IST21001
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et de SCIENCES COGNITIVES
Rédacteurs en chef :
PHILIPPE R. RICHARD, LAURENT VIVIER
Volume 26 - 2021
IREM de Strasbourg
Université de Strasbourg
ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES
ISSN 0987 – 7576
Rédacteurs en chef
Philippe R. RICHARD, Université de Montréal, Montréal, Canada
Laurent VIVIER, Université Paris Diderot, Paris, France
Conseillers scientifiques
Raymond DUVAL Alain KUZNIAK
Lille, France Université Paris Diderot, Paris, France
Athanasios GAGATSIS Eric RODITI
Université de Chypre, Nicosie, Chypre Université Paris Descartes, Paris, France
Comité de rédaction
Alain BRONNER Asuman OKTAÇ
Université de Montpellier, France CINVESTAV, Mexico, Mexique
Lalina COULANGE Luis RADFORD
Université de Bordeaux, France Université Laurentienne, Sudbury, Canada
Iliada ELIA Jean-Claude REGNIER
Université de Chypre, Nicosie, Chypre Université Lumière, Lyon, France
Cécile De HOSSON Maggy SCHNEIDER
Université Paris Diderot, Paris, France Université de Liège, Belgique
a
Inés M GOMEZ-CHACON Denis TANGUAY
Université Complutense, Madrid, Espagne Université du Québec à Montréal, Canada
Nadia HARDY Laurent THEIS
Université Concordia, Montréal, Canada Université de Sherbrooke, Canada
Fernando HITT Carl WINSLØW
Université du Québec à Montréal, Canada Université de Copenhague, Danemark
Catherine HOUDEMENT Moncef ZAKI
Université de Rouen, France Université de Fès, Maroc
Maria Alessandra MARIOTTI
Université de Sienne, Italie
Éditeur Bibliothèque
IREM de Strasbourg – Université de Strasbourg Christine CARABIN
7, rue René Descartes 67084 Strasbourg CEDEX Tél : +33 (0)3 68 85 01 61
Tél. : +33 (0)3 68 85 01 30 http://irem.unistra.fr
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ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES
VOLUME 26 – 2021
SOMMAIRE
ÉDITORIAL……………………………….............................................. 7
Cette année encore nous avons vécu au rythme d’une crise sanitaire qui s’accroche
et qui a copieusement bouleversé nos habitudes de travail. S’il est évident que la
recherche sur le terrain a quelque peu souffert de la pandémie, surtout au sein des
écoles, de nouvelles avenues se sont ouvertes avec le télétravail et les approches
mixtes. Certes, ces changements nous ont obligés à une grande souplesse
d’adaptation avec, pour beaucoup, une surcharge de travail. Mais pour certains, la
période a permis de faire évoluer ou de faire des projets ou d’initier des études sur
des sujets que l’on souhaitait préciser depuis un certain temps. L’année 2021 se
caractérise par une sorte d’exacerbation du tout au numérique pour lequel les
conséquences demeurent difficiles à prévoir. Au point qu’on se demande
régulièrement qui préside à l’enseignement et à l’apprentissage des mathématiques
d’aujourd’hui, ballotés sans relâche entre la tradition, les moyens numériques et
l’incontournable quête des connaissances. On pourrait craindre qu’une perte de nos
références communes nous guette dans l’ombre d’un doute, mais il faut plutôt y voir
le fait d’un moment privilégié où l’innovation et la découverte d’un vaste espace de
possibilité nous obligent à repenser ce qui hier nous semblait pourtant si évident.
Les projets des Annales de didactique et de sciences cognitives sont bien en selle. Le
dossier du portail de publication OpenEdition Journals (OEJ), visant à favoriser
l’accès ouvert des articles de nos auteurs ainsi que la valorisation de la recherche
d’information induite par le numérique, notamment par un référencement
systématique, devrait voir le jour en cette fin d’année 2021. Si ce nouvel accès en
ligne n’a pas d’incidence particulière sur le site Web habituel de la revue, hébergé
par l’Université de Strasbourg, il rend caduque l’intérêt d’avoir des sites miroirs sur
des serveurs de l’Université de Paris et de l’Université de Montréal. Dans le
catalogue de OEJ, les Annales seront bientôt visibles et accessibles à l’adresse
https://www.openedition.org/33742.
Quant à l’autre grand dossier, celui sur les publications thématiques, il s’est enrichi
d’un nouveau projet. Alors que le numéro spécial intitulé Les pratiques de formation
à l’enseignement des mathématiques, coordonné par Valentina Celi, Caroline Lajoie
et Frédérick Tempier, sortira au cours de l’année universitaire, une publication dans
la foulée des Rendez-vous en didactique, recherches, dialogues et plus si affinités…,
organisées par le Laboratoire de Didactique André Revuz à la fin du printemps 2022,
est en cours de préparation. Les articles du numéro spécial, inspirés des conférences
plénières du colloque, portera sur des thématiques importantes de la didactique des
mathématiques et des sciences. Comme toujours, nous profitons de l’éditorial pour
renouveler notre appel à des numéros spéciaux. N’hésitez pas à communiquer avec
la rédaction scientifique des Annales pour nous faire part de vos projets.
Nous devons remercier l’équipe de l’IREM de l’Université de Strasbourg, et de son
UFR de mathématique et d’informatique, pour leur soutien à la publication et à la
diffusion. Nous tenons également à rappeler l’importance du travail bénévole pour
la publication des Annales. Que ce soit les auteurs, les nombreux rapporteurs, le
comité de rédaction et les autres responsables, tous participent d’un même
mouvement pour nous amener invariablement à un numéro de la qualité. Toutefois,
ce chemin n’est jamais déterminé à l’avance : il avance par boucles interactives entre
les auteurs et tous ceux qui prennent soin de réviser les textes, les boucles se
resserrent et convergent à des rythmes différents jusqu’à la publication de l’article
que le lecteur a sous les yeux. Dans ce numéro 26, nous sommes heureux de vous
présenter six contributions particulièrement intéressantes.
La couverture mathématique des contributions est assez équilibrée : deux textes
portent sur l’analyse, trois composent avec la géométrie et deux autres font intervenir
l’algèbre. Les deux premiers articles abordent directement certaines questions
propres à l’acquisition des connaissances mathématiques. Il en est de même pour les
deux articles suivants, quoique les enjeux de l’enseignement et de l’apprentissage à
travers la résolution de problème et les moyens mis en place, que ce soit la
conception d’un dispositif didactique ou celle d’un environnement informatique
pour l’apprentissage humain, se traitent conjointement aux contenus, parfois avec
une emphase spécifique sur les moyens. Pour les deux derniers articles, ce sont des
questions d’ordre sémiotique qui rejoignent les mathématiques, d’abord en se
centrant sur la substitution syntaxique d’un élément par un autre dans une expression
algébrique, ensuite en analysant le discours réflexif des enseignants dans une activité
instrumentée en géométrie.
Dans le premier texte, Sonia Maria Monteiro Da Silva Burigato, Cécile Ouvrier-
Buffet et José Luiz Magalhães De Freitas comparent le développement du concept
de limites de fonction entre la France et le Brésil à partir des schèmes des étudiants.
Le second texte, de Sophie Rousse, amène son propos sur le discret et le continu
dans l’enseignement des suites et des fonctions au lycée en France, soulignant
l’existence de continuités et de ruptures tout aussi significatives. Le troisième texte,
de Patricia Marchand, Claire Guille-Biel Winder, Laurent Theis et Teresa Assude,
aborde les difficultés d’un système didactique sur l’enseignement du volume au
primaire, montrant que l’origine des difficultés relève du projet d’enseignement, du
choix du matériel et du concept de volume. Le quatrième texte, de Sébastien Jolivet,
Elann Lesnes-Cuisiniez et Brigitte Grugeon-Allys, témoigne de la conception d’une
plateforme d’apprentissage interactive en algèbre et en géométrie, réaffirmant
l’importance du travail et de la réflexion a priori pour modéliser le raisonnement et
les parcours d’apprentissage. Le cinquième texte, de Céline Constantin, s’intéresse
à la dimension sémiolinguistique de la substitution en algèbre au collège, postulant
que si ce savoir est souvent perçu à l’école comme étant transparent, il gagne plutôt
à se considérer sous certaines conditions en tant qu’objet d’étude. Le sixième texte,
de Josep María Fortuny, Tomás Recio, Philippe R. Richard et Eugenio Roanes-
Lozano, propose une analyse du discours d’enseignants en formation issus d’un
projet d’innovation pédagogique dans lequel les enseignants sont invités à réfléchir
sur leurs acquis, dégageant plusieurs points de tension entre l’enseignement
traditionnel et celui qui utilise de façon novatrice la géométrie dynamique.
Nous vous souhaitons une excellente lecture.
L’équipe de direction scientifique des ADSC : Philippe R. Richard et Laurent Vivier
SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CÉCILE OUVRIER-BUFFET,
JOSÉ LUIZ MAGALHÃES DE FREITAS
Abstract. The levels of education and the ways to teach the limits of function are different
in France and in Brazil. However, we make the hypothesis that the schemes developed by
students regarding the concept of limit can be compared. In this article, we develop a
methodology to analyze the students' schemes involving the concept of limit of function with
two aims: to finely analyze the processes of today's students (in France and in Brazil) at the
beginning of the learning of this concept and to highlight the evolution of their schemes,
taking into account that these two countries are different in terms of the teaching of this
concept.
Résumé. Les niveaux de scolarité et les modes d’enseignement des limites de fonction sont
différents en France et au Brésil. Nous faisons l’hypothèse que les schèmes développés par
les étudiants sur ce concept peuvent cependant être comparés. Nous développons dans cet
article une méthodologie pour analyser les schèmes des étudiants sur le concept de limite de
fonction avec un double objectif : analyser finement les processus d’étudiants d’aujourd’hui
(en France et au Brésil) en début d’apprentissage du concept de limite de fonction et mettre
en évidence l’évolution des schèmes dans ces deux pays, différents quant à l’enseignement
de ce concept.
Introduction
Dans le cadre d’un travail de thèse, nous avons investigué l’enseignement et
l’apprentissage de la notion de limite de fonctions. Notre problématique était
d’enquêter sur les schèmes des élèves (Vergnaud, 1991) dans la construction du
concept de limite de fonction. Dans le cadre de cet article, nous interrogeons les
différences et les similitudes entre des élèves de deux systèmes d’enseignements
dont les approches, que nous présenterons plus loin, diffèrent quant à l’enseignement
des limites, le Brésil et la France (Burigato, 2019). En France, le concept de limite
est introduit au lycée, et, au Brésil, à l’université. Pour faciliter la lecture, nous
utiliserons dorénavant le terme générique d’étudiant.
Rappelons que le concept de « limite » est historiquement complexe et génère des
ruptures dans son apprentissage (e.g. Artigue, 1995 ; Cornu, 2002 ; Lecorre, 2016 ;
Chorlay, 2019 ; Nascimento, 2003). Ces auteurs pointent les aspects mathématiques
fondamentaux à la construction du concept de limite1, à savoir : l’ensemble R des
nombres réels est complet, ce qui apporte certaines propriétés importantes dans la
construction du concept de limite, comme les conditions de convergence des suites
(Bergé et Sessa, 2018), la quantification et la notion de variable. On peut également
noter le difficile passage discret/continu lorsque les élèves traitent des propriétés
portant sur les limites de suites puis sur les limites de fonctions (e.g. Bloch, 2017).
Les difficultés relatives à l’apprentissage du concept de limite de suites et de
fonctions, à l’université, dans différents pays, semblent stables depuis de nombreuses
années (e.g. Robert, 1982 ; Cornu, 1983 ; Sierpinska, 1985 ; Swinyard, 2011 ; Bloch,
2017). Régulièrement, les obstacles épistémologiques en lien avec l’infini, le concept
de fonction, la logique et le symbolisme sont cités. Le fait que la limite peut ne pas
être « atteinte » s’érige en difficulté, tout comme « l’obstacle du non calculable pour
les fonctions2 » (Bloch, 2017). Les étudiants n’identifient en général pas le statut
opératoire de la définition formelle de limite et préfèrent utiliser des concept images
(e.g. Tall et Vinner, 1981 ; Roh, 2008) et des conceptions spontanées et intuitives
(Alcock et Simpson, 2009) où la représentation graphique peut alors, elle aussi,
devenir un obstacle (e.g. Bloch, 2017 ; Vinner et Dreyfus, 1989). Les travaux
s’accordent sur la nécessaire transition entre « des conceptions intuitives,
dynamiques, voire graphiques, et la définition formelle qui s’avère seule efficace
pour valider les propriétés des limites et des fonctions » (Bloch, 2017, p. 7) et sur le
saut conceptuel entre l’approche intuitive et l’approche formelle (cf. Oktaç et Vivier,
2016, pour une synthèse). En ce qui concerne l’introduction du concept de limite au
lycée, on retrouve les difficultés précédemment citées, et en particulier celle relative
aux nombres réels (e.g. Durand-Guerrier et Vergnac, 2014). De récentes ingénieries
ont été mises en œuvre, au lycée, en France, pour contourner les difficultés
précédentes, avec un travail spécifique sur les définitions, leur construction et leur
1
Ce sont les mêmes aspects mathématiques, mais aussi les mêmes types de difficultés
d’apprentissage, que l’on retrouve dans l’étude du concept de fonction (e.g. Sierpinska,
1992 ; Krysinska et Schneider, 2010 ; Vandebrouck, 2011).
2
Pour les élèves, une limite peut ne pas exister s’ils ne parviennent à effectuer le calcul d’une
image.
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 11
3
Chorlay (2019, p. 275-277) présente une excellente synthèse des ingénieries existantes et
choix possibles, prenant en compte les principales difficultés, concept images et
misconceptions des étudiants connus de la littérature.
4
Suite aux changements de programmes, le concept de limite de fonction reste aujourd’hui
présenté au lycée dans le même esprit que dans les programmes de 2010.
12 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS
comme objet d'étude dans le calcul différentiel et intégral et dans les cours de
fondements en analyse. Il est également repris comme outil dans d'autres
disciplines.
5
Nous conservons les termes « concept image » et « concept definition » en anglais d’origine
de Tall et Vinner (1981) et les écrivons en italiques pour l’indiquer.
14 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS
2.3. Méthodologie d’une analyse fondée sur les concept images et schèmes
Une étude via les théorèmes-en-acte et règles d’action (Vergnaud, 1991) permet de
décrire les processus des élèves relativement à un certain type de problème et à un
concept mathématique en particulier et ainsi, d’avoir accès aux conceptions des
élèves. L’approche de Tall et Vinner (1981) permet d’insister sur le décalage entre
des conceptions et des définitions formelles pour étudier l’impact de ce décalage sur
de futurs apprentissages. C’est aussi une méthodologie globale pour identifier et
anticiper des difficultés d’élèves. Elle est utile en particulier lorsqu’un concept
mathématique (comme celui de la limite) implique de nombreux autres concepts, et
dans le cas où l’on n’a pas accès à tous les schèmes des étudiants. L’expérimentation
se déroule en amont et en parallèle du cours sur les limites (en France et au
Brésil). Notre méthodologie d’analyse prend ainsi en compte les étapes suivantes :
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 15
Les activités ont cependant varié selon le pays en raison du temps dont nous
disposions (moins de temps en France qu’au Brésil) et le fait qu’un cours sur les
limites de fonctions avait déjà été proposé aux étudiants en France. Elles ont été
conçues à partir d’exercices proches de ceux proposés par les enseignants et
conformément aux curricula des deux pays (MEN, 2011 ; UFMS, 2014). Les
résultats des recherches antérieures épistémologiques et didactiques sur les
difficultés des élèves dans l’enseignement et l’apprentissage du concept de limite
mentionnées en introduction ont été pris en compte et ont permis de faire des choix
en termes d’activités et de guides pour les entretiens (variation dans les registres de
représentation, demande de justifications en termes de définitions, calculs et
représentations, etc.).
Questionnaire, activités et entretiens nous ont permis de travailler avec les étudiants
individuellement en France, individuellement et par binôme au Brésil, et d’interagir
avec eux afin d’obtenir plus d’informations sur leurs processus de résolution. Nous
avons ainsi obtenu des productions écrites et orales (retranscrites).
Instruments utilisés
BRESIL FRANCE
Questionnaire. Productions des élèves collectées
Trois groupes dans les deux pays Questionnaire.
d’activités :
Un entretien
- En binôme, Représentations écrites sur feuilles fournies avec activités.
groupes I et II aux étudiants brésiliens et français pour :
- Individuel, • Remplir le questionnaire
groupe III. • Résoudre des activités.
Discussions audio : 3 mois
Deux entretiens.
• Au cours des résolutions des
activités, au Brésil
9 mois • Lors d'entretiens au Brésil et en
France.
6
Les étudiants pouvaient choisir différentes spécialités (ISN soit Informatique et Sciences
du Numérique, Physique Chimie, SVT, ou Mathématiques).
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 19
France Brésil
Limites
Algébrique Graphique Algébrique
𝑥 + 2, 𝑥≠1
𝑓(𝑥) = {
1, 𝑥=1
2 𝑥2 − 1
𝑓(𝑥) = 𝑓(𝑥) =
𝑥 𝑥−1
Cas (1)
lim 𝑓(𝑥) = 𝑘
𝑥→𝑝 𝑥2 − 𝑥
𝑓(𝑥) = 𝑓(𝑥) = 𝑥 + 1
𝑥−1
𝑓(𝑥) = 2𝑥 − 5
2 2
𝑓(𝑥) = 𝑓(𝑥) =
𝑥 𝑥
Cas (2)
lim 𝑓(𝑥) = ∞ -----------------
𝑥→𝑝 2+𝑥 2+𝑥
𝑓(𝑥) = 𝑓(𝑥) =
𝑥 𝑥
2
𝑓(𝑥) = 2
𝑥 𝑓(𝑥) =
𝑥
Cas (3)
lim 𝑓(𝑥) = 𝑘 2+𝑥
𝑥→∞ 𝑓(𝑥) = 2+𝑥
𝑥 𝑓(𝑥) =
𝑥
Cas (4) 𝑥² − 𝑥
lim 𝑓(𝑥) = ∞ 𝑓(𝑥) = ---------------- --------------
𝑥→∞
𝑥−1
Nous avons choisi de travailler avec les fonctions suivantes dans les deux pays :
𝑛 𝑎±𝑥
𝑓(𝑥) = 𝑥 , où n>0 et xR ; 𝑓(𝑥) = 𝑥 , où aR et xR.
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 21
Ce sont des fonctions connues des étudiants qui permettent une discussion relative
au concept de limite et qui sont source de difficultés (notion d'infiniment petit ou
grand, valeurs de la fonction tendant vers l'infini, valeurs de x devenant infiniment
proches d'un nombre (e.g. Cornu, 2002 ; Artigue, 1995)). Par ailleurs, nous
souhaitions faire varier les registres de représentation, chacun impliquant différents
aspects et relations (e.g. Duval, 1993 ; Vergnaud, 1991 ; Tall et Vinner, 1981). Ainsi,
nous avons cherché à obtenir une variété en termes de représentations mobilisées par
les étudiants : algébrique, graphique, numérique, langage naturel (écrit et oral).
