Oeuvres de François Villon

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Oeuvres de François Villon,

publiées avec une


introduction, par Auguste
Longnon

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Villon, François (1431?-1463?). Auteur du texte. Oeuvres de
François Villon, publiées avec une introduction, par Auguste
Longnon. 1930.

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OEUVRES
DE

FRANÇOIS VILLON
HOMMAGE DES ÉDITEURS
OEUVRES
DE
FRANÇOIS VILLON
PUBLIÉES AVEC UNE INTRODUCTION
PAR

PARIS
LA CITÉ DES LIVRES
27, RUE SAINT-SULPICE
MDCCCCXXX
AVERTISSEMENT
L'OEUVRE de Villon ne pouvait être mieux
présentée qu'en réimprimant l'édition publiée
l'année même de sa mort par celui qui avait
été l'initiateur en cette matière et qui du premier
coup avait atteint à la maîtrise.
« Nommer Auguste Longnon, a écrit M. Pierre
Champion dans la préface de son François Villon,
c'est saluer l'initiateur, l'érudit admirable et perspi-
cace qui a découvert tout ce que nous savons de la
biographie de Villon, et qui a publié, avec autant de
science que de prudence, les oeuvres mutilées de
notre poète. Jamais on n'en rendra assez témoignage.
Génie intuitif formé à sa seule école, Auguste
Longnon fut, parmi les historiens du siècle dernier,
un créateur. Science infinie, patience, divination,
rigueur, clarté, telles pouvaient paraître les qualités
essentielles de ce grand travailleur. Mais Auguste
Longnon était encore un homme d'un goût très sûr,
d'une sensibilité aiguë. Il savait aimer les belles-lettres
et se délassait des rudes publications documentaires
par la lecture de notre vieille littérature qu'il possé¬
dait parfaitement. Un tel zèle ne peut que susciter
la fortune. Ainsi Augtiste Longnon eut le bonheur de
retrouver le Méliador de Froissart : il fut tout aussi
heureux avec Villon. Auguste Longnon a découvert
le peu que nous possédons sur le poète ; il l'a rendu
pour la première fois lisible ; il a montré la manière
de commenter un texte littéraire à l'aide de docu-
ments d'archives ; il a entrevu que tout était réel
chez notre auteur. Il faut le répéter en tête d'un long
travail sur Villon, quand on a pic vérifier soi-même,
et pendant longtemps, l'étendue et la rigueur de ses
recherches... »
Et M. Pierre Champion ajoutait : « Autant que
le permettent les manuscrits de Villon, qui ne sont
pas excellents et ne se classent pas très bien, on peut
dire que la récente édition d'Auguste Longnon nous
donne un texte aussi parfaitement établi que pos-
sible. » C'est le texte de cette édition, publiée en 1911,
que nous réimprimons ici. Suivant l'opinion de
Gaston Paris, Longnon n'avait pas jugé utile de réé-
diter les Ballades en jargon, qui trouveraient mieux
place dans un recueil de documents de l'argot ancien.
Pour les titres des poésies, nous avons conservé la
disposition de Longnon : en tête des pièces les titres
qui se trouvent dans les manuscrits et les éditions
du XVe siècle ; en manchette dans les marges les titres
traditionnels imaginés depuis et qui datent pour la
plupart de Marot.
Nous avons fait précéder les oeuvres du poète de
la notice biographique publiée par Auguste Longnon
en tête de la première édition qu'il donna de Villon,
en 1892. Pour mettre cette notice, vieille de trente-
huit ans, au point des travaux publiés depuis, notam-
ment par Marcel Schwob et Gaston Paris, il a suffi,
suivant l'esprit de l'introduction à l'édition de 1911,
de transposer un paragraphe et d'en ajouter un
autre, emprunté aux notes chronologiques de cette
dernière édition.
Nous avons encore reproduit d'après l'édition
de 1911 les notes, le glossaire et l'index des noms
propres. Cet index, où se trouvent notamment iden-
tifiés les principaux personnages contemporains de
Villon nommés dans ses poésies, est un utile complé-
ment de la notice biographique.
Pour la commodité des recherches, nous avons
ajouté à cet index et à ce glossaire, non seulement
une table des incipits, comme dans l'édition revue
par M. Lucien Poulet et dans celle de M. Louis
Thuasne, mais encore une table générale de toutes
les poésies, comprises ou non dans le Testament.
Comme poète, Villon fut connu et réputé de son
vivant. Certaines de ses ballades étaient célèbres et
se transmettaient de bouche en bouche : Marot
connut des vieillards qui savaient par coeur ses
poèmes, sans les avoir lus. Quand l'imprimerie s'en
empara, elles rencontrèrent un succès formidable :
de 1489 à 1533, il ne s'en fit pas moins de vingt
éditions. Et Marot, dans la préface à l'édition de
Villon qu'il donna en 1533, en fait l'éloge le plus
grand, le plus juste, exactement motivé, lorsqu'il
conseille aux jeunes poètes « qu'ils cueillent ses sen-
tences comme belles fleurs, qu'ils contemplent l'es-
prit qu'il avait, que de lui apprennent à proprement
décrire et qu'ils contrefassent sa veine, mêmement
celle dont il use en ses ballades, qui est vraiment
belle et héroïque ; et ne fais doute qu'il n'eût emporté
le chapeau de laurier devant tous les poètes de son
temps, s'il eût été nourri en la cour des rois et des
princes, là où les jugements s'amendent et les lan-
gages se polissent. »
« Quant à l'industrie des lais, ajoute Marot, qu'il
fait en ses testaments, pour suffisamment la connaître
et entendre, il faudrait avoir été de son temps à
Paris, et avoir connu les lieux, les choses, et les
hommes dont il parle : la mémoire desquels tant
plus se passera, tant moins se connaîtra icelle industrie
de ses lais dits. Pour cette cause, qui voudra faire
une
oeuvre de longue durée, ne prenne son sujet sur telles
choses basses et particulières. Le reste des
oeuvres de
notre Villon (hors cela) est de tel artifice, tant plein
de bonne doctrine, et tellement peint de mille belles
couleurs, que le temps, qui tout efface, jusques ici ne
l'a su effacer. Et moins encore l'effacera ores et d'ici
en avant, que les bonnes écritures françaises sont et
seront mieux connues et recueillies que jamais. »
La postérité n'a fait que confirmer et renforcer
encore ce jugement. Par son génie âpre et pathé-
tique, Villon s'est classé parmi les plus grands poètes
de la France, et de tous les pays. Ce qui nuit toute-
fois à l'entendement de son oeuvre, c'en est le détail
périssable, les allusions aux choses et aux gens de son
temps. Plus l'étude de cette époque s'approfondit et
nous fait connaître ces choses et ces gens, plus le sel
de ces allusions en est savoureux : grâce aux
recherches d'Auguste Longnon, de Marcel Schwob,
de Gaston Paris, de Pierre Champion et de Louis
Thuasne, on arrive aujourd'hui à goûter quasi par-
faitement l'ironie plaisante et mordante qui s'unit
au pathétique du Testament.
Le principal de cette ironie est l'antiphrase. Et
d'abord la conception même des Lais et du Testa-
ment : Villon, « qui vaillant plat ni êcuelle n'eut
onques, ni un brin de persil », lègue généreusement
sommes d'argent, volailles, muids de vin. Il nomme
pompeusement des domaines, qui de son temps,
n'étaient plus que ruines, comme Nigeon, Bicêtre,
la tour de Billy, la conciergerie de Gouvieux. Et ses
« pauvres orphelins » sont de riches marchands,
connus pour leur usure et leurs spéculations. Le type
de l'antiphrase de Villon est son legs aux Quinze-
Vingts de ses lunettes pour reconnaître les honnêtes
gens des autres dans le charnier des Innocents : ici
l'ironie rebondit, et s'enrichit en passant d'une
pointe sur l'archaïsme du nom.
Le calembour accompagne l'antiphrase. Le titre
des Lais en est un premier exemple : Villon joue sur
le mot lais (orthographe ancienne de legs) et sur
le mot lai, qui désigne un genre de poème. A divers
personnages il laisse des enseignes dont les noms cor-
respondent à leur état : le Mouton à un boucher,
le Heaulme au Chevalier du Guet, la Crosse à deux
chanoines, le Mortier d'or à un épicier. A. Ythier
Marchand, puis à Guillaume Charruau, il laisse son
« branc d'acier » (son épée), non sans faire une
équivoque scatologique sur ce mot. A Chappelain il
laisse sa chapelle, c'est-à-dire le bénefice auquel il
aurait eu droit comme clerc, mais qu'il n'eut jamais.
Le Sénéchal sera fait maréchal, pour ferrer, par déri-
sion, les oies et les canards.
Puis viennent toutes sortes d'allusions plus ou
moins directes : à l'ivrognerie du « bon feu maître
Jean Cotard », à l'avarice de Jacques James « qui
se tue d'amasser biens », à la sottise de Robert Vallée,
qui « n'a sens plus qu'une armoire » et qui laissait
sans doute sa maîtresse Jehanne de Millières porter
la culotte, comme en témoigne le legs que Villon lui
fait de ses braies pour en coiffer s'amie, etc. Le lec-
teur averti ne laissera pas de deviner ces allusions.

Totis ces personnages à qui s'adressent les « sor-


nettes » de Villon, ses légataires, comme les a appelés
Auguste Longnon, peuvent se répartir en quelques
catégories principales. Le milieu des clercs du Châ-
telet, chargés de la juridiction criminelle de Paris,
n'est pas représenté par moins d'une vingtaine de
légataires : Villon les a connus, sans doute à cause
des démêlés qu'il a eus avec la justice, mais surtout
en raison des relations qu'il noua en sa jeunesse dans
le -monde des clercs. C'est tout d'abord le prévôt de
Paris, Robert d'Estouteville, le « seigneur qui sert
saint Christofle », à qui il donne une ballade pour
sa dame ; cette dame n'est autre que la charmante
femme que le prévôt avait épousée par amour,
Ambroise de Loré, dont le nom figure en acrostiche
dans la ballade. Puis le lieutenant criminel, Martin
de Bellefaye ; Pierre Basanier, notaire et greffier cri-
minel ; Jean de Calais et Pierre de Rousseville, éga-
lement notaires au Châtelet ; Jean le Cornu, clerc
civil ; deux examinateurs, Jean Mautaint et Nicolas
Rosnel, que Villon raille parce qu'ils n'ont pas la
faveur du prévôt ; l'auditeur des catises, Jean de
Rueil ou de Reynel, qui touchait de nombreuses
épices, et dont le frère était épicier, d'où la double
équivoque de Villon sur les « girofles » à prendre
sur ce personnage pour les donner à Basanier, à Mau-
taint et a Rosnel. Ce sont encore les procureurs
Pierre fournier et Pierre Genevoys ; les sergents de
la douzaine, qui formaient la garde du corps du pré-
vôt, Jean Raguier, Jean Chappelain, Perrinet Mar-
chand, dit le Bâtard de la Barre, ami de Villon,
connu comme pipeur et paillard, et à qui le poète
laisse tantôt trois dés plombés et
un jeu de cartes,
tantôt trois bottes de paille « à étendre dessus la
terre pour faire l'amoureux métier ». Parmi les
« onze-vingt sergents », chargés de la police de Paris,
mais qui n'étaient réputés ni pour leurs scrupules ni
pour leur douceur, Villon nomme Jean le Loup,
Casin Cholet, Denis Richier, Jean Valette, Michault
du Four, et Jean Mahé, dit l'Orfèvre de Bois, qui
applique la question. Enfin de ce milieu du Châtelet,
Villon cite encore, non plus dans son Testament
ni dans ses Lais, mais dans la Question au clerc du
Guichet, Étienne Garnier, clerc de la petite geôle (ou du
guichet), à qui est adressée justement cette pièce de vers.
Un autre milieu auquel Villon fait de nombreuses
allusions est celui des gens de finances : il dut les
connaître dans son enfance au cloître de Saint-
Benoît-le-Bétourné, et aussi dans sa jeunesse ora-
geuse de clerc. C'est sans doute par Regnier de Mon-
tigny qu'il entra principalement en relations avec
eux : Regnier de Montigny, parent de deux chanoines
de Saint-Benoît, appartenait à une honorable famille
qui possédait plusieurs fiefs près de Paris ; aussi Villon
le qualifie « noble homme » et lui laisse trois chiens,
la chasse étant le privilège de la noblesse ; ce Mon-
tigny, clerc turbulent, tricheur au jeu, fréquentant
les mauvaises compagnies, et qui eut une si regret-
table influence sur Villon, termina sa vie sur le gibet.
Regnier de Montigny avait de nombreux parents
dans l'administration des finances ; de même Philippe
Brunel, seigneur de Grigny, enfant comme lui de
bonne famille et de mauvaise conduite, à qui Villon
laisse six chiens de plus qu'à Montigny, sans compter,
comme fiefs, les ruines de Nigeon, de Bicêtre et de
Billy. Au personnel même des finances appartenaient
de nombreux légataires : Pierre de-Saint-Armand,
clerc du Trésor ; Andry Courault, conseiller au
Trésor ; Robinet Trascaille, clerc d'un autre conseil-
ler ; les élus sur le fait des aides, Guillaume Colombel,
Michel Jouvenel, Guillaume du Ru, Nicolas de Lou-
viers ou de Louvieux, Denis Hesselin, lequel était
connu pour aimer outre mesure le vin d'Aunis. Enfin
Pierre Mairebeuf, Ythier Marchand, Jacques et Jean
Raguier, Guillaume Charruau, Mademoiselle de
Bruyères, Jean et François Perdrier étaient parents
de gens de finances. Beaucoup de ces personnages, qui
s'étaient enrichis dans leurs emplois, avaient des pré-
tentions à la noblesse ou y aspiraient, et Villon ne
manque pas de s'en moquer à l'occasion.
A ce milieu se rattachent encore les gens d'af-
faires qui pour leur commerce étaient en rapports
fréquents avec le Trésor ou la Cour des Aides :
Chariot Taranne, changeur ; Guillaume Volant, Colin
Laurens, Jean Marcel ou Marceau, Girard Gossouyn,
vendeurs de sel, usuriers et spéculateurs, dont Villon
raille l'âpreté au gain.
Entre les légataires de Villon figurent encore des
membres du Parlement : Guillaume Cotin, président
des Enquêtes, et Thibaud de Vitry, conseiller, que
Villon dépeint comme des chats-fourrés ; et des
membres de l'Officialité, chargée de juger les clercs :
François de la Vaquerie, promoteur, chargé des pour-
suites, à qui la rancune d'un condamné valut d'être
rossé, en souvenir de quoi Villon lui lègue pour sa
défense « un haut gorgerin d'écossais » ; Jean Lau-
rens, autre promoteur, connu comme ivrogne ; et le
procureur de Villon en cette cour, Jean Colard, non
moins bon buveur, qui mourut peu de temps avant
la redaction du Testament : comme Villon ne lui
avait pas payé le « patard » qu'il lui devait pour
ses bons offices, il composa une joyeuse ballade pour
le repos de son âme.
A côté de tous ces grands personnages figurent
d'autres légataires plus modestes : le barbier Colin
Galerne, qui demeure à côté d'Angelot Baugis, her-
boriste ; Robin Turgis, tavernier à la Pomme de Pin,
dont le poète buvait le vin à crédit ; le boucher Jean
Trouvé ; la Machecoue, rôtisseuse, qu'il charge de
fournir de gibier Louviers et Mairebeuf, pour leur
donner l'apparence d'être nobles ; Jacques James,
tenancier d'étuves et qui vient d'hériter d'une mai-
son dans la rue aux Truies : les étuves étant fré¬
quentées par des femmes de mauvaise vie, Villon lui
donne de promettre le mariage à beaucoup d'entre
elles, mais non de les épouser ; et équivoquant sur le
métier ignoble de James et sur l'emplacement de son
héritage, il conclut : « Ce qui fut aux truies, je
tiens qu'il doit de droit être aux pourceaux. »

Ainsi s'éclaire dans le détail l'oeuvre de Villon. De


même, quand on se reporte à l'époque et au milieu
où il a vécu, on s'explique sa vie et son caractère,
son état et son génie, cette rencontre étonnante d'une
poésie aussi grande chez im homme tombé aussi bas.
La société française à la fin de la guerre de Cent ans
se trouvait complètement déséquilibrée. Cette
longue guerre avait accru les « classes dangereuses » :
les collèges avaient été ruinés, les revenus des béné-
fices étaient devenus insuffisants pour les clercs ; les
bandes de routiers avaient laissé dans les villes des
individus peu scrupuleux à l'égard du bien ou de la
vie d'autrui ; les habitudes de violence et de pillage
prises à la guerre avaient multiplié les malfaiteurs,
le sens moral avait diminué, les spéculations des ban-
quiers et des fournisseurs de l'armée avaient donné
l'exemple du gain illicite et frauduleux. Une illus¬
tration de ce déséquilibre est le milieu même des
légataires de Villon, où l'on voit des spéculateurs sans
scrupules, comme Laurens, Marceau et Gossouyn ;
des fils de bonne famille dévoyés, comme Regnier de
Montigny et Philippe Brunel ; des sergents de la pré-
vôté pipeurs et pillards, comme Perrinet Marchand
et Jean le Loup.
Les malfaiteurs en étaient venus à s'organiser en
une association effective, les compagnons de la
Coquille, ou Coquillards, ainsi nommés parce qu'ils
comprenaient de faux pèlerins arborant à leurs cha-
peaux des coquilles Saint-Jacques. Ils étaient de cinq
cents à mille, organisés, comme dans les métiers, en
apprentis et en maîtres, et qui menaient joyeuse vie
dans les tripots. Ils avaient un langage à eux, un
argot ou jargon, où se mêlaient des mots de toute
sorte : mots archaïques, mots latins (car de nom-
breux clercs se trouvaient parmi eux), mots détournés
de leur sens, comme dans l'argot moderne. C'était
un langage à la fois populaire, savant et brutal, mar-
quant le regain de violence et de bestialité provoqué
par la guerre : la langue où Villon a écrit ses bal-
lades en jargon. Regnier de Montigny et Colin de
Cayeux, qui entraînèrent Villon au vol, étaient
affiliés à la Coquille : il n'est pas sûr que maître
François ne le fut pas lui-même.
La vie et l'oeuvre de Villon sont caractéristiques
de cet état social créé par la guerre. Clerc tapageur
fuyant l'école, la misère le poussa dans le monde des
malfaiteurs, où il eut bientôt, suivant son expression,
toutes hontes bues. Mais la même misère, en lui fai-
sant faire une si triste expérience, lui donna un sens
vigoureux de la réalité humaine, un âpre talent, une
couleur et un sentiment, qui ont fait de lui un poète
immortel.
J. L.
LA VIE
DE

FRANÇOIS VILLON
I
L plus fameux des poètes français du XVe siè-
cle naquit à Paris, probablement en l'année
1431, alors que la capitale de la France
reconnaissait l'autorité du roi d'Angleterre. On ne
sait rien de certain sur les auteurs de ses jours,
sinon qu'ils étaient d'une condition fort humble.
On ignore même le nom patronymique de son
père ou, du moins, il est permis d'hésiter
sur ce point entre le nom de « Montcorbier »
et celui « des Loges », sous lesquels il était encore
connu en 1456. Son aïeul, ou celui de son père, se
nommait Horace, vocable si extraordinaire alors dans
les pays français qu'on peut se demander si Villon
n'était pas le petit-fils d'une sorte de bateleur du
même nom qui, après l'héroïque défense de la ville
de Meaux, en 1422, paya de sa vie une facétie que
lui avait inspirée sa haine pour le roi anglais, auquel
le néfaste traité de Troyes venait de livrer notre pays.
François perdit sans doute son père de fort bonne
heure ; mais sa mère vivait encore en 1461, et, selon
une note de Marot, ce serait à la requête de cette
pauvre et simple femme pour laquelle Villon montre
une vive tendresse qu'il aurait composé cette prière
à la Vierge, poésie d'un tour si naïf qu'on admire la
vérité avec laquelle lui était possible de reproduire
les sentiments d'autrui.
Le pauvre enfant ne sentit pas toute l'étendue de
la misère des siens, car la précocité de son intelligence,
peut-être aussi quelque lien de parenté, attira sur
lui la bienveillante protection d'un chapelain de
l'église collégiale de Saint-Benoît-le-Bétourné, voi-
sine du collège de Sorbonne, maître Guillaume de
Villon. Ce brave ecclésiastique, qui, selon l'usage des
clercs de son temps, avait quitté son nom patrony-
mique pour un surnom emprunté au lieu de sa nais-
sance, était originaire de Villon, paroisse du diocèse
de Langres, située à cinq lieues de Tonnerre, et
jouissait, dès l'an 1423, d'un bénéfice ecclésiastique
au diocèse de Paris : homme laborieux, il joignait
au grade de maître ès arts celui de bachelier en
décret et, en cette dernière qualité, il avait professé
durant un certain temps dans les écoles de droit de
Paris. Il habitait, au cloître Saint-Benoît, une maison
dans laquelle il donna asile au jeune François de
Montcorbier qui, sous son patronage, fréquenta les
écoles de la faculté des Arts. C'est à cette sorte
d'adoption que le futur auteur de tant de morceaux
vraiment poétiques dut le nom sous lequel il est
connu et qu'il a illustré.
François de Montcorbier, que nous appellerons
désormais Villon, obtint le grade de bachelier ès arts
en mars 1449 et, un peu plus de trois ans après,
c'est-à-dire entre le 4 mai et le 26 août 1452, durant
le procuratoriat de Jean de Conflans dont il avait
été l'élève, il fut reçu licencié et admis à la maîtrise.
Il n'avait alors guère plus de vingt et un ans, c'est-
à-dire l'âge que les règlements universitaires exi-
geaient de tout candidat à la licence et à la maî-
trise ès arts. Il ne faudrait pas croire toutefois, en
dépit des aveux contenus dans le Grand Testament,
que le protégé de Guillaume de Villon eût bien
employé ses années d'école ; car — ainsi que l'a dit
Charles Thurot, l'érudit le mieux informé des usages
de l'Université de Paris au moyen âge — l'examen
n'était pas sévère et les examinateurs étaient loin
d'être incorruptibles. Le temps d'études suffisait pour
arriver, et l'on passait licencié, comme aujourd'hui
un élève en rhétorique passe en philosophie.
Au reste, les années pendant lesquelles François
Villon figura parmi les élèves de la faculté des Arts
sont au nombre des plus troublées qu'ait traversées
l'Université de Paris. Dès 1444, des troubles impor-
tants avaient eu lieu. Le recteur, sous prétexte qu'il
avait été insulté pour son refus de payer une impo-
sition, fit suspendre les leçons et les prédications
durant six mois, du 4 septembre 1444 au 4 mars 1445,
dimanche de la Passion. La justice laïque déploya
une certaine vigueur : quelques écoliers furent empri-
sonnés; malgré les réclamations de l'Université, le
roi Charles VII les fit juger par le Parlement et
menaça de poursuites les auteurs de la suspension
des leçons et des sermons. Une réforme parut néces-
saire, et le cardinal d'Estouteville, légat pontifical
en France, y fut délégué par le pape Nicolas V.
L'acte de réformation, qui réglait de nombreuses
questions de détail, fut enfin promulgué le Ier juin
1452, c'est-à-dire au moment même ou Villon ter-
minait ses études à la faculté des Arts.
Cependant les écoliers n'acceptèrent pas sans émoi
la nouvelle réglementation et, durant une année
encore, ils continuèrent à donner aux Parisiens le
spectacle de scènes véritablement scandaleuses, qui
avaient pris depuis trois années déjà un caractère
chronique. Une pierre, de dimensions colossales,
qu'on appelait le Pet-au-Diable et qui était fixée,
comme une sorte de borne, à la façade d'une impor-
tante demeure avoisinant l'église de Saint-Jean-en-
Grève, joua d'abord dans les ébats des clercs un rôle
capital. Ils l'enlevèrent dans le courant de l'an 1451
au plus tard et la transportèrent de l'autre côté des
ponts, au mont Saint-Hilaire, derrière la place Mau-
bert, au centre du quartier des Écoles. L'enquête
sur le transfert du Pet-au-Diable, exécutée en
vertu d'un arrêt du Parlement, en date du 15 no-
vembre 1451, ne fit point découvrir les coupables;
mais la pierre, enlevée du lieu où les écoliers l'avaient
plantée, fut menée par autorité judiciaire au Palais,
en la Cité. Elle n'y demeura point longtemps, car
les auteurs du tumulte, pénétrant à main armée
dans le Palais et tenant la herse du portail suspendue
à l'aide de grands chevrons, l'en tirèrent pour la
replacer au mont Saint-Hilaire. Bien plus, ils se ren-
dirent également maîtres de la nouvelle borne par
laquelle mademoiselle de Bruyères avait remplacé
au Martelet-Saint-Jean le Pet-au-Diable, la firent
solidement sceller à la montagne Sainte-Geneviève,
et, la désignant sous le nom facétieux de « la
Vesse », ils y dansèrent chaque nuit au son de la
flûte et autres instruments de musique. Le Pet-au-
Diable et la Vesse, celle-ci surmontée d'une autre
pierre longue, celle-là coiffée d'une couronne de fleurs
qu'on renouvelait les dimanches et jours de fêtes,
devinrent comme le palladium des libertés universi-
taires, et les écoliers, molestant la population pari-
sienne, contraignirent les passants et principalement
les officiers royaux d'y jurer la conservation des
privilèges de l'une et l'autre des deux pierres.
Les écoliers ne s'en tinrent pas là. Enhardis par
l'impunité et donnant un libre cours à leur humeur
facétieuse et turbulente, ils jetèrent leur dévolu sur
les enseignes les plus en renom de Paris. Par une
escalade au cours de laquelle l'un d'eux se rompit
le cou, ils s'emparèrent aux Halles de la fameuse
Truie-qui-file, qu'ils pensaient marier à l'Ours non
moins fameux de la porte Baudoyer, dont ils se
saisirent également; d'autre part, ils annoncèrent
hautement l'intention de faire célébrer le mariage
par le Cerf, celle de donner le Papegault (c'est-à-dire
le Perroquet) en cadeau de noces à l'épousée. Ces
prétentions, non moins que les déprédations des éco-
liers, mirent le comble à l'exaspération de la popu-
lation parisienne, qui trouvait que la bouffonnerie
avait trop duré. Les bouchers du quartier des Écoles,
qui voyaient parfois disparaître de leurs étaux les
crochets supportant des morceaux de chair, étaient
particulièrement animés contre les fauteurs de
désordres. La prévôté intervint, c'est-à-dire le prévôt
en personne, Robert d'Estouteville, assisté de plu-
sieurs examinateurs au Châtelet et de sergents. Le
9 mai 1453, jour de Saint-Nicolas, au matin, elle se
rendit en force à la montagne de Sainte-Geneviève,
fit enlever les deux pierres, dont la plus importante
était alors coiffée d'un chapeau de romarin, et trouva
dans l'hôtel de Saint-Étienne, qu'habitait maître
André Bresquier, les deux enseignes, les crochets de
boucherie et divers autres objets, parmi lesquels une
petite pièce d'artillerie et un certain nombre d'épées.
Au cours de cette expédition, la Prévôté s'empara
d'une quarantaine d'écoliers qu'on emprisonna au
Châtelet. L'Université, informée des faits, délibéra
et, dans l'après-midi même du 9 mai, le recteur et
près de 800 écoliers se rendirent en procession, par
petits groupes de neuf personnes environ, vers le
prévôt de Paris, qui habitait dans la rue de Jouy,
pour réclamer les prisonniers, justiciables seulement
de l'Église en vertu des privilèges de l'Université et
de leur qualité de clercs. Robert d'Estouteville y
consentit; mais, au retour, une collision s'engagea
non loin de la demeure du prévôt entre les écoliers
et les gens de la prévôté; un bachelier en droit,
Raymond de Mauregard, fut tué, et plusieurs autres
écoliers furent maltraités dans la bagarre.
Je n'ai point à raconter les poursuites engagées
devant le Parlement contre le prévôt de Paris et
ses officiers en raison de cette malheureuse journée
du 9 mai; il me suffira de dire que, dès le 20 juin
et le 12 septembre 1453, deux arrêts successifs de la
Cour donnèrent, dans une mesure équitable, satis-
faction à l'Université qui, durant neuf mois, cessa
ses leçons et suspendit complètement les prédica-
tions dans toutes les églises de Paris. Toutefois, le
premier de ces arrêts ordonna qu'on continuerait à
informer au sujet de l'enlèvement de la pierre du
Pet-au-Diable et des deux enseignes, « contre aucuns
que l'on disoit estre escolliers comme autres que l'on
disoit estre de la bazoche. »
On ignore les résultats de l'enquête et on ne sait,
par conséquent, si les facétieux écoliers dont les
ébats scandaleux avaient été la cause de si graves
désordres furent découverts et punis par la justice
parisienne. Mais il est difficile de croire que Villon,
âgé d'une vingtaine d'années au moment où ces
événements commençaient à se produire, n'y ait
pas joué un rôle important : ainsi s'expliqueraient
les allusions à sa folle jeunesse :

Hé! Dieu, se j'eusse estudié


Ou temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes meurs dédié,
J'eusse maison et couche molle.
Mais quoy ? je fuyoie l'escolle,
Comme fait le mauvais enfant...
Toujours est-il que les événements dont je viens
de tracer le récit, lui fournirent le projet d'une
oeuvre — sans doute quelque poème héroï-comique
— aujourd'hui perdue, qu'il désigne lui-même sous
le nom de « roman du Pet-au-Diable » et qu'il
léguait, en 1461, à son « plus que père » Maître
Guillaume de Villon :

Je luy donne ma librairie,


Et le Rommant du Pet au Deable,
Lequel maistre Guy Tabarie
Grossa qui est homs veritable ;
Par cayers est soubz une table.
Combien qu'il soit rudement fait,
La matière est si très notable
Qu'elle amende tout le mesfait.

