Syndromes Délirants Chroniques

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 4

Psychiatrie 2021/2022

I. Généralités, Définitions :
 Les syndromes délirants chroniques dits non schizophréniques sont des états délirants au long cours qui se
différencient de la schizophrénie par l’absence de syndrome dissociatif et de détérioration intellectuelle.
 Un délire : est une conviction inébranlable en une idée communément reconnue comme erroné (fausse)
par le milieu culturel auquel appartient un individu
 La psychose est la perte de contact avec la réalité
 La nosographie française distingue au sein des délires chroniques 3 entités pathologiques principales :
 Le délire paranoïaque
 La psychose hallucinatoire chronique
 La paraphrénie
 Ces troubles ont en commun :
- âge de survenue tardif (début en général après 35 ans),
- un mécanisme délirant prépondérant caractérisant chacun d'eux (interprétation délirante pour les
délires paranoïaques, hallucinatoire pour la psychose hallucinatoire chronique, imagination délirante
pour la paraphrénie).
- Une évolution chronique sans traitement contrastant parfois avec un maintien prolongé de l'intégration
sociale.
- Absence de dissociation mentale.

II. Le délire paranoïaque :


 Définition : Le délire paranoïaque est un trouble délirant chronique, de mécanisme interprétatif et
systématisé. La systématisation du délire lui confère un caractère extrêmement cohérent qui, associé à la
conviction absolue et inébranlable du patient, peut entraîner l'adhésion de tiers.
 Historique : - Bombarda (1896) donna la description du délire de jalousie
- Kraepelin (1906) donna la définition de la paranoïa
- Sérieux et Capgras (1909) : délire d’interprétation
- Kretschmer (1919) : délire de relation des sensitifs
- Clérambault (1921) : L'érotomanie
 Étude clinique :
- Début tardif vers 40 ans, peut être aigu ou subaigu sous forme d’une expérience délirante primaire ou
des interprétations et des illusions
- Plus fréquemment insidieux avec des idées délirantes .
- Trois groupes : → Délires d’interprétation de Sérieux et Capgras.
→ Délires passionnels : erotomanie, jalousie, revendication
→ Délires de relation Kretschmer.
- Il se développe plus volontiers chez des patients présentant un trouble de personnalité pré morbide de
type paranoïaque dont les principaux traits sont représentés par :
 l'hypertrophie du moi (orgueil)  la fausseté du jugement.  la méfiance.  la psychorigidité

A. Le délire d’interprétation de sérieux et capgras :


- Décrit par Sérieux et Capgras en 1909 sous le terme de (folie raisonnante).
- Ce type de délire peut se structurer et évoluer durant des années.
- Les interprétations délirantes sont nombreuses et tous les évènements rencontrés par le sujet seront
rattachés au système délirant. Il n’y a plus de hasard dans la vie du sujet.
- La structure de ce type de délire est dite « en réseau » puisque tous les domaines (affectif, relationnel et
psychique) de la vie du sujet sont envahis par les idées délirantes.
- Les thématiques les plus régulièrement rencontrées sont celles de persécution et de préjudice.
B. Les délires passionnels :
- Les délires passionnels regroupent l'érotomanie, les délires de jalousie et les délires de revendication.
- Ces états ont en commun d'être des troubles délirants chroniques débutant brusquement par une
interprétation ou par une intuition délirante.
- Ils comportent en général une forte participation affective pouvant être à l'origine de passages à l'acte.
- Les délires passionnels ont une construction dite "en secteur" car ils ne s'étendent pas à l'ensemble de la
vie psychique, affective ou relationnelle du sujet et les idées délirantes restent centrées sur l’objet et la
thématique quasi unique du délire.
1. Erotomanie :
 L'érotomanie ou l'illusion délirante d'être aimé était décrite en 1921 par Clérambault.
 Le délire érotomaniaque touche plus fréquemment des femmes et l’objet de l’érotomanie tient souvent
une position sociale élevée et enviée (architectes, avocats, médecins…).
 Ce trouble débute par un postulat fondamental, formé par une intuition délirante, au cours duquel
l’objet de l’érotomanie déclarerait son amour.
 L’évolution de l’érotomanie se fait en trois stades successifs : espoir(attente, cadeau, lettre), dépit,
rancune (injures, menaces, acte agressif)
 Au cours de ces deux derniers stades, des actes d’homicide sont à craindre

2. Le délire de jalousie :
 Le délire de jalousie touche essentiellement des hommes se rapprochant de la cinquantaine ou en
période de pré retraite,
 Il s’installe le plus souvent de façon insidieuse et va se nourrir et se développer aux dépens d’évènements
anodins qui feront l’objet d’interprétations délirantes.
 Il s’associe à un alcoolisme chronique qui peut dans certains cas favoriser la survenue d'un passage à l'acte.

