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Chapitre 5

LA THÉRAPIE D’ACCEPTATION
ET D’ENGAGEMENT (ACT) :
UNE APPROCHE COMBINANT
LA PLEINE CONSCIENCE ET L’ACTION

Thanh-Lan Ngô
et Frédérick Dionne

« L’ACT se propose de montrer comment, plutôt que de lutter


intérieurement pour changer votre vie, vous pouvez vivre
vraiment et pleinement : avec votre passé et non malgré
lui ; avec vos souvenirs, vos peurs et vos peines. »
S. Hayes et Smith (2013).
Pensez moins pour être heureux (p. 1). Paris, Eyrolles

INTRODUCTION

L ’ACT (thérapie d’acceptation et d’engagement) est une thérapie


comportementale de la « troisième vague ». Hayes (2004) décrit en
effet trois vagues successives en thérapie comportementale, chacune
découlant de la précédente. La première vague, la thérapie comportementale
traditionnelle, est popularisée dans les années 1950 et 1960 et apparaît en
réaction aux limites perçues de l’approche psychanalytique. L’approche
comportementale vise l’observation, la prédiction et la modification du
comportement par le biais des principes opérants et répondants (Skinner,
1953 ; Watson, 1924 ; Wolpe, 1958). La deuxième vague, se basant sur les
neurosciences et les observations cliniques, examine le lien entre les

87
88 Pleine conscience et intervention

c­ ognitions dysfonctionnelles et les comportements inadaptés. La thérapie


cognitive place les cognitions au centre de son modèle. Elle postule que les
émotions et les comportements sont médiés par les processus cognitifs. Dans
les années 1980 et 1990, les thérapies cognitive et comportementale
fusionnent pour former la « TCC traditionnelle », la forme de thérapie qui
fait l’objet du plus grand nombre d’études cliniques à ce jour (Roth et
Fonagy, 2005). Elle regroupe un ensemble d’interventions (Mansell, 2008)
dont les prémisses sont les suivantes (Dobson et Dozois, 2001) : les pensées
ont une influence sur les émotions et les comportements, les pensées peuvent
être remises en question et modifiées, les changements comportementaux
désirés découlent d’une modification cognitive.
Malgré la popularité de la TCC, la théorie et certaines méthodes sont
remises en question, notamment quant au rôle prépondérant accordé aux
pensées dans le développement et le maintien des problèmes psychologiques
(voir Ngô, 2013). Par exemple, certaines études démontrent que la TCC
ne produit pas nécessairement ses résultats par le mécanisme des change-
ments cognitifs, c’est-à-dire qu’on peut observer une amélioration
symptomatique sans effectuer de restructuration cognitive (Longmore et
Worrell, 2007). Devant ce constat, les thérapies comportementales de la
troisième vague proposent depuis les années 2000 de nouvelles méthodes
qui permettent de vivre autrement les expériences internes problématiques.
Ces approches populaires, basées sur la pleine conscience et l’acceptation,
ne visent pas la modification des pensées, même si elles semblent faussées
et dysfonctionnelles. Elles cherchent plutôt à changer la relation de l’individu
à ses symptômes. Elles cultivent chez les patients une attitude d’acceptation,
soit la volonté d’être en contact avec des événements psychologiques, sans
chercher à les éviter ou leur permettre d’influencer excessivement le com-
portement (Butler et Ciarrochi, 2007). Ce chapitre décrit la thérapie
d’acceptation et d’engagement (ACT ; Acceptance and Commitment Therapy ;
Hayes, Strosahl, et Wilson, 2012), une des thérapies prototypiques de la
troisième vague. Il se penche sur le rôle de la méditation de pleine
conscience dans cette approche, présente une brève recension des écrits
concernant l’application de l’ACT à des problèmes cliniques et fournit
quelques exemples cliniques.

LES FONDEMENTS DE LA THÉRAPIE ACT


Une vision du monde basée sur le contextualisme fonctionnel
Selon Pepper (1942), les scientifiques adoptent un ensemble de pré-
somptions au sujet de la science. Dans la vision mécaniste, une théorie
La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) 89

scientifique est vraie lorsqu’elle correspond à la réalité. Les mécanistes croient


