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ANNALES de DIDACTIQUE

et de SCIENCES COGNITIVES

Revue internationale de didactique des mathématiques

Rédacteurs en chef :
PHILIPPE R. RICHARD, LAURENT VIVIER

Volume 26 - 2021

IREM de Strasbourg

Université de Strasbourg
ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES
ISSN 0987 – 7576

Rédacteurs en chef
Philippe R. RICHARD, Université de Montréal, Montréal, Canada
Laurent VIVIER, Université Paris Diderot, Paris, France

Conseillers scientifiques
Raymond DUVAL Alain KUZNIAK
Lille, France Université Paris Diderot, Paris, France
Athanasios GAGATSIS Eric RODITI
Université de Chypre, Nicosie, Chypre Université Paris Descartes, Paris, France

Comité de rédaction
Alain BRONNER Asuman OKTAÇ
Université de Montpellier, France CINVESTAV, Mexico, Mexique
Lalina COULANGE Luis RADFORD
Université de Bordeaux, France Université Laurentienne, Sudbury, Canada
Iliada ELIA Jean-Claude REGNIER
Université de Chypre, Nicosie, Chypre Université Lumière, Lyon, France
Cécile De HOSSON Maggy SCHNEIDER
Université Paris Diderot, Paris, France Université de Liège, Belgique
a
Inés M GOMEZ-CHACON Denis TANGUAY
Université Complutense, Madrid, Espagne Université du Québec à Montréal, Canada
Nadia HARDY Laurent THEIS
Université Concordia, Montréal, Canada Université de Sherbrooke, Canada
Fernando HITT Carl WINSLØW
Université du Québec à Montréal, Canada Université de Copenhague, Danemark
Catherine HOUDEMENT Moncef ZAKI
Université de Rouen, France Université de Fès, Maroc
Maria Alessandra MARIOTTI
Université de Sienne, Italie

Responsable de publication Conseil éditorial Secrétariat d’édition


Mohamed ATLAGH Charlotte DEROUET Bruno METZ
Directeur de l’IREM de Strasbourg Université de Strasbourg, France IREM de Strasbourg

Éditeur Bibliothèque
IREM de Strasbourg – Université de Strasbourg Christine CARABIN
7, rue René Descartes 67084 Strasbourg CEDEX Tél : +33 (0)3 68 85 01 61
Tél. : +33 (0)3 68 85 01 30 http://irem.unistra.fr
Fax. : +33 (0)3 68 85 01 65
irem@math.unistra.fr
ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES
VOLUME 26 – 2021
SOMMAIRE

ÉDITORIAL……………………………….............................................. 7

SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-


BUFFET, JOSE LUIZ MAGALHÃES DE FREITAS (Brésil, France) Le
concept de limite de fonction - une analyse des schèmes
d’étudiants à la transition secondaire-supérieur en France et au
Brésil ……….................................................................................... 9

SOPHIE ROUSSE (France) Le discret et le continu dans


l’enseignement des suites et des fonctions en fin de collège et au
lycée …............................................................................................ 45

PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT


THEIS, TERESA ASSUDE (Québec, France) Difficultés d’un système
didactique à propos de l’enseignement du volume au
primaire ...……………………………………………………………….. 85

SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-


ALLYS (France) Conception d’une plateforme d’apprentissage en
ligne en algèbre et en géométrie : prise en compte et apports de
modèles didactiques ………….……………………………………….. 117

CELINE CONSTANTIN (France) La substitution, points de vue


écologique et sémiolinguistique ……………………………………. 157

JOSEP MARÍA FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD,


EUGENIO ROANES-LOZANO (Espagne, Québec) Análisis del
discurso de los profesores en formación en un contexto de
innovación pedagógica en geometría ………………………….……. 195

INFORMATIONS POUR LES AUTEURS……………………………………. 221


ÉDITORIAL DU NUMÉRO 26

Cette année encore nous avons vécu au rythme d’une crise sanitaire qui s’accroche
et qui a copieusement bouleversé nos habitudes de travail. S’il est évident que la
recherche sur le terrain a quelque peu souffert de la pandémie, surtout au sein des
écoles, de nouvelles avenues se sont ouvertes avec le télétravail et les approches
mixtes. Certes, ces changements nous ont obligés à une grande souplesse
d’adaptation avec, pour beaucoup, une surcharge de travail. Mais pour certains, la
période a permis de faire évoluer ou de faire des projets ou d’initier des études sur
des sujets que l’on souhaitait préciser depuis un certain temps. L’année 2021 se
caractérise par une sorte d’exacerbation du tout au numérique pour lequel les
conséquences demeurent difficiles à prévoir. Au point qu’on se demande
régulièrement qui préside à l’enseignement et à l’apprentissage des mathématiques
d’aujourd’hui, ballotés sans relâche entre la tradition, les moyens numériques et
l’incontournable quête des connaissances. On pourrait craindre qu’une perte de nos
références communes nous guette dans l’ombre d’un doute, mais il faut plutôt y voir
le fait d’un moment privilégié où l’innovation et la découverte d’un vaste espace de
possibilité nous obligent à repenser ce qui hier nous semblait pourtant si évident.
Les projets des Annales de didactique et de sciences cognitives sont bien en selle. Le
dossier du portail de publication OpenEdition Journals (OEJ), visant à favoriser
l’accès ouvert des articles de nos auteurs ainsi que la valorisation de la recherche
d’information induite par le numérique, notamment par un référencement
systématique, devrait voir le jour en cette fin d’année 2021. Si ce nouvel accès en
ligne n’a pas d’incidence particulière sur le site Web habituel de la revue, hébergé
par l’Université de Strasbourg, il rend caduque l’intérêt d’avoir des sites miroirs sur
des serveurs de l’Université de Paris et de l’Université de Montréal. Dans le
catalogue de OEJ, les Annales seront bientôt visibles et accessibles à l’adresse
https://www.openedition.org/33742.
Quant à l’autre grand dossier, celui sur les publications thématiques, il s’est enrichi
d’un nouveau projet. Alors que le numéro spécial intitulé Les pratiques de formation
à l’enseignement des mathématiques, coordonné par Valentina Celi, Caroline Lajoie
et Frédérick Tempier, sortira au cours de l’année universitaire, une publication dans
la foulée des Rendez-vous en didactique, recherches, dialogues et plus si affinités…,
organisées par le Laboratoire de Didactique André Revuz à la fin du printemps 2022,
est en cours de préparation. Les articles du numéro spécial, inspirés des conférences
plénières du colloque, portera sur des thématiques importantes de la didactique des
mathématiques et des sciences. Comme toujours, nous profitons de l’éditorial pour
renouveler notre appel à des numéros spéciaux. N’hésitez pas à communiquer avec
la rédaction scientifique des Annales pour nous faire part de vos projets.
Nous devons remercier l’équipe de l’IREM de l’Université de Strasbourg, et de son
UFR de mathématique et d’informatique, pour leur soutien à la publication et à la
diffusion. Nous tenons également à rappeler l’importance du travail bénévole pour
la publication des Annales. Que ce soit les auteurs, les nombreux rapporteurs, le
comité de rédaction et les autres responsables, tous participent d’un même
mouvement pour nous amener invariablement à un numéro de la qualité. Toutefois,
ce chemin n’est jamais déterminé à l’avance : il avance par boucles interactives entre
les auteurs et tous ceux qui prennent soin de réviser les textes, les boucles se
resserrent et convergent à des rythmes différents jusqu’à la publication de l’article
que le lecteur a sous les yeux. Dans ce numéro 26, nous sommes heureux de vous
présenter six contributions particulièrement intéressantes.
La couverture mathématique des contributions est assez équilibrée : deux textes
portent sur l’analyse, trois composent avec la géométrie et deux autres font intervenir
l’algèbre. Les deux premiers articles abordent directement certaines questions
propres à l’acquisition des connaissances mathématiques. Il en est de même pour les
deux articles suivants, quoique les enjeux de l’enseignement et de l’apprentissage à
travers la résolution de problème et les moyens mis en place, que ce soit la
conception d’un dispositif didactique ou celle d’un environnement informatique
pour l’apprentissage humain, se traitent conjointement aux contenus, parfois avec
une emphase spécifique sur les moyens. Pour les deux derniers articles, ce sont des
questions d’ordre sémiotique qui rejoignent les mathématiques, d’abord en se
centrant sur la substitution syntaxique d’un élément par un autre dans une expression
algébrique, ensuite en analysant le discours réflexif des enseignants dans une activité
instrumentée en géométrie.
Dans le premier texte, Sonia Maria Monteiro Da Silva Burigato, Cécile Ouvrier-
Buffet et José Luiz Magalhães De Freitas comparent le développement du concept
de limites de fonction entre la France et le Brésil à partir des schèmes des étudiants.
Le second texte, de Sophie Rousse, amène son propos sur le discret et le continu
dans l’enseignement des suites et des fonctions au lycée en France, soulignant
l’existence de continuités et de ruptures tout aussi significatives. Le troisième texte,
de Patricia Marchand, Claire Guille-Biel Winder, Laurent Theis et Teresa Assude,
aborde les difficultés d’un système didactique sur l’enseignement du volume au
primaire, montrant que l’origine des difficultés relève du projet d’enseignement, du
choix du matériel et du concept de volume. Le quatrième texte, de Sébastien Jolivet,
Elann Lesnes-Cuisiniez et Brigitte Grugeon-Allys, témoigne de la conception d’une
plateforme d’apprentissage interactive en algèbre et en géométrie, réaffirmant
l’importance du travail et de la réflexion a priori pour modéliser le raisonnement et
les parcours d’apprentissage. Le cinquième texte, de Céline Constantin, s’intéresse
à la dimension sémiolinguistique de la substitution en algèbre au collège, postulant
que si ce savoir est souvent perçu à l’école comme étant transparent, il gagne plutôt
à se considérer sous certaines conditions en tant qu’objet d’étude. Le sixième texte,
de Josep María Fortuny, Tomás Recio, Philippe R. Richard et Eugenio Roanes-
Lozano, propose une analyse du discours d’enseignants en formation issus d’un
projet d’innovation pédagogique dans lequel les enseignants sont invités à réfléchir
sur leurs acquis, dégageant plusieurs points de tension entre l’enseignement
traditionnel et celui qui utilise de façon novatrice la géométrie dynamique.
Nous vous souhaitons une excellente lecture.
L’équipe de direction scientifique des ADSC : Philippe R. Richard et Laurent Vivier
SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CÉCILE OUVRIER-BUFFET,
JOSÉ LUIZ MAGALHÃES DE FREITAS

LE CONCEPT DE LIMITE DE FONCTION


UNE ANALYSE DES SCHÈMES D’ÉTUDIANTS À LA TRANSITION
SECONDAIRE-SUPÉRIEUR EN FRANCE ET AU BRÉSIL

Abstract. The levels of education and the ways to teach the limits of function are different
in France and in Brazil. However, we make the hypothesis that the schemes developed by
students regarding the concept of limit can be compared. In this article, we develop a
methodology to analyze the students' schemes involving the concept of limit of function with
two aims: to finely analyze the processes of today's students (in France and in Brazil) at the
beginning of the learning of this concept and to highlight the evolution of their schemes,
taking into account that these two countries are different in terms of the teaching of this
concept.

Key-words. Limit, function, schemes, concept image.

Résumé. Les niveaux de scolarité et les modes d’enseignement des limites de fonction sont
différents en France et au Brésil. Nous faisons l’hypothèse que les schèmes développés par
les étudiants sur ce concept peuvent cependant être comparés. Nous développons dans cet
article une méthodologie pour analyser les schèmes des étudiants sur le concept de limite de
fonction avec un double objectif : analyser finement les processus d’étudiants d’aujourd’hui
(en France et au Brésil) en début d’apprentissage du concept de limite de fonction et mettre
en évidence l’évolution des schèmes dans ces deux pays, différents quant à l’enseignement
de ce concept.

Mots-clés. Limite, fonction, schème, concept image.


_________________________________________________________________________

Introduction
Dans le cadre d’un travail de thèse, nous avons investigué l’enseignement et
l’apprentissage de la notion de limite de fonctions. Notre problématique était
d’enquêter sur les schèmes des élèves (Vergnaud, 1991) dans la construction du
concept de limite de fonction. Dans le cadre de cet article, nous interrogeons les
différences et les similitudes entre des élèves de deux systèmes d’enseignements
dont les approches, que nous présenterons plus loin, diffèrent quant à l’enseignement
des limites, le Brésil et la France (Burigato, 2019). En France, le concept de limite

ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES, volume 26, p. 9 - 43.


© 2021, IREM de STRASBOURG.
10 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

est introduit au lycée, et, au Brésil, à l’université. Pour faciliter la lecture, nous
utiliserons dorénavant le terme générique d’étudiant.
Rappelons que le concept de « limite » est historiquement complexe et génère des
ruptures dans son apprentissage (e.g. Artigue, 1995 ; Cornu, 2002 ; Lecorre, 2016 ;
Chorlay, 2019 ; Nascimento, 2003). Ces auteurs pointent les aspects mathématiques
fondamentaux à la construction du concept de limite1, à savoir : l’ensemble R des
nombres réels est complet, ce qui apporte certaines propriétés importantes dans la
construction du concept de limite, comme les conditions de convergence des suites
(Bergé et Sessa, 2018), la quantification et la notion de variable. On peut également
noter le difficile passage discret/continu lorsque les élèves traitent des propriétés
portant sur les limites de suites puis sur les limites de fonctions (e.g. Bloch, 2017).
Les difficultés relatives à l’apprentissage du concept de limite de suites et de
fonctions, à l’université, dans différents pays, semblent stables depuis de nombreuses
années (e.g. Robert, 1982 ; Cornu, 1983 ; Sierpinska, 1985 ; Swinyard, 2011 ; Bloch,
2017). Régulièrement, les obstacles épistémologiques en lien avec l’infini, le concept
de fonction, la logique et le symbolisme sont cités. Le fait que la limite peut ne pas
être « atteinte » s’érige en difficulté, tout comme « l’obstacle du non calculable pour
les fonctions2 » (Bloch, 2017). Les étudiants n’identifient en général pas le statut
opératoire de la définition formelle de limite et préfèrent utiliser des concept images
(e.g. Tall et Vinner, 1981 ; Roh, 2008) et des conceptions spontanées et intuitives
(Alcock et Simpson, 2009) où la représentation graphique peut alors, elle aussi,
devenir un obstacle (e.g. Bloch, 2017 ; Vinner et Dreyfus, 1989). Les travaux
s’accordent sur la nécessaire transition entre « des conceptions intuitives,
dynamiques, voire graphiques, et la définition formelle qui s’avère seule efficace
pour valider les propriétés des limites et des fonctions » (Bloch, 2017, p. 7) et sur le
saut conceptuel entre l’approche intuitive et l’approche formelle (cf. Oktaç et Vivier,
2016, pour une synthèse). En ce qui concerne l’introduction du concept de limite au
lycée, on retrouve les difficultés précédemment citées, et en particulier celle relative
aux nombres réels (e.g. Durand-Guerrier et Vergnac, 2014). De récentes ingénieries
ont été mises en œuvre, au lycée, en France, pour contourner les difficultés
précédentes, avec un travail spécifique sur les définitions, leur construction et leur

1
Ce sont les mêmes aspects mathématiques, mais aussi les mêmes types de difficultés
d’apprentissage, que l’on retrouve dans l’étude du concept de fonction (e.g. Sierpinska,
1992 ; Krysinska et Schneider, 2010 ; Vandebrouck, 2011).
2
Pour les élèves, une limite peut ne pas exister s’ils ne parviennent à effectuer le calcul d’une
image.
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 11

opérationnalité, et la quantification notamment (e.g. Lecorre, 2016 ; Chorlay, 20193).


Dans ces ingénieries, le temps long passé sur la formulation, les définitions, les
exemples et contre-exemples, et les différents registres de représentation (Duval,
1993) utilisés porte ses fruits. Nous souhaitons étudier le contexte de classe ordinaire
contemporain ; nous cherchons à caractériser les schèmes des étudiants lorsqu’ils
sont confrontés à l’introduction du concept de limite de fonction, avec deux
questions de recherche principales :
− Quels sont les schèmes élaborés par les étudiants français et brésiliens en début
d’apprentissage du concept de limite de fonction ?
− Comment évoluent les schèmes d’étudiants de deux pays (Brésil et France) où
l’introduction du concept de limite de fonction diffère ?
Nous présenterons les contextes d’enseignement au Brésil et en France (curricula en
vigueur lors de notre expérimentation en 2017/2018), afin de montrer la différence
d’approche du concept de limite de fonction, puis la méthodologie de recueil de
données et d’analyse des schèmes des étudiants utilisée dans notre recherche. Nous
détaillerons une étude de cas avec les productions de deux élèves : Baptiste en France
et Mateus au Brésil. Nous ouvrirons des perspectives sur la méthodologie d’analyse
utilisée et la portée de cette étude de cas extraite d’un travail de doctorat conséquent
(Burigato, 2019).

1. Présentation des curricula en France et au Brésil

1.1. L’introduction du concept de limite en France, au lycée


En France, le concept de limite de fonction est introduit dans les classes de première
et terminale4 (grades 11 et 12). Dans le programme de première :
On introduit un nouvel outil : la dérivation. L’acquisition du concept de dérivée est un
point fondamental du programme de première. Les fonctions étudiées sont toutes
régulières et on se contente d’une approche intuitive de la notion de limite finie en un
point. Le calcul de dérivées dans des cas simples est un attendu du programme ; dans
le cas de situations plus complexes, on sollicite les logiciels de calcul formel. (MEN,
2010, p. 2).

3
Chorlay (2019, p. 275-277) présente une excellente synthèse des ingénieries existantes et
choix possibles, prenant en compte les principales difficultés, concept images et
misconceptions des étudiants connus de la littérature.
4
Suite aux changements de programmes, le concept de limite de fonction reste aujourd’hui
présenté au lycée dans le même esprit que dans les programmes de 2010.
12 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

La dérivée apparaît pour l'étude de la tangente à une courbe représentative d'une


fonction dérivable en un point. Sont également abordées les fonctions dérivables, la
dérivée d'une somme, d'un produit et d'un quotient, et les fonctions usuelles : f(x) = x,
f(x) = x², f(x) = 1/x, etc. Dans les commentaires, il est indiqué que « le nombre dérivé
𝑓(𝑎+ℎ) – 𝑓(𝑎)
est défini comme limite d'un taux d’accroissement ℎ
quand h tend vers
0 », que l’« on ne donne pas de définition formelle de la limite » et que l’« on évite
tout excès de technicité dans les calculs de dérivation ». Cela vient après un
enseignement sur les limites de suites. Le bulletin officiel préconise une présentation
des suites par l'étude de phénomènes discrets, avec l'utilisation de différents
registres : algébrique, graphique, numérique et géométrique. Il souligne également
qu'il est important de proposer des questions sur leur comportement « [...] conduisant
à une première approche de la notion de limite qui sera développée dans la classe
terminale » (MEN, 2010, p.2). Dans la classe de terminale (MEN, 2011), les limites
finies et infinies d'une suite sont abordées, ainsi que l’étude de suites qui n’ont pas
de limites. Les limites sont aussi travaillées par comparaison et le théorème des
gendarmes est admis. Les définitions des limites doivent être abordées, pour les cas
limites finis à l'infini, où « la maîtrise complète du formalisme n’est pas un attendu ».
Une étude approfondie est proposée pour l’introduction de limites de fonctions en
terminale (MEN, 2011).

1.2. L’introduction du concept de limite au Brésil, à l’université


Au Brésil, le lycée est une formation généraliste dans laquelle les étudiants étudient
les mêmes matières puis décident, à la fin du lycée, d’une spécialisation pour la
suite de leurs études. L'étude des limites au Brésil n'est généralement introduite que
dans l'enseignement supérieur, dans les cours de sciences exactes. Les directives
curriculaires pour le lycée (Ministério Da Educação Secretaria De Educação
Básica, 2006), qui guident les contenus d’enseignement, ne mentionnent pas l'étude
de ce concept au lycée. Nous sommes actuellement au Brésil dans une période de
mise en œuvre de nouveaux programmes, mais les lignes directrices en vigueur
dans le secondaire restent d’actualité. Si l'étudiant choisit de suivre les cours en
sciences exactes en premier cycle universitaire, il étudiera le concept de limite de
fonctions en première année, dans le cours appelé « Calcul I » qui représente
environ 100 heures par semestre. Les contenus du programme de ce cours sont :
fonctions d’une variable réelle, limites et continuité des fonctions, dérivées,
intégrales et applications. Dans ce cours, en général, est présentée d'abord la limite
d'une fonction en un point, de manière dite « intuitive » (au sens de Guidorizzi,
2013, voir plus loin), puis vient ensuite la définition mathématique dite
« formelle », où interviennent symbolisme et quantificateurs, généralement
appelée « définition en epsilon et delta ». Le concept de limite apparaît aussi
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 13

comme objet d'étude dans le calcul différentiel et intégral et dans les cours de
fondements en analyse. Il est également repris comme outil dans d'autres
disciplines.

2. Concept image et schèmes : étudier le rapport des étudiants à un concept

2.1. La notion de concept image – un focus sur les définitions


Il existe un écart entre le processus de conceptualisation et l’approche formelle des
définitions (Mariotti et Fischbein, 1997). Tall et Vinner (1981) ont développé les
notions de concept image et concept definition5 : le concept image rassemble les
images mentales et toutes propriétés associées à un concept et processus le
mobilisant, et le concept definition représente les définitions formelles d’un concept,
définies comme faisant consensus au sein d’une communauté scientifique. Ce qui est
notable, c’est que plusieurs concept images peuvent coexister chez un même élève
et être en contradiction entre eux (tout comme les conceptions, au sens de Balacheff,
1995) et/ou avec le concept definition. L’intérêt de cet outil théorique réside dans le
diagnostic des concepts images. Celui-ci permet de déterminer des implicites qui
peuvent être en contradiction avec la théorie mathématique formelle. La
caractérisation de concept images se fait par l’établissement de propriétés utilisées
par les élèves, face à certains types de problèmes, et est mis en regard du concept
definition. Ainsi, dans ce cadre théorique, il est nécessaire d’étudier les processus,
représentations, propriétés mobilisés (concept image) par des élèves relatifs à un
concept et de les mettre en regard des définitions formelles utilisées dans un ouvrage
ou dans un cours (concept definition). Cela permet d’analyser le décalage entre
concept images et concept definition(s) et ainsi de faire des hypothèses sur les
problèmes d’apprentissage que cela génère (et, en conséquence, faire de nouveaux
choix d’enseignement).
Ce cadre théorique apporte une orientation globale à notre méthodologie d’analyse :
analyser les concept images des étudiants, mais aussi, quand cela est possible,
identifier les concept images des concepts liés à celui de limite de fonction (en
particulier les nombres réels et les fonctions), nous permettra de pointer des
contradictions éventuelles chez les étudiants. Nous complétons ensuite cette analyse
avec les schèmes.

5
Nous conservons les termes « concept image » et « concept definition » en anglais d’origine
de Tall et Vinner (1981) et les écrivons en italiques pour l’indiquer.
14 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

2.2. Les schèmes


L’hypothèse sous-jacente à la théorie des champs conceptuels (Vergnaud, 1991) est
que l’acquisition du sens ou des significations d’un concept se fait à partir de la
confrontation à des situations problématiques qui mettent en jeu le concept.
Vergnaud (1991) parle d’un « processus d’élaboration pragmatique » du concept,
affirmant que ce processus est « essentiel pour la psychologie et la didactique,
comme il est d’ailleurs essentiel pour l’histoire des sciences. […] C’est dans les
schèmes qu’il faut rechercher les connaissances-en-acte du sujet, c’est-à-dire les
éléments cognitifs qui permettent à l’action du sujet d’être opératoire » (p. 136).
Dans ce cadre, un schème est défini comme « l’organisation invariante de la conduite
pour une classe de situations donnée » (Vergnaud, 1991, p. 136) et comprend des
règles d’actions, des invariants opératoires et des inférences (Vergnaud, 1991,
p. 142). Vergnaud (1991) distingue plusieurs types d’invariants opératoires qui sont
en fait de trois types logiques : des invariants de type « propositions », de type
« fonction propositionnelle », et de type « arguments ». Nous ferons un focus sur les
invariants opératoires des deux premiers types, en particulier les théorèmes-en-acte,
règles d’actions, propriétés-en-acte et concepts-en-acte. Les théorèmes-en-actes sont
des propositions tenues pour vraies par le sujet dans l’activité et qui lui permettent
de traiter une information. Les concepts-en-acte sont des fonctions propositionnelles,
ils permettent l’élaboration de théorèmes-en-acte. Les règles d’actions et propriétés-
en-acte sont des règles et propriétés pour lesquelles les stratégies (correctes ou non)
des élèves sont conformes aux concepts-en-acte et théorèmes-en-acte : leurs
caractérisations permettent d’identifier les propriétés attribuées à un concept par un
élève.

2.3. Méthodologie d’une analyse fondée sur les concept images et schèmes
Une étude via les théorèmes-en-acte et règles d’action (Vergnaud, 1991) permet de
décrire les processus des élèves relativement à un certain type de problème et à un
concept mathématique en particulier et ainsi, d’avoir accès aux conceptions des
élèves. L’approche de Tall et Vinner (1981) permet d’insister sur le décalage entre
des conceptions et des définitions formelles pour étudier l’impact de ce décalage sur
de futurs apprentissages. C’est aussi une méthodologie globale pour identifier et
anticiper des difficultés d’élèves. Elle est utile en particulier lorsqu’un concept
mathématique (comme celui de la limite) implique de nombreux autres concepts, et
dans le cas où l’on n’a pas accès à tous les schèmes des étudiants. L’expérimentation
se déroule en amont et en parallèle du cours sur les limites (en France et au
Brésil). Notre méthodologie d’analyse prend ainsi en compte les étapes suivantes :
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 15

− L’étude des concept images des étudiants associées au concept de limite de


fonction mis en regard avec le cours dispensé aux étudiants, qui permettra de
déterminer d’éventuelles contradictions avec l’apprentissage en cours ;
− L’étude des règles d’action, de leurs domaines de validité et des théorèmes-en-
acte mis en œuvre dans différentes activités, en début d’apprentissage du concept
de limite, qui nous renseignera précisément sur les schèmes disponibles des
étudiants.
L’étude des concepts images, des règles d’actions et théorèmes-en-acte nous permet
d’analyser les différences et les similitudes entre les connaissances et procédures
mobilisées par les élèves brésiliens et français. Notre recherche est de nature
expérimentale : nous plaçons les étudiants face à des activités de type « exercices »
de complexité variables et nous discutons, en entretiens individuels, de leurs
résolutions.

