7PH06TE0420 Synthese

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SÉQUENCE 4

SYNTHÈSE CONCLUSIVE

Au cours de notre parcours à travers l’origine et les modalités du savoir humain, nous avons pu observer
que :
— L’opinion commune, le préjugé et la superstition relèvent de l’irrationnel dans la mesure où ils ne
sollicitent pas notre raison critique (ou esprit de libre examen) ou même nous dissuadent de faire un
usage critique de notre raison. Mais, la raison peut très bien rendre compte de notre penchant à céder
au préjugé ou à la superstition. En ce sens, nous n’avons ici affaire qu’à l’irrationnel au sens faible. L’irra-
tionnel est en position d’altérité radicale par rapport à la raison. Il peut se définir comme ce qui résiste
à la raison, comme ce que la raison ne peut assimiler, comprendre.
— Qu’est-ce que « penser par préjugés » ? Nous pensons par préjugés dès lors que nous prenons l’auto-
rité d’autrui ou celle de la tradition pour guide principal de nos représentations ou de nos jugements,
dans les matières où nous pouvons construire nous-mêmes ces représentations et ces jugements.
— Qu’est-ce qu’une raison hétéronome ? Notre raison est hétéronome lorsqu’elle se soumet à des lois
qui lui sont extérieures.
— En quoi consiste, selon, Kant, la vocation de la raison ? La vocation de la raison est de permettre à tout
homme de penser par lui-même. Il convient cependant de noter que si penser par soi-même implique
de ne pas se laisser conduire en laisse intellectuellement et moralement pas les autres, cela n’implique
pas, bien au contraire, de penser en dehors de toute communication avec les autres. Philosopher, c’est
toujours en quelque manière penser avec les autres, c’est-à-dire « mettre son jugement à l’épreuve de
l’entendement des autres hommes ». Bref, penser par soi-même ne signifie pas faire preuve d’égoïsme
logique (cf. notre introduction).
— Qu’est-ce que l’état de tutelle ? L’état de tutelle (ou état de préjugé) est un état de dépendance intel-
lectuelle et morale dont nous sommes nous-mêmes responsables du fait que nous refusons pares-
seusement de penser par nous-même ou que nous refusons la prise de risque intellectuel et moral
inhérente à l’acte de penser.
— La superstition aveugle l’esprit. La philosophie des Lumières fait valoir les droits de la raison scien-
tifique contre les préjugés et la superstition. Celle-ci peut certes s’expliquer par les difficultés de la vie,
mais le philosophe qui pose un regard lucide sur la réalité ne saurait céder à la pire crédulité qui soit.
Cela dit, suffit-il de se ranger derrière la raison pour se garantir de la superstition ou des débordements
de l’imagination ?
— Même si nous reconnaissons la faiblesse (relative) de la raison, cela ne doit pas pour autant nous faire
douter de la raison elle-même (dont il convient de remarquer que c’est elle-même qui dresse le constat
de sa propre faiblesse) et encore moins de ce qui fonde notre compréhension du monde (l’expérience
de l’absurde suppose des conditions particulières assez éloignées de nos conditions de vie habituelles),
mais cela peut nous ouvrir à d’autres modes d’accès à la vérité et au sens (sans pour autant retourner
dans l’ornière du préjugé ou de la superstition).

Ensuite, à propos de la vérité, nous avons vu que :


— Quand il s’agit de juger de la beauté d’une œuvre d’art, de la valeur morale d’une action, de la justesse
d’une décision politique, et dans beaucoup d’autres circonstances, nous faisons l’expérience, non seule-
ment de pluralité mais encore de la contradiction des opinions. Les diverses opinions exprimées ne nous
laissent pas indifférents : nous établissons entre elles des différences de valeur et nous accordons notre
préférence à celles qui nous semblent « dans le vrai ». Mais à quoi reconnaissons-nous qu’une opinion