Le roman du Pet-au-Diable, ou du moins la par-


tie de cette oeuvre qui avait trait au mariage de la
Truie-qui-file, devait contenir des plaisanteries ana-
logues à celle que renferme une facétie contempo-
raine en prose, l'Esbatement du mariage des IIII fils
Hemon où les enseignes de plusieurs hostels de la
ville de Paris sont nommés, et c'est certainement là
que remonte, chez Villon, le goût des équivoques sur
les enseignes qu'il montre en 1456 et 1461 dans les
deux plus considérables de ses écrits conservés jusqu'à
nous. Quoique maître François dise de son roman
qu'il était « rudement fait », on doit regretter la
perte de la copie qu'en avait exécutée Guy Tabarie :
en même temps qu'elle offrirait le spécimen d'un
genre littéraire du XVe siècle peu connu, cette oeuvre
projetterait une vive lumière sur la jeunesse de notre
poète, et plus particulièrement sur la question de
savoir de quelle période de son existence les Repues
franches retracent un souvenir plus ou moins fidèle.
M. Marcel Schwob, auquel l'érudition est rede-
vable de la découverte des documents relatifs à
l'affaire du Pet-au-Diable, pense que c'est au laps
de temps qui s'écoula de 1449 à 1453 qu'il faut rap-
porter l'origine des traditions conservées dans les
Repues franches. A son avis, les écoliers qui enle-
vaient en 1453 les crochets des bouchers de Sainte-
Geneviève sont les mêmes qui subtilisaient pain chez
le boulanger, poisson à la poissonnerie, tripes chez
la tripière et vin à la Pomme-de-Pin. C'est, en effet,
très probablement au cours des désordres qui prirent
fin en 1453 que Villon conquit cette popularité dont
les Repues franches fournissent le témoignage le plus
complet. La période de la vie de Villon, dont les
Repues franches relatent quelques traits, ne saurait
être d'ailleurs postérieure à l'année 1456 : en dehors
de ce que l'on, sait des pérégrinations de maître Fran-
çois, cela résulte clairement de l'allusion faite, dans
le Grand Testament, au vin escroqué à Robin Turgis,
le tavernier de la Pomme-de-Pin, exploit dont le récit
forme la quatrième partie de la « Repue de Villon
et de ses compagnons ».
Si tel était le mode d'existence de Villon au début
de l'année 1453, il ne dut pas le modifier lorsque
l'Université, suspendant ses leçons durant neuf mois,
du 9 mai 1453 au 9 février 1454, le livra à la misère,
lui déjà pauvre comme la plupart des malheureux
maîtres ayant pour unique ressource la maigre rede-
vance des écoliers dont on leur confiait l'éducation.
C'est sans doute après la reprise des leçons que Villon
eut pour élèves Colin Laurens, Girard Gossouin et
Jean Marceau, que, moins de trois ans plus tard, il
nomme « ses jeunes orphelins » ; le second d'entre
eux figure en effet dès le 10 février 1454, c'est-à-
dire au lendemain même de la réouverture des cours
universitaires, avec la qualification d'écolier.
Cependant François n'avait pas cessé d'avoir un
gîte au cloître de Saint-Benoît-le-Bétourné, chez
Guillaume de Villon, le bon chapelain. Un soir d'été,
le 5 juin 1455 — c'était le jour de la Fête-Dieu —
il prenait le frais, vers les neuf heures, sous le cadran
de l'église collégiale de Saint-Benoît, en compagnie
d'un prêtre et d'une femme du nom d'Isabeau, et
conversait avec eux, lorsque survinrent un autre
prêtre nommé Philippe Sermoise (ou Chermoye) et
un jeune maître ès arts, natif du diocèse de Tréguier,
qu'on appelait Jean le Merdi. Philippe arrivait dans
un état d'exaspération furieuse contre Villon, et bien
que celui-ci eût cherché à le calmer en lui faisant
bon accueil, il le frappa de sa dague et lui fit à la
bouche une entaille qui laissa une marque indélé-
bile. Les deux adversaires étaient alors complète-
ment seuls, car leurs compagnons avaient vidé la
place pour ne point se compromettre en une que-
relle qui promettait d'être sérieuse, et Villon, pour
éviter quelque nouveau coup, tirant aussi sa dague,
en frappa sans résultat le prêtre à l'aine. Jean le
Merdi, qui revint sur ces entrefaites, désarma Villon,
et le pauvre maître ès arts, poursuivi et menacé
de nouveau, jeta au visage de son agresseur une pierre
qu'il tenait à la main droite; il parvint ensuite à
gagner la demeure d'un barbier pour s'y faire pan-
ser. Pendant ce temps, Philippe, grièvement blessé
par la pierre, gisait sur le théâtre de la rixe, d'où il
fut porté dans la prison de Saint-Benoît. Il y reçut
la visite d'un examinateur au Châtelet : questionné
par celui-ci, il ne semble pas avoir tenté de charger
Villon; tout au contraire, en raison de certains
motifs, il aurait déclaré lui pardonner sa mort.
Transporté le lendemain vendredi à l'Hôtel-Dieu, il
expirait le jour suivant. C'est ainsi du moins que le
meurtrier racontait la rixe 1.

Villon fut alors condamné au bannissement du


I.
royaume, sans doute par contumace, car une des deux
lettres de rémission de janvier 1456 porte que « doub-
tant rigueur de justice », il s'était « absenté du païs ».
(Note des éditeurs.)
II
La peine du bannissement risquait fort souvent,
au XVe siècle, de n'être point effective. L'au-
torité judiciaire n'avait point à sa disposition les
moyens matériels nécessaires pour conduire à la fron-
tière du royaume les criminels qui avaient encouru
cette peine. A Paris, par exemple, ceux-ci étaient
simplement mis hors la ville, par la route qu'ils
avaient choisie, et ce n'était qu'après un long et
pénible voyage, à pied dans la plupart des cas, que
le condamné satisfaisait enfin à l'arrêt de bannisse-
ment. On comprend dès lors qu'avant d'atteindre le
but de son douloureux pèlerinage, plus d'un malheu-
reux exilé se laissait entraîner au mal pour ne point
mourir de faim, et qu'il devenait en quelque sorte
une recrue désignée pour les bandes de malfaiteurs
qui infestaient alors les routes du royaume.
Telle était tout particulièrement la misérable
condition à laquelle l'arrêt du Parlement vouait
maître François. On ne sait point à la vérité d'une
manière précise comment passa pour lui le temps de
l'exil ; mais il est probable que, durant quelques
semaines du moins, il parcourut les environs de
Paris, vivant aux dépens des bonnes gens. C'est ce
qui semble bien ressortir de cette strophe du Grand
Testament :

Item, donne à Perrot Girart,


Barbier juré du Bourg la Royne,
Deux bacins et ung coquemart,
Puis qu'à gaigner met telle paine.
Des ans y a demie douzaine,
Qu'en son hostel de cochons gras
M'apatella une sepmaine,
Tesmoing l'abesse de Pourras.

Grâce, en effet, à l'indication des six années qui


séparaient la repue franche de Bourg-la-Reine du
moment où Villon écrivait le Grand Testament, on
fixe précisément à cet incident le second semestre
de l'année 1455. Mais qu'était-ce que cette abbesse
de Pourras, témoin de la repue franche de Bourg-la-
Reine faite aux dépens de Perrot Girard, cette reli-
gieuse qui ne craignait pas de se montrer publi-
quement en compagnie d'un homme fuyant la jus-
tice? Tout simplement l'abbesse de Port-Royal, au
diocèse de Paris, abbaye dont le nom vulgaire était
alors Porrais, Pourrais ou Pourras. Huguette du
Hamel, c'était le nom de cette indigne abbesse, pas-
sait pour être la fille de Hugues Cuillerel, abbé de
Saint-Riquier. Entrée en religion vers l'an 1439,
elle était récemment devenue abbesse de Port-Royal
à la mort de Michelle de Langres (1454 ou 1455).
Il paraît qu'avant son élévation à cette dignité,
Huguette se conduisait déjà d'une façon peu régu-
lière; mais la connaissance de ses désordres se répan-
dit surtout en 1465, époque à laquelle la guerre du
Bien Public la força de venir chercher, suivie de
ses religieuses, un asile à Paris chez le procureur
de l'abbaye, maître Baude le Maistre, qui passait
pour avoir des relations intimes avec elle. Elle fut
alors dénoncée par un religieux bernardin à l'abbé
de Chaalis qui, en 1463, avait déjà reçu une mission
de l'abbé de Cîteaux, chef de l'ordre, de surveiller
sa conduite. L'abbé de Chaalis la relégua en prison
dans l'abbaye du Pont-aux-Dames, au diocèse de
Meaux, et Jeanne de la Fin, d'une famille forézienne,
lui succéda sur le siège abbatial. Cependant Huguette
recouvra la liberté, plaida contre l'abbé de Chaalis
et fut un moment réintégrée dans son abbaye en
vertu de lettres royaux; mais Jeanne de la Fin eut
définitivement gain de cause.
Parmi les faits allégués contre Huguette lors de
ce procès, il en est un qu'il importe de mentionner
ici, parce qu'il se lie étroitement à notre sujet et
prouve que Villon ne fut pas le seul à mêler le nom
de cette religieuse à ses vers. « Elle aloit aux festes
et nopces, dit le procureur de Jeanne de la Fin, et
se dégoisoit avec les galans, et, aucunes fois la nuyt,
illec se tenoit tellement que les gens d'armes en
firent une balade, desquelz elle fit tant battre ung
qu'il expira et en est encore le procès pendant. »
Mais je reviens à l'exil de Villon, et, résistant au
désir de produire des conjectures plus ou moins pro-
bables sur la route que suivit alors le fugitif, sur les
protections qui lui valurent sa grâce, je me bornerai
à constater que maître François était dès lors en
relation avec les bandits pour lesquels il composa un
certain nombre de ballades écrites en « jargon »,
c'est-à-dire dans le langage secret des voleurs de pro-
fession. Je veux parler de la redoutable association
des Coquillarts ou « compagnons de la Coquille »,
qui désolait alors une notable partie de la France et
comptait, disait-on, un millier d'adhérents répandus
dans diverses provinces. Grâce aux poursuites diri-
gées en 1455, à Dijon, contre un certain nombre de
« coquillarts » qui, depuis deux ans déjà, exploitaient
la ville et les environs, on connaît en partie l'orga-
nisation de cette bande criminelle, dont le vocable
figure dans les ballades jargonnesques de Villon, les
noms de soixante-dix-sept de ses membres parmi
lesquels on retrouve Regnier de Montigny, l'un des
compagnons du poète, et enfin une partie de son
vocabulaire spécial, identique au « jargon » des
ballades.
Regnier de Montigny appartenait à une hono-
rable famille, qui possédait différents fiefs aux envi-
rons de Paris ; aussi est-il qualifié « noble homme »
au cours du Petit Testament. Il était né à Bourges
vers 1429 et avait, par conséquent, environ deux ans
de plus que Villon. Son père, Jean de Montigny,
fidèle au dauphin Charles, avait quitté Paris lors de
l'entrée des Bourguignons en 1418 et n'y rentra
qu'avec son souverain, après la réduction de la capi-
tale en 1436. A son office de pannetier du roi il
joignit alors la charge d'élu de la ville de Paris :
mais la mort ne tarda pas à le surprendre et il laissa,
outre sa femme Colette de Vauboulon, un fils et
deux filles issus d'un premier mariage et fort jeunes
encore, dans un état voisin de la misère. Il possédait
cependant encore quelques revenus féodaux, car son
fils vendait en 1453, à Lubin Raguier, un fief connu
sous le nom de « fief de Montigny » et assis sur le
moulin de Bures, près d'Orsay.
Regnier, que les registres judiciaires du Parlement
qualifient clerc, eut de bonne heure maille à partir
avec la justice. En août 1452, il était condamné au
bannissement par une sentence du prévôt de Paris
pour avoir, une certaine nuit, en compagnie de deux
autres garnements, rossé deux sergents du guet à la
porte de l'« ostel de la Grosse Margot », dont Villon
connaissait si bien l'enseigne qu'il lui dédia une de
ses ballades. Il fut aussi emprisonné à Rouen, à Tours
et a Bordeaux. A Poitiers, Regnier commit une escro-
querie digne de Patelin : il y acheta pour vingt écus
de drap et se fit donner par le marchand vingt autres
écus, ne lui laissant en retour qu'une boîte où il
disait avoir mis vingt nobles. A Paris, il jouait
au
jeu de la marelle et fut poursuivi comme pipeur.
Enfin, compromis dans une affaire plus grave, le
meurtre de Thévenin Pensete, commis dans une mai-
son du cimetière de Saint-Jean-en-Grève, il obtint
une lettre de pardon. Rendu plusieurs fois comme
clerc à l'évêque de Paris, il ne tardait pas à
recou-
vrer la liberté. Mais la justice se lassa de retrouver
toujours sous sa main ce pécheur incorrigible.
Dans l'année 1457, c'est-à-dire peu de temps après
avoir aliéné le fief de Montigny, le dernier débris,
peut-être, de l'héritage paternel, Regnier partici-
pait à plusieurs vols sacrilèges, faisant le guet pen-
dant que ses compagnons enlevaient deux burettes
d'argent en l'église des Quinze-Vingts, puis un calice
et un petit livre d'heures dans l'église de Saint-Jean-
en-Grève. Emprisonné au Châtelet de Paris pour la
seconde fois, il était encore réclamé le 24 août 1457
par l'évêque de Paris ; mais la réclamation du prélat
n'ayant pas été accueillie, il fut condamné à mort.
Regnier appela de cette sentence au Parlement ; mais,
peu confiants dans la bonté de sa cause, ses parents
intercédèrent pour lui, et, en considération des ser-
vices de sa famille et par compassion pour sa soeur
qui allait devenir mère, une lettre de rémission lui
fut accordée, à la charge cependant, pour Regnier,
de se rendre en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Com-
postelle.
Il semble toutefois que la condamnation pronon-
cée par le Châtelet dut être exécutée, car le Parle-
ment paraît avoir refusé l'entérinement des lettres
de rémission. Les registres criminels de cette cour
renferment un curieux résumé de la plaidoirie de
Simon, procureur du roi, qui déclarait la rémission
subreptice, se fondant sur l'omission de certains cas
graves dans l'exposé des lettres, et de celle de Popain-
court, qui défendait le condamné. En tout cas,
Montigny était pendu lorsque Villon écrivait ses bal-
lades en jargon, et il se peut même qu'il ait étrenné
le gibet construit vers 1457 non loin de celui de
Montfaucon, gibet qui porta, peut-être en l'honneur
de ce drôle, le nom de « gibet de Montigny ». Quoi
qu'il en soit, le souvenir de Regnier était encore
vivant treize ans plus tard dans le monde judiciaire,
et l'on voit alors le procureur du Roi le rappeler
devant le Parlement au sujet d'un clerc, prisonnier
au Châtelet et réclamé par l'évêque de Paris.
Dans la seconde de ses ballades en jargon, adres-
sée aux Coquillarts, Villon associe le souvenir de
Montigny à celui de Colin de l'Escailler ; c'est le
nom par lequel il désigne Colin de Cayeux, dont la
Ballade de bonne doctrine à ceux de mauvaise vie
rappelle également la fin tragique. Colin de Cayeux
était lui aussi un coquillart endurci. Fils d'un serru-
rier qui paraît avoir habité à Paris, dans le quartier
Saint-Benoît, Colin avait été mis à l'étude comme
Villon, dont il fut peut-être l'ami d'enfance ; mais
de bonne heure il se laissa entraîner au crime.
« Larron, crocheteur, pilleur et sacrilège, être incor-
rigible, » c'est ainsi que s'exprime à son égard le
procureur du roi, Cayeux fut rendu deux fois à
l'évêque de Paris, le 9 février 1450 et le 14 sep-
tembre 1452. En 1456, il fut arrêté par le guet du
Châtelet. Vers le même temps, il participait à deux
vols considérables commis au préjudice d'un reli-
gieux augustin et du collège de Navarre. Capturé
en Normandie, il s'évada de la prison de l'évêque de
Bayeux, et, pour recouvrer sa liberté, il crochetait
les prisons de l'archevêché de Rouen. Enfin, dans
l'été de 1460, Colin de Cayeux, arrêté dans l'église
de Saint-Leu-d'Esserent, par le prévôt de Senlis,
fut d'abord confié à l'évêque de cette ville, dont il
quitta les prisons pour être transporté à la Concier-
gerie du Palais, à Paris. Le 28 septembre, on discu-
tait au Parlement la réclamation de l'évêque de
Beauvais, dans le diocèse duquel on l'avait pris, et
celle de l'évêque de Senlis qui l'avait eu momen-
tanément en garde : le procureur du roi, Barbin,
déclarait Colin incorrigible et lui déniait comme tel
le droit de jouir du privilège de clerc. Bien qu'un an
après Villon nous apprenne par une ballade du
Grand Testament que Cayeux avait subi le dernier
supplice, il ne paraît pas que sa condamnation à mort
ait été prononcée en septembre 1460. Ce n'était pas
sa visite à l'église de Saint-Leu-d'Esserent qui devait
le conduire à la potence, mais bien les « esbats »
qu'il allait prendre, un peu trop étourdiment, à
Rueil, au diocèse de Paris, et à Montpipeau, au dio-
cèse d'Orléans.
Les deux carrières criminelles que je viens de
retracer, non moins que l'organisation de la bande
des Coquillarts, permettent au lecteur de se faire
une idée de la vie abjecte que Villon mena durant
son exil. Mais le malheureux poète n'était point
oublié des amis qui auraient désiré lui voir mener
une existence régulière, et, peu de temps après son
départ de Paris, la chancellerie royale recevait, par
leur intermédiaire, deux suppliques au moins, dont
chacune contenait un récit légèrement différent de
la rixe terminée par le meurtre de Philippe Sermoise,
et qui, l'une et l'autre, invoquaient en faveur du
meurtrier les circonstances atténuantes. Sept mois
seulement après le tragique événement, elles obtinrent
un complet succès et valurent à maître François une
rémission entière ou même une double rémission;
car la chancellerie royale, égarée par cette circons-
tance que le suppliant se nommait « François de
Montcorbier » dans l'une de ses requêtes et « Fran-
çois des Loges, autrement dit de Villon » dans l'autre,
expédia en janvier 1456 deux lettres de rémission
reproduisant chacune les termes de l'un des écrits
justificatifs de Villon, et dont sans doute le cha-
pelain, protecteur du pauvre écolier, acquitta tous
les droits. Maître François put donc rentrer à Paris,
huit mois après y avoir été traduit en justice; mais,
si les lettres royaux prononçaient sa réhabilitation,
la triste vie qu'il venait de mener devait lui rendre
difficile le retour au bien.
III
Vers la fin de janvier 1456 au plus tôt, Villon
rentrait à Paris, affilié à une bande de mal-
faiteurs. Rien ne prouve qu'il ait tenté de reprendre
l'habitude du travail régulier, et l'oisiveté dans
laquelle il vécut sans doute attira sur lui toutes
sortes de calamités. Dix mois après son rappel de
l'exil, aux environs de la fête de Noël, il quittait
brusquement Paris et, se dirigeant sur Angers, il
lançait en guise d'adieu à ses amis un poème com-
posé de quarante huitains, qu'en raison de son contenu
on appela bientôt Testament : c'est celui qu'on a
nommé depuis le Petit Testament 1.
Si l'on en croit cet écrit, le départ de Villon aurait
pour cause les rigueurs de sa maîtresse, celle-là
eu
même sans doute qu'il désigne plus tard sous le nom
de Catherine de Vaucelles et pour laquelle sa pas-
sion s'était, semble-t-il, développée à la faveur d'une

I. Le titre primitif en est les Lais. Conformément à la


disposition prise par A. Longnon dans son édition de 1911,
nous avons rétabli ce titre dans la présente édition. (Note
des éditeurs.)
fréquentation journalière. Mais l'amour du poète
pour Catherine a-t-il eu véritablement sur sa des-
tinée l'influence capitale que lui attribuent ses vers?
On est tout d'abord tenté de le croire, à considérer
la précision avec laquelle il parle de la plupart des
personnages, qu'il fait successivement défiler dans
ses deux compositions principales : on en doute fort
ensuite, en constatant que son départ pour Angers,
à la fin de décembre 1456, ne fut point motivé,
comme il le prétend, par un chagrin d'amour ; quand
on sait que la cause de ce voyage est, au contraire,
de nature bien plus prosaïque ou, pour parler juste,
de nature criminelle.
En effet, de curieux documents judiciaires prouvent
que, peu de jours avant son départ de Paris, Villon et
plusieurs autres malfaiteurs, s'étant nuitamment intro-
duits par escalade dans le collège de Navarre, y
avaient fait main basse sur une somme considérable
— 500 écus d'or — contenue dans un petit coffre
de noyer à trois serrures et à bandes de fer, enchaîné
lui-même dans un autre coffre que renfermait le
revestiaire ou sacristie de la chapelle dudit collège.
Le produit du vol avait été partagé presque entiè-
rement entre le misérable poète et ses compagnons :
le fameux Colin de Cayeux, dont j'ai raconté la cri-
minelle odyssée; un certain maître Jean, plus connu
sous le nom de Petit-Jean, homme de petite taille,
à la barbe noire et qui, âgé d'une trentaine d'années,
jouissait dans le monde des voleurs de la réputation
de fort habile crocheteur ; enfin, un religieux picard
appelé Dom Nicolas. Un autre de leurs complices, le
transcripteur du roman du Pet-au-Diable, maître
Guy Tabarie, qui, tombé plus tard aux mains de la
justice parisienne, prétendit n'avoir point pris une
part directe à cette expédition, aurait eu pour sa
part dix écus d'or seulement.
Le vol du collège de Navarre fut constaté deux
mois et demi après que Villon eut quitté Paris ; mais
c'est seulement au 17 mai 1457 qu'une intéressante
déposition révéla à la justice parisienne les noms de
la plupart de ses auteurs. Le dénonciateur était un
ecclésiastique du diocèse de Chartres, maître Pierre
Marchand, prieur-curé de Paray-le-Moniau, près
d'Ablis, qui, dans un séjour de près de quatre
semaines à Paris, avait su capter la confiance de Guy
Tabarie en lui témoignant le désir de participer aux
prochaines expéditions de la bande dont celui-ci fai-
sait partie. Il raconta tout ce qu'il avait appris de
Tabarie, et la prévôté fut ainsi avisée que Villon
appartenait à une bande redoutable. Maître Fran-
çois, d'ailleurs, était absent, et, au dire de Tabarie,
cet habile homme, neveu d'un religieux d'Angers,
était allé auprès de son oncle dans le but de prépa-
rer de la besogne à la coupable association dont il
était l'un des membres les plus actifs : il devait
étudier dans la capitale de l'Anjou l' « estat » d'un
vieux moine, possesseur de cinq ou six cents écus,
et la bande n'attendait qu'un signal de son éclaireur
pour s'élancer à la conquête de ce petit trésor.
La prévôté dut faire immédiatement des recher-
ches pour s'emparer des divers membres de l'asso-
ciation criminelle à laquelle appartenait Villon. Mais
l'éveil fut sans doute donné à Tabarie et à ceux de
ses complices encore présents à Paris, car il ne paraît
point qu'aucun d'eux soit tombé aux mains de la
justice parisienne avant l'été de 1458, c'est-à-dire
plus d'un an après. Maître Guy Tabarie fut pris tout
d'abord et enfermé dans les prisons du Châtelet. Il
se réclama sans doute de l'évêque de Paris en qua-
lité de clerc, passa le 26 juin 1458 dans les prisons
de l'évêché, et comparut le 5 juillet devant l'official,
assisté de plusieurs membres de la cour épiscopale.
Il donna des renseignements assez précis sur les
différents vols dont il avait entretenu le prieur de
Paray, particulièrement sur celui du collège de
Navarre, mit en pleine lumière la culpabilité de Vil-
lon, et atténua considérablement son propre rôle
dans cette expédition criminelle : à l'entendre, il
était le moins coupable de tous et, s'il connaissait
Villon de longue date, il avait à peine entrevu ses
autres complices. Toutefois, les aveux de Tabarie ne
paraissant pas suffisants aux juges, on lui appliqua
successivement la question avec le petit tréteau,
c'est-à-dire la question ordinaire, puis la question
extraordinaire du grand tréteau, qui lui arrachèrent
des aveux plus complets.
On ne sait ce qu'il advint de maître Guy Tabarie.
Mais tandis qu'on recherchait ses complices du col-
lège de Navarre, ceux-ci se gardaient bien de ren-
trer à Paris. Colin de Cayeux, par exemple, parcou-
rait la Normandie et la Picardie. Quant à Villon, il
passa hors de sa ville natale cinq années environ,
menant une vie errante et misérable, sur laquelle
on ne possède que de vagues données.
C'est peut-être après avoir visité, à Angers, son
oncle ainsi que le vieux religieux dont il convoitait
le petit pécule, que maître François résida dans la
partie septentrionale du Poitou, vers les confins de
la Bretagne et de l'Anjou. Le séjour du poète à
Saint-Généraux, non loin de Thouars, ou dans toute
autre localité de cette région où il aurait connu les
deux dames qui lui apprirent le langage poitevin 1,
est en tout cas antérieur à 1461.
I. Voir le Grand Testament.
Il faut sans doute placer au cours de l'année 1437
la présence de Villon dans les domaines que le duc
d'Orléans possédait vers le cours moyen de la Loire.
Cette date semble applicable en effet à une sorte de
tournoi poétique que ce prince ouvrit, à Blois selon
toute apparence, sur le thème : Je meurs de soif
auprès de la fontaine. La ballade que Villon com-
posa à cette occasion est transcrite, dans un manu-
scrit ducal complété vers cette époque, de la même
main que le Dit de la naissance Marie d'Orléans. Ce
dernier morceau, que sa signature : Votre povre
escolier Françoys autorise avec une quasi certitude
à joindre aux oeuvres du poète, objet du présent
volume, fut composé peu après le 19 décembre 1437,
date de la naissance de la fille aînée du duc Charles
et de Marie de Clèves. L'auteur y marque sa recon-
naissance à la jeune princesse, dont l'entrée en ce
monde paraît avoir provoqué son élargissement et
qu'en certains de ses vers, il présente, par une licence
poétique des plus hardies, comme une jeune personne
accomplie 1.
Villon dut quitter les domaines de Charles d'Or-

I. Dans les notes chronologiques de l'édition de 1911,


A. Longnon place la date de cette pièce au 17 juillet 1460,
jour de l'entrée soelnnelle à Orléans de la petite princesse,
alors âgée de 31 mois. « Parmi les criminels amnistiés à
cette occasion, figurait probablement Villon qui aurait
léans 1 presque aussitôt après sa sortie de la prison
où l'avait évidemment conduit quelque nouveau
méfait, de nature inconnue, mais que l'on peut mal-
heureusement pressentir. Est-ce alors qu'il traversa
le Berry, où son séjour antérieurement à 1461 semble
résulter de deux passages du Grand Testament :
l'un où il récrimine contre François Perdrier, qui
l'aurait dénoncé auprès de l'archevêque ou plutôt
de l'officialité de Bourges ; l'autre dans lequel il parle
d'un certain Michel le Bon F..., enseveli selon lui à
Saint-Satur, sous Sancerre, et dont il avait sans doute
relevé le nom dans une de ces épitaphes naïves,
comme le moyen âge en produisit plus d'une.
Le poète fugitif, après avoir passé par Sancerre,
remonta vraisemblablement le cours de la Loire,
près de laquelle cette ville est située, puis celui de
l'Allier, de façon à pénétrer dans le Bourbonnais,
berceau probable de sa famille 2, et à atteindre Mou-
échappé ainsi aux effets d'une sentence de mort prononcée
contre lui, par la justice ducale sans doute. » (Note des
éditeurs.)
I. L'avant-dernier vers de l'envoi de la ballade que
Villon adressa au concours de Blois, permet de croire qu'il
fit un instant partie de la maison ducale.
2. Montcorbier était alors à la fois le nom d'une loca-
lité située aux confins du Bourbonnais et de la Bourgogne,
et celui d'une famille noble de la première de ces pro-
vinces (Etude biographique sur Fr. Villon, p. 28-29).
lins, séjour le plus ordinaire des ducs de Bourbon.
Ce fut alors, peut-être, qu'en un moment de détresse
il adressa au duc Jean II cette requête si fort esti-
mée des poètes du commencement du XVIe siècle.
On sent à la façon dont parle Villon qu'il ne crai-
gnait pas de voir sa demande rejetée par le prince
qui, antérieurement, lui avait déjà prêté quelque
argent.
Maître François poursuivant évidemment sa route
par le comté de Forez, l'un des domaines les plus
considérables du duc de Bourbon, alla jusqu'en Dau-
phiné. Il désigne, en effet, Roussillon 1, comme le
terme de ses courses vagabondes, et il convient cer-
tainement de reconnaître sous ce nom la petite ville
de Roussillon, située sur la rive gauche du Rhône,
à six lieues au sud de Vienne : la seigneurie en ap-
partenait aussi au duc de Bourbon.
Toutefois, si le poète reçut quelques marques de
bienveillance du duc Jean II, il ne se fixa point sur
les terres de ce grand seigneur terrien. Il revint dans
l'Orléanais, où il passa l'été à Meung-sur-Loire, pri-
sonnier de l'évêque d'Orléans 2, seigneur de cette
ville. On ignore les motifs de ce nouvel emprison-
nement; mais si l'on considère que Meung était peu
I. Grand Testament.
z. Ibidem.
distant d'un lieu dont Villon signale la fréquentation
comme dangereuse pour les enfants perdus, on ne
doutera point qu'il n'ait commis quelque délit, un
vol probablement, aux environs de Montpipeau, for-
teresse isolée située à dix kilomètres au nord de
Meung. Dans cette hypothèse, on pourrait le consi-
dérer comme le complice de Colin de Cayeux, qui,
moins heureux que lui, en raison sans doute de sa
plus grande culpabilité, fut condamné au dernier
supplice.
A en juger par les diverses allusions qui s'y rap-
portent, la prison de Villon était fort rigoureuse 1 et
il y eût sans doute péri, si la mort de Charles VII
n'était survenue le 22 juillet 1461. Alors, en vertu
du droit de joyeux avènement, Louis XI remit leurs
peines à divers prisonniers des villes où il passa après
son sacre. C'est ainsi qu'en août 1461, il accordait
des lettres de rémission à un certain nombre de
prisonniers détenus à Reims, à Meaux et à Paris :
sept mois plus tard, il usait du même droit à Bor-
deaux. Villon fut à son tour délivré, vers le 2 oc-
tobre 1461, date à laquelle le roi Louis XI signait
deux ordonnances à Meung-sur-Loire. Malheureu-

