Bendjaballah I D Decembre2023

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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC

INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

CENTRE – URBANISATION CULTURE SOCIÉTÉ

LA CARRIÈRE MIGRATOIRE DES ÉTUDIANTS MAGHRBÉBINS À


MONTRÉAL
L’influence de l’expérience urbaine sur leur rétention dans la ville d’accueil

Par

Islem BENDJABALLAH
Master 2 en architecture

Thèse présentée pour obtenir le grade de

Philosophiae doctor, Ph.D.

Doctorat en études urbaines

Programme offert conjointement par l’INRS et l’UQAM

Décembre 2023

© Islem BENDJABALLAH, 2023


Cette thèse intitulée

LA CARRIÈRE MIGRATOIRE DES ÉTUDIANTS MAGHRÉBINS À


MONTRÉAL
L’influence de l’expérience urbaine sur leur rétention dans la ville d’accueil

et présenté par

Islem BENDJABALLAH

a été évaluée par un jury composé de

M. Nicholas William REVINGTON, président, Institut national de la recherche scientifique

Mme Annick GERMAIN, directrice de thèse, Institut national de la recherche scientifique

Mme Florence PAULHIAC, examinatrice interne, Université du Québec à Montréal

M. Kamel BÉJI, examinateur externe, Université Laval


RÉSUMÉ

Aujourd’hui, les étudiant.e.s internationaux représentent le plus important flux migratoire au

Québec. La littérature scientifique internationale sur leurs expériences migratoires s’est beaucoup

développée, mais le processus de construction de leur parcours migratoire demeure peu documenté,

notamment les facteurs qui influencent leur rétention dans les villes d’étude. Dans le cadre de cette

recherche doctorale, à travers les parcours des étudiants internationaux maghrébins à Montréal,

nous proposons une lecture globale du projet migratoire pour étude. Nous mettons l’accent, d’une

part, sur l’apport de l’analyse multidimensionnelle des expériences migratoires dans les villes

d’accueil. D’autre part, nous apportons une perspective urbaine à la théorie de la carrière

migratoire.

Méthodologie : Notre matériel empirique provient des 45 entrevues individuelles menées auprès

de 15 nouveaux étudiants internationaux maghrébins à Montréal. Nous avons rencontré chacun

d’entre eux 3 fois à l’intervalle de 6 mois. La collecte des données s’est effectuée à l’aide des

entrevues semi-dirigées et des cartes mentales.

Résultats : Cette thèse porte sur l’expérience urbaine des étudiants internationaux maghrébins qui

séjournent à Montréal. En analysant leur vie quotidienne, nous avons identifié leur fréquence de

mobilité urbaine et la géographie des espaces qu’ils se sont appropriés à Montréal durant les 12

mois de notre terrain. Les étudiants très mobiles et hyper-mobiles ont réussi à explorer plusieurs

zones de la ville et à s’approprier plusieurs de ces espaces. Ils ont donc construit un plus large

capital spatial que les étudiants moyennement mobiles et les sédentaires. À partir de cette

classification, nous avons proposé un processus de construction d’un sentiment de chez-soi dans

une ville d’accueil. Nous avons diagnostiqué un dédoublement du chez-soi chez les étudiants qui

avaient un capital spatial et vivaient la mobilité comme une expérience urbaine : leur ville d’origine

et la ville de migration. Par la suite, en intégrant le rapport à la ville et le chez-soi comme une des

caractéristiques individuelles, nous avons proposé des suites possibles des carrières migratoires
iii
(ancrage à Montréal, mobilité pour l’ancrage, retour au « Bled », mobilité inter/nationale et les

flottants). Ces profils nous ont permis d’identifier la nature des liens entre les différents facteurs,

dont l’expérience urbaine, et la rétention des étudiants internationaux.

Mots-clés : carrière migratoire, étudiants internationaux, maghrébins, Montréal, expérience


urbaine, mobilité urbaine, appropriation, capital spatial, chez-soi

iv
ABSTRACT

Today, international students represent the largest migratory flow in Quebec. The international

scientific literature on their migratory experience has been developed significantly, but their

migratory paths remain poorly documented, as well as the factors that influence their retention. In

this doctoral research we unpack such experiences, through the study of Maghrebi international

students in Montreal.

On one hand, we highlight the contribution of multidimensional analysis of migratory experiences

in migrant-receiving cities. On the other, we bring an urban perspective to the theory of migratory

careers.

We offer a multidimensional analysis of migratory experiences in migration cities, while also

bringing an urban perspective to the theory of migratory careers.

Methodology: Our empirical material consists of 45 individual, semi-structured interviews

conducted with 15 new Maghrebi international students in Montreal. We met each of them 3 times

at 6-month intervals. We also used mind maps during the interviews to better understand their

migratory experiences.

Results: This thesis focuses on the urban experience of Maghrebi international students in

Montreal. By analyzing their daily lives in the city, we identified their mobility patterns and the

geography of the spaces they appropriated throughout the 12 months of our fieldwork. Highly

mobile and hyper-mobile students explored the city and appropriated its spaces. They thus built a

larger spatial capital than moderately mobile students and sedentary ones. From this classification,

we proposed a process for constructing a feeling of home in a host city. We diagnosed a duplication

in the feeling of home among students who had spatial capital and urban mobility. These students

came to feel at home in both their city of origin and the migration city. Subsequently, by integrating

the relationship to the city and the feeling of home among student migrants, we theorise multiple

v
trajectories for migratory careers: 1) anchoring in Montréal, 2) mobility for anchoring, 3) return to

the “Bled”, 3) inter/national mobility, and 4) floating.

These profiles give us a better understanding of the urban experience of Maghrebi students in

Montreal and their retention.

Keywords: Migratory careers, international students. Maghrebians, Montreal, urban experience,


urban mobility, appropriation, space capital, feeling home.

vi
REMERCIEMENTS

J’adresse mes premiers remerciements à mes parents : Turkia et Liamin, pour leur confiance, leur
appui, leur soutien et leur amour inconditionnel. Merci d’avoir toujours répondu présent, merci
pour vos encouragements et d’avoir toujours cru en moi. Mes mots ne sauraient exprimer, mes
sentiments envers vous.

Je tiens à remercier, ma directrice de thèse et mon mentor, Annick Germain, qui m’a formé, m’a
accompagné et qui a toujours su trouver les mots d’encouragement lorsque la rédaction a requis
plus de temps qu’initialement prévu. Vous m’avez offert un accès à vos réseaux, maintenant, je
dois affronter le monde extérieur en pensant à nos discussions sur « Mr plus que parfait ».

Je remercie les membres du jury de mon examen doctoral, Vultur Mircea et Antonius Rachad pour
vos commentaires qui ont contribué à l’aboutissement de cette recherche. Merci aussi aux membres
du jury, Kamel Béji, Florence Paulhiac et Nicolas William Revington qui ont accepté d’examiner
ce travail.

À ma sœur (Intissar) et mes chers frères (Fadi et Kamil), ma famille, mes amis, ma source
d’inspiration, vous avez toujours été là pour me soutenir et m’encourager à atteindre mes objectifs.
Merci pour les lectures et les discussions d’après minuit.

Le doctorat est un processus durant lequel nous rencontrons des personnes qui nourrissent nos
réflexions et qui participent à la formation du futur chercheur. À vous, Mme Hicham, nous avons
construit ce projet ensemble et le voilà abouti. À l’équipe d’ÉRIQA, au réseau de VRM, au membre
de la FCA et à l’équipe des Midis de l’immigration (Anna, Amel, Catherine, Jeanne et Mathilde).
Au groupe des urbains (Rachel, FX, Véronique, Charles, Guilda, Anna, Nadia et Simon). À mes
collègues de l’INRS (Oussama, Gina, Wiem, Salomé, Maria), nos discussions de couloir vont me
manquer.

Enfin, mes pensées vont à tous mes ami.e.s, à savoir : Anis, Ramzi, Racha, Marius, Margaux,
Annabelle, Valentin, Zimou, Houssem, Fouad, Abdel Hak, Niema, Soufiane et Kaoo. Ils (elles)
m’ont toujours motivé et encouragé, nos fous rires et les bons moments passés ensemble quand
j’en avais le plus besoin.

vii
Un grand merci aux étudiants maghrébins qui ont accepté de partager leur vie avec moi et pour leur
confiance, sans vous, ce projet n’aurait jamais vu le jour.

viii
TABLE DES MATIÈRES

Liste des figures ............................................................................................................................ xv


Liste des tableaux ...................................................................................................................... xvii
Liste des abréviations et des sigles .......................................................................................... xviii
Introduction générale ..................................................................................................................... 1
Chapitre 1 : Recension des écrits sur l’expérience migratoire des étudiant.e.s internationaux :
un nouveau flux migratoire ........................................................................................................... 8
I.1 Introduction ............................................................................................................................. 8

I.2 La migration pour étude .......................................................................................................... 8

I.3 La mobilité internationale des étudiant.e.s internationaux; une nouvelle dynamique


migratoire.................................................................................................................................... 13

I.4 Les parcours migratoire des étudiant.e.s internationaux : de l’émigration à l’immigration . 17

I.4.1 La construction d’un projet migratoire pour étude : devenir un.e. étudiant.e
international.e ......................................................................................................................... 18

I.4.2 L’expérience migratoire des étudiant.e.s internationaux ............................................... 20

I.4.3 La rétention des étudiant.e.s internationaux .................................................................. 28

I.5 Au-delà de l’intégration? ....................................................................................................... 35

I.6 Conclusion ............................................................................................................................. 38

I.6.1. L’usage de la carrière migratoire comme un concept d’analyse central...................... 38

I.6.2 S’intéresser à l’expérience urbaine dans la ville d’accueil ........................................... 39

I.6.3 S’intéresser aux Maghrébins : un groupe d’étudiant.e.s sous-documenté au Québec... 40

Chapitre 2 : Question de recherche et cadre conceptuel .......................................................... 41


II.1 Introduction .......................................................................................................................... 41

II.2 La carrière migratoire .......................................................................................................... 42

II.2.1 Les niveaux et les composantes d’analyse .................................................................... 43

II.2.2 Les dimensions de la carrière migratoire ..................................................................... 45

II.3 Vers une sociologie urbaine de l’immigration et de l’ethnicité ........................................... 48


ix
II.3.1 L’ethnicité...................................................................................................................... 49

II.3.2 La sociologie urbaine au service des questions migratoires : Construire sa vie


quotidienne dans une ville de migration ................................................................................. 55

II.3.3 Le paradigme de la mobilité.......................................................................................... 59

II.3.4 De la mobilité urbaine au capital spatial...................................................................... 61

II.3.5 Du capital spatial au sentiment de chez-soi dans une ville........................................... 64

II.4 Questions de recherche ........................................................................................................ 66

II.5 Conclusion ........................................................................................................................... 68

Chapitre 3 : Approche méthodologique ..................................................................................... 70


3.1 Introduction .......................................................................................................................... 70

3.2 Terrain et cas d’étude ........................................................................................................... 70

3.2.1 Montréal comme terrain d’étude ................................................................................... 71

3.2.2 Les Maghrébins comme cas d’étude .............................................................................. 73

3. 3 Échantillonnage et recrutement des participants ................................................................. 75

3.3.1 Recrutement de participants .......................................................................................... 78

3.3.2 Présentation des participants à la recherche ................................................................ 79

3.3.3 Profils des participants .................................................................................................. 80

3.3.4 La relation de confiance entre l’enquêteur et les personnes interrogées ...................... 82

3.4 Méthodes de recherche ......................................................................................................... 83

3.4.2. Les cartes mentales ....................................................................................................... 85

3.5 Une recherche longitudinale; démarche entreprise .............................................................. 88

3.5.1 Temps 1 (Un mois après leur arrivée) ........................................................................... 89

3.5.2 Temps 2 (Six mois après leur arrivée) ........................................................................... 90

3.5.3 Temps 3 (Un an après leur arrivée) ............................................................................... 91

3.6 La collecte des données et le déroulement du terrain ........................................................... 92

3.6.1 Les premières rencontres ............................................................................................... 92


x
3.6.2 Les deuxièmes rencontres : adapter la collecte à la situation de la pandémie COVID19
................................................................................................................................................. 94

3.6.3 Les troisièmes rencontres .............................................................................................. 96

3.7 Analyse et présentation des résultats .................................................................................. 100

3.7.1 La retranscription ........................................................................................................ 100

3.7.2 L’identification des thèmes significatifs....................................................................... 101

3.7.3 L’interprétation ............................................................................................................ 102

3.7.4 La synthétisation .......................................................................................................... 103

3.8 Question épistémologique .................................................................................................. 103

3.9 Positionnement ................................................................................................................... 105

Chapitre 4 : Choisir Montréal comme ville d’étude; entre stratégies migratoires et don
d’hospitalité................................................................................................................................. 107
4.1 Introduction ........................................................................................................................ 107

4.2 Objectifs de départ, pourquoi migrer? ................................................................................ 108

4.3 Montréal, une destination de choix pour les étudiants internationaux maghrébins............ 109

4.3.1 Le PEQ, une structure d’opportunité ou un objectif de migration ? ........................... 110

4.3.2 Les bourses d’étude comme structures d’opportunité ................................................. 112

4.3.3 Le réseau prémigratoire comme facteur d’influence ................................................... 112

4.4 L’accueil et l’installation à Montréal.................................................................................. 114

4.4.1 Les étudiants de DEP ................................................................................................... 118

4.4.2 Les étudiants universitaires ......................................................................................... 119

4.5 Le don d’hospitalité : Quand l’accueil est un retour! ......................................................... 119

4.6 Quand l’invité d’hier devient l'hôte aujourd’hui ................................................................ 120

4.7 Le don de l’hospitalité et les liens sociaux ......................................................................... 124

4.8 Conclusion du chapitre ....................................................................................................... 125

Chapitre 5 : La mobilité urbaine des étudiants internationaux maghrébins à Montréal ... 127

xi
5.1 Introduction ........................................................................................................................ 127

5.2 Les moyens de déplacement et les quartiers de résidence .................................................. 128

5.2.1 Le moyen de déplacement ............................................................................................ 130

5.2.2 La situation géographique par rapport aux autres quartiers ...................................... 132

5.3 Fréquences de mobilité et motifs de déplacement .............................................................. 133

5.3.1 Avant la pandémie (COVID-19) .................................................................................. 135

5.3.2 Durant la pandémie (COVID-19) ................................................................................ 139

5.4 Les espaces visités .............................................................................................................. 141

5.4.1 Temps 1 (après un mois à Montréal) ........................................................................... 142

5.4.2 Temps 2 (Après 6 mois à Montréal) ............................................................................. 143

5.4.3 Temps 3 (Après 12 mois à Montréal) ........................................................................... 145

5.5 Les profils de mobilité et facteurs d’influence ................................................................... 149

5.5.1 Les caractéristiques individuelles ................................................................................ 150

5.6 Conclusion .......................................................................................................................... 156

Chapitre 6 : De l’expérience urbaine au sentiment de chez-soi ............................................. 158


6.1 Introduction ........................................................................................................................ 158

6.2 Les expériences urbaines des étudiants internationaux maghrébins à Montréal ................ 159

6.2.1 Les ambiances urbaines: vivre le rêve américain à Montréal ..................................... 159

6.2.2 Les interactions et relations sociales dans un espace urbain ...................................... 161

6.2.3 Rapports aux espaces urbains: les espaces appropriés par les étudiants internationaux
maghrébins à Montréal ......................................................................................................... 163

6.3 Les profils du « capital spatial » possibles chez les étudiants internationaux maghrébins à
Montréal.................................................................................................................................... 171

6.3.1 Personnes avec un « Capital de mobilité » .................................................................. 173

6.3.2 Personnes avec un « Capital spatial en construction » ............................................... 175

6.3.3 Personnes avec un « capital spatial ».......................................................................... 176

xii
6.3.4 Personnes avec un « très large capital spatial » ......................................................... 178

6.4 La construction progressive d’un sentiment de « chez-soi » à Montréal ........................... 180

Prophase ............................................................................................................................... 182

Métaphase ............................................................................................................................. 183

Anaphase ............................................................................................................................... 184

Télophase ; le dédoublement du chez-soi ............................................................................. 184

6.5 Conclusion .......................................................................................................................... 187

Chapitre 7 : Les carrières migratoires des étudiants internationaux maghrébins à Montréal :


synthèse ....................................................................................................................................... 188
7.1 Introduction ........................................................................................................................ 188

7.2 Le parcours migratoire des étudiants internationaux en trois temps .................................. 188

7.2.1 Temps 1 : Choisir Montréal comme ville de migration ............................................... 189

7.2.2 Temps 2 : Vivre en tant qu’étudiant international à Montréal .................................... 191

7.2.3 Temps 3 : Quoi faire après la fin des études (Suites possibles de carrières migratoires)
............................................................................................................................................... 196

7.3 Entre mobilité et ancrage, la rétention des étudiants internationaux entre choix individuel et
contrainte structurelles .............................................................................................................. 202

A) Niveau macro : les structures d’opportunités et de contraintes ................................ 203

B) Niveau intermédiaire : les ressources mobilisables .................................................. 204

C) Niveau micro : les caractéristiques individuelles ...................................................... 205

7.4 L’expérience urbaine comme facteur d’influence .............................................................. 207

7.5.1 Attendre la fin des études ............................................................................................. 210

7.5.2 Attendre la résidence permanente ............................................................................... 211

7.6 Conclusion du chapitre ....................................................................................................... 212

Conclusion générale ................................................................................................................... 214


Bibliographie............................................................................................................................... 219
Annexe 1 : Affiche pour le recrutement ................................................................................... 234

xiii
Annexe 2 : Document d’informations sur la participation à la recherche ............................ 235
Annexe 3 : Formulaire de consentement .................................................................................. 239
Annexe 4 : Le guide de la première rencontre......................................................................... 241
Annexe 5 : exemples de cartes mentale .................................................................................... 245

xiv
LISTE DES FIGURES

Figure 1.1 : Immigration temporaire par catégorie et immigration permanente totale au Québec,
2000 – 2019.

Figure 1.2 : Les théories du trajet migratoire selon Berry (1997) et Cohen-Emerique (1980)

Figure 1.3 : Cadre conceptuel pour l’étude des facteurs de migration et d’intégration

Figure 2.1 : Un schéma résumant les caractéristiques de la carrière migratoire

Figure 3.1 : Nombre de titulaires d’un permis d’étude signés au Québec selon la date de signature
(2014-2019).

Figure 3.2 : Répartition des étudiant.e.s internationaux ayant un permis d’études signé au Québec
en 2019.

Figure 3.3 : Nombre de permis d’études signés pour les ressortissant.e.s maghrébin.e.s au Québec
entre 2014 et 2019.

Figure 3.4 : Carte de Montréal (support cartographique pour la collecte de données).

Figure 3.5 : Supports utilisés pour les schémas conceptuels.

Figure 4.1 : Schéma résumant la spiral du don d’hospitalité chez les étudiants internationaux
maghrébins à Montréal.

Figure 5.1 : Géographie des lieus de résidences des participants à Montréal entre automne 2019 et
été 2020.

Figure 5.2 : La géographie des lieux de résidences des participants à Montréal après l’été 2020.

Figure 5.3 : La géographie des endroits les plus visités par les étudiants internationaux durant leur
premier mois à Montréal.

Figure 5.4 : La géographie des endroits les plus visités par les étudiants internationaux après 6
mois à Montréal.

Figure 5.5 : La géographie des endroits les plus visités par les étudiants internationaux après 6
mois à Montréal.

Figure 5.6 : Les facteurs qui influencent la mobilité urbaine des étudiants internationaux
maghrébins à Montréal.

xv
Figure 5.7 : Les fréquences de mobilité des participants par rapport à la taille de leurs réseaux
sociaux.

Figure 6.1 : La situation géographique de Belvédére de Mont-Royal par rapport à Montréal et une
photo du Bélvédére avec un participant.

Figure 6.2 : La situation géographique du Downtown par rapport à Montréal et une photo de la
rue René-Lévesque.

Figure 6.3 : La situation géographique du parc Jarry par rapport à Montréal et une photo du parc.

Figure 6.4 : La situation géographique du parc Dieppe par rapport à Montréal et une photo du
parc.

Figure 6.5 : La situation géographique du Vieux Port par rapport à Montréal et une photo de
partie Est de l’endroit (Quai de l’horloge).

Figure 6.6 : La situation géographique du parc René-Lévesque par rapport à Montréal et une
photo du parc.

Figure 6.7 : Cartes des espaces les plus fréquentés par Bassim (DEP) un mois après son arrivée
(T1) et 12 mois après (T3).

Figure 6.8 : Cartes des espaces les plus fréquentés par Ramzy (Maîtrise) un mois après son
arrivée (T1) et 12 mois après (T3).

Figure 6.9 : Cartes des espaces les plus fréquentés par Fadi (Maîtrise) un mois après son arrivée
(T1) et 12 mois après (T3).

Figure 6.10 : Cartes des espaces les plus fréquentés par Liamin (Maîtrise) un mois après son
arrivée (T1) et 12 mois après (T3).

Figure 6.11 : Cartes des espaces les plus fréquentés par Ilyes (DEP) un mois après son arrivée
(T1) et 12 mois après (T3).

Figure 6.12 : Cartes des espaces les plus fréquentés par Massinissa (DEP) un mois après son
arrivée (T1) et 12 mois après (T3).

Figure 6.13 : Résumé des schéma conceptuels des participants autour de Montréal.

Figure 6.14 : Résumé des schéma conceptuels des participants autour du « Chez-soi ».

Figure 7.1 : Les étapes du processus de construction de sentiment de chez-soi par rapport au
développement des schémas conceptuels de nos participants.

xvi
Figure 7.2 : La relation de causalité entre la mobilité urbaine et le sentiment de chez-soi dans une
ville.

Figure 7.3 : Le processus de construction de carrière migratoire.

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 3.1 : Les 10 principaux pays d’origine des étudiant.e.s internationaux au Québec selon la
date de signature du permis d’étude (2014 – 2019).

Tableau 3.2 : Profils des participants à la recherche.

Tableau 3.3 : Résumé comparatif entre les deux types de cartes mentales.

Tableau 5.1 : Motifs et fréquences de déplacements des étudiants internationaux maghrébins à


Montréal avant et durant la COVID-19.

Tableau 5.2 : Les endroits les plus fréquentés par les participants par rapport au temps passé à
Montréal.

Tableau 5.3 : Corrélation entre le réseau social et la diversité des espaces fréquentés.

Tableau 7. 1 : Résumé des carrières migratoires des participants par rapport au sentiment de chez-
soi et de la mobilité urbaine à Montréal.

xvii
LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES

PEQ Programme de l’expérience québécoise

DEP Diplôme d’études professionnelles

AEC Attestation d’études collégiales

CAQ Certificat d’acceptation au Québec temporaire

RP Résidence permanente

CASE Centre Antoine de Saint-Exupéry

ÉMICA École des métiers de l’informatique, du commerce et de l’administration

EM S-O École des métiers du Sud-Ouest de Montréal

ÉTS École de technologie supérieure

Poly Polytechnique Montréal

UQÀM Université du Québec À Montréal

xviii
INTRODUCTION GÉNÉRALE

En 2020, on comptait plus de 6,3 millions d’étudiants internationaux dans le monde, contre
2 millions en 2000. Les données disponibles démontrent que presque la moitié d’entre eux
étaient inscrits dans un cursus éducatif de sept pays : les États-Unis d’Amérique, le
Royaume-Uni, l’Australie, l’Allemagne, la France, la Chine et le Canada (Migration Data
Portal 2023, 02).

Le Québec, comme la plupart des provinces canadiennes, connait une croissance importante du
nombre d’étudiant.e.s internationaux. Le gouvernement s’est engagé dans la politique de
l’internationalisation de l’enseignement supérieur pour attirer davantage ce groupe de migrant.e.s
jeune et hautement qualifié. Il a investi dans ses programmes migratoires et l’image de marque de
ses villes pour encourager leur arrivée et leur rétention par la suite. Cette tendance de la migration
académique a suscité la curiosité de nombreux chercheur.e.s qui se sont intéressé.e.s de plus près
à la circulation des étudiant.e.s internationaux et à leurs parcours migratoires. Néanmoins,
l’expérience migratoire des étudiant.e.s internationaux dans les pays de destination demeure sous
documentée dans la littérature scientifique internationale. Les travaux dont nous disposons
examinent leurs parcours selon les questions traditionnelles en lien avec : l’adaptation culturelle,
l’intégration économique et les contraintes qu’ils(elles) rencontrent durant leur expérience
migratoire. Mais nous savons très peu de choses sur leur vie quotidienne et leur expérience urbaine
dans les villes d’accueil. En réponse à ce constat, à travers cette recherche doctorale, nous
proposons une analyse multidimensionnelle du parcours migratoire des étudiant.e.s internationaux.

Dans le cadre de cette thèse, nous nous intéressons au processus de construction du parcours
migratoire d’un groupe d’étudiant.e.s internationaux à Montréal. Nous proposons une approche
pluridisciplinaire qui nous permettra, d’une part, de nous concentrer sur la vie quotidienne de ces
migrant.e.s et leur expérience urbaine à Montréal. D’autre part, nous pourrons identifier la nature
des liens entre les différents facteurs qui peuvent influencer le parcours migratoire et leur projets
futurs après la fin des études. S’intéresser à la quotidienneté dans la ville de migration permet
d’appréhender les différents aspects de l’expérience migratoire comme une construction
individuelle qui dépend des objectifs et des caractéristiques de chacun. À travers cette approche,
nous pourrons identifier le lien entre la vie quotidienne et la rétention dans la ville d’accueil. En
1
effet, en s’intéressant à la construction du processus migratoire, nous devons retracer les choix que
font nos participants tout au long du parcours ; nous allons prendre en considération les facteurs
qui ont influencé les différentes décisions prises en chemin (le choix d’émigrer, le choix de la
formation, le choix de Montréal comme ville de destination, le choix du lieu de résidence…
jusqu’au choix de rester ou de partir après la fin des études).

Définition de la terminologie « étudiant international »

Aujourd’hui, l’Organisation internationale pour les migrations encourage les projets de migration
temporaire, économique et académique. La migration pour études est l’une de ces tendances
mondiales. Dans le monde francophone, nous distinguons deux termes pour désigner les personnes
qui optent pour la migration académique : les étudiant.e.s internationaux ou les étudiant.e.s
étrangers Mais quelle est la différence entre étudiant international et étudiant étranger? Pour assurer
une compréhension commune des termes utilisés dans cette thèse, il est important de commencer
par répondre à cette question et de définir ce que l’on entend par « étudiant international » dans la
littérature et au Québec.

Nous avons noté des nuances dans les définitions utilisées par les organismes, les pays et les
gouvernements. Pour L’UNESCO: « Internationally mobile students are « Students who have
crossed a national or territorial border for the purpose of education and are now enrolled outside
their country of origin. » (20151). D’autre part, l’OCDE (The Organisation for Economic Co-
operation and Development) les définit comme « persons admitted by a country other than their
own, usually under special permits or visas, for the specific purpose of following a particular
course of study in an accredited institution of the receiving country. »2. Il est donc important
d’utiliser la définition adoptée par le pays et le gouvernement du terrain d’étude. Dans le cadre de
cette recherche, nous nous intéressons aux étudiant.e.s internationaux qui séjournent à Montréal au
Québec.

Selon le ministère de l’immigration canadien qui utilise le terme d’étudiant international


(Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada), il le définit comme étant « un résident temporaire
autorisé légalement à étudier au Canada de façon temporaire ». Le gouvernement québécois, pour

1 https://uis.unesco.org/en/glossary-term/internationally-mobile-students
2 https://www.oecd.org/fr/apropos/

2
sa part, privilégie le terme étudiant étranger pour désigner la « personne qui, dans le cadre d'un
programme d'échange entre deux établissements ou deux pays, étudie dans un établissement
étranger pour une période déterminée »3. Dans les deux énoncés, nous distinguons deux éléments
de définition : le statut juridique du séjour de la personne et sa temporalité. Nous pouvons donc
dire qu’un étudiant international (ou étudiant étranger) est une personne qui a choisi de faire des
études avec un statut de séjour temporaire dans un pays autre que son pays d’origine.

Néanmoins, dans le contexte mondial et dans les institutions québécoises, le terme d’étudiant
international tend à remplacer celui d’étudiant étranger. Selon Statistique Canada et le « Portail sur
les données migratoires4 », les termes « étudiant international » et « étudiant étranger » n’ont pas
le même usage car ce dernier inclut les résident.e.s permanent.e.s qui reviennent aux études.
D’autre part, le concept d’étudiant étranger « faisait référence surtout au flux d’étudiants des pays
émergents, qui exigeaient une gestion différenciée liée à l’immigration, par rapport aux étudiants
des pays développés, désignés comme étudiants internationaux, et qui, sur un marché de
l’éducation, étaient supposés de contribuer à hausser le prestige de l’université d’accueil »
(Germain et Vultur 2016, 14). Nous pouvons donc dire que le terme d’étudiant étranger a une
certaine connotation discriminatoire envers les personnes issues des pays du Sud. C’est pourquoi
dans le cadre de cette recherche, nous utiliserons le terme d’« étudiant international » pour désigner
les personnes qui séjournent à Montréal et qui détiennent un permis d’étude émis par Immigration,
Réfugiés et Citoyenneté Canada.

L’International Organization for Migration (IOM) distingue deux catégories d’étudiant.e.s en


mobilité internationale : les étudiant.e.s en mobilité de crédit et les étudiant.e.s en mobilité pour le
diplôme .

• Les étudiant.e.s en mobilité de crédit : cette catégorie regroupe les étudiant.e.s qui sont
en cotutelle, en stage ou ceux qui sont inscrit.e.s dans un programme d’échange
interuniversitaire comme le programme européen Erasmus. Ces étudiant.e.s demeurent
attachés à leurs institutions dans leur pays d’origine et leur séjour est d’une courte durée
(une session ou quelques mois).

3 https://www.thesaurus.gouv.qc.ca/tag/terme.do?id=5223
4 https://www.migrationdataportal.org/fr/node/607

3
• Les étudiant.e.s en mobilité pour le diplôme : Ce groupe représente les personnes qui
s’engagent dans un projet de migration pour suivre une formation complète dans une
institution d’un autre pays. La durée de leur séjour dépend de la durée de leurs études.

Dans le cadre de cette thèse, nous allons étudier l’expérience migratoire d’un groupe d’étudiant.e.s
en mobilité pour le diplôme. Pour comprendre nos choix théoriques et la construction de cette
étude, nous allons revenir sur la genèse de ce projet avant de présenter le déroulement de la thèse.

La naissance d’un projet de thèse

L’idée de ce projet de thèse a émergé quand j’ai décidé de construire un projet de migration pour
étude au Canada. En été 2016, j’ai terminé ma formation de deuxième cycle en Architecture et en
Urbanisme en Algérie. Mais je voulais rejoindre la recherche académique et poursuivre mes études
de troisième cycle dans une université du Nord. En automne 2016, j’ai assisté au « salon de
l’éducation au Canada » de la ville d’Alger où j’ai entendu parler du doctorat en « Études
Urbaines ». Comme architecte, j’essayais de construire un projet de recherche sur le cadre bâti dans
les villes algériennes. En feuilletant le numéro 24 du magazine « Vies de villes », j’ai trouvé un
article sur le parc « Superkilen » à Copenhague au Danemark; un espace urbain d’un km de long
dans un des quartiers les plus diversifiés du pays. La particularité de ce parc est qu’il expose des
objets qui viennent de plus de 50 pays et représentent les nationalités des personnes qui habitent le
quartier. L’objectif du projet était de refléter la diversité de Copenhague et d’aider les habitants à
trouver leur identité et à se sentir chez-soi. À ce moment, je me suis posé la question : est-ce que
moi, je vais me sentir bien à Montréal? Et comment je vais faire pour me sentir chez-moi dans une
ville étrangère? Est-ce que je vais aimer cette ville? Et, si j’arrive à me sentir chez-moi, est-ce que
je vais rester vivre là-bas ou est-ce que je vais rentrer en Algérie? Et les autres, qui sont partis avant
moi, comment ont-ils fait, etc. Ces questions et la situation d’anxiété qui les accompagne furent à
la source de ce projet de thèse sur l’expérience urbaine et le sentiment de chez-soi dans une ville
de migration. J’ai donc commencé à lire sur la migration et sur les travaux qui questionnent
l’expérience migratoire des étudiant.e.s internationaux et j’y ai noté la rareté des travaux sur
l’expérience urbaine dans les villes de migration et son impact sur la rétention des migrant.e.s. J’ai
donc fait une demande d’admission au programme de doctorat en Études Urbaines à l’ESG à
l’UQÀM avec une question de recherche sur l’intégration des étudiant.e.s algérien.ne.s au Québec.

4
En automne 2017, dans le cadre du « séminaire pluridisciplinaire sur la ville 1 », j’ai rencontré
Annick Germain au centre UCS de l’Institut National de la Recherche Scientifique. Rapidement,
elle m’a proposé des lectures sur le parcours migratoire des étudiant.e.s internationaux, notamment,
les travaux de Martiniello et Rea (2010, 2011) qui m’ont permis de découvrir le concept de
« carrière migratoire », qui sera la colonne vertébrale de ma recherche par la suite. C’est à ce
moment que j’ai fait une demande de transfert pour poursuivre mon cursus doctoral à l’INRS sous
la direction d’Annick Germain.

Au début, mon étude portait sur la construction du capital spatial des étudiants internationaux
maghrébins à Montréal. En cours de route, ma réflexion théorique a évolué pour que cette approche
devienne une partie de l’analyse. Le schéma conceptuel que je voulais construire autour du rapport
à l’espace, m’a permis d’élargir mes perspectives et d’avoir une vision plus globale de la mobilité
et de l’expérience urbaine qui prennent une place de premier plan pour l’analyse du parcours
migratoire de mes participants.

Le sujet de thèse est donc une étude exploratoire d’un phénomène socio-spatial peu documenté
dans les Études Urbaines. La pluridisciplinarité de mon approche s’est avérée significative pour
comprendre les stratégies migratoires des étudiant.e.s internationaux dans les villes et les logiques
derrière leurs dynamiques de mobilité internationale.

Déroulement de la thèse

Le premier chapitre offre une recension générale des travaux qui se sont intéressés aux étudiant.e.s
internationaux. Nous commençons par un résumé des études quantitatives qui ont questionné ce
flux migratoire et sa dynamique entre les pays (et les villes) de destination et les pays d’origine.
Nous reviendrons par la suite sur les recherches qualitatives qui traitent l’expérience migratoire des
étudiant.e.s internationaux dans les sociétés et les villes d’accueil. À la fin de cette section, nous
présenterons les zones d’ombre dans ce champ de recherche que nous allons explorer pour inscrire
notre thèse.

Dans le deuxième chapitre, nous allons nous attarder au cadre conceptuel et théorique que nous
avons choisi pour mener cette recherche. Nous empruntons des concepts de la sociologie urbaine
(comme l’expérience urbaine, la mobilité urbaine, l’appropriation et le sentiment de chez-soi) pour

5
analyser des parcours migratoires à travers la théorie de la carrière migratoire. Nous présentons en
détails cette réflexion, son objectif et comment nous allons utiliser ces concepts dans le cadre de
cette étude. Nous terminons ce chapitre avec notre question de recherche principale et les sous-
questions qui en découlent, à savoir, comment l’expérience urbaine peut-elle influencer la carrière
migratoire des étudiant.e.s internationaux maghrébins qui séjournent à Montréal?

Pour répondre à nos questions de recherche, nous avons rencontré 15 nouveaux étudiants
internationaux originaires du Maghreb qui ont choisi Montréal comme ville d’accueil. Dans le
troisième chapitre, nous commençons par présenter le portrait général de notre cas d’étude (les
étudiants internationaux maghrébins au Québec) et celui de notre terrain d’étude (la ville de
Montréal). Par la suite, avant de présenter les profils de nos participants, nous expliquons les
critères de recrutement et la construction de notre échantillon raisonné. Ensuite, nous abordons en
détails les méthodes des entrevues semi-dirigées et des cartes mentales (géographiques et
conceptuelles) que nous avons choisies pour faire la collecte de données. En conclusion, nous
revenons sur l’analyse, la question épistémologique et notre positionnement.

Le quatrième chapitre est consacré à la première partie de la carrière migratoire : la construction


du projet de migration et l’accueil à Montréal. Nous commençons par documenter les objectifs de
migration chez nos participants pour les mettre en relation avec les motifs qui les ont poussés à
choisir Montréal comme ville de destination. Par la suite, nous mettons en lumière une stratégie
d’accueil chez ce groupe de migrants basée sur le « don de l’hospitalité ».

Le cinquième et le sixième chapitres sont consacrés à la mobilité et l’expérience urbaine de nos


participants. À partir de leurs déplacements quotidiens, nous dressons des profils de mobilité
urbaine en prenant en considération leurs lieux de résidence, les moyens de déplacement, leur
formation mais aussi le contexte particulier de la pandémie internationale lié à la COVID. Cette
classification nous permettra d’identifier les facteurs qui peuvent influencer leur mobilité urbaine
durant le séjour d’étude. Par la suite, dans le sixième chapitre et en se basant sur les profils de
mobilité, nous suivrons la construction de leur capital spatial et les géographies des lieux qu’ils
aiment fréquenter à Montréal. Cette section se penche sur le rapport à l’espace pour pouvoir
proposer un processus de construction du sentiment de chez-soi dans une ville de migration.

6
Enfin, dans le septième chapitre, nous revenons sur la construction des carrières migratoires des
étudiants internationaux qui séjournent à Montréal. Dans un premier temps, nous verrons comment
le dialogue entre les structures d’opportunités (et de contraintes), les ressources mobilisables et les
caractéristiques individuelles influencent les choix pris durant le processus migratoire de nos
participants. Nous verrons comment l’expérience urbaine et le sentiment de chez-soi, qui font partie
des caractéristiques individuelles, peuvent influencer un parcours migratoire. Cette mise en relation
révèle une corrélation entre ces facteurs qui explique les profils de carrière migratoire possibles
des étudiants internationaux maghrébins à Montréal. Nous terminons avec deux pistes de réflexion,
l’une sur l’usage de la carrière migratoire comme concept d’analyse central pour étudier les
parcours des migrant.e.s temporaires et l’autre sur l’importance d’intégrer l’expérience urbaine et
le rapport à l’espace comme angle d’analyse de la quotidienneté des migrant.e.s.

7
CHAPITRE 1 : RECENSION DES ÉCRITS SUR L’EXPÉRIENCE
MIGRATOIRE DES ÉTUDIANT.E.S INTERNATIONAUX : UN
NOUVEAU FLUX MIGRATOIRE

I.1 Introduction

Aujourd’hui, les questions autour de la migration peuvent s’inscrire dans plusieurs champs et
disciplines d’étude. Dans ce chapitre, nous présentons une recension générale des travaux qui se
sont intéressés à la migration estudiantine et aux parcours des étudiant.e.s internationaux. Dans un
premier temps, nous allons nous focaliser sur des recherches quantitatives qui abordent ce flux
migratoire à travers les chiffres et leur mobilité internationale entre les pays d’origines et les pays
d’accueil. Par la suite, nous allons nous attarder sur les études qualitatives qui ont questionné les
expériences migratoires des étudiant.e.s internationaux. Ces travaux témoignent de la complexité
et de la diversité des parcours migratoires des étudiant.e.s internationaux. Nous allons donc
accorder une attention particulière à la question de la rétention des étudiant.e.s internationaux dans
ces recherches, notamment celles sur les facteurs qui influencent la construction de leur parcours
migratoire (de la construction du projet migratoire aux projets futurs après la fin des études). À la
fin du chapitre, nous revenons sur une lecture critique des zones d’ombre à partir desquelles nous
avons construit notre projet de thèse.

I.2 La migration pour étude

Aujourd’hui, il n’est plus question d’immigration mais de migration (Germain 2014). Depuis les
années 2000, dans le contexte de la mondialisation, nous assistons à un changement de paradigme
des migrations (Pellerin 2011; Germain 2015). La mobilité internationale est devenue la tendance
actuelle. Les mouvements migratoires ont connu beaucoup de changements et nous ne pouvons
plus résumer l’immigration au simple fait de changer de pays. L’émergence de la migration
temporaire et circulaire a changé la dynamique de la mobilité internationale. Selon Pellerin (2011),

8
le concept d’immigration est dépassé. Nous pouvons toujours parler de migration, mais elle
propose « la mobilité » pour pouvoir aborder les différents types de circulation :

La mobilité couvrirait donc aussi bien les déplacements de vacanciers que la migration et
elle s’appliquerait autant aux déplacements internationaux qu’aux mouvements à l’intérieur
d’une seule juridiction nationale. Sur le plan purement technique, son adoption pour parler
de migration fait référence à des distinctions assez précises dans l’espace, la durée et dans
les motivations…Contrairement à la migration qui serait sur le long terme et définitive, la
mobilité serait éphémère et circulaire (Pellerin 2011, 50)

Parallèlement à ce changement de paradigme vers la mobilité circulaire, s’est révélé une diversité
de flux et de géographies des destinations. La mobilité internationale des personnes est devenue
centrale dans les stratégies politiques et économiques des pays du Nord. La concurrence pour attirer
ce capital humain est perçue à travers les politiques migratoires changeantes. Au-delà du statut de
l’immigration permanente traditionnelle, nous voyons émerger de nouveaux statuts de migration
temporaire comme celui des étudiant.e.s internationaux.

Dans une logique d’internationalisation de l’enseignement supérieur et de démocratisation des


universités, le mouvement des étudiant.e.s internationaux à travers les continents a connu une
croissance phénoménale (Belkhodja 2012 ; Bourdin et Campagnac 2014). Selon les données
statistiques de l’UNESCO (2019), en 2017, plus de 5,3 millions d’étudiant.e.s sont en mobilité
internationale alors que ce chiffre ne dépassait pas les 2 millions en l’an 2000. Ces migrant.e.s,
hautement qualifiés, participent à la mobilité des savoirs et stimulent l’innovation et la concurrence
dans et entre les pays d’accueil. Ils contribuent à la croissance économique des villes de destination
avec les frais de scolarité majorés et les dépenses courantes et de loisirs (Belkhodja 2012).

Les données qui décrivent l’ampleur de cette mobilité montrent l’installation d’une industrie
migratoire et nous pouvons la voir à l’échelle politique, municipale et urbaine (Beech 2018; Huizhi
2015; Lipura et Collins 2020). Le programme d’échange européen Erasmus fait partie de cette
industrie de mobilité. Il facilite et encourage la circulation des étudiant.e.s universitaires entre les
pays européens et leur retour à leur pays d’origine. Nous parlons ici d’une mouvement Nord-Nord
où des jeunes universitaires sont encouragé.e.s à faire de courts séjours d’étude dans d’autres villes
européennes que celle où ils(elles) sont installé.e.s. Le programme assure leur retour car ces
étudiant.e.s demeurent inscrit.e.s et attaché.e.s à leur université d’origine (Keller-Gerber 2017).

9
Nous pouvons dire que Érasmus est le parfait exemple qui illustre la mobilité circulaire des
personnes dont parlait Pellerin (2011).

À côté de ce programme européen, la Grande-Bretagne, la Suisse et récemment le Luxembourg,


l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada font partie des pays qui connaissent une importante
croissance dans le nombre des étudiant.e.s internationaux (Belkhodja 2012; OCDE 2020). Ces
étudiant.e.s sont perçus comme de parfaits candidats à l’immigration permanente que les pays de
tradition migratoire veulent attirer et retenir sur leur territoire par la suite. Le gouvernement
canadien cherche à attirer une population jeune et hautement qualifiée afin de renouveler son bassin
démographique et de répondre aux besoins économiques et de main d’œuvre, et les étudiant.e.s
internationaux répondent à ces critères (Bélanger et al. 2009; Germain et al. 2013; MIDI 2016;
Yana 2017). Il a donc déployé les ressources nécessaires pour que les différents paliers
gouvernementaux assurent une meilleure attraction et rétention de ce groupe de migrant.e.s. Dans
une étude menée par Yugian Lu et Freng Hou (2015) sur les étudiant.e.s étrangèr.e.s qui deviennent
des résidents permanents au Canada, il a été révélé qu’en 2008 entre 20 % et 27 % des étudiant.e.s
internationaux deviennent des résident.e.s permanent.e.s canadien.ne.s. Depuis, ces chiffres ont
considérablement augmenté. Au Canada, les pouvoirs en matière de politiques migratoires sont
partiellement partagés avec les provinces surtout avec le gouvernement québécois. En effet, le
Québec a une influence sur la sélection des migrant.e.s temporaires dont les étudiant.e.s
internationaux. La province a sa propre politique migratoire qui répond à ses besoins
socioéconomiques et linguistiques (Paquet, Deschamps-Band et Garnier 2022). D’où l’intérêt de
présenter le portait migratoire du Québec séparément du reste du Canada. La figure 1.1 montre
l’importance qu’occupe la migration temporaire dans la dynamique migratoire de la province. Il
est facile de constater que le nombre des étudiant.e.s internationaux a connu une forte augmentation
depuis l’an 2011. Cette croissance peut être expliquée à travers la mise en place du Programme de
l’expérience québécoise (PEQ) en 2010 (Fleury et al. 2019).

Le Programme de l’expérience québécoise…permet à des titulaires de permis de travail


temporaire ainsi qu’à des étudiants étrangers ayant obtenu leur diplôme au Québec de poser
une demande d’immigration permanente accélérée (Paquet, Deschamps-Band et Garnier
2022, 26).

10
Figure 1. 1 : Immigration temporaire par catégorie et immigration permanente
totale au Québec, 2000-2019
Source : (Paquet, Deschamps-Band et Garnier 2022, 26)

On ne peut pas parler de la question des politiques migratoires au Québec et au Canada sans aborder
les procédures et les statuts de migration. Comme nous l’avons déjà mentionné, dans la logique de
partage de pouvoirs avec le Canada, le Québec a le droit de sélectionner ses propres étudiant.e.s
internationaux. En effet, les personnes qui veulent venir étudier au Québec doivent d’abord faire
une demande de Certificat d’Acceptation temporaire au Québec (CAQ) auprès du Ministère de
l’immigration, de la francisation et de l’intégration (MIFI). Par la suite, avec le CAQ, elles pourront
faire une demande de permis d’études (statut de séjour temporaire) et d’un VISA d’entrée (si
nécessaire) auprès du ministère de l’immigration fédéral (Ministère de l’Immigration, Réfugiés et

11
Citoyenneté Canada MIRCC). Sans ces trois formulaires, elles ne pourront pas étudier au Québec.
Pour ceux qui veulent étudier dans les autres provinces du Canada, il n’y a pas de certificat de
sélection comme c’est le cas au Québec. Ils(elles) n’auront besoin que d’un permis d’étude et d’un
VISA d’entrée pour accéder au territoire canadien. Après l’obtention du diplôme, les étudiant.e.s
qui ont terminé une formation de plus de 18 mois et qui ont respecté les conditions de leur séjour
au Canada, ont droit à un permis de travail post-diplôme (PTPT). Ce titre de séjour temporaire est
offert à tou.te.s les étudiant.e.s qui souhaitent rester travailler au Canada après la fin des études.
Son expiration dépend de la durée de la formation (entre 1 an et 3 ans) et il est non renouvelable.
Les provinces ne peuvent exercer aucun pouvoir de sélection sur ce programme fédéral. Durant
cette période, les migrant.e.s qui souhaitent changer leur statut pour s’installer définitivement au
Québec ont le choix entre deux programmes de résidence permanente : le Programme de
l’expérience québécoise (PEQ) ou Arrima5. Parallèlement, ceux qui veulent s’établir dans une autre
province canadienne peuvent appliquer pour la résidence permanente à travers le programme de
l’Entrée Express. Il importe de noter que le PEQ est un programme de rétention québécois qui a
connu beaucoup de succès depuis sa création en 2010. D’après les statistiques du Ministère de
l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (2020), en 2018, plus de 7500 migrant.e.s
temporaires ont procédé à un changement de statut pour devenir des immigrant.e.s permanant.e.s
et s’installer au Québec. Vraisemblablement, la question de la rétention des étudiant.e.s
internationaux est au cœur des préoccupations de la politique québécoise. Il est donc important de
bien comprendre ce qui peut affecter le choix pour ce groupe de migrant.e.s quant à la mobilité ou
l’ancrage après la fin des études. Nous allons donc regarder de plus près la littérature qui s’est
intéressée à cette migration estudiantine et aux parcours migratoires des étudiant.e.s internationaux
au Canada et ailleurs dans le monde.

La mobilité internationale des étudiant.e.s est un flux important dans la migration globale. Face à
cette nouvelle dynamique de mobilité, les chercheur.e.s et spécialistes de la migration s’intéressent
de plus en plus à ce mouvement. Au-delà de la question traditionnelle de fuite des cerveaux (Brain

5 Arrima est un nouveau système pour gérer les candidatures pour l’immigration permanente au Québec. Il ressemble au système
fédéral « Express Entry ». Arrima est une plateforme en ligne utilisée par le gouvernement du Québec pour fournir un large éventail
de services aux ressortissants étrangers qui souhaitent immigrer au Québec. L’utilisation d’Arrima est entièrement gratuite et ouverte
à tous. Cette page donne un aperçu des différentes procédures liées à l’immigration qui peuvent être effectuées via cette plateforme.

12
drain) (Brooks et Waters 2011; Endrizzi 2010; Ennafaa et Paivandi 2008; Guilbert et Prévost 2009)
qui est souvent liée à la mobilité Sud-Nord des étudiant.e.s internationaux, nous distinguons deux
types de littératures. Une première qui s’est beaucoup intéressée à la circulation de ces migrant.e.s
entre les différents pays et leurs impacts sur les villes d’accueil. Plus récemment, d’autres
chercheur.e.s ont mis l’accent sur leurs expériences migratoires dans les villes d’accueil, mais ces
questions restent sous-documentées dans les études migratoires et les études urbaines en général.

I.3 La mobilité internationale des étudiant.e.s internationaux; une nouvelle


dynamique migratoire

Les chercheur.e.s ont tendance à qualifier la circulation des étudiant.e.s internationaux d’un
nouveau mouvement migratoire. En 2016, à travers l’article « Brains without borders », la revue
The Economist nous rappelle que cette mobilité est un phénomène qui a toujours existé à travers le
monde, mais il est devenu beaucoup plus important après l’an 2000 (The Economist 2016). Depuis,
cette mobilité internationale est au centre de plusieurs recherches qui questionnent les villes et les
flux migratoires.

Une grande partie de la littérature sur les étudiant.e.s internationaux est liée aux déplacements de
ce groupe et à la géographie de leur distribution et de leurs pays d’origine (Belkhodja 2009; King
et Findlay 2012). L’objectif principal de ces recherches était de quantifier ce flux dans les pays et
les villes de destinations par rapport à leur pays d’origine. Ces études ont mené à questionner
l’impact économique et social de ces migrant.e.s sur les pays d’accueil. En effet, la mobilité
étudiante est souvent associée à une logique de développement du capital humain des universités
du Nord et de certains États nations. Des pays européens appuient la présence de ces migrant.e.s
comme main d’œuvre temporaire hautement qualifiée. En automne 2022, dans un projet pilote, le
Canada a rejoint le rang de ces pays en permettant aux étudiant.e.s internationaux présent.e.s sur
son territoire de travailler à temps plein. Cette réforme n’est que temporaire et elle est présentée
comme une solution au manque de main d’œuvre dont souffrent différents secteurs du pays.
D’autre part, ces migrant.e.s hautement qualifié.e.s, participent à la mobilité des savoirs et
stimulent l’innovation et la concurrence dans les pays d’accueil. Ils contribuent à la croissance

13
économique des villes d’accueil avec les frais de scolarité majorés et les dépenses courantes et de
loisirs (Belkhodja et Esses 2013 ; Raghuram 2013).

The presence and demands expressed by foreign student communities is arguably a major
lever for the internationalization of the business environment and for the enhancement of
the local tourism and cultural industries. Indeed, students are eager consumers of cultural
and recreational products (Wynne and O’Connor 1998) (Russo et Capel-Tatjer 2007, 162).

Les étudiant.e.s internationaux sont d’important.e.s consommateur.rice.s. Les retombées


économiques de leurs présences dans les territoires d’accueil peuvent être perçues à travers
plusieurs secteurs. Les frais majorés payés par les étudiant.e.s internationaux représentent un
important capital économique des universités canadiennes qui sont réputées pour leurs frais de
scolarités exorbitants par rapport aux universités européennes (Chatel-DeRepentigny,
Montmarquette et Vaillancourt 2011). À l’échelle des villes, l’apport économique est relié aux frais
de tourisme, de logement, et des dépenses courantes de la vie quotidienne comme l’épicerie et le
transport. Leur apport est significatif dans la croissance économique des villes d’accueil (Belkhodja
et Esses 2013; Chatel-DeRepentigny, Montmarquette et Vaillancourt 2011; Julien 2005).

Pour Germain (2015), les étudiant.e.s internationaux sont des acteurs qui font bouger les villes et
changent leurs visages. Sa définition rejoint celle de Francis Collins (2008, 2010, 2014) qui parle
d’« international studentification ». Il utilise cette dernière pour aborder l’impact des étudiant.e.s
internationaux sur les villes et le caractère urbain de leur projet de mobilité. Plus généralement, la
« studentification » est une notion proposé par Smith (2005) en référence à la concentration
résidentielle des étudiant.e.s universitaires dans un quartier. D’autre part, les changements associés
à l’international studentification dans les quartiers se rapprochent de la définition de la
gentrification adoptée par Lees, Slater et Wyly (2010) qui la présentent comme un processus
d’investissement dans un environnement urbain qui attire des acteurs hautement qualifiés avec un
revenu élevé. En effet, l’embourgeoisement des quartiers qui connaissent une concentration des
étudiant.e.s internationaux est le côté négatif de leur impact économique sur les villes d’accueil
(Tuğba et Tolga 2017; Cocola-Gant 2018 ; Hayes et Zaban 2020; Smith 2015). Néanmoins, avec
la délocalisation universitaire, la création des campus satellites et la nouvelle tendance de
l’enseignement à distance, nous pouvons assister à un changement de paradigme dans la

14
studentification qui sera caractérisé par de nouvelles dynamiques résidentielles des étudiant.e.s
internationaux pour notamment fuir la gentrification des quartiers universitaires.

Devant cette nouvelle tendance de croissance économique, des chercheur.e.s et des journalistes ont
noté une nouvelle logique marchande qui s’est installée entre les universités du Nord, les villes et
les pays : l’attraction des talents. À l’échelle institutionnelle, en plus de l’apport économique,
l’intérêt des universités était d’attirer les meilleurs étudiant.e.s pour améliorer leur réputation et
leur image de marque (Hari, MaGrath et Preston 2013; Chatel-DeRepentigny, MontMarquette et
Vaillancourt 2011). Les étudiant.e.s internationaux sont devenu.e.s une population cible de plusieurs
pays du Nord, notamment ceux de l’OCDE6. Ils(elles) sont perçu.e.s comme des moteurs du
développement économique et d’excellents candidats à l’immigration permanente par des pays
comme l’Australie, la Nouvelle Zélande et le Canada (Garneau et Bouchard 2013; Guo et Chase
2011). La compétition s’est traduite à travers des actions sur différents paliers de gouvernement.
Les universités ont diversifié leurs programmes de formation. Elles ont revu leur frais de scolarité
et elles ont diversifié leur bassin de recrutement international. Les villes d’accueil ont investi dans
leur « image de marque » pour attirer cette population jeune et active (Malet Calvo 2018). Dans
une logique d’attraction des talents à travers la migration estudiantine, les gouvernements ont
proposé des assouplissements de leurs politiques migratoires en matière de VISA d’étude et des
reformes pour faciliter l’installation après la fin des études. Face à ce mouvement compétitif, des
recherches se sont intéressées de plus près à la question de l’attraction des étudiant.e.s
internationaux. Les chercheur.e.s se sont focalisé.e.s sur les facteurs qui peuvent influencer le choix
d’une ville ou un pays de destination.

Dans le contexte canadien, en plus de la concurrence interuniversitaire, les villes et les provinces
sont en compétition pour attirer ces talents, ce qui est, selon Germain (2013), en lien direct avec la
compétition pour l’immigration permanente qualifiée. Les études qui se sont intéressées à ces
questions montrent qu’il y a quatre types de facteurs d’attraction : facteurs universitaires, facteurs
liés à la ville d’accueil, facteurs liés à l’emploi et la carrière professionnelle et les facteurs
migratoires. Les facteurs universitaires sont en lien direct avec la formation choisie et sont : la
qualité de l’enseignement dans l’institution d’accueil, la réputation du programme et de
l’université, la langue de la formation, les frais de scolarité et la qualité de l’environnement

6 L’Organisation de coopération et de écloppement économique.

15
d’accueil comme les laboratoires de recherche. Le deuxième groupe de facteurs dépend de ce que
peut offrir la ville d’accueil en matière de diversité culturelle et qualité de vie (en lien avec la
sécurité, le coût de la vie et l’intégration dans le marché de l’emploi). Les aspirations
professionnelles sont le troisième groupe de facteurs d’attraction. Nous parlons ici de talents qui
se présentent avec de grandes perspectives professionnelles et l’offre d’emploi dans les villes et les
provinces fait partie des facteurs d’attraction de ces talents. Enfin, les politiques migratoires
fédérales sont un facteur de choix pour le pays (la facilité d’avoir un permis d’étude et un VISA,
le permis de travail post-diplôme), mais les politiques des provinces participent à la création d’un
mouvement de compétition nationale. Par exemple, le programme de l’expérience québécoise qui
facilite l’installation permanente de ces étudiant.e.s au Québec une fois le diplôme obtenu (Terrier
2009 ; Belkhodja 2012 ; Belkhodja et Esses 2013 ; Bélair-Bonnet, Lefort et Therrien 2014 ;
Germain et Vultur 2016 ; Gherbi et Belkhodja 2018). En automne 2022, le gouvernement québécois
a annoncé qu’à partir de l’automne 2023, les étudiant.e.s internationaux pouvaient bénéficier d’une
bourse d’exemption des frais de scolarités majorés s’ils sont inscrits à des programmes ciblés dans
les universités qui se trouvent à l’extérieur de région métropolitaine montréalaise. L’objectif du
Québec est de régionaliser la migration dans la province pour combler le manque de main-d’œuvre
qualifiée dans les petites et moyennes villes.

La littérature académique s’est longtemps caractérisée par des enquêtes plutôt quantitatives et
descriptives de la circulation estudiantine. Les questions étaient surtout centrées sur l’évolution de
l’effectif, les statistiques de leurs impacts et les services offerts par les universités, les villes et les
pays de destination. Néanmoins, beaucoup de chercheur.e.s trouvent que la synthèse de ces
connaissances sur la mobilité des étudiant.e.s internationaux nécessite un travail plus qualitatif pour
expliquer les réalités de leur expérience migratoire. Cette situation est à l’origine de l’émergence
des recherches qui questionnent leurs expériences migratoires dans les villes et les sociétés
d’accueil (Garneau 2022; Kratz et Netz 2018 ; Garneau et Mazzella 2013 ; Raghuram 2013;
Sokołowicz 2019; Wiers-Jenssen, Tillman, et Matherly 2020). En plus d’attirer ces migrant.e.s, les
pays de tradition migratoire comme le Canada veulent les garder sur leur territoire après la fin des
études. En effet, la question de la rétention est devenue aussi importante que celle de l’attraction.
Mais, le modèle économique n’est pas suffisant pour étudier les facteurs de rétention. Stéphanie
Garneau (2022) rejoint ce groupe de chercheur.e.s et ajoute qu’au-delà des politiques migratoires
canadiennes, « la sociologie des migrations n’échappe pas complètement, même en critiquant
16
l’utilitarisme migratoire [Maurice, 2004], au biais économiciste du phénomène migratoire qui
repose essentiellement sur des préoccupations et un raisonnement de type économique au détriment
d’une réflexion plus générale sur ses enjeux sociaux, culturels, politiques » (Garneau 2022 18).
Pour Belkhodja et Esses (2013), si nous voulons comprendre la contribution des étudiant.e.s
internationaux dans la société d’accueil et comment les garder après la fin des études, il est
important de s’intéresser à l’intégration économique et sociale dans les villes de destination.

Les facteurs professionnels les encouragent à rester alors que les facteurs sociétaux et
personnels les incitent à retourner dans leur pays d’origine ou encore de cheminer vers une
destination tierce (Belkhodja et Esses 2013, 14).

Cette critique a fait émerger une nouvelle tendance de recherche plus qualitative sur les étudiant.e.s
internationaux. Comme nous le verrons ci-dessous, ces études questionnent leurs expériences
migratoires, leur intégration et leur rétention dans les villes et les pays d’accueil.

I.4 Les parcours migratoire des étudiant.e.s internationaux : de l’émigration à


l’immigration

Devant la super-diversité7 des flux migratoires étudiants, les chercheur.e.s se sont de plus en plus
intéressé.e.s à l’expérience individuelle de chacun.e. La recherche a connu l’émergence de
nouvelles questions et perspectives de recherche comme les questions sur l’attraction, le choix des
villes et pays de destination, l’intégration résidentielle hors les campus et celles autour de la
rétention. Ces recherches contemporaines sur les parcours migratoires des étudiant.e.s
internationaux mettent l’accent sur différents visages de leur diversité (Collins, Simon-Kumar et
Friesen 2020; Lipura et Collins 2020).

Dans les recherches qualitatives sur les parcours migratoires des étudiant.e.s internationaux, nous
distinguons trois questions principales. Un premier groupe de chercheur.e. s’est intéressé.e aux
questions autour de la construction du projet de migration comme les politiques migratoires

7 « A dynamic interplay of variables among an increased number of new, small and scattered, multiple-origin, transnationally
connected, socio-economically differentiated and legally stratified immigrants who have arrived over the last decade» (Vertovec
2007,1024).

17
d’attraction, les motifs d’émigration ou sur les facteurs de répulsion. D’autres ont questionné leur
intégration dans la ville, l’université et la société d’accueil. Beaucoup se sont penché.e.s sur les
conditions de leur installation et les modalités de leur intégration dans les différents sphères par
rapport à leurs pays d’origine, âge, genre ou origine sociale. Notons aussi les travaux sur la
régionalisation de la migration estudiantine, l’installation et l’intégration des étudiant.e.s
internationaux dans les petites et moyennes villes (Dobrowolsky et Ramos 2014). Enfin, des
chercheur.e.s ont documenté les facteurs qui peuvent influencer leur rétention dans la ville ou pays
d’étude. Dans ce qui va suivre, nous proposons un survol des travaux qui ont questionné les
parcours migratoires des étudiant.e.s internationaux.

