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L'Organisation internationale du Travail (OIT) a été créée en 1919 pour faire progresser la cause de la
justice sociale et contribuer ainsi à une paix universelle durable. Sa structure offre cette particularité
unique dans le système des Nations Unies que des représentants des travailleurs et des employeurs
participent, aux côtés de représentants des gouvernements, aux travaux de la Conférence internationale du
Travail, du Conseil d'administration et de nombre de réunions régionales ou autres. Chaque année, la
Conférence internationale du Travail fait le point sur tout ce qui touche aux questions sociales et au
monde du travail. Le Bureau international du Travail (BIT) est à la fois le secrétariat, le centre de
recherche de la maison d'édition de l'Organisation.
Au fil des années, l'OIT a élaboré un code international du travail composé de conventions et de
recommandations qui sont soumises à l'approbation des Etats Membres et portent sur les sujets les plus
divers: liberté syndicale, emploi, politique sociale, conditions de travail, sécurité sociale, relations
professionnelles, administration du travail, etc.
Grâce à ses bureaux locaux et à ses équipes multidisciplinaires en place dans plus de 40 pays, le BIT
fournit des avis spécialisés et une assistance technique aux Etats Membres dans différents domaines: droit
du travail et relations professionnelles, emploi, formation pour le développement des petites entreprises,
sécurité sociale, sécurité des travailleurs et conditions de travail, statistiques du travail, éducation ouvrière,
etc.
Publications du BIT
Le Bureau des publications du BIT produit et fait paraître toute sortes de documents: analyses des
grandes tendances économiques et sociales; position de l'OIT sur les questions intéressant le monde du
travail; ouvrages de référence; guides techniques; monographies et résultats de recherches; recueils de
directives pratiques élaborés par des experts pour promouvoir la sécurité et la santé au travail; ouvrages
de formation; manuels d'éducation ouvrière, etc. Il fait aussi paraître, en français, anglais et espagnol, la
Revue internationale du Travail, publication trimestrielle qui fait le point des questions d'actualité et
présente les résultats de la recherche sur le monde du travail et sur les problèmes sociaux et
économiques.
Catalogues et listes des nouvelles publications peuvent être obtenus gratuitement à l'adresse suivante:
Publications du BIT, Bureau international du Travail, CH-1211 Genève 22, Suisse.
Protection
des données personnelles
des travailleurs
Recueil de directives pratiques du BIT
Protection
des données personnelles
des travailleurs
Les publications du Bureau international du Travail jouissent de la protection du droit d'auteur en vertu du
protocole n° 2, annexe à la Convention universelle pour la protection du droit d'auteur. Toutefois, de
courts passages pourront être reproduits sans autorisation, à la condition que leur source soit dûment
mentionnée. Toute demande d'autorisation de reproduction ou de traduction devra être adressée au Bureau
des publications (Droits et licences), Bureau international du Travail, CH-1211 Genève 22, Suisse. Ces
demandes seront toujours les bienvenues.
BIT
Publié aussi en anglais: Protection of workers' personal data. An ILO code of procure
(ISBN 92-2-110329-3), Genève, 1997, et en espagnol: Protección de los datos personales
de los trabajadores. Repertorio de recomendaciones prácticas
(ISBN 92-2-310329-0), Genève, 1997
Les désignations utilisées dans les publications du BIT, qui sont conformes à la pratique des Nations
Unies, et la présentation des données qui y figurent n'impliquent de la part du Bureau international du
Travail aucune prise de position quant au statut juridique de tel ou tel pays, zone ou territoire, ou de ses
autorités, ni quant au tracé de ses frontières.
Les articles, études et autres textes signés n'engagent que leurs auteurs et leur publication ne signifie pas
que le Bureau international du Travail souscrit aux opinions qui y sont exprimées.
La mention ou la non-mention de telle ou telle entreprise ou de tel ou tel produit ou procédé commercial
n'implique de la part du Bureau international du Travail aucune appréciation favorable ou défavorable.
Les publications du Bureau international du Travail peuvent être obtenues dans les principales librairies
ou auprès des bureaux locaux du BIT. On peut aussi se les procurer directement à l'adresse suivante:
Publications du BIT, Bureau international du Travail, CH-1211 Genève 22, Suisse. Des catalogues et
listes des nouvelles publications peuvent être obtenus gratuitement à la même adresse.
Les employeurs réunissent des données personnelles sur les candidats à un emploi
et sur les travailleurs à diverses fins se conformer à la législation; faciliter la sélection
pour l'embauche, la formation, l'avancement; assurer la sécurité des personnes, le
contrôle de la qualité, le service à la clientèle, la protection des biens de l'entreprise. Les
nouvelles méthodes de collecte et de traitement des données présentent certains risques
nouveaux pour les travailleurs. Différentes lois nationales et normes internationales
assujettissent le traitement des données personnelles à des règles contraignantes mais il
n'en demeure pas moins nécessaire d'élaborer des dispositions qui s'appliquent
spécifiquement à l'utilisation des données personnelles des travailleurs.
Ce recueil de directives pratiques a pour objet de fournir des orientations pour la
protection des données personnelles des travailleurs. Comme tous les autres recueils de
directives pratiques du BIT, il n'a pas de valeur contraignante et se limite à formuler des
recommandations. Il ne prétend nullement se substituer aux lois et réglementations
nationales ni aux normes internationales du travail et autres normes acceptées mais peut
servir pour l'élaboration de la législation, des réglementations, des conventions
collectives, des règles de travail, des politiques et des mesures pratiques au niveau des
entreprises.
Il a été adopté par la Réunion d'experts sur la protection de la vie privée des
travailleurs qui s'est tenue à Genève du 1er au 7 octobre 1996 conformément à la
décision prise par le Conseil d'administration du BIT à sa 264e session (novembre
1995)1. Ont participé à cette réunion vingt-quatre experts, à savoir huit experts désignés
en consultation avec les gouvernements, huit experts désignés en consultation avec le
groupe des employeurs et huit experts désignés en consultation avec le groupe des
travailleurs du Conseil d'administration2.
1
Cette réunion a été saisie d'un projet de recueil de directives pratiques sur la protection des données
personnelles des travailleurs. Son ordre du jour comportait aussi un point intitulé «Recommandations pour
l'action future de l'OIT, y compris l'examen de la possibilité d'adopter des normes internationales du
travail dans ce domaine». Le rapport de la réunion (document MEWP/1996/5) contient un compte rendu
des débats, le texte du recueil de directives pratiques adopté par la réunion ainsi que les recommandations
formulées par les experts en vue de l'action future de l’OIT.