I. C'est là toutefois qu'il semble avoir composé l'Epitre,


en forme de ballade, à ses amis, et le Débat du coeur et du
corps de Villon.
sement, les lettres de rémission qu'on lui accorda ne
figurent pas dans ceux des registres du Trésor des
Chartes encore conservés aujourd'hui aux Archives
nationales, et nous sommes ainsi privés du document
qui pourrait le mieux nous renseigner sur la vie du
poète durant les dernières années du règne de
Charles VII.
IV
A peine sorti de la prison de Meung, Villon com-
posa le Grand Testament 1, cette oeuvre qui,
seule, assurerait à son auteur le premier rang parmi
les poètes de son temps, cette oeuvre moitié bouf-
fonne, moitié sérieuse, où les remords du criminel
sont exprimés de l'accent le plus sincère, où son coeur
saigne si cruellement au souvenir des années qui
viennent de s'écouler et pendant lesquelles il a com-
mis des fautes telles que, malgré l'étendue de son
humilité, il n'ose les avouer publiquement. Mais il
faut dire aussi que Villon, après avoir connu toutes
les hontes, retrouvait dans son coeur quatre senti-
ments dont sans doute le Juge Eternel lui aura tenu
compte : la foi religieuse, le patriotisme, l'amour
filial et la reconnaissance ; la foi religieuse qui éclate
en plus d'une strophe du Grand Testament et qu'on
trouve à un si haut degré dans la prière à la Vierge,
composée à la requête de sa mère; le patriotisme,
dont deux vers sur
I. Le titre primitif en est simplement le Testament
(Note des éditeurs.)
Jehanne la bonne Lorraine
Qu'Englois brulerent à Rouan,

sont un témoignage non équivoque 1 ; l'amour filial,


qu'il exprime d'une manière si touchante en son-
geant à sa « bonne mère » ; la reconnaissance, enfin,
qui ne lui fait pas défaut s'il parle de maître Guil-
laume de Villon, le vénérable chapelain qu'il appelle
« son plus que père », ou de « Loys, le bon roy de
France ».
On ne saurait dire en quel lieu le poète écrivit son
oeuvre capitale. Ce ne fut certainement pas à Paris,
comme l'a cru un auteur presque contemporain,
Éloi d'Amerval, car Villon y parle d'un voyage récent
dans lequel il avait recueilli quelques nouvelles des
trois écoliers qui suivaient ses leçons sept années
auparavant. Or, il ne peut s'agir ici que d'un voyage
à Paris, où le malheureux maître ès arts sera venu
embrasser les êtres qui lui étaient le plus chers.
S'il exécuta ce voyage, il le fit d'une manière si
secrète et si fugitive qu'il n'eut ni le moyen ni le
loisir de constater les changements survenus depuis

I. On peut voir un autre témoignage non moins réel


de ce patriotisme dans la ballade qui anathématise ceux
« qui mal vouldroient au royaulme de France », pièce
qu'un manuscrit du XVIe siècle attribue formellement à
Villon.
son départ en 1456. Au temps où il écrit le Grand
Testament, il croit encore en effet que la veuve
d'Arnoul Machicou exerce comme par le passé le
fructueux commerce des volailles auprès du Grand
Châtelet, à la Porte de Paris : cependant cette femme
est morte et sa maison inhabitée. Bien plus, et ce
fait est particulièrement caractéristique, il considère
que Robert d'Estouteville, l'époux de la séduisante
Ambroise de Loré, est toujours à la tête de la juri-
diction du Châtelet, alors que le nouveau roi, révo-
quant ce fidèle serviteur du monarque défunt, a
confié, dès le Ier septembre 1461, l'important office
de prévôt de Paris au seigneur de l'Ile-Adam.
Évidemment, en dépit des lettres de rémission que
Louis XI lui a octroyées, et qui peut-être ne faisaient
pas mention du vol commis au préjudice du collège
de Navarre, Villon redoute le séjour de la capitale
et craint d'être appréhendé au corps par les sergents
de la prévôté. Mais il ne désespère pas de l'avenir, et,
ses amis s'employant pour lui, il peut enfin se mon-
trer au grand jour dans sa ville natale. Après cinq
années d'absence au moins, il revient s'y installer,
au cloître Saint-Benoît, comme jadis, et sans aucun
doute chez maître Guillaume de Villon, qui tua cer-
tainement le veau gras pour fêter le retour de l'en-
fant prodigue.
Rentré à Paris en 1462, Villon était au 3 novembre
détenu au Châtelet sous l'inculpation de vol. Il allait
cependant être élargi lorsque la Faculté de théologie,
intervenant à propos de l'affaire du collège de
Navarre, lui fit signer une promesse de restitution
de 120 écus d'or. Il sort enfin de prison le novembre.
7
Que fait-il alors? Rien ne nous éclaire à ce sujet.
Il a probablement peine sans doute à trouver des
écoliers. Quel père, en effet, voudrait confier
ses
enfants à un maître jouissant d'une réputation aussi
déplorable que celle de François Villon ? Peut-être,
à l'exemple de tant d'autres clercs, gagne-t-il
sa vie
en travaillant dans une de ces « escriptoires », si
nombreuses encore à Paris, surtout dans la
rue des
Écrivains, près de Saint-Jacques-de-la-Boucherie, et
dans la rue de la Parcheminerie qui avoisine Saint-
Séverin. Il est demeuré musard, mais assagi
ou plu-
tôt instruit par les épreuves qu'il a traversées, il
est beaucoup plus réservé dans sa conduite. Aussi,
lorsqu'après boire il se trouve
en joyeuse société,
laisse-t-il à ses compagnons le soin d'exécuter les
facéties qu'il a peut-être imaginées et disparaît-il
prudemment quand on en vient aux mains. Tel, du
moins, l'entrevoit-on dans un document récemment
découvert en un registre du Parlement.
Un soir d'automne de l'an 1463, maître François
Villon, en quête d'une franche repue, venait deman-
der à souper à un certain Robin Dogis, demeurant
en la rue de la Parcheminerie. Bien accueilli, il soupa
chez cet homme avec deux autres convives : Hutin
du Moustier, que l'on retrouve plus tard au nombre
des sergents à verge de la prévôté, et Roger Pichart.
Le repas terminé, les quatre soupeurs, quittant la
demeure de Robin pour se rendre chez Villon, pas-
sèrent par la rue Saint-Jacques dans laquelle était
située l' « escriptoire » de François Ferrebouc, où
Pichart s'arrêta pour railler les clercs et, de la fenêtre,
cracher dans le logis. De là, dispute et rixe, auxquelles
participèrent toutes les personnes mentionnées, Villon
excepté, et que termina un coup de dague, heureu-
sement sans gravité, porté par Robin Dogis à maître
François Ferrebouc. Les compagnons continuèrent
leur route, et, sans donner suite à leur projet de
passer la soirée chez Villon qui leur avait évidem-
ment faussé compagnie, ils se séparèrent devant
l'église Saint-Benoît-le-Bétourné. Robin Dogis, empri-
sonné à la Conciergerie en raison du coup de dague
dont il avait frappé Ferrebouc, fut gracié au mois
de novembre 1463, à l'occasion du séjour à Paris du
duc de Savoie, beau-frère du roi Louis XI.
Jugé par la prévôté parisienne, Villon fut bientôt
condamné à « estre pendu et estranglé ». Se repré¬
sentant alors, par la pensée, suspendu au gibet de
Montfaucon où les corps des criminels demeuraient
de longs mois exposés aux injures du temps, il com-
posa la fameuse Ballade des Pendus, l'une de celles
qui témoignent le mieux de son réel talent poétique.
Mais, tout en envisageant la mort avec une sorte de
sérénité, il ne s'abandonna point, et, ayant fait appel
au Parlement de la sentence du Châtelet, il fut, en
qualité d'appelant, transféré à la Conciergerie du
Palais.
L'événement prouva que Villon avait eu raison
de ne point perdre tout espoir. Malgré ce qu'elle
avait encore de rigoureux, la nouvelle sentence qui
fut alors prononcée contre lui, et par laquelle il était
banni pour dix ans de la ville, prévôté et vicomté
de Paris, le transporta d'une joie et d'une recon-
naissance dont deux nouvelles ballades nous font
sentir toute l'étendue : dans l'une de ces pièces, où
il exprime d'une façon fort plaisante sa gratitude à
la Cour du Parlement, il sollicite de celle-ci un délai
de trois jours afin de faire ses adieux aux êtres qui
lui étaient le plus chers et de se préparer à suivre
le chemin de l'exil ; dans l'autre, qu'il adresse à
Garnier, le gardien en chef des prisons de la Concier-
gerie, il se félicite d'avoir fait appel du terrible
arrêt que le Châtelet avait prononcé contre lui.
L'arrêt du Parlement est le plus récent document
authentique constatant l'existence de François Vil-
lon, qui avait alors de trente-deux à trente-trois ans.
L'infortuné maître ès arts, qui, en plusieurs passages
du Grand Testament, se dit miné par la maladie,
vieilli avant l'âge par les souffrances, fut-il enlevé
bien jeune encore par la mort? C'est fort possible,
car on ne comprendrait guère qu'un poète d'un si
réel talent eût vécu de longues années sans écrire
de nouveaux vers. Rabelais rapporte, à la vérité,
que, banni de France, Villon passa en Angleterre
au temps du roi Édouard V (il a certainement voulu
parler d'Édouard IV) ; mais cette indication, même
en la rectifiant, ne concorde aucunement avec ce que
l'on sait de notre auteur, et certains détails donnés
par le grand satirique prouvent qu'on ne peut faire
fond sur son récit. Au reste, ce récit n'est que l'am-
plification d'une anecdote qui courait dès le XIIIe siècle
sur le compte d'un autre écolier, également banni
de France et réfugié près du roi d'Angleterre. L'au-
teur de Pantagruel raconte, en outre, que Villon,
« sur ses vieux jours », se retira à Saint-Maixent,
en Poitou, « sous la faveur d'un homme de bien,
abbé dudict lieu » ; il rapporte que, pour y distraire
la population, le poète parisien représenta la Passion
« en gestes et en langage poictevins », et il relate à
ce propos le sinistre tour que l'impresario impro-
visé aurait joué au sacristain des Cordeliers. Rabe-
lais fait preuve, en ce récit, d'une réelle connaissance
de la topographie des environs de Saint-Maixent,
qu'il a certainement visités, et où il aura peut-être
recueilli une anecdote sur le poète parisien. Mais
lors même qu'on admettrait la réalité de la tragique
plaisanterie de Villon, il n'en résulterait point qu'on
puisse se fonder sur une tradition locale
— évidem-
ment agrémentée par Rabelais — pour faire résider
Villon en Poitou après l'année 1461. On ne peut, en
effet, raisonnablement s'autoriser d'une expression
qui peut avoir été suggérée au curé de Meudon par
la pensée que le héros de l'histoire avait alors aban-
donné le théâtre le plus ordinaire de ses exploits :
il est beaucoup plus légitime de rattacher le séjour
de Villon à Saint-Maixent aux pérégrinations qui
suivirent le voyage du complice de Colin de Cayeux
et de Tabarie à Angers. Quoi qu'il en soit, force est
d'avouer que l'on ignore complètement la date de
la mort de Villon, car M. Campaux, en la plaçant
après 1480, se fonde sur le Dialogue de Mallepaye et
de Baillevent et sur le Monologue du franc-archer de
Bagnolet, pièces qui, placées pour la première fois à
la suite des oeuvres de maître François dans une édi-
tion de 1532, n'ont pas été composées par lui.
On a, par contre, des renseignements plus précis
sur la fin de maître Guillaume de Villon. Ce digne
homme mourut septuagénaire en 1468, et fut ense-
veli dans l'église de Saint-Benoît. Il avait choisi pour
exécuteur testamentaire un de ses collègues, Jean le
Duc, attaché comme lui au service de l'autel de
Saint-Jean-l'Évangéliste, et son propre neveu, beau-
frère de Jean le Duc, le barbier Jean Flastrier qui
fut son héritier principal. Il ne semble malheureu-
sement pas qu'il subsiste aucune expédition de l'acte
renfermant les dernières volontés du vénérable cha-
pelain et où, peut-être, se trouvait une mention, un
souvenir, du « pauvre écolier » pour lequel il avait
eu tant d'affection et qui avait si tristement porté,
devant diverses cours judiciaires, le surnom de son
bienfaiteur qu'illustra le merveilleux talent du poète.
LES LAIS
L'AN quatre cens cinquante six,
Je, Françoys Villon, escollier,
Considerant, de sens rassis,
Le frain aux dens, franc au collier,
Qu'on doit ses oeuvres conseillier,
Comme Vegece le raconte,
Sage rommain, grant conseillier,
Ou autrement on se mesconte...

En ce temps que j'ay dit devant,


Sur le Noël, morte saison,
Que les loups se vivent de vent
Et qu'on se tient en sa maison,
Pour le frimas, pres du tison,
Me vint ung vouloir de brisier
La très amoureuse prison
Qui souloit mon cuer debrisier
Je le feis en telle façon,
Voyant Celle devant mes yeulx
Consentant à ma desfaçon,
Sans ce que ja luy en fust mieulx ;
Dont je me dueil et plains aux cieulx,
En requerant d'elle venjance
A tous les dieux venerieux,
Et du grief d'amours allejance.

Et se j'ay prins en ma faveur


Ces doulx regars et beaux semblans
De tres decevante saveur
Me trespersans jusques aux flans,
Bien ilz ont vers moy les piez blans
Et me faillent au grant besoing.
Planter me fault autres complans
Et frapper en ung autre coing.

Le regart de Celle m'a prins


Qui m'a esté felonne et dure :
Sans ce qu'en riens aye mesprins,
Veult et ordonne que j'endure
La mort, et que plus je ne dure;
Si n'y voy secours que fouïr.
Rompre veult la vive souldure,
Sans mes piteux regretz oïr !
Pour obvier a ces dangiers,
Mon mieulx est, ce croy, de fouïr.
Adieu! je m'en vois à Angiers :
Puisqu'el ne me veult impartir
Sa grace, il me convient partir.
Par elle meurs, les membres sains;
Au fort, je suis amant martir
Du nombre des amoureux sains.

Combien que le depart me soit


Dur, si faut il que je l'eslongne :
Comme mon povre sens conçoit,
Autre que moy est en quelongne,
Dont oncques soret de Boulongne
Ne fut plus alteré d'umeur.
C'est pour moy piteuse besongne :
Dieu en vueille oïr ma clameur!

Et puis que departir me fault,


Et du retour ne suis certain
(Je ne suis homme sans desfault
Ne qu'autre d'assier ne d'estain,
Vivre aux humains est incertain
Et après mort n'y a relaiz,
Je m'en vois en pays loingtain),
Si establis ces presens laiz.
Premierement, ou nom du Pere,
Du Filz et du Saint-Esperit,
Et de sa glorieuse Mere
Par qui grâce riens ne perit,
Je laisse, de par Dieu, mon bruit
A maistre Guillaume Villon,
Qui en l'onneur de son nom bruit,
Mes tentes et mon pavillon.

Item, a celle que j'ai dit,


Qui si durement m'a chassié
Que je suis de joye interdit
Et de tout plaisir dechassié,
Je laisse mon cuer enchassié,
Palle, piteux, mort et transy :
Elle m'a ce mal pourchassié,
Mais Dieu luy en face mercy !

Item, a maistre Ythier Marchant,


Auquel je me sens très tenu,
Laisse mon branc d'assier tranchant,
Ou a maistre Jehan le Cornu,
Qui est en gaige detenu
Pour ung escot huit solz montant;
Si vueil, selon le contenu,
Qu'on leur livre, en le rachetant.
Item, je laisse à Saint Amant
Le Cheval Blanc, voire o la Mulle,
Et a Blarru mon dyamant
O l'Asne Royé qui reculle.
Et le decret qui articulle
Omnis utriusque sexus,
Contre la Carmeliste bulle
Laisse aux curez, pour mettre sus.

Et a maistre Robert Valee,


Povre clerjot au Parlement,
Qui ne tient ne mont ne vallee,
J'ordonne principalement
Qu'on luy baille legierement
Mes brayes, estans aux Trumellieres,
Pour coeffer plus honnestement
S'amye Jehanne de Millieres.

Pour ce qu'il est de lieu honneste,


Fault qu'il soit mieulx recompensé,
Car Saint Esperit l'admoneste,
Obstant ce qu'il est insensé;
Pour ce, je me suis pourpensé,
Qu'on lui baille l'Art de Memoire
A recouvrer sur Maupensé,
Puis qu'il n'a sens ne qu'une aulmoire.
Item, pour assigner la vie
Du dessusdit maistre Robert,
(Pour Dieu, n'y ayez point d'envie !)
Mes parens, vendez mon haubert,
Et que l'argent, ou la plus part,
Soit emploie, dedans ces Pasques,
A acheter à ce poupart
Une fenestre emprès Saint Jaques.

Item, laisse et donne en pur don


Mes gans et ma hucque de soye
A mon amy Jaquet Cardon,
Le glan aussi d'une saulsoye,
Et tous les jours une grasse oye
O ung chappon de haulte gresse,
Dix muys de vin blanc comme croye,
Et deux procès, que trop n'engresse.

Item, je laisse a ce noble homme,


Regnier de Montigny, troys chiens;
Aussi a Jehan Raguier la somme
De cent frans, prins sur tous mes biens.
Mais quoy ? Je n'y comprens en riens
Ce que je pourray acquerir :
On ne doit trop prendre des siens,
Ne son amy trop surquerir.
Item, au seigneur de Grigny
Laisse la garde de Nijon,
Et six chiens plus qu'a Montigny,
Vicestre, chastel et donjon;
Et a ce malostru chanjon,
Moutonnier, qu'il tient en procès,
Laisse trois coups d'ung escourjon,
Et couchier, paix et aise, es ceps.

Et a maistre Jaques Raguier


Laisse l'Abruvouër Popin,
Pesches, poires, au Gros Figuier
Tousjours le chois d'ung bon loppin,
Le trou de la Pomme de Pin,
Clos et couvert, au feu la plante,
Emmailloté en jacoppin ;
Et qui voudra planter, si plante.

Item, a maistre Jehan Mautaint


Et maistre Pierre Basanier,
Le gré du seigneur qui attaint
Troubles, forfaiz, sans espargnier ;
Et a mon procureur Fournier,
Bonnez cours, chausses semelees,
Taillees sur mon cordouannier,
Pour porter durant ces gelees.
Item, a Jehan Trouvé, bouchier,
Laisse le Mouton franc et tendre,
Et ung tacon pour esmouchier
Le Beuf Couronné qu'on veult vendre,
O la Vache : qui pourra prendre
Le villain qui la trousse au col,
S'il ne la rent, qu'on le puist pendre
Ou estrangler d'ung bon licol !

Item, au Chevalier du Guet,


Le Hëaulme luy establis ;
Et aux pietons qui vont d'aguet
Tastonnant par ces establis,
Je leur laisse deux beaux riblis,
La Lanterne a la Pierre au Let.
Voire, mais j'auray les Troys Lis,
S'ilz me mainent en Chastellet.

Item, a Perrenet Marchant,


Qu'on dit le Bastart de la Barre,
Pour ce qu'il est très bon marchant,
Luy laisse trois gluyons de fuerre
Pour estendre dessus la terre
A faire l'amoureux mestier,
Ou il luy fauldra sa vie querre,
Car il ne scet autre mestier.
Item, au Loup et a Cholet
Je laisse a la fois ung canart
Prins sur les murs, comme on souloit,
Envers les fossez, sur le tart,
Et a chascun ung grant tabart
De cordelier jusques aux piez,
Busches, charbon et poix au lart,
Et mes houseaulx sans avantpiez.

De rechief, je laisse, en pitié,


A trois petis enfans tous nus
Nommez en ce present traictié,
Povres orphelins impourveus,
Tous deschaussiez, tous despourveus,
Et desnuez comme le ver;
J'ordonne qu'ilz soient pourrais,
Au moins pour passer cest yver :

Premierement, Colin Laurens,


Girart Gossouyn et Jehan Marceau,
Despourveus de biens, de parens,
Qui n'ont vaillant l'ance d'ung seau,
Chascun de mes biens ung fesseau,
Ou quatre blans, s'ilz l'ayment mieulx.
Ilz mengeront maint bon morceau,
Les enfans, quant je seray vieulx !
Item, ma nominacion,
Que j'ay de l'Université,
Laisse par resignacion
Pour esclore d'aversité
Povres clers de ceste cité
Soubz cest intendit contenus;
Charité m'y a incité,
Et Nature, les voiant nus :

C'est maistre Guillaume Cotin


Et maistre Thibault de Victry,
Deux povres clers, parlans latin,
Paisibles enfans, sans estry,
Humbles, bien chantans au lectry ;
Je leur laisse cens recevoir
Sur la maison Guillot Gueuldry,
En attendant de mieulx avoir.

Item, et j'y adjoings la Crosse,


Celle de la rue Saint Anthoine,
O ung billart de quoy on crosse,
Et tous les jours plain pot de Saine ;
Aux pijons qui sont par essoine
Enserrez soubz trappe volliere,
Mon mirouër bel et ydoine
Et la grâce de la geolliere.
Item, je laisse aux hospitaux
Mes chassiz tissus d'arigniee,
Et aux gisans soubz les estaux,
Chascun sur l'oeil une grongniee,
Trembler a chiere renfrongniee,
Megres, velus et morfondus,
Chausses courtes, robe rongniee,
Gelez, murdris et enfondus.

Item, je laisse à mon barbier


Les rongneures de mes cheveulx,
Plainement et sans destourbier ;
Au savetier mes souliers vieulx,
Et au freppier mes habitz tieulx
Que, quant du tout je les delaisse,
Pour moins qu'ilz ne cousterent neufz
Charitablement je leur laisse.

Item, je laisse aux Mendians,


Aux Filles Dieu et aux Beguines,
Savoureux morceaulx et frians,
Flaons, chappons et grasses gelines,
Et puis preschier les Quinze Signes,
Et abatre pain a deux mains.
Carmes chevauchent noz voisines,
Mais cela, ne n'est que du mains.
Item, laisse le Mortier d'Or
A Jehan, l'espicier, de la Garde,
Et une potence Saint Mor,
Pour faire ung broyer a moustarde.
A celluy qui fist l'avant garde
Pour faire sur moy griefz exploiz,
De par moy saint Anthoine l'arde !
Je ne luy feray autre laiz.

Item, je laisse a Merebeuf


Et a Nicolas de Louvieux,
A chascun l'escaille d'un oeuf,
Plaine de frans et d'escus vieulx.
Quant au concierge de Gouvieulx,
Pierre de Rousseville, ordonne,
Pour le donner entendre mieulx,
Escuz telz que le Prince donne.

Finablement, en escripvant,
Ce soir, seulet, estant en bonne,
Dictant ces laiz et descripvant,
J'oïs la cloche de Serbonne,
Qui tousjours a neuf heures sonne
Le Salut que l'Ange prédit ;
Si suspendis et mis cy bonne
Pour prier comme le cuer dit.
Ce faisant, je m'entroublié,
Non pas par force de vin boire,
Mon esperit comme lié;
Lors je sentis dame Memoire
Reprendre et mettre en son aumoire
Ses especes collateralles,
Oppinative faulce et voire,
Et autres intellectualles.

Et mesmement l'estimative,
Par quoy prospective nous vient,
Similative, formative,
Desquelz bien souvent il advient
Que, par leur trouble, homme devient
Fol et lunatique par mois :
Je l'ay leu, se bien m'en souvient,
En Aristote aucunes foiz.

Dont le sensitif s'esveilla


Et esvertua Fantasie,
Qui tous organes resveilla,
Et tint la souvraine partie
En suspens et comme amortie
Par oppression d'oubliance
Qui en moy s'estoit espartie
Pour monstrer des sens l'aliance.
Puis que mon sens fut a repos
Et l'entendement demeslé,
Je cuidé finer mon propos;
Mais mon ancre trouvé gelé
Et mon cierge trouvé soufflé;
De feu je n'eusse peu finer ;
Si m'endormis, tout enmouflé,
Et ne peus autrement finer.

Fait au temps de ladite date


Par le bien renommé Villon,
Qui ne menjue figue ne date.
Sec et noir comme escouvillon,
Il n'a tente ne pavillon
Qu'il n'ait laissié a ses amis,
Et n'a mais qu'ung peu de billon
Qui sera tantost a fin mis.
LE TESTAMENT
En l'an de mon trentiesme aage,
Que toutes mes hontes j'eus beues,
Ne du tout fol, ne du tout sage,
Non obstant maintes peines eues,
Lesquelles j'ay toutes receues
Soubz la main Thibault d'Aussigny...
S'evesque il est, seignant les rues,
Qu'il soit le mien je le regny.

Mon seigneur n'est ne mon evesque,


Soubz luy ne tiens, s'il n'est en friche;
Foy ne luy doy n'hommage avecque,
Je ne suis son serf ne sa biche.
Peu m'a d'une petite miche
Et de froide eau tout ung esté;
Large ou estroit, moult me fut chiche :
Tel luy soit Dieu qu'il m'a esté!
Et s'aucun me vouloit reprendre
Et dire que je le mauldis,
Non fais, se bien le scet comprendre;
En riens de luy je ne mesdis.
Vecy tout le mal que j'en dis :
S'il m'a esté misericors,
Jhesus, le roy de Paradis,
Tel luy soit a l'ame et au corps!

Et s'esté m'a dur et cruel


Trop plus que cy ne le raconte,
Je vueil que le Dieu eternel
Luy soit donc semblable à ce compte..
Et l'Eglise nous dit et compte
Que prions pour noz ennemis;
Je vous diray : « J'ay tort et honte,
Quoy qu'il m'ait fait, a Dieu remis! »

Si prieray pour luy de bon cuer,


Par l'ame du bon feu Cotart !
Mais quoy ? ce sera donc par cuer,
Car de lire je suis fetart.
Priere en feray de Picart ;
S'il ne la scet, voise l'aprendre,
S'il m'en croit, ains qu'il soit plus tart
A Douai ou a l'Isle en Flandre !
Combien que s'il veut que l'on prie
Pour luy, foy que doy mon baptesme !
Obstant qu'a chascun ne le crye,
Je ne fauldrai pas a son esme.
Ou Psaultier prens, quant suis a mesme,
Qui n'est de beuf ne cordoen,
Le verselet escript septiesme
De psëaulme Deus laudem.

Si prie au benoist fils de Dieu,


Qu'a tous mes besoings je reclame,
Que ma povre priere ait lieu
Vers luy, de qui tiens corps et ame,
Qui m'a preservé de maint blasme
Et franchy de ville puissance.
Loué soit il, et Nostre Dame,
Et Loys, le bon roy de France !

Auquel doint Dieu l'eur de Jacob


Et de Salmon l'onneur et gloire;
Quant de proesse, il en a trop,
De force aussi, par m'ame ! voire;
En ce monde cy transitoire,
Tant qu'il a de long et de lé,
Affin que de luy soit memoire,
Vivre autant que Mathusalé !
Et douze beaux enfants, tous masles,
Voire de son chier sang royal,
Aussi preux que fut le grant Charles,
Conceus en ventre nupcial,
Bons comme fut sainct Marcial !
Ainsi en preigne au feu Dauphin !
Je ne luy souhaitte autre mal,
Et puis Paradis a la fin.

Et pour ce que foible me sens


Trop plus de biens que de santé,
Tant que je suis en mon plain sens,
Si peu que Dieu m'en a presté,
Car d'autre ne l'ay emprunté,
J'ay ce testament tres estable
Faict, de derniere voulenté,
Seul pour tout et irrevocable.

Escript l'ay l'an soixante et ung,


Que le bon roy me delivra
De la dure prison de Mehun,
Et que vie me recouvra,
Dont suis, tant que mon cuer vivra,
Tenu vers luy m'humilier,
Ce que feray tant qu'il mouvra :
Bienfait ne se doit oublier.
Or est vray qu'après plainz et pleurs
Et angoisseux gemissemens,
Après tristesses et douleurs,
Labeurs et griefz cheminemens,
Travail mes lubres sentemens,
Esguisez comme une pelote,
M'ouvrit plus que tous les Commens
D'Averroas sur Aristote.

Combien qu'au plus fort de mes maulx,


En cheminant sans croix ne pille,
Dieu, qui les pelerins d'Esmaus
Conforta, ce dit l'Evangile,
Me monstra une bonne ville
Et pourveut du don d'esperance ;
Combien que le pecheur soit ville,
Riens ne hayt que perseverance.

Je suis pecheur, je le sçay bien;


Pourtant ne veult pas Dieu ma mort,
Mais convertisse et vive en bien,
Mieulx tout autre qu'en pechié mort.
Combien qu'en pechié soye mort,
Dieu vit, et sa misericorde,
Se conscience me remort,
Par sa grâce pardon m'accorde.
Et, comme le noble Rommant
De la Rose dit et confesse
En son premier commencement
Qu'on doit jeune cuer en jeunesse,
Quant on le voit viel en viellesse,
Excuser, helas ! il dit voir;
Ceulx donc qui me font telle oppresse
En meurté ne me vouldroient veoir.

Se, pour ma mort, le bien publique


D'aucune chose vaulsist mieulx,
A mourir comme ung homme inique
Je me jujasse, ainsi m'ait Dieux !
Grief ne faiz a jeunes n'a vieulx,
Soie sur piez ou soie en biere :
Les mons ne bougent de leurs lieux,
Pour ung povre, n'avant n'arriéré.

Ou temps qu'Alixandre régna,


Ung homs nommé Diomedès
Devant lui on lui amena,
Engrillonné poulces et des
Comme ung larron, car il fut des
Escumeurs que voions courir;
Si fut mis devant ce cadès,
Pour estre jugié a mourir.
L'empereur si l'araisonna :
« Pourquoi es tu
larron en mer ? »
L'autre responce luy donna :
« Pourquoi
larron me faiz nommer?
Pour ce qu'on me voit escumer
En une petiote fuste ?
Se comme toi me peusse armer,
Comme toy empereur je feusse.