I.4.1 La construction d’un projet migratoire pour étude : devenir un.e. étudiant.e
international.e

La diversité des parcours migratoires des étudiant.e.s internationaux s’est manifestée à plusieurs
niveaux : les pays d’origine, les pays et villes de destination, les formations choisies ou au niveau
des projets de mobilité envisagés après la fin des études. Cette diversification a inspiré l’usage de
notions de mobilité et de circulation internationale pour décrire les parcours migratoires de cette
population. Elle est aussi à l’origine des questions sur ce qui motive les étudiant.e.s à envisager un
projet de migration. Dans les travaux qui traitent la construction du projet migratoire des
étudiant.e.s internationaux, nous trouvons deux questions centrales : les motifs de migration et les
facteurs qui influencent le choix de destination. Nous allons emprunter la catégorisation proposée
par Germain et Vultur (2016) pour présenter les motifs et les objectifs derrière la construction d’un
projet de migration pour étude : les motifs stratégiques, expérientiels et d’émigration.

Les motifs stratégiques sont fortement liés à la valeur et à la définition que donnent les étudiant.e.s
à leur séjour d’étude. Selon Garneau (2006 ; 2022), les discours politiques et institutionnels des
pays de destination sont souvent repris par les étudiant.e.s internationaux pour décrire leur projet
de mobilité. Ils (elles) trouvent que leurs profils peuvent répondre aux besoins et aux exigences des
employeurs et à la demande politique des pays d’immigration (Garneau 2006 ; Belkhodja et Esses
2013). L’absence d’opportunités professionnelles dans les pays d’origine ou les ressources
académiques nécessaires s’inscrivent aussi dans les motifs stratégiques de migration (Belkhodja et
Esses 2013 ; Vultur et Germain 2018). Ce motif peut être une motivation stratégique et
18
expérientielle en même temps. En effet, en voulant acquérir les connaissances nécessaires pour un
meilleur épanouissement professionnel, ils (elles) choisissent de poursuivre leurs études dans un
autre pays du Nord qui offre une meilleure formation et de meilleures opportunités de carrière
professionnelle (Endrizzi 2010, Germain et Vultur 2016). Les motifs d’émigration sont plus liés à
la volonté de s’installer définitivement dans le pays de destination durant le processus de
construction du projet migratoire. Cet objectif peut être associé à la situation familiale de
l’étudiant.e pour qu’il(elle) puisse aider ses proches par la suite (exemple : financièrement)
(Caestercker et Rea 2012 ; Bodycott et Lai 2012). Elle peut aussi s’inscrire dans un projet de
carrière où l’étudiant.e décide de s’installer dans un autre pays qui offre de meilleurs perspectives
professionnelles (Garneau 2006). Bilecen (2009), Robertson (2011) et Garneau (2022) se sont
intéressés de plus près à l’émigration comme motif de mobilité estudiantine. La question principale
était de savoir si le projet de migration pour étude n’est pas en soi, une stratégie d’immigration.
Beaucoup soupçonnent les étudiant.e.s internationaux d’utiliser les études pour immigrer dans le
pays de destination et rejoignent Garneau (2022) quand elle suppose que la construction d’un projet
de migration pour étude peut être une stratégie migratoire pour l’immigration permanente dans le
pays de destination. Dans ce sens, les politiques migratoires qui facilitent l’installation après la fin
des études sont donc intimement liées aux choix du pays de destination. Le meilleur exemple est
le programme d’expérience québécoise (PEQ) que nous avons déjà abordé un peu plus haut. Il fait
partie des politiques migratoires qui favorisent la rétention mais il est aussi un motif d’émigration
pour la plupart des étudiant.e.s internationaux du Sud qui choisissent le Québec comme province
de destination. Il y a aussi le programme canadien du « permis de travail post-diplôme » qui permet
aux diplômé.e.s internationaux d’avoir un permis de travail après la fin des études. Ce nouveau
statut post-diplôme leur permet de prolonger leur séjour au Canada et d’occuper un emploi à temps
plein. Cette situation est perçue comme favorable à la rétention mais elle est aussi une stratégie
d’attraction.

D’autre part, certaines études comme celles de Endrizzi (2010) Duclos (2011) et Belkhodja et Esses
(2013) nous révèlent que les motifs de migration sont intimement liés à la variable « pays
d’origine ». D’après leurs études sur les motivations et sur le choix de destination, les étudiant.e.s
du Sud choisissent les pays du Nord pour les opportunités professionnelles qui sont souvent
absentes dans leur pays d’origine. Par ailleurs, la mobilité Nord-Nord des étudiant.e.s
internationaux est souvent liée aux accords entre les pays et aux motifs expérientiels comme
19
l’apprentissage d’une langue ou le fait de découvrir un nouveau pays et une nouvelle culture. Le
choix de destination dépend de plusieurs facteurs tels que : les motifs de migration, la situation
dans le pays d’origine, des motifs personnels (relation amoureuse, obligations familiales,
langues…), les institutions de formation (frais de scolarité, la qualité des formations), le style de
vie dans la ville d’accueil, les objectifs professionnels ou les perspectives de carrières dans les pays
de destination et comme nous venons de voir, les politiques migratoires d’accueil et de rétention
(Germain et Vultur 2017 ; Duclos 2011 ; Chatel-DeRepentigny, Montmarquette et Vaillancourt
2011 ; Guilbert et Prévost 2009).

I.4.2 L’expérience migratoire des étudiant.e.s internationaux

L’expérience migratoire dans les pays et villes de destination commence par l’accueil des
personnes nouvellement arrivées. L’accueil et l’hospitalité font partie des questions traditionnelles
dans les études migratoires. Beaucoup de recherches avaient abordé l’accueil des immigrant.e.s
économiques, les demandeur.se.s d’asiles et les réfugié.e.s. Aujourd’hui avec la complexification
des flux migratoires, et l’arrivée massive des réfugié.e.s et demandeur.se.s d’asile en Europe, nous
assistons à un retour vers les questions de l’accueil et de l’hospitalité selon de nouvelles
perspectives. On parle plus des bonnes pratiques d’hospitalité et de comment améliorer l’accueil.
De plus, plusieurs études ont associé la question de l’accueil à la ville de destination. Prenons
l’exemple de Germain et al. (2021) qui ont utilisé la nouvelle notion d’infrastructure d’arrivée8
pour étudier les représentations qu’ont les nouveaux arrivant.e.s des espaces accueillants dans deux
quartiers de Montréal. Ils ont établi une géographie des infrastructures accueillantes dans un des
quartiers de migration où ils ont conclu que le quartier n’est pas une forme limite mais plutôt une
étendue spatiale qui dépend de la mobilité et de ses infrastructures (Germain et al. 2021).

Néanmoins, l’accueil des étudiant.e.s internationaux reste sous documenté. Le peu d’études qui se
sont intéressées à cette question, sont majoritairement en lien avec les services offerts par les

8 « Les éditeurs belgo-suisses (Meeuws, Arnaut et Heur 2019) ont rassemblé un ensemble de contributions qui tentent d’explorer
les infrastructures d’arrivée définies comme les parties de la fabrique urbaine qu’affrontent les nouveaux venus à leur arrivée et où
vont se produire ou se négocier leurs mobilités sociales futures locales ou translocales. L’accent est mis d’une part sur l’arrivée
comme processus et non comme moment délimité, càd comment et où les personnes trouvent une certaine stabilité leur permettant
de cheminer. Et d’autre part, sur les infrastructures, au-delà des normativités nationales (étatiques), càd les pratiques de multiples
acteurs en contexte urbain, qui créent une multitude de « platforms of arrival and takeoff ».» (Germain et al 2021, 73)

20
institutions de formation et les villes de migration (Germain et Vultur 2016) ou à travers
l’hospitalité et la question de l’hébergement sur lesquels nous reviendrons en détails ci-dessous
(Rahal-Gherbi 2023). Plusieurs auteur.e.s explorent la notion de « collectivité accueillante » et son
impact sur la trajectoire migratoire des étudiants internationaux dans les villes universitaires.
L’évaluation d’une collectivité accueillante inclut l’évaluation de l’aspect urbain de la vie
quotidienne des migrants. La dimension spatiale dans la grille d’analyse s’articule autour des
services comme le transport et l’accessibilité aux services et le résidentiel. Dans le contexte
montréalais, Gherbi et Belkhodja (2018) ont questionné l’expérience universitaire, résidentielle et
l’urbanité chez des étudiants internationaux établis au centre-ville de la ville. Ils ont soulevé
l’importance du campus dans l’accueil et la construction du sentiment d’appartenance dans la ville
d’accueil. Dans l’analyse de l’aspect résidentiel, il est revenu très souvent que c’est surtout le prix
des logements qui justifie le choix de leur quartier. D’autre part, des étudiants ont « ressenti comme
un signe de discrimination raciale et d’animosité » (Gherbi et Belkhodja 2018, 33). Après l’accueil
et l’hospitalité, les expériences migratoires des étudiant.e.s internationaux dans les institutions, les
villes et les sociétés d’accueil sont souvent analysées à travers la notion traditionnelle dans les
études migratoire, d’intégration.

Avant d’aborder les travaux qui se sont intéressés à l’intégration des étudiant.e.s internationaux
dans les sociétés et les villes d’accueil, voyons comment elle est définie dans les études migratoires.
Pour Durkheim, l’intégration est une question de « vouloir vivre ensemble ». Pour Gauthier (2013),
elle peut être définie comme étant « l’inscription d’un individu dans une société, un champ social,
ou une dynamique groupale ou individuelle ». Les études migratoires mettent en évidence
l’importance de l’intégration, mais aussi les obstacles qu’affrontent les immigrant.e.s durant leur
trajet migratoire. Au début du « temps migratoire »9, la personne en situation de mobilité
internationale doit s’adapter et retrouver ses repères langagiers, culturels, sociaux, urbains, voire
identitaires dans la ville de migration. Elle se retrouve confrontée à une société avec une culture
étrangère. Devant cette situation, elle sera conduite à franchir quatre étapes durant son trajet
migratoire (Cohen-Emerique 1980). Selon Oberg (1960), ces étapes s’énumèrent ainsi : 1) l’«
euphorie », qui est une étape de découverte et d’exploration du pays et de la société; 2) la

9 «…l’entendons l’ensemble du processus qui concerne les différentes étapes d’insertion socioéconomique des immigrants. Cela
comprend autant les dimensions matérielles (un endroit pour vivre, un travail, une école pour les enfants, etc.) que sociales (les
fréquentations, les activités politiques et civiques, etc.) » (Arcand, Lenoir-Achdjian et Helly 2009, 376).

21
«confrontation », soit la période du questionnement sur la culture d'accueil; 3) l’« ajustement » et
finalement 4) l’« aisance biculturelle », ou ce qu’appelle Cohen-Emerique (1980) l’«
interculturalité satisfaisante ». Celle-ci correspondant au mode de sociabilisation de l’individu dans
le pays de migration, ainsi que sa position à l’égard de sa culture d’origine et la culture de la société
d’accueil (Duclos 2011). Pour sa part, Berry considère que le processus d’acculturation d’un
migrant peut aboutir à l’une des quatre formes d’insertion : l’« intégration », l’« assimilation », la
« séparation / ségrégation » ou la « marginalité » (Berry 1997). Nous pouvons donc voir que ces
deux théories convergent vers un point commun qui est l’interculturalité satisfaisante et elle peut
prendre plusieurs formes. Nous avons résumé ces deux théories dans le schéma ci-dessous (figure
4).

Figure 1. 2 : Les théories du trajet migratoire selon Berry (1997) et


Cohen-Emerique (1980)
Source : l’auteur

22
Si nous regardons l’usage de cette notion dans la littérature qui s’intéresse aux étudiant.e.s
internationaux, nous verrons qu’il y a plusieurs types d’intégration. Dans ce qui va suivre nous
allons survoler les 3 formes que nous considérons comme pertinentes pour comprendre les
expériences migratoires des étudiant.e.s internationaux dans les villes d’accueil : l’intégration
socioéconomique, résidentielle et universitaire.

I..4.2.1 Intégration socioéconomique

Nous pouvons résumer les questions de l’intégration socioprofessionnelle dans deux points :
l’intégration à l’emploi qui dépend du deuxième point, les liens et les réseaux sociaux (Arcand,
Lenoir-Achdjian et Helly 2009 ; Béji et Pellerin 2010 ; Hilly, Berthomiere et Mihayloca 2004).
L’objectif principal des étudiant.e.s internationaux est les études et nous pouvons voir que dans
quelques pays ils n’ont pas le droit de travailler jusqu’à la fin des études alors que dans d’autres,
ils (elles) peuvent travailler à temps partiel. Néanmoins, comme nous l’avons déjà mentionné,
aujourd’hui les gouvernements sont de plus en plus ouverts à l’employabilité des étudiant.e.s
internationaux pour combler les besoins en main d’œuvre. La question de l’intégration ou
l’insertion au marché de travail est donc importante quand on veut s’intéresser à la vie de ces
étudiant.e.s si ils (elles) décident de s’installer dans le pays de migration après l’obtention du
diplôme et pour analyser leur vie quotidienne en tant qu’étudiant.e international.e.

Selon les écrits, nous pouvons retenir que les étudiant.e.s internationaux vont rencontrer plusieurs
défis en lien avec leur situation financière, l’adaptation culturelle et, celui qui revient le plus
souvent, c’est le problème d’isolement (Guilbert et Prévost 2009 ; Endrizzi 2010 ; Duclos 2011).
Comme nous l’avons mentionné, le statut de migration ne permet pas aux étudiant.e.s
internationaux de travailler librement durant leur séjour et leurs sources de financement viennent
souvent de leurs parents dans le pays s’origine ou leurs économies personnelles (Chatel-
DeRepentigny, Montmarquette et Vaillancourt 2011). En étudiant des étudiant.e.s internationaux
du 3eme cycle inscrits à l’Université de Montréal, Mainich (2013) met l’accent sur l’importance
d’avoir une bourse d’étude ou un travail en lien avec la formation pour avoir une sécurité financière.
Selon l’auteure, le travail dans le milieu universitaire peut aussi faciliter la construction de
nouveaux liens sociaux et donc briser l’isolement. Germain et Vultur (2016), dans leur étude sur

23
les étudiant.e.s internationaux de l’INRS rejoignent ces conclusions et soulignent l’importance du
rôle du milieu universitaire et des laboratoires de recherches dans leur intégration.

Si le problème de l’isolement revient souvent dans les études c’est parce que l’étudiant.e
international.e subit la perte de ses réseaux sociaux et peut facilement se retrouver en situation
d’isolement qui est en lien avec les autres phénomènes comme l’inadaptation culturelle. Les
travaux sur l’intégration des étudiant.e.s internationaux ont mis l’accent sur la construction des
nouveaux réseaux sociaux dans la ville de migration car ils sont fondamentaux pour briser
l’isolement social (Van Mol 2014) et pour l’adaptation culturelle. Nanaki (2009) a traité
l’implication associative des étudiant.e.s dans les universités d’attache en France. Elle a conclu que
cet environnement communautaire peut être un premier pas vers l’adaptation transculturelle qui
était au centre d’autres études (Boulanger 2018 ; Gyurakovics 2014). D’autres travaux se sont
intéressés aux interactions sociales comme les liens d’amitié que les étudiant.e.s peuvent
développer durant le séjour d’études (Hendrickson, Rosen et Aune 2011 ; Robinson, Somerville et
Walsworth 2019) et les relations amoureuses qui peuvent influencer l’expérience migratoire et la
rétention par la suite (Guilbert et Prévost 2009). En s’intéressant aux réseaux sociaux des
étudiant.e.s internationaux, des chercheur.e.s ont documenté les facteurs qui peuvent freiner leur
construction. Selon l’étude de Zhang et Zhou (2010) sur les étudiant.e.s d’origine chinoise dans
une ville en Ontario, l’un des multiples facteurs de l’ influence négative sur l’intégration avec les
locaux était la langue. Pour sa part, Duclos (2011) s’est intéressée de plus près aux interactions
sociales d’étudiant.e.s internationaux dans une université québécoise. Elle conclue que ces
migrant.e.s trouvaient de la difficulté à construire facilement des liens d’amitié avec les étudiant.e.s
locaux. Elle suppose que « l’individualisme nord-américain » est à l’origine de cette situation. Dans
le même contexte québécois, Guilbert et Prevost (2009) avaient remarqué que contrairement aux
immigrant.e.s économiques, les étudiant.e.s internationaux ne s’investissent pas dans la vie
communautaire et dans les relations interpersonnelles dans la société d’accueil. Elles supposent
que la temporalité de leur statut de migration est à l’origine de ce repli sur soi qui conduit à
l’isolement.

En somme, nombre de chercheur.e.s notent que l’isolement social est l’une des contraintes les plus
fréquente chez les étudiant.e.s internationaux. Elle est due à la perte des réseaux sociaux après la
migration et à la difficulté d’en construire un nouveau dans la ville d’accueil. Les facteurs qui
favorisent cette situation peuvent être personnels comme la faible estime du soi qui s’explique à
24
travers le statut de migration, ou culturels quand la personne n’arrive pas à trouver des terrains de
sociabilité dans la société d’accueil. Fincher et al (2019) trouvent que les lieux de résidence peuvent
avoir un impact sur la construction de nouveaux lieux sociaux. Dans ce qui va suivre nous allons
aborder les différentes questions en lien avec le lieu de résidence.

I..4.2.2 Intégration résidentielle

L’intégration résidentielle est avant tout une question de logement et de quartier d’installation. Les
chercheur.e.s accordent beaucoup d’importance à l’habitation dans les études migratoires. L’accès
à un logement abordable est une étape cruciale pour l’intégration des migrant.e.s (Rose, Germain
et Ferreira 2006). Le logement, comme déterminant social de la santé, est indispensable pour la
stabilité de la nouvelle vie des migrant.e.s. Aussi, il permet de situer la personne dans son
environnement. En tant qu’élément de base pour l’intégration, le logement doit être effectif et
prioritaire : il représente l’unique et le premier « chez soi » pour les migrant.e.s dans le pays
d’accueil (Goudet 2021). L’intégration résidentielle va au-delà du logement, le quartier joue un
rôle primordial dans l’intégration et l’accueil des migrant.e.s dans la société d’accueil. Au début
du parcours migratoire, les migrant.e.s préfèrent s’installer généralement dans les enclaves
ethniques pour la proximité sociale. Ces enclaves procurent un sentiment de confort aux nouveaux
arrivant.e.s (Qadeer 2006). Ils jouent le rôle d’un quartier d’accueil et d’hospitalité (Lord et Gerber
2009). Mais, cet ancrage ne doit pas freiner leur intégration sociale. Les travaux de Germain et al
(2018) sur la répartition des immigrants à Montréal témoignent de la qualité plutôt médiocre des
habitats occupés par la majorité des familles issues de l'immigration. Cette situation peut être la
cause d’un sentiment d’inconfort chez ces ménages. C’est pourquoi, dès leur arrivée, les migrant.e.s
cherchent un appartement qui leur permettra une intégration facile dans la société d’établissement
(Lord et al. 2019 ; Goudet 2021). Mais, face aux différentes difficultés économiques à la
discrimination durant la recherche du logement, ils ne sont jamais satisfaits de leur premier lieu de
résidence et il est perçu comme un « espace de transition vers un logement plus souhaitable » (Lord
et al. 2019 para. 31).

After 30 weeks in Canada, nearly 50% of respondents will have left their initial dwelling.
They are slower to leave the second dwelling than they were to leave the first, and even

25
slower to leave the third than they were to leave the first two, which is consistent with the
idea that overall, the residential situation improves with each move (Renaud et al. 2006,
71).

Les questions de logement et d’habitation des étudiant.e.s internationaux sont de plus en plus
présentes dans la sociologie urbaine et dans les études urbaines. Elles sont souvent étudiées sous
différents angles notamment celui de l’intégration socio-spatiale et de l’adaptation culturelle. Parmi
les travaux que nous notons ici, soulignons la recherche d’Alamel (2019) sur les étudiant.e.s
internationaux dans le contexte du Royaume-Uni. Il a montré comment les résidences privés qui
utilisent les langues d’origines des étudiant.e.s internationaux comme stratégies de marketing sont
à l’origine des concentrations ethniques dans les quartiers des villes d’accueil. Il donne l’exemple
des résidences étudiantes privées à Loughborough qui utilisent le mandarin dans leurs sites internet
et dans leurs affiches publicitaires pour attirer les étudiant.e.s asiatiques. Cette stratégie favorise la
concentration de groupes d’étudiant.e.s de même origine dans des quartiers et résidences. Cette
situation peut favoriser la situation d’isolement chez certains étudiants et elle peut être une
contrainte pour l’adaptation culturelle avec la société d’accueil. Revington (2020) arrive au même
constat sur la concentration des étudiant.e.s selon le pays d’origine dans la ville de Waterloo au
Canada. D’autre part, Gherbi- Rahal (2022) s’est penchée sur l’offre résidentielle et l’habiter des
étudiant.e.s internationaux dans l’Ouest du centre-ville de Montréal qui connait une concentration
des étudiant.e.s et des étudiant.e.s internationaux. Elle note une cohabitation entre les deux groupes
et l’émergence d’une offre de logement hôtelière pour les étudiant.e.s internationaux dans ce
quartier qui connait une grande studenification.

D’autres travaux abordent la question du lieu de résidence en lien avec les difficultés financières.
Calder et al (2016) et Revington (2020) ont étudié l’insertion socio-spatiale des étudiant.e.s
internationaux dans différentes régions canadiennes, l’Ontario et les provinces de l’Ouest. Les
deux recherches relèvent que la situation financière des étudiant.e.s internationaux a un impact
direct sur le lieu de résidence. Ils expliquent qu’entre les frais de scolarité, le transport et les frais
de la vie courante, les étudiant.e.s avec un capital économique modeste se trouvent obligé.e.s à
chercher des colocations dans des quartiers plus éloignés du centre-ville et souvent de leurs campus
universitaires. S’ils (elles) choisissent de s’installer dans ces quartiers c’est pour accéder à des
logements avec un loyer modeste par rapport aux appartements des quartiers centraux. Ils (elles)
sont souvent originaires de la même région géographique et sont issus de familles à revenu
26
modeste. Cette situation a amené Revington et d’autres chercheur.e.s (Hari,McGrath et Preston
2013 ; Collins, Simon-Kumar et Friesen 2020) à se poser des questions sur le vécu des étudiant.e.s
internationaux racisés notamment dans la recherche de logement et leur expérience urbaine dans
les quartiers qui connaissent une concentration estudiantine. Ce groupe de chercheur.e.s et d’autres,
invitent la communauté académique à plus documenter les questions de discriminations et les
formes d’inégalité basées sur l’origine géographique et ethnique vécues par les étudiant.e.s
internationaux.

La pandémie internationale liée à la COVID-19 est un autre contexte dans lequel nous pourrions
voir l’importance du logement et du quartier d’habitation dans l’intégration des migrant.e.s dans
les villes et sociétés d’accueil. Les chercheur.e.s se sont penché.e.s sur la qualité des lieux de
résidence et leur importance durant le confinement. La majorité des résultats convergent vers
l’injustice spatiale, les inégalités soci-économiques, la crise du logement et leurs impacts sur la
qualité de vie et la quotidienneté des personnes migrantes (Rippon et al. 2020 ; Resiser 2021; Yang
et Aitken 2021; Zossou 2021; Depri et al. 2021; Rabiah-Mohammed et al. 2022). Pour sa part,
Ghosh (2021) a regardé de plus près la résilience des étudiant.e.s internationaux à Sudbury au Nord
de l’Ontario durant la COVID19 qui a accentué leur isolement social et leur vulnérabilité
économique. Les institutions de Sudbury souffraient aussi de manque de financement fédéral et ne
pouvaient donc pas fournir des services d’aide aux étudiant.e.s internationaux. Ces dernier.e.s
vivaient des précarités financières et avaient du mal à payer leur loyer et subvenir à leurs besoins.
Face à cette situation de crise, ils (elles) étaient obligé.e.s de trouver des emplois dans les catégories
« essentielles » durant la pandémie. Ghosh (2021) a observé des impacts sur la santé mentale des
étudiant.e.s internationaux surtout avec le passage à des cours en ligne. Entre l’isolement et les
difficultés financières, ils (elles) étaient en situation de détresse surtout avec les cours en ligne, la
majorité se sont retrouvé.e.s confinés dans des appartements « indésirables ». S’ajoute à cela, les
étudiant.e.s internationaux qui étaient dans les résidences des campus universitaires et qui étaient
contraints de les quitter pour des questions de sécurité. Ils (elles) devaient trouver des appartements
et des colocations au milieu d’une pandémie et le plus vite possible. Pour les moins chanceux, ils
(elles) ont demandé l’aide de leurs réseaux sociaux pour les héberger le temps de trouver un
logement ou une colocation. Ce contexte a accentué l’isolement social des étudiant.e.s
internationaux et a eu un impact direct sur leur santé mentale, surtout que l’environnement

27
universitaire leur procurait un milieu social propice pour l’adaptation culturelle et la construction
des nouveaux liens sociaux.

I..4.2.3 Intégration académique (ou universitaire)

La question de l’intégration universitaire est relativement nouvelle dans les études migratoires. Les
étudiant.e.s internationaux en mobilité internationale vont devoir construire une nouvelle vie
quotidienne qui sera caractérisée essentiellement par ce que nomme Duclos (2011) « l’intégration
universitaire ». Cette dernière est perçue comme une intégration sociale que permet l’établissement
scolaire. L’ambiance universitaire favorise et permet l’échange culturel (Mainich 2015). À travers
sa recherche sur des étudiant.e.s d’origines marocaines et tunisiennes en milieu universitaire
canadien francophone, Virginie Duclos (2011) explique que l’intégration en milieu éducatif dépend
de quatre éléments : l’ancienneté de l’étudiant.e qui renvoie à l’étape qu’il(elle) a atteint dans son
trajet migratoire et à la nature de ses liens sociaux. Le sexe de la personne compte aussi, et elle
rejoint les chercheur.e.s qui disent que les femmes éprouvent davantage de difficultés à tisser des
liens sociaux (Potter 1999 ; Salaff et Greve 2003 ; Chicha 2009 ; Gauthier 2013). Elle rejoint aussi
Grayson (1997) sur le fait que le campus est un espace d’intégration sociale par excellence. Duclos
(2011) avait noté que la mosquée du campus pouvait aussi être un lieu d’intégration chez les
étudiant.e.s de confession musulmane. En effet, les lieux de culte sont des espaces de
rassemblement et d’échanges entre les migrant.e.s et les locaux qui partagent leurs croyances et
fréquentent les mêmes lieux (Duclos 2011 ; Gélinas et al. 2012). La notion d’intégration
universitaire a rapidement été abandonnée par les chercheurs parce qu’elle ne permet pas de faire
une lecture globale des parcours complexes des étudiants internationaux. Nous reviendrons plus en
détail sur les limites de la notion d’intégration dans l’étude des expériences migratoires des
étudiant.e.s internationaux.

I.4.3 La rétention des étudiant.e.s internationaux

En plus de la compétition pour l’attraction des étudiant.e.s internationaux, les pays et les villes
d’accueil sont en compétition pour les retenir sur leurs territoires. Le discours politique de ces pays,

28
dont le Canada, ne cache pas une volonté de vouloir faire de ces étudiant.e.s internationaux des
immigrant.e.s permanent.e.s.

Les diplômés internationaux, pour avoir vécu dans le pays d’accueil, sont acclimatés à ses
caractéristiques sociales et culturelles et de plus en plus d’efforts sont mis pour les attirer et
les retenir (ICMOD 2006, 7).

De plus, le Canada connait une compétition interne entre les provinces. Parmi ses stratégies
politiques, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral ont relativement facilité
l’accès à la résidence permanente après la fin des études à ce groupe de migrant.e.s temporaires.
Cependant, devenir résident.e canadien.ne ou citoyen.ne canadien.ne n’est pas synonyme
d’installation permanente dans la province ou le pays d’accueil. La citoyenneté canadienne permet
de vivre dans n’importe quelle province, et n’empêche pas d’aller vivre dans un autre pays et de
s’inscrire dans une mobilité internationale. D’autre part, on n’a pas de chiffres qui nous permettent
de savoir où sont les diplômés internationaux une fois qu’ils(elles) ont obtenu la résidence
permanente et la citoyenneté canadienne. On ne sait pas dans quelle province ou pays ils(elles)
vont s’installer.

C’est justement le cas du Québec qui accueille de plus en plus d’étudiant.e.s internationaux, et leur
nombre est en constante croissance (Expat 2016, Despatie 2016) Le gouvernement québécois veut
garder cette population après la fin des études. Comme nous l’avons déjà mentionné, il use de
plusieurs stratégies pour les convaincre de venir étudier et de s’y installer après l’obtention de leur
diplôme. Prenons l’exemple de Montréal, présentée selon certains palmarès comme la première
ville universitaire au monde en 2017 et la quatrième en 201810, elle représente le parfait terrain de
séduction. En automne 2017, le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI)
(aujourd’hui le MIFI) a mis en marche un programme d’attraction, « Je choisis Montréal » qui a
pour objectifs d’attirer les étudiant.e.s internationaux dans le Grand Montréal mais aussi de soutenir
leur projet de vie au Québec pour ceux déjà établis ici (El-Assal et Homsy 2017).

Ils sont jeunes, ils sont brillants, et ils ont en main un diplôme émis par un établissement
québécois. Ils sont des candidats de choix pour émigrer au Québec. Ils connaissent la société

10 http://www.iu.qs.com/2018/06/qs-best-student-cities-2018-highlights/Consulté en janvier 2018

29
québécoise, ils connaissent le français et souvent d’autres langues, et leur intégration est déjà
bien amorcée. Nous voulons qu’ils choisissent le Québec (Kathleen Weil, Ministre de
l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, citée dans l’édition québécoise du journal
Métro, 4 Octobre 2016).

Par ailleurs, ces dernières années la question de la rétention a fait couler beaucoup d’encre dans la
littérature grise canadienne et québécoise. Dans un article du Journal de Montréal intitulé « Le
Québec peine à retenir ses étudiants étrangers, selon une étude » (26 Février 2017), sont exposés
les résultats de cette étude. Mia Homsy, directrice de l’Institut du Québec, rappelle que le Québec
a un grand besoin de main-d’œuvre et que les étudiants internationaux sont de parfaits candidats
pour l’immigration (Delainey 2017). Avant de citer les exemples de la Colombie-Britannique et de
l’Australie, Mia Homsy affirme que le Québec se place en bas de l’échelle par rapport aux autres
provinces canadiennes quant à la rétention des étudiants internationaux. Elle ajoute qu’on va devoir
« faire plus » pour garder les étudiants internationaux et qu’on doit profiter du nouveau statut de
Montréal comme 1ere ville universitaire au monde pour séduire plus d’étudiant.e.s
(Delainey 2017).

Le monde académique avait aussi son mot à dire. Les universités et les chercheur.e.s voyaient en
eux des talents qui ont acquis la formation nécessaire pour participer à la dynamique économique
et académique du pays et qu’il faut retenir après la fin des études. La migration aux fins d’études
est devenue l’un des « terrains » majeur pour le recrutement de potentiels immigrant.e.s
permanent.e.s. Hann et al (2018) se sont intéressés à la rétention des étudiant.e.s internationaux au
Québec entre 2004 et 2015. Ils ont montré que 38 % d’entre eux auraient choisi de s’installer dans
la province après la fin des études (Hann et al. 2018). L’Institut du Québec a publié un rapport de
recherche dans lequel El-Assal et Homsy (2017) révèlent qu’à Montréal, 50 % des étudiants
affichent une volonté d’ancrage après les études, mais en 2015, seulement 25 % ont choisi de rester
après l’obtention du diplôme (El-Assal et Homsy 2017).

On parle de « capter les talents » dans un contexte de concurrence internationale. Il faut


désormais capter la mobilité internationale … Comme ailleurs au Canada, tous les regards
vont notamment se tourner vers les étudiant.e.s internationaux, comme incarnant cette
mobilité qu’il faut capter pour venir élargir le bassin des compétences (Germain 2013, 6).

30
La question de la rétention des étudiants internationaux est au cœur des préoccupations municipales
et politiques. Il était névralgique de bien comprendre ce qui peut affecter leurs choix quant à la
mobilité ou l’ancrage. Nous avons donc assisté à l’émergence des études qui documentent les
facteurs qui peuvent influencer leur rétention dans les villes et les pays d’accueil.

Au début, la rétention était en lien avec la question du retour aux pays d’origine ou le non-retour
des étudiant.e.s internationaux après la fin des études au centre de plusieurs recherches. Dans le
contexte français, Douieb El Attafi (1989) a abordé la question en s’intéressant à 14 doctorant.e.s
marocain.ne.s à Lille. Il a dégagé trois groupes vis-à-vis de la décision du retour ou du non-retour :
des étudiant.e.s ayant une intention de retour, des étudiant.e.s indécis et des étudiant.e.s ayant une
intention de non-retour au Maroc. L’auteur explique cela à travers l’intégration sociale et
l’attachement à la famille dans le pays d’origine. Il constate que les étudiant.e.s les plus religieux
ne s’intègrent pas dans la société d’accueil, ce qui rend leur retour plus facile. Douieb décrit le
groupe des indécis comme « largement dominé par les étudiants issus des couches moyennes. La
grande majorité est issue de la ville. Et aucun étudiant ne manifeste une intégration religieuse
importante…Pour ce groupe, contrairement au premier, le processus d’intégration dans la société
d’accueil est bien amorcé. Son aspect professionnel risque de ne pas tarder. Et cela selon toute
probabilité, les amènera à rester en France » (Douieb El Attafi 1989, 159-160). Enfin, les
étudiant.e.s ayant une intention de non-retour ne forment pas un groupe homogène et l’auteur
qualifie leurs convictions religieuses de faibles. Néanmoins, depuis cette recherche, la notion de
cohabitation interethnique a pris du terrain et les formes de l’intégration sociale ont changé. De
plus, ces entretiens sont réalisés auprès de doctorant.e.s seulement de son entourage et il n’a pas
considéré les variables sociales dans son analyse.

Toujours dans le contexte européen mais cette fois en Belgique, Godin et Rea (2011) avait analysé
l’expérience migratoire « des étudiants étrangers » et leur rétention à travers le concept de carrière
migratoire. Ils ont introduit les structures d’opportunité et les réseaux sociaux comme variables
d’analyse. Ils se sont intéressés aux d’étudiant.e.s francophones originaires du Congo, du
Cameroun et du Maroc et des anglophones originaires des USA et de la Chine. Les résultats de
cette recherche ont été présentés sous forme de typologie de carrières migratoires. Quatre profils
types ont été distinguées; Le premier groupe est composé des boursier.e.s et les étudiant.e.s en
programme d’échange qui s’inscrivent dans une carrière de « mobilité étudiante ». Ils (elles)

31
retournent dans les pays d’origine après la fin des études. Les structures d’opportunités et les
réseaux sociaux n’ont pas d’influence sur la décision du retour. Le deuxième profil correspond à
ceux(celles) qui s’inscrivent dans une carrière de « migration étudiante ». Ils (elles) choisissent le
retour après l’obtention du diplôme. Pour ce groupe d’étudiant.e.s, la famille et les structures
d’opportunités favorables dans le pays d’origine ont une influence sur cette décision. La troisième
carrière est celle de « la migration internationale ». Elle regroupe les étudiant.e.s qui s’inscrivent
dans une mobilité internationale (pour le travail ou pour un autre programme d’étude). Les
structures d’opportunité jouent un rôle très important dans la décision de ce groupe. Le dernier type
de carrière est celui des étudiant.e.s qui choisissent l’ancrage et l’installation dans le pays de
formation, l’« étudiant migrant ». L’influence des structures d’opportunités et les réseaux sociaux
dans le pays de formation sont majeurs dans cette décision. Godin et Rea (2011) ont expliqué que
les structures d’opportunités et les réseaux sociaux mobilisables avant la migration participent dans
la décision de mobilité ou d’ancrage après la fin des études, mais aussi, dans la formation du projet
d’étude et le choix du pays de destination durant la construction du projet migratoire (Godin et Rea
2011).

Dans le contexte québécois, El-Assal et Homsy (2017) ont présenté six stratégies pour « attirer et
retenir plus d’étudiants internationaux » au Québec. Après avoir exposé les différents obstacles
auxquels sont confrontés les étudiant.e.s internationaux durant leur trajet migratoire, ils ont conclu
que ce groupe de migrant.e.s représente une force démographique, économique et sociale pour la
province (El-Assal et Homsy 2017). Leurs objectifs étaient de présenter le vécu des étudiant.e.s
internationaux dans la province pour proposer une stratégie d’intégration qui favorise leur
rétention. Les six propositions s’inscrivent dans un cadre de stratégie de recrutement et dans une
logique d’inclusion socioprofessionnelle. Ils suggèrent d’aller chercher plus d’étudiant.e.s,
d’élargir le bassin de recrutement et de diversifier leurs origines. Ils proposent au gouvernement
québécois de revoir les frais de scolarité et de suivre le modèle des autres provinces canadiennes
qui offrent des services d’établissement aux étudiant.e.s internationaux similaire à ceux offerts aux
immigrants économiques et de faciliter leur première expérience de travail. Ils confirment que cette
stratégie aura un impact positif direct sur la situation économique et l’intégration sociale des
étudiant.e.s (El-Assal et Homsy 2017). Ce rapport néglige l’importance de l’inclusion sociale et
l’expérience de la vie quotidienne dans les villes d’accueil. Il aborde l’intégration sociale mais elle
reste secondaire dans les stratégies de rétention proposées. La recherche de Vultur et Germain

32
(2017) est d’une facture différente. Ils ont aussi repris le concept de « carrière migratoire » pour
étudier la mobilité et l’ancrage des étudiants internationaux de l’Institut National de la Recherche
Scientifique au Québec. Ils ont constitué un échantillon socialement et académiquement
hétérogène, auprès duquel ils ont mené une enquête qualitative suivant le découpage que permet la
carrière migratoire (objectif de départ, expérience à l’INRS et le projet d’avenir après les études).
Ils ont pu repérer trois types de projet après la fin d’étude : des étudiants « flottants » ouverts à la
mobilité internationale, des étudiants qui envisagent le retour au pays d’origine (très peu
d’étudiants s’inscrivent dans cette option) et ceux qui ont opté pour l’installation au Canada. Dans
le cadre de cette étude, les motifs de mobilité ou d’ancrage s’inscrivent dans le cadre des structures
d’opportunités et ceux des réseaux sociaux (famille et proches). Cette étude a mis l’accent sur le
rôle que joue l’expérience universitaire dans l’inclusion sociale des étudiants (Vultur et Germain
2017).

Blaud (2001) s’est intéressé aux étudiant.e.s originaires de l’Afrique noire à Montréal. Il a aussi
abordé leur rétention à travers la question de leur retour ou non-retour après la fin des études. Il a
focalisé sa recherche sur le volet économique et n’a pas abordé les effets des autres variables
(sociale, politique…). Dans son analyse, le projet de migration est avant tout une question
d’opportunités professionnelles, lequel des pays offre mieux.

…le motif professionnel a trait à l’obtention d’un emploi dans le pays d’accueil comme motif
de non-retour, et à un emploi garanti ou espéré, ainsi qu’à une promotion professionnelle,
dans le pays d’origine, en tant que motifs de retour (Blaud 2001, 215).

Duclos (2011) s’est aussi intéressée à la rétention dans sa recherche sur les étudiant.e.s tunisien.ne.s
et marocain.ne.s au Québec. Elle avance que l’intégration universitaire et l’intégration sociale
peuvent avoir un impact direct sur la décision du retour et de non-retour des étudiant.e.s après la
fin des études. D’ailleurs, pour Duclos (2013), la difficulté à construire des nouveaux liens avec
les membres de la société d’accueil et un des facteurs qui favorise le retour au pays d’origine. Nous
pouvons qualifier la situation comme résultante de l’isolement social et de l’inadaptation culturelle.

La vie urbaine des étudiant.e.s internationaux dans les villes d’accueil demeure un des sujets les
plus sous-documenté dans les études migratoires et dans les études urbaines. L’étude de Terrier
(2009) est parmi les rares recherches qui a documenté cet aspect de leur expérience urbaine. Elle

33
s’est focalisée sur la mobilité et les déplacements spatiaux des étudiants internationaux en France.
L’auteure utilise l’expression « Étudiants internationaux » plutôt qu’« Étudiants étrangers » pour
différencier la mobilité des étudiants français de celle des étudiants qui s’inscrivent dans une
perspective d’immigration temporaire internationale. Terrier part du principe selon lequel « les
pratiques spatiales de ces étudiants internationaux constituent une dimension fondamentale de leur
expérience » migratoire, mais il n’est toutefois pas question de l’importance de ces pratiques dans
leur projet migratoire (Terrier 2009). Elle définit la mobilité spatiale, comme étant le mouvement
et le déplacement des individus dans un espace. Elle focalise sa recherche sur la fréquence des
déplacements des étudiants internationaux à l’échelle de la ville d’accueil, du pays d’accueil ainsi
qu’à l’échelle internationale. Afin de mesurer la mobilité des individus, elle a écarté la mobilité
dite « obligatoire » (aux fins d’études, de travail, d’emplettes, etc.) et s’est intéressé à la « mobilité
de loisir ». L’objectif principal de l’étude de Terrier est de dresser de multiples « profils de mobilité
» chez les étudiants internationaux selon une seule variable, nommément : le « continent d’origine
». Une analyse quantitative basée sur un questionnaire distribué par courriel à des étudiants
internationaux de la Bretagne française lui a permis de dresser quatre profils d’étudiants selon la
mobilité et le continent d’origine (Étudiants sédentaires [Afrique], étudiants présentant une
mobilité moyenne [Asie], étudiants très mobiles [Europe] et étudiants hypermobiles [Amérique du
Nord]). Elle avance que la variable continentale n’explique en rien les pratiques spatiales des
étudiants. Suite à une autre analyse statistique, elle a éliminé l’effet « continent d’origine » et a
croisé les indicateurs de mobilité avec les variables par rapport au pays d’origine. La chercheuse a
mis à contribution la méthode qualitative pour identifier les sous-variables qui se cachent derrière
la variable Continent d’origine. Elle conclut que la mobilité des étudiants internationaux dépend
de différents facteurs qui sont en relation directe avec le pays et la société d’origine : les règles
sociales de la société origine, le capital culturel, le capital social, le capital économique (statut
social) et les objectifs de départ (Terrier 2009).

Comme nous venons de le voir, la majorité des recherches qualitatives sur les parcours des
étudiant.e.s internationaux étaient sur un moment précis de leurs expériences migratoires et
demeurent un sujet peut documenté. Pour paraphraser Arcand et Germain (2015), il est temps de
regarder au-delà de la notion d’intégration. La majorité des études sur les étudiant.e.s
internationaux les considèrent comme un groupe qui a un impact sur les dynamiques économiques
et urbaines des villes et non pas comme des acteurs qui participent à la création de ces dynamiques.
34
Par ailleurs, comme nous venons de le voir, les étudiant.e.s internationaux n’ont pas tous les mêmes
objectifs de migration, ni les mêmes projets futurs. De plus, ils ne réagissent pas tous de la même
manière aux changements et aux obstacles du parcours migratoire. Il faut donc aborder l’expérience
migratoire des étudiant.e.s internationaux selon l’agentivité de l’acteur et non pas comme un
parcours de groupe.

I.5 Au-delà de l’intégration?

L’intégration est souvent une question de « réussite » qui est généralement définie par la société
d’accueil. Mais Misiorowska (2015) précise que le migrant.e est le(la) seul.e qui peut dire s’il(elle)
a réussi son intégration ou non. La réussite de l’intégration dépend de la « satisfaction personnelle
», un.e migrant.e peut être entièrement ou partiellement satisfait.e comme il(elle) peut être
insatisfait.e de son intégration. En effet, si la situation de la personne durant son trajet migratoire
et à la fin de ce dernier correspond à ses attentes ou les dépasse, cette personne sera entièrement
satisfaite et considérera son intégration comme étant réussie. Si la personne connaît une
réorientation volontaire ou involontaire de son projet migratoire et aboutit à une situation
avantageuse, elle pourra être partiellement satisfaite. Toutefois, le(la) migrant.e qualifiera son
intégration par une défaite suite à l’insatisfaction due à l’échec de ses projets migratoires
(Misiorowska 2015). Dans le cadre de l’immigration permanente, la personne est conduite à
s’adapter à la situation dans le pays d’accueil, et ce, au détriment de ses objectifs et ses attentes
initiaux, alors que pour les migrant.e.s temporaires, la situation décrite par Misiorowska est
déterminante pour la suite du trajet migratoire (Blaud 2001) d’où l’émergence de nouvelles notions
tel que la rétention dans les études migratoires contemporaines.

Dans une autre lecture critique de l’intégration, Victor Piché (2013) avait distingué trois niveaux
dans l’analyse de la réussite de l’intégration des immigrant.e.s : macro, méso et micro (voir la
figure 1.3). Les approches macro traitent le côté politique et institutionnel des questions de la
migration. L’approche méso permet d’étudier la perspective sociale et l’impact des réseaux sur la
vie quotidienne. Quant à l’approche micro, elle s’intéresse à l’aspect individuel du trajet migratoire
dans les pays d’origine et dans les pays d’établissement (Piché 2013). L’intégration permet une
analyse à un seul niveau à la fois. Or, le contexte actuel de la migration et le pluralisme des théories

35
dans les études migratoires demandent une approche analytique plurielle (Piché 2018), notamment
pour étudier les expériences migratoires des étudiant.e.s internationaux qui sont sujets aux
changements. Si nous croisons les résultats des différents travaux sur les étudiant.e.s
internationaux, nous notons des relations de corrélation entre la construction du projet migratoire,
les facteurs d’influence, le vécu des étudiant.e.s internationaux et leurs projet futurs. Or, la majorité
de ces recherches ne documentaient qu’un seul de ses angles.

Figure 1. 3 : Cadre conceptuel pour l’étude des facteurs de migration et d’intégration


Source : (Piché 2013, 50)

36
En réponse à la remise en cause de l’usage de l’intégration comme concept d’analyse des nouvelles
dynamiques migratoires, les chercheur.e.s ont proposé de nouveaux concepts et de nouvelles
approches d’analyses. Les travaux de Wise et Velayutham (2009), et de Noble (2009) ont révélé
d’autres angles pour appréhender les questions du trajet migratoire, en insistant sur les sentiments
« d’inconfort et de confort » et « de ne pas être à sa place », ce qui dépasse la satisfaction et
l’intégration. Selon Ray et Preston (2015, 199), « L’inconfort a un profond impact sur le sentiment
d’appartenance dans plusieurs espaces vécus au quotidien ». Ces sensations découlent des
expériences des migrant.e.s dans les lieux de travail, dans les quartiers de résidence et dans les
espaces publics de la ville d’accueil. Elles varient en fonction de leur groupe ethnique, de leur
religion et de leur culture. Ils concluent que la sensation de confort ou d’inconfort dépend des lieux
fréquentés par la personne (Ray et Preston 2015).

Martiniello et Rea (2011) ont proposé « la carrière migratoire » comme un nouveau concept qui
permet de dépasser les limites de la notion d’intégration, de mettre le temps et la durée du séjour,
au centre de l’analyse et de valoriser la mobilité dans le trajet migratoire. Le concept permet aussi
une analyse multidimensionnelle du phénomène de migration sans pour autant utiliser les notions
traditionnelles comme l’intégration (Martiniello et Rea 2011). Le concept de carrière migratoire «
permet de comprendre divers phénomènes sociaux relatifs à l’adoption d’une identité, d’un genre
de vie ou encore de comportement spécifiques » (Martiniello et Rea 2011, 3). Il offre au chercheur
une vision générale sur l’expérience migratoire de la personne. Contrairement aux différents
concepts utilisés dans les travaux sur l’immigration, il permet d’avoir une vision globale du projet
migratoire et non segmentée ou focalisée sur un seul angle à un seul moment du parcours.

Comme nous l’avons mentionné plus haut, Germain et Vultur (2016) l’avaient utilisé dans leur
étude sur les étudiant.e. interationaux de l’INRS au Québec, mais avant eux Godin et Rea (2011)
ont analysé la mobilité des étudiants internationaux en Belgique. Ils ont repéré trois facteurs qui
influencent les processus qui correspondent aux différents niveaux d’analyse des carrières
migratoires.

En somme, les travaux de recherches sur les étudiant.e.s internationaux qui ont fait appel à ce
concept concluent que le processus de construction d’un projet de migration pour étude doit être
étudié à travers ses trois temps (avant la migration, durant et après la fin des études). Cette
perspective d’analyse permet de comprendre les relations de causalité entre les trois types de
37
facteurs tels qu’ils sont catégorisés avec le concept de carrière migratoire : les structures
d’opportunités et de contraintes, la mobilisation du réseau social et les caractéristiques
individuelles du migrant (Godin et Rea 2011, Martinello et Rea 2011, 2014).

I.6 Conclusion

Nous distinguons deux types de littérature sur les étudiant.e.s internationaux : quantitatives et
qualitatives. Les recherches quantitatives examinent la dynamique des flux migratoires et leurs
apports socioéconomiques sur les villes et les universités d’accueil. Elles mettent l’accent sur deux
variables centrales : le pays d’origine et le pays de destination. À partir des classifications des pays
d’accueil, elles identifient ceux qui accueillent le plus d’étudiant.e.s internationaux en prenant en
compte leur pays d’origine pour identifier les facteurs et les stratégies d’attraction de pays en
concurrence. Face à la complexité et la diversité des parcours de mobilité des étudiant.e.s
internationaux, les chercheur.e.s ont commencé à s’intéresser de plus près aux parcours et
expériences migratoires des étudiant.e.s internationaux dans les institutions de formation et dans
les villes d’installation. Dans un premier temps, les études se sont penchées sur leur intégration
dans la société d’accueil, mais il n’a pas fallu longtemps pour que le monde académique assiste à
l’émergence de nouvelles questions comme celles sur la rétention et sur les structures qui
influencent les projets futurs des étudiant.e.s internationaux après la fin des études. La synthèse de
cette recension révèle des points aveugles et des pistes de recherches à explorer sur l’expérience
migratoire des étudiants internationaux dans les villes de migration. C’est à partir de ces
perspectives des zones lacunaires que s’inscrit notre projet de thèse

I.6.1. L’usage de la carrière migratoire comme un concept d’analyse central.

Dans les travaux que nous venons de présenter, nous avons constaté que les parcours migratoire
des étudiant.e.s internationaux dépendent des dynamiques structurelles dans les sociétés et les pays
d’accueil et d’origine. Néanmoins, ils (elles) ont un rôle actif pour façonner leur propre expérience
migratoire. Ils(elles) ont la capacité des s’adapter aux changements et à prendre des décisions
stratégiques pour contourner les contraintes structurelles et tirer parti des opportunités disponibles.

38
Il est donc important d’adopter une approche holistique pour étudier l’agentivité des étudiant.e.s
internationaux pour comprendre comment ils façonnent leur propre expérience migratoire. Nous
avons donc choisi « la carrière migratoire » comme concept d’analyse central pour étudier leur
parcours migratoire. Le recours à ce concept permet d’appréhender les processus migratoires des
étudiant.e.s internationaux en considérant à la fois les niveaux individuels et structurels de
l’expérience migratoire. En effet, les choix individuels des migrant.e.s sont influencé.e.s par les
contraintes et les opportunités structurelles. Dans le cas de leur rétention leur décision est le résultat
d’un processus dynamique de négociation entre leurs aspirations individuelles et les possibilités ou
les contraintes structurelles (telles que les politiques d’immigration, le marché du travail et les liens
sociaux…). Il permet donc de comprendre comment les décisions individuelles des étudiant.e.s
internationaux sont influencées par les contextes structurels dans lesquels ils(elles) évoluent et
comment leur expérience migratoire peut évoluer au fil du temps en fonction des changements dans
leur vie personnelle et professionnelle et des politiques migratoires dans le pays d’accueil.

I.6.2 S’intéresser à l’expérience urbaine dans la ville d’accueil

Dans la littérature que nous venons de présenter, les travaux sur l’expérience migratoire des
étudiant.e.s internationaux ont suivi les questions traditionnelles de l’immigration, notamment
l’accueil et l’hospitalité, l’intégration dans la société d’accueil, les choix résidentiels et les facteurs
sociaux et institutionnels qui peuvent influencer leur rétention après la fin des études. En revanche,
il y a peu de recherches sur leur vie quotidienne et leur expérience urbaine dans les villes de
migration. Comme nous l’avons vu, la présence des étudiant.e.s internationaux dans les villes est
souvent analysée sous l’angle socioéconomique. La majorité de ces travaux sont quantitatifs et
mesurent les impacts positifs et négatifs de la présence des étudiants internationaux dans les villes.
Entre apports économiques, l’« international studentification » et la gentrification des quartiers
centraux, les étudiant.e.s internationaux sont présenté.e.s comme des facteurs de changement et
non pas comme des acteurs qui participent à leur dynamique socio-urbaine. Cependant, comme les
autres immigrant.e.s, ils(elles) vivent aussi leur quotidienneté dans ces villes. En effet, leur
présence a d’importants impacts sur la vie urbaine des villes, mais leur quotidienneté et leur bien-
être dépendent de plusieurs facteurs urbains comme le transport public, les services, l’offre
culturelle, la sécurité, la diversité et le cadre bâti. Il est donc important de documenter l’expérience

39
urbaine des étudiant.e.s internationaux dans les villes de migration. En examinant les logiques de
déplacement et la géographie des espaces qu’ils fréquentent, nous pourrons apporter une
compréhension plus approfondie du vécu des étudiant.e.s internationaux et de leurs dynamiques
socio-culturelles dans les villes de migration.

I.6.3 S’intéresser aux Maghrébins : un groupe d’étudiant.e.s sous-documenté au


Québec

Nous l’avons vu, depuis quelques années, le nombre des étudiant.e.s internationaux au Québec a
considérablement augmenté et leurs profils se sont beaucoup diversifiés. La province cherche
toujours à attirer des personnes jeunes et francophones et les étudiant.e.s internationaux originaires
du Maghreb répondent à ses exigences. Ils représentent un flux migratoire relativement nouveau
au Québec par rapport aux autres communautés. Depuis l’an 2015, les statistiques montrent une
croissance de plus de 150% de ce groupe d’étudiant.e.s internationaux et la majorité d’entre eux
choisissent Montréal comme ville de destination (nous reviendrions en détails sur ces chiffres dans
le chapitre 3). Il est donc important de s’intéresser aux parcours migratoires de ce groupe de
migrant.e.s au Québec et à Montréal. Dans le cadre de cette thèse, nous allons examiner les
nouveaux étudiants internationaux originaires des trois pays du Maghreb (Maroc, Algérie et
Tunisie) qui séjournent à Montréal, comme cas d’étude. Nous reviendrons sur les détails de notre
démarche méthodologique dans le chapitre 3.

Dans le prochain chapitre, nous allons présenter le cadre conceptuel et les questions opérationnelles
qui guideront cette recherche sur la carrière migratoire des étudiants internationaux maghrébins et
qui ont choisi Montréal comme ville de destination.

40
CHAPITRE 2 : QUESTION DE RECHERCHE ET CADRE
CONCEPTUEL

II.1 Introduction

Après avoir effectué une recension des écrits qui ont pensé les problématiques autour des
étudiant.e.s internationaux et leur expérience migratoire, nous allons à présent détailler les
approches conceptuelles et théoriques sur lesquelles cette recherche s’est appuyée.

En questionnant l’expérience urbaine des étudiants internationaux, nous positionnons notre


réflexion à mi-chemin entre la sociologie urbaine et les études migratoires.

Les travaux qui ont traité les parcours des étudiant.e.s internationaux ont souvent manqué la mise
en corrélation entre le phénomène migratoire et les facteurs ville et quotidienneté. Dans le cadre
de cette étude, nous proposons d’aborder l’expérience migratoire dans une perspective urbaine.
L’approche théorique que nous avons construite repose sur une analyse pluridisciplinaire qui nous
permettra de mettre en corrélation les différents aspects de la vie quotidienne des étudiants
internationaux maghrébins à Montréal et leur impact sur leur processus migratoire. En inscrivant
l’analyse de la quotidienneté dans les théories de la sociologie urbaine, son analyse sera abordée à
travers les trois axes de l’expérience urbaine : les ambiances urbaines, les rapports et liens sociaux
et le rapport à l’espace. Ce dernier est aussi une des dimensions du capital spatial qui est au centre
de notre recherche.

La réflexion globale du projet s’inscrit dans les études migratoires. Nous rejoignons les
chercheur.e.s qui ont recours au concept de « la carrière migratoire » qui constituera la structure
de base de notre réflexion théorique globale et le déroulement de la recherche. Ce concept permet
une analyse multiniveau tout au long du processus migratoire. Il représente l’élément central autour
duquel gravitent les différents aspects de notre thèse.

En somme, il va y avoir deux approches théoriques centrales dans cette recherche. D’un côté, la
construction d’une vie quotidienne et l’expérience urbaine des étudiant.e.s internationaux dans la

41
ville d’accueil. De l’autre, l’approche conceptuelle migratoire basée sur le concept de la
« carrière migratoire » qui sera la structure générale de la recherche.

II.2 La carrière migratoire

Notre recherche aborde la migration comme une expérience individuelle dans une dynamique de
mobilité internationale. Nous allons utiliser le concept de « carrière migratoire » pour comprendre
l’ensemble du processus chez les étudiant.e.s internationaux originaires du Maghreb et qui ont
choisi Montréal comme ville de destination. Le recours à ce cadre théorique nous permettra de
combler plusieurs des zones d’ombres de la littérature scientifique comme nous l’avons précisé
dans le chapitre précédent; notamment la question de la diversité dans les nouveaux parcours
migratoire (la durée du séjour, l’origine, les objectifs personnels…). En effet, pour répondre aux
recommandations de Piché (2016 ; 2018), « la carrière migratoire » permet de suivre la
construction des parcours migratoires à travers une analyse multidimensionnelle de 3
niveaux (macro, meso et micro) et ce durant tout le long du processus migratoire (avant la
migration, l’installation dans le pays d’accueil et les projets futurs) en prenant en compte le statut
de migration (Martiniello et Rea 2011 ; 2014).

À l’instar des travaux de Becker (1963), Triest, Rea et Martiniello (2010) proposent cette réflexion
pour permettre une analyse non-linéaire et multidimensionnelle des différents changements durant
toutes les étapes du processus migratoire. Ces changements dépendent du dialogue entre les 3
niveaux d’analyses : macro (les structures d’opportunités et de contraintes), meso (les ressources
mobilisables) et micro (les caractéristiques individuelles) (Triest, Rea et Martiniello 2010 ;
Martiniello et Rea 2014). L’objectif de cette démarche est d’éviter le découpage entre les étapes
du processus migratoire en analysant les relations de causalité entre les trois niveaux (figure 2.1).

L’approche proposée par Rea et Martiniello se concentre sur la construction des processus non-
linéaires individuels plutôt que sur les carrières collectives ou sur un modèle d’intégration
universel. Sa construction repose sur l’articulation de ces trois niveaux d’analyse. En résumé,
l’approche théorique de la carrière migratoire vise à dépasser les limites des méthodes et des
questions traditionnelles sur l’immigration. Elle offre une compréhension multifactorielle et une
analyse multiniveau du processus migratoire.
42
Figure 2. 1 : Un schéma résumant les caractéristiques de la carrière migratoire
Source : l’Auteur

II.2.1 Les niveaux et les composantes d’analyse

II.2.1.1 Les structures d’opportunité et de contraintes : niveau d’analyse macro

Les structures d’opportunités et de contraintes représentent l’aspect politico-institutionnel


(politique migratoire, politique de l’éducation et le marché de l’enseignement supérieur) et l’aspect
économique de l’expérience migratoire de l’étudiant. Durant l’élaboration du projet migratoire, le

43
volet politico-institutionnel est un point central dans le choix du pays (ou de la province) de
destination. Par exemple, pour étudier au Québec, le (la) candidat.e doit avoir en sa possession une
admission dans l’université de formation, un Certificat d’Acceptation au Québec (CAQ), un Visa
remis par le gouvernement canadien et un permis d’étude comme titre de séjour. Les candidats
inscrits dans un programme de doctorat peuvent obtenir une bourse gouvernementale d’exemption
des droits de scolarité supplémentaires exigés aux étudiants internationaux. La politique
d’éducation permet à ces étudiants de travailler à l’intérieur du campus universitaire, ou un
maximum de vingt heures par semaine en dehors du campus. Après la fin des études, le(la)
migrant.e devra changer son titre de séjour. Les politiques d’accès à la résidence permanente et à
la citoyenneté peuvent, donc, être des contraintes d’immigration. Le volet économique a aussi une
influence sur la destination durant l’élaboration du projet migratoire, avoir ou non accès à une
bourse, par exemple. Il peut aussi être décisif dans le choix de destination après la fin des études.
En effet, l’accès à un emploi qualifié après la fin des études a une grande influence sur le choix de
la destination post-diplôme (Godin et Rea 2011, Martiniello et Rea 2011, 2014). Germain et Vultur
ont ajouté l’expérience universitaire (services d’accueil, les rapports et liens sociaux dans les
laboratoires de recherches et la vie associative) dans le volet institutionnel des structures. En effet,
celle-ci joue un rôle significatif dans l’inclusion et le parcours migratoire des étudiant.e.s
internationaux (Germain et Vultur 2016).

II.2.1.2 Les ressources mobilisables : niveau d’analyse meso

Pour Godin et Rea (2011), et Martinello et Rea (2011, 2014), les ressources mobilisables sont les
réseaux sociaux de la personne dans la ville de migration. Nous l’avons vu, ce niveau d’analyse est
une question traditionnelle dans les travaux sur l’intégration socioprofessionnelle des
immigrant.e.s. L’analyse des réseaux sociaux est nécessaire pour comprendre comment l’acteur
mobilise ses ressources pour s’adapter aux changements dans les structures d’opportunités (et de
contraintes). Il est donc important de regarder de plus près les caractéristiques des personnes des
différents réseaux et les types de liens entre ses membres. Une autre ressource mobilisable qu’a
introduit Anna Goudet (2021) dans sa thèse est le capital économique. Selon elle, les migrant.e.s
n’ont pas tous la même gestion de l’argent et ils(elles) peuvent avoir recours à ce capital pour
financer une partie de leur séjour ou encore investir dans un nouveau projet dans le pays d’accueil.

