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“cycles_biogeochimiques” — 2007/10/23 — 12:56 — page 1 — #55


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INTRODUCTION GÉNÉRALE

1 Objectif du rapport

Ce rapport concernant les « cycles biogéochimiques » des surfaces continen-


tales s’intéresse au comportement de différents éléments chimiques de la biogéo-
sphère au cours de l’histoire de la planète et, plus particulièrement, depuis que
se manifeste une anthropisation accélérée en relation avec le développement de
la civilisation industrielle. Il s’inscrit donc dans la mouvance de ce qui a été dési-
gné autrefois par le terme « Économie de la nature », suivant l’expression utilisée
par Charles Lyell dans ses Principes de géologie (Édition française 1843), que
l’on a regroupé dès 1969 au sein de l’Unesco et de l’Icsu (Scope-IGBP) sous
la rubrique « Sciences de l’environnement et des ressources naturelles » et que
l’on évoque aujourd’hui dans le cadre de l’ONU en parlant de « Biens et ser-
vices écosystémiques » (cf. Rapport Millennium Ecosystem Assessment — ONU,
2005). Son but premier est en effet de montrer comment une meilleure connais-
sance du fonctionnement biogéochimique sert à préserver les milieux superficiels
de la planète, tout en assurant une production de biomasse, qui soit en rapport
– à la fois dans le domaine alimentaire et dans le domaine énergétique – avec
les besoins futurs de l’humanité. Or, cette connaissance reste encore à l’heure
actuelle bien insuffisante, ce qui conduit inévitablement à alimenter de-ci de-là
les suspicions de l’opinion publique.

Il est donc impératif, puisque la Terre forme avant tout un système dynamique,
de mieux appréhender à l’avenir la circulation des divers éléments chimiques la
constituant, circulation qui se fait – en permanence, sous différentes formes et à
des vitesses variables – entre plusieurs enveloppes de la surface de la planète
(atmosphère, biosphère et lithosphère) et entre les différents grands réservoirs

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que sont les terres émergées, les océans et les zones englacées. . . Naturelle-
ment, l’idéal serait de pouvoir maîtriser les cycles des divers éléments à toutes
les échelles de temps et d’espace, ce qui n’est pas encore réalisable dans l’état
actuel des choses. Cela ne dispense pas cependant, pour pouvoir avancer dans
la connaissance, de s’intéresser aux différentes étapes des circuits que l’on peut
déjà caractériser, de préciser le suivi – même partiel – de certains éléments qui
jouent un rôle fondamental dans la vie aussi bien de la planète que de l’huma-
nité, et enfin, de voir comment ces derniers sont susceptibles de s’intégrer dans
une optique générale qui est celle des cycles biogéochimiques. C’est d’ailleurs
dans ce cadre que les questions seront examinées au cours de ce rapport, le
terme « cycles biogéochimiques » étant pris dans son sens le plus large, à savoir
la connaissance de la redistribution des éléments chimiques telle que celle-ci
se fait, soit dans les écosystèmes naturels, soit lorsque ces derniers y ont été
introduits, comme dans les milieux anthropisés.

Ceci étant dit, il s’avère nécessaire de commencer par préciser les caractéris-
tiques de la géochimie et de la biogéochimie.

2 Géochimie et biogéochimie

2.1 Cadre historique

La géochimie, qui a introduit au XIXe siècle la chimie dans l’étude des phé-
nomènes globaux mis en œuvre au cours de l’histoire de la Terre, est la science
qui traite de la répartition des éléments chimiques dans la géosphère (minéraux
et roches) (V-M Goldschmidt, 1958). Elle consiste essentiellement en l’applica-
tion des lois de la chimie minérale aux processus géologiques, qui séparent ou
rassemblent les différents éléments chimiques constituant la planète.

Mais, à partir de là, la présence des êtres vivants à la surface du globe


a conduit très tôt à réfléchir aux relations que ceux-ci entretenaient avec l’at-
mosphère et la géosphère, dont une idée schématique est indiquée dans la
figure 1 pour les végétaux ; ceux-ci assurant en effet, en tant qu’organismes
phototrophes, le fonctionnement de base de la plupart des écosystèmes conti-
nentaux.

Lavoisier a été le premier à attirer l’attention sur l’existence d’un cycle de


la matière à travers les trois règnes (minéral, végétal et animal) et à en avoir
donné une interprétation chimique. Il suffit de se reporter à la synthèse qu’il a
proposée à ce sujet à la fin du XVIIIe siècle et qui correspond aussi au libellé

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I NTRODUCTION GÉNÉRALE 3

Figure 1
Fonctionnement schématique d’un système végétal à la surface du globe.
1 m2 de céréales nécessite pour son développement :
– 660 g d’oxygène, 630 g de carbone, 90 g d’hydrogène ;
– 20 g d’azote (N), 8 g de phosphore (P2 O5 ), 25 g de potassium (K2 O), 8 g de calcium (CaO), 6 g de
soufre (SO3 ), 4 g de magnésium (MgO) ;
– des oligo-éléments : 0,15 g de fer, 0,05 g de manganèse, 0,05 g de zinc, 0,01 g de cuivre, 0,006 g de
bore, 0,001 g de molybdène.
D’après Les données de la Fertilisation – Publications UNIFA.