2
Experts nommés après consultations avec les gouvernements:
M. A. Bhattacharya, directeur, ministère du Travail, New Delhi (Inde);
M. M. H. Cheadle, conseiller, ministère du Travail, Johannesburg (Afrique du Sud);
Mme S. J. De Vries, ministère des Affaires sociales et de l'Emploi, La Haye (Pays-Bas);
M. G. Dutra Gimenez, directeur national de l'emploi, ministère du Travail, Montevideo (Uruguay);
Mme K. Leigh, conseillère principale, Division du droit civil, ministère de la Justice, Barton (Australie);
Mme A. Neill, conseillère principale/directrice, ministère de la Justice, Ottawa (Canada);
M. O. Vidnes, directeur général adjoint, ministère des Collectivités locales et du Travail, Oslo (Norvège);
M. H.-P. Viethen, directeur, ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales, Bonn (Allemagne).
Experts nommés après consultations avec le groupe des employeurs:
M. J. Fuller, conseiller principal pour les questions de travail, Illinois (Etats-Unis);
Mme A. Knowles, directrice exécutive adjointe, Fédération des employeurs de Nouvelle-Zélande,
Wellington (Nouvelle-Zélande);
me
M A. Mackie, Buckinghamshire (Royaume-Uni);
M. G. Muir, directeur, relations professionnelles, c/o Chambre de commerce et d'industrie, Melbourne
(Australie);
V
Protection des données personnelles des travailleurs
Ces experts ont recommandé que le recueil de directives pratiques soit largement
diffusé. Ils ont aussi demandé que les observations préparées par le Bureau international
du Travail soient publiées conjointement avec le recueil car elles contiennent des
explications que les experts ont jugé utiles pour l'interprétation et l'application de ses
dispositions et appellent l’attention sur les normes internationales du travail qui sont
applicables dans le cas d'espèce. A sa 267e session (novembre 1996), le Conseil
d'administration a approuvé la diffusion du recueil et des observations, lesquelles ont été
révisées à la lumière des débats de la réunion d'experts.
VI
VII
Table des matières
Avant-propos ......................................................................................................... V
Recueil de directives pratiques sur la protection des données personnelles
des travailleurs .......................................................................................................1
1. Préambule ............................................................................................... 1
2. Objectifs.................................................................................................. 1
3. Définitions .............................................................................................. 1
4. Champ d'application............................................................................... 2
5. Principes généraux.................................................................................. 2
6. Collecte des données personnelles.......................................................... 3
7. Sécurité des données personnelles.......................................................... 4
8. Stockage des données personnelles ........................................................ 5
9. Utilisation des données personnelles ...................................................... 5
10. Communication des données personnelles ............................................. 5
11. Droits individuels.................................................................................... 6
12. Droits collectifs....................................................................................... 7
13. Agences d'emploi.................................................................................... 8
Observations relatives au recueil de directives pratiques ...................................9
1. Préambule ............................................................................................... 9
2. Objet...................................................................................................... 10
3. Définitions ............................................................................................ 11
4. Champ d'application ............................................................................. 13
5. Principes généraux................................................................................ 13
6. Collecte des données personnelles........................................................ 17
7. Sécurité des données personnelles........................................................ 21
8. Stockage des données personnelles ...................................................... 21
9. Utilisation des données personnelles .................................................... 23
10. Communication des données personnelles ........................................... 23
11. Droits individuels.................................................................................. 25
12. Droits collectifs..................................................................................... 26
13. Agences d'emploi.................................................................................. 27
IX
Recueil de directives pratiques sur la protection
des données personnelles des travailleurs
1. Préambule
Les employeurs collectent des données personnelles sur les candidats à un emploi et
sur les travailleurs à des fins diverses être en conformité avec la législation; faciliter la
sélection à l'embauche, la formation et la promotion; assurer la sécurité des personnes, le
contrôle de la qualité, le service à la clientèle et la protection des biens de l'entreprise.
Différentes lois nationales et normes internationales assujettissent le traitement des
données personnelles à des règles contraignantes. L'emploi de techniques telles que la
recherche documentaire informatisée, l'automatisation des systèmes d'information sur le
personnel, la surveillance électronique, le dépistage génétique et les contrôles antidrogue
rend nécessaire d'élaborer des dispositions sur la protection des données personnelles
qui s’appliquent en particulier à l'utilisation des données personnelles des travailleurs,
afin de préserver leur dignité, de protéger leur vie privée et de garantir leur droit
fondamental de décider qui peut utiliser quelles données, à quelles fins et dans quelles
conditions.
2. Objectifs
Le présent recueil de directives pratiques vise à fournir des orientations sur la
protection des données personnelles des travailleurs. Il n'a pas de valeur contraignante. Il
ne prétend remplacer ni les lois et règles nationales, normes internationales du travail ni
toute autre norme acceptée. Il peut être utilisé lors de l'élaboration de législations et
réglementations, de conventions collectives, de règles de travail, de politiques et de
mesures pratiques.
3. Définitions
Dans le présent recueil
3.1. L'expression données personnelles s'applique à toute information relative
à un travailleur identifié ou identifiable.
3.2. Le terme traitement comprend toute opération relative aux données
personnelles, et notamment à leur collecte, leur stockage, leur combinaison, leur
communication, ou tout autre usage qui pourrait en être fait.
3.3. Le terme surveillance comprend, de manière non exhaustive, l'emploi
d'appareils comme les ordinateurs, les caméras, les magnétoscopes, les différents
appareils enregistreurs, les téléphones et autres équipements de communication, les
différentes méthodes permettant d'identifier et de localiser les individus ou toute autre
méthode de surveillance.
3.4. Le terme travailleur inclut les personnes qui sont ou ne sont plus
employées ou qui cherchent un emploi.
1
Protection des données personnelles des travailleurs
4. Champ d'application
4.1. Le présent recueil s'applique
a) au secteur public et au secteur privé;
b) au traitement manuel ou automatique des données personnelles de tous les
travailleurs.
5. Principes généraux
5.1. Les données personnelles devraient être traitées de manière licite et loyale et
uniquement pour des raisons directement liées à l'emploi du travailleur.
5.2. En principe, les données personnelles ne devraient être utilisées qu'aux fins
pour lesquelles elles ont été collectées à l'origine.
5.3. Si des données personnelles sont traitées à des fins autres que celles pour
lesquelles elles ont été collectées, l'employeur devrait s'assurer que cela ne se fait pas
d'une manière incompatible avec l'objectif premier de leur traitement et prendre toutes
mesures nécessaires pour éviter les erreurs d'interprétation qui pourraient résulter de leur
utilisation dans un autre contexte.
5.4. Les données personnelles collectées en relation avec la mise en œuvre de
mesures techniques ou d'organisation visant à garantir la sécurité et le bon
fonctionnement des systèmes d'information automatisés ne devraient pas servir à
contrôler le comportement des travailleurs.
5.5. Les décisions relatives à un travailleur ne devraient pas se fonder
exclusivement sur le traitement automatique des données personnelles le concernant.
5.6. Les données personnelles collectées par voie de surveillance électronique ne
devraient pas être l'élément exclusif de l'évaluation des résultats du travailleur.
5.7. Les employeurs devraient procéder à une évaluation régulière de leurs
méthodes de traitement des données afin:
a) de réduire au maximum les types et la quantité des données personnelles
collectées;
b) d'améliorer la protection de la vie privée des travailleurs.