44
Néanmoins, dans le cadre de cette étude, les réseaux sociaux sont les seules ressources mobilisables
à prendre en compte et les différents capitaux tels qu’ils sont définis par Pierre Bourdieu
(économique, culturel, symbolique et migratoire) demeurent des caractéristiques individuelles
(niveau micro).

II.2.1.3 Les caractéristiques individuelles : niveau d’analyse micro

Au-delà des structures d’opportunité et des ressources, le processus de carrière migratoire dépend
des motivations et les projets personnels des migrant.e.s qui sont en lien avec les caractéristiques
individuelles de la personne. Par caractéristiques individuelles Martiniello et Rea font référence au
statut d’immigration, à l’origine sociale, à l’âge, au niveau d’éducation, au genre, au statut marital,
au pays d’origine, et à tout ce qui définit la personne. Elles ont une influence directe sur les choix
et les changements tout au long du processus migratoire. Il est important de comprendre les liens
entre d’une part les caractéristiques individuelles et d’autre part, les ressources et les structures,
pour dresser les différents profils des carrières migratoires possibles. Les compétences acquises
durant le processus sont également des facteurs personnels à prendre en considération durant la
construction de la carrière migratoire. Inclure les caractéristiques personnelles du migrant « permet
de s’opposer à une vision homogénéisante stéréotypée des migrants » (Martiniello et Rea 2011, 8).

II.2.2 Les dimensions de la carrière migratoire

Comme nous l’avons mentionné, la théorisation de la « carrière migratoire » était basée sur les
travaux de l’anthropologue Howard Becker sur la notion de « la carrière ». À partir de ses
caractéristiques, les sociologues Martiniello et Rea ont proposé cinq dimensions déterminantes
pour « carrière migratoire ».

II.2.2.1 Les dimensions subjective et objective

Selon Howard Becker, la « carrière » a, à la fois, une dimension objective (l’aspect juridique,
institutionnel et socio-économique) et une dimension subjective (l’objectif de départ, le vécu, les

45
changements de perception et des objectifs), c’est pourquoi, la construction de la carrière
migratoire est un processus dynamique soumis à des changements et à des ajustements. Elle évolue
à travers des choix et des négociations entre les opportunités, les ressources et les objectifs de la
personne. Cette caractéristique de la carrière migratoire permet d’étudier la complexité des
expériences migratoires en prenant en compte les stratégies et les objectifs de la personne.

II.2.2.2 La notion de réussite :

Dans les travaux sur l’intégration, la réussite et l’échec du trajet dépendent de la société à laquelle
appartient le migrant. Tandis que la carrière migratoire est envisagée comme un projet individuel
et une stratégie que l’acteur mobile peut planifier sans obéir à la standardisation du trajet migratoire
imposée par les sociétés d’origines et les sociétés d’accueil. Lui seul peut juger s’il a réussi son
projet et a atteint ses objectifs. Néanmoins, la perception collective de la réussite peut avoir un
impact sur les stratégies et les choix des personnes. Il est donc important d’étudier les expériences
migratoires à travers les objectifs et les perspectives changeantes du processus migratoire.

II.2.2.3 Statut juridique et identité sociale

Dans le processus migratoire, les statuts de migration sont le statut juridique de la personne. Cette
dimension permet d’étudier les déplacements entre les différents statuts (de temporaire à
permanent) et les dynamiques entre les parcours migratoires et les facteurs qui peuvent influencer
leur construction.

II.2.2.4 La professionnalisation de la migration

D’après la littérature, la complexité des nouveaux processus migratoires nécessite des compétences
spécifiques pour assurer sa réussite : des connaissances en politiques migratoires, être à jour pour
saisir les opportunités et les contraintes, savoir gérer ses ressources économiques et relationnelles
qui contribuent à la construction de la carrière migratoire. L’analyse de ces compétences en lien

46
avec les difficultés et les contraintes qu’un migrant peut rencontrer dans son parcours de mobilité
permet une meilleure compréhension des stratégies et des expériences migratoires.

II.2.2.5 L’apprentissage : culture et identité sociale

La culture et l’apprentissage sont au centre du concept de la carrière. L’expérience migratoire est


aussi une source d’apprentissage d’une autre forme de culture de « l’entre-deux ». Selon Moreau
et Shleyer-Lindenmann (1995, 24), cette culture « n’est ni celle du pays d’origine, ni celle du pays
d’installation, mais un produit original soumis aux aléas des circonstances socio-historiques ».
Cette situation peut être la source d’un conflit interpersonnel en lien avec la réussite et avec les
identités personnelles.

II.2.2.6 La dimension temporelle

La dimension temporelle est cruciale dans le processus de construction d’une carrière. Dans le
contexte migratoire, les personnes doivent adapter leurs projets de mobilité aux contraintes et aux
changements qui vont se manifester durant le parcours migratoire. De plus, la carrière migratoire
est un processus à construire dans le temps. À titre d’exemple, un changement dans les politiques
migratoires du pays d’accueil peut modifier la carrière migratoire des personnes. La durée et la
période d’installation des migrant.e.s dans le pays d’accueil peut aussi jouer un rôle important dans
l’expérience migratoire. En effet, la dimension de l’apprentissage culturel peut influencer la
construction de la carrière migratoire. Aussi, la dimension temporelle peut être perçue à travers la
question de génération : les groupes migratoires d’aujourd’hui ne vont pas forcement affronter les
mêmes défis que les migrant.e.s précédent.e.s. Il est donc important de prendre en compte les deux
aspects de la dimension temporelle, la durée de la migration et la période du début du projet
migratoire.

En somme, ce concept permet d’analyser comment les personnes peuvent saisir les opportunités en
prenant en compte et naviguer entre toutes les contraintes, durant le processus migratoire en
mobilisant leurs ressources. Il met l’accent sur la dimension dynamique de la migration soulignant

47
que les trajectoires migratoires ne sont pas statiques mais évoluent au fil du temps en réponse aux
circonstances. La carrière migratoire se construit objectivement par un parcours juridico-
institutionnel et socio-économique et, d’autre part, elle se construit aussi subjectivement, en
fonction de la confrontation entre les attentes de départ et les réalités vécues au travers de
l’expérience migratoire. Donc, nous devons toujours revenir en arrière pour mieux saisir les
logiques derrière les décisions prises par le(la) migrant.e. Il inclut trois étapes ; la construction du
projet migratoire, l’adaptation et l’installation dans la ville d’accueil et les projets futurs après
l’obtention du diplôme. Ce processus prend en compte le dialogue entre les structures
d’opportunité, les contraintes du pays d’origine et du pays de migration, les ressources et les
caractéristiques personnelles de l’étudiant.e. La première étape du processus de construction de la
carrière migratoire est de choisir un pays, une ville et un programme d’étude. Ces choix peuvent
être complexes et nécessitent des dialogues entre les opportunités, les contraintes, les ressources et
les objectifs personnels. Par la suite, ils(elles) cherchent à obtenir le statut d’étudiant.e
international.e selon les politiques migratoires du pays choisi. Une fois qu’ils(elles) se sont
installé.e.s dans la ville d’accueil, ils(elles) commencent le défi de l’apprentissage culturel dans la
société d’accueil. La durée et la période du séjour sont cruciales dans les stratégies d’adaptation.
Après avoir terminé les études, l’étudiant.e va devoir choisir entre retourner dans son pays
d’origine, s’installer dans le pays de migration ou continuer son projet de migration dans un autre
projet de mobilité internationale. Ce cadre théorique permet de dresser des profils types des
carrières migratoires possibles des étudiant.e.s internationaux. La carrière migratoire est un
processus de choix en lien avec ses compétences, les objectifs de la personne, ses ressources, les
contraintes et opportunités dans le pays d’accueil.

Martiniello et Rea (2014) terminent une réflexion sur les dimensions de ce concept avec une
question sur l’influence que peut avoir la mobilité urbaine sur la construction de la carrière
migratoire. Et, cette ouverture est notre point de liaison avec la sociologie urbaine contemporaine.

II.3 Vers une sociologie urbaine de l’immigration et de l’ethnicité

La deuxième approche conceptuelle de cette étude s’inscrit dans les théories de la sociologie
urbaine. Au-delà des changements dans le processus migratoire et le statut de séjour dans le pays

48
de migration, les étudiant.e.s internationaux vont vivre des changements d’ordre cognitifs, socio-
culturel, identitaire dans leur vie quotidienne durant leurs déplacements dans la ville d’accueil.
Ils(elles) vont devoir développer de nouvelles compétences de mobilité et mobiliser leurs
ressources dans leurs déplacements quotidiens.

Dans une tentative de développer une nouvelle approche théorique pour étudier les enjeux liés aux
expériences de mobilité internationale dans les villes de migration, Annick Germain (2013b)
propose une nouvelle structure d’analyse basée sur « une sociologie urbaine de l’immigration et de
l’ethnicité ». Elle avait proposé d’utiliser la sociologie urbaine pour analyser la quotidienneté et les
rapports sociaux des migrant.e.s dans la ville d’établissement. Face à la diversité des nouveaux flux
migratoires, elle souligne l’importance d’intégrer la notion de l’ethnicité pour comprendre
comment les migrant.e.s mobilisent l’espace urbain dans la construction d’une certaine
« appartenance » dans une ville d’accueil (Germain 2013).

Nous allons à notre tour emprunter des concepts et des théories de la sociologie urbaine pour
analyser l’expérience des étudiant.e.s internationaux originaires des pays du Maghreb qui
séjournent à Montréal. En se basant sur les travaux d’Annick Germain, nous allons structurer notre
recherche autour de deux principaux axes : l’ethnicité et la vie quotidienne. Dans le cadre de cette
recherche, l’ethnicité est plus une notion de structuration que d’analyse. En effet, nous allons
interroger l’expérience migratoire d’un groupe de migrant.e.s qui représente un regroupement de
plusieurs pays. Nous allons donc devoir justifier ce rassemblement à travers l’ethnicité. Pour ce qui
est de la vie quotidienne, elle est notre axe d’analyse principal pour étudier l’expérience urbaine
des étudiant.e.s internationaux dans une ville d’accueil.

Avant de s’attarder sur l’expérience urbaine et ses différents axes, nous allons définir l’ethnicité et
son importance dans les études migratoires qui mettent au centre un groupe ethnique particulier
comme les Maghrébins à Montréal auquel appartient la population de notre cas d’étude.

II.3.1 L’ethnicité

La littérature concernant l’ethnicité présente un grand nombre de définitions, qui témoignent de sa


complexité. Elle est avant tout une forme de différenciation et de classification sociales. En faisant

49
référence aux ancêtres communs, Juteau (1999) assure que l’ethnicité « n’est pas définie une fois
pour toutes et transmise héréditairement » (Juteau 1999, 33) et qu’elle est une construction sociale
issue d’interactions. Leloup et Radice rappellent que l’ethnicité :

…peut se définir, d’une part en référence à des éléments partagés au sein d’un groupe tels
que la langue, la religion, les origines géographiques ou cosmologiques, la mémoire
collective ou le projet d’avenir, l’apparence physique ou le code vestimentaires et certains
traits culturels et, d’autre part, en référence aux frontières entre les groupes et aux façons
dont ils se distinguent entre eux, les processus d’auto ou d’hétérodésignation pouvant
s’entremêler au sein de la même situation (Leloup et Radice 2008, 5).

Manaï (2018, 17) ajoute qu’elle est aussi « une expérience vécue par les individus…une conscience
commune et un sentiment partagé par des individus se sentant appartenir » un groupe ethnique. Ces
groupes ethniques sont un produit des interactions sociales entre un « Nous » et un « Eux ».

Nous appellerons un groupe ethnique, quand ils ne représentent pas des groupes de parenté,
ces groupes humains, qui nourrissent une croyance subjective à une communauté d’origine
fondée sur des similitudes de l’habitus extérieur ou des mœurs ou des deux ou sur des
souvenirs de la colonisation ou de la migration, de sorte que cette croyance devient
importante pour la propagation de la communalisation -peu importe qu’une communauté
de sang existe ou non objectivement (Weber 1995 cité dans Manaï 2018, 18).

L’usage de la notion d’ethnicité dépend du contexte analytique dans lequel elle est utilisée.
L’analyse de l’ethnicité repose donc sur différents marqueurs ethniques visibles et/ou invisibles
tels que l’apparence physique, le style vestimentaire, la langue, la religion et l’origine
géographique. Elle est basée aussi sur des marqueurs urbains comme les commerces et lieux de
cultes. En sociologie et en anthropologie, l’identité des groupes ethniques est mise en scène à
travers les différents marqueurs visibles et invisibles (Manaï 2018).

L’analyse des rapports ethniques entre les différents groupes peut aussi révéler la logique derrière
l’autodésignation des frontières entre les groupes ethniques et comment ils se distinguent les uns
des autres. Barth énonce que « le point crucial de la recherche devient la frontière ethnique qui
définit le groupe, et non le matériau culturel qu’elle renferme » (Barth 1995, 213). Les frontières

50
ethniques sont une construction sociale entre le « Nous » et les « autres ». Aussi, elles ont deux
faces, interne et externe. La face interne est définie par les personnes d’un groupe, les « Nous ».
La face externe quant à elle, est définie par les « Autres », ceux qui ne partagent pas la même
culture et la même identité du groupe en question (Barth 1995). Les frontières ne sont pas rigides,
elles peuvent se renforcer comme elles peuvent se fluidifier. La nature des rapports sociaux entre
les différents groupes peut avoir une influence directe sur leur force. La nature des frontières a
aussi une influence sur ces rapports et sur les rapports de discrimination entre les groupes. Un
changement dans la définition des frontières internes (plus flexibles ou plus fermes) peut affecter
la nature des frontières externes, ce qui aura un impact direct sur la nature des rapports sociaux
entre les groupes (Barth 1995).

Il est important de ne pas confondre migration avec ethnicité. Cette dernière est une dimension
analytique des rapports qui se manifestent entre un groupe majoritaire et un autre minoritaire ou
entre groupes minoritaires seulement. La migration, quant à elle, n’est pas un concept proprement
dit. Les migrant.e.s ne forment d’ailleurs pas tous un seul groupe ethnique, ils proviennent de
différents pays et ne partagent pas une même identité. Ils ne parlent pas tous une même langue et
n’ont pas tous les mêmes croyances religieuses.

Comme nous l’avons mentionné plus haut, l’ethnicité est l’un des axes possibles pour analyser les
dynamiques migratoires dans les villes. Nous proposons d’introduire la dimension spatiale de
l’ethnicité pour mieux saisir la présence des migrant.e.s dans les villes contemporaines. Leloup et
Radice (2008) parlent de « nouveaux territoires d’ethnicité ». Ils nous invitent à nous détacher de
la vision de la ville-mosaïque composée d’espaces ethniquement homogènes décrite par l’École de
Chicago et l’École de Los Angeles et à prendre en considération les changements urbains et sociaux
qu’a engendrés la mobilité urbaine et sociale. D’ailleurs, ils nous présentent de nouvelles approches
pour réfléchir aux liens entre l’espace et l’ethnicité. Parmi ces nouvelles approches d’analyse, nous
citons : les effets des réseaux sociaux virtuels sur l’ancrage territorial des migrants, la visibilité
ethnique à travers les commerces, la visibilité des lieux religieux dans les espaces urbains, la
coexistence et la cohabitation interethnique dans les espaces urbains (Leloup et Radice 2008).

51
II.3.1.1 Le paradigme des rapports ethniques

Piché et Renaud (2018) présentent ce paradigme comme complémentaire pour comprendre le


paradigme de discrimination. Ils trouvent que ce dernier se limite à l’analyse du processus de la
discrimination entre les groupes. Il ne permet pas d’expliquer le jeu entre les frontières internes et
externes dans les rapports sociaux. Les rapports ethniques s’expliquent à travers deux faces, interne
et externe. La face interne renvoie au « nous » et aux rapports que le groupe minoritaire « établit
avec sa spécificité historique et culturelle ». La face externe quant à elle renvoie aux « autres » et
aux rapports de domination qu’exerce le groupe majoritaire. Piché et Renaud (2018) trouvent que
les travaux autour de la discrimination ne s’intéressent qu’à la face externe et ne prennent pas en
considération ce qu’ils appellent « les stratégies de contournement » mobilisées par les groupes
minoritaires afin de contrer les obstacles et les rapports de forces. Piché et Renaud ont exposé les
résultats d’une étude sur l’insertion des immigrants sur le marché du travail. Ils ont observé leurs
sujets pendant 10 ans. Deux points importants sont à retenir de cette recherche. Premièrement, il
faut prendre en considération les écarts entre les groupes comparables. Par exemple : nous ne
pouvons pas comparer l’insertion sur le marché de l’emploi chez des jeunes issus de l’immigration
avec des jeunes natifs (l’âge d’entrée sur le marché et la durée d’exposition au marché ne sont pas
les mêmes). En second lieu, le facteur temps joue un rôle important dans l’explication des rapports
discriminatoires. Par exemple : dans la recherche d’un emploi, l’entrée sur le marché du travail et
l’expérience sur le CV d’un nouvel arrivant ne sont pas les mêmes sur le CV d’un natif (Piché et
Renaud 2018). C’est pourquoi, l’effet temps et la face interne des rapports ethniques doivent être
pris en compte dans l’analyse des rapports entre les groupes.

La ville est l’espace de la mise en scène des rapports et des interactions interethniques entre
individus ou entre groupes (Germain 2018). En faisant référence à la présence des immigrant.e.s
dans la ville, Montgomery (2017, 101) affirme que « la cité interculturelle aujourd’hui comme hier
semble symboliser toujours le mouvement entre le proche et le lointain, lieu de contraintes et
d’opportunités ». En effet, l’analyse de l’ethnicité dans les villes de migration passe nécessairement
par l’analyse des rapports ethniques dans ces espaces urbains.

…La ville concentre toutes les dynamiques sociales contradictoires. Elle est le lieu dans
lequel les citadins se rassemblent et se dispersent. C’est aussi l’endroit où les citoyens

52
cohabitent ou entrent en conflit…les villes sont donc l’espace idéal pour lire les réalités de
la diversité, de la différence et de la pluralité (Manaï 2018, 08).

Comme nous l’avons mentionné, dans le cadre de cette recherche, nous nous intéressons aux
étudiants internationaux originaires du Maghreb et qui séjournent à Montréal. Quand un groupe
ethnique est un regroupement de plusieurs pays, il faut expliquer cette identification fort critiquée
(Piché et Renaud 2018). Maintenant que nous avons défini l’ethnicité et ses différentes facettes,
nous allons illustrer le dialogue entre les frontières pour répondre à la question : est-ce que les
Maghrébins représentent un groupe ethnique à Montréal?

II.3.1.2 Les Maghrébins, un groupe ethnique à Montréal

Entre les conquêtes arabo-musulmanes des pays d’Afrique du Nord et la colonisation française, les
personnes issues de ces trois pays partagent une même histoire, ou presque. Le changement
territorial qu’a connu la région après la décolonisation a laissé « des traces dans tous les plis des
sociétés du Maghreb » (Manaï 2018, 20). Par ailleurs, Bochra Manaï affirme qu’à Montréal
« l’identification « Maghrébine » …est endossée par les Maghrébins parce qu’il s’agit d’une
définition qui leur est imposée par la société d’accueil » (Manaï 2015, 113). Ce « groupe » a
plusieurs identifications ethnique, religieuse, régionale et linguistique, ce qui complexifie les
frontières internes du groupe. La confusion entre Maghrébins, Arabes et musulmans est facile. Or,
les Maghrébins ne sont pas tous musulmans et ils ne sont pas tous arabes. C’est pourquoi, en
travaillant sur ce groupe, il faut toujours faire attention aux marqueurs choisis pour les identifier.
C’est un groupe complexe composé de musulmans et de non-musulmans, d’arabes et de berbères
et les personnes de ce groupe ont des appartenances nationales différentes.

II.3.1.3 Les Maghrébins et les rapports ethniques dans l’espace urbain

Dans les villes de migration, la diversité culturelle, concentrée au sein de l’environnement urbain,
se traduit spatialement par des formes de marquage ethnique visibles qui reflètent les différents
usages que font certaines populations migrantes de cet espace. Le plus souvent, ce marquage

53
ethnique opère par l’entremise d’institutions plus ou moins directement affiliées à une communauté
culturelle.

Ce qu’appelle Manaï (2018) les marqueurs de la « maghrébinité » à Montréal peuvent être observés
à travers la religion et le commerce. Ces deux marqueurs, qui témoignent de la présence des
Maghrébin.e.s dans les espaces urbains, ont plusieurs dimensions : architecturale, urbaine et
sociale. Dans le contexte socio-spatial, Montréal a connu une croissance importante des commerces
maghrébin.e.s sur une artère de la rue Jean-Talon donnant naissance à ce qu’on appelle le Petit-
Maghreb. Selon Manaï, au-delà de sa fonction principale (artère commerciale), le Petit-Maghreb
est un espace de sociabilité qui participe à l’intégration et « au renforcement du sentiment
d’appartenance » chez les personnes de ce groupe. Dans un contexte architectural et urbain, la
visibilité des lieux de culte musulmans affirme le « retour » du religieux dans les espaces urbains,
ce qui semble être une source de conflits (Manaï 2015, 2018, Meintel 2018).

Au Québec, plusieurs auteurs notent que la discrimination11 envers les migrant.e.s qui s’identifient
comme musulmans commence à prendre de l’ampleur (Labelle et coll 2007; Mercier-Dalphond et
Helly 2021). L’un des groupes les plus discriminés et stigmatisés au Québec serait celui des
Maghrébin.e.s (Manaï 2015 ; Arcand, Lenoir-Achdjian et Helly 2009). Depuis qu’obtenir un visa
pour émigrer en France est devenu plus difficile, et avec les problèmes politiques et économiques
dans de nombreux pays d’origine (terrorisme en Algérie, chômage et pauvreté au Maroc, etc.), le
Québec et spécifiquement la ville de Montréal sont devenus une destination de choix pour les
Maghrébin.e.s (Manaï 2018). Le Québec a démontré un grand intérêt pour ce groupe, notamment
pour des raisons linguistiques : le Québec encourage l’arrivée des francophones. Ils sont jeunes et
ils sont « hautement qualifiés et ont une grande expérience professionnelle » (Ferhi 2013). Les
Maghrébin.e.s sont identifié.e.s comme un groupe musulman. La visibilité des marqueurs
ethniques tels que le Hijab et la place qu’occupe l’identité religieuse dans les rapports
discriminatoires nécessite un arrêt sur l’Islam. Depuis quelques années, le monde a connu une
montée générale de la discrimination et des crimes haineux envers les personnes musulmanes

11La discrimination est le produit d’un traitement différentiel entre groupes ethniques. Elle s’explique aussi par les inégalités d’accès
aux ressources et « se rattache directement à la problématique de l’équité et de l’accès aux droits de la personne » (Piché et Renaud
2018, p6. 4). Elle ne se manifeste que s’il y a un rapport de force inégal entre deux groupes où les majoritaires appliquent des
critères d’exclusions sur des minoritaires ; à titre d’exemple, la non-reconnaissance des diplômes des immigrants dans les pays
d’accueil (Piché et Renaud 2018).

54
(Ferhi 2013). Elles se trouvent sujets de discrimination due à l’islamophobie et la xénophobie. Les
événements du 11 septembre 2001 et le tsunami médiatique qui a suivi ainsi que les différents
groupes terroristes qui se sont développés au Moyen-Orient ont contribué à construire une image
négative et falsifiée de l’Islam et des musulmans dans l’opinion publique (Antonius 2002, Helly et
al. 2010) : « …Les jeunes immigrants musulmans sont souvent représentés comme une menace
potentielle au vivre-ensemble » (Meintel 2018, 111).

Néanmoins, les rapports sociaux entre le groupe des Maghrébin.e.s et les autres groupes ethniques
à Montréal sont plus fluides et s’inscrivent dans une logique de « cohabitation pacifique et
distante». Comme l’a affirmé Annick Germain (2013), Montréal est un laboratoire particulier qui
permet d’observer « une mise en scène de la différence » dans les espaces urbains. La question de
la visibilité et de l’altérité se pose très souvent dans les villes de migration. Les travaux de Germain,
Jean et Richard (2015) témoignent de la particularité montréalaise par rapport à la vie sociale et la
cohabitation interethnique dans ses espaces publics urbains et dans les quartiers de classes
moyennes. Leurs travaux ont confirmé la présence d’une cohabitation non conflictuelle entre les
différents groupes ethniques dans les espaces publics à Montréal.

II.3.2 La sociologie urbaine au service des questions migratoires : Construire sa vie


quotidienne dans une ville de migration

L’intégration des théories de la sociologie urbaine apporte une contribution significative à l’analyse
des expériences migratoires dans les villes d’accueil. Au début de leur parcours, les migrant.e.s
seront affronté.e.s à de nouveaux défis comme la recherche d’un logement et d’un emploi, la
construction de nouveaux réseaux sociaux, la mobilité et l’accès aux moyens de transport. Pour les
étudiant.e.s internationaux, le défi est plus important. Ils doivent trouver un équilibre entre les
études, le travail et les autres aspects de la vie quotidienne. En effet, l’un des enjeux majeurs pour
les nouveaux migrant.e.s dans une ville d’accueil est la construction de leur vie quotidienne.

La construction de la vie quotidienne des personnes migrantes peut être abordée à partir de
plusieurs angles. En sociologie urbaine, l’angle d’analyse peut être à travers l’habiter qui renvoie
à la manière dont la personne s’approprie et utilise son environnement socio-spatial. Il permet de
comprendre comment les nouveaux arrivant.e.s s’adaptent dans la ville d’accueil à travers plusieurs

55
dimensions comme le lieu de résidence, la vie de quartier, les rapports et les liens sociaux dans
l’espace, l’expérience urbaine ou sur la mobilité. Il existe plusieurs approches pour étudier la
construction de la vie quotidienne et les recherches ont mobilisé plusieurs courants théoriques
géographiques et sociologiques afin de comprendre comment les migrant.e.s s’adaptent dans une
ville métropole du Nord. Cependant, nous sommes convaincu que l’habiter nous permet d’obtenir
une meilleure compréhension de l’expérience urbaine des étudiant.e.s internationaux à Montréal.

II.3.2.1 Habiter une métropole

Selon Remy (2015, 48), « Les pratiques d’habiter, loin de se ramener au seul logement, s’étendent
à tous les espaces de la vie quotidienne ». La spatialisation de la vie quotidienne s’exprime à travers
l’habiter. Elle peut être définie comme étant « l’ensemble des pratiques des lieux » (Stock 2001).
Dans ce contexte, les pratiques d’un lieu vont au-delà de la simple fréquentation. C’est le fait
d’associer une action, un comportement avec des lieux qui ont un certain sens pour l’usager.
Pratiquer un lieu « c’est en faire l’expérience, c’est déployer, en actes, un faire qui a une certaine
signification ; on se focalise alors fondamentalement sur les manières dont les individus font avec
lieu » (Stock 2012, 6). Les pratiques de l’habiter ont une dimension symbolique des lieux
fréquentés au quotidien.

Dans les villes métropoles d’aujourd’hui, la vie quotidienne n’est plus structurée, elle devient une
construction individuelle. Ce n’est plus une question de mode de vie, mais de « style de vie ».
Autrement dit, chaque personne développe son propre style de vie. C’est un système de préférences
construit individuellement où le « nous » perd son sens (Bourdin 2005). Dans ce sens, la vie
quotidienne devient une « aventure » avec tout ce qu’elle amène de stress, d’inquiétude et
d’incertitude, mais qui donne beaucoup de liberté aux personnes.

Construire sa vie quotidienne y est difficile et angoissant, même si cette aventure, quand
elle réussit, peut se révéler exaltante et donner l’impression de beaucoup de liberté et de
maitrise (Bourdin 2005, 107).

Dans les métropoles actuelles, la vie quotidienne échappe aux contrôles des différents groupes
sociaux. C’est pourquoi la sociologie urbaine contemporaine privilégie l’expérience spécifique
pour aborder cette quotidienneté. En effet, le passage du « mode de vie » au « style de vie » est au
56
centre de l’expérience individuelle. C’est pourquoi, nous nous intéressons aux expériences urbaines
des migrant.e.s séparément.

II.3.2.2 L’expérience urbaine pour étudier la quotidienneté dans une ville de migration

Pour Bourdin (2005), l’expérience urbaine permet de saisir les différentes manières avec lesquelles
une personne structure sa vie quotidienne. Partir de l’habiter pour analyser l’expérience
individuelle nécessite une mise en contexte bien précise. À l’instar des travaux de Alain Bourdin
(2005) nous proposons la dimension urbaine comme contexte analytique tout en prenant en
considération la dimension sociale de la vie quotidienne. Par définition, l’expérience urbaine
renvoie à l’ensemble des expériences de la vie quotidienne que la personne peut vivre dans son
environnement (spatiales, sociales, culturelles, économique). Elle peut être appréhendée à travers
trois axes : les ambiances urbaines et architecturales, les liens et les rapports sociaux et le rapport
à l’espace.

II.3.2.2.1 Les ambiances urbaines et architecturales

Elles sont définies comme étant l’atmosphère ou l’humeur qui se dégagent des espaces urbains.
Elles peuvent être visuelles (créées par l’architecture et l’esthétique de l’endroit), olfactives (créées
à partir des odeurs dans un environnement urbain) ou sonores (créées par les sons, le bruit ou les
voix dans un espace) (Amphaux 2003 ; Thibaud 2002). Elles ont une grande influence sur le sens
que peut donner la personne aux espaces de sa ville. Elles dépendent des perceptions qui, à son
tour, dépendent du vécu de l’individu (Thomas 2021). Cette caractéristique subjective des
ambiances confirme l’aspect individuel des expériences urbaines.

II.3.2.2.2 Les liens et les rapports sociaux

Dans la planification de ses déplacements quotidiens, l’individu évitera les aventures, les pertes de
temps et d’énergie (Allemand 1997 ; Bourdin 2005). La situation s’avère plus complexe pour les
nouveaux migrant.e.s, ils s’inscrivent dans une optique de découverte et d’expérimentation. Ils
auront besoin des informations nécessaires pour planifier leurs déplacements. Dans ce sens, le
réseau personnel peut être considéré comme une ressource à accumuler et à mobiliser dans une
ville d’accueil (Laffont Lemozy 2017).
57
D’autre part, l’environnement urbain favorise la construction de nouveaux liens et rapports sociaux
de différentes natures (voisinage, amicale, professionnelle) et avec différents milieux sociaux. Ces
nouveaux liens peuvent être durables et forts comme ils peuvent être faibles et éphémères.
Toutefois, les villes métropoles peuvent accentuer l’isolement social et la solitude des migrant.e.s.
Elles offrent une liberté urbaine et un anonymat qui peut rapidement devenir une source
d’isolement. Cette situation peut avoir une influence directe sur le sentiment d’appartenance dans
la ville de migration. Les rapports sociaux sont un facteur clé pour comprendre l’aspect social de
la vie quotidienne des personnes.

II.3.2.3 Le rapport à l’espace

Aujourd’hui, la vie des villes est synonyme de mobilité et de rapidité, et pour se déplacer dans cet
univers urbain, l’individu doit à tout moment décider du chemin qu’il doit prendre, décider de
l’espace par lequel il doit passer, des mondes sociaux qu’il est prêt à affronter (Bourdin 2005, Remy
2015). L’individu essayera toujours de pratiquer les espaces qu’il s’est déjà appropriés, et de
préférence des espaces qui lui sont familiers.

Remy (2015, 2016) parle de la construction d’un nouveau langage urbain et des nouvelles formes
d’appropriations dans les villes. L’appropriation est l’une des formes du rapport à l’espace et elle
donne un contenu à l’habiter. En effet, plus une personne pratique un espace, plus elle se l’approprie
(Remy 2016). Raymond (1976) considère l’appropriation comme une capacité individuelle à
pratiquer l’habiter dans un espace urbain. En sociologie urbaine, l’appropriation peut être abordée
selon deux approches : celle de la prise de possession et celle des significations. La première
approche retrouve son origine dans les travaux marxistes. Elle s’inscrit dans une logique de
contrôle d’un espace urbain par un groupe au détriment des autres. Cet angle d’approche est moins
pertinent dans le cadre de notre projet ; cependant questionner les pratiques d’un espace est
essentiel à notre problématique. Cette analyse permet de mettre l’accent sur le sens que donne la
personne à l’espace urbain qu’il s’est approprié (Germain 2015). L’appropriation a plusieurs
formes, elle peut être matérielle, symbolique, subjective ou objective et institutionnelle.
L’approche des significations permet de faire une lecture de sa forme subjective et affective qui
peut être considérée comme un attachement à un lieu ou un sentiment de chez soi (Ripoll et
Veschambre 2005 ; Remy 2015). Cette la lecture de l’espace urbain, nécessite la mobilisation de

58
plusieurs concepts comme l’urbanité12, l’indifférence civique et d’autres notions de la sociologie
urbaine.

Selon Remy (2015), la ville a une dimension socioaffective qui peut être expliquée à travers les
travaux de George Simmel. Entre les déplacements de la vie quotidienne et la cohésion réelle versus
virtuelle, une personne peut s’approprier plusieurs espaces de la métropole. Cette situation favorise
et protège le sentiment d’appartenance qui passe par les souvenirs et les sensations qu’une personne
éprouve à l’égard des espaces de la ville où il habite. Stock (2012, 8) affirme que « la répétition au
cours de temps de la pratique d’un même lieu, le lien social qui se construit dans la durée, fait
émerger le sentiment d’appartenance à un lieu ». Ce lieu peut être considéré comme un lieu
d’ancrage identitaire urbain. D’un point de vue de la mobilité, une personne peut avoir plusieurs
lieux d’ancrage identitaire dans une ville sans devoir faire un transfert d’un lieu vers un autre. Dans
ce sens, nous allons analyser les expériences urbaines des étudiant.e.s internationaux maghrébins
qui séjournent à Montréal à travers leur mobilité urbaine.

II.3.3 Le paradigme de la mobilité

Aujourd’hui, la « mobilité » constitue l’une des caractéristiques majeures de la vie quotidienne


dans les métropoles (Paulhiac 2004). Selon Remy (2015), dans le contexte actuel, où « la mobilité
est socialement valorisée et techniquement possible » l’individu se définit comme étant un être
mobile.

Lévy (2000) définit la mobilité comme étant « l'ensemble des modalités par lesquelles les
membres d’une société traitent la possibilité qu’eux-mêmes ou d’autres occupent successivement
plusieurs localisations ». Ainsi, il écarte le simple déplacement dans l’espace physique. Il ne
prend pas en considération l’aspect virtuel de la mobilité (et de la communication) en le jugeant
incontrôlable (Lévy 2000). Selon Le Breton (2006), la mobilité est « une dimension transversale
à toutes les pratiques sociales sans exception », elle reflète les appartenances culturelle et sociale
de l’individu. Il aborde la question de mobilité à travers les compétences de la personne :

12 « L'urbanité peut être définie comme procédant du « couplage de la densité et de la diversité des objets de société
dans l'espace » (Lussault, 2003). L'urbanité apparaît ainsi comme un caractère propre de la ville dont l'espace est
organisé pour faciliter au maximum toutes les formes d'interaction. » https://geoconfluences.ens-
lyon.fr/glossaire/urbanite

59
économiques, linguistiques (Le Breton 2006) et il néglige l’aspect géographique de la question.
Bourdin (2005) a introduit la notion de « mobilité généralisée » et la définit comme étant «la
capacité (et secondairement le fait) de changer de position dans un espace réel ou virtuel, qui peut
être physique, social, axiologique, culturel, affectif, cognitif » (Bourdin 2005, 68). Dans sa
définition de la mobilité Germain (2017) avance que la mobilité dépasse le simple « déplacement
dans l’espace physique », la mobilité s'accompagne d’une série de notions urbaines, sociales voir
psychologiques. Il n’est plus question de mouvement spatial, elle « est de plus en plus pensée
comme une aptitude à se mouvoir, tant sur le plan spatial que sur le plan des expériences
urbaines ». Elle donne l’exemple des migrant.e.s : « Dans leur cas, la mobilité n’est pas
seulement spatiale, mais aussi cognitive (élaborer de nouveaux repères), culturelle (affronter des
valeurs différentes) et sociale (redéfinir leurs réseaux et leurs identités) » (Germain 2017, 2).
D’autre part, Murphy-Lejeune (2002) a introduit le concept de « capital de mobilité ». Elle le
définit comme étant « une sous-composante du capital humain, rendant capable les individus
d’augmenter leur compétences grâce à la richesse de leur expérience acquise en vivant en dehors
de leur pays » (Murphy-Lejeune 2003, 51). Il permet d’étudier la capacité de la personne à
s’adapter et les compétences qui lui permettrent de faire usage de l’espace en question
(économique, culturel, linguistique…).

Kaufmann (2007) a une vision plus critique et remet en question le terme de mobilité dans la
sociologie urbaine contemporaine. Il avance que ce concept est « polysémique » et ne permet pas
au chercheur d'atteindre les différents aspects de la notion de mobilité. Il a diagnostiqué cinq limites
à : « 1) les formes de mobilité sont considérées les unes indépendamment des autres. 2) les
interactions entre ces différentes formes sont ignorées. 3) La notion de mobilité se focalise souvent
sur la géographie du mouvement et non sur l’acteur mobile. 4) les temporalités sont généralement
oubliées. 5) La sociologie des transports, sous-développée, constitue par ailleurs un trou dans l’état
des savoirs. » (Kaufmann 2007, 177). Kaufmann et al (2004) avaient proposé d'aborder la mobilité
comme un capital. Il propose trois dimensions d’analyse : l’accessibilité, les compétences et
l’appropriation (Kaufmann et al. 2004). Lévy (2000) introduit le concept de « capital spatial » et le
définit comme un « ensemble de ressources, accumulées par un acteur, lui permettant de tirer
avantage, en fonction de sa stratégie, de l’usage de la dimension spatiale » (Lévy 2000, 124), mais
son approche est plus géographique et la dimension d’« appropriation spatiale » n'apparait pas
vraiment dans sa définition du concept. Vincent Kaufmann (2005, 2007) ajoute une quatrième

60
dimension : « le contexte ». Il propose d’utiliser le terme de « motilité » au lieu de mobilité qui
selon lui « focalise l’attention du chercheur sur le déplacement dans l’espace-temps beaucoup plus
que sur l’acteur mobile ».

…la motilité, il est en effet important de ne pas confondre la potentialité avec le mouvement
lui-même. (…) La motilité peut être définie comme la capacité d’une personne ou d’un
groupe à être mobile, spatialement et virtuellement (Kaufmann 2007, 179)

Dans le cadre de notre recherche, le contexte qui est la quatrième dimension de la motilité ne
change pas et reste pareil pour tous nos participants. Nous allons donc utiliser le « capital spatial »
pour étudier la mobilité urbaine de nos participants. Les trois dimensions d’analyse de ce concept
vont nous permettre d'appréhender les différents aspects de l’expérience urbaine des étudiants
internationaux et à identifier le sens que les étudiant.e.s internationaux maghrébins donnent à
Montréal et à ses espaces urbains.

II.3.4 De la mobilité urbaine au capital spatial

Lorsqu’un chercheur évoque la mobilité, il doit préciser le contexte dans lequel il va la


« mobiliser ». En sciences humaines, elle peut graviter autour de quatre formes principales : la
mobilité résidentielle, la migration, le tourisme et les déplacements de la vie quotidienne. Dans le
cadre de cette recherche, comme nous l’avons précisé plus haut, nous allons utiliser le concept de
« capital spatial » pour analyser la mobilité quotidienne des étudiants en situation de mobilité
internationale. Selon Rérat (2017), le capital spatial est l’ensemble des ressources mobilisables
qu’une personne utilise dans ses pratiques spatiales et dans le processus d’appropriation de
différents espaces urbains simultanément. Cette notion peut être définie à travers trois niveaux
d’analyse : l’accessibilité, les compétences et l’appropriation (Rérat 2017). Il est la manière dont
un individu fait sien le champ des possibles en termes de mobilité. Par rapport aux capitaux de
Bourdieu (économique, culturel, social, symbolique), la mobilité comme capital est l’ensemble des
ressources et des compétences mobilisées pour tirer usage de la dimension spatiale de la société.

Dans l’analyse de la mobilité quotidienne, le capital spatial doit être perçu comme une structure de
ses trois composantes. Selon Kaufmann, l’action du déplacement est une production de ces

61
dimensions. Un acteur peut avoir accès à un espace urbain, mais s’il n’a pas de compétences de
mobilité, il ne pourra pas se déplacer. Kauffmann donne l’exemple d’une personne qui habite près
d’un cinéma, mais qui ne peut pas le fréquenter par manque de savoir-faire ou de capacité
économique.

II.3.4.1 Accessibilité

Cette dimension renvoie à la disponibilité des moyens de déplacements. Celle-ci dépend de deux
aspects : les services de transports et la localisation résidentielle. Les services de transports
concernent les différentes conditions en termes de coûts et d’horaires de services. Ces conditions
sont étroitement liées au lieu de résidence de l’acteur mobile. La localisation géographique des
différents espaces joue un rôle important dans la planification des déplacements quotidiens. En
effet, la mobilité quotidienne réalisée dans l’espace-temps prend en considération la durée et le
coût du trajet qui mène de l’espace A (le lieu de départ) à l’espace B (la destination) (Rérat 2017 ;
Kaufmann 2007 ; Kaufmann et Jemelin 2008).

L’accessibilité fait référence à trois dimensions : la disposition d’un moyen de transport individuel
(voiture, bicyclette…), l’accessibilité aux différents moyens de télécommunication pour la
planification des déplacements quotidiens, et les caractéristiques physiques de l’espace. Cette
dernière permet d’examiner l'espace s’il est accessible à travers les transports en commun, s’il
permet une accessibilité pour tous (exemple: les personnes en situation de handicap) et s’il est privé
ou public. Le niveau de sécurité des espaces est aussi pris en considération par les acteurs dans leur
accès à la mobilité (Rérat 2017 ; Kaufmann 2007).

Les conditions météorologiques ont aussi une influence directe sur l’accessibilité aux espaces
urbains. Rude et long, l’hiver québécois surprend et demande une certaine adaptation. Il affecte
tous les aspects de la vie quotidienne. Il demeure un facteur déterminant dans l’expérience urbaine
et la mobilité des personnes, en particulier les nouveaux arrivant.e.s. Entre climat physique et
climat social, ils seront en phase de découverte et d’expérience. Ils seront amenés à s’adapter à un
nouveau style de vie urbaine et sociale simultanément. Les conditions hivernales rigoureuses de
Montréal, notre terrain d’étude, demandent des compétences et des ressources nouvelles pour
savoir comment se déplacer et comment construire sa vie quotidienne.
62
II.3.4.2 Compétences

Les compétences s’articulent autour de trois aspects : les aptitudes physiques à se déplacer, les
savoirs acquis et les compétences à planifier ses déplacements. L’aptitude physique peut être
définie comme la capacité de la personne à être mobile. Par savoirs acquis, Kaufmann et Rérat font
référence aux différentes connaissances qui offrent un plus grand potentiel de mobilité à l’acteur
tel que : le permis de conduire, l’utilisation de plusieurs langues, etc. Les compétences à planifier
les déplacements renvoient aux capacités organisationnelles qui permettent de répondre à la
question : comment se déplacer de l’espace A à l’espace B ? L’acteur partira à la recherche des
informations nécessaires pour la planification de ses déplacements. Aujourd’hui, ces informations
sont accessibles dans les deux mondes : le monde virtuel et le monde réel. S’il a accès à un appareil
de télécommunication tel un smartphone, il aura accès aux informations disponibles dans le monde
virtuel. Dans le monde réel, l’acteur mobilisera son réseau social pour acquérir les informations
nécessaires qui lui permettront de planifier ses déplacements. Les expériences de mobilité sont une
source de compétences qui permettront à la personne de mieux planifier ses déplacements
quotidiens (Rérat 2017 ; Kaufmann 2007 ; Kaufmann et Jemelin 2008).

II.3.4.3 L’appropriation

Cette dimension renvoie aux sens donnés à la mobilité et aux espaces accessibles par l’acteur (Rérat
2017 ; Kaufmann et al. 2004 ; Kaufmann et Jemelin 2008). Par définition, l’appropriation spatiale
survient lorsqu’un lieu a des significations pour l’individu. Selon Jean Remy (2015, 2016) et
Murphy (2017), l’appropriation d’un espace urbain découle du sentiment d’appartenance à un lieu
qu’éprouve un individu envers cet espace urbain. Plus une personne pratique un espace durant son
quotidien, plus elle se l’approprie, « c’est l’espace qui m’appartient et auquel j’appartiens à mon
tour » (Belhedi 2006 ; Marchal 2012). Le processus d’identification spatiale est un croisement entre
l’appropriation et l’appartenance.

L’appartenance à un lieu peut être définie comme étant un lien ou un rapport sentimental entre une
personne et le lieu géographique qu’il fréquente. L’espace en question représente un lieu d’ancrage
identitaire pour la personne qui se définit en se référant à lui (Stock 2006). Cette appartenance est

63
l’une des multiples facettes de l’habiter. La répétition au cours du temps de la pratique d’un même
lieu contribue à la construction du lien qui fait émerger les sentiments d’appartenance et du « chez-
soi ». Dans le cadre de ce projet, nous abordons l’appropriation à travers les significations et le
degré de l’attachement au lieu pour la personne par rapport à sa vie quotidienne, son usage des
espaces et sa mobilité urbaine.

La question du référent géographique identitaire se complexifie lorsqu’on aborde l’échelle des


métropoles qui exigent une mobilité quotidienne constante. C’est dans ce contexte que la notion de
capital spatial devient nécessaire pour analyser la mobilité quotidienne. En effet, du point de vue
de la mobilité, il n’est plus question d’appartenance à un lieu, mais d’appartenance spatiale. Dans
le sens où, une personne peut s’approprier plusieurs espaces urbains en même temps sans procéder
à un transfert de lieu d’ancrage identitaire13 (Stock 2006). Cette situation favorise la construction
du sentiment du « chez-soi » par rapport à la ville et non pas à un seul espace urbain.
Théoriquement, le sentiment de chez-soi est une production des souvenirs et des sensations qu’une
personne éprouve à l’égard de l’espace pratiqué.

II.3.5 Du capital spatial au sentiment de chez-soi dans une ville

Le sentiment de chez-soi est perçu comme la forme la plus subjective du rapport à l’espace dans
l’expérience urbaine (Serfaty-Garzon 2003, 2006). Dans les études migratoires, le chez-soi est
souvent associé à l’appartement et au lieu de résidence. La reconstruction du sentiment de chez-soi
s’avère aussi importante que l’accès à un logement abordable et de qualité pour l’intégration des
personnes migrantes (Goudet 2021 ; Murdie 2002 ; Serfaty-Garzon 2006). Néanmoins, il y a
plusieurs formes de chez-soi qui nécessitent une attention plus particulière et celui qui nous
intéresse est le sentiment de chez-soi dans une ville.

Lord et al (2019) avaient d’ailleurs étudié la reconstruction du chez-soi chez des immigrants à
Montréal à travers l’intégration dans la ville et ils ont identifié quatre scénarios possibles. La
première figure est celle de la transposition. Son nom revoit à la théorie de Abdelmalek Sayad sur
le processus d’intégration des immigrant.e.s. Les personnes de ce groupe envisagent un projet de

13 Le transfert de lieu d’ancrage est le fait de quitter un espace auquel une personne est attachée pour un autre (Stock 2006).

64
migration temporaire et « transposent » leur mode de vie dans le pays d’origine à Montréal.
Ils(elles) accordent beaucoup d’importance à la vie de quartier. Donc, ils (elles) préfèrent s’installer
dans les quartiers centraux de la ville. Ils(elles) ont tendance à maintenir un lien fort avec le pays
d’origine et ils(elles) tentent de recréer leur mode de vie habituel dans le nouveau pays où ils vivent.
Le deuxième groupe adopte une figure d’entreprenariat où le chez-soi « signifie une certaine
coupure ou une déconnexion avec le pays d’origine » (Lord et al. 2019, para 39). L’objectif de
départ de ce groupe est l’installation et l’immigration permanente dans le pays d’accueil. Ils (elles)
décident alors d’intégrer la ville selon le mode vie nord-américain. Ils (elles) choisissent de
s’installer à proximité des opportunités et des ressources dans les quartiers de la banlieue
pavillonnaire. À travers les représentations qu’ils (elles) avaient de la société d’accueil et de leur
projet futur, ils(elles) ajustent leur signification du chez-soi pour qu’il corresponde à la culture
d’accueil et leurs attentes de départ. Pour Lord et ses collègues, la troisième figure est celle du
repli. Pour ce groupe, « le chez-soi se caractérise par une forte discontinuité, voire une dissociation,
entre l’image de l’habiter associée au pays d’origine et celle qui prédomine dans le nouvel
environnement » (Lord et al. 2019, para 45). Cette difficulté à se détacher de leurs sentiments
envers leurs pays d’origine peut constituer un double obstacle pour la reconstruction du chez-soi
« pour pouvoir se projeter dans le pays d’accueil, et donc d’arriver à immigrer pour de bon » (Lord
et al. 2019, para 47). Enfin, la figure de l’exploration qui regroupe les jeunes immigrant.e.s qui
s’inscrivent dans une logique de mobilité internationale. Leur rapport avec le sentiment de chez-
soi est temporaire et se définit à travers leurs expériences de mobilité. Ils préfèrent s’installer « dans
une situation où leur chez-soi conserve le potentiel du départ et de la réalisation d’autres projets »
(Lord et al. 2019, para 49).

Néanmoins, nous avons l’impression que les figures que nous venons de présenter décrivent des
personnes qui sont en quête d’une identité sociale en lien avec leurs cultures d’origine et du pays
d’accueil. Leurs choix résidentiels sont justifiés par les représentations qu’ils(elles) avaient de la
société d’accueil et le mode de vie dans lequel ils(elles) veulent vivre. Tandis que le sentiment de
chez-soi est une résultante des expériences subjectives et affectives de la personne, il est caractérisé
par un lien émotionnel que la personne peut construire avec son environnement social, culturel et
physique. Il dépend du sens que l’individu donne à son expérience et des différents facteurs de son
environnement (les pratiques socio-culturelles, les rapports et liens sociaux, les ambiances urbaines
et architecturales) et de son vécu (la discrimination, émotions ressenties…).
65
Selon Goudet (2021), ce sentiment n’est pas seulement un état d’esprit mais une construction
individuelle qui peut être influencée par les différents facteurs sociaux, culturel et physique. Dans
sa recherche sur la carrière migratoire des couples immigrants à Montréal, elle a identifié plusieurs
stratégies de comment reconstruire le sentiment de chez-soi dans un nouveau pays : les rapports et
les liens sociaux communautaires, investir dans un lieu de résidence de bonne qualité et qui répond
aux exigences du couple, et l’adoption d’un nouveau mode de vie qui correspond à la nouvelle de
ville d’installation. Si Lord et ses collègues se sont prêtés à l’exercice de laisser le sentiment de
chez-soi à une échelle libre, la recherche de Goudet s’inscrit dans les travaux qui questionnent le
chez-soi à l’échelle du lieu de résidence sans aborder l’échelle de la ville.

À notre connaissance, très peu d’études se sont intéressées au processus de construction du


sentiment de chez-soi chez les nouveaux arrivants dans une ville de migration. Cette question peut
aider à identifier les besoins des migrant.e.s en matière d’inclusion socio-spatiale notamment chez
les migrant.e.s temporaires que les gouvernements et les villes veulent garder sur leurs territoires
après la fin de leur séjour.

II.4 Questions de recherche

Dans les travaux présentés plus haut, nous avons relevé que les questions sur les expériences
migratoires des étudiant.e.s internationaux sont centrées sur : leur intégration dans la société
d’accueil, les politiques migratoires et les facteurs d’attraction et de rétention. À travers cette
recherche, nous souhaitons étudier le processus de construction de la carrière migratoire d’un
groupe d’étudiants internationaux à Montréal en mettant l’accent sur leur vie quotidienne et leur
expérience urbaine dans la ville d’accueil. Nous voulons définir la nature des liens entre
l’expérience urbaine, la construction d’un sentiment de chez-soi et la carrière migratoire des
étudiant.e.s internationaux Maghrébins qui séjournent à Montréal. À partir du cadre conceptuel et
théorique présenté dans ce chapitre, nous avons construit des questions de recherche qui guideront
le déroulement de cette étude. La question générale est la suivante :

- Comment l’expérience urbaine influence-t-elle la carrière migratoire des étudiant.e.s


internationaux d’origine maghrébine qui séjournent à Montréal?

66
Elle peut être subdivisée en quatre sous-questions plus spécifiques :

- Pourquoi les étudiants internationaux maghrébins choisissent-ils Montréal comme


ville de destination ?
- À travers cette question, nous voulons documenter les facteurs d’attraction de la ville de
Montréal et les objectifs de départ des étudiant.e.s internationaux qui la choisissent comme
destination de migration. Elle nous permettra d’étudier la première partie de la carrière
migratoire qui est la construction du projet migratoire pour étude et savoir si les trois
niveaux d’analyse (macro, meso et micro) peuvent influencer le choix de la ville et le pays
de destination dans le processus migratoire. Parmi les questions complémentaires à cette
sous-question : quels sont les motifs d’émigration ? quels sont les objectifs de départ des
étudiants internationaux maghrébins ? Comment les motifs d’émigration et les objectifs de
départ influencent-ils le choix de la ville de migration ?

- Comment les étudiants internationaux construisent-ils leur nouvelle quotidienneté


dans la ville d’accueil ?
- Cette question se focalise sur la période d’installation dans la ville de migration, de l’accueil
jusqu’à la fin du séjour. À travers elle, nous allons étudier leur expérience urbaine et leurs
déplacements à Montréal. En s’intéressant à la construction de leur vie quotidienne, nous
pourrons en premier lieu documenter les stratégies d’accueil et d’installation au début du
séjour et leur géographie résidentielle à Montréal. Par la suite, nous pourrons nous focaliser
sur leur mobilité comme expérience urbaine en prenant en considération leurs déplacements
quotidiens. Nous pourrons aussi suivre la construction de leurs réseaux sociaux à Montréal.
Enfin, à travers les espaces urbains fréquentés, nous pourrons analyser de plus pres leur
capital spatial comme une forme de rapport à l’espace. Parmi les questions
complémentaires à cette sous-question : comment les étudiants internationaux maghrébins
préparent-ils leur arrivée à Montréal ? comment mobilisent-ils leurs ressources dans leurs
déplacements et dans la construction de leur vie quotidienne ? comment les réseaux sociaux
influencent-ils la mobilité et l’expériences urbaines des étudiants internationaux
maghrébins à Montréal ?

67
- Comment la mobilité urbaine permet-elle la construction d’un sentiment de chez-soi
dans une ville de migration ?
- Cette question est purement exploratoire. La mobilité urbaine sera au centre de notre étude
sur l’expérience urbaine et la construction du capital spatial. L’un des objectifs de cette
question est de déterminer le lien entre la mobilité urbaine et le sentiment de chez-soi dans
une nouvelle ville d’installation. D’un autre côté, nous voulons proposer un processus de
construction du sentiment de chez-soi dans une ville de migration. Cette question a une
autre face cachée, en déterminant la nature du lien entre la mobilité urbaine et le sentiment
de chez-soi, nous pourrons répondre à la question : Comment la mobilité urbaine peut-elle
influencer le parcours migratoire des étudiants internationaux ?

- Comment et quand est-ce que l’expérience urbaine dans la ville d’accueil peut-elle
devenir un facteur de rétention chez les étudiants internationaux ?
- Cette question va nous permettre de déterminer les facteurs qui peuvent influencer la
rétention des étudiants internationaux dans la ville de migration. D’une part, elle explore la
nature du lien entre l’expérience urbaine et le choix de s’installer dans la ville d’étude ;
d’autre part, elle nous permettra d’identifier les relations de corrélation entre les différents
facteurs de rétention et l’expérience urbaine dans la ville de migration.

II.5 Conclusion

En somme, notre recherche est une reconstruction du processus, et nous insistons sur ce terme, de
la carrière migratoire d’un groupe d’étudiants internationaux dans une ville d’accueil à partir de
l’agentivité des acteurs. Nous distinguons une approche théorique et conceptuelle qui est, à notre
connaissance, peu documentée dans la littérature : l’apport de la mobilité et de l’expérience urbaine
dans le parcours migratoire des étudiants internationaux. Notre étude est construite à partir d’une
démarche inductive mais nous présentons ici dans la suite de cette section des hypothèses pour
mieux structurer nos objectifs de recherche.

Comme hypothèse générale, nous avançons que l’expérience de la mobilité urbaine des étudiant.e.s
internationaux favorise la construction d’un sentiment de chez-soi en lien avec la ville d’accueil,

68
qui peut être un des facteurs de leur rétention. Donc, nous avançons que l’expérience urbaine
permet de développer des rapports et des liens avec les espaces urbains de la ville d’accueil. Ce
lien peut se manifester à travers le sentiment de chez-soi qui s’inscrit dans les caractéristiques
individuelles qui peuvent avoir un impact sur la carrière migratoire de la personne.

Dans le prochain chapitre, nous allons présenter la démarche méthodologique que nous avons
choisie pour répondre à nos questions de recherche. Nous avons structuré la collecte de données
selon le processus de construction d’une carrière migratoire et nous nous sommes inspiré des
travaux présentés dans le premier chapitre et dans le deuxième chapitre pour définir les variables
et indicateurs de nos concepts d’analyse : l’expérience urbaine, la mobilité urbaine, le capital
spatial et le sentiment de chez-soi.

69
CHAPITRE 3 : APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

3.1 Introduction

Depuis que le Québec a élargi son bassin de recrutement, le visage de la migration estudiantine
s’est beaucoup diversifié à Montréal. Nous assistons à de nouveaux flux migratoires comme celui
des étudiant.e.s internationaux maghrébins qui feront l’objet de cette recherche qualitative
longitudinale. Nous avons travaillé avec de nouveaux étudiants internationaux maghrébins qui
séjournent à Montréal depuis l’automne 2019.

Dans ce chapitre nous allons expliquer nos choix méthodologiques. Nous commencerons par une
mise en contexte de la situation de Montréal relativement aux étudiant.e.s internationaux et des
Maghrébins comme cas d’étude en matière de migration estudiantine au Québec. Nous
présenterons par la suite les critères de sélection sur lesquels nous nous sommes basés pour
construire notre échantillon. Avant de détailler le déroulement de la collecte du terrain et l’impact
du COVID19 sur la recherche, nous nous attarderons sur la démarche méthodologique et sur les
méthodes de collecte de données. Nous reviendrons ensuite sur l’analyse de ces données et la
présentation des résultats. Enfin, nous terminerons avec un retour sur les questions
épistémologiques et le positionnement du chercheur.

Les détails de cette recherche ont été approuvés par le comité d’éthique de l’INRS en aout 2019
(modifications liées au COVID19 approuvées en Avril 2020).

3.2 Terrain et cas d’étude

« Le chercheur qualitatif cherche à comprendre les comportements, les valeurs, les croyances, etc.,
en fonction du contexte dans lequel la recherche est menée » (Bryman 2008, 394). Il est donc
important de commencer ce chapitre par une mise en contexte avec le choix du terrain d’étude
qu’est Montréal au Québec et du cas d’étude, soit les étudiants internationaux d’origine maghrébine
qui séjournent dans cette ville.

70
3.2.1 Montréal comme terrain d’étude

Depuis l’an 2000, les pays du Nord sont en compétition pour attirer le plus d’étudiant.e.s
internationaux sur leurs territoires. Le Canada connait une rivalité entre ses provinces pour
l’attraction de ces migrant.e.s. Cette concurrence s’est traduite par des facilités dans les procédures
de migration et par la diversité de bassins de recrutement. Les politiques et stratégies migratoires
du Québec l’ont placé en troisième position après l’Ontario et la Colombie Britannique.
Néanmoins, il est en deuxième position, après l’Ontario, en ce qui concerne l’attraction des
étudiant.e.s internationaux universitaires.

Au Québec, entre 2015 et 2019, l’effectif des étudiant.e.s internationaux a connu une hausse de
75%. En effet, en 2015, la province a accueilli 30 206 étudiant.e.s internationaux sur son territoire.
Ce chiffre a pratiquement doublé en 2019 avec 56 550 étudiant.e.s internationaux. La figure 3.1
illustre cette hausse constante dans le nombre de ces migrant.e.s temporaires. Nous pouvons
distinguer un changement important dans les chiffres entre 2017 et 2019. Cette augmentation est
due en grande partie, au succès du programme de rétention, le « PEQ » (programme d’expérience
québécoise), que les recruteur.se.s québécois.ses utilisent comme stratégie d’attraction.

2019

2018

2017

2016

2015

2014

0 10000 20000 30000 40000 50000 60000

Étudiant.es internationaux

Figure 3. 1 : Nombre de titulaires d’un permis d’étude signés au Québec selon la date de
signature (2014-2019)
Source : Ministère de l’immigration de la Francisation et de l’intégration.

71
Si nous regardons de plus près la répartition des étudiant.e.s internationaux au Québec, nous
verrons que Montréal accueille la majorité de ces résident.e.s temporaires de la province. En 2019,
plus de 72 % des étudiant.e.s internationaux au Québec séjournaient à Montréal (figure 3.2).
Parallèlement à ces chiffres, depuis quelques années, Montréal se qualifie parmi les meilleures
villes universitaires au monde selon le classement annuel de QS (Quaccquarelli Symonds -QS Best
Student Cities). En 2017, elle était en tête de liste, et depuis, elle est parmi les 20 meilleures villes
du classement. En 2018 elle figurait en 4eme position et en 2019, elle était 6eme au classement.
Montréal doit son classement avantageux à la qualité de l’enseignement dans ses universités, à la
diversité de ses activités culturelles et au fait que ses 11 établissements universitaires proposent
des formations dans les deux langues; anglais et français. Ces critères font d’elle une destination
de choix pour des anglophones qui veulent suivre une formation en anglais et améliorer leur
français, comme les étudiant.e.s originaires de la Chine et de l’Inde, et, les ressortissants de pays
francophones comme la France et les pays du Maghreb qui cherchent à poursuivre leurs études et
vivre l’expérience américaine en français.

20%

Montréal

8% Québec ville

Le reste du
72% Québec

Figure 3. 2 : Répartition des étudiant.e.s internationaux ayant un permis


d’études signé au Québec en 2019
Source : Ministère de l’immigration de la Francisation et de l’intégration.

