Cas Pratique Droit Des Contrats-2

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CAS PRATIQUE :

Monsieur Ulysse est restaurateur ; son restaurant se trouve en plein cœur de Dijon ; de
façon complémentaire, il propose à la vente, pour ses clients, dans un espace dédié de
son restaurant, des produits du « terroir ». Il a conclu, en septembre 2018, avec la
société Fournitout le contrat suivant :

« Pendant dix ans à compter de la signature du présent accord, la Société Fournitout


s’engage à fournir à Monsieur Ulysse les produits suivants : moutarde, pain d’épice,
crème de cassis, de fabrication française uniquement. Monsieur Ulysse s’engage à
acheter à la Société Fournitout chaque mois, au moins, 50 pots de moutarde «
classique » de 250 g chacun, 50 pains d’épices de 250g chacun, 20 bouteilles d’un litre
de crème de cassis. Le prix de chaque commande sera fixé en fonction du tarif du
catalogue réalisé par la Société Fournitout, applicable au jour de réception de la
commande par la société Fournitout ».

Lorsque Monsieur Ulysse a reçu sa facture du mois de juillet 2023, il a constaté que les
prix avaient augmenté de 30%. Il a bien essayé de répercuter cette augmentation sur le
prix de vente auprès de sa clientèle … mais comment faire, alors qu’il avait déjà bien du
mal à écouler sa marchandise ? Au fil des mois, sa situation financière se dégrade. Que
pouvez-vous lui conseiller ?

RESOLUTION :

Un restaurateur a conclu un contrat avec une société, ce contrat impose que, pendant
10 ans, la société se devra de livrer des produits de fabrications française et le
restaurateur devra acheter certaines quantités prédéfinies dont le prix de chaque
commande sera fixé en fonction du tarif du catalogue réalisé par la société. En juillet
2023 le restaurateur a constaté une augmentation de 30%. Nous devons donc lui porter
conseil sur ce qu’il pourrait faire.

Pour répondre à cette question nous allons d'abord vérifier quel est le droit applicable à
l’espèce (I) avant de voir à quel type de contrat nous avons à faire (II). Nous traiterons
ensuite de la question de la détermination du prix dans ce type de contrat (III) et, pour
finir nous étudierons le cas de l’imprévisibilité (IV) et de l’abus dans la fixation du prix
(V).

I. Application de la loi dans le temps.


La publication et l'entrée en vigueur de l'Ordonnance de 2016, ratifiée par la loi d'avril
2018, conduisent à se poser la question du droit applicable aux faits exposés. L'article
9 de cette Ordonnance du 10 février 2016 et 1 l’article 16, I de la loi du 20 avril 2018
posent les règles de droit transitoire applicables. Pour l'essentiel, les dispositions
nouvelles de cette ordonnance sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 et
s'appliquent aux contrats conclus après cette date. Certaines de ces dispositions ont
été modifiées par des dispositions interprétatives en 2018. Du fait de cette nature
interprétative, elles s'appliquent aux contrats conclus à partir du 1er octobre 2016. En
revanche, les autres dispositions de la loi d'avril 2018 qui modifient substantiellement
le Code civil ne sont entrées en vigueur que le premier octobre 2018 et ne s'appliquent
qu'aux contrats conclus après cette date.

En l'espèce, le contrat avec la société a été conclu en septembre 2018.

Conclusion : Le droit issu de l’ordonnance de 2016 est donc applicable, le droit ratifié
par la loi d'avril 2018 en ce qui concerne ses dispositions interprétatives est applicable,
en revanche, les dispositions modifiant substantiellement le droit ne sont pas
applicables.

II. La qualification du contrat

Quel est le type de contrat remis en cause ?

Maj : L’article 1111 du code civil dispose que “le contrat cadre est un accord par lequel
les parties conviennent des caractéristiques générales de leurs relations
contractuelles futures. Des contrats d'application en précisent les modalités
d'exécution”.

Min : En l’espèce, le restaurateur et la société se sont engagés pour 10 ans à échanger


des produits d’une certaine qualité de provenance française contre une somme
d’argent.