qu’une théorie psychologique doit permettre de découvrir la vraie nature
des processus psychologiques et des liens associés (p.ex. : de cause à effet),
afin de prédire ce que les êtres humains feront dans différentes circonstances.
Dans ce schème, l’esprit est comparé à une machine. Les pensées
« dysfonctionnelles » et émotions « problématiques », peuvent être réparées,
modifiées ou supprimées.
Les contextualistes, de leur côté, croient qu’il n’est pas possible de
connaître la réalité objective de façon définitive, entre autres parce qu’il peut
se produire des erreurs de perception, de mesure, d’interprétation des données
sur l’objet que le scientifique (ou le clinicien) tente d’étudier. Les théories
scientifiques ne nous permettent pas de connaître la « Vérité avec un grand
V », mais elles peuvent organiser notre façon d’appréhender le monde afin
d’agir de façon efficace. Elles sont « vraies » si elles permettent de prédire et
de modifier le comportement humain (c’est le contextualisme fonctionnel).
La vérité objective est hors d’atteinte, car tout dépend du contexte au sein
duquel un comportement est produit. Par exemple, en préparation à un
examen, un étudiant anxieux se dit : « Je n’y arriverai pas à temps. » Cette
pensée peut, à première vue, paraître irrationnelle ou inefficace. Cependant,
en tenant compte du contexte et de l’effet qu’une pensée produit (sa fonction),
le thérapeute pourrait découvrir que cette pensée est efficace puisqu’elle aide
l’étudiant à trouver la motivation et l’énergie nécessaires pour se mettre en
action. Dans l’ACT, les pensées et les émotions ne sont donc plus des symp-
tômes dont il faut se débarrasser pour bien vivre, mais plutôt des expériences
normales qui ne peuvent être séparées de leur contexte d’apparition.

LA THÉORIE DES CADRES RELATIONNELS


La TCR (théorie des cadres relationnels) est une théorie comporte-
mentale du langage et de la cognition chez l’humain. Elle considère que le
langage, un comportement verbal, est un comportement opérant. Ce que
l’on fait, dit ou pense est influencé par ce qui a été renforcé dans des cir-
constances similaires passées. Alors que Skinner (1957) considérait que le
comportement verbal était un opérant comme les autres, Hayes, Blackledge
et Barnes-Holmes (2001) le décrivent comme un opérant relationnel. Le
langage crée constamment des liens entre les stimuli (objets, personnes,
pensées, souvenirs, émotions, etc…) qui modifient la façon de percevoir et
de réagir à ces mêmes stimuli. Ces liens, appelés « cadres », sont hiérarchiques,
temporels, d’opposition, de distinction, de comparaison, etc. Par relation
d’équivalence, une image ou une pensée peut engendrer la même émotion
90 Pleine conscience et intervention

que l’événement auquel il se réfère parce que la fonction du stimulus est


transférée de l’objet au mot qui sert à le décrire. Un individu peut donc
tenter d’échapper aux pensées ou aux émotions désagréables de la même
façon qu’il éviterait les lieux d’un accident, par exemple. Aussi, par relation
d’opposition, un sentiment de souffrance peut être déclenché par l’évocation
d’un événement heureux. En effet, un patient pourrait se dire : « Je me sens
enfin bien », puis se sentir anxieux en ayant la pensée : « Et si jamais cela ne
durait pas ? ». L’élaboration verbale ou le langage rend presque impossible
l’évitement des événements psychologiques puisque ces stimuli peuvent être
mis en relation à l’infini, de façon totalement arbitraire.
Le langage met en lien des stimuli de façon à changer leurs fonctions.
L’application de dérivations logiques simples à des stimuli permet d’en arriver
à des conclusions inexactes, abstraites et ténues. Par exemple, « les élèves
intelligents ont de bonnes notes », « les élèves avec de mauvaises notes sont
inférieurs », « j’ai eu une mauvaise note », « Julie a eu une bonne note ». Par
processus de dérivation, l’individu en vient à conclure : « je ne suis pas intel-
ligent », « je suis inférieur », « je suis moins intelligent que Julie ». Les individus
apprennent donc à évaluer leurs expériences de façon arbitraire (p. ex., « Les
femmes qui n’ont pas de conjoints sont indésirables. ») et agissent comme si
ces évaluations et ces règles étaient une vérité absolue (par exemple, se juger
parce qu’on se croit indésirable). Comme le langage est omniprésent et aide
à résoudre plusieurs problèmes, les êtres humains en viennent à surestimer le
caractère véridique de leurs pensées. Le langage a souvent plus d’influence
que l’expérience directe, même lorsque celle-ci contredit les pensées. Par
exemple, une personne peut se croire indésirable, même si elle reçoit fréquem-
ment des compliments sur son apparence. Selon la TCR, le langage permet
d’effectuer de façon formelle et abstraite des liens rapides entre les stimuli, ce
qui permet d’agir de façon efficace. Elle le fait en : 1) dérivant des relations
entre les événements (par exemple, intelligence = avoir de bonnes notes) ;
2) créant des liens entre eux dans de vastes réseaux relationnels (par exemple,
« Julie a de bonnes notes », « j’ai une moins bonne note », « elle est plus intel-
ligente que moi ») et 3) transférant les fonctions entre les événements reliés
(par exemple, la mauvaise note crée la même émotion que par la pensée « je
ne suis pas intelligente »). C’est la base du langage humain et des cognitions.
Par contre, cette faculté cognitive peut également augmenter la détresse et
entraîner un comportement inflexible et inefficace.
La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) 91