72
Le positon de Montréal parmi les villes universitaires a suscité la curiosité de quelques chercheurs
comme Gherbi et Belkhojda (2018) qui ont fait d’elle un cas d’étude sur les « collectivités
accueillantes » des étudiant.e.s internationaux. Ils concluent que Montréal présente autant de
potentiels que de défis et qu’au-delà de la notion de ville accueillante, elle offre beaucoup
d’opportunités à cette population. Toutes ces caractéristiques font de Montréal le meilleur
laboratoire pour étudier l’expérience migratoire des étudiant.e.s internationaux au Québec,
notamment pour les étudiants francophones comme ceux originaires du Maghreb qui sont notre cas
d’étude.

3.2.2 Les Maghrébins comme cas d’étude

Dans le cadre de cette recherche, nous allons nous intéresser aux étudiants internationaux d’origine
maghrébine (Maroc, Algérie et Tunisie) qui séjournent à Montréal. La migration maghrébine est
un flux migratoire relativement récent au Canada et au Québec (Manaï 2015, 2018). Depuis
quelques années, le Québec considère ce bassin géographique comme un territoire de choix, où le
recrutement est relativement facile surtout pour attirer des étudiant.e.s internationaux.
Traditionnellement, les pays francophones européens comme la France et la Belgique, étaient les
destinations de choix pour les étudiant.e.s internationaux maghrébins. Toutefois, le Canada et plus
précisément le Québec attirent de plus en plus ces migrant.e.s, surtout avec la vague de racisme
que connait l’Europe depuis peu. Les chiffres du Ministère de l’immigration de la Francisation et
de l’intégration démontrent l’importance de cette nouvelle vague de migrant.e.s. Depuis 2014, les
trois pays maghrébins (Algérie, le Maroc et la Tunisie) figurent parmi les 10 principaux pays
d’origine des étudiant.e.s internationaux au Québec. En 2019, l’Algérie est en 4e position suivie
du Maroc. La Tunisie suit en 8e position (tableau 3.1).

73
Tableau 3. 1 : Les 10 principaux pays d’origine des étudiant.e.s internationaux au Québec
selon la date de signature du permis d’étude (2014 – 2019).

Source : Ministère de l’immigration de la Francisation et de l’intégration

Si nous isolons les chiffres des trois pays du Maghreb, nous distinguons une importante
augmentation des Maghrébin.ne.s (figure 3.3). Entre 2017 et 2019 le nombre de permis d’études
signés pour les ressortissant.e.s algérien.ne.s a connu une croissance qui dépasse les 150 %. En
2017, le ministère a rapporté avoir délivré 895 permis d’étude aux Algérien.ne.s. Dans la cohorte
de 2019, 2515 permis signés sont destinés à la même population et 2424 permis pour les
Marocain.ne.s qui ont connu une croissance de 40% durant la même période. Les permis d’étude
signés pour les Tunisiens ont aussi connu une augmentation mais qui ne dépasse pas les 10%.

Cette hausse dans les nombres de permis d’études signés des Maghrébin.ne.s, nous incite à nous
intéresser aux parcours et aux expériences migratoires de cette population qui est en constante
augmentation depuis 2015. D’après les chiffres du Ministère de l’immigration, réfugiés et
citoyenneté Canada, la grande majorité des permis d’études de ce groupe sont pour des études
universitaires. C’est pourquoi, dans le cadre de cette recherche, nous avons choisi de travailler avec
les étudiants internationaux d’origine maghrébines qui sont venus au Québec avec un permis
d’étude pour des études universitaires. Nous allons maintenant expliquer nos choix
d’échantillonnage et notre démarche méthodologique pour étudier l’expérience urbaine de cette
population

74
3. 3 Échantillonnage et recrutement des participants

À partir du cadre théorique et du cadre conceptuel, nous avons établi une grille de recrutement afin
d’avoir un échantillon raisonné du cas d’étude construit à partir de nos variables. Au début de notre
terrain, nous avions pour objectifs de recruter 30 participants selon les critères suivants :

• Nouvel étudiant : La premier critère de recrutement était que les étudiants devaient être
récemment arrivés à Montréal. Nous avons établi une période bien précise : entre août 2019
et septembre 2019. Notre objectif était de suivre la construction de la vie quotidienne dans
une nouvelle ville de migration. Nous voulions suivre la construction d’un nouveau
sentiment de chez-soi dans cette nouvelle ville. Pour atteindre cet objectif, il fallait suivre
le développement du processus depuis le début afin de pouvoir lui donner une forme et une
structure par la suite.

3000

2500

2000

1500

1000

500

0
2014 2015 2016 2017 2018 2019

Algérie Maroc Tunisie

Figure 3. 3 : Nombre de permis d’études signés pour les ressortissant.e.s maghrébin.e.s


au Québec entre 2014 et 2019
Source : Ministère de l’immigration de la Francisation et de l’intégration.

75
• Le pays d’origine : En se basant sur la catégorisation des statistiques et en tenant compte
de leurs poids respectifs dans la population migrante maghrébine à Montréal l’échantillon
est partagé entre les trois pays dits du Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie). Les Algériens
représentent le plus grand nombre d’étudiants, suivis des Marocains qui sont moins
nombreux dans les rangs des étudiants internationaux maghrébins au Québec et des
Tunisiens les moins représentés. C’est pourquoi notre échantillon est composé de 55 %
d’Algériens, de 30 % Marocains et de 15 %Tunisiens.

• Domaine d’étude : Afin de mieux comprendre la réalité des étudiants internationaux


maghrébins à Montréal, nous avons veillé à inclure une diversité de formations dans
l’échantillon (tableau 3.2 pour les différentes formations). Nous verrons par la suite que ce
critère de sélection est un facteur qui exerce une influence sur leur carrière migratoire.

• Le niveau de formation : En construisant ce projet, nous avions centré notre recherche sur
les étudiants universitaires de 2eme et 3eme cycles seulement. Mais, quand nous avons
commencé le recrutement, nous avons remarqué qu’une tendance de changement de
formation (de la maitrise au DEP) était une réalité de notre cas d’étude. Nous avons alors
élargi notre échantillon et nous avons ajouté une nouvelle section composée de ces
étudiants. Nous comptons 7 étudiants de DEP parmi nos participants, 1 seul d’entre eux est
tunisien.

• Situation matrimoniale : Nous voulions construire un échantillon avec des situations


matrimoniales multiples : célibataires, fiancés et mariés. Nous voulions tester l’influence
de cette variable sur la carrière migratoire des étudiants internationaux. Plus précisément,
nous voulions savoir si elle exerce une certaine influence sur le choix des projets futurs
après la fin des études. Malheureusement, nous n’avons pas réussi à recruter des étudiants
mariés ou fiancés. Tous nos participants sont célibataires. Seulement, un seul d’entre eux
était « en couple » avec une personne qui était déjà à Montréal, mais ils avaient mis fin à
leur relation avant la deuxième rencontre.

76
• L’origine sociale : Par origine sociale, nous voulons parler de la situation socio-
économique de la famille dans le pays d’origine. Nous voulions avoir des étudiants
appartenant à plusieurs classes sociales : familles aisées, familles moyennes et familles à
revenus modestes. Nous avons réussi à avoir des étudiants des deux premières classes
(tableau 3.2). Cette variable a souvent été utilisée dans les travaux sur la mobilité sociale et
la rétention des étudiants internationaux. Nous voulions savoir si elle peut avoir une
influence sur la carrière migratoire des étudiants internationaux d’origine maghrébine à
Montréal. Les personnes originaires des familles modestes ne peuvent pas couvrir les frais
du séjour et les frais de scolarités des universités québécoises. C’est pourquoi, nous n’avons
pas d’étudiants appartenant à ces familles dans notre échantillon.

• L’origine ethnique : Comme nous l’avons déjà mentionné, les Maghrébins sont un groupe
composé de musulmans et de non-musulmans, d’Arabes et de Berbères. En s’intéressant à
l’expérience urbaine, les pratiques religieuses peuvent exercer une influence sur les
pratiques socio-spatiales de la personne (lieux religieux fréquentés, espaces publics…).

• Le genre : Pour l’homogénéité de notre échantillon, il fallait limiter le nombre de variables


guidant notre sélection ; nous allons donc travailler sur un échantillon exclusivement
masculin. Dans le cadre de cette étude, nous avons choisi de ne cibler que des hommes.
Notre choix était guidé par quatre points. Premièrement, aujourd’hui, les questions
migratoires doivent étudier les parcours des femmes séparément des parcours des hommes
ou avec le même intérêt. Nous rejoignons Morokcasic (2008, 33) quand il dit qu’« on n’en
finit pas de (re)découvrir les femmes en migration». Beaucoup de recherches ont montré
que les études migratoires sont une question de genre. Pour pouvoir rendre justice aux deux
parcours migratoires, nous allons nous retrouver avec beaucoup de variables et nous ne
serons pas en mesure de les contrôler. D’autre part, la mobilité urbaine, qui est au centre de
notre recherche, est une question de genre. En effet, les pratiques socio-spatiales des
femmes du Sud ne sont pas semblables à celles des femmes du Nord (Moujoud 2008 ;
Goudet 2021). Pour comprendre les réalités derrière les nouvelles expériences urbaines des
femmes du Sud dans des villes du Nord, nous aurions besoin de plus de variables et de sous-
variables. Il y aurait aussi une comparaison constante entre leur mobilité urbaine des

77
femmes dans le Sud et du Nord. Enfin, si nous avons choisi de travailler sur les hommes
seulement c’est pour des raisons de faisabilité de la recherche. Notre propre profil (homme
maghrébin) et notre approche méthodologique (questionner des nouveaux étudiants)
auraient été des handicaps pour recruter des participantes et pour faire la collecte des
données.

3.3.1 Recrutement de participants

Nous ne nous pouvions pas lancer notre campagne de recrutement n’importe quand. Nous
cherchions des nouveaux étudiants qui étaient venus à Montréal entre août 2019 et septembre 2019.
Nous avons jugé bon de la commencer 2 semaines après la rentrée universitaire. Nous prévoyions
deux périodes de recrutement; une en septembre 2019 et une autre en janvier 2020 mais cette
dernière n’a jamais eu lieu parce que nous avions atteint la saturation de notre échantillon. Nous
avions lancé une campagne de recrutement sur plusieurs fronts en même temps. Nous avions
préparé des affiches et des dépliants (numériques et papiers) que nous avons partagés à travers les
plateformes de réseaux sociaux en ligne et en distribuant des annonces de recrutement dans les
universités de Montréal. Nous voulions au départ solliciter divers organismes tels que les centres
d’« accueil des étudiants étrangers», « Accueil plus » à l’aéroport de Montréal et les bureaux de
« Montréal international ». Malheureusement, aucune des institutions n’a accepté de nous aider
dans le recrutement. Nous avons par la suite contacté les différents organismes et fondations qui
travaillent avec les Maghrébins, et là encore, nous n’avons eu aucune réponse. En parallèle, nous
faisions du recrutement dans les universités et dans les centres de formations de DEP. Nous avons
mis les dépliants dans les cafés des universités : UQÀM, UdeM, ÉTS et à l’Université Concordia.
Nous avons aussi utilisé des affiches et nous les avons placées dans les différentes universités.
D’un autre côté, nous avons contacté les différentes associations étudiantes pour qu’elles partagent
nos documents en ligne et par courriel (INRS, ENAP, UQÀM, UdeM, HEC). À l’ÉTS, une
conseillère aux étudiants internationaux nous a beaucoup aidé à recruter des participants. Elle nous
a référé notre premier participant qui par la suite, nous en a référé un autre. C’est grâce à cet effet
de boule de neige que nous avons réussi à terminer le recrutement. Nous avons aussi fait du
recrutement direct : nous allions dans les bibliothèques et dans les cafés des différents campus
pour aborder les personnes avec des marqueurs ethniques maghrébins (langue utilisée, tenue

78
vestimentaire, bijoux…). Cette méthode nous a aussi beaucoup aidé parce qu’elle nous permettait
de présenter leur participation comme une aide, une manifestation de solidarité avec un autre
étudiant international maghrébin comme eux. Pour trouver des étudiants DEP, nous avons contacté
le personnel administratif des centres de formation. Nous avons eu beaucoup de retours
téléphoniques et nous avons répondu à beaucoup de questions mais sans résultat. Nous avons donc
utilisé notre réseau personnel. Des collègues et des connaissances nous ont aidé en nous référant
d’autres personnes.

En 21 jours nous avons réussi à recruter 17 participants. 2 d’entre eux ont abandonné la recherche
après la deuxième rencontre, une marge que nous avions prise en considération depuis le début de
notre terrain. Avec les 15 participants, nous avons atteint une certaine saturation car leurs discours
commençaient à se ressembler. Nous avions l’impression qu’il y avait deux modèles de vie chez
les étudiants internationaux maghrébins : celui des étudiants universitaires et celui des étudiants de
DEP.

3.3.2 Présentation des participants à la recherche

En choisissant une recherche qualitative basée sur étude de cas, nous voulions mettre l’accent sur
l’individualité des parcours et des expériences migratoires. D’un autre côté, nous trouvions que les
méthodes quantitatives ne nous permettaient pas d’explorer les réalités socio-spatiales et leurs
significations qui sont au centre de cette recherche. Afin de pouvoir cerner les différents aspects
des expériences individuelles, la recherche doit être concentrée sur un nombre restreint de
participants (Bryman 2012). Dans notre cas, nous avons travaillé avec 15 participants qui répondent
à nos critères de sélection. Tous nos participants sont des hommes, célibataires et ils ont tous entre
24 ans et 26 ans. Tous sauf deux, ont terminé leurs études de 2eme cycle avant de migrer au Québec.
Ils ont tous le même statut d’étudiant international et ils sont tous arrivés à Montréal entre août et
septembre 2019.
En résumé, notre échantillon est composé de 9 Algériens, 4 Marocains et 2 Tunisiens. Ils ne
viennent pas tous des mêmes villes. Parmi ces 15 étudiants, 5 d’entre eux s’identifient comme des
musulmans non pratiquants et 1 seul comme pratiquant. Les autres n’ont pas évoqué la religion

79
durant les rencontres. La majorité de nos participants se définissent comme des Arabes (11 d’entre
eux) et les autres se disent des Berbères.

Tous nos participants, sauf un 1, sont arrivés à Montréal pour poursuivre les études supérieures. Ils
avaient tous une inscription universitaire au 2ème cycle. Par la suite, 6 d’entre eux ont fait un
changement de programme vers le DEP avant de commencer la formation de maîtrise. À la fin de
notre terrain, nous nous sommes retrouvés avec 8 participants en formations de DEP et 7 en
formation de maitrise. Ils étaient affiliés à différentes institutions de formation (5 à l’ÉTS, 2 (après
1) à l’UQÀM, 1 à Polytechnique Montréal, 2 à l’École des métiers S-O - EM-S-O, 2 au Centre
Antoine de Saint-Exupéry - CASE, 1 au Collège CDI, 1 au l’institut Teccart et 1 à l’École des
métiers de l’informatique, du commerce et de l’administration - ÉMICA). La formation des
étudiants va exercer une importante influence dans la construction de leur vie quotidienne.

Nous cherchions une hétérogénéité dans les domaines de formation et nous avons réussi à avoir
des étudiants en: informatique, administration, économie, électronique, électrique, mécanique,
robotique… En revanche, nous n’avons pas d’étudiants en sciences sociales parmi nos participants.

3.3.3 Profils des participants

Dans le cadre de cette recherche, nous nous intéressons à des expériences de vie de personnes
migrantes. Elles se sont ouvertes à nous et nous ont raconté les détails de leur vie, leurs sentiments
et leurs craintes. Nous leur avons attribué des surnoms (à partir des noms courants au Maghreb).
Les tableaux suivants résument le profil de chacun d’entre eux (tableau 3.2).

80
Tableau 3. 2 : Profils des participants à la recherche

Source : Auteur

81
3.3.4 La relation de confiance entre l’enquêteur et les personnes interrogées

Depuis le début, nous savions que « la confiance » était un élément important pour le déroulement
de notre terrain. Avant de commencer le recrutement, nous avions travaillé sur notre image
virtuelle ; nous avons mis une photo de profil claire et notre vrai prénom et nom sur tous les réseaux
sociaux (Facebook, Twitter, LinkedIn, Instagram, WhatsApp). Nous avons aussi ajouté notre
institution d’attache et le programme d’étude. À différents moments de l’enquête, nos participants,
nous ont avoué avoir visité nos profils avant de nous contacter pour participer à la recherche. Parmi
les phrases qui revenaient souvent : « Avant de t’appeler, j’ai visité tes profils virtuels… quand j’ai
vu que tu étais quelqu’un de sérieux je t’ai appelé ». Un autre de nos participants était plus
suspicieux. Il nous avait donné RDV à 12h00 à la bibliothèque de l’ETS pour la première rencontre.
Nous nous sommes présenté 15 minutes en avance pour trouver un endroit calme et se préparer. Il
est venu avec 30 min en retard. Le début de la rencontre était un peu tendu. Nous faisions très
attention et nous avions fait beaucoup de relances pour guider l’entrevue. Mais, rapidement,
l’ambiance de l’entrevue a commencé à changer, il était beaucoup plus à l’aise et il était plus ouvert
à la discussion. À la fin de la rencontre, il a confié qu’il n’était pas en retard. Il est venu à l’heure,
il s’est mis un peu loin et il nous avait observé pendant 30 min. Quand il s’est senti rassuré, il s’est
approché. Il nous a dit aussi qu’au milieu de la rencontre, il s’est senti en confiance et voulait nous
aider. Ce que nous vous présentons ici est la situation la plus complexe que nous avons vécue. La
majorité des premières rencontres étaient un peu tendues et sensibles. Les participants devaient se
sentir à l’aise et en confiance pour pouvoir nous raconter les détails de leurs déplacements et de
leurs vies quotidiennes Les ambiances des deuxièmes et troisièmes rencontres étaient beaucoup
plus détendues avec des moments de rires. Par moment, nous avions l’impression que les
participants attendaient notre appel et se sont préparés aux entrevues. Parfois on nous a dit : « cette
question est nouvelle, je ne me suis pas préparé (en riant) ». À croire qu’ils s’amusaient. Avant de
revenir sur le déroulement de notre collecte de données, nous allons aborder les méthodes utilisées,
les démarches entreprises et la structuration de la période du terrain.

82
3.4 Méthodes de recherche

Cette recherche repose sur une étude de cas selon une approche phénoménologique qui permet
d’étudier la signification d’un phénomène vécu (Couture et Meyor 2007). D’après Ribau et al
(2004, 22), cette approche a « pour objectif de décrire le sens accordé à un phénomène… Décrire
le phénomène, c’est saisir son unification par la personne, le sens que celle-ci lui donne et comment
elle le lui a donné ». L’objectif principal de l’approche phénoménologique est de décrire un
phénomène et le sens que l’individu donne à son expérience vécue.

Dans le cadre de notre étude, cette approche nous a permis de mettre en évidence l’impact
qu’exerce la mobilité urbaine sur la construction de la vie quotidienne et d’appréhender les
différentes facettes de l’expérience urbaine dont l’appropriation et la construction d’un capital
spatial. Dans notre collecte de données, nous avons utilisé des entrevues semi-dirigées où les
participants pouvaient s’exprimer librement et des cartes mentales de type conceptuel et de type
cartographique pour la collecte des données liées à la mobilité, l’expérience urbaine, au sentiment
de chez-soi et pour la triangulation des données issues de la première méthode (les entrevues semi-
dirigées).

L’une des caractéristiques de la méthode de l’étude de cas est l’utilisation de plusieurs méthodes
de collecte de données simultanément. La triangulation des données et des résultats fournis par
chacune des méthodes permet de réduire leurs biais (Roy 2016) et renforcer la validité interne des
résultats. Par ailleurs, Gagnon (2006) affirme que la relation du chercheur avec les participants
pourrait biaiser l’analyse et l’interprétation des données. Cela nous apparaissait un risque d’autant
plus grand que le chercheur en question avait le profil parfait pour cette recherche (à titre d’étudiant
maghrébin international inscrit dans un programme universitaire à Montréal). Nous voulions donc
nous assurer de la validité interne de nos résultats par de multiples méthodes de collecte de données.

3.4.1. Entrevues semi-dirigées


L’étude de cas selon une approche phénoménologique est centrale dans la recherche interprétative
et constructiviste. Elle fait émerger des connaissances non observables comme « les savoirs, les
expertises, le capital culturel, les sentiments », le sens donné aux différentes pratiques et
expériences des interviewés (Meyor 2007). Elle permet de comprendre « le monde de l’autre », ses

83
comportements ainsi que l’impact de sa culture sur ses actions et ses pratiques dans la vie
quotidienne (Savoie-Zack 1997 ; Boutin 1997). Dans le cadre de cette étude, nous avons utilisé les
entrevues semi-dirigées, au cours desquelles le degré de liberté accordée aux participants est assez
important (Boutin 1997). Les questions qui ont été posées, ont permis à nos participants d’articuler
leurs pensées et leurs réponses autour de leurs déplacements quotidiens et des espaces qu’ils
fréquentaient et qu’ils se sont appropriés par la suite.

À travers cette recherche, nous voulons comprendre plusieurs processus : la construction d’un
projet de migration, la construction d’une vie quotidienne dans une nouvelle ville de migration, la
construction d’un capital spatial et d’un sentiment de chez-soi dans cette ville, au cours de la
construction d’une carrière migratoire. Suivre ces processus nécessite une certaine marge de liberté
mais encadrée. À titre d’exemple, en posant des questions sur le déroulement de la vie quotidienne
à Montréal, les participants nous parlaient de leurs déplacements et des espaces qu’ils
fréquentaient. À travers leur discours, nous avons réussi à documenter les fréquences de mobilité
chez les étudiants internationaux maghrébins à Montréal par rapport à leur mobilité dans les villes
d’origine.

Pour clore notre collecte de données, nous avons abordé la question du choix de rester à Montréal
ou partir après la fin des études. Nous avons demandé à nos participants de nous parler de leurs
projets futurs et des facteurs qui motivent leurs choix. Cette question nous a permis de mettre en
corrélation les différents facteurs qui peuvent influencer la carrière migratoire des étudiants
internationaux maghrébins à Montréal14.

Au-delà de la nature individuelle du processus étudié, l’une des caractéristiques qu’attribue Kvale
(1983) à cette méthode de collecte de données est le fait qu’elle soit ouverte aux ambiguïtés et
l’interprétation de ses résultats aux changements (Kvale 1983). Cette situation exige une méthode
complémentaire pour explorer d’autres aspects de la question et vérifier les résultats des entrevues.
C’est dans ce sens que nous avons décidé de faire appel à d’autres méthodes et de trianguler les
données avec des cartes mentales.

14 Les questions des trois rencontres en annexe 4

84
3.4.2. Les cartes mentales

Les cartes mentales portent plusieurs appellations : carte heuristique, carte des idées, schéma
conceptuel, arbre des idées. Mais l’objectif est le même : « représenter visuellement les idées d’un
sujet à propos d’un objet donné » (Breux, Reuchamps et Loiseau 2011). Aux fins de notre
recherche, nous utiliserons deux types de cartes mentales : la carte indicative et le schéma
conceptuel. Le tableau ci-dessous (tableau 3.3) résume la différence entre les deux types de cartes
choisies.

Tableau 3. 3 : Résumé comparatif entre les deux types de cartes mentales

Source : (Loiseau et Brunet 2011, 28)

3.4.2.1. Carte indicative

Dans ce type de carte, les participants s’expriment en utilisant un fond de carte géographique.
Bien que le format de cette méthode apparaisse rigide et à cadrage fixe, les participants
peuvent s’exprimer librement (Breux, Reuchamps et Loiseau 2011). Cet exercice nous a
permis d’identifier les espaces les plus fréquentés et les espaces où nos participants se sentent
le plus à l’aise à Montréal. Il nous a aussi permis de reproduire la construction du capital
spatial à travers le temps et de reproduire la géographie de ces espaces par rapport à leurs
lieux de résidence à Montréal. À la fin de notre collecte de données, nous étions en mesure
85
de voir l’évolution du capital spatial d’un côté et les quartiers les plus fréquentés par les
étudiants internationaux d’un autre côté.

Cette approche nous a permis de recueillir un grand nombre de données cartographiques sur
les quartiers de résidence des nouveaux étudiants internationaux maghrébins à Montréal, les
espaces qu’ils fréquentent, leurs déplacements, l’impact des moyens de transports et sur le
processus de construction d’un capital spatial. Elle nous a aussi aidé à comprendre comment
des nouveaux arrivants se repéraient dans une nouvelle ville de migration.

Le support utilisé était le même tout au long de notre terrain pour tous nos participants. Nous
avons supposé que, comme les autres nouveaux arrivants, les étudiants internationaux
maghrébins utilisent le GPS de Google Maps pour se déplacer à Montréal. Pour faciliter
l’exercice, nous avons donc choisi de travailler avec une carte de l’île de Montréal tirée de
Google Maps (figure 3.4). Le support était de la dimension d’une feuille A2 (59.4 x 42 cm)
afin que les noms de rues et de parcs soient lisibles.

Figure 3. 4 : Carte de Montréal (support cartographique pour la


collecte de données)
Source : Google Maps

86
3.4.2.2. Schéma conceptuel

La carte mentale de ce type consiste à mettre en relation différentes idées et différents


concepts par rapport à un concept central que le chercheur choisit pour commencer : « Il
permet ainsi au chercheur de voir facilement l’ordre des idées et leur importance pour le sujet
par rapport à un objet donné » (Breux, Reuchamps et Loiseau 2011).

Dans le cadre de cette recherche, nous avons choisi de faire deux exercices pour construire
un seul arbre. Nous avions deux supports différents (figure 3.5). Dans le premier, nous
demandions à nos participants d’écrire tous les mots et idées qui leur venaient à l’esprit quand
ils pensaient à Montréal. Par la suite, avec un deuxième support, nous leur demandions de
refaire le même exercice mais cette fois, quand ils pensaient à leur « chez-soi ». À la fin de
l’exercice, nous demandions à nos participants de commenter leurs cartes et de nous
expliquer les concepts et les mots qu’ils avaient mis dans chaque carte. Ils avaient la liberté
d’utiliser une des langues maitrisées (arabe, français ou anglais) pour s’exprimer.

Les cartes produites à la fin constituent un arbre d’idées et de mots que les participants à la
recherche ont construit de façon hiérarchique, selon leurs filtres de perception, leurs
formations, leurs objectifs de migration et leur culture. Ces schémas, nous ont permis de
proposer d’analyser les sentiments qu’éprouvent nos participants envers Montréal à
différents moments de notre terrain. Par ailleurs, nous avons triangulé ces données avec les
cartes indicatives pour expliquer la relation entre le capital spatial et le sentiment de chez-soi
à Montréal. Grace à cet exercice, nous avons aussi réussi à proposer un processus de
construction d’un sentiment de chez-soi dans une ville de migration.

87
Figure 3. 5 : Supports utilisés pour les schémas conceptuels
Source : Auteur

3.5 Une recherche longitudinale; démarche entreprise

Dans le cadre de cette étude, le temps est au centre des questions de recherche. Notre objectif
principal est de suivre le processus de construction des carrières migratoires des nouveaux étudiants
internationaux maghrébins à Montréal. En même temps, nous voulons documenter l’impact de
plusieurs phénomènes spatio-temporels sur la carrière migratoire des étudiants internationaux
comme la construction d’un capital spatial et d’un sentiment de chez-soi dans une ville de
migration. Nous avons donc choisi de faire une étude longitudinale de 12 mois. Par soucis de
faisabilité de la recherche, nous ne pouvions nous permettre une plus longue durée.

La collecte des données s’est effectuée en trois étapes. Nous avons programmé plusieurs rencontres
avec chacun de nos participants, et ce, en trois temps : un mois après leur arrivée à Montréal, six
mois après et 12 mois après. Le point de départ était très important pour la suite de la recherche.
En effet, en voulant suivre le processus de construction d’un capital spatial et le sentiment de chez-
soi dans une nouvelle ville de migration, la date d’arrivée des participants était décisive à la fois
pour le recrutement et pour commencer la collecte des données.

Suivre nos participants durant 12 mois nous a permis d’observer l’influence du facteur temps sur
le trajet migratoire des étudiants internationaux maghrébins à Montréal. Cela nous a aussi permis
de voir comment l’expérience urbaine peut exercer une influence sur l’expérience migratoire de

88
ces étudiants. Elle nous a aussi permis de proposer un processus de construction de sentiment de
chez-soi dans une ville de migration. Grace à cette méthode longitudinale, nous avons suivi des
phénomènes socio-spatiaux qui se développent avec le temps comme la mobilité urbaine et le
dédoublement de chez-soi que nous verrons dans les prochains chapitres. Nous sommes conscients
que 12 mois de suivi, est loin d’être une période suffisante pour comprendre un processus aussi
complexe que le sentiment de chez-soi dans une ville de migration. Mais, cette période était
suffisante pour faire une première proposition du processus de dédoublement de chez-soi chez des
migrants temporaires et une typologie de capital spatial. Pour atteindre ces objectifs, nous n’avons
pas utilisé les 3 méthodes de recherche de la même manière durant les trois rencontres. Dans ce qui
va suivre nous allons expliquer la démarche suivie durant chaque rencontre. Nous reviendrons par
la suite sur le déroulement des rencontres et l’impact de la COVID19 sur notre collecte de données.

3.5.1 Temps 1 (Un mois après leur arrivée)

Notre première rencontre avec les participants avait lieu un mois (30 jours) après leur arrivée à
Montréal. Dans un premier temps, les entrevues semi-dirigés tournaient autour de leurs
objectifs de départ, le choix de Montréal comme ville de destination, l’accueil et l’installation.
Par la suite, nous nous sommes intéressés à leur vie quotidienne dans leurs villes d’origine afin
de comprendre la nature de leurs déplacements avant le projet de migration. La dernière partie
des entrevues semi-dirigées portait sur leurs liens sociaux. Nous voulions étudier leurs réseaux
sociaux prémigratoires avant de suivre la construction des liens post-migratoires. Cette partie
peut être considérée comme préparatoire à la suite de la rencontre.

Ensuite, sur un fond de carte géographique nous leurs avons demandé de positionner les espaces
qu’ils ont fréquentés plusieurs fois durant leurs premiers 30 jours à Montréal. Cela nous a
permis d’avoir un point de départ pour suivre la construction du capital spatial et sa géographie
par rapport aux lieux de résidences et aux institutions de formation. À noter que durant cette
première rencontre, tous nos participants sauf deux, vivaient temporairement chez leurs amis
ou leurs connaissances. Nous leur avons aussi demandé de positionner les espaces qu’ils
fréquentaient pour socialiser ou pour rejoindre un membre de leur réseau afin d’étudier l’impact
que peuvent avoir les liens sociaux sur la géographie du capital spatial et sur les fréquences de
mobilité urbaine.
89
La dernière étape de la rencontre était l’exercice des schémas conceptuels où nous leur avons
demandé de mettre sous forme d’idées et de mots leurs premières impressions de la ville de
« Montréal » et les espaces qui leur viennent à l’esprit quand ils pensent à leur « chez-soi ».

3.5.2 Temps 2 (Six mois après leur arrivée)

La deuxième rencontre avec les participants avait lieu six mois après leur arrivée (donc cinq
mois après la première rencontre). Les structures des rencontres étaient pareilles, mais les
objectifs et les questions n’étaient pas les mêmes. Cette fois, les entrevues semi-dirigées nous
ont permis de suivre le développement des liens sociaux post-migratoires des étudiants et leurs
impacts sur les fréquences de mobilité et la diversité des espaces qu’ils fréquentaient. Durant
ces entrevues, nous nous sommes attardés sur la vie quotidienne de nos participants et sur la
manière dont ils ont vécu leur premier hiver. Nous leur avons aussi demandé de nous parler de
leur mobilité quotidienne, leurs moyens de transport, comment ils passaient leurs fins de
semaines et les espaces urbains où ils se sentaient le plus à l’aise à Montréal et qu’ils
fréquentaient le plus souvent. Pour les aider dans leur récit, nous avons sorti la carte
géographique de Montréal comme un aide-mémoire, pour qu’ils puissent se rappeler des
espaces qui sont importants pour eux. À partir de cette rencontre, nous avons commencé à
suivre la construction du capital spatial sur le support cartographique. À chaque fois qu’ils
identifiaient un espace, nous leur demandions de nous parler de ce lieu et pourquoi il était
important pour eux. Nous avons refait le même exercice de la première rencontre mais nous
l’avons intégré dans les entrevues semi-dirigées pour les aider à exprimer leurs sentiments
envers les espaces en question. Cet exercice nous a permis de mieux cerner les zones de
mobilité urbaine et de déplacements par rapport aux moyens de transports et par rapport aux
lieux de résidence. Nous avons terminé la rencontre avec les schémas conceptuels sur la ville
de « Montréal » et sur leur « Chez-soi ». Nous voulions voir l’effet du temps sur le sentiment
qu’un migrant peut éprouver envers la ville de migration.

90
3.5.3 Temps 3 (Un an après leur arrivée)

Les dernières rencontres ont eu lieu 12 mois après leur arrivée (donc six mois après la deuxième
rencontre). Nous leur avons donné un grand espace de liberté pour qu’ils nous racontent leur
vie quotidienne durant l’été et durant le mois du Ramadan. Les entretiens nous permettaient de
suivre la construction des liens sociaux d’un côté et leurs influences sur la construction du
capital spatial de l’autre.

À travers cette rencontre nous voulions collecter le plus de données possibles sur la mobilité
urbaine de nos participants : leurs fréquences de déplacement, les moyens de transport, les
motifs de déplacement et les espaces qu’ils se sont appropriés. Nous avons utilisé des questions
de relance sur des indicateurs de l’appropriation spatiale (fréquence de fréquentation, usage de
l’espace, attachement et signification de l’espace, sentiment de bien-être). À l’aide des cartes
géographiques, nous avons continué à suivre le processus de construction du capital spatial
dans une nouvelle ville de migration. Cette méthode a facilité l’analyse des données liées à la
mobilité et à l’expérience urbaine dans la suite de notre recherche. En effet, les supports
géographiques et les commentaires des participants sur les espaces identifiés, nous permettaient
de tester la validité interne des résultats tirés des entrevues semi-dirigés.

Comme dans les autres rencontres, après les cartes géographiques, nous continuions avec les
schémas conceptuels sur « Montréal » et sur le « Chez-soi ». À la fin de l’exercice, nous
demandions à nos participants de commenter les mots ou les phrases qu’ils ont écrits autour
des deux concepts de départ. Nous avons ajouté une dernière étape à cette troisième rencontre,
des questions sur les projets futurs après la fin des études. Notre terrain de recherche a pris fin
avec des questions sur les projets envisagés par nos participants. Nous leur avons posé une
question directe : Que comptez-vous faire après la fin des études, rester à Montréal ou la
quitter? Si vous voulez partir, où avez-vous l’intention de vous installer? Mais, nous leur
demandions par la suite de nous expliquer le pourquoi de leur choix. En plus de proposer une
typologie des carrières migratoires chez les étudiants internationaux maghrébins de Montréal,
nous avons construit une grille de facteurs qui peuvent influencer le choix d’ancrage ou de
mobilité après la fin des études.

91
À la fin de notre collecte de données, en plus des entrevues, nous nous sommes retrouvés avec trois
cartes géographiques et 3 schémas conceptuels pour chacun des participants. Le matériel final de
notre terrain nous a permis de suivre les changements dans la vie quotidienne des participants à
travers le temps. La longitudinalité de notre approche, nous a permis d’avoir des données
comparables qui nous ont permis de suivre le processus de construction d’un capital spatial et d’un
sentiment de chez-soi dans une ville de migration.

3.6 La collecte des données et le déroulement du terrain

Durant les 12 mois de notre enquête, nous avons effectué 45 rencontres avec nos 15 participants (3
rencontres par participant). Étant donné la longitudinalité de notre terrain et la précision de notre
approche, nous avons mené 15 entrevues par période, soit : une en septembre 2019, une en mars
2020 et la dernière en octobre 2021. Avant de commencer l’enquête, nous avons testé notre
méthode sur des amis qui ont le même profil que nos participants; nouveaux étudiants
internationaux maghrébins célibataires à Montréal. À partir de ces entrevues test, nous avons ajusté
nos questions et nos cartes mentales pour mieux cibler nos objectifs d’enquête. Dans ce qui va
suivre nous allons détailler le déroulement de notre terrain.

3.6.1 Les premières rencontres

Les premières rencontres avec nos participants ont toutes eu lieu en septembre 2019. Comme nous
l’avons mentionné, le facteur temps est très important dans notre recherche. Nous avons commencé
par rencontrer les personnes qui sont à Montréal depuis la fin du mois d’aout 2019, après nous
avons rencontré ceux qui étaient venus en début du mois de septembre 2019. Nous avons
programmé la majorité de nos rencontres au milieu de la journée pour deux raisons. La première
est que nos participants ont souvent des cours la matinée et l’après-midi et nous voulions éviter la
fin de journée parce que qu’ils allaient être épuisés. La deuxième est que nous voulions éviter les
fins de semaine car la majorité d’entre eux travaillaient les samedis et les dimanches et nous
voulions aussi éviter les fins de journée. En ce qui concerne les lieux de rencontre, nous avons
laissé les participants choisir le lieu pour qu’ils se sentent à l’aise et « en sécurité ».

92
Les étudiants de l’ÉTS ont tous choisis la bibliothèque de l’école pour se rencontrer. Quand nous
leur avons demandé pourquoi ils avaient choisi cet endroit, la réponse était la même : « J’aime bien
l’endroit, c’est là où je passe la majorité de mon temps et je dois revenir étudier (ou en cours) après
la rencontre ». Ils évoquaient aussi la beauté de l’endroit et son aménagement comme facteur qui
les encourageaient à passer des jours dans cette bibliothèque. D’autres participants nous ont invité
chez eux ou dans un café à coté de leur lieu de résidence parce qu’après un mois de leur arrivée à
Montréal, c’est encore le seul endroit où ils se sentaient à l’aise. Le choix du lieu de la rencontre
était plus compliqué pour les étudiants de DEP. Nous avions déjà préparé une liste d’endroits
possibles pour faire des rencontres. Parmi les espaces qu’ils avaient choisis; le centre UCS-INRS
et quelques cafés dans différents quartiers.

Choisir les lieux des rencontres pour les participants était important. Nous voulions qu’ils soient
dans leur environnement naturel et où ils ont l’impression qu’ils avaient le contrôle. Nous avons
même proposé un RDV pré-entrevue pour discuter du projet. Seulement 2 participants ont choisi
de faire ce RDV pré-entrevue et nous avions senti leur gène tout au long de ce RDV mais ils étaient
beaucoup plus à l’aise durant la rencontre de la collecte des données.

Les premières rencontres avec nos participants ont duré 60 minutes en moyenne. Le début des
rencontres n’était pas très fluide et a nécessité beaucoup de questions de relance. Nos participants
n’étaient pas encore prêts à se confier entièrement et nous avions senti beaucoup de méfiance de
leur part. D’ailleurs, l’un de nos participants ne voulait pas nous raconter sa vie quotidienne dans
son pays d’origine jusqu’à ce que nous lui expliquions le pourquoi de cette question. Il nous avait
dit : « pourquoi tu me poses des questions sur là où je vivais, je pensais que tu travailles sur
Montréal…en quoi est-ce important ». Nous avons interrompu l’entrevue pour lui expliquer notre
démarche d’analyse. Nous lui avons rappelé qu’il peut ne pas répondre à des questions ou se retirer
de la recherche à n'importe quel moment, mais il a continué la rencontre avec un sentiment d’ennui.
À partir de la 15eme minute, les participants étaient beaucoup plus ouverts à la discussion. Ils ont
partagé avec nous les détails de leurs projets migratoires, leurs vies quotidiennes avant de venir à
Montréal et comment ils se sont installés dans cette ville. Ils nous parlaient même de leurs liens en
utilisant les vrais prénoms de leurs ami.e.s. Le fruit de la partie entrevue des rencontres a dépassé
nos espérances.

93
Dans cette rencontre, la coupure entre les entrevues et les cartes mentales était nécessaire pour ne
pas compliquer la situation aux participants surtout qu’ils ne connaissaient pas encore Montréal.
Avant de sortir le support, nous avons expliqué en détail l’activité des cartes géographiques et son
objectif. Nous leur avons même mentionné que cette carte va revenir tout au long des 12 mois. Au
début de l’exercice, nous voulions voir comment ils allaient lire la carte. Ils ont tourné la carte dans
plusieurs sens et beaucoup d’entre eux n’ont pas pu se positionner. Pour les aider, nous leur avons
demandé de positionner leurs lieux de résidence. Ils ont commencé par chercher la station de métro
ou le croisement de rues qu’ils utilisaient pour se déplacer durant ces 30 premiers jours à Montréal.
À cette époque, tous les participants sauf 2 utilisaient le transport en commun. Ceux qui utilisaient
la voiture ont identifié leurs lieux de résidence grâce aux parcs les plus proches. Ils ont retracé le
chemin qu’ils faisaient entre les parcs et leurs appartements. Après les cartes géographiques, nous
avons expliqué l’exercice des schémas conceptuels. Contrairement au schéma autour de
« Montréal », celui autour du « chez-soi » n’était pas facile à expliquer. Ils avaient du mal à saisir
le sens du « chez-soi ». Pour expliquer cette dernière, nous avons utilisé la traduction en anglais
« feeling home » avec quelques-uns et le jargon maghrébin avec les autres. Leurs réponses étaient
toutes à l’échelle familiale comme « avec ma mère » ou « avec ma famille » sinon c’était à l’échelle
de l’appartement. Nous avons utilisé la définition du champ disciplinaire les « études urbaines »
pour les relancer et les pousser à penser l’échelle de la ville. Le résultat était fructueux. Les
participants semblaient s’amuser avec les exercices des cartes mentales et les prochaines rencontres
vont le confirmer.

Nous étions très satisfaits des données issues de ces rencontres et nous étions confiant pour la suite.
Nous avions l’impression que nous partions sur de bonnes bases avec cette confiance qui s’est
installée entre eux et nous.

3.6.2 Les deuxièmes rencontres : adapter la collecte à la situation de la pandémie


COVID19

Nous avons amorcé les deuxièmes rencontres en mars 2020, mais à cause de la COVID-19, nous
avons dû suspendre notre terrain le 22 mars 2020. Rappelons que le gouvernement québécois a
déclaré un confinement général à cette date. Les rencontres programmées avant cette date ont eu
lieu en présentiel avec les supports papiers. Par la suite, nous avons fait les changements
94
nécessaires pour continuer les autres en ligne. La réponse du comité d’éthique était assez rapide et
nous avons terminé cette phase en fin avril 2020.

Quand nous avons contacté nous participants pour prendre RDV, nous avions l’impression qu’ils
attendaient notre appel. Contrairement à la première fois, ils nous avaient donné beaucoup de
disponibilités. Ils avaient aussi pensé aux lieux des rencontres. Les entrevues étaient beaucoup plus
fluides et riches en données. Les étudiants étaient plus préparés. À plusieurs reprises, nous avions
l’impression qu’ils se sont préparés à cette rencontre durant les 5 derniers mois. À titre d’exemple;
un des participants avait préparé une liste des espaces où il a rencontré des personnes de son réseau
social. Un autre a commencé la rencontre par : « j’ai beaucoup de choses à te raconter cette fois et
j’ai beaucoup pensé à ton doctorat et à tes objectifs de recherches et je comprends mieux ». Il y
avait même un participant qui était stressé parce qu’il était une personne sédentaire et il pensait que
son profil n’apportait rien à la recherche et qu’il m’avait fait perdre mon temps. Nous lui avons
expliqué que son style de vie quotidienne faisait partie d’une réalité générale. Les étudiants
internationaux maghrébins à Montréal n’ont pas tous le même mode de vie et son profil de
sédentarité est une donnée aussi importante que celui d’un étudiant mobile.

Nous leur avons posé beaucoup de questions sur leur premier hiver à Montréal, leurs nouveaux
liens sociaux et leur vie universitaire. Les entrevues n’étaient pas aussi longues que celles des
premières rencontres. En effet, nous n’avions pas besoin de faire beaucoup de relances et les
réponses des étudiants étaient assez précises par rapport à la première fois. Ils centraient leur
discours autour de la mobilité et des espaces qu’ils aiment fréquenter ou ceux qu’ils étaient
impatients de retrouver après l’hiver. Ils se sentaient à l’aise de partager les détails de leur vie
quotidienne parce qu’ils disaient se sentir en sécurité et qu’ils voulaient nous aider du mieux qu’ils
pouvaient.

Malheureusement, le contexte de la pandémie internationale nous a obligé de revoir le déroulement


des exercices des cartes mentales pour la majorité des participants. Néanmoins, avant le
confinement, nous avons réussi à travailler avec des étudiants participants en présentiel. Durant la
première rencontre, nous leurs avons demandé d’identifier les espaces dont ils nous parlaient. Cette
fois, nous leurs avons demandé d’utiliser les cartes géographiques pour nous parler des espaces
urbains qu’ils aiment fréquenter et de nous parler de leur sentiment envers ces lieux. La carte n’était
plus un exercice à part mais elle était une suite des entrevues semi-dirigées. Nous voulions que ces

95
étudiants se projettent et revivent l’expérience urbaine dans les espaces de Montréal. Le résultat
était très intéressant. Les participants ne parlaient pas seulement des lieux mais des chemins qu’ils
prenaient aussi. Ils s’attardaient sur les ambiances urbaines et architecturales. Ils nous racontaient
des anecdotes et partageaient leurs souvenirs dans ses espaces. Après le passage en ligne, nous
étions moins chanceux avec les cartes en ligne. Nous avons aussi essayé de déposer les cartes
devant leurs portes et passer les récupérer par la suite. C’était plus fructueux que le support
numérique mais moins riche que les discussions que nous avions eues avec les premiers. La
situation était compliquée mais ça nous a permis de nous adapter pour trouver une meilleure
approche pour la troisième rencontre.

Pour l’exercice des schémas conceptuels, la tâche était simple et facile durant les rencontres en
présentiel. Pour ceux qui étaient en ligne, nous avions aussi utilisé le partage d’écran dans les
applications de vidéoconférence pour leur rappeler le concept. Par la suite, nous leur avons
demandé de penser, à voix haute, aux mots et phrases qui leur venaient à l’esprit. De notre côté,
nous construisions leurs schémas conceptuels sur un support en papier, comme celui utilisé dans
les premières rencontres. Le résultat était satisfaisant. Nous voyions déjà l’impact du temps sur les
cartes, leurs modes de vie, mais nous devions revoir notre guide d’entretien pour la dernière
rencontre. La crise sanitaire n’allait pas disparaitre avant octobre 2020 et nous étions obligé de
nous adapter. Rapidement, nous avons transcrit les entrevues de ces rencontres pour savoir
comment intégrer la COVID-19 dans nos prochaines entrevues et comment rendre l’exercice de la
carte géographique possible dans le contexte de la pandémie.

3.6.3 Les troisièmes rencontres

Nous avions programmé toutes les rencontres en octobre 2020. Encore une fois, les participants
étaient disponibles et attendaient notre message. Pour l’anecdote; un des étudiants nous a contacté
en aout 2020 pour nous rappeler la rencontre. Nous lui avons expliqué que le dernier RDV devait
être en octobre, après 12 mois de leur arrivée à Montréal.

Après le passage obligatoire en ligne, nous avons réfléchi à la manière d’optimiser l’exercice des
cartes géographiques tout en respectant les règles du confinement. Nous avons commencé par
changer la structure des rencontres. Nous avons profité des assouplissements gouvernementaux

96
durant cette période et du bon climat pour faire l’exercice des cartes géographiques avec nos
participants à l’extérieur. Des rencontres courtes où nous portions nos masques et nous nous tenions
à 2 m de distance l’un de l’autre. Durant ces RDV, nous avons demandé à nos participants de nous
parler et d’identifier sur la carte les espaces urbains et des lieux qu’ils aimaient fréquenter et où ils
se sentaient à l’aise. Par la suite, nous avons continué le reste des entrevues et les schémas
conceptuels en ligne.

Après 6 mois de pandémie internationale, nous nous sommes habitués à travailler en ligne. Les
participants et nous-même étions beaucoup plus à l’aise avec les logiciels des vidéoconférences
comme ZOOM et Teams. Au début de chaque entrevue, nous leur avons expliqué les différents
changements que nous avions apporté au guide et à la démarche. Nous leur avons rappelé les
objectifs de la recherche pour qu’ils ne les perdent pas de vue quand ils nous raconteraient leurs
quotidiennetés durant cette pandémie. À cette période, les déplacements et la vie quotidienne
dépendaient des lois de confinement exigées par les gouvernements.

En construisant ce projet d’étude, nous nous attendions à voir le plus grand changement dans la
mobilité urbaine des participants durant cette rencontre. En effet, cette dernière est programmée
après le mois du Ramadan et après la saison de l’été qui sont deux contextes qui favorisent la
mobilité urbaine et les déplacements. Avec la COVID-19, nous ne savions plus à quoi nous attendre
mais les données étaient plus qu’intéressantes. Effectivement, grâce à la COVID-19, nous avons
pu identifier facilement les différences entre la vie quotidienne des étudiants de DEP et les
universitaires. Elle a aussi accéléré quelques processus que nous n’aurions jamais pu vivre sans la
pandémie, comme celui du « retour au Bled ».

Les participants, ne s’attendaient pas à la dernière question sur les projets futurs que nous avons
ajouté à la fin. Nous ne voulions pas dévoiler cette partie de l’entrevue avant d’y arriver. En se
préparant à l’exercice des cartes et en préparant une liste des espaces et lieux, les participants ne
risquaient pas de fausser les résultats de la recherche. Cependant, préparer une réponse bien faite à
la question de l’ancrage ou de la mobilité après la fin des études pourra avoir un impact sur nos
résultats. Le plus important dans cette question n’était pas le projet envisagé mais les raisons et les
facteurs qui influencent leurs choix. Les étudiants participants nous ont parlé de ce qu’ils
envisageaient de faire après la fin des études et de leur motivation sans se concerter avec d’autres
personnes de leurs entourages. À la fin des rencontres et à plusieurs reprises, des participants nous
97
ont retourné la question. Nous nous sommes abstenus parce que nous avons compris qu’ils
voulaient faire une comparaison avec leurs réponses.
Notre collecte de donnée n’était pas linéaire. Durant les 12 mois, il y avait eu beaucoup de
changements autour de l’expérience migratoire de nos participants qui ont impacté la vie
quotidienne et sociale comme la COVID-19. Nous avons documenté ces changements car ils
influencent directement notre recherche et nos résultats. Il y avait eu aussi des modifications dans
les politiques migratoires québécoises qui ont eu une grande influence sur les projets futurs de nos
participants et donc sur leurs carrières migratoires.

La dernière rencontre nous a permis de clôturer les différents processus que nous avons suivi depuis
septembre 2019. Après 12 mois de terrain, nous nous sommes retrouvés avec beaucoup de données
à classifier selon plusieurs échelles et sous-thèmes. Nous allons voir maintenant comment nous
avons procédé pour traiter ses données et les analyser. Le schéma suivant résume le déroulement
de notre terrain de recherche avec les périodes de rencontres et les différents changements qui ont
eu un impact sur notre collecte de données.

98
Rencontre 1 (septembre 2019)
-Processus de construction d’un projet migratoire pour étude.
-Le choix de Montréal comme ville de destination.
-L’accueil et l’installation à Montréal.
-Vie quotidienne et expérience urbaine.

Rencontre 2 (mars et avril 2020)


-Vie quotidienne et expérience urbaine à Montréal.
-L’expérience urbaine à Montréal en hiver.
-La mobilité urbaine et les espaces appropriés.
-Liens sociaux post-migratoires.

Réforme du PEQ
COVID-19

Rencontre 3 (Octobre 2020)


-Vie quotidienne et expérience urbaine à Montréal.
-L’expérience urbaine à Montréal en été.
-La mobilité urbaine et les espaces appropriés.
-Liens sociaux post-migratoires.
-Sentiment de chez-soi.

99
3.7 Analyse et présentation des résultats

Les rencontres ont été enregistrées à l’aide de l’enregistreur d’un smartphone. Ces enregistrements
ont été retranscrit sous forme de comptes rendus avec des passages sous forme verbatim. À la fin
de chaque compte rendu, nous avons ajouté une version numérique des cartes mentales. Comme
nous l’avons déjà expliqué précédemment, notre collecte de données s’est étalée sur un an. Durant
ces 12 mois, il y avait des périodes de latence entre les rencontres. Cela nous a permis de transcrire
les entrevues au fur et à mesure du terrain. À ces comptes rendus s’ajoutent des fiches synthétiques
après chaque rencontre pour chacun des participants qui résumait le déroulement des rencontres et
les informations personnelles des participants comme : la date, le lieu et l’heure de la rencontre,
l’ambiance du lieu, l’âge, l’origine, le domaine de formation, l’institution d’attache et toutes autres
informations concernant le participant et le déroulement de l’entrevue. L’analyse de nos données
s’est déroulée tout au long du terrain et en 4 étapes : la retranscription, l’identification des thèmes
significatifs, l’interprétation et la synthétisation. Chacune de ces phases peut être considérée
comme préparatoire à la suite. L’analyse de nos données devait être dans les deux sens : horizontal
et vertical. En premier lieu, nous avons traité les données horizontalement où chaque rencontre
devait être analysée séparément des autres. Puis, nous avons fait une analyse verticale entre les
trois rencontres.

3.7.1 La retranscription

La première étape de notre analyse était de produire des comptes rendus (avec des passages
retranscrits) à partir des enregistrements avec des parties de verbatims. Comme nous l’avons déjà
mentionné, les entrevues semi-dirigées donnent beaucoup de liberté aux participants. Les comptes
rendus nous ont permis de résumer et cibler leurs discours et de raconter le déroulement des
exercices des cartes mentales. Les parties non transcrites ont été résumées et nous ont aidé dans la
suite de l’analyse pour comprendre les différents phénomènes. Nous avons aussi transformé les
schémas conceptuels en matériau numérique à l’aide du logiciel des cartes mentales X-MIND. Pour
les cartes géographiques, nous avons commencé par les recopier avec le logiciel QGIS mais nous
avons rapidement abandonné cette idée. Nous avions l’impression que le résultat de ce système
nous faisait perdre l’essence même de l’exercice des cartes. Nous avons donc choisi d’utiliser le
100
même fond de carte utilisé avec nos participants et de recopier leur carte de la manière la plus
basique possible (Word et Google Maps) et nous l’avons accompagnée d’une photo de la version
papier et un descriptif détaillé du déroulement.

Produire des comptes rendus nous a aussi permis de préparer la prochaine étape de l’analyse. En
effet, après avoir retranscrit les rencontres, nous avons structuré les comptes rendus selon les
principaux thèmes de notre recherche. Par la suite, nous avons classifié les participants selon leur
pays d’origine, leur programme d’étude et leurs moyens de transports.

3.7.2 L’identification des thèmes significatifs

En se basant sur les travaux théoriques sur les étudiant.e.s internationaux et sur les expériences
urbaines, nous avons construit une première grille d’entretien. Par la suite, tout au long du terrain,
nous l’avions adaptée pour ajouter des questions sur les différentes changements politiques et
sociaux qui ont eu lieu durant notre terrain (comme la COVID-19 et la réforme du PEQ) et les
thèmes significatifs pour nos participants. Une étude selon une approche phénoménologique
consiste à détecter les significations que donne un participant à son expérience vécue dans son
discours (Meyor 2007; Ribau et al. 2005). Dans un sens, nous voulions que le codage soit fait à
partir du vécu de nos participants. Durant les entrevues, nous leur avons demandé de nous parler
de leur vie quotidienne à Montréal pour tirer les points de convergence par rapport aux expériences
urbaines et à la mobilité de la population qui fait l’objet de notre recherche.

Il y avait eu deux phases d’identification. La première se faisait entre les rencontres. Ce que nous
avons appelé l’analyse horizontale. Après avoir retranscrit les entrevues, nous avons procédé au
codage de chaque rencontre séparément en utilisant le programme informatique NVIVO. Après la
première rencontre, une grille de code s’est construite qui était notre point de départ dans le
processus de codage de la deuxième rencontre. Par la suite, nous avons identifié les nouveaux
thèmes et nous les avons ajoutés avec les premiers codes. Cette nouvelle grille était à son tour le
point départ pour le codage des dernières rencontres. À la fin du processus, nous nous sommes
retrouvé avec une grille qui nous permettait d’identifier les thèmes significatifs dans 3 rencontres
ou ce que nous avons appelé, l’analyse verticale.

101
À la fin de cette phase, nous avions réussi à mettre toutes nos données sous formes de thèmes selon
nos objectifs de recherche (ex : mobilité urbaine, ambiance urbaine, liens sociaux, structure
d’opportunité migratoire, structure de contrainte, politique migratoire, rapport à l’espace…).

3.7.3 L’interprétation

L’analyse phénoménologique repose en premier lieu sur la description des expériences décrite par
la personne durant l’entrevue (Meyor 2007). Après avoir rassemblé les passages des discours des
participants sous des thèmes précis et significatifs, nous avons réécrit les phénomènes à la manière
d’un récit descriptif. Au début, nous avons retravaillé chaque thème séparément. Nous avons suivi
la chronologie du parcours migratoire. Nous avons commencé par le processus de construction
d’un projet migratoire pour étude, puis les différents thèmes autour de leur expérience migratoire
en tant qu’étudiants internationaux et nous avons terminé par les projets futurs envisagés après la
fin des études. Après cette phase, nous avons mis en corrélation différents thèmes et sous-thèmes
pour pouvoir synthétiser les processus et phénomènes que nous voulions étudier.

Les réponses autour de la construction d’un projet migratoire et sur les projets futurs après la fin
des études étaient plus en moins directes. Ceci nous a facilité l’interprétation des discours autour
de ce thème. Ces résultats ne nécessitaient pas un travail de triangulation pour leur validité.
Néanmoins, les interopérations des expériences et des significations que donnent les participants à
leurs expériences urbaines et à leurs rapports avec les espaces requéraient une analyse selon la
triangulation des données que nous avions prévue depuis le début de la recherche. Avant de passer
à la prochaine étape d’analyse, nous avons utilisé les cartes mentales des deux types pour vérifier
notre interprétation qui pouvait être dominée par une certaine subjectivité inconsciente. Concernant
les liens et rapports sociaux, à partir des entrevues, nous avons essayé de reconstruire des réseaux
pour chacun des participants. Nous les avons utilisés pour expliquer la partie des cartes
géographique où les participants avaient identifié les endroits et les lieux qu’ils fréquentent grâces
à leurs réseaux sociaux.

L’interopération verticale s’est effectuée en comparant les données issues des différentes
rencontres comme les cartes et le changement dans les discours que nous avons identifié grâce à
l’interprétation horizontale. À la fin de cette étape, en plus des textes descriptifs, nous avons résumé

102
les résultats sous forme d’un tableau à thème que nous avons accompagné de schémas récapitulatifs
pour que nous puissions synthétiser ces résultats.

3.7.4 La synthétisation

Nous avons synthétisé les différents thèmes et nous les avons présentés sous différentes formes.
Nous avons rédigé des textes narratifs où nous expliquons une typologie, une classification ou
même des étapes d’un processus. Nous avons aussi utilisé des tableaux pour la mobilité urbaine,
un schéma pour l’accueil et l’installation et d’autres pour mettre en corrélation les différents
phénomènes documentés et leurs étapes.

En ce qui concerne les phénomènes tels que la construction d’un sentiment de chez-soi, nous avons
eu recours à une métaphore biologique pour présenter les étapes de ce processus que nous avons
réussi à tirer de nos données. Nous parlons ici d’un phénomène peu documenté et selon Ribau et
al (2005, 25), la particularité de l’approche phénoménologique est de « proposer une description
d’un phénomène qui génère un dialogue au sein de la communauté scientifique, l’objectif n’étant
pas de trouver le sens absolu du phénomène, mais de le rendre visible, explicite, dans sa globalité,
et dans ses relations ».

Les résultats dans ce manuscrit sont présentés et structurés selon les trois phases de la carrière
migratoire : la construction d’un projet migratoire, l’expérience migratoire en tant qu’étudiant
international, et les projets envisagés après la fin des études. Les différentes synthèses nous ont
permis d’agencer les différentes parties à l’intérieur de ces sections.

3.8 Question épistémologique

Dans le cadre d’une recherche qualitative, les questions épistémologiques autour de la rigueur
méthodologique, la crédibilité et la validité des données, permettent d’évaluer le fondement d’une
recherche et ses résultats. Ces derniers sont construits à partir des interprétations des données par
le chercheur qui a mené l’étude. La crédibilité de ces données dépend de la rigueur
méthodologique.

103
Selon Gaudet et Robert (2018), la validité des résultats repose sur la qualité de l’échantillon qui est
la source des données récoltées : « Les chercheurs doivent établir des stratégies d’échantillonnage
afin de recueillir de l’information convergente sur un phénomène, mais aussi d’amasser une
diversité de cas pour pouvoir mettre en lumière la complexité du sujet étudié » (Gaudet et Robert
2018, 147). Dans la première partie de cette section, nous voulions expliquer en détails nos critères
de recrutement et la construction de notre échantillon raisonné. Nous avons construit cette grille à
partir de notre revue de littérature déjà présentée dans les chapitres précédents. La force de l’étude
de cas est sa validité interne du fait que l’observation en contexte naturel permet au chercheur-e
d’accéder à une représentation exacte des phénomènes en question. La validité interne d’une
recherche repose sur l’objectivité de l’interprétation et la reproductibilité des résultats (Gagnon
2005). Cette dernière ne peut être atteinte que si le chercheur reporte tous les détails de son étude
et c’est ce que nous avons essayé de faire tout au long ce chapitre. Après avoir présenté notre
échantillon et le déroulement du recrutement, nous avons étalé les détails de nos choix
méthodologiques et l’approche que nous avons suivi pour la collecte des données. Par la suite, nous
avons expliqué de manière détaillée les étapes que nous avons suivi dans l’analyse des données.
Concernant la question de l’objectivité des résultats, nous avons utilisé les cartes mentales pour
confirmer nos interprétations. Cette méthode est caractérisée par son objectivité, et ses données ne
sont pas soumises à la subjectivité du chercheur. La triangulation a permis une crédibilité à nos
interprétations et une certaine robustesse à nos résultats et à nos variables.