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est « dans le vrai » ? Il semble indispensable de pouvoir répondre à cette question et d’exhiber le critère
à quoi se reconnaît, et à coup sûr, la vérité d’un jugement. Ainsi nous faut-il donc rendre compte de ce
qu’est la vérité, et de ce qui la définit par rapport à la réalité et la distingue de l’erreur.
— Pour être vrai, un discours doit d’abord être sensé, mais cette condition nécessaire n’est pas suffi-
sante : il faut encore qu’il dise quelque chose de la réalité. « Longtemps je me suis couché de bonne
heure » : une telle phrase, la première phrase de À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, a
évidemment un sens, mais faute de pouvoir confondre le « je » de l’écriture avec le « je » réel, comme
Proust lui-même nous invite à l’éviter (dans Contre Sainte-Beuve), elle n’est ni vraie ni fausse. En lisant
son livre, aucun lecteur ne se demande si le narrateur s’est vraiment couché de bonne heure pendant
longtemps. Une œuvre de fiction, un roman, met en scène des personnages dont on ne se demande
pas s’ils existent vraiment et des événements dont on ne se demande pas plus s’ils se sont réellement
produits, pour la très bonne et très simple raison que cela nous indiffère : d’un point de vue esthétique, le
sens suffit. Mais le sens ne suffit pas à qui cherche la vérité, à penser la réalité comme elle est. Le vrai
nous importe dans la mesure où nous voulons savoir ce qu’il en est de la réalité des choses.
— C’est plus généralement le rôle de la science de mettre à jour la réalité vraie cachée derrière les
apparences. La question de la vérité ne se pose qu’à partir du moment où nous reconnaissons comme
non vérité, comme apparence, ce monde trop familier que nous avons cru trop vite vrai et réel. La vérité,
dès lors, ne peut résulter que d’un effort méthodique par lequel elle est extraite de la gangue sensible
qui la recouvre et par lequel nous accédons à une connaissance vraie du réel. L’intelligence seule permet
d’accéder à ce qui est en vérité. La réalité n’est pas ce qui apparaît, mais ce que la science établit :
contrairement aux apparences, la terre tourne autour du soleil ! Il faut, dès lors, alors réinterpréter la
séparation de la pensée et de l’être. La pensée vraie n’est pas celle qui se contente d’être à l’image de
la réalité, mais celle qui dévoile la véritable réalité. Sans l’effort de la pensée qui la fait apparaître, la
réalité resterait cachée, recouverte d’apparences. Dire ce qui est comme il est, c’est percer à jour les
apparences, déjouer l’illusion, rectifier le réel.
— La vérité d’une pensée impose que soient réunis un certain nombre de conditions : il faut qu’elle
soit cohérente, rationnelle, et il faut aussi qu’elle soit conforme à la réalité. C’est cette conformité que
nous définissons souvent par le terme d’objectivité, laissant entendre que le point de vue exprimé ne
résulte pas d’un caprice individuel mais d’une considération du réel sur laquelle chacun peut s’accorder.
Pourtant la réalité n’est pas toujours facile à discerner et il faut compter avec des apparences, dont on
dit souvent trop vite qu’elles sont trompeuses : elles ne nous trompent pas, c’est plutôt nous qui nous
appuyons trop vite sur elles sans réfléchir. Les apparences doivent être expliquées afin que la réalité
véritable soit mise à jour. Opérer ce dévoilement, C’est à quoi ambitionne toute connaissance et d’abord,
au premier chef, la connaissance scientifique.

Enfin, à propos de la science, nous avons vu que :


— L’opinion implique le degré le plus faible de la conviction, un assentiment (c’est-à-dire une adhésion
de l’esprit à un jugement) partiel par opposition à l’assentiment total qu’entraîne le savoir. Cet assenti-
ment est partiel parce que l’opinion n’est fondée au mieux que sur une probabilité et non sur une certi-
tude objective. Avoir une opinion, c’est croire quelque chose, mais ce n’est jamais le croire tout à fait. À
l’opinion manque en effet la certitude qui caractérise la science et qui fait également défaut à la foi.
— Croire ceci ou cela chose n’implique pas qu’on en soit certain, parce qu’il s’agit après tout d’une
simple opinion. Croire en une chose, même si cela suppose une conviction plus forte, ce n’est pas plus
en être certain : après tout, personne n’aurait besoin de croire en Dieu si son existence était certaine. Il
n’y a que de ce que l’on sait dont nous puissions être certains. Parce qu’elle implique une certitude qui
fait défait à la foi et à l’opinion, la science ne se situe pas du tout sur le même plan. La science exclut
en principe l’opinion et la foi : à quoi bon croire, puisque l’on sait ? Malheureusement, si en principe, la
science se distingue absolument de l’opinion et de la foi, dans les faits, il n’en va pas toujours ainsi : soit
que des opinions ou des articles de foi prétendent à une certitude, voire à une scientificité qui leur fait
défaut, soit à l’inverse, que la science elle-même soit vue comme une forme de croyance. Et c’est bien la

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raison pour laquelle il importe par-dessus tout de se demander à quoi on reconnaît qu’un discours est
effectivement scientifique et qu’il peut, à bon droit, prétendre à cette forme de certitude qui n’appartient
qu’à la science.
— Entendue dans son sens le plus général, la physique, la science de la nature est tout à la fois mathé-
matique et expérimentale. Elle met à jour des lois exprimées sous forme d’équation qui, loin d’être des
jeux de l’esprit, nous disent quelque chose de la nature du réel. Elle s’efforce sans cesse à progresser en
se réfutant elle-même, imaginant des protocoles qui soumettent les théories à des expérimentations qui
soient autant de protocoles de falsification. Aucune discipline, aucun discours, ne saurait prétendre à la
scientificité qui n’indique et encourage un protocole par lequel il puisse être réfuté. Un discours irréfu-
table est tout sauf scientifique : on ne saurait par exemple réfuter l’existence de Dieu, et par conséquent
l’affirmation de son existence n’a rien de scientifique.

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