Representations Sociales de La Maladie C

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Représentations sociales de la maladie :

Comparaison entre savoirs « experts » et savoirs « profanes »

A paraître dans la revue :


L’Encéphale : Revue de psychiatrie clinique biologique et thérapeutique

Christine JEOFFRION1
Pauline DUPONT2
Dominique TRIPODI3
Christine ROLAND-LEVY4

1
Maître de conférences HDR en psychologie sociale et du travail - Laboratoire de
Psychologie des Pays de la Loire (LPPL - UPRES EA 4638), Université de Nantes, France.
2
Psychologue sociale et du travail
3
Médecin MD, PhD - Chef du Service Médecine Santé au Travail et Consultation de
Pathologie Professionnelle du CHU de Nantes et membre du Laboratoire de recherche du
LEEST (UA-InVS - IFR 132, UPRES EA 4336), Université d’Angers, France.
4
Professeur en psychologie sociale – Laboratoire de Psychologie « Cognition, Socialisation,
Santé » (C2S - EA 6291), Université de Reims Champagne-Ardenne, France.

Auteur correspondant :
Christine JEOFFRION
Laboratoire de Psychologie des Pays de la Loire (LPPL - UPRES EA 4638)
Université de Nantes - Faculté de Psychologie
BP 81 227
44 312 NANTES Cedex 3
06 48 17 82 15
Christine.jeoffrion@univ-nantes.fr

1
Résumé

Le lien entre pratiques et représentations sociales est désormais bien connu. Or, si de
nombreux travaux se sont intéressés à la représentation sociale de la maladie mentale, et ce au
sein de diverses populations, très peu d’études portent sur la représentation sociale de la
maladie au sens large, et aucune ne compare les représentations sociales qu’en ont les
professionnels de la santé (PS) et les non-professionnels de la santé (NPS). C’est sur ce point
que se centre notre recherche. Le groupe des PS est composé de trois sous-groupes :
« médecins », « infirmiers » et « pharmaciens » et celui des NPS de deux sous-groupes : les
personnes soumises à un « traitement médical de longue durée » et les personnes « sans
traitement ». 270 participants (135 PS et 135 NPS) ont répondu à une question d’évocation
dont les données, selon la théorie dite du « noyau central », ont fait l’objet d’une analyse
prototypique et catégorielle. Les résultats montrent qu’il existe une représentation sociale de
la maladie partagée par les deux groupes, renvoyant essentiellement à la souffrance et à la
douleur, mais des registres spécifiques sont aussi mis à jour au niveau périphérique pour
chaque groupe. Les PS ont recours à des termes descriptifs renvoyant à la nature et aux
caractéristiques de la maladie ; chaque profession évoque la maladie en fonction de son rôle
propre. Alors que les médecins se centrent sur le diagnostic et les conséquences de la maladie,
les pharmaciens privilégient le traitement de la maladie et sa prise en charge, et les infirmiers
se centrent sur le traitement et sur le suivi relationnel des patients. Les NPS se réfèrent quant à
eux à des termes focalisés sur le vécu personnel face à la maladie, sachant que les personnes
qui suivent un traitement médical privilégient un registre lié à l’affect et aux conséquences de
la maladie sur leur quotidien pendant que les personnes sans traitement ont recours à des
termes plus descriptifs et formels. Conformément à nos hypothèses, les représentations des PS
renvoient à des « représentations professionnelles », tandis que celles des NPS sont reliées à
des « pratiques » de la maladie. Ces résultats invitent les PS à élargir les registres des
échanges liés à la maladie de manière à favoriser une communication centrée sur une prise en
charge du patient considéré dans sa globalité avant d’être un malade réel ou potentiel, et cela
constitue un pas décisif dans l’amélioration de la santé du patient.

Mots-clés : Représentations sociales ; Représentations professionnelles ; Maladie ;


Professionnels de la Santé ; Associations libres ; Analyse prototypique et catégorielle ;
EVOC.

Conflit d’intérêt : aucun

2
Social Representations of Illness:
Comparison of “expert” knowledge and “naïve” knowledge
Key Words: Social Representations; Professional Representations; Illness/Disease; Health
Professionals; Free Associations; Prototypical and Categorical Analysis; EVOC.
Introduction
The link between social practices and representations is now well known. But while many
studies have focused on the social representation of mental illness, in various populations, few
studies have focused on the notion of disease/illness by comparing professionals and non-
professionals health workers representations. Indeed, the disease is both a reality described,
explained and treated by medicine; for those who are affected by a disease, it is an individual
experience with psychological, social and cultural impacts. The social representation is
determined by the structure of the social groups in which it develops; therefore, it is a form of
knowledge socially shaped and shared by the members of a social group.
Several theoretical extensions have been elaborated and particularly, the structural
approach and the central core theory. These approaches sustain the arguments of a
hierarchical organization of a social representation with a central core surrounded by
peripheral zones. The central core is common and shared by the majority of the members of a
given group, whereas the peripheral zones provide space for the individualization of the social
knowledge.
Purpose
The main goal of our study is to highlight the social representations of disease in Health
Professionals (HP) and in Non-Health Professionals (NHP). The group of HP has been
differentiated into three subgroups: “medical doctors”, “nurses” and “pharmacists”, while that
of NHP in two subgroups: those submitted to a “long period medical treatment” and those
“without treatment”. Our aim is to show that there are different social and professional
Representations of disease. The professional representations are specific social
representations related to professional contexts.
We formulate the following assumptions (a) that the social representations of HP and NHP
will be articulated around a common central core. Nevertheless, we expect to find specific
peripheral elements related to professional status, based on different knowledge and a
differentiated “practice”; (b) the HP should refer to more descriptive aspects of the disease
and monitoring of patients, while (c) NHP should refer more to the experience of illness
around emotional aspects.
Method
Our sample is composed of 270 participants (135 HP and 135 HNP). Representations are
measured by a free association task based on the target term: disease. The data have been
submitted to prototypical and categorical analyses in agreement with the central core theory.
Results and Discussion
The results confirm that there is a common social representation of disease shared by the two
groups, which refers essentially to suffering and pain. The analysis of each group brings to
light two different registers: the one of the HP with more descriptive words referring to the
nature and the illness's characteristics, and the other ones of the HNP with more words
connected to emotions and referring to personal real experience of the illness. As expected,
the social representation of the HP is referring to the “professional representations” of the
disease, while the one for the HNP is linked to “practices” of an illness. An analysis of intra-
group differences shows specificities for each of the questioned subgroups. In the HP,
medical doctors focus on the diagnosis and consequences of the disease, pharmacists refer to