« Mais que veux tu ? De ma fortune,


Contre qui ne puis bonnement,
Qui si faulcement me fortune,
Me vient tout ce gouvernement.
Excuse moy aucunement
Et saiche qu'en grand povreté,
Ce mot dit on communement,
Ne gist pas trop grant loyauté. »

Quant l'empereur ot remiré


De Diomedès tout le dit :
« Ta fortune je te mueray
Mauvaise en bonne », si lui dit.
Si fist il. Onc puis ne mesfit
A personne, mais fut vray homme;
Valere pour vray le nous dit,
Qui fut nommé le Grant a Romme.
Se Dieu m'eust donné rencontrer
Ung autre piteux Alixandre
Qui m'eust fait en bon eur entrer,
Et lors qui m'eust veu condescendre
A mal, estre ars et mis en cendre
Jugié me feusse de ma voix.
Necessité fait gens mesprendre
Et faim saillir le loup du bois.

je plaings le temps de ma jeunesse,


Ouquel j'ay plus qu'autre gallé
Jusques a l'entree de viellesse
Qui son partement m'a celé.
Il ne s'en est a pié allé
N'a cheval : helas ! comment don?
Soudainement s'en est voilé
Et ne m'a laissié quelque don.

Allé s'en est, et je demeure,


Povre de sens et de savoir,
Triste, failly, plus noir que meure,
Qui n'ay n'escus, rente, n'avoir ;
Des miens le mendre, je dis voir,
De me desavouer s'avance,
Oubliant naturel devoir
Par faulte d'ung peu de chevance.
Si ne crains avoir despendu
Par friander et par leschier ;
Par trop amer n'ay riens vendu
Qu'amis me puissent reprouchier,
Au moins qui leur couste moult chier.
Je le dy et ne croy mesdire ;
De ce ne me puis revenchier :
Qui n'a mesfait ne le doit dire.

Bien est verte que j'ay amé


Et ameroie voulentiers ;
Mais triste cuer, ventre affamé
Qui n'est rassasié au tiers,
M'oste des amoureux sentiers.
Au fort, quelqu'ung s'en recompence,
Qui est remply sur les chantiers;
Car la dance vient de la pance.

Hé ! Dieu, se j'eusse estudié


Ou temps de ma jeunesse folle,
Et a bonnes meurs dédié,
J'eusse maison et couche molle.
Mais quoi? je fuyoie l'escolle,
Comme fait le mauvais enfant.
En escripvant ceste parolle,
A peu que le cuer ne me fent.
Le dit du Saige trop le feiz
Favorable, bien n'en puis mais,
Qui dit : « Esjoys toy, mon filz,
En ton adolescence » ; mais
Ailleurs sert bien d'ung autres mes,
Car « Jeunesse et adolescence »,
C'est son parler, ne moins ne mais,
« Ne sont qu'abus et ignorance ».

Mes jours s'en sont allez errant


Comme, dit Job, d'une touaille
Font les filetz, quant tisserant
En son poing tient ardente paille :
Lors, s'il y a nul bout qui saille,
Soudainement il le ravit.
Si ne crains plus que riens m'assaille,
Car a la mort tout s'assouvit.

Ou sont les gracieux gallans


Que je suivoye ou temps jadis,
Si bien chantans, si bien parlans,
Si plaisans en faiz et en dis?
Les aucuns sont mors et roidis,
D'eulx n'est il plus riens maintenant :
Repos aient en paradis,
Et Dieu saulve le demourant !
Et les autres sont devenus,
Dieu mercy ! grans seigneurs et maistres ;
Les autres mendient tous nus
Et pain ne voient qu'aux fenestres ;
Les autres sont entrez en cloistres
De Celestins et de Chartreux,
Botez, housez, com pescheurs d'oistres.
Voyez l'estat divers d'entre eux.

Aux grans maistres Dieu doint bien faire,


Vivans en paix et en requoy ;
En eulx il n'y a que refaire,
Si s'en fait bon taire tout quoy.
Mais aux povres qui n'ont de quoy,
Comme moy, Dieu doint patience;
Aux autres ne fault qui ne quoy,
Car assez ont pain et pitance.

Bons vins ont, souvent embrochiez,


Saulces, brouetz et gros poissons,
Tartes, flaons, oefz fritz et pochiez,
Perdus et en toutes façons.
Pas ne ressemblent les maçons,
Que servir fault a si grant peine :
Hz ne veulent nuls eschançons,
De soy verser chascun se peine.
En cest incident me suis mis
Qui de riens ne sert a mon fait;
Je ne suis juge, ne commis
Pour pugnir n'absoudre mesfait :
De tous suis le plus imparfait,
Loué soit le doulx Jhesucrist !
Que par moy leur soit satisfait!
Ce que j'ay escript est escript.

Laissons le moustier ou il est;


Parlons de chose plus plaisante :
Ceste matiere a tous ne plaist,
Ennuyeuse est et deplaisante.
Povreté, chagrine et dolente,
Tousjours despiteuse et rebelle,
Dit quelque parolle cuisante;
S'elle n'ose, si la pense elle.

Povre je suis de ma jeunesse,


De povre et de petite extrace;
Mon pere n'ot oncq grant richesse,
Ne son ayeul, nommé Orace ;
Povreté tous nous suit et trace.
Sur les tombeaulx de mes ancestres,
Les ames desquelz Dieu embrasse,
On n'y voit couronnes ne ceptres.
De povreté me garmentant,
Souventesfois me dit le cuer :
« Homme, ne te doulouse tant
Et ne demaine tel douleur,
Se tu n'as tant que Jaques Cuer :
Mieulx vault vivre soubz gros bureau
Povre, qu'avoir esté seigneur
Et pourrir soubz riche tombeau! »

Qu'avoir esté seigneur !... Que dis?


Seigneur, las! et ne l'est il mais?
Selon les davitiques dis
Son lieu ne congnoistras jamais.
Quant du surplus, je m'en desmetz :
Il n'appartient à moy, pecheur ;
Aux theologiens le remetz,
Car c'est office de prescheur.

Si ne suis, bien le considere,


Filz d'ange portant dyademe
D'estoille ne d'autre sidere.
Mon pere est mort, Dieu en ait l'ame !
Quant est du corps, il gist soubz lame.
J'entens que ma mere mourra,
Et le scet bien la povre femme,
Et le filz pas ne demourra.
Je congnois que povres et riches,
Sages et folz, prestres et laiz,
Nobles, villains, larges et chiches,
Petiz et grans, et beaulx et laiz,
Dames a rebrassez colletz,
De quelconque condicion,
Portans atours et bourreletz,
Mort saisit sans exception.

Et meure Paris ou Helaine,


Quiconques meurt, meurt a douleur
Telle qu'il pert vent et alaine ;
Son fiel se creve sur son cuer,
Puis sue, Dieu scet quelle sueur!
Et n'est qui de ses maux l'alege :
Car enfant n'a, frere ne seur,
Qui lors voulsist estre son plege.

La mort le fait fremir, pallir,


Le nez courber, les vaines tendre,
Le col enfler, la chair mollir,
Joinctes et nerfs croistre et estendre.
Corps femenin, qui tant es tendre,
Poly, souef, si precieux,
Te fauldra il ces maux attendre?
Oy, ou tout vif aller es cieulx.
BALLADE

Dictes moy ou, n'en quel pays,


Est Flora la belle Rommaine,
Archipiades, ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine ;
Echo parlant quant bruyt on maine
Dessus riviere ou sus estan,
Qui beaulté ot trop plus qu'humaine.
Mais ou sont les neiges d'autan ?

Ou est la très sage Helloïs,


Pour qui fut chastrê et puis moyne
Pierre Esbaillart a Saint Denis ?
Pour son amour ot ceste essoyne.
Semblablement, ou est la royne
Qui commanda que Buridan
Fust getê en ung sac en Saine ?
Mais ou sont les neiges d'antan ?

La royne Blanche comme lis


Qui chantoit a voix de seraine,
Berte au grant pié, Bietris, Alis,
Haremburgis qui tint le Maine,
Et Jehanne la bonne Lorraine
Qu'Englois brulerent a Rouan ;
Ou sont ilz, ou, Vierge souvraine ?
Mais ou sont les neiges d'antan ?

Prince, n'enquerez de sepmaine


Ou elles sont, ne de cest an,
Qu'a ce refrain ne vous remaine :
Mais ou sont les neiges d'antan ?

AUTRE BALLADE

Qui plus, ou est le tiers Calixte,


Dernier decedé de ce nom,
Qui quatre ans tint le papaliste ?
Alphonce le roy d'Arragon,
Le gracieux duc de Bourbon,
Et Artus le duc de Bretaigne,
Et Charles septiesme le bon ?
Mais ou est le preux Charlemaigne ?

Semblablement, le roy Scotiste


Qui demy face ot, ce dit on,
Vermeille comme une amatiste
Depuis le front jusqu'au menton ?
Le roy de Chippre de renon,
Helas ! et le bon roy d'Espaigne
Duquel je ne sçay pas le nom ?
Mais ou est le preux Charlemaigne ?
D'en plus parler je me désiste ;
Ce monde n'est qu'abusion.
Il n'est qui contre mort resiste
Ne qu'y treuve provision.
Encor fais une question :
Lancelot le roy de Behaigne,
Ou est il ? Ou est son tayon ?
Mais ou est le preux Charlemaigne ?

Ou est Claquin le bon Breton ?


Ou le comte Daulphin d'Auvergne
Et le bon feti duc d'Alençon ?
Mais ou est le preux Charlemaigne ?

AUTRE BALLADE

Car, ou soit ly sains apostolles,


D'aubes vestus, d'amy coeffez,
Qui ne saint fors saintes estolles
Dont par le col prent ly mauffez
De mal talant tout eschauffez,
Aussi bien meurt filz que servans,
De ceste vie cy bouffez :
Autant en emporte ly vens.
Voire, ou soit de Constantinobles
L'emperieres au poin dorez,
Ou de France ly roy tres nobles
Sur tous autres roys decorez,
Qui pour ly grans Dieux aourez
Bastist eglises et couvens,
S'en son temps il fut honnorez,
Autant en emporte ly vens.

Ou soit de Vienne et de Grenobles


Ly Dauphins, ly preux, ly senez,
Ou de Dijon, Salins et Doles,
Ly sires et ly filz ainsnez,
Ou aidant de leurs gens privez,
Heraulx, trompetes, poursuivans,
Ont ilz bien bouté soubz le nez ?
Autant en emporte ly vens.

Princes a mort sont destinez,


Et tous autres qui sont vivans ;
S'ilz en sont courciez n'ataynez,
Autant en emporte ly vens.

Puis que papes, roys, filz de roys


Et conceus en ventres de roynes,
Sont ensevelis mors et frois,
En autruy mains passent leurs regnes,
Moy, povre mercerot de Renes,
Mourray je pas? Oy, se Dieu plaist ;
Mais que j'aye fait mes estrenes,
Honneste mort ne me desplaist.

Ce monde n'est perpétuel,


Quoy que pense riche pillart :
Tous sommes soubz mortel coutel.
Ce confort prens, povre viellart,
Lequel d'estre plaisant raillart
Ot le bruit, lorsque jeune estoit,
Qu'on tiendroit a fol et paillart,
Se, viel, a railler se mettoit.

Or luy convient il mendier,


Car a ce force le contraint.
Regrete huy sa mort, et hier;
Tristesse son cuer si estraint
Que souvent, n'estoit Dieu qu'il craint,
Il feroit ung orrible fait.
Et advient qu'en ce Dieu enfraint
Et que luy mesmes se desfait.

Car, s'en jeunesse il fut plaisant,


Ores plus riens ne dit qui plaise.
Tousjours viel cinge est desplaisant,
Moue ne fait qui ne desplaise :
S'il se taist, affin qu'il complaise,
Il est tenu pour fol recreu ;
S'il parle, on luy dit qu'il se taise
Et qu'en son prunier n'a pas creu.

Aussi ces povres fameletes


Qui vielles sont et n'ont de quoy,
Quant ilz voient ces pucelletes
Emprunter elles a requoy,
Ilz demandent a Dieu pourquoy
Si tost naquirent, n'a quel droit.
Nostre Seigneur se taist tout quoy,
Car au tancer il le perdroit.

LA VIEILLE EN REGRETANT
LE TEMPS DE SA JEUNESSE

Advis m'est que j'oy regreter


La belle qui fut hëaulmiere,
Soy jeune fille soushaitter
Et parler en telle maniere :
«
Ha ! viellesse felonne et fiere,
Pourquoy m'as si tost abatue ?
Qui me tient, qui, que ne me fiere,
Et qu'a ce coup je ne me tue?
«Tollu m'as la haulte franchise
Que beaulté m'avoit ordonné
Sur clers, marchans et gens d'Eglise :
Car lors il n'estoit homme né
Qui tout le sien ne m'eust donné,
Quoy qu'il en fust des repentailles,
Mais que luy eusse habandonné
Ce que reffusent truandailles.

«A maint homme l'ay reffusé,


Qui n'estoit a moy grant sagesse,
Pour l'amour d'ung garson rusé,
Auquel j'en feiz grande largesse.
A qui que je feisse finesse,
Par m'ame, je l'amoye bien!
Or ne me faisoit que rudesse,
Et ne m'amoit que pour le mien.

« Si ne me sceut tant detrayner,


Fouler aux piez, que ne l'amasse,
Et m'eust il fait les rains trayner,
S'il m'eust dit que je le baisasse,
Que tous maulx je n'oubliasse.
Le glouton, de mal entechié,
M'embrassoit... J'en suis bien plus grasse!
Que m'en reste il? Honte et pechié.
«Or est il mort, passé trente ans,
Et je remains vielle, chenue.
Quant je pense, lasse! au bon temps,
Quelle fus, quelle devenue;
Quant me regarde toute nue,
Et je me voy si tres changiee,
Povre, seiche, megre, menue,
Je suis presque toute enragiee.

« Qu'est devenu ce front poly,


Ces cheveulx blons, sourcils voultiz,
Grant entroeil, le regart joly,
Dont prenoie les plus soubtilz ;
Ce beau nez droit grant ne petiz,
Ces petites joinctes oreilles,
Menton fourchu, cler vis traictiz,
Et ces belles levres vermeilles?

« Ces gentes espaulles menues,


Ces bras longs et ces mains traictisses,
Petiz tetins, hanches charnues,
Eslevees, propres, faictisses
A tenir amoureuses lisses;
Ces larges rains, ce sadinet,
Assis sur grosses fermes cuisses,
Dedens son petit jardinet?
«Le front ridé, les cheveux gris,
Les sourcilz cheus, les yeulx estains,
Qui faisoient regars et ris
Dont mains marchans furent attains ;
Nez courbes de beaulté loingtains,
Oreilles pendans et moussues,
Le vis pally, mort et destains,
Menton froncé, levres peaussues :

« C'est d'umaine beaulté l'issues


!
Les bras cours et les mains contraites,
Les espaulles toutes bossues;
Mamelles, quoy ? toutes retraites;
Telles les hanches que les tetes ;
Du sadinet, fy ! Quant des cuisses,
Cuisses ne sont plus, mais cuissetes
Grivelees comme saulcisses.

«Ainsi le bon temps regretons


Entre nous, povres vielles sotes,
Assises bas, a crouppetons,
Tout en ung tas comme pelotes,
A petit feu de chenevotes
Tost allumées, tost estaintes ;
Et jadis fusmes si mignotes !...
Ainsi eh prent a mains et maintes. »
BALLADE

« Or y pensez, belle Gantiere


Qui m'escoliere soûliez estre,
Et vous, Blanche la Savetiere,
Or est il temps de vous congnoistre.
Prenez a destre et a senestre ;
N'espargnez homme, je vous prie :
Car vielles n'ont ne cours ne estre,
Ne que monnoye qu'on descrie.

« Et vous, la gente Saulciciere


Qui de dancer estes adestre,
Guillemete la Tappiciere,
Ne mesprenez vers vostre maistre ;
Tost vous fauldra clorre fenestre,
Quant deviendrez vielle, flestrie ;
Plus ne servirez qu'ung viel prestre,
Ne que monnoye qu'on descrie.

«Jehanneton la Chapperonniere,
Gardez qu'amy ne vous empestre ;
Et Katherine la Bourciere,
N'envoyez plus les hommes paistre :
Car qui belle n'est, ne perpetre
Leur maie grace, mais leur rie.
Laide viellesse amour n'empestre,
Ne que monnoye qu'on descrie.

« Filles, vueillez vous entremettre


D'escouter pourquoy pleure et crie :
Pour ce que je ne me puis mettre,
Ne que monnoye qu'on descrie. »

Geste leçon icy leur baille


La belle et bonne de jadis;
Bien dit ou mal, vaille que vaille,
Enregistrer j'ay faict ces dis
Par mon clerc Fremin l'estourdis,
Aussi rassis que je puis estre.
S'il me desment, je le mauldis :
Selon le clerc est deu le maistre.

Si apercoy le grant dangier


Ouquel l'homme amoureux se boute...
Et qui me vouldroit laidangier
De ce mot, en disant : « Escoute !
Se d'amer t'estrange et reboute
Le barat d'icelles nommees,
Tu fais une bien folle doubte,
Car ce sont femmes diffamees.
«S'ilz n'ayment fors que pour l'argent,
On ne les ayme que pour l'eure.
Rondement ayment toute gent,
Et rient lors que bource pleure,
D'icelles si n'est qui ne queure ;
Mais en femmes d'onneur et nom
Franc homme, se Dieu me sequeure,
Se doit emploier ; ailleurs, non. »

Je prens qu'aucun dye cecy,


Si ne me contente il en rien.
En effect il conclut ainsy,
Et je le cuide entendre bien,
Qu'on doit amer en lieu de bien.
Assavoir mon se ces filletes
Qu'en parolles toute jour tien
Ne furent ilz femmes honnestes ?

Honnestes furent vraiement,


Sans avoir reproches ne blasmes,
Si est vray qu'au commencement
Une chascune de ces femmes
Lors prindrent, ains qu'eussent diffames,
L'une ung clerc, ung lay, l'autre ung moine,
Pour estaindre d'amours les flammes
Plus chauldes que feu Saint Antoine.
Or firent selon le Decret
Leurs amys, et bien y appert ;
Hz amoient en lieu secret,
Car autre d'eulx n'y avoit part.
Toutesfois, ceste amour se part :
Car celle qui n'en amoit qu'un
D'iceluy s'eslongne et despart,
Et aime mieulx amer chascun.

Qui les meut a ce? J'ymagine,


Sans l'onneur des dames blasmer,
Que c'est nature femenine
Qui tout vivement veult amer.
Autre chose n'y sçay rimer,
Fors qu'on dit a Rains et a Troies,
Voire a l'Isle et a Saint Omer,
Que six ouvriers font plus que trois.

Or ont les faulx amans le bont


Et les dames prins la vollee ;
C'est le droit loyer qu'amours ont :
Toute foy y est viollee,
Quelque doulx baisier n'acollee.
« De chiens, d'oyseaulx, d'armes, d'amours, »
Chascun le dit a la vollee,
« Pour ung plaisir mille doulours. »
DOUBLE BALLADE

Pour ce, amez tant que vouldrez,


Suyvez assemblees et festes.
En la fin ja mieulx n'en vauldrez
Et si n'y romprez que vos testes ;
Folles amours font les gens bestes :
Salmon en ydolatria,
Samson en perdit ses lunetes.
Bien est eureux qui riens n'y a !

Orpheüs, le doux menestrier,


Jouant de fieustes et musetes,
En fut en dangier du murtrier
Chien Cerberus a quatre testes ;
Et Narcisus, le bel honnestes,
En ung parfont puis se noya
Pour l'amour de ses amouretes.
Bien est eureux qui riens n'y a !

Sardana, le preux chevalier,


Qui conquist le regne de Cretes,
En voulut devenir moullier
Et filler entre pucelletes ;
David le roy, sage prophetes,
Crainte de Dieu en oublia,
Voyant laver cuisses bien faites.
Bien est eureux qui riens n'y a !

Amon en voulst deshonnourer,


Baignant de menger tarteletes,
Sa seur Thamar et desflourer,
Qui fut inceste deshonnestes ;
Herodes, pas ne sont sornetes,
Saint Jehan Baptiste en decola
Pour dances, saulx et chansonnetes.
Bien est eureux qui riens n'y a !

De moy, povre, je vueil parler :


J'en fus batu comme a ru toiles,
Tout nu, ja ne le quier celer.
Qui me feist maschier ces groselles,
Fors Katherine de Vausselles ?
Noel le tiers est, qui fut la.
Mitaines a ces nopces telles.
Bien est eureux qui riens n'y a !

Mais que ce jeune bacheler


Laissast ces jeunes bacheletes ?
Non ! et le deust on vif brusler
Comme ung chevaucheur d'escouvetes.
Plus doulces luy sont que civetes ;
Mais toutesfoys fol s'y fya :
Soient blanches, soient brunetes,
Bien est eureux qui riens n'y a !

Se celle que jadis servoie


De si bon cuer et loyaument,
Dont tant de maulx et griefz j'avoie
Et souffroie tant de torment,
Se dit m'eust, au commencement,
Sa voulenté (mais nennil ! las),
J'eusse mis paine aucunement
De moy retraire de ses las.
Quoy que je luy voulsisse dire,
Elle estoit preste d'escouter
Sans m'acorder ne contredire;
Qui plus, me souffroit acouter
Joignant d'elle, pres m'accouter,
Et ainsi m'aloit amusant,
Et me souffroit tout raconter;
Mais ce n'estoit qu'en m'abusant.

Abusé m'a et fait entendre


Tousjours d'ung que ce fust ung aultre,
De farine que ce fust cendre,
D'ung mortier ung chappeau de faultre,
De viel machefer que fust peaultre,
D'ambesars que ce fussent ternes :
Tousjours trompeur autruy enjaultre
Et vent vecies pour lanternes;
Du ciel une paelle d'arain,
Des nues une peau de veau,
Du matin qu'estoit le serain,
D'ung trongnon de chou ung naveau,
D'orde cervoise vin nouveau,
D'une truie ung molin a vent
Et d'une haie ung escheveau,
D'ung gras abbé ung poursuivant.
Ainsi m'ont amours abusé
Et pourmené de l'uys au pesle.
Je croy qu'homme n'est si rusé,
Fust fin comme argent de coepelle,
Qui n'y laissast linge, drap, paelle,
Mais qu'il fust ainsi manyé
Comme moy, qui partout m'appelle
L'amant remys et regnyé.
Je regnie Amours et despite ;
Je deffie a feu et a sang.
Mort par elles me precipite,
Et ne leur en chault pas d'ung blanc.
Ma vielle ay mys soubz le banc;
Amans je ne suyvray jamais :
Se jadis je fus de leur ranc,
Je desclare que n'en suis mais.
Car j'ay mys le plumail au vent :
Or le suyve qui a attente;
De ce me tais doresnavant,
Car poursuivre vueil mon entente.
Et s'aucun m'interroge ou tente
Comment d'Amours j'ose mesdire,
Ceste parolle le contente :
« Qui meurt, a ses loix de tout dire. »

Je congnois approcher ma seuf ;


Je crache, blanc comme coton,
Jacoppins gros comme ung esteuf.
Qu'est ce à dire? que Jehanneton
Plus ne me tient pour valeton,
Mais pour ung viel usé roquart :
De viel porte voix et le ton,
Et ne suys qu'ung jeune coquart.
Dieu mercy et Tacque Thibault,
Qui tant d'eau froide m'a fait boire,
Mis en bas lieu, non pas en hault,
Mengier d'angoisse mainte poire,
Enferré... Quant j'en ay memoire,
Je prie pour luy et reliqua,
Que Dieu luy doint, et voire, voire!
Ce que je pense... et cetera.

Toutesfois, je n'y pense mal


Pour luy, ne pour son lieutenant,
Aussi pour son official,
Qui est plaisant et avenant;
Que faire n'ay du remenant.
Mais du petit maistre Robert ?...
Je les ayme, tout d'ung tenant,
Ainsi que fait Dieu le Lombart.

Si me souvient bien, Dieu mercis,


Que je feis a mon partement
Certains laiz, l'an cinquante six,
Qu'aucuns, sans mon consentement,
Voulurent nommer Testament ;
Leur plaisir fut et non le mien.
Mais quoy ? on dit communement
Qu'ung chascun n'est maistre du sien.
Pour les revoquer ne le dis,
Et y courust toute ma terre;
De pitié ne suis refroidis
Envers le Bastart de la Barre :
Parmi ses trois gluyons de fuerre,
Je luy donne mes vielles nates ;
Bonnes seront pour tenir serre,
Et soy soustenir sur les pates.
S'ainsi estoit qu'aucun n'eust pas
Receu les laiz que je luy mande,
J'ordonne qu'après mon trespas
A mes hoirs en face demande.
Mais qui sont ils? S'on le demande :
Moreau, Provins, Robin Turgis.
De moy, dictes que je leur mande,
Ont eu jusqu'au lit ou je gis.
Somme, plus ne diray qu'ung mot,
Car commencer vueil a tester :
Devant mon clerc Fremin qui m'ot,
S'il ne dort, je vueil protester
Que n'entens homme detester
En ceste presente ordonnance,
Et ne la vueil magnifester
Si non ou royaume de France.

Je sens mon cuer qui s'affoiblit


Et plus je ne puis papier.
Fremin, sié toy pres de mon lit,
Que l'on ne me viengne espier ;
Prens ancre tost, plume et papier;
Ce que nomme escry vistement,
Puys fay le partout coppier ;
Et vecy le commancement.
Ou nom de Dieu, Pere eternel,
Et du Filz que Vierge parit,
Dieu au Pere coeternel,
Ensemble le Saint Esperit,
Qui sauva ce qu'Adam perit
Et du pery pare les cieulx...
Qui bien ce croit, peu ne merit,
Gens mors estre faiz petiz dieux.

Mors estoient, et corps et ames,


En dampnee perdicion,
Corps pourris et ames en flammes,
De quelconque condicion.
Toutesfois, fais excepcion
Des patriarches et prophetes ;
Car, selon ma concepcion,
Oncques n'eurent grant chault aux fesses.
Qui me diroit : « Qui vous fait metre
Si très avant ceste parolle,
C'est de Jhesus la parabolle
Touchant du Riche ensevely
En feu, non pas en couche molle,
Et du Ladre de dessus luy.
Se du Ladre eust veu le doit ardre,
Ja n'en eust requis refrigere,
N'au bout d'icelluy doit aherdre
Pour rafreschir sa maschouëre.
Pyons y feront mate chiere,
Qui boyvent pourpoint et chemise,
Puis que boiture y est si chiere.
Dieu nous en gart ! bourde jus mise.

Ou nom de Dieu, comme j'ay dit,


Et de sa glorieuse Mere,
Sans pechié soit parfait ce dit
Par moy, plus megre que chimere ;
Se je n'ay eu fievre enfumere,
Ce m'a fait divine clemence ;
Mais d'autre dueil et perte amere
Je me tais, et ainsi commence.
Premier, je donne ma povre ame
A la benoiste Trinité,
Et la commande a Nostre Dame,
Chambre de la divinité,
Priant toute la charité
Des dignes neuf Ordres des cieulx
Que par eulx soit ce don porté
Devant le Trosne precieux.
Item, mon corps j'ordonne et laisse
A nostre grant mere la terre;
Les vers n'y trouveront grant gresse,
Trop luy a fait fain dure guerre.
Or luy soit délivré grant erre :
De terre vint, en terre tourne;
Toute chose, se par trop n'erre,
Voulentiers en son lieu retourne.

Item, et a mon plus que pere,


Maistre Guillaume de Villon,
Qui esté m'a plus doulx que mere
A enfant levé de maillon :
Degeté m'a de maint bouillon,
Et de cestuy pas ne s'esjoye,
Si luy requier a genouillon
Qu'il m'en laisse toute la joye ;

Je luy donne ma librairie,


Et le Rommant du Pet au Deable,
Lequel maistre Guy Tabarie
Grossa qui est homs veritable ;
Par cayers est soubz une table.
Combien qu'il soit rudement fait,
La matière est si très notable
Qu'elle amende tout le mesfait.

Item, donne a ma povre mere


Pour saluer Nostre Maistresse,
Qui pour moy ot douleur amere,
Dieu le scet, et mainte tristesse :
Autre chastel n'ay, ne fortresse,
Ou me retraye corps et ame,
Quant sur moy court malle destresse,
Ne ma mere, la povre femme !

BALLADE

Dame des cieulx, regente terrienne,


Emperiere des infernaux palus,
Recevez moy, vostre humble chrestienne,
Que comprime soye entre vos esleus,
Ce non obstant qu'oncques rien ne valus.
Les biens de vous, Ma Dame et Ma Maistresse,
Sont trop plus grans que ne suis pecheresse,
Sans lesquelz biens ame ne peut merir
N'avoir les cieulx, je n'en suis jangleresse.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.
A vostre Filz dictes que je suis sienne ;
De luy soyent mes pecbiez abolus ;
Pardonne moy comme a l'Egipcienne,
Ou comme il feist au clerc Theophilus,
Lequel par vous fut quitte et absolus,
Combien qu'il eust au deable fait promesse.
Preservez moi que face jamais ce,
Vierge portant, sans rompure encourir,
Le sacrement qu'on celebre a la messe.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.

Femme je suis povrette et ancienne,


Qui riens ne sçay ; oncques lettres ne leus.
Au moustier voy dont suis paroissienne
Paradis paint, ou sont harpes et lus,
Et ung enfer ou dampnez sont boullus :
L'ung me fait paour, l'autre joye et liesse.
La joye avoir me fay, haulte Deesse,
A qui pecheurs doivent tous recourir,
Comblez de foy, sans fainte ne paresse.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.

Vous portastes, digne Vierge, princesse,


Iesus regnant qui n'a ne fin ne cesse.
Le Tout Puissant, prenant nostre foiblesse,
Laissa les cieulx et nous vint secourir,
Offrit a mort sa tres chiere jeunesse ;
Nostre Seigneur tel est, tel le confesse.
En ceste foy je vueil vivre et mourir.

Item, m'amour, ma chiere rose,


Ne luy laisse ne cuer ne foye ;
Elle ameroit mieulx autre chose,
Combien qu'elle ait assez monnoye.
Quoy ? une grant bource de soye,
Plaine d'escuz, parfonde et large;
Mais pendu soit il, que je soye,
Qui luy lairra escu ne targe.