5.8. Les travailleurs et leurs représentants devraient être tenus informés de
tous mécanismes de collecte des données, des règles qui régissent ces mécanismes et
de leurs droits.
5.9. Les personnes qui procèdent au traitement des données personnelles
devraient être régulièrement formées pour s'assurer qu'elles comprennent les
mécanismes de collecte des données et le rôle qui leur est dévolu dans l’application
des principes énoncés dans le présent recueil.
5.10. Le traitement des données personnelles ne devrait pas entraîner une
discrimination illégale dans l'emploi ou la profession.
5.11. Les employeurs, les travailleurs et leurs représentants devraient coopérer
à la protection des données personnelles et à l'élaboration des mesures relatives à la
2
Recueil
3
Protection des données personnelles des travailleurs
1
Prise en charge des questions d'alcoolisme et de toxicomanie sur le lieu de travail, recueil de
directives pratiques du BIT (Genève, 1996); «Guiding principles on drug and alcohol testing in the
workplace», Drug and alcohol testing in the workplace, document adopté par la Réunion d'experts
tripartite interrégionale sur le dépistage de la toxicomanie et de l'alcoolisme sur le lieu de travail, 10-
14 mai 1993, Oslo (Hønefoss), Norvège.
4
Recueil
5
Protection des données personnelles des travailleurs
10.3. Les règles applicables aux communications à des tiers devraient s'appliquer
à la communication de données personnelles entre employeurs appartenant au même
groupe ou entre différents organismes publics.
10.4. Les employeurs devraient avertir les destinataires de données personnelles
que celles-ci ne doivent servir qu'aux fins pour lesquelles elles ont été communiquées, et
ils devraient se faire confirmer que leurs instructions ont été suivies. Cette disposition ne
s'applique pas aux communications régulières conformes aux obligations statutaires.
10.5. Les communications internes des données personnelles devraient être
limitées à celles expressément portées à l’attention du travailleur.
10.6. Les données personnelles ne devraient être communiquées au sein de
l'entreprise qu'aux personnes expressément autorisées, lesquelles ne devraient avoir
accès qu'à celles qui sont nécessaires pour l'accomplissement de leur tâche.
10.7. L'interconnexion des dossiers contenant des données personnelles des
travailleurs devrait être interdite sauf si l'application des dispositions du présent recueil
relatives à la communication interne est garantie.
10.8. En ce qui concerne les examens médicaux, l'employeur ne devrait être
informé que des conclusions qui ont trait à la décision à prendre en matière d'emploi.
10.9. Les conclusions ne devraient comporter aucune information de nature
médicale. Elles pourraient, le cas échéant, faire état de l'aptitude nécessaire au poste
proposé ou préciser les types d'emploi et les conditions de travail médicalement contre-
indiqués de façon temporaire ou permanente.
10.10. La communication de données personnelles aux représentants des
travailleurs ne devrait être autorisée qu'en application de la législation nationale ou d'une
convention collective conforme à la pratique nationale, et elle devrait être limitée aux
données personnelles nécessaires à l'accomplissement des tâches de ces représentants.
10.11. L'employeur devrait prendre les mesures voulues pour surveiller le
mouvement interne des données personnelles et s'assurer que leur traitement est
conforme aux dispositions du présent recueil.
6
Recueil
7
Protection des données personnelles des travailleurs
8
Observations relatives au recueil de directives pratiques
1. Préambule
Depuis le début des années soixante-dix, la protection des données personnelles est
devenue une question importante au niveau national comme au niveau international. La
multiplication des lois nationales dans ce domaine témoigne de la volonté de s’attaquer
aux effets que peuvent avoir sur les personnes les modes de traitement de plus en plus
complexes des données personnelles. La Convention du Conseil de l'Europe pour la
protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère
personnel, adoptée en 19811, les Lignes directrices de l'OCDE régissant la protection de
la vie privée et les flux transfrontières de données de caractère personnel, adoptées en
19802, ainsi que la Directive 95/46/CE de l'Union européenne3 mettent en évidence la
nécessité d’adjoindre à ces règles générales sur la protection des données des principes
internationalement reconnus dans le domaine de l'emploi.
Chacun des documents susmentionnés vient étayer la conviction selon laquelle
la collecte et la recherche systématiques de données personnelles peuvent avoir des
conséquences graves. Le rassemblement d'un grand nombre de données et les
usages très divers qui en sont faits ont pour effet non seulement de multiplier les
risques d'erreurs ou de méprises, mais aussi de permettre une surveillance étroite
des personnes concernées et de renforcer la propension à influencer, voire à
manipuler, leur comportement. Moins les personnes concernées en savent sur la
personne qui traite les données, sur la nature de ces données et sur les raisons de ce
traitement, moins elles sont en mesure d'évaluer leur situation personnelle ainsi que
d’affirmer et de défendre leurs intérêts en bref, elles ont du mal à déterminer leur
propre devenir. La définition des principes qui doivent régir le traitement des
données personnelles répond donc à la nécessité de protéger la dignité humaine.
L’efficacité de tel ou tel règlement ou ensemble de principes dépend, dans une
large mesure, de sa capacité de résoudre les problèmes propres à un environnement
donné. Les règles très générales initialement élaborées pour discipliner le
traitement des données font donc progressivement place à des dispositions
sectorielles. Le traitement des données concernant les salariés illustre avec une
netteté particulière la nécessité d'une approche sectorielle. En effet, la relation de
travail est sans doute le seul domaine où l'on traite un si grand nombre de données
personnelles sur une période aussi longue. Les employeurs réunissent des données
personnelles sur les candidats à un emploi et sur les travailleurs à diverses fins: se
conformer à la législation; faciliter la sélection pour l'embauche, la formation,
1
Conseil de l'Europe: Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement
automatisé des données à caractère personnel (Strasbourg, 1981), série des Traités européens n° 108.
2
Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE): Lignes directrices
régissant la protection de la vie privée et les flux transfrontières de données de caractère personnel
(Paris, 1981).
3
Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la
protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données, Journal officiel des Communautés européennes, n° L 281, 38e année, 23
novembre 1995, pp. 31-50.
9
Protection des données personnelles des travailleurs
2. Objet
Le recueil de directives pratiques a pour objet de fournir des orientations pour la
protection des données personnelles des travailleurs. A la différence d'autres instruments
de l'OIT, tels que les conventions, qui sont des traités internationaux ayant force
obligatoire, ou les recommandations, qui n'ont pas de force obligatoire mais qui
comportent certaines obligations sur le plan de la procédure, les recueils de directives
pratiques offrent une grande souplesse car ils ne contiennent aucune disposition
contraignante. Ils indiquent aux employeurs et aux travailleurs les règles de base dont ils
devraient s'inspirer en fonction de leurs attentes et de leurs besoins. Il ne faut donc pas
confondre le présent recueil de directives pratiques avec les codes de conduite ou de
pratique prévus, par exemple, par la Directive de l'Union européenne sur la protection
des données, ou encore par des lois nationales telles que celles adoptées au Royaume-
1
Journal officiel, n° 181, 6 août 1982, pp. 2518-2520.