L’ÉVITEMENT EXPÉRIENTIEL : UN FACTEUR COMMUN AUX


PSYCHOPATHOLOGIES
L’évitement expérientiel est un facteur commun à diverses psychopa-
thologies comme l’anxiété ou la dépression (Hayes et coll., 2006 ; Ruiz,
2010). Il s’agit de la tendance à éviter d’entrer en contact avec ses pensées,
images mentales, souvenirs, émotions ou sensations physiques difficiles. Par
exemple, un patient pourrait consommer de l’alcool de façon excessive afin
d’échapper à de pénibles souvenirs d’abus. La recherche démontre que tenter
de supprimer les pensées et les émotions amène un « effet rebond » (les
expériences reviennent sans cesse avec une fréquence et une intensité plus
grandes ; Wenzlaff et Wegner, 2000).
L’évitement expérientiel conduit à la rigidité comportementale : à force
de limiter le contact avec les émotions et les pensées désagréables, une per-
sonne tend à restreindre son répertoire comportemental. Une personne
anxieuse qui tente de contrôler ses craintes ou ses inquiétudes ou bien d’y
échapper dès qu’elles surviennent parviendra de moins en moins à agir en
direction de ce qui compte pour elle. Agir dans le but d’éviter les expériences
internes plutôt que de progresser vers l’accomplissement de ses valeurs et
objectifs finit par nuire considérablement à la qualité de vie. Le modèle de
l’ACT soutient que la majorité des troubles psychologiques sont le produit
de cette perte de variabilité comportementale et psychologique.
La fusion cognitive est la propension à considérer ses pensées de façon
littérale et à y réagir automatiquement (Blackledge, 2015). Par exemple, un
patient ayant un trouble obsessionnel compulsif se dit après avoir touché
une poignée de porte : « J’ai les mains sales, je dois les laver afin de prévenir
une maladie » et il accomplit son rituel. Ce raccourci est un phénomène
naturel inhérent aux processus cognitifs. Dans ce cas-ci, le contenu psycho-
logique domine le comportement, c’est-à-dire que l’individu agit en fonction
de ses pensées même lorsque ses actions sont contreproductives. Lorsque
l’individu adhère à certaines règles renforcées socialement (p. ex., « l’anxiété
est dangereuse », « je dois contrôler mes émotions »), la fusion cognitive peut
mener à l’évitement expérientiel. Le modèle thérapeutique de l’ACT vise
notamment à réduire l’emprise de ces deux processus centraux.

LE MODÈLE THÉRAPEUTIQUE DE L’HEXAFLEX


L’hexaflex représente les six processus travaillés au sein d’une thérapie
ACT pour favoriser la flexibilité psychologique. Tel qu’il est illustré à la
Figure 1, il repose sur trois axes thérapeutiques. Le premier axe (ouvert) met
l’accent sur l’ouverture à l’expérience par l’acceptation des symptômes
92 Pleine conscience et intervention

douloureux et la défusion des pensées qui leur sont associées. Le deuxième


axe (conscient) favorise la présence à l’expérience, c’est-à-dire le contact avec
l’instant présent, le développement de la flexibilité attentionnelle et le
changement de perspective face à ses propres événements psychologiques
par le soi comme contexte. Le troisième axe (engagé) vise l’identification et
la clarification des valeurs ainsi que l’engagement de la personne dans des
actions qui lui sont importantes (Monestès et Villatte, 2011). Ce modèle
constitue le socle sur lequel repose l’évaluation du patient et les interventions
thérapeutiques.
En psychothérapie, les processus psychologiques de l’ACT sont mis
en avant par le biais d’exercices expérientiels, de métaphores, de paradoxes
et d’enseignements psychoéducatifs. L’approche expérientielle implique un
apprentissage qui repose sur un contact direct avec les antécédents (déclen-
cheurs) et les conséquences de ses comportements (Villatte, Villatte, et
Hayes, 2015). En d’autres mots, au lieu d’expliquer notre compréhension
ou de parler de l’ACT (un apprentissage basé sur des règles selon la TCR),
le patient est amené à s’exposer directement aux éléments de son contexte
interne et externe (pensées, émotions, actions et conséquences). Les méta-
phores et exercices expérientiels, par exemple, fournissent un apprentissage
puissant sur les plans émotionnel et perceptuel et permettent d’explorer de
nouvelles façons d’agir et de penser. Dans son arsenal technique, le théra-
peute qui utilise l’ACT peut emprunter des méthodes et des techniques
appartenant à d’autres approches thérapeutiques (gestalt, thérapie centrée
sur les solutions, TCC traditionnelle) et à des traditions orientales (comme
le bouddhisme). Ces méthodes sont toutefois adaptées au contexte du
modèle de l’hexaflex et s’inscrivent donc dans une conceptualisation
différente.
Quand un thérapeute se familiarise avec l’ACT, il intervient sur la
plupart ou sur tous les processus de l’hexaflex dans la majorité ou toutes les
séances. Les protocoles traditionnels de l’ACT recommandent l’ordre
suivant :
–– Défusion et acceptation
–– Moment présent et flexibilité attentionnelle
–– Soi comme contexte
–– Valeurs et actions engagées
Il s’agit d’un moyen commode de décrire les processus ciblés de façon
prioritaire à chaque séance. Cependant, il est difficile d’imaginer une séance
purement centrée sur l’acceptation sans aborder les valeurs et vice-versa,
La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) 93

