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Introduction

Le livre « Le 19e siècle haïtien », coécrit par **Michel Hector** et **Jean


Casimir**, constitue une œuvre marquante dans le domaine de l'historiographie
haïtienne. Ces deux auteurs, historiens reconnus, apportent une perspective
critique et nuancée sur une période charnière de l'histoire d'Haïti. Michel Hector
est un historien dont les travaux portent souvent sur les dynamiques politiques et
sociales de son pays, tandis que Jean Casimir, sociologue et enseignant à
l'Université d'État d'Haïti, se concentre sur les questions de pouvoir et de
résistance au sein des sociétés haïtiennes. Ensemble, ils explorent les complexités
du 19e siècle haïtien, période marquée par des luttes politiques, des crises
économiques et des tensions sociales à travers quatre phases : (1804-1820) le choix
de l’économie en question, (1820-1848) la généralisation de la petite exploitation,
(1848-1888) l’essor de la petite exploitation, et (1888-1915) la crise de la petite
exploitation. Le 19e siècle est crucial pour Haïti, non seulement en tant que
première république noire indépendante, mais aussi comme période d'instabilité
politique et sociale. Après l'indépendance en 1804, le pays a dû naviguer entre la
reconstruction nationale et les défis économiques liés à la dette imposée par la
France. Les conflits internes entre différentes factions politiques ont également
exacerbé les inégalités sociales. Les auteurs mettent en lumière comment ces luttes
ont façonné la société haïtienne et influencé les structures de pouvoir qui
perdurent encore aujourd'hui. On identifie deux systèmes de processus : certains
Haïtiens optent pour le réaménagement de leurs traditions ancestrales, tandis que
d'autres privilégient la conservation des formes d’organisation et d’occupation de
l’espace colonial. Cependant, les deux groupes souhaitent habiter cet espace en
l’occupant et en le préservant. Comment les auteurs analysent-ils les dynamiques
sociales, politiques et économiques du 19e siècle en Haïti ? Ils interrogent les
rapports de force entre les différentes classes sociales ainsi que l’impact des
crises systémiques sur la vie quotidienne des Haïtiens. Par une approche
décoloniale et critique, ils examinent comment les élites ont souvent ignoré les
besoins du peuple souverain tout en s'appuyant sur une historiographie qui valorise
les luttes populaires et les mouvements de contestation. Leur analyse vise à
rétablir une mémoire collective souvent négligée dans le récit historique dominant,
en mettant en avant les voix des opprimés et en questionnant la légitimité des
structures de pouvoir établies. Notre commentaire sera construit autour des axes
suivants : contexte historique et méthodologique, analyse des élites politiques,
rapports sociaux et question agraire, ainsi que les conséquences de l'indépendance.

I. Contexte historique et méthodologique

Contexte historique et méthodologique de "Le long XIXe siècle haïtien"

1. Contexte historique
a. Événements clés du XIXe siècle : Indépendance et conflits internes
L’indépendance d’Haïti en 1804, moment central de *Le long XIXe siècle haïtien*,
est décrite comme un véritable tremblement de terre dans l’ordre mondial. Après
avoir brisé le joug colonial et aboli l’esclavage, le pays a rapidement dû
affronter des défis de taille. L’un des moments les plus marquants abordés dans le
livre est la division d'Haïti en deux après l’indépendance : Henri Christophe dans
le Nord, autoproclamé roi, et Alexandre Pétion, président dans le Sud. Ce schisme
n’était pas seulement géographique, mais aussi social et idéologique. Christophe
imposait une discipline stricte et une économie basée sur la grande production
agricole, tandis que Pétion, plus libéral, distribuait des terres aux anciens
soldats et ouvriers. Cette rivalité a profondément marqué le XIXe siècle haïtien et
illustré la difficulté de créer une nation unie après des années de guerre.
b. Impact des luttes de pouvoir sur la formation de l'État haïtien
Les luttes de pouvoir ont laissé une empreinte durable sur la jeune République. Le
livre montre comment ces conflits entre chefs politiques ont fragilisé la
construction de l'État. Par exemple, Casimir et Michel décrivent comment, après la
mort de Pétion et Christophe, Jean-Pierre Boyer a pris le contrôle du pays et
imposé une centralisation rigide. Boyer a certes unifié Haïti, mais au prix de
l’exclusion des masses populaires. Sa politique autoritaire, bien que stabilisante,
a éloigné la population rurale du pouvoir, ce qui a contribué à creuser un fossé
entre l'élite urbaine et les paysans, une tension qui allait perdurer dans les
décennies à venir. Casimir et Michel insistent sur le fait que ces conflits
internes, tout en affaiblissant l'État naissant, ont paradoxalement forgé une
société qui a appris à résister et à se reconstruire.