2
Conseil de l'Europe: Protection des données à caractère personnel utilisées à des fins
d'emploi (Strasbourg, 1989).
10
Observations
3. Définitions
La terminologie employée dans le recueil est celle généralement acceptée et
utilisée dans des instruments internationaux sur la protection des données tels que
les Lignes directrices de l'OCDE, la Convention du Conseil de l'Europe ou la
Directive de l'Union européenne, ou dans les lois nationales de protection des
données. Les termes sont définis de façon suffisamment large pour englober toutes
les utilisations qui peuvent être faites des données et toutes les méthodes de
traitement (3.2, 3.3).
Données personnelles
(3.1) Par donnée personnelle, on entend toute information relative à un
travailleur identifié ou identifiable. Un travailleur est identifiable si, en réunissant
différentes données contenues dans un ou plusieurs fichiers ou documents, on peut
déterminer l'identité de ce travailleur. Les dispositions du recueil ne s'appliquent
pas à l'utilisation par l'employeur de données portant sur des travailleurs qui ne
peuvent pas ou ne peuvent plus être identifiés. Le terme «identifiable» doit être
interprété de manière raisonnable. Par exemple, le recueil ne s'applique pas aux cas
dans lesquels il faudrait beaucoup trop de temps et d'efforts pour identifier le
travailleur à partir des données utilisées.
Travailleurs
(3.4) En règle générale, les instruments de l'OIT ne définissent pas le terme
«travailleur», cette définition relevant de la législation et de la pratique nationales.
Si ce terme est défini dans le recueil, c'est pour qu'il englobe non seulement les
travailleurs en activité, mais aussi ceux dont la relation de travail a pris fin ainsi
que les candidats à un emploi. Le traitement des données personnelles a en effet
des conséquences pour ces trois catégories de personnes. Par exemple, le traitement
des données ne prend pas obligatoirement fin lorsque cesse la relation de travail.
En général, les employeurs conservent une partie au moins de ces données, par
exemple pour apporter la preuve qu'ils ont employé telle ou telle personne pendant
telle ou telle période ou pour fournir des informations sur d'anciens employés. De
même, pendant les procédures d'embauche, les employeurs stockent et exploitent
des données concernant les candidats à un emploi.
11
Protection des données personnelles des travailleurs
Encadré 1
Convention n° 135 et recommandation n° 143 de l'OIT
La convention (n° 135) et la recommandation (n° 143) concernant les
représentants des travailleurs, 1971, disposent que cette expression désigne des
personnes reconnues comme tels par la législation ou la pratique nationales, qu'elles
soient:
a) des représentants syndicaux, à savoir des représentants nommés ou élus par des
syndicats ou par les membres de syndicats; ou
b) des représentants élus, à savoir des représentants librement élus par les
travailleurs de l'entreprise, conformément aux dispositions de la législation
nationale ou de conventions collectives, et dont les fonctions ne s'étendent pas à
des activités qui sont reconnues, dans les pays intéressés, comme relevant des
prérogatives exclusives des syndicats.
Le recueil ne définit pas les agences d'emploi du fait qu'il existe déjà des
normes en la matière et que la question des agences d'emploi privées, y compris
des agences de travail temporaire, a été examinée à la session de 1994 de la
Conférence internationale du Travail. Les conclusions adoptées par la Conférence
indiquent sans plus de précision que les agences d'emploi privées peuvent être
définies comme des entreprises privées produisant directement ou indirectement un
service sur le marché du travail. En fait, elles décrivent les différents types
d'agences d'emploi1. La Conférence a jugé utile que le BIT continue à améliorer la
classification des agences d'emploi proposée dans son rapport à la Conférence2, ce
qui n'exclut pas une description plus globale de ces agences en cas de révision des
normes existantes3.
1
BIT: «Sixième question à l'ordre du jour: Le rôle des agences d'emploi privées dans le
fonctionnement des marchés du travail», rapport de la Commission des agences d'emploi privées, Compte
rendu provisoire n° 21, Conférence internationale du Travail, 81e session, Genève, 1994, paragr. 21-24.
2
BIT: Le rôle des agences d'emploi privées dans le fonctionnement des marchés du travail,
rapport VI, Conférence internationale du Travail, 81e session, Genève, 1994.
3
Le Conseil d'administration a décidé, à sa 262e session (mars-avril 1995), d'inscrire la révision de la
convention (n° 96) sur les bureaux de placement payants (révisée), 1949, à l'ordre du jour de la
Conférence internationale du Travail de 1997. Il a aussi décidé d'organiser une session maritime de la
Conférence notamment chargée d'examiner la révision de la convention (n° 9) sur le placement des
marins, 1920.
12
Observations
4. Champ d'application
Les dispositions du recueil s'appliquent aux données personnelles traitées par les
employeurs publics ou privés, par les représentants des travailleurs ou par les agences
d'emploi. Le traitement de ces données par d'autres organismes comme les caisses de
sécurité sociale, les bureaux de placement ou les services de santé, est régi par les règles
de droit commun applicables à la protection des données et par le recueil pour ce qui est
de leur propre personnel.
(4.1) Le recueil ne fait pas de distinction entre secteur public et secteur privé, car
tous les employeurs traitent des données personnelles. Le volume et la nature des
informations recherchées peuvent différer, mais aucun employeur ne s'interdit de
rassembler des données sur l'aptitude des travailleurs à un emploi donné et sur leur
rendement. La dignité personnelle des travailleurs doit être protégée, tant dans l'industrie
que dans les services ou l'administration. Les règles concernant l’utilisation des données
personnelles doivent donc être conçues pour protéger tant les travailleurs de l'entreprise
privée que les fonctionnaires.
(4.2) Les dispositions du recueil s'appliquent à toutes les formes de traitement car
l'expérience montre qu'il est impossible d'établir une distinction claire et nette entre
recherche manuelle et recherche automatisée. Les méthodes traditionnelles de tenue des
fichiers se combinent de plus en plus à des systèmes automatisés; les systèmes
informatisés de gestion du personnel ne contiennent souvent en mémoire qu'une partie
des données disponibles et renvoient aux dossiers pour le reste. De plus, les informations
collectées grâce à la surveillance électronique sont fréquemment conservées et évaluées
dans le dossier du travailleur. Fixer des règles propres à une forme particulière de
traitement ne servirait donc pas les intérêts des travailleurs.
5. Principes généraux
(5.1) La protection des travailleurs repose en tout premier lieu sur les limites claires
apportées au droit de collecter des données. Le recueil restreint le traitement aux
données ayant un rapport direct avec l'emploi du travailleur. Le seul fait qu'un contrat de
travail soit envisagé ou conclu n'autorise pas l'employeur à rassembler toutes les
informations qu'il juge intéressantes. La collecte de données personnelles doit être
considérée comme une exception qui demande à être justifiée. Ce n'est pas au travailleur
de chercher à savoir pour quelle raison certaines informations sont sollicitées ou de
13
Protection des données personnelles des travailleurs
motiver son refus de les fournir. Il est du devoir de l'employeur d'indiquer les raisons de
sa demande et de limiter au strict nécessaire le volume des données personnelles traitées.
