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Le Saint-Esprit et la prédication

Autor(en): Baudraz, Francis

Objekttyp: Article

Zeitschrift: Revue de Théologie et de Philosophie

Band (Jahr): 37 (1949)

Heft 151

PDF erstellt am: 05.05.2024

Persistenter Link: https://doi.org/10.5169/seals-380505

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LE SAINT-ESPRIT ET LA PREDICATION

Introduction

Il ne nous semble pas nécessaire dejustifier longuement le titre


de cette étude ; nous établissons un rapport entre ces deux réalités :
Saint-Esprit, prédication. En effet, personne n'a osé soutenir
sérieusement qu'il n'y eût entre eux qu'une stricte alternative : Saint-Esprit

ou prédication t
Même les illuministes (les tenants de l'Esprit sans la Parole) ont
dû, en fait, prêcher leur doctrine pour la répandre. Les plus sérieux
et les plus respectables d'entre eux, les Quakers, qui célèbrent un
culte silencieux où personne n'est chargé du ministère de la Parole,
sont bien loin de contester la nécessité d'un enseignement biblique,
d'une instruction: «Nous sommes d'accord avec l'Eglise historique du
Christ, au sujet de ce qui est considéré comme doctrines essentielles...
D'une manière générale, notre Société a revendiqué, et revendique
encore, d'être essentiellement orthodoxe, et évangélique » (Assemblée
annuelle de 1920). « On ne peut partager le Christ : le Christ de nos
âmes, et le Christ de l'histoire » (1906). Pour avoir l'Esprit du Christ,
il faut connaître le Christ de l'histoire. S'il n'y a pas de prédication
au sens usuel du terme, il y a cependant prédication au sens large,
enseignement et exhortation, sous d'autres formes, orales et écrites.
L'autre position extrême, ce serait de prétendre que la prédication
se suffit à elle-même, et n'a pas besoin du Saint-Esprit.
Une telle affirmation ferait perdre de vue le caractère spécifique
de la prédication chrétienne, la rabaisserait au niveau d'un exercice

N.B. — Etude présentée à la Société vaudoise de théologie, le lundi 30 mai 1949.

REV. DE THÉOL. ET DE PHIL. N. S., t. XXXVII (n° 151, I949) 4


So FRANCIS BAUDRAZ

oratoire, d'un art de la parole, destiné à convaincre par raisonnement ;


il suffirait de connaître la matière à exposer et la psychologie de
l'auditeur. La prédication ne serait plus qu'un discours humain, un
enseignement philosophique et moral, ne se distinguant pas
essentiellement de celui des docteurs stoïciens, bouddhistes ou musulmans.

Considérer la prédication sans le Saint-Esprit, ce serait manquer son


but, altérer son contenu, perdre ses moyens ; en regardant les choses
de près, on peut aller jusqu'à dire que ce serait la détruire.
Aussi bien ne s'est-il trouvé personne, dans l'Eglise, pour
représenter exclusivement ce point de vue. Les prédicateurs se sont
presque
toujours réclamés du Saint-Esprit ; même quand ils ne l'ont pas fait
expressément, ils n'ont pas prétendu parler sans l'Esprit, ou contre
l'Esprit ; les plus hétérodoxes sont persuadés que l'Esprit est avec
eux, qu'il souffle de leur côté.
Peut-être se réclame-t-on de l'Esprit quelque peu à la légère
Peut-être nous croyons-nous un peu trop vite assistés par l'Esprit,
d'accord avec lui, sans avoir examiné s'il y a des conditions à remplir
pour cela L'étude du rapport entre le Saint-Esprit et la prédication
n'a-t-elle pas été souvent négligée
Notre ambition est de mieux saisir, afin de mieux l'utiliser, la
relation du Saint-Esprit et de la prédication, telle que l'établit le
témoignage de l'Eglise primitive.
Toutes les questions de la doctrine chrétienne sont comme les
carrés d'un tissu écossais : quand on en tire un à soi, tous les autres
viennent avec lui Cette difficulté paraît plus grande encore lorsqu'on
veut parler du Saint-Esprit ; car le Saint-Esprit est vraiment mêlé
à tous les problèmes (l'essence de Dieu, la révélation, la personne de
Jésus et son ministère, l'homme et le salut, l'obéissance et l'espérance,
l'Eglise et les sacrements). Si donc nous sommes obligés de toucher
à beaucoup de questions, nous essaierons cependant de ne pas nous

y perdre...

I. Le Saint-Esprit et le fait de la prédication


Ce n'est point par hasard que nous avons nommé d'abord le
Saint-Esprit, et ensuite la prédication. Cela doit nous garder de
penser que le Saint-Esprit ne serait que le moyen de la prédication,
le facteur « puissance N » ajouté à ce que nous prêchons. Au
contraire, la prédication est bien plutôt le moyen dont le Saint-Esprit
LE SAINT-ESPRIT ET LA PRÉDICATION 51