3. Objectifs et modalités du recueil de données


Nous avons décidé d’utiliser trois modalités de recueil de données, mais qui n’ont
pas pu rigoureusement être mises en œuvre de manière identique dans les deux pays
(au Brésil, aucun enseignement sur les limites de fonctions n’avait été réalisé en
début d’expérimentation, alors qu’en France, un cours avait déjà eu lieu) : un
questionnaire, des activités (qui sont en fait des exercices, avec traces écrites des
élèves) et des entretiens individuels (figure 1).
La modalité « questionnaire » avait deux objectifs principaux : avoir une première
vision rapide des procédures d’un nombre relativement grand d’étudiants, de telle
façon à ne retenir que certains étudiants pour la suite de l’étude et enquêter sur leurs
connaissances et l’évolution de celles-ci. Ce questionnaire a ainsi permis :
d’identifier des étudiants volontaires pour la recherche, d’identifier leurs difficultés
par rapport aux concepts mathématiques impliqués dans l’étude des limites, d’étudier
l’éventuelle utilisation de définitions de limite (pour le cas des étudiants français) et
d’étudier les procédures initiales des étudiants face à des études de limites dans un
registre graphique. Le questionnaire était composé de questions ouvertes et fermées.
Les questions ouvertes permettaient d’avoir accès à une réponse et une justification
nous renseignant ainsi sur les difficultés des étudiants, notamment sur les nombres
réels et les fonctions. Nous avons préparé des questions fermées à choix multiples
(Mazucato, 2018), en proposant des réponses couvrant plusieurs aspects du sujet.
Ces deux types de questions ont été mobilisés dans les questionnaires utilisés au
Brésil et en France. L’annexe 1 présente les principales questions utilisées dans les
deux pays.
16 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

Les activités ont cependant varié selon le pays en raison du temps dont nous
disposions (moins de temps en France qu’au Brésil) et le fait qu’un cours sur les
limites de fonctions avait déjà été proposé aux étudiants en France. Elles ont été
conçues à partir d’exercices proches de ceux proposés par les enseignants et
conformément aux curricula des deux pays (MEN, 2011 ; UFMS, 2014). Les
résultats des recherches antérieures épistémologiques et didactiques sur les
difficultés des élèves dans l’enseignement et l’apprentissage du concept de limite
mentionnées en introduction ont été pris en compte et ont permis de faire des choix
en termes d’activités et de guides pour les entretiens (variation dans les registres de
représentation, demande de justifications en termes de définitions, calculs et
représentations, etc.).
Questionnaire, activités et entretiens nous ont permis de travailler avec les étudiants
individuellement en France, individuellement et par binôme au Brésil, et d’interagir
avec eux afin d’obtenir plus d’informations sur leurs processus de résolution. Nous
avons ainsi obtenu des productions écrites et orales (retranscrites).

Instruments utilisés
BRESIL FRANCE
Questionnaire. Productions des élèves collectées
Trois groupes dans les deux pays Questionnaire.
d’activités :
Un entretien
- En binôme, Représentations écrites sur feuilles fournies avec activités.
groupes I et II aux étudiants brésiliens et français pour :
- Individuel, • Remplir le questionnaire
groupe III. • Résoudre des activités.
Discussions audio : 3 mois
Deux entretiens.
• Au cours des résolutions des
activités, au Brésil
9 mois • Lors d'entretiens au Brésil et en
France.

Figure 1. Recueil de données au Brésil et en France

3.1. Méthodologie de l’expérimentation au Brésil


Au Brésil, nous avons utilisé le questionnaire dans une classe du cours de
mathématiques (Calcul I, que nous avons observé) de première année de
l’Universidade Federal De Mato Grosso Do Sul (UFMS) : 37 étudiants ont répondu
au questionnaire, 12 ont accepté de participer à l’étude, 4 sont allés jusqu’au
deuxième entretien, mais seulement 2 étudiants ont suivi l’ensemble du processus.
Ensuite, nous avons élaboré – en prenant en compte les observations de classe et les
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 17

premiers résultats du questionnaire – et expérimenté trois groupes d’activités (voir


section 4), où les cas suivants ont été considérés : (I) étude des valeurs prises par une
fonction (continue ou non) dans le voisinage d’un point de son domaine de
définition ; (II) étude de la limite finie d’une fonction en un point ; (III) étude de
limites finies et infinies à l’infini et de limites infinies en un point. Après les deux
premiers groupes d’activités (I et II) traitées en binôme, nous avons réalisé un
entretien avec les étudiants volontaires, puis avons mis en œuvre le troisième groupe
d’activités (III) à résoudre individuellement. Nous avons alors conduit un entretien
individuel avec les étudiants. Six mois après les activités III, nous avons réalisé un
dernier entretien individuel. L’ensemble du processus est représenté dans la figure
2. En gris apparaissent les temps de recueils de données. Afin d’élaborer les activités
au plus proche de ce qui était travaillé en classe, nous avons observé des séances de
classe, étudié le projet de l’enseignant, les activités travaillées avec les étudiants,
ainsi que l’ouvrage utilisé par l'enseignant. Nous avons également pris en compte les
résultats intermédiaires obtenus au fur et à mesure du processus de recueil de
données (cela est représenté par des flèches courbes dans la figure 2). De plus, nous
avons intégré, dans certaines questions, des concepts problématiques pour les
étudiants, notamment ceux de nombres réels et de fonction (Artigue, 1995 ; Cornu,
1983), et ce de manière différenciée. Toutes les activités ont été enregistrées en audio
et chaque étudiant avait sa propre fiche d'activité. Nous avons également utilisé la
modalité « entretien semi-structuré » pour approfondir les faits observés et intégrer
d'autres questions (Toloi et Manzini, 2013).

Figure 2. Étapes de l’expérimentation conduite au Brésil


18 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

3.2. Méthodologie de l’expérimentation en France


Nous avons effectué notre recherche en 2017-2018, en France, dans une classe de
terminale (Grade 12) scientifique, Sciences de la Vie et de la Terre (SVT)6. 27 élèves
ont répondu au questionnaire et 5 ont réalisé les activités couplées à une interview.
En France, nous avons eu moins de temps pour conduire l’expérimentation. Nous
avons tout d'abord suivi l’enseignant introduisant le concept de limite de fonction
dans la classe de Terminale. Nous avons élaboré une grille d’observation de séances
pour analyser ses choix. Nous avons alors préparé un questionnaire similaire à celui
utilisé au Brésil pour inclure certains étudiants dans l’étude et avons élaboré des
questions pour les entretiens. Nous avons construit l’entretien à partir d’activités où
les étudiants devaient résoudre des exercices et justifier leurs choix. Cet entretien
avait pour but de mieux comprendre les procédures des étudiants ainsi que leurs
justifications, mais aussi d’inciter les étudiants à travailler dans divers registres de
représentation. Nous avons retranscrit les entretiens et analysé le corpus avec la
méthodologie décrite précédemment (cf. Figure 3).

Figure 3. Étapes de l’expérimentation conduite en France

6
Les étudiants pouvaient choisir différentes spécialités (ISN soit Informatique et Sciences
du Numérique, Physique Chimie, SVT, ou Mathématiques).
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 19

4. Définitions intuitives et formelles. Activités utilisées dans l’expérimentation


Au Brésil, l’approche du concept de limite mobilise une définition dite « intuitive »
de la limite d’une fonction (pas nécessairement continue), telle qu’elle est présentée
dans un ouvrage très utilisé au Brésil, proposant une approche conceptuelle
valorisant la présentation des définitions et des démonstrations, ainsi que le registre
graphique. Il s’agit d’une définition dynamique dans le registre graphique,
introduisant une égalité symbolique, mais sans quantificateurs ni epsilon-delta :
« Intuitivement, dire que la limite de f(x), lorsque x tend vers p, est égale à L, ce qui
s'écrit symboliquement lim 𝑓(𝑥) = 𝐿, signifie que quand x tend vers p, f(x) tend vers
𝑥→𝑝
f(p). » (Guidorizzi, 2013, p. 55, cf. figure 4). Au Brésil, la présentation est faite avec
l’idée d’approcher le point de l’investigation en adoptant des valeurs de plus en plus
proches du point, avec des fonctions polynomiales et rationnelles, par exemple, avec
𝑥²−1
les fonctions 𝑓(𝑥) = 𝑥 + 1 et 𝑓(𝑥) = (Guidorizzi, 2013). Sont alors utilisés un
𝑥−1
tableau avec ces valeurs, une manipulation de la représentation algébrique si
nécessaire, puis une discussion éventuelle sur la confrontation des résultats
numériques avec la représentation graphique. La définition « formelle » utilisée au
Brésil est celle en epsilon et delta.

Figure 4. Définition “intuitive” de limite (Guidorizzi, 2013, p. 55)


Les trois groupes d’activités (I, II, III) sont résumés en Annexe 2. Le groupe I avait
pour objectif d’identifier les procédures des étudiants dans l’étude de fonctions
(domaine de définition, intervalles, images, antécédents, approximation en un point,
étude de comportements au voisinage d’un point) dans les registres graphique,
numérique (tableaux de valeurs) et algébrique. Les activités du groupe II engageaient
une discussion sur la définition intuitive de limite vers la définition formelle (en
epsilon et delta) dans l’étude de limites finies en un point avec un focus sur
l’utilisation d’encadrements, valeurs absolues et inégalités en lien avec la
représentation graphique. Ces activités débouchaient sur la présentation de la
définition formelle de limite et un débat sur les liens avec la définition intuitive. Les
activités du groupe III prolongeaient cette discussion dans les entretiens pour le cas
20 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

de limites à l’infinie et limites en un point, de telles façon à approfondir les propriétés


des nombres réels et l’interprétation de la représentation graphique.
En France et au Brésil, les fonctions retenues pour les études de limite étaient proches
de ce que l'enseignant avait l’habitude de proposer en classe. Nous avons également
fait varier les registres de représentation. Les activités retenues pour les entretiens
sont présentées dans le tableau 1. Au Brésil et en France, les deuxième et troisième
cas de limites de fonctions sont traités avec la représentation algébrique de fonctions
similaires. Dans les activités, les étudiants doivent identifier les limites et les
justifier. En général, nous leur demandons de représenter graphiquement ces
fonctions. Nous avons également inséré, en France, en accord avec les programmes,
manuels et observations de classe, des activités de recherche graphique de limites.
Tableau 1. Limites et représentations étudiées en France et au Brésil

France Brésil
Limites
Algébrique Graphique Algébrique
𝑥 + 2, 𝑥≠1
𝑓(𝑥) = {
1, 𝑥=1
2 𝑥2 − 1
𝑓(𝑥) = 𝑓(𝑥) =
𝑥 𝑥−1
Cas (1)
lim 𝑓(𝑥) = 𝑘
𝑥→𝑝 𝑥2 − 𝑥
𝑓(𝑥) = 𝑓(𝑥) = 𝑥 + 1
𝑥−1

𝑓(𝑥) = 2𝑥 − 5
2 2
𝑓(𝑥) = 𝑓(𝑥) =
𝑥 𝑥
Cas (2)
lim 𝑓(𝑥) = ∞ -----------------
𝑥→𝑝 2+𝑥 2+𝑥
𝑓(𝑥) = 𝑓(𝑥) =
𝑥 𝑥

2
𝑓(𝑥) = 2
𝑥 𝑓(𝑥) =
𝑥
Cas (3)
lim 𝑓(𝑥) = 𝑘 2+𝑥
𝑥→∞ 𝑓(𝑥) = 2+𝑥
𝑥 𝑓(𝑥) =
𝑥

Cas (4) 𝑥² − 𝑥
lim 𝑓(𝑥) = ∞ 𝑓(𝑥) = ---------------- --------------
𝑥→∞
𝑥−1

Nous avons choisi de travailler avec les fonctions suivantes dans les deux pays :
𝑛 𝑎±𝑥
𝑓(𝑥) = 𝑥 , où n>0 et xR ; 𝑓(𝑥) = 𝑥 , où aR et xR.
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 21

Ce sont des fonctions connues des étudiants qui permettent une discussion relative
au concept de limite et qui sont source de difficultés (notion d'infiniment petit ou
grand, valeurs de la fonction tendant vers l'infini, valeurs de x devenant infiniment
proches d'un nombre (e.g. Cornu, 2002 ; Artigue, 1995)). Par ailleurs, nous
souhaitions faire varier les registres de représentation, chacun impliquant différents
aspects et relations (e.g. Duval, 1993 ; Vergnaud, 1991 ; Tall et Vinner, 1981). Ainsi,
nous avons cherché à obtenir une variété en termes de représentations mobilisées par
les étudiants : algébrique, graphique, numérique, langage naturel (écrit et oral).
Au Brésil, seul le cas (1) a déjà été traité en classe (voir Annexe 3) avec introduction
d’une définition intuitive et d’une définition formelle. Pour l’étude des cas (2) et (3)
de notre expérimentation, l’étudiant doit étudier la fonction lorsque les valeurs de x
tendent vers le point d’investigation de la limite, par valeurs supérieures et
inférieures. Un tableau avec des valeurs données doit être renseigné. L’étudiant doit
expliquer ce que fait la fonction selon la limite étudiée et représenter graphiquement
la fonction en expliquant, dans la construction, les limites identifiées. À différents
moments, l'étudiant doit expliquer oralement ce qu'il a fait sur la fiche d'activité.
En France, les cas (2) et (3) ont été traités dans l’entretien. Le cours sur les limites a
déjà été mené en classe, sans définition formelle en epsilon et delta (voir Annexe 3).
L’étudiant doit identifier la limite de chaque fonction. Nous lui demandons de le
justifier par écrit et de nous expliquer oralement ce qu'il a fait sur la fiche d'activité.
Une représentation graphique de la fonction a été parfois demandée.

5. Une étude de cas - Mateus au Brésil et Baptiste en France


Afin d’avoir accès aux schèmes, nous avons retenu des étudiants ayant résolu toutes
les activités et fourni des justifications, à l’oral durant l’entretien en France, mais
aussi dans les discussions au sein des binômes au Brésil. Nous avons recherché des
étudiants ayant mobilisé des représentations graphiques, le langage écrit et oral
(formel et naturel), ainsi que des représentations algébriques et avons sélectionné des
étudiants n’ayant pas ou peu de difficultés dans les concepts « autres » tels que la
factorisation et les fonctions. Pour cela, nous avons mis en place une étude globale
fondée sur l’étude des concept images qui transparaissaient dans les productions des
étudiants : il s’agissait d’identifier les conflits potentiels générés par des concept
images avec le concept definition chez un même étudiant (Vinner et Dreyfus, 1989 ;
Tall & Vinner, 1981), de sélectionner des étudiants pour conduire des études de cas,
puis d’approfondir l’étude en analysant les schèmes. Nous avons retenu, pour cet
article, les productions de deux étudiants dans des activités similaires afin
d’identifier les différences et les similitudes dans les schèmes et leurs évolutions :
Mateus (17 ans, 1ère année d’université en licence de mathématiques au Brésil) et
Baptiste (16 ans, Terminale, ayant déjà étudié les limites de suites, en France).
22 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

5.1. Le concept image de Mateus : prédominance du registre graphique


Tout au long de notre étude (Burigato, 2019) et des cours, le concept image de
Mateus s’est enrichi au niveau des registres mobilisés, seul le registre graphique étant
mobilisé initialement. Mateus a réussi à résoudre les questions correctement, la
plupart du temps par observation de la représentation graphique de la fonction et en
faisant des calculs des images de plusieurs points lorsque c’était possible. Ce type
de calculs lui a permis de construire des représentations graphiques dont il
connaissait l’allure. Au début de l’expérimentation, Mateus ne faisait référence
qu'aux valeurs de la fonction qui grandissent vers l'infini, puis il a intégré d'autres
éléments vus en cours, comme les notions de maxima et de minima d'une fonction,
ainsi que le comportement des images de la fonction. Lors du dernier entretien, nous
lui avons demandé ce que signifiait pour lui « f(x) tend vers l'infini ». Il a répondu :
Ici, il n’y aura jamais de maximum, [...] il est toujours plus gros que n’importe quel
nombre. C’est f (x), ça va toujours... plus grand que n’importe quel nombre... à partir
d’ici. Il n’aura pas de maximum.
Dans l'interview, nous lui avons demandé d’expliquer les cas où la fonction tend vers
zéro lorsque x tend vers +∞ ou –∞. Mateus a montré la représentation graphique de
la fonction en expliquant :
Vous voyez comme tous les nombres ici vont à l'infini... Ils ne dépasseront jamais 0,
mais si vous prenez chacun d'eux, ils s'approcheront d'un nombre proche de 0, cela
aussi ne le sera jamais... il n'y aura jamais de limite, car vous voyez qu’il approche de
0, mais si vous n'en voyez qu'un, il se rapprochera d'un nombre.
Mateus a alors expliqué que « x va à l'infini » et que, pour chaque x, « son f(x) » est
un nombre qui se rapproche de zéro, mais ne sera jamais nul. C’est le seul aspect que
l’on pourrait rapprocher du concept de nombres réels chez Mateus, obstacle
épistémologique ici de la limite qui n’est pas atteinte.
Nous avons vu qu'en justifiant ses choix, à l’écrit ou à l’oral, lors des activités et
entretiens, Mateus a corrigé des erreurs, utilisant sa mémoire de problèmes
précédemment résolus, refaisant certaines représentations et parvenant
progressivement, avec un accompagnement, à mobiliser la représentation
algébrique, ce qui nous conduit à souligner l’évolution de son concept image. On
peut s’interroger sur les obstacles ultérieurs liés à cette prédominance initiale du
registre graphique et numérique chez Mateus, conforme à l’approche
d’enseignement au Brésil.
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 23

5.2. Le concept image de Baptiste - Plusieurs registres mobilisés


Dans les activités, Baptiste mobilise des justifications qui s’inscrivent dans plusieurs
registres : numérique, algébrique et graphique. Pour étudier son concept image, nous
avons listé les arguments de Baptiste dans chacun de ces registres et recherché les
liens que Baptiste était à même de tisser entre ceux-ci. Dans le registre numérique,
Baptiste exploite des substitutions de valeurs et les formes indéterminées. Dans le
registre algébrique, il simplifie l’écriture lorsqu’il y a une indétermination. Le
registre graphique est mobilisé pour appréhender des fonctions proches de fonctions
de référence. D’une manière générale, Baptiste a clairement une vision dynamique
des limites (« dans la limite, le x s’approche du point » ; « les images de la fonction
peuvent s’approcher infiniment d’un certain nombre »). Son concept image
s’enrichit lorsqu’il intègre les apports du cours de l’enseignant (Annexe 3). Certains
éléments et phrases des cours de l’enseignant pouvaient cependant générer des
obstacles (e.g. Cornu, 1983) : « x tend vers a par valeurs supérieures [...] dès que x
est suffisamment proche de a », « Si on peut rendre f (x) aussi grand que l’on veut »,
« si x est suffisamment grand ».
Mais, en classe, l'enseignant a discuté la signification de ces expressions à partir des
représentations des élèves, utilisant par exemple la fonction f(x) = 1/x. Cela a
vraisemblablement contribué à ce que Baptiste fasse des relations pour les fonctions
travaillées avec d’autres concepts (réels, asymptotes) et varie les registres de
représentation dans les activités (figure 5).

x peut être plus grand et la Je fais la simplification. Représentation graphique


limite tend vers 0 La limite d’une fonction et asymptotes
constante est la constante
elle-même.

Figure 5. Baptiste – Cas (3) : limite en l’infini des fonctions f(x) = 2/x et f(x) = (2+x)/x
L'enseignant a ensuite introduit une notation plus formelle en epsilon (Annexe 2).
Ainsi, des expressions telles que « si on peut rendre les valeurs de f(x) proches de l »
et « si les images de f(x) sont aussi proches que l’on veut de l » évoluent vers
24 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

l'expression « si tout intervalle ouvert contient toutes les valeurs de f(x) ». Il est clair
que le souci de l'enseignant est ici de travailler avec les expressions et conceptions
« naturelles » considérées comme problématiques dans la littérature (Cornu, 2002).
Les éléments décrivant le concept image de Baptiste indiquent qu'il fait
systématiquement des associations pertinentes avec les définitions présentées par
l’enseignant. Cependant, une étude sur un plus long terme serait nécessaire pour
étudier les conflits potentiels entre le concept image de Baptiste décrit ci-dessus et
les définitions formelles en epsilon et delta qu’il devra mobiliser plus tard.

5.3. Conclusions sur les concepts images


Sur l’ensemble de l’expérimentation, l’étude des concept images a été guidée par la
recherche de conflits potentiels, soit au sein du concept image de limite de fonction,
soit au niveau des objets mathématiques liés (fonctions, nombres réels, algèbre).
Nous avons trouvé deux phénomènes susceptibles de générer des conflits :
− Mateus associe l’étude des fonctions à des problèmes à résoudre en fonction des
valeurs de f(x) ; il associe le domaine de définition et les valeurs des images par
la fonction, en particulier aux bords de l’intervalle de définition de la fonction.
− Baptiste associe l’existence de la limite en un point à la valeur de la fonction en
ce point au niveau de la représentation graphique.
Dans le cas de Mateus, l'un des problèmes ultérieurs sera relatif à des situations
mobilisant la définition formelle, en epsilon et delta. Il devra alors manipuler des
inégalités et des valeurs absolues et cherchera à mettre en relation des éléments du
domaine de définition de la fonction avec des valeurs prises par la fonction. Dans le
cas de Baptiste, les difficultés ultérieures seront relatives à sa conception de la limite
de fonction en un point. L’étude de ces concept images montre par ailleurs des
différences initiales entre ces deux étudiants, notamment au niveau des registres.
L’étude des schèmes va nous permettre de discuter davantage les différences et les
similitudes et, en particulier, de voir l’impact de la prédominance de certains
registres sur les schèmes.

5.4. Etude des schèmes de Mateus et Baptiste


Pour faire l’étude fine des schèmes mobilisés par Mateus et Baptiste, nous étudions
leurs productions lors de l’étude des fonctions utilisées dans les deux pays :
f(x) = n/x, où n>0 et xR et f(x) = (2+x)/x, xR pour les cas (2) et (3). Notons que,
dans les activités, ces études de limites devaient être traitées en utilisant les registres
algébrique, numérique, graphique et en langage naturel. L’intégralité des analyses
de l’évolution des règles d'actions (notées R avec l’initiale du pays) et théorèmes-
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 25

en-acte (notés TA avec l’initial du pays) de Mateus et Baptiste sont dans (Burigato,
2019). Nous en reprenons ici les éléments principaux.

5.4.1. Les schèmes de Mateus et Baptiste pour le cas (2) 𝐥𝐢𝐦 𝒇(𝒙) = ∞
𝒙→𝒑

Suite à plusieurs activités, Mateus mobilise régulièrement, dans ses schèmes, le


théorème-en-acte (TAB.iv.a7) fondé sur l’étude de représentation graphique. Comme
il connaît l’allure de la représentation graphique de la fonction f(x) = 1/x, son schème
se rapproche en fait des théorèmes-en-acte (TAB.v.a) et (TAB.v.b) par observation
du graphique, mais sans réaliser de calculs de valeurs (cf. Figure 6).
Dans l’étude de la fonction f(x) = (2+x)/x, Mateus doit apporter de nouvelles
adaptations à son schème initial. Il reconnaît la similitude de cette fonction avec celle
d’autres activités et éprouve des difficultés dans la manipulation algébrique, dans les
calculs de valeurs de la fonction (il obtient donc une représentation graphique
incorrecte) et dans la simplification algébrique de l’écriture. Avec l'aide d'un
collègue, il réussit à simplifier l'expression : f(x) = 2/x+1 et corrige ainsi sa
représentation graphique. La figure 6 permet d’identifier la filiation des théorèmes-
en-acte et règles d’action selon les fonctions étudiées.
Baptiste a correctement identifié la limite des deux fonctions. Il a mobilisé plusieurs
théorèmes-en-acte relatifs aux limites de fonction, représentés sur la figure 7, ainsi
que (TAF.vi.a) et (TAF.vi.b) que l’on peut rapprocher des théorèmes-en-acte de
Mateus (TAB.v.a) et (TAB.v.b). Dans les deux cas, ces théorèmes-en-acte ont été
construits avec un appui sur la mémorisation d'activités similaires précédemment
traitées. La différence entre Baptiste et Mateus réside dans le fait que Mateus
mobilise d’abord le registre graphique, alors que Baptiste se situe dans le registre
numérique et algébrique. En plus de ces deux théorèmes-en-acte, Baptiste en a
mobilisé d’autres, différents suivant la fonction travaillée (figure 7).