En mettant l'accent sur la nécessité d'établir l'utilité, pour la relation de travail, des
données collectées, le recueil définit la condition sine qua non de tout traitement des
données personnelles des travailleurs. A première vue, le critère retenu peut paraître trop
vague. Néanmoins, si séduisante qu'elle puisse être, l'idée d'une énumération de toutes
les données acceptables est irréalisable, à moins de se borner aux quelques données –
nom, âge, adresse et sexe – dont le traitement ne soulève pas de difficultés pour autant
du moins que l'employeur les utilise à des fins strictement internes et que cela est
conforme à la loi. En fait, les données dont l'employeur a besoin diffèrent d'un cas à
l'autre. Le volume comme la nature des informations qui peuvent légitimement être
demandées varient selon le type d'emploi, la position du travailleur et le contexte dans
lequel est prise une décision qui pourrait, par exemple, influer sur les changements
structurels dans l’entreprise. En conséquence, au lieu d'énumérer les données pouvant
être traitées, le recueil énonce des règles visant à assurer la transparence du traitement et
l'information des travailleurs. La mention de la relation de travail n'est que l'indication
du contexte dans lequel le traitement trouve sa justification générale; l'obligation
incombant à l'employeur de garantir une transparence maximale, afin de permettre aux
travailleurs de savoir à quelles fins des données sont traitées, fixe un cadre précis et
réaliste à la collecte des données. Quand les travailleurs font toute leur carrière chez le
même employeur, la référence à la relation de travail concerne le traitement des données
qui sont nécessaires pour l'évolution normale d'une carrière normale dans une entreprise
ou une administration donnée.
(5.2) Une restriction non moins importante découle d'un principe affirmé dans
toutes les réglementations nationales et internationales, à savoir que la collecte de
données personnelles n'autorise pas l'employeur à utiliser librement et sans limites les
informations rassemblées. Lorsque l'on indique le but de la collecte, toute utilisation
future doit aussi être indiquée. Si l'on veut assurer la transparence du traitement et
permettre ainsi aux travailleurs de contrôler l'utilisation des données les concernant, il
faut que les données ne soient utilisées que dans des buts qui leur sont connus et qui ont
été définis sans ambiguïté avant la collecte. Ce «principe de finalité» exclut en
particulier l'exploitation des possibilités offertes par les systèmes automatisés d'utiliser
les données à des fins multiples. Il doit cependant parfois être assoupli, notamment dans
le cas des travailleurs qui demeurent durant la quasi-totalité de leur vie active au service
du même employeur. Dans le domaine de la mise en valeur des ressources humaines, par
exemple, l'octroi d'une formation particulière n'avait peut-être pas été prévu au moment
de la collecte des données, mais il serait bon de disposer, au moment voulu, des
renseignements prouvant que le travailleur remplit les conditions requises. Le recueil
indique que tout nouvel usage doit être compatible avec la finalité initiale et que
l'employeur doit prendre toutes mesures nécessaires pour éviter les erreurs
d'interprétation consécutives à l’évolution de la situation (5.3). Il est un cas, toutefois, où
le recueil interdit formellement tout changement de finalité: les mesures prises pour
assurer la sécurité et le bon fonctionnement des centres informatiques et des systèmes
automatisés ne sauraient servir à surveiller et à évaluer le comportement et le rendement
des travailleurs (5.4). Le recueil énonce donc le principe général au point 5.2, puis
autorise des dérogations légitimes, sous réserve de garanties appropriées.
14
Observations
(5.3) Ainsi qu'il est mentionné ci-dessus, le recueil autorise le traitement des
données personnelles dans un autre but que celui prévu à l'origine, sous réserve que ce
nouveau but soit compatible avec le but initial, auquel cas le principe de finalité énoncé
à la section 5.1 est respecté. Ainsi, il est parfaitement compatible avec le but initial
d'utiliser des données personnelles sur les qualifications ou les performances des
travailleurs pour des décisions concernant l'octroi de nouveaux avantages sociaux. En
revanche, l'utilisation à des fins disciplinaires de données réunies pour la facturation est
incompatible avec le but initial. Enfin, quand le droit de traiter des données
personnelles est strictement limité par le recueil (6.5), comme c'est le cas des
données concernant la vie sexuelle ou les opinions politiques, toute tentative
d'élargir les buts du traitement est «incompatible», sauf dans quelques circonstances
exceptionnelles.
(5.4) Des mesures d'ordre technique et d'organisation doivent être prises pour
assurer la sécurité et le bon fonctionnement des systèmes d'information (voir aussi
section 7). Ces mesures supposent toutefois une surveillance permanente, notamment
de toutes les personnes qui travaillent dans les services informatiques. Toutes les
réglementations internationales et nationales restreignant l'utilisation des données
personnelles reconnaissent que ces mesures sont nécessaires pour assurer une
protection efficace des données, et c'est donc probablement l'un des rares cas dans
lesquels une surveillance permanente des travailleurs est généralement considérée
comme indispensable. Toutefois, cette surveillance pratiquement illimitée doit être
compensée par une limitation très stricte des utilisations qui sont faites des données
ainsi réunies. Celles-ci ne doivent être traitées qu'aux fins pour lesquelles une
surveillance est exercée, à savoir le bon fonctionnement du système. Elles ne doivent
donc pas servir à contrôler ou surveiller le comportement et les déplacements des
travailleurs. Cette règle ne s'applique toutefois pas dans les cas où, par exemple, une
personne travaillant dans un centre informatique a enfreint les règles de sécurité et
où les données sont traitées à des fins disciplinaires. Cette utilisation est parfaitement
compatible avec les fins pour lesquelles les données sont réunies. En outre, comme
l'objet principal de cette disposition est d'interdire un contrôle permanent au moyen
de mesures de sécurité, la découverte par hasard de fautes sans rapport avec l'objectif
des mesures ne sera généralement pas soumise à cette restriction.
(5.5, 5.6) Le fait d'indiquer que les données personnelles ne peuvent être traitées
qu'à des fins déterminées n'élimine pas entièrement les risques. Les informations
obtenues grâce au traitement des données doivent être placées dans un contexte
permettant de les évaluer correctement. Si, par exemple, il ressort d'un état
informatique que tel travailleur a un taux d'absentéisme élevé, cela n'indique pas le
pourquoi de cette situation et ne saurait donc justifier un licenciement ou une mesure
disciplinaire. L'automatisation ne dispense pas les employeurs de consulter toutes les
données nécessaires à l'évaluation des résultats du traitement. Le recueil rejette donc
toute interprétation purement mécanique et opte pour une évaluation individualisée
des travailleurs. Toutefois, il faut qu'il soit bien clair que l'accent porte sur le mot
«exclusivement». Le recueil n'interdit pas l'utilisation de procédures automatisées.