du Prix de l’Académie des sciences pour 1794 (écrit de la main de Lavoisier,


Archives de l’Académie des sciences – Dossier Lavoisier, 732 b) :

« Les animaux se nourrissent ou des végétaux ou d’autres animaux, en sorte


que les matières qui les forment sont toujours, en dernier résultat, tirés de l’air
et des minéraux. Enfin la fermentation, la putréfaction et la combustion rendent
continuellement à l’air de l’atmosphère et au règne minéral les principes que
les végétaux et les animaux leur ont empruntés » (Œuvres, T VI, Imprimerie
Nationale, 1893).

Tout ceci, qui reposait au départ sur la seule chimie « pneumatique », a été
conforté par la suite au cours du XIXe siècle par les observations et réflexions de
divers savants parmi lesquels on se doit de citer A. de Humbolt, JB. Dumas et JB.
Boussingault, J. von Liebig, C. Bernard, L. Pasteur. . . Mais c’est W. Vernadsky
qui, influencé par les idées de son maître BB. Dokouchaev, fondateur de la
science des sols (pédologie), a été amené, dans les années 1920, à mettre en
cohérence les différents savoirs en concevant l’existence d’une enveloppe au-
tonome qu’il a identifiée à la biosphère ; celle-ci étant formée par l’ensemble
des organismes vivants ainsi que par les divers milieux de la surface de la Terre

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4 C YCLES BIOGÉOCHIMIQUES ET ÉCOSYSTÈMES CONTINENTAUX

qui leur sert d’environnement1 . Dès 1924, en effet, dans le cours sur la géochi-
mie, qu’il a dispensé à la Sorbonne, Vernadsky a proposé une extension de la
géochimie aux êtres vivants, celle-ci devant dorénavant s’appuyer aussi sur la
géochimie organique et la biochimie. De ce fait, il a fait appel aux biologistes
pour que les phénomènes vitaux soient rattachés à la géochimie, le sol, en tant
que maillon d’entrée de la chaîne alimentaire, servant de lieu privilégié pour
assurer les échanges d’atomes entre le monde vivant et le monde inerte.

L’appel a été plus ou moins entendu ; il l’a été en tout cas ultérieurement par
un certain nombre de biologistes, notamment par GE. Hutchinson (1948) et EP.
Odum (1953) qui, conscients de l’unité profonde existant entre les êtres vivants
(biocénose) et leur environnement (biotope), ont introduit dans ce genre de pro-
blèmes la démarche de l’écologie fonctionnelle. À partir de là, ces auteurs se
sont intéressés à ce qui constitue désormais la « biogéochimie » et ont été les
premiers à proposer la notion de « cycles biogéochimiques » (appelés par eux
cycles inorganiques-organiques) et à l’appliquer à plusieurs éléments, tels le car-
bone, le phosphore, le strontium (thèse d’Odum en 1950). . . La biogéochimie
est donc bien aujourd’hui la géochimie de la biosphère, avec son principal ap-
pendice dans les zones terrestres mises en culture qui correspond à l’agrochimie
(Mariotti, 1997 et Pellerin et al., 2006).

2.2 Domaines spécifiques de la géochimie


et de la biogéochimie

La géochimie concerne les milieux minéraux. Elle étudie la circulation des


différents éléments de la classification périodique au sein de la géosphère en
application des lois classiques de la chimie inorganique ; elle caractérise donc
avant tout le domaine de la profondeur (géochimie de la profondeur), sans ou-
blier cependant l’évolution minérale qui concerne les relations roches-altérites
se développant au sein des niveaux superficiels situés au contact des milieux
biotiques (géochimie de surface) (Millot, 1963 ; Pédro, 1966). Les réactions en-
gendrées dépendent alors avant tout des caractéristiques chimiques des éléments
et des conditions du milieu (composition, concentration, pH, potentiel d’oxydo-
réduction, température, pression. . .). Elles sont soumises aux lois de la thermo-
dynamique qui permettent de caractériser les équilibres minéraux-solution et
d’établir ainsi des diagrammes de stabilité des constituants minéraux (minéraux
primaires ou secondaires) suivant les conditions du milieu (cf. par exemple pour
le silicium et l’aluminium dans le domaine de la surface la figure 3.1 du cha-
pitre 3). Beaucoup de travaux ont été réalisés dans ce domaine durant les trente
dernières années, en sorte que les phénomènes mis en jeu sont aujourd’hui de
1 Cettedéfinition de Vernadsky n’englobe pas la biosphère profonde, qui est d’une autre nature
et qui n’était pas connue à l’époque.