2. Méthodologie des auteurs


a. Approche décoloniale et mise en avant des voix marginalisées
Dans leur analyse, Casimir et Michel adoptent une approche décoloniale, c'est-à-
dire qu’ils s'efforcent de raconter l’histoire d'Haïti du point de vue des classes
populaires et des groupes souvent exclus des récits traditionnels. Ils ne se
contentent pas de mettre en avant les grandes figures politiques, mais ils donnent
aussi la parole aux paysans, aux anciens esclaves, et aux petites communautés
rurales. Par exemple, ils décrivent comment, après l’indépendance, de nombreux
anciens esclaves ont créé des villages autonomes dans les montagnes, refusant de se
soumettre aux nouvelles élites dirigeantes. Ces villages ont développé une économie
de subsistance et une culture de résistance, loin du contrôle des grandes villes.
En mettant en lumière ces acteurs souvent oubliés, les auteurs révèlent une
histoire plus complexe, où le peuple haïtien est autant acteur que spectateur de sa
propre émancipation.

b. Utilisation de sources variées pour soutenir leur analyse


Casimir et Michel s’appuient sur une vaste diversité de sources pour donner du
poids à leur analyse. Ils utilisent à la fois des documents officiels, comme les
rapports diplomatiques, mais aussi des récits locaux et des témoignages directs.
Par exemple, ils s’appuient sur des lettres de consuls étrangers pour montrer
comment Haïti, après l’indépendance, a dû naviguer dans un monde hostile, notamment
avec la France qui imposait à Haïti une indemnité financière massive en 1825. En
même temps, les auteurs s’intéressent aux récits oraux des communautés rurales, qui
montrent comment ces dernières ont résisté à la centralisation du pouvoir. Cette
utilisation de multiples sources permet à Casimir et Michel de proposer une vision
riche et nuancée de l’histoire haïtienne, loin des simplifications habituelles.

II. Analyse des élites politiques


Les élites au pouvoir

Le XIXe siècle haïtien est une période marquée par des bouleversements politiques
et sociaux. Après l'indépendance en 1804, Haïti a connu une lutte constante pour
établir un gouvernement stable. Les élites politiques de l'époque ont joué un rôle
clé dans cette lutte. Elles étaient divisées en différentes factions, chacune avec
ses propres idées et ambitions. Ces factions ont influencé non seulement la
gouvernance, mais aussi la vie quotidienne des Haïtiens. Dans cette analyse, nous
allons explorer ces élites au pouvoir, décrire les différentes factions politiques
et examiner comment elles ont façonné l'histoire de Haïti.
On constate Après la mort de Jean-Jacques Dessalines, ses partisans ont continué à
défendre ses idéaux. Ils croyaient en un Haïti fort et indépendant, où le peuple
noir aurait tous les droits. Ils ont souvent utilisé des méthodes autoritaires pour
garder le contrôle. Cela a créé des tensions avec d'autres groupes qui voulaient
plus de démocratie et d'égalité. Cependant,
Les partisans de Pétion Dirigés par Alexandre Pétion, ils représentaient surtout
les mulâtres et la classe moyenne. Ils cherchaient à établir plus de droits pour
tous les citoyens. Pétion a été un président populaire qui a introduit plusieurs
réformes. Cependant, ses actions ont aussi provoqué des rivalités avec les
partisans de Dessalines entraînant des conflits internes qui ont affaibli la
nation. Ces groupes étaient souvent dirigés par des chefs militaires comme Henri
Christophe. Ils prenaient le pouvoir par la force et avaient une grande influence
sur la politique. Les coups d'État étaient fréquents dans le pays, ce qui a
provoqué beaucoup d’instabilité dans le pays, et a donné naissance à la bataille de
sibert de 1807 .Leur pouvoir militaire limitait souvent les possibilités de
démocratie.Les libéraux et les conservateurs Au fil du temps, deux courants se sont
formés : les libéraux, qui voulaient des changements et plus de libertés, et les
conservateurs, qui souhaitaient maintenir l'ordre établi. Ces tensions entre
libéraux et conservateurs ont souvent mené à des conflits violents,affectant la
gouvernance et créant une atmosphère de méfiance parmi les leaders.

On peut conclure avec l'idée que les conflits entre libéraux et les conservateurs
au XIXe siècle en haïti, symbolisé par des batailles comme celle de sibert, connu
par de grandes tensions profondes ,qui ont façonné le pays, avec d'une part
l'aspiration à un gouvernement démocratique et inclusif et d'autre part la
résistance à des régimes autoritaires. Haïti, doit apprendre des erreurs du passé
en favorisant le dialogue et la coopération entre ses différentes factions
politiques.