Car elle en a, sans moy, assez.


Mais de cela il ne m'en chault ;
Mes plus grans dueilz en sont passez,
Plus n'en ay le croppion chault.
Si m'en desmetz aux hoirs Michault,
Qui fut nommé le Bon Fouterre ;
Priez pour luy, faictes ung sault :
A Saint Satur gist, soubz Sancerre.

Ce non obstant, pour m'acquitter


Envers Amours, plus qu'envers elle,
Car onques n'y peuz acquester
D'espoir une seule étincelle
(Je ne sçay s'a tous si rebelle
A esté, ce m'est grand esmoy ;
Mais, par sainte Marie la belle!
Je n'y voy que rire pour moy),

Ceste ballade luy envoye


Qui se termine tout par R.
Qui luy portera? Que je voye.
Ce sera Pernet de la Barre,
Pourveu, s'il rencontre en son erre
Ma damoiselle au nez tortu,
Il luy dira, sans plus enquerre :
« Orde paillarde, dont viens tu? »

BALLADE

Faulse beauté qui tant me couste chier,


Rude en effect, ypocrite doulceur,
Amour dure plus que fer a maschier,
Nommer que puis, de ma desfaçon seur,
Cherme felon, la mort d'ung povre cuer,
Orgueil mussié qui gens met au mourir,
Yeulx sans pitié, ne veult droicte Rigueur,
Sans empirer, ung povre secourir.
Mieulx m'eust valu avoir esté serchier
Ailleurs secours : c'eust esté mon onneur ;
Riens ne m'eust sceu hors de ce fait hachier.
Trotter m'en fault en fuyte a deshonneur.
Haro, haro, le grant et le mineur !
Et qu'est ce cy ? Mourray sans coup ferir,
Ou Pitié veult, selon ceste teneur,
Sans empirer, ung povre secourir.

Vng temps viendra qui fera dessechier,


Iaunir, flestrir vostre espanye fleur ;
le m'en risse, se tant peusse marchier
Lors ; mais nennil, ce seroit donc foleur :
Las, viel seray ; vous, laide, sans couleur,
Or beuvez fort, tant que ru peut courir ;
Ne donnez pas a tous ceste douleur,
Sans empirer, ung povre secourir.

Prince amoureux, des amans le greigneur,


Vostre mal gré ne vouldroye encourir,
Mais tout franc cuer doit pour Nostre Seigneur,
Sans empirer, ung povre secourir.

Item, a maistre Ythier Marchant,


Auquel mon branc laissai jadis,
Donne, mais qu'il le mette en chant,
Ce lay contenant des vers dix,
Et au luz, ung De profundis
Pour anciennes amours
ses
Desquelles le nom je ne dis,
Car il me hairoit a tous jours.

LA Y

Mort, j'appelle de ta rigueur,


Qui m'as ma maistresse ravie,
Et n'es pas encore assouvie
Se tu ne me tiens en langueur :
Onc puis n'eus force ne vigueur ;
Mais que te nuysoit elle en vie,
Mort ?

Deux estions et n'avions qu'ung cuer ;


S'il est mort, force est que devie,
Voire, ou que je vive sans vie
Comme les images, par cuer,
Mort ?

Item, a maistre Jehan Cornu


Autre nouveau lais lui vueil faire,
Car il m'a tous jours secouru
A mon grant besoing et affaire ;
Pour ce, le jardin luy transfere,
Que maistre Pierre Bobignon
M'arenta, en faisant refaire
L'uys et redrecier le pignon.
Par faulte d'ung uys, j'y perdis
Ung grez et ung manche de houe.
Alors huit faulcons, non pas dix,
N'y eussent pas prins une aloue.
L'ostel est seur, mais qu'on le cloue.
Pour enseigne y mis ung havet ;
Qui que l'ait prins, point ne l'en loue :
Sanglante nuyt et bas chevet !
Item, et pour ce que la femme
De maistre Pierre Saint Amant
( Combien, se coulpe y a a l'ame,
Dieu luy pardonne doulcement !)
Me mist ou renc de cayement,
Pour le Cheval Blanc qui ne bouge
Luy changeray une jument,
Et la Mulle a ung asne rouge.
Item, donne a sire Denis
Hesselin, esleu de Paris,
Quatorze muys de vin d'Aulnis
Prins sur Turgis a mes perilz.
S'il en beuvoit tant que peris
En fust son sens et sa raison,
Qu'on mette de l'eau es barilz :
Vin pert mainte bonne maison.
Item, donne a mon advocat,
Maistre Guillaume Charruau,
Quoy ? que Marchant ot pour estat,
Mon branc ; je me tais du fourreau.
Il aura, o ce, ung rëau
En change, affin que sa bource enfle,
Prins sur la chaussee et carreau
De la grant cousture du Temple.
Item, mon procureur Fournier
Aura pour toutes ses corvees
(Simple seroit de l'espargnier)
En ma bource quatre havees,
Car maintes causes m'a sauvees,
Justes, ainsi, Jhesu Christ m'aide !
Comme elles ont été trouvees ;
Mais bon droit a bon mestier d'aide.

Item, je donne a maistre Jaques


Raguier le Grant Godet de Greve,
Pourveu qu'il paiera quatre plaques,
Deust il vendre, quoy qu'il luy griefve,
Ce dont on cueuvre mol et greve,
Aller sans chausse, en eschappin,
Se sans moy boit, assiet ou lieve,
Au trou de la Pomme de Pin.
Item, quant est de Merebeuf
Et de Nicolas de Louviers,
Vache ne leur donne ne beuf,
Car vachiers ne sont ne bouviers,
Mais gens a porter esperviers,
Ne cuidez pas que je me joue,
Et pour prendre perdris, plouviers,
Sans faillir, sur la Machecoue.

Item, viengne Robin Turgis


A moy, je luy paieray son vin;
Combien, s'il treuve mon logis,
Plus fort sera que le devin.
Le droit luy donne d'eschevin,
Que j'ay comme enfant de Paris :
Se je parle ung peu poictevin,
Ice m'ont deux dames apris.
Elles sont très belles et gentes,
Demourans a Saint Generou
Pres Saint Julien de Voventes,
Marche de Bretaigne ou Poictou.
Mais i ne di proprement ou
Yquelles passent tous les jours;
M'arme ! i ne seu mie si fou,
Car i vueil celer mes amours.
Item, a Jehan Raguier je donne,
Qui est sergent, voire des Douze,
Tant qu'il vivra, ainsi l'ordonne,
Tous les jours une tallemouse,
Pour bouter et fourrer sa mouse,
Prinse a la table de Bailly ;
A Maubué sa gorge arrouse,
Car au mengier n'a pas failly.
Item, donne au Prince des Sotz
Pour ung bon sot Michault du Four,
Qui a la fois dit de bons motz
Et chante bien « Ma doulce amour! »
Il aura, o ce, le bonjour;
Brief, mais qu'il fust ung peu en point,
Il est ung droit sot de sejour,
Et est plaisant ou il n'est point.
Item, aux Unze Vingt Sergens
Donne, car leur fait est honneste
Et sont bonnes et doulces gens,
Denis Richier et Jehan Vallette,
A chascun une grant cornete
Pour pendre a leurs chappeaulx de faultre ;
J'entens a ceulx a pié, hohete !
Car je n'ay que faire des autres.
De rechief, je donne a Pernet,
J'entens le Bastart de la Barre,
Pour ce qu'il est beau filz et net,
En son escu, en lieu de barre,
Trois dez plombez, de bonne carre,
O ung beau joly jeu de cartes.
Mais quoy ? s'on l'oyt vecir ne poirre,
En oultre aura les fievres quartes.
Item, ne vueil plus que Cholet
Dolle, trenche, douve ne boise,
Relie broc ne tonnelet,
Mais tous ses houstilz changier voise
A une espee lyonnoise,
Et retiengne le hutinet :
Combien qu'il n'ayme bruyt ne noise,
Si luy plaist il ung tantinet.

Item, je donne a Jehan le Lou,


Homme de bien et bon marchant,
Pour ce qu'il est linget et flou,
Et que Cholet est mal serchant,
Ung beau petit chiennet couchant
Qui ne lairra poulaille en voye,
Ung long tabart et bien cachant
Pour les mussier, qu'on ne les voye.
Item, a l'Orfevre de Bois,
Donne cent clouz, queues et testes,
De gingembre sarrazinois,
Non pas pour acomplir ses boetes,
Mais pour conjoindre culz et coetes,
Et couldre jambons et andoulles,
Tant que le lait en monte es tetes
Et le sang en devalle es coulles.
Au cappitaine Jehan Riou,
Tant pour luy que pour ses archiers,
Je donne six hures de lou,
Qui n'est pas vïande a porchiers,
Prins a gros mastins de bouchiers,
Et cuites en vin de buffet.
Pour mengier de ces morceaulx chiers,
On en feroit bien ung malfait.
C'est vïande ung peu plus pesante
Que duvet, ne plume, ne liege.
Elle est bonne a porter en tente,
Ou pour user en quelque siege.
S'ilz estoient prins en un piege,
Que ces mastins ne sceussent courre,
J'ordonne, moy qui suis son miege,
Que des peaulx, sur l'iver, se fourre.
Item, a Robinet Trascaille,
Qui en service s'est bien fait :
A pié ne va comme une caille,
Mais sur rouan gros et reffait ;
Je luy donne, de mon buffet,
Une jatte qu'emprunter n'ose ;
Si aura mesnage parfait :
Plus ne luy falloit autre chose.

Item, donne à Perrot Girart,


Barbier juré du Bourg la Royne,
Deux bacins et ung coquemart,
Puis qu'a gaignier met telle paine.
Des ans y a demie douzaine
Qu'en son hostel de cochons gras
M'apatella une sepmaine,
Tesmoing l'abesse de Pourras.
Item, aux Freres mendians,
Aux Devotes et aux Beguines,
Tant de Paris que d'Orleans,
Tant Turlupins que Turlupines,
De grasses souppes jacoppines
Et flaons leur fais oblacion ;
Et puis après, soubz les courtines,
Parler de contemplacion.
Si ne suis je pas qui leur donne,
Mais de tous enffans sont les meres,
Et Dieu, qui ainsi les guerdonne,
Pour qui seuffrent paines ameres,
Il faut qu'ilz vivent, les beaulx peres,
Et mesmement ceulx de Paris.
S'ilz font plaisir a nos commeres,
Ilz ayment ainsi leurs maris.
Quoy que maistre Jehan de Poullieu
En voulsist dire et reliqua,
Contraint et en publique lieu,
Voulsist ou non, s'en revoqua.
Maistre Jehan de Mehun s'en moqua;
De leur façon si fist Mathieu ;
Mais on doit honnorer ce qu'a
Honnoré l'Eglise de Dieu.
Si me soubmectz, leur serviteur
En tout ce que puis faire et dire,
A les honnorer de bon cuer
Et obeïr, sans contredire;
L'homme bien fol est d'en mesdire,
Car, soit a part ou en preschier
Ou ailleurs, il ne fault pas dire
Se gens sont pour eux revenchier.

Item, je donne a frere Baude,


Demourant en l'ostel des Carmes,
Portant chiere hardie et baude,
Une sallade et deux guysarmes,
Que Detusca et ses gens d'armes
Ne lui riblent sa caige vert.
Viel est : s'il ne se rent aux armes,
C'est bien le deable de Vauvert.
Item, pour ce que le Scelleur
Maint estront de mouche a maschié,
Donne, car homme est de valeur,
Son seau d'avantage crachié,
Et qu'il ait le poulce escachié,
Pour tout empreindre a une voye ;
J'entens celuy de l'Eveschié,
Car les autres, Dieu les pourvoye !
Quant des auditeurs messeigneurs,
Leur granche ilz auront lambroissee ;
Et ceulx qui ont les culz rongneux,
Chascun une chaire percee ;
Mais qu'a la petite Macee
D'Orleans, qui ot ma sainture,
L'amende soit bien hault tauxee :
Elle est une mauvaise ordure.

Item, donne a maistre Françoys,


Promoteur de la Vacquerie
Ung hault gorgerin d'escossoys,
Toutesfois sans orfaverie ;
Car, quant receut chevallerie,
Il maugrea Dieu et saint George.
Parler n'en oit qu'il ne s'en rie,
Comme enragié, a plaine gorge.
Item, a maistre Jehan Laurens,
Qui a les povres yeulx si rouges
Pour le pechié de ses parens
Qui burent en barilz et courges,
Je donne l'envers de mes bouges
Pour tous les matins les torchier ;
S'il fust arcevesqe de Bourges,
Du sendail eust, mais il est chier.
Item, a maistre Jehan Cotart,
Mon procureur en court d'Eglise,
Devoye environ ung patart,
Car a present bien m'en advise,
Quant chicaner me feist Denise,
Disant que l'avoye mauldite ;
Pour son ame, qu'es cieulx soit mise,
Ceste oroison j'ay cy escripte.

BALLADE

Pere Noé, qui plantastes la vigne,


Vous aussi, Loth, qui bexistes ou rochier,
Par tel party qu'Amours, qui gens engigne,
De voz filles si vous feist approuchier
(Pas ne le dy pour vous le reprouchier),
Archetriclin, qui bien sceustes cest art,
Tous trois vous pry qu'o vous vueillez perchier
L'ame du. bon feu maistre Jehan Cotart.

Jadis extraict il fut de vostre ligne,


Luy qui beuvoit du meilleur et plus chier ;
Et ne deust il avoir vaillant ung pigne,
Certes, sur tous, c'estoit ung bon archier ;
On ne luy sceut pot des mains arrachier ;
De bien boire ne fut oncques fetart.
Nobles seigneurs, ne souffrez empeschier
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart !
Comme homme beu qui chancelle et trepigne
L'ay veu souvent, quant il s'alloit couchier,
Et une fois il se feist une bigne,
Bien m'en souvient, a l'estal d'ung bouchier ;
Brief, on n'eust sceu en ce monde serchier
Meilleur pyon, pour boire tost et tart.
Faictes entrer quant vous l'orrez huchier
L'ame du bon feu maistre Jehan Cotart !
Prince, il n'eust sceu jusqu'à terre crachier ;
Tousjours crioit : « Haro ! la gorge m'art. »
Et si ne sceust oncq sa seuf estanchier,
L'ame du bon feji maistre Jehan Cotart.
Item, vueil que le jeune Merle
Desormais gouverne mon change,
Car de changier envys me mesle,
Pourveu que tousjours baille en change,
Soit a privé soit a estrange,
Pour trois escus six brettes targes,
Pour deux angelotz ung grant ange :
Amans si doivent estre larges.
Item, j'ay sceu en ce voyage
Que mes trois povres orphelins
Sont creus et deviennent en aage
Et n'ont pas testes de belins,
Et qu'enfans d'icy a Salins
N'a mieulx sachans leur tour d'escolle.
Or, par l'ordre des Mathelins,
Telle jeunesse n'est pas folle.

Si vueil qu'ilz voisent a l'estude ;


Ou? sur maistre Pierre Richier.
Le Donat est pour eulx trop rude :
Ja ne les y vueil empeschier.
Ilz sauront, je l'ayme plus chier,
Ave salus, tibi decus,
Sans plus grans lettres enserchier :
Tousjours n'ont pas clers l'au dessus.
Cecy estudient, et ho!
Plus proceder je leur deffens.
Quant d'entendre le grant Credo,
Trop fort il est pour telz enfans.
Mon long tabart en deux je fens ;
Si vueil que la moitié s'en vende
Pour leur en acheter des flaons,
Car jeunesse est ung peu friande.
Et vueil qu'ilz soient informez
En meurs, quoy que couste bature ;
Chaperons auront enformez,
Et les poulces sur la sainture ;
Humbles a toute creature,
Disans Han ? Quoy ? Il n'en est rien!
: « »
Si diront gens, par adventure :
« Vecy enfans de lieu de bien! »

Item, et mes povres clerjons,


Auxquelz mes tiltres resigné :
Beaulx enfans et droiz comme jons
Les voyant, m'en dessaisiné,
Cens recevoir leur assigné,
Seur comme qui l'auroit en paulme,
A ung certain jour consigné,
Sur l'ostel de Gueuldry Guillaume ;
Quoy que jeunes et esbatans
Soient, en riens ne me desplaist :
Dedens trente ans ou quarante ans
Bien autres seront, se Dieu plaist.
Il fait mal qui ne leur complaist ;
Ilz sont très beaulx enfants et gens;
Et qui les bat ne fiert, fol est,
Car enfans si deviennent gens.
Les bources des Dix et Huit Clers
Auront; je m'y vueil travaillier :
Pas ilz ne dorment comme loirs
Qui trois mois sont sans resveillier.
Au fort, triste est le sommeillier
Qui fait aisier jeune en jeunesse
Tant qu'en fin lui vaille veillier,
Quant reposer deust en viellesse.
Si en escrips au collateur
Lettres semblables et pareilles :
Or prient pour leur bienfaiteur,
Ou qu'on leur tire les oreilles.
Aucunes gens ont grans merveilles
Que tant m'encline vers ces deux;
Mais, foy que doy festes et veilles,
Oncques ne vy les meres d'eulx !
Item, donne a Michault Cul d'Oue
Et a Sire Chariot Taranne
Cent solz (s'ilz demandent : « Prins ou?
Ne leur chault : ils viendront de manne)
Et unes houses de basanne,
Autant empeigne que semelle,
Pourveu qu'ilz me salueront Jehanne,
Et autant une autre comme elle.
Item, au seigneur de Grigny,
Auquel jadis laissay Vicestre,
Je donne la tour de Billy
Pourveu, se huys y a ne fenestre
Qui soit ne debout ne en estre,
Qu'il mette très bien tout a point.
Face argent a destre, a senestre :
Il m'en fault et il n'en a point.
Item, a Thibault de la Garde...
Thibault? je mens, il a nom Jehan ;
Que luy donray je, que ne perde?
(Assez ay perdu tout cest an;
Dieu y vueille pourveoir, amen!)
Le Barillet, par m'ame, voire !
Genevoys est plus ancien
Et a plus beau nez pour y boire.
Item, je donne à Basanier,
Notaire et greffier criminel,
De giroffle plain ung pannier
Prins sur maistre Jehan de Reynel.
Tant a Mautaint, tant a Rosnel ;
Et, avec ce don de giroffle,
Servir de cuer gent et ysnel
Le seigneur qui sert saint Cristofle.
Auquel ceste ballade donne
Pour sa dame, qui tous biens a;
S'Amour ainsi tous ne guerdonne,
Je ne m'esbays de cela,
Car au pas conquester l'ala
Que tint Regnier, roy de Cecille,
Ou si bien fist et peu parla
Qu'onques Hector fist ne Troïlle.

BALLADE

Au poinct du jour, que l'esprevier se bat,


Meu de plaisir et par noble coustume,
Bruit la maulvis et de joye s'esbat,
Reçoit son per et se joingt a sa plume,
Offrir vous vueil, a ce désir m'alume,
Ioyeusement ce qu'aux amans bon semble.
Sachiez qu'Amour l'escript en son volume.
Et c'est la fin pour quoy sommes ensemble.

Dame serez de mon cuer sans debat,


Entierement, jusques mort me consume.
Lorier souef qui pour mon droit combat,
Olivier franc, m'ostant toute amertume,
Raison ne veult que je desacoustume,
Et en ce vueil avec elle m'assemble
De vous servir, mais que m'y acoustume ;
Et c'est la fin pour quoy sommes ensemble.
Et qui plus est, quant dueil sur moy s'embat,
Par Fortune qui souvent si se fume,
Vostre doulx oeil sa malice rabat,
Ne mais ne moins que le vent fait la plume.
Si ne pers pas la graine que je sume
En vostre champ, quant le fruit me ressemble.
Dieu m'ordonne que le fouysse et fume ;
Et c'est la fin pour quoy sommes ensemble.
Princesse, oyez ce que cy vous resume :
Que le mien cuer du vostre desassemble
Ja ne sera ; tant de vous en presume ;
Et c'est la fin pour quoy sommes ensemble.
Item, a sire Jehan Perdrier,
Riens, n'a Françoys, son secont frere.
Si m'ont tous jours voulu aidier,
Et de leurs biens faire confrere ;
Combien que Françoys, mon compere,
Langues cuisant, flambans et rouges,
My commandement my priere,
Me recommanda fort a Bourges.

Si allé veoir en Taillevent,


Ou chappitre de fricassure,
Tout au long, derriere et devant,
Lequel n'en parle jus ne sure.
Mais Macquaire, je vous asseure,
A tout le poil cuisant ung deable,
Affin qu'il sentist bon l'arsure,
Ce recipe m'escript, sans fable.

BALLADE

En reagal, en arcenic rochier,


En orpiment, en salpestre et chaulx vive,
En plomb boullant pour mieulx les esmorchier,
En suif et poix destrempez de lessive
Faicte d'estrons et de pissat de juifve,
En lavaille de jambes a meseaulx,
En racleure de piez et viels bouseaulx,
En sang d'aspic et telz drogues vlimeuses,
En fiel de loups, de regnars et blereaulx,
Soient frittes ces langues envieuses !

En cervelle de chat qui hayt peschier,


Noir, et si viel qu'il n'ait dent en gencive,
D'ung viel mastin, qui vault bien aussi chier,
Tout enragié, en sa bave et salive,
En l'escume d'une mulle poussive
Detrenchiee menu a bons ciseaulx,
En eaue ou ratz plongent groings et museaulx,
Raines, crappaulx, telz bestes dangereuses,
Serpens, lesars, et telz nobles oyseaulx,
Soient frittes ces langues envieuses !

En sublimé, dangereux a touchier,


Et ou nombril d'une couleuvre vive,
En sang qu'on voit es palletes sechier
Sur ces barbiers, quant plaine lune arrive,
Dont l'ung est noir, l'autre plus vert que cive,
En chancre et fiz, et en ces ors cuveaulx
Ou nourrisses essangent leurs drappeaulx,
En petiz baings de filles amoureuses
(Qui ne m'entent n'a suivy les bordeaulx),
Soient frittes ces langues envieuses !

Prince, passez tous ces frians morceaulx,


S'estamine n'avez, sacs ne bluteaulx,
Parmy le fons d'unes brayes breneuses ;
Mais, par avant, en estrons de pourceaulx
Soient frittes ces langues envieuses !

Item, a maistre Andry Courault,


« Les Contrediz Franc Gontier » mande ;
Quant du tirant seant en hault,
A cestuy la riens ne demande.
Le Saige ne veult que contende
Contre puissant povre homme las,
Affin que ses filiez ne tende
Et que ne trebuche en ses las.
Gontier n'est craint : il n'a nuls hommes
Et mieulx que moy n'est hérité ;
Mais en ce debat cy nous sommes
Car il loue sa povreté,
Estre povre yver et esté,
Et a felicité repute
Ce que tiens a maleureté.
Lequel a tort? Or en dispute.

BALLADE

Sur mol duvet assis, ung gras chanoine,


Les ung brasier, en chambre bien natee,
A son costê gisant dame Sidoine,
Blanche, tendre, polie et attintee,
Boire ypocras, a jour et a nuytee,
Rire, jouer, mignonner et baisier,
Et nu a nu, pour mieulx des corps s'aisier,
Les vy tous deux, par ung trou de mortaise :
Lors je congneus que, pour dueil appaisier,
Il n'est trésor que de vivre a son aise.
Se Franc Gontier et sa compaigne Helaine
Eussent ceste doulce vie hantee,
D'ongnons, civotz, qui causent fort alaine,
N'acontassent une bise tostee.
Tout leur mathon, ne toute leur potee,
Ne prise ung ail, je le dy sans noysier.
S'ilz se vantent couchier soubz le rosier,
Lequel vault mieulx ? Lict costoyé de chaise.
Qu'en dites vous ? Faut il a ce musier ?
Il n'est trésor que de vivre a son aise.

De gros pain bis vivent, d'orge, d'avoine,


Et boivent eaue tout au long de l'anee.
Tous les oyseaulx d'icy en Babiloine
A tel escot une seule journee
Ne me tiendraient, non une matinee.
Or s'esbate, de par Dieu, Franc Gontier,
Helaine o luy, soubz le bel esglantier :
Se bien leur est, n'ay cause qu'il me poise ;
Mais, quoy que soit du laboureux mestier,
Il n'est trésor que de vivre a son aise.

Prince, jugiez, pour tous nous accorder.


Quant est a moy, mais qu'a nul n'en desplaise,
Petit enfant, j'ay oy recorder :
Il n'est trésor que de vivre a son aise.
Item, pour ce que scet sa Bible
Madamoiselle de Bruyeres,
Donne preschier, hors l'Evangile,
A elle et a ses bachelieres,
Pour retraire ces villotieres
Qui ont le bec si affilié,
Mais que ce soit hors cymetieres,
Trop bein au Marchié au fillé.

BALLADE

Quoy qu'on tient belles langagieres


Florentines, Veniciennes,
Assez pour estre messagieres,
Et mesmement les anciennes
;
Mais, soient Lombardes, Rommaines,
Genevoises, a mes perilz,
Pimontoises, Savoisiennes,
Il n'est bon bec que de Paris.

De tres beau parler tiennent chaieres,


Ce dit on, les Neapolitaines,
Et sont tres bonnes caquetieres
Allemandes et Pruciennes ;
Soient Grecques, Egipciennes,
De Hongrie ou d'autre pays,
Espaignolles ou Cathelennes,
Il n'est bon bec que de Paris.
Brettes, Suysses, n'y sçavent guieres,
Gasconnes, n'aussi Toulousaines :
De Petit Pont deux haranguieres
Les concluront, et les Lorraines,
Engloises et Calaisiennes,
(Ay je beaucoup de lieux compris ?)
Picardes de Valenciennes ;
Il n'est bon bec qtie de Paris.
Prince, aux dames Parisiennes
De beau parler donne le pris ;
Quoy qu'on die d'Italiennes,
Il n'est bon bec que de Paris.
Regarde m'en deux, trois, assises
Sur le bas du ply de leurs robes,
En ces moustiers, en ces eglises ;
Tire toy pres, et ne te hobes ;
Tu trouveras la que Macrobes
Oncques ne fist tels jugemens.
Entens ; quelque chose en desrobes :
Ce sont très beaulx enseignemens.
Item, et au mont de Montmartre,
Qui est ung lieu moult ancien,
Je luy donne et adjoings le tertre
Qu'on dit le mont Valerien,
Et, oultre plus, ung quartier d'an
Du pardon qu'apportay de Romme :
Si ira maint bon crestien
Voir l'abbaye ou il n'entre homme.

Item, varletz et chamberieres


De bons hostelz (riens ne me nuyt)
Feront tartes, flaons et goyeres,
Et grant raillias a mynuit :
Riens n'y font sept pintes ne huit,
Tant que gisent seigneur et dame.
Puis après, sans mener grant bruit,
Je leur ramentoy le jeu d'asne.

Item, et a filles de bien,


Qui ont peres, meres et antes,
Par m'ame ! je ne donne rien,
Car j'ay tout donné aux servantes.
Si fussent ilz de peu contentes,
Grant bien leur fissent mains loppins,
Aux povres filles advenentes
Qui se perdent aux Jacoppins,
Aux Celestins et aux Chartreux ;
Quoy que vie mainent estroite,
Si ont ilz largement entre eulx,
Dont povres filles ont souffrete :
Tesmoing Jaqueline et Perrete
Et Ysabeau qui dit : « Enné ! »
Puis qu'ilz en ont telle disette,
A paine en seroit on damné.

Item, a la grosse Margot,


Tres doulce face et pourtraicture,
Foy que doy brelare bigod,
Assez devote creature ;
Je l'aime de propre nature,
Et elle moy, la doulce sade :
Qui la trouvera d'aventure,
Qu'on luy lise ceste ballade.

BALLADE

Se j'ayme et sers la belle de bon hait,


M'en devez vous tenir a vil ne sot ?
Elle a en soy des biens a fin souhait.
Pour son amour sains bouclier et passot ;
Quant viennent gens, je cours et happe ung pot,
Au vin m'en fuis, sans demener grant bruit ;
Je leur tens eaue, frommage, pain et fruit.
S'ilz paient bien, je leur dis : « Bene stat ;
Retournez cy, quant vous serez en ruit,
En ce bordeau ou tenons nostre estat !»
Mais adoncqties il y a grant deshait,
Quant sans argent s'en vient couchier Margot ;
Veoir ne la puis, mon cuer a mort la hait.
Sa robe prens, demy saint ou surcot,
Si luy jure qu'il tiendra pour l'escot.
Par les costés se prent, c'est Antecrist.
Crie, et jure, par la mort Jhesticrist,
Que non sera. Lors j'empongne ung esclat ;
Dessus son nez luy en fais ung escript,
En ce bordeau ou tenons nostre estat.
Puis paix se fait, et me fait ung gros pet
Plus enflambé qu'ung vlimeux escharbot.
Riant, m'assiet son poing sur mort sommet,
Gogo me dit, et me fiert le jambot.
Tous deux yvres, dormons comme ung sabot.
Et, au resveil, quant le ventre luy bruit,
Monte sur moy, que ne gaste son fruit.
Soubz elle geins, plus qu'un aiz me fait plat ;
De paillarder tout elle me destruit,
En ce bordeau ou tenons nostre estat.
Vente, gresle, gelle, j'ay mon pain cuit.
Ie suis paillart, la paillarde me duit.
Lequel vault mieulx ? Chascun bien s'entresuit.
L'ung vault l'autre ; c'est a mau chat mau rat.
Ordure amons, ordure nous assuit ;
Nous deffuyons onneur, il nous deffuit,
En ce bordeau ou tenons nostre estat.

Item, a Marion l'Ydolle


Et la grant Jehanne de Bretaigne
Donne tenir publique escolle
Ou l'escollier le maistre enseigne.
Lieu n'est ou ce marchié se tiengne,
Si non en la grisle de Mehun ;
De quoy je dis : « Fy de l'enseigne,
Puis que l'ouvraige est si commun ! »

Item, et a Noël Jolis,


Autre chose je ne luy donne
Fors plain poing d'osiers frez cueillis
En mon jardin; je l'abandonne.
Chastoy est une belle aulmosne,
Ame n'en doit estre marry :
Unze vings coups luy en ordonne
Livrez par la main de Henry.
Item, ne sçay qu'a l'Ostel Dieu
Donner, n'a povres hospitaulx ;
Bourdes n'ont icy temps ne lieu,
Car povres gens ont assez maulx.
Chascun leur envoyé leurs os.
Les Mendians ont eu mon oye ;
Au fort, ilz en auront les os :
A menue gent menue monnoye.

