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État de santé et systèmes de soins dans les pays en développement :

la contribution des politiques de santé au développement durable


(Stéphane TIZIO)
(proposition de synthèse)

Les relations santé / développement sont connues depuis longtemps mais évolution de
l’approche : « perspective davantage microéconomique d’analyse des systèmes de santé ».
Autre évolution avec le concept de développement, d’abord économique, puis « humain »,
puis « durable ».
L’objectif de développement durable intègre les questions sanitaires (cf. organisations
internationales depuis 10 ans).
La définition du développement durable n’est pas encore stabilisée. Cela dit, « cette notion
intègre des dimensions environnementales (préservation des écosystèmes), économiques
(plus grande efficacité), sociales (équité), voire culturelles du développement.
Objectif : montrer l’importance des politiques de santé dans l’entretien d’un processus de
développement durable.

1. Le développement durable : une analyse en termes de croissance


économique et de développement humain

Développement : notion polysémique

I.1 Du développement économique au développement durable : un aperçu


Dans la pensée économique, le développement était assimilé à la croissance économique
(PIB). Approche critiquée dès les années 60.
Dans la pensée sociologique, le développement était associé à la « dynamique sociale d’une
société » ou au mouvement des peuples « devenus sujets historiques de leur avenir ».

Plus récemment (20 ans), le développement « humain » = processus d’expansion des


capacités, c’est-à-dire d’élargissement des possibilités offertes à chacun (autonomie
(individuelle).
2 grandes tendances :
- Le développement est un développement économique, une croissance des richesses
matérielles (tradition classique)

- Le développement (« humain ») est un processus centré sur l’homme et son bien-


être (avec « la possibilité de vivre longtemps, et en bonne santé, d’acquérir les
connaissances qui les aideront dans leurs choix et d’avoir accès aux ressources leur
assurant un niveau de vie décent »).
Conception de Sen et du PNUD (organisme des Nations Unies) qui intègre les
dimensions sociale, culturelle, politique et éthique du développement.
Dans la 2ème conception, développement humain est souvent associé à « durable » (cf.
anglais « sustainable ») = approche intergénérationnelle et qualitative.
Les 3 dimensions du développement humain et durable :
- Dimension environnementale : ressources naturelles limitées à protéger
- Dimension économique : croissance régulière
- Dimension sociale : conditions de vie à améliorer

3 dimensions en interaction :
- Version « faible » : processus enclenché par le maintien d’une croissance économique
forte
- Version « forte » : les 3 dimensions sont prises en compte de manière
complémentaire (processus sous-tendu par l’amélioration conjointe des stocks de
capital physique, humain, environnemental)

I.2 Le développement durable est conditionné par l’intensité des liens réciproques entre
croissance économique et développement humain

La version « forte » du développement durable » = relations circulaires entre croissance


économique et développement humain (effets en boucle de l’un sur l’autre).
La durabilité doit être évaluée à partir des liens positifs entre croissance économique et
développement humain. Analyse à 2 niveaux :
- Niveau micro : évolution positive du stock individuel de capital humain = facteur
d’augmentation du revenu par individu (lien niveau d’étude / salaire)
+ niveau d’éducation déterminant dans le contrôle de la démographie (réduction du
taux de fécondité et donc augmentation du PIB par tête)
- Niveau macro : l’amélioration de l’état de santé et d’éducation génère une
augmentation de la productivité dans l’ensemble de l’économie
+ effets positifs sur la nature et le volume des exportations
+ rétroaction positive de l’augmentation du niveau d’éducation sur l’égalité dans la
distribution des revenus (opportunités aux plus démunis)

En outre, au niveau macro, il y a des complémentarités entre le développement humain et


les composantes santé et éducation.
À partir d’un certain seuil de développement, la hausse de l’espérance de vie induit une
préférence pour le futur (la population se projette davantage) et une augmentation des
dépenses en santé et en éducation.
Par ailleurs, rôle déterminant de la croissance économique sur les progrès réalisables pour
l’augmentation des niveaux de santé et d’éducation. La croissance du PIB (total et par tête)
induit des modifications dans les comportements des ménages en faveur :
- des biens et services supérieurs (et donc santé et éducation). Loi d’Engel.
- d’une réduction de la natalité (favorable à l’accumulation de capital humain pour les
enfants)
- de la constitution d’un capital social valorisant le capital éducatif
La croissance du PIB peut aussi contribuer à diminuer les inégalités de revenus et la pauvreté
relative et à constituer une classe moyenne (favorisant les investissements en capital
humain).
L’accroissement du revenu fait croître l’espérance de vie.
La croissance économique ouvre des possibilités de financement de systèmes de protection
sociale.
Avec l’augmentation de leurs recettes, les États sont confrontés à 2 arbitrages successifs :
1er arbitrage : dépenses publiques favorisant le développement humain vs autres postes
budgétaires
2ème arbitrage (à l’intérieur du développement humain) : l’importance accordée aux
ressources affectées aux actions prioritaires.

À un niveau + micro, la croissance économique influe favorablement sur les comportements


des décideurs publics (plus de recettes publiques : moins de corruption) avec des effets
positifs sur le développement humain.