Au Brésil, seul le cas (1) a déjà été traité en classe (voir Annexe 3) avec introduction
d’une définition intuitive et d’une définition formelle. Pour l’étude des cas (2) et (3)
de notre expérimentation, l’étudiant doit étudier la fonction lorsque les valeurs de x
tendent vers le point d’investigation de la limite, par valeurs supérieures et
inférieures. Un tableau avec des valeurs données doit être renseigné. L’étudiant doit
expliquer ce que fait la fonction selon la limite étudiée et représenter graphiquement
la fonction en expliquant, dans la construction, les limites identifiées. À différents
moments, l'étudiant doit expliquer oralement ce qu'il a fait sur la fiche d'activité.
En France, les cas (2) et (3) ont été traités dans l’entretien. Le cours sur les limites a
déjà été mené en classe, sans définition formelle en epsilon et delta (voir Annexe 3).
L’étudiant doit identifier la limite de chaque fonction. Nous lui demandons de le
justifier par écrit et de nous expliquer oralement ce qu'il a fait sur la fiche d'activité.
Une représentation graphique de la fonction a été parfois demandée.
Figure 5. Baptiste – Cas (3) : limite en l’infini des fonctions f(x) = 2/x et f(x) = (2+x)/x
L'enseignant a ensuite introduit une notation plus formelle en epsilon (Annexe 2).
Ainsi, des expressions telles que « si on peut rendre les valeurs de f(x) proches de l »
et « si les images de f(x) sont aussi proches que l’on veut de l » évoluent vers
24 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS
l'expression « si tout intervalle ouvert contient toutes les valeurs de f(x) ». Il est clair
que le souci de l'enseignant est ici de travailler avec les expressions et conceptions
« naturelles » considérées comme problématiques dans la littérature (Cornu, 2002).
Les éléments décrivant le concept image de Baptiste indiquent qu'il fait
systématiquement des associations pertinentes avec les définitions présentées par
l’enseignant. Cependant, une étude sur un plus long terme serait nécessaire pour
étudier les conflits potentiels entre le concept image de Baptiste décrit ci-dessus et
les définitions formelles en epsilon et delta qu’il devra mobiliser plus tard.
en-acte (notés TA avec l’initial du pays) de Mateus et Baptiste sont dans (Burigato,
2019). Nous en reprenons ici les éléments principaux.
5.4.1. Les schèmes de Mateus et Baptiste pour le cas (2) 𝐥𝐢𝐦 𝒇(𝒙) = ∞
𝒙→𝒑
7
Nous conservons dans cet article les notations utilisées dans la thèse (Burigato, 2019) par
souci de cohérence.
26 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS
8
Dans les activités conduites au Brésil, correspondant à l’étude de la fonction f(x) = (2+x)/x
dans la figure 6, la fonction est étudiée avec des tableaux de valeurs et une représentation
graphique, pour des pas de plus en plus petits de x. Des formulations décrivant le phénomène
observé graphiquement et par le calcul sont demandées aux étudiants.
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 27
5.4.2. Les schèmes de Mateus et Baptiste pour le cas (3) 𝐥𝐢𝐦 𝒇(𝒙) = 𝒌
𝒙→∞
effectuer plusieurs calculs. Il s’agit d’une action significative reflétant une adaptation
du schème, relativement à des erreurs liées aux choix précédents (cas (2)).
Les schèmes de Baptiste sont eux aussi en lien avec la connaissance des cas
précédemment traités, avec une adaptation selon la fonction en jeu. Dans le cas de la
fonction f(x) = 1/x, la mémorisation des activités précédentes, les propriétés des
nombres réels et l’idée des limites à gauche et à droite ont guidé les actions
constitutives du schème de Baptiste. Baptiste a adapté son schème pour la fonction
f(x) = (2+x)/x utilisant des opérations d’addition et de division des limites de
fonctions, de simplification de l’expression algébrique de la fonction initiale pour
traiter l’indétermination. Ici, Baptiste semble bien connaître la division pour les
nombres réels, ainsi que les limites de la fonction de référence. Quand nous l’avons
2
interrogé sur lim 𝑥, il nous a répondu :
𝑥→+∞
On voit que c'est zéro, parce qu’on va diviser un nombre donné qui ne changera pas,
par un plus gros. Le résultat va s'approcher de plus en plus près, enfin il va être de
plus en plus près ...nul, zéro.
Et il a écrit sur sa feuille d’activité (figure 9) ses justifications, montrant que la
fonction peut tendre vers zéro de deux manières, par valeurs négatives ou positives.
Figure 10. Règles d’actions et théorèmes-en-acte de Baptiste, cas (3) : lim 𝑓(𝑥) = 𝑘
𝑥→∞
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 31
Conclusion et perspectives
Nous avons vu dans notre expérimentation que la mémorisation de résultats, tels que
des tableaux de variations de fonctions, des tableaux de valeurs, des propriétés sur
les nombres réels, et des représentations graphiques, apparaît comme centrale. Ici, la
compréhension de la construction de ces premiers résultats sur les fonctions est
fondamentale pour que l'élève puisse les utiliser correctement par la suite. Par
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 33
Bibliographie
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CORNU, B. (1983). Apprentissage de la notion de limite : conceptions et obstacles.
[Thèse de doctorat, Université de Grenoble].
36 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS
CECILE OUVRIER-BUFFET
Université Paris-Est Créteil, LDAR, France
cecile.ouvrier-buffet@u-pec.fr
− Calculs en x=1
− Pour un ε donné, étude des valeurs de x telles que 2 – ε < f(x) < 2+ε
− Introduction de δ
− Utilisation d’inégalités avec valeurs absolues (de type |f(x) – 2| < ε)
− Liens entre registres algébriques et graphiques.
Contenus des activités du Groupe III (limites à l’infinie et limites en un point)
1
Exemples de fonctions étudiées : 𝑓(𝑥) = 𝑥 sur ]0 ; 2] et [-2 ; 0[ puis sur ]–∞ ; –1] et
[1 ; +∞[ (étude des valeurs proches de 0 et représentation graphique, étude des
valeurs de la fonction à gauche et à droite de 0, étude des valeurs au voisinage de
±∞).
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 41
Définition intuitive
Intuitivement, on dit que limite de f(x) lorsque x tend vers p, est égale à L, symboliquement
s’écrit : lim 𝑓(𝑥) = 𝐿 signifie que, lorsque x tend vers p, f(x) tend vers L.
𝑥→𝑝
Définition formelle
Soit f soit une fonction et p un point appartenant au domaine de définition de f ou à
l’extrémité de l’un des intervalles qui composent le domaine de définition de f. Nous disons
que f a pour limite L, en p, si, pour chaque ε>0 donné, il existe un δ>0 tel que, pour chaque
xDf, 0 < |x – p| < δ |f(x) – L| < ε.
Ce nombre L, quand il existe, est unique, il sera indiqué par lim 𝑓(𝑥). Ainsi :
𝑥→𝑝
lim𝑓(𝑥) = 𝐿 (ε>0, >0, tel que pour chaque xDf, 0<|x – p|<δ |f(x) – L|<ε)
𝑥→𝑝
42 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS
Définition
Soit f une fonction, p un nombre réel et supposons qu'il existe b tel que ]𝑝; 𝑏[ ⊂ 𝐷𝑓 .
Nous définissons
∀𝜀 > 0, ∃𝛿 > 0, avec 𝑝 + 𝛿 < 𝑏,
lim 𝑓(𝑥) = +∞ ⟺ {
𝑥→𝑝+ tel que 𝑝 < 𝑥 < 𝑝 + 𝛿 ⟹ 𝑓(𝑥) > 𝜀
On procède de manière analogique pour définir :
lim 𝑓(𝑥) = −∞, lim 𝑓(𝑥) = +∞
𝑥→𝑝+ 𝑥→𝑝−
et lim 𝑓(𝑥) = −∞
𝑥→𝑝−
Définition 1
Soit f une fonction et supposons qu’il existe a tel que ]𝑎; +∞[ ⊂ 𝐷𝑓 .
∀𝜀 > 0, ∃𝛿 > 0, avec 𝛿 > 𝑎,
lim 𝑓(𝑥) = 𝐿 ⟺ {
𝑥→+∞ tel que 𝑥 > 𝛿 ⟹ 𝐿 − 𝜀 < 𝑓(𝑥) < 𝐿 + 𝜀
Définition 2
Soit f une fonction et supposons qu’il existe a tel que ]−∞; 𝑎[ ⊂ 𝐷𝑓 .
∀𝜀 > 0, ∃𝛿 > 0, avec − 𝛿 > 𝑎,
lim 𝑓(𝑥) = 𝐿 ⟺ {
𝑥→−∞ tel que 𝑥 > −𝛿 ⟹ 𝐿 − 𝜀 < 𝑓(𝑥) < 𝐿 + 𝜀
En France, avant l’expérimentation, la définition des cas (2) et (3) est introduite
par l’enseignant de la façon suivante.
Définition cas (2) lim 𝒇(𝒙) = ∞
𝒙→𝒑
Soit f une fonction définie sur un intervalle ]a ; b[.
On dit que f tend vers +∞ quand x tend vers a par valeurs supérieures si on peut rendre f (x)
aussi grand que l’on veut dès que x est suffisamment proche de a dans l’intervalle ]a ; b[.
On note :
lim 𝑓(𝑥) = +∞
𝑥→𝑎
𝑥>𝑎
On dit alors que la droite d’équation 𝑥 = 𝑎 est asymptote à la courbe représentative de 𝑓.
lim 𝑓(𝑥) = −∞, 𝑥→𝑎
On a des définitions analogues pour 𝑥→𝑎 lim 𝑓(𝑥) = +∞ et lim 𝑓(𝑥) = −∞.
𝑥→𝑏
𝑥<𝑎 𝑥<𝑏 𝑥>𝑏
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 43
(1.a) Soit f une fonction définie sur un intervalle ]* ; +∞[, (* pouvant être un nombre réel
ou –∞). f a pour limite le réel l quand x tend vers l’infini si les images f (x) sont aussi
proches que l’on veut de l, à condition de prendre x suffisamment grand.
On peut formaliser les choses en s’inspirant de la définition donnée pour les limites finies
des suites :
(1.b) La fonction f admet pour limite l en + ∞ si tout intervalle ouvert ]l-ε; l+ε[ contient
toutes les valeurs de f (x) dès que x est suffisamment grand.
On note : lim 𝑓(𝑥) = 𝑘.
𝑥→+∞
On dit alors que la droite d’équation y=l est asymptote horizontale à la courbe
représentative de f.
On a des définitions analogues pour : lim 𝑓(𝑥) = 𝑘.
𝑥→−∞
SOPHIE ROUSSE
Abstract. “The discrete” and “the continuous” in teaching sequences and functions in
French secondary school. Notions pertaining to the Calculus field in France, up to the end
of Seconde (10th grade), are mainly functions and their graphical representations. Curricula,
followed by textbooks, integrate these notions into “the continuous”. This appears to be self-
evident since “the discrete” is not explicitly addressed. Sequences, which are a priori part of
“the discrete”, are first studied in Première.
However, “the discrete” and “the continuous” have mathematical aspects and constitute two
worlds (in a sense that we will define) between which it is difficult to delineate a boundary.
Students’ activities on tasks which mobilize continuous functions may be carried out in the
discrete world as much as in the continuous one. Furthermore, sequences and functions in
secondary school count numerous interactions and correct or incorrect analogies. Textbooks
make choices in the graphical and algebraical registers which differ from one book series to
another, which testifies to the existence of objective difficulties. Lastly, in secondary school
and MEEF master, students’ work shows a number of confusions between sequences and
functions. This leads us to reflect on a possible introduction of sequences prior to functions.
Introduction
En Troisième et en Seconde générale en France, le domaine de l’analyse est
aujourd’hui « peuplé » de notions (fonction, représentation graphique…), que les
programmes officiels (précisés plus loin), suivis par les manuels, inscrivent dans le
continu : les fonctions sont majoritairement définies sur un intervalle de R et
continues sur cet intervalle, même si ce n’est pas explicite. Cela semble d’autant plus
aller de soi que les fonctions apparaissent comme des outils de modélisation de
phénomènes continus. Pour les élèves, il se pourrait que ce ne soit pas si clair.
Les suites, qui s’inscrivent a priori dans le discret, sont introduites en Première. Les
manuels les définissent comme des fonctions définies sur N. Elles sont source avérée
de difficultés pour les élèves et les étudiants ; le discret et le continu pourraient y
jouer un rôle. D’où les questions : comment et en quoi les activités mathématiques
des élèves mettent-elles en jeu le discret et le continu dans l’enseignement des suites
et des fonctions au secondaire ? Quelles en sont les conséquences possibles sur les
apprentissages ? Nous nous appuierons sur une nécessaire étude du relief des notions
de suite et de fonction sous l’éclairage du discret et du continu, ce qui nous amène à
formuler ces deux questions préliminaires : qu’est-ce que le discret et le continu
épistémologiquement et mathématiquement ? Comment les caractériser du point de
vue des activités mathématiques des élèves ? Ce sera l’objet de la partie 2 dans
laquelle nous définissons deux « mondes » dans lesquels situer ces activités
mathématiques. Puis nous aborderons nos questions :
− Du côté du savoir à enseigner (les programmes en partie 3, les manuels en partie
4) et du savoir enseigné (vu à travers les manuels) : les activités sur les suites et
les fonctions s’insèrent-elles effectivement dans deux mondes distincts ?
Comment l’ordre d’introduction dans les programmes actuels (fonctions
continues sur un intervalle suivi de suites) est-il susceptible d’influer sur les
apprentissages des élèves ?
− Du côté des élèves et étudiants en master MEEF en partie 5 : comment les
confusions entre suites et fonctions se manifestent-elles ? En effet, ce sont les
traces d’activités mathématiques effectives des élèves et des étudiants qui nous
servent d’indicateur des éventuelles difficultés et confusions, et in fine des
apprentissages des élèves et des étudiants.
En conclusion nous développerons ce en quoi une introduction des suites avant les
fonctions continues sur un intervalle nous semble une voie prometteuse à explorer.
Malgré la disparition des séries L, ES et S au lycée, remplacées par les spécialités en
2019, les propos de cet article se prolongent dans l’actualité. S’agissant des suites et
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 47
Nous appuyons nos analyses sur notre travail de thèse (Rousse, 2018) qui est centré
sur le discret et le continu (au niveau du secondaire)1.
La démarche théorique suivie s’inscrit dans les recherches qui admettent que ce sont
les activités mathématiques des élèves qui permettent de développer leurs
apprentissages (Vandebrouck, 2008). Ces activités sont des segments de leur
activité, au sens plus large de ce qu’ils font, pensent, écrivent, disent, mais aussi
n’écrivent pas, ne disent pas… Nous nous intéressons uniquement aux activités
mathématiques des élèves ; c’est pourquoi, dans la suite de cet article, « activités »
désignera « activités mathématiques ». Celles-ci sont générées par les tâches qui sont
proposées aux élèves, ainsi que par les déroulements en classe, organisés dans un
contexte précis. Inaccessibles, elles sont appréciées en comparant les activités
mathématiques attendues et ce qui est observable à travers les productions (qui
fournissent des traces d’activités « effectives »2). Ainsi, nous approchons le sujet de
l’enseignement des suites et des fonctions par le double questionnement : qu’est-ce
qui caractérise les activités qui s’inscrivent dans le discret et celles qui s’inscrivent
dans le continu, comment ces activités vivent-elles dans les mathématiques à
enseigner, enseignées, chez les élèves et les étudiants ?
Nous appuyons nos réponses sur une étude du « relief » (Robert et al., 2012, p. 78) du
discret et du continu ainsi que celui de l’enseignement des suites et des fonctions.
Une analyse épistémologique et mathématique préalable est croisée avec une étude
des mathématiques à enseigner (les programmes officiels, les manuels qui les
mettent en œuvre) et les aspects cognitifs (les difficultés des élèves).
Nous mobilisons les jeux de registres de représentations sémiotiques (Duval, 1993)
en tant qu’outils d’analyse ; en effet, ses travaux montrent que c’est dans un travail
articulé entre différents registres (ici : graphique, algébrique, numérique) que la
conceptualisation d’une notion peut s’effectuer. Nous nous appuyons de surcroît sur
Vandebrouck (2011) qui a discerné trois domaines de travail sur le thème des
fonctions : un domaine F1 d’entrée dans la pensée fonctionnelle qui coordonne
plusieurs registres, de la Troisième au début de la Première ; un domaine F2 très lié
à l’algèbre, à partir de la Première, qui masque en partie la richesse donnée par F1 et
s’appuie sur l’intuition graphique sans véritablement s’interroger sur le rapport entre
graphique et fonction. Quant au domaine F3 dont le fondement est la complétude de
R, il est présent à l’Université.
1
Nous y étudions l’enseignement de l’analyse et des probabilités, thèmes porteurs de
nombreuses interactions entre le discret et le continu. Le thème des probabilités ne sera pas
abordé dans cet article.
2
L’analyse de vidéos de cours permet d’apprécier les activités « possibles » des élèves, nous
n’investirons cependant pas ce type d’analyse dans cet article.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 49
Nous convoquons le filtre des trois perspectives dans le thème des fonctions
(Vandebrouck, 2011 ; Montoya Delgadillo et al., 2018) : les activités des élèves qui
mettent en jeu les propriétés d’une fonction sur un intervalle embarquent une
perspective globale ; celles qui mettent en jeu les propriétés sur des voisinages
« aussi petits soient-ils » embarquent une perspective locale ; enfin, les autres
propriétés qui mettent en jeu la valeur de la fonction en un point embarquent une
perspective ponctuelle. En particulier, quand elles mettent en jeu une propriété
ponctuelle universelle (i.e. énoncée par un quantificateur universel, par exemple le
sens de variation d’une fonction déterminé par le signe de sa dérivée), elles
n’embarquent qu’une perspective ponctuelle (et pas la perspective globale). Il en est
de même lorsque des expressions algébriques de fonctions sont mobilisées. D’après
ces auteurs, seules les activités effectuées dans le registre graphique peuvent
embarquer les trois perspectives et faciliter les changements de perspectives.
L’étude du relief et le filtre des perspectives permettent de constituer une référence
qui guide le chercheur dans son analyse des activités attendues des élèves qui
interagissent avec toutes les ressources autour d’eux, y compris les discours des
manuels et des enseignants. Elle nous sert aussi à analyser les traces d’activités
effectives des élèves et étudiants et finalement à émettre des propositions
curriculaires. En effet, la conceptualisation visée, en tant que processus aboutissant
à une certaine disponibilité des connaissances sur un ensemble de tâches, dépend
non seulement des tâches proposées et des déroulements, mais aussi de l’ordre choisi
pour aborder les notions et de l’organisation des connaissances à construire qui peut
en résulter. C’est la variabilité de cette organisation que nous allons explorer puis
partiellement investir en fin d’article.
Du point de vue méthodologique, nous avons mené plusieurs enquêtes, à partir
d’ouvrages d’historiens et épistémologues des mathématiques, d’analyses de
programmes et de manuels. Les manuels nous renseignent à la fois sur les
mathématiques à enseigner (les manuels mettent en œuvre les programmes officiels)
et les mathématiques enseignées (en tant que ressources pour l’enseignant). Nous
complétons notre étude par diverses observations d’élèves et de futurs enseignants
(étudiants en master MEEF).
Nous restreignons nos analyses au secondaire dans lequel les notions de fonction et
de suite sont introduites, c’est-à-dire à partir de la Troisième. Contrairement aux
mots « discret » et « continu », le mot « dense » est absent des programmes officiels
de ces niveaux d’enseignement. C’est pourquoi nous avons choisi, à ce stade de notre
recherche, de guider nos analyses par les distinctions entre le discret et le continu,
bien qu’un grain plus fin d’analyse, prenant par exemple en compte le dense entre le
discret et le continu, pourrait être employé. Le dense joue malgré tout un rôle dans
l’étude qui suit.