Les employeurs sont parfaitement en droit d'en faire usage pour préparer leurs
décisions, sous réserve qu'il ne s'agisse que d'un moyen auxiliaire. Refuser que des
décisions soient prises sur la seule base du traitement automatisé des données
personnelles, c'est reconnaître que les travailleurs ont droit à un traitement équitable.
15
Protection des données personnelles des travailleurs
[Cette disposition n'est pas censée avoir un champ d'application aussi large que la
Directive de l'UE.]
(5.7) Les habitudes se prennent vite: on continue à collecter certaines données,
sans plus se poser la question du pourquoi. Aussi les employeurs devraient-ils
vérifier régulièrement si les informations recherchées, au sujet par exemple de
l'évaluation d'un procédé de production, ne pourraient pas être obtenues au moyen de
données anonymes. Pour que la protection soit efficace, il faut en outre tenir compte
des progrès constants des techniques de l'information. La protection des travailleurs
est un processus évolutif, et les employeurs devraient revoir périodiquement les
mesures de sécurité et d’organisation prises pour le traitement des données
personnelles.
(5.8) Les travailleurs dont les données personnelles sont traitées devraient être
au courant des règles régissant le processus de collecte des données ainsi que de
leurs droits à cet égard. Le recueil demande donc que les travailleurs et leurs
représentants en soient informés.
(5.9) Les restrictions concernant l’utilisation des données personnelles
s'appliquent non seulement aux employeurs, mais aussi aux travailleurs qui traitent
ces données dans l'exercice de leurs fonctions (par exemple, négociation et
conclusion des contrats de travail, recherche systématique des données dans les
services du personnel et les centres informatiques, examens médicaux de routine,
collecte ponctuelle de données à des fins de surveillance particulières). Ces
personnes ont besoin d'une formation spéciale. Le recueil indique donc que les
personnes chargées du traitement des données personnelles devraient être
régulièrement formées afin de connaître l'importance et les conséquences du
traitement ainsi que les responsabilités particulières qui leur incombent dans
l'application des principes énoncés dans le recueil.
(5.10) Il importe d'appliquer strictement le principe général de la non-
discrimination dans l'emploi, en évitant que le traitement des données personnelles
n'entraîne directement ou indirectement une discrimination individuelle ou collective
(voir encadré 2).
Encadré 2
Convention n° 111 de l'OIT
Les mesures visant à protéger la vie privée des travailleurs jouent un rôle dans
l'application du principe de l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi
affirmé dans la convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession),
1958. La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a
examiné la question dans son étude d'ensemble sur la convention et la recommandation n°
111 au sujet de la protection contre la discrimination dans l'accès à la profession et à
l'emploi et dans les conditions d'emploi. Parmi les exemples cités dans l'étude figurent
l'utilisation abusive des données contenues dans les dossiers personnels ainsi que les
divers tests et enquêtes visant à obtenir des informations sur les croyances et opinions des
travailleurs.
16
Observations
17
Protection des données personnelles des travailleurs
Aussi sensibles que soient ces données, on ne saurait a priori en exclure totalement
la collecte. Par exemple, si la loi le permet, l'opinion politique d'un journaliste peut
influer sur son engagement par un journal proche de tel ou tel parti politique; de même,
il peut être utile de connaître l'appartenance syndicale des travailleurs pour procéder à la
perception automatique des cotisations syndicales. En bref, le caractère particulièrement
sensible de certaines données personnelles n'interdit pas forcément leur collecte. En
revanche, il justifie que l'on respecte certains principes pour compenser la position de
faiblesse des travailleurs dans la relation d'emploi, faiblesse qui risque de nuire à leur
liberté de choix dans l'utilisation des données personnelles les concernant.
(6.5) Le recueil cite une série de cas dans lesquels la collecte de données
personnelles ne devrait être autorisée qu’à titre exceptionnel, et seulement dans la
mesure où les données ont un rapport direct avec une décision en matière d'emploi. La
collecte de ces données doit par ailleurs toujours se faire en conformité avec la
législation nationale, par exemple avec les lois contre la discrimination ou avec les
règles sur le traitement des données sensibles figurant dans les lois nationales de
protection des données.
Le premier cas est celui des données concernant la vie sexuelle des travailleurs. Il
peut être nécessaire de réunir ce genre de données en cas d'accusation de harcèlement
sexuel. S'il y a des procédures et des obligations légales concernant une accusation de
harcèlement sexuel et si l'employeur peut prendre des mesures sur la base d'une
investigation, par exemple dans le cadre d'une procédure disciplinaire, les données
nécessaires à cette investigation peuvent être réunies. Ces données doivent être en
rapport avec l'accusation et n'être utilisées qu'à cette fin.
En ce qui concerne les condamnations pénales, la collecte devrait strictement se
limiter aux données qui ont un rapport direct avec l'emploi. Si, par exemple, l'emploi
consiste à s'occuper d'enfants, une personne ayant été condamnée pour violence exercée
contre des enfants devrait faire état de cette condamnation. De même, un chauffeur
professionnel condamné pour conduite en état d'ivresse pourrait être tenu de divulguer
cette information. Les données relatives aux condamnations devraient être obtenues
directement de l'intéressé, afin de garantir que seules les informations nécessaires sont
collectées. Pour la même raison, les employeurs ne devraient pas être autorisés à
demander aux travailleurs un extrait de casier judiciaire.
(6.6) En ce qui concerne l'appartenance syndicale, l'employeur peut collecter des
données sur l'appartenance ou l’activité syndicale du travailleur s'il y est tenu pour se
conformer aux dispositions relatives à la perception à la source des cotisations
syndicales, pour permettre le fonctionnement du comité d'entreprise, pour satisfaire à
une obligation de fournir des informations, etc.
(6.7) Le recueil restreint la collecte des données médicales à celles qui sont
nécessaires pour déterminer si le travailleur est apte à un emploi et satisfaire aux
exigences de la sécurité et de la santé au travail et de la sécurité sociale.
Les sections 8 et 10 du recueil traitent du stockage et de la communication des
données médicales. L'attention est également appelée sur la convention (n° 161) et sur la
recommandation (n° 171) sur les services de santé au travail, 1985.
(6.8) Les travailleurs sont censés fournir des informations véridiques mais le recueil
considère, comme la jurisprudence de beaucoup de pays, que, surtout lors de
l'embauche, ils sont en droit de refuser de répondre aux questions incompatibles avec les
18
Observations
dispositions du recueil. Dans ce cas, si les réponses sont incomplètes ou inexactes, c'est
la faute de l'employeur, lequel n’est donc pas fondé à prendre des sanctions. Par ailleurs,
il ne devrait pas profiter des informations non demandées que le travailleur a fournies
parce qu'il n'avait pas bien compris les questions (6.9).
Ni la nécessité pour l'employeur d'avoir accès à un certain nombre d'informations
personnalisées ni l'obligation de se procurer les données directement auprès du
travailleur ne justifient une liberté totale des moyens de collecte. La dignité des
travailleurs doit être respectée et, sur ce plan, on ne saurait ignorer les intrusions
dans la vie privée que risquent d'entraîner nombre de tests, comme ceux qui visent
à évaluer l'aptitude physique et psychologique des travailleurs ou à vérifier leur
honnêteté. Etant donné la grande variété des méthodes employées et l'apparition
constante de nouveaux tests, le code se limite à quelques exemples caractéristiques.