se sert. Le Saint-Esprit déborde la prédication. Il est juste de prier,


selon la belle formule de la liturgie : « Assiste tes ministres, et rends
leur parole efficace par ton Saint-Esprit » ; mais cette demande
n'épuise pas la relation entre la parole et le Saint-Esprit, et il serait
insuffisant de nous arrêter là. Nous demanderions le Saint-Esprit
comme le paysan qui a ensemencé son champ demande la pluie
Cette image est juste, en ce sens que, pas plus que le paysan ne dispose
de la pluie, nous ne disposons du Saint-Esprit, et que cependant
celui-ci est aussi nécessaire dans son domaine que celle-là dans le
sien, pour que nous n'ayons pas travaillé en vain. Mais l'image est
fausse par ailleurs, car le Saint-Esprit a l'initiative de tout le travail ;
nous et notre prédication, nous sommes ses serviteurs. Nous voulons
le Saint-Esprit Mais c'est premièrement et surtout le Saint-Esprit
qui nous veut
Ces affirmations ne vous sembleront pas trop catégoriques, si nous
recourons au Nouveau Testament. Le temps de la nouvelle alliance
est celui du Saint-Esprit ; c'est même en ceci que réside la grande
différence entre l'ancienne et la nouvelle alliance. — Si l'on ne regarde
les deux alliances que sous l'angle de la Parole, on est conduit à
atténuer, voire à effacer ce qui les sépare. — Même si l'Esprit de
Dieu a été depuis le commencement un moyen d'action de Dieu dans
le monde qu'il a créé et qu'il entretient, même si l'Esprit de Dieu
a été connu en Israël comme agent d'intervention et de révélation
divines, il fait l'objet dans l'Ancien Testament d'une promesse pour
l'avenir promesse qui s'accomplit par Jésus-Christ. Le premier
;
témoignage en est celui de Jean-Baptiste, selon les quatre évangiles :
Jean, c'est Elie qui est revenu, c'est le dernier des prophètes de
l'ancienne alliance ; après lui le Messie vient, qui baptisera du Saint-
Esprit.
De même, pour saint Paul, le ministère dans l'ancienne alliance
était celui de la lettre, de la loi ; celui de la nouvelle alliance est le
ministère de l'Esprit. Et au début de Gai. m, l'apôtre oppose avec
force à l'économie de la loi, sous laquelle les Galates s'étaient remis,
l'économie nouvelle de la foi et du Saint-Esprit.
Comment le Saint-Esprit a-t-il pu venir A quelle condition
a-t-il pu être donné Il a fallu Jésus-Christ, sa personne et son
œuvre : son incarnation, son obéissance parfaite, sa mort pour les
péchés, sa résurrection et son ascension. C'est après que Jésus a
achevé sa tâche, lorsqu'il est dans la gloire du Père, qu'il envoie de
52 FRANCIS BAUDRAZ

la part du Père le Saint-Esprit. — Notons en passant que la doctrine


du Filioque correspond bien au témoignage biblique. — Comme
Jésus a été envoyé par le Père (Jean xx, 21-22), et a reçu pour cette
mission l'Esprit de Dieu, qui lui a permis d'accomplir son ministère,
de même il revêt les disciples du Saint-Esprit, qui est l'Esprit de
Dieu et son Esprit tout ensemble, pour les envoyer à son tour, pour
qu'ils « disent les paroles de Dieu » (Jean m, 34).
Ainsi la venue du Saint-Esprit est le commencement de l'Eglise
comme de la prédication chrétienne. Le discours de Pierre à la
Pentecôte nous est présenté comme la conséquence directe, immédiate,
de l'effusion du Saint-Esprit ; jusqu'alors les disciples vivaient
dans la plus extrême discrétion, par crainte des Juifs. Saul le
persécuteur, à qui Ananias impose les mains, reçoit le Saint-Esprit, et
se met aussitôt à prêcher (Act. ix, 17-20) ; car « Dieu a révélé en lui
son Fils» (Gai. 1, 15-17). «Personne ne peut dire Jésus Seigneur,
si ce n'est par le Saint-Esprit » (I Cor. xn, 3) ; si cela est vrai de la
foi, à plus forte raison de la prédication
Nous sommes ainsi amenés à constater que, dans la nouvelle
économie, loin de dispenser de la prédication, du témoignage, de
l'enseignement, le Saint-Esprit y pousse ; c'est lui qui fait prêcher
l'Evangile. Il n'y a donc pas un « temps de l'Esprit » tout seul, qui
succéderait au «temps du Fils»; mais les temps du Fils, de l'Esprit,
de la Parole, de l'Eglise coïncident. Le temps de l'Esprit, c'est le
temps où le Fils est annoncé aux hommes, le temps où l'Eglise
croit. L'Esprit ne rend pas la Parole superflue ; mais au contraire
il y renvoie, il agit par elle.

2. Le Saint-Esprit et le contenu de la prédication


Le Saint-Esprit n'est pas seulement la cause initiale de la
prédication ; il est lié — il se lie — aussi à son contenu, il détermine son

objet. Il n'est pas seulement le principe formel de la Parole évangélique,


mais aussi le principe matériel : il ne fait pas parler pour dire
n'importe quoi, mais il fait dire que Jésus est le Christ, le Fils de
Dieu, le Seigneur. La fonction du Saint-Esprit est de rendre témoignage
de Jésus-Christ.
L'Esprit rappelle ce que Jésus a fait et enseigné, et tout
particulièrement l'événement central et sa signification : la mort et la
résurrection du Seigneur pour nous.
LE SAINT-ESPRIT ET LA PRÉDICATION 53