3. Délires de revendication :
- Ce type de délire passionnel regroupe :
 les inventeurs méconnus qui cherchent à obtenir la reconnaissance que la société leur refuse,
 les « quérulents processifs » qui multiplient les procédures judiciaires,
 les « idéalistes passionnés » qui cherchent à transmettre leurs convictions et se présentent comme
défenseurs d'une idéologie qu'ils veulent imposer à tous
- La sinistrose délirante : affirme qu'il a des séquelles suite à un traumatisme
- Hypochondrie : le sujet est persuadé du mauvais fonctionnement de son corps.

C. Le délire de relation des sensitifs de Kretschmer :


 Le délire de relation des sensitifs de Kretschmer décrit en 1919, se développe chez des sujets présentant
une personnalité prémorbide de type sensitive " fragilité du Moi "
 On retrouve souvent dans cette personnalité tendance à l'introspection douloureuse, asthénie, sentiment
de culpabilité, hyperesthésie des contacts sociaux, souffrance silencieuse et cachée.
 Sur ce type de personnalité, le délire émerge en général progressivement dans les suites de déceptions
suite à un événement ou une situation de conflit relationnel . Il se construit sur l’ interprétation délirante
 Contrairement au délire passionnel, il n'existe pas de revendication, mais une plainte vis-à-vis des
persécutions dont le patient se croit l'objet.
 Les thématiques les plus fréquemment rencontrées sont celles de persécution, de préjudice, de mépris ou
d’atteinte des valeurs morales.
 Ce délire se systématise peu et s’étend rarement au-delà du cercle relationnel proche du sujet (collègues,
famille, voisins). Il peut se compliquer d’évolution dépressive.

III. Psychose hallucinatoire chronique :


- Le terrain de prédilection : femme à la trentaine, existence d’un délire chronique à mecanisme hallucinatoire
- Exemple : Madame H, 36 ans, vivant seule est persuadée d entendre des voix venant de son micro onde,
elle explique que ceci est du au fait d ondes electroniques

IV. Les paraphrénies :


- Il s’agit de trouble délirant chronique basé essentiellement sur un mécanisme imaginatif
- Exemple : histoire fantastique, un vécu sur une autre planète,,,
- NB : actuellement on ne parle plus de psychose hallucinatoire chronique ou de paraphrénie, ces
dernières ont été rattachées à la schizophrénie,
V. Diagnostic positif : Criteres DSM V:
1. Idées délirantes non bizarres persistant au moins 1 mois.
2. N'a jamais répondu au Critère A de la Schizophrénie. (Hallucinations, delire bizarre, discours ou
comportement desorganisé)
3. En dehors de l'impact de l'idée délirante ou de ses ramifications, il n'y a pas d'altération marquée
du fonctionnement ni de singularités ou de bizarreries manifestes du comportement.
4. En cas de survenue simultanée d‘épisodes thymiques et d'idées délirantes, la durée totale des
épisodes thymiques est brève par rapport à la durée des périodes de délire.
5. La perturbation n'est pas due aux effets physiologiques directs d'une substance ou d'une affection
médicale générale

VI. Diagnostics différentiels :


 La schizophrénie : Est une psychose chronique, qui survient généralement chez des patients plus jeunes.
Elle peut comporter des interprétations délirantes mais le délire est alors flou,
polymorphe peu cohérent et non systématisé.
Les patients peuvent de plus présenter des troubles affectant le comportement, le
langage et l'affectivité rentrant dans le cadre de la dissociation mentale