7
Nous conservons dans cet article les notations utilisées dans la thèse (Burigato, 2019) par
souci de cohérence.
26 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

Figure 6. Règles d’actions et théorèmes-en-acte de Mateus8, cas (2) : lim 𝑓(𝑥) = ∞


𝑥→𝑝

8
Dans les activités conduites au Brésil, correspondant à l’étude de la fonction f(x) = (2+x)/x
dans la figure 6, la fonction est étudiée avec des tableaux de valeurs et une représentation
graphique, pour des pas de plus en plus petits de x. Des formulations décrivant le phénomène
observé graphiquement et par le calcul sont demandées aux étudiants.
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 27

Figure 7. Règles d’actions et théorèmes-en-acte de Baptiste, cas (2) : lim 𝑓(𝑥) = ∞


𝑥→𝑝
28 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

5.4.2. Les schèmes de Mateus et Baptiste pour le cas (3) 𝐥𝐢𝐦 𝒇(𝒙) = 𝒌
𝒙→∞

Figure 8. Règles d’actions et théorèmes-en-acte de Mateus, cas (3) : lim 𝑓(𝑥) = 𝑘


𝑥→∞

L’étude du cas (3) confirme la prédominance de la représentation graphique chez


Mateus (cf. Figure 8). Cependant, l’étude des fonctions proposées (similaires à celles
connues de Mateus) engage l’étudiant à vérifier algébriquement et numériquement
le comportement de cette fonction pour répondre aux questions. Dans l'entretien, il
précise qu’il utilise toujours la représentation graphique des fonctions pour traiter les
activités, mais qu'il n’a jamais rencontré de situations nécessitant une réflexion sur
les comportements graphiques de fonctions. Avec la fonction f(x) = (2+x)/x, il a dû
revoir sa représentation car, bien qu’il sache que c’est la « même fonction »,
translatée, il doit mobiliser d’autres connaissances, notamment le fait que les valeurs
de la fonction se rapprochent de y = 1, lorsque x prend des valeurs plus grandes ou
plus petites. Une autre adaptation du schème de Mateus concerne les moyens de
contrôle et de validation : il n'aime pas faire des calculs numériques et a déclaré qu'il
trouvait que cela prenait beaucoup de temps, même avec la calculatrice. Au cours
des activités, nous avons souvent constaté qu'il avait du mal à faire des calculs et à
utiliser les résultats obtenus. Sa confiance dans les représentations graphiques des
fonctions obtenues dans des situations rencontrées précédemment est relative.
Lorsque Mateus a été confronté à la fonction f(x) = (2+x)/x il a commencé par
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 29

effectuer plusieurs calculs. Il s’agit d’une action significative reflétant une adaptation
du schème, relativement à des erreurs liées aux choix précédents (cas (2)).
Les schèmes de Baptiste sont eux aussi en lien avec la connaissance des cas
précédemment traités, avec une adaptation selon la fonction en jeu. Dans le cas de la
fonction f(x) = 1/x, la mémorisation des activités précédentes, les propriétés des
nombres réels et l’idée des limites à gauche et à droite ont guidé les actions
constitutives du schème de Baptiste. Baptiste a adapté son schème pour la fonction
f(x) = (2+x)/x utilisant des opérations d’addition et de division des limites de
fonctions, de simplification de l’expression algébrique de la fonction initiale pour
traiter l’indétermination. Ici, Baptiste semble bien connaître la division pour les
nombres réels, ainsi que les limites de la fonction de référence. Quand nous l’avons
2
interrogé sur lim 𝑥, il nous a répondu :
𝑥→+∞

On voit que c'est zéro, parce qu’on va diviser un nombre donné qui ne changera pas,
par un plus gros. Le résultat va s'approcher de plus en plus près, enfin il va être de
plus en plus près ...nul, zéro.
Et il a écrit sur sa feuille d’activité (figure 9) ses justifications, montrant que la
fonction peut tendre vers zéro de deux manières, par valeurs négatives ou positives.

Figure 9. Résolution écrite de Baptiste pour le cas (3) : lim 𝑓(𝑥) = 𝑘


𝑥→∞
30 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

Pour traiter la fonction f(x)=(2+x)/x, Baptiste s’appuie sur la mémorisation de


situations précédentes, l’identification d’une contrainte et la nécessité de simplifier
la fonction et d’identifier les limites connues de fonctions de référence.

Figure 10. Règles d’actions et théorèmes-en-acte de Baptiste, cas (3) : lim 𝑓(𝑥) = 𝑘
𝑥→∞
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 31

Les théorèmes-en-acte (TAF.v.b) et (TAF.v.c) précèdent le théorème-en-acte


(TAF.v.a) du schème de l'étudiant, montrant ainsi une adaptation (cf. Figure 10).
Ainsi, après simplification lui permettant d’identifier la fonction f(x) = 1/x, Baptiste
élargit son schème initial, prévoyant qu'il ne sera pas nécessaire d’étudier les limites
à droite et à gauche, car la fonction f(x) = (2+x)/x tend vers 1 et « peu importe si
f(x) = 2/x tend vers zéro par des valeurs positives ou négatives, car cela ne changera
pas le résultat final de la limite ». Baptiste a un schème très stable pour identifier les
limites de fonction du type f(x) = n/x, n>0 et xR, et du type f(x) = (a±x)/x, n>0 et
xR. Il sait également traiter des limites de fonctions et des cas d'indétermination
connus. Ses schèmes ont été adaptés, non seulement de manière opérationnelle, en-
acte, en mobilisant des tableaux de valeurs et de variations et des résultats mémorisés
de certaines limites, mais aussi en intégrant de nouveaux éléments du concept de
limite. En effet, Baptiste comprend les connaissances mobilisées dans les activités,
par exemple, lors de la représentation graphique de la fonction f(x) = (2+x)/x, le
comportement de la fonction est justifié lorsque x est proche de zéro (cas (2)). Les
représentations mobilisées, à l’écrit et à l’oral par Baptiste, sont cohérentes pour les
deux registres travaillés ici (explication de la limite obtenue dans le registre
algébrique et au niveau de la représentation graphique, incluant l'identification du
comportement de la courbe par rapport à son asymptote horizontale y = 1).

5.5. Poursuite de l’évolution des schèmes de Mateus et Baptiste


L’étude du parcours de Mateus et Baptiste sur un temps relativement long, en prenant
en compte les activités conduites en cours par l’enseignant et notre expérimentation,
nous a permis de montrer l’évolution de leurs schèmes dans notre travail de thèse
(Burigato, 2019). À titre d’exemple représentatif, dans le tableau 2, nous présentons
l’étude de la limite en 1 de la fonction f(x) = (x²–x)/(x–1), proposée aux étudiants
dans le registre algébrique.
Ce type de fonction est généralement utilisé pour montrer qu’une limite peut exister
en un point où la fonction n’est pas définie. Les deux étudiants ont encore mobilisé
les schèmes précédemment décrits, tout en faisant des adaptations. Le premier
théorème-en-acte (simplification algébrique) est commun aux deux étudiants, mais
l’action diffère :
− l'étudiant brésilien étudie les points voisins et voit que les valeurs s'approchent
d'un nombre qui est la limite (registre numérique prédominant) ;
− et l’étudiant français reconnaît la fonction et sait que la limite sera la valeur que
la fonction simplifiée prend en ce point (registre algébrique).
Nous retrouvons ici les registres mobilisés dans les schèmes précédents de ces
étudiants. Cela est en accord avec les schèmes décrits dans les sections précédentes.
32 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

Le répertoire de représentations de fonction de Mateus s’est enrichi, et ses actions


s’orientent sur le registre numérique. Basptiste, quant à lui, reste fidèle au registre
algébrique et au recours de résultats mémorisés et fonctions de référence.
Tableau 2. Règles d’action et théorèmes-en-acte, pour la fonction f(x) = (x²–x)/(x–1)

Le concept de fonction est ici un point central : certains aspects de ce concept


peuvent être à la fois un point d'appui pour l’évolution des schèmes mais aussi un
point de déséquilibre, comme le souligne Vergnaud (2015). Tout au long de
l’enseignement, le concept de fonction nécessite l’étude de phénomènes aux points
considérés comme problématiques pour la fonction, aux bornes du domaine de
définition par exemple, dans des registres variés.

Conclusion et perspectives
Nous avons vu dans notre expérimentation que la mémorisation de résultats, tels que
des tableaux de variations de fonctions, des tableaux de valeurs, des propriétés sur
les nombres réels, et des représentations graphiques, apparaît comme centrale. Ici, la
compréhension de la construction de ces premiers résultats sur les fonctions est
fondamentale pour que l'élève puisse les utiliser correctement par la suite. Par
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 33

exemple, dans le cas de l'élève brésilien, son utilisation d’une représentation


graphique d'une fonction mémorisée a été un point d'appui à plusieurs reprises dans
son travail : dans certains cas, cela était « efficace » (et lui permettait d’accéder au
résultat), dans d'autres non. Il lui fallait donc reprendre cette représentation, réfléchir
à sa construction, afin de pouvoir réorganiser son schème face à la situation. D’une
manière globale, les schèmes de l’étudiant brésilien, initialement dans le registre
graphique, ont progressivement glissé vers le registre numérique et algébrique. La
confrontation de ces registres de représentation dans les activités et entretiens lui a
permis d’appréhender le fait que la limite peut exister en un point n’appartenant pas
au domaine de définition de la fonction, ce qui est un gain par rapport au concept
image initial.
L'étudiant français a également revu les résultats mémorisés lorsqu’il a trouvé un
résultat incorrect et n’a pas pu expliquer la limite obtenue : il a soutenu que, dans le
cas précédent (vu en cours), c'était possible, car il s'agissait d'une valeur exacte, et,
dans l’activité proposée, il obtenait une valeur approximative. Il a évoqué une autre
situation dont la limite avait été obtenue par substitution directe de la valeur d’étude
dans la fonction donnée. Mais, dans l’activité proposée, Baptiste n’a réalisé son
erreur que lorsqu’on lui a demandé de représenter graphiquement la fonction : il a
alors refait toute l'activité, corrigeant et justifiant le résultat trouvé. Ce n’est pas la
construction de la représentation graphique elle-même qui a joué ce rôle, mais les
règles d’action mobilisées pour sa construction et théorèmes-en-acte afférents. Pour
l’étudiant français, les schèmes initiaux ancrés dans le registre algébrique et
calculatoire se sont enrichis avec le registre graphique, lors des entretiens. Le registre
graphique est devenu pour lui plus qu’une simple représentation de fonction de
référence mémorisée.
Ces résultats confirment les résultats de la littérature dans le cas de l’analyse et en
montrent les aspects dans un contexte de classe ordinaire (e.g. Cornu, 2002 ; Reis,
2001 ; Nascimento, 2003) : l’expérimentation complémentaire au cours d’une grande
variété de situations, mobilisant divers registres de représentations, permet aux
étudiants d’enrichir leur domaine d’expérience, de faire évoluer leurs concept images
et leurs schèmes. Les schèmes des deux étudiants sont à l’origine chacun conformes
au type d’enseignement en France et au Brésil et évoluent au cours de
l’expérimentation. Si certains théorèmes-en-acte sont communs, les règles d’actions
diffèrent, elles sont guidées par le répertoire de l’élève, obtenu au fil des années. Ces
règles d’actions constituent la véritable partie génératrice des schèmes (Vergnaud,
1991) et nous renseignent sur la continuité des actions d’un sujet (recherche
d’informations, actions, contrôles des résultats d’une action). Ainsi, ce sont elles qui
sont intéressantes à exploiter pour identifier les apports de ces différentes approches
34 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

d’enseignement (Brésil et France) pour la conception d’activités futures pour la


classe ordinaire.
Par ailleurs, notre méthodologie d'analyse s'est avérée pertinente, étant données les
différences que nous avons présentées des deux pays étudiés. La modélisation
théorique retenue nous a permis d’identifier des éléments communs et les spécificités
dans les productions des élèves brésiliens et français en termes de concepts images,
de schèmes, et ce en lien avec les registres de représentation. En particulier, nous
avons relevé des théorèmes-en-acte communs à ces étudiants, mais qui étaient guidés
par des règles d’action différentes.
Le travail de thèse (Burigato, 2019), dont sont extraites ici les études de cas, a ouvert
différentes perspectives. En ce qui concerne la modélisation théorique retenue, nous
remarquons qu’elle s’avère pertinente pour l'étude des élèves en difficulté. À titre
d’exemple, nous avons étudié le cas d'un élève sans difficulté avec les concepts de
base, mais en grande difficulté dans les activités travaillées dans notre recherche.
Dans notre étude, nous avons été en mesure d'identifier les représentations les plus
problématiques et celles qui lui ont permis d'établir des liens et relations pertinents
pour faire face aux activités. Nous envisageons des études ultérieures sur divers
concepts mathématiques (dont ceux de limite et de fonction), avec la méthodologie
suivante :
− Etudier le concept image d'un concept donné, en identifiant les images qui
peuvent entraîner des conflits, soit avec d'autres images de ce concept, soit avec
la définition du concept ;
− A partir de cela, réaliser une modélisation en termes de règles d’action et de
théorèmes-en-acte, en relation avec les activités ou situations travaillées, afin
d'analyser plus en détail les difficultés en vue de l’apprentissage de la définition
formelle ;
− Construire des situations en prenant en compte les obstacles et conflits possibles
identifiés dans le concept image et les schèmes des étudiants et ainsi aller vers
la définition formelle.
Cette démarche s’inscrit dans un contexte de l’enseignement ordinaire et n’adopte
pas la démarche d’ingénierie didactique et de construction de définitions telles que
développées dans les travaux de Lecorre (2016) et Chorlay (2019) sur un temps long.
À termes, il serait nécessaire de croiser ces deux types d’approches (ingénierie de
construction de définitions et activités locales s’inscrivant dans les curricula) afin
d’étudier comment articuler le local et le global (au sens de Bloch, 2017) pour
permettre l’accès aux étudiants au domaine mathématique qu’est l’Analyse. Cela
rejoint le nécessaire travail sur le concept de fonction caractérisé à la fois par la
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 35

multiplicité de registres de représentation (algébrique, symbolique, formel,


numérique, graphique) (Duval, 1995) et plusieurs perspectives (ponctuelle, globale
et locale) (e.g. Vandebrouck, 2011 ; Montoya Delgadillo et al., 2018) que nous
n’avons pas exploitées dans notre expérimentation.

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SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO


Universidade Federal de Mato Grosso do Sul, Brasil
sonia.burigato@ufms.br

CECILE OUVRIER-BUFFET
Université Paris-Est Créteil, LDAR, France
cecile.ouvrier-buffet@u-pec.fr

JOSE LUIZ MAGALHÃES DE FREITAS


Universidade Federal de Mato Grosso do Sul, Brasil
jose.freitas@ufms.br
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 39

Annexe 1. Questionnaires utilisés au Brésil et en France


Dans ces questionnaires préalables aux entretiens et activités conduits avec les
étudiants, des informations générales sont demandées aux étudiants (nom, prénom,
âge, souhaits d’études, motivations, souhait d’intégrer l’expérimentation).
Au Brésil, les étudiants n’avaient pas encore eu de cours sur les limites, il s’agissait
d’identifier certaines difficultés déclarées par les étudiants, en particulier en lien avec
les nombres réels.
Voici des exemples de questions posées :
6. En pensant aux ensembles numériques que vous avez étudiés, quelles
difficultés de compréhension aviez-vous et avez-vous ?
7. Citez des opérations mobilisant des nombres réels où vous rencontrez
quelques difficultés (par exemple 2/3+1/2)
8. Dans l’ensemble des nombres réels, citez 3 nombres qui sont dans chacun
de ces intervalles
a) ]-1 ; 20] b) ]0 ; 1] c) [-2 ; 0]
d) [0 ; ⅔[ e) [-⅞ ; 0] f) ]-∞ ; 0[
En France, l’enseignement des limites avait commencé en classe, il s’agissait donc
d’appréhender les éléments déjà intégrés par les étudiants. Voici des exemples de
questions posées (un focus est fait sur le registre graphique, afin d’avoir des éléments
de comparaison avec les étudiants brésiliens où ce registre prédomine avec le registre
numérique) :
6. Écrivez ce que vous avez compris intuitivement de la limite d'une fonction.
8. Écrivez ce que vous avez compris en ce qui concerne la définition formelle
de la limite d'une fonction.
9. Présentez des concepts que vous connaissez déjà et qui sont utilisés dans le
concept de limite.
10. Analysez le graphique et déterminez les limites demandées. Justifiez ensuite
chaque résultat trouvé.
a) lim 𝑓(𝑥) = ___
𝑥→0
b) lim 𝑓(𝑥) = ___
𝑥→−2
c) lim 𝑓(𝑥) = ___
𝑥→2
d) lim 𝑓(𝑥) = ___
𝑥→+∞
40 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

Annexe 2. Activités des groupes I, II et III


Contenus des activités du Groupe I
𝑥 2 −𝑥
Fonction, représentation graphique et tableau de valeurs, 𝑓(𝑥) = | | pour x≠1.
𝑥−1

− Construire un tableau de valeurs


− Représenter les valeurs sur une droite numérique
− Trouver des valeurs entre deux valeurs données
− Étudier les valeurs de la fonction dans le voisinage de 1
− Construire la représentation graphique et l’analyser pour x proche de 1
− Études de la fonction sur des intervalles (par exemple 1,2 < f(x) < 2,8).
Contenus des activités du Groupe II (limite finie en un point)
Exemples de fonctions étudiées (quand x tend vers 1) dans les registres algébriques
𝑥 2 −𝑥
et graphiques : 𝑓(𝑥) = 𝑥−1
; f(x) = x+2 si x≠1 et 1 si x=1

− Calculs en x=1
− Pour un ε donné, étude des valeurs de x telles que 2 – ε < f(x) < 2+ε
− Introduction de δ
− Utilisation d’inégalités avec valeurs absolues (de type |f(x) – 2| < ε)
− Liens entre registres algébriques et graphiques.
Contenus des activités du Groupe III (limites à l’infinie et limites en un point)
1
Exemples de fonctions étudiées : 𝑓(𝑥) = 𝑥 sur ]0 ; 2] et [-2 ; 0[ puis sur ]–∞ ; –1] et
[1 ; +∞[ (étude des valeurs proches de 0 et représentation graphique, étude des
valeurs de la fonction à gauche et à droite de 0, étude des valeurs au voisinage de
±∞).
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 41

Annexe 3. Définitions introduites en classe


Au Brésil, avant l’expérimentation des cas (2) et (3), seules la définition intuitive
et la définition formelle du cas (1) sont introduites en classe par l’enseignant.

Définition du cas lim 𝑓(𝑥) = 𝑘


𝑥→𝑝

Définition intuitive
Intuitivement, on dit que limite de f(x) lorsque x tend vers p, est égale à L, symboliquement
s’écrit : lim 𝑓(𝑥) = 𝐿 signifie que, lorsque x tend vers p, f(x) tend vers L.
𝑥→𝑝

Définition formelle
Soit f soit une fonction et p un point appartenant au domaine de définition de f ou à
l’extrémité de l’un des intervalles qui composent le domaine de définition de f. Nous disons
que f a pour limite L, en p, si, pour chaque ε>0 donné, il existe un δ>0 tel que, pour chaque
xDf, 0 < |x – p| < δ  |f(x) – L| < ε.
Ce nombre L, quand il existe, est unique, il sera indiqué par lim 𝑓(𝑥). Ainsi :
𝑥→𝑝

lim𝑓(𝑥) = 𝐿  (ε>0, >0, tel que pour chaque xDf, 0<|x – p|<δ  |f(x) – L|<ε)
𝑥→𝑝
42 SONIA MARIA MONTEIRO DA SILVA BURIGATO, CECILE OUVRIER-BUFFET, JOSE LUIZ
MAGALHÃES DE FREITAS

Au Brésil, après l’expérimentation, les définitions ont été introduites par


l’enseignant de la façon suivante.

Définition du cas lim 𝑓(𝑥) = ∞


𝑥→𝑝

Définition
Soit f une fonction, p un nombre réel et supposons qu'il existe b tel que ]𝑝; 𝑏[ ⊂ 𝐷𝑓 .
Nous définissons
∀𝜀 > 0, ∃𝛿 > 0, avec 𝑝 + 𝛿 < 𝑏,
lim 𝑓(𝑥) = +∞ ⟺ {
𝑥→𝑝+ tel que 𝑝 < 𝑥 < 𝑝 + 𝛿 ⟹ 𝑓(𝑥) > 𝜀
On procède de manière analogique pour définir :
lim 𝑓(𝑥) = −∞, lim 𝑓(𝑥) = +∞
𝑥→𝑝+ 𝑥→𝑝−
et lim 𝑓(𝑥) = −∞
𝑥→𝑝−

Définition du cas lim 𝑓(𝑥) = 𝑘


𝑥→∞

Définition 1
Soit f une fonction et supposons qu’il existe a tel que ]𝑎; +∞[ ⊂ 𝐷𝑓 .
∀𝜀 > 0, ∃𝛿 > 0, avec 𝛿 > 𝑎,
lim 𝑓(𝑥) = 𝐿 ⟺ {
𝑥→+∞ tel que 𝑥 > 𝛿 ⟹ 𝐿 − 𝜀 < 𝑓(𝑥) < 𝐿 + 𝜀

Définition 2
Soit f une fonction et supposons qu’il existe a tel que ]−∞; 𝑎[ ⊂ 𝐷𝑓 .
∀𝜀 > 0, ∃𝛿 > 0, avec − 𝛿 > 𝑎,
lim 𝑓(𝑥) = 𝐿 ⟺ {
𝑥→−∞ tel que 𝑥 > −𝛿 ⟹ 𝐿 − 𝜀 < 𝑓(𝑥) < 𝐿 + 𝜀

En France, avant l’expérimentation, la définition des cas (2) et (3) est introduite
par l’enseignant de la façon suivante.
Définition cas (2) lim 𝒇(𝒙) = ∞
𝒙→𝒑
Soit f une fonction définie sur un intervalle ]a ; b[.
On dit que f tend vers +∞ quand x tend vers a par valeurs supérieures si on peut rendre f (x)
aussi grand que l’on veut dès que x est suffisamment proche de a dans l’intervalle ]a ; b[.
On note :
lim 𝑓(𝑥) = +∞
𝑥→𝑎
𝑥>𝑎
On dit alors que la droite d’équation 𝑥 = 𝑎 est asymptote à la courbe représentative de 𝑓.
lim 𝑓(𝑥) = −∞, 𝑥→𝑎
On a des définitions analogues pour 𝑥→𝑎 lim 𝑓(𝑥) = +∞ et lim 𝑓(𝑥) = −∞.
𝑥→𝑏
𝑥<𝑎 𝑥<𝑏 𝑥>𝑏
LIMITES DE FONCTION : SCHEMES D’ETUDIANTS EN FRANCE ET AU BRESIL 43

Définition cas (3) lim 𝒇(𝒙) = 𝒌


𝒙→∞

(1.a) Soit f une fonction définie sur un intervalle ]* ; +∞[, (* pouvant être un nombre réel
ou –∞). f a pour limite le réel l quand x tend vers l’infini si les images f (x) sont aussi
proches que l’on veut de l, à condition de prendre x suffisamment grand.
On peut formaliser les choses en s’inspirant de la définition donnée pour les limites finies
des suites :
(1.b) La fonction f admet pour limite l en + ∞ si tout intervalle ouvert ]l-ε; l+ε[ contient
toutes les valeurs de f (x) dès que x est suffisamment grand.
On note : lim 𝑓(𝑥) = 𝑘.
𝑥→+∞

On dit alors que la droite d’équation y=l est asymptote horizontale à la courbe
représentative de f.
On a des définitions analogues pour : lim 𝑓(𝑥) = 𝑘.
𝑥→−∞
SOPHIE ROUSSE

LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES


ET DES FONCTIONS EN FIN DE COLLEGE ET AU LYCEE

Abstract. “The discrete” and “the continuous” in teaching sequences and functions in
French secondary school. Notions pertaining to the Calculus field in France, up to the end
of Seconde (10th grade), are mainly functions and their graphical representations. Curricula,
followed by textbooks, integrate these notions into “the continuous”. This appears to be self-
evident since “the discrete” is not explicitly addressed. Sequences, which are a priori part of
“the discrete”, are first studied in Première.
However, “the discrete” and “the continuous” have mathematical aspects and constitute two
worlds (in a sense that we will define) between which it is difficult to delineate a boundary.
Students’ activities on tasks which mobilize continuous functions may be carried out in the
discrete world as much as in the continuous one. Furthermore, sequences and functions in
secondary school count numerous interactions and correct or incorrect analogies. Textbooks
make choices in the graphical and algebraical registers which differ from one book series to
another, which testifies to the existence of objective difficulties. Lastly, in secondary school
and MEEF master, students’ work shows a number of confusions between sequences and
functions. This leads us to reflect on a possible introduction of sequences prior to functions.

Keywords. Discrete, continuous, sequence, function, mathematics activities

Résumé. En France, jusqu’en fin de Seconde, le domaine de l’analyse est « peuplé » de


notions (fonction, représentation graphique), que les programmes officiels, suivis par les
manuels, inscrivent dans le continu. Ce continu semble d’autant plus aller de soi que le
discret, malgré tout présent, n’est pas abordé explicitement. Les suites, qui s’inscrivent a
priori dans le discret, sont abordées en Première. Or le discret et le continu présentent des
aspects mathématiques et constituent deux « mondes » (en un sens qui sera précisé) entre
lesquels il s’avère complexe de délimiter une frontière ; si les fonctions continues sur un
intervalle s’inscrivent dans le continu d’un point de vue mathématique, les tâches qui les
mobilisent peuvent inscrire les activités des élèves aussi bien dans monde du discret que celui
du continu ; de plus, dans les savoirs à enseigner au lycée, les interactions et analogies
(exactes ou erronées) entre suites et fonctions sont nombreuses. Dans les registres graphique
et algébrique, les manuels effectuent des choix qui diffèrent d’une collection à l’autre, ce qui
témoigne de l’existence de difficultés objectives. En dernier lieu, les travaux d’élèves et
d’étudiants en master MEEF montrent de multiples confusions entre suites et fonctions. Ceci
nous mène à une réflexion sur une éventuelle introduction des suites avant les fonctions.

Mots-clés. Discret, continu, suite, fonction, activités mathématiques

ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES, volume 26, p. 45 - 84.


