Lena Clarke - Ensorcelée
Lena Clarke - Ensorcelée
Lena Clarke - Ensorcelée
Lena Clarke
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Minuit
— J’attire à moi ceux qui me plaisent, ils m’offrent leur cœur sans
condition. Ô Aphrodite, déesse de l’amour, prête-moi ta force. Vif
comme le vent, ardent comme le feu, le sortilège du désir vole et
allume la flamme de la passion que je leur inspire.
Si les onze autres filles s’en donnent à cœur joie, je suis pour ma
part assez réservée. À ma gauche, Liliana m’a déjà rappelée à
l’ordre plus d’une fois en me plantant son coude dans les côtes. Or,
si ma présence est étonnante, la sienne est carrément stupéfiante.
Je ne saisis pas pourquoi elle a accepté de se prêter à ce petit jeu.
Concocter un philtre d’amour pour Halloween est vraiment une
idée stupide. D’autant plus que l’incantation liée à celui-ci n’a rien
d’habituel.
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instructions de notre grande prêtresse. Quand mon tour arrive, je
retiens un soupir. Je n’ai strictement aucune envie de me plier à cet
exercice, mais j’ai le pressentiment que me défiler me serait très
préjudiciable.
— Répétez une dernière fois après moi : J’attire à moi ceux qui me
plaisent, ils m’offrent leur cœur sans condition. Ô Aphrodite, déesse
de l’amour, prête-moi ta force. Vif comme le vent, ardent comme le
feu, le sortilège du désir vole et allume la flamme de la passion que
je leur inspire.
Dans le ciel, la pleine lune nous éclaire de ses rayons. Il s’agit d’une
nuit idéale pour quiconque souhaite lancer un sortilège. D’ailleurs,
je suis certaine que les sorcières du monde entier s’en donnent
à cœur joie. Un coup d’œil sur mon téléphone coincé dans la
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poche de ma veste m’indique qu’il est minuit. Le 31 octobre vient
officiellement de débuter. Or, j’ai déjà hâte de voir cette journée
toucher à sa fin.
— Est-ce qu’on doit boire cette chose ? demande Melody avec un air
dégoûté.
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— Comment ça fonctionne au juste ? interroge Maxine. Qu’est-ce
qu’il faut faire pour envoûter quelqu’un ?
6
04h00
Allongée sur mon lit une place, bien enroulée dans ma couette, je
me réveille brusquement en entendant le bruit de la porte qui
s’ouvre. À moitié dans le brouillard, j’aperçois ma colocataire entrer
tranquillement dans notre chambre. Au travers de l’unique fenêtre
de la pièce, masquée par un simple store à lamelles blanches, les
rayons de la lune arrivent à filtrer. Je n’ai pas besoin de regarder
l’heure pour savoir que nous sommes encore en plein milieu de la
nuit. Tout comme je n’ai pas besoin d’attendre longtemps pour voir
Jehanne se débarrasser de la serviette posée sur ses épaules en la
laissant tomber nonchalamment au sol.
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— La vue te plaît ? demande-t-elle, avec amusement.
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— Tu m’écoutes au moins ? interrogé-je en la voyant replier son
bras sur ses yeux.
— Hmm…
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ma victoire. Plus aucun vêtement ne jonche le sol. Je peux y poser
les pieds en toute quiétude, sans avoir à me soucier de glisser
malencontreusement sur une chaussette orpheline. C’est là, alors
que je repense à toutes les fois où j’ai manqué de me fouler la
cheville qu’un détail me revient en mémoire.
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d’ordinaire marron clair semblent flamboyer malgré la relative
obscurité. Ne m’y attendant pas, je reste tétanisée à l’observer
silencieusement. Je devrais lui être insensible, je voudrais lui être
insensible, mais au moment où son corps se rapproche du mien,
des frissons se mettent à courir le long mon épiderme. Plus chaud
que le mien, il me fait oublier brièvement où je me trouve, et surtout
avec qui.
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— Pousse-toi tout de suite, lui ordonné-je avec énervement.
— Non.
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Comment ai-je pu oublier ce détail ? Je me fustige mentalement,
tandis qu’en face, Jehanne vient d’attraper mes deux mains dans
l’une des siennes pour les maintenir au-dessus de ma tête. À cet
instant, je songe à me servir d’une formule, à utiliser un autre type
de magie. Les mots me brûlent les lèvres, pourtant je parviens à
garder à l’esprit que ces sortilèges sont aussi forts qu’imprévisibles.