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I NTRODUCTION GÉNÉRALE 5

mieux en mieux maîtrisés au plan quantitatif et qu’ils se prêtent aisément, de ce


fait, à des simulations de type déterministe.

La biogéochimie, quant à elle, s’intéresse aux domaines superficiels où règne


la photosynthèse et qui sont caractérisés par la présence à la fois de consti-
tuants minéraux et d’êtres vivants ; mais ce sont ces derniers (micro- et macro-
organismes) qui, en raison de leur mode d’existence (biosynthèse de matière
organique vivante, puis production de matière organique morte), gouvernent
en fait le fonctionnement chimique de ces milieux, avec toutes les répercussions
que cela comporte, tant dans le domaine de la constitution minéralogique des
matériaux de surface (les sols en particulier) que dans celui de la composition
de l’air atmosphérique.

La biogéochimie correspond bien ainsi à la géochimie de la biosphère, avec


ses différentes phases (cf. ci-après), qui présente de ce fait plusieurs caractéris-
tiques :

– elle s’intéresse plus spécialement aux éléments chimiques qui sont en rela-
tion directe avec la vie et ce, qu’ils soient majeurs ou en traces (Pédro,
1970) et par ailleurs qu’ils soient indispensables (éléments plastiques
d’ordre constitutionnel et oligo-éléments à activité métabolique) ou bien
toxiques ;

– elle se développe au sein des enveloppes externes de la planète (basse


atmosphère, hydrosphère euphotique, géosphère continentale) qui sont
marquées par des conditions physiques particulières : faibles tempéra-
tures, basses pressions, présence d’eau libre, intervention de l’énergie so-
laire qui est le moteur de la photosynthèse. . . ;

– elle correspond dans son fonctionnement à des périodes beaucoup plus


courtes que celles mises en œuvre dans la géochimie classique ; d’où la
nécessaire prise en compte des modifications permanentes dans les condi-
tions de l’évolution, comme par exemple les variations climatiques, que
celles-ci soient saisonnières, annuelles ou interannuelles.

En définitive la biogéochimie, qui traite avant tout du retour au monde minéral


des éléments ayant participé à la vie, se trouve à l’interface de trois grands
secteurs scientifiques : géosciences, biologie et chimie et, plus particulièrement
de trois sous-secteurs, qui sont la géochimie, la biochimie et l’écologie (figure 2).

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6 C YCLES BIOGÉOCHIMIQUES ET ÉCOSYSTÈMES CONTINENTAUX

Géosciences Écologie Biologie

Biogéochimie

Géochimie Biochimie

Chimie

Figure 2
Place de la biogéochimie.

2.3 Les cycles biogéochimiques – Nature et constitution

En principe, un cycle évoque un circuit fermé, l’élément considéré devant


revenir à l’état initial après avoir suivi un parcours constitué par les différentes
étapes de son histoire.

Dans le cas qui nous préoccupe ici, cela à un sens si l’on envisage le fonction-
nement global du système Terre, donc si l’on s’intéresse au bilan, aux transferts
et aux stocks d’éléments à toutes les échelles de temps et d’espace ; c’est ce que
l’on désigne alors par le terme cycle global. En réalité, dès lors que l’on prend
en compte de petites échelles de temps et des espaces territoriaux plus restreints,
les cycles étudiés sont toujours partiellement ouverts en sorte qu’on ne boucle
pratiquement jamais. Il est clair en effet que certains éléments peuvent être sous-
traits, car stockés à long terme, et échapper de la sorte pendant fort longtemps
au cycle complet les caractérisant. Aussi, ce qu’on étudie souvent, ce sont des
parties de cycle de nature et de durée variées (sous-cycle ; paracycle ; phase. . .),
plus ou moins autonomes qui, à certains moments de l’évolution, peuvent être
reliées entre elles au sein du système géochimique général.

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En biogéochimie terrestre par exemple, sous l’influence des spécialistes des


écosystèmes forestiers (Switzer et al., 1968) (cf. chapitre 5.1), on distingue ha-
bituellement dans le cycle général, trois sous-cycles qui sont en interaction :

– le sous-cycle biologique proprement dit, qui correspond à la circulation


des éléments entre le sol et la plante (prélèvement), puis entre la plante
et le sol (restitutions par les litières aériennes et souterraines, exsudats
radiculaires, récrétion) ;

– le sous-cycle biochimique, qui recouvre la redistribution des éléments au


sein des plantes pérennes ; il s’agit des translocations internes des éléments
des tissus âgés vers les organes en croissance, qui donnent à la plante une
certaine autosuffisance, diminuent la demande au sol et contribuent à une
certaine résilience par rapport aux contraintes de l’environnement ;

– le sous-cycle géochimique, qui correspond à l’ouverture des cycles pré-


cédents d’un côté vers l’atmosphère avec les rejets atmosphériques et la
fixation symbiotique ou non de d’azote, et de l’autre vers les eaux de sur-
face et les nappes phréatiques par suite des pertes par drainage au-delà
de la zone radiculaire.