Le contenu du discours de Pierre à la Pentecôte, c'est Jésus-


Christ mis à mort, ressuscité, élevé à la droite de Dieu. Selon Actes x,
l'Esprit descend sur ceux qui écoutent pendant que Pierre leur parle
de Jésus.
Paul prêche Christ crucifié (1 Cor. 1), scandale pour les Juifs et
folie pour les païens, mais puissance et sagesse de Dieu pour ceux
qui croient. C'est le Christ crucifié qui a été dépeint aux Galates,
c'est par la foi en lui qu'ils ont reçu l'Esprit. C'est la parole du
Seigneur que Paul a annoncée aux Thessaloniciens, avec la puissance
du Saint-Esprit.
Le quatrième évangile rend le même témoignage : l'Esprit prend
ce qui est à Jésus et l'annonce. L'Esprit est Esprit de vérité ; or cette
vérité se rapporte à Jésus, elle est venue par lui, elle est Jésus lui-
même.
Ainsi, l'Esprit n'est pas une puissance intemporelle : il est partie
intégrante de la révélation historique de Dieu en Jésus-Christ, et il
ne s'en laisse point distraire. L'Esprit glorifie le Christ ; partout où
l'on amoindrit le Christ, ce n'est pas le Saint-Esprit de Dieu qui est
à l'œuvre. Depuis le début de l'histoire de l'Eglise, tous les « esprits »

que l'on invoque ne sont pas le Saint-Esprit ; le critère du Saint-


Esprit, selon la première épître de Jean, c'est qu'il « confesse Jésus-
Christ venu en chair » ; le témoignage du Saint-Esprit s'accorde avec
celui des sacrements (I Jean v, 6-8), lesquels témoignent de l'œuvre
du Seigneur. C'est ce qu'exprime l'Ecossais Mclntyre : « La parole
du sacrifice divin sonne haut et clair quand l'Esprit est puissant...
On peut dire que l'Esprit vient sur nous seulement dans la puissance
du sang de Christ » W.

Mais le Saint-Esprit ne rappelle pas seulement l'œuvre du Fils


de Dieu : il fait l'œuvre du Fils, en établissant une relation entre
les faits objectifs du salut et l'homme qui écoute ; il applique la
vérité évangélique à l'auditeur ; il fait passer du salut objectif au
salut personnel. C'est le « témoignage intérieur du Saint-Esprit » ;
témoignage qui n'ajoute rien au témoignage extérieur, celui de la
parole, mais qui en fait reconnaître l'autorité et la vérité, qui le fait
entrer dans le cœur et la volonté de l'homme. C'est le Saint-Esprit
qui crée la foi.

(') D. M. M' Intyre, Spirit ani power, London, 1913, p. 65 s.


54 FRANCIS BAUDRAZ

En effet : qu'est-ce qui peut me persuader que Dieu m'aime, et


que le Christ est mort et ressuscité pour moi Uniquement le Saint-
Esprit Aucune démonstration rationnelle ne peut me faire croire
à l'amour de Dieu, aucun syllogisme ne peut obtenir de moi que je
me mette joyeusement à son service. La foi est un don de Dieu ;
c'est dire que Dieu nous sauve lui-même jusqu'au bout Dieu ne se
contente pas de venir en son Fils parmi les hommes, mais il vient en
nous par son Saint-Esprit. Le moyen de la révélation de Dieu, c'est
Dieu lui-même. Dieu ne nous sauve que par lui-même. C'est là que la
doctrine de la Trinité est vraie.
Mais, fera-t-on observer, n'est-il pas bien dangereux d'objectiver
ainsi la foi, en l'attribuant au Saint-Esprit N'est-ce pas enlever à
l'homme toute responsabilité Quand on lui prêchera la parole, ne
va-t-il pas répondre que c'est inutile, parce qu'il n'a pas le Saint-
Esprit, et qu'ainsi il ne peut pas croire
Or, si illogique que cela paraisse, l'action du Saint-Esprit ne
diminue en rien la responsabilité de l'homme dans la foi. «Action
mystérieuse et secrète, écrit M. Théo Preiss, respectueuse de la
conscience de l'homme. L'Esprit crée une adhésion libre »to. Il
n'exerce pas de contrainte ; il ne remplace pas la décision de l'homme.
C'est Dieu qui nous sauve, mais il ne le fait pas sans nous, ni malgré
nous. On ne dira jamais : « le Saint-Esprit croit », mais : « je crois »,
et « je veux croire — par le Saint-Esprit ». La foi est œuvre de Dieu
et de l'homme, et cependant, parce qu'elle est l'œuvre du Saint-
Esprit, il n'y a pas de synergisme au sens classique du terme. La
doctrine catholique, qui a relégué le Saint-Esprit dans la Trinité
d'une part, dans l'autorité ecclésiastique d'autre part, et qui ne
connaît plus le rôle du Saint-Esprit dans la foi, aboutit à faire de
celle-ci une œuvre méritoire ; s'il y a, bien sûr, une grâce qui permet
la foi, l'homme est seul dans l'appropriation de cette grâce, qui est
pour ainsi dire une chose détachée de Dieu. Tandis que, si nous
comprenons bien la fonction du Saint-Esprit, l'homme n'est plus
seul en face de Dieu, mais il est, pour ainsi dire, avec Dieu devant
Dieu — l'Esprit de Dieu rendant témoignage à notre esprit. C'est
par le Saint-Esprit que nous avons une véritable certitude de foi,
et non une illusion, une pauvre imagination d'homme pécheur.