 Les bouffées délirantes aiguës : sont principalement des pathologies survenant chez des sujets jeunes
dont l'évolution se fait le plus souvent vers la guérison sans séquelle en quelques semaines ou être la porte
d’entrée vers une schizophrénie. Le polymorphisme du délire, l’existence d hallucinations avec parfois une
note confusionnelle dominent le tableau
 Les troubles thymiques : (troubles de l’humeur type accès maniaque, depression ou episode mixte)
peuvent comporter des éléments délirants de mécanisme interprétatif. Le diagnostic sera posé sur la
présence initial d’un trouble thymique et sur le fait que la thématique délirante sera congruente (dans le
meme sens) à la tonalité de l’humeur

VII. Prise en charge d’un délire chronique :


- Il n’est pas aisé de traiter un patient atteint d’un délire chronique .
- Ces organisations délirantes font rarement l’objet de remise en question par le sujet qui en souffre, de
plus ce type de trouble reste le plus souvent longtemps toléré ,il va alors falloir savoir amener un patient,
qui ne se considère pas comme malade mais plus comme victime, à accepter des soins.

Hospitalisation : dans deux types de situations particulières :


- lors d’une exacerbation anxieuse ou d’une décompensation dépressive.
- lorsque la dangerosité du patient est importante.
 Il est toujours important d’évaluer chez ces patients le potentiel de dangerosité (présence d’un
persécuteur désigné, imminence d’un passage à l’acte, impossibilité de différer l’acte auto ou hétéro
agressif et d’envisager des solutions alternatives). Dans ce cas, l’hospitalisation se fait plutôt selon le mode
de l’Hospitalisation d’Office puisque les troubles mentaux présentés constituent un danger imminent pour
la sûreté des personnes.
 L’Hospitalisation Sur Demande d’un Tiers n’est pas recommandée dans ce cas puisque le tiers pourra
faire l’objet de toute l’attention du patient et devenir le persécuteur désigné.

 Traitement médical :
- Les traitements pharmacologiques reposent essentiellement, comme dans toutes les pathologies
délirantes, sur l’utilisation des neuroleptiques.

- Les neuroleptiques sédatifs sont des traitements à court terme indiqués en cas d’agitation ou de
menace de passage à l’acte. On utilise principalement :
 Des neuroleptiques anti productifs type risperidone/ Olanzapine/ Aripiprazole/ Haloperidol
 Des molecules à visée sedative, anxiolytique type la lévomépromazine /la chlorpromazine, ou
encore des benzodiazepines

- Le traitement de fond repose sur les neuroleptiques incisifs dont l’action est inconstante sur ce type
de délire.
- Les molécules de nouvelle génération sont souvent employées en première intention du fait de leur
meilleure tolérance sur le plan neurologique. Il s’agit de la rispéridone (Risperdal® 2 à 8 mg par jour),
de l’amisulpride (Solian® 100 à 400 mg par jour) ou encore de l’olanzapine (Zyprexa® 2,5-5mg /jour)

- Les antidépresseurs peuvent être indiqués en cas de décompensation dépressive lorsque le délire a
été réduit par le traitement neuroleptique ( delire des sensitifs de kreichmer)

 Place des psychothérapies :


 Face à un patient souffrant de délire chronique , il est conseillé au médecin de savoir garder des
distances et de faire preuve d’honnêteté dans les soins proposés afin d’établir un climat de confiance,
préalable indispensable à l’acceptation d’un traitement.
 Il faut éviter d'affronter le patient et d'avoir des attitudes de rejet : exemple un patient convaincu d
être persécuté peut facilement intégrer le médecin qui décide de l hospitaliser dans son délire!!
 La place des psychothérapies chez ces patients est restreinte du fait de leur faible capacité de
remise en question et d'introspection

CAS CLINIQUE :
Mr A, a la conviction délirante que sa femme le trompe, elle a un nouveau parfum il en déduit que c’est un
cadeau de son amant, elle part à la poste cela signifie qu’ elle reçoit des billets doux, aujourd’hui elle est
souriante avec lui il en tire la conclusion qu’elle se moque de lui!!
Tous ses faits et gestes meme anodins sont lieu d’interprétation

VIII. Conclusion :
- Les syndromes délirants chroniques constituent une entité psychiatrique vaste comportement plusieurs
sous entités,
- Le diagnostic est souvent tardif (stade de complications, actes médico-légaux)
- La prise en charge est plus ou moins difficile du fait de la forte adhésion au délire (parfois même
l’entourage) et de la faible capacité de remise en question de ces patients,

Vous aimerez peut-être aussi