© 2021, IREM de STRASBOURG.
46 SOPHIE ROUSSE

Introduction
En Troisième et en Seconde générale en France, le domaine de l’analyse est
aujourd’hui « peuplé » de notions (fonction, représentation graphique…), que les
programmes officiels (précisés plus loin), suivis par les manuels, inscrivent dans le
continu : les fonctions sont majoritairement définies sur un intervalle de R et
continues sur cet intervalle, même si ce n’est pas explicite. Cela semble d’autant plus
aller de soi que les fonctions apparaissent comme des outils de modélisation de
phénomènes continus. Pour les élèves, il se pourrait que ce ne soit pas si clair.
Les suites, qui s’inscrivent a priori dans le discret, sont introduites en Première. Les
manuels les définissent comme des fonctions définies sur N. Elles sont source avérée
de difficultés pour les élèves et les étudiants ; le discret et le continu pourraient y
jouer un rôle. D’où les questions : comment et en quoi les activités mathématiques
des élèves mettent-elles en jeu le discret et le continu dans l’enseignement des suites
et des fonctions au secondaire ? Quelles en sont les conséquences possibles sur les
apprentissages ? Nous nous appuierons sur une nécessaire étude du relief des notions
de suite et de fonction sous l’éclairage du discret et du continu, ce qui nous amène à
formuler ces deux questions préliminaires : qu’est-ce que le discret et le continu
épistémologiquement et mathématiquement ? Comment les caractériser du point de
vue des activités mathématiques des élèves ? Ce sera l’objet de la partie 2 dans
laquelle nous définissons deux « mondes » dans lesquels situer ces activités
mathématiques. Puis nous aborderons nos questions :
− Du côté du savoir à enseigner (les programmes en partie 3, les manuels en partie
4) et du savoir enseigné (vu à travers les manuels) : les activités sur les suites et
les fonctions s’insèrent-elles effectivement dans deux mondes distincts ?
Comment l’ordre d’introduction dans les programmes actuels (fonctions
continues sur un intervalle suivi de suites) est-il susceptible d’influer sur les
apprentissages des élèves ?
− Du côté des élèves et étudiants en master MEEF en partie 5 : comment les
confusions entre suites et fonctions se manifestent-elles ? En effet, ce sont les
traces d’activités mathématiques effectives des élèves et des étudiants qui nous
servent d’indicateur des éventuelles difficultés et confusions, et in fine des
apprentissages des élèves et des étudiants.
En conclusion nous développerons ce en quoi une introduction des suites avant les
fonctions continues sur un intervalle nous semble une voie prometteuse à explorer.
Malgré la disparition des séries L, ES et S au lycée, remplacées par les spécialités en
2019, les propos de cet article se prolongent dans l’actualité. S’agissant des suites et
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 47

des fonctions, les programmes de la spécialité mathématiques en Première et en


Terminale sont dans les grandes lignes similaires à ceux de la série S.
1. Contexte, éléments théoriques et méthodologiques de l’étude présentée
Les recherches en didactique de l’analyse dans le secondaire abordent les
problématiques du discret et du continu, de façon indirecte, par le biais de l’étude de
thèmes qui figurent au programme officiel : les nombres réels, les limites (de suites,
de fonctions), la continuité, les dérivées et les intégrales. En effet, comme le note
Durand-Guerrier (2012), le continu (de même que le discret) est présent dès
l’enseignement primaire et jusqu’à l’université, bien que de façon essentiellement
implicite. Quelques travaux rencontrent tout de même le sujet de cet article, de façon
incidente, principalement concernant les confusions (en germe ou avérées) des
élèves et étudiants.
Deux d’entre eux situent leur recherche dans le supérieur, sur le thème des limites
de suites et de fonctions : Vandebrouck (2011) décrit le résultat d’une étude de la
CI2U sur des étudiants de Licence 1 de mathématiques. Il note que la suite de terme
général un = sin(2πn) n’aurait pas de limite d’après un sixième des étudiants : la
fonction x → sin(2πx) n’ayant pas de limite en +∞, la suite n’en aurait pas non plus.
Fernandez-Plaza et al. (2016) confirment ce résultat, à un niveau d’enseignement
comparable en Grande-Bretagne : ils proposent différentes limites de suites et de
fonctions à des étudiants et leur demandent de les regrouper selon des critères de leur
choix. Les auteurs écrivent que de nombreux étudiants se réfèrent indifféremment à
des limites de suites ou des limites à l’infini de fonctions selon des critères de forme
algébrique. En particulier, lim sin(2π𝑛) et lim sin(2π𝑥) sont regroupées par
𝑛→∞ 𝑥→+∞
plusieurs étudiants.
Ces deux recherches montrent que pour bon nombre d’étudiants, la forme algébrique
semble suffire à définir l’objet mathématique, entrainant une confusion entre suites
et fonctions.
Dans Coppé et al. (2006), les auteurs situent leur recherche en classe de Seconde et
questionnent ce qu’ils nomment « les trois ostensifs que sont le tableau de valeurs,
le tableau de variation et la courbe » d’une fonction (implicitement définie sur un
intervalle réel). Ils notent que les élèves ont tendance à penser qu’un tableau de
valeurs comportant les valeurs entières d’une variable suffit à définir la fonction, de
même que des points d’une courbe suffisamment rapprochés suffisent pour la tracer.
48 SOPHIE ROUSSE

Nous appuyons nos analyses sur notre travail de thèse (Rousse, 2018) qui est centré
sur le discret et le continu (au niveau du secondaire)1.
La démarche théorique suivie s’inscrit dans les recherches qui admettent que ce sont
les activités mathématiques des élèves qui permettent de développer leurs
apprentissages (Vandebrouck, 2008). Ces activités sont des segments de leur
activité, au sens plus large de ce qu’ils font, pensent, écrivent, disent, mais aussi
n’écrivent pas, ne disent pas… Nous nous intéressons uniquement aux activités
mathématiques des élèves ; c’est pourquoi, dans la suite de cet article, « activités »
désignera « activités mathématiques ». Celles-ci sont générées par les tâches qui sont
proposées aux élèves, ainsi que par les déroulements en classe, organisés dans un
contexte précis. Inaccessibles, elles sont appréciées en comparant les activités
mathématiques attendues et ce qui est observable à travers les productions (qui
fournissent des traces d’activités « effectives »2). Ainsi, nous approchons le sujet de
l’enseignement des suites et des fonctions par le double questionnement : qu’est-ce
qui caractérise les activités qui s’inscrivent dans le discret et celles qui s’inscrivent
dans le continu, comment ces activités vivent-elles dans les mathématiques à
enseigner, enseignées, chez les élèves et les étudiants ?
Nous appuyons nos réponses sur une étude du « relief » (Robert et al., 2012, p. 78) du
discret et du continu ainsi que celui de l’enseignement des suites et des fonctions.
Une analyse épistémologique et mathématique préalable est croisée avec une étude
des mathématiques à enseigner (les programmes officiels, les manuels qui les
mettent en œuvre) et les aspects cognitifs (les difficultés des élèves).
Nous mobilisons les jeux de registres de représentations sémiotiques (Duval, 1993)
en tant qu’outils d’analyse ; en effet, ses travaux montrent que c’est dans un travail
articulé entre différents registres (ici : graphique, algébrique, numérique) que la
conceptualisation d’une notion peut s’effectuer. Nous nous appuyons de surcroît sur
Vandebrouck (2011) qui a discerné trois domaines de travail sur le thème des
fonctions : un domaine F1 d’entrée dans la pensée fonctionnelle qui coordonne
plusieurs registres, de la Troisième au début de la Première ; un domaine F2 très lié
à l’algèbre, à partir de la Première, qui masque en partie la richesse donnée par F1 et
s’appuie sur l’intuition graphique sans véritablement s’interroger sur le rapport entre
graphique et fonction. Quant au domaine F3 dont le fondement est la complétude de
R, il est présent à l’Université.

1
Nous y étudions l’enseignement de l’analyse et des probabilités, thèmes porteurs de
nombreuses interactions entre le discret et le continu. Le thème des probabilités ne sera pas
abordé dans cet article.
2
L’analyse de vidéos de cours permet d’apprécier les activités « possibles » des élèves, nous
n’investirons cependant pas ce type d’analyse dans cet article.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 49

Nous convoquons le filtre des trois perspectives dans le thème des fonctions
(Vandebrouck, 2011 ; Montoya Delgadillo et al., 2018) : les activités des élèves qui
mettent en jeu les propriétés d’une fonction sur un intervalle embarquent une
perspective globale ; celles qui mettent en jeu les propriétés sur des voisinages
« aussi petits soient-ils » embarquent une perspective locale ; enfin, les autres
propriétés qui mettent en jeu la valeur de la fonction en un point embarquent une
perspective ponctuelle. En particulier, quand elles mettent en jeu une propriété
ponctuelle universelle (i.e. énoncée par un quantificateur universel, par exemple le
sens de variation d’une fonction déterminé par le signe de sa dérivée), elles
n’embarquent qu’une perspective ponctuelle (et pas la perspective globale). Il en est
de même lorsque des expressions algébriques de fonctions sont mobilisées. D’après
ces auteurs, seules les activités effectuées dans le registre graphique peuvent
embarquer les trois perspectives et faciliter les changements de perspectives.
L’étude du relief et le filtre des perspectives permettent de constituer une référence
qui guide le chercheur dans son analyse des activités attendues des élèves qui
interagissent avec toutes les ressources autour d’eux, y compris les discours des
manuels et des enseignants. Elle nous sert aussi à analyser les traces d’activités
effectives des élèves et étudiants et finalement à émettre des propositions
curriculaires. En effet, la conceptualisation visée, en tant que processus aboutissant
à une certaine disponibilité des connaissances sur un ensemble de tâches, dépend
non seulement des tâches proposées et des déroulements, mais aussi de l’ordre choisi
pour aborder les notions et de l’organisation des connaissances à construire qui peut
en résulter. C’est la variabilité de cette organisation que nous allons explorer puis
partiellement investir en fin d’article.
Du point de vue méthodologique, nous avons mené plusieurs enquêtes, à partir
d’ouvrages d’historiens et épistémologues des mathématiques, d’analyses de
programmes et de manuels. Les manuels nous renseignent à la fois sur les
mathématiques à enseigner (les manuels mettent en œuvre les programmes officiels)
et les mathématiques enseignées (en tant que ressources pour l’enseignant). Nous
complétons notre étude par diverses observations d’élèves et de futurs enseignants
(étudiants en master MEEF).
Nous restreignons nos analyses au secondaire dans lequel les notions de fonction et
de suite sont introduites, c’est-à-dire à partir de la Troisième. Contrairement aux
mots « discret » et « continu », le mot « dense » est absent des programmes officiels
de ces niveaux d’enseignement. C’est pourquoi nous avons choisi, à ce stade de notre
recherche, de guider nos analyses par les distinctions entre le discret et le continu,
bien qu’un grain plus fin d’analyse, prenant par exemple en compte le dense entre le
discret et le continu, pourrait être employé. Le dense joue malgré tout un rôle dans
l’étude qui suit.
50 SOPHIE ROUSSE

Par « suite » nous désignerons une suite numérique définie sur N et par « fonction »
une fonction réelle d’une variable réelle.
Nous désignerons par « représentation graphique » d’une fonction (resp. d’une suite)
l’ensemble des points de coordonnées (x ; f(x)), x appartenant à l’ensemble de
définition de f (resp. (n ; un), n ∈ N) dans un repère du plan. Le mot « courbe » sera,
selon l’usage au lycée, réservé aux représentations graphiques de fonctions continues
sur un intervalle (ou une réunion d’intervalles) de R ; une courbe « lisse » désignera
la courbe d’une fonction de classe C1.
La notion de suite est abordée en classes de Première et de Terminale (dans le cas
des suites de nombres réels). Les programmes des séries ES (Economique et Sociale)
et L (Littéraire) concernant les suites sont essentiellement des versions allégées de
ceux de série S (Scientifique)3, c’est pourquoi nous nous bornons à l’analyse des
programmes officiels et de manuels de la série S. De plus, les « contenus » et
« capacités » qui sont les plus porteurs de possibles interactions entre les suites et
les fonctions sont essentiellement présents au niveau de la Première et le texte a peu
évolué entre 2000 et 2010 ; c’est pourquoi nos analyses portent sur le programme et
les manuels de Première S de 2010.

2. Discret et continu : deux mondes dans lesquels se situent les activités


Que sont le discret et le continu ? La question concerne bien entendu les
mathématiques. La poser aussi des points de vue épistémologique et historique
permet de mieux identifier ce qui a présidé à leur développement, mais aussi ce qui
a freiné celui-ci, dans le but de pouvoir les identifier dans les mathématiques à
enseigner et les mathématiques enseignées aujourd’hui, ainsi que dans les
productions des élèves et étudiants, de mieux en comprendre les jeux et les enjeux
d’enseignement. Dans cette visée, nous avons consulté des ouvrages d’historiens et
épistémologues des mathématiques (Cousquer, 1994 ; Dhombres, 1978 ; Longo,
1999).
Le mot « discret » vient du latin discretus qui signifie séparé, isolé. L’être humain,
dans l’action de comptage d’éléments d’une collection finie, dispose d’une
expérience du discret ; celle du mouvement par sauts en est une autre.
Étymologiquement, le mot « continu » vient du latin continuus qui désigne ce qui est
d’un seul tenant. L’individu dispose de multiples expériences du continu, citons-en
quelques-unes :

3
Mis à part le prolongement des suites géométriques par les fonctions exponentielles en série
ES, que nous n’aborderons pas ici, mais que nous avons analysé dans Rousse (2018).
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 51

− Celle du temps. Par exemple, le temps de la physique représenté sur un axe


orienté présuppose un temps continu. Cependant, sa mesure par un instrument le
discrétise. Ainsi s’expliquent les dénominations de « temps discret » et de
« temps continu », déjà présentes dans le programme officiel de Terminale S de
2001, toujours là en 2019 dans celui de spécialité de Première, et qui témoignent
de cette dualité ;
− Celle du mouvement sans saut d’un objet ;
− Celle du tracé d’une ligne au crayon, sans le lever. C’est d’ailleurs l’idée retenue
pour la « définition » d’une fonction continue au lycée dans les manuels
correspondants aux programmes officiels de Terminale générale de 2011 qui
proposent une « approche intuitive de la continuité ». (Ministère de l’Education
Nationale, 2011).
Nous avons mentionné supra que le temps peut se situer dans le discret ou dans le
continu. C’est ainsi que, dès l’antiquité, deux conceptions s’opposaient dans les
paradoxes de Zénon sur la nature des grandeurs temps et espace. Selon Dhombres
(1978) et Cousquer (1994), les conceptions discrète et continue des grandeurs
s’opposaient de deux façons possibles :
− La conception atomiste, selon laquelle le temps, l’espace seraient constitués
d’éléments insécables s’oppose à la conception continuiste selon laquelle ils sont
divisibles à l’infini ;
− Une opposition d’ordre quantitatif : selon la conception discrète, ces grandeurs
seraient constituées d’un nombre fini d’éléments insécables alors que selon la
conception continue, elles le seraient d’un nombre infini d’éléments insécables.
Ainsi, deux aspects permettraient de distinguer discret et continu :
− L’aspect 1, que nous nommons « avec ou sans sauts ». Aujourd’hui, cet aspect
est formalisé dans les ensembles ordonnés par la notion d’ensemble dense en lui-
même4, correspondant à la conception continuiste des grandeurs divisibles à
l’infini présente dès l’antiquité. Dans les espaces topologiques, cet aspect est
formalisé par les notions de point isolé et de point limite.
− L'aspect 2, quantitatif. Cet aspect inclut l'opposition fini-infini présente dès
l'antiquité, ainsi que l'opposition infini dénombrable-infini indénombrable.
Aujourd’hui, d’un point de vue mathématique, la notion de discret est clairement
définie : un espace topologique est discret lorsque ses points sont isolés. Ceci dépend

4
Un ensemble ordonné (E, ≤) est dit dense en lui-même si, pour tout couple (x ; y) d'éléments
de E tels que x < y il existe un élément z de E tel que x < z < y.
52 SOPHIE ROUSSE

de la topologie choisie. Un ensemble discret est donc un ensemble « avec sauts »


(aspect 1). Des prototypes du discret sont les ensembles finis, les ensembles des
entiers naturels et relatifs, les ensembles Dn des décimaux à n décimales (qui sont
infinis dénombrables, aspect 2). Une des propriétés des ensembles N, Z et Dn est
l’existence pour tout élément d’un unique successeur5.
Par ailleurs, il apparait que le continu n’est à ce jour formalisé que pour les corps
totalement ordonnés ; dans ce cas les ensembles continus sont isomorphes à
l’ensemble des nombres réels6. Celui-ci est dense en lui-même (aspect 1) et il est
infini indénombrable, son cardinal porte même le nom de « continu » (aspect 2).
Ainsi, les ensembles de nombres entiers naturels et de nombres réels sont
prototypiques respectivement du discret et du continu. Les intervalles de R, même
s’ils ne peuvent pas être mathématiquement qualifiés d’ensembles continus selon la
définition retenue7, présentent aussi les aspects 1 et 2 du continu : ils sont denses en
eux-mêmes, leurs points sont tous des points limite et ils ont le même cardinal que
R. Ils relèvent bien de l’expérience du continu pour les élèves et étudiants, ne serait-
ce que par leur tracé sans lever le crayon sur la droite des réels.
Le continu présente d’autres aspects mathématiques, dans Rousse (2018) nous en
distinguons quatre ; nous ne présentons ici que les aspects 1 et 2 qui servent le propos
de cet article. Quant aux décimaux et aux rationnels, ils ne présentent pas de saut (ils
sont denses en eux-mêmes et n’ont pas de point isolé pour la topologie naturelle).
Par conséquent, ils ne sont pas discrets pour la topologie usuelle ; et bien qu’ils
présentent l’aspect 1 du continu et qu’ils soient infinis (aspect 2), ils ne sont pas
continus8.
Les activités mathématiques possibles des élèves peuvent, selon les aspects
mathématiques et les perspectives qu’elles mettent en fonctionnement, selon les
expériences qu’elles véhiculent, s’inscrire dans le discret ou dans le continu. Prenons
pour exemple une notion mathématique à la présence récurrente dans la scolarité des
élèves : la droite. Elle est prototypique du continu : pour ce qui est des

5
La notion de successeur est à la base de l’axiomatisation de N par Peano (1889).
6
Nous ne retiendrons que cette définition mathématique d’ensemble continu ; des auteurs
utilisent localement une définition (par exemple Choquet (2000) définit les ensembles
continus dans son cours de topologie par les ensembles compacts connexes, définition que
nous n’adoptons pas car elle exclut R).
7
En effet, les intervalles strictement inclus dans R ne sont pas des corps ; cependant nous
avons montré dans Rousse (2018) qu’ils sont largement mobilisés dans les tâches et les
déroulements au lycée dans le but d’orienter les activités des élèves vers le monde du continu.
8
Ainsi, la densité ne caractérise pas le continu.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 53

mathématiques (il est même question de « la droite des réels »), comme de
l’expérience (l’individu la trace sans lever le crayon). La droite est alors perçue
globalement et nous faisons l’hypothèse que la perspective globale peut situer les
activités des élèves dans le continu. Cependant, la droite peut être aussi perçue
comme un ensemble de points et nous faisons ici l’hypothèse que la perspective
ponctuelle peut plutôt situer les activités dans le discret. Ainsi, les perspectives
ponctuelle et globale et les expériences du discret et du continu cohabitent lorsque
le travail des élèves relève :
− Du cadre géométrique : par exemple lorsqu’une transformation opère sur des
points d’une droite vs lorsque l’on considère l’image de la droite par cette
transformation ;
− Du cadre numérique, avec le registre graphique. En effet, la droite munie d’un
repère, communément nommée « droite numérique », joue le rôle de frise des
nombres entiers positifs au primaire. Puis elle sert de support intuitif du continu
des nombres réels au secondaire – bien qu’étant essentiellement mobilisée pour
représenter des entiers, quelques décimaux et rationnels ;
− Du cadre fonctionnel ; par exemple dans la définition d’une fonction affine f : à
chaque x (de R) on associe f(x), vs lorsque x décrit R, on associe f(x) à x9.
Cependant, au collège et au lycée, le discret et le continu ne se constituent pas en
tant que cadres : à ce niveau d’enseignement il n’y a pas de définition possible, peu
de propriétés sont explicitables, discret et continu ne font l’objet d’aucune tâche
spécifique. Les activités ne se font pas sur le discret ou sur le continu, mais dans le
discret ou dans le continu.
Nous avons choisi d’utiliser le mot « monde » pour situer les activités relativement
au discret et au continu. Le tableau 1 récapitule nos exemples d’expériences
individuelles, d’ensembles de nombres et de notions mathématiques, les aspects
mathématiques et les perspectives susceptibles de situer les activités des élèves dans
l’un ou l’autre monde.
Au secondaire, compte tenu de la nature de leurs ensembles de définition (les suites
sont définies sur N, les fonctions sont le plus souvent définies sur un intervalle de
R), on peut considérer dans une première approche que la mobilisation des suites et
des fonctions situe les activités des élèves respectivement dans le monde du discret
et dans celui du continu. Par ailleurs, ne dit-on pas que les suites fournissent des
modèles discrets et les fonctions des modèles continus ? Pourtant ce n’est pas si
simple puisque les suites numériques sont aussi des fonctions ; elles sont définies sur

9
Définitions rencontrées au cours de nos analyses de manuel.
54 SOPHIE ROUSSE

l’ensemble discret des entiers naturels, mais prennent leurs valeurs dans l’ensemble
continu des réels ; l’ensemble des termes d’une suite n’est d’ailleurs pas
nécessairement discret – il ne l’est pas dès lors que la suite a une limite sans être
stationnaire à partir d’un certain rang, cas le plus répandu au lycée. Nous verrons
que ce n’est pas si simple non plus dans le thème des fonctions définies sur un
intervalle de R : les activités possibles n’y relèvent pas seulement du monde du
continu.
Tableau 1. Exemples relevant des mondes du discret et du continu au lycée
Convocation de… Monde du discret Monde du continu
Grandeurs discrètes (dont Grandeurs continues
Expériences individuelles temps) (dont temps, espace)
Comptage Tracé sans lever le crayon
Points isolés Mouvement continu
Mouvement « par sauts »
Aspect mathématique 1 – Successeur Ensemble dense en lui-
ensemble ordonné même
Aspect mathématique 1 – Points isolés Points limite
espace topologique
Aspect mathématique 2 – Fini Infini
quantitatif Infini dénombrable Infini indénombrable
Perspectives Ponctuelle Globale
Ensembles de nombres Ensemble fini, N, Dn R et ses intervalles
Notion de droite au Droite : ensemble de points Droite considérée dans sa
secondaire globalité
Nous avons constaté le rôle que peut jouer le registre graphique dans l’articulation
des deux mondes. En particulier, un nombre fini de points étant connu, les relier situe
a priori l’activité associée dans le monde du continu, ne pas les relier la situe dans
le monde du discret. D’où l’attention portée dans nos analyses à la façon dont les
tâches incluant des représentations graphiques sont travaillées : un « petit » nombre
de points d’une représentation graphique (de suite, de fonction) étant connu, les relie-
t-on ou non, si oui comment ? De la façon dont ces tâches sont travaillées découle
ce qui différencie pour les élèves du secondaire un ensemble de points à abscisses
entières positives d’un ensemble de points dont les abscisses décrivent un intervalle
de R. Cela peut jouer sur ce qui peut distinguer pour eux les suites numériques des
fonctions définies sur un intervalle de R.
En résumé, dans le but de déterminer dans quelle mesure les activités des élèves sur
les suites et les fonctions sont susceptibles de s’inscrire dans le monde du discret ou
celui du continu, nous repérons au fil de nos analyses essentiellement :
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 55

− Les ensembles de nombres mobilisés, ici nombres entiers vs intervalles de R ;


− L’aspect 1 : avec ou sans sauts ;
− L’aspect 2, quantitatif, ici : fini vs infini, ou infini dénombrable de N vs infini
indénombrable des intervalles de R ;
− Les perspectives ponctuelle et globale convoquées ;
− Les grandeurs en jeu dans les modélisations par les fonctions et les suites ;
− Le vocabulaire et les notations associés au discret et au continu ;
− Les traitements dans le registre graphique, ici : points isolés vs courbe.

3. Dans quels mondes les programmes officiels sur les suites et les fonctions
situent-t-ils les activités des élèves au collège et au lycée ?
Nous présentons dans cette partie les résultats d’une analyse de programmes officiels
de 1999 à 2018. La sous-partie 3.1 a pour objet l’introduction des fonctions en
classes de Troisième et de Seconde. La sous-partie 3.2 présente l’introduction des
suites en classe de Première, alors que les fonctions définies sur un intervalle (ou une
réunion d’intervalles) de R restent explicitement présentes à ce niveau
d’enseignement. C’est pourquoi nous y abordons suites et fonctions sous l’angle de
leurs éventuelles analogies.

3.1. Les fonctions en Troisième et en Seconde


En 1999 (Ministère de l’Education Nationale, 1998), seules la fonction linéaire et la
fonction affine sont introduites en classe de Troisième, en tant que « processus de
correspondance », définition porteuse de la perspective ponctuelle et situant plutôt
les activités des élèves dans le discret selon notre hypothèse émise en section 2.
Dans les deux programmes officiels de Troisième suivants (Ministère de l’Education
Nationale, 2008 et 2015), la notion de fonction est introduite dans une relative
généralité, dégagée du cas particulier des fonctions affines.
En 2008, la fonction y apparait toujours comme un « processus de correspondance ».
Les fonctions doivent cependant être « déterminées par une courbe, un tableau de
données ou une formule » (Ministère de l’Education Nationale, 2008). Or, dans le
cas où ces fonctions sont définies sur un intervalle de R (ce qui est le plus souvent le
cas en Troisième et au lycée), il est erroné de pouvoir les déterminer par un tableau
de données dès lors qu’elles ne sont pas des fonctions de référence connues des
élèves (par conséquent connues à un ou des paramètres près). Dans le registre
graphique, l’éventuel prolongement correspondant revient à dire que la donnée d’un
nombre fini de points d’une courbe de fonction continue sur un intervalle permet de
56 SOPHIE ROUSSE

définir cette courbe de façon univoque. Les activités possibles des élèves associées
à ce registre se situent donc a priori dans le monde du continu puisque les courbes
se tracent « sans lever le crayon ». Cependant, il n’est pas certain que les quelques
valeurs prises par la variable dans les tableaux de valeurs soient effectivement
perçues par les élèves comme des cas particuliers de nombres de l’intervalle de
définition ; leurs activités peuvent rester dans le monde du discret.
En Troisième en 2015, les fonctions apparaissent comme un outil de modélisation
de phénomènes continus (elles sont donc implicitement continues sur un intervalle),
en plus d’un « processus de correspondance » (Ministère de l’Education Nationale,
2015). Les activités possibles des élèves peuvent donc relever du continu en
référence au phénomènes modélisés, mais peuvent aussi rester dans le monde du
discret de par le point de vue de correspondance entre un nombre et son image. La
question de relier ou non les points ne se pose plus, reste éventuellement celle de la
façon dont ils sont reliés.
Le programme officiel de Seconde de 2001 préconise de donner « quelques
exemples de fonctions définies sur un ensemble fini » (Ministère de l’Education
Nationale, 2001). Celui de 2009 (Ministère de l’Education Nationale, 2009) ajoute
le cas des fonctions définies sur N. Cependant, dans l’aménagement de programme
de mai 2017, l’étude des fonctions définies sur un ensemble discret est abandonnée.
Implicitement, seule l’étude de fonctions définies sur des intervalles de R (voire une
réunion finie d’intervalles de R) subsiste ; de plus, la notion de fonction ne figure
plus qu’en tant qu’outil de modélisation permettant de résoudre des problèmes issus
de phénomènes continus, ancrant potentiellement les activités des élèves dans le
continu.
Conjointement, en 2009, la notion d’ensemble de définition d’une fonction disparait
et le tableau de valeurs apparait comme pouvant caractériser une fonction
(implicitement définie sur un intervalle) – dans les mêmes termes que pour la classe
de Troisième. La question se pose à nouveau : dans quel monde les activités des
élèves sur les fonctions s’inscrivent-elles effectivement en seconde ?