Figure 1
Hexaflex de l’ACT (adapté de Harris, 2009; Flaxman, Blackledge et
Bond, 2011; Flaxman, Bond et Liveheim, 2013; Hayes et coll., 2012)

Pleine conscience : Clarifier les valeurs et passer à l’action :

• Entraîner à la conscience du moment • Définir ses valeurs


présent • Agir consciemment dans le sens des
• Remarquer et se détacher des barrières valeurs
qui empêchent d’agir selon les valeurs • Considérer les valeurs comme un guide
• Renforcer le soi résilient dans la vie quotidienne

Contact avec le moment présent

Acceptation (6) en ce moment, dans cette situation? Valeurs

(2) Êtes-vous prêt à Être dans l’ici et maintenant (5) des valeurs que
accepter cette vous avez choisies?
émotion
Savoir ce qui
complètement et
compte
sans vous
défendre?
Flexibilité
psychologique
Défusion Être présent, ouvert et Action engagée

(3) telle quelle et faire ce qui compte (4) et faire ce qu’il


pas pour ce qu’elle faut pour aller dans
dit qu’elle est le sens

Observer la pensée Faire ce qui

Soi comme contexte

(1) Étant donnée la distinction entre vous


et la chose contre laquelle vous luttez
et que vous essayez de changer

Conscience pure

1. Ouvert 2. Conscient 3. Engagé


94 Pleine conscience et intervention

étant donné l’interrelation entre les processus et la nécessité d’être flexible


dans l’application du modèle. Avec des clientèles comme les couples, les
patients qui assimilent bien ainsi que les patients non volontaires ou non
motivés, Harris (2009) recommande de commencer le travail thérapeutique
avec les valeurs et les actions engagées. Effectuer un travail sur les valeurs
en début de traitement peut, en effet, améliorer la motivation du patient,
favoriser l’activation et l’exposition aux sensations redoutées. Dans la pro-
chaine section, nous décrirons les processus de l’hexaflex ainsi que le rôle
de la pleine conscience dans l’ACT.

LE RÔLE DE LA PLEINE CONSCIENCE DANS L’ACT


La pleine conscience (c’est-à-dire, le fait de porter une attention d’une
manière particulière, délibérément, dans le moment présent et sans juge-
ment, selon Kabat-Zinn, 2009) est un outil central dans l’ACT. Dans ce
modèle, la pleine conscience peut être comprise comme la convergence des
axes 1 et 2, soit des quatre processus de la partie gauche de la Figure 1 :
l’acceptation, la défusion, le soi contexte et le moment présent. Expliquons
d’abord ces processus qui peuvent se développer notamment au moyen de
la pleine conscience.

L’ACCEPTATION VS L’ÉVITEMENT EXPÉRIENTIEL


Le thérapeute cible l’acceptation lorsque l’évitement expérientiel
empêche l’individu d’agir en fonction de ses valeurs. Il s’agit de permettre
aux pensées et aux émotions d’être ce qu’elles sont, peu importe si elles sont
plaisantes ou déplaisantes. Comme il est impossible de se débarrasser des
pensées et des émotions (comme nous l’enseigne la recherche), il vaut mieux
apprendre à réagir différemment. Le thérapeute invite l’individu à être en
contact direct avec les événements internes (par exemple, l’anxiété ou la
douleur) sans chercher à en modifier la forme ou tenter d’en diminuer
l’intensité. C’est un comportement intentionnel qui modifie la fonction
des expériences internes : ces dernières ne sont plus des événements à éviter,
mais plutôt des objets à observer avec intérêt, qui accompagnent de façon
inévitable l’action engagée. La pleine conscience est, à certains égards, un
acte d’acceptation (Wilson et Dufrene, 2015). La posture non jugeante de
la pleine conscience est reprise dans la dimension d’acceptation de l’ACT.
Si l’individu tient absolument à contrôler les symptômes, le thérapeute
peut avoir recours au « désespoir créatif » (Hayes et coll., 2012) pour per-
mettre à l’individu de cheminer vers l’acceptation des expériences externes
et internes, tout en laissant de côté ses stratégies excessives de contrôle. Par
La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) 95

le questionnement socratique, le thérapeute peut explorer : 1) les stratégies


passées ; 2) l’efficacité de ces stratégies pour atteindre ses buts (qualité de
vie) ; 3) les coûts associés à ces stratégies. Le Tableau 1 ci-dessous présente
quelques méthodes d’acceptation.
Tableau 1
Méthodes d’acceptation
Méthodes d’acceptation
1. Objectiver une émotion : le thérapeute invite le patient à penser à un pro-
blème, à noter les émotions et les sensations physiques associées, à imaginer
sortir l’émotion de son corps pour pouvoir la contempler sur le sol devant
lui, à imaginer qu’elle a une couleur, une forme, une texture, à noter la
réaction face à l’émotion, à la placer à côté de l’objet initial et à la réintégrer
à l’intérieur de son corps.
2. Respirer à l’intérieur de cette sensation. C’est comme si l’air y entrait et en
sortait.
3. Noter où se trouve cette sensation. Noter où elle est la plus intense. Noter
les points chauds et les points froids. Noter les différentes nuances dans la
sensation.
4. Poser une main sur la partie du corps où la sensation est la plus intense.
Imaginer que c’est une main guérisseuse – Envoyer de la chaleur sur cette
zone pour s’ouvrir à elle, lui faire de la place, la prendre avec douceur.
5. Observer où se trouve cette sensation dans le corps. Se concentrer sur elle.
L’observer comme un scientifique qui découvre une nouveauté.

