Oeuvres de François Villon
Oeuvres de François Villon
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FRANÇOIS VILLON
HOMMAGE DES ÉDITEURS
OEUVRES
DE
FRANÇOIS VILLON
PUBLIÉES AVEC UNE INTRODUCTION
PAR
PARIS
LA CITÉ DES LIVRES
27, RUE SAINT-SULPICE
MDCCCCXXX
AVERTISSEMENT
L'OEUVRE de Villon ne pouvait être mieux
présentée qu'en réimprimant l'édition publiée
l'année même de sa mort par celui qui avait
été l'initiateur en cette matière et qui du premier
coup avait atteint à la maîtrise.
« Nommer Auguste Longnon, a écrit M. Pierre
Champion dans la préface de son François Villon,
c'est saluer l'initiateur, l'érudit admirable et perspi-
cace qui a découvert tout ce que nous savons de la
biographie de Villon, et qui a publié, avec autant de
science que de prudence, les oeuvres mutilées de
notre poète. Jamais on n'en rendra assez témoignage.
Génie intuitif formé à sa seule école, Auguste
Longnon fut, parmi les historiens du siècle dernier,
un créateur. Science infinie, patience, divination,
rigueur, clarté, telles pouvaient paraître les qualités
essentielles de ce grand travailleur. Mais Auguste
Longnon était encore un homme d'un goût très sûr,
d'une sensibilité aiguë. Il savait aimer les belles-lettres
et se délassait des rudes publications documentaires
par la lecture de notre vieille littérature qu'il possé¬
dait parfaitement. Un tel zèle ne peut que susciter
la fortune. Ainsi Augtiste Longnon eut le bonheur de
retrouver le Méliador de Froissart : il fut tout aussi
heureux avec Villon. Auguste Longnon a découvert
le peu que nous possédons sur le poète ; il l'a rendu
pour la première fois lisible ; il a montré la manière
de commenter un texte littéraire à l'aide de docu-
ments d'archives ; il a entrevu que tout était réel
chez notre auteur. Il faut le répéter en tête d'un long
travail sur Villon, quand on a pic vérifier soi-même,
et pendant longtemps, l'étendue et la rigueur de ses
recherches... »
Et M. Pierre Champion ajoutait : « Autant que
le permettent les manuscrits de Villon, qui ne sont
pas excellents et ne se classent pas très bien, on peut
dire que la récente édition d'Auguste Longnon nous
donne un texte aussi parfaitement établi que pos-
sible. » C'est le texte de cette édition, publiée en 1911,
que nous réimprimons ici. Suivant l'opinion de
Gaston Paris, Longnon n'avait pas jugé utile de réé-
diter les Ballades en jargon, qui trouveraient mieux
place dans un recueil de documents de l'argot ancien.
Pour les titres des poésies, nous avons conservé la
disposition de Longnon : en tête des pièces les titres
qui se trouvent dans les manuscrits et les éditions
du XVe siècle ; en manchette dans les marges les titres
traditionnels imaginés depuis et qui datent pour la
plupart de Marot.
Nous avons fait précéder les oeuvres du poète de
la notice biographique publiée par Auguste Longnon
en tête de la première édition qu'il donna de Villon,
en 1892. Pour mettre cette notice, vieille de trente-
huit ans, au point des travaux publiés depuis, notam-
ment par Marcel Schwob et Gaston Paris, il a suffi,
suivant l'esprit de l'introduction à l'édition de 1911,
de transposer un paragraphe et d'en ajouter un
autre, emprunté aux notes chronologiques de cette
dernière édition.
Nous avons encore reproduit d'après l'édition
de 1911 les notes, le glossaire et l'index des noms
propres. Cet index, où se trouvent notamment iden-
tifiés les principaux personnages contemporains de
Villon nommés dans ses poésies, est un utile complé-
ment de la notice biographique.
Pour la commodité des recherches, nous avons
ajouté à cet index et à ce glossaire, non seulement
une table des incipits, comme dans l'édition revue
par M. Lucien Poulet et dans celle de M. Louis
Thuasne, mais encore une table générale de toutes
les poésies, comprises ou non dans le Testament.