3
the treatment of the disease and its management, while nurses focus on the treatment and on
the relation while monitoring patients. In the NHP, people submitted to a “long period
medical treatment” refer to the emotional aspects and to the consequences of the illness on
their live, while those without treatment use more descriptive and formal terms. These results
suggest to the PS to expand exchanges related to the disease in order to facilitate
communication centered on taking care of the patient, considered in its wholeness and not
only as an actual or potential patient. This is an important step in improving the health of the
patient.

4
Introduction

Si de nombreux travaux se sont intéressés à la représentation sociale de la maladie mentale,


et ce au sein de diverses populations dont la population générale [1,2,3,4], les professionnels
de santé [5,6], les proches de patients [7,8], les personnes âgées [9], très peu d’études portent,
à notre connaissance, sur la représentation sociale de la maladie au sens large, et aucune ne
compare les RS qu’en ont les professionnels de la santé (PS) et les non-professionnels de la
santé (NPS). Nous proposons dans cette étude-ci de mettre en évidence la manière dont
l’objet social « maladie » est pensé et vécu aujourd’hui dans notre société, tant par des PS
selon leur statut professionnel, que par des NPS selon leur statut en termes de maladie. Ce
travail s’inscrit dans la suite d’un programme de recherche que nous avons mené avec la
CNAMTS1 [10] et part du présupposé selon lequel les savoirs experts se différencient des
savoirs profanes, et que la pratique [11], et le statut professionnel [12] influencent les
représentations sociales. Ainsi, parmi les travaux qui se sont intéressés au lien entre les
pratiques et les représentations sociales, certains ont posé que les pratiques sociales
déterminent les représentations sociales [13] alors que d’autres insistaient surtout sur le rôle
prescriptif que les représentations sociales ont sur les pratiques [14]. Aujourd’hui, la quasi-
totalité des chercheurs s’accordent sur le fait que représentations et pratiques s’engendrent
mutuellement. Dans notre étude, nous montrerons que les pratiques tant professionnelles que
sociales de la maladie ont une influence sur les représentations sociales de la maladie.
Le champ de référence est celui des Représentations Sociales (RS) et ce pour plusieurs
raisons. Tout d'abord parce que « la maladie est à la fois une réalité décrite, expliquée, traitée
par la médecine, et une expérience individuelle comportant des retentissements
psychologiques, sociaux, culturels, etc., pour ceux qui en sont atteints », d'où l’opposition
devenue classique entre « illness » (maladie-du-malade) et « disease » (maladie- selon le
médecin) [15]. Or la théorie des RS repose sur le postulat selon lequel toute réalité serait
représentée, c’est-à-dire « appropriée » par l’individu ou le groupe, reconstruite par son
système cognitif et intégrée dans son système de valeurs [16]. Elaborée et partagée par les
membres d’un même groupe, une représentation sociale est une forme de connaissance
courante, dite « de sens commun » qui a comme finalité l’organisation et l’orientation des
communications et des conduites permettant d’acquérir une vision de la réalité commune à
tous les membres d’un ensemble social déterminé [17]. Là où d’autres approches échouent, le
concept de RS permet de comprendre, voire d’anticiper les comportements. En effet, si
l’approche socio-cognitive propose de nombreux modèles explicatifs, la principale limite est
leur difficulté à expliquer le lien entre les attitudes et le comportement. En privilégiant
l’aspect cognitif, ils sont trop axés sur les facteurs individuels, négligeant le rôle des
influences émotionnelles, situationnelles et sociales, si bien qu’il est difficile d’en évaluer leur
capacité prédictive réelle [18]. Les RS ont quant à elles clairement une fonction d’orientation
des conduites ; elles guident les comportements et les pratiques : elles interviennent dans la
définition de la finalité des actions et elles sont prescriptives en ce qu’elles servent de filtre
des informations pour conduire à l’action. Elles permettent aussi de justifier les prises de
positions et les comportements a posteriori [16]. L’étude des RS constitue ainsi une voie de
choix pour comprendre quelles sont les croyances, les perceptions, les valeurs, etc., relatives à
un objet et à un groupe, et quels leviers activer pour mettre en place et accompagner le
changement [19].
Plusieurs modes d’approche des RS ont été élaborés et particulièrement la théorie dite du
noyau central dans le cadre de laquelle s’inscrit la présente étude. Selon cette théorie fondée
sur de nombreux travaux débutés dans les années 1970 et validée expérimentalement par
Moliner [20], les représentations sociales se forment autour d’un « noyau central » qui
1
CNAMTS : Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés.