3.2. Les suites en Première et les analogies avec les fonctions


Localement, dans cette sous-partie et selon l’usage prédominant au lycée,
« fonction » fait référence à une fonction à valeurs réelles définie sur un intervalle
de R, par opposition à « suite ».
Nous y désignons par « notions analogues » des notions qui présentent des
similarités, que ce soit dans le vocabulaire ou les notations, la forme algébrique, ou
le procédé sous-jacent. Les définitions, théorèmes et propriétés peuvent être
identiques aux notations près.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 57

Compte tenu du sujet de cet article, nous présentons les définitions, notations,
propriétés et techniques liées à l’introduction des fonctions (en Troisième et en
Seconde), suivie de celle des suites qui figure aux programmes officiels de la classe
de Première (Ministère de l’Education Nationale, 2000 et 2010) ; nous ne
développons pas les notions de limite et de continuité, de suite et fonction convexes,
de suite géométrique et de fonction exponentielle, et n’abordons pas le raisonnement
par récurrence.

3.2.1 Notions de suite et de fonction : définitions


Par définition, une fonction définie sur un intervalle est une correspondance qui
associe à tout nombre de cet intervalle un unique réel, son image. De ce fait, au lycée,
hors de tout contexte (intra ou extra mathématique), en dehors de cas particuliers,
une fonction définie sur un intervalle I peut être définie de deux manières : soit par
l’expression algébrique, pour tout x  I, de f(x), soit par son graphe10 (par
l’intermédiaire, dans le registre graphique, de sa représentation graphique dans un
repère, nous y reviendrons). Comme nous avons déjà dit, l’utilisation de la première
définition met en jeu la perspective ponctuelle et peut ancrer les activités dans le
discret tandis que la définition par la représentation graphique permet d’ancrer les
activités dans le continu.
La notion de suite numérique peut être définie quant à elle de deux façons qui
véhiculent des points de vue différents :
− Une suite numérique est une liste infinie dénombrable, ordonnée, de nombres
réels (le premier terme, le deuxième terme, etc.) ;
− Une suite numérique est une fonction réelle définie sur N.
La première définition repose sur l’existence, pour chaque entier naturel, de son
unique successeur. En cela, elle s’inscrit dans le discret et n’a pas d’analogue pour
définir la notion de fonction définie sur un intervalle de R.
La deuxième définition véhicule le double point de vue de processus de
correspondance et de dépendance d’une variable en fonction d’une autre, l’ensemble
de définition étant discret dans le cas des suites et d’aspect continu dans le cas des
fonctions définies sur un intervalle.

10
Le graphe d’une fonction f définie sur un ensemble D est défini par {(x ; f(x)), x  D}.
Cette notion ne figure pas au programme officiel du lycée.
58 SOPHIE ROUSSE

Les termes d’une suite peuvent eux aussi être définis de deux façons : par une
relation de récurrence (en plus d’un ou plusieurs termes) ou en fonction de n (nous
désignons par « définition explicite » ce type de définition d’une suite).
Le premier type de génération des termes d’une suite s’inscrit bien entendu dans le
discret en ce qu’il repose sur la notion de successeur. Dans les cas les plus simples,
la relation de récurrence exprime un terme en fonction de son prédécesseur et la
forme algébrique de cette relation permet d’écrire qu’il existe une fonction réelle
d’une variable réelle g telle que pour tout n ∈ N, un+1 = g(un). Nous nommerons g :
« fonction qui génère la suite ».
Dans l’autre type de génération, les termes d’une suite sont définis en fonction de n.
Lorsque f est une fonction réelle définie sur [0 ; +∞[ telle que pour tout entier naturel
n, un = f(n), nous la nommerons « fonction qui définit ». Notons qu’elle n’est pas
unique, mais son expression algébrique permet d’identifier l’une d’elles. Dans
certains cas, il n’existe pas de « fonction qui définit »11.
Ainsi dans le thème des suites, les termes peuvent être définis en fonction de n ; des
fonctions qui définissent et des fonctions qui génèrent coexistent ; de plus les suites
sont des fonctions définies sur N, qui ne se distinguent des fonctions qui définissent
une suite que par leur ensemble de définition. Ceci peut amener des confusions entre
suites et fonctions et contribuer à situer les activités sur le thème des suites dans les
deux mondes s’ils ne sont pas clairement identifiés par les élèves.
Les définitions relatives aux suites et aux fonctions et leurs éventuelles analogies
sont résumées dans le tableau 212.

11
C’est le cas de la suite de terme général (−1)n.
12
Légende pour les tableaux :
− an. : notions, définitions, notations, propriétés, théorèmes ou techniques analogues
− id. : définitions, propriétés, théorèmes équivalents ; notations identiques
− impl. : implications – la réciproque est fausse si pas de signe d’équivalence
− rien : notions, définitions, notations, propriétés, théorèmes sans analogue ou avec
analogue erroné
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 59

Tableau 2. Suites et fonctions : définitions


Suites Fonctions définies sur un intervalle
Notion de suite (définition) : liste infinie de Pas de définition analogue
réels indexée par les entiers naturels
Notion de suite (définition) : id. Notion de fonction (définition) :
à tout n ≥ n0 est associé un réel à tout x d’un intervalle de R est associé
un réel
Notion de suite (définition) : dépendance id. Notion de fonction (définition) :
d’une variable réelle en fonction d’une dépendance d’une variable réelle en
variable numérique discrète fonction d’une variable numérique
continue
Définition des termes par récurrence Pas de définition analogue
Définition des termes en fonction de 𝑛 id. Définition de f(x) en fonction de x

3.2.2 Notations
La notation usuelle du terme général d’une suite u est un ; il est cependant possible
d’utiliser la notation fonctionnelle u(n), qui est d’ailleurs celle des calculatrices
graphiques des élèves du lycée (voir tableau 3). Les programmes officiels de lycée
en vigueur jusqu’en 2018 ne spécifient pas les notations à adopter.
Tableau 3. Suites et fonctions : notations
Suites Fonctions définies sur un
intervalle
Notation : u(n) an. Notation : f(x)
Notation : un Pas de notation usuelle analogue

3.2.3 Représentations graphiques


Les suites étant des fonctions définies sur N, la notion de graphe est identique pour
les suites et les fonctions. Cependant, les représentations graphiques des suites (resp.
des fonctions définies sur un intervalle, qui y sont généralement continues) sont
porteuses des expériences et aspects du discret (resp. du continu) : une suite peut être
représentée dans un repère en dimension 2 par l’ensemble des points isolés de
coordonnées (n ; un) tandis qu’une représentation de fonction continue se fait sans
lever le crayon. Les représentations graphiques d’une suite et d’une fonction
continue qui définit, si elle existe, cette suite, sont liées en ce que les points isolés
représentant la suite se situent sur la représentation graphique de cette fonction qui
la définit. Ceci peut amener une absence de distinction entre la suite et la fonction
en question et, à nouveau, situer les activités conjointement dans les deux mondes.
60 SOPHIE ROUSSE

Récapitulons dans le tableau 4 :


Tableau 4. Suites et fonctions : graphe et représentation graphique
Suites Fonctions définies sur un
intervalle
Notion de graphe d’une suite (définition) id. Notion de graphe d’une fonction
(définition)
Représentation graphique en dimension 2 : Représentation graphique en
points isolés dimension 2 : points généralement
« reliés »

3.2.4 Suite des accroissements ; dérivée


Les notions de suite et de fonction comportent davantage que des analogies puisque
les suites sont des fonctions définies sur N. Ce n’est pas le cas des notions de suite
des accroissements et de fonction dérivée en un point.
𝒖 −𝒖 𝒖 −𝒖
Cependant, 𝒖𝒏+𝟏 − 𝒖𝒏 = 𝒏+𝟏𝟏 𝒏 = 𝒏+𝟏−𝒏 𝒏+𝟏 𝒏
est un taux d’accroissement entre deux
valeurs consécutives d’une suite. De façon imagée, les termes de la suite des
accroissements et les nombres dérivés sont, compte tenu de la nature de la variable
qui appartient à un ensemble discret dans un cas et d’aspect continu dans l’autre,
« des taux d’accroissement on ne peut plus proches13 ». (Tableau 5).
Tableau 5. Suites et fonctions : accroissement et dérivée
Suites Fonctions définies sur un intervalle

Notion de suite des accroissements an. Notion de fonction dérivée


un+1 − un

3.2.5 Sens de variation


Les deux notions analogues de suite des accroissements et de fonction dérivée en un
point permettent, par une recherche de signe, de déterminer un sens de variation.
Les programmes officiels ne spécifient pas quelle définition du sens de variation
d’une suite est attendue. Or deux énoncés équivalents caractérisent la stricte
croissance d’une suite :

13
Cela a par exemple pour conséquence, en économie, sous certaines conditions, d’approcher
le coût marginal pour une production discrète par la dérivée de la fonction qui modélise le
coût.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 61

− ( n  N, un < un+1), énoncé habituel au lycée comme dans le supérieur. Il est de


type ponctuel universel et fait intervenir tout terme et son successeur ; en cela il
s’inscrit clairement dans le monde du discret ;
− ( n  N, ( p  N, si n < p alors un < up) est l’énoncé de la stricte croissance
d’une fonction, doublement quantifié, restreint à N. Il s’inscrit également dans
le discret.
La démonstration de l’équivalence des deux énoncés est à la portée d’un élève de
Terminale, mais pas d’un élève de Première du fait qu’elle comporte un
raisonnement par récurrence. Choisir le premier énoncé en tant que définition en
classe de Première n’exclut pas de « donner une intuition » aux élèves de ce que le
premier énoncé implique le second et de montrer avec eux que le second implique le
premier. Cela présente l’intérêt :
− De légitimer l’utilisation du vocabulaire commun aux suites et aux fonctions
quant à leur sens de variation (« sens de variation », « croissant »,
« décroissant », « monotone » sont utilisés pour les unes comme pour les
autres) ;
− De justifier la propriété mobilisée dans la résolution de certaines tâches au
lycée : si (un) est croissante alors pour tout n ≥ n0, un ≥ un0.
Un analogue de la définition classique de la stricte croissance d’une suite pourrait
être, pour une fonction définie sur un intervalle I de R :  x  I, f(x + 1) > f(x). Cet
énoncé ne constitue pas une définition de la stricte croissance de la fonction f sur I ;
nous verrons comment des élèves de Première S et des étudiants en Master MEEF
s’en emparent dans la partie 5.
Au lycée (général), la recherche du sens de variation d’une suite mobilise le plus
souvent une des techniques suivantes :
− La recherche du signe de la différence de deux termes consécutifs ;
− La comparaison du quotient de deux termes consécutifs à 1 dans le cas d’une
suite à termes strictement positifs ;
− La propriété : si une fonction f est monotone sur [0 ; +∞[, alors la suite de terme
général f(n) a le même sens de variation que f.
Les deux premières techniques insèrent les activités possibles dans le monde du
discret en ce qu’elles reposent sur l’existence de termes consécutifs. La troisième
mobilise un va-et-vient entre les mondes du discret et du continu (figure 1).
62 SOPHIE ROUSSE

Figure 1. Mobilisation d’une fonction dans la recherche du sens de variation d’une suite
Le changement de notation usuel, de u à f, souligne que l’un désigne un objet
« suite » et l’autre un objet « fonction » (sous-entendu comme étant définie sur un
intervalle). Ce qui permet de mobiliser des propriétés de monotonie de fonctions de
référence, de certaines fonctions composées (voir infra) ou les outils de calcul
différentiel.
Les élèves peuvent ne voir dans ce changement de notation qu’une habitude
puisqu’ils effectuent des calculs de dérivées de fonctions le plus souvent nommées
f, et se demander pourquoi ne pas tout simplement calculer f’(n). Cette incursion
dans le monde du continu à partir de celui du discret peut échapper aux élèves qui
n’y verraient alors qu’un jeu de symboles.
En Première S, les élèves peuvent dans certains cas trouver le sens de variation d’une
fonction composée en mobilisant les propriétés qui figurent dans le thème des
fonctions (figure 2).

Figure 2. Extrait du programme officiel de Première S (Ministère de l’Education Nationale,


2010, p.2)
La notation u choisie pour énoncer ces propriétés peut prêter à confusion puisque u
est aussi le nom de la suite de terme général un dans les mêmes programmes officiels.
Cela concourt sans doute à « brouiller les repères ».
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 63

Récapitulons (tableau 6) :
Tableau 6. Suites et fonctions : sens de variation
Suites Fonctions définies sur un intervalle

Monotonie (définition - cas stricte Définition analogue fausse


croissance) :  n  N, un+1 > un
Monotonie (définition équivalente - cas id. Monotonie (définition − cas stricte
stricte croissance) : croissance) :  (x, y)  R2,
 (n, p)  N2, n > p  un > up x > y  f(x) > f(y)
Monotonie (technique) : recherche du signe an. Monotonie (technique) : recherche du
des accroissements un+1 − un signe de la dérivée
La suite de terme général f(n) est croissante impl. La fonction f est croissante
(implique…)
Propriété : monotonie de λu, u + k, √u, 1/u id. Propriété : monotonie de λf, f + k, √f,
connaissant la monotonie de u 1/f connaissant celle de f

3.3. Conclusion de la partie 3


Dans les deux dernières décennies, la fonction et sa représentation graphique sont
envisagées par les programmes officiels de Troisième et de Seconde comme des
outils d’étude de phénomènes, discrets ou continus dans un premier temps, puis
uniquement continus. La fonction a d’emblée des aspects continus :
− Elle est généralement définie sur un intervalle de R ;
− Elle est à valeurs dans R ;
− Elle est un outil de modélisation de phénomènes continus ;
− Elle est donc continue.
Parallèlement, les tâches au sein desquelles les mondes du discret et du continu
peuvent interagir se raréfient, en particulier celles qui questionnent explicitement la
façon dont des points isolés sont reliés pour obtenir un tracé de courbe. Ainsi, le
thème des fonctions est plongé dans ce qui apparait comme un « tout continu »
implicite qui semble aller de soi. Mais les fonctions sont définies comme un
processus de correspondance et un travail sur les notions d’image et d’antécédent est
attendu, dans les registres algébrique et graphique, ce qui peut situer certaines
activités sur le thème des fonctions dans le monde du discret.
En classe de Première, les tâches faisant intervenir la notion de successeur sont
susceptibles d’inscrire les activités sur les suites dans le monde du discret.
64 SOPHIE ROUSSE

Cependant, la notion de suite peut être abordée de deux points de vue (l’un d’entre
eux est qu’une suite est une fonction définie sur N) ; hors contexte, les suites peuvent
être générées de deux façons (toutes deux en interaction avec les fonctions) ; deux
notations du terme général d’une suite sont correctes (dont l’une est fonctionnelle).
Par ailleurs, les analogies entre suites et fonctions définies sur un intervalle sont
nombreuses (parfois erronées) et le vocabulaire est en partie commun. Une des
techniques de recherche du sens de variation d’une suite situe les activités dans un
va-et-vient entre les deux mondes. Leur non-distinction peut renforcer la confusion
entre suites et fonctions et contribuer aux difficultés des élèves sur ces deux notions.
Dans ce qui suit, nous analysons comment les manuels de la période correspondante
s’emparent de ces programmes officiels et dans quel(s) monde(s) ils inscrivent les
activités mathématiques proposées sur les thèmes des suites et des fonctions.

4. Suites et fonctions lors de leurs introductions au collège et au lycée, dans


quel(s) monde(s) ? Les manuels

4.1. Manuels de Troisième et de Seconde

4.1.1 En troisième
Nous synthétisons ici l’analyse de cinq manuels de Troisième de (Rousse, 2018).
Au cours des 20 dernières années, les tâches concernant la question « relier ou non
les points ; si oui, comment ? » se raréfient. À ce propos, les choix des manuels de
2008 sont explicites et diffèrent de l’un à l’autre : l’un d’eux préconise de relier les
points par des courbes lisses, l’autre de ne pas les relier. Les choix des manuels de
2016 (dans lesquels les points sont reliés) sont, eux, implicites. Par ailleurs, les
représentations graphiques qui sont données dans les expositions de connaissances
et les énoncés d’exercices sont toutes des courbes lisses. Rares jusqu’en 2008, les
tâches de tracés de courbes à la main sont quasi absentes en 2016 (à part les
représentations graphiques de fonctions affines).
Malgré l’évolution des programmes, les fonctions restent outils de modélisation de
phénomènes discrets (du type « offre tarifaire ») comme de phénomènes continus.
Depuis le programme de 2008, le domaine d’adéquation d’un modèle continu d’un
phénomène discret n’est pas abordé et les résultats de modèles qui « ne tombent pas
juste » et qui demandent un travail d’interprétation en contexte ont disparu des
manuels. Les valeurs de la variable (et celles de leurs images) sont par conséquent
essentiellement des entiers strictement positifs ; c’est aussi le cas dans les exercices
sans modélisation.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 65

Ainsi, les tâches pouvant provoquer des activités se situant dans les deux mondes en
interaction et permettant d’en expliciter des spécificités disparaissent. Comment dès
lors les élèves pourraient-ils les identifier ?

4.1.2 En Seconde
Nous avons analysé les chapitres concernant les généralités sur les fonctions de
quatre manuels de Seconde édités entre 2000 et 2010 (Rousse, 2018).
Ils définissent tous la fonction par un processus de correspondance. Le vocabulaire
concernant la variable (nommée x) diffère cependant : dans les manuels de 2000 et
de 2005, il est écrit de surcroit que x « décrit » l’ensemble de définition, ce qui
véhicule une perspective globale associée au monde du continu. Mais les manuels
de 2010 écrivent que la fonction « associe à chaque » x son image, l'emploi du mot
"chaque" véhiculant une perspective ponctuelle associée au monde du discret.
Les fonctions à variables discrètes sont présentes dans chaque manuel ; la place qui
leur est faite, leur représentation graphique, les questions abordées à leur propos
diffèrent cependant largement d’un manuel à l’autre. En particulier, les
représentations graphiques sont abordées différemment selon les manuels :
− Les manuels de la collection « Math’x » explicitent le fait que la représentation
graphique d’une variable discrète est un ensemble de points isolés ; les activités
possibles des élèves se situent clairement dans le monde du discret ;
− Les autres manuels, l’un de 2000 et l’autre de 2010, ne montrent des
représentations graphiques de variables discrètes que dans des contextes
d’évolution d’un phénomène au cours du temps. Les points sont reliés par des
segments : la représentation graphique est alors un modèle continu d’un
phénomène discret. En l’absence de discours clair de la part de l’enseignant, les
activités possibles des élèves autour de ces représentations graphiques peuvent
se situer dans l’un ou l’autre monde (ou les deux à la fois ?).
Par opposition aux manuels de collège, ceux de Seconde abordent dans quelques
exercices ciblés le fait que la donnée des f(n), où n prend un « petit » nombre de
valeurs entières, n’est pas équivalente à celle des f(x), où x appartient à un intervalle
de R.
Comme en Troisième, les fonctions présentées dans les expositions de connaissances
et les exercices sont majoritairement continues sur un intervalle ; cependant, même
quand la variable est continue, les nombres mobilisés dans les tâches numériques et
dans les lectures graphiques sont pour la plupart entiers. Les activités des élèves
peuvent donc se situer à la fois dans les mondes du continu et du discret.
66 SOPHIE ROUSSE

4.2. Manuels de Première


Nous avons analysé trois manuels de Première S qui mettent en œuvre le programme
paru en 2010 (Rousse, 2018).
Les manuels font des choix différents sur de nombreux points, en voici trois qui
servent notre propos.
Les manuels « Math’x » et « Sésamath » proposent quelques tâches variées sur la
représentation graphique d’une suite par l’ensemble de points de coordonnées
(n ; un). La toute première met en scène une situation discrète et deux représentations
graphiques dont l’une est « continue » et l’autre « discrète », parmi lesquelles il est
demandé de choisir. Ces mêmes manuels comportent quelques tâches de
construction de ce type de représentation graphique ; ils l’utilisent afin d’illustrer
les notions de sens de variation et de limite et d’émettre des conjectures. Pour sa part,
le manuel « Transmath » ne le mobilise que pour illustrer les notions de sens de
variation et de limite.
Les trois manuels diffèrent aussi dans l’explicitation de la propriété d’une suite
croissante : « pour tout n ≥ n0, un ≥ un0 » qui ne figure explicitement que dans l’un
d’eux ; ce même manuel la mobilise 12 fois dans les tâches (elle l’est 21 fois dans
un autre et 2 fois dans un troisième). Le fait que l’on ne s’interroge pas sur cette
propriété, alors que sa forme algébrique est analogue à celle de la définition de la
croissance d’une fonction, peut contribuer à brouiller les pistes entre les mondes du
discret et du continu.
Malgré sa place dans le programme officiel, la modélisation de phénomènes discrets
et continus par les suites ne fait l’objet d’un discours explicite que dans un des
manuels.
Les manuels font des aussi des choix identiques : dans les définitions (une suite est
une fonction définie sur N) et les notations ; les tâches sur les suites sont
essentiellement cantonnées au registre algébrique. Ils situent les activités attendues
des élèves dans l’un ou l’autre monde en mobilisant les supports décrits dans la partie
2 : les ensembles de définition (essentiellement N par opposition à R et ses
intervalles) ; les suites par opposition aux fonctions par l’intermédiaire du
vocabulaire (mots : suite/fonction) et des notations associées (u/f et n/x ; notation
indicée pour les suites) ; les notions de successeur et de prédécesseur qui n’ont pas
d’équivalent dans le continu (par exemple la relation de récurrence « permet de
calculer à partir de chaque terme le terme suivant ») ; épisodiquement une
représentation graphique faite de points isolés par opposition à une courbe lisse.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 67

4.3. Conclusion de la partie 4


En Troisième et en Seconde, conformément aux programmes officiels, les chapitres
dédiés aux fonctions placent, à de rares exceptions près, les activités possibles des
élèves dans le monde du continu ; les tâches qui permettent d’expliciter les deux
mondes se sont raréfiées pour devenir quasi inexistantes. En particulier, les tracés à
la main de courbes (qui véhiculent l’expérience du continu) disparaissent au profit
de courbes lisses déjà tracées.
Cependant, au travail sur les notions d’image et d’antécédent qui situe l’activité dans
le monde du discret, s’ajoute la prédominance de l’utilisation de nombres entiers
strictement positifs. Les entiers, qui sont les valeurs les plus simples du continu de
R, pourraient progressivement devenir emblématiques de ce continu.
Dans ces conditions, on peut se demander si les activités effectives des élèves de
Troisième et de Seconde concernant les fonctions ne s’inscrivent pas, dans le même
temps, dans les mondes (non distingués explicitement) du continu et celui du discret.
En Première, ce sont en grande partie les notations (f et x vs u et n) qui semblent
attester de la notion mobilisée. Or la génération des termes d’une suite par leur
définition en fonction de la variable n est analogue à la définition d’une fonction par
son expression algébrique ; les rares exemples de fonctions définies sur N proposés
en Seconde et de représentations graphiques par points isolés par opposition à points
reliés en Première suffisent-ils à établir les liens et la distinction entre les deux
notions ? Ces représentations graphiques, déjà tracées dans les manuels, ne
permettent pas l’expérience individuelle du tracé à la main de quelques points
(monde du discret) par opposition au tracé de points reliés (monde du continu).
Les suites sont, en effet, essentiellement travaillées dans le registre algébrique. C’est
en particulier vrai pour les tâches dans lesquelles suites et fonctions interagissent. Or
ce registre ne porte que la perspective ponctuelle ; par conséquent les activités,
qu’elles mobilisent des suites ou des fonctions, s’inscrivent en grande partie dans le
monde du discret.
Compte tenu de ce qui précède, nous pouvons nous demander :
− ce qui distingue, pour un élève de lycée, une suite u telle que pour tout n,
un = f(n), et « la » fonction f qui la définit ;
− si les activités d’un élève associées aux fonctions définies (voire continues) sur
un intervalle de R se situent effectivement dans le monde du continu.
Nous apportons quelques éléments de réponse dans la partie suivante.
68 SOPHIE ROUSSE

5. Analyses de productions d’élèves de première et d’étudiants de Master


MEEF
Dans cette partie, nous exposons d’abord deux exemples de productions d’élèves de
Première S, l’une dans le registre algébrique et l’autre dans le registre graphique.
Ces exemples illustrent des confusions possibles entre les notions de suite et de
fonction telles que nous en avons décrit dans les parties 3 et 4.
Une tâche proposée à des élèves de Première S et des étudiants en première année
de master MEEF14 parcours mathématiques est l’objet de la deuxième sous partie :
après une analyse a priori de la tâche et des activités attendues des élèves et
étudiants, nous présentons leurs réponses. Nos analyses sont guidées par les éléments
mis en lumière dans les parties 2, 3 et 4.

5.1. Élèves de Première : observations préliminaires


Le registre algébrique est porteur de confusion entre suites et fonctions : que
l’ensemble de définition soit discret ou continu, la forme algébrique définirait l’objet.
Nous en avons donné en introduction quelques exemples, issus de Vandebrouck
(2011) et Fernandez-Plaza et al. (2016). D’autres exemples figurent dans Rousse
(2018), voici l’un d’eux (figure 3).

Figure 3. Exemple de production d’un élève de Première S


Il s’agit d’un extrait de copie d’élève de Première S. Il répond à la question : « dans
chaque cas, dire s’il s’agit d’une suite géométrique, d’une suite arithmétique, ni l’un
ni l’autre ». Lorsque la suite est définie de façon explicite, l’élève estime qu’il s’agit
d’une fonction, pas d’une suite (et donc, ne répond pas à la question). La forme
algébrique, en fonction de n, aiguille l’élève vers le thème des fonctions qui, pour

MEEF est l’acronyme de « Métiers de l’enseignement, de l’Éducation et de la Formation ».