Comme poète, Villon fut connu et réputé de son
vivant. Certaines de ses ballades étaient célèbres et
se transmettaient de bouche en bouche : Marot
connut des vieillards qui savaient par coeur ses
poèmes, sans les avoir lus. Quand l'imprimerie s'en
empara, elles rencontrèrent un succès formidable :
de 1489 à 1533, il ne s'en fit pas moins de vingt
éditions. Et Marot, dans la préface à l'édition de
Villon qu'il donna en 1533, en fait l'éloge le plus
grand, le plus juste, exactement motivé, lorsqu'il
conseille aux jeunes poètes « qu'ils cueillent ses sen-
tences comme belles fleurs, qu'ils contemplent l'es-
prit qu'il avait, que de lui apprennent à proprement
décrire et qu'ils contrefassent sa veine, mêmement
celle dont il use en ses ballades, qui est vraiment
belle et héroïque ; et ne fais doute qu'il n'eût emporté
le chapeau de laurier devant tous les poètes de son
temps, s'il eût été nourri en la cour des rois et des
princes, là où les jugements s'amendent et les lan-
gages se polissent. »
« Quant à l'industrie des lais, ajoute Marot, qu'il
fait en ses testaments, pour suffisamment la connaître
et entendre, il faudrait avoir été de son temps à
Paris, et avoir connu les lieux, les choses, et les
hommes dont il parle : la mémoire desquels tant
plus se passera, tant moins se connaîtra icelle industrie
de ses lais dits. Pour cette cause, qui voudra faire
une
oeuvre de longue durée, ne prenne son sujet sur telles
choses basses et particulières. Le reste des
oeuvres de
notre Villon (hors cela) est de tel artifice, tant plein
de bonne doctrine, et tellement peint de mille belles
couleurs, que le temps, qui tout efface, jusques ici ne
l'a su effacer. Et moins encore l'effacera ores et d'ici
en avant, que les bonnes écritures françaises sont et
seront mieux connues et recueillies que jamais. »
La postérité n'a fait que confirmer et renforcer
encore ce jugement. Par son génie âpre et pathé-
tique, Villon s'est classé parmi les plus grands poètes
de la France, et de tous les pays. Ce qui nuit toute-
fois à l'entendement de son oeuvre, c'en est le détail
périssable, les allusions aux choses et aux gens de son
temps. Plus l'étude de cette époque s'approfondit et
nous fait connaître ces choses et ces gens, plus le sel
de ces allusions en est savoureux : grâce aux
recherches d'Auguste Longnon, de Marcel Schwob,
de Gaston Paris, de Pierre Champion et de Louis
Thuasne, on arrive aujourd'hui à goûter quasi par-
faitement l'ironie plaisante et mordante qui s'unit
au pathétique du Testament.
Le principal de cette ironie est l'antiphrase. Et
d'abord la conception même des Lais et du Testa-
ment : Villon, « qui vaillant plat ni êcuelle n'eut
onques, ni un brin de persil », lègue généreusement
sommes d'argent, volailles, muids de vin. Il nomme
pompeusement des domaines, qui de son temps,
n'étaient plus que ruines, comme Nigeon, Bicêtre,
la tour de Billy, la conciergerie de Gouvieux. Et ses
« pauvres orphelins » sont de riches marchands,
connus pour leur usure et leurs spéculations. Le type
de l'antiphrase de Villon est son legs aux Quinze-
Vingts de ses lunettes pour reconnaître les honnêtes
gens des autres dans le charnier des Innocents : ici
l'ironie rebondit, et s'enrichit en passant d'une
pointe sur l'archaïsme du nom.
Le calembour accompagne l'antiphrase. Le titre
des Lais en est un premier exemple : Villon joue sur
le mot lais (orthographe ancienne de legs) et sur
le mot lai, qui désigne un genre de poème. A divers
personnages il laisse des enseignes dont les noms cor-
respondent à leur état : le Mouton à un boucher,
le Heaulme au Chevalier du Guet, la Crosse à deux
chanoines, le Mortier d'or à un épicier. A. Ythier
Marchand, puis à Guillaume Charruau, il laisse son
« branc d'acier » (son épée), non sans faire une
équivoque scatologique sur ce mot. A Chappelain il
laisse sa chapelle, c'est-à-dire le bénefice auquel il
aurait eu droit comme clerc, mais qu'il n'eut jamais.