50 SOPHIE ROUSSE
Par « suite » nous désignerons une suite numérique définie sur N et par « fonction »
une fonction réelle d’une variable réelle.
Nous désignerons par « représentation graphique » d’une fonction (resp. d’une suite)
l’ensemble des points de coordonnées (x ; f(x)), x appartenant à l’ensemble de
définition de f (resp. (n ; un), n ∈ N) dans un repère du plan. Le mot « courbe » sera,
selon l’usage au lycée, réservé aux représentations graphiques de fonctions continues
sur un intervalle (ou une réunion d’intervalles) de R ; une courbe « lisse » désignera
la courbe d’une fonction de classe C1.
La notion de suite est abordée en classes de Première et de Terminale (dans le cas
des suites de nombres réels). Les programmes des séries ES (Economique et Sociale)
et L (Littéraire) concernant les suites sont essentiellement des versions allégées de
ceux de série S (Scientifique)3, c’est pourquoi nous nous bornons à l’analyse des
programmes officiels et de manuels de la série S. De plus, les « contenus » et
« capacités » qui sont les plus porteurs de possibles interactions entre les suites et
les fonctions sont essentiellement présents au niveau de la Première et le texte a peu
évolué entre 2000 et 2010 ; c’est pourquoi nos analyses portent sur le programme et
les manuels de Première S de 2010.
3
Mis à part le prolongement des suites géométriques par les fonctions exponentielles en série
ES, que nous n’aborderons pas ici, mais que nous avons analysé dans Rousse (2018).
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 51
4
Un ensemble ordonné (E, ≤) est dit dense en lui-même si, pour tout couple (x ; y) d'éléments
de E tels que x < y il existe un élément z de E tel que x < z < y.
52 SOPHIE ROUSSE
5
La notion de successeur est à la base de l’axiomatisation de N par Peano (1889).
6
Nous ne retiendrons que cette définition mathématique d’ensemble continu ; des auteurs
utilisent localement une définition (par exemple Choquet (2000) définit les ensembles
continus dans son cours de topologie par les ensembles compacts connexes, définition que
nous n’adoptons pas car elle exclut R).
7
En effet, les intervalles strictement inclus dans R ne sont pas des corps ; cependant nous
avons montré dans Rousse (2018) qu’ils sont largement mobilisés dans les tâches et les
déroulements au lycée dans le but d’orienter les activités des élèves vers le monde du continu.
8
Ainsi, la densité ne caractérise pas le continu.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 53
mathématiques (il est même question de « la droite des réels »), comme de
l’expérience (l’individu la trace sans lever le crayon). La droite est alors perçue
globalement et nous faisons l’hypothèse que la perspective globale peut situer les
activités des élèves dans le continu. Cependant, la droite peut être aussi perçue
comme un ensemble de points et nous faisons ici l’hypothèse que la perspective
ponctuelle peut plutôt situer les activités dans le discret. Ainsi, les perspectives
ponctuelle et globale et les expériences du discret et du continu cohabitent lorsque
le travail des élèves relève :
− Du cadre géométrique : par exemple lorsqu’une transformation opère sur des
points d’une droite vs lorsque l’on considère l’image de la droite par cette
transformation ;
− Du cadre numérique, avec le registre graphique. En effet, la droite munie d’un
repère, communément nommée « droite numérique », joue le rôle de frise des
nombres entiers positifs au primaire. Puis elle sert de support intuitif du continu
des nombres réels au secondaire – bien qu’étant essentiellement mobilisée pour
représenter des entiers, quelques décimaux et rationnels ;
− Du cadre fonctionnel ; par exemple dans la définition d’une fonction affine f : à
chaque x (de R) on associe f(x), vs lorsque x décrit R, on associe f(x) à x9.
Cependant, au collège et au lycée, le discret et le continu ne se constituent pas en
tant que cadres : à ce niveau d’enseignement il n’y a pas de définition possible, peu
de propriétés sont explicitables, discret et continu ne font l’objet d’aucune tâche
spécifique. Les activités ne se font pas sur le discret ou sur le continu, mais dans le
discret ou dans le continu.
Nous avons choisi d’utiliser le mot « monde » pour situer les activités relativement
au discret et au continu. Le tableau 1 récapitule nos exemples d’expériences
individuelles, d’ensembles de nombres et de notions mathématiques, les aspects
mathématiques et les perspectives susceptibles de situer les activités des élèves dans
l’un ou l’autre monde.
Au secondaire, compte tenu de la nature de leurs ensembles de définition (les suites
sont définies sur N, les fonctions sont le plus souvent définies sur un intervalle de
R), on peut considérer dans une première approche que la mobilisation des suites et
des fonctions situe les activités des élèves respectivement dans le monde du discret
et dans celui du continu. Par ailleurs, ne dit-on pas que les suites fournissent des
modèles discrets et les fonctions des modèles continus ? Pourtant ce n’est pas si
simple puisque les suites numériques sont aussi des fonctions ; elles sont définies sur
9
Définitions rencontrées au cours de nos analyses de manuel.
54 SOPHIE ROUSSE
l’ensemble discret des entiers naturels, mais prennent leurs valeurs dans l’ensemble
continu des réels ; l’ensemble des termes d’une suite n’est d’ailleurs pas
nécessairement discret – il ne l’est pas dès lors que la suite a une limite sans être
stationnaire à partir d’un certain rang, cas le plus répandu au lycée. Nous verrons
que ce n’est pas si simple non plus dans le thème des fonctions définies sur un
intervalle de R : les activités possibles n’y relèvent pas seulement du monde du
continu.
Tableau 1. Exemples relevant des mondes du discret et du continu au lycée
Convocation de… Monde du discret Monde du continu
Grandeurs discrètes (dont Grandeurs continues
Expériences individuelles temps) (dont temps, espace)
Comptage Tracé sans lever le crayon
Points isolés Mouvement continu
Mouvement « par sauts »
Aspect mathématique 1 – Successeur Ensemble dense en lui-
ensemble ordonné même
Aspect mathématique 1 – Points isolés Points limite
espace topologique
Aspect mathématique 2 – Fini Infini
quantitatif Infini dénombrable Infini indénombrable
Perspectives Ponctuelle Globale
Ensembles de nombres Ensemble fini, N, Dn R et ses intervalles
Notion de droite au Droite : ensemble de points Droite considérée dans sa
secondaire globalité
Nous avons constaté le rôle que peut jouer le registre graphique dans l’articulation
des deux mondes. En particulier, un nombre fini de points étant connu, les relier situe
a priori l’activité associée dans le monde du continu, ne pas les relier la situe dans
le monde du discret. D’où l’attention portée dans nos analyses à la façon dont les
tâches incluant des représentations graphiques sont travaillées : un « petit » nombre
de points d’une représentation graphique (de suite, de fonction) étant connu, les relie-
t-on ou non, si oui comment ? De la façon dont ces tâches sont travaillées découle
ce qui différencie pour les élèves du secondaire un ensemble de points à abscisses
entières positives d’un ensemble de points dont les abscisses décrivent un intervalle
de R. Cela peut jouer sur ce qui peut distinguer pour eux les suites numériques des
fonctions définies sur un intervalle de R.
En résumé, dans le but de déterminer dans quelle mesure les activités des élèves sur
les suites et les fonctions sont susceptibles de s’inscrire dans le monde du discret ou
celui du continu, nous repérons au fil de nos analyses essentiellement :
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 55
3. Dans quels mondes les programmes officiels sur les suites et les fonctions
situent-t-ils les activités des élèves au collège et au lycée ?
Nous présentons dans cette partie les résultats d’une analyse de programmes officiels
de 1999 à 2018. La sous-partie 3.1 a pour objet l’introduction des fonctions en
classes de Troisième et de Seconde. La sous-partie 3.2 présente l’introduction des
suites en classe de Première, alors que les fonctions définies sur un intervalle (ou une
réunion d’intervalles) de R restent explicitement présentes à ce niveau
d’enseignement. C’est pourquoi nous y abordons suites et fonctions sous l’angle de
leurs éventuelles analogies.
définir cette courbe de façon univoque. Les activités possibles des élèves associées
à ce registre se situent donc a priori dans le monde du continu puisque les courbes
se tracent « sans lever le crayon ». Cependant, il n’est pas certain que les quelques
valeurs prises par la variable dans les tableaux de valeurs soient effectivement
perçues par les élèves comme des cas particuliers de nombres de l’intervalle de
définition ; leurs activités peuvent rester dans le monde du discret.
En Troisième en 2015, les fonctions apparaissent comme un outil de modélisation
de phénomènes continus (elles sont donc implicitement continues sur un intervalle),
en plus d’un « processus de correspondance » (Ministère de l’Education Nationale,
2015). Les activités possibles des élèves peuvent donc relever du continu en
référence au phénomènes modélisés, mais peuvent aussi rester dans le monde du
discret de par le point de vue de correspondance entre un nombre et son image. La
question de relier ou non les points ne se pose plus, reste éventuellement celle de la
façon dont ils sont reliés.
Le programme officiel de Seconde de 2001 préconise de donner « quelques
exemples de fonctions définies sur un ensemble fini » (Ministère de l’Education
Nationale, 2001). Celui de 2009 (Ministère de l’Education Nationale, 2009) ajoute
le cas des fonctions définies sur N. Cependant, dans l’aménagement de programme
de mai 2017, l’étude des fonctions définies sur un ensemble discret est abandonnée.
Implicitement, seule l’étude de fonctions définies sur des intervalles de R (voire une
réunion finie d’intervalles de R) subsiste ; de plus, la notion de fonction ne figure
plus qu’en tant qu’outil de modélisation permettant de résoudre des problèmes issus
de phénomènes continus, ancrant potentiellement les activités des élèves dans le
continu.
Conjointement, en 2009, la notion d’ensemble de définition d’une fonction disparait
et le tableau de valeurs apparait comme pouvant caractériser une fonction
(implicitement définie sur un intervalle) – dans les mêmes termes que pour la classe
de Troisième. La question se pose à nouveau : dans quel monde les activités des
élèves sur les fonctions s’inscrivent-elles effectivement en seconde ?
Compte tenu du sujet de cet article, nous présentons les définitions, notations,
propriétés et techniques liées à l’introduction des fonctions (en Troisième et en
Seconde), suivie de celle des suites qui figure aux programmes officiels de la classe
de Première (Ministère de l’Education Nationale, 2000 et 2010) ; nous ne
développons pas les notions de limite et de continuité, de suite et fonction convexes,
de suite géométrique et de fonction exponentielle, et n’abordons pas le raisonnement
par récurrence.
10
Le graphe d’une fonction f définie sur un ensemble D est défini par {(x ; f(x)), x D}.
Cette notion ne figure pas au programme officiel du lycée.
58 SOPHIE ROUSSE
Les termes d’une suite peuvent eux aussi être définis de deux façons : par une
relation de récurrence (en plus d’un ou plusieurs termes) ou en fonction de n (nous
désignons par « définition explicite » ce type de définition d’une suite).
Le premier type de génération des termes d’une suite s’inscrit bien entendu dans le
discret en ce qu’il repose sur la notion de successeur. Dans les cas les plus simples,
la relation de récurrence exprime un terme en fonction de son prédécesseur et la
forme algébrique de cette relation permet d’écrire qu’il existe une fonction réelle
d’une variable réelle g telle que pour tout n ∈ N, un+1 = g(un). Nous nommerons g :
« fonction qui génère la suite ».
Dans l’autre type de génération, les termes d’une suite sont définis en fonction de n.
Lorsque f est une fonction réelle définie sur [0 ; +∞[ telle que pour tout entier naturel
n, un = f(n), nous la nommerons « fonction qui définit ». Notons qu’elle n’est pas
unique, mais son expression algébrique permet d’identifier l’une d’elles. Dans
certains cas, il n’existe pas de « fonction qui définit »11.
Ainsi dans le thème des suites, les termes peuvent être définis en fonction de n ; des
fonctions qui définissent et des fonctions qui génèrent coexistent ; de plus les suites
sont des fonctions définies sur N, qui ne se distinguent des fonctions qui définissent
une suite que par leur ensemble de définition. Ceci peut amener des confusions entre
suites et fonctions et contribuer à situer les activités sur le thème des suites dans les
deux mondes s’ils ne sont pas clairement identifiés par les élèves.
Les définitions relatives aux suites et aux fonctions et leurs éventuelles analogies
sont résumées dans le tableau 212.
11
C’est le cas de la suite de terme général (−1)n.
12
Légende pour les tableaux :
− an. : notions, définitions, notations, propriétés, théorèmes ou techniques analogues
− id. : définitions, propriétés, théorèmes équivalents ; notations identiques
− impl. : implications – la réciproque est fausse si pas de signe d’équivalence
− rien : notions, définitions, notations, propriétés, théorèmes sans analogue ou avec
analogue erroné
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 59
3.2.2 Notations
La notation usuelle du terme général d’une suite u est un ; il est cependant possible
d’utiliser la notation fonctionnelle u(n), qui est d’ailleurs celle des calculatrices
graphiques des élèves du lycée (voir tableau 3). Les programmes officiels de lycée
en vigueur jusqu’en 2018 ne spécifient pas les notations à adopter.
Tableau 3. Suites et fonctions : notations
Suites Fonctions définies sur un
intervalle
Notation : u(n) an. Notation : f(x)
Notation : un Pas de notation usuelle analogue
13
Cela a par exemple pour conséquence, en économie, sous certaines conditions, d’approcher
le coût marginal pour une production discrète par la dérivée de la fonction qui modélise le
coût.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 61
Figure 1. Mobilisation d’une fonction dans la recherche du sens de variation d’une suite
Le changement de notation usuel, de u à f, souligne que l’un désigne un objet
« suite » et l’autre un objet « fonction » (sous-entendu comme étant définie sur un
intervalle). Ce qui permet de mobiliser des propriétés de monotonie de fonctions de
référence, de certaines fonctions composées (voir infra) ou les outils de calcul
différentiel.
Les élèves peuvent ne voir dans ce changement de notation qu’une habitude
puisqu’ils effectuent des calculs de dérivées de fonctions le plus souvent nommées
f, et se demander pourquoi ne pas tout simplement calculer f’(n). Cette incursion
dans le monde du continu à partir de celui du discret peut échapper aux élèves qui
n’y verraient alors qu’un jeu de symboles.
En Première S, les élèves peuvent dans certains cas trouver le sens de variation d’une
fonction composée en mobilisant les propriétés qui figurent dans le thème des
fonctions (figure 2).
Récapitulons (tableau 6) :
Tableau 6. Suites et fonctions : sens de variation
Suites Fonctions définies sur un intervalle
Cependant, la notion de suite peut être abordée de deux points de vue (l’un d’entre
eux est qu’une suite est une fonction définie sur N) ; hors contexte, les suites peuvent
être générées de deux façons (toutes deux en interaction avec les fonctions) ; deux
notations du terme général d’une suite sont correctes (dont l’une est fonctionnelle).
Par ailleurs, les analogies entre suites et fonctions définies sur un intervalle sont
nombreuses (parfois erronées) et le vocabulaire est en partie commun. Une des
techniques de recherche du sens de variation d’une suite situe les activités dans un
va-et-vient entre les deux mondes. Leur non-distinction peut renforcer la confusion
entre suites et fonctions et contribuer aux difficultés des élèves sur ces deux notions.
Dans ce qui suit, nous analysons comment les manuels de la période correspondante
s’emparent de ces programmes officiels et dans quel(s) monde(s) ils inscrivent les
activités mathématiques proposées sur les thèmes des suites et des fonctions.
4.1.1 En troisième
Nous synthétisons ici l’analyse de cinq manuels de Troisième de (Rousse, 2018).
Au cours des 20 dernières années, les tâches concernant la question « relier ou non
les points ; si oui, comment ? » se raréfient. À ce propos, les choix des manuels de
2008 sont explicites et diffèrent de l’un à l’autre : l’un d’eux préconise de relier les
points par des courbes lisses, l’autre de ne pas les relier. Les choix des manuels de
2016 (dans lesquels les points sont reliés) sont, eux, implicites. Par ailleurs, les
représentations graphiques qui sont données dans les expositions de connaissances
et les énoncés d’exercices sont toutes des courbes lisses. Rares jusqu’en 2008, les
tâches de tracés de courbes à la main sont quasi absentes en 2016 (à part les
représentations graphiques de fonctions affines).
Malgré l’évolution des programmes, les fonctions restent outils de modélisation de
phénomènes discrets (du type « offre tarifaire ») comme de phénomènes continus.
Depuis le programme de 2008, le domaine d’adéquation d’un modèle continu d’un
phénomène discret n’est pas abordé et les résultats de modèles qui « ne tombent pas
juste » et qui demandent un travail d’interprétation en contexte ont disparu des
manuels. Les valeurs de la variable (et celles de leurs images) sont par conséquent
essentiellement des entiers strictement positifs ; c’est aussi le cas dans les exercices
sans modélisation.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 65
Ainsi, les tâches pouvant provoquer des activités se situant dans les deux mondes en
interaction et permettant d’en expliciter des spécificités disparaissent. Comment dès
lors les élèves pourraient-ils les identifier ?
4.1.2 En Seconde
Nous avons analysé les chapitres concernant les généralités sur les fonctions de
quatre manuels de Seconde édités entre 2000 et 2010 (Rousse, 2018).
Ils définissent tous la fonction par un processus de correspondance. Le vocabulaire
concernant la variable (nommée x) diffère cependant : dans les manuels de 2000 et
de 2005, il est écrit de surcroit que x « décrit » l’ensemble de définition, ce qui
véhicule une perspective globale associée au monde du continu. Mais les manuels
de 2010 écrivent que la fonction « associe à chaque » x son image, l'emploi du mot
"chaque" véhiculant une perspective ponctuelle associée au monde du discret.
Les fonctions à variables discrètes sont présentes dans chaque manuel ; la place qui
leur est faite, leur représentation graphique, les questions abordées à leur propos
diffèrent cependant largement d’un manuel à l’autre. En particulier, les
représentations graphiques sont abordées différemment selon les manuels :
− Les manuels de la collection « Math’x » explicitent le fait que la représentation
graphique d’une variable discrète est un ensemble de points isolés ; les activités
possibles des élèves se situent clairement dans le monde du discret ;
− Les autres manuels, l’un de 2000 et l’autre de 2010, ne montrent des
représentations graphiques de variables discrètes que dans des contextes
d’évolution d’un phénomène au cours du temps. Les points sont reliés par des
segments : la représentation graphique est alors un modèle continu d’un
phénomène discret. En l’absence de discours clair de la part de l’enseignant, les
activités possibles des élèves autour de ces représentations graphiques peuvent
se situer dans l’un ou l’autre monde (ou les deux à la fois ?).
Par opposition aux manuels de collège, ceux de Seconde abordent dans quelques
exercices ciblés le fait que la donnée des f(n), où n prend un « petit » nombre de
valeurs entières, n’est pas équivalente à celle des f(x), où x appartient à un intervalle
de R.
Comme en Troisième, les fonctions présentées dans les expositions de connaissances
et les exercices sont majoritairement continues sur un intervalle ; cependant, même
quand la variable est continue, les nombres mobilisés dans les tâches numériques et
dans les lectures graphiques sont pour la plupart entiers. Les activités des élèves
peuvent donc se situer à la fois dans les mondes du continu et du discret.
66 SOPHIE ROUSSE
lui, est disjoint de celui des suites ; par contre, la présence d’une relation de
récurrence inscrit clairement son activité dans le monde du discret et l’aiguille vers
le thème des suites.