La validité externe est une autre question épistémologique. En focalisant la recherche sur un seul
groupe et un processus singulier et précis, les études de cas manquent de validité universelle. Elle
est présentée comme étant une faiblesse de cette méthode (Gagnon 2005). Par validité externe,
nous voulons parler de la transférabilité des résultats ou la capacité de généraliser les observations.
Suite à cela, nous avons évité « la généralisation abusive ». Nous avons construit un échantillon
suffisamment exhaustif pour pouvoir généraliser nos observations sur les membres du même
groupe ethnique à l’exception de la variable du genre.

En effet, la transférabilité générale des résultats sur l’influence de l’expérience urbaine basée sur
un groupe aussi particulier que celui des Maghrébins n’est pas possible. Cependant, les résultats
sur les liens de causalité possible entre les liens sociaux et la mobilité urbaine et sur le processus
de construction d’un capital spatial peuvent être transférables sur d’autres groupes de migrants.
D’un autre côté, les observations autour de mobilité urbaine ne peuvent être généralisés sur des
104
étudiantes car comme nous l’avons déjà mentionné, la mobilité urbaine est une question de genre.
En synthétisant nos résultats dans ce manuscrit, nous avons pris en considération ces questions
épistémologiques afin de conserver la crédibilité des données et pour donner une robustesse à notre
étude. Avant de se pencher sur ces résultats, nous allons présenter notre positionnement autant que
chercheur principal.

3.9 Positionnement

Cette partie sera rédigée à la première personne pour présenter notre positionnement dans le
contexte de la recherche. Selon Pierre Bourdieu, « le sociologue digne de ce nom ne peut ignorer
que le propre de son point de vue est d’être un point de vue sur un point de vue. » (1991, 5). Certes
je ne suis pas un sociologue mais cette recherche, qui étudie des phénomènes sociologiques,
s’inscrit dans la sociologie urbaine et la sociologie de l’immigration. Par conséquent, j’ai emprunté
des lunettes de sociologue pour présenter mon point de vue et ma position par rapport au
déroulement de projet. Au début de la collecte des données, j’ai reconnu que mon regard n’était
pas neutre et dépendait de mon bagage académique, social et culturel. C’est pourquoi, j’ai choisi
de préciser cette position personnelle avant de rencontrer mes participants dans cette recherche et
qui était :

Je me positionne comme un étudiant international inscrit dans un programme de cycle supérieur


dans une université montréalaise. Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai le profil parfait pour participer
à cette recherche. Durant la formation de mon projet migratoire, je me suis souvent demandé : est-
ce que je vais aimer Montréal ? Est-ce que je vais me sentir chez-moi ? Moi, qui vivais et étudiais
dans une grande ville des Suds ? Comment vais-je me déplacer dans une métropole du Nord ?
Pourrai-je mener mon projet de recherche sur la migration sans être influencé par ma propre
expérience migratoire? Être un migrant m’a rendu particulièrement sensible aux enjeux autour de
l’expérience migratoire des étudiants internationaux. Ma plus grande crainte était de contaminer
les résultats de mes recherches avec une interprétation subjective des résultats. C’est donc avec
mon expérience d’étudiant international, avec ma sensibilité envers la réalité de l’expérience
migratoire des étudiants internationaux maghrébins, en toute humilité et en toute ouverture à une
philosophie et à des modes de vie différents des miens, que je suis allé à la rencontre des nouveaux

105
étudiants maghrébins à Montréal, marocains, algériens, tunisiens, croyants et non croyants,
pratiquants et non pratiquants, arabes et berbères. Tant lors de la collecte des données que lors de
l’analyse, j’ai constamment remis en question mon point de vue d’étudiant international d’origine
maghrébine installé à Montréal.

Aujourd’hui, avec un recul, je me suis rendu compte que mon positionnement n’était pas une
contrainte pour ma recherche mais plutôt une force. Comme je l’ai déjà expliqué, c’est mon statut
d’étudiant international et mes origines qui ont facilité la construction de la relation de confiance
avec les participants pour qu’ils se confient à moi et me racontent les détails de leurs vies. Mais
c’est aussi mon statut de migrant qui m’a permis de suivre de très près les changements des
politiques migratoires fédérales et provinciales. Ma curiosité et le besoin de toujours savoir ce qu’il
se passe sur les différents niveaux m’ont permis de rester à jour et de développer des connaissances
administratives et politiques sur les questions de l’immigration. Ces connaissances m’ont été d’une
grande aide dans le déroulement de l’enquête et dans l’interprétation des résultats.

D’autre part, mes expériences personnelles à Montréal m’ont permis de comprendre les réalités
derrière les discours des participants. De savoir gérer les moments délicats durant les rencontres
sans les mettre dans une situation de « risque ». En se positionnant par rapport aux participants et
à la recherche, j’ai réussi, je l’espère, à neutraliser ma subjectivité et à minimiser ma subjectivité
dans l’interprétation des données pour assurer une bonne validité aux résultats.

Nous allons maintenant présenter la synthèse de nos interprétations. Les chapitres suivants seront
consacrés aux résultats de notre recherche que nous avons structurée à partir des trois temps du
concept de carrière migratoire. Dans le chapitre suivant nous allons présenter les détails autour de
la construction du projet migratoire pour étude et l’installation dans la ville d’accueil.

106
CHAPITRE 4: CHOISIR MONTRÉAL COMME VILLE
D’ÉTUDE; ENTRE STRATÉGIES MIGRATOIRES ET DON
D’HOSPITALITÉ

4.1 Introduction

Pour avoir une bonne compréhension du parcours migratoire des étudiants internationaux
maghrébins à Montréal, nous allons commencer par le commencement. La première partie de la
carrière migratoire est la construction du projet migratoire. Avant de s’intéresser au vécu de nos
participants dans la ville d’accueil, nous allons d’abord essayer de reconstituer le processus de la
construction d’une carrière migratoire avec les motifs d’émigration.

Dans la première partie de ce chapitre, nous allons nous concentrer sur la construction du projet de
migration pour étude et sur la période prémigratoire. Nous commençons par identifier les objectifs
de migration des étudiants internationaux et les facteurs qui les ont influencés à choisir Montréal
comme ville d’étude. À partir de ces facteurs nous allons documenter leur importance dans le
parcours migratoire de nos participants. Nous suivrons une logique chronologique et nous
aborderons l’installation à Montréal avant de s’attarder sur leur vie quotidienne.

En s’intéressant à l’installation des étudiants internationaux d’origine maghrébine à Montréal, nous


avons identifié un système spiral d’hospitalité au sein de ce groupe de migrants. Nous utiliserons
le concept de don d’hospitalité pour expliquer cette dynamique d’accueil entre les nouveaux et
anciens étudiants.

Les résultats que nous présenterons dans ce chapitre nous permettrons aussi d’expliquer une
stratégie migratoire qui permet à ces migrants temporaires d’accéder rapidement à l’immigration
permanente. Pour décrire ce nouveau mouvement migratoire nous pouvons dire que les études sont
devenues la nouvelle voie des Maghrébin.e.s pour l’immigration permanente au Québec.

107
4.2 Objectifs de départ : pourquoi migrer?

Pour comprendre le processus de construction du projet migratoire des étudiants internationaux


maghrébins, nous nous sommes intéressés aux motifs qui les poussent à envisager la mobilité
internationale. La majorité de nos participants ont commencé par mentionner le chômage dans leurs
pays d’origine. Tous sauf Koceila, ont terminé leurs études de deuxième cycle et ils étaient au
chômage ou ils occupaient un emploi où ils s’estimaient surqualifiés. D’autres évoquaient le
manque d’expertise dans plusieurs domaines notamment dans la recherche scientifique et les
domaines technologiques. Ces personnes envisageaient une carrière académique ou professionnelle
qui, selon eux, n’était pas possible dans leurs pays. Ils nous parlaient aussi de l’avenir. Pour eux,
vivre dans un pays du Nord, leur permettrait d’avoir un bon avenir et d’en assurer un meilleur pour
leurs enfants.

Quand j’étais aux études, je n’ai jamais envisagé l’immigration. Je me disais, je vais
terminer ma formation. Après je vais travailler dans un bureau ou je vais ouvrir le mien.
Une fois à l’extérieur, un an après je n’arrivais toujours pas à trouver un stage pour finir ma
formation. Et c’est durant ce moment de détresse que l’idée de la migration me soit venue.
Je savais qu’avec mon diplôme algérien je ne trouverais pas de travail, il n’est pas vraiment
reconnu. J’ai donc décidé de partir et j’ai atterri ici au Canada (Massinissa, DEP)

Là où j’habite, j’entendais les gens parler du Canada et du DEP. J’ai terminé mes études, je
n’ai pas trouvé de travail dans mon pays. J’ai essayé moi aussi le Québec et ça a marché
(Kamel, DEP)

Par la suite, nous nous sommes penchés sur leurs objectifs de départ qui ont un impact sur le choix
de la ville et le pays de destination. Dans leurs discours, nous avons noté que pour eux les motifs
de migration et les objectifs de départ sont sur des échelles différentes. Nous avons remarqué qu’ils
étaient conscients de la présence d’un processus de construction d’un projet de migration. Ils
présentaient les motifs de migration comme un élément déclencheur du projet de mobilité
internationale et les objectifs de départ sont évoqués par rapport à la destination choisie. Nous
pouvons donc dire que les objectifs de départ correspondent aux facteurs qui influencent le choix
du pays (ou province) et la ville de destination qui est dans notre cas, Montréal.

108
Pour les aider à se focaliser sur les objectifs de départ et les raisons qui les ont poussés à choisir
Montréal, nous leur avons posé une question directe et simple : pourquoi avez-vous choisi Montréal
comme ville de migration? En utilisant leurs mots, nous pouvons résumer leurs réponses en deux
objectifs : « pour les papiers15 » et « pour faire carrière (professionnelle) ». À partir de cette
classification, nous allons nous attarder sur les facteurs qui ont influencé leur choix de la ville
d’étude, Montréal.

4.3 Montréal, une destination de choix pour les étudiants internationaux


maghrébins

Le choix de la ville de destination est une étape cruciale dans la construction d’un projet migratoire.
Les démarches de migration et l’accès à l’emploi durant et après les études ont une grande influence
sur le choix du pays et de la ville de destination. Par exemple, pour étudier au Québec, le candidat
doit avoir en sa possession une admission de l’université de formation, un Certificat d’Acceptation
au Québec (CAQ), un Visa remis par le gouvernement canadien et un permis d’étude comme titre
de séjour. Les candidats inscrits dans un programme de doctorat peuvent obtenir une bourse
gouvernementale d’exemption des droits de scolarité supplémentaires exigés aux étudiants
internationaux. Ces derniers ont le droit de travailler à l’intérieur du campus universitaire, ou un
maximum de vingt heures par semaine en dehors du campus16. La facilité des démarches de
migration et le droit au travail durant les études sont des structures d’opportunité positives qui
peuvent être déterminantes dans le choix du Québec comme pays d’accueil par comparaison avec
la France chez les étudiants internationaux maghrébins. La plupart de nos répondants avaient
montré un intérêt à faire des études en France avant d’entamer les procédures pour venir au Québec.
L’Europe a toujours été la première destination des Maghrébins.e.s pour immigrer ou pour migrer
(faire des études, migration clandestine), mais dernièrement, les procédures de migration vers
l’Europe et vers la France plus particulièrement, sont devenues de plus en plus compliquées :
difficultés pour obtenir un visa, procédure complexe pour les étudiants, procédure complexe pour

15 Par papiers, ils font référence à la résidence permanente et à la citoyenne canadienne.


16 Le gouvernement canadien a changé cette loi pour un groupe d’étudiant en automne 2022 pour une durée de 12 mois.

109
immigrer, etc. Ce qui place le Québec et le Canada en deuxième position comme destination de
choix pour les migrant.e.s maghrébin.e.s.

Au début, je voulais étudier en France. J’ai essayé, mais avec tous les obstacles du
programme migratoire français j’ai laissé tomber… un ami m’a parlé du Canada, la
procédure est beaucoup plus facile, beaucoup d’opportunités et en plus le bon niveau
d’étude (Anis, Maîtrise).

4.3.1 Le PEQ, une structure d’opportunité ou un objectif de migration ?

La majorité de nos répondants ont choisi le Québec pour deux raisons; le français et le programme
d’expérience québécoise (PEQ). Les participants évoquent le PEQ comme un objectif de migration,
un programme qui va leur permettre d’accéder rapidement à la résidence permanente et à la
citoyenneté canadienne par la suite. Ces étudiants auraient préféré venir directement travailler et
vivre au Québec, mais les longues durées d’attente et la complexité des autres programmes
d’immigration ont fait qu’ils choisissent la voie des études pour venir s'installer au Canada après
l’obtention d’un diplôme. En effet, la plupart d’entre eux n’ont jamais voulu migrer en tant
qu’étudiants internationaux, mais ils ont utilisé les programmes qui mènent à l’obtention d’un
diplôme d’études professionnelles (DEP) pour accéder rapidement au PEQ. Ces programmes ne
durent que 18 mois, mais les frais de scolarité sont très élevés (entre 18000$ et 25000$/ formation).
Ils estiment que ce processus va leur permettre d’accéder rapidement à la résidence permanente, ce
qui qui leur ouvrira l’accès à des formations universitaires sans avoir à payer les droits de scolarité
majorés exigés des étudiants internationaux. En même temps le DEP leur permettra d’accéder au
marché de travail s’ils le souhaitent. Par ailleurs, la majorité d’entre eux ne choisissent pas la
formation professionnelle en fonction de leurs études antérieures, mais selon les frais de scolarité
à payer. Donc, ils se retrouvent dans les mêmes écoles avec des diplômes qui ne leur serviront qu’à
obtenir une résidence permanente rapidement et non pas à intégrer le marché du travail québécois.

Au début, je voulais aller en France, mais un ami m’a parlé de la possibilité d’avoir la
citoyenneté canadienne rapidement après la fin des études avec le PEQ (Liamin, Maîtrise)

110
Les procédures pour venir sont beaucoup plus faciles que les procédures européennes…je
voulais immigrer en Italie, mais à Montréal, le Québec propose la meilleure offre à travers
les études (Bassim, DEP)

Je n’aime pas les études, mais pour rester ici il faut que je termine n’importe quelle
formation et après je travaillerais dans n’importe quel domaine… j’ai fait des études en XX,
mais là, je me suis inscrit dans un DEP en YY… c’est juste pour avoir la citoyenneté. Je ne
vais pas vraiment étudier (Kamel, DEP)

Deux de nos participants disposent d’un capital migratoire avant de venir au Québec. Koceila a
déjà vécu l’expérience d’étudiant international en Asie. Après avoir obtenu son baccalauréat
scolaire en Tunisie, avec un ami, il avait entamé une formation de médecine dans le pays en
question. Après un an, il a abandonné le projet migratoire et les études et il est revenu dans son
pays d’origine. Quelques années plus tard, il s’est retrouvé sans diplôme et sans travail et c’est à
ce moment qu’il a décidé de retenter l’expérience de la mobilité internationale. Il cherchait une
courte formation en français et il a été séduit par les programmes de DEP au Québec et par le PEQ :

Quand j’ai assisté au Salon des études au Canada qui avait lieu en Tunisie, j’ai rencontré
des conseillers qui m’avaient expliqué qu’en étudiant 18 mois, je serais admissible à un
programme d’immigration en accéléré (Koceila, DEP)

Bilel quant à lui, après plusieurs essais avec campus France, a quitté l’Algérie pour faire carrière
en Turquie. Mais, après quelques mois, il a décidé de rentrer en Algérie. Il a aimé la vie à Istanbul,
mais il n’arrivait pas à se projeter dans le futur. Dès son retour, il avait entamé les procédures pour
étudier au Québec, ou plutôt immigrer au Québec : « J’ai postulé pour une maîtrise ici au Québec.
Une fois que j’ai eu mon CAQ et mon permis d’étude, je me suis inscrit dans un programme de
DEP pour terminer une formation de 18 mois et m’inscrire rapidement au PEQ » (Bilel, DEP).

L’analyse de notre matériel empirique nous a permis d’identifier le PEQ comme étant une structure
d’opportunité positive au Québec mais aussi comme un tremplin dans un objectif de migration chez
les étudiants internationaux d’origine maghrébine. En effet, pour certains étudiants le projet
migratoire pour études n’est qu’un processus qui permet un accès rapide à l’immigration
permanente grâce au programme de l’expérience québécoise. Les étudiants qui suivent une
formation de DEP étaient inscrits à un programme de maîtrise au moment de faire leur demande

111
de CAQ et de permis d’étude. Une fois ces papiers de migration en mains, ils changent de
formation. Ce processus est une stratégie qui permet à ces étudiants d’avoir la résidence
permanente rapidement sans avoir à passer par les autres programmes d’immigration économique
du Québec (Arrima) et du Canada (Entrée express). Ils sont à la recherche, et j’utiliserai leurs mots,
« d’un meilleur avenir et d’une meilleure vie pour nous et nos enfants ».

4.3.2 Les bourses d’étude comme structures d’opportunité

Le volet économique a aussi une influence sur le choix du pays de destination. Effectivement, une
bourse d’étude peut être un motif pour entamer un projet de mobilité internationale et dans le choix
de la ville d’accueil. Ramzy ne voulait pas quitter l’Algérie sans avoir eu une bourse pour une
formation de maîtrise. Il a contacté plusieurs laboratoires de recherche dans le monde, mais un seul
lui a répondu et lui a accordé une bourse pour une maîtrise à Polytechnique Montréal :

Après avoir cherché pendant des mois une bourse pour aller en Europe, j’ai trouvé le
laboratoire X à Polytechnique Montréal et j’ai beaucoup aimé leur projet de recherche. J’ai
contacté mon professeur qui m’a proposé une maîtrise avec une bourse ici, j’ai accepté
(Ramzy, Maîtrise)

Sajed (Maîtrise) a toujours voulu faire des études au Canada, mais ses moyens financiers en Tunisie
ne le lui permettaient pas. C’est quand il a réussi à avoir une bourse grâce au programme canadien
de bourses de la francophonie qu’il a pu mettre en marche sa carrière migratoire.

4.3.3 Le réseau prémigratoire comme facteur d’influence

Au-delà des structures d’opportunités, les réseaux personnels prémigratoires mobilisables (dans les
pays d’origine, dans le pays d’accueil et à l’international) ont aussi une influence sur le choix du
pays et de la ville d’étude. Beaucoup de nos répondants nous ont parlé de leurs ami.e.s et de leurs
familles qui les ont encouragés à venir à Montréal au lieu d’aller dans une autre province ou dans
une autre ville. Prenons l’exemple de Massinissa qui est un anglophone, mais a choisi Montréal
pour rester avec ses amis. Ou Fadi, qui est aussi anglophone mais sa copine et ses amis qui sont à
Montréal depuis des années, ont beaucoup influencé sa décision et l’ont beaucoup encouragé à
112
relever le défi de la langue: « Ce sont mes amis et ma copine qui sont déjà là, qui m’ont encouragé
à venir...même ma formation à l’ÉTS est en français » (Fadi, Maîtrise).

D’autres facteurs font de Montréal une ville de destination de choix pour les étudiants
internationaux maghrébins. Parmi nos participants, il y en a cependant qui ont choisi la formation
ou l’école et non pas Montréal. Ramzy, Moussa, Liamin et Sajed voulaient poursuivre des études
à l’international, mais le choix de la ville de migration importait peu dans leurs projets migratoires.
Liamin et Moussa ont tous les deux choisi l’ETS pour continuer leurs études. Liamin avait postulé
à l’Université d’Ottawa, mais après un refus il a commencé à chercher une formation ailleurs au
Canada. Il est à Montréal parce que le programme qu’offre l’ÉTS l’a intéressé et parce que ses
amis lui ont déconseillé la France « Quand j’ai reçu un refus de l’Université d’Ottawa j’ai postulé
à l'ÉTS. Je n’ai pas choisi le Québec, j’ai choisi l’ÉTS » (Liamin, Maîtrise). Moussa quant à lui,
avant qu’il s'intéresse à l’ÉTS, a essayé plusieurs fois de rejoindre ses amis en France, mais aucune
université ne l’a accepté.

Au début, je voulais étudier en France. J’ai essayé plusieurs fois avec campus France., mais
ça n’a jamais abouti. Après j’ai commencé la procédure pour le Canada. Je n’ai pas choisi
Montréal, mais l’ETS...c’est la moins chère pour les cycles supérieurs (Moussa, Maîtrise)

Wael voulait vivre l’expérience américaine en français. Il a reçu beaucoup d’offres de travail ou
pour étudier en Europe, mais il les a toutes déclinées parce que le style de vie européen ne
l'intéressait pas: « C’est plus le style de vie à l’américaine qui m’a attiré, je cherchais un bon avenir,
mais avec un bon style de vie » (Wael, Maîtrise).

D’autres évoquent le racisme et la discrimination que vivent les Maghrébin.e.s en France. Ils
estiment qu’au Québec, ils seront beaucoup moins racisés et qu’ils ne seront pas rejetés ni par le
gouvernement ni par la société québécoise. Ils évoquent la tolérance et la diversité de la société
montréalaise comme des points positifs qui les ont encouragés à choisir Montréal comme une ville
de destination.

La situation des Arabes n’est pas encourageante en France…j’ai des amis à Montréal et
d’après leurs expériences, on peut vivre ici sans être mis sur la touche (Bilel, DEP)

En somme, si Montréal est devenue une destination de choix pour les étudiants internationaux
maghrébins c’est grâce au PEQ, à ses universités, au français et à son ouverture à l’autre. Comme

113
nous venons de le voir, le choix de la ville de destination est une question d’objectif de migration.
Ceux qui aspirent à avoir une carrière professionnelle voient en elle, une opportunité pour atteindre
leur objectif. D’autres la considèrent comme une étape et une porte vers le Nord. Et, un autre
groupe, voit en elle, une ville d’immigration où ils voudront s’installer après les études.

Un autre facteur fut évoqué par la majorité de nos participants : le réseau prémigratoire. D’où notre
intérêt pour la question de l’accueil. Cette dernière est de plus en plus présente dans les recherches
sur la migration, mais elle n’a jamais fait partie de nos objectifs de recherche. Cependant, durant
les premières rencontres, les détails de leur installation revenaient plus souvent. Nous avons
remarqué que cette question occupait une place importante dans leur vie quotidienne à Montréal et
dans leur expérience migratoire. De plus, nous verrons pourquoi le réseau prémigratoire est
important dans leur choix de ville de migration et comment il influence la construction du projet
migratoire. Dans ce qui va suivre, nous allons présenter une structure d’accueil en « spirale » basée
sur le don de l’hospitalité entre les étudiants internationaux maghrébins qui séjournent à Montréal.

4.4 L’accueil et l’installation à Montréal

Un projet migratoire engendre beaucoup de stress, d’angoisse et d’incertitudes, allant de l’accueil


à l’aéroport aux modes de transport pour aller à l’université et au mode de vie des étudiants en
passant par l’hébergement à l’arrivée (Arcand et al 2009). Or, les étudiants internationaux
maghrébins qui ont participé à notre recherche n’ont pas vécu ces préoccupations. L’arrivée et
l’installation à Montréal ont été simplifiées parce que la plupart d’entre eux avaient déjà un réseau
prémigratoire au Québec prêt à les accueillir. Les réseaux prémigratoires représentent, nous l’avons
vu, les proches (famille, ami.e.s) et les personnes qu’un.e migrant.e a pu ou dû contacter avant de
quitter son pays d’origine. Ils sont la première source d’informations et répondront aux différentes
questions concernant le déroulement de sa nouvelle vie quotidienne. Nous pourrons généraliser ces
questions de la manière suivante : comment savoir, que choisir et comment, comment obtenir,
comment mettre en ordre? (Bourdin 2005 ; Arcand et al 2009). La plupart des participants ont
affirmé avoir puisé dans leurs réseaux personnels pour trouver des personnes susceptibles de les
accueillir et les aider à s’installer les premières semaines à Montréal.

114
Seulement trois étudiants ne sont pas restés chez un ami ou une connaissance durant les premières
semaines à Montréal. Moussa avait réservé et payé une chambre dans la résidence universitaire de
l’ÉTS avant de venir. Il ne connaissait personne au Québec et il préférait prendre directement une
chambre dans la résidence plutôt que d’aller dans un hôtel ou louer une chambre Airbnb. Le
programme d’accueil des nouveaux étudiants internationaux de l’ÉTS l’a beaucoup aidé dans son
installation par la suite (la carte de transport, le numéro d’assurance sociale, l’intégration
universitaire…) : « …j’aurais aimé avoir quelqu’un ici chez qui rester au début, ou si j’étais en
France tous mes amis sont là-bas, ça aurait été tellement plus facile et moins stressant » (Moussa,
Maîtrise). Anis en revanche, avait un réseau prémigratoire, mais il se définit comme une personne
autonome et solitaire. Il a décliné toutes les offres de ses amis et a alterné entre une chambre Airbnb
et une auberge de jeunesse jusqu’à ce qu’il ait trouvé une chambre dans une colocation avec des
Français dans le quartier du Plateau : « Je voulais vivre l’expérience de l’étranger et de la Ghorba17
seul » (Anis, Maîtrise) - Nous reviendrons sur l’explication de ce terme plus loin. Les ateliers de
formation et d’aide offerts par le « bureau d’accueil des étudiants étrangers à l’UQÀM » ont facilité
son installation sans qu’il fasse appel à ses amis à Montréal. Il n’a pris contact avec eux qu’après
plusieurs semaines, alors qu’il avait trouvé un appartement et était bien installé : « Mes amis étaient
très fâchés contre moi, mais c’est un choix personnel. Il y en a qui l’ont pris très mal parce que je
ne les avais pas informés de ma venue (Anis, Maîtrise).

Prendre une chambre Airbnb ou une chambre d’hôtel pour plusieurs jours nécessite un certain
capital économique. Rappelons-le, Anis vient d’une famille aisée et il a pu se permettre ce mode
d’hébergement. Les autres étudiants n’avaient pas tous des ressources économiques qui leur
permettaient de louer des chambres dans des hôtels ou des Airbnb.

Il y a aussi Sajed qui est admis avec une bourse gouvernementale. Il dépendait du gouvernement
canadien qui l’avait installé dans un hôtel avec d’autres boursier.e.s. Durant son séjour obligatoire
à l’hôtel, Sajed a eu droit à une formation détaillée sur l’intégration universitaire et sur son
installation à Montréal : « J’avais hâte de sortir de là-bas (il fait référence à l’hôtel). Je voulais voir
mes amis et ils étaient prêts à m’accueillir chez eux, mais je ne le pouvais pas. » (Sajed, Maîtrise).

17 Nous reviendrions sur la signification à la fin du chapitre

115
Les autres ont été accueillis par leurs amis et par leurs connaissances. Wael, Fadi, Liamin, Ilyes et
Ramzy ont passé les premières semaines chez leurs amis. Ils n’avaient donc pas à chercher où
atterrir. Chacun d’entre eux avait un ami qui avait proposé de l’héberger chez lui et de venir le
chercher de l’aéroport. Wael et Fadi sont restés chez des anciens collègues pendant presque un
mois, sans rien payer. Liamin et Ilyes ont été accueillis dans des colocations. Leurs amis vivaient
avec d’autres personnes, ce qui ne les a pas empêchés de les accueillir chez eux. Liamin a fini par
former une nouvelle colocation avec son ami et Ilyes a aussi formé une nouvelle colocation, mais
avec des connaissances de son ami.

Un ami avait proposé de m’héberger les premières semaines…je suis resté chez lui et son
ami presque 40 jours…j’avais du mal à trouver un appartement…après il m’a proposé de
faire colocation parce que son ami allait se marier et il voulait un appartement seul (Liamin,
Maîtrise)

C’est mon ami X qui est venu me chercher à l’aéroport et il m’a hébergé chez lui presque
45 jours. On était quatre dans un petit appartement, mais lui et ses amis ont insisté pour que
je reste avec eux jusqu’à ce que je trouve un appartement (Ilyes, DEP)

Ramzy avait réservé une chambre d’hôtel pour quelques jours, mais, contrairement à Anis, il a pris
contact avec son ami 2 jours après son arrivée pour le rencontrer dans un parc. Quand son ami a su
qu’il n’avait pas voulu le déranger et qu’il séjournait dans un hôtel, il a insisté pour que Ramzy
reste chez lui jusqu’à à ce qu’il trouve un appartement et pour qu’il puisse l’aider à s’installer à
Montréal.

Quand mon ami a su que j’étais dans une chambre d’hôtel, il est venu me chercher…il a
juste débarqué et était déterminé à me ramener chez lui. Il était très fâché parce que je ne
l’ai pas appelé avant. Je suis resté chez lui presque trois semaines… Il m’a accompagné à
l’école pour me montrer comment se repérer par rapport au métro. Il m’a aidé avec les
différents papiers d’installation. Il m’a fait découvrir Montréal, il était comme un guide
touristique (Ramzy, Maîtrise)

116
Le cas de Redha illustre une installation quelque peu différente. Son ami lui avait préparé déjà une
chambre dans une colocation. Il lui a fait découvrir Montréal, l’a aidé à se trouver un emploi, une
voiture et à se préparer pour l’école

Pour moi c’était facile, mon ami était ici 3 mois avant moi. Il a loué un appartement avec
deux autres amis. Je n’avais qu’à mettre mes valises et mes draps…je suis venu directement
à ma chambre…il m’a fait visiter Montréal et il m’a montré les marchés Halal et les cafés…
(Redha, DEP)

Bassim et Kamel avaient reçu plusieurs propositions d’hébergement. Chacun d’eux avait choisi
une stratégie différente. Kamel a préféré s’installer dans un appartement où tous les colocataires
sont ses amis pour se sentir à l’aise. En revanche, Bassim a choisi de répondre présent à tous ses
amis. En habitant dans plusieurs appartements dans différents quartiers, il a commencé à construire
ce que Rérat (2017) appelle un capital spatial18.

J’ai beaucoup d’amis ici, il fallait que je fasse un choix, ils ont tous proposé de venir me
chercher et de m’héberger. Après pour leur faire plaisir à tous, j’ai passé les cinq premières
semaines dans trois appartements différents (Bassim, DEP)

Le cas de Massinissa est plus compliqué. Il est venu avec un ami qui n’avait pas de réseau
prémigratoire au Québec. Un de ses amis proches lui avait déjà proposé de l’héberger, mais
Massinissa devait trouver une stratégie pour lui et son ami, Y. Il témoigne :

Je suis venu avec Y. Mon ami est venu nous chercher de l’aéroport, mais on ne pouvait pas
rester les deux dans son appartement. Donc, je lui ai demandé d’héberger Y. moi, j’ai des
connaissances ici, l’un d’eux avait déjà proposé de m’accueillir, le temps que je trouve un
appartement. Voilà, c’était plus facile qu’Y le pensait (Masinissa, DEP)

Koceila et Bilel n’avaient pas de réseaux prémigratoires, mais leurs réseaux sociaux les ont aidés
à en construire un « en urgence » pour faciliter leur arrivée et leur installation. Koceila devait être
pris en charge par une agence qu’il avait contactée en Tunisie, mais une fois à Montréal, il n’y avait
personne pour l’attendre. Il est resté des heures dans le hall de l’aéroport jusqu’à ce qu’une de ses

18Le capital spatial est l’ensemble des ressources mobilisables qu’une personne utilise dans ses pratiques spatiales et dans le
processus d’appropriation de différents espaces au même temps (Rérat 2017).

117
amies contacte une de ses connaissances qui vit à Montréal pour l’aider à trouver un hôtel ou une
chambre Airbnb. Mais cette personne lui proposa de s’installer chez lui jusqu’à ce qu’il trouve un
appartement. Il ne l’a pas seulement hébergé, il lui a trouvé un travail et il l’a aidé à s’installer.
Bilel avait procédé autrement, il a mobilisé son réseau éloigné, pour finalement retrouver le fils de
son professeur qui lui a proposé de s’installer chez lui avant qu’il lui trouve une colocation, Bilel
raconte :

C’est l’ami d’une connaissance qui est venue me cherche à l’aéroport et il m’a conduit chez
une de mes connaissances. En fait, quand j’ai su que le fils de l’un de mes anciens
professeurs était ici, je l’ai appelé pour voir s’il pouvait m’aider au début. Lui, il a proposé
de m’héberger alors qu’il vivait dans un petit appartement. Je suis resté chez lui plus d’une
semaine. Il faut dire que j’étais chanceux; deux de leurs amis cherchaient une troisième
personne dans leur colocation. De plus, ses amis m’ont aidé avec les différents papiers
(banque, NAS…) et ils m’ont aussi fait visiter Montréal. Pour l’emploi, l’ami de mon ami,
qui est venu me chercher de l’aéroport, m’a appelé quelques jours après pour me parler d’un
emploi. J’ai accepté et il m’a même accompagné pour mettre mon CV (Bilel, DEP)

Les personnes du réseau prémigratoire peuvent aussi être de la famille comme c’est le cas de
Soufian. Sa tante qui vit ici depuis des années l’a aidé à préparer son installation et son intégration
universitaire. Elle ne l’a pas seulement accueilli chez elle les premières semaines, elle lui a proposé
une chambre où il vit toujours à la fin de notre terrain.

L’accueil que reçoivent les étudiants d’un DEP n’est pas le même que celui des étudiants
universitaires. Cette différenciation est liée à leurs formations et à leurs objectifs de départ.

4.4.1 Les étudiants de DEP

La première chose que les étudiants de DEP font est le changement de formation de maîtrise à la
formation professionnelle, s’ils ne l’ont pas déjà fait dans le pays d’origine. Une fois inscrits, le
travail devient leur priorité parce qu’ils doivent préparer la somme nécessaire pour payer leurs
études. Notons que tous nos participants de DEP travaillent comme livreur ou chauffeur de taxi.
Les études ne sont pas leur priorité car leur objectif de départ n’était pas le diplôme mais la

118
résidence permanente. Dans ce sens, leur but est de terminer les 18 mois de formation sans tarder.
Le lieu de résidence permanent vient en dernier dans la liste des préoccupations, et ils préfèrent
rester entre étudiants de DEP dans des colocations de Maghrébins. Ceci va à l’encontre de ce que
Marchandise (2011) avance sur les étudiants internationaux maghrébins de France qui, selon ses
résultats, resteraient loin de leur communauté socialement et spatialement.

4.4.2 Les étudiants universitaires

Leurs ami.e.s les ont aidés à s’installer rapidement, à préparer leur rentrée universitaire et à
comprendre le système éducatif du Québec. Après, ils(elles) les aident à trouver un travail à temps
partiel. La vie et l’installation des étudiants universitaires tournent autour des études. Le travail
pour eux est secondaire, voire pas nécessaire durant la première session pour certains. Ils mettent
toutes leurs énergies dans les études pour réussir à décrocher le diplôme qui est leur objectif de
départ. Ils préfèrent s’installer à proximité de leurs écoles et avec des universitaires comme eux,
sans préférences ethniques.

À partir de ce que nous venons de présenter, nous avons construit une conceptualisation de la
structure d’accueil entre les étudiants internationaux maghrébins de Montréal que nous avons
expliquée à travers le don d’hospitalité.

4.5 Le don d’hospitalité : Quand l’accueil est un retour!

« Ce qui circule entre amis relève de toute évidence du système de don… la relation du don est
d’abord un phénomène de réciprocité », tels sont les propos de Jacques T. Godbout (2007). Si nous
considérons que l’hospitalité est ce qui circule entre nos participants et leurs hôtes recevant (host),
nous pouvons faire un lien avec le « don d’hospitalité ». L’hospitalité est avant tout une rencontre
entre deux ou plusieurs acteurs qui n’ont pas le même statut; l’un est un hôte recevant, l’autre est
un hôte invité. La rencontre consiste à recevoir une personne dans son espace ou à être reçu dans
l’espace de l’autre. Le lieu de la rencontre ne peut donc pas être commun entre les protagonistes.
La frontière entre l’hospitalité et le partage est très fine. Le don n’aura plus lieu quand l’espace est
partagé et qu’il appartient à tous (Godbout 2019).

119
À partir des travaux de Mauss, Godbout (1992, 2007, 2019) définit le don comme étant un système
en forme de spirale basé sur la triple obligation morale : donner, recevoir et rendre. Il est doté d’une
cohérence « intrinsèque » qui permet la circulation des objets entre les personnes. Il doit être libre,
spontané, gratuit et sans exigence de retour. Le moment le plus important d’une spirale est celui du
don proprement dit car il représente la cause de la naissance d’un système de liens qui n’existait
pas auparavant. Comme il peut être la cause de la suite d’un système antérieur. Dans ce cas, l’action
du donneur peut être considérée comme un retour, celui qui rend donne en même temps.

En analysant le don d’hospitalité, nous évoquons le don dans son sens le plus pur. En effet,
l’hospitalité va au-delà du geste de donner son espace à un hôte invité, puisqu’il s’agit de
l’accueillir dans son espace sans qu’il ait à franchir la frontière de l’appartenance. Selon Godbout
(2019), la présence du donneur et son esprit dans l’espace d’accueil font partie du don d’hospitalité.
En même temps, le fait que l’invité accepte l’hospitalité d’un proche peut être considéré comme
une forme de retour par l’hôte recevant.

Un retour dans le système de don ne signifie pas la fin de la chaine spirale. Contrairement à la
circulation dans l’échange marchand, lequel ne donne pas de suite après le retour, le don donne
lieu à ce que Florence Weber (2009) appelle « une spirale de générosité ». Ce qui nous amène à
poser la question : Est-ce que les nouveaux étudiants, qui sont nos participants, vont donner à leur
tour en guise de retour de ce qu’ils sont déjà reçus comme hospitalité? Quand nous avons construit
ce projet, nous ne s’attendions pas à ce que nos participants nous parlent des détails de leur
installation. Grace à la liberté dans les entrevues semi-dirigées, nous avons collecté assez de
données pour suivre un système d’accueil et d’hospitalité ethnique qui échappe aux contrôles du
marché et de l’État. Cette dynamique d’accueil peut être étudiée à travers le système en spirale du
don d’hospitalité.

4.6 Quand l’invité d’hier devient l'hôte aujourd’hui

Durant les entrevues, des mots reviennent très souvent : « je suis redevable », « je leur serai
reconnaissant », « ils m’ont beaucoup aidé ». Sans leur demander, nos participants nous parlent de
leur volonté de rendre service à leur tour. Ils disent : « Je dois aider comme on m’a aidé », « rendre
l’Mzia », « un devoir envers les nouveaux ». Pour justifier ce besoin et ce devoir d’en aider autres,
120
ils utilisent souvent les mots « Ghorba » et « l’Mzia ». Les Maghrébins, utilisent en effet deux mots
pour désigner un service rendu : « service » ou «l’Mzia » Ce dernier revient le plus souvent dans
nos entrevues, en français ou en arabe. Ce mot est utilisé pour parler d’un très grand service à
rendre. C’est pourquoi nous n’allons pas traduire ce mot et nous allons le garder tel quel. Quant au
mot « Ghorba », si nous faisons une traduction simple, il veut dire exil. Mais dans le langage
courant des Maghrébin.ne.s et des Arabes, il a un sens affectif beaucoup plus fort : c’est un
sentiment profond qui englobe plusieurs aspects déjà évoqués par nos participants quand ils
évoquent le mal du pays, le fait d’être loin de la famille, de leurs mères et des ami.e.s, le sentiment
d’être étranger, de perdre ses repères, de perdre son chez-soi, ou la solitude. Ce mot ne s’applique
pas aux nouveaux migrants seulement, mais à tous ceux qui vivent loin de leur pays d’origine.
Selon les étudiants que nous avons rencontrés, leurs hôtes aussi utilisaient ces mots pour justifier
leurs actions envers eux.

Ils disaient, c’est normal, nous aussi on avait besoin d’aide et on nous a aidé, ce n’est rien
par rapport à ce qu’on nous a fait…à moi de rendre le service qu’on m’a rendu l’Mzia… et
comme mon ami disait; on m’a aidé il est temps que j’aide aussi (Massinissa, DEP)

Tu sais X était mon voisin en Algérie et mon ami, mais lui et Y m’ont beaucoup aidé …
eux ils disent que c’est normal, c’est l’Ghorba; on est tous loin de chez nous et on est tous
des frères (Ilyes, DEP)

Nous avons suivi ce don d’hospitalité entre les membres du groupe qui fait l’objet de cette étude et
nous pouvons le qualifier de « spirale du don » due à une situation de dette. Certains de nos
participants ont à leur tour accueilli des étudiants qui sont venus après eux. Liamin, Bilel et Redha
n’étaient pas les hôtes, mais leurs appartements ont déjà été des lieux d’hospitalité. Leurs
colocataires qui sont aussi maghrébins avaient invité des amis et nos participants ont accepté et
encouragé cette initiative. Ils estiment qu’ils doivent se serrer les coudes dans l’Ghorba et aider
leurs compatriotes. Pour eux, habiter avec des étudiants du même pays d’origine, qui ont vécu les
mêmes expériences est très important surtout pour pouvoir accueillir d’autres étudiants et faciliter
leur installation.

C’est important d’habiter avec des gens qui te ressemblent… par exemple, avec mes
colocataires, nous avons pu accueillir chez nous deux étudiants qui sont venus récemment

121
et on les a aidés à trouver un appartement dans notre quartier et maintenant on est tous amis
(Redha, DEP)

On m’a aidé, il faut que j’aide aussi. C’est comme un devoir envers les nouveaux. On est là
pour eux parce que moi aussi ces personnes qui m’ont accueilli étaient là pour moi il y a
quelques semaines. Et tu sais quoi…maintenant, un ami à eux est chez nous. On a proposé
de l’héberger jusqu’à ce qu’il trouve un appartement (Bilel, DEP)

Pour leur part, Massinissa et Bassim n’ont pas seulement accueilli des amis chez eux, mais ils ont
aménagé des colocations pour et avec eux. Quelques semaines après leur arrivée à Montréal, des
amis et des connaissances les ont contactés pour savoir s’ils étaient prêts à les aider. Bien qu’ils
n’étaient pas encore complètement installés, ils n’ont pas refusé. Au moment où ils cherchaient un
appartement, ils ont changé leurs plans pour aménager de nouvelles colocations en prenant en
considération les personnes qui les ont contactés et qui seront au Québec bientôt. Une fois à
Montréal, ces nouveaux étudiants n’avaient pas à chercher chez qui rester les premiers jours parce
qu’ils avaient déjà une chambre avec un matelas qui les attendaient. Massinissa et Bassim avaient
déjà préparé leur appartement et ils les ont aidés à trouver un travail et à préparer leur installation
à Montréal.

Après quelques semaines, j’ai appris qu’un ami a réussi à avoir son permis d’étude. J’ai
complètement changé mes plans pour trouver un appartement. Avec deux de mes amis, on
a commencé à chercher un appartement pour quatre. J’ai préparé ma chambre et sa chambre
au même temps. Je voulais l’aider et lui faciliter la vie du mieux que je pouvais. Il n’a pas
à m’être redevable. Je ne fais que continuer la chaîne, j’étais aidé, j’aide et lui à son tour, il
va aider d’autres étudiants de notre pays à son tour après…c’est ça l’Ghorba (Bassim, DEP)

Le discours que tient la majorité des autres étudiants interrogés fait état d’une homogénéité en ce
qui concerne l’envie et le besoin de rendre service à leur tour. Selon eux, ils ont été aidés dans
l’Ghorba donc ils doivent aider eux aussi. Dans le même discours, ils parlent d’accueillir les
étudiants de leurs pays qui viendront s’installer à Montréal dans le futur.

122
(En s’adressent à moi) Tu vas trouver ça bizarre, mais je me sens redevable aux étudiants
marocains qui vont venir après, c’est comme si je suis l’ancien ici qui va devoir aider les
nouveaux qui vont venir (Wael, Maîtrise).

Cette dynamique d’accueil chez les étudiants internationaux maghrébins à Montréal peut donc être
considérée comme une séquence spirale du don d’hospitalité en trois temps selon la pensée de
Mauss: donner, recevoir, rendre. Il s'agit ici d’une structure où l’hospitalité est l’objet qui circule
entre les anciens et les nouveaux étudiants internationaux maghrébins. Le schéma suivant (figure
4.1) résume cette spirale du don d’hospitalité entre les personnes de ce groupe

Figure 4. 1: Schéma résumant la spiral du don


d’hospitalité chez les étudiants internationaux
maghrébins à Montréal
Source : Auteur

123
Ce système d’accueil entre les étudiants internationaux maghrébins de Montréal échappe à tout
contrôle institutionnel. Cet accueil est une initiative libre et personnelle de ces migrants.

Ces étudiants considèrent cet accueil comme un devoir et « un retour » avant qu’il soit perçu
comme un service rendu. Il ne faut pas confondre cette spirale de don entre les étudiants maghrébins
avec la solidarité. Cette dynamique de don d’hospitalité n’existe que parce qu’il y a un état de dette.
Selon Godbout, l’action du donateur ne peut être qu’un retour d’un don qu’il a déjà reçu et c’est le
cas de la majorité des hôtes recevants parmi nos participants. De plus, l’Ghorba, ce sentiment qui
semble être partagé par les membres de ce groupe, joue un rôle central dans le lancement du
processus de ce don de l’hospitalité. Dans ce sens, l’Ghorba devient un contexte de vie qui favorise
la continuité de cette dynamique d’accueil entre les étudiants internationaux maghrébins de
Montréal. En parallèle, ceux qui n’ont pas vécu l’expérience de l’accueil et qui se sont installés
directement dans les résidences universitaires ou dans un hôtel n’abordent pas le sujet d’accueillir
un nouvel arrivant chez eux; ils n’ont rien reçu et donc ils n’ont rien à rendre. Pour reprendre
Godbout, sans l’état de dette qui pousse à rendre ou à donner, l’influence du contexte de l’Ghorba
devient nulle parce qu’il ne peut y avoir un retour sans qu’il y ait réception au début. Sans cette
dette de l’hospitalité, la dynamique d’accueil basée sur le don de l’hospitalité chez les étudiants
internationaux maghrébins à Montréal n’aura pas lieu.

4.7 Le don de l’hospitalité et les liens sociaux

L’analyse du don nous permet d’étudier ce qui circule entre les personnes comme un produit d’une
dynamique de liens sociaux. Au-delà du geste du don, il y a une relation entre un donneur et un
receveur. À la différence des circulations marchandes qui ne conservent que le prix, le don a une
mémoire et conserve les traces des liens entre les personnes. Godbout (2019), définit la mémoire
du don comme l’ensemble des liens sociaux et leur valeur. Mauss (1966) affirmait que le don joue
un rôle fondamental dans le renforcement des liens entre les deux individus immédiatement
concernés. Weber (1989) et Godbout (1992, 2007) ajoutent que l’influence de la séquence sur les
liens va au-delà de ces deux personnes mais elle engage les réseaux de liens dont ils font partie.

La dynamique d’accueil instaurée par les étudiants internationaux maghrébins à Montréal, qui est
basée sur le don de l’hospitalité, est le produit de plusieurs réseaux prémigratoires mobilisés par
124
ces migrants. Elle a une influence directe sur leurs liens sociaux et les relations qu’ils entretiennent
avec leurs hôtes recevant et leurs entourages. Cette spirale d’hospitalité a permis à certains
nouveaux étudiants d’acquérir un réseau de liens à Montréal comme elle a permis à d’autres
d’agrandir leur réseau personnel à Montréal et à renforcer les liens qu’ils entretenaient avec leurs
hôtes recevants.

• Construction de nouveaux liens (réseaux)


Le don de l’hospitalité a permis à beaucoup de nos participants de tisser de nouveaux liens avec
d’autres étudiants maghrébins qui sont déjà à Montréal. Ils ont réussi à se faire des amitiés avec les
colocataires et leurs hôtes recevants. Cette situation était particulièrement avantageuse pour ceux
qui n’avaient pas un réseau prémigratoire développé avant de venir.

X (l’hôte recevant) avait un programme chargé. Je passais plus de temps avec Y (l’ami de
l’hôte recevant) parce qu’il avait un programme plus léger. On faisait du jogging ensemble
et il m’a montré où faire les courses Halal et comment organiser mon programme. On est
devenus amis, il m’a beaucoup aidé (Ilyes, DEP)

J’ai fait de nouvelles rencontres avec eux (ses hôtes recevant). On sortait avec leurs ami.e.s
de différentes nationalités, il venait chez eux. Je suis resté en contact avec eux même quand
j’ai déménagé (Fadi, Maîtrise)

Par ailleurs nous nous demandons si ces pratiques d’hospitalité qui circulent entre les étudiants
internationaux maghrébins n’ont pas freiné à terme l’établissement de liens avec des représentants
de la société d’accueil. Nous allons voir dans les prochains chapitres qu’effectivement, après 12
mois à Montréal, la majorité des étudiants de DEP sont restés entre hommes maghrébins seulement.

4.8 Conclusion du chapitre

Le choix de la formation et de la ville d’accueil représente la première étape du projet de migration


pour études et de la carrière migratoire. À travers ce chapitre, nous avons mis en lumière
l’importance des structures d’opportunités ainsi que le rôle majeur des réseaux prémigratoires dans
la première étape de la carrière migratoire des étudiants maghrébins internationaux à Montréal. À

125
partir de nos données empiriques, nous pouvons dire que pour le groupe que nous étudions,
Montréal est perçue comme une ville hospitalière plus que les villes françaises. En effet, la France
a toujours été un choix traditionnel pour les migrants maghrébins mais les structures d’opportunité
positives que présente le Québec aux yeux de nos participants, ont fait en sorte qu’ils choisissent
Montréal comme ville de destination. Parmi ces structures, ils évoquent, le français, la diversité de
la ville, les politiques migratoires provinciale et fédérale y compris les procédures pour avoir un
visa et un permis d’étude.

D’une part, nous avons vu qu’émigrer est un objectif majeur pour bon nombre d’entre eux et le
PEQ avant la réforme de l’été 2020, représentait un avantage stratégique offert par le Québec. La
migration pour études est ainsi au service d’un projet d’immigration qui pour certains n’exclut pas
un retour aux études universitaires dans de meilleures conditions financières. Il nous est donc
possible de dire que nous sommes passés de la migration pour études, aux études pour
l’immigration. Il n’est alors pas étonnant de noter la vive réaction suscitée par la réforme du PEQ
annoncée par le gouvernement du Québec en automne 2019 et en été 2020 notamment dans le
milieu des étudiants internationaux. Cette réforme visait à restreindre les règles quant à l’accès au
certificat de sélection du Québec (CSQ) nécessaire pour déposer une demande de résidence
permanente auprès du gouvernement fédéral (maîtrise du français, délai de traitement des
demandes prolongé et au moins 12 mois d’expérience de travail à temps plein). Elle fut
partiellement amendée pour qu’une clause de droit acquis soit accordée aux étudiant.e.s qui avaient
terminé leurs études avant décembre 2020 seulement. Cette situation a pénalisé les autres
étudiant.e.s présents au Québec depuis des mois, voire des années, et ils étaient dans l’impossibilité
d’obtenir leurs diplômes avant cette date. Nous allons voir à présent comment cette décision
politique a eu un grand impact sur la carrière migratoire de nos participants.

Par ailleurs, notre analyse a fait ressortir que les réseaux prémigratoires facilitent les premières
étapes de l’établissement d’une majeure partie des étudiants interrogés. Nous avons pu mettre en
évidence le rôle du don d’hospitalité qui circule dans les réseaux sociaux de ces étudiants.
Toutefois, cette circulation semble ne se faire qu’entre des cercles d’amitiés et de connaissances.

Il s’agira maintenant de voir la construction de leur vie quotidienne dans la ville d’étude. Dans les
prochains chapitres, nous nous intéresserons de plus près à leurs expériences urbaines à Montréal
y compris leur mobilité urbaine dans le déroulement de leur vie quotidienne.
126
CHAPITRE 5 : LA MOBILITÉ URBAINE DES ÉTUDIANTS
INTERNATIONAUX MAGHRÉBINS À MONTRÉAL

5.1 Introduction

Après avoir documenté les stratégies d’installation des nouveaux étudiants maghrébins qui
séjournent à Montréal depuis l’automne 2019, nous allons maintenant nous intéresser à leurs
déplacements et à leur mobilité quotidienne à Montréal.

Théoriquement, la vie quotidienne est ponctuée de déplacements que doit effectuer une
personne pour aller travailler, se rendre à l’école, se nourrir, etc. Les déplacements de loisirs et de
sociabilité (visiter la ville ou rencontrer des ami(e)s) sont des déplacements secondaires, non-
obligatoires. Ils ne participent pas à la construction de la vie quotidienne mais font partie de
l’arrière-plan du style de vie ou du mode de vie d’une personne. Comme nous l’avons déjà
mentionné, la vie quotidienne dans une métropole, telle que Montréal, est basée sur un système de
préférences construit individuellement, où la « mobilité » constitue l’une de ses caractéristiques
majeures (Bourdin 2015).

La définition de la « mobilité » fut longtemps un sujet de débat entre les chercheur.se.s de


différentes disciplines. Pour notre recherche, nous avons décidé de procéder avec une définition
plus spatiale sans perdre de vue la mobilité urbaine à laquelle font référence les sociologues. Pour
nous, la mobilité urbaine est loin d’être un simple changement de lieux ou un déplacement dans
l’espace-temps d’un point A vers un point B. C’est une expérience au cours de laquelle l’acteur
mobile est en contact direct avec les espaces urbains et avec d’autres acteurs. Il vit les ambiances
urbaines et architecturales des espaces qu’il traverse et qu’il emprunte pour atteindre son objectif.
Il est en communication permanente avec les espaces urbains et les mondes sociaux de la ville,
c’est une expérience qui le transforme. La mobilité urbaine permet une ouverture sur plusieurs
espaces urbains de la ville qui participe à « l’accomplissement du soi » dont nous parlait Jean Remy
(2016).

La liberté que nous avons laissé à nos participants dans leurs propos, découlait du fait que nous
voulions savoir comment nos participants allaient qualifier et quantifier leur expérience urbaine.

127
La liberté que nous avons laissée à nos participants n'était pas sans conséquences. Nous nous
sommes retrouvés avec beaucoup de données et de détails sur leur vie quotidienne présentés pêle-
mêle. La première chose dont ils nous parlaient était leurs moyens de déplacement et leurs quartiers
d’habitation. Par la suite, ils revenaient sur leurs déplacements par rapport à leurs lieux de
résidence, leurs emplois, leurs écoles et à la leurs ami.e.s. La cohérence de leurs discours nous a
permis d’identifier les trois critères que nous utiliserons pour analyser leur mobilité : la fréquence
de mobilité, les motifs de déplacement et les lieux fréquentés. À partir de ces critères nous avons
proposé une typologie de profils de mobilité.

Nous conclurons ce chapitre sur les différents facteurs qui peuvent avoir une influence sur la
mobilité (ou la sédentarité) des étudiants internationaux dans la ville d’accueil. Nous verrons
notamment comment le réseau social peut avoir une influence indirecte sur la mobilité et sur les
lieux fréquentés et comment la mobilité urbaine s’avère être avant tout une question de « temps
libre ».

5.2 Les moyens de déplacement et les quartiers de résidence

Un mois après leur arrivée à Montréal (Septembre/Octobre 2019), tous nos participants, sauf un,
se déplaçaient en métro et en bus. Pour les universitaires, le transport en commun était le meilleur
moyen pour leurs déplacements quotidiens (se rendre à l’université, se rendre au travail, faire ses
courses) et ils ne sentaient pas le besoin de posséder une voiture. Déjà à cette étape, nous pouvons
supposer que les profils de mobilité des étudiants universitaires seront différents de ceux inscrits
en DEP.

J’ai bien aimé le métro ici. Mon université est à 5 min à pied de la station Bonaventure et
moi j’habite à 6 min du métro. Je ne vois pas l’utilité d’une voiture surtout que mon travail
est à côté d’une station aussi…et quand je veux aller chez mes amis, métro bus et je suis
devant leur porte (Fadi, Maîtrise)

Je me déplace en bus et en métro, c’est plus facile, en plus je peux faire des devoirs en
chemin. Mes ami.e.s m’ont conseillé d’acheter une voiture mais moi je ne vais pas travailler
dans la livraison comme eux. Pour les courses, mon colocataire a une voiture et on fait
toujours nos courses ensemble (Liamin, Maîtrise)

128
En revanche, pour les étudiants de DEP, l’usage du métro n’était que temporaire. Dès la première
rencontre, ils nous parlaient d’acheter une voiture. Comme mentionné, les étudiants de DEP que
nous avons interrogés sont tous algériens et dans leur pays d’origine la voiture est considérée
comme un signe de réussite et de prestige social. De plus, ils envisagent tous de travailler dans la
livraison avec leurs voitures : « Pour le moment j’utilise le métro…mais je vais bientôt acheter une
voiture. Elles ne sont pas chères ici et j’en aurai besoin pour travailler » (Kamel, DEP).

Six mois après de leur arrivée à Montréal (Avril 2020), le contexte n’est plus le même. La pandémie
s’est installée au Québec et beaucoup d’universitaires ont perdu leurs emplois à temps partiel. Par
contre la situation des étudiants de DEP n’a pas beaucoup changé parce que les livreurs étaient
considérés comme des travailleurs essentiels durant le confinement. Ce nouveau statut du livreur a
obligé les étudiants universitaires à envisager la livraison comme un nouveau travail durant le
confinement. Ce changement d’emploi s’est automatiquement accompagné d’un changement du
moyen de déplacement. En effet, Liamin s’est procuré une voiture et n’utilise plus le métro pour
ses déplacements quotidiens.

Nous les livreurs, on est des travailleurs essentiels et ça n’a jamais aussi bien marché…en
plus maintenant, on a plus de temps pour travailler et je suis bien content d’avoir suivi les
conseils de mes amis (Massinissa, DEP)

La situation est très stressante, comme beaucoup de mes collègues à l’université, j’ai perdu
mon travail et là je pense à acheter une voiture comme mon ami et travailler dans la
livraison (Fadi, Maîtrise)

La dernière rencontre avec nos participants a eu lieu 6 mois après le début de la pandémie. À notre
grande surprise, les étudiants universitaires qui participent à notre recherche ont préféré attendre et
trouver un emploi en télétravail plutôt que d’acheter une voiture pour faire de la livraison.

La dernière fois je disais vouloir travailler dans la livraison mais après réflexion, j’ai changé
d’avis. J’ai beaucoup de devoirs avec l’université et je ne peux pas me permettre un emploi
pareil. J’ai beaucoup cherché et j’ai trouvé quelque chose en télétravail. Maintenant, je fais
tout de la maison et j’ai beaucoup de temps pour l’université (Fadi, Maîtrise)

Le vélo est le grand absent dans le discours de nos participants, sauf pour se plaindre des pistes
cyclables et des cyclistes qui ne respectent pas le code de la route. D’autre part, nous avons noté
chez les participants originaires d’Algérie un penchant particulier pour la voiture comme moyen
129
de déplacement. Ramzy et Soufien sont les seuls Algériens de notre échantillon qui n’ont pas de
voiture, mais c’est parce qu’ils n’ont pas le permis de conduire : « Je regrette ne pas avoir passé
mon permis en Algérie quand j’en avais l’occasion. Maintenant c’est très difficile de l’avoir
ici…j’aurais acheté une voiture pour travailler et me déplacer » (Soufien). Mis à part la place
qu’occupe la voiture dans la société algérienne, pour les ressortissants de ce pays elle a toujours
été le meilleur moyen pour se déplacer. Pour eux la voiture est synonyme de confort et de liberté.
Ils disent que le transport en commun n’est pas très développé dans leur pays d’origine. Ils préfèrent
avoir leur propre moyen de déplacement pour qu’ils puissent se déplacer où ils veulent quand ils
veulent sans dépendre des autres.

Pourquoi galérer dans les bus et le métro alors que je peux posséder une voiture… C’est
moins compliqué de se déplacer quand tu as ta voiture… la liberté. En plus maintenant je
travaille avec aussi. (Massinissa, DEP)

Concernant leurs lieux d’habitation, comme nous l’avons déjà exposé dans le précédent chapitre,
la majorité de nos participants étaient accueillis par un membre de leur réseau prémigratoire. Mais,
la recherche d’un logement d’installation s’est avérée une tache lourde de conséquences. Au-delà
de la discrimination du marché locatif montréalais vis-à-vis les nouveaux arrivants, nous avons
noté que pour nos participants la qualité du logement en lui-même n’était pas aussi importante que
le quartier d’habitation. Nous avons relevé deux critères de choix : le moyen de déplacement et sa
position géographique par rapport aux quartiers de concentration ethnique.

5.2.1 Le moyen de déplacement

Les étudiants qui utilisaient les moyens de transport en commun voulaient s’installer le plus proche
possible d’une station de métro qui leur permettrait de se rendre à leur université en moins de 30
minutes. Le défi majeur pour ces personnes était de trouver un appartement ou une chambre dans
un des quartiers centraux de Montréal à un prix abordable (entre 400$ et 550$)

Je sais que les prix des appartements ont beaucoup augmenté dernièrement. Mais je garde
espoir pour trouver une chambre dans une petite colocation et à côté d’une station de métro
de la ligne verte (Fadi, Maîtrise)

130
La géographie de leurs lieux de résidence nous révèle qu’ils se sont installés dans des quartiers qui
connaissent une concentration des étudiant.e.s internationaux qui sont : Côte-des-Neiges, le Mile-
End, Villeray, Hochelaga, Côte-St-Luc, Verdun et Rosoment (voir figure 5.1). Cette observation
rejoint en partie celle de Dansereau, Germain et Vachon (2012). En s’intéressant à la diversité des
différentes régions de Montréal, elles ont noté une concentration des étudiants dans cinq quartiers
dont Côte-des-Neiges (Dansereau, Germain et Vachon 2012).
D’autre part, la présence d’une station de métro importait peu pour les étudiants motorisés. Pour
eux, la priorité était de pouvoir stationner facilement et gratuitement dans son quartier en plus de
pouvoir se loger dans un appartement ou une chambre à prix abordable. De plus, ils préfèrent rester
dans les quartiers centraux pour pouvoir se rendre au travail facilement (les meilleurs secteurs pour
faire de la livraison sont les quartiers centraux de l’île de Montréal). C’est pourquoi, nous les
retrouvons dans les mêmes quartiers que les non-motorisés (figure 5.1)

Figure 5. 1 : La géographie des lieux de résidence des participants à Montréal entre automne
2019 et été 2020.
Source : auteur

131
5.2.2 La situation géographique par rapport aux autres quartiers

« Je n’ai pas quitté l’Algérie pour vivre dans un endroit qui lui ressemble comme le Petit
Maghreb… ça sent l’Algérie là-bas et pour le moment ça ne me manque pas » (Massinissa, DEP),
tels sont les propos qui résument ce critère de choix chez la majorité de nos participants. Ils disent
vouloir vivre l’expérience canadienne loin de la société maghrébine, loin du Petit-Maghreb. Selon
eux, l’intégration à la société d’accueil passe par le lieu de résidence, mais rapidement ils se sont
rendu compte que les liens de voisinage ne sont pas les même qu’au Maghreb. À notre deuxième
rencontre, nous sentions une certaine déception dans leurs propos. Rappelons que la deuxième
rencontre a lieu un mois après le début de la pandémie. Ils évoquaient le manque de solidarité entre
les voisins et l’absence de « chaleur humaine », « imagine, j’habite dans cet immeuble depuis plus
de 6 mois et j’ai l’impression de vivre seul dans le quartier. Je ne connais même pas mes voisins…
ici les gens n’ont pas cette chaleur que tu trouves chez nous » (Kamel, DEP).
Après la dernière rencontre, nous avons noté que la majorité de nos participants ont déménagé
après la première vague de la COVID-19. Ils voulaient être le plus proche possible de leurs ami.e.s
pour briser l’isolement du confinement sans pour autant s’installer dans les quartiers ethniques
comme Saint-Léonard ou autour du Petit-Maghreb (figure 5.2).