5
détermine la signification de la représentation ainsi que son organisation. Les éléments qui s’y
trouvent sont partagés par la majorité d’un groupe donné. Des éléments périphériques sont
structurés autour du noyau central, et de manière hiérarchisée, constituant la partie la plus
concrète et accessible de la représentation. Les éléments périphériques exercent une véritable
fonction de défense de la représentation afin d’en éviter la transformation. Ils sont organisés
en trois zones périphériques spécifiques, qui constituent un espace pour une individualisation
de la pensée sociale (cf. infra).
Piaser [21] s’est intéressé plus spécifiquement aux représentations professionnelles, qui
sont élaborées dans l’action et l’interaction professionnelles qui les contextualisent, par des
acteurs dont elles fondent les identités professionnelles correspondant à des groupes du
champ professionnel considéré, en rapport avec des objets saillants pour eux dans ce champ.
Notre étude présente l’intérêt de prendre en compte les représentations de différentes
catégories de professionnels de la santé, mais aussi celles des patients et de leurs familles, et
ce dans le but d’une meilleure compréhension des uns et des autres. Trois groupes ont donc
été constitués pour représenter les PS : celui des médecins, des pharmaciens et des infirmiers,
et deux groupes du côté des NPS : celui des personnes qui suivent un traitement versus des
personnes qui n’en suivent aucun. Cette variable a été contrôlée du côté des PS car en ont été
retirés tous ceux qui suivent actuellement un traitement, de manière à s’assurer que les
représentations soient comprises eu égard leur profession et non en raison de leur vécu
personnel.
Nous avons posé comme hypothèses (a) que la représentation sociale de la maladie pour
les PS et les NPS sera articulée autour d’un même noyau central mais sera constituée
d’éléments périphériques distincts, sachant que (b) les PS devraient se référer davantage à des
aspects descriptifs de la maladie et du suivi des patients, tandis que (c) les NPS devraient se
référer davantage au vécu de la maladie et aux aspects émotionnels.
Par ailleurs, nous posons que (d) concernant les PS, par-delà la RS partagée, la maladie
sera perçue comme objet de recherche pour les médecins, comme objet d’application du
diagnostic pour les pharmaciens, et comme objet de soin pour les infirmiers ; et que (e)
concernant les NPS, la maladie sera plus située du côté du ressenti pour les personnes qui
suivent un traitement médical régulier, et sur un plan plus cognitif pour celles qui ne suivent
aucun traitement.

Méthode

Échantillon
L’échantillon a été constitué à partir de contacts pris au sein de plusieurs structures
hospitalières d’une grande agglomération de l’Ouest de la France, et par la méthode des
« contacts en chaîne ». Les environnements professionnels des PS et des NPS sont de fait
diversifiés, et les NPS qui suivent ou non un traitement sont des « tout-venants ». Au final,
270 questionnaires ont pu être exploités, dont 135 PS (45 médecins, 45 pharmaciens et 45
infirmiers) et 135 NPS (67 qui suivent un traitement à long terme et 68 qui n’ont aucun
traitement). On compte 73 hommes et 197 femmes. Près d’un quart des répondants a entre 18
et 25 ans, 25% entre 26 et 35 ans, 25% entre 36 et 45 ans, et le dernier quart se situe entre 56
et 65 ans. Tous les PS ont un niveau d’études au minimum supérieur à Bac+3. Quant aux
NPS, 13% ont un niveau Bac, 23% un niveau Bac+3, et 64% un niveau supérieur à Bac+3.
Les traitements de longue durée renvoient à des dysfonctionnements extrêmement diversifiés,
dont seuls 6 d’entre eux ont été cités entre 5 et 7 fois : il s’agit d’hypertension, d’acné, d’HIV,
d’asthme, de dépression et de cancer (les autres cas n’ayant été cités qu’une fois voire deux).

6
Matériel
Le travail repose essentiellement sur une question d’évocation (ou associations de mots)
avec pour consigne principale : « Lorsque l’on vous dit ‘Maladie’, quels sont les mots ou
expressions qui vous viennent à l’esprit ? » posée à l’écrit. La question d’évocation est suivie
d’un recueil de variables classiques : âge, sexe, niveau d’études et pour tous, une question qui
vise à savoir s’ils suivent ou non un traitement médical, et le cas échéant, pour quel type de
maladie.

Analyse des données


Les données ont été soumises à une analyse prototypique (classement des associations en
fonction de leur fréquence et de leur rang d’apparition) et catégorielle (classement
sémantique) à partir du logiciel « EVOC » créé par Vergès [22].

Analyse prototypique
Il s'agit d'une analyse quantitative qui met en évidence la structure de la RS. On obtient un
tableau à quatre cases : la case 1 correspond aux éléments faisant potentiellement partie de la
zone centrale. Les mots qu’elle contient sont cités fréquemment et parmi les premiers (rang
moyen faible). Ils donnent une signification et une cohérence à la RS. Il s’agit des termes les
plus saillants et les plus significatifs. Les cases 2 et 3 comprennent des mots fréquents mais
arrivant plus tard (rang moyen élevé), ou bien, cités parmi les premiers (rang moyen faible)
mais peu fréquents. Ceux-ci font partie de la zone périphérique, mais peuvent agir sur
l’organisation de la représentation. Il s'agit des « zones potentielles de changement ». La case
4 correspond à la zone dite de « périphérie lointaine ». Les mots ou expressions sont ici peu
cités et parmi les derniers (cf. Tableau 1). Nous présenterons les résultats issus de l’analyse
prototypique in extenso.

Insérez ici Tableau 1. Les zones résultant de l’analyse prototypique

Analyse catégorielle
L'analyse catégorielle consiste à regrouper dans des catégories ad hoc les mots qui sont
proches d’un point de vue sémantique. On crée autant de catégories que nécessaire pour
classer toutes les associations proposées. Cette analyse permet d’approfondir l’analyse
prototypique et de vérifier que les mots ou expressions repérés par la première analyse
relèvent bien des thèmes les plus récurrents dans les réponses des participants. En effet,
certains thèmes peuvent contenir une multitude de synonymes qui n’apparaîtront pas
forcément dans l’analyse prototypique. Cette deuxième analyse, qualitative, nous a permis de
dégager l’ensemble des champs sémantiques issus des associations et fournit ainsi des grilles
de lecture pour appréhender et donner du sens aux termes recueillis. Nous présenterons dans
le cadre de cet article uniquement les catégories sémantiques assorties de leur poids.
Grâce à l’analyse catégorielle de l’ensemble des associations libres, 6 catégories,
renvoyant au total à quatorze sous-catégories présentées dans le tableau 2, ont été constituées.
Ce tableau va permettre de présenter les résultats obtenus.