Par peur de créer une véritable tornade à l’intérieur de la chambre,
ou même de démolir le bâtiment entier par accident, je me contiens.
— Non, bien sûr que non. C’est juste, tu sais, je débute à peine dans
l’art de la magie. Il m’arrive d’avoir quelques ratés.
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poitrine. Je devrais en être horrifiée, malheureusement ce que je
ressens a tendance à me faire perdre de vue le côté déplaisant de
cette situation. Certaines images inavouables me traversent l’esprit,
des images qui ont une incidence directe sur la couleur de mes
joues.
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est évidente. Une plainte m’échappe quand elle aspire ma peau.
Je suis à même de percevoir la morsure de ses dents, et en dépit
de la douleur, une petite onde de plaisir me pousse à resserrer
les jambes. Il me faut quelques secondes pour réaliser qu’elle
vient de me faire un suçon et que, par conséquent, je vais très
prochainement devoir l’assassiner.
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— Le tien est plus confortable.
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12h00
— Laisse-moi t’aider.
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— Tu aurais tort de t’en priver, commente mon amie.
— C’est plutôt inquiétant, si tu veux mon avis. Avoir cinq types qui
me collent aux basques est loin d’être quelque chose qui me fait
rêver.
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en direction de la sortie. Deux des garçons envoûtés s’empressent
de nous ouvrir la porte et, une fois dans le couloir, je suis à même
de réaliser pleinement l’ampleur du sortilège lancé douze heures
plus tôt. Dehors et dans le parc de l’université visible depuis la
fenêtre à ma gauche, j’aperçois quatre de mes sœurs être escortées
vers la cafétéria par une véritable petite foule. Apparemment, la
modération est loin d’être inscrite dans nos gènes de sorcières.
Soudain, je me demande si, tout comme les autres, Liliana a cédé à
la tentation. Étant donné son embarras lié à notre baiser de minuit,
j’ai du mal à l’imaginer embrasser qui que ce soit. Sans compter que
la visualiser entourée par une horde d’esclaves est presque contre
nature. Douce et calme, elle ne me paraît pas être faite pour donner
des ordres à tout va et encore moins pour profiter d’une telle
situation.
— Dans ce cas, ne tarde pas trop. Certaines filles ont fait un pari
pour savoir laquelle réussirait à envoûter le plus grand nombre
de personnes. Les minutes passent et les candidats se raréfient.
D’ailleurs, tu m’excuseras, mais il est hors de question que celui-ci
me file entre les doigts…
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— Tu aurais pu trouver meilleur à te mettre sous la dent,
commente-t-elle avec calme.
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— Oui, parfaitement.
— Oui, voilà.
— Pour Thanksgiving ?
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— Non, ce soir.
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— Tu lui as fabriqué un talisman ? questionné-je, avec curiosité.
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l’habitude de la voir autrement que décontractée, je m’inquiète
aussitôt. J’examine brièvement ses cheveux noirs, coupés courts,
actuellement en bataille, remarque l’entaille au niveau de sa
pommette gauche et surtout son absence de manteau. En tee-shirt
et jean, elle paraît avoir croisé un fantôme.
— Qui ça ?
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— Ils ne te causeront plus aucun problème, confirme Liliana en
relâchant ma main.
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— Tu demanderas à quelqu’un de te les envoyer par mail. Quant à
ta dissertation, franchement, je ne sais pas pourquoi tu t’embêtes.
Lance un sortilège sur une page blanche, ou sur le prof directement,
et à toi les A pour le reste de l’année.
— Tu es la meilleure.
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pour inviter Rebecca à se joindre à nous. De mon côté, je me
rapproche de Liliana et attends que notre amie soit en train de
discuter pour prendre à mon tour la parole discrètement.
— Elle arrive.
— Non, toute seule, elle a passé la matinée avec son Adam adoré.
Cela dit, ça ne m’étonnerait pas qu’on le croise « par hasard » au
cours de notre sortie.
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19h00
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jusqu’à minuit, je réalise que le philtre d’amour n’a pas seulement
mal fonctionné pour Maxine. Apparemment, une vraie chasse à la
sorcière se joue dehors.