Le Sénéchal sera fait maréchal, pour ferrer, par déri-
sion, les oies et les canards.
Puis viennent toutes sortes d'allusions plus ou
moins directes : à l'ivrognerie du « bon feu maître
Jean Cotard », à l'avarice de Jacques James « qui
se tue d'amasser biens », à la sottise de Robert Vallée,
qui « n'a sens plus qu'une armoire » et qui laissait
sans doute sa maîtresse Jehanne de Millières porter
la culotte, comme en témoigne le legs que Villon lui
fait de ses braies pour en coiffer s'amie, etc. Le lec-
teur averti ne laissera pas de deviner ces allusions.
FRANÇOIS VILLON
I
L plus fameux des poètes français du XVe siè-
cle naquit à Paris, probablement en l'année
1431, alors que la capitale de la France
reconnaissait l'autorité du roi d'Angleterre. On ne
sait rien de certain sur les auteurs de ses jours,
sinon qu'ils étaient d'une condition fort humble.
On ignore même le nom patronymique de son
père ou, du moins, il est permis d'hésiter
sur ce point entre le nom de « Montcorbier »
et celui « des Loges », sous lesquels il était encore
connu en 1456. Son aïeul, ou celui de son père, se
nommait Horace, vocable si extraordinaire alors dans
les pays français qu'on peut se demander si Villon
n'était pas le petit-fils d'une sorte de bateleur du
même nom qui, après l'héroïque défense de la ville
de Meaux, en 1422, paya de sa vie une facétie que
lui avait inspirée sa haine pour le roi anglais, auquel
le néfaste traité de Troyes venait de livrer notre pays.
François perdit sans doute son père de fort bonne
heure ; mais sa mère vivait encore en 1461, et, selon
une note de Marot, ce serait à la requête de cette
pauvre et simple femme pour laquelle Villon montre
une vive tendresse qu'il aurait composé cette prière
à la Vierge, poésie d'un tour si naïf qu'on admire la
vérité avec laquelle lui était possible de reproduire
les sentiments d'autrui.
Le pauvre enfant ne sentit pas toute l'étendue de
la misère des siens, car la précocité de son intelligence,
peut-être aussi quelque lien de parenté, attira sur
lui la bienveillante protection d'un chapelain de
l'église collégiale de Saint-Benoît-le-Bétourné, voi-
sine du collège de Sorbonne, maître Guillaume de
Villon. Ce brave ecclésiastique, qui, selon l'usage des
clercs de son temps, avait quitté son nom patrony-
mique pour un surnom emprunté au lieu de sa nais-
sance, était originaire de Villon, paroisse du diocèse
de Langres, située à cinq lieues de Tonnerre, et
jouissait, dès l'an 1423, d'un bénéfice ecclésiastique
au diocèse de Paris : homme laborieux, il joignait
au grade de maître ès arts celui de bachelier en
décret et, en cette dernière qualité, il avait professé
durant un certain temps dans les écoles de droit de
Paris. Il habitait, au cloître Saint-Benoît, une maison
dans laquelle il donna asile au jeune François de
Montcorbier qui, sous son patronage, fréquenta les
écoles de la faculté des Arts. C'est à cette sorte
d'adoption que le futur auteur de tant de morceaux
vraiment poétiques dut le nom sous lequel il est
connu et qu'il a illustré.
François de Montcorbier, que nous appellerons
désormais Villon, obtint le grade de bachelier ès arts
en mars 1449 et, un peu plus de trois ans après,
c'est-à-dire entre le 4 mai et le 26 août 1452, durant
le procuratoriat de Jean de Conflans dont il avait
été l'élève, il fut reçu licencié et admis à la maîtrise.