Le plus actif des trois est le sous-cycle biologique. En biogéochimie, et no-


tamment en agrochimie, on le désigne aussi quelquefois sous le nom de cycle
interne, car il correspond à la circulation en permanence des éléments minéraux
(en provenance des sols et des roches) vers les êtres vivants (micro-organismes
et végétaux notamment), puis après la mort de ces derniers au sein des matières
organiques inertes qui s’accumulent à la surface des sols (litières–rhizosphère)
avant d’être minéralisées à leur tour (on parle quelquefois de reminéralisation)
et de constituer dès lors des nutriments pour les êtres vivants.

Dans ce cas, la notion de recyclage prend tout son sens (turn-over), celui-
ci pouvant se faire – de manière continue ou discontinue – à des vitesses très
variées suivant les milieux, mais qui correspondent généralement à des pas de
temps relativement courts, donc se situant à l’échelle humaine. Et c’est dans ce
cadre qu’il semble nécessaire de se pencher brièvement sur le problème des
relations entre cycles biogéochimiques et anthropisation.

3 Cycles biogéochimiques et anthropisation

Les cycles biogéochimiques des différents éléments fonctionnent dans la na-


ture à leur manière suivant les caractéristiques chimiques propres à chaque

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élément et selon le rôle que ceux-ci jouent au cours du développement de la bio-


sphère. Il en a été ainsi jusqu’à l’apparition de l’homme qui, du fait de son ac-
tivité dans les terres émergées (agriculture, industrie, urbanisme, voies de com-
munication), a contribué à perturber – souvent sans s’en rendre compte dans les
premières phases – les écosystèmes et les cycles ; ceci, de façon de plus en plus
marquée avec le temps, surtout depuis les années 1850, jusqu’à aboutir à des
nuisances majeures (certaines étant à dimension planétaire), toujours inquié-
tantes et quelquefois même irréversibles. Ces changements environnementaux
résultent d’un côté de l’augmentation de ses capacités technologiques (dévelop-
pement industriel et urbain, fabrication de nouveaux composés, intensification
de la production végétale, concentration de l’élevage dans certaines régions,
. . .) et d’un autre de la nécessité de leur mise en œuvre du fait de l’accrois-
sement sans précédent de la pression démographique qui impose au monde
d’assurer une production de biomasse de plus en plus élevée.

C’est ainsi, entre autres, que l’homme a été amené :

– à remettre en circuit du carbone provenant des combustibles fossiles (qui


était jusque-là soustrait) et à libérer de grandes quantités de CO2 ne
provenant pas de la biomasse ; sans oublier le carbone émis dans l’at-
mosphère à la suite des opérations de déboisement, puis du labourage
répétitif des terres à des fins agricoles, et ce depuis le néolithique ;

– à perturber le cycle de l’azote en fabriquant, puis en utilisant des engrais


azotés et en accentuant dans les régions tempérées et tropicales de la
planète, les problèmes d’acidification des terres ;

– à contribuer à la salinisation des sols dans les régions arides sous l’in-
fluence d’une irrigation régulière des cultures ;

– à modifier la redistribution de divers éléments (phosphore, potassium,


chlore. . .) ou composés que l’on a introduit dans le circuit agronomique
pour compenser les exportations par les récoltes ;

– à provoquer la dissémination de nombreux métaux en relation avec le


développement de la métallurgie et de l’agronomie (cuivre, zinc, nickel,
étain, plomb, mercure. . .) ou encore des molécules biocides de synthèse
utilisées dans les traitements phytosanitaires ;

– à mettre en circulation des radionucléides à longue durée de vie en rap-


port avec l’utilisation de l’énergie nucléaire ;

– à produire de grandes quantités de déchets (industriels, agricoles et ur-


bains) qu’il s’agit maintenant de résorber. . .

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I NTRODUCTION GÉNÉRALE 9

Il s’en suit l’émergence de problèmes en relation avec la modification des


systèmes écologiques et la détérioration des cycles biogéochimiques, tels l’effet
de serre (additionnel), l’eutrophisation des eaux, l’acidification ou la salinisa-
tion des sols, les dépérissements forestiers (pluies acides), les phénomènes de
pollution . . ., avec des conséquences qui sont loin d’être négligeables pour les
sociétés au plan de l’avenir de l’humanité, dans les domaines de l’alimentation
et de la santé notamment. Ceci étant, la solution à notre époque n’est pas de
bloquer toute nouvelle activité humaine en raison de l’intense pression démo-
graphique actuelle, mais de relever le défi majeur que constituent, de nos jours,
la préservation du capital naturel et la qualité de la vie sur la planète.

Et c’est là qu’entrent en jeu, notamment, les cycles biogéochimiques qui per-


mettent de raisonner les interventions humaines, afin que ces dernières soient les
plus profitables possible tout en étant les moins néfastes, suivant la conception
que l’on a de ce qu’on appelle à l’heure actuelle le « développement durable »
qui fait appel, notamment, aux mécanismes biologiques impliqués dans les sys-
tèmes agricoles (culture et élevage).