Hésitante, je commence à faire les cent pas, sans savoir s’il vaut
mieux rester sur place, ou me chercher un meilleur abri. Dans la
mesure où personne n’est encore passé par ici, le plus sage serait
peut-être de compter sur ma bonne étoile et d’attendre sans bouger.
D’un autre côté, avec une seule porte et une fenêtre située au
troisième étage, je risque gros si quelqu’un arrive brusquement. Je
me crois largement capable de maîtriser deux ou trois personnes,
mais un groupe entier ? Rien n’est moins sûr.
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Perdue dans mes réflexions, je baisse les yeux, et aperçois soudain
mon téléphone s’illuminer. La photo d’Agatha apparaît, ce qui me
pousse à répondre.
— Aga…
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— D’accord, mais dépêche-toi. Si ça continue, Conrad n’aura même
pas besoin d’intervenir, le stress aura raison de moi !
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Toujours sur le chemin pavé, j’oublie totalement la morsure du
froid lorsqu’une énorme étagère de livres se fracasse au sol, à
quelques mètres à peine de ma position. Par réflexe, je lève la tête,
et à la vue de la fenêtre cassée du premier étage, je réalise que le
meuble provient de cet endroit. Je comprends également qu’à trente
secondes près, ce projectile aurait pu m’écraser. À cause du choc, je
n’ai pas spécialement de réaction. Plantée là, j’observe les romans
qui gisent sur les pavés, le cerveau vide. C’est seulement quand
j’aperçois de gigantesques tiges vertes ouvrir les portes d’entrée
en grand que je reviens à moi. Une plante massive est en train de
grimper lentement sur la façade de la bibliothèque. Or, je ne connais
qu’une personne capable d’une telle prouesse.
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à utiliser mon affinité avec l’élément air pour dévier la trajectoire
de son bras et ainsi m’éviter un sort funeste. Sa main atterrit
contre la pierre située à proximité de ma tête. Je n’ai pas le temps
de vraiment observer la scène, cependant le bruit que produit
son poing sous ce contact est tout sauf rassurant. J’ai l’impression
qu’elle vient tout simplement de la fissurer, voire de faire un
énorme trou dedans.
— Liliana, tu es là ?
— Kara ?
Alors que je suis prête à créer un trou dans le mur à l’aide d’une
formule, je sens un souffle d’air à proximité de ma nuque. À ma
gauche, la femme de tout à l’heure vient soudain de se matérialiser.
Elle est trop près, beaucoup trop près. J’hésite. Réalisant que mon
temps de réaction risque de m’être fatal, je tente de trouver une
échappatoire. Malheureusement, mon cerveau reste désespérément
vide et brusquement une évidence s’impose à moi. Pourquoi est-ce
que rien de tragique ne se produit ?
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— Kendra, prononce-t-elle en attrapant ma main afin d’y poser
délicatement sa bouche.
— La fiancée de Liliana ?
J’ai beau être très sérieuse, je constate que ma phrase n’est pas
perçue comme telle.
— Mais qu’est-ce qui t’a pris ! dis-je, angoissée. Même pour toi, c’est
un sort trop coûteux en énergie.
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sa réaction si elle venait à apprendre que vingt heures auparavant,
mes lèvres étaient posées sur celles de sa fiancée.
— Tu n’iras nulle part, pas par tes propres moyens en tout cas. Je
t’emmène avec moi, annonce cette dernière.
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— Qu’est-ce que tu fais ici ? demande-t-elle, les sourcils froncés.
— Moi ? Oh… je… tu sais… j’étais cachée pas loin, alors quand j’ai vu
cette plante gigantesque sortir de la bibliothèque, j’ai accouru.
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20h00
— Il y a quelqu’un ? tenté-je.
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Il est évident que je préférerais être partout sauf ici, seulement je
n’ai jamais été du genre à me faire peur toute seule. Une conclusion
s’impose alors à moi : il y a bel et bien une personne à proximité.
— Je t’ai eue, gronde mon agresseur en glissant son autre bras sur
le bas de mon dos.