DÉFUSION VS FUSION COGNITIVE


Il y a fusion cognitive lorsque l’individu est prisonnier de ses pensées
et qu’elles déterminent son comportement. Par exemple, une personne
présentant un trouble panique évite de sortir, car elle est convaincue que
ses palpitations cardiaques indiquent qu’elle fait une crise cardiaque, et ce,
malgré plusieurs examens négatifs. Le thérapeute cherche à transmettre
l’idée selon laquelle les pensées ne sont que des pensées, plutôt que le reflet
exact de la réalité. Pour ce faire, au lieu de chercher à confronter ou à remettre
en question les pensées du patient, le thérapeute cherche à modifier le rapport
avec les pensées (par exemple, en contemplant la pensée sans y donner suite,
ajouter le syntagme « j’ai souvent la pensée que je fais une crise cardiaque, mais
ce n’est qu’une pensée »). En diminuant l’attachement au contenu littéral
des pensées et en cultivant une distance entre l’individu et le contenu psy-
96 Pleine conscience et intervention

chologique, la défusion permet à l’individu d’agir de façon flexible même


en présence de pensées désagréables.
La pleine conscience est, en soi, une stratégie de défusion. Elle favorise
l’observation des pensées sans se laisser « hameçonner » par elles. Pour l’ACT,
il y a plusieurs façons de parvenir à la défusion, sans méditer formellement.
Le Tableau 2 présente quelques méthodes de défusion.
Tableau 2
Les techniques de défusion

Méthodes de défusion
1. Modifier les paramètres du discours et le style : Répéter une pensée problé-
matique à voix haute pendant 30 secondes, jusqu’à ce que l’on n’entende
que le stimulus auditif. Il est possible de répéter la pensée en imitant un
personnage de bande dessinée (par exemple, Minnie Mouse) ou en chantant
sur un air connu (par exemple, sur l’air de « Joyeux anniversaire »).
2. Remplacer « mais » par « et » (par exemple, « Je veux commencer mon pro-
gramme de marche, et je n’ai pas d’énergie » au lieu de « Je veux commencer
mon programme de marche, mais je n’ai pas d’énergie »). Remarquer l’impact
différent de chacun des énoncés.
3. Traiter la pensée comme un objet externe en lui conférant une forme, une
taille, une couleur, etc.
4. Remercier votre esprit pour la pensée. Après tout, il est là pour assurer votre
survie.
5. Traiter l’esprit comme une entité distincte de soi. Parler du cerveau en ces
termes : « Le cerveau invente des histoires » ; « Le cerveau est une machine à
penser » ; « Le cerveau aime les histoires d’horreur » ; « Et que répond votre
cerveau ? » etc.
6. Imaginer que les pensées sont comme des passagers turbulents dans un
autobus. Ils peuvent être bruyants et tenter de vous dire quoi faire et où aller
mais vous seul avez le volant.
7. « J’ai la pensée » : Noter la pensée (par exemple, « je suis X ») puis ajouter « j’ai
la pensée que je suis X » puis ajouter « j’observe que j’ai la pensée que je suis
X ». Cet exercice crée une distance avec les pensées.

La défusion cognitive requiert la création de contextes non verbaux,


non évaluatifs et qui diminuent les fonctions de régulation inutiles des
événements cognitifs. Autrement dit, en observant la pensée qui évolue dans
le paysage mental sans l’analyser, sans la juger, sans s’y identifier, avec curio-
sité et ouverture, l’individu parvient à la prise de conscience métacognitive
La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) 97

selon laquelle : « Les pensées ne sont que des pensées, pas des faits. » Notons
que la défusion est toujours temporaire. L’individu répète donc le processus
(prendre du recul, se désengager de la pensée) lorsque la pensée est un
obstacle et lorsqu’elle l’empêche d’agir de façon habile. Il apprend ainsi, de
façon expérientielle, que les pensées ne contrôlent pas les actions.