Je ne pouvais plus voir mes amis, c’était difficile…donc j’ai déménagé dans le même
quartier que mon ami X. Maintenant, même avec les restrictions sanitaires, on peut toujours
se voir dehors dans le quartier pour une balade. Je ne pouvais plus rester seul là-bas (Wael,
Maîtrise).

J’ai déménagé avant la fin de mon bail, j’allais devenir fou…maintenant je vis avec deux
personnes, un ancien ami et un autre Maghrébin. Ça va beaucoup mieux
maintenant (Koceila, DEP).

132
Pour conclure, les choix des lieux de résidence et de moyens de déplacement illustrent une partie
de l’influence qu’a pu avoir la COVID-19 sur la vie quotidienne des étudiants internationaux à
Montréal. Documenter ces changements était nécessaire pour pouvoir explorer l’expérience
urbaine de nos participants et comprendre les réalités de leur mobilité urbaine que nous allons
explorer dans la prochaine section.

Figure 5. 2 : La géographie des lieux de résidence des participants à Montréal après l’été
2020.
Source : auteur

5.3 Fréquences de mobilité et motifs de déplacement

Au début, la question sur la vie quotidienne et sur leurs déplacements quotidiens suscitait beaucoup
d’étonnement et de suspicion chez nos participants. Souvent, sans surprise, leurs réponses se
résumaient à trois mots : « études, travail, maison ». Par la suite, avec des questions de relance, ils
133
nous parlaient de leur fréquence de mobilité, puis, sans leurs demander, ils enchaînaient sur les
motifs de déplacement. Par moment, nous avions l’impression que pour eux, les motifs de
déplacement justifiaient leurs fréquences.

Vu que je suis encore nouveau à Montréal, j’essaye de découvrir la ville…c’est pour ça que
je me déplace beaucoup en dehors des heures du travail et avant que je commence ma
formation de DEP (Kamel, DEP).

Moi je ne suis pas très mobile tu sais, j’ai beaucoup de travaux à remettre à l’université…la
découverte de la ville est reportée. En plus, je n’ai pas d’ami.e.s ici avec qui se balader et,
c’est chiant de sortir toujours seul…la prochaine fois qu’on se rencontrera, j’aurai plus de
chose à te dire…j’aurai surement un peu de temps libre d’ici là (Moussa, Maîtrise)

D’un autre côté, Wael disait qu’il ne veut pas connaitre Montréal, donc il préfère passer du temps
chez ses amis ou dans sa chambre à travailler sur son projet de maitrise.

Rapidement, nous nous sommes rendu compte de la relation entre la fréquence de mobilité et les
motifs de déplacements ; nous ne pouvions aborder l’une sans faire référence à l’autre.

Nous distinguons deux types de déplacements: obligatoires (l’école, travail, courses…) et non
obligatoires (loisirs, rencontres avec ami.e.s ou famille...). Cette classification nous a permis de
mesurer la fréquence de mobilité par rapport à leurs formations avant la pandémie et durant la
pandémie. Si nous présentons la mobilité par rapport à la COVID-19 c’est parce que nous avons
noté des changements dans les fréquences de mobilité urbaine de nos participants avant et durant
la pandémie, ce que nous résumons dans tableau ci-dessous (tableau 5.1).

134
Tableau 5. 1 : Motifs et fréquences de déplacements des étudiants internationaux
maghrébins à Montréal avant et durant la COVID-19

Fréquences
Motifs de déplacements Avant COVID-19 Durant COVID-19
Universitaires DEP Universitaires DEP
École ++++ +++++ + -
Déplacements
Travail + + + +++++
obligatoires
Courses ++ ++ +++ +++
Découvrir la
+ ++ ++ +++++
ville
Déplacements non obligatoires

Tourisme + + + ++++
Balades et
+ ++ ++ ++++
loisirs
Visiter des
ami.e.s ou un
++ +++ +++ +++++
membre de la
famille
Sorties avec des
ami.e.s ou un
++ ++ +++ +++++
membre de la
famille
Source : Auteur

5.3.1 Avant la pandémie (COVID-19)

5.3.1.1 Les étudiants universitaires

Les entretiens que nous avons menés sur la vie quotidienne avant la pandémie montrent que la
majorité des déplacements des étudiants universitaires étaient pour des motifs obligatoires. Ils
résumaient leurs discours en trois phrases : « de la maison à l’université, du travail à la maison…et
je fais mes courses en chemin ». Ces étudiants qui n’ont pas changé de formation et qui ont décidé
de poursuivre leurs études en maîtrise visent l’excellence dans leur parcours académique. Selon

135
eux pour atteindre cet objectif, ils doivent travailler deux fois plus que leurs collègues parce qu’ils
ne connaissent pas encore le système éducatif ici, qui est complétement différent des systèmes dans
leur pays d’origine. Cette volonté de vouloir réussir s’accompagnait souvent d’un sentiment
d’infériorité, du moins au début de leur parcours. Ils se comparaient souvent aux autres étudiant.e.s
issu.e.s des pays du Nord (Canada, USA, pays européens). Cette situation ajoute une pression
supplémentaire, donc, ils préfèrent passer beaucoup plus de temps à travailler sur leurs projets
universitaires qu’à faire autre chose comme sortir avec des ami.e.s.

Tu sais, on a toujours tendance à se voir inférieur par rapport aux étudiants du Nord, donc
pour combler ce vide, tu dois beaucoup travailler sans arrêt pour avoir un sentiment de
satisfaction personnelle…en plus, on n’a pas droit à l’échec. Peut-être par ego mais aussi
par pression familiale, mais tu dois réussir et tu dois être excellent… donc, quand je ne
travaille pas, je suis à la bibliothèque (Anis, Maîtrise)

Après 6 mois de leur arrivée à Montréal, nous nous attendions à un discours différent du premier,
mais nous avons été surpris par des propos similaires à ceux de la première rencontre. Ils sont
beaucoup moins inquiets de leur niveau et se sentent plus à l’aise avec le modèle d’enseignement
canadien. Cependant, ils veulent tous avoir, ou garder, la bourse d’exemption des frais majorés
offerte par les universités et le gouvernement canadien aux étudiant.e.s internationaux. Cette bourse
n’est offerte qu’aux étudiant.e.s internationaux au parcours « excellent » après la première session.
Elle est renouvelable après chaque session à condition de garder le même niveau d’excellence (il
ne faut avoir que des A).

Tu sais j’ai travaillé très dur pendant la première session pour avoir la bourse d’exemption
et je n’ai pas l’intention de la perdre. Je dois faire des sacrifices pour cela mais j’aurai du
temps pour connaitre Montréal après la fin de mes études (Fadi, Maîtrise)

Nous voyons ici que nos participants donnaient la priorité à leur réussite scolaire et reportaient les
autres activités possibles à l’été ou à après la fin des études (découvrir la ville, voir ses ami.e.s,
sortir dans un restaurant ou café). La phrase qui continuait de revenir souvent au début de chaque
entrevue était : « Maison, université, travail ». À ce moment nous avons compris qu’ils ne
pourraient jamais nous parler de mobilité parce qu’ils ne vivaient pas les espaces urbains de
Montréal. Ils se déplaçaient pour se rendre de la maison à l’université et au travail ou pour faire les

136
courses. Même avec les questions de relance, ils n’avaient rien à dire. En outre, l’expérience du
premier hiver québécois a accentué leur penchant pour la sédentarité. En effet, ils préféraient
travailler à la bibliothèque que d’affronter un froid glacial « L’hiver n’est pas fait pour sortir…la
bibliothèque est bien chauffée pour nous accueillir… » (Wael, Maîtrise). La majorité d’entre eux
ignoraient tous des activités hivernales possibles à l’extérieur : « …il n’y a rien à faire dehors en
hiver…on est comme des animaux en hibernation, sauf que nous on doit se rendre à l’université et
travailler… » (Anis, Maîtrise).

La situation de Sajed et de Ramzy était différente. Étant boursiers, ils devaient effectuer des travaux
pour leurs laboratoires de recherche en plus de leurs projets de maîtrises. Par ailleurs, pour garder
leur financement, ils ne devaient obtenir que des A dans leur cours et séminaires.

C’est comme si je n’ai pas le droit de m’amuser. Je n’ai vraiment pas de temps libre. Quand
on m’a proposé la bourse, on m’a bien expliqué que pour la garder je dois avoir que des A
dans mes cours. C’est pour ça que je dois travailler très dur en plus de travailler sur les
projets de mon professeur au laboratoire (Ramzy, Maîtrise).

De temps à autre, ils se permettaient une balade dans le quartier, en ville ou une sortie avec leurs
ami.e.s. Le justificatif « manque de temps libre » revient souvent dans leurs discours et semble être
le facteur principal de la sédentarité de ces étudiants. Cela ne les a pas empêchés de penser à leurs
projets de mobilité pour l’été quand ils auront plus de temps libres.

Je veux sortir, voir mes ami.e.s et faire des activés. Je vois des ami.e.s qui sortent et profitent
de la vie sur leurs stories d’Instagram, mais moi je ne peux pas me le permettre encore. J’ai
plus important pour le moment, après, après » (Liamin, Maîtrise)

5.3.1.2 Les étudiants de DEP

Si les entretiens avec les universitaires ont nécessité des relances sur la pratique de la mobilité
urbaine, les étudiants de DEP ont bien compris l’exercice. À l’inverse des universitaires, les
étudiants de DEP étaient beaucoup plus mobiles. En effet, le manque d’intérêt vis-à-vis des études
leur permettait d’avoir du temps libre pour des visites touristiques et des soirées entre ami.e.s. Mais
surtout, ils disposaient tous d’une voiture pour le travail de livreur et, selon eux, elle leur permettait

137
de se déplacer rapidement et facilement sans aucune limite géographique ou temporelle. Nous
voyons ici l’influence que peut avoir le moyen de déplacement dans la mobilité urbaine.
Contrairement aux universitaires qui privilégiaient les transports en commun, les étudiants de DEP
préfèrent se déplacer en voiture sans aucune contrainte sauf celles du prix de l’essence et les
problèmes de stationnement à Montréal.

Vive la voiture…je suis beaucoup mieux comme ça, c’est vrai que j’ai plus de factures
comme celle de l’essence ou les tickets à cause du stationnement mais c’est toujours mieux
que le métro et le bus (Bilel, DEP)

Durant la première rencontre, ces étudiants étaient plus suspicieux que les universitaires mais, une
fois le lien de confiance établi entre nous ils étaient plus ouverts à la discussion. Un mois après leur
arrivée à Montréal, ils avaient déjà tous changé de formation et ont repoussé le début de leurs
études. Tous sauf Ilyes avaient déjà un emploi à temps plein (livreur, commis, caissier). Ils
montraient déjà des signes de grande mobilité urbaine.

Ilyes, qui n’avait pas encore un emploi, passait ses journées dehors. Il se déplaçait en métro pour
mieux « connaitre » la ville. Il avait mis au point une stratégie précise pour apprendre à connaître
Montréal. Il prenait le métro et descendait dans une station au hasard et partait à la découverte des
quartiers qui l’entouraient. Les amis qui l’hébergeaient ne pouvaient pas toujours sortir avec lui
parce qu’ils étaient occupés par le travail et l’école. Cela n’empêchait pas Ilyes de faire le touriste
seul : « je voulais tout savoir sur Montréal et apprendre à la connaitre. Je trouve ça normal de visiter
et connaître la ville où je vais vivre maintenant ». Rapidement, il a acheté une voiture lui aussi et a
travaillé dans la livraison. Après 6 mois, le quotidien d’Ilyes a beaucoup changé mais il trouvait
toujours du temps pour sortir avec ses amis :

Maintenant je n’ai pas beaucoup de temps libre comme avant. Entre le travail et les études,
je préfère passer mon temps libre avec mes amis, chez eux, chez moi, dehors…je suis
souvent seul dans ma voiture à faire des livraisons (Ilyes, DEP).

La réalité des autres étudiants de DEP n’est pas si différente de celle d’Ilyes. Si lui avait pris le
temps de visiter Montréal en un mois, eux l’ont fait sur plusieurs semaines. Le travail ne les
empêchait pas d’aller à la découverte de Montréal. Toutefois, ils préféraient attendre les fins de
semaine pour profiter des journées libres de leurs amis qui leurs faisaient visiter la ville. Ils

138
pouvaient se permettre des journées de repos où ils sortaient entre ami.e.s et profitaient des couleurs
de l’automne parce qu’ils craignaient l’hiver. Après six mois, ils avaient tous une voiture,
travaillaient dans la livraison et connaissaient assez bien Montréal. Avec le début des études 19, ils
n’avaient plus autant de temps libre pour sortir comme avant. Ceux qui avaient des cours de soir
devaient travailler le matin et ceux qui devaient être à l’école le matin, travaillaient les soirs et les
fins de semaine.

Je n’ai plus beaucoup temps comme avant, je dois travailler, comme tu le sais, le DEP coûte
vraiment cher…donc, avant que j’achète une voiture, je travaillais dans un supermarché
(XX). Après les cours, directement le travail. Et, les fins de semaine, je les passais au travail.
Maintenant avec une voiture, après l’école, la livraison. Contrairement à mon ami et
colocataire, lui il a des cours de soir donc il travaille le matin (Massinissa, DEP).

En somme, le manque de temps libre était le principal facteur de sédentarité chez tous nos
participants. À une différence près; les universitaires étaient plus occupés avec les études et les
étudiants de DEP avec le travail.

5.3.2 Durant la pandémie (COVID-19)

5.3.2.1 Les étudiants universitaires

La première vague et les premiers mois de la pandémie ont eu un grand impact sur la mobilité
urbaine des universitaires. Ils n’avaient plus accès aux universités et la majorité d’entre eux se sont
retrouvés sans emploi. Comme nous l’avons déjà mentionné, beaucoup ont songé à faire de la
livraison mais ils ont préféré le télétravail. Avec les études et le travail à domicile, ils ne sortaient
que pour faire leurs courses. En passant à la vie en ligne, la majorité d’entre eux se sont
complétement déconnectés du monde extérieur et de leurs amis. Même après la fin des cours, ils
restaient devant leurs ordinateurs pour avancer leur projet de maîtrise : « avant c’était, maison,
travail, université…à cause de la pandémie c’est devenu; maison, maison, maison » (Moussa,
Maîtrise). Liamin est allé au bout du projet de livreur. Il a acheté une voiture et il a commencé à

19 Les formations de DEP n’ont pas un agenda fixe et les écoles de formation professionnelle n’ont pas tous le même agenda.

139
travailler dans la livraison les soirs et les fins de semaine, quand il le pouvait (priorité aux études).
Durant cette période, ils essayaient toujours de trouver un peu de temps libre, dans la mesure du
possible, pour sortir en ville seul ou entre ami.e.s mais les études passaient avant tout. Cependant,
ils étaient très mobiles durant les deux mois de vacances de l’été. Étant étudiants internationaux, la
session d’été est obligatoire pour demeurer en étude à temps plein. Mais durant les deux mois de
juillet et aout, ils voulaient profiter au maximum pour enfin connaitre la ville où ils vivaient depuis
presque un an. Entre lieux touristiques et parcs urbains, ils ont montré une bonne connaissance de
la ville de Montréal. Ils ont visité et se sont appropriés plus de lieux et d’espaces que les étudiants
de DEP.

Maintenant, je peux te dire, je vis à Montréal et je connais ma ville. Dès qu’on a remis nos
travaux de la session d’été, on est sortis avec mes ami.e.s. En plus, on ne s’est pas vu depuis
longtemps à cause la COVID-19. On sortait presque tous les jours. Au début, on
découvrait…jamais le même endroit deux fois. Après on a commencé à revenir à des parcs
et on a commencé à trouver nos repères et nos endroits préférés à Montréal (Fadi, Maîtrise)

5.3.2.2 Les étudiants de DEP

Durant la pandémie, les étudiants de DEP sont devenus encore plus mobiles. Avec les cours en
ligne, ils avaient la possibilité de se connecter sur leurs smartphones et travailler en parallèle. Donc,
ils pouvaient avoir plus de temps libre pour voir leurs ami.e.s et visiter des lieux touristiques de
Montréal, sans les touristes. Pour eux, le confinement était l’occasion ou jamais pour mieux
connaître cette ville : « bien que maintenant je la connais assez bien mais vu que j’ai du temps,
avec mes amis, on a décidé de découvrir d’autres endroits de Montréal » (Kamel, DEP).

D’après nos entretiens, ils avaient tous adopté le même mode de fonctionnement : travailler sans
arrêt et suivre les cours en ligne sur leur téléphone en voiture. Ils voulaient tirer profit de leur
nouveau statut comme travailleurs essentiels surtout que la livraison n’a jamais été aussi payante
« de toute façon on fait tous comme ça maintenant…et les professeurs sont d’accord » (Bassim,
DEP).

140
Le travail de livreur avec Uber, DoorDash et SkipTheDishes20 consiste à se déplacer entre les
quartiers de Montréal et attendre que l’application sur le smartphone sonne pour aller récupérer
une commande dans un restaurant et l’apporter au client chez lui dans n’importe quel quartier de
Montréal. Au moment où le gouvernement québécois a interdit les déplacements pour freiner la
pandémie, nos participants, qui étaient des travailleurs essentiels, devaient faire le plus de
déplacements possibles. Cette situation leur a permis d’être des acteurs hypermobiles et de bien
connaître Montréal. Ils étaient en déplacement constant toute la journée et sans beaucoup échanger
avec d’autres personnes.

Je travaille comme livreur donc je me déplace beaucoup. J’essaye de concentrer mes


activités dans les quartiers centraux. Maintenant, je connais très bien ces endroits, je peux
même me déplacer à Montréal sans GPS (Ilyes, DEP).

Dans la prochaine section nous verrons pourquoi les étudiants de DEP sont sédentaires malgré leurs
multiples déplacements.

5.4 Les espaces visités

La géographie des lieux et des espaces les plus visités, voir appropriés, changeait à chaque
rencontre. C’est pourquoi cet axe nécessitait une autre structuration, selon une variable temporelle,
soit « le temps passé à Montréal ». Le tableau 5.2 résume les lieux les plus visités par nos
participants par rapport aux trois rencontres que nous avons eues avec eux.

20 Uber, DoorDash et SkipTheDishes sont les applications de livraison en ligne les plus utilisés par nos participants.

141
Tableau 5. 2 : Les endroits les plus fréquentés par nos participants par rapport au temps
passé à Montréal.

Temps 1 (1 mois) Temps 2 (6 mois) Temps 3 (12 mois)


-Touristiques -Maison -Grands parcs de
Montréal.
Temps X

-Maison/quartier d’hôtes
Espace/

-Lieux du travail
-hors l’île avec des
-Institutions de formation -Institutions de formation
ami.e.s (Mobilité
spatiale)
Des espaces/lieux qui Des espaces/lieux qui Des espaces/lieux qui
Constants

leur rappellent leurs leur rappellent leurs leur rappellent leurs


espaces préférés dans espaces préférés dans espaces préférés dans
leurs pays d’origine. leurs pays d'origine. leurs pays d’origine.
-Premiers lieux qu’ils ont -Premiers lieux qu’ils ont
visités à Montréal visités à Montréal
Après 6 mois

-Espaces visités avec des -Espaces visités avec des


/
ami.e.s ami.e.s
-Maisons/quartiers -Maisons/quartiers
d’ami.e.s et copines d’ami.e.s et copines
Source : Auteur

5.4.1 Temps 1 (après un mois à Montréal)

Un mois après leur arrivée, la majorité d’entre eux nous parlaient des lieux touristiques comme le
Vieux Port ou le Mont-Royal. Ils évoquaient souvent les quartiers où ils sont installés et les
quartiers de leurs universités. D’autre part, beaucoup d’entre eux nous parlaient des espaces qui
leur rappelaient leurs endroits préférés dans leur ville d’origine. Prenons l’exemple d’Ilyes qui est
originaire de Constantine21. Ses endroits préférés à Montréal sont l’esplanade de la statue « Trois
Disques de Calder » au parc Jean Drapeau et le belvédère du Mont-Royal. Il trouve que les
ambiances de ces deux espaces lui rappelaient beaucoup « le monument au Mort » à Constantine,
une sorte de belvédère qui donne sur les champs de sa ville d’origine. Il passait beaucoup de temps
là-bas avec ces amis. Recréer et revivre les mêmes ambiances urbaines de son espace préféré de

21 Une ville à l’est de l’Algérie connue pour son site géographique particulier.

142
la ville d’origine, lui procurait, selon ses dires, un sentiment de « familiarité et de bien-être ». La
figure 5.3 résume la géographie de ces endroits.

Figure 5. 3 : La géographie des endroits les plus visités par les étudiants internationaux
durant leur premier mois à Montréal.
Source : Auteur

5.4.2 Temps 2 (Après 6 mois à Montréal)

La deuxième rencontre nous a révélé une sédentarité chez la majorité de nos participants que nous
associons au facteur climat. La figure 5.4 présente la géographie des espaces évoqués durant cette
rencontre. Ils me répétaient souvent : « L’hiver, tu restes chez toi ». Ils ne mentionnent plus les
lieux touristiques dans leur discours mais ils nous parlent des endroits qu’ils ont déjà visités avec
leurs ami.e.s et qu’ils ont aimés. Ils parlent de ces espaces comme une découverte et disent vouloir

143
y retourner dès la fin de l’hiver. Pour la majorité de nos participants, il n’y a pas de vie extérieure
possible en hiver.

C’est l’hiver… j’ai arrêté de sortir en novembre moi. Quand je veux voir des ami.e.s, on se
rencontre chez quelqu’un… qu’est-ce que tu veux que je fasse dehors en hiver. Je passe
assez temps dans ce froid à cause du travail (Kamel, DEP)

Ils évoquaient souvent les premiers endroits qu’ils ont visité à Montréal comme espaces
« appropriés » et à visiter après l’hiver trouvant l’ambiance hivernale triste et ne voulant pas gâcher
« l’amour » qu’ils ont pour ces espaces.

Écoute, cet endroit est comme sacré pour moi maintenant…je ne veux pas que le froid et
cette ambiance triste de l’hiver me bousille mon endroit…je ne veux pas le détester tu sais
(ironiquement) (Sofiane, DEP).

Figure 5. 4 : La géographie des endroits les plus visités par les étudiants internationaux après
6 mois à Montréal
Source : Auteur

144
5.4.3 Temps 3 (Après 12 mois à Montréal)

Un an après leur arrivée, nous avons remarqué que nos participants ont acquis ce que nous
appellerons « une culture de mobilité et de vie urbaine ». Ils avaient compris que la mobilité est
une nécessité dans une ville telle que Montréal. Ils nous parlaient rarement de leurs quartiers, voire
jamais. Nous supposons que c’est une des conséquences du confinement. À force de rester à la
maison ou de se balader seulement dans leur quartier durant des mois, ils voulaient profiter de l’été
pour sortir de cet environnement et fréquenter d’autres espaces. L’été leur a permis d’être beaucoup
plus mobiles. Ils ont découvert une vie d’extérieur dans les parcs de Montréal qui leur était
étrangère dans leurs villes d’origine. Ils nous parlaient de leurs moments aux parcs avec leur amis
comme une nouvelle expérience urbaine. Parmi les parcs qui reviennent souvent : parc Jarry, parc
La Fontaine, le parc Dieppe, le parc René Levesque (figure 5.5). Pour paraphraser (Germain et
Bendjaballah 2022), les Montréalais ont une culture de sociabilité publique et aiment se retrouver
dans des espaces urbains et les lieux publics. Après leur premier été à Montréal, nous avons
remarqué que nos participants ont aussi acquis ces compétences de sociabilité publique basée sur
l’inattention civile.

Si on cherche Sajed, il est au parc Jarry… j’ai essayé d’autres parcs comme La Fontaine ou
Maisonneuve mais moi je préfère Jarry. L’ambiance là-bas est différente. J’ai des amis qui
préfèrent La Fontaine mais moi je n’ai pas aimé. Je suis beaucoup plus à l’aise dans le parc
Jarry ou peut-être René-Levesque…mais lui est un peu loin pour moi, comme tu sais je n’ai
pas de voiture (Sajed, Maîtrise)

C’est cool ici, il y des parcs un peu partout où tu peux juste mettre une serviette et y passer
la journée avec tes amis, ta copine ou seul…personne ne nous dérange…ça fait du bien
(Kamel, DEP)

145
Figure 5. 5 : La géographie des endroits les plus visités par les étudiants internationaux après
12 mois à Montréal
Source : Auteur

D’autres espaces apparaissent sur les cartes de nos participants; Les premiers lieux qu’ils ont visités
à Montréal et les espaces qu’ils ont déjà visités avec des ami.e.s. Ils montraient un intérêt pour ces
endroits durant la deuxième rencontre et leurs discours durant la troisième rencontre témoignaient
de la sincérité de leurs « sentiments » envers ces espaces :

- Le centre-ville de Montréal22 revenait souvent dans les espaces publics les plus fréquentés.
Pour quelques-uns, c’était le premier endroit qu’ils ont visité à leur arrivée. Pour d’autres,
c’était l’espace urbain qui incarnait le « rêve américain ». Prenons l’exemple de Kamel ;
les ambiances urbaines du centre-ville lui donnaient l’impression de vivre son rêve. Quand
il regardait des films américains dans sa chambre en Algérie, son plus grand souhait était

22 Pour nos participants le centre-ville commençait du complexe Desjardins à l’est jusqu’à la station Atwater à l’ouest.

146
de pouvoir un jour prendre un café au Starbucks et se balader entre les tours de Manhattan.
Aujourd’hui, il peut prendre un café au Tim Hortons et se balader sur Sainte-Catherine.
Pour lui, c’est la même chose : « quand je suis sur Sainte-Catherine avec mon ami, je me
sens bien. J’ai l’impression d’avoir accompli un de mes rêves…pour la première fois de ma
vie » (Kamel, DEP).
- Étonnamment, les cafés et les bars ne figurent pas dans le tableau et sur les cartes (figure
5.3 ; 5.4 ; 5.5). Tous nos participants, sauf deux, ne fréquentent pas les bars pour des raisons
religieuses mais ces deux participants disent qu’ils n’ont pas eu le temps de découvrir
beaucoup de bars à cause de la COVID-19. Après des relances, Massinissa et Fadi nous ont
parlé de leurs cafés préférés. Durant la première et la deuxième rencontre, Fadi était encore
étudiant et il nous parlait souvent du Tim Hortons à côté de la station Guy Concordia.
Quand nous lui avons demandé pourquoi ce Tim, il disait se sentir à l’aise dans cet endroit.
Il préférait toujours rencontrer sa copine et ses ami.e.s là-bas. C’était le lieu et le point de
rencontre avec son réseau personnel. Souvent, il prenait un café et s’installait devant la baie
vitrée pour faire ses devoirs et « observer la vie urbaine du centre-ville de Montréal » (Fadi,
Maîtrise). Après la fin de ses études, il ne voulait plus revenir dans ce café parce qu’il lui
rappelait beaucoup le stress des examens et de la réforme du PEQ. Des souvenirs qu’il veut
oublier et il voulait vivre le passage vers la vie professionnelle en changeant d’espace. Il a
commencé à fréquenter le Starbucks en face parce qu’il avait besoin de vivre les ambiances
urbaines de centre-ville « J’ai déménagé, j’habite à Hochelaga maintenant mais je dois
prendre mon café là-bas…je sais que c’est cliché, mais c’est comme un besoin pour que je
n’oublie pas où je suis et que je me sens comme une satisfaction quand je suis dans cette
partie de Montréal » (Fadi, Maîtrise). Massinissa nous a parlé d’un autre Tim Hortons, celui
sur René-Lévesque Ouest. Lui aussi nous dit que l’un de ses rêves était de reproduire et
vivre un moment précis dans un film. Il ne se rappelait pas le nom du film mais la scène
d’une personne dans un café avec une vue sur les tours de New-York l’a marqué. S’il a
choisi ce café c’est parce qu’il trouvait les mêmes ambiances urbaines et architecturales
représentées dans la scène en question « Je ne connaissais pas ce café, je suis allé prendre
une commande d’un client et quand je suis rentré j’avais l’impression que tout m’est revenu
d’un coup et j’ai su que j’ai trouvé my place » (Massinissa, DEP).

147
- Les supermarchés sont surtout évoqués comme lieu de travail. Avec des questions de
relance, nous essayons de savoir s’il y a un marché préféré plus qu’un autre. Aucun de nos
participants n’a de supermarché préféré. Nous avons remarqué que le choix des
supermarchés est guidé par des affinités socioculturelles.

Je n’ai pas UN supermarché où je fais mes courses…le plus important c’est qu’il
soit halal et proche de chez moi…quoi que je préfère les supermarchés maghrébins
parce que je peux trouver tout ce que je cherche là-bas…et ils sont nombreux à
Montréal (Koceila, DEP)

Mais, ils nous parlent aussi de Costco ou de Maxi pour les bas prix et pour leur formule de
vente : « des fois on se donne rendez-vous avec des amis pour aller faire des courses à
Costco…c’est comme faire ses courses en gros » (Liamin, Maîtrise). Nos observations sur
les supermarchés rejoignent celles de Germain et al. (2021) dans leur rapport sur « Du
quartier aux infrastructures d’arrivées? Les territoires d’hospitalité dans les temps
hostiles ». Les nouveaux arrivants de Saint-Laurent choisissent leurs supermarchés pour
leurs prix et les affinités culturelles avec leur pays d’origine (Germain et al. 2021).

Un dernier point très important à aborder dans cette section est l’absence totale de lieux de culte
(exemple : les mosquées). Comme nous venons de le mentionner, la majorité de nos participants
sont des musulmans pratiquants. Ils ne fréquentent pas les bars mais apparemment, par manque de
temps, ils ne fréquentent pas les mosquées non plus. D’après eux, les mosquées sont loin de leurs
lieux de travail et de leurs écoles. De plus, la prière du vendredi doit avoir lieu dans une mosquée
mais ils n’ont pas congé cette journée. Quelques étudiants de DEP disent pouvoir trouver un
moment les vendredis entre deux livraisons, ils vont à la mosquée la plus proche de chez eux quand
c’est l’heure de la prière, jamais la même mosquée, rarement le même quartier.

Nous voyons ici que nos participants ne fréquentent pas tous les mêmes espaces urbains. Les cartes
(figures 5.3 ; 5.4 ; 5.5) montrent qu’après un an, ils préfèrent diversifier les espaces publics qu’ils
fréquentent et s’éloigner des quartiers où, selon eux, il y a trop de « Maghrébin.e.s » (Petit
Maghreb, Saint-Léonard, des parties du nouveau Rosemont), alors que certains d’entre eux y
résident.

148
5.5 Les profils de mobilité et facteurs d’influence

À partir de ces trois critères, nous proposons une typologie des profils de mobilité urbaine basée
sur la fréquence et les espaces appropriés. Nous empruntons ici la classification proposée par
Terrier (2009) dans sa recherche sur la mobilité spatiale des étudiant.e.s internationaux en France:
Étudiants sédentaires, moyennement mobiles, très mobiles et étudiants hypermobiles.

1) Étudiants sédentaires : Nous regroupons dans ce profil les étudiants qui ont montré
une très faible mobilité. Beaucoup d’universitaires appartiennent à ce groupe à cause de
leur gestion serrée du temps ou par manque d’intérêts. En plus de leur faible mobilité,
ils ne fréquentent que très peu d’espaces urbains et ils ne se sont approprié aucun endroit
tout au long de notre terrain (durant un an).
2) Étudiants moyennement mobiles : Les étudiants de ce profil sont plus mobiles que
ceux du précèdent groupe. Malgré cela, le nombre des espaces urbains fréquentés reste
faible (un espace ou deux). Nous retrouvons dans ce groupe des universitaires et des
étudiants de DEP qui ne se déplacent que pour le travail ou pour voir leurs amis.
3) Étudiants très mobiles : les personnes de ce profil se caractérisent par une forte
mobilité urbaine. Ils fréquentent beaucoup d’espaces urbains et construisent un
sentiment d’attachement avec plusieurs d’entre eux. La majorité de nos participants se
retrouvent dans ce groupe. Ils arrivent à s’approprier plusieurs espaces avec et grâce à
leurs amis.
4) Étudiants hypermobiles : Les étudiants de ce groupe vivent l’expérience de la mobilité
urbaine plus souvent que les autres. Nous retrouvons plus d’universitaires que
d’étudiants de DEP dans ce groupe. En effet, si nous éliminons les déplacements que
font ces derniers pour leur travail de livraison, nous verrons qu’ils sont plus proches du
profil précédent que de l’hypermobilité. Alors que les étudiants de maîtrise ont pratiqué
la mobilité urbaine comme nous la définissons et nous verrons qu’ils ont réussi à
s’approprier plusieurs espaces publics de Montréal.

Cette classification ascendante hiérarchique nous a amené à nous poser la question : quelles sont
les facteurs qui peuvent influencer la mobilité urbaine des étudiants maghrébins à Montréal? En
revenant à nos entrevues nous avons identifié quelques facteurs qui ont eu une influence directe,

149
ou indirecte, sur leurs fréquences de déplacement et sur leur capacité à s’approprier des espaces
urbains à Montréal: les caractéristiques individuelles, les langues maîtrisées, les moyens de
déplacement, le climat, les liens sociaux, la formation et le plus important, le temps disponible. La
figure 5.6 ci-dessous illustre ces facteurs et la force de leur influence sur la mobilité ou sédentarité
des étudiants internationaux.

Figure 5. 6 : Les facteurs qui influencent la mobilité urbaine des étudiants internationaux
maghrébins à Montréal
Source : Auteur

5.5.1 Les caractéristiques individuelles

La mobilité est avant tout un choix. Le meilleur exemple de ce que nous avançons est notre
participant Wael. Il dit être quelqu’un de mobile mais qui ne fréquente pas beaucoup d’espaces
urbains sauf pour les visiter. En même temps, il se définit comme une personne sédentaire qui aime
la maison et nos premières questions sur sa vie quotidienne au Maroc nous le confirment. La ville

150
où il travaillait pendant des années avant de venir à Montréal lui est toujours étrangère. Il préfère
recevoir ses ami.e.s chez lui ou allez les voir chez eux que de les rencontrer dans un parc. Il n’aime
pas les cafés et ne veut pas avoir d’attache avec les espaces urbains d’une ville que selon lui, il va
quitter tôt au tard, donc il reste souvent à la maison à travailler sur son projet de maîtrise et ses
devoirs.

Je n’aime pas trop sortir et je ne veux pas m’attacher à Montréal parce que je compte bien
la quitter un jour. Je ne veux pas qu’elle soit un obstacle quand je trouve une autre
opportunité professionnelle dans une autre province ou ailleurs dans le monde (Wael,
Maîtrise)

La mobilité est un choix qui demande des compétences. Si Wael est sédentaire par choix, Moussa,
Ramzy et Bassim étaient sédentaires par manque de savoir-faire. Durant la première et la deuxième
rencontre, ils nous ont confié qu’ils ne savaient où aller et comment faire. Après 6 mois à Montréal,
ils ne connaissaient que les alentours de leurs quartiers de leurs institutions et de leurs lieux de
travail. Mais les choses avaient changé durant la troisième rencontre. Grace à son travail de livreur,
Bassim a appris comment se déplacer à Montréal et comment se repérer avec le GPS et avec les
grands boulevards de la ville. Il ne se déplaçait qu’en voiture et ne connaissait rien des réseaux de
transports en commun. Ramzy a réussi à acquérir les compétences de mobilité grâce aux réseaux
sociaux : « au début, c’était difficile de savoir où et quand prendre le bus ou le vélo mais avec le
temps j’ai appris à utiliser les applications comme Transit23 et j’ai appris à me positionner dans le
GPS…et quand je voulais sortir j’allais voir sur Instagram ou poser la question à Siri (google) »
(Ramzy, Maîtrise). L’apprentissage à la mobilité de Moussa est passé par son réseau personnel qui
s’est développé avec le temps. Au début, il ne connaissait personne. Il travaillait, étudiait et habitait
dans le même quartier (autour de l’ETS). Il n’avait pas la carte Opus de transport et il ne trouvait
pas de plaisir à sortir seul. Après un an, son réseau personnel s’est agrandi et il commençait à sortir
plus souvent. Ses amis commençaient à l’inviter chez eux, à sortir dans des parcs et des cafés et
c’est eux qu’ils lui ont montré comment être mobile à Montréal.

23 Une application sur les smartphones qui permet à ses utilisateurs de savoirs quel bus prendre et à quelle heure il va passer.

151
5.5.1.1 Plus ils maîtrisent de langues, plus ils sont mobiles

Au-delà des aptitudes de mobilité, nous pouvons considérer les langues comme des compétences
aussi. Nous avons remarqué que ceux qui maîtrisaient les deux langues, français et anglais, ne
craignaient pas l’inconnu et n’avaient pas peur de découvrir de nouveaux espaces qui leurs sont
étrangers. Tandis que les participants qui avaient du mal avec les deux langues (principalement les
étudiant de DEP) n’osaient pas fréquenter de nouveaux espaces sans être accompagnés. L’influence
de la connaissance des langues montre que nos participants ont conscience qu’en étant mobiles, ils
seraient en contact avec d’autres acteurs qui ne seront pas nécessairement du même groupe
ethnique qu’eux et qui ne parleront pas nécessairement la même langue d’eux.

L’exemple de Fadi qui maîtrise parfaitement quatre langues (Français, Anglais, Espagnol et
l’Arabe) et celui de Kamel qui ne maîtrise que l’Arabe et moyennement le français, illustrent assez
bien l’influence de ce facteur. Kamel craignait que la batterie de son téléphone le lâche et qu’il ne
sache pas où il est. Il ne se déplaçait qu’en voiture. Quand il voulait découvrir plus les quartiers de
Montréal, il le faisait toujours avec ses amis ou sans jamais descendre de la voiture. Contrairement
à Fadi qui partait à la découverte de la ville seul ou accompagné. Il prenait le bus ou le métro et
visitait de nouveaux endroits ; « si jamais je suis perdu ou incertain, je pouvais toujours demander
autour de moi…j’ai même fait de nouvelles connaissances dans les parcs…avec des gens comme
moi qui sont eux aussi nouveaux ici » (Fadi, Maîtrise).

5.5.1.2 Le climat « L’hiver, on reste à la maison »

Pour nos participants, les conditions hivernales de Montréal sont présentées comme un frein à la
mobilité. Comme nous l’avons vu dans leurs différents propos, ils préfèrent rester à la maison en
hiver. Le premier hiver à Montréal est une rude expérience surtout pour les migrant.e.s issues des
pays du sud comme les Maghrébin.e.s. Pour beaucoup de nos participants, c’était la première fois
qu’ils voyaient la neige de leur vie. Devant ce manque d’expérience face à l’hiver québécois, ils
préfèrent rester chez eux. De plus, ils ne sont pas familiers avec les activités et sports d’hiver
comme le patinage, les balades dans la neige ou les skis. D’un autre côté, l’été est la saison de la
mobilité, surtout pour les étudiants universitaires. Ces derniers ont enfin trouvé un peu de temps

152
libre pour sortir avec leurs ami.e.s et découvrir les différents quartiers de la ville. C’est à ce
moment-là qu’ils ont découvert la sociabilité urbaine dans les parcs montréalais. Donc, nous
pouvons conclure que l’hiver est facteur de sédentarité et l’été est facteur qui favorise la mobilité
urbaine :

C’est la première fois que je vois la neige…au début c’était excitant mais quand il a
commencé à faire -10 et -15, je ne voulais plus sortir…et je voyais les gens dehors marcher
normal dans ce froid…l’hiver, je reste chez moi (Wael, Maîtrise).

5.5.1.3 Les réseaux sociaux au service de la mobilité urbaine

Afin de déterminer la nature de l’influence des réseaux sociaux sur la mobilité urbaine, nous les
avons comparés avec la fréquence de mobilité et les types des lieux visités. Avec nos participants,
nous avons essayé de reconstruire leurs réseaux sociaux avant de leur demander d’identifier les
espaces qu’ils visitaient souvent grâce à leurs ami.e.s. Cette observation nous a amené à chercher
une corrélation entre les différentes composantes qui définissent un réseau social : sa taille (le
nombre des individus reliés), sa diversité (l’hétérogénéité de ses membres), sa densité (les relations
entre les membres) et la nature des liens (forts, faibles…) (Charbonneau et Turcotte 2002).
La triangulation des données de cet exercice avec ceux sur la mobilité urbaine nous a permis de
déterminer quelles variables dans les réseaux sociaux peuvent être comparées avec la fréquence de
déplacement et les lieux visités. Il nous est donc possible d’avancer que la taille du réseau personnel
a une influence directe sur la fréquence de déplacement tandis que la diversité de ses membres a
un impact sur les types des espaces fréquentés.

- La taille du réseau a un impact direct et fort sur la fréquence de déplacement


En comparant la taille des réseaux sociaux de nos participants avec leurs fréquences de mobilité
(voir figure 5.7), nous avons noté que les étudiants très mobiles et hypermobiles avaient de larges
réseaux sociaux. Ils avaient beaucoup de connaissances et d’ami.e.s avec qui sortir et chez qui
passer un week-end ou une soirée. Donc, ils se déplaçaient souvent pour pouvoir rencontrer les
personnes de leurs réseaux. Quant aux étudiants sédentaires ou à mobilité moyenne, ils avaient un
petit réseau et ils fréquentaient très peu d’endroits en dehors de leurs quartiers : « Ce n’est pas très
amusant de sortir se balader dans la ville seul » (Moussa, Maîtrise).
153
Figure 5. 7 : Les fréquences de mobilité des participants par rapport à la taille
de leurs réseaux sociaux
Source : Auteur

- La diversité des membres dans les réseaux a un impact direct sur les lieux visités
En se référant à l’exercice des liens sociaux que nous avons proposé à nos participants, nous
relevons que la majorité des étudiants de DEP ont souvent des réseaux sociaux très homogènes
(genre et ethnicité). Ils restent entre maghrébins et entre hommes seulement. Cette non-diversité se
reflète sur les types de lieux visités. Ils fréquentent les mêmes parcs, les mêmes cafés et les mêmes
quartiers. Cette situation nous amène à questionner leur hypermobilité et à se demander s’ils ne
vivent pas une sédentarité caractérisée par beaucoup de déplacements pour le travail. D’autre part,
nous pouvons constater l’hétérogénéité des réseaux sociaux des universitaires à leurs cartes. Malgré
leur faible et moyenne fréquence de déplacement, ils fréquentent autant d’endroits voire plus que
ceux qui se déplaçaient beaucoup avec un réseau homogène.

Le tableau 5.3 synthétise la corrélation entre la variable réseau social et la mobilité urbaine. Au-
delà des choix de la personne, plus un réseau est diversifié et large plus la personne pourra être
mobile et plus elle fréquentera d’espaces.

154
Tableau 5. 8 : Corrélation entre le réseau social et la diversité des espaces fréquentés

Réseaux homogènes Réseaux hétérogènes

-Sédentarité. -Mobilité moyenne.


Petits réseaux -Très peu d’espaces appropriés -Appropriation de différents
(voir aucun) espaces publics.
-Grande mobilité. -Grande mobilité.
Larges
réseaux -Appropriation des mêmes -Appropriation de plusieurs et
espaces. différents types d’espaces.
Source : Auteur

• La mobilité est une question de temps et de priorité

Au-delà des facteurs que nous venons d’exposer, le manque de temps semble être le facteur de
sédentarité pour la majorité de nos participants. Parmi les mots qui reviennent souvent dans nos
entrevues sont : « Je n’ai pas le temps », « je suis trop occupé » et « si seulement j’avais un peu de
temps ». Entre le travail et les études, le calendrier de la majorité de nos participants semble être
trop chargé pour « sortir ».

Les étudiants inscrits à la maîtrise passent la majorité de leur temps dans les bibliothèques ou
devant leurs écrans chez eux. Ils donnent beaucoup d’importance à la réussite scolaire : « il y a
beaucoup de choses à faire avec l’école. Je trouve à peine le temps pour faire mes courses » (Fadi,
Maîtrise). En outre, le besoin de travailler en dehors des cours pour pouvoir payer les factures est
une autre explication du manque de temps libre pour sortir avec ses ami.e.s ou pour visiter
Montréal : « Je ne trouve pas le temps…je suis en course avec le temps. École, boulot, école…je
n’ai pas droit à l’échec et je dois les payer ses études » (Moussa, Maîtrise). Avant la pandémie, les
étudiants de DEP avaient autant de mal à trouver du temps libre. Eux, ils doivent beaucoup
travailler en plus de se présenter au cours : « quelques professeurs exigent la présence en cours,
c’est une perte de temps pour moi. Je préfère passer la journée au travail…comme je te dis, cette
formation est juste un passage obligé pour la résidence permanente » (Kamel, DEP). Durant la
pandémie, ils avaient plus de temps pour voir leurs amis et sortir en ville. Comme nous l’avons
déjà expliqué, assister aux cours et travailler en même temps leur permettait d’avoir du temps libre.

155
Nous voyons donc que nos observations rejoignent celles de Eugénie Terrier (2009) quand elle
avance que « le quotidien des étudiants internationaux est largement déterminé par la signification
du séjour d’études à l’étranger » (Terrier 2009, 630) dans le sens où, les étudiants universitaires
priorisent les études. Ils passent la majorité de leur temps aux études et à travailler sur leurs projets
de maîtrise. Pour eux, la réussite universitaire passe avant tout. Les étudiants de DEP donnent plus
d’importance au travail parce qu’ils doivent payer leurs formations qui coutent excessivement cher.
C’est pourquoi, nous disons que la mobilité est une question de temps et de priorité. Les études, le
travail et l’objectif de migration n’ont pas d’influence directe sur la mobilité urbaine mais trouver
le temps en dehors de ses obligations quotidiennes est la contrainte majeure de nos participants.
Les propos de Fadi confirment nos constatations. À notre dernière rencontre, il avait déjà terminé
ses études.

Je ne suis plus étudiant…j’ai une seule chose à faire par jour, travailler. Quand je termine
le travail, je sors en ville ou pour voir des amis. C’est toujours facile parce qu’eux, ils sont
toujours aux études. Mais depuis, j’ai découvert Montréal...avant je ne connaissais que deux
quartiers : autour de l’ETS et LaSalle, où j’habitais (Fadi, Maîtrise)

Cette situation peut expliquer les inégalités face à la mobilité urbaine. Nous donnons l’exemple de
Anis qui est aussi un étudiant à la maîtrise mais il trouvait le temps pour sortir et pour rencontrer
ses amis. Il avait du temps libre parce qu’il arrivait à financer son séjour d’étude à Montréal sans
devoir travailler en dehors des cours.

Notons qu’il y a d’autres facteurs qui, à ce stade de la recherche, sont difficiles à mesurer et qui
nécessitent une recherche plus approfondie pour documenter leur influence sur la mobilité urbaine.

5.6 Conclusion

Nous avons défini et analysé la mobilité urbaine comme étant une expérience mais elle n’explique
que partiellement l’expérience urbaine de nos participants. Après avoir identifié les profils de
mobilité, nous pouvons revenir maintenant au capital spatial. Ce dernier sera présenté comme une
résultante de l’expérience urbaine basée sur la mobilité dans la ville de migration.

156
Dans ce chapitre nous avons étudié indirectement les deux premières composantes du capital
spatial : l’accessibilité et les compétences de mobilité. Nous avons abordé rapidement les espaces
fréquentés mais nous allons revenir en détails sur l’appropriation spatiale et les espaces que nos
étudiants se sont appropriés durant leurs premiers 12 mois à Montréal.

157
CHAPITRE 6 : DE L’EXPÉRIENCE URBAINE AU SENTIMENT
DE CHEZ-SOI

6.1 Introduction

L’expérience urbaine peut être appréhendée à travers trois axes d’analyse : les ambiances urbaines,
les liens et rapports sociaux et le rapport à l’espace urbain. À partir des profils de la mobilité urbaine
et de la quotidienneté de nos participants, nous avons étudié successivement ces trois axes pour
voir comment les participants construisent un sentiment d’attachement envers les espaces urbains
de Montréal.

Dans ce chapitre, nous allons commencer par présenter une synthèse des ambiances urbaines et
architecturales ressenties par nos participants à Montréal. Nous verrons comment ils veulent
reproduire des anciennes ambiances en lien avec leurs espaces préférés dans leurs villes d’origines
et comment ils partent à la recherche de nouvelles ambiances typiques des villes du Nord. Par la
suite, nous verrons comment les espaces fréquentés ont influencé leurs réseaux personnels et
comment ils veulent vivre l’expérience urbaine dans une inattention civile. Cette dernière nous
permettra d’expliquer la géographie de plusieurs espaces appropriés par nos participants. Comme
nous l’avons déjà mentionné, l’appropriation spatiale est une forme de rapport à l’espace qui
représente le troisième axe de l’expérience urbaine. Dans le cadre de cette étude, nous allons
analyser l’appropriation à travers les fréquences de fréquentation, l’usage de l’espace, le degré
d’attachement et les significations que donne la personne à l’endroit. En mettant en corrélation les
profils de mobilité et ces trois axes, nous avons proposé une typologie de capitaux spatiaux selon
l’expérience urbaine du migrant.

Au-delà du capital spatial, nous proposons ici d’élargir le rapport à l’espace et d’analyser « le
sentiment de chez-soi » à l’échelle de la ville à travers l’expérience urbaine à Montréal Enfin, nous
proposerons un processus de construction du sentiment de chez-soi dans une ville de migration
chez les étudiants internationaux.

158
6.2 Les expériences urbaines des étudiants internationaux maghrébins à
Montréal

6.2.1 Les ambiances urbaines: vivre le rêve américain à Montréal

« La question des ambiances urbaines n'est pas simple à traiter. Les ambiances renvoient certes à
des notions physiques qui permettent de les caractériser mais intègrent aussi une part de subjectivité
liée à l'approche sensible mêlant le ressenti et le vécu » (VAD 2015, 04). Telles sont définies les
ambiances urbaines. Elles sont avant tout une question de perception urbaine. Elles peuvent être
visuelles, olfactives ou sonores. Par définition la perception est subjective et dépend du vécu de
chacun, de ses souvenirs et ses caractéristiques personnelles, d’où l’individualité et la subjectivité
des ambiances urbaines ressenties. Un espace urbain ne peut pas être perçu de la même façon par
toutes les personnes. D’autre part, les ambiances ressenties ne sont pas figées, elles changent avec
le temps. Le vécu d’une personne change et sa perception des espaces urbains change aussi. C’est
pourquoi, les ambiances sont décrites différemment d’une personne à une autre dans le temps.

Nos participants viennent de villes et de sociétés différentes ayant des tissus urbains différents de
celui de Montréal globalement. Plus précisément, il y en a qui viennent de petites ou moyennes
villes du Maghreb (Laâyoune, Oum-Bouaghi, Blida, Mounastir); d’autres viennent de grandes
villes comme les capitales (Rabat, Alger, Tunis) ou d’autres grandes villes comme Casablanca,
Constantine ou Nabeul. Ils disent clairement vouloir découvrir de nouvelles sensations à Montréal,
autres que celle qui connaissent déjà. D’ailleurs, au début de leur parcours, ils ne fréquentent pas
le Petit Maghreb pour éviter les ambiances visuelles, olfactives et sonores qui leur rappelleraient
leur pays d’origine. Prenons l’exemple de Redha qui n’aime pas le petit Maghreb parce qu’il oublie
qu’il est à Montréal « les gens là-bas communiquent en arabe. Ils fument partout, parlent fort et,
bizarrement, ils ne respectent pas le code de la route dans cette partie de la ville » (Redha, DEP).
D’autres se sentent par contre obligés d’y aller pour rencontrer des amis ou pour faire des courses
surtout durant le mois du Ramadan.

Nous avons rapidement remarqué que nos participants reviennent souvent sur le cadre architectural
et urbain des espaces urbains de Montréal. Nous avons noté son importance dans l’expérience
urbaine de nos participants. En plus du paysage hivernal, quatre points reviennent souvent dans

159
leurs discours : l’architecture des maisons montréalaises, le style architectural du centre-ville,
l’aménagement des parcs et le design urbain.

L’architecture des maisons montréalaises est évoquée sous forme de questionnements de curiosité.
Beaucoup se demandent pourquoi les escaliers ressemblent plus à « des escaliers de secours » et
sont une partie importante dans les façades. Ils nous parlent aussi de l’entrée qui est souvent
précédée par une petite terrasse et de petits jardins. Sans trop s’attarder sur les détails, ils reviennent
à l’échelle du quartier. Nous avons noté un sentiment de déception par rapport à quelques quartiers.
Ils comparent toujours les quartiers Saint- Léonard, l’est de Rosemont ou Ahuntsic avec les
quartiers centraux comme le Plateau, le Mile End et Villeray. Ils définissent ces derniers comme
de « beaux quartiers » où ils auraient aimé vivre, mais où le loyer est trop élevé pour eux.

Quand tu te balades dans ces quartiers tu sens que tu es vraiment à Montréal, mais là où
nous habitons… aucun charme. On dirait qu’il y a deux Montréal, un vrai et une copie.
Deux styles architecturaux complétement différents, là où nous habitons, le quartier n’a pas
d’identité, mais les quartiers du centre ont une identité qui les définit (Bassim, DEP).

Les participants font souvent référence à l’aménagement des parcs et des rues. Les parcs sont
décrits comme étant des espaces calmes, beaux, apaisants et diversifiés. Nous avons remarqué que
nos participants sont à la recherche de nouvelles ambiances autres que celles qu’ils ont vécues dans
le pays d’origine. Les parcs de Montréal leur permettent justement de vivre de nouvelles
expériences. En effet, généralement, on ne trouve pas de parc urbain similaire dans les villes du
Maghreb. Beaucoup reviennent aussi sur l’aspect design et sur la beauté des parcs, surtout le parc
Jarry et le Mont-Royal. Quand ils les décrivent, nous avons noté un émerveillement face à ces
espaces. Au-delà de l’aspect physico-spatial des parcs, ils abordent la sociabilité publique dans ces
lieux. Nous reviendrons sur ce point dans les prochaines lignes. Les ambiances urbaines dans les
rues ornées d’arbres sont aussi souvent évoquées. L’un des participants disait :

L’aménagement et la beauté des rues te font sentir dans un pays du Nord. D’ailleurs, je
trouve que Drolet est l’une des plus belles rues ici à Montréal. Quand tu marches sous les
arbres, tu as l’impression que tu te balades dans une photo d’Instagram… même en voiture
tu peux vivre cette expérience (Sajed, Maîtrise).

D’autres préfèrent se balader dans le centre-ville au milieu des tours et des grands immeubles. Nous
reviendrons aussi sur ce quartier plus en détails ultérieurement car il fait partie des endroits les plus
160
fréquentés par nos participants. Ce qui est à retenir est l’attirance de certains participants pour ce
cadre architectural et urbain et le fait de le lier à la réussite et au rêve de vivre dans une ville nord-
américaine.

La description de Montréal change après le premier hiver. Nos participants découvrent un hiver
différent de celui qu’ils connaissent depuis leur enfance. Au Maroc, l’hiver n’est pas très froid et
c’est la saison des pluies. Les villes du nord algérien et tunisien sont plus habituées à n’avoir de la
neige que durant une semaine chaque année. En général, les migrant.e.s maghrébin.e.s
appréhendent l’arrivée du premier hiver au Québec. Ils ne savent pas à quoi s’attendre. L’hiver au
Québec nécessite l’apprentissage d’un nouveau mode de vie. Ils découvrent un nouveau paysage
urbain qui dure dans le temps et ils le qualifient de « triste » et « déprimant ». Comme nous avons
vu dans le précédent chapitre, l’hiver est facteur de sédentarité pour la majorité de nos participants.
Après la première expérience du premier hiver, l’image qu’avaient construit nos participants de
Montréal a complètement changé.

Les bouchons sur les routes, l’état des routes et les travaux de construction font aussi partie du
paysage montréalais tel qu’il est décrit par nos participants. Rappelons-le, la majorité des étudiants
que nous avons rencontré se déplacent en voiture, donc ils sont plus sensibles à l’état de la
circulation routière, aux fermetures des rues et à leur état. Cette situation a une grande influence
sur leur mobilité urbaine. Ils préfèrent se déplacer tôt le matin ou en fin de journée pour éviter les
bouchons. De plus, ils évitent des quartiers à cause de l’état de leurs routes et des travaux fréquents
qui rendent le déplacement en voiture difficile.

Les ambiances urbaines peuvent avoir un impact direct sur l’usage que la personne fait de l’espace,
ses pratiques socio-spatiales et sur le sens qu’il donne à l’espace (Thomas 2013). Donc, nous
pouvons dire que les ambiances urbaines de Montréal influencent indirectement l’expérience
urbaine des acteurs mobiles et les propos de nos participants en témoignent.

6.2.2 Les interactions et relations sociales dans un espace urbain

Après les ambiances, le deuxième axe d’analyse de l’expérience urbaine porte sur les interactions
et liens sociaux dans l’espace. Dans le chapitre précédent, nous avons identifié le réseau social
comme un des facteurs qui peut exercer une influence sur la mobilité urbaine des migrant.e.s. Sa

161
taille et sa diversité ont un impact direct sur les fréquences de déplacement et sur les espaces
fréquentés. Nous pouvons les qualifier de ressources mobilisables pour la mobilité urbaine.

Si les liens sociaux exercent une influence sur la mobilité urbaine et les espaces fréquentés, ces
derniers ont aussi une influence sur la construction du réseau social. En comparant les liens sociaux
des universitaires avec ceux des étudiants de DEP avant et durant la pandémie, nous pouvons voir
l’impact de l’espace sur la diversité des réseaux sociaux selon la variable : institution de formation.

Avant la pandémie, les universitaires avaient déjà commencé à construire un réseau de liens plus
hétérogène dans leur milieu universitaire diversifié, les colocations et à l’emploi. Tous nos
participants universitaires, sauf Liamin, vivaient dans des colocations hétérogènes ethniquement et
de genre. Comme nous l’avons vu, cela avait un impact sur la diversité des espaces qu’ils
fréquentaient, mais indirectement cela avait aussi un impact sur la diversité de leurs réseaux. Durant
la pandémie, des liens sociaux se sont développés mais dans une sociabilité restreinte. Grace à leurs
réseaux personnels déjà en place, ils ont fait de nouvelles connaissances d’origines ethniques
différentes. En revanche, les étudiants de DEP qui préfèrent rester entre hommes maghrébins,
avaient un réseau homogène. Et durant la pandémie, leurs nouvelles connaissances se faisaient à
travers des amis, dans leurs logements ou quand ils sortaient avec eux. Les nouveaux liens sont
toujours avec des connaissances de connaissances. Donc, ils sont toujours dans le même cercle
d’hommes maghrébins et généralement étudiants de DEP. Durant la dernière rencontre, nous avons
remarqué que des participants sont devenus amis alors qu’ils ne se connaissaient pas avant. À croire
qu’ils font tous partie d’un grand réseau d’étudiants de DEP. À cause de la pandémie, les nouveaux
étudiants internationaux ont eu beaucoup de difficultés à construire de nouveaux liens en dehors
de leurs réseaux. Cette situation a eu un grand impact sur leur vie quotidienne à Montréal et sur
leur carrière migratoire.

En dehors de leurs réseaux personnels, nos participants voulaient se fondre dans le paysage urbain
de Montréal. Ils ne voulaient pas habiter dans les quartiers de concentration ethnique maghrébine
et ne fréquentaient pas les cafés maghrébins. L’inattention civile était un des critères pour choisir
les endroits à fréquenter. Ils cherchent à vivre l’expérience de la super-diversité de Montréal et
veulent être en contact avec des personnes issues d’autres groupes ethniques. Nous verrons dans
les prochaines pages comment cette forme de rapports sociaux influence la géographie des espaces
appropriés.

162
6.2.3 Rapports aux espaces urbains: les espaces appropriés par les étudiants
internationaux maghrébins à Montréal

Nous partons du principe qu’un des rapports à l’espace est l’appropriation spatiale. Nous avons
étudié cette dernière à travers quatre points : les fréquences de fréquentation, l’usage des espaces,
la signification que donne la personne à l’espace et le degré d’attachement envers les endroits.
Nous voulions documenter la dimension significative de l’espace à travers son usage. Prenons
l’exemple de la sociabilité dans les parcs. Cette activité permet d’avoir une histoire vécue. Si la
personne fréquente le même espace plusieurs fois pour la même activité, il aura des souvenirs liés
à l’endroit qui mèneront à un attachement qui est une des formes de l’appropriation spatiale. Dans
ce qui va suivre, les endroits les plus signifiants pour nos participants à Montréal sont décrits.

• Mont-Royal

Figure 6. 1 : La situation géographique de Belvédére de Mont-Royal par rapport à Montréal


et une photo du Bélvédére avec un participant.
Source : Auteur

Le Belvédère est le lieu qui revient le plus souvent dans nos entrevues. C’est l’un des premiers
endroits visités par nos participants à Montréal. Au début, ils nous le présentaient comme la
destination touristique qu’il faut visiter quand on arrive à Montréal. Tous nos participants l’ont
mentionné comme l’espace le plus fréquenté durant la première rencontre. Les termes utilisés
durant cette rencontre évoquent souvent de l’émerveillement : « c’est très beau », « Magnifique
endroit ». D’autres nous parlent de cet endroit comme le premier signe de la réussite : « D’une
163
image sur mon téléphone à la réalité, je suis là », « Quand j’y étais la première fois, je me suis dit
; j’ai réussi, je suis là ».