14

En France, le Master MEEF parcours mathématiques prépare au métier d’enseignant de


mathématiques du second degré.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 69

lui, est disjoint de celui des suites ; par contre, la présence d’une relation de
récurrence inscrit clairement son activité dans le monde du discret et l’aiguille vers
le thème des suites.
Bien que (peut-être aussi puisque) peu de tâches mobilisent le registre graphique
dans le thème des suites, c’est un registre lui aussi porteur de non-distinction entre
suite et fonction. En voici un exemple provenant d’un entretien avec un élève de
Première S après un devoir surveillé dans lequel sa copie montrait une confusion
entre une suite (hn) et « la » fonction f qui la définit. Dans l’extrait du récit de cet
entretien qui suit, il est question de déterminer le sens de variation de la suite (hn) en
utilisant le sens de variation de f :
L’élève s’étonne de ce que l’écriture h(n) = f(x) ne soit pas correcte. Il ne voit pas le
problème « puisque le but est d’utiliser la dérivée ». Nous lui faisons remarquer que
la suite est définie sur N et lui posons la question de l’existence d’une dérivée pour
une fonction définie sur N. L’élève ne voit toujours pas de problème puisqu’« on
imagine la courbe lorsqu’on place les points à coordonnées entières, la courbe a des
tangentes donc il y a une dérivée ».
L’élève ne voit aucun inconvénient à dériver une fonction définie sur N. Le registre
graphique sert de support à son raisonnement : il lie l’existence d’une dérivée à celle
d’une tangente à la courbe. Celle-ci est « la » courbe lisse que depuis la classe de
Troisième les élèves tracent (ou plus exactement dont ils voient le tracé dans leur
manuel et les énoncés d’évaluations, sur leur calculatrice ou un logiciel traceur) à
partir de quelques points reliés (dont, rappelons-le, les abscisses sont le plus souvent
entières et positives). L’activité de cet élève se place dans le monde du continu qui
apparait comme prolongement univoque et « qui va de soi » du monde du discret.
Les élèves expriment volontiers en classe que les suites sont difficiles pour eux, car
elles sont, disent-ils, trop abstraites : ce thème étant fortement lié à l’algèbre, ils ne
peuvent pas s’appuyer sur le registre graphique. Il en est autrement dans le thème
des fonctions ; l’articulation entre les registres graphique et algébrique y est un des
aspects du domaine de travail F1 (Vandebrouck, 2011) ; le registre graphique y est
largement investi en Troisième et en Seconde, dans des tâches de recherche d’images
et d’antécédents, de solution d’équations et d’inéquations, de sens de variation, sur
une courbe lisse déjà tracée. Cependant, l’absence de questionnement sur la façon
dont les points sont reliés ne permet pas de distinguer les mondes du discret et du
continu. Par conséquent, comme nous venons de le voir, le registre graphique est
potentiellement porteur de sens incorrect. Cette absence a aussi pour conséquence
de ne pas exploiter le potentiel heuristique de la représentation graphique, dont nous
voyons un exemple ci-après.
70 SOPHIE ROUSSE

5.2. Résolution d’une tâche similaire en Première S et en Master MEEF

5.2.1. Description de la tâche, analyse a priori


La tâche donnée aux élèves de Première est : « Si on sait qu’une fonction f définie
sur R vérifie : pour tout x  R, f(x + 1) > f(x), que peut-on dire sur le sens de variation
de f ? ». Elle est complexe (Vandebrouck, 2008), c’est pourquoi nous l’avons donnée
à résoudre par groupes de deux ou trois élèves, pendant 50 minutes.
Les élèves disposaient de leur calculatrice graphique, en plus de leur papier et de leur
crayon. Nous avons mis en place ce dispositif deux années consécutives dans une
classe d’une trentaine d’élèves de Première S, en fin d’année scolaire.
Nous avons par ailleurs soumis un questionnaire individuel à des étudiants en Master
MEEF première année de deux promotions successives (au total 70 étudiants), dont
la dernière question comporte deux sous-questions :

Procédons à une analyse a priori de la tâche.


La forme algébrique f(x + 1) > f(x) est, bien entendu, proche de la forme un+1 = un.
Les étudiants risquent donc de répondre de façon erronée que la fonction f est
constante. Cette réponse permet de situer leur activité dans le monde du discret.
Cependant, la fonction est définie sur R et les notations f et x sont congruentes avec
les habitudes de travail dans le monde du continu. Les étudiants peuvent répondre
qu’il se peut que la fonction soit constante, ou pas, ou plus simplement que la
fonction n’est pas nécessairement constante.
De plus, la forme algébrique f(x + T) = f(x), est celle qui exprime la périodicité de
période T. Les étudiants peuvent répondre que la fonction est périodique de période
1. Ces réponses situent plutôt l’activité dans le monde du continu.
Nous avons choisi de soumettre cette sous-question aux étudiants uniquement : en
Première, les suites constantes sont peu mobilisées et la notion de fonction
périodique ne figure pas au programme officiel.
Dans la deuxième sous-question, si pour tout x  R, f(x + 1) > f(x), f peut être
strictement croissante, mais ne l’est pas nécessairement.
La tâche peut être résolue en exhibant un contre-exemple :
− Dans le registre graphique ;
− Dans le registre algébrique.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 71

Prenons pour exemple la fonction f définie sur R par f(x) = x |sin(2πx) + 2| et dont
une portion de la représentation graphique figure ci-contre. Elle vérifie : pour tout x
 R, f(x + 1) = (x+1)|sin(2π(x+1)) + 2| = f(x) + |sin(2πx) + 2|, on a donc f(x + 1) >
f(x). f n’est cependant pas croissante : f(0,5) = 1 alors que f(0,75) = 0,75. Cette
fonction est représentée graphiquement en figure 4.

Figure 4. Représentation graphique d’une fonction faisant office de contre-exemple


La reconnaissance de la forme algébrique issue de la définition de la croissance d’une
suite peut bien entendu induire des élèves et étudiants en erreur. Ils répondent alors
que la fonction est strictement croissante15. Cette réponse fausse permet de situer
leur activité dans le monde du discret.
Ils peuvent tester des fonctions dans le registre algébrique. En l’absence de fonctions
trigonométriques dans le cursus des élèves de Première, un contre-exemple dans ce
registre est cependant exclu. Un tel contre-exemple est par ailleurs peu disponible
pour un étudiant de Master MEEF.
Certains devraient penser à tester des fonctions dans le registre graphique et arriver
à imaginer dans ce registre qu’entre deux entiers, ou du moins deux réels distants de
1, la fonction peut prendre des valeurs qu’ils peuvent faire varier, et ainsi tester
différentes possibilités.
La tâche requiert donc des prises d’initiatives, d’autant plus que la question est
ouverte. Enfin, la réponse correcte n’est pas simple à formuler puisque f peut être
croissante, ou pas.

15
Ou plus simplement que la fonction est croissante, surtout parmi les élèves de Première qui
sont peu exposés aux fonctions qui ne sont pas strictement monotones par intervalle.
72 SOPHIE ROUSSE

La construction d’un contre-exemple graphique qui tient compte de l’ensemble R


sur lequel la quantification porte est délicate. Il est possible que les élèves et peut-
être même les étudiants pensent seulement à des x entiers, compte tenu de l’usage
prépondérant des entiers au collège et au lycée. En pensant x seulement entier, il est
assez simple d’imaginer une représentation graphique de fonction dont la restriction
à Z est strictement croissante, mais qui ne l’est pas sur R, sans toutefois vérifier la
condition « pour tout x  R, f(x + 1) > f(x) »16. La réponse est alors qu’on ne peut
rien dire, ou que f n’est pas nécessairement croissante, qui sont des réponses
correctes attendues.
Le détail des réponses permet d’évaluer dans quel monde les élèves et étudiants
situent leurs activités, via quel registre, de voir si une fonction définie sur R est
perçue en tant que telle ou comme une suite. Pour l’élève, ou l’étudiant, le nombre
réel x décrit-il effectivement un ensemble continu ou bien l’ensemble des entiers,
voire des entiers positifs ? S’il décrit un ensemble continu, f est-elle « la » fonction
représentée par les points à abscisses entières reliés de façon lisse ?
Les détails des résultats figurent en annexe 1 ; en voici une courte analyse.
5.2.2. Résultats en Première
Dans tous les groupes, les élèves pensent dans un premier temps que f est croissante.
Puis les trois quarts se posent des questions et testent des expressions algébriques,
des représentations graphiques, ou les deux. Finalement, au total, environ un tiers
répond que la fonction est croissante, un autre tiers que l’« on ne peut pas savoir »,
7 % que la suite est croissante, un quart ne conclut pas.
Le quart des groupes qui répond sans graphique ni expression algébrique invoque la
définition formelle de la croissance d’une fonction. L’un d’eux conclut
convenablement (voir figure 5). Les élèves y écrivent : « si f(x + 1) > f(x), alors
f(x + 0,5) peut être inférieur à f(x) et on ne peut rien dire du sens de variation de f ».
Ils conçoivent qu’entre deux nombres (réels ou entiers ?) distants de 1 il en existe au
moins un, leur moyenne. Cette propriété constitue pour le moins un précurseur de la
densité de l’ensemble des réels (aspect 1 du continu).
Les autres groupes qui s’appuient sur la définition formelle de la croissance
concluent que « la fonction est croissante » (trois quarts de ces groupes), ou que « la
suite est croissante » (un quart de ces groupes) : ils reconnaissent la forme algébrique
de la définition correcte dans le thème des suites qui les éloigne de la prise en compte
du continu des réels.

16
Nous en donnons un exemple plus loin.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 73

Figure 5. Production d’un groupe d’élèves de Première S dans laquelle


la définition de la croissance d’une fonction sert d’argument
7 % des groupes répondent « la suite est croissante » ; 7 % des groupes produisent
un graphique de points isolés et concluent « la fonction est croissante ». Donc pour
14 % des groupes, l’énoncé semble bien être compris en termes de suites. Une
fonction serait une suite, les activités se situent dans le monde du discret
Le cumul du taux de réponses correctes et de celui de recherches de fonction qui
constitue un contre-exemple sans aboutir est globalement de 58 % sur les deux
années. Les activités des élèves de ces groupes se situent dans le monde du continu,
les élèves perçoivent bien les fonctions définies sur R comme des objets différents
des suites. Le taux de contre-exemple graphique correct sur un intervalle de longueur
supérieure à 2 est d’environ 1/6. Notons que dessiner un contre-exemple n’est pas
facile, d’où une certaine tolérance dans notre appréciation. Pour ces élèves, une
fonction définie sur R n’est pas une suite. Les activités se situent au moins en partie
dans le monde du continu
Les contre-exemples qui ne sont pas corrects ne prennent en compte la condition
f(x + 1) > f(x) que sur un ensemble d’abscisses appartenant à {x0 + n, n  N} ; x0 est
explicitement entier (un réflexe dû aux activités des élèves dans le monde du discret
depuis la Troisième ?), sauf dans un groupe d’élèves (voir figure 6).

Figure 6. Production d’un groupe dans laquelle le contre-exemple n’est pas correct
74 SOPHIE ROUSSE

5.2.3. Résultats en Master MEEF


Résultats de la sous-question : Que peut-on dire d’une fonction f définie sur R qui
vérifie « pour tout réel x, f(x + 1) = f(x) » ?
Le taux d’étudiants qui répondent que la fonction est périodique de période 1 est
d’environ 50 %.
Cependant environ un étudiant sur cinq en fin d’année de formation répond qu’une
telle fonction est constante (non pas qu’elle pourrait l’être) ; une partie d’entre eux
répond que f est stationnaire, mobilisant ainsi un élément de vocabulaire spécifique
aux suites. Leurs activités se situent clairement dans le monde du discret.
Résultats de la sous-question : Que peut-on dire d’une fonction f définie sur R qui
vérifie « pour tout réel x, f(x + 1) > f(x) » ?
Au total, sur les deux promotions, 10 % des étudiants donnent une réponse correcte
à la seconde sous-question, avec ou sans contre-exemple. Ces étudiants ont tous
répondu correctement aussi à la première sous-question.
Le taux d’étudiants qui ne répondent pas à cette question est le même (10 %) que
pour la première sous-question. Ce sont presque exclusivement les mêmes étudiants.
Le taux le plus important est de loin celui des étudiants qui répondent que la fonction
est strictement croissante. Il est de 36 % sur les deux promotions.
Chez certains étudiants, la résolution de la tâche est faite explicitement dans le
monde du discret ; rien ne semble distinguer une suite d’une fonction définie sur R.
En voici deux exemples.
Dans ce premier exemple (figure 7), l’étudiant fait appel à la notion de successeur et
mobilise la technique de la recherche du signe de la suite des accroissements.

Figure 7. Production d’étudiant faisant appel à la notion de successeur


L’exemple qui suit (figure 8) fait lui aussi référence au discret de N : l’étudiant donne
à x les valeurs 0 puis 1 ; il suggère que l’énumération qu’il a commencée peut se
poursuivre par un : « Et ainsi de suite ».
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 75

Figure 8. Production d’étudiant faisant appel à l’énumération


L’argument peut aussi être graphique, en voici un exemple en figure 9. Deux points
d’abscisses x et x + 1 sont reliés par un segment. L’étudiant ne semble par imaginer
l’infinité des valeurs que peut prendre x ni d’autre façon de relier ces points. Il est
difficile de savoir si pour lui, f est une suite ou une fonction définie sur R. On peut
même se demander s’il distingue les suites des fonctions (une fonction périodique
de période 1 serait constante). Tout du moins peut-on affirmer que bien qu’il relie
des points à la main sans lever le crayon (ce qui relève du monde du continu), il se
cantonne aux possibilités qu’offre le discret de N (ses activités pourraient se
cantonner au monde du discret).

Figure 9. Production d’étudiant faisant appel à un argument graphique

5.3. Conclusion de la partie 5


La présence d’une relation de récurrence dans une tâche inscrit les activités des
élèves dans le monde du discret. Leur assimilation d’une suite à une fonction définie
sur [0 ; +∞[ peut se manifester dans le registre graphique, « la » courbe lisse de « la »
fonction qui définit la suite jouant le rôle d’intermédiaire. Leur confusion peut aussi
tenir à la forme algébrique d’une suite définie de façon explicite qui ne se distingue
de celle d’une fonction définie sur [0 ; +∞[ que par l’usage de la lettre n pour désigner
la variable.
Nous venons d’observer la confusion inverse : une fonction définie sur R serait une
suite pour 14 % des groupes d’élèves ayant effectué la tâche : « Si on sait qu’une
fonction f définie sur R vérifie : pour tout x  R, f(x + 1) > f(x), que peut-on dire sur
76 SOPHIE ROUSSE

le sens de variation de f ? ». Cependant, leur réflexion en groupes permet à 58 %


d’entre eux d’élaborer une réponse à l’aide de fonctions continues.
Quant aux étudiants en Master MEEF première année, ils sont environ un quart à
considérer qu’une telle fonction est strictement croissante après avoir affirmé qu’une
fonction f définie sur R qui vérifie : « pour tout x  R, f(x + 1) = f(x) » est constante.
Bien que l’influence de la forme algébrique de l’énoncé sur les activités des élèves
et étudiants ne puisse pas être sous-estimée, ces résultats nous amènent à nous
interroger sur les impacts de l’introduction des fonctions en Troisième et en Seconde
sur l’apprentissage des suites. Alors que les définitions, le vocabulaire, les propriétés,
les types de tâches et les techniques sont en partie analogues entre les suites et les
fonctions définies sur un intervalle de R, la mobilisation de notions, de notations, de
propriétés et de techniques en partie différentes peut paraitre comme un jeu démuni
de sens pour les élèves et les étudiants, voire un effet de contrat didactique entre
l’enseignant et l’élève. Tout au moins, l’existence des mondes du discret et du
continu, leurs spécificités respectives, la pertinence de situer les activités dans l’un
ou l’autre monde, peut leur échapper.
Par ailleurs, nous pouvons inférer des résultats que nous venons de présenter que,
pour une tâche du type de celle de la sous-partie 5.2, qui peut provoquer des activités
dans les mondes du discret et du continu en interaction, le registre graphique est
porteur d’heuristique et donc de sens. Ceci nous amène à considérer un domaine de
travail, nommons-le S1, pour l’étude des suites qui, au lieu d’être essentiellement
basé sur le registre algébrique, articulerait davantage les registres graphique,
numérique et algébrique.
Conclusion : bilan et perspectives
L’approche du discret et du continu que nous avons effectuée montre leur apparente
simplicité lorsqu’il est fait référence à l’expérience individuelle ; cette simplicité
constraste avec la difficulté à définir le continu mathématiquement et la complexité
des interactions entre les mondes du discret et du continu.
Du point de vue de la théorie mathématique, la notion de discret est aujourd’hui
formalisée, ainsi que celle de continu dans le cas des corps totalement ordonnés ;
elles ne le sont bien entendu pas encore au secondaire. Pouyanne (2004, cité dans
Robert et al., 2012, p. 83) qualifie ce type de notion de « non encore formalisée ».
Selon notre étude, la notion de continu en dehors des corps isomorphes à R pourrait
être qualifiée de « non encore formalisable ». D’après Pouyanne, « la conscience des
mécanismes de formalisation, de l’existence de notions cachées et de leur détection
influe sur l’organisation et la cohérence des notions sur le long terme et permet de
prendre en compte la dualité entre intuition et rigueur qui lie l’objet « vraiment
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 77

pensé » (conceptualisé ?) à son statut logique ». Les analyses présentées dans cet
article, et particulièrement celles des résultats des étudiants en Master MEEF,
viennent appuyer ses propos. Dans le but de favoriser de meilleurs apprentissages à
court et à long terme, nous souhaiterions développer une réflexion concernant les
notions non encore formalisées/formalisables au niveau du secondaire. Il s’agirait
d’identifier ces notions et de détecter si elles génèrent des problématiques
d’enseignement communes. Ce travail pourrait amener des propositions à tester, de
tâches, de déroulements, de choix d’ordre pour les scenarios.
Revenons aux suites et aux fonctions. Parmi les principaux éléments qui peuvent
situer les activités mathématiques dans le monde du discret ou celui du continu (voir
partie 2), c’est essentiellement le tracé des courbes qui vient attester en Troisième et
en Seconde l’inscription du thème des fonctions dans le monde du continu. Or la
partie 5 montre que pour un nombre non négligeable d’élèves et de futurs
enseignants, le tracé d’une courbe de fonction continue n’implique pas que la
variable appartienne à un ensemble continu. L’enseignement des suites et des
fonctions présente donc bel et bien un problème.
Nos analyses nous poussent à faire l’hypothèse, à tester, que ceci est lié à ce que,
dans les mathématiques à enseigner et les mathématiques enseignées, en analyse,
tout se passe trop souvent « comme si » le continu allait de soi ; « comme si » un
objet défini sur des entiers revenait à un objet analogue sur le continu d’un intervalle
de R. « Le » prolongement du discret au continu s’opérant de façon ostensible dans
le registre graphique.
Nos résultats concernant les étudiants en Master MEEF montrent que chez un tiers
d’entre eux, la confusion semble installée. Ils montrent par ailleurs, avec les résultats
concernant les élèves sur la même tâche, les potentialités aujourd’hui peu exploitées
de la représentation graphique en tant qu’outil heuristique au sein d’activités
mathématiques articulant les domaines de travail F1 et S1 (dans lesquels les
fonctions, resp. les suites, sont abordées en tant qu’objet et outil, en coordonnant
différents registres, permettant ainsi la coexistence des différentes perspectives).
Ces constats nous mènent à envisager l’inversion de l’ordre dans lequel les suites et
les fonctions sont introduites. En effet, les enfants développent leurs connaissances
sur les nombres entiers strictement positifs bien avant celles sur d’autres nombres ;
ils développent leur raisonnement probabiliste sur des espaces finis (à petit cardinal)
avant d’aborder les calculs de probabilités sur des espaces continus. Historiquement,
les entiers strictement positifs ont préexisté aux autres nombres pendant des siècles ;
d’après Dhombres (1978), lorsque Leibniz a inventé le calcul différentiel et intégral,
il raisonna dans un premier temps en termes de différences entre deux valeurs
78 SOPHIE ROUSSE

entières de la variable ; le continu a questionné les mathématiciens dès l’antiquité et


n’a reçu de définition (partielle) que 2000 ans plus tard.
Tout porte à penser que la simplicité du continu tel qu’il est présenté dans les classes
de Troisième et de Seconde est illusoire, alors que le discret fini et celui de l’infini
dénombrable du « et ainsi de suite » semblent naturels au regard du développement
de l’enfant ainsi que de l’histoire de l’humanité. Dès lors, pourquoi ne pas enseigner
aux élèves les suites avant les fonctions ? C’est déjà le cas dans certains curricula à
l’étranger qui investissent le thème des suites dès le collège, voire auparavant17.
Au collège aujourd’hui, le programme officiel préconise l’élaboration d’algorithmes.
Ceux-ci permettent de générer des termes de suites de façon explicite aussi bien que
récurrente. De nombreux phénomènes discrets ont l’avantage d’être simples à
appréhender par les élèves ; en témoigne le nombre d’exercices portant sur des
phénomènes discrets dans les manuels de Troisième (bien que les programmes
correspondants stipulent que les fonctions sont des modèles de phénomènes
continus).
Il est possible de travailler dès le collège les deux points de vue de liste ordonnée et
de processus de correspondance des suites (en les associant aux notations indicée et
fonctionnelle), d’aborder la représentation graphique d’une suite en dimension 2 par
des points isolés. Ceci n’exclut pas la mobilisation de modélisations continues dans
le registre graphique (courbes de fonctions affines par morceaux ou courbes de
fonctions de classe C1), telles que les élèves les rencontrent en sciences physiques,
de la vie et de la terre ou économiques, en les accompagnant d’un discours clair
concernant la nature, discrète ou continue, des variables.
En parallèle, le thème des statistiques offre lui aussi la possibilité de tenir un discours
clair sur la nature des variables en jeu, de mobiliser les registres numérique et
graphique dans des tâches qui permettent de distinguer les activités des élèves qui se
situent dans le monde du discret de celles qui se situent dans celui du continu (de
façon adaptée à ce niveau d’enseignement).
Le sens de variation d’une suite peut être défini en Seconde, de façon habituelle
(simplement quantifiée), en lien avec la représentation graphique d’une suite en
dimension 2. Un domaine de travail S1 sur les suites peut être développé : peu lié à
l’algèbre, articulant différents registres : graphique, algébrique, numérique.
La fonction définie sur un intervalle peut être abordée ensuite avec son double point
de vue de processus de correspondance et de dépendance d’une variable en fonction
d’une autre. La notion de fonction incluant celle de suite, les fonctions définies sur

17
Par exemple en Ontario, en Grande Bretagne.
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 79

un intervalle de R pourraient être clairement distinguées des suites par l’absence


d’un successeur dans l’ensemble R (absence aisément démontrée par l’absurde à
l’aide de l’aspect 1 du continu des réels). Elle fournirait de nouveaux modèles aux
élèves, continus (si la fonction est continue), qui offrent de nouveaux outils de
résolution de problèmes. La nécessité de la double quantification dans la définition
du sens de variation d’une fonction, mise en regard avec celle du sens de variation
d’une suite, peut être aisément appuyée par des contre-exemples graphiques. Il s’agit
d’un travail dans F1 en articulation avec S1 qui permet de faire vivre et interagir les
mondes du discret et du continu de façon explicite. La panoplie d’outils du continu
peut s’enrichir en Première et en Terminale avec les techniques provenant du calcul
différentiel18 et intégral, dont les élèves peuvent éprouver l’efficacité en rapport avec
les outils analogues du discret (voir tableaux d’analogies, partie 3).
Parallèlement, dans le thème des probabilités, les élèves peuvent voir aussi leur
panoplie d’outils de calcul se développer : au collège sur des univers finis, au lycée
sur des univers finis puis infinis discrets ; comme c’est le cas depuis 2001, quelques
exemples de variables aléatoires continues peuvent figurer au programme de
Terminale, en lien avec le calcul intégral. Dans ce thème, la modélisation est un
incontournable (Henry, 2003, 2009), en conséquence le discours concernant la
réalité et ses modélisations (discrètes ou continues) l’est aussi.
Ainsi que le préconisent les programmes officiels des deux dernières décennies, les
suites et les fonctions resteraient outils de modélisation de phénomènes discrets et
continus ; dans les mathématiques à enseigner et les mathématiques enseignées, dans
le domaine de l’analyse et en parallèle avec ceux des statistiques et des probabilités,
un discours clair pourrait être tenu sur la nature, discrète ou continue, des grandeurs
en jeu dans les phénomènes modélisés, ainsi que le monde, discret ou continu, au
sein desquels les activités sont effectuées.
Le délicat rapport des mathématiques au réel, qui est parfois malmené jusque dans
les énoncés d’exercices de Baccalauréat19, pourrait dans le même temps être clarifié.
Cela permettrait de contribuer à donner davantage de sens, auprès des élèves de
lycée, non seulement aux notions mathématiques qu’ils rencontrent, mais aussi à leur
activité en classe de mathématiques et à ce qu’ils perçoivent du rôle des
mathématiques dans leur vie et dans notre société.

18
Citons à ce propos Weigand (2014) qui analyse une approche discrète de la dérivée.
19
Voir Rousse (2018).
80 SOPHIE ROUSSE

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SOPHIE ROUSSE
LDAR Université de Paris
roussesophie@orange.fr
LE DISCRET ET LE CONTINU DANS L’ENSEIGNEMENT DES SUITES ET DES FONCTIONS 83

Annexe 1. Résultats des tâches données aux élèves de Première S et aux


étudiants de Master MEEF

Résultats de la tâche donnée à des élèves de Première S

« Si on sait qu’une fonction f définie sur R vérifie : « pour tout x  R,


f(x + 1) > f(x) », que peut-on dire sur le sens de variation de f ? »

Résultats des tâches données aux étudiants de Master MEEF 1

Sous question : Que peut-on dire d’une fonction f définie sur R qui vérifie « pour
tout réel x  R, f(x + 1) > f(x) » ?
84 SOPHIE ROUSSE

Sous question : Que peut-on dire d’une fonction f définie sur R qui vérifie « pour
tout x  R, f(x + 1) > f(x) » ?

Résultats croisés des deux sous questions :


PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS,
TERESA ASSUDE

DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DE


L’ENSEIGNEMENT DU VOLUME AU PRIMAIRE

Abstract. Difficulties of a didactic system on teaching volume at primary school. Our


work studies didactic systems including the main didactic system, essentially the classroom,
and the auxiliary didactic system which is peripheral to the former. Through a case study,
this paper deals with the difficulties of the didactic system encountered when setting up an
aid session prior to the resolution of a volume problem. This type of aid session having
proved worthy in the context of previous research, has led us to study the difficulties
encountered during its implementation. Three difficulties emerged from this study: those
related to the teaching project, to the choice of didactic material and to the concept of volume
itself. These difficulties had consequences, mainly, on the mesogenetic function of the
didactic system, but also, systemically, on the other functions.