Deux exemples pris en zone terrestre peuvent illustrer brièvement l’intérêt


d’une bonne connaissance des cycles biogéochimiques des milieux affectés par
l’activité anthropique ; ils seront d’ailleurs repris ultérieurement sous une autre
forme dans le corps du rapport :

– le premier a trait à la fertilisation des terres de culture, et notamment à la


fertilisation azotée ;

– le second concerne le dépérissement récent des forêts, dû au phénomène


connu sous le nom de « pluies acides ».

3.1 Fertilisation azotée des terres cultivées

La production de biomasse, donc naturellement la production alimentaire


mais aussi celle provenant des cultures énergétiques (bioressources qui peuvent
se substituer aux combustibles fossiles) ou des cultures agro-industrielles, est
d’autant plus importante que les plantes sont convenablement alimentées et
qu’elles reçoivent, pour complémenter la fourniture naturelle des sols, un ap-
port régulier d’engrais, et en particulier d’engrais azotés de synthèse. Comme
ces derniers sont fabriqués par l’homme et demandent de l’énergie (synthèse
de l’ammoniac à partir de l’azote de l’air), cette activité émet du CO2 tout en
perturbant dans le même temps le cycle biogéochimique de l’azote dans les
sols, ainsi qu’on peut le voir schématiquement dans la figure 3 (le cycle détaillé
sera présenté ultérieurement, cf. chapitre 2). Mais on modifie aussi ce dernier
lorsque l’apport d’azote dépasse les besoins des plantes, l’excédent sortant du

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10 C YCLES BIOGÉOCHIMIQUES ET ÉCOSYSTÈMES CONTINENTAUX

Figure 3
Schéma du cycle de l’azote en agriculture (source : La Lettre de l’Unifa N◦ 9).

cycle interne, soit parce qu’il est entraîné avec les eaux de drainage, soit quand
il est rejeté dans l’atmosphère.

Le problème de nos jours n’est pas de se dispenser de la fertilisation, qui


est capitale pour l’avenir de l’humanité ; il s’agit tout simplement de réguler
les interventions, de manière à intégrer les facteurs de production au sein d’un
ensemble de services. Ceci s’insère dans la démarche suivante :

– les engrais proposés ont à être de plus en plus efficaces ;


– leur fabrication doit demander le moins d’énergie possible, donc de com-
bustible fossile ; d’où la nécessité d’améliorer sans cesse le rendement des
processus industriels de fabrication ;
– le matériel d’épandage se doit d’être de plus en plus perfectionné (avène-
ment des écotechnologies), de façon à bien contrôler les doses à incorpo-
rer ;
– l’apport d’engrais en vue d’obtenir un rendement optimum doit corres-
pondre aux seules exigences de la plante à chaque moment du cycle
cultural, de manière à minimiser les fuites ; d’où un fractionnement des

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I NTRODUCTION GÉNÉRALE 11

apports dans le temps, ce qui peut être résumé dans la formule « la bonne
dose au bon moment » ;

– les variétés végétales, améliorées en s’appuyant notamment sur la trans-


genèse et les biotechnologies, se doivent d’être très performantes tout en
étant frugales.

C’est pour maîtriser ce genre de problèmes que la connaissance des cycles


biogéochimiques, qui prend en compte l’ensemble du fonctionnement de l’agro-
système végétal2 , s’avère de plus en plus incontournable (Mariotti, 1997).

3.2 Dépérissement des forêts tempérées

Ce phénomène, dont les symptômes principaux sont la défoliation ou le jau-


nissement du feuillage de massifs forestiers, a atteint son paroxysme dans les
années 1980. Il a alors été l’objet d’une campagne médiatique sans précédent
et a pris très vite l’allure d’un holocauste écologique ; ceci parce que d’entrée
de jeu il a été attribué à des pollutions atmosphériques d’origine industrielle

(SO4 2− , NO3 , . . .) conduisant à une acidification des milieux ; d’où le nom de
« pluies acides » donné à ce phénomène.

Assez rapidement cependant, on s’est rendu compte que ce paramètre n’était


pas le seul en cause et que beaucoup d’autres facteurs interagissaient, en rela-
tion notamment avec les phénomènes de réchauffement climatique.