(') Théo Preiss, Le témoignage intérieur iu Saint-Esprit, Neuchâtel, 1946,


p. 28 s.
LE SAINT-ESPRIT ET LA PRÉDICATION 55

C'est par le Saint-Esprit que nous avons une foi certaine, parce que
œuvre divine et pas seulement humaine, et en même temps vraiment
nôtre, personnelle et vivante, et pas seulement une foi d'autorité
ou de tradition.

Redécouvrir le rôle et la fonction du Saint-Esprit nous permettra


de lutter contre une représentation erronée de la justification. Non
pas seulement contre l'erreur romaine de la justification par les
œuvres, mais contre une erreur réformée, contre une mauvaise
interprétation de la justification par la foi.
Les Réformateurs ont mis l'accent sur le caractère déclaratif de
la justification, la gratuité du salut. Comme saint Paul s'est opposé
au légalisme juif, les Réformateurs ont rejeté le légalisme romain,
avec ses accommodements et ses marchandages. Avec saint Paul, ils
ont proclamé que Dieu nous aime le premier, qu'il n'attend pas
nos bonnes œuvres pour le faire, qu'il a l'initiative de notre salut,
et que toute notre assurance repose en ce qu'il a fait pour nous par
Jésus-Christ. La foi consiste à saisir la promesse divine ; mais la foi
n'est pas un simple « tenir pour vrai », elle engage tout l'homme dans
une relation vivante avec Dieu.
Mais après les Réformateurs, remarque M. Emil Brunner, on
est revenu très rapidement à une notion catholique de la foi, considérée
comme l'assentiment à un dogme ; à ceci s'est jointe une notion
de l'Eglise de masse : les croyants, ce sont ceux qui reconnaissent le
dogme ecclésiastique dont l'enseignement et la confession sont
obligatoires. Le rôle du Saint-Esprit est relégué à l'arrière-plan, ce
qui a causé « une maladie de l'Eglise et de la théologie jusqu'à aujourd'hui
» to. Ainsi la doctrine de la justification par la foi est devenue

une fausse sécurité Tout le monde sait que le Christ est mort pour
le pardon des péchés ; mais combien y a-t-il de gens qui en tiennent
compte sérieusement pour combien n'est-ce qu'une croyance,
indépendante d'une foi véritable
Or il n'y a pas de justification sans le Saint-Esprit ; parce qu'il
n'y a pas de justification purement mécanique et objective. Il ne
faut pas séparer Rom. v, 1 de Rom. v, 5 : nous n'avons la paix avec
Dieu qu'en même temps que l'amour de Dieu est répandu dans nos

(*) Emil Brunner, Die Lehre vom heiligen Geist (Verhandlungen des Schw.
ref. Pfarrvereins, Luzern 1944), p. 40.
56 FRANCIS BAUDRAZ

cœurs ; justifiés, nous sommes enfants de Dieu, et c'est le Saint-


Esprit qui en témoigne en nous. Ne prêchons donc pas la justification
par la foi de manière à laisser se former des « indifférents orthodoxes ».
Nous ne sommes au bénéfice de la mort du Seigneur pour nous qu'en
appartenant au Seigneur, par le Saint-Esprit.

Parce que les croyants appartiennent à Dieu, ils font les œuvres
de Dieu ; la foi qui justifie est celle qui « est agissante par la charité ».
Il n'y a pas de distance entre la justification et la sanctification :
«nous qui sommes morts au péché, comment vivrions-nous encore
dans le péché » Le croyant est rendu capable d'obéissance par le
Saint-Esprit.
Sur ce point, le contraste est frappant entre l'indigence du
catholicisme et notre richesse, ou
plutôt la richesse biblique, où nous puisons
si mal. Selon la doctrine catholique, le Saint-Esprit « nous aide à
faire le bien par la grâce actuelle », et, par la Confirmation, nous
confère les sept dons mentionnés par Esaïe xi ; mais en pratique,
l'homme est laissé à lui-même pour faire le bien, soumis à d'innombrables
préceptes, et s'il veut mener une vie plus sainte, à de non
moins innombrables conseils. Tandis que, dans le Nouveau Testament,
nous constatons qu'à maintes reprises l'éthique tout entière est
attribuée au Saint-Esprit ; ainsi Dieu lui-même vient aider l'homme
à faire le bien — ou plus exactement : Dieu vient lui-même réaliser
sa volonté en nous et par nous, par le Saint-Esprit. Le bien que nous
sommes appelés à faire s'appelle « les fruits de l'Esprit ».
Mais l'Esprit ne dirige pas seulement nos activités, les manifestations
de notre être ; l'Esprit s'attaque à l'essence de notre être ;
il crée un homme nouveau, délivré de la puissance de la « chair ».
L'Esprit nous fait « naître de nouveau » (Jean m) ; parce que nous
sommes « morts et ressuscites avec Jésus-Christ », « la loi de l'Esprit
de vie en Jésus-Christ nous a affranchis de la loi du péché et de la
mort » (Rom. vi ; vm,i).
MM. Emil Brunner et Franz Leenhardt ont déploré récemment
(Pfarrverein 1944) la fausse interprétation de Romains vu par
Augustin, qui a conduit, sinon à nier, en tout cas à réduire dans une
grande mesure le témoignage de la puissance de renouvellement du
Saint-Esprit. Or, avec Rom. vi et vm, « il faut affirmer l'actualité
et la réalité de l'œuvre du Christ », écrit M. Leenhardt. Grâce au
Saint-Esprit, la vie chrétienne a une réalité, et un contenu ; elle ne
LE SAINT-ESPRIT ET LA PRÉDICATION 57

se réduit pas à une perpétuelle oscillation entre le péché et la grâce.