Keywords. Didactic system, volume, aid session, student in difficulty.

Résumé. Nos travaux étudient les systèmes didactiques, dont le système didactique principal
qui est la classe et les systèmes didactiques auxiliaires qui aident et accompagnent l’étude
des mathématiques. Par une étude de cas, le présent article traite des difficultés du système
didactique rencontrées lors de la mise en place d’un dispositif d’aide lié à la résolution d’un
problème de volume. Ce type de dispositif, ayant pourtant fait ses preuves dans le cadre de
recherches antérieures, nous a menés à étudier les difficultés rencontrées lors de sa mise en
place. Trois difficultés ont émergé de cette étude : celles liées au projet d’enseignement, au
choix du matériel et au concept même de volume. Ces difficultés ont eu principalement des
répercussions sur la fonction mésogénétique du système didactique, mais aussi, de manière
systémique, sur ses autres fonctions.

Mots-clés. Système didactique, volume, dispositif d’aide, élèves en difficulté.


_________________________________________________________________________

Au Québec, l’inclusion des élèves en difficulté est opérationnalisée par leur


intégration à la classe ordinaire et par les différentes mesures mises en place afin de
faciliter cette inclusion (MELS, 2003). Dans le cadre de nos travaux visant le
développement de systèmes didactiques pour aider les élèves en difficulté, nous nous
référons à des « difficultés d’un système didactique » pour insister moins sur des
caractéristiques individuelles de l’élève que sur l’étude des systèmes didactiques

ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES, volume 26, p. 85 - 116.


© 2021, IREM de STRASBOURG.
86 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

auxquels ils prennent part (Assude et al., 2016a ; Giroux, 2014 ; Mary et al., 2014).
La question générale ciblée par nos recherches est la suivante : quelles sont les
conditions favorables à l’engagement des élèves en difficulté et à l’apprentissage de
concepts mathématiques lors d’une résolution de problème ? La méthode valorisée
pour traiter de cette question est l’accompagnement d’enseignants dans la
planification, la réalisation et l’analyse de systèmes didactiques. Nous avons
expérimenté un dispositif d’aide qui se situe en amont de la séance de classe et qui
vise à permettre aux élèves en difficulté d’entrer dans la tâche avant les autres : il
s’agit ainsi de changer la manière dont ces élèves prennent position dans le topos
d’élève (Theis et al., 2014). Cinq fonctions potentielles de ce dispositif ont pu être
identifiées (Theis et al., 2014 ; Assude et al., 2016a) : la fonction topogénétique, la
fonction chronogénétique, la fonction mésogénétique (Chevallard, 1992 ; Sensevy
et al., 2000), la fonction de distanciation et celle de questionnement. Nous nous
sommes centrés, jusqu’à présent, sur la modélisation du dispositif et son impact,
entre autres, sur l’engagement et la synchronicité des élèves en difficulté avec le
temps didactique. Dans le présent article, nous nous intéressons, par le biais d’une
étude de cas, aux difficultés du système didactique rencontrées lors de sa mise en
place pour la résolution d’un problème de volume auprès d’une classe d’élèves de
10 à 12 ans. Après avoir rappelé les fondements du dispositif, nous présentons une
analyse du concept de volume. L’accompagnement réalisé auprès de cette
enseignante et le dispositif d’aide élaboré et expérimenté sont décrits dans la
méthodologie. Enfin, les résultats reprennent les cinq fonctions du dispositif en
mettant en exergue les difficultés du présent système didactique.

1. Cadre de référence
Nos travaux s’insèrent ainsi dans le courant des recherches qui étudient les systèmes
didactiques (Chevallard, 1999 ; Tambone, 2014). Dans ce cadre, le contexte que
constitue la classe représente le système didactique principal (SDP) et les contextes
périphériques à celui-ci, internes ou non à l’institution, comme l’aide aux devoirs,
sont représentatifs d’un système didactique auxiliaire (SDA). Le SDA, qui dépend
du SDP par les savoirs en jeu, se déroule ici en amont du SDP avec certains élèves
ciblés par l’enseignante comme pouvant manifester des difficultés lors de cette
séance. Il a pour objectif de fournir une occasion de rencontrer la situation ou certains
de ses objets avant les autres élèves sans toutefois faire avancer le temps didactique
au sens de Chevallard et Mercier (1987). Les interventions de ce type de SDA
peuvent porter sur des contenus anciens, mais utiles pour la situation, sur une
appropriation du contexte de la résolution ou sur une anticipation des techniques
pouvant être déployées lors de la séance en classe. Le système didactique entourant
ce dispositif d’aide possède cinq fonctions qui sont décrites brièvement ci-dessous.
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 87

1.1. Fonctions du dispositif d’aide


La fonction topogénétique est liée aux différents rôles et responsabilités que
l’enseignant ou l’élève peut prendre dans un système didactique (principal ou
auxiliaire). L’un des problèmes de l’élève en difficulté est qu’il n’arrive pas à
prendre sa place d’élève dans le système didactique et qu’il perd de la « valeur
scolaire » (Tambone, 2014). En ce sens, un SDA réalisé en amont de la séance de
classe semble modifier la place des élèves en difficulté dans le SDP : il a en effet été
possible d’observer à travers nos diverses expérimentations que ces derniers osaient
répondre aux questions lors de l’explication de la consigne et s’engageaient
activement dans la résolution (Theis et al., 2014 ; Assude et al., 2015).
La fonction chronogénétique traite des différentes temporalités qui se chevauchent
dans un tel système didactique, comme le temps didactique (Chevallard & Mercier,
1987), le temps d’enseignement (Assude, 2005 ; Chopin, 2011), le temps
d’apprentissage (Assude, 2005) ainsi que le temps praxéologique (Assude et al.,
2016b). Ce dernier correspond à la :
[…] temporalité qui rend compte de l’évolution de chacune des composantes d’une
praxéologie, toute progression dans l’une au moins de ces composantes. Ainsi, toute
évolution dans la manipulation d’une technique ou dans le discours permettant de la
justifier, ainsi que dans la connaissance du type de tâches dans lequel elle s’utilise,
marque une avancée du temps praxéologique. (ibid., p. 10-11)
Cette fonction se manifeste ici en donnant l’opportunité aux élèves en difficulté, lors
du SDA, de « rencontrer la situation » en amont du SDP afin de favoriser une
synchronisation avec le temps didactique du groupe (Theis et al., 2016).
La fonction mésogénétique traite des conditions mises en place afin que les élèves
rencontrent le savoir dans le système didactique. Dans le SDA, les élèves rencontrent
des éléments constituant le milieu initial avant les autres élèves et avant sa réalisation
en classe, par une discussion autour des règles définitoires de la situation problème
(Sensevy & Mercier, 2007) ou encore des règles plus implicites liées à la gestion
d’informations contextuelles. Cette rencontre avec le milieu lors du SDA peut rester
une étape d’anticipation lorsqu’il est question des savoirs visés par le SDP. Cette
anticipation peut représenter un défi dans l’action puisqu’elle exige une certaine
vigilance de la part de l’enseignant concernant les savoirs en jeu dans le SDA afin
de ne pas faire avancer le temps didactique et provoquer l’évanouissement de la
situation en classe.
Ce défi introduit la fonction de distanciation correspondant à la dialectique entre la
suspension et l’anticipation de l’action des élèves dans le SDA. L’intention de cette
suspension est de permettre aux élèves en difficulté d’entrer en contact avec le
problème qui sera traité en classe afin de faciliter leur entrée dans l’action et éviter
88 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

qu’ils soient face à une page blanche. Cependant, la ligne délimitant l’anticipation et
l’action n’est pas évidente à maintenir. Cette fonction est possible par le fait que les
élèves rencontrent le milieu lors du SDA sans qu’ils n’entrent dans l’action et qu’il
y a un temps entre ce dernier et le SDP. Ce laps de temps, entre une et trois journées,
permet alors une prise de distance et crée une attente chez les élèves (Assude et al.,
2015).
La dernière fonction consiste à valoriser un espace de questionnement afin que les
élèves du SDA puissent échanger sur leurs techniques ou leurs anticipations.
Rappelons qu’une validation ou invalidation de ces techniques ferait avancer le
temps didactique et irait au-delà de l’anticipation visée. Le nombre réduit d’élèves
(habituellement entre 3 et 6) permet à l’enseignant d’observer plus finement leurs
propositions (raisonnements et difficultés) et de créer un espace de questionnement
partagé dans lequel les élèves peuvent s’exprimer, écouter les autres, pour ainsi se
préparer à la situation du SDP avant les autres (Assude et al., 2016a ; Theis et al.,
2016). Cette prise de distance par le questionnement est vécue positivement par les
élèves. Elle semble créer une attente menant à un éventuel engagement de ces élèves
dans le SDP (Assude et al., 2016a ; Theis et al., 2016).
Ces cinq fonctions ne sont pas indépendantes les unes des autres : elles sont donc
analysées dans leurs interactions ainsi que dans l’interaction avec le savoir en jeu.
Pour l’étude de cas qui nous concerne, le savoir visé par le SDP (le volume) semble
être à l’origine de difficultés du système didactique lors de sa mise en place.

1.2. Concept de volume


Le concept de volume fait référence à l’étude d’une grandeur, plus spécifiquement à
l’espace qu’occupe un corps (Piaget et al., 1973, p. 433). Alors qu’en sciences le
volume est étudié autant pour les solides que les liquides (Javoy et al., 2018, p. 2),
l’étude du volume en classe de mathématiques au primaire au Québec se centre
essentiellement sur celle d’objets physiques ou géométriques1. De plus, en classe de
sciences, l’étude du volume se fait essentiellement à l’aide d’objets physiques, alors
qu’en mathématiques, le but est de partir de l’étude du volume d’objets physiques
pour arriver ensuite au volume d’objets géométriques (Molvinger & Munier, 2014).
Ces deux exemples illustrent le fait qu’il existe une certaine polysémie entourant
l’étude du concept de volume en fonction de la discipline de référence qui peut
constituer un obstacle pour les élèves (Javoy et al., 2018), mais celle-ci ne sera pas
développée dans cet article.

1
Le volume d’un liquide en classe de mathématiques au primaire est principalement vu en
termes de contenance ou de capacité comme nous le verrons plus bas.
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 89

La grandeur volume représente une relation qui caractérise une classe d’objets qui
auront le même volume « si plongés dans une même quantité d’eau contenue dans
des récipients identiques, la hauteur de l’eau montera de la même façon dans les deux
récipients. » (Charnay & Mante, 2008, p. 410). Il est possible de comparer ainsi, par
immersion, le volume de deux objets physiques. Mais il est aussi possible de mesurer
cette grandeur à l’aide d’unités. En ce sens, Anwandter-Cuellar (2013) souligne qu’il
y a deux points de vue qui peuvent être associés au volume : « le point de vue
géométrique qui considère le volume comme partie de l’espace et le point de vue
numérique caractérisé par les mesures et leurs interrelations » (Anwandter-Cuellar,
2013, p. 54). Le volume fait référence à l’identification d’une caractéristique
concernée par une classe d’objets (grandeur) et à l’opération de l’assignation d’un
nombre accompagné d’une unité (volume) (Janvier, 1997) comme rapport entre la
grandeur mesurée et la grandeur étalon de même espèce (Chesnais & Munier, 2016).
Le volume peut être vu en tant que grandeur unidimensionnelle, bidimensionnelle
ou tridimensionnelle :
avant d’être analysé comme le produit de trois longueurs ou comme le produit d’une
surface par une longueur, le volume est d’abord une grandeur physique directement
mesurable, qui se prête à des comparaisons, à des mesures, évaluations et
approximations, à des inférences qualitatives par union et complémentation […] et à
des additions et soustractions. (Vergnaud, 1983, p. 12)
Ces différents points de vue sur le volume, déterminants pour son enseignement,
peuvent être exemplifiés en prenant l’étude du pavé droit, solide sur lequel nous
focaliserons notre attention. Les différentes facettes de ce concept rendent son
enseignement complexe en classe de mathématiques. Afin d’approfondir ce concept
de volume dans le cadre d’un travail mathématique dans l’enseignement primaire,
nous nous appuyons sur les quatre exemples ci-dessous (figure 1).

Figure 1. Quatre solides dont deux évidés (C et D)


Les solides B, C et D sont des cubes isométriques dont : C a été évidé au centre de
haut en bas et D a été évidé sur le dessus afin de former un récipient. Le solide A est
un pavé droit de longueur double et de hauteur moitié de celle de l’arête du cube. Il
est possible de calculer le volume des solides A et B en multipliant la mesure des
trois dimensions ou en multipliant l’aire de la base par la hauteur. Dans le cas où les
90 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

mesures sont entières, nous pouvons aussi trouver le nombre de cubes-unités sur la
première tranche multiplié par le nombre de tranches ou encore reconstituer l’objet
à l’aide de cubes-unités occupant le même espace (Roegiers, 2011). Les solides A et
B ont le même volume même s’ils n’ont pas la même forme (conflit volume-forme).
De plus, l’un semble plein et l’autre vide, mais l’espace qu’ils occupent est
équivalent2. Pour les solides C et D, il est possible de partir du volume de B (mêmes
dimensions) et d’y soustraire le volume de la partie évidée. Ainsi, si nous plongeons
ces quatre solides dans l’eau, il est possible de comparer leur volume (vA = vB,
vB > vC et vB > vD).
Andreucci et Mercier (2005) ont également soulevé, à partir d’une description d’un
parcours didactique d’un enseignant basée sur les connaissances premières des
élèves, le fait que le volume faisait intervenir la notion de capacité et
d’encombrement. La capacité3 d’un récipient est une grandeur unidimensionnelle
qui représente la quantité de liquide qu’il peut contenir (De Champlain et al., 1996).
Un récipient est un « objet creux capable de contenir, de conserver ou de transporter,
un liquide […] ou un solide »4. Par exemple, en tant que récipient, D possède une
capacité qui correspond à la quantité de liquide que D peut contenir. Il est donc
possible de parler de la capacité et du volume du récipient D, mais seulement du
volume de A, B et C (figure 1). Quand il est question d’un récipient, par exemple
une casserole, il faut préciser la grandeur à l’étude : « est-ce […] sa contenance ou
[…] tout l’espace qu’elle occupe, une fois pleine, ou de l’espace occupé par le
matériau qui la constitue (y compris le manche) ? » (Salin, 2006, p. 7). La
clarification de ce qui est à mesurer, le contenant ou le contenu (liquide ou matière),
apparaît donc nécessaire pour déterminer la grandeur qu’on veut mesurer, ce que les
métrologues énoncent comme le mesurande5. En ce sens, une confusion du
mesurande est possible, le volume du contenant ou celui de son contenu (espace
occupé versus capacité) (Janvier, 1997). Par exemple, un élève « pour mesurer la

2
Le fait qu’un objet est plein ou vide influence sa masse pas son volume. Mais, les élèves
pensent, avant son enseignement, que le volume est « la mesure de ce qui est plein ».
(Andreucci et Mercier, 2005)
3
Pour rendre le texte uniforme, le terme « capacité » est utilisé et il est considéré synonyme
du terme « contenance » davantage utilisé en France (MENJS, 2020).
4
Larousse ; CNRTL https://www.cnrtl.fr/definition/r%C3%A9cipient).
5
Grandeur particulière soumise à mesurage (longueur, masse, intensité,…). Ministère de
l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Mathématiques – Physique-
chimie – Mesure et incertitudes http://eduscol.education.fr/prog. Gouvernement du Canada
https://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-
fra.html?lang=fra&i=&index=frb&srchtxt=MESURANDE
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 91

capacité d’une tasse, mesurerait la quantité de liquide déplacé en immergeant


complètement la tasse dans un récipient gradué » (Tanguay, 2010, p. 8).
Dans le cas d’un objet physique, il peut aussi être question de volume intérieur, sous
entendu « intérieur aux surfaces frontières » (Piaget et al., 1973, p.433) qui met en
jeu la prise en compte de l’épaisseur de la paroi de cet objet. Par exemple, l’objet ci-
dessous (figure 2) possède un volume intérieur plus petit que son volume (l’espace
qu’il occupe) puisque pour trouver le volume intérieur (le volume de la partie
creuse), il faut déduire le volume de ses parois à son volume. Considérant que les
faces des solides géométriques n’ont pas d’épaisseur, la notion de volume intérieur
n’est pas pertinente pour ces derniers.

Figure 2. Image d’un objet fermé avec une paroi épaisse


Comme mentionné plus haut, le volume, dans les premiers apprentissages, fait aussi
intervenir la notion d’encombrement, c’est-à-dire l'espace que les solides « occupent
quand ils sont bien emballés, au plus près » (Andreucci & Mercier, 2005, p. 11). Il
est possible d’affirmer que B, C et D (figure 1) n’ont pas le même volume, mais
qu’ils ont le même encombrement (Andreucci & Mercier, 2005 ; Molvinger et al.,
2017).
L’acquisition du volume, tout comme celui de l’aire6, s’étale sur plusieurs années :
« Alors que certaines propriétés sont appréhendées dès l’âge de 5 ou 6 ans, sans […]
enseignement systématique […], d’autres propriétés soulèvent encore de grandes
difficultés chez la majorité des élèves de 15 ans » (Vergnaud, 1983, p. 9). Par
exemple, des difficultés importantes persistent dans l’expression des unités de
mesure jusqu’à 14-15 ans (Ricco et al., 1983 ; Molvinger, 2013). Ainsi, « le volume
est un concept multiplicatif à haut risque : c’est-à-dire que les difficultés

6
Des similarités entre les difficultés liées au volume et celles observées pour l’aire peuvent
être établies. Voir les travaux de Barrett et al. (2017), Douady et Perrin-Glorian (1989), Hart
(1984), Kim et Oláh (2019), Curry et al. (2006), Moreira-Baltar (1994-1995), Perrin-Glorian
(2016).
92 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

d’appropriation de ce concept par les élèves sont fréquentes, importantes et


durables. » (Vergnaud, 1983, p.12). Nous résumons ci-dessous les principales
difficultés liées plus spécifiquement à l’acquisition du volume du pavé droit.
Certaines difficultés sont liées à la relation entre les grandeurs et l’objet à l’étude.
Par exemple lier la forme de l’objet physique ou géométrique à son volume et ainsi
ne pas comprendre que deux objets de formes différentes peuvent avoir le même
volume (Héraud, 1991). Le conflit pouvant exister avec d’autres grandeurs en
termes de discrimination et de variations indépendantes peut aussi faire obstacle
(Janvier, 1994). Par exemple, lors de la comparaison du volume de deux objets, « les
élèves peuvent succomber aux interférences provenant de l’aire des objets à
comparer tout comme à leur longueur » (Janvier, 1997, p. 32). Janvier (1994), Salin
(2006) et Marchett et al. (2005) font référence aussi à la confusion aire latérale–
volume7. Héraud (1991) et Janvier (1992) relèvent enfin la comparaison de volumes
se référant à une seule dimension des objets (« cet objet a un volume plus grand
puisqu’il est plus haut »). Les grandeurs plus familières ou déterminantes s’imposent
au détriment des autres (Janvier, 1994).
D’autres difficultés sont à mettre en relation avec la mesure. La difficulté d’articuler
et de coordonner les opérations géométriques, par exemple en termes de pavage, et
les opérations arithmétiques de nature multiplicative (Ricco et al., 1983 ;
Anwandter-Cuellar, 2013) demande « une plus grande exploration de l’espace et de
ses propriétés » (Janvier, 1997, p. 40). D’ailleurs, le pavage dans le cas du volume
est plus complexe que dans le cas de l’aire puisqu’une fois réalisé, il n’est pas
possible de voir l’ensemble des cubes-unités qui le composent (seuls les cubes-unités
l’entourant sont visibles) et ceux-ci ne sont pas visibles en un seul regard (Rogalski,
1979). La coexistence de deux types différents d’unités de mesure (L et m3) peut
constituer une autre difficulté (Javoy et al., 2018). Enfin comme ceci est le cas pour
d’autres grandeurs, certains obstacles peuvent survenir lors du « mesurage ». Par
exemple, la gestion du cube du coin lors de la mesure des trois dimensions ou l’oubli
de la première tranche pour la mesure de la hauteur (Vergnaud, 1983).
Des difficultés enfin sont liées aux formules de calcul. Selon Vergnaud (1983), un
raisonnement additif constitue un obstacle à la construction, à la compréhension et à
l’analyse de la formule. En outre la mémorisation irréfléchie d’un grand nombre de
formules (Janvier, 1997) peut représenter un autre obstacle8. Dans un tel cas, les

7
Cet obstacle, pour le cas du cylindre, est en fait un des problèmes de Galilée (Johan et al.,
1997 ; Janvier, 1994).
8
Il faut s’attarder au raisonnement ayant permis la construction des formules (Janvier, 1997).
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 93

élèves pourraient recourir à des procédures se rapprochant plutôt de celle de l’aire


ou encore du périmètre (Ricco et al., 1983).
Le concept de volume et les difficultés qu’il peut engendrer chez les élèves ayant été
clarifiés, les cinq fonctions de notre dispositif d’aide aux élèves en difficulté
explicitées, nous présentons la méthodologie choisie pour ce projet de recherche.

2. Méthodologie
Nos travaux s’inscrivent dans le courant des recherches collaboratives. Nous prenons
appui sur le principe de la « double vraisemblance » prenant en compte les
contraintes et les enjeux des domaines respectifs de la recherche et de l’enseignement
(Desgagné, 1997, 2007 ; Bednarz, 2013) ainsi que celui de la double pertinence.
Dans notre cas, le besoin des enseignants se situe dans la recherche de moyens
valorisant l’engagement cognitif et affectif des élèves en difficulté lors de la
résolution de problèmes. L’intérêt des chercheurs réside dans l’analyse de la mise en
place et des effets d’un tel dispositif d’aide. Pour ce faire, une demi-journée
d’accompagnement collaboratif est prévue pour la planification du SDA et du SDP.
Le rôle de l’enseignant à cette étape est de réfléchir sur le concept en jeu, sur la
situation et sur les difficultés que ce dernier pourrait engendrer chez les élèves. Le
rôle du chercheur est d’accompagner l’enseignant dans la conception du système
didactique en ayant en tête le concept visé et les fonctions de celui-ci. Il faut
mentionner que le but du chercheur n’est pas de proposer une ingénierie didactique
robuste aux enseignants, mais de les accompagner dans le processus. En ce sens, la
planification résultante représente une médiation entre les deux parties selon leur
expertise et le temps, tout de même limité, pendant lequel ils ont pu échanger à ce
propos. L’accompagnement n’aboutit habituellement pas à une planification « clé en
main » pour les enseignants : ils sont amenés à prendre en charge certains éléments
liés au milieu entre le moment de planification et l’expérimentation. Une fois
l’expérimentation terminée, les séances sont visionnées conjointement afin de les
analyser : l’enseignant verbalise les intentions qui soutiennent ses choix, son
impression de l’engagement et de la compréhension des élèves ainsi que les
changements perçus sur sa pratique ou chez ses élèves. La figure 3 illustre ce
déroulement.
94 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

Figure 3. Schématisation du système d’accompagnement collaboratif

2.1. Traitement des données


Les données sont composées de l’ensemble des planifications des SDA et SDP, des
bandes vidéo des séances du SDA et SDP, des productions des élèves, des
enregistrements des entretiens auprès des enseignants avant et après chaque séance
du dispositif. Les séances sont transcrites et représentent la première étape du
traitement des données. Nous procédons à une analyse a priori des séances, puis
visionnons les séances en annotant les verbatim en ce qui a trait à l’analyse a priori,
aux cinq fonctions potentielles du dispositif et de ses effets.

2.2. Présentation du cas à l’étude


L’enseignante ciblée pour cette étude de cas, que nous nommerons Sylvie, est une
enseignante d’expérience impliquée dans divers projets de recherche depuis les dix
dernières années. Elle est donc ouverte aux changements, questionne ses pratiques
et s’autorise à les changer. Engagée dans notre projet de recherche depuis quatre ans,
elle est à l’aise avec le dispositif d’aide (elle l’a d’ailleurs exploré pour différents
concepts mathématiques selon le niveau de la classe dans lequel elle enseignait).
Sachant de plus qu’elle est accompagnée durant le processus de planification, elle
décide de travailler sur le concept de volume avec ses élèves de 10 à 12 ans. Elle a
déjà observé que ce concept cause des difficultés récurrentes chez ses élèves, mais
qu’il revient fréquemment dans les évaluations ministérielles. De plus, il fait partie
d’un domaine moins exploité au primaire (Salin, 2008) qu’elle-même, d’ailleurs,
aborde peu en classe avec ses élèves.
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 95

2.3. Système d’accompagnement collaboratif réalisé auprès de Sylvie


Lors de la séance de planification, Sylvie mentionne qu’elle a déjà introduit la
comparaison de la capacité de récipients (verres longs ou larges et boîtes de diverses
formes) avec différents contenus (riz, sable, eau, cubes-unités, etc.). Son intention
derrière l’étude de la capacité était d’aborder la dissociation capacité / forme, ce qui
renforce, selon elle, l’aspect unidimensionnel du concept de volume. Elle propose
d’aborder l’étude du volume dans le SDP avec des pavés droits. L’année précédente,
les élèves ont construit des empilements de cubes et dénombré le nombre de cubes
pour déterminer le volume des solides ainsi obtenus. L’intention de Sylvie est donc
de revenir sur le sens du volume d’un pavé droit entamé l’an dernier en réalisant la
comparaison de volume de boîtes de forme d’un pavé droit ayant des dimensions
différentes, mais des volumes proches. Sylvie, l’enseignante, propose initialement
de prendre différentes boîtes pouvant s’ouvrir, de demander aux élèves d’anticiper
celle qui aura le plus grand volume, puis de vérifier leur hypothèse en les remplissant
« à l’aide de cubes ayant un volume de 1 cm3 ». Une discussion a alors lieu entre
l’enseignante et les chercheurs à propos de la distinction entre capacité et volume,
telle que nous l’avons présentée auparavant et en sachant que la capacité est aussi un
volume. Ce concept de volume étant peu traité en classe et peu connu par les
enseignants (Molvinger, 2013), les chercheurs s’attendaient à entretenir ce type de
discussion avec Sylvie. Certains éléments conceptuels mentionnés en partie 1 sont
abordés à l’aide d’un exemple (voir figure 4 (Marchand & Bisson, 2017)),
notamment le fait que le volume représente l’espace qu’occupe un objet, qu’il puisse
être comparé par immersion ou encore reconstitué à l’aide de cubes-unités (17 cubes-
unités). La capacité correspond au volume que ce récipient peut contenir (1 cube-
unité).