Aussi pour avancer dans les connaissances, on a été amené à mettre en


place dès 1984 un programme dénommé Deforpa (DEpérissement des FORêts
attribué à la Pollution Atmosphérique) qui a fonctionné de 1984 à 1991. Ce
programme a comporté notamment la mise sur pied d’un réseau d’observation
de type systématique (540 placettes distribuées aux nœuds d’une maille de 16
par 16 km), puis d’un réseau plus intensif venant en appui du précédent : le
réseau Renecofor (Réseau national de suivi à long terme des écosystèmes fores-
tiers) non systématique de 102 points permanents d’observation, représentant
les grands types de forêts rencontrés sur le territoire métropolitain. Cette associa-
tion de réseaux d’observation et de réseaux de sites de recherche a permis de
mesurer des flux et des bilans de divers éléments et de préciser ainsi leurs cycles
biogéochimiques en appréhendant leur circulation entre l’air, les roches, les sols,
2 On pourrait raisonner de la même façon dans le cas de la production bovine où l’addition d’ali-

ments sert de complément à la ration herbagère ou fourragère ; ou encore mieux pour les élevages
hors-sol (porcs, volailles) ; l’épandage des effluents d’élevage entraînant des rejets azotés, phos-
phorés, . . . qui peuvent conduire à l’individualisation, dans l’espace rural, de « zones d’excédents
structurels » (Zes) (cf. chapitre 6.1).

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les eaux et les arbres. Les résultats d’ensemble de ce travail seront analysés dans
le chapitre 5 (5.1) ; mais on peut déjà indiquer que si, dans certaines situations,
les apports atmosphériques sont effectivement acides, donc à influence néga-
tive, dans d’autres, ils peuvent avoir un rôle positif, en assurant par exemple les
besoins en calcium d’arbres se développant sur les sols totalement décalcifiés.

En définitive même si aujourd’hui, en raison des multiples interactions mises


en jeu, la situation n’est pas entièrement éclaircie, il semble bien que les aspects
en relation avec la nutrition minérale des arbres soient fondamentaux ; d’où la
nécessité d’une approche intégrée avec référence aux cycles biogéochimiques
en s’appuyant sur des réseaux d’observation et des modélisations, qui s’avèrent
indispensables (cf. 4e partie de ce rapport) pour pouvoir aborder sérieusement
ce genre de questions.

4 Cadre du rapport

Après cet ensemble de données de base à propos de la géochimie et de la


biogéochimie, il apparaît maintenant opportun de mieux faire état des principes
ayant servi à établir le contour du sujet de ce rapport qui est essentiellement
focalisé sur le fonctionnement des terres émergées ; ceci, parce que les zones
continentales sont les meilleurs enregistreurs de l’histoire géologique de la pla-
nète, qu’elles fournissent le maximum de production de biomasse (vingt-cinq fois
environ à surface égale celle de la zone épipélagique) et enfin parce que c’est là
que se déroule la vie des hommes, ce qui entraîne une difficulté supplémentaire
du fait que la terre n’est généralement pas un bien collectif, contrairement aux
réservoirs fluides comme l’atmosphère et l’océan. Cette délimitation sera faite à
partir de l’analyse de trois points particuliers :

– la place incontournable de la biosphère terrestre au sein de la planète ;

– le rôle majeur joué par le « système écologique » dans le fonctionnement


biogéochimique des terres émergées ;

– enfin l’importance du facteur « sol » dans la dynamique de l’évolution


biogéochimique des écosystèmes continentaux.

4.1 Situation et caractéristiques de la biosphère terrestre

a) Lorsqu’on examine la structure de la planète Terre, il est classique d’en-


visager une superposition d’enveloppes concentriques de natures différentes :
gazeuse (atmosphère), aqueuse (hydrosphère), solide (lithosphère), matière en

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fusion (manteau inférieur et noyau) où, partant de basses températures et de


faibles pressions, on aboutit à des températures très élevées et à de fortes pres-
sions.

Classiquement, on distingue ainsi dans les zones continentales, en allant de


l’extérieur vers le centre :

– une enveloppe gazeuse (basse atmosphère) ;

– une enveloppe solide mais ameublie et hydratée (sols et couvertures d’al-


tération).

Ces deux enveloppes correspondent aux cycles de surfaces et au domaine de


la géodynamique externe.

Puis, en descendant plus profondément :

– une enveloppe rigide, formée par les roches de la croûte terrestre et du


manteau supérieur ;

– une zone sous-jacente de matériaux à l’état visqueux.

Ces deux dernières enveloppes correspondent aux cycles de la profondeur,


domaine de la géodynamique interne.

Ceci étant acquis, il est clair que c’est la zone la plus externe, et en particulier
la couverture meuble de surface qui constitue l’élément de base de la biosphère
terrestre ; en effet, soumise à l’influence de la lumière solaire et caractérisée par
des conditions de faibles températures (moyenne 15 ◦ C) et pressions (autour de
1 bar), elle permet la production de matière vivante à partir des éléments tels
le carbone, l’hydrogène, l’oxygène, l’azote, le phosphore. . . en assurant dans
le même temps le contact avec les matériaux minéraux sous-jacents et mettant
en jeu notamment le silicium, l’aluminium, le fer, le calcium, le magnésium, le
potassium...

b) À partir de cette présentation générale, on est amené à identifier au sein


de la biosphère trois grands systèmes :

1. Le système le plus externe est situé à l’interface basse atmosphère-surface


de la Terre et concerne plus particulièrement les zones océaniques qui
représentent 72 % de la surface du globe. Il est sous l’influence de la