La question de la détection du VIH et du SIDA a été abordée par l'OIT en
association avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS)1, et la recommandation
(n° 150) sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975, prévoit des
restrictions à l'utilisation des tests psychologiques.
(6.10, 6.11, 6.12, 6.13) Le recueil mentionne expressément quatre catégories
de tests:
(6.10) Premièrement, il exclut l'usage des tests utilisant des détecteurs de
mensonges ou d'autres procédures analogues.
(6.11) Deuxièmement, il indique que les tests de personnalité et autres tests du
même ordre doivent être conformes aux dispositions du recueil et ne doivent pas
être effectués contre la volonté du travailleur. Les employeurs doivent donc
informer les travailleurs à l'avance des tests qu'ils ont l'intention d'effectuer, ainsi
que de leurs buts et de leurs conséquences. C'est seulement ainsi que les
travailleurs pourront véritablement comprendre l'importance du test et se faire une
opinion.
Plus les représentants des travailleurs ont la possibilité d'influer sur les tests
utilisés par l'employeur, plus l'exigence du consentement peut devenir un véritable
obstacle. Cette disposition du recueil complète les lois ou règlements nationaux qui
précisent la mesure dans laquelle est exigé le consentement des représentants du
personnel ou du comité d'établissement et les conditions régissant les tests (on peut
exiger par exemple qu'ils soient validés, qu'ils soient pratiqués exclusivement par
des spécialistes possédant certaines qualifications ou qu'ils fassent partie d'une
évaluation d'ensemble effectuée par un spécialiste qualifié). A cet égard, le recours
à l'astrologie, à la graphologie et aux techniques similaires devrait être exclu.
(6.12) Le troisième type de test mentionné par le recueil est le dépistage
génétique, qu'il limite aux cas expressément autorisés par la législation. On a de
plus en plus tendance à admettre cette technique en arguant qu'il est de l'intérêt des
travailleurs d'éviter les risques dus à leur constitution génétique. Cependant, elle a
l'inconvénient d'entraîner la divulgation de données extrêmement personnelles, ce
qui peut être lourd de conséquences pour l'avenir du travailleur. Elle ne peut donc
être laissée à la discrétion de l'employeur. Si elle est autorisée, elle doit se limiter à
1
OMS/BIT: Consultation sur le SIDA et le lieu de travail: déclaration (Genève, 27-29 juin
1988), document n° WHO/GPA/INF/88.7 Rev.1.
19
Protection des données personnelles des travailleurs
des cas très exceptionnels où elle se justifie par des motifs impérieux et où il
n'existe pas de solution de rechange. C'est au législateur qu'il appartient de
trancher.
Il convient de noter que deux types de tests sont pratiqués, à savoir le dépistage
génétique et la surveillance génétique. Le premier, qui est pratiqué une seule fois,
est un test qui porte sur les caractéristiques ou affections personnelles héritées. La
surveillance génétique, en revanche, consiste en un examen périodique de l'intéressé
visant à déceler les changements de ce capital induits par l'environnement (voir
encadré 3).
Encadré 3
Recommandation (n° 171) sur les services de santé au travail, 1985
Le texte du paragraphe 12(2) («B. Surveillance de la santé des travailleurs») est
le suivant:
Lorsqu'il existe une méthode valable et généralement acceptée de surveillance
biologique de la santé des travailleurs pour le dépistage précoce des effets sur la
santé de l'exposition à des risques professionnels spécifiques, elle peut être utilisée
pour identifier les travailleurs qui ont besoin d'un examen médical approfondi, sous
réserve du consentement individuel du travailleur.
(6.13) Enfin, le recueil indique qu'il ne devrait être procédé au dépistage des
drogues que conformément à la législation et à la pratique nationales ou aux normes
internationales. Comme exemple de normes internationales, il fait référence au recueil
de directives pratiques du BIT intitulé Prise en charge des questions d'alcoolisme et de
toxicomanie sur le lieu de travail ainsi qu'aux «Principes directeurs relatifs à la détection
de l’alcool et des drogues sur le lieu de travail»1.
Les techniques de surveillance, qui sont de plus en plus perfectionnées, posent des
problèmes similaires. Aux moyens traditionnels de surveillance, comme les écoutes
téléphoniques ou la surveillance vidéo, s'ajoutent en permanence des méthodes plus
subtiles et plus perfectionnées, comme la surveillance du courrier électronique ou vocal.
De plus en plus souvent, par ailleurs, les travailleurs font l'objet d'une surveillance
indirecte. Ainsi, des dispositifs visant un objet manifestement différent, comme
l'enregistrement et l'analyse des tâches ou les systèmes d'information sur le personnel et
de comptabilité des communications téléphoniques, permettent de collecter des données
personnelles qui peuvent facilement servir à la surveillance.
(6.14) Le recueil n'interdit pas que les travailleurs soient surveillés, mais fixe des
limites très claires. La surveillance est assujettie à deux conditions. Premièrement, elle
ne peut avoir lieu que si les travailleurs intéressés sont informés à l'avance des intentions
de l'employeur. En conséquence, avant que des activités de surveillance ne soient
1
BIT: Prise en charge des questions d'alcoolisme et de toxicomanie sur le lieu de travail, recueil
de directives pratiques (Genève, 1996); «Principes directeurs relatifs à la détection de l'alcool et
des drogues sur le lieu de travail», adoptés par la Réunion d'experts tripartite interrégionale de
l'OIT sur la détection de l'alcool et des drogues sur le lieu de travail, 10-14 mai 1993, Oslo
(Hønefoss), Norvège.
20
Observations
21
Protection des données personnelles des travailleurs
Encadré 4
Recommandation (n° 171) sur les services de santé au travail, 1985
Le texte du paragraphe 14(1) est le suivant:
Les services de santé au travail devraient consigner les données relatives à la
santé des travailleurs dans des dossiers personnels et confidentiels de santé.
Encadré 5
Recommandation (n° 171) sur les services de santé au travail, 1985
Le texte du paragraphe 15 est le suivant:
Les conditions et la durée de conservation des dossiers personnels de santé, les
conditions de leur transfert et de leur communication ainsi que les mesures requises
pour préserver leur caractère confidentiel, en particulier lorsque les informations
qu'ils contiennent sont mises sur ordinateur, devraient être prescrites par la
législation nationale ou par l'autorité compétente, ou, conformément à la pratique
nationale, régies par des directives d'éthique reconnues.
(8.3, 8.4) Pour garantir la transparence du traitement des données, l'employeur devrait
fournir régulièrement aux travailleurs des informations générales sur la nature des données
personnelles les concernant, sur la façon dont il les traite, sur les tiers auxquels elles sont
communiquées et sur les utilisations internes qui en sont faites. Les travailleurs doivent en
effet savoir à quels tiers les données les concernant sont communiquées et connaître aussi
le mouvement interne des données personnelles à l'intérieur de l'entreprise ou de
l'administration. Il faudrait par ailleurs procéder à des vérifications régulières pour
s'assurer du caractère exact et complet des données.