Bien que (peut-être aussi puisque) peu de tâches mobilisent le registre graphique
dans le thème des suites, c’est un registre lui aussi porteur de non-distinction entre
suite et fonction. En voici un exemple provenant d’un entretien avec un élève de
Première S après un devoir surveillé dans lequel sa copie montrait une confusion
entre une suite (hn) et « la » fonction f qui la définit. Dans l’extrait du récit de cet
entretien qui suit, il est question de déterminer le sens de variation de la suite (hn) en
utilisant le sens de variation de f :
L’élève s’étonne de ce que l’écriture h(n) = f(x) ne soit pas correcte. Il ne voit pas le
problème « puisque le but est d’utiliser la dérivée ». Nous lui faisons remarquer que
la suite est définie sur N et lui posons la question de l’existence d’une dérivée pour
une fonction définie sur N. L’élève ne voit toujours pas de problème puisqu’« on
imagine la courbe lorsqu’on place les points à coordonnées entières, la courbe a des
tangentes donc il y a une dérivée ».
L’élève ne voit aucun inconvénient à dériver une fonction définie sur N. Le registre
graphique sert de support à son raisonnement : il lie l’existence d’une dérivée à celle
d’une tangente à la courbe. Celle-ci est « la » courbe lisse que depuis la classe de
Troisième les élèves tracent (ou plus exactement dont ils voient le tracé dans leur
manuel et les énoncés d’évaluations, sur leur calculatrice ou un logiciel traceur) à
partir de quelques points reliés (dont, rappelons-le, les abscisses sont le plus souvent
entières et positives). L’activité de cet élève se place dans le monde du continu qui
apparait comme prolongement univoque et « qui va de soi » du monde du discret.
Les élèves expriment volontiers en classe que les suites sont difficiles pour eux, car
elles sont, disent-ils, trop abstraites : ce thème étant fortement lié à l’algèbre, ils ne
peuvent pas s’appuyer sur le registre graphique. Il en est autrement dans le thème
des fonctions ; l’articulation entre les registres graphique et algébrique y est un des
aspects du domaine de travail F1 (Vandebrouck, 2011) ; le registre graphique y est
largement investi en Troisième et en Seconde, dans des tâches de recherche d’images
et d’antécédents, de solution d’équations et d’inéquations, de sens de variation, sur
une courbe lisse déjà tracée. Cependant, l’absence de questionnement sur la façon
dont les points sont reliés ne permet pas de distinguer les mondes du discret et du
continu. Par conséquent, comme nous venons de le voir, le registre graphique est
potentiellement porteur de sens incorrect. Cette absence a aussi pour conséquence
de ne pas exploiter le potentiel heuristique de la représentation graphique, dont nous
voyons un exemple ci-après.
70 SOPHIE ROUSSE
Prenons pour exemple la fonction f définie sur R par f(x) = x |sin(2πx) + 2| et dont
une portion de la représentation graphique figure ci-contre. Elle vérifie : pour tout x
R, f(x + 1) = (x+1)|sin(2π(x+1)) + 2| = f(x) + |sin(2πx) + 2|, on a donc f(x + 1) >
f(x). f n’est cependant pas croissante : f(0,5) = 1 alors que f(0,75) = 0,75. Cette
fonction est représentée graphiquement en figure 4.
15
Ou plus simplement que la fonction est croissante, surtout parmi les élèves de Première qui
sont peu exposés aux fonctions qui ne sont pas strictement monotones par intervalle.
72 SOPHIE ROUSSE
16
Nous en donnons un exemple plus loin.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 73
Figure 6. Production d’un groupe dans laquelle le contre-exemple n’est pas correct
74 SOPHIE ROUSSE
pensé » (conceptualisé ?) à son statut logique ». Les analyses présentées dans cet
article, et particulièrement celles des résultats des étudiants en Master MEEF,
viennent appuyer ses propos. Dans le but de favoriser de meilleurs apprentissages à
court et à long terme, nous souhaiterions développer une réflexion concernant les
notions non encore formalisées/formalisables au niveau du secondaire. Il s’agirait
d’identifier ces notions et de détecter si elles génèrent des problématiques
d’enseignement communes. Ce travail pourrait amener des propositions à tester, de
tâches, de déroulements, de choix d’ordre pour les scenarios.
Revenons aux suites et aux fonctions. Parmi les principaux éléments qui peuvent
situer les activités mathématiques dans le monde du discret ou celui du continu (voir
partie 2), c’est essentiellement le tracé des courbes qui vient attester en Troisième et
en Seconde l’inscription du thème des fonctions dans le monde du continu. Or la
partie 5 montre que pour un nombre non négligeable d’élèves et de futurs
enseignants, le tracé d’une courbe de fonction continue n’implique pas que la
variable appartienne à un ensemble continu. L’enseignement des suites et des
fonctions présente donc bel et bien un problème.
Nos analyses nous poussent à faire l’hypothèse, à tester, que ceci est lié à ce que,
dans les mathématiques à enseigner et les mathématiques enseignées, en analyse,
tout se passe trop souvent « comme si » le continu allait de soi ; « comme si » un
objet défini sur des entiers revenait à un objet analogue sur le continu d’un intervalle
de R. « Le » prolongement du discret au continu s’opérant de façon ostensible dans
le registre graphique.
Nos résultats concernant les étudiants en Master MEEF montrent que chez un tiers
d’entre eux, la confusion semble installée. Ils montrent par ailleurs, avec les résultats
concernant les élèves sur la même tâche, les potentialités aujourd’hui peu exploitées
de la représentation graphique en tant qu’outil heuristique au sein d’activités
mathématiques articulant les domaines de travail F1 et S1 (dans lesquels les
fonctions, resp. les suites, sont abordées en tant qu’objet et outil, en coordonnant
différents registres, permettant ainsi la coexistence des différentes perspectives).
Ces constats nous mènent à envisager l’inversion de l’ordre dans lequel les suites et
les fonctions sont introduites. En effet, les enfants développent leurs connaissances
sur les nombres entiers strictement positifs bien avant celles sur d’autres nombres ;
ils développent leur raisonnement probabiliste sur des espaces finis (à petit cardinal)
avant d’aborder les calculs de probabilités sur des espaces continus. Historiquement,
les entiers strictement positifs ont préexisté aux autres nombres pendant des siècles ;
d’après Dhombres (1978), lorsque Leibniz a inventé le calcul différentiel et intégral,
il raisonna dans un premier temps en termes de différences entre deux valeurs
78 SOPHIE ROUSSE
17
Par exemple en Ontario, en Grande Bretagne.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 79
18
Citons à ce propos Weigand (2014) qui analyse une approche discrète de la dérivée.
19
Voir Rousse (2018).
80 SOPHIE ROUSSE
Bibliographie
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LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 81
Manuels
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ALVEZ, Y., BEAUVOIT, E., GUILLEMET, D., LAVIGNE, D., LE YAOUANQ, M. H.,
ROXVAL, E., SALIBA, G. et TADEUSZ, L. (2011). Math’x 1re S. Didier.
ANTIBI, A., CROC, C., LALLEMAND, M. F., NOGAREDE, S. et ROUMILHAC, J. P.
(2010). Math 2de. Nathan.
82 SOPHIE ROUSSE
ARTIGALAS, A. L., BEASSE, C., BRAUN, F., DEVYS, A., DOS SANTOS, R., FAVERO,
S., GRISONI, M. D., LEVI, M. C., MARDUEL, S., PHILIPPE, C., REYNIER, C., ROUZE,
P. et TREVISAN, H. (2016). Maths 3e (collection Dimensions). Hatier.
BARRA, R., BARROS, J. M., BENIZEAU, P. et MORIN, J. (2011). Transmath 1re S.
Nathan.
BRAULT, R., DARO, I., FERRERO, C., PERBOS, D. et TELMON, C. (2008).
Mathématiques 3e (collection Phare). Hachette.
CARLOD, V., COURBON, D., FNDAKOWSKI, M., MALAVAL, J., MAZE, M.,
PLANTIVEAU, A. et PUIGREDO, F. (2008). Transmath 3e. Nathan.
CARLOD, V., CHRETIEN, B., DESROUSSEAUX, P. A., JACQUEMOUD, D., JORIOZ, A.,
KELLER, A., LECOLE, J. M., MAHE, A., MAZE, M. PLANTIVEAU, A. PUIGREDO, F.,
VERDIER, F. (2016). Transmath 3e. Nathan.
CHESNE, J. F., GASTIN, H., GUIGNARD, M. GUILLEMET, D. et LE YAOUANQ, M. H.
(2010). Math’x 2de. Didier.
COSTE, R., GUERLOU, C., LOTZ, E., MISSET, L. et TURNER, J. (2000). Maths Seconde
(collection Déclic). Hachette.
MALAVAL, J. MAZE, M., PLANCHAT, C., PUIGREDO, F., SAINFORT, A. et SERES, P.
(2003). Math 3e (collection Transmath). Nathan.
ASSOCIATION SESAMATH. Maths 1re S. Consulté à l’adresse https://mep-
outils.sesamath.net/manuel_numerique/?ouvrage=ms1s_2015&ticket=none
SOPHIE ROUSSE
LDAR Université de Paris
roussesophie@orange.fr
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 83
Sous question : Que peut-on dire d’une fonction f définie sur R qui vérifie « pour
tout réel x R, f(x + 1) > f(x) » ?
84 SOPHIE ROUSSE
Sous question : Que peut-on dire d’une fonction f définie sur R qui vérifie « pour
tout x R, f(x + 1) > f(x) » ?
Résumé. Nos travaux étudient les systèmes didactiques, dont le système didactique principal
qui est la classe et les systèmes didactiques auxiliaires qui aident et accompagnent l’étude
des mathématiques. Par une étude de cas, le présent article traite des difficultés du système
didactique rencontrées lors de la mise en place d’un dispositif d’aide lié à la résolution d’un
problème de volume. Ce type de dispositif, ayant pourtant fait ses preuves dans le cadre de
recherches antérieures, nous a menés à étudier les difficultés rencontrées lors de sa mise en
place. Trois difficultés ont émergé de cette étude : celles liées au projet d’enseignement, au
choix du matériel et au concept même de volume. Ces difficultés ont eu principalement des
répercussions sur la fonction mésogénétique du système didactique, mais aussi, de manière
systémique, sur ses autres fonctions.
auxquels ils prennent part (Assude et al., 2016a ; Giroux, 2014 ; Mary et al., 2014).
La question générale ciblée par nos recherches est la suivante : quelles sont les
conditions favorables à l’engagement des élèves en difficulté et à l’apprentissage de
concepts mathématiques lors d’une résolution de problème ? La méthode valorisée
pour traiter de cette question est l’accompagnement d’enseignants dans la
planification, la réalisation et l’analyse de systèmes didactiques. Nous avons
expérimenté un dispositif d’aide qui se situe en amont de la séance de classe et qui
vise à permettre aux élèves en difficulté d’entrer dans la tâche avant les autres : il
s’agit ainsi de changer la manière dont ces élèves prennent position dans le topos
d’élève (Theis et al., 2014). Cinq fonctions potentielles de ce dispositif ont pu être
identifiées (Theis et al., 2014 ; Assude et al., 2016a) : la fonction topogénétique, la
fonction chronogénétique, la fonction mésogénétique (Chevallard, 1992 ; Sensevy
et al., 2000), la fonction de distanciation et celle de questionnement. Nous nous
sommes centrés, jusqu’à présent, sur la modélisation du dispositif et son impact,
entre autres, sur l’engagement et la synchronicité des élèves en difficulté avec le
temps didactique. Dans le présent article, nous nous intéressons, par le biais d’une
étude de cas, aux difficultés du système didactique rencontrées lors de sa mise en
place pour la résolution d’un problème de volume auprès d’une classe d’élèves de
10 à 12 ans. Après avoir rappelé les fondements du dispositif, nous présentons une
analyse du concept de volume. L’accompagnement réalisé auprès de cette
enseignante et le dispositif d’aide élaboré et expérimenté sont décrits dans la
méthodologie. Enfin, les résultats reprennent les cinq fonctions du dispositif en
mettant en exergue les difficultés du présent système didactique.
1. Cadre de référence
Nos travaux s’insèrent ainsi dans le courant des recherches qui étudient les systèmes
didactiques (Chevallard, 1999 ; Tambone, 2014). Dans ce cadre, le contexte que
constitue la classe représente le système didactique principal (SDP) et les contextes
périphériques à celui-ci, internes ou non à l’institution, comme l’aide aux devoirs,
sont représentatifs d’un système didactique auxiliaire (SDA). Le SDA, qui dépend
du SDP par les savoirs en jeu, se déroule ici en amont du SDP avec certains élèves
ciblés par l’enseignante comme pouvant manifester des difficultés lors de cette
séance. Il a pour objectif de fournir une occasion de rencontrer la situation ou certains
de ses objets avant les autres élèves sans toutefois faire avancer le temps didactique
au sens de Chevallard et Mercier (1987). Les interventions de ce type de SDA
peuvent porter sur des contenus anciens, mais utiles pour la situation, sur une
appropriation du contexte de la résolution ou sur une anticipation des techniques
pouvant être déployées lors de la séance en classe. Le système didactique entourant
ce dispositif d’aide possède cinq fonctions qui sont décrites brièvement ci-dessous.
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 87
qu’ils soient face à une page blanche. Cependant, la ligne délimitant l’anticipation et
l’action n’est pas évidente à maintenir. Cette fonction est possible par le fait que les
élèves rencontrent le milieu lors du SDA sans qu’ils n’entrent dans l’action et qu’il
y a un temps entre ce dernier et le SDP. Ce laps de temps, entre une et trois journées,
permet alors une prise de distance et crée une attente chez les élèves (Assude et al.,
2015).
La dernière fonction consiste à valoriser un espace de questionnement afin que les
élèves du SDA puissent échanger sur leurs techniques ou leurs anticipations.
Rappelons qu’une validation ou invalidation de ces techniques ferait avancer le
temps didactique et irait au-delà de l’anticipation visée. Le nombre réduit d’élèves
(habituellement entre 3 et 6) permet à l’enseignant d’observer plus finement leurs
propositions (raisonnements et difficultés) et de créer un espace de questionnement
partagé dans lequel les élèves peuvent s’exprimer, écouter les autres, pour ainsi se
préparer à la situation du SDP avant les autres (Assude et al., 2016a ; Theis et al.,
2016). Cette prise de distance par le questionnement est vécue positivement par les
élèves. Elle semble créer une attente menant à un éventuel engagement de ces élèves
dans le SDP (Assude et al., 2016a ; Theis et al., 2016).
Ces cinq fonctions ne sont pas indépendantes les unes des autres : elles sont donc
analysées dans leurs interactions ainsi que dans l’interaction avec le savoir en jeu.
Pour l’étude de cas qui nous concerne, le savoir visé par le SDP (le volume) semble
être à l’origine de difficultés du système didactique lors de sa mise en place.
1
Le volume d’un liquide en classe de mathématiques au primaire est principalement vu en
termes de contenance ou de capacité comme nous le verrons plus bas.
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 89
La grandeur volume représente une relation qui caractérise une classe d’objets qui
auront le même volume « si plongés dans une même quantité d’eau contenue dans
des récipients identiques, la hauteur de l’eau montera de la même façon dans les deux
récipients. » (Charnay & Mante, 2008, p. 410). Il est possible de comparer ainsi, par
immersion, le volume de deux objets physiques. Mais il est aussi possible de mesurer
cette grandeur à l’aide d’unités. En ce sens, Anwandter-Cuellar (2013) souligne qu’il
y a deux points de vue qui peuvent être associés au volume : « le point de vue
géométrique qui considère le volume comme partie de l’espace et le point de vue
numérique caractérisé par les mesures et leurs interrelations » (Anwandter-Cuellar,
2013, p. 54). Le volume fait référence à l’identification d’une caractéristique
concernée par une classe d’objets (grandeur) et à l’opération de l’assignation d’un
nombre accompagné d’une unité (volume) (Janvier, 1997) comme rapport entre la
grandeur mesurée et la grandeur étalon de même espèce (Chesnais & Munier, 2016).
Le volume peut être vu en tant que grandeur unidimensionnelle, bidimensionnelle
ou tridimensionnelle :
avant d’être analysé comme le produit de trois longueurs ou comme le produit d’une
surface par une longueur, le volume est d’abord une grandeur physique directement
mesurable, qui se prête à des comparaisons, à des mesures, évaluations et
approximations, à des inférences qualitatives par union et complémentation […] et à
des additions et soustractions. (Vergnaud, 1983, p. 12)
Ces différents points de vue sur le volume, déterminants pour son enseignement,
peuvent être exemplifiés en prenant l’étude du pavé droit, solide sur lequel nous
focaliserons notre attention. Les différentes facettes de ce concept rendent son
enseignement complexe en classe de mathématiques. Afin d’approfondir ce concept
de volume dans le cadre d’un travail mathématique dans l’enseignement primaire,
nous nous appuyons sur les quatre exemples ci-dessous (figure 1).
mesures sont entières, nous pouvons aussi trouver le nombre de cubes-unités sur la
première tranche multiplié par le nombre de tranches ou encore reconstituer l’objet
à l’aide de cubes-unités occupant le même espace (Roegiers, 2011). Les solides A et
B ont le même volume même s’ils n’ont pas la même forme (conflit volume-forme).
De plus, l’un semble plein et l’autre vide, mais l’espace qu’ils occupent est
équivalent2. Pour les solides C et D, il est possible de partir du volume de B (mêmes
dimensions) et d’y soustraire le volume de la partie évidée. Ainsi, si nous plongeons
ces quatre solides dans l’eau, il est possible de comparer leur volume (vA = vB,
vB > vC et vB > vD).
Andreucci et Mercier (2005) ont également soulevé, à partir d’une description d’un
parcours didactique d’un enseignant basée sur les connaissances premières des
élèves, le fait que le volume faisait intervenir la notion de capacité et
d’encombrement. La capacité3 d’un récipient est une grandeur unidimensionnelle
qui représente la quantité de liquide qu’il peut contenir (De Champlain et al., 1996).
Un récipient est un « objet creux capable de contenir, de conserver ou de transporter,
un liquide […] ou un solide »4. Par exemple, en tant que récipient, D possède une
capacité qui correspond à la quantité de liquide que D peut contenir. Il est donc
possible de parler de la capacité et du volume du récipient D, mais seulement du
volume de A, B et C (figure 1). Quand il est question d’un récipient, par exemple
une casserole, il faut préciser la grandeur à l’étude : « est-ce […] sa contenance ou
[…] tout l’espace qu’elle occupe, une fois pleine, ou de l’espace occupé par le
matériau qui la constitue (y compris le manche) ? » (Salin, 2006, p. 7). La
clarification de ce qui est à mesurer, le contenant ou le contenu (liquide ou matière),
apparaît donc nécessaire pour déterminer la grandeur qu’on veut mesurer, ce que les
métrologues énoncent comme le mesurande5. En ce sens, une confusion du
mesurande est possible, le volume du contenant ou celui de son contenu (espace
occupé versus capacité) (Janvier, 1997). Par exemple, un élève « pour mesurer la
2
Le fait qu’un objet est plein ou vide influence sa masse pas son volume. Mais, les élèves
pensent, avant son enseignement, que le volume est « la mesure de ce qui est plein ».
(Andreucci et Mercier, 2005)
3
Pour rendre le texte uniforme, le terme « capacité » est utilisé et il est considéré synonyme
du terme « contenance » davantage utilisé en France (MENJS, 2020).