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Même si la magie élémentaire n’a actuellement aucune emprise
sur le lycan, je juge que lui envoyer une chaise en pleine tête est
un excellent moyen de me sortir de ce guêpier. Devant moi, je la
vois s’envoler. En une seconde, elle atteint son but en percutant
violemment le haut du dos de mon assaillant. Malheureusement
pour moi, ce dernier paraît à peine le sentir.
— Je prends le risque.
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tête bourdonne, ma température corporelle chute brutalement, et
alors que Conrad se penche à nouveau vers moi, je me retrouve à
faire quelque chose qui en dit long sur mon désespoir. J’appelle
Jehanne. Pas seulement avec ma voix, mais de tout mon être.
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Ayant perdu mon propre portable au cours de l’affrontement avec
Conrad, je fais glisser le sien dans la poche de ma jupe, et ressors
de la chambre froide. Savoir que j’ai fait tout ce trajet pour rien,
bravé inutilement ces dangers, me mets en colère. Je retourne dans
le réfectoire, juste au moment où Jehanne parvient à immobiliser
son cousin au sol. À plat ventre, le jeune homme gronde, mais il ne
peut rien contre son assaillante. Assise sur lui, elle appuie sur sa
nuque avec une main. Je suis pratiquement certaine qu’elle pourrait
la lui briser sans difficulté. L’étudiant semble également s’en rendre
compte, car d’un seul coup, il arrête de se débattre. Ses membres se
détendent et il reste immobile. Totalement immobile, même après
que la lycanthrope se soit relevée.
Aussitôt, sous ce terme, le rouge me monte aux joues. Elle n’a pas
tort. Elle a même visé juste, néanmoins je répugne à l’avouer.
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Je risque un coup d’œil à ma voisine. De profil, je m’aperçois
qu’en plus de son arcade sourcilière ouverte, un bleu se dessine
sur sa pommette. Je ne doute pas que ces blessures doivent être
douloureuses. J’ai conscience que m’excuser, ainsi que la remercier
serait la moindre des choses. Plus tôt, j’ai vainement essayé de le
faire, mais n’ayant pas l’habitude de ce genre de paroles, j’hésite sur
la meilleure formulation à adopter.
Alors que nous sommes à mi-chemin du dortoir, que tout est désert
autour de nous, Jehanne s’arrête de nouveau. Je m’attends à subir
une nouvelle salve de reproches, avant de réaliser ma méprise. Ma
colocataire se départit de sa veste, passe derrière moi et me l’enfile.
Refuser, prétendre que je n’en ai pas besoin ne me traverse même
pas l’esprit. Au point où j’en suis, je tiens plus du glaçon que de
l’être humain.
— Je me récompense.
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J’ai beau savoir que je m’adresse à un mur, que mes paroles n’auront
aucune incidence sur son comportement, c’est plus fort que moi. Il
faut que je proteste. Que j’agisse constamment de la sorte devrait,
en théorie, me rendre insupportable à ses yeux. Pourtant, j’ai plutôt
l’impression de l’amuser. Jusqu’ici mon attitude n’a jamais réussi à
la faire fuir, sans doute parce que la majorité de mes plaintes ont
tendance à manquer de conviction.
— C’est faux, totalement faux. Enfin oui, je l’ai dit, seulement c’était
un mensonge, m’enfoncé-je. Et… comment est-ce que tu peux être
au courant ? Tu n’étais pas là.
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Malgré moi, un son aigu m’échappe, mélange de plainte et de
gémissement. L’esprit embrumé par l’excitation ressentie, je
ne pense pas tout de suite à me dégager et encore moins à lui
demander plus d’explications. Je me contente de subir, jusqu’au
moment où la pointe de ses canines s’aventure à proximité de ma
carotide.
— Krystal.
Toujours bloquée contre son corps, avec son bras faisant pression
dans le bas de mon dos, j’examine mes options. Le tête-à-tête
avec Conrad m’a fait comprendre que j’avais intérêt à me montrer
maligne. Lancer des sorts au hasard ne peut que me desservir,
d’autant que Jehanne me semble bien plus dangereuse que son
cousin.
— Je t’ai vue.
— Vue ?
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En me souvenant de toutes les fois où j’ai eu l’impression d’être
épiée, je réalise que la situation est encore pire que je ne le
croyais. Si je suis étonnée qu’elle ait attendu tout ce temps pour
entrer en contact avec moi, je n’en montre rien. Mieux vaut ne pas
m’appesantir sur le sujet.
