El Guidee Le Mal Corrige

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Arthur Rimbaud, Cahiers de Douai, parcours « émancipations créatrices ».

EXPLICATION LINÉAIRE
« Le Mal »

PROJET DE LECTURE : Comment Rimbaud contraste-t-il, dans ce sonnet, l’horreur de la guerre franco-prussienne
avec l’apparente incurie du corps religieux ?

MOUVEMENTS :
1. La folie guerrière (v. 1 à 8)
2. L’incurie (= indifférence) divine (v. 9 à 11)
3. De vaines offrandes (v. 12 à 14)
INTRODUCTION :

Élève prodige surnommé le “poète maudit” par son ami Verlaine, avec qui il entretint une relation
tumultueuse, Arthur Rimbaud se distingue très jeune par sa poésie aussi transgressive que érudite. Dans son
poème “Le Mal” écrit en 1870 et publié dans les Cahiers de Douai, Rimbaud traite un sujet qui le marqua beaucoup
: celui de la guerre. Horrifié par la violence et les pertes humaines de la guerre franco-prussienne (1870-1871),
Rimbaud y consacre nombre de ses sonnets, dont “Rages de César”, “L’éclatante victoire de Sarrebrück”, ou encore
le très touchant “Le Dormeur du val”. Dans “Le Mal”, il dénonce non seulement l’atrocité de la guerre, mais aussi la
cruauté des chefs de guerre (dont Napoléon III), ou encore le manque d’ingérence de l’Église.
*** LECTURE EXPRESSIVE ***
Trois mouvements se dégagent de ce poème. Dans un premier mouvement comprenant les deux
quatrains, Rimbaud souligne la folie guerrière. Dans le premier tercet, il dénonce l’incurie divine. Dans le dernier
tercet, il attire l’attention sur la vanité des offrandes faites par les mères endeuillées.
Nous tâcherons de montrer comment, dans ce sonnet, Rimbaud contraste l’horreur de la guerre
franco-prussienne avec l’apparente incurie du corps religieux.

PREMIER MOUVEMENT : La folie guerrière

N° vers Citations Procédés Interprétations

1 et 5 “Tandis que” (x 2) Propositions Ces propositions indiquent la simultanéité de


subordonnées deux choses, de deux actions. Ici, elles mettent en
circonstancielles de temps parallèle l’horreur de la guerre décrite dans les
+ Anaphore deux quatrains, qui débutent tous deux par cette
anaphore, et le calme qui règne dans l’église au
premier tercet.
1à4 “crachats”, “rouges”, Allitération du son R Souligne la violence de la scène et la cruauté de
“mitraille”, “jour”, la guerre.
“écarlates”, “verts”,
“près”, “Roi”, “raille”,
“croulent”.
1 “crachats” Terme placé à la césure, à Mise en relief de ce terme.
l’hémistiche.

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Arthur Rimbaud, Cahiers de Douai, parcours « émancipations créatrices ».

1-2 “crachats rouges” Adjectifs épithètes Contraste entre les deux couleurs primaires, les
“ciel bleu” deux ambiances. Le rouge symbolise la guerre, le
sang, la bataille, alors que le bleu symbolise la
paix et le calme.
2-6 “Sifflent”, “raille”, Verbes conjugués au Ce temps permet d’actualiser la scène et nous
“croulent”, “broie”, présent d’énonciation donne l’impression d’être sur le champ de
“fait” bataille.
3 “écarlates ou verts” Figure de substitution : Ces couleurs font référence aux uniformes
- métonymie français et prussiens : la dénonciation oscille
donc entre un propos très général et une critique
explicite de la guerre.
Dans cette perspective, Le Roi semble se
confondre avec Napoléon III.
4 “les bataillons en Placés de part et d’autre Insistance sur le nombre de décès.
masse” de la césure.
5 “folie épouvantable Figure de substitution : La “folie” ici évoquée pourrait être celle du “Roi”
broie” - métonymie (v. 3), ou celle des chefs de guerre de manière
générale. Elle symbolise une folie collective,
ambiante et insaisissable par temps de guerre.
Le rythme de cet alexandrin produit l’effet d’une
machine infernale, que l’on ne peut arrêter.
6 “Et fait de cent 2 figures de style sont Les soldats sont anonymisés et évoqués
milliers d’hommes un combinées ici : uniquement par leur nombre important. Leur
tas fumant” - hyperbole humanité et leur individualité leur sont ôtées par
- métaphore l’utilisation de cette figure de style et du mot
“tas”.
7 – (le tiret) Ponctuation Indique une rupture, mais aussi comme une prise
de parole, l’intrusion du discours direct dans le
poème.
7 “Pauvres morts !” Exclamation nominale Le locuteur exprime de l’empathie pour les
+ Tonalité pathétique soldats morts au combat, contrairement aux
dirigeants, indifférents.
Les sentiments qu’il éprouve se traduisent par
l’emploi de différents registres, ici et au vers
suivant.
7 “dans l’été, dans Figure d’amplification : Rythme ternaire dans ce vers.
l’herbe, dans ta joie” - énumération La figure d’amplification mêle des éléments
concrets (été, herbe) à un élément abstrait, la
joie. Ce tableau de la nature paisible contraste
avec celui de la guerre.
Le mot “joie” rime par ailleurs avec “broie” au
v. 5. Cela renforce l’effet de contraste.
8 “Nature ! ô toi…” Apostrophe S’adresse directement à la nature personnifiée.
+ interjection lyrique
+ 2ème personne du
singulier
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Arthur Rimbaud, Cahiers de Douai, parcours « émancipations créatrices ».