Insérez ici Tableau 2. Présentation des catégories et des sous-catégories

Résultats

Résultats concernant l’échantillon global


Le nombre total d’occurrences citées par les PS (N = 1032) est très proche de celui des
NPS (N = 1038), avec une moyenne respectivement de 7,64 et de 7,69. Par contre, les NPS

7
ont employé plus de mots différents que les PS (351 vs 294). Nous pouvons en déduire que
cette moins grande disparité de la part des PS est due à un vocabulaire médical partagé par les
différentes professions de la santé, alors que les NPS utilisent un vocabulaire varié en lien
avec leur vécu personnel de la maladie.

Analyse prototypique comparative PS – NPS


Pour choisir un seuil de fréquence commun à tous les mots inducteurs pour la mise à jour
des quatre cases des analyses prototypiques, nous avons appliqué le test binomial, qui permet
de calculer le seuil minimum de fréquence des mots associés au delà duquel il est estimé que
les termes sont consensuellement cités par les sujets de ce groupe, c’est-à-dire que leur
probabilité d’avoir été associés diffère significativement du hasard [23]. Il prend en compte le
nombre de participants, le nombre moyen de termes associés par les participants et le nombre
total de termes différents associés par chaque groupe. Nous avons choisi de ne retenir que les
termes associés avec une probabilité p<.05. Le test montre que les mots associés pour chaque
groupe et chaque mot inducteur par au moins 7 personnes ne sont pas cités au hasard et sont
donc partagés par les membres du groupe considéré. Le seuil retenu a donc été de 7 pour
l’ensemble des analyses prototypiques.
Les résultats comparant les deux groupes PS-NPS sont sensiblement les mêmes que ceux
trouvés à partir d’un échantillon plus restreint (N = 150) lors de notre précédente étude [24].
En résumé, les mots ou expressions les plus fréquents (fréquence supérieure ou égale à 7) et
les mieux placés (rang inférieur ou égal à 4) des PS renvoient aux types de maladie et à leurs
caractéristiques (gravité, handicap, chronicité ou incurable). Un second registre
particulièrement saillant est celui des conséquences physiques liées à la maladie (douleur,
mort ou complications). Enfin, le dernier registre sémantique employé correspond au
traitement et aux différents soins que ces professionnels sont amenés à pratiquer (soins,
examens ou diagnostic). Les NPS renvoient, quant à eux, la maladie à leur vécu personnel et
leur ressenti face à leur expérience vécue ou imaginée. Ils citent, comme les PS, des termes
liés aux caractéristiques médicales de la maladie (pathologie, incurable ou grave), ainsi
qu’aux conséquences physiques qui s’en suivent (douleur, fièvre ou alité). Néanmoins, ils
évoquent plus d’affects (angoisse, peur et mal-être) que les PS, et font également plus
référence aux lieux et aux personnes que les malades sont susceptibles de fréquenter
(médecins, hôpital).
Si l’on exclut les termes communs aux deux groupes, le tableau (Tableau 3) présentant les
mots qui ne sont présents que dans l’un ou l’autre des deux échantillons vient confirmer nos
propos, en opposant du côté des PS des aspects formels et descriptifs de la maladie
(chronicité, complications, …), et liés à l’accompagnement d’un patient souvent triste
(psychologie), et du côté des NPS des termes renvoyant aux conséquences directes de celle-ci
sur le patient (fièvre, angoisse,…) ainsi qu’à l’importance du support social (entourage) et à
l’espoir d’une guérison par la recherche.

Insérez ici Tableau 3. Mots ou expressions spécifiques à chaque groupe

Analyse catégorielle comparative PS – NPS


Chaque statut professionnel présente des pourcentages plus élevés dans des catégories
spécifiques, même si, de manière générale, c’est la catégorie « Traitement » qui détient les
pourcentages d’occurrences les plus importants, toutes catégories confondues. Les médecins
ont proposé plus d’associations de mots relatifs aux « Conséquences individuelles liées à la
maladie », au « Traitement » et aux « Conditions spatio-temporelles ». Les infirmiers se sont
davantage exprimés avec des termes relatifs aux « Conséquences sociales liées à la maladie »
et aux « Ressentis affectifs ». Quant aux pharmaciens, ils se sont davantage exprimés sur le

8
registre des « Maladies ». Du côté des NPS, les personnes avec traitement se sont davantage
exprimés dans le registre des « Maladies », comme les pharmaciens, des « Conséquences
sociales liées à la maladie » et des « Ressentis affectifs » comme les infirmiers. Les personnes
sans traitement se sont paradoxalement exprimées dans le registre du « Traitement » et dans
celui des « Conditions spatio-temporelles », tout comme les médecins (cf. Tableau 4).

Insérez ici Tableau 4. Analyse catégorielle PS - NPS

Une présentation des différences intra-groupales s’avère nécessaire pour approfondir


l’analyse.

Résultats concernant les Professionnels de Santé (PS)

Analyse prototypique comparative des médecins, pharmaciens, infirmiers


Si l’on se limite à la zone centrale (case 1), seuls deux termes sont communs aux trois
sous-groupes : douleur et souffrance. Nous allons donc désormais nous intéresser
exclusivement aux termes de cette zone qui ne sont présents que dans un groupe et un seul
(Tableau 5). C’est ainsi que les médecins ont cité les termes de gravité et de handicap. Les
pharmaciens ont cité : médecin, traitement, soins, malade. Quant aux infirmiers, ils ont cité :
médicaments, hospitalisation et psychologie.