2. La santé à l’interface de la croissance économique et du développement


humain : une contribution déterminante au développement durable

I.3 La santé favorise à la fois la croissance économique et le développement humain

Une population bien nourrie et bien soignée est un facteur déterminant de croissance
économique (cf. meilleure productivité).
Effets de la santé :
- elle améliore les capacités de développement personnel (plans physique, intellectuel,
émotionnel)
- elle assure une certaine sécurité dans l’avenir (pour les individus)
Tableau (p.108) : les pays dotés d’un mauvais état de santé sont incapables d’obtenir des
taux de croissance importants.
La mauvaise santé = facteur de stagnation économique et sociale. La maladie agit par
différents canaux :
- perte de bien-être individuel
- impact négatif sur la vie de demain (dimension intergénérationnelle)
- coûts sociaux importants (avec, dans les pays les plus défavorisés, une effet sur les
revenus des ménages)
À propos des maladies infantiles : les infirmités mentales et physiques engendrées ont des
répercussions durant toute la vie (perte de productivité individuelle).
Une mauvaise santé durant l’enfance a 2 conséquences :
- difficultés à l’apprentissage
- gains salariaux diminués

La dimension intergénérationnelle de la maladie (exemple : maladies infantiles élevées donc


taux de mortalité infantile élevé donc taux de fécondité élevé donc familles nombreuses,
« cercle vicieux de trappe à pauvreté »)
Les coûts élevés pour la société. Une morbidité élevée décourage les investissements,
déséquilibre les budgets publics (au détriment d’autres services sociaux) avec des
conséquences politiques (défiance, instabilité).
I.4 Les politiques de santé contribuent au renforcement des liens entre croissance
économique et développement humain

La croissance et le développement humain ont une incidence sur l’état de santé de la


population.
Plus précisément, le développement humain entraîne …
- élévation du niveau de vie
- donc préoccupation plus importante pour la santé
- donc augmentation de la demande de santé
- donc revenu additionnel dans ce secteur

La santé joue donc un rôle d’interface entre croissance économique et développement


humain. Ce rôle doit être entretenu par des politiques adéquates (efficacité à évaluer)

La question de l’efficacité
Sur l’efficacité productive du système de santé. Conditions :
- prise en compte des besoins individuels et collectifs
- Adéquation des infrastructures
- Formation des personnels de santé à l’épidémiologie (pour cerner les besoins des
populations)
- Formation aux fonctions de logistique (et de gestion) des infrastructures

Sur l’efficacité allocative : elle va de pair avec une amélioration des ressources en faveur du
secteur de la santé (d’où un arbitrage nécessaire : la promotion de la santé ne doit pas faire
oublier l’éducation, entre autres).
Mais le financement public des services de santé reste insuffisant pour assurer la
performance des systèmes sanitaires (OMS, 2010). Il faut donc pérenniser le financement.
Questions relevant des choix publics :
1. Qui finance ma santé ? 4 acteurs :
- Les ménages
- Le secteur public
- Le secteur privé (compagnies d’assurances, mutuelles de santé)
- Les ONG

2. Avec la coexistence des différents acteurs, quel est le rôle de chacun ?


Le mode de financement n’est pas neutre :
- En microéconomie : les modifications dans le mode de rémunération des producteurs
de soins induisent des comportements différenciés des acteurs du système de santé
- En macroéconomie : l’identification des circuits de financement est un préalable pour
statuer sur la pérennité des systèmes de santé (ainsi il faut un marché financier efficient
pour garantir un marché de l’assurance privée)

Les questions de l’équité et de la légitimité des politiques de santé


La politique sanitaire contribue au développement durable dès lors qu’elle permet de
réduire les inégalités devant la santé. Les politiques de santé doivent contribuer à réduire la
question de l’accessibilité aux soins avec des inégalités financières et/ou géographiques.
L’équité = un facteur déterminant de la durabilité du développement.
3 conceptions pour la notion d’équité :
- Égalitariste (développée en bas de la p. 113) : elle privilégie la santé comme un droit
fondamental et garantit à tous un traitement et un égal accès aux soins. En théorie,
cette ligne permet à la santé de jouer le rôle d’aplanissement des inégalités de revenu.
Mais comment financer un système de santé égalitaire ?
- Libérale : la politique de redistribution est néfaste ; on insiste sur la responsabilisation
(financière) de l’usager et des acteurs individuels (option invalide dans les pays en
développement)
- Rawlsienne : les politiques de santé doivent promouvoir un égal accès à des biens
fondamentaux et favoriser, par la redistribution, les plus démunis. Limites : on prend
acte des inégalités sans les contester sur le fond et les biens premiers comprennent-ils
les services de santé ?

Conclusion
Évolution des réformes successives des systèmes de santé dans les pays en développement :
Équité (égalitariste) puis efficacité économique (équité plus libérale) puis équité rawlsienne.
= glissement d’une conception collective vers une conception individualisée et marchande de
la santé. Choix légitimes ?
La légitimité des politiques sanitaires est conditionnée par la dimension politique et
institutionnelle dans laquelle elles s’inscrivent. Le cercle vertueux croissance économique /
développement humain est mis en péril dès que les mesures de politique de santé sont
contestées par la population. Il importe de donner une dimension démocratique à ces
politiques.

Recommandations de la commission « macroéconomie et santé » (OMS) dans son rapport de


2001.
Objectifs sanitaires de l’Assemblée générale (2000) à atteindre avant 2015.
La pérennité du développement est mise en avant par les organisations internationales.
Toutefois, la dimension politique de la mise en œuvre des stratégies de développement est
amplement négligée. Question de l’engagement démocratique des populations.

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