Les tensions entre élites et société :

Ces tensions ont émergé dès les premières années suivant l’indépendance et ont
perduré durant tout le 19ème siècle. D’un côté, les élites, souvent mulâtres ou
anciennement affranchies, aspiraient à maintenir une forme de continuité avec
l'ordre colonial, notamment à travers la réinstauration de l’économie de
plantation. De l’autre, la majorité de la population, composée de paysans noirs
nouvellement libérés, rejetait cette perspective et réclamait une autonomie
agricole.

Conflits d'intérêts entre les anciennes élites et les nouveaux libres :

L'affrontement entre ces deux visions de l'économie et de la société s'est


manifesté de plusieurs façons. Les anciennes élites cherchaient à centraliser le
pouvoir et à rétablir une économie fondée sur la production de cultures
d'exportation, comme le café et le sucre, en forçant les paysans à travailler dans
des conditions proches de celles des plantations coloniales. Cela permettait aux
élites de maintenir leur position sociale et d’assurer la prospérité économique de
l’État. Cependant, pour la majorité des nouveaux libres, qui avaient combattu pour
leur liberté, ces propositions représentaient une forme de retour déguisé à
l’esclavage. Ils revendiquaient au contraire une distribution plus égalitaire des
terres, leur permettant de cultiver pour leurs besoins propres et non pour les
profits des grandes propriétés.

Ce conflit d’intérêts a nourri une série de crises politiques, avec des régimes
successifs tentant tour à tour de concilier ces revendications opposées, souvent au
prix d'une grande instabilité. Loin de représenter uniquement un désaccord
économique, ces tensions traduisaient également un choc culturel et social profond,
où deux visions du futur d’Haïti s’affrontaient.

2. Rôle des paysans dans la dynamique politique :

Les paysans haïtiens n'étaient pas simplement des spectateurs passifs de ces luttes
de pouvoir. Leur rôle dans la dynamique politique, bien que souvent indirect, a été
décisif. En s'organisant autour d'une agriculture de subsistance et en créant des
communautés rurales autonomes, les paysans ont développé une forme de résistance
qui influençait les décisions des élites, même si ces dernières tentaient de les
marginaliser.
Autonomie et résistance :

Le modèle agricole paysan, fondé sur l’autosuffisance, leur garantissait une


certaine liberté par rapport aux tentatives de l’État ou des élites de les
contrôler. Cette résistance économique à l’ordre plantationnaire est devenue une
arme politique. À plusieurs reprises, les paysans se sont opposés aux régimes en
place, notamment en soutenant des leaders militaires qui promettaient de défendre
leurs intérêts ou en refusant tout simplement de collaborer avec les structures de
production imposées par les élites.

En réalité, bien que rarement représentés dans les sphères de pouvoir, les paysans
haïtiens ont joué un rôle crucial dans la formation et la transformation de l’État
haïtien. Leur capacité à résister aux tentatives de centralisation et
d’exploitation par les élites leur a permis de maintenir un certain équilibre
social, tout en façonnant, de manière indirecte, les politiques nationales. Leur
importance, bien que souvent ignorée par les historiens de l’époque, apparaît de
manière évidente dans l’analyse des tensions internes de la jeune république
haïtienne.

Les tensions entre les élites et la société haïtienne du 19ème siècle ont joué un
rôle central dans l’instabilité politique du pays. Le conflit entre les anciennes
élites cherchant à préserver une économie de plantation et les paysans revendiquant
leur autonomie a façonné les dynamiques internes de la jeune république. Malgré
leur marginalisation, les paysans ont exercé une influence importante par leur
résistance, contribuant ainsi à redéfinir les rapports de pouvoir en Haïti.

III. Les rapports sociaux et la question agraire.

Impact du code noir

Le code noir, promulgué en 1695 par Louis XIV est un document de loi visant à
réguler l’esclavage dans les colonies françaises à savoir
Les rapports entre maîtres et esclaves
En renforçant la domination économique des colons basés sur les grandes
plantations.

Même après la révolution visant à mettre fin à l’esclavage les répercutions du dit
code se sont fait ressentir dans la société haïtienne.

Tués ou forcés de partir les responsables des grandes plantations ont dû tout
laisser derrière eux mais le désir de maintenir le même système qui déjà mentionné
était basé sur la grande plantation, à maintenu les traces du code noir dans la
société haïtienne.
C’était comme chasser un système pour au final reprendre le même à la différence
près qu’il n’y avait plus d’esclaves.

Ainsi naquit une hiérarchie sociale.