Il n'avait alors guère plus de vingt et un ans, c'est-
à-dire l'âge que les règlements universitaires exi-
geaient de tout candidat à la licence et à la maî-
trise ès arts. Il ne faudrait pas croire toutefois, en
dépit des aveux contenus dans le Grand Testament,
que le protégé de Guillaume de Villon eût bien
employé ses années d'école ; car — ainsi que l'a dit
Charles Thurot, l'érudit le mieux informé des usages
de l'Université de Paris au moyen âge — l'examen
n'était pas sévère et les examinateurs étaient loin
d'être incorruptibles. Le temps d'études suffisait pour
arriver, et l'on passait licencié, comme aujourd'hui
un élève en rhétorique passe en philosophie.
Au reste, les années pendant lesquelles François
Villon figura parmi les élèves de la faculté des Arts
sont au nombre des plus troublées qu'ait traversées
l'Université de Paris. Dès 1444, des troubles impor-
tants avaient eu lieu. Le recteur, sous prétexte qu'il
avait été insulté pour son refus de payer une impo-
sition, fit suspendre les leçons et les prédications
durant six mois, du 4 septembre 1444 au 4 mars 1445,
dimanche de la Passion. La justice laïque déploya
une certaine vigueur : quelques écoliers furent empri-
sonnés; malgré les réclamations de l'Université, le
roi Charles VII les fit juger par le Parlement et
menaça de poursuites les auteurs de la suspension
des leçons et des sermons. Une réforme parut néces-
saire, et le cardinal d'Estouteville, légat pontifical
en France, y fut délégué par le pape Nicolas V.
L'acte de réformation, qui réglait de nombreuses
questions de détail, fut enfin promulgué le Ier juin
1452, c'est-à-dire au moment même ou Villon ter-
minait ses études à la faculté des Arts.
Cependant les écoliers n'acceptèrent pas sans émoi
la nouvelle réglementation et, durant une année
encore, ils continuèrent à donner aux Parisiens le
spectacle de scènes véritablement scandaleuses, qui
avaient pris depuis trois années déjà un caractère
chronique. Une pierre, de dimensions colossales,
qu'on appelait le Pet-au-Diable et qui était fixée,
comme une sorte de borne, à la façade d'une impor-
tante demeure avoisinant l'église de Saint-Jean-en-
Grève, joua d'abord dans les ébats des clercs un rôle
capital. Ils l'enlevèrent dans le courant de l'an 1451
au plus tard et la transportèrent de l'autre côté des
ponts, au mont Saint-Hilaire, derrière la place Mau-
bert, au centre du quartier des Écoles. L'enquête
sur le transfert du Pet-au-Diable, exécutée en
vertu d'un arrêt du Parlement, en date du 15 no-
vembre 1451, ne fit point découvrir les coupables;
mais la pierre, enlevée du lieu où les écoliers l'avaient
plantée, fut menée par autorité judiciaire au Palais,
en la Cité. Elle n'y demeura point longtemps, car
les auteurs du tumulte, pénétrant à main armée
dans le Palais et tenant la herse du portail suspendue
à l'aide de grands chevrons, l'en tirèrent pour la
replacer au mont Saint-Hilaire. Bien plus, ils se ren-
dirent également maîtres de la nouvelle borne par
laquelle mademoiselle de Bruyères avait remplacé
au Martelet-Saint-Jean le Pet-au-Diable, la firent
solidement sceller à la montagne Sainte-Geneviève,
et, la désignant sous le nom facétieux de « la
Vesse », ils y dansèrent chaque nuit au son de la
flûte et autres instruments de musique. Le Pet-au-
Diable et la Vesse, celle-ci surmontée d'une autre
pierre longue, celle-là coiffée d'une couronne de fleurs
qu'on renouvelait les dimanches et jours de fêtes,
devinrent comme le palladium des libertés universi-
taires, et les écoliers, molestant la population pari-
sienne, contraignirent les passants et principalement
les officiers royaux d'y jurer la conservation des
privilèges de l'une et l'autre des deux pierres.