Item, je donne a mon barbier,


Qui se nomme Colin Galerne,
Pres voisin d'Angelot l'erbier,
Ung gros glasson (prins ou? en Marne),
Affin qu'a son ayse s'yverne.
De l'estomac le tiengne pres ;
Se l'yver ainsi se gouverne,
Ja n'aura chault l'esté d'après.

Item, riens aux Enfans Trouvez :


Mais les perdus faut que consolle.
Si doivent estre retrouvez,
Par droit, sur Marion l'Ydolle.
Une leçon de mon escolle
Leur liray, qui ne dure guere.
Teste n'ayent dure ne folle;
Escoutent ! car c'est la derniere.
« Beaulx enfans, vous perdez la plus
Belle rose de vo chappeau ;
Mes clers pres prenans comme glus,
Se vous allez a Montpipeau
Ou a Rueil, gardez la peau :
Car, pour s'esbatre en ces deux lieux,
Cuidant que vaulsist le rappeau,
La perdit Colin de Cayeux.

« Ce n'est pas ung jeu de trois mailles,


Ou va corps, et peut estre l'ame.
Qui pert, riens n'y sont repentailles
Qu'on n'en meure a honte et diffame ;
Et qui gaigne n'a pas a femme
Dido la royne de Cartage.
L'homme donc est fol et infame
Qui, pour si peu, couche tel gage.

« Qu'ung chascun encore m'escoute !


On dit, et il est vérité,
Que charretee se boit toute,
Au feu l'yver, au bois l'esté.
S'argent avez, il n'est enté;
Mais le despendez tost et viste.
Qui en voyez vous herité ?
Jamais mal acquest ne prouffite. »
BALLADE

Car ou soies porteur de bulles,


Pipeur ou hasardeur de dez,
Tailleur de faulx coings, tu te brusles,
Comme ceulx qui sont eschaudez,
Traistres parjurs, de foy vuydez ;
Soies larron, ravis ou pilles,
Ou en va l'acquest, que cuidez ?
Tout aux tavernes et aux filles.

Ryme, raille, cymballe, luttes,


Comme fol, fainctif, eshontez ;
Farce, broidle, joue des fleustes ;
Fais, es villes et es citez,
Farces, jeux et moralitez ;
Gaigne au berlanc, au glic, aux quilles.
Aussi bien va, or escoutez !
Tout aux tavernes et aux filles.

De telz ordures te recultes,


Laboure, fauche champs et prez,
Sers et pense chevaux et mulles,
S'aucunement tu n'es lettrez ;
Assez auras, se prens en grez.
Mais, se chanvre broyes ou tilles,
Ne tens ton labour qu'as ouvrez
Tout aux tavernes et aux filles.
Chausses, pourpoins esguilletez,
Robes, et toutes vos drappilles,
Ains que vous fassiez pis, portez
Tout aux tavernes et aux filles.
A vous parle, compaings de galle :
Mal des ames et bien du corps,
Gardez vous tous de ce mau hasle
Qui noircist les gens quant sont mors;
Eschevez le, c'est ung mal mors;
Passez vous en mieulx que pourrez;
Et, pour Dieu, soiez tous recors
Qu'une fois viendra que mourrez.
Item, je donne aux Quinze Vings
(Qu'autant vauldroit nommer Trois Cens)
De Paris, non pas de Provins,
Car a eulx tenu je me sens;
Ilz auront, et je m'y consens,
Sans les estuys, mes grans lunettes,
Pour mettre à part, aux Innocens,
Les gens de bien des deshonnestes.
Icy n'y a ne ris ne jeu.
Que leur vault avoir eu chevances,
N'en grans lis de parement jeu,
Engloutir vins en grosses pances,
Mener joye, festes et dances,
Et de ce prest estre a toute heure?
Toutes faillent telles plaisances,
Et la coulpe si en demeure.

Quant je considere ces testes


Entassées en ces charniers,
Tous furent maistres des requestes,
Au moins de la Chambre aux Deniers,
Ou tous furent portepanniers :
Autant puis l'ung que l'autre dire,
Car d'evesques ou lanterniers
Je n'y congnois riens a redire.

Et icelles qui s'enclinoient


Unes contre autres en leurs vies,
Desquelles les unes regnoient
Des autres craintes et servies,
La les voy toutes assouvies,
Ensemble en ung tas peslemesle.
Seigneuries leur sont ravies;
Clerc ne maistre ne s'y appelle.
Or sont ilz mors, Dieu ait leurs ames !
Quant est des corps, ilz sont pourris.
Aient esté seigneurs ou dames,
Souef et tendrement nourris
De cresme, fromentee ou riz,
Leurs os sont declinez en pouldre,
Auxquelz ne chault d'esbatz ne ris.
Plaise au doulx Jhesus les absouldre !

Aux trespassez je fais ce laiz,


Et icelluy je communique
A regens, cours, sieges, palaiz,
Hayneurs d'avarice l'inique,
Lesquelz pour la chose publique
Se seichent les os et les corps :
De Dieu et de saint Dominique
Soient absols quant seront mors !

Item, riens a Jaquet Cardon,


Car je n'ay riens pour luy d'honneste,
Non pas que le gette habandon,
Sinon ceste bergeronnette ;
S'elle eust le chant « Marionnette »,
Fait pour Marion la Peautarde,
Ou d'« Ouvrez vostre huys, Guillemette »,
Elle allast bien a la moustarde :
L A Y

Au retour de dure prison,


Ou j'ai laissié presque la vie,
Se Fortune a sur moy envie,
Jugiez s'elle fait mesprison !
Il me semble que, par raison,
Elle deust bien estre assouvie
Au retour.

Se si plaine est de desraison


Que vueille que du tout desvie,
Plaise a Dieu que l'ame ravie
En soit lassus en sa maison,
Au retour !

Item, donne a maistre Lomer,


Comme extraict que je suis de fee,
Qu'il soit bien amé (mais d'amer
Fille en chief ou femme coeffee,
Ja n'en ayt la teste eschauffee)
Et qu'il ne luy couste une noix
Faire ung soir cent fois la faffee,
En despit d'Ogier le Danois.
Item, donne aux amans enfermes,
O le lay maistre Alain Chartier,
A leurs chevez, de pleurs et lermes
Trestout fin plain ung benoistier,
Et ung petit brain d'esglantier,
Qui soit tout vert, pour guipillon,
Pourveu qu'ilz diront ung psaultier
Pour l'ame du povre Villon.

Item, a maistre Jaques James,


Qui se tue d'amasser biens,
Donne fiancer tant de femmes
Qu'il vouldra ; mais d'espouser, riens.
Pour qui amasse il? Pour les siens.
Il ne plaint fors que ses morceaulx ;
Ce qui fut aux truyes, je tiens
Qu'il doit de droit estre aux pourceaulx.

Item, sera le Seneschal,


Qui une fois paya mes debtes,
En recompence, mareschal
Pour ferrer oes et canettes.
Je lui envoie ces sornettes
Pour soy desennuyer; combien,
S'il veult, face en des alumettes :
De bien chanter s'ennuye on bien.
Item, au Chevalier du Guet
Je donne deux beaulx petiz pages,
Philebert et le gros Marquet,
Qui très bien servy, comme sages,
La plus partie de leurs aages,
Ont le prevost des mareschaulx.
Helas ! s'ilz sont cassez de gages,
Aller leur fauldra tous deschaulx.

Item, a Chappelain je laisse


Ma chappelle a simple tonsure,
Chargee d'une seiche messe
Ou il ne fault pas grant lecture.
Resigné luy eusse ma cure,
Mais point ne veult de charge d'ames ;
De confesser, ce dit, n'a cure,
Sinon chamberieres et dames.

Pour ce que scet bien mon entente


Jehan de Calais, honnorable homme,
Qui ne me vit des ans a trente
Et ne scet comment je me nomme,
De tout ce testament, en somme,
S'aucun y a difficulté,
Oster jusqu'au rez d'une pomme
Je luy en donne faculté.
De le gloser et commenter,
De le diffinir et descripre,
Diminuer ou augmenter,
De le canceller et prescripre
De sa main et, ne sceut escripre,
Interpreter et donner sens,
A son plaisir, meilleur ou pire :
A tout cecy je m'y consens.

Et s'aucun, dont n'ay congnoissance,


Estoit allé de mort a vie,
Je vueil et lui donne puissance,
Affin que l'ordre soit suyvie,
Pour estre mieulx parassouvie,
Que ceste aumosne ailleurs transporte,
Sans se l'appliquer par envie;
A son ame je m'en rapporte.

Item, j'ordonne a Sainte-Avoye,


Et non ailleurs, ma sepulture ;
Et, affin que chascun me voie,
Non pas en char, mais en painture,
Que l'on tire mon estature
D'ancre, s'il ne coustoit trop chier.
De tombel ? riens : je n'en ay cure,
Car il greveroit le planchier.
Item, vueil qu'autour de ma fosse
Ce que s'ensuit, sans autre histoire,
Soit escript en lettre assez grosse
Et, qui n'auroit point d'escriptoire,
De charbon ou de pierre noire,
Sans en riens entamer le piastre;
Au moins sera de moi memoire
Telle qu'elle est d'ung bon follastre :

ÉPITAPHE

CY GIST ET DORT EN CE SOLLIER,


QU'AMOURS OCCIST DE SON RAILLON,
UNG POVRE PETIT ESCOLLIER,
QUI FUT NOMMÉ FRANÇOYS VILLON.
ONCQUES DE TERRE N'OT SILLON.
IL DONNA TOUT, CHASCUN LE SCET :
TABLES, TRESTEAULX, PAIN, CORBEILLON.
AMANS, DICTES EN CE VERSET :

REPOS ETERNEL DONNE A CIL,


SIRE, ET CLARTÉ PERPETUELLE,
QUI VAILLANT PLAT NI ESCUELLE
N'EUT ONCQUES, N'UNG BRAIN DE PERCIL.
IL FUT REZ, CHIEF, BARBE ET SOURCIL,
COMME UNG NAVET QU'ON RET OU PELLE.
REPOS ETERNEL DONNE A CIL.
RIGUEUR LE TRANSMIT EN EXIL
ET LUY FRAPPA AU CUL LA PELLE,
NON OBSTANT QU'IL DIT : « J'EN APPELLE ! »
QUI N'EST PAS TERME TROP SUBTIL.
REPOS ETERNEL DONNE A CIL.

Item, je vueil qu'on sonne a bransle


Le gros beffroy, qui n'est de voirre ;
Combien qu'il n'est cuer qui ne tremble,
Quand de sonner est a son erre.
Saulvé a mainte bonne terre,
Le temps passé, chascun le scet :
Fussent gens d'armes ou tonnerre,
Au son de luy, tout mal cessoit.

Les sonneurs auront quatre miches


Et, se c'est peu, demy douzaine;
Autant n'en donnent les plus riches,
Mais ilz seront de saint Estienne.
Voilant est homme de grant paine :
L'ung en sera ; quant g'y regarde,
Il en vivra une sepmaine.
Et l'autre ? Au fort, Jehan de la Garde.

Pour tout ce fournir et parfaire,


J'ordonne mes executeurs,
Auxquels fait bon avoir affaire
Et contentent bien leurs debteurs.
Ilz ne sont pas moult grans vanteurs
Et ont bien de quoy, Dieu mercis !
De ce fait seront directeurs.
Escry : je t'en nommerai six.
C'est maistre Martin Bellefaye,
Lieutenant du cas criminel.
Qui sera l'autre ? G'y pensoye :
Ce sera sire Colombel ;
S'il luy plaist et il luy est bel,
Il entreprendra ceste charge.
Et l'autre ? Michiel Jouvenel.
Ces trois seulz, et pour tout, j'en charge.

Mais, ou cas qu'ilz s'en excusassent,


En redoubtant les premiers frais,
Ou totallement recusassent,
Ceulx qui s'enssuivent cy après
Institue, gens de bien très :
Phelip Brunel, noble escuyer,
Et l'autre, son voisin d'emprès,
Si est maistre Jaques Raguier,

Et l'autre, maistre Jaques James,


Trois hommes de bien et d'onneur,
Desirans de sauver leurs ames
Et doubtans Dieu Nostre Seigneur.
Plus tost y mettroient du leur
Que ceste ordonnance ne baillent;
Point n'auront de contrerolleur,
A leur bon seul plaisir en taillent.

Des testaments qu'on dit le Maistre


De mon fait n'aura quid ne quod ;
Mais ce sera ung jeune prestre,
Qui est nommé Thomas Tricot.
Voulentiers beusse a son escot,
Et qu'il me coutast ma cornete !
S'il sceust jouer a ung tripot,
Il eust de moy le Trou Perrete.

Quant au regart du luminaire,


Guillaume du Ru j'y commetz.
Pour porter les coings du suaire,
Aux executeurs le remetz.
Trop plus mal me font qu'oncques mais
Barbe, cheveulx, penil, sourcis.
Mal me presse temps; desormais
Si crie a toutes gens mercis.
BALLADE

A Chartreux et a Celestins.
A Mendians et a Devotes.
A musars, a claquepatins,
A servans, a filles mignotes
Portans surcotz et justes cotes,
A cuidereaux d'amours transsis
Chaussans sans meshaing fauves botes,
Je crie a toutes gens mercis.

A filletes monstrans tetins


Pour avoir plus largement d'ostes,
A ribleurs, mouveurs de butins,
A bateleurs, traynans marmotes,
A folz, folles, a sotz et sotes,
Qui s'en vont siflant cinq et six.
A marmosetz et mariotes,
Je crie a toutes gens mercis.

Sinon aux traistres chiens mastins,


Qui m'ont fait chieres dures crostes
Maschier mains soirs et mains matins,
Qu'ores je ne crains que trois crotes.
Je feisse pour eulx petz et rotes ;
Je ne puis, car je suis assis.
Au fort, pour éviter riotes,
Je crie a toutes gens mercis.

Qu'on leur froisse les quinze costes


De gros mailletz, fors et massis,
De plombees et telz pelotes.
Je crie a toutes gens mercis.

AUTRE BALLADE

Icy se clost le testament.


Et finist du povre Villon.
Venez a son enterrement,
Quant vous orrez le carrillon,
Vestus rouge com vermillon,
Car en amours mourut martir ;
Ce jura il sur son couillon,
Quant de ce monde voult partir.

Et je croy bien que pas n'en ment ;


Car chassié fut comme ung souillon
De ses amours hayneusement,
Tant que, d'icy a Roussillon,
Brossen'y a ne brossillon
Qui n'eust, ce dit il sans mentir,
Ung lambeau de son cotillon,
Quant de ce monde voult partir.

Il est ainsi, et tellement,


Quant mourut n'avoit qu'ung haillon ;
Qui plus, en mourant, mallement
L'espoignoit d'Amours l'esguillon :
Plus agii que le ranguillon
D'un baudrier luy faisoit sentir,
C'est de quoy nous esmerveillon,
Quant de ce monde voult partir.

Prince, gent comme esmerillon,


Sachiez qu'il fist au de partir :
Ung traict but de vin morillon.
Quant de ce monde voult partir.
POÉSIES DIVERSES
BALLADE

HOMMES faillis, bersaudez de raison,


Desnaturez et hors de congnoissance,
Desmis du sens, comblez de desraison,
Fols abusez, plains de descongnoissance,
Qui procurez contre vostre naissance,
Vous soubzmettans a detestable mort
Par lascheté, las! que ne vous remort
L'orribleté qui a honte vous maine ?
Voyez comment maint jeunes homs est mort
Par offencer et prendre autruy demaine.

Chascun en soy voye sa mesprison,


Ne nous venjons, prenons en pacience ;
Nous congnoissons que ce monde est prison
Aux vertueux franchis d'impacience ;
Battre, rouiller, pour ce n'est pas science,
Tollir, ravir, piller, meurtrir a tort.
De Dieu ne chault, trop de verte se tort
Qui en telz faiz sa jeunesse demaine,
Dont a la fin ses poins doloreux tort
Par offencer et prendre autruy demaine.
Que vault piper, flater, rire en trayson,
Quester, mentir, affermer sans fiance,
Farcer, tromper, artifier poison,
Vivre en pechié, dormir en deffiance
De son prouchain sans avoir confiance?
Pour ce conclus : de bien faisons effort,
Reprenons cuer, ayons en Dieu confort,
Nous n'avons jour certain en la sepmaine ;
De nos maulx ont noz parens le ressort
Par offencer et prendre autruy demaine.

Vivons en paix, exterminons discort ;


Jeunes et vieulx, soyons tous d'ung accort :
La loy le veult, l'apostre le ramaine
Licitement en l'epistre rommaine ;
Ordre nous fault, estat ou aucun port.
Notons ces poins ; ne laissons le vray port
Par offencer et prendre autruy demaine.
BALLADE

Tant grate chievre que mal gist,


Tant va le pot a l'eau qu'il brise,
Tant chauffe on le fer qu'il rougist,
Tant le maille on qu'il se debrise,
Tant vault l'homme comme on le prise,
Tant s'eslongne il qu'il n'en souvient,
Tant mauvais est qu'on le desprise,
Tant crie l'on Noel qu'il vient.

Tant parle on qu'on se contredist,


Tant vault bon bruyt que grâce acquise,
Tant promet on qu'on s'en desdist,
Tant prie on que chose est acquise,
Tant plus est chiere et plus est quise,
Tant la quiert on qu'on y parvient,
Tant plus commune et moins requise,
Tant crie l'on Noel qu'il vient.

Tant ayme on chien qu'on le nourrist,


Tant court chanson qu'elle est apprise,
Tant garde on fruit qu'il se pourrist,
Tant bat on place qu'elle est prise,
Tant tarde on que faut entreprise,
Tant se haste on que mal advient,
Tant embrasse on que chiet la prise,
Tant crie l'on Noel qu'il vient.

Tant raille on que plus on ne rit,


Tant despent on qu'on n'a chemise,
Tant est on franc que tout se frit,
Tant vault tient que chose promise,
Tant ayme on Dieu qu'on suit l'Eglise,
Tant donne on qu'emprunter convient,
Tant tourne vent qu'il chiet en bise,
Tant crie l'on Noel qu'il vient.

Prince, tant vit fol qu'il s'avise,


Tant va il qu'après il revient,
Tant le mate on qu'il se ravise,
Tant crie l'on Noel qu'il vient.
BALLADE

Je congnois bien mouches en let,


Je congnois a la robe l'homme,
Je congnois le beau temps du let,
Je congnois au pommier la pomme,
Je congnois l'arbre a veoir la gomme,
Je congnois quant tout est de mesmes,
Je congnois qui besongne ou chomme,
Je congnois tout, fors que moy mesmes.

Je congnois pourpoint au colet,


Je congnois le moyne a la gonne,
Je congnois le maistre au varlet,
Je congnois au voille la nonne,
Je congnois quant pipeur jargonne,
Je congnois fols nourris de cresmes,
Je congnois le vin a la tonne,
Je congnois tout, fors que moy mesmes.

Je congnois cheval et mulet,


Je congnois leur charge et leur somme,
Je congnois Bietris et Belet,
Je congnois get qui nombre et somme,
Je congnois vision et somme,
Je congnois la faulte des Boesmes,
Je congnois le povoir de Romme,
Je congnois tout, fors que moy mesmes.

Prince, je congnois tout en somme,


Je congnois coulourez ou blesmes,
Je congnois Mort qui tout consomme,
Je congnois tout, fors que moy mesmes.
BALLADE

Il n'est soing que quant on a fain,


Ne service que d'ennemy,
Ne maschier qu'ung botel de foing,
Ne fort guet que d'homme endormy,
Ne clemence que felonnie,
N'asseurence que de peureux,
Ne foy que d'homme qui regnie,
Ne bien conseillé qu'amoureux.

Il n'est engendrement qu'en baing,


Ne bon bruit que d'homme banny,
Ne ris qu'après ung coup de poing,
Ne lotz que debtes mettre en ny,
Ne vraye amour qu'en flaterie,
N'encontre que de maleureux,
Ne vray rapport que menterie,
Ne bien conseillé qu'amoureux.

Ne tel repos que vivre en soing,


N'onneur porter que dire : « Fi! »,
Ne soy vanter que de faulx coing,
Ne santé que d'homme bouffy,
Ne hault vouloir que couardie,
Ne conseil que de furieux,
Ne doulceur qu'en femme estourdie,
Ne bien conseillé qu'amoureux.

Voulez-vous que verte vous die?


Il n'est jouer qu'en maladie,
Lettre vraye que tragedie,
Lasche homme que chevalereux,
Orrible son que melodie,
Ne bien conseillé qu'amoureux.
BALLADE

Rencontré soit de bestes feu getans,


Que Jason vit, querant la toison d'or ;
Ou transmué d'homme en beste sept ans,
Ainsi que fut Nabugodonosor ;
Ou perte il ait et guerre aussi villaine
Que les Troyens pour la prinse d'Helaine ;
Ou avallé soit avec Tantalus
Et Proserpine aux infernaulx palus;
Ou plus que Job soit en griefve souffrance,
Tenant prison en la tour Dedalus,
Qui mal vouldroit au royaulme de France !

Quatre mois soit en ung vivier chantans,


La teste au fons, ainsi que le butor;
Ou au Grant Turc vendu deniers contans,
Pour estre mis au harnois comme ung tor ;
Ou trente ans soit, comme la Magdalaine,
Sans drap vestir de linge ne de laine ;
Ou soit noyé comme fut Narcisus,
Ou aux cheveulx, comme Absalon, pendus
Ou, comme fut Judas, par Desperance ;
Ou puist perir comme Simon Magus,
Qui mal vouldroit au royaulme de France !
D'Octovien puist revenir le tems :
C'est qu'on luy coule au ventre son tresor ;
Ou qu'il soit mis entre meules flotans
En ung moulin, comme fut saint Victor ;
Ou transglouty en la mer, sans aleine,
Pis que Jonas au corps de la baleine ;
Ou soit banny de la clarté Phebus,
Des biens Juno eu du soulas Venus,
Et du dieu Mars soit pugny a oultrance,
Ainsy que fut roy Sardanapalus,
Qui mal vouldroit au royaulme de France !

Prince, porté soit des serfs Eolus


En la forest ou domine Glaucus ;
Ou privé soit de paix et d'esperance :
Car digne n'est de posseder vertus
Qui mal vouldroit au royaulme de France !
RONDEAU

Jenin l'Avenu,
Va-t-en aux estuves ;
Et toy la venu,
Jenin l'Avenu,

Si te lave nud
Et te baigne es cuves.
Jenin l'Avenu,
Va-t-en aux estuves.
BALLADE

Je meurs de seuf au près de la fontaine,


Chault comme feu, et tremble dent à dent;
En mon païs suis en terre loingtaine ;
Lez ung brasier frissonne tout ardent;
Nu comme ung ver, vestu en president,
Je ris en pleurs et attens sans espoir;
Confort reprens en triste desespoir;
Je m'esjouys et n'ay plaisir aucun;
Puissant je suis sans force et sans povoir,
Bien recueully, débouté de chascun.

Rien ne m'est seur que la chose incertaine;


Obscur, fors ce qui est tout évident ;
Doubte ne fais, fors en chose certaine;
Science tiens a soudain accident;
Je gaigne tout et demeure perdent;
Au point du jour dis : « Dieu vous doint bonsoir! »
Gisant envers, j'ay grant paour de cheoir ;
J'ay bien de quoy et si n'en ay pas ung ;
Eschoitte attens et d'omme ne suis hoir,
Bien recueully, débouté de chascun.
De riens n'ay soing, si mectz toute ma paine
D'acquerir biens et n'y suis pretendent ;
Qui mieulx me dit, c'est cil qui plus m'attaine,
Et qui plus vray, lors plus me va bourdent ;
Mon amy est, qui me fait entendent
D'ung cigne blanc que c'est ung corbeau noir;
Et qui me nuyst, croy qu'il m'ayde a povoir ;
Bourde, verté, au jour d'uy m'est tout un;
Je retiens tout, rien ne sçay concepvoir,
Bien recueully, débouté de chascun.

Prince clement, or vous plaise sçavoir


Que j'entens moult et n'ay sens ne sçavoir :
Parcial suis, a toutes loys commun.
Que sais-je plus? Quoy ? Les gaiges ravoir,
Bien recueully, débouté de chascun.
ÉPITRE
A MARIE D'ORLÉANS

Jam nova progenies celo demittitur alto.

O louee conception
Envoiee ça jus des cieulx,
Du noble lis digne syon,
Don de Jhesus tres precieulx,
MARIE, nom tres gracieulx,
Fons de pitié, source de grace,
La joye, confort de mes yeulx,
Qui nostre paix bastist et brasse!

La paix, c'est assavoir, des riches,


Des povres le substantement,
Le rebours des felons et chiches,
Tres necessaire enfantement,
Conceu, porté honnestement,
Hors le pechié originel,
Que dire je puis sainctement
Souvrain bien de Dieu eternel !

Nom recouvré, joye de peuple,


Confort des bons, de maulx retraicte ;
Du doulx seigneur premiere et seule
Fille, de son cler sang extraicte,
Du dextre costé Clovis traicte ;
Glorieuse ymage en tous fais,
Ou hault ciel creee et pourtraicte
Pour esjouyr et donner paix !
En l'amour et crainte de Dieu
Es nobles flans Cesar conceue,
Des petis et grans en tout lieu
A très grande joye receue,
De l'amour Dieu traicte, tissue,
Pour les discordez ralier
Et aux enclos donner yssue,
Leurs lians et fers delier.
Aucunes gens, qui bien peu sentent,
Nourris en simplesse et confis,
Contre le vouloir Dieu attentent,
Par ignorance desconfis,
Desirans que feussiez ung fils;
Mais qu'ainsi soit, ainsi m'aist Dieux,
Je croy que ce soit grans proufis.
Raison : Dieu fait tout pour le mieulx.
Du Psalmiste je prens les dis :
Delectasti me, Domine,
In factura tua ; si dis :
Noble enfant, de bonne heure né,
A toute doulceur destiné,
Manne du Ciel, celeste don,
De tous bienfais le guerdonné,
Et de noz maulx le vray pardon!

DOUBLE BALLADE
Combien que j'ay leu en ung dit :
Inimicum putes, y a,
Qui te presentem laudabit ;
Toutesfois, non obstant cela,
Oncques vray homme ne cela
En son courage aucun grant bien,
Qui ne le montrast ça et la :
On doit dire du bien le bien.

Saint Jehan Baptiste ainsy le fist,


Quant l'Aignel de Dieu descela.
En ce faisant pas ne mesfst,
Dont sa voix es tourbes vola ;
De quoy saint Andry Dieu loua,
Qui de lui cy ne sçavoit rien,
Et au Fils de Dieu s'aloua :
On doit dire du bien le bien.
Envoiee de Jhesuschrist,
Rappeliez ça jus par deçà
Les povres que Rigueur proscript
Et que Fortune betourna.
Si sçay bien comment il m'en va :
De Dieu, de vous, vie je tien.
Benoist celle qui vous porta !
On doit dire du bien le bien.

Cy, devant Dieu, fais congnoissance


Que créature feusse morte,
Ne feust vostre doulce naissance,
En charité puissant et forte,
Qui ressuscite et reconforte
Ce que Mort avoit prins pour sien.
Vostre presence me conforte :
On doit dire du bien le bien.

Cy vous rans toute obeyssance,


Ad ce faire raison m'exorte,
De toute ma povre puissance :
Plus n'est deul qui me desconforte,
N'aultre ennuy de quelconque sorte.
Vostre je suis et non plus mien ;
A ce, droit et devoir m'enhorte :
On doit dire du bien le bien.
O grace et pitié tres immense,
L'entree de paix et la porte,
Some de benigne clemence,
Qui noz faultes toult et supporte,
Si de vous louer me deporte,
Ingrat suis, et je le maintien,
Dont en ce refrain me transporte :
On doit dire du bien le bien.
Princesse, ce loz je votts porte,
Que sans vous je ne feusse rien.
A vous et a tous m'en rapporte :
On doit dire du bien le bien.
Euvre de Dieu, digne louee
Autant que nulle creature,
De tous biens et vertus douee,
Tant d'esperit que de nature
Que de ceulx qu'on dit d'adventure,
Plus que rubis noble ou balais;
Selon de Caton l'escripture :
Patrem insequitur proles.
Port asseuré, maintien rassiz,
Plus que ne peut nature humaine,
Et eussiez des ans trente six;
Enfance en rien ne vous demaine.
Que jour ne le die et sepmaine
Je ne sçay qui le me deffant.
Ad ce propos ung dit ramaine :
De saige mere saige enfant.

Dont resume ce que j'ay dit :


Nova progenies celo,
Car c'est du poëte le dit,
Jamjam demittitur alto.
Saige Cassandre, belle Echo,
Digne Judith, caste Lucresse,
Je vous cognois, noble Dido,
A ma seule dame et maistresse.

En priant Dieu, digne pucelle,


Que vous doint longue et bonne vie;
Qui vous ayme, ma damoiselle,
Ja ne coure sur luy envie.
Entiere dame et assouvie,
J'espoir de vous servir ainçoys,
Certes, se Dieu plaist, que devie
Vostre povre escolier
FRANÇOYS.
REQUESTE
A MONSEIGNEUR DE BOURBON

Le mien seigneur et prince redoubté,


Fleuron de lys, royalle geniture,
Françoys Villon, que Travail a dompté
A coups orbes, par force de bature,
Vous supplie par ceste humble escripture
Que lui faciez quelque gracieux prest.
De s'obliger en toutes cours est prest,
Si ne doubtez que bien ne vous contente :
Sans y avoir dommaige n'interest,
Vous n'y perdrez seulement que l'attente.