8 “saintement” Adverbe Il est polémique car il associe la naissance de


l’Homme à la nature et non à Dieu.

BILAN PARTIEL :

Dans ce premier mouvement, Rimbaud dresse un tableau violent et déstabilisant de la guerre. Une critique
du pouvoir est faite, notamment à travers la figure du “Roi” et son indifférence pour les soldats morts au combat.

DEUXIÈME MOUVEMENT : L’incurie divine

N° vers Citation Procédé Interprétation

9 “Il est un Dieu, qui Déterminant indéfini Manière de sous-entendre qu’il peut y en avoir
rit” d'autres.
Même attitude que le Roi, il ne se préoccupe pas
des hommes.
10-11 - “d’or” / “s’endort” Rimes riches Ce Dieu est représenté comme étant indifférent et
- “nappes + champ lexical de la cupide. Le jeune poète a choisi à nouveau de
damassées” / “calices richesse prendre ses distances avec la forme régulière du
d’or” sonnet, qui fait commencer les tercets par une
rime suivie.
11 “bercement”, Champ lexical du sommeil Montre l’indifférence de Dieu par rapport aux
“s’endort” hommes.
11 “Qui dans le Assonance des voyelles Évoque un chant régulier et soporifique.
bercement des nasales [an]
hosannah s’endort” Allitération en sifflantes

BILAN PARTIEL :

Dans ce tercet, le lecteur découvre, non sans surprise, un Dieu narquois et entouré de richesses, lui aussi
indifférent aux atrocités de la guerre.

TROISIÈME MOUVEMENT : De vaines offrandes

N° vers Citation Procédé Interprétation

12 “Et se réveille” Rejet (procédé qui consiste, Mise en relief de ce verbe pronominal au début du
grâce à un enjambement, à vers. Effet de surprise et bouleversement du
placer au début du vers, un rythme de l’alexandrin.
mot ou un groupe de mots
qui appartient, par la
construction syntaxique et
le sens, au vers précédent).

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12-13 “ramassées / Dans De nouveau un rejet Permet de donner en un seul terme l’attitude
l’angoisse” + choix du verbe physique et morale des mères, elles se replient sur
leur douleur.
13 “leur vieux bonnet Nom commun entouré Atmosphère de deuil : le noir est la couleur
noir” d’adjectifs appropriée au deuil et l’adjectif “vieux” permet
d’accentuer la tristesse de celui-ci.
14 “un gros sous lié dans Déterminant indéfini Le “gros sou” souligne la pauvreté des mères et
leur mouchoir !” singulier “un” contraste avec le nom “mouchoir”. Un objet aussi
+ adjectif “gros” matériel que la pièce de monnaie est enfermé dans
+ nom commun ce morceau de tissu qui, lui, fait allusion à la
“mouchoir” profonde tristesse des mères et à leur deuil.

14 ! Point d’exclamation Le point d’exclamation clôt le poème en exprimant


toute l’indignation du poète.

CONCLUSION GÉNÉRALE :

Rimbaud nous offre un poème saisissant par la cruauté de ses images évocatrices de la guerre. Le lecteur
est d’emblée immergé dans les sons et les couleurs de celle-ci. Les soldats, anonymes, sont réduits à un tas de chair
fumante. Il ne s’agit néanmoins pas uniquement de peindre un tableau pathétique de la guerre. Le poème est aussi
l’occasion de dénoncer la cruauté des chefs de guerre. Le poète transgressif s’attaque ensuite à l’Église et à Dieu,
qu’il présente comme un personnage ricanant au visage des pauvres mères endeuillées. En évoquant le “Roi” et
“Dieu”, il fait allusion à l’alliance dite “du sabre et du goupillon”, à savoir, l’alliance entre l’armée et l’Église.
Cela nous fait penser au poème “Le châtiment de Tartufe” qui, à la manière de la célèbre pièce de Molière,
dénonce l’hypocrisie du clergé. Par ailleurs, l’image des soldats plongés dans l’anonymat évoquée ici avec
beaucoup d’empathie, nous rappelle “Le Dormeur du val”, qui souligne lui aussi l’innocence du défunt resté sans
nom.

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