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— Mistral et tramontane, liens invisibles et profanes, emprisonnez
mon ennemie, faites qu’elle ne me cause plus de souci.
Au loin, j’aperçois mon but. Sur mon passage, les feuilles s’envolent.
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Je me demande soudain comment s’en sortent mes amies. Grâce aux
révélations de Jehanne, j’ai compris que je ne devais ma tranquillité
qu’à son implication. N’avoir croisé personne jusque-là n’était en
rien un coup de chance, or je doute fort que les autres sorcières
aient également pu bénéficier d’un protecteur aux crocs acérés.
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Face à moi, Jehanne semble à la fois en colère et grisée par la
tournure des évènements. Ses yeux dorés ne me quittent plus et
j’ai la certitude que je n’aurai plus la possibilité de prononcer le
moindre sortilège.
— Écoute…
— Non.
D’un seul coup, sans crier gare, la jeune femme finit ce qu’elle avait
commencé plus tôt. Ses lèvres se pressent contre les miennes avec
envie, ne me laissant ni l’occasion de terminer ma phrase ni de
me défiler. J’essaie de détester ce contact, d’y prendre le moins de
plaisir possible, pourtant au bout de quelques secondes, je réalise
ma défaite. Jehanne embrasse vraiment très bien, trop bien pour
que j’aie une chance de lui résister.
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viennent le long de mes hanches, de mes côtes, sa langue s’invite
dans notre échange.
Il n’en faut pas plus pour que tout s’intensifie brusquement. Les
sensations déjà bien présentes se multiplient. De tendre, notre
étreinte devient passionnée, si passionnée que j’en perds le peu
de raison qu’il me restait encore. Ma chaleur corporelle augmente
en flèche, au point d’atteindre la température de Jehanne. Coincée
entre la jeune femme et le métal froid de la voiture, je ne réfléchis
plus. Je profite allégrement du moment présent. Je lui rends son
baiser avec fièvre, passe les doigts dans ses cheveux mi-longs, sans
me soucier des conséquences.
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— Jehanne ? hésité-je.
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n’y arrive pas. Je profite du fait qu’elle se soit reculée pour quitter à
mon tour ma position et croiser les bras sur ma poitrine.
Coupée dans mon élan par Jehanne qui s’avance d’un seul coup
pour me plaquer de nouveau contre la portière, j’en perds ma
rime. Je ferme la bouche, observe sa main sur mon épaule, avant de
l’affronter du regard.
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— Tu as fait assez de magie pour aujourd’hui.
— C’est plutôt toi qui aurais besoin qu’on te remette les idées
en place. À ce que je sache, tu ne disais pas non quand je t’ai
embrassée. D’après mes souvenirs, tu répondais sans te faire prier
et tu appréciais particulièrement le moment.
— Ne prends pas tes rêves pour des réalités. J’ai détesté ça, du
début à la fin.
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— Pourquoi ? Parce que je ne te trouve pas irrésistible ?
Si au tout début c’était le cas, aujourd’hui, c’est plus fort que ça,
beaucoup plus même. Son physique n’est pas la seule chose qui me
trouble. Apprendre à la connaître a été une grave erreur. Au lieu
de réussir à me détacher, j’ai au contraire succombé davantage.
Certes, elle est orgueilleuse, vantarde et surtout beaucoup trop
sûre d’elle, cependant ses qualités arrivent sans mal à compenser
ces désagréments. Avec elle, je me sens en sécurité. Pas seulement
en sécurité d’ailleurs, mais à ma place. En sa compagnie, j’ai
l’impression de pouvoir tout dire, tout faire. Je ne crains pas de
l’effrayer à cause de mes pouvoirs, de la faire fuir à cause de mon
mauvais caractère. En plus d’être rassurante, elle arrive à me tenir
tête, or même si je ne l’avouerai jamais, nos disputes ont tendance
à exacerber mes émotions et, par extension, tout ce que je ressens
pour elle.
Le regard noyé dans ses iris dorés, j’en perds peu à peu ma retenue.
Je déglutis et essaie de prendre mon courage à deux mains. Au
fond, et même si mon amour propre risque d’être piétiné, si mes
sentiments risquent d’être écrasés, il me restera toujours une
solution pour préserver ma dignité. En cas de dénouement négatif,
je pourrais lui faire tout oublier d’un simple sort : ma réponse, le
baiser, la journée entière.