(8.5) Le fait de restreindre le traitement des données personnelles à des fins précises
limite la durée de leur stockage. Une fois atteint le but dans lequel elles ont été traitées, les
données devraient être détruites. Leur conservation ultérieure ne se justifie que si elles
sont nécessaires à titre de preuve d'une relation d'emploi passée ou présente. Lorsque
l'entreprise cesse son activité, les données personnelles des travailleurs, qui ont été traitées
dans le cadre de cette activité, doivent être détruites, à moins que la législation nationale
n'exige que certaines données soient conservées et ne détermine les conditions dans
lesquelles elles devront l'être (8.5 b)).
Cette règle générale est complétée par une disposition relative aux données
personnelles communiquées par les candidats à un emploi pour faciliter le choix de
22
Observations
l'employeur. Lorsqu'un candidat a été sélectionné, les données concernant tous les autres
candidats devraient être détruites, à moins que l'on ne conserve un fichier des candidats
potentiels, avec leur approbation.
(8.6) Afin d'éviter que le codage des données personnelles réduise la protection des
travailleurs et les possibilités d’accès, le recueil indique que le stockage et le codage des
données doivent être transparents.
23
Protection des données personnelles des travailleurs
24
Observations
Encadré 6
Recommandation (n° 171) sur les services de santé au travail, 1985
Au sujet des données médicales, le paragraphe 14 dispose ce qui suit:
2) Le personnel qui fournit des services de santé au travail ne devrait avoir
accès aux dossiers personnels de santé que dans la mesure où ceux-ci contiennent des
informations en rapport avec l'exercice de leurs fonctions. Lorsque les dossiers
contiennent des informations personnelles ayant un caractère médical confidentiel,
l'accès à ces dossiers devrait être limité au personnel médical.
3) Les données personnelles relatives aux évaluations de la santé ne devraient
être communiquées à des tiers que si le travailleur intéressé y consent en toute
connaissance de cause.
Le texte du paragraphe 16 est le suivant:
1) Lorsqu'un examen médical prescrit a été effectué pour déterminer l'aptitude
d'un travailleur à un travail comportant une exposition à un risque particulier, le
médecin qui l'a pratiqué devrait en communiquer les conclusions par écrit au
travailleur et à l'employeur.
2) Ces conclusions ne devraient comporter aucune donnée de nature médicale;
elles pourraient, selon le cas, soit indiquer que le travailleur est apte à l'affectation
prévue, soit spécifier les types de travaux et les conditions de travail qui, de manière
temporaire ou permanente, lui sont médicalement contre-indiqués.
25
Protection des données personnelles des travailleurs
Il faut aussi éviter les restrictions indirectes, comme celles qui consistent à
demander aux travailleurs d'indiquer les données qu'ils souhaitent consulter et pourquoi,
à leur imposer des frais ou à leur interdire d'exercer leur droit durant les heures normales
de travail. Les conditions spécifiques de travail doivent toutefois être prises en compte.
Le recueil indique donc que, si la consultation ne peut avoir lieu pendant les heures de
travail normales, d'autres dispositions, tenant compte à la fois des intérêts des
travailleurs et des employeurs, doivent être prises (11.4, 11.7).
(11.5) Afin de pouvoir accéder plus facilement aux données personnelles les
concernant ou de mieux comprendre les conséquences du traitement de ces données, les
travailleurs peuvent demander à ce qu'un collègue ou un représentant des travailleurs les
aide à exercer leur droit de consultation. Dans certains cas exceptionnels, la protection
des droits fondamentaux du travailleur peut exiger l'assistance d'une autre personne. Par
exemple, dans le cas où les données concernent sa vie sexuelle, le travailleur peut
légitimement souhaiter une autre assistance que celle d'un collègue ou d'un représentant
des travailleurs. Les personnes qui aident les travailleurs agissent exclusivement dans
l'intérêt du travailleur en question et sont donc tenues au secret. En conséquence, quelle
que soit la fonction de la personne accompagnant le travailleur ou toute autre
considération, les informations obtenues grâce à l'accès aux données personnelles du
travailleur intéressé ne peuvent être utilisées à des fins autres que celles définies par les
intérêts individuels de ce travailleur.
(11.6) Le droit général d'un travailleur de savoir et d'avoir accès à toutes les
données personnelles le concernant s'applique aussi aux données médicales. Comme il
s'agit de données particulièrement sensibles, le travailleur souhaitera peut-être
l'assistance d'un professionnel de la santé.
(11.9, 11.10, 11.11) Le droit des travailleurs d'exiger la rectification ou la
suppression de données incorrectes est un aspect important de la protection des données.
Les données corrigées devraient être communiquées aux utilisateurs de ces données, à
moins que le travailleur ne convienne que c'est inutile.
(11.12) La rectification est particulièrement difficile dans le cas des données
exprimant un jugement, comme celles contenues dans les rapports d'évaluation. Les
données contestées ne pouvant habituellement ni être effacées ni être remplacées, le
recueil prévoit la possibilité pour les travailleurs de compléter les données stockées par
une déclaration personnelle qui devrait être jointe à toute communication ultérieure des
données, à moins que le travailleur ne le juge inutile.
(11.13) Enfin, le recueil indique que, si les dispositions relatives à la protection des
données ne sont pas appliquées, les travailleurs devraient pouvoir utiliser des procédures
de recours contre l'employeur.
26
Observations
des conditions de travail, leur influence sur le traitement des données personnelles des
travailleurs est importante, comme le montre le cas de la France et de l'Allemagne.
Quand, au contraire, les conditions de travail sont presque entièrement fixées par voie de
négociation collective, les intérêts des travailleurs en matière de traitement des données
devront être défendus par leur syndicat et leurs représentants au niveau de
l'établissement.
(12.1) Pour réduire à un minimum les risques que courent les travailleurs, le recueil
indique que toutes les négociations collectives ayant un effet sur le traitement des
données personnelles des travailleurs devraient être guidées par les principes énoncés
dans le recueil et donc viser avant tout à la meilleure protection possible de ces données.
Deuxièmement, les représentants des travailleurs devraient être informés et consultés en
ce qui concerne l'introduction ou la modification des systèmes automatisés de traitement
des données personnelles des travailleurs; avant la mise en place de toute forme de
surveillance électronique du comportement des travailleurs sur le lieu de travail (12.2 a)
et b)); au sujet de la finalité, du contenu et du mode de gestion et d'interprétation des
questionnaires et tests concernant les données personnelles des travailleurs (12.2 c)).
27
Quelques publications du BIT
Prévention des accidents à bord des navires en mer et dans les ports.
Deuxième édition.
ISBN 92-2-209450-6 27,50 fr. suisses
Sécurité, santé et conditions de travail dans les transferts de technologie aux pays
en développement
ISBN 92-2-206122-5 15 fr. suisses