Insérez ici Tableau 5. Zones centrales issues de l’Analyse prototypique de la


représentation sociale de la maladie des PS

Concernant les zones potentielles de changement (cases 2 et 3) et la zone de périphérie


lointaine (case 4), les médecins renvoient la maladie aux « Conséquences physiques liées à la
maladie » et au « Traitement », avec des termes tels que médicaments, complications, soins ou
encore guérison qui correspond à l’objectif des médecins (case 2), ou symptômes, examens ou
fièvre (case 3). Les termes figurant dans la zone périphérique (case 4) renvoient à plusieurs
catégories différentes sans saillance particulière.
Pour les pharmaciens, les termes sont essentiellement liés aux « Conditions spatio-
temporelles » avec, par exemple, le terme hôpital, ou aux « Conséquences individuelles liées
à la maladie » avec des termes tels que guérison, gravité ou mort (case 2), ou encore aux
« Types de maladies » avec pathologie, symptôme, diagnostic, chronicité ou diabète (case 3).
Les expressions prise en charge et écoute renvoient aux compétences relationnelles dans la
durée (case 4).
Dans le cas des infirmiers, les termes renvoient prioritairement à leurs tâches quotidiennes
dans le suivi des patients, avec des termes tels que soins et traitement. Les termes mal-être,
peur, isolement, fatigue et aliter concernent le malade et non plus la maladie. Les termes
figurant dans la zone périphérique (case 4) renvoient essentiellement aux effets de la maladie
sur le patient. Nous trouvons ainsi les termes contraintes, dépendance, diminution physique,
atteinte et faiblesse. Il est intéressant de souligner également la présence du mot patient que
l’on ne trouve pas dans les autres sous-groupes, qui ont utilisé le terme malade.
En résumé, la pensée professionnelle - qu’il s’agisse des médecins, des infirmiers ou des
pharmaciens - est centrée sur les moyens à mettre en œuvre pour prévenir et soigner la
maladie qui, pour tous, est associée à la douleur et à la souffrance. Chaque profession traduit
ensuite la maladie en fonction de son rôle propre. Alors que les médecins se centrent sur le
diagnostic et les conséquences de la maladie, les pharmaciens privilégient le traitement de la
maladie et sa prise en charge, quant aux infirmiers ils se centrent eux aussi sur le traitement,
mais se focalisent aussi sur le suivi relationnel des patients.

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Résultats concernant les Non-Professionnels de Santé (NPS)
Analyse prototypique comparative des personnes avec et sans traitement
Concernant la comparaison des deux sous-groupes de NPS (personnes avec et sans
traitement), si l’on se limite à la zone centrale, quatre termes sont communs aux deux sous-
groupes : souffrance et douleur (qui constituaient déjà les mots communs aux trois sous-
groupes de PS), et médecin et grave qui renvoient au professionnel qui diagnostique la
maladie. Intéressons-nous maintenant aux termes de cette zone spécifiques à chacun des
groupes (cf. Tableau 6).
Pour les personnes qui suivent un traitement médical, les termes les plus partagés qui leur
sont spécifiques sont : traitement, soins, fatigue et angoisse. Ces personnes utilisent des mots
liés aux soins nécessaires pour lutter contre la maladie, et aussi aux conséquences physiques
liées à la maladie. Ils utilisent également des affects négatifs dont on peut penser qu’ils sont
rapidement réactivés du fait de leur expérience quotidienne avec la maladie. A noter que les
mots fatigue et angoisse ne se trouvent dans aucune autre zone centrale de l’ensemble des
sous-groupes.
Pour les personnes qui ne suivent pas de traitement médical, les mots qui leur sont
spécifiques sont cancer et santé. Ce sous-groupe est le seul dont le mot santé figure dans le
centre de sa représentation de la maladie. Le mot cancer apparaît pour eux comme
emblématique de la notion même de maladie.

Insérez ici Tableau 6. Zones centrales issues de l’Analyse prototypique de la


représentation sociale de la maladie des NPS

Concernant les zones potentielles de changement (cases 2 et 3) et la zone périphérique


(case 4), pour les personnes qui suivent un traitement médical, les termes entourage (case 2)
et alité (case 3) renvoient au quotidien du patient atteint d’une maladie qui l’astreint à rester
couché et pour lequel l’entourage (case 2) (mot spécifique à ce sous-groupe), semble jouer un
rôle majeur. Le terme pourquoi (case 3) que l’on ne retrouve également dans aucun autre
échantillon, exprime le sentiment d’égarement que peuvent éprouver ces personnes quand
elles apprennent la maladie. De la même façon, le combat (case 4), n’est présent dans aucun
autre groupe ; or, même s’il se situe dans la périphérie et qu’il n’est donc pas exprimé par
l’ensemble de l’échantillon, il reflète la pugnacité de certains dans la lutte contre la maladie.
Le terme dépendance que l’on trouve dans cette même case indique la position
d’asservissement et d’impuissance que les personnes confrontées de près à la maladie peuvent
ressentir face à l’emprise de la maladie sur leurs vies. Notons que ce mot est également cité
par les infirmiers (dans la zone périphérique).
En résumé, la représentation des personnes qui suivent un traitement médical est fondée
sur leur vécu et leur expérience personnelle. Comparativement aux PS, elles citent beaucoup
moins de termes en lien avec les caractéristiques des maladies, mais énoncent des termes
renvoyant aux conséquences physiques liées à la maladie (souffrance, fatigue, alité, etc.). De
plus, de nombreux termes renvoient au champ de l’affect (angoisse, pourquoi, combat, etc.),
et aux effets de la maladie sur leur quotidien (arrêt de travail, entourage, dépendance).
Les personnes qui ne sont pas contraintes de suivre un traitement médical utilisent quant à
elles des mots qui font partie d’un registre plus descriptif et général. En effet, contrairement
aux autres échantillons, nous ne retrouvons pas de catégorie sémantique particulièrement
saillante. Ces personnes évoquent, tout à la fois, les caractéristiques des maladies, leurs
conséquences physiques, les traitements mis en œuvre et les lieux et les personnes que
peuvent fréquenter les malades. On constate également que ces personnes ne citent presque

10
pas de termes appartenant au registre des affects. Ainsi, leur représentation de la maladie reste
assez descriptive et formelle.