LE CONTACT FLEXIBLE AVEC LE MOMENT PRÉSENT VS


LES PENSÉES ORIENTÉES VERS LE FUTUR OU LE PASSÉ
Un meilleur contact avec le moment présent peut contrer les processus
de fusion et d’évitement expérientiel. Il permet d’accueillir les expériences
avec ouverture et de créer cette distanciation au regard des pensées. L’individu
est amené à orienter son attention de façon intentionnelle et flexible sur le
monde psychologique interne et externe, instant après instant, et ce, sans
porter de jugement (Hayes et coll., 2013). On fait intervenir le « soi comme
contexte », la capacité d’observer et de décrire, sans jugement des pensées,
des émotions et des sensations corporelles. Le contact avec le moment présent
permet l’apprentissage par l’expérience directe, plutôt que d’apprendre par
des règles verbales parfois rigides.
À l’opposé, les inquiétudes (par exemple, « Et si je n’y arrivais pas ? »),
exemples de pensées axées sur le futur, et les ruminations (« Pourquoi ai-je
agi ainsi ? »), souvent centrées sur le passé, tendent à interrompre le contact
avec le moment présent. Selon l’ACT, ces processus psychologiques contri-
buent au développement de la rigidité et de l’inflexibilité attentionnelle.
La pleine conscience est l’une des interventions les plus directes pour
induire le contact avec le moment présent. Les exercices de méditation
peuvent favoriser ce contact. Par exemple, la centration sur la respiration
invite le patient à focaliser son attention sur la sensation de la respiration
et à décrire les sensations corporelles associées. L’ACT intègre des méthodes
de méditation en pleine conscience comme la marche consciente, le balayage
corporel, la pleine conscience des pensées, etc.

SOI COMME CONTEXTE VS SOI CONCEPT


Le soi comme contexte, ou soi observateur, est un point de vue à partir
duquel l’individu peut observer les pensées et les émotions, un espace où
ces éléments internes peuvent évoluer sans le dominer. On accède à cet
espace psychologique en « remarquant qu’on remarque » ou en étant
« conscient d’être conscient ». C’est une forme de « conscience pure » qui
facilite l’acceptation pour l’individu qui craint les expériences internes et
favorise la défusion lorsque l’individu est fusionné au soi concept (c’est-à-
98 Pleine conscience et intervention

dire l’idée que je me fais de moi-même : « Je ne suis pas mes pensées », « Les
expériences ne me définissent pas »). Elle permet également le choix conscient
et l’action efficace en offrant un espace où les pensées et les émotions ne
contrôlent pas les actions. Le soi comme contexte augmente la tolérance à
la détresse. Les expériences étant moins menaçantes, l’individu n’a plus
besoin d’avoir recours à l’évitement expérientiel ou au contrôle excessif et
peut faire preuve de flexibilité psychologique. La pleine conscience peut
être un moyen puissant de développer le sentiment de soi qui est indépendant
du contenu de la conscience. Il permet de développer une position témoin
ou d’observateur face aux pensées, aux sensations et aux émotions. Tel qu’il
est présenté au Tableau 3, différentes métaphores et techniques peuvent être
utilisées :
Tableau 3
Méthodes pour développer le soi comme contexte
Méthodes pour développer le soi comme contexte
1. La métaphore de la lampe qui éclaire des meubles dans une pièce noire. La
lampe est le soi comme contexte (celui qui remarque), la lumière est le soi
comme processus (processus d’observation et de description) et les meubles
sont le soi concept (ma définition de moi-même).
2. La métaphore du ciel (soi comme contexte) et de la météo (soi concept).
3. La métaphore de l’échiquier : les pièces blanches sont les pensées positives
(par exemple, « je suis un gagnant »), les noires sont les pensées négatives (« je
suis un échec »). La lutte entre les deux équipes peut requérir beaucoup
d’énergie et gaspiller beaucoup de temps. Le soi comme contexte est l’échi-
quier qui n’est pas impliqué dans la bataille, qui offre un espace pour ces
échanges et qui reste en contact intime avec toutes les pièces.
4. La métaphore de la scène où évoluent les acteurs (pensées, émotions, sensa-
tions physiques). Le soi comme contexte observe la scène de son siège, comme
un spectateur.

Les deux processus de l’axe 3, les valeurs et l’action engagée, sont


moins directement reliés à la pleine conscience. Ils permettent d’opérer des
changements concrets dans la vie de la personne par un ensemble d’actions.
L’ACT, comparativement à d’autres approches de pleine conscience comme
le MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction ; Kabat-Zinn 2009) et le
MBCT (Mindfulness-Based Cognitive Therapy ; Segal et coll., 2012), accorde
un rôle plus important à ce volet de l’intervention. Voyons maintenant
comme définir les valeurs et les actions engagées.
La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) 99