Conclu : Le contrat contient donc les caractéristiques générales de leur relation


contractuelles futures en fixant la quantité des produits ainsi que leur provenance en
indiquant que le prix sera fixé ultérieurement par le catalogue de la société. Nous
sommes donc bien en face d’un contrat cadre visant à organiser les relations
contractuelles futures entre le restaurateur et la société.

III. La détermination du prix


L’indétermination du prix dans un contrat cadre peut-il être une cause de nullité ?

Maj : La détermination de l’objet du contrat est également une condition essentielle à la


validité de celui-ci, le contractant doit savoir à quoi il s’engage. Le troisième alinéa de
l’article 1163 du Code Civil dispose que « La prestation est déterminable lorsqu'elle
peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures
des parties, sans qu'un nouvel accord des parties soit nécessaire ». L’article précise
aux alinéas précédent que l’obligation a « pour objet une prestation présente ou future
», et que celle-ci doit être « déterminée ou déterminable ». Un contrat qui ne remplirait
pas ces conditions serait alors considéré comme nul. Néanmoins les contrats cadres
étant des contrats spéciaux, un régime spécifique s’applique à ceux-ci. En effet,
l’article 1164 du Code Civil dispose à son alinéa premier que « Dans les contrats cadre,
il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l'une des parties, à charge
pour elle d'en motiver le montant en cas de contestation ». La Cour de cassation vient
compléter ces dispositions dans un arrêt rendu par l’Assemblée Plénière le premier
décembre 1995 (n°91-19-953), la Cour de Cassation considère que l'indétermination
du prix de ces contrats dans la convention initiale n'affecte pas, sauf dispositions
légales particulières, la validité de la convention. La détermination du prix n’est donc
pas une condition de validité dans les contrats cadres.

Min : En l’espèce, le contrat stipule que le prix de chaque commande sera fixé en
fonction du tarif du catalogue réalisé par la société, applicable au jour de réception de
la commande par la société.

Conclu : La référence aux tarifs du catalogue du fournisseur n’affecte donc pas la


validité du contrat.

Néanmoins, le premier alinéa de l’article 1212 du code civil dispose que “lorsque le
contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à
son terme”, il faut tout de même ajouter que cette disposition à ses limites lorsqu’il
s’agit d’une imprévision dans le contrat cadre ou s’il s’agit d’un abus dans la fixation du
prix.

IV. L’imprévision dans le contrat-cadre

L’imprévision dans le contrat cadre peut-elle conduire à la renégociation ou la


résolution du contrat ?
Maj : Le premier alinéa de l’article 1195 du code civil admet la possibilité qu’un
“changement de circonstance imprévisible lors de la conclusion du contrat” puisse
rendre “l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté
d’en assumer le risque”, dans ce cas il est possible de demander une “renégociation
du contrat à son cocontractant”. Le second alinéa du même article émet l’hypothèse
qu’en cas de “refus ou échec de la renégociation” les parties peuvent convenir de la
“résolution du contrat” ou de demander au juge de “procéder à son adaptation” d’un
commun accord.

Min : En l’espèce, l’augmentation de 30% des prix de la société conduit à une


dégradation de la situation financière du restaurateur qui avait déjà du mal à écouler
ses stocks auparavant.

Conclu : Il est donc possible que les parties conviennent d’une renégociation du
contrat ou qu’il saisisse le juge afin qu’il procède à l’adaptation ou à la résolution du
contrat.

V. L’abus dans la fixation du prix

L’abus dans la fixation peut-il conduire au versement de dommages et intérêt et/ou à la


résolution du contrat ?

Maj : L’alinéa premier de l’article 1164 du code civil dispose que “dans les contrats
cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l'une des parties, à
charge pour elle d'en motiver le montant en cas de contestation”, le second alinéa du
même article ajoute que “en cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi
d'une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la
résolution du contrat”. La Cour de Cassation, dans son arrêt du premier décembre
1995, estime que l’abus dans la fixation du prix ne peut résulter qu’à la résignation du
contrat ou à l’indemnisation.

Min : En l’espèce, l’augmentation de 30% des prix de la société conduit à une


dégradation de la situation financière du restaurateur qui avait déjà du mal à écouler
ses stocks auparavant.

Conclu : Si le restaurateur considère qu'il y a un abus dans la fixation du prix il pourra


saisir le juge pour tenter d’obtenir des dommages et intérêts ou la résolution de son
contrat.

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