Discussion

L’objectif de cette étude était d’approcher la RS de la maladie en comparant deux groupes,


les PS et les NPS, afin de montrer que les PS, médecins, infirmiers et pharmaciens dans cette
étude, présenteraient, au-delà d’une RS partagée, des spécificités liées à leur profession
spécifique, et que pour les NPS, les personnes qui suivent un traitement médical régulier
ancreraient la maladie à leur « pratique » quotidienne de celle-ci, par le vécu qu’elles en ont,
tandis que les personnes sans traitement situeraient davantage la maladie sur un plan cognitif.
Les résultats montrent clairement que les PS et les NPS s’accordent à penser que la
maladie est associée à la douleur, à la souffrance et à la gravité. Ces termes sont les éléments
unificateurs et stabilisateurs de la représentation sociale, c'est-à-dire ceux qui résisteront le
plus au changement. Les résultats mettent aussi en évidence des représentations
professionnelles prégnantes : les médecins se situent plutôt du côté du diagnostic en utilisant
un vocabulaire scientifique plus descriptif : ils soulignent les conséquences physiques liées à
la maladie ; les pharmaciens se situent bien du côté de l’application du diagnostic et du suivi
du traitement en se référant aux aspects médicaux, et en se référant peu aux aspects
relationnels comme nous le supposions : ils se centrent davantage sur les spécificités des
maladies et leurs causes ; les infirmiers se situent plutôt du côté du suivi du patient en se
référant aux conséquences de la maladie et au sentiment d’empathie envers le patient : ils
soulignent, comme les médecins, les conséquences physiques liées à la maladie, mais ils sont
plus sensibles aux conséquences sociales et aux ressentis affectifs du malade.
Ainsi, il ressort clairement de nos résultats que les pratiques professionnelles des
médecins, des pharmaciens et des infirmiers ont une influence marquée sur la représentation
sociale de la maladie qui est commune à ces trois professions de la santé, autour de la
douleur, de la souffrance et de la gravité, ces trois éléments constituant le noyau commun de
leur représentation. A ceci s’ajoute des éléments différentiateurs spécifiques à chacune de ces
professions.
En ce qui concerne en particulier la représentation sociale de la maladie des personnes qui
suivent un traitement médical régulier, les résultats montrent aussi clairement que la maladie
est plus située du côté du ressenti pour les personnes qui suivent un traitement médical
régulier, alors qu’elle se situe sur un plan plus cognitif pour celles qui ne suivent aucun
traitement. Les personnes qui suivent un traitement médical régulier ont une représentation de
la maladie fondée sur leur vécu personnel de la maladie au quotidien et utilisent un
vocabulaire se situant sur un plan plus émotionnel : elles sont plus sensibles aux
conséquences individuelles liées à la maladie, aux conséquences de celle-ci sur leur vie et sur
leurs ressentis affectifs, tandis que les personnes qui ne suivent pas de traitement ont une
représentation de la maladie plus « abstraite » et utilisent un vocabulaire appartenant
davantage aux caractéristiques communes à toute maladie : elles soulignent les conséquences
physiques liées à la maladie et au traitement mis en œuvre pour la vaincre.
Dans le discours des PS, nous retrouvons la signification prégnante d’une pensée
professionnelle, articulée autour de deux approches. L’une centrée sur l’agir, la prise de
distance émotionnelle et l’opérationnalisation technique (le cure : soigner). L’autre centrée
sur le désir de prendre soin de la personne malade, dans une prise en charge relationnelle
centrée sur l’empathie (le care : prendre soin de). Du côté des NPS, comme le montraient
Anagnostopoulos et Spanea [25], les différences que l’on retrouve dans les trois zones
périphériques s’expliquent par le fait que les personnes en bonne santé n’ont accès qu’aux
informations culturelles et sociales de leur environnement, alors que les personnes malades

11
ont surtout accès à leur vécu face à la maladie. Il faut aussi souligner qu’aujourd’hui, les NPS
ont un accès à l’information médicale de plus en plus aisé via différents supports médiatiques
(publicités, reportages, etc.) et Internet qui est devenu le media privilégié pour la recherche
d’informations et la mise en réseau des personnes, notamment via les forums de discussion.

Perspectives et implications pratiques

De nombreuses recherches dans le domaine des RS se réfèrent au cadre de la théorie du