Après six mois de leur arrivée, le Belvédère est moins présent dans les cartes mais il reste le lieu
le plus mentionné par nos participants. Étant le premier endroit qu’ils ont visité à Montréal, ils
aiment revenir là-bas pour revivre les premières sensations et l’excitation quand ils sont arrivés. À
force de le fréquenter, beaucoup disent qu’il est devenu familier pour eux. Pour Massinissa
(DEP) : « c’est comme l’endroit où il y a eu la transition entre ma vie d’avant et ma nouvelle vie.
Je reviens souvent là-bas quand j’ai des doutes par rapport à mon projet de migration ou quand j’ai
des problèmes. Quand je suis là-bas, je me rappelle l’excitation des premières journées et à quel
point j’étais heureux…ça m’aide à avancer ».

Durant la dernière rencontre, le Belvédère est toujours en tête de la liste des espaces où nos
participants se sentent à l’aise et les plus fréquentés en ville. Il est toujours l’endroit à visiter pour
revivre ou se rappeler des premières sensations à Montréal.

Pour Redha et Ilyes c’est plus qu’un endroit qui leur rappelle leurs premiers jours à Montréal. Ils
aiment le fréquenter parce que son ambiance leur rappelle leur endroit préféré en Algérie. Selon
Ilyes (DEP): « le fait de se sentir en hauteur comme ça en haut d’une colline c’est comme être au
Monument des Morts dans ma ville d’origine. Dès que j’ai un peu de temps je viens ici avec mes
amis…cette sensation m’est très familière ». Redha l’utilise comme un refuge du stress de la
vie « Quand j’étais en Algérie, il y avait un endroit en haut d’une montagne pas loin de chez
moi…je me refugiais là-bas quand j’allais mal. Quand je suis venu ici, le décor n’est pas le même
mais la sensation ressemble assez à celle dans mon spot en Algérie. Depuis, je viens ici quand je
ne vais pas bien ou quand j’ai besoin de retrouver cette sensation familière pour aller mieux…c’est
une version développée de mon espace en Algérie ».

Cet espace est donc avant tout associé au « bien-être ». Beaucoup le présentent comme un espace
familier qu’ils se sont appropriés pour des raisons personnelles. Dans leur commentaire, nous
sentons un sentiment de confort face à l’« indifférence civile » dans cet espace. Erving Goffman
(2008) dans sa description de l’indifférence civile dit que « Une première personne donne à une
seconde personne suffisamment d’informations visuelles pour lui montrer qu’elle a reconnu sa
présence (…), mais l’instant suivant, elle retire son attention afin de signifier que cette seconde
personne ne constitue pas une cible particulière de curiosité ». Cette description correspond aux
164
récits de nos participants quand ils décrivent leurs interactions sociales dans cet endroit qui attire
beaucoup d’individus.

• Downtown

Figure 6. 2 : La situation géographique du Downtown par rapport à Montréal et une photo


de la rue René-Lévesque.
Source : Auteur

Le centre-ville de Montréal est évoqué par nos participants pour deux raisons. D’un côté ses
ambiances urbaines et architecturales qui donnent vie à leur rêve américain et celui de vivre dans
une ville du Nord. Ces deux sensations sont des repères de réussite pour quelques-uns de nos
participants. Reprenons l’exemple de Kamel qui vit pleinement son rêve quand il se balade sur
Sainte-Catherine avec un café à la main ou celui de Massinissa qui aime prendre son café dans un
Tim Hortons sur René -Levesque pour revivre une scène dans un de ses films préférés.

D’un autre côté, il permet de pratiquer la sociabilité publique dans une indifférence civile. Koceila
qui n’est pas très mobile, nous confie « j’aime me fondre dans la masse et faire ce que j’aime sans
avoir l’impression d’être regardé ou surveillé…il y a tellement de monde au centre-ville je peux
vivre librement » (Koceila, DEP). Wael et Anis aussi évitent les endroits où ils peuvent croiser des

165
personnes qu’ils connaissent. Ils disent qu’au Centre-ville, ils sont inconnus face à la diversité des
personnes qui les entourent dans cet espace.

Au-delà de ses ambiances urbaines qui, selon quelques-uns de nos participants, évoquent celles du
Manhattan des films, nous pouvons dire que le centre-ville de Montréal est l’espace de liberté
urbaine dont nous parlaient Simmel (1965(1903)) et J. Remy (2015, 2016). Un espace accessible à
tout le monde sans limites socio-spatiales caractérisé par une « indifférence civile ». Germain et
Bendjaballah (2020) reviennent sur ce dernier point dans un texte sur la sociabilité publique au
centre-ville de Montréal durant la pandémie. Ils concluent que cette caractéristique phare dans ce
quartier de Montréal n’y est plus. Ils ont noté certaines tensions au début de la pandémie (été 2020)
envers les étrangers où l’inattention civile se faisait rare (Germain et Bendjaballah 2020).

• Parc Jarry

Figure 6. 3 : La situation géographique du parc Jarry par rapport à Montréal et une photo
du parc
Source : Auteur

Le grand absent de la première entrevue qui devient comme l’un des espaces les plus cités à la
troisième rencontre. La majorité de nos participants le considère comme le meilleur parc urbain de
Montréal parce qu’il est proche d’un métro, assez grand pour faire des balades et pour ne pas croiser
les personnes qu’ils connaissent. Il leur permet de pratiquer la sociabilité urbaine dans une
inattention civile. Son aménagement et son côté esthétique sont aussi parmi les raisons qui font de

166
ce parc le plus fréquenté par nos participants en été. Sajed le considère comme « son parc ». Bilel
dit avoir trouvé son « spot » à Montréal. Il passe la majorité de son temps libre d’été au parc Jarry
avec ces ami.e.s. Selon lui « c’est un parc avec plusieurs ambiances urbaines…si tu veux jouer
avec des inconnus, il y a des terrains loin des autres espaces. Tu peux te mettre sous les arbres, ou
te cacher. Tu peux t’installer au bord de l’eau ou au centre loin des chemins des piétons…tu as
beaucoup de possibilités dans ce parc » (Bilel, DEP). À titre de rappel, Bilel est architecte de
formation c’est pourquoi il maîtrise assez bien les concepts urbains comme la notion d’ambiance.
Bassim considère ce parc comme son espace préféré pour des raisons plus personnelles « Au début,
j’étais chez une connaissance qui habite en face du parc. J’ai passé ma première semaine
ici…j’étais stressé, incertain et un peu perdu. Je passais des heures dans ce parc pour oublier toute
cette angoisse. Observer ce nouveau monde dont je fais partie maintenant, m’aider à y aller mieux.
Je me sens bien…Je ne sais pas comment t’expliquer mais à force de venir ici, je sens un besoin
constant de revenir quand j’ai un peu de temps libre… ici » (Bassim, DEP).
Si le parc Jarry est au sommet de la liste c’est pour son « architecture » et son aménagement. Sa
taille et les ambiances urbaines qu’on trouve dans cet espace urbain permettent plusieurs activités
de sociabilité publique dans une indifférence civile.

• Parc Dieppe

Figure 6. 4 : La situation géographique du parc Dieppe par rapport à Montréal et une photo
du parc
Source : Auteur

167
Le parc Dieppe est l’endroit préféré de plusieurs étudiants de DEP. La particularité de ce parc est
sa situation géographique. En effet, nos participants pensaient que le fait qu’il ne soit accessible
qu’en voiture faisait de lui un espace moins convoité par « tout le monde » mais, la réalité est autre.
D’après leurs témoignages, ce parc est une destination de choix pour beaucoup de Maghrébins les
week-ends. Selon eux, c’est le parc à fréquenter les jours de semaine pour profiter de la beauté du
site et de la vue.

Kamel passe des journées entières là-bas : « J’ai découvert ce parc durant le Ramadan… des amis
ont proposé d’aller rompre le jeune là-bas et je les accompagnais. Depuis, je passe la majorité de
mes week-ends dans ce parc ». En réponse à une question de relance, il précise : « je ne dirais pas
que c’est mon parc préféré de Montréal, je n’ai pas encore essayé les autres mais si j’ai choisi cet
endroit c’est pour la pêche. Il y a comme un endroit pour les pécheurs et moi j’adore ça. Je peux
passer toute une journée sans parler à personne, juste à surveiller ma canne à pêche » (Kamel,
DEP). Précisons que Kamel ne vient pas d’une ville côtière en Algérie. Il a découvert cette passion
durant ces années de chômage en Algérie. Au début, il accompagnait ses amis et un jour il a décidé
d’essayer et, depuis, c’est devenu son activité du vendredi24.

• Vieux Port

Figure 6. 5 : La situation géographique du Vieux Port par rapport à Montréal et une photo
de partie Est de l’endroit (Quai de l’horloge).
Source : Auteur

24 La fin de semaine en Algérie est : le vendredi et le samedi

168
Comme c’est le cas du belvédère du Mont-Royal, durant la première rencontre, le Vieux-Port de
Montréal est présenté comme une des destinations touristiques préférées de nos participants. Son
aménagement et les ambiances urbaines qu’il dégage renvoient à la vie dans une ville du Nord. Ils
voient en cet espace un signe de réussite et le début de leur rêve qui se concrétise. Mais cette
« éblouissement » disparait rapidement après deux ou trois visites. Aucun de nos participants ne
parle plus de cet endroit sauf Soufien qui l’évoque comme le seul endroit qu’il continue de
fréquenter parce qu’il lui rappelle sa mère. Il nous précise que sa mère est venue avec lui à Montréal
est y restée un mois. Durant son séjour, ils ont visité le Vieux-Port et depuis il y va pour revivre
ses souvenirs avec sa mère. Il ajoute « en Algérie, de ma chambre j’ai une vue sur la mer et le port
d’Alger et quand je suis ici (Vieux-Port), j’ai l’impression que cette ambiance m’est familière et
j’ai comme un sentiment de confort…difficile à expliquer » (Soufien).
Durant la troisième rencontre, nous avons remarqué que nos participants ont beaucoup fréquenté
cet endroit en été parce qu’il leur permettait de revivre l’excitation et la joie des premières semaines
à Montréal. Nous pouvons donc dire que cet espace est surtout convoité pour son côté esthétique
et les souvenirs que nos participants ont vécu dans cet endroit.

• Parc René-Lévesque

Figure 6. 6 : La situation géographique du parc René-Lévesque par rapport à Montréal et


une photo du parc.
Source : Auteur

Un autre parc que nos participants ont découvert durant l’été. Ce parc est relativement loin des
quartiers centraux de Montréal et de leurs quartiers de résidences. Parmi les termes qui reviennent
169
souvent pour décrire cet espace : « grand et très beau parc », « pas très fréquenté par la communauté
(maghrébine) », « organisé différemment des autres parcs ». Toujours en quête de l’indifférence et
de l’inattention civile, ils sont prêts à traverser l’ile de Montréal pour s’installer confortablement
loin des espaces de concertation des Maghrébin.e.s. Les universitaires le fréquentent aussi souvent
que les étudiants de DEP. Ils viennent tous avec des ami.e.s. : « quand on décide de sortir entre
filles et garçons, on se sent plus à l’aise dans ce parc. Généralement les Weekends mais on passe
la journée là-bas. » (Wael, Maîtrise).

D’autres espaces reviennent moins souvent comme le parc Lafontaine. Seulement deux de nos
participants l’ont évoqué comme un espace apprécié. Anis le fréquente parce que ses colocataires
originaires de France l’aiment bien et se sentent à l’aise là-bas. Il les accompagne quand il a le
temps. De plus, c’est le parc urbain le plus proche de son appartement. Il n’a pas visité d’autres
parcs parce qu’il dit avoir trouver ses repères dans celui de Lafontaine. Massinissa aussi nous a
parlé de ce parc comme l’un des endroits qu’il aime fréquenter souvent en été parce que sa copine
(d’origine québécoise) n’habite pas loin et elle l’aime bien « je lui ai proposé de changer de parc
mais elle aime Lafontaine...avec le temps je me suis habitué à venir ici moi aussi…je peux dire que
c’est notre parc, pas le mien » (Massinissa, DEP). En réponse à nos questions de relance, les autres
participants ont montré un grand désintéressement face à cet espace parce que, selon eux, il y « trop
de Français » dans ce parc. Il y aussi le parc Jean Drapeau qui est, comme nous l’avons déjà
expliqué, l’espace préféré d’Ilyes qui continue de fréquenter même après avoir découvert le
Belvédère du Mont-Royal.

Comme déjà mentionné, nos participants ne fréquentent pas beaucoup de cafés. Le Tim Hortons à
côté de la station Guy Concordia et celui sur René Levesque sont les seuls appréciés par deux de
nos participants, pour la même raison. Les deux cafés sont relativement loin l’un de l’autre mais
géographiquement, les deux se situent dans le centre-ville de Montréal. Plus précisément, ils sont
entourés de tours et de gratte-ciels. L’ambiance urbaine ressentie à partir des salles à manger de
ces deux lieux publics est la raison pour laquelle Fadi et Massinissa apprécient ces deux espaces.
Cependant, comme déjà mentionné, après la fin de ces études, Fadi (Maîtrise) ne fréquente plus
son Tim Hortons. Maintenant, il préfère s’installer dans le Starbucks qui est en face du Tim Hortons
en question pour apprécier le même paysage urbain du quartier sans revivre les moments d’angoisse
liés à sa vie d’étudiant.

170
Les cafés ethniques du Petit Maghreb n’ont été mentionnés qu’une fois par un seul participant
durant la première rencontre. « Il y a deux cafés sur Jean Taon que j’aime fréquenter. Je me sens à
l’aise là-bas. Ils me sont familiers, je trouve l’ambiance de l’Algérie. Les gens discutent et je peux
faire mes commandes en arabe normal. En plus, c’est là où mes amis aiment qu’on se voie »
(Bassim, DEP). Mais, il a arrêté de les fréquenter quelques temps après notre première rencontre
parce que justement ça lui rappelle trop l’Algérie.

Si les espaces autour du quartier de résidence sont les plus fréquentés par les familles d’immigrants
économiques, ils apparaissent rarement dans le discours de nos participants. Soufien, qui est un
étudiant sédentaire, est le seul à nous avoir parlé d’un espace dans son quartier. Un petit parc en
face du logement où il réside. Il le fréquente souvent quand il sort quelques minutes durant les fins
de semaines.

La géographie des espaces appropriés n’est pas la même chez tous nos participants. Elle est la
traduction spatiale des intérêts et des besoins quotidiens de chacun et est liée à leurs moyens de
déplacement. Nous pouvons avancer que l’inattention ou l’indifférence civile influence
directement, et indirectement, le choix des espaces à fréquenter et à s’approprier. Comme nous
venons de voir, ils ne se sont pas tous appropriés les mêmes espaces et nous allons voir, grâce au
concept de capital spatial, qu’ils ne sont pas tous égaux face à l’appropriation spatiale et qu’ils
n’ont pas tous les mêmes comportements faces à ces espaces urbains.

6.3 Les profils du « capital spatial » possibles chez les étudiants internationaux
maghrébins à Montréal

Par définition, le capital spatial est une accumulation de compétences de mobilité et des espaces
appropriés, donc, il est mesurable à travers ses trois composantes : l’accessibilité, les compétences
de mobilité et l’appropriation spatiale.

Dans le chapitre précédent, nous avons documenté l’accessibilité et les compétences à travers
l’analyse de la mobilité urbaine de nos participants. Nous sommes arrivés à dire que les individus
sont inégaux face à la mobilité. Par la suite, nous nous sommes focalisés sur leurs expériences

171
urbaines et les espaces qu’ils se sont appropriés. Cette partie nous a permis de suivre la construction
du capital spatial des espaces urbains.

Dans ce qui va suivre, nous proposons une typologie du capital spatial. Pour la validité interne de
nos résultats, nous avons triangulé les discours de nos participants avec des cartes géographiques
que nous avons produites avec eux. Durant la première rencontre, les étudiants avaient du mal à se
repérer sur les cartes. Pour les aider, nous leur avons proposé de commencer par identifier leurs
appartements ou leurs université (ou instituts). Avec un premier point de repère, ils ont facilement
identifié les espaces qu’ils fréquentaient plus souvent et qu’ils se sont appropriés. L’exercice était
beaucoup plus facile durant la troisième rencontre. Nous avions l’impression que nos participants
s’étaient préparés pour refaire l’exercice. De plus, nous sentions comme une fierté chez ceux qui
arrivaient à lire et à se positionner facilement sur la carte. La majorité d’entre eux, sans leur
demander ont commencé par identifier leurs lieux de résidence et les espaces qu’ils aiment
fréquenter.

L’exercice des cartes géographiques nous a permis de faire le tri dans les espaces dont nous
parlaient les participants dans les entrevues. Il y avait trois types d’endroits: espaces visités, espaces
fréquentés et espaces appropriés. Pour identifier ces derniers, nous leur avons demandé de
commenter les cartes et de nous parler de leurs activités dans les différents espaces. Ils utilisaient
souvent la phrase « j’ai visité une fois » pour décrire les espaces visités. Ils ne pouvaient rien ajouter
d’autres parce qu’ils n’y avaient rien vécu, ils étaient de passage ou en visite touristique. Par
espaces fréquentés, nous voulons parler des espaces où ils se sont installés une ou deux fois pour
attendre un.e ami.e ou pour les découvrir. En revanche, les espaces appropriés sont les endroits où
ils se sentent à l’aise et qu’ils aiment fréquenter seul ou pour rencontrer des ami.e. D’ailleurs, nous
avons remarqué que dans la carte géographique, ils positionnent toujours ces espaces en premier.
Par moment, ils ajoutent des phrases comme : « mon espace », « mon endroit préféré » où « là où
je me sens bien ». Les espaces appropriés sont les endroits où ils ont vécu des expériences et où ils
ont des souvenirs qui se développent pour devenir un sentiment ou un rapport à l’espace en
question. En leur demandant de parler des espaces identifiés sur les cartes, nous les avons poussés
à parler de leurs sentiments d’attachement par rapport aux différents endroits.

Sans surprise, les institutions de formations et les universités ne figurent pas dans les cartes de la
dernière rencontre. À cause de la pandémie et les cours en ligne, les étudiants n’avaient pas accès

172
aux différents établissements. Le contexte de la COVID-19 nous a permis de comparer facilement
les styles de vies des étudiants universitaires par rapports aux étudiants de DEP, mais il a eu un
impact majeur sur la construction du capital spatial. Nous ne saurons jamais si les universités et
leurs environnements urbains font partie des espaces de choix pour les étudiants internationaux à
Montréal ou est-ce qu’ils sont des endroits à fréquenter pour les durées des formations seulement?

Nous avons aussi relevé que durant l’été, beaucoup de nos participants préfèrent sortir de l’île de
Montréal durant la fin de semaine. Nous avons exclu ces déplacements de notre analyse parce qu’ils
font partie de la mobilité spatiale et non pas de la mobilité urbaine. Dans le cadre de cette étude, la
ville est notre échelle d’analyse et notre cadre conceptuel ne permet pas d’étudier les déplacements
sur de plus grandes échelles.

À partir de nos données empiriques, nous proposons 4 types de « capital spatial » possibles :

6.3.1 Personnes avec un « Capital de mobilité »

Les personnes qui n’ont pas réussi à s’approprier plus d’un espace urbain n’ont pas atteint le capital
spatial. Théoriquement, si la personne se déplace beaucoup et qu’elle ne s’est pas approprié des
espaces urbains, elle a un capital de mobilité. Ce dernier peut être défini comme étant la capacité
d’une personne à se déplacer dans un espace urbain.

Les personnes appartenant à ce groupe ont les compétences nécessaires pour être très mobiles ou
hypermobiles. Elles ont accès aux différents espaces urbains sans difficultés mais, ne s’approprient
qu’un seul espace, voire aucun. Cette situation peut être due à des raisons personnelles comme elle
peut découler d’un manque de compétences à s’approprier plusieurs espaces urbains d’une ville en
même temps.

Plusieurs étudiants de DEP se retrouvent dans ce groupe sans s’en rendre compte. Ils se déplacent
beaucoup en voiture et ils connaissent assez bien la géographie de Montréal mais pas ses espaces
urbains. Ils se sont attachés à un espace et ils n’arrivent pas à s’en approprier d’autres. Prenons
l’exemple de Bassim et de Redha ; les deux se déplacent beaucoup pour le travail ou pour voir des
ami.e.s mais, aucun d’eux n’a un capital spatial. Bassim, durant ses premiers mois passait beaucoup

173
de temps dans les cafés algériens du Petit Maghreb pour rencontrer ses amis. Par la suite, il ne
voulait plus fréquenter cette rue parce qu’elle lui rappelait l’Algérie. Durant l’été 2020, quand il
avait du temps, il revenait souvent au parc Jarry, le seul espace envers lequel il avait un attachement
à Montréal (figure 6.7).

Le seul endroit où je me sens à l’aise est le parc Jarry. C’est le premier lieu où je me suis
senti bien quand je suis venu mais après un an, c’est le seul que j’aime fréquenter. J’ai
essayé d’autres parcs mais j’avais l’impression de trahir mes souvenirs dans le parc Jarry…
Je n’arrive pas à me sentir bien dans un autre espace autre que Jarry (Bassim, DEP)

Redha, comme tous les étudiants de DEP, travaille dans la livraison et se déplace beaucoup à
Montréal. Malgré son « hypermobilité », le seul endroit envers lequel il ressent un attachement est
le belvédère du Mont-Royal. Il trouve que l’ambiance dans ce lieu est similaire à son endroit préféré
en Algérie : « J’ai trouvé mon endroit…je ne sens pas le besoin d’avoir plusieurs espaces
d’attachements, pourquoi faire? » (Redha, DEP).

D’autre part, Wael est un étudiant universitaire très mobile mais il ne veut pas avoir d’attachement
à Montréal : « Je fréquente beaucoup d’endroits à Montréal mais par curiosité seulement. Je ne
veux aucun attachement avec ces espaces. Je ne compte pas rester ici après la fin de mes études…je
veux travailler ailleurs au Canada ou dans le monde. Montréal n’est qu’une étape dans ma vie, une
opportunité » (Wael, Maîtrise).

Figure 6. 7 : Cartes des espaces les plus fréquentés par Bassim (DEP) un mois après son arrivée
(T1) et 12 mois après (T3).
Source : Auteur
174
6.3.2 Personnes avec un « Capital spatial en construction »

Les personnes de ce groupe sont des acteurs moyennement mobiles et ils se sont appropriés deux
ou trois espaces urbains par manque de mobilité urbaine. Ces acteurs montrent un intérêt envers
d’autres lieux mais par manque de temps libre, le processus de construction du capital spatial sera
plus long.

La majorité des étudiants universitaires appartiennent à ce groupe. Comme nous l’avons déjà
expliqué, ils n’ont pas beaucoup de temps libre pour sortir. Après 12 mois à Montréal, Ramzy et
Moussa construisent encore leur capital spatial. Ramzy passait la majorité de ses journées dans sa
chambre. En plus de son projet de maîtrise, il avait beaucoup de travaux pour son laboratoire. C’est
pourquoi, même durant l’été, il n’avait pas beaucoup de temps pour sortir et rencontrer ses ami.e.s.
La majorité des espaces qu’il fréquentait étaient autour du quartier où il habitait (figure 6.8).

(Ironiquement) Doucement mais surement, je n’ai vraiment pas de temps libre pour sortir
et voir mes amis. Je passe la majorité de mes journées devant mon écran. Après les études
j’aurai assez de temps pour visiter et aimer Montréal, comme j’aime mon quartier et ses
espaces maintenant, entre temps, j’ai école (Ramzy, Maîtrise)

Moussa de son côté n’avait pas beaucoup d’ami.e.s. Il voulait découvrir Montréal mais il n’aimait
pas sortir seul. Il avait du mal à se faire de nouvelles connaissances surtout dans le contexte de la
pandémie. Nous pouvions voir dans ses cartes que les espaces qu’il s’est appropriés sont autour de
l’ÉTS et de la résidence universitaire.

Anis est un cas particulier. Au début de son séjour à Montréal, il essayait de découvrir la ville et il
s’est approprié quelques espaces urbains. Mais, à cause de la pandémie, il a décidé de rentrer au
Maroc et de quitter le Canada. Depuis, il est devenu beaucoup moins mobile et il a mis fin à son
processus de construction du capital spatial. Au moment où il a décidé de retourner dans sa ville
d’origine, il perdu tout intérêt envers Montréal.

175
Figure 6. 8 : Cartes des espaces les plus fréquentés par Ramzy (Maîtrise) un mois après son
arrivée (T1) et 12 mois après (T3).
Source : Auteur

6.3.3 Personnes avec un « capital spatial »

Quand peut-on dire qu’une personne a un capital spatial ? Nous nous sommes beaucoup
questionnés sur l’aboutissement de ce processus. Nous avons trouvé des réponses dans les cartes
géographiques de nos participants. Nous avons fait une comparaison en deux temps. Au début,
nous avons comparé tous les supports et nous avons éliminé les cartes des participants qui
appartiennent aux deux premiers groupes ; ceux avec un capital de mobilité et ceux qui ne se sont
appropriés que deux ou trois espaces en 12 mois. Par la suite, nous avons comparé les cartes de
chaque participant séparément. Nous parlons ici d’une comparaison entre les cartes produites
durant la première rencontre et ceux de la dernière rencontre. La géographie des espaces appropriés
était la réponse à notre question. En 12 mois, nous avions noté un cumul de lieux dans la ville. En
plus des espaces qu’ils aimaient fréquenter au début de leur séjour, ils se sont appropriés de
nouveaux espaces dans différents quartiers de Montréal.

Dans ce groupe, les personnes se sont approprié plusieurs espaces urbains dans la ville. Ils peuvent
être moyennement mobiles comme ils peuvent être très mobiles. En 12 mois, Fadi, Sajed et Liamin
ont réussi à construire un capital spatial à Montréal. Liamin et Fadi sont les deux des étudiants de
l’ÉTS et sont considérés comme des personnes mobiles. Comme les autres universitaires, ils sont

176
très occupés par les études mais ils arrivent à trouver du temps libre pour sortir rencontrer leurs
ami.e.s et découvrir de nouveaux espaces à Montréal. Leurs réseaux sociaux exercent une grande
influence sur leur mobilité urbaine et sur les lieux qu’ils fréquentent. En plus des espaces dans leurs
quartiers et les espaces dont ils nous ont parlé durant la première rencontre, ils se sont appropriés
d’autres lieux dans d’autres parties de la ville (figure 6.9 et 6.10). L’intérêt qu’ont montré ces
étudiants envers Montréal les a incités à la découvrir, à fréquenter et à s’attacher à plusieurs de ces
espaces urbains rapidement. À titre d’exemple, Sajed (Maîtrise) n’avait pas choisi Montréal comme
ville de migration mais il a montré un grand intérêt envers elle dès le début de son séjour. Il est
moyennement mobile par manque de temps libre et il doit retourner en Tunisie après la fin des
études (Il a une bourse fédérale avec une clause de retour). Cette situation ne l’a pas empêché de
s’attacher à différents espaces urbains dans la ville.

Je suis tombé amoureux de Montréal depuis mes premiers jours. J’espère trouver un moyen
pour revenir ici. Je suis triste à l’idée de devoir quitter Montréal, Je me suis trop attaché à
la ville…Elle est particulière, chaque quartier a un cachet différent. Au début, je pensais
avoir trouvé mon bonheur dans le quartier où j’étais mais maintenant que j’en ai visité
d’autres quartiers de Montréal…je suis en amour avec cette ville (Sajed, Maîtrise).

Figure 6. 9 Cartes des espaces les plus fréquentés par Liamin (Maîtrise) un mois après son
arrivée (T1) et 12 mois après (T3).
Source : Auteur

177
Figure 6. 10 : Cartes des espaces les plus fréquentés par Fadi (Maîtrise) un mois après son
arrivée (T1) et 12 mois après (T3).
Source : Auteur

6.3.4 Personnes avec un « très large capital spatial »

Les personnes avec un très large capital spatial sont généralement hypermobiles et elles ont réussi
à s’approprier beaucoup d’espaces urbains de la ville en même temps. Dans notre échantillon,
seulement quatre participants ont atteint cette forme de capital spatial après un an à Montréal ;
Ilyes, Kamel, Massinissa et Bilel. Ce sont des étudiants de DEP et ont montré de fortes
compétences de mobilité et d’appropriation de plusieurs espaces depuis notre première rencontre.
Au début de leur séjour, ils utilisaient le transport en commun pour se déplacer. Ils voulaient
découvrir la ville et ils sortaient souvent avec leurs amis et seuls. Nous avons noté des signes de
forte mobilité urbaine dès la première rencontre. Ils voulaient vivre les ambiances urbaines de
chaque espace qu’ils fréquentaient. Ils disaient vouloir « bien connaitre Montréal et ses quartiers à
pied » avant de commencer à utiliser la voiture dans leurs déplacements. Dès sa première semaine,
Ilyes cherchait les espaces qu’il appelait « les miens, où je me sentirai à l’aise...un espace à
fréquenter souvent sans jamais le détester » (Ilyes, DEP). L’élargissement de leur capital spatial
est très visible dans leurs cartes et (figure 6.11 et 6.12). Nous pouvons voir clairement le
changement dans la géographie des espaces qu’ils se sont appropriés à travers le temps.

178
Figure 6. 11 : Cartes des espaces les plus fréquentés par Ilyes (DEP) un mois après son arrivée
(T1) et 12 mois après (T3).
Source : Auteur

Figure 6. 12 : Cartes des espaces les plus fréquentés par Massinissa (DEP) un mois après son
arrivée (T1) et 12 mois après (T3).
Source : Auteur

179
Les personnes sédentaires ne sont pas catégorisées. Ils ne répondent à aucun des critères d’analyse
du capital spatial, ni ceux du capital de mobilité, comme c’est le cas de Sofiane. Durant la première
et la deuxième rencontre, il était sédentaire et dit ne pas trouver le temps pour sortir et se faire des
ami.e.s. À cette période, il était toujours étudiant universitaire mais durant la troisième rencontre,
il était étudiant de DEP. Il a dû changer le programme pour pouvoir rester au Canada. Sa carte des
lieux appropriés n’a pas changé en un an. Sofiane est une personne sédentaire qui vit avec des
membres de sa famille. Son endroit préféré à Montréal a toujours été le Vieux-Port parce qu’il lui
rappelle sa mère et sa ville d’origine. Il fréquente rarement les parcs urbains et passe la majorité de
son temps à la maison.

En plus des compétences de mobilité, de l’appropriation de l’accessibilité, nous retenons ici


l’importance de la dimension temporelle dans la construction du capital spatial. D’un côté c’est un
processus qui se construit dans un espace-temps. Les changements que nous avons notés entre les
cartes géographiques de la première rencontre et ceux de la dernière rencontre en témoignent. D’un
autre côté, beaucoup de nos participants qui n’arrivent pas à visiter Montréal et à sortir avec leurs
ami.e.s par manque de temps libre, disent vouloir découvrir la ville après la fin des études. Ils ont
besoin de plus de temps pour pouvoir construire leur capital spatial.

Par définition, le capital spatial est la somme des compétences acquises en mobilité urbaine et des
endroits appropriés dans un espace-temps. Il inclut la capacité d’une personne à avoir un
attachement envers plusieurs espaces dans une ville, simultanément. Il représente le rapport à
l’espace dont nous parlons dans l’expérience urbaine basée sur la mobilité qui est en soi une
aptitude inégale entre les personnes.

6.4 La construction progressive d’un sentiment de « chez-soi » à Montréal

Après avoir proposé une classification des différents capitaux spatiaux, nous pouvons revenir sur
l’expérience urbaine et son importance dans la construction du sentiment de chez-soi d’un.e
migrant.e dans une ville d’accueil. Au-delà de l’appropriation spatiale, nous proposons d’analyser
le « rapport à l’espace » à travers le sentiment de chez-soi dans une ville. La notion de « chez-soi »
était au centre de plusieurs recherches qui questionnent l’intégration et le parcours des
immigrant.e.s. Elle est souvent utilisée pour parler des logements et des quartiers de résidence.

180
Cela dit, ce sentiment peut se déployer sur plusieurs échelles. Il peut être à l’échelle d’une chambre,
du logement d’habitation, à l’échelle du quartier de résidence ou il peut être à l’échelle d’une ville
aussi. Comme nous l’avons déjà mentionné, sans perdre de vue les autres échelles, nous voulons
documenter le sentiment de « chez-soi » des migrants estudiantins dans la ville d’accueil.

Nous définissons le « chez-soi » par rapport à une ville comme étant un sentiment cognitif envers
une entité socio-spatiale dans laquelle la personne interagit avec son environnement physique et
social. L’expérience urbaine nous permet d’étudier les rapports et liens sociaux dans la ville et les
sentiments qu’une personne éprouve envers ces espaces urbains. Faire une étude longitudinale sur
l’expérience urbaine de migrants temporaires, nous a permis de suivre le processus qui mène à la
construction du sentiment de « chez-soi » dans une ville de migration. Nous avons utilisé le
sentiment de confort et de familiarité pour expliquer à nos participants l’exercice des cartes
mentales (schémas conceptuels). Nous les avons guidés pour qu’ils se projettent dans la ville et
pour définir leur sentiment vis-à-vis Montréal.

A la différence de Lord et al. (2019), nous n’allons pas présenter une typologie de chez-soi mais
un processus qui se développe dans un espace-temps avec des étapes. Pour illustrer cette évolution,
nous allons emprunter les noms des quatre phases de la mitose cellulaire en biologie. Si nous avons
choisi de faire une métaphore avec ce processus c’est parce que nous avons trouvé des similitudes
entre les deux processus.

La mitose est définie comme étant un type de reproduction qui permet de créer deux cellules filles
identiques à partir d’une cellule mère (Caputo 2006). Sans trop nous attarder sur ce phénomène,
nous allons utiliser ses quatre étapes pour présenter le processus de construction de sentiment de
chez-soi dans une ville : la prophase, la métaphase, l’anaphase et la télophase. En biologie, le
protéine complexe « CDK1-CyclineB (facteur de promotion de la mitose) » est un élément
déclencheur de la mitose cellulaire (Caputo 2006). En sociologie, la migration et le changement de
ville est l’élément déclencheur qui mène au dédoublement du sentiment chez-soi. À partir de nos
données empiriques nous allons proposer une explication à chacune des quatre étapes de notre
processus sociologique par l’analogie avec les processus biologiques:

181
Prophase

En biologie : L’ADN sort du noyau qui a perdu sa membrane nucléaire et prend la forme
de Chromosomes (Caputo 2006).

Cette phase correspond aux premiers mois de l’étudiant dans la ville d’accueil. C’est la période
de la découverte. Comme nous avons vu, ils n’ont pas tous les mêmes centres d’intérêt. Les
étudiants de DEP ont pris le temps de visiter et de découvrir Montréal avant de commencer les
études et le travail. Quant aux étudiants universitaires, ils ont donné la priorité aux études. Ils
n’avaient pas tous le même programme. Ceux qui avaient des fins de semaine libres en ont
profité pour visiter Montréal : « un espace chaque week-end ». D’autres ont attendu la semaine
de relâche pour sortir. C’est pourquoi, nous ne nous pouvons pas attribuer une temporalité à ce
processus. Beaucoup de facteurs peuvent influencer son développement comme : l’objectif
migratoire, statut de migration, lieux de résidences, liens sociaux et l’expérience urbaine.

Après 12 mois à Montréal, deux de nos participants sont toujours dans cette phase de
découverte. Par choix, Wael préfère s’installer dans cette phase. Il dit ne pas vouloir se sentir
« trop chez lui à Montréal » pour pouvoir la quitter facilement s’il a d’autres opportunités de
travail ailleurs. Il préfère garder le statut d’étudiant temporaire et visiter la ville comme un
touriste.

La situation de Sofiane est beaucoup plus compliquée. Il vit toujours chez sa tante et il a
beaucoup de difficulté à se faire des ami.e.s. De plus, il vit le changement de formation vers le
DEP comme un échec et il a encore du mal à accepter le fait qu’on l’a exclu de l’université. Il
dit vouloir terminer la formation de DEP pour avoir la résidence permanente et « peut-être
revenir en Algérie pour terminer ma formation universitaire là-bas…au moins j’aurais un
diplôme quelque part » (Sofiane, DEP). Nous avons remarqué une détresse et une tristesse dans
le discours de Sofiane surtout durant la dernière rencontre. Il dit se sentir toujours étranger à
Montréal; « Je ne sais pas ce que je fais ici…je me sens seul et perdu. J’ai pris un risque de
quitter ma formation de Master avant de l’avoir terminée et maintenant je le regrette. Ma famille
et mes ami.e.s me manquent…Alger me manque. Je crois que je vais rentrer chez-moi ».
Sofiane n’a pu s’adapter à Montréal c’est pourquoi il est toujours dans cette phase de prophase.

182
En résumé, cette étape est la période de la découverte de la ville par les migrant.e.s. Durant
laquelle, ils commencent à acquérir les compétences de mobilité qui leur permettront de
construire un capital spatial par la suite. C’est une période d’adaptation et de préparation pour
savoir comment construire sa vie quotidienne et comment habiter à Montréal.

Métaphase

En biologie : Les chromosomes s’alignent au centre de la cellule et se relient aux deux


pôles (Caputo 2006).

La classification des différents capitaux spatiaux est importante dans cette étape. L’installation
dans cette phase dépend de la mobilité urbaine de la personne et de sa capacité à s’approprier
plusieurs espaces urbains simultanément. Nous pouvons dire que la construction d’un capital
spatial marque la fin de cette phase. Si la prophase est l’étape d’adaptation cela peut être
considéré comme le début du processus du dédoublement du chez-soi dans la ville de migration.

Nos participants avaient déjà plusieurs points d’attache dans la ville d’origine et durant cette
phase, ils commencent à avoir des attachements dans plusieurs espaces urbains de Montréal
aussi. L’alignement de ces espaces par rapport à deux villes rappelle l’alignement des
chromosomes et les liaisons avec les deux pôles d’une cellule. C’est pourquoi nous avons
appelé cette phase :la métaphase.

Anis s’est installé dans cette phase et il a interrompu ce processus comme il a interrompu celui
du capital spatial parce qu’il a décidé de rentrer au Maroc durant l’été 2020.

J’ai arrêté d’y penser au moment où j’ai décidé de rentrer au Maroc à cause de la pandémie.
Je commençais à peine à me sentir à ma place là-bas (il parle de Montréal) mais je voulais
la jouer safe et rentrer. Je sais ce que je vais faire ici (il parle du Maroc) et j’ai un avenir
ici… surtout avec cette pandémie, c’est compliqué de se projeter dans une nouvelle ville
(Anis, Maîtrise)

183
Anaphase

En biologie : Les chromosomes se séparent et deviennent des chromatides qui s’éloignent


l’une de l’autres vers leurs points d’attache et la cellule commence à se diviser en deux
(Caputo 2006).

La construction du capital spatial marque le passage de la métaphase à l’anaphase. À ce stade,


nos participants vivent un moment d’hésitation. Ils prennent conscience de leur attachement à
la ville d’accueil mais ne savent pas ou n’osent pas encore l’expliquer. Pour exprimer cette
incertitude, ils utilisent les phrases « Je commence à me sentir bien ici à Montréal. Je ne sais
pas te dire mais c’est comme … », « Je ne peux pas encore dire que je suis chez-moi ici à
Montréal mais c’est en processus… ».

Quand le migrant arrive à s’approprier plusieurs espaces simultanément dans la ville d’accueil,
il commence à développer un certain sentiment envers la ville en question. Liamin et Fadi
s’identifient dans cette phase. Ils disent que Montréal est « en train » de devenir un autre chez-
soi pour eux. Ils sont conscients du changement qui leur arrive, mais ils n’arrivent pas encore
à bien le définir.

Télophase ; le dédoublement du chez-soi

En biologie : Les membranes nucléaires se referment dans les deux pôles et renferment en
elles l’ADN dans sa forme de filament et la cellule se divise en deux cellules-filles possédant
les mêmes chromosomes que leur cellule mère (Caputo 2006).

Si nous reprenons la classification des profils du capital spatial, nous verrons que tous les
participants qui ont atteint cette phase font partie de ceux qui ont un capital spatial. Quand ils
parlaient de Montréal, beaucoup de mots surgissent pour exprimer ce sentiment, un
dédoublement de chez-soi comme : « second Home25», « Home now », « ma ville », « Là où je

25 Les participants universitaires ont beaucoup utilisé le mot Home quand ils parlaient de chez-soi parce que durant les entrevues,
j’ai utilisé les mots feeling Home pour expliquer ce que je voulais dire par « chez-soi » dans les schémas conceptuels.

184
vis » et « chez-moi »26. D’un autre côté, quand nous avons présenté la carte mentale avec le
sentiment de « chez-soi », ils ont écrit le nom de leur ville d’origine en premier et ils ont ajouté
« Montréal » par la suite. Ils n’hésitent plus à le dire et le confirmer.

Sajed, Ilyes, Kamel, Massinissa et Biel s’identifient comme des personnes avec deux chez-soi.
Durant la dernière rencontre, nous leur avons demandé de nous expliquer ce sentiment.
Plusieurs mots surgissent comme : « mes habitudes », « confort », « à l’aise », « j’en fait partie
et elle fait partie de moi » ou simplement « home is home, tu le sais ». Nous pouvons revenir
ici à la notion de temps dans le processus. Nous ne pouvons pas attribuer une temporalité aux
différentes phases car plusieurs facteurs individuels influencent le passage d’une étape à l’autre.
Nous pouvons avancer que de manière générale, plus une personne passe de temps dans la ville
d’accueil plus il a une chance pour arriver à la télophase et se sentir chez-soi. Durant cette
période, le(la) migrant.e pourra construire un nouveau capital spatial, élargir son réseau social
et trouver de nouvelles habitudes et des espaces d’attaches dans la ville de migration.

Les schémas conceptuels ci-dessous résument les mots et les phrases qui reviennent le plus
souvent dans nos entrevues. Nous pouvons voir l’évolution et les changements des sentiments
envers la ville de Montréal dans la figure 6. 13. Montréal au début était perçue comme une
« expérience » ou « une ville d’étude » seulement. Après 12 mois, elle est toujours définie
comme étant une expérience par la majorité d’entre eux, mais elle est aussi un deuxième chez-
soi pour quelqu’un. Nous pouvons voir ce changement dans le deuxième schéma qui met au
centre le sentiment de « chez-soi » (figure 6. 14). Durant la première rencontre, ils associaient
leur sentiment de chez soi à leurs lieux de résidence, à la ville d’où ils viennent et à leur famille.
Par la suite, après 12 mois, ils ont gardé les autres points et ils ont ajouté Montréal comme un
deuxième chez-soi par rapport à leur ville d’origine.

Dans le cas de Koceila, nous ne pouvons pas parler de processus. Avec son parcours particulier, il
se rapproche plus de ce que Lord et al. (2019) ont appelé « la figure de l’entrepreneuriat ». Il s’est
complétement détaché de sa ville d’origine et a rapidement transféré son « chez-soi » à Montréal.
Ce cas de figure s’applique surtout aux migrant.e.s qui n’ont pas beaucoup d’attaches avec leur

26 Il y aussi d’autres mots en arabe qui sont difficile à traduire comme « Bladi, maintenant » qui veut dire mon pays mais dans le
jargon maghrébin, ce mot est utilisé pour parler de la ville d’origine aussi.

185
pays ou ville d’origine. Rappelons que Koceila a déjà un capital de migration avant de venir au
Québec. Après ses études du lycée, il a vécu un an dans une ville du Nord pour faire des études
dans le domaine de la santé mais il disait ne pas avoir aimé la ville où il était, donc il est revenu en
Tunisie pour la quitter à nouveau et s’installer à Montréal. Le permis d’étude était pour lui une voix
rapide pour quitter son pays d’origine. Il n’a aucun attachement pour sa ville d’origine sauf comme
lieu où vivent ses parents.

Dans le processus que nous venons de présenter, un(e) migrant(e) arrive à distinguer deux « chez-
soi » : sa ville d’origine et la ville de migration qui est dans notre cas, Montréal. La télophase est
la quatrième étape dans ce processus où chacun de nos participants a fait de Montréal une ville sur
mesure pour soi.

Figure 6. 13 : Résumé des schéma conceptuels des participants autour de Montréal


Source : Auteur

186
Figure 6. 14 : Résumé des schéma conceptuels des participants autour du « Chez-soi »
Source : Auteur

6.5 Conclusion

L’expérience urbaine fait partie de la vie quotidienne de la personne. Nous avons essayé de
l’étudier à travers la mobilité urbaine de nos participants. Cette approche nous a permis de proposer
une autre forme de rapport à l’espace urbain à l’échelle d’une ville. Nous avons identifié ce rapport
comme étant un sentiment de chez-soi. Nous avons suivi la construction de ce sentiment durant
une période de 12 mois. Mais, la complexité du chez-soi nous invite à poser la question sur d’autres
formes d’attachement possible. À cause de la limite temps de notre recherche, nous ne pouvons
pas dire que c’est la dernière étape dans la construction de sentiment de chez soi par un.e migrant.e
dans une ville d’accueil. Nous aurons besoin de plus d’une année pour confirmer la fin du processus
et pour bien identifier le lien entre les différents aspects de ce phénomène.

Nous allons maintenant revenir à la carrière migratoire, notre concept d’analyse principal, pour
structurer les différents points que nous avons abordés durant les trois derniers chapitres.

187
CHAPITRE 7: LES CARRIÈRES MIGRATOIRES DES
ÉTUDIANTS INTERNATIONAUX MAGHRÉBINS À
MONTRÉAL : SYNTHÈSE

7.1 Introduction

Dans ce dernier chapitre, nous reviendrons sur la carrière migratoire des étudiants et nous tenterons
de répondre à la question : que veulent faire nos participants après la fin des études et quels facteurs
influencent leurs choix? Nous commençons par inscrire les deux thématiques, déjà abordées dans
les : quatrième, cinquième et sixième chapitre, dans notre concept d’analyse principal « la carrière
migratoire » : le choix de la ville d’étude et l’expérience migratoire dans la ville d’accueil. Par la
suite, cette réflexion nous permettra de proposer des suites possibles des carrières migratoires et
situer l’influence que peut avoir l’expérience urbaine sur le choix de mobilité ou d’ancrage à
Montréal après la fin des études par rapport aux autres facteurs.

Puis, pour finir, nous reviendrons avec une réflexion plus générale sur les parcours migratoires des
étudiants internationaux d’origine maghrébine à Montréal et leurs expériences. Nous verrons
comment le fait de vivre dans la temporalité particulière du statut de migration peut influencer leur
choix d’ancrage et de mobilité par la suite.

7.2 Le parcours migratoire des étudiants internationaux en trois temps

L’objectif de cette recherche était de documenter l’influence que peut avoir l’expérience urbaine
dans la ville d’accueil sur la rétention des migrants temporaires comme les étudiants internationaux.
Nous avons utilisé la notion de carrière migratoire qui nous a permis d’étudier les parcours
migratoires de nos participants en trois temps ; la construction du projet migratoire, vivre la
migration en tant qu’étudiant international et le projet d’avenir après la fin des études. Dans les
chapitres précédents, nous avons présenté nos résultats à partir de ces trois temps d’analyse. Dans
cette partie, nous allons synthétiser nos résultats en les inscrivant dans les trois temps d’analyse de
la carrière migratoire. Ce concept nous a permis d’étudier et de comprendre de nouveaux

188
phénomènes socio-spatiaux, comme la construction d’un nouveau sentiment de chez-soi dans une
ville de migration, et leur influence sur les projets d’avenir après la fin des études sans perdre de
vue les objectifs de migration du départ.

7.2.1 Temps 1 : Choisir Montréal comme ville de migration

En s’interrogeant sur le choix de Montréal comme ville d’étude, nous avons remarqué que les
motivations correspondent à des objectifs de migration. La majorité des étudiants internationaux
maghrébins n’ont pas choisi Montréal, ni le Québec, mais ils ont choisi le « programme
d’expérience québécoise (PEQ) ». Si aujourd’hui le Québec est une destination de choix pour ces
étudiants c’est grâce au PEQ, avant la réforme de l’été 2020.

Le PEQ est un programme de rétention québécois. Il permettait aux migrant.e.s temporaires


d’accéder rapidement à la résidence permanente. Avant l’été 2020, les étudiant.e.s internationaux
pouvaient déposer une demande de certificat du sélection du Québec (CSQ) après la fin de leurs
études et ils recevaient rapidement une réponse pour qu’ils puissent déposer une demande de
résidence permanente. Aujourd’hui, après la fin des études, ils doivent travailler 12 mois (ou plus)
pour pouvoir déposer une demande de CSQ. De plus, leurs demandes ne sont plus priorisées et les
délais d’attente sont de six mois et plus. L’ancien programme de rétention PEQ était aussi un
programme d’attraction. Les recruteur.se.s l’utilisaient pour attirer plus d’étudiants internationaux
francophones du Maghreb.

Au début de la recherche, nous avons pris pour acquis que l’objectif migratoire des étudiants
internationaux était de poursuivre leurs études supérieures dans une université du Nord.
Rapidement, nous nous sommes rendu compte que cette idée était erronée. Beaucoup des étudiants
internationaux maghrébins qui ont choisi le Québec avaient pour objectif, l’immigration. Pour ce
groupe, le statut d’étudiant international était une étape obligatoire pour atteindre leur objectif de
départ. Face aux longs délais des traitements des demandes d’immigration, les études sont
considérées comme une stratégie migratoire pour s’installer au Canada. Le changement de
formation universitaire vers les formations de DEP fait aussi partie de cette stratégie. À cet égard,
nous pouvons avancer que les études sont une voie rapide pour l’immigration au Québec et au

189
Canada. Nous assistons à une nouvelle dynamique migratoire au Québec où nous sommes passés
de la migration pour les études, aux études pour l’immigration.

L’immigration permanente n’était cependant pas l’objectif de départ de tous les étudiants
internationaux maghrébins au Québec. Certains d’entre eux ont quand même migré pour les études
(5 parmi nos participants). Ce groupe d’étudiants n’a pas choisi Montréal, mais plutôt la formation
ou une bourse d’étude, d’où l’expression des étudiants de l’ETS : « Je n’ai pas choisi Montréal,
j’ai choisi l’ETS ». Avec ses 11 institutions universitaires, Montréal offre une panoplie de
formations dans différents domaines. Comme nous l’avons déjà mentionné, elles attirent la
majorité des étudiants internationaux du Québec dont les étudiants d’origine maghrébine. Pour ce
groupe d’étudiants, s’installer à Montréal n’était pas un choix mais une obligation pour accéder au
programme universitaire qu’ils ont choisi ou à la bourse qu’on leur a attribuée.

Au-delà de la formation et du PEQ, le réseau prémigratoire est un facteur qui exerce une grande
influence sur le choix de Montréal comme ville de migration. En effet, le PEQ est un programme
accessible à tous les diplômés du Québec, mais la majorité des Maghrébins qui suivent une
formation de DEP sont à Montréal pour rester entre ami.e.s. Quant à ceux inscrits dans des
programmes de maîtrise, ils auraient pu trouver leurs formations dans d’autres université du
Québec mais ils ont choisi de s’installer dans la métropole provinciale pour échapper au sentiment
de Ghorba 27. Les étudiants internationaux maghrébins voient en Montréal une opportunité pour
immigrer ou pour suivre une formation universitaire avec le moins de sentiment de Ghorba
possible.

À Montréal le sentiment de Ghorba est quasi-absent…au pire, on peut faire un tour à Jean
Talon (le petit Maghreb), cette artère te plonge directement dans une ambiance du Bled28.
En plus, on a tous des amis ici et tu peux facilement t’en faire d’autres. 98% de mes
collègues au centre de formation sont des Maghrébin.e.s, le prof est maghrébin, l’agent de
l’administration est maghrébin…on n’est loin de nos famille mais pas dans l’Ghorba
(Massinissa, DEP)

27 Nous avons déjà abordé la signification de ce mot et l’importance de le garder en arabe dans le quatrième chapitre.
28 Le mot «Bled » signifie en français; pays. Les migrant.e.s maghrébin.e.s utilisent ce mot quand ils(elles) parlent du pays d’origine.
Ils remplacent le nom de leurs pays par Bled dans leur conversation.

190
Dans ce qui va suivre, nous verrons comment le PEQ, le changement de formation et le réseau
prémigratoire exercent des influences sur leur vie quotidienne à Montréal et sur le choix de rester
ou de partir après la fin des études.

7.2.2 Temps 2 : Vivre en tant qu’étudiant international à Montréal

Par définition, un étudiant international s’installe dans une ville de migration temporairement,
jusqu’à la fin de ses études. La durée de son séjour est déterminée par la durée de sa formation.
Théoriquement, durant cette période, il structure sa vie quotidienne autour des études. Toutefois,
dans le cas des étudiants internationaux maghrébins qui séjournent à Montréal, nous distinguons
deux types de vie quotidienne; ceux qui la construisent autour des études et ceux qui la construisent
autour du travail.

Le premier groupe correspond aux étudiants internationaux universitaires inscrits à des formations
de maîtrise. Pour ces migrants, les études sont une priorité. Étant des étudiants à temps plein, ils
passent la majorité de leurs journées dans les universités ou à travailler sur leurs projets de
mémoire. Dans la mesure du possible, ils occupent des emplois à temps partiel pour subvenir à
leurs besoins. Pendant la pandémie internationale de la COVID-19, avec les cours en ligne, ils
passaient la majorité de leurs journées dans leurs chambres. Durant cette période, beaucoup ont
choisi d’occuper des emplois à temps partiel en télétravail pour optimiser leur temps. Cette
situation a fait d’eux des personnes sédentaires. Entre l’hiver québécois et la COVID-19, leur vie
quotidienne pouvait être définie à travers trois actions : étudier, travailler, faire des courses. Leurs
expériences urbaines à Montréal se résumaient aux trajets entre la maison et leurs marchés qu’ils
choisissaient selon des affinités ethniques et l’offre commerciale. Leurs expériences urbaines à
Montréal sont devenues signifiantes à partir de l’été 2020. En effet, ces étudiants maghrébins
avaient plus de temps libre et la fin des mesures sanitaires a permis de déconfiner la ville. Cette
situation leur a permis de sortir, faire de nouvelles connaissances et voir leurs ami.e.s. Ils sont
passés de personnes sédentaires à des personnes très mobiles avec un « large capital spatial » ou
« en processus de construction », pour reprendre la classification que nous avons proposée dans le
chapitre précédent. Cette même classification nous a permis de questionner leur sentiment de chez-
soi à Montréal.

191
Le deuxième groupe correspond à ceux qui suivent une formation de DEP. Ces étudiants
internationaux doivent beaucoup travailler pour pouvoir financer leur séjour et payer leurs
formations qui coûtent excessivement cher. Ils ne donnent pas beaucoup d’importance aux cours.
Ils doivent y assister parce que la présence est obligatoire. Ces migrants ont du temps libre pour
voir leurs ami.e.s et pour sortir en ville. Notamment durant la pandémie, ils pouvaient travailler et
suivre les cours à partir de leurs téléphones simultanément. En combinant ces deux activités, ils
avaient beaucoup plus de temps libre. Contrairement aux universitaires, ils passaient la majorité de
leur journée à l’extérieur. À titre de rappel, la majorité des étudiants de DEP à Montréal travaillent
dans la livraison qui est par définition synonyme de déplacements quotidiens. Leurs expériences
urbaines dépendent de leurs déplacements en tant que livreurs. Comme nous l’avons déjà expliqué,
la mobilité urbaine n’est pas seulement l’action de se déplacer, mais c’est une expérience en soi.
Nous avons remarqué que ces étudiants se déplacent beaucoup mais ils ne sont pas tous des
personnes « mobiles ». À titre comparatif, les universitaires passent leurs journées dans leurs
maisons et les étudiants de DEP dans leurs voitures. Ces derniers vivent une sédentarité dans leurs
déplacements. Ils ne connaissent la ville que de leurs voitures, en solitaires. Pour un livreur, nous
avons l’impression que ses journées se ressemblent parce qu’il passe la majorité de son temps seul
devant le volant de la voiture, mais elles sont loin d’être les mêmes. En se réveillant le matin, il ne
sait pas quel quartier ou quel arrondissement il va parcourir. Ses déplacements dépendent de la
demande commerciale et de l’algorithme d’une application de livraison. Ce style de vie a permis
aux étudiants de DEP de bien connaitre la géographie de Montréal, mais on ne peut pas dire qu’ils
vivent une expérience urbaine. Ils ne sont pas en contact direct avec les espaces urbains de la ville
et ils n’entretiennent aucun rapport social durant leurs déplacements. Ceux qui ne profitent pas de
leurs temps libres pour sortir et faire de nouvelles connaissances, appartiennent au groupe des
personnes moyennement mobiles avec un petit réseau personnel homogène (hommes maghrébins
seulement) et ils n’ont toujours pas construit un capital spatial après 12 mois passés à Montréal.

Montréal est considérée comme une ville métropole où la mobilité urbaine est une nécessité
techniquement possible et socialement valorisée. Comme l’explique Bourdin (2005), la vie
quotidienne dans une métropole est synonyme de style de vie. Il n’y a pas un modèle type de
comment construire sa vie quotidienne. Elle dépend des besoins et des choix de chacun. Par
exemple, les étudiants de DEP ont pour objectif de terminer les études le plus tôt possible pour
accéder à la résidence permanente. Ils ne donnent pas beaucoup d’importance à la qualité de la
192
formation et ils préfèrent passer leurs journées à travailler pour financer leur séjour à Montréal. À
l’inverse, les étudiants universitaires ont choisi de se concentrer sur leurs études. Ils préfèrent
consacrer le temps qu’ils vont vivre comme étudiants internationaux à étudier. Les deux groupes
d’étudiants ont adopté un style de vie temporaire jusqu’à ce qu’ils atteignent leurs objectifs. Ils
vivent dans la temporalité de leur statut de migration tel qu’attestent certains de nos participants :
« d’abord les études et après j’aurai le temps et l’argent pour visiter Montréal et me faire de
nouveaux ami.e.s » ; « D’abord la résidence permanente, je ne pense qu’à ça ».

Après avoir documenté la mobilité urbaine des étudiants internationaux et la place qu’elle occupe
dans leur vie quotidienne, nous avons repositionné cette dernière dans le contexte urbain de
Montréal afin de suivre la construction du capital spatial qui est une forme de rapport à l’espace.
L’analyse comparative de ces styles de vie nous a permis d’établir une typologie de profils de
mobilité urbaine dans le cinquième chapitre: étudiants sédentaires, étudiants moyennement
mobiles, étudiants très mobiles, étudiants hypermobiles. Nous avons par la suite utilisé cette
typologie pour suivre la construction d’un capital spatial dans une ville. Après 12 mois dans une
ville de migration, dépendamment des profils de mobilité et des espaces appropriés, quatre formes
de capital spatial sont possibles : capital de mobilité, capital spatial en construction, avoir un capital
spatial, très large capital spatial. La disparité de ces profils et des expériences urbaines nous a incité
à tester l’hypothèse d’une autre forme de rapport à l’espace dans une ville. Un sentiment
d’attachement plus fort que le fait de s’approprier plusieurs espaces urbains. À partir de ses
différentes expériences urbaines, nous avons proposé un processus de construction de sentiment de
chez-soi dans une ville de migration.

La question de départ était : À quel moment les étudiants internationaux maghrébins vont-ils
considérer Montréal comme leur nouveau chez-soi? Les personnes très mobiles ou hypermobiles
arrivent à construire un capital spatial (ou un très large capital spatial). En s’appropriant plusieurs
espaces urbains, la personne construit des souvenirs dans plusieurs parties de la ville de migration.
À partir de ce moment, cette dernière ne lui serait plus étrangère et il ne se sentira plus étranger
dans ses rues. Cette familiarité peut se manifester en « un sentiment de chez-soi » dans la ville en
question, sans perdre le sentiment de chez-soi dans la ville d’origine.

Dans le cadre de cette recherche, nous considérons le sentiment de chez-soi dans une ville comme
une nouvelle forme du rapport qu’une personne peut avoir envers les espaces urbains d’une ville.
193
À partir des données empiriques de notre recherche de 12 mois, nous proposons un processus en 4
étapes pour en suivre la construction : prophase, métaphase, anaphase et la télophase (figure 7.1).

Figure 7. 1 : Les étapes du processus de construction de sentiment de chez-soi par rapport au


développement des schémas conceptuels de nos participants.
Source : Auteur

Durant la prophase, la personne ne ressent aucun sentiment envers la ville de migration qui lui est
encore étrangère. Sa ville d’origine est son seul chez-soi. Il atteint la métaphase quand il commence
à avoir des points de repère et plusieurs espaces appropriés dans la ville d’accueil. Juste après, se
manifeste l’anaphase, la période de l’incertitude. À partir de cette phase, la personne commence à
ressentir un certain attachement envers la ville d’accueil, mais sa ville d’origine reste son seul chez-
soi. L’aboutissement de ce processus est la télophase où la personne prend conscience du
dédoublement de chez-soi. Il éprouvera un sentiment de chez-soi envers les deux villes; celle d’où
il vient et celle où il a migré. Il présentera la ville de migration comme un deuxième chez-soi et la
ville d’origine restera toujours son premier chez-soi. Nous ne pouvons faire du « temps » un facteur
décisif dans le déroulement de ce processus. Le passage d’une phase à une autre dépend surtout du
migrant. En effet, la construction d’un capital spatial souligne la fin de la métaphase et le début de
l’anaphase durant laquelle la personne découvre le dédoublement du sentiment de chez-soi. Cette
relation causale entre la mobilité urbaine et la construction d’un sentiment de chez-soi dans une
ville de migration confirme l’hypothèse d’un rapport à l’espace plus fort ou d’une autre nature que
l’appropriation spatiale (figure 7.2). Par exemple, les étudiants internationaux maghrébins très

194
mobiles et qui arrivent à construire un capital spatial à Montréal, la considèrent comme un
deuxième chez-soi, en plus de leur ville d’origine.

Figure 7. 2 : La relation de causalité entre la mobilité urbaine et le sentiment de chez-soi dans


une ville.
Source : Auteur

La mobilité urbaine exerce une grande influence sur le sens que donneront les migrants temporaires
à leurs expériences urbaines. Dans une ville comme Montréal, la mobilité urbaine est fortement
encouragée comme manière de vie pour les nouveaux.elles arrivant.e.s. Être sédentaire peut être
considéré comme un handicap dans une ville métropole. Au-delà de la construction du capital
spatial, la mobilité urbaine exerce une influence sur la taille et la diversité d’un réseau social. Les
étudiants internationaux maghrébins sédentaires et les moyennement mobiles à Montréal ont un
réseau personnel petit et homogène. Pour revenir aux questions traditionnelles sur l’immigration,
la sédentarité ralentit l’intégration et l’inclusion socioéconomique des nouveaux arrivants.