A prince n'a ung denier emprunté,


Fors a vous seul, vostre humble creature.
De six escus que luy avez presté,
Cela pieça il meist en nourriture.
Tout se paiera ensemble, c'est droiture,
Mais ce sera legierement et prest ;
Car, si du glan rencontre en la forest
D'entour Patay, et chastaignes ont vente,
Paié serez sans delay ny arrest :
Vous n'y perdrez seulement que l'attente.
Si je peusse vendre de ma santé
A ung Lombart, usurier par nature,
Faulte d'argent m'a si fort enchanté
Qu'en prendroie, ce cuide, l'adventure.
Argent ne pens a gippon n'a sainture ;
Beau sire Dieux ! je m'esbaïs que c'est
Que devant moy croix ne se comparoist,
Si non de bois ou pierre, que ne mente ;
Mais s'une fois la vraye m'apparoist,
Vous n'y perdrez seulement que l'attente.

Prince du lys, qui a tout bien complaist,


Que cuidez vous comment il me desplaist,
Quant je ne puis venir a mon entente ?
Bien entendez; aidez moy, s'il vous plaist :
Vous n'y perdrez seulement que l'attente.

SUSCRIPTION DE LADICTE REQUESTE

Allez, lettres, faictes ung sault ;


Combien que n'ayez pié ne langue,
Remonstrez en vostre harangue
Que faulte d'argent si m'assault.
EPISTRE

Aiez pitié, aiez pitié de moy,


A tout le moins, si vous plaist, mes amis!
En fosse gis, non pas soubz houx ne may,
En cest exil ouquel je suis transmis
Par Fortune, comme Dieu l'a permis.
Filles, amans, jeunes gens et nouveaulx,
Danceurs, saulteurs, faisans les piez de veaux,
Vifz comme dars, agus comme aguillon,
Gousiers tintans cler comme cascaveaux,
Le lesserez la, le povre Villon ?

Chantres chantans a plaisance, sans loy,


Galans, rians, plaisans en fais et dis,
Courens, alans, francs de faulx or, d'aloy,
Gens d'esperit, ung petit estourdis,
Trop demourez, car il meurt entandis.
Faiseurs de laiz, de motetz et rondeaux,
Quant mort sera, vous lui ferez chaudeaux !
Ou gist, il n'entre escler ne tourbillon :
De murs espoix on lui a fait bandeaux.
Le lesserez la, le povre Villon ?
Venez le veoir en ce piteux arroy,
Nobles hommes, francs de quart et de dix,
Qui ne tenez d'empereur ne de roy,
Mais seulement de Dieu de Paradis :
Jeuner lui fault dimenches et merdis,
Dont les dens a plus longues que ratteaux ;
Après pain sec, non pas après gasteaux,
En ses boyaulx verse eau a gros bouillon;
Bas en terre, table n'a ne tresteaulx.
Le lesserez la, le povre Villon ?

Princes nommez, anciens, jouvenceaux,


Impetrez moy graces et royaulx seaux,
Et me montez en quelque corbillon.
Ainsi se font, l'un a l'autre, pourceaux,
Car, ou l'un brait, ils fuyent a monceaux.
Le lesserez la, le povre Villon ?
LE DÉBAT
DU CUER ET DU CORPS DE VILLON

Qu'est-ce que j'oy ? — Ce suis je. Qui ? Ton


— —
[ cuer,
Qui ne tient mais qu'a ung petit filet :
Force n'ay plus, substance ne liqueur,
Quant je te voy retraict ainsi seulet,
Com povre chien tapy en reculet.

Pour quoy est ce? — Pour ta folle plaisance.

Que t'en chault il ? — J'en ay la desplaisance.

— J'y pen-
Laisse m'en paix Pour quoy ?

[ seray. —
Quant sera ce ? — Quant seray hors d'enfance. —
Plus ne t'en dis.
— Et je m'en passeray. —
Que penses-tu ? — Estre homme de valeur.

Tu as trente ans. — C'est l'aage d'un mullet. —
Est ce enfance? — Nennil. — C'est donc folleur
Qui te saisist ? — Par ou? — Par le collet,
Rien ne congnois. — Si fais : mouches en let ;
L'ung est blanc, l'autre noir, c'est la distance. —
Est ce donc tout? — Que veulx tu que je tance ?
Se n'est assez, je recommenceray. —
Tu es perdu ! — J'y mettray résistance. —
Plus ne t'en dis. Et je m'en passeray. —

J'en ay le dueil ; toy, le mal et douleur.


Se feusses ung povre ydiot et folet,
Encore eusses de t'excuser couleur :
Si n'as tu soing, tout t'est ung, bel ou let.
Ou la teste as plus dure qu'ung jalet,
Ou mieulx te plaist qu'onneur ceste meschance !
Que respondras a ceste consequence ? —
J'en seray hors quant je trespasseray. —
Dieu, quel confort! Quelle sage eloquence !
Plus ne t'en dis. — Et je m'en passeray. —

Dont vient ce mal ? — Il vient de mon maleur.


Quant Saturne me feist mon fardelet,
Ces maulx y meist, je le croy. — C'est foleur :
Son seigneur es, et te tiens son varlet.
Voy que Salmon escript en son rolet :
« Homme sage, ce dit-il, a puissance
Sur planetes et sur leur influence. » —
Je n'en croy riens ; tel qu'ilz m'ont fait seray. —
Que dis-tu ? — Dea ! certes, c'est ma creance. —
Plus ne t'en dis. — Et je m'en passeray. —
Veulx tu vivre? — Dieu m'en doint la puis-
sance ! —
Il te fault... — Quoy ? — Remors de conscience;
Lire sans fin. — En quoy ? — Lire en science ;
Laisser les folz ! — Bien j'y adviseray. —
Or le retien ! — J'en ay bien souvenance. —
N'atens pas tant que viengne a desplaisance.
Plus ne t'en dis. — Et je m'en passeray.
PROBLEME

Fortune fus par clers jadis nommee,


Que toy, Françoys, crie et nomme murtriere,
Qui n'es homme d'aucune renommee.
Meilleur que toy fais user en plastriere,
Par povreté, et fouyr en carriere ;
S'a honte vis, te dois tu doncques plaindre?
Tu n'es pas seul; si ne te dois complaindre.
Regarde et voy de mes fais de jadis,
Mains vaillans homs par moy mors et roidis ;
Et n'es, ce sçais, envers eulx ung souillon.
Appaise toy, et mets fin en tes dis.
Par mon conseil prens tout en gré, Villon !

Contre grans roys me suis bien anymee,


Le temps qui est passé ça en arriere :
Priam occis et toute son armee,
Ne luy valut tour, donjon, ne barriere ;
Et Hannibal demoura il derriere ?
En Cartaige par Mort le feis attaindre ;
Et Scypion l'Afltriquan feis estaindre ;
Julles Cesar au senat je vendis;
En Egipte Pompee je perdis;
En mer noyé Jason en ung bouillon;
Et, une fois, Romme et Rommains ardis.
Par mon conseil prens tout en gré, Villon !

Alixandre, qui tant feist de hemee,


Qui voulut veoir l'estoille pouciniere,
Sa personne par moy fut envlimee ;
Alphasar roy, en champ, sur sa baniere,
Rué jus mort, cela est ma maniere ;

Holofernes, l'ydolastre mauldis,


Qu'occist Judith (et dormoit entandis !)
De son poignart, dedens son pavillon;
Absalon, quoy ? en fuyant le pendis.
Par mon conseil prens tout en gré, Villon !

Pour ce, Françoys, escoute que te dis :


Seriens peusse sans Dieu de Paradis,
A toy n'aultre ne demourroit haillon,
Car, pour ung mal, lors j'en feroye dix.
Par mon conseil prens tout en gré, Villon !
QUATRAIN

Je suis Françoys, dont ce me poise,


Né de Paris emprès Pontoise,
Qui, d'une corde d'une toise,
Sçaura mon col que mon cul poise.
L'EPITAPHE VILLON

Freres humains qui après nous vivez,


N'ayez les cuers contre nous endurcis,
Car, se pitié de nous povres avez,
Dieu en aura plus tost de vous mercis.
Vous nous voiez cy attachez cinq, six :
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça devoree et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s'en rie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

Se vous clamons freres pas n'en devez


Avoir desdaing, quoy que fusmes occis
Par justice. Toutesfois, vous sçavez
Que tous hommes n'ont pas bon sens assis;
Excusez nous, puis que sommes transsis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous preservant de l'infernale fouldre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
La pluye nous a büez et lavez,
Et le soleil dessechiez et noircis ;
Pies, corbeaulx, nous ont les yeux cavez,
Et arrachié la barbe et les sourcis.
Jamais nul temps nous ne sommes assis;
Puis ça, puis la, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d'oiseaulx que dez a couldre.
Ne soiez donc de nostre confrairie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

Prince Jhesus, qui sur tous a maistrie,


Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A luy n'ayons que faire ne que souldre.
Hommes, icy n'a point de mocquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !
LOUENGE A LA COURT

Tous mes cinq sens : yeulx, oreilles et bouche,


Le nez, et vous, le sensitif, aussi;
Tous mes membres ou il y a reprouche,
En son endroit ung chascun die ainsi :
« Souvraine Court, par qui sommes icy,
Vous nous avez gardé de desconfire.
Or la langue ne peut assez souffire
A vous rendre souffisantes louenges ;
Si parlons tous, fille du souvrain Sire,
Mere des bons et seur des benois anges ! »

Cuer, fendez vous, ou percez d'une broche,


Et ne soyez, au moins, plus endurcy
Qu'en ung desert fut la fort bise roche
Dont le peuple des Juifs fut adoulcy :
Fondez lermes et venez a mercy ;
Comme humble cuer qui tendrement souspire,
Louez la Court, conjointe au Saint Empire,
L'eur des Françoys, le confort des estranges,
Procreee lassus ou ciel empire,
Mere des bons et seur des benois anges!
Et vous, mes dens, chascune si s'esloche ;
Saillez avant, rendez toutes mercy,
Plus hautement qu'orgue, trompe, ne cloche,
Et de maschier n'ayez ores soussy ;
Considerez que je feusse transsy,
Foye, pommon, et rate qui respire;
Et vous, mon corps, qui vil estes et pire
Qu'ours ne pourceau qui fait son nyt es fanges,
Louez la Court, avant qu'il vous empire,
Mere des bons et seur des benois anges!

Prince, trois jours ne vueillez m'escondire,


Pour moy pourveoir et aux miens « a Dieu » dire ;
Sans eulx argent je n'ay, icy n'aux changes.
Court triumphant, fiat, sans me desdire,
Mere des bons et seur des benois anges !
QUESTION
AU CLERC DU GUICHET

Que vous semble de mon appel,


Garnier ? Feis je sens ou folie?
Toute beste garde sa pel ;
Qui la contraint, efforce ou lie,
S'elle peult, elle se deslie.
Quant donc par plaisir voluntaire
Chantee me fut ceste omelie,
Estoit il lors temps de moy taire?

Se feusse des hoirs Hue Cappel,


Qui fut extrait de boucherie,
On ne m'eust, parmy ce drappel,
Fait boire en ceste escorcherie.
Vous entendez bien joncherie ?
Mais quant ceste paine arbitraire
On me jugea par tricherie,
Estoit il lors temps de moy taire?

Cuidiez vous que soubz mon cappel


Y eust tant de philosophie
Comme de dire : « J'en appel » ?
Si avoit, je vous certifie,
Combien que point trop ne m'y fie.
Quant on me dist, present notaire :
« Pendu serez ! », je vous affie,
Estoit il lors temps de moy taire?

Prince, se j'eusse eu la pepie,


Pieça je feusse ou est Clotaire,
Aux champs debout comme un espie.
Estoit il lors temps de moy taire?
NOTES EXPLICATIVES

Page 53.
Le gré du seigneur qui attaint. — Troubles, forfaiz,
sans espargnier. — Il s'agit de Robert d'Estouteville,
prévôt de Paris.
Page 65.
Le verselet escript septiesme — Du psëaulme Deus
laudem. — Psaume CVIII, 7 (Vulg. 8) : Fiant dies ejus
pauci et episcopatum ejus accipiat alter.
Page 67.
Me monstra une bonne ville — Et pourveut du don
d'esperance. — Selon Paris (François Villon, p. 61),
il y aurait ici une allusion à la ville de Moulins, alors
capitale des ducs de Bourbon, dont « Espérance »
était la devise.
Page 68.
Et, comme le noble Rommant — De la Rose dit et
confesse... — L'aphorisme est bien de l'auteur du
Roman de la Rose, mais il fait partie du Codicille de
maistre Jehan de Meung. Il est ainsi conçu :

Bien doit estre excusé juene cuer en juenesse


Quand Dieu lui doint grace d'estre meur en vieillesse.
Page 69.
Valere pour vray It nous dit, — Qui fut nommé
le grant a Romme. — L'anecdote ne vient pas à
Villon de Valère Maxime, mais du Policraticus de
Jean de Salisbury.

Page 72.
« Esjoys toy, mon filz, — En ton adolescence ».
Ecclesiastes IX, 9 Laetare ergo juvenis in adoles-
— :
centia.

Page 72.
« Jeunesse et adolescence... — Ne sont qu'abus et
ignorance ». — Ecclesiastes XI, 10 : Adolescente enim
et voluptas vana sunt.

Page 72.
Mes jours s'en sont allez errant — Comme, dit Job,
d'une touaille. — Font les filetz... — Job VII, 6 :
Dies mei velocius transierunt quam a texente tela
succenditur, et consumpti sunt absque uulla spe.

Page 75.

Selon les davitiques dis — Son lieu ne congnoistras


jamais. — Psaume XXXVI, 36 : Quoesivi eum et non
inventus locus ejus.
Page 89.
Or firent selon le Décret — Leurs amys, et bien y
appert ; — Ilz amoient en lieu secret... — Decretum
Gratiani (sec. pars, causa XXXII, qu. IV, c. 4) : Tole-
rabilior est, si lateat culpa, quant si culpce usurpetur
auctoritas.

Page 98.
C'est de Jbesus la parabolle... — Luc XVI, 24.
Page 121.
Le Seigneur qui sert saint Cristofle. — C'est Robert
d'Estouteville, prévôt de Paris et époux d'Ambroise
de Loré.

Page 141.
Le lay maistre Alain Chartier. — Il s'agit ici de la
Belle Dame Sans Mercy.

Page 177.
Voy que Salmon escript en son rolet : — « Homme
sage, ce dit il, a puissance — Sur planètes et sur leur
influence. » — Sapientia VII, 19 : et stellarum dispo-
sitiones.
GLOSSAIRE

aage, année. arigniee, toile d'araignée.


abatre pain à deux mains, arme (m'), exclamation
manger avidement. poitevine, mon âme!
abolu, aboli, pardonné. artifier, composer, prépa-
accouter (s'), s'appuyer. rer.
aconter, estimer. assouvir, achever, par-
acouter, approcher. faire.
aberdre, toucher. assuivre, poursuivre.
aist (ou ait ) Dieus (si m' ), atayner, attainer, tour-
Dieu m'assiste ! menter, vexer.
aloue, alouette. attinté, bien en point.
alouer (s'), s'attacher au
service de quelqu'un.
ambesars, ambesas. bature, coups, en particu-
amy, amict. lier les coups qui fai-
andoulle, est pris ici en saient partie du sys-
un sens grossier. tème d'éducation de
angelot, monnaie portant jadis.
la figure d'un ange. baud, hardi.
ante, tante. belin, mouton.
apateller, nourrir. bergeronnette, chanson
apostolles, pape. rustique.
arcenic rochier, arsenic à bersaudé, frappé (comme
l'état métallique. de flèches), tourmenté.
billart, crosse en bois canette, femelle du
pour jouer aux canard.
« billes » ou aux caquetière, bavarde.
boules. carre, dimension.
blanc, petite monnaie cascaveau, grelot.
d'argent. caver, creuser.
boiser, garnir de bois. cayement, mendiant.
boiture, boisson. ceps, billots enfermant
bonne, borne, limite. les jambes du prison-
bond, par opposition à nier étendu.
vollee, termes du jeu chanjon, terme injurieux,
de balles. enfant substitué par
bouffé, soufflé, enlevé un démon à un fils des
comme par un coup de hommes.
vent. chantiers (estre remply
bouges, poches.
sur les), être bien
bouillon, tourbillon. nourri.
bourde jus mise, plaisan- charretee, tonneau de vin
terie à part. de grande dimension.
branc, épée. chastoy, correction.
brelare bigod, by'r Lord,
chief (en), tête nue.
by God, jurons anglais.
brette, bretonne. chiennet couchant, petit
brosse, buisson, brous- chien d'arrêt.
sailles. claquepatin, batteur de
brouller, faire des sorti- pavé-
lèges. clerjon, clerjot, jeune
broyer, mortier. clerc.
bruit, renommée. coepelle, coupelle.
coete, couette, lit de
cadès, capitaine. plume (cf. G. Paris,
Romania XXX, 377), drappilles, hardes.
ou peut-être, bien que
le mot ne compte ici embrochier, mettre en
que pour deux syl- perce.
labes, queue, pris dans empire (ciel), l'empyrée.
un sens bien attesté au empirer, blâmer.
Moyen Age ( par enclos, prisonnier.
exemple par E. Des- enfondu, trempé.
champs). enfourmer, déformer, dé-
conclure, réduire au si- foncer.
lence en argumen- engrillonner, mettre les
tant. poucettes.
conseillier quelque chose, enjaultrer, tromper.
soumettre au jugement enmouflé, ganté, emmi-
d'autrui. touflé.
coquart, sot, benêt. enné, particule affirma-
croix, équivoque sur la tive.
croix empreinte au enserchier, rechercher.
droit des monnaies. entier, pur.
cuidereau, galant pré- envlimé, envenimé.
somptueux. errant, promptement.
escaché, écrasé.
demener, mener, con- eschappin, soulier léger,
duire. escarpin.
demy saint, ceinture escharbot, escarbot, bou-
étroite à chaînons de sier.
métal. eschever, esquiver, éviter.
desfaçon, destruction. eschoicte, héritage.
detester, rayer du testa- esclat, tesson ou morceau
ment. de bois.
devier, mourir. escourjon, étrivière.
escouvetes(chevaucheur fillé, chanvre ou lin con-
d'), chevaucheur de verti en fil.
balais, sorcier. fiz, fic, tumeur.
eslochier (s'), s'ébranler. flou, mince, fluet.
esme, estimation, espé- fois (à la), parfois.
rance. fromentee, bouillie de fa-
esmorchier, ronger. rine de froment.
espoindre, aiguillonner. fuste, vaisseau long.
essoine, peine, épreuve.
estrenes (faire ses), avoir
du bon temps. galle, plaisir.
estront de mousche, cire. galler, s'amuser.
estry, querelle, dispute. garmenter (se), se lamen-
enfumere, éphémère. ter.
get, jeton.
faffée (voir G. Paris, Ro- gippon, tunique sans
mania, XVI, 423-4, manches.
note) ici sens éro- glic, jeu de cartes.
tique. gluyon de fuerre, botte
faictis, bien fait. de paille.
fainctif, trompeur. gogo, terme de tendresse.
farcer, jouer des farces. gonne, cotte longue.
fenestre, boutique; — goyere, espèce de tarte au
(clorre), fermer bou- fromage.
tique. greve, devant de la
feu, ci-devant. jambe.
feu Saint-Antoine, mala- grez, pavé.
die épidémique qui fit grongniee, coup de poing.
de grands ravages au groselles (maschier des),
moyen âge (érysipèle subir un affront.
gangréneux ?). grosser, copier.
guysarme, hache à deux joint, bien fait.
tranchants. joncherie, tromperie.

habandon (getter), aban- laboureux, de laboureur.


donner. laidangier, maltraiter.
hait, gré, humeur. lais ou laiz, legs.
harier, importuner. lame, dale tumulaire.
havee, poignée. lay, poème, chanson.
havet, croc, crochet. lectry, lutrin.
hemee, bataille, mêlée. legierement, facilement.
histoire, ornement. leschier, vivre dans les
hober (se), bouger. plaisirs.
hucque, cape avec capu- lien (avoir), être admis.
chon. linget, délié, mince.
hutinet, maillet de ton- lubre, glissant, instable.
nelier.
mailles (jeu de trois), où
jacoppin, crachat, glaire. l'on ne joue pas plus
jacoppines (souppes), plat de trois mailles; la
succulent (cf. la re- maille était une menue
cette indiquée dans monnaie de cuivre.
Romania, XXX, 391, maillon, maillot.
note ). mains (cela ne m'est que
jalet, galet. du), cela m'importe
jambot, cuisse. peu.
jangleresse, menteuse. manne (venir de), tomber
jardinet, pénil. du ciel.
jargonner, parler le jar- mariote, petite fille.
gon, l'argot. marmoset, petit garçon.
jeu, part. pas., couché. mathon, lait caillé.
joincte, articulation. may, branche verte.
mercerot, colporteur. paelle, poêle à frire ou
merir, mériter. chaudière.
meseau, lépreux. papier, balbutier.
messe (seiche), messe sans passot, espèce de dague.
consécration. patart, petite monnaie ar-
miege, médecin. tésienne et flamande.
mitaines aux nopces, peaultre, étain.
coups (cf. Rabelais, I. pelle, paille, drap de soie.
IV, c. 41). perir, perdre, détruire.
mol, mollet. perpetrer, gagner, s'atti-
morillon (vin), vin d'un rer.
rouge foncé. pesle, pène.
mors, morsure. petiz dieux, saints.
moullier, femme. peu, part. passé de
mouse, museau. paître, nourrir.
moussu, velu. piez blans (avoir les) vers
moustarde (aller à la), se quelqu'un, être étran-
disait des enfants qui, ger à.
allant par bandes cher- piez de veau (faire les),
cher, avant le repas, gambader.
de la moutarde fraîche, pigne, peigne.
chantaient des chan- piteux, enclin à la pitié.
sons satiriques. plaque, monnaie de
cuivre.
ne que, pas plus que. plege, caution.
noysier, quereller. plombee, boule de plomb
ny (mettre en), nier. attachée à un bâton.
o, avec. plumail au vent (mettre
oe, oie. le), jeter la plume au
oistre, huître. vent, remettre ses dé-
orbe (coup), contusion. cisions au hasard.
plume (se joindre a la), recreu, las, affaibli.
de son per, s'accoupler. reffaict, bien nourri.
poirre, péter. refrigere, rafraîchisse-
poise, ind. et subj. de ment.
peser. requoy, quiétude; — (a)
porte pannier, portefaix. secrètement.
potence Saint Mor, bé- rere, (rez, part, passé), (jet,
quille laissée comme 3e p. sing. pr. ind.),
ex-voto au pèlerinage raser.
de Saint-Maur-les-Fos- rez ( jusqu'au) d'une
sés. pomme, jusqu'à ce que
prenant (pres), collant. tout soit lisse comme
priere de Picart, aucune une pomme.
prière. ribler, piller.
pyon, buveur. ribleur, pilleur.
riblis, échauffourée.
quelongne (estre en), être riote, querelle.
comme la fusée sur la rolet, écrit.
quenouille, au figuré, roquart, cheval hors de
être en faveur. service.
rouiller, battre.
raillias, régal. ruit, rut.
raillon, trait d'arbalète.
ramentevoir, rappeler. sade, gracieux.
ranguillon, ardillon. sadinet, parties sexuelles
rappeau, appel (à la jus- de la femme.
tice ecclésiastique). saint Estienne (estre de),
reagal, réalgar, sulfure être de pierre (par allu-
rouge d'arsenic. sion à la lapidation de
rëau, monnaie d'or. saint Etienne).
rebrassé, retroussé. saulsoye, saussaie.
scelleur, garde des sceaux. amène les deux trois.
sendail, cendal, étoffe de tonsure (chapelle a sim-
soie unie. ple), chapelle accordée
serre (tenir), tenir ferme. à un clerc qui n'a que
seuf, soif. la tonsure.
sollier, étage, chambre tor, taureau.
haute. tordre (se), se séparer.
soret, hareng saur. tostee, tranche de pain
souffrete, disette. rôtie.
souldre, solder, régler. touaille, linge.
sumer, semer. tracer, suivre à la trace.
sur, chez. traictis, joli.
surcot, robe de dessus. trousser au col, enlever
sure (ne jus ne), ni en sur les épaules.
bas, ni en haut.
surquerir, solliciter indis- valeton, jeune homme.
crètement. vielle (mettre sa) sous le
syon, rejeton. banc, se retirer du
monde joyeux.
tabart, manteau long. villotiere, qui court la
tacon, martinet garni de ville, coureuse.
lanières de cuir. vlimeux, venimeux.
tailleur de faulx coings, voirre, verre,
graveur de coins pour voise, 3e p. sg. subj. pr.
fausse monnaie. de aller.
targe, bouclier. vollee, volée, cf. bond.
tauxer, taxer. voultiz, arqué.
tayon, aïeul.
terne, coup de dés qui ysnel, prompt.
INDEX DES NOMS PROPRES