noyau central en recourant à la procédure de l’analyse prototypique et catégorielle. La
pertinence de cette théorie et de cette procédure pour l’étude des RS a été confirmée à de
multiples reprises et c’est encore le cas pour la présente recherche. Sur le plan
méthodologique, les associations libres ont pour avantage de laisser une grande liberté aux
participants dans la production spontanée de termes. Les outils inspirés de la méthode du
questionnaire d'évocation [26] permettent une analyse fine des différences entre les RS
étudiées. L'utilisation de l'analyse prototypique combinée à l'analyse catégorielle a permis une
meilleure interprétation des données. Les techniques et analyses choisies sont
complémentaires. L’analyse prototypique permet de formuler l’hypothèse de la centralité de
certains éléments (noyau central), tandis que l’analyse catégorielle permet la mise en évidence
des divers registres sémantiques évoqués et complète ainsi la première analyse. D’où la
nécessité d’une approche pluri-méthodologique dans l’étude des représentations sociales
comme le préconisait Abric [16]. De fait, une analyse reposant sur des entretiens approfondis
permettrait d’éclairer les différentes « zones » repérées dans la structure de la représentation
sociale.
Notre étude présente aussi l’avantage de permettre de prendre en compte les statuts
professionnels des PS interrogés, et le statut médical des NPS, et de comparer leurs RS, ce qui
constitue véritablement une première. Cette étude rappelle en outre que la maladie est un
objet de représentation « normatif » car les éléments les plus centraux sont partagés par les PS
et les NPS. Néanmoins, le poids du vécu personnel et de la pratique sociale et professionnelle
reste essentiel pour rendre compte de la globalité de cet objet d’étude. Ainsi, lorsque l’on
compare de manière plus fine les sous-catégories composant les PS et les NPS, on remarque
des différences notables dans leur représentation sociale de la maladie. S’intéresser à ces
représentations et comprendre où résident leurs différences est un pas nécessaire et efficace
pour tenter d’améliorer les échanges entre les professionnels de santé et les patients, et permet
ainsi de participer activement à la réussite des traitements [24]. Nous ne pouvons pas
percevoir la maladie comme le seul fait « biologique ». La maladie est à considérer comme un
fait biopsychosocial [27]. Il nous faut donc prendre en compte une diversité de facteurs et leur
interdépendance, et en particulier les aspects biologiques, sociaux et psychologiques. Les
aspects biologiques se sont traduits dans cette étude au travers des évocations liées aux
caractéristiques et aux causes de la maladie, les aspects sociaux sont traduits au travers des
évocations liées au soutien social et aux aspects relationnels, et l’aspect psychologique se
traduit au travers des évocations renvoyant aux conséquences psychiques liées à la maladie et
aux ressentis affectifs.
Notre approche ouvre de nombreuses perspectives pour les travaux à venir. Il pourrait être
intéressant d’étudier, comme l’avait fait Herzlich [28], les liens entre les représentations
sociales de la maladie et celles de la santé aujourd’hui, afin de mettre en évidence les liens
qu’elles entretiennent. De même, d’autres caractéristiques telles que le lieu d’exercice, le
niveau d’étude ou encore le sexe pourraient être affinées de manière à mettre l’accent sur une
influence possible de ces caractéristiques sur la vision des participants envers la maladie.
Enfin, des comparaisons culturelles pourraient être envisagées [28].

12
Concernant les implications pratiques, les résultats de cette étude pourraient contribuer à
fonder des recommandations aux professionnels de santé. Il pourrait en effet être utile de les
informer sur le fait qu’ils ont recours de manière privilégiée à un registre sémantique
descriptif et formel lorsqu’ils évoquent la maladie, et que ce discours les éloigne du registre
des NPS, notamment de ceux qui suivent un traitement, qui relient quant à eux la maladie
essentiellement à des ressentis affectifs et aux conséquences sociales qu’elle génère. Ainsi,
pourrait-on les inviter à échanger de manière plus soutenue avec le patient sur tout ce qui a
trait aux conséquences directes de la maladie sur lui-même, et lui permettre d’exprimer ses
inquiétudes à cet égard. Ces échanges permettraient de souligner toute l’importance du
soutien social et aussi de rappeler l’évolution rapide des recherches qui permettent de guérir
aujourd’hui des maladies incurables autrefois. Ces échanges permettraient aussi d’éviter des
malentendus générés par une mauvaise compréhension de certaines informations. Ils
constitueraient ainsi un « nouvel espace d’expression » où la relation PS-NPS n’en serait que
renforcée [30]. De même montrer aux médecins, pharmaciens et infirmiers les différents
registres qu’ils privilégient face à la maladie pourrait les inciter à élargir ceux-ci et favoriser
ainsi une communication centrée sur une prise en charge du patient considéré dans sa
globalité avant d’être un malade réel ou potentiel, et, comme l’ont montré plusieurs travaux
[31], cela constituerait un pas décisif dans l’amélioration de la santé du patient.

Conclusion

Les représentations liées à la santé constituent des facteurs déterminants quant à la réussite
ou l’échec d’un traitement, notamment pour les malades souffrant d’une maladie chronique.
Mieux connaître les représentations de la maladie du non spécialiste peut aider les spécialistes
de la santé à mieux se faire comprendre auprès des malades et de leur famille, et améliorer
ainsi le dialogue entre savoir « expert » et savoir « profane ». De la même manière, mieux
connaître les représentations des spécialistes peut aider les patients à mieux comprendre et
appréhender ce que leur expliquent les professionnels. Ce terrain d’études semble donc
prometteur avec des résultats à prendre en compte pour une prise en charge du patient mieux
adaptée.

Références

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14
Tableau 1. Les zones résultant de l’analyse prototypique

Rang moyen

Zone centrale Zone potentielle de changement


Fréquence élevée et rang faible Fréquence élevée et rang élevé
(Case 1) (Case 2)
Fréquence moyenne
Zone potentielle de changement Périphérie lointaine
Fréquence faible et rang faible Fréquence faible et rang élevé
(Case 3) (Case 4)

Tableau 2. Présentation des catégories et des sous-catégories

CATEGORIES Sous-catégories Présentation exemples


Diagnostic Examen, visite médicale diagnostic, pronostic, …
Noms Maladies citées par les personnes cancer, sida, Alzheimer,...
contagiosité, bénigne, incurable,
Caractéristiques Type et spécificités de chaque maladie
LES MALADIES psychologique,…
Origine des maladies et explication de antécédent, génétique, vieillesse,
Causes
leur apparition virus,…

alité, grabataire, impotence, douleur,


Conséquences Effets de la maladie sur l’état physique
CONSEQUENCES affaiblissement, invalidité, fatigue,
physiques des malades
INDIVIDUELLES LIEES mort, ...
A LA MALADIE Conséquences Effets de la maladie sur l’état dépression, angoisse, traumatisme,
psychiques psychologique des malades …

arrêt de travail, arrêt d’activité,


Rapport au travail Conséquences professionnelles et
astreinte, argent, sécurité sociale,
CONSEQUENCES et à l’argent financières liées à la maladie
mutuelle, coût, ...
SOCIALES LIEES A LA
MALADIE Transformations que la maladie provoque contraintes, projets qui s’écroulent,
Changements de
sur l’existence des malades ou de leurs hygiène de vie, désharmonie, ne
vie
proches résonne plus pareil, résilience, ...