— Comment tu…
— Oui, enfin non pas exactement, mais elle n’a pas besoin de notre
aide.
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— Il ne nous reste plus qu’à attendre minuit, et nous pourrons
laisser cette sombre affaire derrière nous, reprend-elle.
— Bien sûr que ça l’est. Nous sommes des sorcières, nous pouvons
faire absolument tout ce que nous voulons. Tu verras, avec le
temps, tu t’y habitueras. Qui sait, dans trois ans, tu seras peut-être
à ma place, à rassurer les novices et à prévoir toi aussi une activité
originale pour Halloween.
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Alors que Dahlia et Danaë hochent la tête en guise d’assentiment, je
réalise soudain quelque chose.
— Kara, ça ne va pas ?
— Oui ma pauvre, c’est trop dommage qu’il n’y ait pas assez de
place dans ce manoir pour les novices. Enfin, ne t’inquiète pas, d’ici
un an tu pourras emménager avec nous. Tes souffrances prendront
fin.
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qui pouvait m’arriver. Quoique non, le pire aurait été de m’attacher
à une vampire, mais dans tous les cas, choisir entre ces deux
espèces revient à hésiter entre Charybde et Scylla.
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Le Lendemain
— Je suis sûre qu’elle ne s’intéresse pas du tout à cette fille. Elle lui
fait juste son numéro habituel, mais tu verras, dans dix minutes à
peine, elle aura déjà oublié son prénom.
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Alors que nous nous sommes remises en route, Liliana me lance un
coup d’œil incertain.
— Ça signifie que je veux être là pour toi quand tu vivras l’un des
plus beaux jours de ta vie. Pour le reste, ce n’est pas à moi de juger.
Personnellement, je ne comprends pas comment tu peux ne pas
être morte de peur en compagnie de cette femme. Mais après tout,
ce n’est pas moi qui serais amenée à passer ma vie en sa compagnie.
— Attentionné dans le genre elle tue ses victimes sans les faire
souffrir ?
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rapprochement physique entre Jehanne et sa nouvelle conquête. Je
tente de demeurer insensible, de ne pas m’énerver quand je vois
l’étudiante poser sa main sur le bras de ma colocataire. Cependant,
en l’entendant rire comme une bécasse, il m’est impossible de me
contenir plus longtemps.
— Laisse-moi deviner, celle qu’il lui faut est rousse aux yeux verts ?
Elle a mauvais caractère et personne n’a intérêt à s’approcher de sa
promise sous peine d’attraper une bonne pneumonie ?
— Vous… quoi ?
— Je veux tous les détails. Qui a fait quoi, où est-ce que ça s’est
passé, combien de temps ça a duré, n’omets rien surtout.
— J’étais coincée contre une voiture, elle était envoûtée, elle s’est
jetée sur moi, et ça a duré une bonne minute.
— Oh…
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— Comment ça revenir à elle ? m’interroge mon amie. Vous vous
êtes embrassées et le sortilège a arrêté de faire effet ?
— Quoi ?
— Non, rien.
— Un baiser ?
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— Un baiser d’amour partagé, me corrige-t-elle.
— Mais bien sûr, les contes de fées et puis quoi, encore, soupiré-je.
Tu penses vraiment que je vais y croire ?
78
Au son de la voix de Jehanne, je me tends. Je ne me donne pas la
peine de tourner le regard vers elle et baisse l’épaule pour tenter de
me dégager.
— Je ne suis pas…
— Manque de…
Alors que son sourire se fait plus grand, je fronce les sourcils.
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— Quelle inventivité, me taquine Liliana.
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— Bien sûr que tu le seras. Krystal va te recommander et, surtout,
on a toutes prévu de voter pour toi.