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circulation atmosphérique en relation avec les océans et les glaciers3 et


met en jeu essentiellement deux cycles : le cycle du carbone (CO2 ) et celui
de l’eau. C’est cette zone qui détermine la nature du climat et de son
évolution. Le système mis en jeu peut donc être désigné par le vocable
« système climatique » ;

2. Au contact de cette première interface, s’individualise à la surface des


terres émergées une mince couverture ameublie dont on a parlé plus haut.
C’est là que se sont mis en place, sous l’influence de l’énergie solaire et
grâce à la photosynthèse, toutes les réactions biochimiques conduisant à
la genèse de matière vivante, puis à sa décomposition. C’est là aussi que
se développent les relations entre les communautés d’organismes vivants
(biocénose) et le milieu naturel (biotope), si caractéristiques des écosys-
tèmes.
Le système en question peut donc être qualifié de « système écologique »,
qui met en jeu la plupart des éléments chimiques, et notamment ceux in-
dispensables à la vie, tels le carbone, l’azote, le phosphore, le soufre, le
calcium, les oligo-éléments. . .

3. Enfin, en dessous de ces deux domaines, débute une zone complètement


azoïque où règnent des températures et des pressions de plus en plus
élevées au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la surface. On a alors
affaire au « système géologique » classique, domaine de la géochimie
avec pleine application des lois de la chimie :

– chimie inorganique pour les minéraux d’altération (géochimie de


surface) et pour les minéraux primaires (géochimie de la profon-
deur) ;
– chimie organique pour la genèse des roches carbonées – combus-
tibles fossiles (géochimie organique).

À ce point, il est bon d’ajouter maintenant que deux de ces trois systèmes ont
été jusqu’ici assez convenablement investis. Il s’agit de ceux qui sont susceptibles
d’évoluer sous la seule dépendance des processus physiques, hydrodynamiques
et minéralogiques ; ce qui a permis d’envisager une perception quantitative des
phénomènes, d’appréhender d’entrée de jeu les processus à grande échelle
(grâce aux données satellitaires) sans avoir à aborder le détail, d’appliquer
3 Parmi les différentes enveloppes et réservoirs de la zone externe de la planète, on peut no-

ter qu’il existe des relations deux à deux entre compartiments ; ainsi les enveloppes fluides (très
changeantes et à évolution rapide) : océans et atmosphère sont plus spécialement liées ; comme le
sont, par ailleurs, les enveloppes solides : terres émergées et lithosphère (souvent hétérogènes et à
évolution lente).

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aisément les lois de la thermodynamique et enfin de s’appuyer sur une modéli-


sation de type déterministe. Il s’agit en premier lieu du « système climatique » et
d’un certain point de vue du « système géologique ».

Il n’en sera pratiquement pas fait état dans ce document ; le premier


en particulier, sous la dépendance des flux de CO2 et de l’eau en prove-
nance essentiellement des océans et de l’atmosphère, ayant déjà fait l’objet
de nombreux travaux s’appuyant sur des observations globales dans le cadre
du Giec/IPCC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du cli-
mat/Intergovernmental Panel on Climate Change).

Par voie de conséquence, le rapport portera avant tout sur le « système éco-
logique », dont il s’agit maintenant de préciser le rôle dans la compréhension
des fonctionnements biogéochimiques de la surface du globe.

4.2 Rôle du « système écologique »

Ce système correspond au domaine spécifique des êtres vivants, notamment


des micro-organismes (hétérotrophes) et des végétaux (autotrophes)4 , le déve-
loppement de ces derniers reposant dans les zones terrestres sur deux inter-
faces :

– d’une part, les organes foliaires du couvert aérien (phyllosphère) très liés
aux flux en eau et en carbone (CO2 ) ;

– d’autre part, l’appareil racinaire souterrain (rhizosphère), qui assure la


nutrition minérale par l’intermédiaire du sol (azote, phosphore, potassium,
soufre. . .).

Entre ces deux interfaces, il ne faut pas oublier d’indiquer qu’une redistribu-
tion générale des éléments chimiques est aussi assurée par voie interne entre
tous les organes de la plante (cycle biochimique).

Au total, la circulation des éléments repose sur trois processus :

– les transferts entre l’atmosphère et la plante ; ils relèvent du domaine de la


bioclimatologie, qui est essentiellement de type physicohydrique en rela-
tion avec les phénomènes d’évapotranspiration ; ils ne seront pas abordés
dans ce rapport. Notons que l’influence des changements climatiques sur
4 Avecun poids équivalent, la biomasse totale bactérienne étant dans l’écosphère du même ordre
de grandeur que celle des végétaux.