Entre l’automne 2019 et l’automne 2020, nos participants ont fait face à deux grands événements
qui ont beaucoup influencé leur vie quotidienne à Montréal : la réforme du PEQ et la COVID-19.

195
Le nouveau PEQ a obligé les étudiants de DEP à envisager une nouvelle stratégie pour accéder
rapidement à la résidence permanente, comme changer de province ou de statut migratoire. D’autre
part, la pandémie internationale a eu beaucoup d’impact sur leur mobilité et sur leur expérience
urbaine. Chacun a restructuré sa vie quotidienne dépendamment des nouvelles restrictions pour
vivre à l’ère de pandémie. Les étudiants ne réagissent pas tous de la même manière face aux
changements qui peuvent arriver durant leur séjour. Les décisions et les choix qu’ils prennent
exercent une influence directe sur leurs projets migratoires après la fin des études. Dans ce qui va
suivre, nous verrons comment ces changements ont influencé le choix de rester à Montréal ou de
partir.

7.2.3 Temps 3 : Quoi faire après la fin des études (Suites possibles de carrières
migratoires)

Au Canada, après la fin des études, les diplômés internationaux ont droit à un permis de travail
post-diplôme de 18 mois à 3 ans (selon la formation) non renouvelable. Durant cette période, ils
vont choisir entre l’ancrage dans leur ville d’étude ou la quitter. S’ils choisissent de s’établir au
Canada, ils devront déposer une demande de résidence permanente selon la province où ils
comptent s’installer. Au Québec, les diplômés sont admissibles à deux programmes d’immigration
permanente : le PEQ29 et Arrima.

L’objectif de migration des étudiants internationaux maghrébins inscrits à des formations de DEP
étaient l’immigration permanente à travers l’ancien PEQ. Après la réforme de l’été 2020, ils disent
se sentir trahis par le Québec qui leur avait promis un accès direct et rapide à la résidence
permanente après la fin des études. Entre regret, incertitude et déception, ils envisagent le
programme fédéral « entrée express » pour accéder rapidement à la résidence permanente, mais
beaucoup ne veulent pas quitter Montréal. Pour décrire cette situation, une phrase revenait souvent :
« le problème de Montréal est qu’elle est au Québec ». Les étudiants universitaires étaient plus
concentrés sur leurs études. La majorité d’entre eux gardent les questions « Que faire? Rester ou
partir? » en suspend jusqu’après la fin des études. La réforme du PEQ ne semble pas beaucoup

29 Nous avons déjà abordé ce programme en détail tout au long de ce document.

196
affecter leur projet migratoire. Pour eux les réponses à ces questions dépendent de beaucoup de
variables inconnues.

En somme, plusieurs choix s’offrent aux étudiants internationaux maghrébins qui séjournent à
Montréal. À partir de nos données empiriques, nous distinguons 5 possibilités de carrière
migratoire. Nous nous sommes inspirés des typologies déjà proposées dans les recherches sur la
rétention des étudiants internationaux pour construire la nôtre: ancrage à Montréal, mobilité pour
l’ancrage, mobilité inter/nationale, retour au « Bled » et les flottants (une expression que nous
empruntons à Germain et Vultur (2016).

1. Ancrage à Montréal

Nous parlons ici d’un ancrage par rapport à la ville. Après 12 mois à Montréal, beaucoup
d’étudiants internationaux maghrébins envisagent de s’y installer définitivement après la
fin des études. L’immigration permanente au Québec fait partie des projets futurs de ces
étudiants. Les raisons qui poussent des étudiants de DEP à choisir de rester à Montréal et
d’appliquer à la résidence permanente à travers le nouveau PEQ sont surtout d’ordre
personnel. Ils préfèrent s’établir à Montréal pour rester avec leurs ami.e.s ou leur copine et
éviter la Ghorba. D’autre part, ils sont conscients qu’ils auront besoin d’un certain niveau
d’anglais pour vivre et travailler dans les provinces anglophones (comme nous l’avons déjà
mentionné, la majorité d’entre eux ne maitrisent pas cette langue).

Je reste ici, je suis bien ici…ma vie est à Montréal. Maintenant que j’ai décidé de
s’y installer pour toujours, dès que je termine les études je vais travailler dans mon
domaine et après quelques mois je vais pouvoir déposer un dossier avec le PEQ.
Avant je voulais avoir la résidence permanente pour me sentir chez-moi mais là je
n’ai pas besoin d’une carte pour ça. Pourquoi vivre l’Ghorba à nouveau, j’ai des
amis ici, une copine. J’ai enfin retrouvé un bon équilibre et un confort que je ne veux
pas quitter. Je dois juste être patient pour la résidence permanente.
(Massinissa,DEP)

Les universitaires qui choisissent de s’établir à Montréal ont des raisons plus
professionnelles. La majorité d’entre eux envisagent de rejoindre le marché du travail après

197
la fin des études. Ceux qui pensent pouvoir trouver un emploi qui correspond à leur attente
professionnelle envisagent de rester à Montréal. Ils trouvent que leur vie sera plus facile
dans une société qu’ils connaissent déjà. La majorité d’entre eux disent être « intégré à
Montréal ». Pour ces étudiants, l’intégration à Montréal est le fait de parler couramment la
langue de la société d’accueil, connaitre bien la ville, avoir des ami.e.s et se sentir chez-soi.

Que ce soient des étudiants de DEP ou des universitaires, ils ont choisi d’attendre plus
longtemps pour avoir leur résidence permanente plutôt que de quitter Montréal. Ils disent
se sentir chez eux dans cette ville qui ne leur est plus étrangère.

2. Mobilité

Par définition, la carrière est une construction de plusieurs sous-carrières. Dans la


migration, la carrière migration est la succession de plusieurs projets migratoires. Dans le
cas des étudiants internationaux, le premier projet est celui de quitter sa ville et son pays
d’origine pour poursuivre ses études dans une ville d’un autre pays. La fin des études
marque la fin de ce premier projet et le début d’un deuxième d’où l’usage de « Mobilité »
pour parler des projets futurs des étudiants internationaux maghrébins. Au-delà de l’ancrage
à Montréal, nous distinguons 3 projets de mobilité :

2.1. Mobilité pour l’ancrage


Au début de leur séjour, tous les étudiants de DEP envisageaient un ancrage à Montréal.
Toutefois, après la réforme du PEQ de l’été 2020, beaucoup considèrent la mobilité
nationale pour accéder au programme de l’entrée express qui leur permettra d’avoir
rapidement une résidence permanente. Pour eux, quitter le Canada sans avoir la citoyenneté
est non envisageable. Ils prévoient de déménager en Ontario le temps d’avoir leur résidence
permanente à travers l’entrée express et ils reviendront vivre à Montréal par la suite, d’où
le nom du profil : Mobilité pour ancrage. Cette stratégie d’immigration est élaborée par les
étudiants pour résoudre ce qu’ils appellent le problème de Montréal : le Québec.

Je suis ici pour la résidence permanente. Je ne veux pas attendre encore 3 ans ou
plus pour l’avoir. J’ai commencé à préparer mon dossier pour l’entrée express. J’ai
quelques années d’expérience en Algérie et je vais les utiliser pour atteindre le

198
nombre de points nécessaire. Je ne veux pas quitter Montréal mais je n’ai pas le
choix. Mais, je reviendrai dès que j’ai la résidence permanente. C’est ma ville, je
suis un montréalais maintenant. Je reviendrai continuer ma vie ici. (Ilyes, DEP)

Une autre stratégie de mobilité pour l’ancrage est proposée par d’autres étudiants qui ont
une bonne maitrise de l’anglais. Ces derniers préfèrent abandonner leur formation au
Québec et s’inscrire à un autre programme similaire en Ontario et surtout à Ottawa pour
revenir à Montréal une fois qu’ils auront la résidence permanente.

En 2021, après la fin de notre terrain, le gouvernement fédéral a ouvert une nouvelle voie
temporaire pour la résidence permanente. Un programme ouvert aux travailleurs
temporaires et aux diplômés internationaux francophones. Nous avons appris que la
majorité de nos participants ont envisagé de déménager temporairement à Ottawa et à
Toronto pour accéder à ce programme, mais ils comptent revenir à Montréal. Ils ont vu en
ce programme une nouvelle opportunité pour atteindre leur objectif de départ sans pour
autant abandonner la ville qu’ils aiment, Montréal.

Visiblement, ce projet de « mobilité pour ancrage » ne correspond qu’aux étudiants


internationaux maghrébins qui sont au Québec. Après la réforme du PEQ, et avec le
programme fédéral de 2021, beaucoup de migrant.e.s temporaires ont quitté le Québec pour
s’installer ailleurs au Canada. Mais, les étudiants de DEP sont les seuls qui envisagent le
retour à Montréal. Les étudiant.e.s maghrébin.nes accordent une grande importance à leur
statut migratoire. Pour la majorité, l’objectif ultime après la fin des études est la citoyenneté
canadienne. Pour eux, cette dernière est perçue comme une preuve d’appartenance pour se
sentir en sécurité. Ils ont besoin d’un passeport canadien pour se déplacer plus ou moins
librement à travers le monde. Nous parlons ici des personnes pour qui le passeport « bleu »
est considéré comme l’unique satisfaction et une réussite migratoire, d’où l’acharnement
pour avoir une résidence permanente rapidement.

2.2. Retour au « Bled »


Au-delà des étudiants boursiers qui sont obligés de revenir à leur pays d’origine après la fin
des études, peu d’étudiants maghrébins envisagent le retour au Bled. Nous avons remarqué
que ceux qui envisagent un retour au pays d’origine sont issus de familles aisées. Leurs
objectifs de départ étaient d’avoir un diplôme supérieur d’une université du Nord. Ils

199
estiment avoir une bonne situation sociale dans leur pays d’origine qu’ils ne veulent pas
abandonner. Ils avaient choisi des formations universitaires qui leurs permettront de
s’épanouir professionnellement quand ils seront de retour. Pour l’un de nos participants, la
pandémie internationale liée à la COVID-19 a accéléré son retour au Bled (il avait quitté
Montréal en été 2020).

Maintenant que les cours sont en ligne, j’ai décidé de rentrer chez-moi. Je ne vois
pourquoi je dois rester là-bas dans ces conditions surtout que je n’ai pas eu le temps
de changer d’avis sur le fait de rentrer après la fin ma maitrise. Je sais que je vais
facilement trouver un emploi que j’aime dans mon domaine avec un diplôme
canadien. Je n’ai pas eu le temps d’aimer Montréal, c’était une expérience…et
Ghorba ce n’est pas facile. Je me sens beaucoup mieux depuis que je suis rentré au
Maroc. Grace à la situation de ma famille, j’ai une meilleure situation ici qu’au
Canada. (Anis, Maîtrise)

Nous avons remarqué que le retour au Bled est le projet d’un futur lointain de quelques
étudiants de DEP. L’objectif de ces derniers n’a jamais été l’immigration définitive au
Canada, mais la citoyenneté canadienne. Revenir au pays d’origine n’est pas envisageable
après la fin des études, mais il reste une possibilité après quelques années. Ces étudiants se
projettent dans le futur. Ils veulent que leurs enfants grandissent dans leur société d’origine
et qu’ils aient le choix quand ils seront adultes; vivre dans le pays d’origine ou immigrer au
Canada.

2.3. Mobilité inter/nationale


Un autre type de projet futur est envisagé par des étudiants universitaires, quitter Montréal
et le Québec mais ne pas revenir au Bled. Explicitement, ces étudiants affirment ne pas
vouloir s’installer à Montréal pour des raisons professionnelles ou personnelles. Comme
nous l’avons déjà expliqué, l’objectif de départ des étudiants maghrébins inscrits à des
formations de maîtrise était de poursuivre les études supérieures et avoir une bonne carrière
professionnelle. Ceux qui ne pensent pas pouvoir s’épanouir au Québec après la fin des
études, envisagent un autre projet de migration. Contrairement à ceux qui vont quitter
Montréal temporairement pour revenir et y immigrer définitivement, ces étudiants préfèrent
s’inscrire dans une mobilité nationale ou internationale plutôt que de rester dans un endroit

200
où ils ne pourront pas s’épanouir professionnellement. Ils parlent de plusieurs destinations
du Nord possibles comme des pays européens, les États-Unis, l’Australie ou rester au
Canada, mais changer de province. Pour ces étudiants, le contexte professionnel
montréalais et québécois ne semble pas leur offrir des opportunités de carrière à la hauteur
de leurs ambitions. Prenons l’exemple de Wael pour qui Montréal n’était qu’une étape. Il
trouve que l’offre à Montréal ne répond pas à ses attentes professionnelles. Il a construit sa
vie quotidienne dans cette ville pour qu’il puisse la quitter un jour sans avoir d’attache.

Mon domaine professionnel est beaucoup plus demandé et beaucoup plus développé
ailleurs qu’au Québec. Si je veux avoir une belle carrière, je dois quitter
Montréal…pour aller où? Je ne sais pas, on verra après que j’aurais terminé ma
maitrise. D’après ce que je vois, il y a beaucoup d’opportunités à Toronto, aux USA
ou en Allemagne. (Wael, Maîtrise)

D’autre part, à cause de la COVID-19, beaucoup d’universitaires ont eu du mal à construire


un réseau post-migratoire signifiant et ils se sentent seuls à Montréal. Après la fin des
études, ils préfèrent construire un nouveau projet migratoire vers un des pays européens
pour rejoindre leurs ami.e.s. Ils trouvent qu’avec un diplôme canadien et avec une
expérience migratoire, leur intégration socioéconomique sera facile par rapport aux autres
migrant.e.s maghrébin.e.s. Ils disent être conscients que le contexte actuel de l’immigration
en Europe ne leur sera pas favorable, mais « vivre seul est encore plus dur ».

3. Les flottants

Définis par Germain et Vultur (2016) comme étant le groupe d’étudiants indécis qui
n’arrivent pas encore à se projeter. Les flottants dans cette étude sont tous des universitaires.
Ils ne peuvent ou ne veulent pas se prononcer sur leurs projets futurs avant la fin des études.
Pour ces étudiants, rien n’est exclu : un ancrage à Montréal, une mobilité inter/nationale ou
même un retour au Bled. Ils préfèrent se concentrer sur leur réussite universitaire. Certains
d’entre eux aspirent à poursuivre leurs études et à s’inscrire dans un programme de doctorat
après la maîtrise. D’autres préfèrent appliquer pour la résidence permanente puis s’inscrire
à une formation de doctorat. Il y a aussi ceux qui ne veulent pas décider avant d’évaluer les

201
opportunités professionnelles qui s’offrent à eux. Dans certains cas, nous avons remarqué
que les étudiants hésitent de quitter Montréal parce qu’ils disent se sentir chez eux dans
cette ville.

Le concept de carrière migratoire nous permet de faire une analyse du parcours migratoire en trois
temps sur trois niveaux. Nous présenterons maintenant les facteurs qui peuvent exercer une
influence sur ce choix selon les trois axes et niveaux d’analyse de la carrière migratoire : les
structures d’opportunité et de contraintes, les ressources mobilisables et les caractéristiques
individuelles.

7.3 Entre mobilité et ancrage, la rétention des étudiants internationaux entre


choix individuel et contraintes structurelles

À partir de nos données, nous avons proposé des suites possibles des carrières migratoires des
étudiants internationaux maghrébins qui séjournent à Montréal. Ces profils « types » témoignent
de l’individualité du parcours migratoire avec des points communs. Les étudiants de DEP ont tous
un même objectif de migration qui est d’avoir la résidence permanente rapidement au Canada. Ce
point s’est manifesté davantage durant la crise du PEQ de l’automne 2019. Leur mobilisation et les
grèves qu’ils ont organisées dans les institutions de formation contre la réforme, montrent
l’importance de ce programme de rétention pour la réussite de leur projet migratoire. De plus, le
profil « mobilité pour ancrage » est une stratégie migratoire de la majorité de ces étudiants pour
atteindre leur objectif. D’autre part, le seul point de convergence chez les étudiants universitaires
était : la réussite scolaire. Cet objectif a exercé une grande influence sur leur expérience migratoire.
Il était central dans la construction de leur vie quotidienne à Montréal en tant qu’étudiant
international. Les projets envisagés après la fin des études correspondent aux suites possibles de
carrières migratoires. Ces choix dépendent de plusieurs facteurs que nous regroupons dans les trois
axes et niveaux d’analyses de la carrière migratoire :

202
A) Niveau macro : les structures d’opportunités et de contraintes

Nous distinguons deux types de structures d’opportunités qui peuvent avoir une influence sur
l’expérience migratoire des étudiants internationaux maghrébins à Montréal : les politiques
migratoires et les opportunités professionnelles.

A.1 Les politiques migratoires

Nous parlons ici de deux programmes à deux niveaux; l’Entrée Express, le PEQ. Le premier est le
programme fédéral de l’immigration qualifiée. Le deuxième est un programme québécois que nous
pouvons qualifier de programme de rétention. Si le Québec est devenu une destination de choix
pour les étudiants internationaux maghrébins c’est grâce à ce programme. En effet, ces migrants
ont fait de l’ancien PEQ un objectif de migration, c’était une structure d’opportunité pour attirer
ces étudiants. Après la réforme, le PEQ est devenue une structure de contrainte pour la rétention
des migrant.e.s temporaires. Le gouvernement québécois de 2020 a fait de ce programme
d’attraction et de rétention une structure de contrainte pour l’ancrage à Montréal et au Québec. En
parallèle, les étudiants internationaux maghrébins ont vu dans le programme de l’Entrée Express,
une structure d’opportunité pour avoir rapidement la résidence permanente après la fin des études.
Nous pouvons donc considérer les politiques migratoires comme facteur de mobilité nationale des
étudiants internationaux maghrébins qui sont venus au Québec pour l’immigration. Contrairement
aux étudiants universitaires, ceux inscrits dans des formations de DEP donnent beaucoup
d’importance à ce facteur politique étant donné que la réussite de leur projet migratoire dépend du
moment où ils auront la résidence permanente.

A.2 Les opportunités professionnelles

Un autre type de structures d’opportunités influencent les choix de carrière migratoire des étudiants
internationaux maghrébins à Montréal : les opportunités professionnelles. Ce point est central chez
les étudiants universitaires. Le contexte professionnel qu’offre la ville d’étude peut être considéré
comme une structure d’opportunité d’ancrage ou de contrainte. Sa nature dépend des ambitions et

203
des domaines de formation de l’étudiant. S’il estime que la ville lui procure les opportunités
professionnelles nécessaires pour atteindre ses objectifs, elles seront considérées comme des
structures d’opportunité et il optera pour un ancrage. En revanche, s’il est convaincu qu’il a
beaucoup plus de chances ailleurs, ce facteur sera une structure de contrainte à la rétention et
l’étudiant envisagera une « mobilité inter/nationale ». À ce moment, le facteur « opportunité
professionnelle » exerce une plus forte influence que les politiques migratoires.

B) Niveau intermédiaire : les ressources mobilisables

Par ressources mobilisables, Rea et Martinello nous invitent à analyser les réseaux et liens sociaux
des migrant.e.s et leur influence sur la carrière migratoire. Dans le quatrième chapitre, nous avons
exposé comment les liens sociaux prémigratoires exercent une influence sur le choix de la ville de
migration. Des étudiants internationaux ont choisi Montréal pour rejoindre leurs ami.e.s ou pour
rejoindre une copine. Après 12 mois, nous avons remarqué que les liens sociaux post-migratoires
exercent à leur tour une influence sur la construction des projets futurs. Prenons l’exemple de notre
participant Moussa qui envisage une mobilité internationale : un autre projet migratoire vers
l’Europe (Espagne ou France) après la fin des études parce qu’il se sent seul à Montréal et il veut
rejoindre ses ami.e.s. Rappelons le, à son arrivée, il n’avait pas de réseau prémigratoire et il pensait
pouvoir construire des liens avec le temps, mais il y a eu les mesures liées à la pandémie de COVID-
19. En effet, avec la fermeture des universités, il s’est retrouvé seul dans son appartement. Sans
réseau prémigratoire, la pandémie a accentué sa solitude. Dans ce cas, le manque de ressource
mobilisable est une des raisons qui pousse les étudiants à envisager la mobilité inter/nationale.
D’autre part, un large réseau post-migratoire peut être un facteur d’ancrage comme c’est le cas de
plusieurs étudiants de DEP. Ils ont choisi de s’installer à Montréal pour ne pas se sentir seul dans
une autre ville. Pour ces étudiants, le sentiment de Ghorba est lié directement à la solitude. Ils
préfèrent attendre quelques années de plus pour atteindre leur objectif de départ que de se retrouver
seul dans une nouvelle ville et une nouvelle société où ils se sentiront étrangers. Nous pouvons
donc confirmer que les liens sociaux sont des ressources mobilisables qui peuvent avoir une
influence directe sur la carrière migratoire des étudiants internationaux.

204
C) Niveau micro : les caractéristiques individuelles

Notre recherche affirme que quatre caractéristiques individuelles parmi celles documentées par les
études mentionnées dans le premier chapitre, influencent la carrière migratoire des étudiants
internationaux maghrébins qui séjournent à Montréal : l’objectif de départ, la formation, la durée
du séjour et le statut social de la famille dans le pays d’origine.

C.1. L’objectif de départ

Atteindre l’objectif de départ peut être considéré comme la réussite d’un projet migratoire. Les
étudiants internationaux maghrébins qui choisissent de migrer au Québec n’ont pas tous le même
objectif. Certains décident de migrer pour le diplôme, d’autres pour la carrière professionnelle et
d’autres pour immigrer.

En corrélation avec les structures d’opportunités et de contraintes, l’objectif de départ influence la


construction de la carrière migratoire des étudiants internationaux. Prenons l’exemple des étudiants
de DEP, ils avaient tous le même objectif de départ qui est la résidence permanente au Québec à
travers la voie rapide du PEQ. Avec la réforme politique, un nouveau mouvement migratoire à
l’échelle nationale a vu le jour pour atteindre leur objectif de départ. Pour s’installer définitivement
à Montréal, ils ont choisi d’aller chercher la résidence permanente dans les autres provinces
canadiennes et revenir à Montréal par la suite. Avoir la résidence permanente rapidement après la
fin des études a toujours été leur objectif et leur carrière migratoire en dépendait.

Les motivations de départ peuvent changer en cours de route et ce changement joue un rôle dans
le processus de construction du projet futur. Comme c’est le cas de notre participant Fadi; il a migré
au Canada pour le diplôme universitaire et il envisageait de revenir au Maroc ou de s’établir en
Europe par la suite. Après 12 mois à Montréal, il a décidé de s’y installer définitivement après la
fin des études parce qu’il s’y sent chez lui et ne veut plus la quitter.

205
C.2. La formation (domaine d’étude)

Au-delà de la distinction DEP et maîtrise, nous avons remarqué une dépendance entre le domaine
d’étude, l’objectif de départ et les structures d’opportunités (ou de contraintes) professionnelles.
Comme mentionné plus haut, construire une carrière professionnelle fait partie des motivations de
départ des étudiants internationaux. S’ils trouvent que la ville d’étude ne peut pas leur offrir les
structures d’opportunités attendues, ils opteront pour une mobilité inter/nationale. Pour atteindre
leur objectif de départ, la construction de la carrière migratoire dépend du contexte professionnel
dans la ville de migration qui, à son tour, dépend du domaine d’étude et de la formation
universitaire. Rappelons le cas de Wael qui est étudiant en robotique et qui trouve que les offres
d’emplois de Montréal et le Québec sont limitées dans son domaine et ne lui permettront pas
l’épanouissement professionnel qu’il est venu chercher en Amérique du Nord.

C.3. Le statut social de la famille dans le pays d’origine

Le statut social de la famille dans le pays d’origine est un facteur important dans la construction de
la carrière migratoire. Les étudiants internationaux maghrébins qui envisagent un retour au Bled
sont tous issus de familles aisées. Ils sont confiants de se retrouver dans une bonne situation sociale
s’ils décident de rentrer. Ils ne craignent pas de se retrouver au chômage ou sans capital
socioéconomique. La réforme du PEQ et la COVID-19 ont accéléré le processus de retour pour
certains étudiants. Avec les cours en ligne, ils ont trouvé que le temps qu’ils passeront à Montréal
est une perte de temps, d’énergie et d’argent. Ils ont donc décidé de revenir au Maghreb avant la
fin des études et continuer leur formation en ligne avec leurs familles; « Pourquoi je m’inflige
l’Ghorba alors que je peux avoir mon diplôme canadien à partir de chez-moi au Maroc » (Anis,
Maîtrise). Nous pouvons dire que la réforme du PEQ et la COVID-19 sont des structures de
contraintes temporaires à la rétention et que le statut social de la famille est une structure
d’opportunité, dans le pays d’origine, pour y retourner.

206
C.4. La durée du séjour

La durée du séjour est considérée comme un facteur indirect. Elle a une influence sur la
construction du réseau post-migratoire qui a une grande importance dans l’expérience migratoire.
La construction des nouveaux liens sociaux dans une ville de migration est avant tout une question
de temps et de mobilité urbaine. Plus un migrant passe du temps dans son lieu de travail et d’étude
plus il arrivera à élargir son réseau personnel. En revanche, dans le cas de nos participants, après 6
mois de leur arrivée à Montréal, il y a eu la pandémie internationale. Loin des institutions de
formations, ils se sont retrouvés isolés et le processus de construction de leurs réseaux sociaux
post-migratoire était interrompu et ralenti. Comme nous l’avons déjà mentionné, cette situation a
influencé la carrière migratoire de certains de nos participants. À cause de la COVID-19, l’effet de
la durée du séjour n’est plus signifiant à ce niveau d’analyse.

7.4 L’expérience urbaine comme facteur d’influence

En s’intéressant à la construction de la vie quotidienne et l’expérience urbaine des étudiants


internationaux dans une ville de migration, nous avons remarqué que l’expérience urbaine peut
aussi exercer une influence sur la carrière migratoire. Pour comprendre la nature de cette influence,
nous allons revenir sur l’origine du processus de la construction du sentiment de chez-soi dans une
ville de migration que nous avons déjà expliqué dans le chapitre précédent.

Le sentiment de chez-soi envers une ville est une forme du rapport à l’espace qui est un des axes
d’analyse de l’expérience urbaine. Ce sentiment ne peut se manifester que si une personne arrive à
s’approprier plusieurs espaces urbains dans une même ville. Ce phénomène socio-urbain peut être
expliqué à travers le concept de capital spatial qui est par définition la résultante d’une grande
mobilité urbaine. Dans le cinquième chapitre nous avons présenté les facteurs qui peuvent
influencer la mobilité urbaine des étudiants internationaux. Nous avons souligné la corrélation
entre la formation de l’étudiant et sa mobilité et nous avons conclu que la mobilité urbaine est
question de temps libre. D’après nos participants, ils auront du temps libre durant les vacances
d’été ou après la fin des études pour pouvoir se familiariser avec la ville d’étude, c’est la raison

207
pour laquelle nous pouvons avancer que la durée du séjour a un impact indirect sur l’expérience
urbaine aussi.

La construction d’un sentiment de chez-soi dans la ville de migration peut être un facteur d’ancrage.
Ce rapport à la ville est la résultante d’une expérience urbaine structurée à partir de la mobilité
urbaine. À la lumière de ce qui précède, nous pouvons ajouter l’expérience urbaine dans la ville
d’étude comme une des caractéristiques individuelles qui influencent la construction de la carrière
migratoire des étudiants internationaux. Cependant, les facteurs n’ont pas tous la même force
d’influence. Nous avons observé des relations d’interdépendance qui changent d’un étudiant à un
autre. Pour comprendre le choix de la carrière migratoire, il faut étudier l’interaction de ces facteurs
entre eux pour chaque migrant.e. Les projets futurs des étudiants internationaux après la fin des
études ne peuvent être expliqués à travers un seul élément. La carrière migratoire est une
construction complexe qui dépend de la complémentarité de plusieurs facteurs en même temps.

En réponse à notre question de recherche principale; oui, l’expérience urbaine est un des facteurs
de rétention des étudiants internationaux maghrébins à Montréal. Par la même occasion nous
confirmons l’hypothèse de Réa et de Martiniello (2011) selon laquelle la mobilité urbaine est un
facteur d’influence important dans l’expérience migratoire. En plus de ceux déjà documentés, nous
pouvons donc ajouter une nouvelle caractéristique individuelle qui joue un rôle dans la construction
de la carrière migratoire des migrant.e.s temporaires : l’expérience urbaine et la construction d’un
sentiment de chez-soi dans la ville de migration. Le tableau ci-dessous (tableau 7.1) résume la
carrière migratoire de chacun de nos participants par rapport à son profil de mobilité urbaine et au
processus du dédoublement de chez-soi. Dans cette illustration, nous voulons montrer la relation
entre la mobilité urbaine, le sentiment de chez-soi dans la ville d’étude et la carrière migratoire
sans perdre de vue l’interdépendance avec les autres facteurs. La réponse que nous venons
d’apporter nous permet d’inscrire notre recherche dans la sociologie urbaine contemporaine et dans
les théories migratoires. En effet, à travers cette étude nous pouvons avancer que l’expérience et la
mobilité urbaine des migrant.e.s dans les villes d’accueil peut être un indicateur d’intégration et
une variable importante pour mieux saisir le processus de construction des parcours migratoires.
D’autre part, cette perspective urbaine que nous venons d’apporter à l’analyse de l’expérience
migratoire inscrit notre recherche dans le champ des études urbaines.

208
Tableau 7. 2 : Résumé des carrières migratoires des participants par rapport au sentiment de chez-soi et de la mobilité
urbaine à Montréal.

Source : Auteur

209
7.5. Les étudiants internationaux maghrébins vivent dans la temporalité du
statut de migration à Montréal

Suivre la construction de la carrière migratoire des étudiants internationaux a soulevé d’autres


questions, notamment, celle de la temporalité dans la structuration de leur vie quotidienne. Nous
avons remarqué qu’ils vivent la temporalité de leur statut de migration au quotidien. Les étudiants
universitaires attendent la fin des études et les étudiants de DEP attendent la résidence permanente.
Nous pouvons voir cet aspect de temporalité dans le choix de leurs lieux de résidences.
Contrairement aux immigrant.e.s économiques pour qui le logement et du quartier où ils(elles) vont
habiter sont primordiaux pour leur installation, les étudiants de DEP ne donnent pas beaucoup
d’importance à leurs lieux de résidence car pour eux tout est temporaire et ça ne les dérange pas de
rester à deux voire à trois dans la même chambre car ils sont rarement à la maison (études, travail
ou avec des ami.e.s dehors). Le plus important pour ces étudiants c’est que le loyer leur coute le
moins cher possible, qu’ils restent entre Maghrébins et qu’ils puissent stationner leurs voitures
facilement dans le quartier. Comme nous l’avons déjà mentionné, ils disposent tous et chacun d’une
voiture et ils travaillent tous dans la livraison. Pour les étudiants universitaires, le plus important
est que leurs appartements soient proches d’une station de métro, abordable (économiquement) et
que la colocation permette une ambiance d’études. Ils envisagent tous de déménager après la fin
de leurs études.

7.5.1 Attendre la fin des études

Les étudiants internationaux inscrits à des formations de maîtrise construisent une quotidienneté
temporaire centrée sur la réussite universitaire. Ils réduisent leurs déplacements à Montréal pour
éviter les pertes de temps. Ils préfèrent consacrer la majorité de leur temps aux études. L’expression
« après les études » revient souvent quand ils parlent de leur expérience urbaine. Ils préfèrent
laisser la découverte de la ville après la fin des études ou durant les vacances. Cette vie quotidienne
temporaire les empêche de vivre pleinement l’expérience d’étudiants internationaux. D’un côté, ils
retardent la construction de leur réseau post-migratoire qui est importante pour leur inclusion et
insertion. D’un autre, la sédentarité a un impact direct sur le processus de construction de sentiment
de chez-soi à Montréal. Cette situation fait émerger des questions plus précises : Est-ce qu’il va y

210
avoir un dédoublement ou est-ce que le processus de construction de sentiment de chez-soi va
aboutir à une nouvelle forme de rapport à l’espace? Les résultats que nous présentons ici sont basés
sur une étude longitudinale de 12 mois. Suivre un processus aussi complexe que le sentiment de
chez-soi demande une plus longue durée. Cette recherche peut être perçue comme les fondations
d’une analyse plus approfondie qui va au-delà des 12 mois pour suivre le processus du
dédoublement de chez-soi. La télophase est l’aboutissement de notre processus de 12 mois.

7.5.2 Attendre la résidence permanente

Les étudiants de DEP ont un seul objectif ; la résidence permanente. Leurs projets futurs dépendent
du moment où ils l’auront. Beaucoup envisagent de s’inscrire dans une formation universitaire pour
rejoindre le marché du travail avec une maîtrise ou un certificat parce qu’ils trouvent qu’un DEP
les dévalorise. Pour atteindre leur objectif de migration, certains sont prêt à s’inscrire dans un
nouveau projet de mobilité. Ils sont prêts à s’installer dans une autre ville temporairement, le temps
d’avoir un statut d’immigration permanente et revenir à Montréal par la suite. En effet, ces
étudiants ont construit un sentiment de chez-soi à Montréal dans moins de 12 mois. Durant cette
période, ils disaient être trop occupés entre les études et le travail mais ils avaient trouvé le temps
pour fréquenter et s’approprier les espaces de Montréal. Après la fin des études, ils auront sûrement
plus de temps libre dans leur nouvelle ville. Est-ce qu’ils vont revenir à Montréal? Ou est-ce qu’ils
vont construire un nouveau sentiment de chez-soi dans une autre ville de migration plus fort que
celui envers Montréal? Une autre interrogation qui nécessite un suivi plus longitudinal pour
pouvoir y répondre.

D’autre part, nous soupçonnons une autre temporalité dans la permanence de leur carte de
résidence. Certains évoquaient le retour au Bled comme projet de futur lointain. Un point évoqué
par Goudet (2021) aussi dans sa recherche sur le chez-soi chez les couples immigrants à Montréal.
Ce qu’il nous emmène à se poser la question : est-ce que nous assistons à une nouvelle dynamique
migratoire de mobilité entre le Canada et les pays maghrébins? Ces étudiants envisagent de suivre
l’exemple d’anciens migrants. Ces derniers avaient migré au Canada pour avoir la citoyenneté
canadienne. Quand ils ont atteint leur objectif, ils sont revenus dans leur pays d’origine avec leur
famille avant que leurs enfants ne commencent l’école. Aujourd’hui, nous n’avons pas de chiffres

211
concernant cette catégorie de migrants mobiles et nous ne savons pas si ces étudiants vont rentrer
dans leurs pays ou non.

Durant la temporalité de leur vie quotidienne propre aux étudiants internationaux ils vivent de
nouvelles expériences qui les transforment comme celle qui est au centre de notre recherche,
l’expérience urbaine. La construction d’un nouveau sentiment de chez-soi dans la ville de migration
temporaire a eu une influence directe sur leurs projets futurs, rester ou partir: comment la
temporalité de la vie quotidienne des migrant.e.s temporaires peut-elle influencer leur rétention
dans la ville migration? Au-delà de l’expérience urbaine, d’autres aspects de la vie quotidienne
restent à documenter comme la construction du réseau post-migratoire, l’emploi, la non-inclusion
et la non-intégration sociale. En effet, nous avons remarqué que pour la majorité des étudiants de
DEP, l’inclusion et l’intégration sociale dans la société d’accueil était une tâche difficile pour eux.
Ils restent entre hommes maghrébins seulement. Nous avons cerné les impacts de cet isolement sur
les espaces qu’ils fréquentent mais qu’en est-il de son impact sur les autres aspects de leur
expérience migratoire?

7.6 Conclusion du chapitre

Les carrières migratoires que nous avons construites montrent l’individualité du processus de
construction et la pluralité dans les parcours migratoires des étudiants internationaux. Par
individualité, nous faisons référence aux différents choix que les migrants vont devoir faire tout au
long de leur expérience migratoire et aux caractéristiques individuelles qui sont un facteur
d’influence important. L’édification de la carrière migratoire dépend d’une corrélation entre les
différents niveaux (macro, méso et micro). C’est pourquoi avec le nouveau paradigme de
migration, nous avons présenté les suites des carrières migratoires comme « possibilités » et non
pas comme des profils types.

Les suites possibles des carrières migratoires que nous avons proposées témoignent de la
complexité des questions sur la rétention des migrant.e.s temporaires dans les villes de migration.
Les stratégies migratoires des étudiants internationaux et l’interdépendance entre les différents
facteurs des trois échelles d'analyse dans la construction des carrières migratoires, mettent en
évidence l’individualité des parcours migratoires. Les résultats présentés ici nous incitent à réouvrir

212
le débat sur l’usage des questions traditionnelles pour étudier les parcours des migrant.e.s
temporaires. En effet, la question de la rétention dépasse les simples questions d’intégration dans
la société d’accueil ou les questions de logement ou même l’analyse quantitative des expériences
migratoires. Étudier ces dynamiques migratoires nécessite de nouvelles approches et de nouveaux
axes comme ce que nous venons de proposer.

En s’intéressant à l’expérience urbaine des étudiants internationaux maghrébins à Montréal, nous


avons replacé l’expérience migratoire dans son terrain naturel qui est la ville et nous l’avons étudié
sur trois échelles (macro, micro et intermédiaire). Cette approche nous a permis de s’ouvrir sur une
nouvelle question qui est la construction du sentiment de chez-soi dans la ville de migration. Cette
dernière peut être utilisée différemment dans les études sur les immigrant.e.s économiques car,
théoriquement, le projet d’immigration aboutit automatiquement à une installation dans la ville de
destination. Néanmoins, l’aboutissement du projet migratoire des migrant.e.s temporaires comme
les étudiant.e.s internationaux n’est jamais prédéterminé. Comme nous venons de le voir, il dépend
de plusieurs facteurs interreliés.

213
CONCLUSION GÉNÉRALE

La présente étude avait pour objectif de suivre la construire des parcours migratoires des étudiants
internationaux maghrébins qui séjournent à Montréal en mettant l’accent sur leur expérience
urbaine comme un facteur de rétention après la fin des études. Nous voulions explorer les
différentes étapes du processus de la construction de la carrière migratoire : formation du projet
migratoire, installation et adaptation dans la ville d’accueil et les projets futurs après la fin des
études. Le but de cette analyse était de documenter les stratégies migratoires de ce groupe de
migrants face aux changements, contraintes et opportunités de la vie quotidienne à Montréal. Afin
de satisfaire ces objectifs, nous avons opté pour une approche qualitative longitudinale de 12 mois
durant lesquels nous avons documenté les expériences d’un groupe de nouveaux étudiants
internationaux maghrébins qui suivent leur formation dans des institutions montréalaises.

Dans les trois premiers chapitres de ce document, nous décrivons la problématique et la structure
théorique et conceptuelle de cette étude. Dans un premier temps, nous avons présenté une recension
des travaux de recherche qui se sont intéressés aux étudiant.e.s internationaux et à leurs expérience
migratoire dans les villes et les sociétés d’accueil. Cette revue de littérature nous a permis
d’identifier des zones d’ombre par rapport auxquelles s’inscrit notre projet de thèse. Par la suite,
nous nous sommes penchés sur le cadre conceptuel et théorique de notre étude qui s’inscrit à la
croisée des chemins entre la sociologie urbaine et les études migratoires. Plus précisément, nous
avons utilisé le concept de « carrière migratoire » pour examiner le processus de construction du
parcours migratoire des étudiants internationaux à Montréal. Nous avons mis l’accent sur leur
quotidienneté dans la ville en examinant leur expérience urbaine à travers la mobilité urbaine et le
rapport à l’espace. Pour atteindre nos objectifs de recherche, nous avons construit une démarche
méthodologique qui repose sur l’étude d’un échantillon raisonné de notre cas d’étude (15
répondants). Nos participants sont de nouveaux étudiants internationaux maghrébins (automne
2019) qui ont choisi Montréal comme ville d’accueil. Nous les avons rencontrés 3 fois durant 12
mois pour suivre la construction de leur vie quotidienne et le développement de leur parcours
migratoire. La collecte des données s’est réalisée à travers des cartes mentales (géographiques et
conceptuelles) et des entrevues semi-dirigées.

214
Les quatre chapitres suivants retracent le parcours migratoire des étudiants internationaux
maghrébins à Montréal selon les trois étapes de la carrière migratoire : construction du projet
migratoire pour études (objectif de migration, choix de la ville de destination), l’installation à
Montréal (accueil, logement, adaptation aux études, le travail, construction du réseau social,
découverte de la ville) et les projets futurs après la fin des études (les carrières migratoires
possibles).

Nous avons commencé par identifier les facteurs qui font de Montréal une destination de choix
pour les étudiants internationaux maghrébins. Pour reprendre les niveaux d’analyse de la carrière
migratoire, nous pouvons les regrouper comme suit : les structures d’opportunité (le programmes
de l’expérience québécoise (PEQ) et les bourses d’études), les ressources mobilisables (les réseaux
sociaux prémigratoires) et les caractéristiques individuelles (la connaissance du français et les
formations universitaires). Par la suite, nous avons noté une stratégie migratoire adoptée par ce
groupe d’étudiants qui consiste à changer la formation pour s’inscrire dans un programme de DEP.
Cette manœuvre leur permettait d’accéder rapidement à la résidence permanente à travers le PEQ.
Nous avons donc conclu que pour beaucoup d’étudiants maghrébins, la migration pour étude n’est
autre qu’une voie pour l’immigration permanente au Québec. Cette différenciation entre étudiants
universitaires et étudiants de DEP est devenue centrale dans la suite de notre recherche. Selon la
théorie de la carrière migratoire, la deuxième étape consiste à analyser leur installation et leur
adaptation à Montréal. Nous pouvons structurer les résultats de cette partie autour de concepts tels
que la mobilité urbaine et le rapport à l’espace.

Dans un premier temps, à partir des déplacements quotidiens de nos participants, nous avons
proposé quatre profils de mobilité urbaine : étudiants sédentaires, étudiants moyennement mobiles,
étudiants très mobiles et des étudiants hyper-mobiles. Par la suite, nous avons établi une géographie
des espaces que les étudiants maghrébins que nous avons rencontrés aiment fréquenter à Montréal.
Cette représentation nous a permis de retracer la construction de leur capital spatial et de proposer
une typologie en lien avec les fréquences de mobilité durant la période de 12 mois : personnes avec
un « capital de mobilité », personnes avec un « capital spatial en construction », personnes avec un
« capital spatial » et des personnes avec un « très large capital spatial ». Cette classification
représente la nature du rapport de l’espace de nos participants dans leur ville d’installation. Nos
données empiriques nous ont permis de proposer une autre forme du rapport à l’espace. Nous avons
présenté un processus de construction d’un sentiment de chez-soi. Nos analyses ont révélé un
215
dédoublement de chez-soi chez des étudiants internationaux à Montréal. Nous avons illustré le
processus avec les quatre étapes de la mitose cellulaire : la prophase, la métaphase, l’anaphase et
la télophase qui représentent le fait d’avoir un sentiment de chez-soi dans deux villes (la ville
d’origine et la ville de migration).

Dans le septième et dernier chapitre, nous avons proposé cinq suites possibles des carrières
migratoires des étudiants internationaux maghrébins à Montréal : 1/Ancrage à Montréal, nous
parlons ici des universitaires et des diplômés de DEP qui ont choisi de s’installer à Montréal après
la fin des études ; 2/Mobilité pour l’ancrage, ce projet est présenté comme une stratégie migratoire
pour accéder rapidement à la résidence permanente. Les étudiants qui ont opté pour ce projet
avaient construit un fort sentiment de chez-soi à Montréal. Mais, après la réforme du PEQ (été
2020), ils ont choisi de quitter le Québec temporairement, le temps de changer le statut de migration
temporaire pour un autre permanent et revenir s’établir à Montréal par la suite ; 3/Mobilité
inter/nationale, ce projet est envisagé par les étudiants qui n’arrivent pas à se projeter
professionnellement à Montréal et au Québec, Après la fin des études, ils construisent un projet de
mobilité (nationale ou internationale) vers une autre ville offrant de meilleurs perspectives de
carrière professionnelle ; 4/Le retour au « Bled », les étudiants issus de familles aisées envisagent
de revenir dans leur pays d’origine après la fin des études. Ils pensent pouvoir s’épanouir
professionnellement et ils ne se sentent pas chez eux à Montréal ; 5/Les flottants, ce groupe
représente les indécis. Après 12 mois à Montréal, ces étudiants n’arrivent pas encore à se projeter
pour parler de leur projet futur. Ils préfèrent attendre la fin de leurs études pour décider de la suite
de leur carrière migratoire. À la fin du chapitre, nous avons mis en corrélation les différents niveaux
d’analyse (macro, meso et micro) pour comprendre la logique derrière le processus de construction
de la carrière migratoire des étudiants internationaux à Montréal. En effet, les décisions prises
durant le parcours migratoire dépendent des liens entre différents facteurs qui interviennent tout au
long de l’expérience migratoire : les structures d’opportunité et de contraintes (les politiques
migratoires et les opportunités professionnelles), les ressources mobilisables (la construction des
réseaux sociaux post-migratoire) et les caractéristiques individuelles (l’objectif de départ, la
formation et le domaine d’étude, le statut social de la famille dans le pays d’origine et la durée du
séjour). À travers cette recherche, nous avons pu identifier le sentiment de chez-soi, qui est une
résultante de l’expérience urbaine, comme une autre caractéristique individuelle qui exerce une
influence sur la construction de la carrière migratoire.

216
À travers cette thèse, nous mettons l’accent sur l’aspect complexe et multidimensionnel de
l’expérience migratoire des étudiants internationaux. Nos résultats soulignent l’importance des
approches multiniveaux pour analyser les parcours de mobilité internationale des nouveaux flux
migratoires à travers le monde.

Questionnements et limites de la recherche

Enfin, dans cette dernière section, nous voulons revenir sur certaines limites de notre thèse qui
peuvent être de nouvelles pistes de recherche comme l’aspect genré de notre approche. Le fait
d’avoir concentré notre étude sur les hommes nous a permis de mieux contrôler nos variables et de
mieux saisir la carrière migratoire de nos participants. Toutefois, nos résultats ne pourront pas être
généralisés sur l’ensemble des Maghrébin.e.s avant d’appliquer le cadre de cette étude sur les
étudiantes maghrébines et d’examiner leur expérience urbaine à Montréal.

Une autre faiblesse de la validité externe des résultats est son cas d’étude. Le cas des étudiants
internationaux maghrébins semble être particulier quant à la construction de leurs projets de
mobilités. Néanmoins, les manifestations contre la réforme du PEQ qui avaient lieu en automne
2019 et en été 2020 étaient organisées et soutenues par des étudiants de plusieurs nationalités. En
ce sens, d’autres analyses qualitatives avec des étudiant.e.s internationaux présent.e.s au Québec et
au Canada, autre que ceux qui font l’objet de notre étude, permettront de voir si nous pouvons
généraliser et dire que les études sont devenues une voie indirecte pour l’immigration ou s’il ne
s’agit que de stratégies propres aux étudiants originaires du Maghreb.

En ce qui concerne la construction d’un sentiment de chez-soi dans une ville de migration comme
nous l’avons déjà mentionné, cette partie de la recherche est purement exploratoire et nécessite une
remise en cause pour mieux documenter ce phénomène socio-spatial et définir les détails du
processus. Par définition, apprivoiser une ville fait référence au fait de se sentir familier et à l’aise
dans son environnement urbain. Cette situation implique de bien connaitre ses différents quartiers,
ses infrastructures urbaines et les communautés locales pour y vivre et se déplacer confortablement.
D’autre part, le chez-soi est un sentiment plus profond envers ces espaces et s’approche de
l’enracinement. Il dépasse le fait de se sentir en confort ou en sécurité dans sa ville. Ce rapport se
développe au fil du temps et dépend du vécu de la personne dans la ville en question (expériences
positives, rapports et lien sociaux, le sentiment d’appartenance). Toutefois, pour pouvoir
217
apprivoiser sa ville, la personne doit vivre quelques expériences en lien avec son environnement
urbain : l’exploration (visiter et se promener dans les quartiers et les rues), le transport en commun
(utiliser le transport permet de connaitre la structure de la ville et les connections entre ses zones),
découvrir ses espaces publics (parcs, espaces verts, cafés, restaurant) et s’engager dans la vie
communautaire (s’impliquer en tant que citoyen et assister aux différents événements pour
rencontrer les gens avec qui la personne partage la ville). Le temps passé dans la ville et les
expériences de la personne sont au cœur des deux sentiments. L’apprivoisement a un côté plus
exploratoire d’un nouvel arrivant et peut se développer plus rapidement que le sentiment de chez-
soi, et, nous nous demandons si les 12 mois de notre enquête étaient suffisants pour pouvoir parler
de la construction d’un nouveau sentiment de chez-soi à Montréal. Cependant, nos participants
l’ont peut-être apprivoisé et ce que nous avons documenté n’est que la première étape pour
atteindre le dédoublement de chez-soi dont nous parlons. La réponse à cette question nécessite une
recherche plus approfondie et d’une plus longue durée sur l’expérience urbaine dans la ville
d’installation.

En somme, notre enquête a pu mettre de l’avant l’agentivité des étudiants internationaux


maghrébins à Montréal dans la construction de leur parcours migratoire. Il n’est plus question
d’expérience migratoire mais des expériences de mobilités. Les suites possibles des carrières
migratoires que nous avons exposées et l’apport des caractéristiques individuelles dans la prise des
décisions témoignent de la diversité des parcours migratoires des étudiant.e.s internationaux.

218
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Zhang, Zuochen and Zhou, George. 2010. « Understanding Chinese International Students at a
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Ottawa: Statistique Canada (No au catalogue 45280001).
https://publications.gc.ca/collections/collection_2021/statcan/45-28/CS45-28-1-2021-6- eng.pdf

233
ANNEXE 1 : AFFICHE POUR LE RECRUTEMENT

234
ANNEXE 2: DOCUMENT D’INFORMATIONS SUR LA
PARTICIPATION À LA RECHERCHE

« La carrière migratoire des étudiants internationaux maghrébins à Montréal:


l’influence du capital spatial sur le choix de mobilité et d’ancrage »
Nous vous invitons à participer à un projet dans le cadre d’une recherche doctorale en études
urbaines. Avant d’accepter de participer à ce projet, veuillez prendre le temps de lire et de bien
comprendre les renseignements dans ce formulaire. S’il y a des sections qui ne sont pas claires,
n'hésitez pas à nous poser des questions. Vous pouvez aussi communiquer avec la directrice de
recherche ou avec la personne ressource pour des informations complémentaires.

Objectifs de la recherche

Le Canada et le Québec donnent une grande importance à l’immigration pour étude. Nous
cherchons à documenter les facteurs qui peuvent influencer la rétention des étudiants
internationaux au terme de leurs études à Montréal. En particulier nous nous intéressons à l’aspect
spatial et social de l'expérience migratoire. Dans ce projet, nous nous intéressons aux étudiants en
provenance des trois pays du Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie) et qui se sont inscrits dans une
université montréalaise.

Nature de la participation

L’étude se structure autour de trois rencontres (les rencontres auront lieu à l’endroit de votre choix).
Chaque rencontre prendra environ 1 heure 30 min de votre temps.

• Dans un premier temps, il vous sera demandé de répondre à quelques questions portant sur vos
activités quotidiennes, vos déplacements quotidiens, les espaces que vous fréquentez, votre
identité culturelle et vos relations sociales.

Ensuite, à l’aide d’une carte géographique de Montréal, il vous sera demandé de positionner
les espaces que vous fréquentez et les espaces où vous vous sentez à l’aise.

• 5 mois après la première rencontre, je vous recontacterai pour une deuxième rencontre. Nous
allons refaire le même exercice; je vous demanderai de répondre à quelques questions. Après,
je vous représenterai la carte de la première rencontre pour voir si vous voulez apporter des
modifications.

• 11 mois après la première rencontre (6 mois après la deuxième), je vous recontacterai à nouveau
pour une troisième et dernière rencontre. Nous allons refaire le même exercice; vous allez

235
répondre à quelques questions. Après, je vous représenterai la même carte pour voir si vous
voulez apporter d’autres modifications. À la fin, une question portant sur vos projets après la
fin des études vous sera posée : voyage, immigration, retour au pays, indécis…

Veuillez prendre note que les rencontres seront enregistrées.

Avantages

Le seul bénéfice de votre participation à l’étude est la satisfaction d’avoir contribué à l’avancement
des connaissances sur le parcours des étudiants internationaux et sur la présence des Maghrébins à
Montréal et au Québec. Vous aurez accès aux résultats de cette recherche si vous le désirez.

De plus vous aurez accès à une liste de ressources qui peuvent vous aider durant votre séjour à
Montréal.

Risques et inconvénients

Vous n'êtes pas obligé de répondre aux questions qui vous rendent mal à l’aise. Certaines questions
de la rencontre pourraient raviver des émotions désagréables liées à votre expérience de vie. Vous
pouvez demander une pause durant les rencontres, souhaiter la reprendre un autre jour ou suspendre
votre participation définitivement sans avoir à vous justifier. De plus une liste de ressources d’aide
pourra vous être proposée si vous le souhaitez.

Le temps est le principal inconvénient de la participation à cette recherche. L’étude se déroulera en


une année, dans laquelle nous serons amenés à nous rencontrer trois fois, à intervalle de 5/6 mois
entre deux rencontres (chaque rencontre se déroulera en 1 h 30 min).

Confidentialité

Tous les renseignements recueillis sont confidentiels. Seul le chercheur principal y aura accès. Les
données de recherche ainsi que votre formulaire de consentement seront conservés séparément sur
des disques dur externes sécurisés, dans des bureaux verrouillés.

• Afin de protéger votre identité et la confidentialité de vos données, vous serez toujours identifié
par un pseudonyme. Ce pseudonyme ne sera connu que du chercheur principal.
• Aucune publication ou communication sur la recherche (incluant la thèse) ne contiendra des
renseignements permettant de vous identifier.
• L’ensemble des données sera conservé pour une durée de cinq ans (5 ans) suivant la fin de la
recherche, à moins que vous ne l'acceptiez pas. Après cette durée, les données seront détruites.

Droit de retrait

236
Votre participation à cette étude est volontaire. Cela signifie que vous acceptez de participer à ce
projet sans aucune contrainte ou pression extérieure. Cela signifie également que vous avez le droit
de ne pas répondre à certaines questions et vous êtes libre de mettre fin à votre participation en tout
temps au cours de cette recherche, sans préjudice de quelque nature que ce soit, et sans avoir à vous
justifier. Dans ce cas les renseignements et les données vous concernant seront détruits sauf
directive verbale ou écrite contraire de votre part.

Recherche ultérieure

Vos renseignements et le résultat de nos échanges seront rendus anonymes et conservés pendant 5
ans après la fin de l’étude. Nous souhaitons les utiliser dans d’autres projets de recherche pendant
cette période. Vous êtes libre de refuser cette utilisation secondaire des données

J’accepte que mes données puissent être utilisées dans d’autres projets de recherche
Je refuse que mes données puissent être utilisées dans d’autres projets de recherche

Acceptez-vous que le chercheur principal vous sollicite ultérieurement dans le cadre d’autres
projets de recherche?

Oui Non

Remerciements
Votre collaboration est importante à la réalisation de ce projet de recherche, je tiens à vous en
remercier.

Si vous souhaitez obtenir un résumé écrit des principaux résultats de cette étude, veuillez ajouter
vos coordonnées ci-dessous:

Je désire recevoir un résumé des résultats du projet.


Date: _________________________________________________________________
Nom: _________________________________________________________________
Coordonnées (adresse courriel): ____________________________________________
Signature: _____________________________________________________________

Personnes-ressources:
Chercheur principal:
Islem BENDJABALLAH
Doctorant en Études Urbaines
Institut national de la recherche scientifique – Urbanisation Culture Sociétés (INRS-UCS)
385 Sherbrooke Est. Montréal (Québec) H2X 1E3
Téléphone :
Courriel : Islem.Bendjaballah@ucs.inrs.ca

237
Direction de l’étude:
Pr. Annick GERMAIN
Institut national de la recherche scientifique – Urbanisation Culture Sociétés (INRS-UCS)
385 Sherbrooke Est. Montréal (Québec) H2X 1E3
Courriel : Annick.germain@ucs.inrs.ca

Personne ressource extérieure à l’équipe de recherche:


Mme Isabelle Plante
Présidente du Comité d’éthique en recherche avec des êtres humains
INRS
531, boulevard des Prairies
Laval (Québec) H7V 1B7
Téléphone : 450 687-5010 poste 8814
Courriel: isabelle.plante@iaf.inrs.ca

238
ANNEXE 3 : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT

« La carrière migratoire des étudiants internationaux maghrébins à Montréal:


l’influence du capital spatial sur le choix de mobilité et d’ancrage »

J’ai pris connaissance de la recherche décrite dans la lettre d'information.

J’ai été informé(e), oralement et par écrit, des objectifs de la recherche, de ses méthodes de cueillette des
données et des modalités de ma participation au projet.

J’ai également été informé(e) :

a) de la façon selon laquelle les chercheurs assureront la confidentialité des données et protégeront
les renseignements recueillis;

b) de mon droit de mettre fin à la rencontre ou à l’enregistrement, si je le désire, ou de ne pas répondre


à certaines questions;

c) de mon droit, à titre de participant(e) volontaire à cette étude, de me retirer à tout moment sans
conséquence négative;

d) de mon droit de communiquer, si j'ai des questions sur le projet, avec le responsable du projet :
Islem BENDJABALLAH, (514) 559-7664.

J’ai compris que j’ai la possibilité de me retirer de la recherche en tout temps ou de ne pas répondre à
certaines questions, sans avoir à fournir d’explications et sans subir d’inconvénients.

J’ai l’assurance que les propos recueillis au cours de ces rencontres seront conservés de façon
confidentielle et traités de façon anonyme. Cependant, je suis conscient(e) que malgré toutes les
précautions prises à cet effet, il demeure possible que je sois identifié(e) de manière indirecte.

J’autorise le chercheur principal, désigné ci-dessous, à citer certains extraits des entretiens, et ce,
exclusivement à des fins de recherche.

J’accepte, par la présente, de participer à la recherche selon les modalités décrites dans la lettre
d'information sur le projet, ci-annexée.

Je signe ce formulaire en deux exemplaires et j’en conserve une copie.

________________________________ ________________
Signature du participant(e) Date

239
Ce projet a été approuvé par le Comité d’éthique en recherche avec des êtres humains de l’INRS : 21 Aout
2019

Chercheur principal

Islem BENDJABALLAH

Doctorant en Études Urbaines


Institut national de la recherche scientifique – Urbanisation Culture Sociétés (INRS-UCS)
385 Sherbrooke Est. Montréal (Québec) H2X 1E3
Téléphone :
Courriel : Islem.Bendjaballah@ucs.inrs.ca

Directrice de recherche

Pr. Annick GERMAIN

Institut national de la recherche scientifique – Urbanisation Culture Sociétés (INRS-UCS)


385 Sherbrooke Est. Montréal (Québec) H2X 1E3
Courriel : Annick.germain@ucs.inrs.ca

240
ANNEXE 4 : LE GUIDE DE LA PREMIÈRE RENCONTRE

• Avant de commencer, sachez que votre participation est entièrement confidentielle et toutes les
questions seront posées à des fins purement scientifiques :

Diplôme que vous préparez?

Quel est votre domaine/discipline d’étude en cours (ex : administration, science sociale et humaine,
art et culture…)?

Université/centre de formation :

Avez-vous accès à une bourse pour vos études? (si oui, de quel pays)

Quelle(s) langue(s) parlez-vous? :

Quel est votre quartier de résidence? :

Vous habitez seul ou en colocation? Avec des maghrébins ou autre?

Situation maritale :

Si marié, est-ce que vous avez des enfants?

Objectifs de départ? Le diplôme ou l’immigration?

Quels sont vos moyens de déplacement à Montréal?

Occupez-vous un emploi en ce moment? Si oui, où (localisation)?

…… …… …..

Pourquoi vous avez choisi cet endroit pour notre rencontre?

D’où vous est venue l’idée d’étudier au Canada (au Québec)? Pourquoi Montréal?

…… …… …..

Pouvez-vous me raconter comment se déroulait une semaine «ordinaire» dans la ville où vous avez
étudié? Et le Week-End?

…… …… …..

Pouvez-vous me raconter comment se déroule une semaine ordinaire à Montréal? et le Week-End?

241
Sur la carte de Montréal, quels sont les lieux et les espaces où vous vous sentez alaise, que vous
fréquentez souvent, les espaces qui vous sont familiers à Montréal? (Carte mentale
géographique).

• Pensez aux personnes avec qui vous sociabilisez depuis que vous êtes ici à Montréal.
Énumérez les personnes avec qui vous entretenez un lien particulier ou privilégié. Écrivez
le prénom et la première lettre du nom, genre (Homme-Femme) et son groupe ethnique
(maghrébin-e, canadien-e, maghrébin-e canadien-e ou autre à préciser). Exemple, prénom :
Adam, nom : B = Adam B. Homme. Maghrébin-canadien

Genre Membre Ami- Camarade à Collègue Voisin Colocataire Connaissance


(F-H) et de e l’université de travail dans un
Nom famille groupe
Origine
religieux
ethnique

242
Pensez aux groupes de personnes qui sont présents dans votre vie quotidienne.

· Indiquez le nom de ces groupes présents dans votre vie quotidienne (exemple, Nom du
groupe 1 : camarade à l’université. Groupe 2 : collègues de travail…)

Groupe 1

Groupe 2

Groupe 3

Groupe 4

Groupe 5

Groupe 6

· Indiquez le nombre de personnes appartenant aux différents groupes ethniques dans chacun de
ces groupes (les personnes avec qui vous parlez au moins une fois par semaine)

243
Maghrébins-es

Canadiens-es

Immigrants-es non maghrébins-nes

• Revenons à la carte de Montréal ; lesquels de ces espaces (ceux déjà identifiés) sont des
espaces de sociabilisation, des espaces que vous fréquentez pour rejoindre ou rencontrer
une des personnes (ou plusieurs) que vous avez identifiées dans l’exercice précédent (la
liste en main). Ou d’autres personnes qui ne sont pas dans la liste ?

244
ANNEXE 5 : EXEMPLES DE CARTES MENTALE

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