«La loi de la vie du chrétien, dit M. Emil Brunner, n'est pas une
rechute continuelle, mais elle consiste à « demeurer en Christ ».
La présence du Saint-Esprit dans les croyants nous permet de
prêcher une véritable éthique, c'est-à-dire autre chose qu'un moralisme,
catholique ou protestant, Le changement porte moins sur le
contenu que sur l'orientation et l'étendue ; l'éthique chrétienne,
selon Alfred de Quervain, ce n'est rien d'autre que l'obéissance aux
dix commandements, par ceux qui croient en Jésus-Christ et vivent
par son Esprit. — Nous nous bornerons dans ce domaine à deux
remarques :
Dieu nous recrée à l'image de son Fils ; le rôle du Saint-Esprit est
de nous faire ressembler au Fils, de nous faire « imiter Jésus-Christ ».
Cette expression a mauvaise presse, étant compromise depuis
longtemps par le caractère souvent doucereux et sentimental de la célèbre

« Imitation de Jésus-Christ » et de la littérature de ce genre. Mais

ce n'est pas un argument pour se débarrasser de la chose elle-même.


Faire le bien, c'est nécessairement imiter Dieu, puisque Dieu seul
est bon Constamment saint Paul exhorte ses lecteurs à l'imiter, et
à imiter le Christ, comme il le fait lui-même ; et d'après saint Jean,
le disciple doit accomplir les mêmes œuvres que son Seigneur. Il faut
servir, non seulement sous les ordres de Jésus-Christ, mais aussi comme
il a servi. — Il ne s'agit pas d'une puérile imitation extérieure des
gestes et des circonstances du Seigneur ; mais d'être animé par le
même Esprit, par les mêmes sentiments et la même volonté que lui,
en vue d'une obéissance fidèle, du renoncement joyeux, du don de
soi sans arrière-pensée. — Un ouvrage récent de Heinz Zwicker
montre combien ce thème de l'imitation du Christ, trop négligé par
les ouvrages de Brunner et de Quervain, peut être fécond to.
Notre seconde remarque, c'est qu'il ne faut pas limiter l'éthique
à ce que nous sommes naturellement capables d'accomplir. Il faut
prêcher hardiment les œuvres surnaturelles Calvin souligne
constamment le fait que Dieu ne mesure pas ses ordres à nos capacités, mais

nous ordonne beaucoup plus, afin que nous soyons pressés de demander
son secours. Les textes de la Réforme proclament, avec la Bible,
que la vie chrétienne est une vie surnaturelle, une obéissance
surnaturelle, que donne le Saint-Esprit. Nous devons exiger des croyants

(') Heinz Zwicker, Reich Gottes. Nachfolge und Nachschöpfung. Beiträge zur
christlichen Ethik (Haupt, Bern, 1948).
58 FRANCIS BAUDRAZ

les fruits de l'Esprit », qui sont des miracles Sinon, comment, et


«

à quoi bon prêcher l'amour ce n'est qu'un idéal inaccessible, s'il


n'est pas le fruit le plus excellent du Saint-Esprit. Nous ne devons
pas nous contenter d'inviter les fidèles à « s'amender » — mot fort
ostervaldien, remarquait Charles Porret, mais fort peu évangélique,
qui a fait beaucoup de mal à l'Eglise — mais les inviter à mener une
vie nouvelle. Gardons-nous de naturaliser la vie chrétienne, l'obéissance
qui est l'œuvre du Saint-Esprit. Il n'y a point de « devoir »
qui ne soit aussi et d'abord un don du Seigneur. « La source des
bonnes œuvres, dit M. Leenhardt, n'est pas la reconnaissance, mais
le salut lui-même, sa réalité, sa puissance. » to

En considérant combien le Saint-Esprit est impliqué dans tout


ce que nous avons à prêcher, et à quel point notre représentation
de l'Evangile sera modifiée selon que nous tiendrons compte plus
ou moins de la présence et de l'activité du Saint-Esprit, nous sommes
amenés à constater que le Saint-Esprit est lui-même objet de
prédication, qu'il est une partie de ce contenu sur lequel il exerce une

telle influence. Est-ce juste, et sommes-nous encore sur un terrain


évangélique Faut-il vraiment prêcher le Saint-Esprit, et pas seulement
prêcher avec le Saint-Esprit Ne suffit-il pas d'annoncer
Jésus-Christ N'est-ce pas le Christ qui attire les hommes à lui, qui
les persuade, qui les renouvelle L'Esprit ne peut-il agir sans qu'on
le nomme expressément
Certes, on peut considérer que les bonnes œuvres sont celles
que Jésus-Christ produit dans le croyant, ainsi que l'expriment
l'évangile de Jean et le catéchisme de Heidelberg ; et M. Théo
Preiss a exprimé en termes excellents cette « humilité totale » du
Saint-Esprit, qui s'efface devant le Fils, et dont on ne peut distinguer
la présence de celle du Fils, parce qu'il ne veut être que le moyen
de la présence du Fils. Certes, le Saint-Esprit a pu agir dans beaucoup
de ministères fidèles, dans beaucoup de vies consacrées au Seigneur,
sans que son rôle fût exactement analysé et reconnu
Mais le point de vue qui voudrait passer sous silence le Saint-
Esprit n'est pas celui de Jésus, ni des apôtres. Jésus promet le Saint-
Esprit, et enseigne aux disciples à le demander comme le plus grand
don de Dieu ; il considère la venue de l'Esprit comme l'aboutissement