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16 C YCLES BIOGÉOCHIMIQUES ET ÉCOSYSTÈMES CONTINENTAUX

la végétation des écosystèmes forestiers (structure et composition) a fait


l’objet des premiers travaux du groupe « Terrestrial biosphere and global
change » de l’IGBP (International Geosphere-Biosphere Program) ;

– les redistributions entre les différents organes de la plante, donc au sein


même du végétal. Reposant sur des processus biochimiques, ce genre de
circulation s’intègre dans le domaine de l’écophysiologie fonctionnelle ;
ce dernier ne sera pas, non plus, traité directement, même si en de nom-
breuses occasions il y sera fait allusion ;

– enfin, les transferts sol-plante, qui sont à la base de la nutrition minérale


des végétaux et donc de la production de biomasse. Ils sont typiquement
biogéochimiques, puisque ceux-ci mettent en jeu à la fois des processus
biochimiques liés aux organismes vivants et aux matières organiques rési-
duelles et des processus géochimiques associés aux constituants minéraux
(primaires et secondaires). C’est ce dernier domaine, intermédiaire entre
le monde minéral et le monde vivant, qui sera privilégié dans ce rapport
consacré aux cycles biogéochimiques des écosystèmes continentaux.

4.3 Importance du facteur sol et ses conséquences


dans le domaine biogéochimique

Au sein de la biosphère terrestre, le sol, qui constitue le nœud du système


biogéochimique, est un objet infiniment plus complexe et moins homogène que
l’air et les eaux. De nature organominérale, il est en effet meuble, poreux, hy-
draté, tout en abritant de nombreux micro-organismes. C’est la raison pour
laquelle il constitue un bioréacteur de premier plan, ce qui lui permet d’assurer
de nombreuses fonctions, dont entre autres :

– la régulation permanente des phénomènes biologiques et notamment le


développement de la végétation ;

– le recyclage en continu de nombreux éléments chimiques, suite à la dé-


composition par les micro-organismes telluriques, des composés orga-
niques, que ceux-ci soient naturels ou artificiels et qu’ils soient bénéfiques
ou nocifs ; ce qui donne au sol, à condition de ne pas dépasser les capa-
cités de recyclage, un certain pouvoir épurateur, qui est connu depuis le
début de l’humanité.

Mais par ailleurs, du fait de son « pouvoir absorbant » caractéristique, le sol


constitue aussi un réceptacle tout indiqué pour capter divers éléments minéraux
introduits ou disséminés, en relation avec l’activité humaine. De tels apports

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I NTRODUCTION GÉNÉRALE 17

bousculent alors les équilibres et peuvent à la longue conduire à des contami-


nations préjudiciables à la fois au fonctionnement des écosystèmes en place et
à la santé des populations qui y résident.

La connaissance du mode de fonctionnement des sols constitue donc aujour-


d’hui un problème qui semble plus incontournable que jamais. Or, où en est-on
dans ce domaine qui dépend avant tout d’une bonne connaissance des phases
solides le constituant, à savoir les organismes vivants, les résidus organiques et
les constituants minéraux (primaires et d’altération) ?

Les données concernant la constitution et l’évolution de la phase minérale


sont à notre époque relativement abondantes, avec tous les travaux réalisés sur
la caractérisation des équilibres minéraux-solution à partir des lois de la thermo-
dynamique. C’est là un aspect strictement géochimique qui ne sera pas détaillé
ici, même s’il sera évoqué dans plusieurs chapitres de ce rapport. Il correspond
à une vision abiotique des phénomènes, vision qui a beaucoup apporté à la
connaissance mais qui s’avère insuffisante dans le cas des matériaux où la vie
est présente.

Restent donc les deux autres phases, à savoir d’une part les êtres vivants,
d’autre part les matières organiques résiduelles, où l’évolution est avant tout de
nature biochimique. Or, dans ce domaine, le manque de données est aujour-
d’hui tout à fait manifeste ; et c’est ce qui a conduit dans ce rapport à mettre
un accent particulier d’un côté sur l’étude des micro-organismes et invertébrés
telluriques qui, en tant qu’agent des biotransformations, sont la clé des recy-
clages biogéochimiques, et d’un autre sur la caractérisation au sein du sol des
matières organiques qui sont à la base des interactions organominérales (com-
plexe argilo-humique) et en même temps de la libération d’éléments minéraux
biodisponibles, permettant d’assurer régulièrement une nutrition équilibrée des
végétaux.

Naturellement tous ces problèmes ne peuvent être abordés d’entrée de jeu à


des échelles globales, la perception des phénomènes mis en jeu dans de tels en-
sembles hétérogènes impliquant une connaissance préalable du détail, donc se
situant à petite échelle (diversité des niches écologiques, changement permanent
des conditions climatiques). C’est là une des difficultés majeures lorsqu’on veut
envisager une gestion des systèmes biogéochimiques terrestres dans son aspect
quantitatif ; et c’est ce qui nécessitera de mettre l’accent, dans le futur, aussi bien
sur des secteurs de pointe (spéciation, colloïdes, écologie microbienne, géosta-
tistique. . .) que sur le recueil en continu de données d’observation appropriées ;
toutes choses indispensables à une mise en œuvre d’opérations de modélisation
et à un passage à des échelles plus globales.

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