Les écoliers ne s'en tinrent pas là. Enhardis par
l'impunité et donnant un libre cours à leur humeur
facétieuse et turbulente, ils jetèrent leur dévolu sur
les enseignes les plus en renom de Paris. Par une
escalade au cours de laquelle l'un d'eux se rompit
le cou, ils s'emparèrent aux Halles de la fameuse
Truie-qui-file, qu'ils pensaient marier à l'Ours non
moins fameux de la porte Baudoyer, dont ils se
saisirent également; d'autre part, ils annoncèrent
hautement l'intention de faire célébrer le mariage
par le Cerf, celle de donner le Papegault (c'est-à-dire
le Perroquet) en cadeau de noces à l'épousée. Ces
prétentions, non moins que les déprédations des éco-
liers, mirent le comble à l'exaspération de la popu-
lation parisienne, qui trouvait que la bouffonnerie
avait trop duré. Les bouchers du quartier des Écoles,
qui voyaient parfois disparaître de leurs étaux les
crochets supportant des morceaux de chair, étaient
particulièrement animés contre les fauteurs de
désordres. La prévôté intervint, c'est-à-dire le prévôt
en personne, Robert d'Estouteville, assisté de plu-
sieurs examinateurs au Châtelet et de sergents. Le
9 mai 1453, jour de Saint-Nicolas, au matin, elle se
rendit en force à la montagne de Sainte-Geneviève,
fit enlever les deux pierres, dont la plus importante
était alors coiffée d'un chapeau de romarin, et trouva
dans l'hôtel de Saint-Étienne, qu'habitait maître
André Bresquier, les deux enseignes, les crochets de
boucherie et divers autres objets, parmi lesquels une
petite pièce d'artillerie et un certain nombre d'épées.
Au cours de cette expédition, la Prévôté s'empara
d'une quarantaine d'écoliers qu'on emprisonna au
Châtelet. L'Université, informée des faits, délibéra
et, dans l'après-midi même du 9 mai, le recteur et
près de 800 écoliers se rendirent en procession, par
petits groupes de neuf personnes environ, vers le
prévôt de Paris, qui habitait dans la rue de Jouy,
pour réclamer les prisonniers, justiciables seulement
de l'Église en vertu des privilèges de l'Université et
de leur qualité de clercs. Robert d'Estouteville y
consentit; mais, au retour, une collision s'engagea
non loin de la demeure du prévôt entre les écoliers
et les gens de la prévôté; un bachelier en droit,
Raymond de Mauregard, fut tué, et plusieurs autres
écoliers furent maltraités dans la bagarre.
Je n'ai point à raconter les poursuites engagées
devant le Parlement contre le prévôt de Paris et
ses officiers en raison de cette malheureuse journée
du 9 mai; il me suffira de dire que, dès le 20 juin
et le 12 septembre 1453, deux arrêts successifs de la
Cour donnèrent, dans une mesure équitable, satis-
faction à l'Université qui, durant neuf mois, cessa
ses leçons et suspendit complètement les prédica-
tions dans toutes les églises de Paris. Toutefois, le
premier de ces arrêts ordonna qu'on continuerait à
informer au sujet de l'enlèvement de la pierre du
Pet-au-Diable et des deux enseignes, « contre aucuns
que l'on disoit estre escolliers comme autres que l'on
disoit estre de la bazoche. »
On ignore les résultats de l'enquête et on ne sait,
par conséquent, si les facétieux écoliers dont les
ébats scandaleux avaient été la cause de si graves
désordres furent découverts et punis par la justice
parisienne. Mais il est difficile de croire que Villon,
âgé d'une vingtaine d'années au moment où ces
événements commençaient à se produire, n'y ait
pas joué un rôle important : ainsi s'expliqueraient
les allusions à sa folle jeunesse :
Finablement, en escripvant,
Ce soir, seulet, estant en bonne,
Dictant ces laiz et descripvant,
J'oïs la cloche de Serbonne,
Qui tousjours a neuf heures sonne
Le Salut que l'Ange prédit ;
Si suspendis et mis cy bonne
Pour prier comme le cuer dit.
Ce faisant, je m'entroublié,
Non pas par force de vin boire,
Mon esperit comme lié;
Lors je sentis dame Memoire
Reprendre et mettre en son aumoire
Ses especes collateralles,
Oppinative faulce et voire,
Et autres intellectualles.
Et mesmement l'estimative,
Par quoy prospective nous vient,
Similative, formative,
Desquelz bien souvent il advient
Que, par leur trouble, homme devient
Fol et lunatique par mois :
Je l'ay leu, se bien m'en souvient,
En Aristote aucunes foiz.