Différents traitements médicamenteux


auxquels les personnes ont recours pour antibiotiques, homéopathie, aspirine,
Médicaments
traiter la maladie ainsi que les conditions …
de leur administration
TRAITEMENT Autres Autres moyens mis en œuvre, au niveau
chirurgie, piqûres, vaccins, …
interventions médical, pour combattre la maladie
suivi, convalescence, rétablissement,
Evolution et issues possibles de la
Et après … gagner/perdre, guérison, rémission,
maladie
....

Institutions et Lieux ou professionnels de santé que les urgences, hôpital, aide-soignant,


CONDITIONS SPATIO-
acteurs malades sont susceptibles de fréquenter médecin, …
TEMPORELLES
Rapport au temps Conditions temporelles liées à la maladie durée, long terme, récidive, …

abandon, anéanti, désespoir, fatalité,


Affects Ressentis éprouvés face à la maladie. peur, tristesse, panique, mal-être,
combat, défi, épreuve, lutte, espoir, ...
RESSENTIS AFFECTIFS famille, entourage,
Personnes liées émotionnellement aux
accompagnement, écoute, conseil,
Soutien social malades et conséquences de la maladie
réconforter, rapprochement familial,
sur ces relations
influence sur le couple, …

Tableau 3. Mots ou expressions spécifiques à chaque groupe


PS (N= 135) NPS (N= 135)
Chronicité (f = 14, r = 4.36) Fièvre (f = 11, r = 3.64)
Complications (f = 14, r = 4.43) Angoisse (f = 10, r = 4.70)
Diagnostic (f = 11, r = 3.81) Arrêt de travail (f = 9, r = 5.33)
Malade (f = 9, r = 1.66) Alité (f = 8, r = 4.63)
Dépendance (f = 9, r = 4.66) Entourage (f = 7, r = 6.43)
Patient (f = 8, r = 4.50) Recherche (f = 7, r = 6.43)
Contagion (f = 8, r = 5.25)
Tristesse (f = 7, r = 3.57)
Psychologie (f = 7, r = 4.14)

15
Tableau 4. Analyse catégorielle des Professionnels de la Santé (PS)
et des Non-Professionnels de la Santé (NPS)

% occurrences
PS (N= 135) NPS (N= 135)
Catégories Médecins Infirmiers Pharmaciens Traitement Sans traitement
Les maladies 19,4 19,1 23,5 19,6 18,3
Noms 5,2 2,3 7,6 7,4 6,1
Nature et Caractéristiques 12,4 13,2 12,7 9,2 9,8
Causes 1,8 3,6 3,2 3 2,4
Conséquences individuelles liées à la maladie 24,2 22,5 18,3 21,7 21,7
Physiques 22,1 19,7 17,4 19,4 20,1
Psychiques 2,1 2,8 0,9 2,3 1,6
Conséquences sociales liées à la maladie 3,6 10,4 5,1 9,4 5,5
Rapport au travail et à l'argent 0,9 1,3 1,3 1,5 2,2
Changements de vie 2,7 9,1 3,8 7,9 3,3
Traitement 26 23 25,4 20,6 25
Médicaments 4,2 2,6 7 4,3 6,1
Autres interventions 14,5 15,5 13,3 12,1 14
Et après … 7,3 4,9 5,1 4,2 4,9
Conditions spatio-temporelles 16,3 11,1 6,7 13,9 17,3
Institutions et Acteurs 14,2 11,1 5,1 12,8 16,7
Rapport au temps 2,1 0 1,6 1,1 0,6
Ressentis affectifs 10,3 13,7 10,8 14,7 12,2
Affects 6,7 9,6 5,1 10,4 8,5
Soutien social 3,6 4,1 5,7 4,3 3,7

Tableau 5. Zones centrales issues de l’Analyse prototypique de la représentation


sociale de la maladie des PS

Rang moyen d'apparition


≤4
Médecins (N= 45) Pharmaciens (N= 45) Infirmiers (N= 45)
Mot Fréquence Rang Mot Fréquence Rang Mot Fréquence Rang
> ou égal à 7

Douleur 21 3,33 Médecin 22 3,64 Douleur 16 3,32


Fréquence

Mort 13 2,77 Médicaments 20 3,45 Souffrance 12 3,67


Gravité 11 2,73 Traitement 19 3,95 Mort 9 4,11
Cancer 10 3,50 Douleur 11 2,82 Médicaments 8 4,12
Souffrance 9 2,45 Soins 9 2,67 Hospitalisation 7 3,71
Handicap 8 3,12 Souffrance 8 2,87 Psychologie 7 4,14
Malade 7 1,43
Cancer 7 3,86

Tableau 6. Zones centrales issues de l’Analyse prototypique de la représentation sociale de


la maladie des NPS

Rang moyen d'apparition


≤4
Personnes avec traitement (N= 67) Personnes sans traitement (N= 68)
Mot Fréquence Rang Mot Fréquence Rang
> ou égal à 7

Médecin 24 3,79 Médecin 29 3,35


Fréquence

Souffrance 22 2,82 Souffrance 26 2,77


Traitement 16 3,25 Cancer 17 2,76
Soins 15 4,07 Douleur 12 3,08
Douleur 14 2,36 Santé 8 2,12
Grave 9 3,67 Grave 7 3,00
Fatigue 9 4,11
Angoisse 7 4,14

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