(') Franz-J. Leenhardt, dans : Verhanilungen ies Schio, réf. Pfarrvereins,


1944, p. 61.
LE SAINT-ESPRIT ET LA PRÉDICATION 59

de son œuvre pour les hommes — réserve faite de l'achèvement à


venir — et comme l'événement le plus désirable et le plus profitable
pour eux. L'Esprit est le Paraclet, c'est-à-dire l'Avocat, et il faut
qu'il nous soit donné pour nous assurer que le Seigneur n'habite
pas seulement dans la gloire du ciel, mais aussi en chacun des siens.
Ensuite, les apôtres promettent le Saint-Esprit, et constatent
que Dieu et Jésus glorifié l'envoient ; il n'y a pas de croyants sans
le Saint-Esprit, qui est le sceau de Dieu sur ceux qui lui appartiennent,
la marque en vue de son Royaume. C'est la présence active du Saint-
Esprit qui est le fondement de la foi, de l'amour pour les frères,
et de l'espérance de la résurrection. Il n'est pas question de demander
les dons de l'Esprit sans l'Esprit lui-même ; certes, notre obéissance
doit être concrète, mais elle ne peut se composer d'une série d'œuvres
détachées ; il faut que nous soyons saisis et renouvelés dans la totalité
de notre être...
C'est pourquoi nous devons avoir conscience du rôle du Saint-
Esprit, et lui donner la place qui lui revient dans notre prédication.
Ce sera le seul moyen d'échapper aussi bien à une orthodoxie intellectualiste,
où la foi n'entraîne que la participation de la raison, qu'à
un moralisme légaliste qui n'a d'autre ressource que la bonne volonté
de l'homme. C'est en reconnaissant l'activité du Saint-Esprit que
nous cesserons d'osciller entre un salut purement déclaratif et l'activisme
humain.

3. Le Saint-Esprit et la forme de la prédication

Il se trouve passablement de gens pour opposer le Saint-Esprit


à la prédication régulière : le Saint-Esprit, à leurs yeux, représente
la liberté, la spontanéité ; comment prétendre qu'il agira à heure
fixe, et dans le local prescrit
Ce point de vue se rapprocherait de la thèse de Harnack sur le
christianisme primitif, selon laquelle les manifestations spontanées
et abondantes de l'Esprit furent rapidement étouffées par une
organisation ecclésiastique toujours plus développée, et toujours plus

jalouse de ses prérogatives. Revenir au Saint-Esprit, ce serait donc


renoncer à une prédication régulière, confiée à des hommes spécialisés,
au profit de l'inspiration immédiate de tel ou tel frère
Nous ne le pensons pas. D'une part, on a exagéré le désordre de
l'Eglise primitive ; toutes les communautés n'étaient pas aussi
6o FRANCIS BAUDRAZ

bouillonnantes que celle de Corinthe. Et dès le commencement,


comme Jésus déjà avait donné à l'Eglise un embryon d'organisation
par le cercle des Douze, on constate que les apôtres organisent l'Eglise,
la prédication régulière, nommant eux-mêmes ou faisant nommer
des hommes chargés de l'enseignement. Le Saint-Esprit non seulement
s'accommode d'une vie ecclésiastique régulière, mais la réclame
nécessairement, comme vient de le souligner M. Ph. Menoud to. Le
Saint-Esprit est un esprit d'ordre, et il a certainement inspiré
Antoine Court autant et plus que les prophètes cévenols.
D'autre part, si le Saint-Esprit rend les croyants capables de
témoigner de Jésus-Christ, en paroles et en actes, cela ne signifie
pas qu'il rende chacun apte au ministère de l'enseignement Ce
serait contraire à la doctrine comme à la pratique des apôtres ;
et c'est une fâcheuse corruption de la notion du sacerdoce universel
que d'en tirer que chacun est capable de n'importe quelle fonction.
Nous croyons donc que le Saint-Esprit peut et aime agir dans
l'Eglise constituée et les ministères réguliers. Encore faut-il que
l'Eglise et ses ministères s'y prêtent Souvent l'Eglise, au cours
de son histoire, a élevé des barrières contre le Saint-Esprit, et au
profit d'une sécurité trompeuse s'est appauvrie de ce qu'il lui aurait
donné : elle a abandonné l'éthique aux philosophes, la foi vivante
aux piétistes, l'espérance du royaume de Dieu aux millénaristes, et
les missions à des sociétés privées
Ceci nous donne une leçon : si l'Eglise se prive du Saint-Esprit,
il portera des fruits hors d'elle. L'Esprit ne se laisse pas contraindre,
et c'est en vain que Rome a prétendu l'emprisonner dans l'autorité
ecclésiastique. N'ayons pas la même prétention, et ne renouvelons
pas la même erreur. Ce qui s'accomplit sans nous n'est pas nécessairement
l'œuvre du Malin ; c'est aussi quelquefois l'action du Saint-
Esprit, qui n'a pu trouver place chez nous, et qui suscite d'autres
hommes.
Si du cadre de la
prédication nous passons à la forme du discours,
sur ce point le Saint-Esprit ne donne pas de recette ; homélie ou
sermon il ne permet pas de trancher le débat. Non plus en ce qui
concerne l'heure, ou la durée du sermon Le Saint-Esprit s'intéresse
essentiellement au contenu, il fait prêcher le Seigneur Jésus-Christ.