AUTRE BALLADE
AUTRE BALLADE
LA VIEILLE EN REGRETANT
LE TEMPS DE SA JEUNESSE
«Jehanneton la Chapperonniere,
Gardez qu'amy ne vous empestre ;
Et Katherine la Bourciere,
N'envoyez plus les hommes paistre :
Car qui belle n'est, ne perpetre
Leur maie grace, mais leur rie.
Laide viellesse amour n'empestre,
Ne que monnoye qu'on descrie.
BALLADE
BALLADE
LA Y
BALLADE
BALLADE
BALLADE
BALLADE
BALLADE
BALLADE
ÉPITAPHE
A Chartreux et a Celestins.
A Mendians et a Devotes.
A musars, a claquepatins,
A servans, a filles mignotes
Portans surcotz et justes cotes,
A cuidereaux d'amours transsis
Chaussans sans meshaing fauves botes,
Je crie a toutes gens mercis.
AUTRE BALLADE
Jenin l'Avenu,
Va-t-en aux estuves ;
Et toy la venu,
Jenin l'Avenu,
Si te lave nud
Et te baigne es cuves.
Jenin l'Avenu,
Va-t-en aux estuves.
BALLADE
O louee conception
Envoiee ça jus des cieulx,
Du noble lis digne syon,
Don de Jhesus tres precieulx,
MARIE, nom tres gracieulx,
Fons de pitié, source de grace,
La joye, confort de mes yeulx,
Qui nostre paix bastist et brasse!
DOUBLE BALLADE
Combien que j'ay leu en ung dit :
Inimicum putes, y a,
Qui te presentem laudabit ;
Toutesfois, non obstant cela,
Oncques vray homme ne cela
En son courage aucun grant bien,
Qui ne le montrast ça et la :
On doit dire du bien le bien.
Page 53.
Le gré du seigneur qui attaint. — Troubles, forfaiz,
sans espargnier. — Il s'agit de Robert d'Estouteville,
prévôt de Paris.
Page 65.
Le verselet escript septiesme — Du psëaulme Deus
laudem. — Psaume CVIII, 7 (Vulg. 8) : Fiant dies ejus
pauci et episcopatum ejus accipiat alter.
Page 67.
Me monstra une bonne ville — Et pourveut du don
d'esperance. — Selon Paris (François Villon, p. 61),
il y aurait ici une allusion à la ville de Moulins, alors
capitale des ducs de Bourbon, dont « Espérance »
était la devise.
Page 68.
Et, comme le noble Rommant — De la Rose dit et
confesse... — L'aphorisme est bien de l'auteur du
Roman de la Rose, mais il fait partie du Codicille de
maistre Jehan de Meung. Il est ainsi conçu :
Page 72.
« Esjoys toy, mon filz, — En ton adolescence ».
Ecclesiastes IX, 9 Laetare ergo juvenis in adoles-
— :
centia.
Page 72.
« Jeunesse et adolescence... — Ne sont qu'abus et
ignorance ». — Ecclesiastes XI, 10 : Adolescente enim
et voluptas vana sunt.
Page 72.
Mes jours s'en sont allez errant — Comme, dit Job,
d'une touaille. — Font les filetz... — Job VII, 6 :
Dies mei velocius transierunt quam a texente tela
succenditur, et consumpti sunt absque uulla spe.
Page 75.
Page 98.
C'est de Jbesus la parabolle... — Luc XVI, 24.
Page 121.
Le Seigneur qui sert saint Cristofle. — C'est Robert
d'Estouteville, prévôt de Paris et époux d'Ambroise
de Loré.
Page 141.
Le lay maistre Alain Chartier. — Il s'agit ici de la
Belle Dame Sans Mercy.
Page 177.
Voy que Salmon escript en son rolet : — « Homme
sage, ce dit il, a puissance — Sur planètes et sur leur
influence. » — Sapientia VII, 19 : et stellarum dispo-
sitiones.
GLOSSAIRE
POÉSIES DIVERSES
Notes explicatives 189
Glossaire 193
Index des noms propres 201
Table des poésies 223
Table des incipits 225