Abruvouer Popin, 53, Alphonce 78, Alphonse


abreuvoir sur la rive V, roi d'Aragon, t
droite de la Seine, près 28 juin 1458.
du Louvre. Amon, 91, Amnon, fils de
Absalon, 161, 180. David (Samuel II, XIII).
Adam, 97. Amour, Amours, 93, 94,
Alençon (duc d'), 79, 102, 116, 121, 122,
Jean II n'était pas 144, 150.
mort, mais ses biens, Andry (Saint), 168,
confisqués, avaient été saint André.
réunis au domaine Angelot l'erbier, 134,
royal en 1458. Angelot Baugis, her-
Alixandre, 68, 70, 180, boriste, paroissien de
Alexandre le Grand. Saint - Germain - le -
Allemandes, 128. Vieux en la Cité (docu-
Alis, 77, peut-être Aelis, ment de 1453).
des chansons de geste Angiers, 49, Angers.
ou des chansons lyri- Antecrist, 132.
ques. Antoine (saint), 58 (le
Alphasar, 180, sans doute feu Saint), 88.
Arphaxad, roi des Archetriclin, 116, l'ar-
Mèdes (Judith I, 1-5). chitriclinus des noces
de Cana (Jean II, 9) Avenu (Jenin l'), 163.
dont le titre fut pris Averroas, 67, Averroès,
au Moyen Age pour le dont les commentaires
nom propre de l'époux. traduits en latin furent
Archipiades, 77, Alci- très répandus dans les
biade, cité par Boèce Universités.
comme un modèle de
beauté, ce qui le fit au Babiloine, 127, Babylone
Moyen Age prendre ou peut-être le Caire.
pour une femme. Bailly, 109, sans doute
Aristote, 59, 67. Crépin Bailly, membre
Arragon, 78, v. Al- du clergé de Saint-
phonce. Benoît-le-Bétourné en
Art de mémoire, 51, Ars 1458.
memorativa, ouvrage Barillet (le), 121, une
didactique répandu au maison ou taverne à
XVe siècle. cette enseigne était
Artus, 78, Arthur III de située vers le Grand
Bretagne, le connétable Châtelet.
de Richemont, t 1458. Barre (le Basfart de la),
Asne royé (l'), (c'est-à- voir Marchant.
dire le zèbre), 51, en- Basanier (Pierre), 53,
seigne. 121, notaire au Châte-
Aulnis, 106, Aunis. let dès 1457, puis
Aussigny (Thibaut d'), clerc criminel en la
63, 65, évêque d'Or- même juridiction.
léans (1452-1473), cf. Baude, 114, frère Baude
Tacque Thibault. de la Mare, qui appar-
Auvergne (comte daul- tenait encore en 1471
phin d'), 79, Béraud au couvent des Carmes
II, t 1426. de la place Maubert.
Beguines, 57, 112. de la Bohême ; la faulte
Behaigne, 79, Bohême. des Boesmes est l'héré-
Belet, 157, diminutif sie hussite.
d'Ysabel. Bon Fouterre (Michault
Bellefaye (Martin), 146, le), voir Michault.
lieutenant criminel du Boulongue, 49, Boulogne-
prévôt de Paris (1460), sur-Mer (Pas-de-Ca-
conseiller au Parle- lais).
ment (1462), t 1502. Bourbon (duc de), 78,
Berte au grant pié, 77, Charles Ier, t 1456.
mère de Charlemagne — (monseigneur de),
dans la légende épique. 173, Jean II, fils
Beuf couronné (le), 54 du précédent, duc de
enseigne. Bourbon, de 1456 à
Bible (la), 128, voir 1488.
David, Evangille, Job, Bourcière (Katherine la),
Saige, Salmon. 86.
Bietris, 77, 157, Béatrix. Bourges, 123, arcevesque
Billy (la tour de), 120, de Bourges, 115.
au bord de la Seine sur Bourg la Royne (le), 112,
la rive droite (entre la Bourg-la-Reine (Seine).
rue du Fauconnier et Bretaigne, 78, 108 ; voir
la rue Saint-Paul). Artus et Jehanne.
Blanche (la royne), 77, Breton, 79.
Blanche de Castille (?). Brettes, 129, Bretonnes.
Blarru, 51, Jean de Brunet (Phelip), 146, le
Blarru, orfèvre sur le même que le « sei-
Pont-au-Change en gneur de Grigny », 53,
1460-1461. 120, personnage peu
Bobignon (Pierre), 106. recommandable, vivait
Boesmes, 158, habitants. encore en 1506.
Bruyeres (Mlle de), 128, Carméliste bulle, 51,
Catherine de Béthisy, bulle de 1449 donnant
veuve en 1454 de Gi- aux religieux men-
rard de Bruyères, no- diants le pouvoir de
taire et secrétaire de confesser, au préjudice
Charles VI, possédait des droits des curés re-
l'hôtel du Pet-au- connus par le décret
Diable. Omnis utriusque sexus
Buridan, 77, Jean Buri- du concile de Latran
dan, recteur de l'Uni- (1215).
versité de Paris, mort Carmes, 57.
vers 1360. Carmes (ostel des), 114,
couvent des Carmes de
Calais (Jehan de), 142, la place Maubert.
notaire du Châtelet, Cartage, 135, Cartaige,
chargé de la connais- 179, Carthage.
sance des testaments. Cassandre, 171.
Calaisiennes, 129. Cathelennes, 129, Cata-
Calixte (le tiers), 78, Ca- lanes.
lixte III (Alphonse Caton, 170, le Pseudo-
Borgia), pape pendant Caton.
3 ans et 4 mois, Cayeux (Colin de), 135,
1458. fils d'un serrurier,
Cappel, voir Hue. étudiant à Paris,
Cardon (Jaquet), 52, sans doute ami d'en-
139, sans doute Jaco- fance de Villon, devint
tin Cardon, marchand un incorrigible vo-
drapier et chaussetier, leur et fut pendu vers
bourgeois de Paris, éta- 1460.
bli dans le voisinage de Cecille, 122, Sicile.
la place Maubert. Celestins, 73, 131, 148,
probablement les Cé- Chastellet (le), 54, juri-
lestins de Paris. diction et prison de la
Cerberus, 90, Cerbère. prévôté de Paris.
Cesar, 167, désigne le duc Cheval blanc (le), 51,
d'Orléans. 106, enseigne.
— (Julles), 179. Chevalier du Guet, 54,
Chambre aux Deniers, 142, commandant du
138, juridiction char- guet royal chargé de la
gée des dépenses de la sûreté de Paris.
maison du Roi. Chippre (roy de), 78,
Chappelain, 142, peut- Jean III de Lusignan,
être Jean Chappelain, t 1458.
sergent de la douzaine Cholet, 55, 110, Casin
en 1457. Noter l'équi- Cholet, personnage peu
voque avec chappelle. honorable ; devenu ser-
Chapperonniere (Jehan- gent à verge au Châ-
neton la), 86. telet, il fut dépouillé
Charité, 56. de cet office, fustigé et
Charlemaigne, 78, 79. emprisonné en 1463.
Charles VIIe le Bon, 78, Claquin, 79, Bertrand du
« le grant Charles », Guesclin, t 1380.
66, Charles VII, t Clotaire, 187.
22 juillet 1461. Clovis, 167.
Charruau (Guillaume), Colombel, 146, Guil-
107, maître ès arts à laume Colombel, con-
Paris (1449). seiller du Roi et pré-
Chartier (Alain), 141, le sident de la Chambre
poète; cf. la note. des Enquêtes (1434),
Chartreux, 73, 131, 148, t 1475.
les Chartreux du cou- Constantinoples, 79,
vent de Vauvert. Constantinople.
Cornu (Jehan le), 50, 105, ques Coeur, t 1456.
clerc criminel au Châ- Cul d'Oue (Michault),
telet de 1465 au plus 120, échevin (1440),
tôt à 1470. prévôt de la Grande
Cotart (Jehan), 64, 115, Confrérie aux Bour-
116, 117, paraît fré- geois de Paris (1448).
quemment dans les re- Dauphin (le feu), 66,
gistres de l'officialité de l'ex-dauphin, le roi
Paris comme procura- Louis XI.
tor ou promotor cu- d'Auvergne, 79, voir
rie. —
Auvergne.
Cotin (Guillaume), 56, de Vienne et de Gre-
cf. 119, vieillard fort —
noble, 80, le dauphin
riche, chanoine de Pa- de Viennois.
ris et conseiller au David, 91, « le Psal-
Parlement; cf. Vitry.
miste », 167, « les
Courault (Andry), 125, davitiques dix », 75,
procureur au Parle- « psëaulme Deus lau-
ment et conseiller du dem », 65.
roi au Trésor. Decret (le), 89 et note,
Cousture du Temple (la oeuvre du canoniste
chaussée et carreau de Gratien, première par-
la grant), 107, la rue tie du Corpus juris ca-
Vieille-du-Temple. nonici.
Cretes, 90, la Crète. Dedalus, 161, « la tour
Cristofle (le seigneur qui Dedalus » est le Laby-
sert Saint), 121, voir rinthe.
Estouteville. Denise, 116.
Crosse (la), 56, enseigne. Desperance, 161, person-
Cuer (Jaques), 75, Jac- nification du déses¬
poir ; cf. Greban, Mis- Egypcienne (l'), 101,
tère de la Passion, Sainte Marie l'Egyp-
21790 s. tienne.
Detusca, 114. Egypciennes, 129.
Devotes, 112, 148. Egypte, 179.
Dido, 135, « noble Enfans Trouvez (les),
Dido », 171, Didon. 134, asile des Enfants
Dijon, 80, le « sire de Trouvés de Notre-
Dijon » est le duc de Dame, fondé par le
Bourgogne. chapitre de la cathé-
Diomedès, 68, 69 ; pour drale.
l'anecdote relative à Englois, 77, Engloises,
Diomède, voir la note. 129.
Dix et huit clers, 119, le Eolus (les serfs), 162, les
collège des Dix-Huit. vents.
Doles, 80, « le sire de Esbaillart (Pierre), 77,
Doles » est le comte de Pierre Abailard.
Bourgogne. Esmaus, 67, Emmaüs.
Dominique (Saint), 139. Espaigne, 78 ; le roi d'Es-
Donat (le), 118, le De pagne est sans doute
octo partibus orationis Jean II de Castille, t
de AElius Donatus. 1454.
Douai, 64, Douai (Nord). Espaignolles, 129.
Douze (les), douze ser- Esperit (le Saint), 50, 51,
gents à cheval, garde 97.
du prévôt de Paris ; cf. Estienne (saint), 143.
Chappelain, Marchant Estouteville (Robert d'),
(Perrenet), Raguier « le seigneur qui at-
(Jacques). taint troubles, etc. »,
53, « le seigneur qui
Echo, 77, 171. sert Saint Cristofle »,
121, prévôt de Paris barbier et marguillier
et époux d'Ambroise de Saint-Germain-le-
de Loré. Vieux en la Cité dès
Evangile (l'), 67, 128; 1460.
cf. 98 et la note. Gantière (la Belle), 86.
Garde (Jehan de la), 58,
Fantasie, 59. 121, 145, riche épicier
Filles Dieu, 57. de Paris.
Flandre, 64. Garnier, 186, Etienne
Flora, 77, courtisane ro- Garnier, clerc de la
maine; cf. Juvénal, petite geôle (ou gui-
Sat. II, 9. chet) du Châtelet dès
Florentines, 128. 1459.
Fortune, 123, 140, 169, Gasconnes, 129.
174, 179. Genevoises, 128, Génoi-
Four (Michault du), 109, ses.
sergent à verge au Genevoys, 121, ce peut
Châtelet en 1457, par- être Etienne Genevoys
ticipa à l'enquête sur ou Pierre Genevoys,
le vol du collège de procureurs au Châtelet.
Navarre. George (saint), 115.
Fournier, 53, 107, Pierre Girart (Perrot), 112.
Fournier, procureur de Glaucus, 162.
Saint-Benoît au Châ- Gontier (Franc), 125,
telet. 126, 127, personnage
France, 65, 80, 96, 161, d'un dit où Philippe
162. de Vitry, évêque de
Françoys, 184. Meaux (t 1362), célé-
Fremin, 87-, 96, Firmin. brait la vie simple du
paysan Franc Gontier
Galerne (Colin), 134, et de sa femme
Hélène; « le tirant Gros Figuier (le), 53, en-
séant en hault » fait seigne.
allusion à une autre Grosse Margot (la), 131,
pièce, pendant de la 132, enseigne peut-être
précédente, où Pierre de plusieurs mauvais
d'Ailly, évêque de lieux.
Cambrai, avait peint la Gueuldry (la maison
misère de la vie de Guillaume ou Guillot),
cour; cf. Romania, 56, 119, rue Saint-
XXVII, 63-5, le texte Jacques, maison de
des deux pièces. boucher qui devait le
Gossouyn (Girart), 55, cens au chapitre de
cf. 117-118, Girart Notre - Dame, mais
Gossouyn l'aîné, no- resta longtemps insol-
taire au Châtelet. vable.
Gouvieulx, 58, Gouvieux
4 km. ouest de Chan- Hannibal, 179.
tilly, où était un châ- Haremburgis, 77, Arem-
teau royal. bour, fille et héritière
Grant Godet (le), 107, ta- d'Hélie, comte du
verne, place de Grève. Maine, t 1126. Villon
Grant Turc, 161, le sul- l'avait trouvée men-
tan des Ottomans. tionnée dans les Gesta
Grecques, 129. Pontificum Cenoman-
Grenobles, 80, cf. Dau- nensium : « Arembur-
phin. gis, filia comitis Heliae,
Greve, 107, quartier de quam paterno jure co-
Paris. mitatus Cenomannen-
Grigny, 53, 120, village sis contingebat. »
entre Longjumeau et Hëaulme (le), 54, en-
Corbeil ; cf. Brunel. seigne.
Hëaulmiere (la belle), 82, Capet, qu'une tradi-
dans tout l'éclat de sa tion rattachait à une
beauté vers 1415, au- famille de bouchers,
rait été en ce temps la cf. Hugues Capet,
maîtresse de Nicolas chanson de geste, II,
d'Orgemont, archidia- 62, etc., et Dante,
cre de Paris. Purgatoire, XX, 52.
Hector, 122, le fils de Innocens (les), 137, cime-
Priam. tière autour de l'église
Helaine, 76, 161, la belle des Saint-Innocents.
Hélène. Isle (l'), en Flandre, 64,
Helaine, 127, cf. Gon- 89, Lille.
tier. Italiennes, 129.
Helloïs, 77, Héloïse,
l'amante d'Abailard. Jacob, 65.
Henry, 133, maître Jacoppins, 53, 130, jaco-
Henry Cousin, exécu- bins, dominicains de la
teur de la haute jus- rue Saint-Jacques, à
tice à Paris dès 1460. Paris.
Herodes, 91, Hérode An- James (Jaques), 141,
tipas. 146.
Hesselin (Denis), 106, élu Jaqueline, 131.
sur le fait des aides, à Jason, 161, 180.
Paris, prévôt des mar- Jehan Baptiste (Saint),
chands (1470-1474), 91, 168.
receveur de la ville Jehanne, 120.
jusqu'en 1500, vivait Jehanne (la grant) de
encore en 1506. Bretaigne, 133.
Holofernes, 180. Jehanne la bonne Lor-
Hongrie, 129. raine, 77, Jeanne
Hue Cappel, 186, Hugues d'Arc.
Jehanneton, 94. moteur de l'officialité.
Job, 72, cf. la note, 161. Lombardes, 128.
Jolis (Noël), 133, proba- Lombart, 95, 173, usu-
blement le Noel de la rier.
p. 91. Lomer, 140.
Jonas, p. 162. Loré (Ambroise de), 122
Jouvenel (Michiel), 146, acrostiche, mariée vers
bailli de Troyes (1455), 1446 à Robert d'Es-
t 1470, proche parent touteville, t 1468.
de Thibaut de Vitry Lorraines, 77, 129.
par sa mère Michelle Loth, 116.
de Vitry. Lou (Jehan le) ou le
Judas, 161. Loup, 55, 110, sans
Judith, 171, 180. doute un voiturier par
Juifs, 184. eau et pêcheur, chargé
Juno, 162. du nettoyage des fos-
sés de la ville, con-
Ladre (le), 98, Lazare le damné à une amende
lépreux; cf. la note. envers la ville (1456),
Lancelot, 79, Ladislas encore fournisseur de la
(Laszlo) d'Autriche, ville en 1459 et plus
roi de Bohême, t tard sergent au Châte-
1457. let.
Lanterne (la), 54, en- Louviers ou Louvieux
seigne. (Nicolas de), 58, 108,
Laurens (Colin), 55, cf. échevin (1444 et
117-118, vieil usu- 1449), receveur des
rier. aides (1434-1461),
Laurens (Jehan), 113, conseiller à la Cham-
un des juges de Guy bre des Comptes
Tabarie en 1458, pro- (1461), t 1483.
Loys, 65, « le feu dau- 117-118, l'un des prê-
phin », Louis XI. teurs sur gages les plus
Lucresse, 171. riches de Paris.
Marchant (Perrenet), 54,
Macée d'Orléans, 115. 95, 103, 110, « le Bas-
Machecoue (la), 108, rô- tart de la Barre », ser-
tisseur près du Grand gent à verge, des
Châtelet, veuve d'Ar- Douze, au Châtelet
noul Machicou, morte encore en 1491.
après 1459, mais avant Marchant (Ythier), 50,
1461. 104, 107, serviteur du
Macquaire, 124, sans duc de Berry, fils
doute allusion à un puîné de Charles VII.
mauvais cuisinier raillé Marchié au fillé, 128.
déjà par Geoffroi de Marcial (sainct), 66.
Paris, Martire de Margot, 131, 132 ; voir
Saint Baccus, 217-8, Grosse Margot.
cf. Romania, XXX, Marie (la Vierge), 103,
380. 182.
Macrobes, 129. Marne, 134, rivière.
Magdalaine (la), 161, Marquet, 142.
Sainte-Marie de Mag- Mars, 162.
dala. Marthe, 104 acrostiche.
Maine (le), 77, province. Mathelins, 118, Mathu-
Maistre des Testamens rins ou Trinitaires.
(le), 147, officier Mathieu, 113, Matheolus,
chargé à l'officialité de auteur du Liber La-
régler en dernier res- mentationum (fin du
sort tout ce qui con- XIIIe s.).
cernait les testaments. Mathusalé, 65, Mathusa-
Marceau (Jehan), 55, cf. lem.
Maubué (fontaine), 109, Michault le bon fouterre,
coin des rues Maubué 102. Il est déjà fait al-
et Beaubourg. lusion à l'ardeur amou-
Maupensé, 51. reuse de ce personnage,
Mautaint (Jehan), 53, au XVe siècle, dans Re-
121, examinateur au nard le Contrefait (2e
Châtelet, chargé en version), v. 943-4 :
1457 d'instruire l'af- Onques Michault qui
faire du collège de en mourut — Si volen-
Navarre. tiers ouvrier n'en fut.
Mehun, 66, 133, Meung- Millieres (Jehanne de),
sur-Loire (Loiret), 51,une Jeanne de Mil-
alors siège d'une châ- lières figure en 1455,
tellenie de l'évêque comme plaideuse dans
d'Orléans. un registre du Parle-
Mehun (Jehan de), 113, ment.
Jean Clopinel, le con- Montigny (Regnier de),
tinuateur du Roman
de la Rose. 52, 53, fils d'un pane-
tier du roi, né vers
Mendians, 57, 134, 148,
Freres mendians, 112. 1429, s'affilia aux
« Coquillards » et fut
Memoire, 59. pendu en 1457.
Merebeuf, 58, 108, sans
doute Pierre Merebeuf, Montmartre, 130, au
nord de Paris, alors
drapier, rue des Lom-
bards (document de siège d'une célèbre ab-
baye de femmes.
1454 à 1461).
Merle, 117, Jean de Montpipeau, 133, forte-
Merle, changeur et resse à 10 km. de
bourgeois de Paris (do- Meung-sur-Loire.
cument de 1458). Moreau, 96.
Mort, 76, 105, 158, 169, au supplice qui,
179. d'après l'Historia sep-
Mortier d'Or (le), 58, en- tem supientum (conte
seigne. Virgilius), aurait été
Moulins, « une bonne infligé à un empereur
ville », 67, cf. la note, Octavien.
Moulins (Allier). Ogier le Danois, 140, al-
Mouton (le), 54, ensei- lusion à un épisode de
gne. la suite féerique du
Moutonnier, 53. roman d'Ogier.
Mulle (la), 51, 106, ta- Orace, 74, bisaïeul de
verne, rue Saint-Jac- Villon.
ques; Villon et ses Ordres (les neuf Ordres
amis s'y étaient réunis des cieulx), 99, les
avant de tenter le vol neuf choeurs d'anges.
du collège de Navarre Orfèvre de Bois (l'), 111,
(déc. 1456). Jean Mahé, dit l'Or-
fèvre de Bois, sergent
Nabugodonosor, 161. au Châtelet et aide du
Narcisus, 90, 161, Nar- questionneur (docu-
cisse. ment de 1476).
Nature, 56. Orléans, 112, 115.
Neapolitaines, 128. Orléans (Marie d'), 166,
Nijon, 53, château entre fille du duc Charles
Chaillot et Passy. d'Orléans, née le
Noé, 116. 19 déc. 1457.
Noël, 47, 153, 156, fête Orpheüs, 90.
de Noël. Ostel Dieu (l'), 134.
Noël, 91. Voir Jolis.

Octovien, 162 ; allusion Paris, 76, fils de Priam.


Paris, 10 6, 108, 112, 113, Petit Pont, 129, entre la
128, 129, 137, 181. Cité et la rive gauche
Parisiennes, 129. de la Seine.
Parlement, 51, 184. Phebus, 162.
Pasques, 52. Philebert, 142.
Patay, 172, Patay (Loi- Picardes, 129, nom ap-
ret). pliqué aux femmes de
Peautarde (Marion la), Valenciennes.
139. Picart, 64 les Picards,
Perdrier (François et hérétiques qui paru-
Jehan), 123, fils de rent en Hongrie au
Guillaume Perdrier, XVe siècle et qui furent
changeur et bourgeois exterminés par Zisca.
de Paris : François, re- Pierre au Let (la), 54, un
ceveur royal à Caude- des noms de la rue des
bec, t 1487 ; Jean, Ecrivains au nord de
écuyer, concierge du Saint - Jacques - la -
château royal des Boucherie.
Loges en 1466-67. Pimontoises, 128, Pié-
Perrete, 131. montaises.
Pet au Diable (rommant Pitié, 104.
du), 99 ; cet ouvrage Poictou, 108, Poitou.
perdu devait avoir pour Pomme de Pin (la), 53,
sujet l'enlèvement par 108, taverne, rue de la
les écoliers
parisiens Juiverie en la Cité.
d'une pierre de grande Pompee, 179.
dimension servant de Pontoise, 181.
borne à l'hôtel du Pet Poucinière (l'estoille), 180,
au Diable et les con- la constellation des
flits qui en furent la Pléiades.
suite (1451-53). Poullieu (Jehan de), 113,
Jean de Poliaco, doc- Quinze Signes (les), 57,
teur de l'Université de que l'on croyait devoir
Paris, prédicateur dont annoncer le Jugement
les propositions furent dernier.
condamnées en 1321 Quinze Vings (les), 137,
par le pape Jean XXII. maison des Aveugles, à
Pourras, 112, Port- Paris; 137, enseigne
Royal, près Chevreuse ; (?) à Provins.
l'abbesse, Huguette du
Hamel, dut, en raison Raguier (Jacques ), 53,
de son existence scan- 107, 146, avocat au
daleuse, être dépossé- Parlement (1455), plus
dée en 1463. tard évêque de Troyes
Prevost des Mareschaulx (1483), t 1508.
(le), 142, Tristan l'Er- Raguier (Jean), 52, 109,
mite. frère aîné du précé-
Priam, 179. dent, l'un des douze
Prince des Sotz, 109, chef sergent attachés au
de la confrérie bur- prévôt de Paris, plus
lesque qui représentait tard trésorier des
les « soties ». guerres, puis receveur
Proserpine, 161. général des finances de
Provins, 96, peut-être Normandie (1468),
Jean Provins, pâtissier maître des comptes
(document de 1457- (1480), mort avant
59). 1504.
Provins, 137, Provins Rains, 89, Reims.
(Seine-et-Marne). Raison, 122.
Pruciennes, 128, Prus- Regnier, 122, René d'An-
siennes. jou, roi de Sicile, (t
Psalmiste, 167, David. 1480) tint un « pas
d'armes » à Saumur en Rosnel, 121, Nicolas
1446. Rosnel, dès 1453 exa-
Renes, 80, Rennes (Ille- minateur au Châtelet.
et-Vilaine). Rouan, 77, Rouen.
Reynel (Jean de), 121, Rousseville (Pierre de),
sans doute Jean de 58, concierge de
Rueil, auditeur des l'étang de Gouvieux
causes au Châtelet. dès 1433.
Riche (parabolie du), 98. Roussillon, 149, Roussil-
Richier (Denis), 109, l'un lon (Isère).
des onze-vingts ser- Ru (Guillaume du), 147,
gents de la prévôté de marchand de vins en
Paris. gros.
— (Pierre), 118, profes- Rueil, 135, Rueil (Seine-
seur à la faculté de et-Oise), à l'ouest de
théologie et directeur Paris.
d'un important collège
parisien.
Rigueur, 103, 145, 169. Saige (le), 72, 126, l'Ec-
Riou (Jehan), 111, capi- clésiaste.
taine des archers de la Saine, 56, 77, la Seine.
ville de Paris. Saint Amant (Pierre), 51.
Robert (le petit maistre), 106, en 1447 clerc du
95, bourreau d'Or- Trésor du Roi.
léans. Saint Anthoine (rue), 56,
Rommain, 47, 180 ; à Paris.
Rommaines, 77, 128. Sainte Avoye, 143, cou-
Romme, 69, 130, 158, vent d'Augustines, rue
180. du Temple (Sainte-
Rose (Rommant de la), Avoie) ; la chapelle
68. était au Ier étage.
Saint Denis, 77, abbaye. Sardanapalus, 162.
Saint Empire, 184. Saturne, 177, planète.
Saint Generou, 108, Saint- Saulcicière (la gente), 86.
Generoux (Deux-Sè- Savetière (Blanche la),
vres ). 86.
Saint jaques, 52, église Savoisiennes, 128.
Saint - Jacques - la - Scotiste (le roy), 78, Jac-
Boucherie à Paris. ques II, roi d'Ecosse,
Saint Julien de Voven- t 3 août 1460 ; la par-
tes, 108, Saint-Julien- ticularité rapportée par
de-Vouventes (Loire- Villon est signalée ail-
Inf. ). leurs.
Saint Mor, 58, abbaye de Scypion l'Affriquan, 179,
Saint - Maur - les - Scipion Emilien, le se-
Fossés, S.-E. de Paris. cond Africain.
Saint Omer, 89, Saint- Seneschal (le), 141.
Omer (Pas-de-Calais). Serbonne, 58, la Sor-
Saint Satur soubz San- bonne.
cerre, 102, Saint-Satur Sidoine (dame), 126.
(Cher). Simon Magus, 161, Si-
Salins, 118, Salins mon le Magicien.
(Jura). Suysses, 129, Suissesses.
— (sire de), 80, titre
conservé par les com-
tes et ducs de Bour- Tabarie (Guy), 99, maî-
gogne. tre ès arts, prit part
Salmon, 65, 90, 177, Sa- avec Villon au vol du
lomon. collège de Navarre
Samson, 90. (déc. 1456), le ra-
Sardana, 90, peut-être conta à un prêtre qui
Sardanapale. le dénonça; arrêté et
soumis à la question ment la Thaïs de Mar-
(juillet 1458), il fit des tial.
aveux et fut sans doute Thamar, 91, cf. Amon.
pendu. Theophilus, 101, vidame
Tacque Thibault, 94, de l'église d'Adana en
nom porté au XIVe s. Cilicie, dont là lé-
par un favori du duc légende a été traitée
Jean de Berry, abhorré souvent au Moyen
du peuple pour ses Age, notamment par
moeurs honteuses et ses Gautier de Coinci et
exactions (cf. Frois- Rutebeuf.
sart); Villon l'ap- Toulousaines, 129.
plique comme une in- Trascaille (Robinet), 112,
sulte à Thibault d'Aus- Robert Trascaille, re-
signy. ceveur de Château-
Taillevent, 123, le Vian- Thierry (1437), secré-
dier de Guillaume Ti- taire du roi (1462).
rel, dit Taillevent. Travail (c'est - à dire
-
Tantalus, 161, Tantale. Souffrance), 67, 172.
Tappiciere (Guillemete Tricot (Thomas), 147,
la), 86. maître ès arts (1452).
Taranne (Charlot), 120, Troies, 89, Troyes
membre d'une célèbre (Aube).
famille parisienne, tra- Troïlle, 122, Troïlus, fils
duit en 1461 devant de Priam.
l'officialité pour blas- Trou Perrete (le), 147,
phème. tripot ou jeu de
Thaïs, 77, sainte Thaïs, paume, rue aux Fèves
ou Thaïs la courtisane en la Cité, en face la
qui suivit Alexandre Pomme de Pin.
En Egypte, ou simple- Trouvé (Jehan), 34, va¬
let boucher de la curé d'Argenteuil
Grande-Boucherie de (1459), était mort en
Paris. 1471.
Troyens, 161. Valee (Robert), 51, 52,
Troys Lis (les), 54, une probablement le même
des prisons du Grand que Robert Valée,
Châtelet. maître ès arts (1449),
Trumellieres (les), 51, plus tard curé de Ville-
une taverne de ce nom d'Avray.
était voisine des Halles. Valencicnnes, 129.
Turgis (Robin), 96, 106, Valere le Grant, 69, Va-
108, propriétaire de la lère Maxime, cf. la
Pomme de Pin. note.
Turlupins, turlupines, Valerien (mont), 130,
112, hérétiques. hauteur dominant
Paris à l'ouest.
Université, 56. Vallette (Jehan), 109,
Unze Vingts sergens, 109, sergent de la prévôté.
les Sergents de la pré- Vausselles (Katherine
vôté de Paris formant de), 91.
deux compagnies de Vauvert, 114, maison
110 hommes chacune. royale au sud de Paris
près de l'enceinte de
Vache (la), ou plus Philippe-Auguste ; de-
exactement peut-être venue inhabitable et
la Vache Troussée, 54, tenue pour hantée, elle
enseigne. fut donnée aux Char-
Vacquerie (François de treux (1257).
la), 115, licencié en Vegece, 47.
décret, promoteur de Veniciennes, 128.
l'officialité (1440), Venus, 162.
Vicestre, 53, 120, châ- 103, 104 acrostiche,
teau fort bâti sur 144, 172; Françoys,
l'emplacement du ma- 171, 179, 180, 181.
noir de Jean de Win- Villon (Guillaume de),
chester (Vincestre) ; 50, 99, né à Villon
aujourd'hui Bicêtre, au près de Tonnerre
sud de Paris. (Yonne), maître ès
Victor (Saint), 162, fut, arts et bachelier en
d'après la légende, décret, chapelain de
écrasé entre les meules Saint - Benoît - le -
d'un moulin. Bétourné, avait en
Victry (Thibault de), 56, quelque sorte adopté
cf. 119, vieillard fort François de Montcor-
riche, chanoine de bier ; il mourut sep-
Paris, conseiller au tuagénaire en 1468.
Parlement; cf. Cotin. Vollant, 145, Guillaume
Vienne, 80, cf. Dau- Voilant, membre d'une
phin. famille de bourgeois
Villon, 60, 101,102 acros- parisiens.
tiche, 141, 149, 154
acrostiche, 160 acros- Ydolle (Marion l'), 133,
tiche, 174, 175, 178 134, de son vrai nom
acrostiche, 179, 180 ; Marion la Dentue.
Françoys Villon, 47, Ysabeau, 131.
TABLE DES

Ballade de bon conseil 153


Ballade de bonne doctrine 136
Ballade de la Belle Heaulmière 86
Ballade de la Grosse Margot 131
Ballade de l'appel 186
Ballade de mercy 148
Ballade des contre-vérités 159
Ballade des dames du temps jadis 77
Ballade des femmes de Paris 128
Ballade des langues envieuses 124
Ballade des menus propos 157
Ballade des proverbes 155
Ballade des seigneurs du temps jadis 78
Ballade du concours de Blois 164
Ballade en vieil langage françois 79
Ballade et oroison pour l'ame du bon feu Cotard. 116
Ballade pour clore le Testament 149
Ballade pour prier Nostre Dame 100
Ballade pour Robert d'Estouteville 122
Belle leçon aux enfants perdus 135
Contrediz de Franc Gontier, ballade 126
Débat du cuer et du corps du Villon, ballade. 176
Dit de la naissance Marie d'Orléans 168
Double ballade pour Marie d'Orléans 168
Double ballade sur le propos d'Amour 90
Epistre a ses amis, ballade 174
Epitaphe (du Testament) 144
Epitaphe Villon (des Poésies diverses), ballade. 182
Epître à Marie d'Orléans 166
La Belle Heaulmière aux filles de joie, ballade. 86
La Vieille en regretant le temps de sa jeunesse. 82
Lay ou rondeau à la Mort 105
Lay ou rondeau sur la Fortune 140
Louange à la court, ballade 184
Quatrain sur le sort de François Villon 181
Question au clerc du Guichet, ballade
.... 186
Regrets de la Belle Heaulmière 82
Requeste à la court de Parlement, ballade 184
Requeste à Monseigneur de Bourbon, ballade
....
. .
172
Rondeau de Jenin l'Avenu 163
Verset ou rondeau de l'épitaphe 144
TABLE DES INCIPITS
A Chartreux et a Célestins 148
Advis m'est que j'oy regreter 82
Aiez pitié, aiez pitié de moy 174
Au poinct du jour, que l'esprevier se bat
Au retour de dure prison
.... 122
140
Beaulx enfans vous perdez la plus 135
Car ou soies porteur de bulles 136
Car, ou soit ly sains apostolles 79
Combien que j'ay leu en ung dit 168
Cy gist et dort en ce sollier 144
Dame des cieulx, regente terrienne 100
Dictes moy ou, n'en quel pays 77
En l'an de mon trentiesme aage 63
En reagal, en arcenic rochier 124
Faulse beauté qui tant me couste chier
Fortune fus par clers jadis nommee
.... 103
179
Freres humains qui après nous vivez 182
Hommes faillis, bersaudez de raison 153
Icy se clost le testament 149
Il n'est soing que quant on a fain 159
Je congnois bien mouches en let 157
Je meurs de seuf auprès de la fontaine 164
Jenin l'Avenu 163
Je suis Françoys, dont ce me poise 181
.
L'an quatre cens cinquante six 47
Le mien seigneur et prince redoubté 172
Mort, j'appelle de ta rigueur 105
O louee conception 166
Or y pensez, belle Gantiere 86
Pere Noé, qui plantastes la vigne 116
Pour ce, amez tant que vouldrez 90
Qu'est ce que j'oy ? — Ce suis je. — Qui ? —
Ton cuer 176
Que vous semble de mon appel 186
Qui plus, ou est le tiers Calixte 78
Quoy qu'on tient belles langagieres 128
Rencontré soit de bestes feu getans 161
Repos eternel donne a cil 144
Se j'ayme et sers la belle de bon hait 131
Sur mol duvet assis, ung gras chanoine 126
TABLE GÉNÉRALE

POÉSIES DIVERSES
Notes explicatives 189
Glossaire 193
Index des noms propres 201
Table des poésies 223
Table des incipits 225

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