La classe des paysans cultivateurs étaient en quelques sortes dominée par les
autres.
Refusant ce système les cultivateurs étaient indignés face à l’injustice qui
concerne la redistribution des propriétés car les bénéficiaires étaient des
généraux de l’armée et ceci divisa la société.

La répartition des terres étaient injustes, certains avaient tout et d’autres rien.
Le système de grandes plantations en prenait un coup car les paysans préféraient
cultiver de petites parcelles de terres que de se plier à la domination des grands
propriétaires.

Tout cela est en effet lié au code noir qui même après l’esclavage continue à
impacter négativement la société haïtienne.

La question agraire

La répartition inégale et injuste des terres à entraver un possible révolution


agraire dans le pays et l’état haïtien a essuyé un grand échec sur ce plan.

L’impact du code noir se fait ressentir depuis toujours dans la société haïtienne
car il a de ce fait impacter la mentalité haïtienne ; Les resources et la majeure
partie des richesses demeurent entre les mains d’une minorité tandis que la
majorité reste la plus démunie

IV. Les conséquences de l'indépendance

L’indépendance d’Haïti en 1804 a marqué la fin de l’esclavage et du système


colonial français, mais plusieurs des promesses révolutionnaires sont restées
inachevées. L’une des promesses les plus importantes était la redistribution
équitable des terres, afin que tous les Haïtiens puissent bénéficier des richesses
du pays. Cependant, le nouvel État haïtien a échoué à répondre à cette aspiration.

Après le départ des colons français, l’État s’est proclamé le plus grand
propriétaire foncier du pays, distribuant des terres principalement aux membres de
l’armée, en fonction de leur rang. Les généraux et hauts gradés ont reçu les plus
grandes parcelles, tandis que les anciens esclaves, qui formaient la majorité de la
population, n’ont reçu que peu ou pas de terres . Ce phénomène a conduit à la
création d’une petite élite foncière, reproduisant les mêmes inégalités sociales et
économiques que sous la période coloniale.
L’administration post-indépendance est restée entre les mains de
militaires et de politiciens, ce qui a conduit à un système de clientélisme. Les
élites dirigeantes, ont attribué à une position exclusive les ressources
économiques et politiques. Cette centralisation du pouvoir a bloqué les tentatives
de réformes agraires plus inclusives et a exacerbé la pauvreté dans les zones
rurales. Les paysans ont souvent été laissés à eux-mêmes, sans accès aux terres ou
aux ressources nécessaires pour une agriculture durable

Le nouvel État haïtien, bien qu’indépendant, maintient plusieurs


pratiques qui héritent du colonialisme. L’État conserve une forte centralisation
autour des villes portuaires, et l’élite au pouvoir reste principalement préoccupée
par le maintien de l’ordre et de l’exploitation des ressources, un modèle qui
ressemble bien à celui du système colonial. Le pouvoir reste concentré entre les
mains des politiciens qui s’enrichissent grâce à des concessions de terres. Cela
crée une continuité avec l’ordre colonial, où les colons possédaient les terres et
exploitaient les travailleurs locaux. L’État post-indépendance est constamment
sous la pression des grandes puissances étrangères qui cherchent à contrôler les
ressources du pays. Cette dépendance économique envers l’extérieur, notamment avec
la dette à la France, perpétue la domination économique étrangère sur Haïti.

Conclusion
Dans Le long XIVe siècle haïtien, Jean Casimir et Michel Hector développent une
vision de l'histoire haïtienne qui dépasse la seule période révolutionnaire. En
parlant de « long XIVe siècle », les auteurs suggèrent que les structures
économiques et sociales établies pendant la colonisation ont continué à influencer
la société haïtienne bien après l'indépendance. Plutôt qu’une rupture radicale, la
Révolution haïtienne est présentée comme un moment de transformation dans une
longue continuité.

L’ouvrage propose une analyse historique qui relie les formes de résistance
populaire sous le régime colonial avec celles qui persistent après la naissance de
la République d’Haïti. Les auteurs soulignent l'importance des communautés rurales,
où les pratiques culturelles et sociales africaines ont survécu, constituant ainsi
des bases solides pour l’identité haïtienne. Les paysans et ouvriers ruraux,
souvent exclus des sphères du pouvoir, ont maintenu des modes d'organisation
indépendants et résistants face aux élites dominantes.

Le livre de Casimir et Hector apporte une perspective inédite en replaçant les


luttes et les solidarités quotidiennes des Haïtiens dans une histoire longue,
marquée par une adaptation continue aux conditions de domination. En décentrant
l’analyse des élites politiques et en valorisant l’expérience des populations
rurales, les auteurs contribuent à une relecture de l’histoire haïtienne, qui
reconnaît la résilience et l’autonomie des classes populaires.

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