(') Philippe-H. Menoud, L'Eglise et les ministères selon le Nouveau Testament.


Neuchâtel, 1949.
LE SAINT-ESPRIT ET LA PRÉDICATION 61

Mais il faut que cette parole ait une forme Nous annonçons
le Seigneur et son œuvre sous l'aspect d'une vérité à exposer et à
transmettre, et l'Esprit agit dans et par cette vérité. Cela représente
un labeur, une information et une élaboration de ce que le prédicateur
doit dire, et la nécessité de le rendre en un langage clair et accessible
à tous Le Saint-Esprit ne supprime pas l'homilétique, au contraire
il la fera étudier sérieusement — mais : en nous rappelant que cela
ne fait pas tout et qu'il y a un élément mystérieux, un acte de libre
amour de Dieu qui doit intervenir pour rendre la Parole bien prêchée
efficace.

Une remarque encore, quant aux éléments de la prédication.


Le Saint-Esprit ne conduit pas à se faire des illusions sur les hommes ;
il ne supprime ni les exhortations, ni les réprimandes. Combien
celles-ci sont nombreuses et vives, sous la plume des apôtres L'Esprit
est un Esprit Saint, qui dévoile les péchés, ceux qui subsistent dans
le croyant, afin de les détruire. La présence du Saint-Esprit ne
transporte pas les gens sans aucun effort dans la perfection ; il s'agit
d'une lutte, mais d'une lutte victorieuse contre le « vieil homme »
contre la « chair » toujours présente. La sévérité apostolique nous
apprend comment s'exprime le saint amour de Dieu. Qu'on relise,
au sujet des exhortations et des réprimandes, l'admirable chapitre
xxv des Actes du Synode de Berne. Mais, comme le fait le Nouveau
Testament, pour l'encouragement comme pour le blâme, il faut
partir de la réalité du Christ et du Saint-Esprit en nous. Nous ne
sommes pas réduits à une exhortation épuisante à se surmonter
soi-même, au terrible et vain effort de Zarathoustra.

4. Le Saint-Esprit et les auditeurs

Nous avons mentionné la nécessité de parler aux auditeurs du


Saint-Esprit ; il faut qu'ils connaissent, et qu'ils aient le Saint-
Esprit Nous pouvons en appeler à l'Esprit qu'ils ont reçu, que
Dieu leur a donné déjà.
Car le Saint-Esprit est pour tous les croyants ; il n'est pas réservé
à une minorité de gens spécialement « avancés ». La notion d'un
« baptême du Saint-Esprit » en plus de la foi, qui s'obtiendrait dans

certaines conditions (baptême par immersion, imposition des mains,


etc.), est insoutenable du point de vue biblique, ainsi que l'a montré
62 FRANCIS BAUDRAZ

Charles Porret, dans une étude parue en 1886 to. Si l'on soutient qu'li
y a deux catégories de chrétiens, dont les uns auraient le Saint-
Esprit et les autres pas, on aboutit à des conséquences imprévues
le plus souvent, et extrêmement graves : on nie le rapport du Saint-
Esprit avec la foi en Jésus-Christ, et on n'attribue plus au Saint-
Esprit les œuvres de la foi ; on retombe ainsi dans le naturalisme
et le moralisme. Si nous voulons nous opposer utilement à l'erreur
pentecôtiste, il nous faut proclamer que le Saint-Esprit est donné
à tout croyant. Certes, il
y a des différences entre les témoins :
certains ont un service plus fidèle, un témoignage plus riche, un
ministère plus fécond ; Dieu peut renouveler et augmenter le don
reçu, et d'autre part le croyant est plus ou moins réceptif et docile
envers le Saint-Esprit. L'Esprit est plus ou moins actif, mais il a
chez tous la même fonction : le plus puissant prédicateur ne fait
rien d'autre que de dire « Jésus est Seigneur », tout comme le plus
humble des fidèles.

L'Esprit est pour tous les croyants, parce que c'est lui qui les
intègre à l'Eglise. L'Esprit confère à chacun un service, une responsabilité
; il doue chaque membre en vue du bien de l'ensemble, et

aucun ne doit rester passif.


