canton de Manosque, à 3 lieues de Forcalquier, près de la


rive droite de la Durance. Les terres furent distribuées à plusieurs capitaines romains,
qui vinrent avec leurs esclaves y établir des villa, et s’y livrer à l’agriculture. Il n’est pas
surprenant qu’on y ait découvert des restes d’anciennes constructions et des ruines de
temples du paganisme. On y trouve, de temps à autre, des tombeaux avec leurs petits
mobiliers, des grands et des petits bronzes et des médailles d’argent. Le pays produit
principalement du blé, du vin et de la bonne huile. La culture du gros sainfoin,
nouvellement introduite, contribue beaucoup à l’amendement des terres, et commence à
faire le bien-être des pauvres gens. Popul. 855 hab.

Z
ZACHARIE (SAINT). Bourg du canton de Saint-Maximin, à 7 lieues de Brignoles, au
pied du pas de la Sambuque. Ce bourg est fort ancien. Toute la vallée de l’Huveaune fut
distribuée à des capitaines romains. Ils y construisirent des maisons de campagne qu’ils
embellirent selon leurs fortunes et leur bon goût. Aussi, dans la campagne de Saint-
Zacharie, on a trouvé des pavés en mosaïque, de petites colonnes qui, d’après certaines
inscriptions, avaient servi à un temple dédié aux déesses-mères, ou plutôt aux mauvaises
déesses, à qui le peuple offrait des sacrifices pour les apaiser. Une de ces inscriptions,
dont la première ligne est effacée, montre encore ces mots:

MATRIBVS
VBELKABVS
V. S. L M.
SEX. LICINIVS
SVCCESSVS

Les ruines d’un ancien village nommé Orgnion se trouvent sur le penchant d’une
montagne, près du chemin qui conduit à la Sainte-Baume. Là on a découvert, dans une
vieille chapelle, un petit autel dédié au dieu Mars, ainsi qu’on peut en juger par
l’inscription qui s’y trouve gravée.
MARTIGIA
RINO.
V. S.
SEXT. IVL.
FIRMINVS.
Marti Giarino votem solvit Sextus Julius Firminus.

Saint-Zacharie offre une papeterie et nombre de fabriques de poterie. Il y avait une


filature de coton et une verrerie. Cette dernière fut transférée sur la montagne de la
Sainte-Baume. Le territoire offre quelques belles maisons de campagne. Le sol, très-bien
cultivé, ne donne pas beaucoup de blé, mais il produit de l’huile, du vin et une grande
quantité de fruits beaux et exquis qu’on va vendre à Marseille. Les collines sont
couvertes de pins, de chênes verts et blancs, elles renferment beaucoup de charbon de
terre, et surtout des marbres très-beaux qui mériteraient d’être exploités. Les foires du
pays sont, le 2 janvier, le 14 août et le 5 novembre. Population 1,810 hab.

FIN

© CIEL d’Oc
Janvié 2004

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