FIN
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Fantastique par Reines de Coeur est une collection déposée par les
éditions Reines de Coeur
www.reinesdecoeur.com
ISBN : 978-2-37838-098-4
83
Également disponible dans la collection
Fantastique
Ione n’est pas seule à tenter d’influer sur le destin d’Elvina. Elle fait
face à Leto, son contrepoids maléfique. Mais un jour, le médiateur
de l’Enfer disparaît subitement. Il est remplacé par Hope, une ange
déchue qui voue une haine féroce à Ione. La collaboration entre les
deux médiatrices s’avère difficile, surtout que Hope ne rate jamais
une occasion de s’opposer à l’ange. Alors qu’Ione pensait que la
situation ne pouvait empirer, Elvina lui demande de partir à la
recherche de Leto. Ce dernier se trouvant en Enfer, la médiatrice
angélique n’a d’autre choix que de s’allier à sa pire ennemie pour
cette périlleuse expédition…
84
Julianne mène une vie solitaire pour protéger les personnes qu’elle
aime.
Sara, quant à elle, est une jeune femme tout ce qu’il y a de plus
ordinaire. Détective privé à New York, sa petite agence commence à
rencontrer le succès.
Sauf qu’il n’est pas question ici d’un conte, encore moins d’une
histoire inventée. Isabelle est bien réelle. Et comme toute personne
censée, elle perd son calme lorsque sa barque s’échoue sur un banc
de sable au milieu de la baie de Douarnenez. Alors que, les pieds
dans la vase, elle lutte contre l’adversité, un petit éclat de lumière
capte son regard. Fascinée, elle cesse de se débattre et découvre un
mystérieux médaillon argenté : un triskèle.
Mais Odile n’en faisant qu’à sa tête, rien ne se passe comme Cupidon
l’avait prévu…
87
La Magie d’Halloween Edwine Morin 3,49 Euros
Kimberley est alors prête à tout pour retrouver son ancienne vie…
Comme chaque année, Anna Dujardin fête Noël chez ses grands-
parents. Entre sa grand-mère qui l’interroge sur son éternel célibat
et son cadeau de noël se résumant à un pull des plus kitsh, la soirée
tourne au fiasco. Avant de rentrer chez elle, Anna jette de dépit le
pull dans la neige et le piétine.
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Le grand jour arrive enfin. Leela, élevée dans un internat sur Terre,
va rencontrer Jenok, le commandant à qui elle est promise. Elle
ignore tout de cet individu dont elle espère secrètement pouvoir
tomber amoureuse.
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que peu de répit à sa mystérieuse patronne. Ne dit-on pas que les
apparences sont souvent trompeuses ?
Angelina est une lycéenne de dix-sept ans bien éloignée des réalités
des adolescentes de son âge. Embauchée pour l’été dans le seul
café présent à New Heaven, la ville où elle habite, la jeune femme
partage sa vie entre son travail temporaire et Noah, son neveu de
quatre ans qu’elle élève comme son propre fils.
Après avoir une fois de plus joué les taxis pour sa meilleure amie
Madison, Angelina croise le chemin de Samantha dont la voiture est
en panne sur le bord de la route. Les deux femmes s’engagent dans
une conversation animée où priment l’ironie et le second degré.
Égarée sur une planète inconnue, elle tombe nez à nez avec Leela,
devenue princesse lindörienne depuis son mariage avec Rajaya.
Leela décide de prendre Tamsyn sous son aile quand elle découvre
l’état d’épuisement de la Neklonis. Mais Sierra, la militaire en
charge de la sécurité de la princesse, ne voit pas d’un très bon œil la
présence de cette intruse. Elle doit cependant se plier aux désirs de
Leela quand cette dernière invite Tamsyn au palais.
En pleine réflexion sur son plan d’évasion, elle tombe nez à nez
avec Alexis, son amour de jeunesse qui n’est autre que la sœur de
la mariée. Bien décidée à l’éviter, elle tourne les talons et part à la
recherche de son agent, son cavalier pour la soirée. Malgré leur
relation tendue, Katelyn considère que sa compagnie sera toujours
meilleure que celle d’Alexis. Mais les choses ne se passent pas
92
exactement comme elle l’aurait souhaité.
Dans une situation délicate, Katelyn n’a d’autre choix que d’accepter
l’aide d’Alexis, il en va de sa survie…
Dans un Japon futuriste où les écrans ont été remplacés par des
hologrammes et où les bracelets connectés gèrent le quotidien, la
docteur Rachel Adams est chargée de la supervision chez Yumelab.
Grâce à une innovation technologique, cette entreprise propose
à ses clients de faire des rêves éveillés et de s’évader de leur
quotidien.
94
Table des matières
Minuit2
04h007
12h0017
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Le Lendemain 73
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