4
Larousse ; CNRTL https://www.cnrtl.fr/definition/r%C3%A9cipient).
5
Grandeur particulière soumise à mesurage (longueur, masse, intensité,…). Ministère de
l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Mathématiques – Physique-
chimie – Mesure et incertitudes http://eduscol.education.fr/prog. Gouvernement du Canada
https://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-
fra.html?lang=fra&i=&index=frb&srchtxt=MESURANDE
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 91
6
Des similarités entre les difficultés liées au volume et celles observées pour l’aire peuvent
être établies. Voir les travaux de Barrett et al. (2017), Douady et Perrin-Glorian (1989), Hart
(1984), Kim et Oláh (2019), Curry et al. (2006), Moreira-Baltar (1994-1995), Perrin-Glorian
(2016).
92 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE
7
Cet obstacle, pour le cas du cylindre, est en fait un des problèmes de Galilée (Johan et al.,
1997 ; Janvier, 1994).
8
Il faut s’attarder au raisonnement ayant permis la construction des formules (Janvier, 1997).
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 93
2. Méthodologie
Nos travaux s’inscrivent dans le courant des recherches collaboratives. Nous prenons
appui sur le principe de la « double vraisemblance » prenant en compte les
contraintes et les enjeux des domaines respectifs de la recherche et de l’enseignement
(Desgagné, 1997, 2007 ; Bednarz, 2013) ainsi que celui de la double pertinence.
Dans notre cas, le besoin des enseignants se situe dans la recherche de moyens
valorisant l’engagement cognitif et affectif des élèves en difficulté lors de la
résolution de problèmes. L’intérêt des chercheurs réside dans l’analyse de la mise en
place et des effets d’un tel dispositif d’aide. Pour ce faire, une demi-journée
d’accompagnement collaboratif est prévue pour la planification du SDA et du SDP.
Le rôle de l’enseignant à cette étape est de réfléchir sur le concept en jeu, sur la
situation et sur les difficultés que ce dernier pourrait engendrer chez les élèves. Le
rôle du chercheur est d’accompagner l’enseignant dans la conception du système
didactique en ayant en tête le concept visé et les fonctions de celui-ci. Il faut
mentionner que le but du chercheur n’est pas de proposer une ingénierie didactique
robuste aux enseignants, mais de les accompagner dans le processus. En ce sens, la
planification résultante représente une médiation entre les deux parties selon leur
expertise et le temps, tout de même limité, pendant lequel ils ont pu échanger à ce
propos. L’accompagnement n’aboutit habituellement pas à une planification « clé en
main » pour les enseignants : ils sont amenés à prendre en charge certains éléments
liés au milieu entre le moment de planification et l’expérimentation. Une fois
l’expérimentation terminée, les séances sont visionnées conjointement afin de les
analyser : l’enseignant verbalise les intentions qui soutiennent ses choix, son
impression de l’engagement et de la compréhension des élèves ainsi que les
changements perçus sur sa pratique ou chez ses élèves. La figure 3 illustre ce
déroulement.
94 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE
9
Ce qui était prévu lors de l’accompagnement n’est pas ici équivalent à ce qui a été réalisé
en classe.
10
Le modèle de Assude et al. (2011) constitue une triple analyse, mais dans le présent texte
nous réalisons deux des trois pôles de ce modèle d’analyse. Les problèmes professionnels
représentant le troisième pôle de ce modèle feront l’objet d’un article subséquent.
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 97
11
Ces techniques sont issues de notre propre expérience ainsi que des travaux de Anwandter-
Cuellar (2013), Janvier (1994), Perrin-Glorian (2016), Ricco et al. (1983) et Tanguay (2010).
12
Ces techniques erronées peuvent être aussi des erreurs de techniques correctes.
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 99
Des techniques ont été ici identifiées, mais elles ne seront pas toutes accessibles aux
élèves selon les choix didactiques réalisés. Par exemple, si les pavés droits sont
construits en carton ou en bois, il ne sera pas possible d’exploiter τ2 ; ou encore si
les mesures des dimensions des pavés droits choisis sont rapprochées, τ1 sera difficile
d’accès. Rappelons que cette analyse est réalisée d’après ce qui a été prévu lors de
l’accompagnement. Dans la section suivante, nous présentons et analysons les SDA
et SDP mis en œuvre par Sylvie (séances effectives). Notre analyse porte sur les
écarts entre ce qui était prévu et ce qui a été réalisé, sous l’angle des difficultés du
système didactique rencontrées lors de la mise en place du dispositif d’aide aux
élèves en difficulté, et de leurs effets sur les fonctions du dispositif.
qu’elle a choisi de fournir : une seule boîte par équipe (changement de tâche : mesure
et non plus comparaison) ; des cubes-unités de 1cm3 (mesure) en nombre insuffisant
afin de valoriser l’émergence d’une formule embryonnaire (τ7) (phase 6). Pour les
chercheurs, chacune de ces étapes nécessite plusieurs séances s’étalant sur une ou
deux années scolaires. Sylvie a ainsi extrait des variables pertinentes de la phase 2 à
la phase 6, mais en les intégrant à une seule séance. Peu d’éléments explicatifs de
ces changements sont disponibles dans le cadre de ce projet (limite de nos données
brutes), mais nous pouvons émettre l’hypothèse que cette progression n’était pas
connue de l’enseignante et que son appropriation aurait nécessité une plus grande
part d’investissement, par exemple en détaillant des séquences d’enseignements
possibles pour chacune des phases, le matériel qui peut leur être lié, les
raisonnements et les difficultés anticipées des élèves pour chacune d’elles.
Cependant, le temps alloué dans ce projet n’ouvrait pas vers ce type d’appropriation
didactique puisque l’enjeu était davantage l’appropriation du dispositif d’aide : il
peut donc y avoir un décalage entre l’accompagnement reçu et son application en
classe. Ici, nous pourrions aussi émettre l’hypothèse que la dévolution des savoirs
didactiques proposés par les chercheurs semble avoir échouée à court terme pour
Sylvie.
Une autre difficulté se réfère à un raccourci que Sylvie emploie pour amener les
élèves à considérer les trois dimensions de la boîte pour aborder le volume :
SDA – Étapes 2-3
P : Est-ce qu’on peut trouver le volume de cette feuille? ... Tantôt toi, tu nous en as
parlé de la capacité d’un verre d’eau, c’est ça ? … donc si je veux calculer le volume
de cette feuille, je vais la remplir avec de l’eau ?... Mon objet doit-être comment ?
Réponses : 3D
P : En 3 dimensions, quelque chose qu’on peut mettre de quoi dedans. […] C’est en
3D, c’est comme ça. Donc ça prend une forme qu’on peut toucher, qu’on peut remplir
avec quelque chose, ou on peut regarder l’espace que ça prend. Une feuille c’est
mince, mince, donc c’est difficile de calculer le volume de ça.
SDP – Étape 4
P : Qu’est-ce que vous faites ?
E3 : Bien, je voulais mettre des petits cubes en haut [recouvrir la face du haut] sur la
longueur et sur la largeur [recouvrir chacune de ces trois faces].
P : OK, qu’est-ce que ceci va vous donner ?
E3 : Ça va nous donner comme la dimension, je pense.
P : Est-ce que cela va vous donner le volume ?
E3 : Non, l’aire.
P : C’est quoi l’autre étape que vous allez devoir faire pour trouver le volume ?
[les élèves ne semblent pas savoir quoi répondre]
102 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE
P : Parce qu’hier [lors du SDA] on a parlé que c’était des objets en 3D.
E3 : Oui.
P : Donc quand on calcule le volume…
E4 : [inaudible] On va, on va… les trois dimensions… la hauteur [E4 pointe la face
du haut de son pavé, puisqu’elle fait Lh et que E3 fait lh]… [inaudible] on va faire
un « fois»…
P : OK, je vous laisse aller, on va regarder ça à la fin.
Elle utilise cette explication pour mentionner qu’un objet physique qui a un volume
est en 3D, mais aussi pour s’éloigner du calcul de l’aire (2D). Elle insiste sur le fait
que l’objet est en 3D et que donc pour trouver le volume, il faut prendre en compte
les trois dimensions. Cette explication peut devenir un moyen mnémotechnique pour
le calcul de L l h, mais ne fait pas toujours sens dans une situation donnée : des
grandeurs 2D (ex. : aire latérale) et 1D sont également attachées à l’objet 3D.
Comme ceci est souvent le cas, le choix du matériel vient influencer les
apprentissages des élèves et ici il semble renforcer une conception spontanée des
élèves à propos du volume : le volume mesure ce qui est plein.
Une quatrième difficulté est en lien avec l’utilisation d’objets physiques avec
couvercle. Lors de l’introduction du SDP, Sylvie choisit un tel objet (voir l’annexe
2) pour faire la distinction entre le volume et la capacité. L’explication est cohérente
en ne considérant que la boîte sans le couvercle, mais le sens change lorsque cet objet
est refermé : « Si tu reproduis l’intérieur avec les petits blocs [sa capacité], tu le
mets à côté, ton résultat risque d’être plus petit que cette boîte au complet. […]
Quand je ferme la boîte, c’est sûr que la boîte prend plus d’espace que son intérieur.
Parce que ses parois sont très épaisses. ». Lorsque nous refermons cette boîte, il est
question d’un autre objet – la boîte fermée. La transformation du matériel (boîte sans
couvercle représentant un récipient et boîte avec le couvercle en forme de pavé droit)
injecte ainsi une autre variable dans la situation qui n’est pas évidente à considérer
conceptuellement. Il en est de même à l’étape 5, lorsque l’enseignante veut invalider
la technique τa : elle choisit d’exploiter l’immersion d’un cube en Plexiglas (annexe
2). En l’immergeant, il est possible d’observer que l’espace qu’occupe cette boîte
doit aussi tenir compte de son intérieur (l’eau ne peut pas prendre l’espace à
l’intérieur). Mais, afin d’aller plus loin dans son explication, elle décide d’enlever le
couvercle : «Donc quand tu calcules le volume, tu dois aussi considérer l’intérieur.
Mais si tu mesures juste les surfaces, il y en a qui mesurent seulement les surfaces,
et ils les additionnent ensemble, ils ne trouvent pas l’espace qu’il prend. On doit
considérer l’espace à l’intérieur aussi. C’est pour ça que ça monte. » Cette
explication, même si elle sous-entend des défis conceptuels importants, permet à
Sylvie d’aider plus de la moitié des équipes à aller au-delà de la technique τa, ce qui
était bien son intention ici en proposant l’immersion de ces deux objets. Mentionnons
que 9 des 10 équipes de la classe avaient opté pour cette technique erronée.
qui n’ont pas été abordés lors de l’accompagnement, viennent s’immiscer dans ses
explications. Une des conséquences observées est que 9 des 10 équipes ont associé
la capacité à l’intérieur et le volume à l’extérieur (son enveloppe), en choisissant la
technique erronée τa (extrait ci-dessus, SPD, étape 4).
Une dernière difficulté découle de la précédente. Nous savions que la confusion
volume-aire était fréquente chez les élèves, mais nous ne nous attendions pas à ce
ratio (90% des équipes). Cette réalité a aussi surpris Sylvie qui a trouvé que les
assimilations de ce type étaient particulièrement fréquentes. Voici deux extraits
montrant comment cette difficulté s’est manifestée :
SDA - Étape 4 [Confrontation de la première technique]
P : Donc si je fais ça [τa], est-ce que c’est juste ça que je vais calculer [les surfaces],
ou je vais calculer l’espace que l’objet va prendre ?
E6 : Tu calcules les surfaces.
SDP - Étape 4
P : Qu’est-ce que vous faites ?
E5 : Bien, ici on va calculer en haut et en bas et on va faire un étage [face] de plus
après.
P : OK, puis toi tu es en train de faire l’étage d’un côté et toi l’étage de l’autre côté ?
Allez-vous avoir assez de petits cubes ?
E5 : Bien, on va faire un côté et puis on va faire fois 2 après.
P : Fois 2 ?
E5 : Oui, parce qu’il y a deux côtés [deux faces identiques].
P : OK, est-ce que ça va te donner l’espace que prend ta boîte, si tu fais ça ?
E5 : Oui…
P : OK… ça va être quoi la différence, heu…, avec l’aire ?
E5 : Je ne sais pas.
Les élèves en difficulté ne sont pas plus en difficulté que les autres élèves de la classe
puisque 9 équipes sur les 10 ont opté pour cette même technique erronée. Comment
expliquer cette situation ? Par l’aide-mémoire fourni à l’étape 1 du SDP, par la
confusion volume-aire, par l’emploi de cube-unités pour mesurer des aires ou par le
fait que les boîtes étaient en carton (elles avaient une enveloppe, mais elles étaient
vides) ?
De manière synthétique, malgré le fait que les élèves en difficulté ont pu rencontrer
des éléments du milieu avant le SDP, les conditions mises en place pour la fonction
mésogénétique ne semblent pas avoir permis à ces derniers de bénéficier autant que
par le passé de ce dispositif d’aide. Ces conditions, exprimées ici en termes de
difficultés du système didactique, viennent questionner :
106 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE
essoufflement ? Sans avoir de réponse précise, les résultats semblent pointer vers les
difficultés du système didactique mentionnées ci-dessus lors de la mise en place de
ce dispositif comme source d’explication.
Conclusion
L’élaboration et l’expérimentation du dispositif d’aide ont mené l’enseignante à faire
des choix dans l’action qui l’ont placée dans de nouvelles situations d’enseignement-
apprentissage pour un concept peu exploré jusqu’à présent dans sa pratique
professionnelle et faisant émerger des difficultés du système didactique. Ces
difficultés ont eu principalement des répercussions sur la fonction mésogénétique,
mais aussi, de manière systémique, sur les autres fonctions de ce dispositif. Elles
semblent avoir notamment influencé la compréhension des élèves (intérieur-
extérieur, récipient-pavé), leurs conceptions (plein-vide, intérieur-extérieur,
couvercle ou non), l’analyse des techniques (volume-aire-capacité) ainsi que l’objet
physique à l’étude (boîte-pavé-récipient ouvert ou non) de la part de l’enseignante.
En outre elles ont eu un impact sur tous les élèves (et pas seulement ceux en
difficulté).
Le dispositif n’a alors pas permis d’obtenir les effets souhaités auprès des élèves en
difficulté et ce constat nous amène à évoquer l’hypothèse que le système didactique
auxiliaire ne crée pas de conditions favorables au déroulement du SDP lorsque sa
fonction mésogénétique est ébranlée. Il nous a ainsi été possible d’observer dans ce
projet des dérives significatives lors du SDP qui n’étaient pas spécifiques au SDA.
Il faut d’ailleurs mentionner que le concept de volume revêt une complexité
conceptuelle importante pour son enseignement au primaire, comme il a été possible
de le soulever dans cet article autant par le biais de l’analyse a priori et a posteriori
que par les diverses difficultés rencontrées en classe de la part des élèves et de
l’enseignante. De plus, parmi ces difficultés, certaines mettent en jeu l’articulation
108 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE
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110 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE
PATRICIA MARCHAND
Université de Sherbrooke
patricia.marchand@usherbrooke.ca
LAURENT THEIS
Université de Sherbooke
laurent.theis@usherbrooke.ca
TERESA ASSUDE
Aix-Marseille Université & UR 4671 ADEF
teresa.dos-reis-assude@univ-amu.fr
114 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE
6 1 min 37 s Synthèse par Sylvie de ce qui est à retenir pour le SDP : les
propositions faites pourront être explorées, nous aurons à
mesurer l’espace occupé par un objet à l’aide, non pas de la règle,
mais de petits cubes et il ne faut pas confondre capacité et
volume.
13 L’enseignante a fourni un nombre de cubes plus grand que le nombre nécessaire pour construire la
1ère tranche, mais pas assez pour reproduire la boîte au complet (pour aller au-delà du dénombrement).
116 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE
Résumé. Cet article présente la définition d’un cadre théorique et méthodologique pour la
conception didactique d’un environnement informatique pour l’apprentissage humain
(EIAH) : une plateforme d’apprentissage en mathématiques à destination d’élèves de cycle 4
(élèves de 12 à 15 ans). Nous croisons plusieurs approches théoriques pour construire des
modèles didactiques et leur représentation informatique : un modèle du savoir en jeu dans la
plateforme, un modèle du raisonnement de l’apprenant et un modèle des parcours
d’apprentissage adaptés aux besoins d’apprentissage de l’élève. Nous illustrons cette
conception sur deux thèmes issus de deux domaines mathématiques, la résolution d’équations
du premier degré en algèbre et la construction de triangles en géométrie.
1. Introduction
MindMath1 est un projet qui réunit des équipes de chercheurs en informatique
(équipe MOCAH du LIP62) et en didactique des mathématiques (LDAR3) ainsi que
des entreprises (Tralalère, Cabrilog, Domoscio, Breakfirst4). L’objectif général du
projet est de produire une plateforme numérique d’entraînement, permettant à des
élèves de cycle 4 (élèves de 12 à 15 ans) de travailler l’algèbre et la géométrie. À
cette fin, elle doit proposer aux apprenants des exercices et des rétroactions
pertinents par rapport à leur activité. Au regard des objectifs de la plateforme et du
travail de recherche que nous menons dans le projet, nous nous situons dans le
domaine de recherche des environnements informatiques pour l’apprentissage
humain (EIAH)5. Dans la suite de l’article, nous utiliserons indifféremment les
termes « la plateforme » ou « l’EIAH ». De plus, nous appelons parcours un
enchaînement cohérent d’exercices, selon des objectifs d’apprentissage visés à un
niveau scolaire donné, des connaissances des élèves et des apports de la didactique.
Il existe déjà de nombreux environnements numériques, d’apprentissage ou
d’entraînement, pour les mathématiques. Certains sont directement issus de la
recherche en didactique, d’autres ont pour origine des éditeurs de ressources ou des
enseignants. Si on se centre sur les environnements fondés didactiquement et qui
concernent les domaines mathématiques et niveaux scolaires mis en jeu dans
MindMath, on peut citer l’environnement Aplusix6 (Nicaud et al., 2006) en algèbre.
Il permet d’évaluer automatiquement certains aspects de l’activité des élèves sur la
résolution des équations. Dans ce même environnement, Chaachoua et al. (2005)
s’intéressent à la détermination automatique des conceptions des élèves relatives aux
1
https://www.mindmath.education
2
https://www.lip6.fr/recherche/team.php?acronyme=MOCAH
3
https://www.ldar.website/
4
Tralalère, Cabrilog et Breakfirst sont spécialisées dans la production de ressources et/ou
plateforme éducatives. Domoscio est spécialiste de l’adaptive learning.
5
On peut se référer par exemple à la définition proposée par Tchounikine et Tricot (2011) :
« Le point de jonction entre l’informatique et les questions relatives à l’apprentissage humain
et à l’enseignement se situe au niveau des environnements informatiques pour l’apprentissage
humain (EIAH). En tant que système informatique, un EIAH est un programme destiné à être
utilisé par les apprenants impliqués dans une situation d’enseignement et à accompagner ou
susciter leur apprentissage. En tant que champ scientifique, l’EIAH peut être défini comme
l’ensemble des travaux visant à comprendre les processus de construction des EIAH et les
phénomènes d’apprentissage liés à ces environnements informatiques. » (p. 168)
6
http://aplusix.imag.fr/
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 119
7
Dans ce système l’apprenant considéré est un apprenant moyen fondé sur le modèle MIA
(Richard et al., 2011).