Sans la réalité du Saint-Esprit, on ne voit plus très bien ce qu'est
l'Eglise, ni pourquoi ni comment les chrétiens sont unis les uns aux
autres l'Eglise est envisagée tantôt comme une organisation hiérarchique
:

et autoritaire qui tient les fidèles assujettis, tantôt comme


une association plus ou moins étroite qui permette de célébrer des
cultes et d'annoncer l'Evangile. Tout autre apparaît l'Eglise, quand
on se rend compte de la fonction ecclésiastique du Saint-Esprit :
l'Esprit oriente chacun vers le service des autres, tout en lui donnant
une vraie originalité. L'Esprit ne sacrifie ni la personne, ni la communauté,
mais les développe l'une et l'autre, en les donnant l'une à
l'autre. Car le don suprême du Saint-Esprit, celui que tous doivent
recevoir et exercer, c'est l'amour

N'est-ce pas dangereux d'insister sur la présence du Saint-Esprit


en chaque croyant Ne va-t-on pas développer le subjectivisme,
par le fait que beaucoup se mettraient à dire : « Dieu m'a dit... Le

(') Charles Porret : Le baptême iu Saint-Esprit, dans : Le Chrétien évangélique

1886, p. 7-12
LE SAINT-ESPRIT ET LA PRÉDICATION 63

Saint-Esprit m'a conduit... » alors qu'en fait ils tombent dans


l'illuminisme, avec ses puérilités et ses erreurs C'est là, certes, le danger
du Saint-Esprit ; et ce danger ne vient pas de lui, mais de l'homme
pécheur qui s'annexe le Saint-Esprit et alors ce n'est plus le Saint-
Esprit. Nous avons vu que le Saint-Esprit apporte à ce danger un
double remède : le Saint-Esprit est christocentrique et ecclésiastique.
Le Saint-Esprit est l'Esprit du Christ, il fait l'œuvre du Christ, il
glorifie le Christ, et non le Moi de l'homme pieux. Le Saint-Esprit
donne le croyant au Christ et à ses frères ; c'est ainsi qu'il sera
vraiment lui-même, plutôt qu'en se grandissant à ses propres
yeux.

Il pourrait sembler que nous proposions, avec le Saint-Esprit,


un moyen magique d'échapper à toutes les erreurs Mais comment
n'être pas frappé de constater combien beaucoup de problèmes se
renouvellent, quand on les considère sous l'angle du Saint-Esprit
et combien l'ignorance et la négligence en ce qui concerne le Saint-
Esprit ont faussé la pensée et la vie chrétiennes
Cependant, nous sommes ici en grand péril : celui d'établir une
« doctrine du Saint-Esprit » sans la présence de l'Esprit lui-même

celui de manier le Saint-Esprit comme un objet de pensée, comme


une valeur intellectuelle, sans lui permettre d'agit en nous Dieu
veuille nous garder d'une « orthodoxie pneumatologique » qui n'aurait
plus qu'une réalité d'ordre académique Telle est la ruse du diable
envers les théologiens : il transforme la meilleure doctrine en une
chose abstraite. Corruptio optimi pessima!
C'est pourquoi nous terminerons ce travail par quelques réflexions
très concrètes sur le Saint-Esprit et le prédicateur.

5. Le Saint-Esprit et le prédicateur

Ilfaut que nous ayons le Saint-Esprit, qu'il soit vivant et actif


en nous, et que nous soyons actifs avec lui. Cela signifie la prière
que Dieu nous accorde ce don, et nous le renouvelle de jour en jour ;
et cela signifie aussi nous offrir nous-mêmes, pour être sanctifiés.
« de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-
même rejeté », a écrit saint Paul (I Cor. ix, 27). Ne sommes-nous
pas encore « charnels » au sens paulinien « Ce sont les actes de

désobéissance, dit Mclntyre, qui refroidissent notre amour pour


Dieu et affaiblissent notre foi... Il semble s'agir parfois de bagatelles,
64 FRANCIS BAUDRAZ

contraires à la loi et à l'amour du Christ. Mais l'Esprit est entravé


de plus en plus, attristé, et il se retire. » to
« Si le vase est d'argile, rappelle Ch. Porret, il faut qu'il soit net...

L'Esprit consume le péché et éteint les convoitises ; surtout il nous


remplit de l'amour qui est l'essence de la sainteté, et sans lequel le
service de Dieu n'est qu'un pénible esclavage. » to

La puissance n'est pas un don à rechercher pour lui-même ;


elles est une conséquence de la vérité et de la vie que le Saint-Esprit
met en nous. L'Esprit « n'est pas un esprit de timidité, mais de
force, d'amour et de sagesse » (II Tim. i, 7); il ne faut pas chercher
la force hors de l'amour, ni le courage sans la sagesse.

En conclusion : nous sommes appelés à prêcher avec le Saint-


Esprit la Parole de Dieu, l'Evangile de Jésus-Christ ; et à prêcher
le Saint-Esprit, qui est une partie de cet Evangile, le don suprême
de Dieu, qui fait valoir tous les autres dons. Car Dieu ne veut pas
donner quelque chose, mais lui-même ; ni recevoir de nous des choses,
mais nous-mêmes.
Ce Saint-Esprit, nous l'avons déjà reçu ; nous voulons « ranimer
le don qui est en nous », afin de « travailler de plus en plus à l'œuvre
du Seigneur ». Nous ne sommes pas satisfaits de notre état présent,
ni de celui de l'Eglise ; et nous demandons davantage à Celui qui
peut tout.
Francis BAUDRAZ.

(') D. M. M' Intyre, op. cit., p. 79 s.


Ch. Porret, Le Saint-Esprit, principe ie la vie nouvelle. Chrétien évangélique,

1885, p. 501.

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