CLARTÉ DANS LES VALEURS VS UNE ABSENCE DE SENS


Les valeurs représentent ce que l’individu aimerait accomplir, ce qui
est important pour lui, comment il aimerait agir au quotidien. Elles repré-
sentent les principes directeurs qui le guident et qui le motivent dans sa vie.
Ce sont les qualités choisies qui déterminent les actions intentionnelles de
l’individu. Elles sont le moteur de l’action, facilitent l’acceptation et guident
l’individu dans la planification d’une vie satisfaisante et empreinte de sens.
Elles permettent de clarifier les choix à faire dans différents domaines (par
ex. famille, carrière, spiritualité). Le Tableau 4 décrit quelques questions qui
aident à identifier les valeurs personnelles.
Tableau 4
Questions clés pour évaluer les valeurs
Questions clés pour évaluer les valeurs
• Quelles sont les choses qui sont importantes pour vous ?
• Qu’est ce qui compte dans la vie ?
• Dans quelle direction souhaitez-vous vous diriger ?
• Qu’est-ce qui vous nourrit ? Qu’aimez-vous faire ? Pensez à des moments où
vous vous sentiez engagé, en vie…
• Que feriez-vous s’il n’y avait pas d’obstacles ?
• Lors de votre anniversaire de 80 ans, lors de vos funérailles, qu’aimeriez-vous
qu’on dise de vous ? De ce qui vous tenait à cœur ?
• Si vous aviez 24 heures à vivre, que feriez-vous ? Qui visiteriez-vous ?
• Si vous héritiez d’une fortune, que feriez-vous avec, à quelles activités vous
adonneriez-vous, avec qui ?
• Quelles sont vos forces et qualités ? Quelles nouvelles qualités aimeriez-vous
acquérir ?
• Si vous atteigniez ce but, comment changeriez-vous ? Que feriez-vous diffé-
remment ? Comment agiriez-vous avec votre entourage ?
• Si ces pensées, émotions, sensations physiques disparaissaient, que feriez-vous
plus souvent ? Moins souvent ?
• Que détestez-vous chez les autres ?
• Quel était votre rêve lorsque vous étiez enfant ?
• Qui sont les personnes qui vous inspirent ? Quelles qualités admirez-vous
chez ces personnes ?

Afin de clarifier les valeurs, le thérapeute peut utiliser des question-


naires et des formulaires (par exemple, « la cible », « le compas de vie »,
« Valued living Questionnaire », « Valued action Inventory », « List of
common values »). Il peut aussi inviter l’individu à choisir, par exemple,
100 Pleine conscience et intervention

dans un paquet de cartes qui représentent des valeurs par des images, les
trois qui correspondent aux valeurs les plus importantes pour lui en lui
demandant les questions suivantes :
–– Qu’est ce qui est important pour vous ?
–– Quel sens aimeriez-vous donner à votre vie ?
–– Si vous pouviez changer une chose dans votre vie, qu’est-ce que ce
serait ?
Le thérapeute débusquera également les règles qui mènent à des choix
basés sur l’évitement, la soumission sociale (« je devrais valoriser ceci ou
cela ») ou la fusion afin d’aider l’individu à choisir les valeurs qui lui tiennent
réellement à cœur.

ACTION ENGAGÉE VS INACTION/IMPULSIVITÉ


L’ACT préconise la mise en place d’actions de plus en plus diversifiées,
guidées et motivées par les valeurs. L’individu agit de façon flexible, s’adapte
aux défis présentés par la situation en persistant dans son comportement
ou en le modifiant selon le contexte, et il fait ce qu’il faut pour vivre en
fonction de ses valeurs. Le Tableau 5 présente une façon de concrétiser les
valeurs en action.
Tableau 5
Un plan d’action pour une meilleure qualité de vie (Dionne, 2014)
Un plan d’action pour une meilleure qualité de vie
Quelles sphères de votre vie aimeriez-vous approfondir dans les prochaines
semaines ? La famille, les relations intimes, les amis, le travail, la santé, les
loisirs.
Suivez les étapes suivantes :
a. Nommez les qualités personnelles que vous voulez développer dans cette
sphère de vie.
b. Établissez un objectif à court terme (à l’intérieur d’une année) et/ou à long
terme (plus d’un an).
c. Rappelez-vous la méthode SPORT (Spécifique, Positif, Observable, Réaliste,
Temporel). Dressez une liste de plusieurs actions que vous pourriez entre-
prendre pour avancer dans la direction de votre objectif et de votre valeur.
d. Hiérarchisez le niveau de difficulté que représente chaque action. Classez-les
en ordre croissant, de la plus facile à la plus difficile.
e. Choisissez une action pour aujourd’hui ou cette semaine, peut-être celle qui
représente un niveau de difficulté accessible. Passez à l’action !
La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) 101

En somme, dans l’ACT, la méditation est considérée comme une


méthode de développement des habiletés de pleine conscience parmi
d’autres. Elle sert à favoriser la résilience, à diminuer l’évitement e­ xpérientiel,
à promouvoir la défusion et à permettre à l’individu de continuer de
construire une vie qui vaut la peine d’être vécue. Le but n’est pas de diminuer
les pensées et les émotions indésirables, d’atteindre un état de relaxation ou
d’utiliser la pleine conscience en toutes circonstances. Les exercices
demeurent souvent brefs alors que les méditations formelles proposées dans
les ateliers de MBCT et de MBSR sont d’une durée d’environ 45 minutes.