8
Classes de 5e, 4e et 3e du collège français, élèves de 11 à 14 ans.
120 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS
9
Ce terme peut être pris dans une acceptation générique ici, il sera défini d’un point de vue
didactique dans la section 2.3.
10
Comme pour tout artefact, nous ne pouvons préjuger des genèses instrumentales (Rabardel,
1995) qui auront lieu en classe et ce n’est pas l’objet de cet article.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 121
11
Nous considérons ici la complexité comme une caractéristique intrinsèque de la tâche au
sens de (Robert, 2008).
12
Les programmes français de cycle 4 de 2020 indiquent que les collégiens doivent savoir
« résoudre algébriquement des équations du premier degré ou s’y ramenant […] » (MENJS,
2020, p. 132).
122 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS
coefficients sont dans Z et non pas dans N, il est nécessaire de mobiliser la réduction
d’une expression algébrique pour pouvoir résoudre l’équation. Enfin, l’exercice 3
contient, avant réduction, des termes de degré 2.
Concernant la production de l’élève pour résoudre l’exercice 1, elle peut être
analysée en termes de difficultés relativement aux objets expression algébrique et
équation. L’élève utilise tout d’abord une « règle de concaténation », relative à la
manipulation des expressions algébriques, du type « dans un résultat, l’expression
finale est évaluée, il n’y a plus de signe opératoire » (technique arithmétique utilisée
en dehors de son domaine de validité) qui l’amène à transformer 4x + 3 en
l’expression 7x. Dans un deuxième temps, il mobilise une autre « règle », relative à
la résolution des équations cette fois, en dehors de son domaine de validité (« quand
on change de côté on change de signe »). Dans l’exemple, il « change 7 de côté » et
ajoute un signe « − ».
Cet examen de l’exercice et de la production montre la nécessité d’un double
mouvement par rapport au thème résolution des équations du 1er degré. D’une part,
il faut affiner la description du thème en sous-catégories pour pouvoir positionner
les différents exercices de ce thème les uns par rapport aux autres. D’autre part, dans
un mouvement contraire, il faut resituer la résolution des équations du 1er degré plus
largement au sein de l’algèbre (en particulier en lien avec la transformation des
expressions algébriques et plus fondamentalement la génération de ces expressions,
le rôle de la lettre, etc.) pour pouvoir analyser et caractériser les erreurs possibles.
Pour compléter cette analyse, il est aussi nécessaire de situer l’activité de l’élève au
regard de celle visée en algèbre à son niveau scolaire et en lien avec l’enseignement
reçu. C’est la combinaison de ces éléments d’analyse qui va permettre de structurer
et positionner les différents exercices les uns par rapport aux autres et ainsi de
concevoir des parcours adaptés aux enjeux visés.
Il ressort de cet exemple que la conception des exercices et la création des parcours
nécessitent des éléments communs : une modélisation structurée du savoir, une
définition de la complexité d’une tâche et une caractérisation de l’activité a priori de
l’apprenant. Dans les sections suivantes, nous faisons une rapide synthèse relative
aux questions de la modélisation du savoir, de la régulation des apprentissages et de
l’activité de l’apprenant, et enfin des modèles de l’apprenant. Cela nous permet alors
de reformuler nos hypothèses et questions de recherche.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 123
13
Ou organisation mathématique, notée OM dans la suite de l’article, dans le cas d’une
praxéologie mathématique.
14
Nous considérons des praxéologies mathématiques, nous reprenons donc ici, et dans la
suite de l’article, la notation usuelle OML (resp. OMR, OMG) pour organisation
mathématique locale (resp. régionale, globale).
124 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS
15
Ce qui est un impératif du projet MindMath du point de vue de la didactique.
16
T4 fait référence aux quatre T du quadruplet praxéologique {Type de tâches, Technique,
Technologie, Théorie} et TEL à Technology Enhaced Learning, terminologie anglophone
pour EIAH.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 125
17
Par exemple dans le système scolaire français les deux ruptures évoquées précédemment
ont principalement lieu lors du passage du cycle 3 au cycle 4.
126 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS
ici à la distinction entre tâche et activité, tâche prescrite et tâche effective ainsi qu’à
la double régulation de l’activité (Robert & Rogalski, 2005 ; Vandebrouck, 2013).
En particulier selon les énoncés des tâches, leur résolution nécessitera des mises en
fonctionnement des connaissances anciennes et nouvelles des élèves, sous forme
d’application directe ou non, et parfois des adaptations à la charge des élèves
(Castela, 2008 ; Robert, 1998, 2010), ce qui définit leur complexité. Les adaptations
que les élèves auront à faire relèvent de plusieurs aspects : reconnaissance de
modalités d’application des propriétés et de leurs domaines de validité, introduction
d’intermédiaires, changement de points de vue et mises en relation. L’activité dépend
aussi des déroulements en classe, ainsi que de l’autonomie et de la responsabilité
laissées à la charge de l’élève.
Nous faisons l’hypothèse que la mise en perspective de ces trois points de vue – du
côté du savoir, du côté de l'institution et du côté de l’élève – permet de définir des
besoins d’apprentissage d’un apprenant aidant à la régulation des apprentissages.
Ce travail peut s’inscrire dans plusieurs moments de l’étude18 :
− faire prendre conscience et négocier des ruptures d’ordre épistémologique non
abordées au cours des moments de la première rencontre et de l’exploration du
bloc praxique en abordant les limites de portée de certaines techniques.
Développer l’exploration du bloc praxique et la construction du bloc
technologico-théorique (concepts d’expression littérale, d’équation, etc.). Ceci
est abordé très partiellement dans la plateforme ;
− remettre en question les techniques et technologies erronées mises en jeu par des
élèves ;
− renforcer les praxéologies déjà travaillées lors des premiers temps du travail de
l’organisation mathématique et de la technique, en les articulant avec d’autres
praxéologies (résoudre des équations à coefficients dans Q après avoir travaillé
les équations à coefficients dans Z par exemple).
Cette approche permet d’éclairer les technologies développées par les élèves,
anciennes, idoines ou erronées, et de déterminer des praxéologies à travailler pour
montrer l’inadaptation de technologies anciennes et pour expliciter des discours
technologiques afin de montrer les limites de portée de techniques (Kaspary et al.,
2020). Un moyen de prendre en compte l’apprenant et son rapport au savoir à
travailler est développé dans la section suivante avec le mode technologico-théorique
de l’apprenant dans un domaine donné.
18
Comme spécifié dans la section 1, tous ces moments ne sont pas ciblés par la plateforme.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 127
19
Nous nous distinguons ici de l’approche de Croset et Chaachoua (2016) avec les
praxéologies personnelles. En effet dans le cas des praxéologies personnelles, l’élève est
considéré comme une institution avec des types de tâches erronés. Nous ne prenons en
compte que les praxéologies institutionnelles, mais pour lesquels des techniques et
technologies erronées ont été développées. Nous faisons donc référence aux praxéologies
apprises.
128 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS
20
La valeur de n dépend du domaine mathématique étudié.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 129
enfin une représentation informatique qui permet leur exploitation. Nous illustrons
nos approches en continuant à développer l’exemple introduit dans la section 2.1, la
section 4 étant consacrée à la présentation d’un exemple détaillé en géométrie.
21
Il est important de noter qu’il a été choisi dans le projet, notamment en raison de contraintes
informatiques, de proposer des exercices constitués d’une seule tâche. Les problématiques
liées à l’articulation de plusieurs questions dans un même exercice ne se posent donc pas
dans le cadre de notre travail.
130 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS
unes par rapport aux autres et de penser des parcours de l’élève en prenant en compte
les interactions entre ces différents niveaux de structuration du savoir. Nous
illustrons cette structuration, pour l’algèbre, sur la Figure 1.
et d’autre part caractériser la complexité des tâches. Ainsi, ce que nous appelons un
générateur de familles de tâches est défini par un verbe d’action, un complément
fixe, un ensemble de variables de types de tâches – et leurs valeurs – et un ensemble
de variables de tâches – et leurs valeurs. L’instanciation des variables de types de
tâches permet de définir des types de tâches. À partir de ceux-ci, l’instanciation des
variables de tâches permet de définir des familles de tâches. Une famille de tâches
est un ensemble de tâches que le choix des valeurs des variables nous amène à
considérer comme semblables à l’aléatoire de génération près. Il s’agit du niveau de
granularité le plus fin que nous définissons dans la modélisation du savoir construite.
Nous illustrons maintenant ces éléments à l’aide de l’exemple abordé dans la section
2.1. La tâche « Résoudre l’équation 4x + 3 = 7 », concerne le domaine de l’algèbre,
au sein de l’OMR des équations et dans l’OML calculer sur les équations. Dans cette
OML nous considérons le générateur qui est défini par le verbe d’action
« Résoudre », le complément fixe « une équation du premier degré » et les variables
suivantes :
− variable de type de tâches 1 (VT1) : structure de l’équation ;
− variable de type de tâches 2 (VT2) : nombre de solutions de l’équation ;
− variable de tâches 1 (Vt_P1) : nature des solutions ;
− variable de tâches 2 (Vt_C1) : nature des coefficients ;
− variable de tâches 3 (Vt_C2) : complexité de la réécriture.
Les différentes valeurs de VT1 sont détaillées dans la Figure 2. Elles permettent de
distinguer, par exemple, les équations de la forme ax + b = c de celles de la forme
ax + b = cx + d. Ce qui est pertinent à la fois sur le plan institutionnel et sur le plan
des techniques associées. La variable Vt_P1 est fondamentale pour rendre compte
de la portée des techniques de nature arithmétique, qu’on veut voir évoluer au profit
des techniques algébriques. Or, le choix d’une racine rationnelle non décimale (dans
Q \ D) est un moyen de rendre les techniques arithmétiques inopérantes, d’où
l’intérêt de définir la variable Vt_P1 à laquelle on associe en particulier deux
valeurs : Q \ D et D. Les deux variables Vt_C1 et Vt_C2 permettent de caractériser
la complexité de l’équation à résoudre. La variable Vt_C2, complexité de la
réécriture, indique s’il y a nécessité de convoquer les OMP développer et réduire
une expression algébrique, qui appartiennent à une autre OMR, préalablement à la
résolution algébrique de l’équation ax + b = cx + d avec a −c ≠ 0.
132 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS
22
Le travail de génération et de vérification des contraintes est réalisé par le partenaire
CabriLog.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 133
de tâches. Il s’agit du plus petit élément pouvant être produit par un générateur. C’est
donc à partir d’une famille de tâches que vont être produites les tâches qui seront
communiquées à l’élève. Les choix réalisés dans la définition des familles de tâches,
c’est-à-dire le choix des combinaisons de valeurs de VT et Vt, visent deux fonctions :
− produire des familles de tâches qui permettent de motiver et travailler le passage
d’une technique à une autre en jouant sur leurs portées et la technologie en jeu ;
− produire des familles de tâches qui mobilisent la même technique, mais sont plus
ou moins complexes en terme d’activité cognitive sollicitée à travers la
convocation de types de tâches relevant d’une autre OMR.
Dans un deuxième temps, la structuration des valeurs des variables de types de tâches
et de tâches permet d’obtenir une structuration des familles de tâches. Elle est
illustrée par la Figure 3. Les branches avec « … » ne sont pas développées, mais se
poursuivent à l’image de la branche « centrale » qui est plus détaillée. C’est la
combinaison de cette structuration des familles de tâches et des fonctions
précédemment définies des différentes variables, qui va permettre de concevoir un
premier niveau de parcours.
23
Ces pourcentages sont fixés suite à des expérimentations menées en classe notamment
autour de la recherche sur Pépite. Ils pourront être réinterrogés au regard des résultats de
l’expérimentation de la plateforme MindMath.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 135
cet article des mécanismes déterminant le passage d’une famille de tâches à une
autre, il est cependant possible que les deux dernières colonnes ne soient pas ou peu
explorées. Il est par contre nécessaire que la colonne cible le soit, si besoin à la suite
des actions de l’enseignant pour retravailler les éléments nécessaires dans les
colonnes précédentes. Un exemple détaillé d’un tel parcours en géométrie est
présenté dans la section 4.4.
Tableau 1. Modèle simplifié de parcours en fonction du mode technologico-théorique.
théoriques qui permettent de définir des catégories d’erreurs liées, non pas seulement
au savoir travaillé, mais aussi à des savoirs antérieurs non maitrisés par l’apprenant.
Enfin, ces éléments sont liés aux institutions dans lesquelles ils sont conformes. Ceci
est le moyen de déterminer non seulement l’adéquation d’une tâche à un niveau
scolaire donné, mais aussi de connaitre la viabilité et l’idonéité d’une technologie
pour un niveau donné et ainsi d’adapter les rétroactions à l’apprenant en fonction de
son mode technologico-théorique en cours. Les rapports entre techniques,
technologies et institutions sont le fondement du calcul des parcours.
3.4 Synthèse
Dans cette troisième section nous avons donc présenté l’ensemble des modèles
didactiques définis et exploités dans le cadre du projet MindMath permettant la
représentation du savoir, la mise en relation de l’activité de l’élève avec le savoir et
la représentation informatique de ces modèles. Ils permettent à la fois l’identification
de familles de tâches, la génération de tâches, ainsi que la conception et la génération
de parcours d’apprentissage. Nous avons choisi comme domaine d’illustration celui
de l’algèbre qui a, par ailleurs, été déjà exploité dans divers travaux. La quatrième
section de cet article propose la mise en fonctionnement de ces différents éléments
dans le domaine de la géométrie, et plus précisément dans le cas des triangles.
24
La construction du modèle praxéologique de référence est un objet de la thèse de Lesnes-
Cuisiniez (2021).
140 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS
25
Cette variable prend notamment les valeurs suivantes : uniquement outils de report de
mesure ; uniquement constructeur d’angles ; report de mesure et constructeur d’angles ; etc.
144 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS
Dans cette partie, nous présentons un exemple de parcours centré sur les propriétés
des angles des triangles isocèles. Il peut être réalisé en classe de 5e pour donner une
raison d’être au raisonnement déductif et pour développer les éléments technologico-
théoriques relatifs au triangle isocèle.
À partir du générateur « Construire un triangle à partir des côtés et des angles », dont
les variables ont été présentées dans la section 4.3, nous avons défini 40 familles de
tâches que nous jugeons pertinentes au cycle 4. Nous nous intéressons ici au type de
tâches « construire un triangle isocèle » et nous présentons dans le Tableau 3 la liste
des familles de tâches qui mettent en jeu une activité sur les angles (la tâche de la
Figure 5 appartient à la famille de tâches Ft5). Concernant les variables, la figure à
construire (VT1) est un triangle isocèle, mais sa désignation dans l’énoncé peut être
diverse (Vt_P3). L’élément fourni de la figure (Vt_P1) est toujours le côté désigné
dans l’énoncé et il n’y a pas d’éléments externes à la figure à construire (Vt_C1).
Tableau 3. Familles de tâches définies à partir du générateur « Construire un triangle avec
les angles et les côtés » mettant en jeu une activité sur les angles dans un triangle isocèle
Ft8 : on introduit ici une nouvelle rupture avec une construction demandée qui n’est
pas possible. La justification de cette impossibilité passe par un raisonnement
déductif mobilisant les propriétés du triangle isocèle et de la somme des mesures des
angles dans un triangle.
Une fois ces familles de tâches définies, dans le cadre d’un parcours d’apprentissage
en classe de 5e, nous choisissons de présenter les tâches mises en jeu en augmentant
le nombre minimum de propriétés à mobiliser. Nous nous appuyons sur des aspects
du MPR relevés dans la partie 4.1, qui doivent amener les élèves à développer des
praxéologies attendues au cycle 4 quant à la construction de triangles. L’évolution
des familles de tâches est illustrée pour le début du parcours dans la Figure 6. D’une
manière générale, l’augmentation du nombre de propriétés à mobiliser est liée aux
outils à disposition, aux données de l’énoncé et au registre de représentation en
entrée.
Figure 6. Premières étapes d’un parcours du générateur « construire un triangle à partir des
angles et des côtés »
Comme nous l’avons précisé, ce parcours est défini a priori. Selon les besoins de
l’élève (actualisés par les algorithmes régissant les parcours sur la plateforme),
l’ordre des exercices peut varier, des exercices peuvent s’ajouter ou être supprimés.
Par exemple, pour un élève de cycle 4 qui continue de s’appuyer sur la perception
pour construire, l’adaptation du parcours prescrit à son activité effective se
matérialise par la proposition d’un travail sur la définition et les propriétés
caractéristiques que l’on peut utiliser directement pour construire (comme la famille
de tâches Ft2 dans l’exemple donné, mais aussi d’autres familles de tâches d’autres
parcours). Par la suite, la plateforme l’amènera vers d’autres tâches qu’il devra
résoudre en développant un raisonnement plus complexe. L’objectif étant de
l’accompagner dans la prise de conscience de l’insuffisance d’une démarche
perceptive et de la nécessité de mobiliser des propriétés géométriques au cours d’un
raisonnement préalable à la construction.
148 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS
5. Conclusion et perspectives
Ladage (2021) propose d’exploiter la TAD comme cadre d’analyse
d’environnements numériques d’apprentissage. Pour notre part, nous avons proposé
des fondements didactiques pour la conception d’un EIAH d’entraînement aux
mathématiques, prenant en compte les besoins d’apprentissage des élèves qui sont
actualisés au cours du travail. Pour concevoir un tel EIAH, il est nécessaire de
prendre en compte la ou les institutions d’usage, les savoirs en jeu et l’apprenant en
tant que sujet cognitif et institutionnel. Afin de considérer ces différents points de
vue, nous avons montré la nécessité et l’intérêt de croiser trois approches théoriques
en didactique. Nous décrivons le savoir en jeu par le moyen d’un MPR, qui est
structuré à partir d’une évolution des générateurs de types de tâches définis dans
T4TEL à l’aide des variables de tâches, et nous a amenés à définir la notion de famille
de tâches. Nous prenons aussi en compte, via des études préalables : du côté de
l’institution, des variations potentielles entre les praxéologies à enseigner et celles
enseignées, et le MPR retenu ; du côté de l’apprenant, les modes technologico-
théoriques et les catégories d’erreurs associées. Nous avons alors défini des parcours
d’apprentissage. Pour cela, d’une part nous avons exploité la structuration du savoir
précédemment évoquée et, d’autre part, pour prendre en compte l’apprenant, nous
avons explicité la notion de besoins d’apprentissage d’un apprenant en exploitant et
en précisant de nouveau de nombreux travaux antérieurs, et nous avons intégré les
modes technologico-théoriques.
Ce cadre de conception didactique d’un EIAH nous permet dans un premier temps
de générer des tâches, structurées en familles de tâches, pour produire de manière
effective des exercices dans l’EIAH. Dans un deuxième temps, nous construisons
des parcours qui prennent en compte le savoir, les enjeux épistémologiques liés à
l’activité mathématique visée (rupture d’ordre épistémologique ou construction de
nouveaux éléments du bloc technologico-théorique) dans une institution donnée et
le rapport au savoir de l’apprenant, construit antérieurement. C’est donc la prise en
compte des modèles du savoir et de l’apprenant, au regard d’une institution donnée,
définis à partir du croisement entre des approches épistémologique, institutionnelle
et cognitive et la possibilité de les représenter informatiquement, qui permet
d’assurer la construction d’un EIAH fondé didactiquement. Dans le cadre du projet
MindMath nous avons mis en œuvre ces fondements dans le domaine de l’algèbre et
dans celui de la géométrie.
Ces différents construits vont maintenant être mis à l’épreuve lors des phases deux
et trois du projet, pour valider les hypothèses voire les faire évoluer ou les enrichir
dans le cadre d’un processus itératif appuyé sur des expérimentations in situ et leur
analyse. En effet, un des enjeux de la recherche à venir concerne l’étude de
l’évolution de l’activité mathématique de l’élève dans un domaine donné, avec des
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 149
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Montpellier II.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 151
SEBASTIEN JOLIVET
Université de Paris, Univ Paris Est Créteil, CY Cergy Paris Université, Univ. Lille,
UNIROUEN, LDAR, F-75013 Paris, France
sebastien.jolivet@unige.ch
ELANN LESNES-CUISINIEZ
Université de Paris, Univ Paris Est Créteil, CY Cergy Paris Université, Univ. Lille,
UNIROUEN, LDAR, F-75013 Paris, France
elann.lesnes@gmail.com
BRIGITTE GRUGEON-ALLYS
Université Paris Est Créteil, Université de Paris, CY Cergy Paris Université, Univ.
Lille, UNIROUEN, LDAR, F-94010 Créteil, France
brigitte.grugeon-allys@u-pec.fr
CELINE CONSTANTIN
Notre recherche s’inscrit dans une problématique plus large s’intéressant aux
difficultés d’élèves liées aux apprentissages sémiolinguistiques (Drouhard, 1992 ;
Drouhard & Panizza, 2012) dans le cadre de l’enseignement de l’algèbre
élémentaire. Elle s’appuie sur l’étude de la construction et de l’évolution des
usages de la propriété de distributivité tout au long de la scolarité obligatoire
(Constantin, 2018). Par exemple, dans l’écriture usuelle associée à la distributivité
de la multiplication par rapport à l’addition « k(a + b) = ka + kb », k, a, et b
peuvent être remplacés par différents types de nombres au fur et à mesure des
niveaux de classe, mais aussi par des expressions qui ne sont pas réduites à une
lettre ou à un nombre lorsqu’il s’agit de développer « 4x(x + 5) ». Or, de telles
substitutions peuvent émerger de manière implicite très précocement dans
l’enseignement (Constantin, 2014) tout en reposant sur des savoirs de nature
sémiolinguistique (Drouhard, 2012) peu identifiés. Ces savoirs sont relatifs aux
représentations sémiotiques, à la syntaxe et la grammaire des expressions, à leurs
modes de production et à leur manipulation. Ils ne sont pas indépendants des
savoirs dans ce que Drouhard nomme la dimension notionnelle, c’est-à-dire des
savoirs strictement mathématiques au sens où le sont les propriétés de corps
commutatif ordonné de l’ensemble des nombres réels par exemple. Cependant ils
ne s’y réduisent pas, comme nous le verrons dans la première partie de ce texte.
Nous faisons l’hypothèse qu’il existe des savoirs de nature sémiolinguistique
transparents pour les professeurs (au sens de Margolinas et Laparra, 2011) à même
de provoquer des phénomènes didactiques liés à la nature demeurant implicite des
connaissances à l’œuvre pour les élèves et les enseignants. Par savoirs transparents,
nous entendons des savoirs qui échappent pour partie à la perception didactique des
professeurs : les connaissances qui pourraient être utiles ou qui sont rencontrées par
les élèves en situation sont d’autant moins reconnues par les professeurs que les
savoirs autour de la substitution n’ont pas d’existence institutionnelle véritable.
Ceci ne signifie pas que les professeurs n’identifient pas les difficultés de leurs
élèves face aux manipulations des écritures, mais, parce que les professeurs ne
peuvent enseigner certains savoirs utiles dans la dimension sémiolinguistique, nous
postulons que la transparence de ces savoirs contribue à ce que certains élèves se
comportent comme des calculateurs aveugles (Sackur et al., 1997).
Réinterrogeant cette transparence au regard des savoirs à enseigner et enseignés,
nous nous centrons dans un premier temps sur les extensions de techniques de
calcul algébrique adossées à la substitution. Nous nous situons de ce point de vue
dans une problématique écologique dans le cadre de la théorie anthropologique du
didactique (Chevallard, 1997, 2007) en prenant comme point de départ l’étude du
mode d’existence d’un objet particulier au sein d’une institution scolaire donnée,
celle du collège (élèves de 11-15 ans). Les questions qui s’y rapportent : « qu’est-
ce qui existe, et pourquoi ? Mais aussi qu’est-ce qui n’existe pas et pourquoi ? Et
qu’est-ce qui pourrait exister ? » (Artaud, 1997) ont ceci de particulier qu’elles
concernent un objet de savoir que nous supposons transparent, ce que nous
illustrerons à partir de résultats d’analyses de manuels et de pratiques ordinaires
d’enseignants (Constantin, 2014). Les phénomènes didactiques observés relèvent
d’évitements de certaines tâches ou de choix non questionnés qui pèsent sur
l’enseignement et l’apprentissage de l’algèbre élémentaire. Dès lors, la question qui
nous occupe est celle des conditions sous lesquelles la substitution pourrait vivre
véritablement dans l’enseignement de l’algèbre élémentaire. Dans quelle mesure
LA SUBSTITUTION 159
peut considérer, comme le fait l’expert, qu’il s’agit là d’un produit de deux
facteurs, mais on pourrait tout aussi bien identifier un produit de trois facteurs. Du
point de vue des mathématiques, il n’y a pas de raison de faire un choix plutôt que
l’autre. Autrement dit, du point de vue technologique, les savoirs dans la dimension
notionnelle ne suffisent pas à rendre compte des raisons qui amènent à cette lecture
de l’expression, tandis que dans les manuels, ils n’apparaissent pas interrogés. Plus
encore, une sous-expression comme « 4x » est tantôt considérée comme « un
tout », constituant une substituante pour k pour un tel développement, tantôt
comme un produit lorsqu’il s’agit de réduire « 4x + 3x » par exemple. Autrement
dit, la lecture de l’expression n’est pas la même selon le genre de tâches, ce qui
peut rendre d’autant plus difficile l’analyse des expressions à transformer et les
choix à opérer pour la mise en œuvre des techniques pour les élèves. L’existence
de choix qui conditionnent les substitutions qui se réalisent implicitement n’est pas
réduit à ce genre d’expressions. Lorsque l’un des facteurs d’une expression à
développer est une somme de trois termes comme « 3(a − 6b + 9) », ou lorsqu’il
s’agit de développer un produit de trois facteurs comme « (x + 2)(3x + 2)(x + 4) »,
ou encore lorsque la formule de la double distributivité est démontrée à partir du
développement de « (a + b)(c + d) », de nombreuses adaptations apparaissent.
Prenons le cas de l’expression « 3(a − 6b + 9) » issue du manuel Sesamath de 4e
(p. 104). Plusieurs voies sont possibles. On peut par exemple remplacer a par a −
6b et b par 9, ou bien, si on associe a dans cette expression à la même lettre dans
l’identité « k (a + b) = ka + kb », b doit être remplacé par − 6b + 9, ce qui suppose
de faire le lien entre soustraire et ajouter l’opposé, dans une nouvelle interprétation
de la structure de la somme algébrique. Si l’on dispose de l’identité « k(a − b) = ka
− kb » correspondant à la distributivité de la multiplication par rapport à la
soustraction, de nouveaux choix sont encore possibles. Mais l’existence de choix
ou la question de ce qui peut les piloter n’est jamais abordée dans les manuels
(Constantin, 2014). Lorsque des discours accompagnent le travail de la technique,
une tension apparaît entre une volonté de donner une place à l’écriture des
propriétés comme référence pour le calcul algébrique et les ostensifs proposés. Par
exemple, pour corriger le développement de « (2 − x)×3 » dans le manuel
Transmath de 4e (p. 247), il est indiqué qu’« on développe à l’aide de la propriété
« k(a + b) = ka + kb » avec l’étape suivante : C = 2×3 – x×3. La distance
sémiotique n’est pas négligeable. Les étapes nécessaires pour faire le lien entre cet
ostensif et la technique sont nombreuses et s’appuient sur plusieurs propriétés
(commutativité de la multiplication, lien entre somme et différence), ce qui confère
sans doute finalement une faible valence instrumentale à l’écriture symbolique de
la propriété. L’absence de questionnement technologique (Sierra et al., 2013)
autour des substitutions qui se réalisent implicitement renforce sans doute aussi le
LA SUBSTITUTION 161
caractère muet ou faible des techniques (au sens de Assude et al., 2007) observé
dans d’autres recherches (Assude et al., 2012).
Plusieurs phénomènes didactiques peuvent dès lors apparaître dans les classes.
En cherchant à s'appuyer sur les écritures symboliques usuelles de la distributivité,
sans disposer tout à fait de la notion de substitution, les enseignants peuvent être
conduits à éviter de proposer à leurs élèves des rencontres avec des expressions
trop éloignées du ou des formalismes disponibles (comme des sommes à trois
termes) pour favoriser une certaine proximité ostensive, en écrivant l’identité sous
l’expression à transformer par exemple (Constantin, 2014). Sans substitutions plus
générales (avec des sommes comme substituantes par exemple), ce lien ne peut être
fait que pour certains types d’expressions.
D’autres enseignants diversifient les écritures symboliques en proposant des
identités avec des sommes de plus de deux termes comme « k(a + b + c) = ka +
kb + kc » ou « A×B + A×C – A×D = A×(B + C − D) » pour prendre en charge les
adaptations de techniques de calcul à des formes d’expressions qui évoluent. Mais
le rôle technologique de ces nouvelles formes d’identités achoppe. Par exemple,
dans l’une des classes observées, le discours pour factoriser une somme à la suite
de l’identité précédente comportant des majuscules se centre sur la reconnaissance
du facteur commun. La somme proposée par l’enseignante au tableau ne comporte
que deux termes, mais le remplacement de D par zéro n’est pas évoqué, de même
que les substitutions de B ou de C.
Ceci nous amène à faire l’hypothèse que la substitution est un objet de savoir
transparent dans l’enseignement, c’est-à-dire que si des substitutions existent dans
les faits, elles apparaissent comme allant de soi. Les savoirs qui s’y rapportent ne
sont pas totalement ignorés par les manuels ou les enseignants, mais la substitution
n’est pas vraiment pensée comme un objet de savoir de sorte qu’il n’est pas
possible de questionner ses emplois tandis qu’ils véhiculent des extensions des
usages des écritures non négligeables.
Les enseignants que nous avons interrogés (Constantin, 2014) évoquent des
substitutions sans pour autant employer ce terme. Ils parlent de « transposition » ou
de « mettre à une position » par exemple, ce qui n’est pas étonnant. D’une part les
programmes semblent réserver l’usage du terme au remplacement d’une lettre par
un nombre, sans tenir de discours spécifique sur la notion, et d’autre part, du point
de vue des mathématiques constituées, la définition de la substitution comme
bijection entre deux ensembles finis paraît éloignée des techniques de calcul
algébrique et des discours que l’on peut envisager pour renforcer le lien entre
technique et technologie dans les praxéologies afférentes. Ceci contribue sans
162 CELINE CONSTANTIN
doute à ce que les enseignants n’envisagent pas les usages des écritures
symboliques à partir de substitutions.
Dès lors, la question se pose des potentialités à penser un enseignement prenant
plus véritablement en compte les savoirs qui s’y rapportent. Autrement dit, dans
quelle mesure la substitution pourrait-elle exister dans les praxéologies de l’algèbre
élémentaire ? Les éléments que nous venons de développer amènent à penser qu’il
existe une niche écologique pour la substitution, mais peut-elle permettre de
compléter des organisations mathématiques (au sens de Bosch et al., 2004) ?
Lesquelles, et à quelles conditions ? Quel statut peuvent prendre les savoirs
afférents, voire la notion elle-même ? Un tel questionnement écologique suppose
de conduire une étude à la fois épistémologique et épistémographique (Drouhard,
2012). L’analyse épistémographique permet d’envisager une typologie des savoirs
autour des écritures (d’un point de vue synchronique). Le fait que des savoirs dans
la dimension notionnelle ne suffisent pas à éclairer les substitutions rend nécessaire
la recherche d’éléments liés à des savoirs de référence sémiolinguistiques - nous
reviendrons sur ce point en conclusion. C’est une telle étude que nous présentons
dans la deuxième partie de cet article en considérant les substitutions dans le
modèle des écritures de l’algèbre élémentaire (Drouhard, 1992). Dans une
troisième partie, nous analysons les praxéologies dans lesquelles la substitution
pourrait exister, ce qui nous permet de caractériser des niches possibles. Nous
complétons notre étude par une expérimentation dans une classe de collège. Celle-
ci permet d’identifier un certain nombre de potentialités mais aussi de conditions et
de contraintes pour penser la substitution comme objet de savoir à enseigner.
1
Afin de simplifier le propos, nous n’abordons pas ici deux distinctions qui seraient
pourtant nécessaires pour caractériser les substitutions. Serfati (2005) distingue en effet
signe et lieu du signe ainsi qu’assemblage et forme, une forme désignant « tout assemblage
dûment complété, c’est-à-dire complété par tous les signes possibles de délimitation, y
compris les signes les plus extérieurs » (p. 93). Ceci permet de préciser que la substitution
se caractérise par un lieu potentiellement occupé par un signe et non un signe en lui-même,
et qu’elle s’opère sur et avec des formes pour éviter toute ambigüité.
164 CELINE CONSTANTIN
2
Nous excluons les cas où les lettres peuvent être substituées par des propositions.
LA SUBSTITUTION 165
2.1.2. Sémantique
La sémantique des ESA peut être caractérisée selon trois composantes principales :
sens, dénotation et interprétation. Les notions de sens et de dénotation introduites
par Frege (1892/1971) sont reprises par Drouhard (1992) et spécifiées dans le
modèle des ESA. En première approche, on peut dire que la dénotation correspond
à un certain objet mathématique, tandis que le sens relève de la manière dont est
désigné l’objet considéré, « où est contenu le mode de donation de l’objet » (Frege,
1971, p. 103). Par exemple, les deux ESA « (x + 5)(x − 5) » et « x² − 25 » ont
même dénoté (une certaine fonction réelle), tandis qu’elles n’ont pas le même sens.
La seconde expression met en avant la différence de deux carrés, tandis que la
première montre un produit de deux termes. Lorsqu’une substitution modifie le
sens d’une expression ou d’une proposition, le sens de l’image par substitution peut
se déduire en partie de celui de la formule initiale. Ainsi la substitution x ↷ 2x dans
l’une des expressions précédentes peut se traduire rhétoriquement par le
remplacement du nombre de signe « x » par le double du nombre de signe « x ».
Bardini (2003) montre toutefois que certains choix de substituantes peuvent altérer
la complexité d’une expression ou en modifier le sens sans en changer la syntaxe.
Remplacer 4 par 0 ou x dans « (x + 4)² » conduit soit à une expression plus simple,
soit à une traduction référant au double de x plutôt qu’à la somme de x et de x.
Mais la différence de sens entre deux expressions ne se résume pas à une différence
de structure. Les transformations susceptibles d’être opérées sur l’une ou l’autre
participent du sens donné à chacune des expressions.
Soient X et X’ deux ESA ayant même dénotation. La sélection et la hiérarchisation,
au sein des ensembles des transformations et procédures qui leur sont applicables, de
celles qui sont intéressantes en fonction de la tâche à réaliser, fait partie de la
différence de sens entre X et X’. (Drouhard, 1992, p. 279)
En particulier, la substituabilité des ESA est une source importante de sens. Quant
à l’interprétation d’une ESA dans un certain cadre (au sens de Douady, 1986),
Drouhard la définit comme « tout objet qui « correspond » à la dénotation de X
dans ce cadre » (Drouhard, 1992, p. 280). Par exemple l’expression précédente
peut être associée à une aire dans le cadre géométrique ou des grandeurs, une
parabole d’équation y = x² − 25 dans le cadre graphique, ou un carré diminué de 25
dans le cadre arithmétique. Dans le cadre graphique, la substitution de y + 25 par y’
correspond à une translation de la courbe : elle peut donc être interprétée, ce qui
n’est peut-être pas toujours le cas dans tous les cadres. Les savoirs autour de la
substitution peuvent donc incorporer des savoirs dans d’autres cadres, ce qui
demande d’articuler les interprétations de la formule initiale et de son image par
166 CELINE CONSTANTIN
d’une proposition ? Afin d’approfondir cette question, nous allons nous centrer sur
les égalités, qui jouent un rôle important dans les substitutions.
de la substitution donnée plus haut), mais qui sont significatifs. Pour étudier la
monotonie d’une suite, on peut être conduit à effectuer la substitution n ↷ n + 1
dans une expression du type f(n) correspondant à un. Substituée et substituante
n’ont pas le même dénoté (ni le même sens), mais les ensembles images des
dénotations entretiennent une relation d’inclusion, ce qui permet que l’expression
obtenue par substitution soit définie. Le sens et les limites des transformations
applicables peuvent également piloter les substitutions. Par exemple, lorsqu’on
effectue un changement de variable pour du calcul intégral, on cherche souvent à
exhiber une forme d’expression sur laquelle les manipulations sont facilitées.
De même les liens entre interprétation et substitution ne sont pas univoques. En
particulier, pour réaliser une substitution dans le cas où substituantes et substituées
n’ont pas la même interprétation, un contrôle sémantique est nécessaire. Par
exemple, un polynôme d’endomorphismes ne s’obtient pas par substitution
purement syntaxique dans l’écriture d’un polynôme : d’une part les produits
(internes et externes) doivent pouvoir être définis pour que les objets soient définis,
et d’autre part, la constante change de nature.
Au regard de l’étude conduite ici, il apparaît que les règles de conservation de
dénotation sont d’une grande diversité, de nombreux cas sont à distinguer, ce qui
rend sans doute l’examen de la « substitivité » des expressions non trivial, en
particulier en cours d’apprentissage. Duval (1988) souligne le coût cognitif que
peut représenter la compréhension de la substitution s’opérant entre des
expressions qu’il appelle « référentiellement équivalentes », c’est-à-dire à
dénotation invariante, sans être « sémantiquement congruentes » :
Cette substitution constitue souvent, pour les individus en situation d’apprentissage
ou même de recherche, un saut, entre deux réseaux sémantiques, tels qu’ils n’y
pensent pas d’eux-mêmes, et que, si on la leur indique, elle leur paraît arbitraire.
[…] Un des obstacles rencontrés par beaucoup d’élèves dans leur apprentissage des
mathématiques tient au fait que l’équivalence référentielle l’emporte sur la
congruence sémantique, alors que le fonctionnement spontané de la pensée suit, en
priorité, la congruence sémantique. (Duval, 1988, p. 8-9)
Sans avoir épuisé l’ensemble des cas possibles, il apparaît que la substitution est un
objet de savoir bien plus complexe qu’il n’y paraît sans doute de prime abord. La
complexité tient fondamentalement à l’existence de savoirs se situant à la fois dans
les dimensions sémiolinguistique et notionnelle qui, tout en étant fortement
imbriqués, interagissent selon une multitude de règles. Les substitutions
entretiennent des relations très diverses avec les objets égalité et expressions. Les
besoins trophiques identifiés liés à la reconnaissance de structure d’une expression
ou à l’usage des parenthèses qui constituent autant de conditions d’existence de la
170 CELINE CONSTANTIN
3
Pour des raisons de place nous laissons de côté les substitutions aux assembleurs.
172 CELINE CONSTANTIN
4
Le domaine des suites et des fonctions serait également à considérer, ce que Bardini
(2003) a entrepris.