BRÈVE RECENSION DES ÉCRITS SUR L’APPLICATION DE


L’ACT À DES PROBLÈMES CLINIQUES
Il existe actuellement près de 170 essais cliniques aléatoires (ECA)
dans le domaine de la thérapie ACT1. La Division 12 de l’APA (American
Psychological Association), la considère comme une psychothérapie « empi-
riquement validée ». Elle considère qu’elle est un traitement établi appliqué
en cas de douleur chronique, compte tenu du nombre d’études concluantes
et de leur qualité méthodologique, et qu’elle est probablement efficace pour
l’anxiété mixte (plusieurs types de troubles anxieux, syndromaux et subsyn-
dromaux, traités dans la même étude) ; le trouble obsessionnel compulsif ;
l’abus de substances et les troubles psychotiques. L’ACT s’applique également
à l’acouphène, au stress en milieu de travail, à la trichotillomanie, au surplus
de poids, aux troubles alimentaires et à la dépendance au tabac (A-Tjak et
coll., 2015 ; Hayes et coll., 2006 ; Öst, 2014). Une majorité d’études porte
sur la population adulte, mais de plus en plus de recherches s’intéressent
aux enfants et aux adolescents (p. ex., Swain, Hancock, Dixon, et Bowman,
2015). Des méta-analyses d’études cliniques aléatoires rapportent un effet
d’ampleur de petit à large sur les échelles de mesure à la fin du traitement
et au suivi (A-Tjak et coll., 2015 ; Hayes et coll., 2006 ; Öst, 2014). La
méta-analyse de Hacker et de ses collègues (2016) portant sur 46 études
cliniques aléatoires (ECA) rapporte une ampleur d’effet modérée sur l’anxiété
et la dépression. Par contre, il n’est pas possible de conclure que l’ACT est
plus efficace que des traitements actifs (comme la TCC traditionnelle) pour
l’anxiété ou la dépression.
En plus des ECA, il est important de valider les mécanismes qui sous-
tendent le traitement (c’est-à-dire, la théorie), cela constituant un standard
en matière de donnée probante. L’efficacité de l’ACT et la validité de sa
théorie sont appuyées par des études corrélationnelles et de médiation (p.
1. Voir [En ligne], [http://contextualscience.org/ACT_Randomized_Controlled_Trials].
102 Pleine conscience et intervention

ex., Ruiz, 2010). En plus des études corrélationnelles, un champ de recherche


fondamentale s’est attardé à tester la théorie sous-jacente à l’ACT (Levin,
Hildebrandt, Lillis et Hayes, 2012). La recherche fondamentale s’articule
autour de deux courants. Le premier courant, qui porte sur la Théorie des
cadres relationnels, a offert une contribution substantielle en peu de temps.
Selon Dymond, May, Munnelly et Hoon (2010), 174 articles portant sur
cette théorie ont été publiés entre 1991 et 2008 (dont 62 articles empiriques
et 112 non empiriques). Ces études appuient la théorie, même si certaines
hypothèses restent encore à être explorées. Le second courant provient de
recherches en laboratoire qui étudient les processus de la flexibilité psycho-
logique. Levin et coll. (2012) ont réalisé une méta-analyse regroupant 66
études menées en laboratoire. Ils y observent des tailles d’effet de petites à
modérées pour plusieurs processus de l’ACT (p. ex., acceptation, fusion,
valeurs), ce qui, dans ce type d’étude, est acceptable. Ces résultats appuient
donc également la théorie sous-jacente à l’ACT. En somme, bien que d’autres
travaux soient nécessaires afin d’évaluer l’approche, l’ACT bénéficie d’un
appui empirique solide sur les plans théorique et clinique.

CONCLUSION
Contrairement aux thérapies cognitivo-comportementales tradition-
nelles, les thérapies basées sur l’acceptation et la pleine conscience ne
cherchent pas à modifier directement les pensées même si elles sont biaisées
ou dysfonctionnelles. L’ACT, une des thérapies prototypiques de ce mou-
vement, est une thérapie expérientielle qui amène les patients à entrer en
contact avec leurs expériences personnelles au moment présent, sans s’y
identifier, sans tenter de les contrôler, afin de leur permettre de poser des
actions concrètes et de vivre conformément à leurs valeurs. Dans ce modèle,
les émotions, les pensées et les sensations aversives sont des événements
psychologiques transitoires inconfortables qui n’ont pas à dicter le compor-
tement et qui font partie de la vie. Comme le mentionne Harris (2009) :
« Il ne s’agit pas de se sentir bien, mais de se sentir vivant » (p. 82).
La pleine conscience est utilisée dans l’ACT pour soutenir certains
processus thérapeutiques dont la défusion cognitive, l’acceptation, le contact
flexible avec le moment présent et le soi comme contexte. Elle permet
d’augmenter la résilience, de contrer l’évitement expérientiel, de comprendre,
par la distanciation, que les pensées ne sont que des pensées et non des faits
et de permettre à l’individu de continuer à construire une vie qui vaut la
peine d’être vécue. Le but n’est pas de diminuer les pensées et émotions
indésirables, d’atteindre un état de relaxation ou de cultiver la pleine
La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) 103

conscience en toutes circonstances. Dans cette approche, la méditation n’est


qu’une méthode de développement des compétences pratiques de pleine
conscience parmi d’autres. Avant tout, il est primordial que l’individu puisse
poser des actions concrètes pour améliorer sa qualité de vie.

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