LA SUBSTITUTION 173
5
Du point de vue de la structure linguistique, deux opérations multiplicatives peuvent être
distinguées : la première, interne, correspond à la catégorie Produit (comme pour 4 × x), la
seconde, externe, correspond à la catégorie Pseudo-monôme, comme pour 4x. Cette
distinction permet de rendre compte de propriétés permettant l’identification de la structure
telle que l’expert la considère usuellement. L’agrégation par juxtaposition joue de ce point
de vue un rôle particulier : la sous-structure dont dérive « 4x » se trouve ainsi en position de
facteur dans la structure globale, ou autrement dit en position « prioritaire ».
LA SUBSTITUTION 179
s' ∘ s = IdL. De plus, en notant deux expressions algébriques e1 et e2, si e1 = e2, alors
e1 ↷ e2 et e2 ↷ e1 conservent la dénotation d’une proposition (sous réserve, pour la
très grande majorité des cas, que les expressions soient bien définies sur les
domaines considérés pour les propositions). Néanmoins, pour un certain nombre de
règles, les généralisations paraissent peu envisageables. Par ailleurs, des techniques
concurrentes peuvent exister qui ne mobilisent pas la substitution (passer d’une
expression algébrique à une expression rhétorique pour T4 ou les transformations
de mouvement pour T1). Ceci contribue sans doute à ce que la substitution n’existe
pas vraiment dans l’enseignement. D’autres besoins trophiques émergent dans nos
analyses à partir des travaux de Serfati (2005) et Bardini (2003), c’est-à-dire des
besoins répondant à l’articulation des praxéologies envisagées avec d’autres
praxéologies en amont et en aval constituant des chaînes alimentaires (Chevallard,
2007). De ce point de vue, les types de tâches liés à des problématiques d’existence
en lien avec la modélisation ou au passage d’une expression rhétorique à une
expression algébrique et inversement explorés par Bardini (2003) amènent à penser
que les praxéologies que nous avons envisagées pourraient s’insérer dans
l’institution collège.
Ceci questionne les conditions didactiques sous lesquelles les organisations de
savoir envisagées peuvent exister dans cette institution. Afin d’explorer quelque
peu ces conditions, nous avons conçu et expérimenté dans une classe de 4e
ordinaire deux exercices autour de la substitution. Cette expérimentation a un
caractère très local et n’est pas adossée à la conception d’une ingénierie didactique
qui aurait pour objectif de prendre en charge les praxéologies telles que nous les
avons ébauchées. Il s’agit d’éclairer notre étude écologique d’un autre point de vue
en nous centrant sur ce que l’on nomme le moment technologico-théorique
(Chevallard, 2007) en théorie anthropologique du didactique. Ce moment
didactique a pour fonction l’élaboration d’éléments permettant de décrire,
d’éclairer ou de justifier la technique de substitution pour la praxéologie associée à
T1. Précisons que le terme de moment ne désigne pas un moment dans le temps et
qu’il peut se réaliser en plusieurs épisodes.
pour « −5(3n + 2) » les élèves qui donnent des réponses incorrectes écrivent
« −5×3n + −5×2 ».
Toutefois, les élèves peuvent ne pas parenthéser tout en pensant les écritures
comme telles ainsi que le montre la production suivante (figure 2).
phénomène réinterroge l’usage orienté du signe « = », le fait que les élèves utilisent
à l’oral « égale » pour lire la flèche nous amène à penser que l’introduction de ce
nouvel ostensif n’est peut-être pas utile.
Conclusion et perspectives
Les analyses de manuels et les difficultés observées en classe tendent à montrer
d’une part l’existence de substitutions implicites qui véhiculent des adaptations de
techniques non négligeables et peu prises en charge, et d’autre part que la
transparence des savoirs qui s’y rapportent peut être une source de difficulté pour
les élèves. En l’absence de la notion de substitution, les enseignants peuvent être
conduits à réduire la diversité des formes d’expression pour leurs élèves afin de
favoriser une proximité ostensive avec les formalismes, ou à proposer des
généralisations formelles des identités qu’ils ne peuvent véritablement exploiter.
Ces phénomènes nous paraissent de nature à limiter la valence instrumentale des
écritures symboliques, notamment le rôle technologique des identités. Nous faisons
l’hypothèse que la substitution est un savoir transparent pour les enseignants au vu
des analyses d’épisodes de classe et d’entretiens, tandis que les savoirs
sémiolinguistiques engagés permettant d’accompagner le travail de manipulation
188 CELINE CONSTANTIN
d’écritures reposent sur des propriétés à la fois invisibles pour les élèves et
complexes à appréhender du point de vue syntaxique et sémantique.
L’expérimentation dans une classe montre que des tâches qui convoquent la
substitution peuvent donner lieu à des questionnements nouveaux sur les
techniques (nouveaux car ils n’apparaissent pas par exemple dans les manuels). La
substitution peut également jouer un rôle technologique pour valider ou invalider
des techniques de développement. De l’analyse des difficultés d’élèves à construire
un discours pour décrire ce qu’ils font, émergent un certain nombre d’hypothèses
pour envisager que les substitutions complètent les praxéologies envisagées. La
première concerne la nécessité de mettre en mots des savoirs de nature
sémiolinguistique. Or, ceux-ci ne font que peu partie des discours institués dans les
mathématiques actuelles tandis que pour l’enseignement ces discours deviennent
nécessaires en début d’apprentissage notamment. Il s’agit d’envisager des ostensifs
permettant de désigner et manipuler les substitutions ainsi que les objets sur
lesquels elles opèrent, et notamment les sous-expressions, indépendamment de leur
nature ou leur fonction syntaxique. Ceci rejoint les travaux de Kirshner (1993) qui
parle de Verbal Support System. Face aux aspects visuels de surface des
expressions sur lesquelles s’appuient les élèves, Kirshner met en avant la nécessité
pour les élèves de disposer d’un lexique spécifique (incluant par exemple « sous-
expression » ou « opération dominante » ou « principales sous-expression ») afin
de décrire les structures en amont du travail sur les règles de transformations. La
construction de discours nouveaux pour et avec les élèves pose également la
question des pratiques langagières des enseignants. L’usage de désignations
comme « nombre » demande de distinguer les savoirs dans la dimension
sémiolinguistique, de ceux dans la dimension notionnelle et de disposer de leviers
pour faire évoluer les discours en construction. Pour que la substitution enrichisse
les praxéologies de manière pérenne, il apparaît nécessaire d’institutionnaliser a
minima un certain nombre de connaissances associées. Les analyses engagées de ce
point de vue montrent combien elles peuvent être délicates, ce qui amène à
envisager une étude plus approfondie de la construction et de l’évolution de
discours à l’occasion de l’introduction de nouvelles notions et de nouveaux
ostensifs associés (Chesnais et Constantin, 2020).
Les potentialités ouvertes par un enseignement prenant en charge certains savoirs
de nature sémiolinguistique sont explorées depuis de nombreuses années dans des
environnements numériques (notamment Thompson et Thompson, 1987 ;
Thompson, 1989 ; Kirshner, 1989 ; Nicaud, 1989). Thompson et Thompson (1987)
montrent sur un petit effectif que les élèves tendent à s’appuyer davantage sur
l’identification des structures des expressions pour piloter les transformations
d’expressions et les choix des propriétés utiles. Thompson (1989) décrit également
LA SUBSTITUTION 189
Bibliographie
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LA SUBSTITUTION 191
CELINE CONSTANTIN
LIRDEF, Univ Montpellier, Univ Paul Valéry Montpellier 3, Montpellier, France
celine.constantin@umontpellier.fr
JOSEP MARÍA FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO
ROANES-LOZANO
Mots clés. Géométrie dynamique, formation des enseignants, analyse du discours réfléchi.
Resumen. Se analizan las narrativas reflexivas de tres profesores en formación, desde las
perspectivas del análisis del discurso, aplicadas a la adquisición de las competencias
geométricas y al papel de la geometría dinámica. En el contexto del máster universitario
para futuros profesores de matemáticas de Secundaria y de un proyecto de innovación
pedagógica, en el que dos de los autores impartieron sesiones de formación tituladas
“visualización automática” y “mediación tecnológica”, se entregó a los profesores en
formación un cuestionario en el que se les pedía que reflexionaran sobre lo que habían
aprendido, cuestionando la contribución de su formación a su futura práctica docente. En
las narrativas recogidas encontramos tres grados de reflexión que van desde la ingenuidad
en ciertas apreciaciones hasta las iniciativas profesionales y las perspectivas puramente
matemáticas. Se presentan y discuten las implicaciones didácticas y matemáticas de este
análisis, destacando en particular la dificultad intrínseca de garantizar que las ideas
relevantes, pero potencialmente perturbadoras, de la innovación pedagógica, lleguen a los
profesores en formación, frente al peso de la tradición y las creencias personales en
educación matemática.
Palabras clave. Geometría dinámica, formación docente, análisis del discurso reflexivo.
_________________________________________________________________________
1. Introducción
Este estudio se enmarca y prolonga un proyecto de innovación educativa de una
universidad pública española, en la cual uno de los autores es a la vez formador y
investigador. De hecho, imparte en dicha universidad el módulo “Innovación
docente e iniciación a la investigación educativa en matemáticas” del “Máster
Universitario en Formación del Profesorado de Secundaria” (especialidad:
“Matemáticas”) y utiliza técnicas de evaluación e investigación para encontrar
mejoras en el sistema de formación. Se trata de un curso presencial de posgrado, de
un año de duración, que se exige en el sistema educativo español para impartir
docencia en Secundaria. Los estudiantes son futuros profesores de Secundaria, en
formación inicial para la docencia, pero con títulos de grado en materias tales como
ingenierías, arquitectura, física, informática y, sobre todo, matemáticas. En ese
contexto, otros dos de los autores de este estudio impartieron sendas conferencias
de formación en línea, de títulos respectivos:
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 197
1
Véase, para mas información sobre este Punto de Fermat, el artículo
https://es.wikipedia.org/wiki/Punto_de_Fermat o la descripción detallada de este punto en
http://geogebra.es/gauss/materiales_didacticos/eso/actividades/geometria/poligonos/viviani
_fermat_4/actividad.html
200 JOSEP M. FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO ROANES-LOZANO
2. Marco teórico
En lo que sigue resumimos algunos antecedentes, así como el marco teórico y su
uso para la interpretación de datos del discurso narrativo de profesores en
formación en el contexto de esta experiencia, que se centra en el discurso reflexivo.
Como información de los distintos marcos teóricos que contemplan investigaciones
y experiencias similares a la nuestra, se remite al lector al reciente trabajo
(Haspekian, 2020), se aborda la investigación de la práctica docente en un contexto
tecnológico (TPDA = Teacher Practice in the Digital Age). Ese mismo contexto se
recoge sintéticamente en Derouet et al. (2017), donde se hace referencia, en
particular, a la capacidad de la teoría de los Espacios de Trabajo Matemático para
coordinarse con la teoría MTSK (Mathematics Teacher’s Specialised Knowledge)
para entender mejor el conocimiento del profesor y su rol en el aula. Finalmente,
un desarrollo teórico más específicamente relacionado con la aproximación ETM
(Espacios de Trabajo Matemático) al uso de GeoGebra y de las herramientas de
razonamiento automático ha sido desarrollado en Kovács et al. (2017) y Kovács et.
al. (2020), donde se pone de manifiesto el diferente enfoque e, incluso, el cambio
inducido en el propio trabajo matemático del estudiante que viene determinado por
usar, o no, herramientas tecnológicas para construir un ecosistema en el que
desarrollar un pensamiento geométrico asistido por ordenador.
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 201
Por otra parte, en Cobo y Fortuny (2000) se presenta una noción de coherencia
discursiva para referirse a la organización del discurso pedagógico y matemático en
la clase de matemáticas, destacándose la explicitación de procesos matemáticos y
conexiones entre ellos en la interacción verbal entre el profesor y los profesores en
formación (Planas et al., 2016). En el actual estudio, centrado en el análisis de las
narrativas reflexivas (Llinares, 2020; Mason, 2002; Smith, 2003) en el discurso
matemático de profesores en formación, planteamos una noción de coherencia
local que coordina dos dimensiones:
- Dimensión temática:
- si hablan de demostración, modelización, tecnología, sentimientos,
consciencia, matemáticas, el profesor, la enseñanza;
- si se detectan iniciativas como profesor;
- si hay intención de probar cosas.
- Dimensión interlocutiva:
- si el discurso es imparcial (“account-of”), sólo descriptivo, anecdótico,
- si el discurso es complejo, subjetivo (“account-for”): se fija en ideas
clave, las interpreta; razonado (establece relaciones entre aspectos
específicos y principios generales); crítico, efectivo (mencionando los
efectos que va a tener dicha actividad en su futura práctica docente);
prospectivo; si concluye lo que habría que hacer en clase.
Aunque ambas dimensiones se complementan e interaccionan, nuestra contribución
se centra antes que nada en la dimensión interlocutiva. Como categorías del
análisis del discurso podemos considerar: su estructura, la comprensión, la forma
del discurso, los cambios en los episodios del discurso y la coherencia local. En
cuanto a la estructura, entendemos que el discurso es una unidad observacional, es
decir, la unidad que interpretamos al ver o escuchar una emisión.
Mientras, en lo referente a su comprensión, una de las primeras tareas de un
modelo de la comprensión del discurso es organizar y reducir grandes cantidades
de información muy compleja, en nuestro caso no hace falta ni reducirla ni
simplificarla, puesto que ya nos centramos en la interlocución de las sesiones de
formación aquí consideradas. Entendemos también el discurso como una forma de
comunicación (Planas et al., 2016) en términos de las relaciones semánticas entre
proposiciones individuales de la secuencia discursiva del profesor en la progresión
de la enseñanza (Radford, 2013).
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 203
3. Metodología
mientras cursan el máster, a condiciones laborales que provocan, en casi todos los
casos, disponer de escaso tiempo para realizar experiencias educativas reales.
Se incluye a continuación el análisis narrativo de los discursos de los tres
profesores en formación. La numeración romana utilizada se corresponde a la
notación de la actividad de la Tabla 1. Los nombres de los estudiantes son ficticios.
Tareas Narrativas
III El punto de Fermat es, por definición, el que minimiza la suma de las
distancias a los vértices. Se calcula como la intersección de los
segmentos que unen cada vértice con el vértice más lejanos de un
triángulo equilátero construido (externamente) sobre el lado opuesto.
locuciones de los formadores en las dos sesiones, sólo describe los aspectos
técnicos: (…) cuando claramente sí es un cuadrilátero (I).
A veces sus respuestas no recogen una reflexión personal sobre el papel de la
mediación tecnológica: por ejemplo, cuando sólo menciona en el ítem I que le
suscita interés el ejercicio propuesto: El ejercicio propuesto de dónde colocar la
planta entre tres pueblos, bajo ciertas condiciones, me suscita interés (I.)
Sí interioriza el aprendizaje: He aprendido muchas cosas. (V) y también se
aprecian rasgos de efectividad y de prospección, al referenciar en los discursos de
sus respuestas el efecto de las situaciones presentadas para su futura práctica
docente…no tengo del todo claro hasta dónde las herramientas de geometría
dinámica son una ayuda y a partir de dónde empiezan a entorpecer el esfuerzo de
visualización geométrica y de formalización que todo aprendiz de matemáticas
debe hacer. (IV). En definitiva, como rasgos, es decir propiedades o peculiaridades
distintivas e intrínsecas de la personalidad de la profesora en formación Asun, se
resalta la influencia de su perspectiva puramente matemática y su menor iniciativa
actual para ejercer como profesora, tanto como, al hablar de visualización y de
formalización, del obstáculo que puede resaltar de la utilización de GeoGebra.
Tareas Narrativas
Tareas Narrativas
en una clara apuesta por una aplicación didáctica: ¿Es posible crear procesos en
Geogebra que luego utilicemos como herramientas? (IV). ¿Crees que es necesario
dar el paso y cambiar las técnicas de enseñanza para introducir por completo este
tipo de herramientas informáticas? (II).
Muestra un conato de conceptualización: Por un lado, podemos intentar utilizar
herramientas más rudimentarias para mostrar el mismo concepto de forma
diferente (III).
En relación con la Dimensión Interlocutiva, el profesor en formación Carlos
manifiesta una iniciativa ingenua como futuro profesor: No es difícil, solo hay que
tener ganas (V), pero no entra en detalles: Podríamos tratar de rebajar el uso de la
herramienta informática (III).
Como rasgos docentes de profesor en formación Carlos, destacamos que manifiesta
una iniciativa ingenua como futuro profesor e intenta un cambio didáctico, pero
aún no conceptual.
4. Reflexiones y conclusiones
Al principio del estudio los autores eran muy conscientes de que la tradición y las
creencias personales sobre la educación matemática son muy fuertes. Pero también
sabían que los estudiantes de posgrado suelen ser más críticos que los que salen de
la enseñanza obligatoria, de ahí el interés por examinar más de cerca su
pensamiento en un contexto de innovación educativa. Sin embargo, lo que
sorprende son los indicios de ingenuidad confusa o la creencia de que sólo los
contenidos matemáticos son dignos de atención para la adquisición de
competencias científicas.
En una nota más positiva, en este estudio se puede destacar que se ha comprobado
que se dan los tres grados de madurez reflexiva propuestos en estos profesores en
formación del Máster en Formación de Profesorado de Secundaria. Además, se han
hallado distintos grados de predisposición ante una posible futura labor docente y,
como denominador común, una manifiesta preocupación por la dificultad –más que
por las posibles ventajas– de acomodar las novedades tecnológicas en la enseñanza
de la geometría. Preocupación que parece, sobre todo, una especie de miedo ante lo
desconocido, ante lo que no se entiende del todo o ante lo que nos hace sentir muy
poco preparados frente a la vaguedad o la incertidumbre. En definitiva, podría
decirse que el peso de la tradición es también un reflejo natural y una garantía de
no cometer errores y de poder lidiar con las limitaciones y paradojas de la
institución escolar.
Sin embargo, con el presente estudio se puede apreciar también una cierta
resistencia a que las herramientas que han visto actuar en las sesiones formativas
“entorpezcan” el proceso de aprendizaje; temor a que supongan un obstáculo (más
que una ayuda) para alumnos menos habituados al contexto tecnológico; temor a
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 215
5. Agradecimientos
Esta investigación se ha realizado al amparo del proyecto Innova Docencia de la
Universidad Complutense de Madrid (No. de Referencia 177) “Utilización de
metodologías activas de enseñanza para el aprendizaje de las matemáticas,
centradas en el estudiante y desarrolladas en el espacio innovador de una
hiperaula”.
Los autores agradecen a los revisores anónimos de este trabajo sus detallados
informes, que han contribuido mucho a la mejora del mismo.
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ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 219
TOMÁS RECIO
Departamento de Ingeniería Industrial, Escuela Politécnica Superior
Universidad Antonio de Nebrija, Madrid, España
trecio@nebrija.es
PHILIPPE R. RICHARD
Département de didactique, Faculté des sciences de l'éducation,
Université de Montréal, Canada
philippe.r.richard@umontreal.ca
EUGENIO ROANES-LOZANO
Instituto de Matemática Interdisciplinar & Departamento de Didáctica de las
Ciencias Experimentales, Sociales y Matemáticas, Facultad de Educación,
Universidad Complutense de Madrid, España
eroanes@ucm.es
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Présentation de la revue
Les Annales de Didactique et de Sciences Cognitives est une revue annuelle fondée
en 1988 par Raymond Duval et François Pluvinage, actuellement sous la
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1
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