Figure 4. Exemple utilisé pour traiter de la distinction volume-capacité


L’équipe décide de modifier le matériel afin de ne pas renforcer la confusion volume-
capacité chez les élèves, en proposant des objets physiques fermés comme des pavés
droits en styromousse, en pâte à modeler ou en bois. Cependant, comme ce matériel
n’est pas élaboré à cette étape, la discussion ne va pas plus loin.
De plus, un rappel des principales phases de l’enseignement du volume est présenté
à Sylvie afin qu’elle n’aborde pas trop rapidement le calcul, le but étant de travailler
96 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

d’abord sur la représentation spatiale du concept (Rogalski, 1979) en identifiant la


grandeur à l’étude sur l’objet physique puis en comparant des objets selon la
grandeur isolée. Dans les phases suivantes, il s’agit de travailler la mesure avec des
unités non conventionnelles, puis avec les unités conventionnelles pour enfin
aborder la construction des formules (Roegiers, 2011). Les différentes étapes de la
construction de la formule du volume pour le pavé droit sont aussi rappelées par les
chercheurs (Janvier, 1994). Les grandes lignes du SDA et du SDP « prévus »9 pour
ce dispositif sont présentées dans le tableau 1.
Tableau 1. SDA et SDP prévus lors de l’accompagnement
SDA Revoir avec les élèves en difficulté le concept de volume (« c’est quoi pour vous
prévu le volume ? ») et réfléchir sur des outils pour le mesurer.
Sylvie fait l’hypothèse que ses élèves nommeront uniquement la règle et elle veut
ouvrir aux unités de mesure non conventionnelles ou conventionnelles dont elle
dispose dans la classe (ex. : reproduire le pavé à l’aide de cubes).
SDP Présenter trois pavés droits fermés de dimensions différentes (7  8  9 ;
prévu 16  5  6 ; 7  7  10) et demander aux élèves d’anticiper celui qui a le plus
grand volume. Noter les anticipations au tableau (Objet A, B ou C) puis distribuer
le matériel à chaque équipe et circuler afin de voir les techniques des élèves pour
comparer les volumes. Lors du retour, comparer les résultats obtenus par chaque
équipe et revenir sur les hypothèses du départ.
Rappelons que dans cette recherche collaborative, l’enseignante prend en charge la
suite de la planification afin de l’expérimenter en classe et que différentes contraintes
peuvent venir interférer par rapport à ce qui a été prévu pour le SDA et le SDP lors
de l’accompagnement réalisé auprès d’elle.

2.4. Double analyse a priori du SDP


L’analyse a priori du SDP est réalisée selon le modèle de Assude et al. (2011).
L’analyse descendante consiste en l’étude des enjeux de savoir dans la situation
selon le concept mathématique visé et selon les écrits ministériels. L’analyse
ascendante étudie les praxéologies possibles en termes de types de tâches et de
techniques.10

9
Ce qui était prévu lors de l’accompagnement n’est pas ici équivalent à ce qui a été réalisé
en classe.
10
Le modèle de Assude et al. (2011) constitue une triple analyse, mais dans le présent texte
nous réalisons deux des trois pôles de ce modèle d’analyse. Les problèmes professionnels
représentant le troisième pôle de ce modèle feront l’objet d’un article subséquent.
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 97

2.4.1. Analyse descendante


Le programme de formation à l’école québécoise (MELS, 2003) traite du concept de
volume à partir du 2e cycle (8 à 10 ans) à travers la compétence « raisonner à l’aide
de concepts et de processus mathématiques ». Il est attendu que l’élève construise
« des relations géométriques complexes et [qu’il] travaille avec des instruments et
des unités de mesure non conventionnels relatifs […] aux volumes. » (p. 129) et il
est question d’estimation et de mesurage avec les unités non conventionnelles. Au 3e
cycle (10 à 12 ans), les attentes sont plutôt énoncées en termes de calculs ainsi que
d’appropriation des unités conventionnelles (m3, dm3, cm3) et de leurs relations. La
capacité est introduite au 3e cycle en ciblant l’estimation et le mesurage à l’aide
d’unités non conventionnelles et conventionnelles (L, mL), mais sans référence à sa
définition. Ces informations sont les seules fournies par le programme de formation
et elles demeurent génériques. De plus, elles semblent centrées davantage sur le
cadre numérique de cette grandeur, tout comme ceci semble être aussi le cas en
France (Molvinger, 2013). Anwandter-Cuellar (2013) va dans le même sens en
parlant d’une « numérisation de l’étude du volume » autant au primaire qu’au
collège. Alors que l’approche ministérielle pour d’autres grandeurs, comme la
longueur et l’aire, semble plus équilibrée entre cadres géométrique et numérique, le
volume représente le parent pauvre des grandeurs. Par conséquent, les difficultés
mentionnées dans la partie 1 demeurent d’actualité (Anwandter-Cuellar, 2013).
Globalement, le programme de formation à l’école du Québec présente le volume
avant la capacité, avec un accent mis sur le cadre numérique, mais peu d’information
y est véhiculée et il y a également peu d’indices sur le sens à donner aux termes
volume, contenance et capacité. En prenant en compte ces constats, du fait que
l’objet à l’étude peut être issu de la vie courante ou d’une modélisation de cette
dernière (par exemple, les objets géométriques), que les attentes en classe, surtout à
l’école, peuvent générer des ruptures du contrat didactique ne sachant pas la grandeur
à isoler (capacité, volume, encombrement, volume intérieur, etc.), ou de son cadre
d’analyse (ici géométrique ou numérique), il est possible d’anticiper des
interprétations variables ou ambigües de la part des auteurs de manuels et des
enseignants pouvant engendrer des confusions sur le sens à attribuer à cette grandeur
et à l’articulation des deux cadres. Enfin, étant donné que le concept de volume est
peu décrit selon ces différentes facettes dans le programme de formation, nous
pouvons nous attendre à retrouver certaines difficultés conceptuelles mentionnées
précédemment auprès des enseignants avec qui nous collaborons dans ce projet.
98 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

2.4.2. Analyse ascendante


Nous présentons, dans le tableau 2, les principaux types de tâches et techniques liés
au SDP prévu lors de l’accompagnement de Sylvie11.
Tableau 2. Type de tâches et principales techniques prévues
T1 :Comparer le volume de trois pavés droits
Grandeur
τ1 : Comparer perceptivement
τ2 : Découper, recomposer et comparer par superposition
τ3 : Immerger dans de l’eau
τ4 : Comparer des masses dans le cas où les deux objets sont faits du même matériel
Mesure
τ5 : Reproduire chacun des pavés à l’aide de cubes de 1 cm3 et comparer le nombre de
cubes-unités pour chacun.
τ6 : Calculer à l’aide d’une formule (aire de la base  hauteur; L  l  h, …)
Mesurer (cubes, règle, pavage…), multiplier et identifier le solide qui a le plus grand
volume en comparant les mesures obtenues
τ7 : Déterminer le nombre de cubes par tranches et le nombre de tranches
Mesurer le nombre de cubes sur la première tranche et le multiplier par le nombre de
tranches pour identifier celui qui a le plus grand volume en comparant le nombre de cubes
obtenus.
Techniques erronées possibles12
Grandeur
τa : Sommer les aires de toutes les faces (confusion aire/volume)
τb : Refuser de comparer, car les formes des pavés sont différentes (confusion
forme/volume)
τc : Se fier sur une seule dimension, celle qui est la plus grande (confusion
volume/encombrement)
τd : Sommer les trois dimensions (longueurs)
τe : Sommer une aire et une longueur (stratégie mixte)
τf : Calculer le « périmètre du pavé » (périmètre/volume) en sommant les mesures des
arêtes
Mesurage
τg : Sommer des nombres affectés d’unités différentes (ex. : cube-unités + cm3)
τh : Faire des erreurs de mesurage
Calculs
τi : Faire des erreurs dans l’application de l’algorithme d’addition ou de multiplication

11
Ces techniques sont issues de notre propre expérience ainsi que des travaux de Anwandter-
Cuellar (2013), Janvier (1994), Perrin-Glorian (2016), Ricco et al. (1983) et Tanguay (2010).
12
Ces techniques erronées peuvent être aussi des erreurs de techniques correctes.
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 99

Des techniques ont été ici identifiées, mais elles ne seront pas toutes accessibles aux
élèves selon les choix didactiques réalisés. Par exemple, si les pavés droits sont
construits en carton ou en bois, il ne sera pas possible d’exploiter τ2 ; ou encore si
les mesures des dimensions des pavés droits choisis sont rapprochées, τ1 sera difficile
d’accès. Rappelons que cette analyse est réalisée d’après ce qui a été prévu lors de
l’accompagnement. Dans la section suivante, nous présentons et analysons les SDA
et SDP mis en œuvre par Sylvie (séances effectives). Notre analyse porte sur les
écarts entre ce qui était prévu et ce qui a été réalisé, sous l’angle des difficultés du
système didactique rencontrées lors de la mise en place du dispositif d’aide aux
élèves en difficulté, et de leurs effets sur les fonctions du dispositif.

3. Analyse de la mise en place du dispositif en lien avec les cinq fonctions


Les résultats concernent les principales difficultés du système didactique ayant été
rencontrées lors de la mise en place de ce dispositif. Afin de mieux les situer, nous
présentons en annexes 1 et 2 les synopsis du SDA et du SDP effectifs. Entre ce qui
était prévu lors de l’accompagnement et ce qui a été réalisé, voici les principaux
changements observés :
I. Lors du SDA (voir annexe 1), les élèves font référence à la capacité qu’ils
ont vue précédemment ; Sylvie décide alors de traiter de la différence entre
volume et capacité alors que ce n’était pas prévu au départ.
II. Sylvie modifie l’introduction du SDP (voir annexe 2) en traitant de la
différence entre la capacité et le volume à la suite de ses observations dans
les SDA.
III. Le matériel choisi pour illustrer la différence capacité/volume est une boîte
de forme d’un pavé droit possédant un couvercle transparent qui s’enlève et
un contour épais à l’intérieur (voir l’image de l’annexe 2).
IV. Le matériel choisi pour la réalisation de l’activité est un ensemble de pavés
en carton qui ne peuvent pas s’ouvrir ni donc être remplis, mais qui sont
vides.
V. La comparaison porte sur deux boîtes (et non trois) et chaque équipe reçoit
une seule de ces boîtes pour réaliser l’activité.
VI. Durant la résolution du problème (SDP), Sylvie fait une mise au point (étape
5) afin de clarifier le concept de volume en immergeant et comparant le
volume de deux objets (un cube en Plexiglas fermé et le même cube sans
couvercle – voir l’image à l’annexe 2).
Ces changements semblent avoir eu des répercussions sur les fonctions du dispositif
d’aide aux élèves en difficulté, mais la plus affectée est la fonction mésogénétique.
Par conséquent, elle est la première traitée dans cette analyse et nous abordons les
quatre autres en relation avec cette dernière.
100 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

3.1. Fonction mésogénétique


En ce qui a trait à cette première fonction, les élèves en difficulté ont rencontré
certaines règles définitoires lors du SDA et le savoir en jeu est resté à l’étape
d’anticipation, mais des éléments perturbateurs, comme nous le verrons dans ce qui
suit, semblent avoir freiné cette fonction lors de l’expérimentation et ils représentent
des difficultés du système didactique. Certaines difficultés sont liées, plus
globalement, au projet d’enseignement, d’autres sont en lien avec le choix du
matériel et enfin, d’autres sont issues du concept même de volume. Chacune de ces
difficultés est détaillée ci-dessous.

3.1.1. Difficultés engendrées par le projet d’enseignement du volume


Une première difficulté relève des visées que Sylvie s’était fixées selon les
apprentissages précédents de ses élèves et les éléments transmis lors de
l’accompagnement. Voici un schéma (figure 5) qui illustre la situation :
1) Identification de la grandeur à l'étude pour une classe d'objets
Cette phase a été réalisée l'an passé par ce groupe

2) Comparaison des grandeurs de volume de différents objets


Phase ciblée lors de la planification

3) Comparaison à l'aide du report d'une unité étalon


Cette phase a été réalisée l'an passé par ce groupe

4) Mesure à l'aide d'unités non-conventionnelles


Phase non-réalisée par ce groupe

5) Mesure à l'aide d'unités conventionnelles


Phase implicite au SDP effectif

6) Construction de la formule (Janvier, 1997)


Phase ajoutée au SDP par l'enseignante à la suite de l'accompagnement

Figure 5. Chronologie de l’enseignement du volume (Roegiers, 2011)


Dans la figure 5, la progression proposée par les chercheurs (voir 2.3) est composée
de six étapes numérotées ; la situation du groupe d’élèves pour chacune de ces étapes
est indiquée en italique. Sylvie prend pour acquis que ses élèves peuvent identifier
et isoler la grandeur volume d’un pavé droit et reconstituer un objet physique à l’aide
de cubes-unités, conformément au programme de formation. Lors de
l’accompagnement, ce schéma est présenté à l’enseignante, avec l’emphase mise sur
la phase 2 et sur les étapes visées à la phase 6 avant d’en arriver à la formule
tridimensionnelle, L  l  h (Janvier, 1994). Après discussion, la visée prévue est la
comparaison du volume de trois pavés droits (phase 2 et non pas phase 6). Pour les
chercheurs, le traitement de la grandeur est central à cet objectif et le choix du
matériel (trois objets fermés en styromousse) répond à cette visée, mais Sylvie s’est
plutôt tournée vers la mesure. Pour réaliser le SDP, le synopsis de l’annexe 2 illustre
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 101

qu’elle a choisi de fournir : une seule boîte par équipe (changement de tâche : mesure
et non plus comparaison) ; des cubes-unités de 1cm3 (mesure) en nombre insuffisant
afin de valoriser l’émergence d’une formule embryonnaire (τ7) (phase 6). Pour les
chercheurs, chacune de ces étapes nécessite plusieurs séances s’étalant sur une ou
deux années scolaires. Sylvie a ainsi extrait des variables pertinentes de la phase 2 à
la phase 6, mais en les intégrant à une seule séance. Peu d’éléments explicatifs de
ces changements sont disponibles dans le cadre de ce projet (limite de nos données
brutes), mais nous pouvons émettre l’hypothèse que cette progression n’était pas
connue de l’enseignante et que son appropriation aurait nécessité une plus grande
part d’investissement, par exemple en détaillant des séquences d’enseignements
possibles pour chacune des phases, le matériel qui peut leur être lié, les
raisonnements et les difficultés anticipées des élèves pour chacune d’elles.
Cependant, le temps alloué dans ce projet n’ouvrait pas vers ce type d’appropriation
didactique puisque l’enjeu était davantage l’appropriation du dispositif d’aide : il
peut donc y avoir un décalage entre l’accompagnement reçu et son application en
classe. Ici, nous pourrions aussi émettre l’hypothèse que la dévolution des savoirs
didactiques proposés par les chercheurs semble avoir échouée à court terme pour
Sylvie.
Une autre difficulté se réfère à un raccourci que Sylvie emploie pour amener les
élèves à considérer les trois dimensions de la boîte pour aborder le volume :
SDA – Étapes 2-3
P : Est-ce qu’on peut trouver le volume de cette feuille? ... Tantôt toi, tu nous en as
parlé de la capacité d’un verre d’eau, c’est ça ? … donc si je veux calculer le volume
de cette feuille, je vais la remplir avec de l’eau ?... Mon objet doit-être comment ?
Réponses : 3D
P : En 3 dimensions, quelque chose qu’on peut mettre de quoi dedans. […] C’est en
3D, c’est comme ça. Donc ça prend une forme qu’on peut toucher, qu’on peut remplir
avec quelque chose, ou on peut regarder l’espace que ça prend. Une feuille c’est
mince, mince, donc c’est difficile de calculer le volume de ça.
SDP – Étape 4
P : Qu’est-ce que vous faites ?
E3 : Bien, je voulais mettre des petits cubes en haut [recouvrir la face du haut] sur la
longueur et sur la largeur [recouvrir chacune de ces trois faces].
P : OK, qu’est-ce que ceci va vous donner ?
E3 : Ça va nous donner comme la dimension, je pense.
P : Est-ce que cela va vous donner le volume ?
E3 : Non, l’aire.
P : C’est quoi l’autre étape que vous allez devoir faire pour trouver le volume ?
[les élèves ne semblent pas savoir quoi répondre]
102 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

P : Parce qu’hier [lors du SDA] on a parlé que c’était des objets en 3D.
E3 : Oui.
P : Donc quand on calcule le volume…
E4 : [inaudible] On va, on va… les trois dimensions… la hauteur [E4 pointe la face
du haut de son pavé, puisqu’elle fait Lh et que E3 fait lh]… [inaudible] on va faire
un « fois»…
P : OK, je vous laisse aller, on va regarder ça à la fin.
Elle utilise cette explication pour mentionner qu’un objet physique qui a un volume
est en 3D, mais aussi pour s’éloigner du calcul de l’aire (2D). Elle insiste sur le fait
que l’objet est en 3D et que donc pour trouver le volume, il faut prendre en compte
les trois dimensions. Cette explication peut devenir un moyen mnémotechnique pour
le calcul de L  l  h, mais ne fait pas toujours sens dans une situation donnée : des
grandeurs 2D (ex. : aire latérale) et 1D sont également attachées à l’objet 3D.

3.1.2. Difficultés engendrées par le choix du matériel pour traiter du volume


Une troisième difficulté découle du fait que les objets physiques retenus sont en
carton et vides (voir annexes 1 et 2). Or l’une des conceptions des élèves avant tout
enseignement du volume est attachée à la mesure de ce qui est plein (Andreucci et
Mercier, 2005). Ce choix pourrait expliquer la principale technique choisie par les
élèves en ne considérant que l’extérieur ; il pourrait aussi avoir renforcé l’association
capacité-intérieur et volume-extérieur qui semble se dégager de l’étape 1 du SDP ou
encore avoir renforcé la confusion volume-aire. L’extrait suivant présente comment
cette confusion s’est manifestée chez certains élèves :
SDP - Étape 4
P : Qu’est-ce que vous faites ?
E7 : Pour la surface, on fait ça fois ça, on fait ça pour chaque pour trouver le volume.
P : OK, donc là votre cube est vide si je comprends bien ?
E7 et E8 : Oui.
P : OK, mais comment tu peux savoir si ton cube est vide ? Moi, il occupe un espace
au complet.
E7 : Oui.
P : OK, mais l’intérieur, il est plein aussi. Il occupe de l’espace l’intérieur, comme
l’extérieur.
E7 : Oui, mais l’intérieur ne prend pas de la place parce que peu importe ce qu’il
contient il ne prendra pas plus de place puisque c’est l’enveloppe qui prend de la
place. C’est elle qui est constituée de la matière.
E8 : Ha… […]
P : Continuez d’essayer. Moi je te dis que l’intérieur est occupé là (elle tape sur la
boîte). Toute la boîte est occupée. Elle occupe l’espace au complet
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 103

Comme ceci est souvent le cas, le choix du matériel vient influencer les
apprentissages des élèves et ici il semble renforcer une conception spontanée des
élèves à propos du volume : le volume mesure ce qui est plein.
Une quatrième difficulté est en lien avec l’utilisation d’objets physiques avec
couvercle. Lors de l’introduction du SDP, Sylvie choisit un tel objet (voir l’annexe
2) pour faire la distinction entre le volume et la capacité. L’explication est cohérente
en ne considérant que la boîte sans le couvercle, mais le sens change lorsque cet objet
est refermé : « Si tu reproduis l’intérieur avec les petits blocs [sa capacité], tu le
mets à côté, ton résultat risque d’être plus petit que cette boîte au complet. […]
Quand je ferme la boîte, c’est sûr que la boîte prend plus d’espace que son intérieur.
Parce que ses parois sont très épaisses. ». Lorsque nous refermons cette boîte, il est
question d’un autre objet – la boîte fermée. La transformation du matériel (boîte sans
couvercle représentant un récipient et boîte avec le couvercle en forme de pavé droit)
injecte ainsi une autre variable dans la situation qui n’est pas évidente à considérer
conceptuellement. Il en est de même à l’étape 5, lorsque l’enseignante veut invalider
la technique τa : elle choisit d’exploiter l’immersion d’un cube en Plexiglas (annexe
2). En l’immergeant, il est possible d’observer que l’espace qu’occupe cette boîte
doit aussi tenir compte de son intérieur (l’eau ne peut pas prendre l’espace à
l’intérieur). Mais, afin d’aller plus loin dans son explication, elle décide d’enlever le
couvercle : «Donc quand tu calcules le volume, tu dois aussi considérer l’intérieur.
Mais si tu mesures juste les surfaces, il y en a qui mesurent seulement les surfaces,
et ils les additionnent ensemble, ils ne trouvent pas l’espace qu’il prend. On doit
considérer l’espace à l’intérieur aussi. C’est pour ça que ça monte. » Cette
explication, même si elle sous-entend des défis conceptuels importants, permet à
Sylvie d’aider plus de la moitié des équipes à aller au-delà de la technique τa, ce qui
était bien son intention ici en proposant l’immersion de ces deux objets. Mentionnons
que 9 des 10 équipes de la classe avaient opté pour cette technique erronée.

3.1.3. Difficultés engendrées par la confusion volume-capacité


La distinction entre le volume et la capacité, nouvelle pour Sylvie, a été abordée lors
de l’accompagnement. Lors du SDA, Sylvie remarque que les élèves ne la font pas
non plus. Elle choisit par conséquent d’ajouter une explication à ce sujet dans le SDA
et dans l’introduction du SDP. Les extraits ci-dessous illustrent ces deux moments
et aussi un troisième où cette confusion est visible chez les élèves :
SDA - Étapes 5 – 6
P : Là par contre, il faut faire la distinction entre capacité et volume. Parce que quand
on parle de la capacité, on parle de l’espace disponible à l’intérieur de la forme. Moi,
quand je te parle du volume, c’est l’espace que toute la forme prend. Donc c’est
différent un petit peu. […] Je te donne un exemple :
104 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

P : Tu vois, si je la remplis avec du sel au centre, je mesure la capacité de ma boîte,


mais est-ce qu’elle donne l’espace que la boîte va prendre ? […]
P : La capacité c’est à l’intérieur et le volume c’est combien de place ça va faire.
SDP - Étape 1
P : La capacité, c’est l’intérieur, c’est ce que je vais trouver si je la remplis en dedans.
Tu te rappelles quand on remplissait nos contenants avec du sel, de l’eau, des liquides,
des blocs, avec des choses comme ça on calculait la capacité à l’intérieur. Mais tu
vois ici, ma boîte a une grosse paroi, donc si je mesure la capacité, est-ce que ça va
être la même chose que l’espace qu’elle va prendre dans mon bac là-bas ? … non.
[…] Si tu reproduis l’intérieur avec les petits blocs, tu le mets à côté, ton résultat
risque d’être plus petit que cette boîte au complet.
SDP - Étape 4
P : Qu’est-ce que vous avez fait ?
E1 : On a mis des cubes jusqu’en haut, puis là on a vu combien ça faisait, on a compté
ça [l’aire d’une face] et ça [la face opposée]. Puis après on a mesuré ces deux-là
[deux autres faces opposées] et après ces deux-là [les deux dernières faces] et puis
après on a fait tout cela et puis ça nous a donné, comme heu…, tout l’espace [fait le
tour de l’objet avec sa main].
P : OK, tu penses que ça va donner tout l’espace, tu es sûre de cela?
E2 : Bien, tout l’extérieur.
P : L’extérieur, OK. Oui, OK, mais heu…, ce qui est en dedans n’occupe pas
d’espace?
E2 : Oui, mais c’est ? … bien on a fait tout le tour. […]
P : Si tu regardes ta figure [elle tient la boîte dans ses mains], l’espace qu’elle va
occuper… l’intérieur en occupe de l’espace aussi, il en prend de l’air, il en occupe.
[…]
E2 : Bien, il faut calculer le nombre de cubes en dedans ?
P : Il faut que tu la reproduises au complet, pas juste des faces avec un intérieur vide.
E2 : Donc il faut calculer l’intérieur aussi ?
P : Il faut que tu calcules combien de petits cubes il te faudrait pour tout le faire, il ne
faut pas qu’il y ait d’espace vide.
E2 : Mais il y a du scotch [papier collant] dedans.
P : Oui, mais non tu ne peux pas l’ouvrir… Trouvez une façon.
Il s’agit ici de la cinquième difficulté. Dans ces extraits, on voit que Sylvie définit le
volume comme étant « l’espace que toute la forme prend ». Cependant, elle définit
la capacité comme « l’espace disponible à l’intérieur de la forme », sans faire
référence à l’objet de référence qui serait, ici, un récipient et non un pavé droit. Sylvie
reprend le même exemple que celui présenté par les chercheurs, mais l’explique en
termes d’espace intérieur. Ce faisant, les notions de volume intérieur et de récipient,
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 105

qui n’ont pas été abordés lors de l’accompagnement, viennent s’immiscer dans ses
explications. Une des conséquences observées est que 9 des 10 équipes ont associé
la capacité à l’intérieur et le volume à l’extérieur (son enveloppe), en choisissant la
technique erronée τa (extrait ci-dessus, SPD, étape 4).
Une dernière difficulté découle de la précédente. Nous savions que la confusion
volume-aire était fréquente chez les élèves, mais nous ne nous attendions pas à ce
ratio (90% des équipes). Cette réalité a aussi surpris Sylvie qui a trouvé que les
assimilations de ce type étaient particulièrement fréquentes. Voici deux extraits
montrant comment cette difficulté s’est manifestée :
SDA - Étape 4 [Confrontation de la première technique]
P : Donc si je fais ça [τa], est-ce que c’est juste ça que je vais calculer [les surfaces],
ou je vais calculer l’espace que l’objet va prendre ?
E6 : Tu calcules les surfaces.
SDP - Étape 4
P : Qu’est-ce que vous faites ?
E5 : Bien, ici on va calculer en haut et en bas et on va faire un étage [face] de plus
après.
P : OK, puis toi tu es en train de faire l’étage d’un côté et toi l’étage de l’autre côté ?
Allez-vous avoir assez de petits cubes ?
E5 : Bien, on va faire un côté et puis on va faire fois 2 après.
P : Fois 2 ?
E5 : Oui, parce qu’il y a deux côtés [deux faces identiques].
P : OK, est-ce que ça va te donner l’espace que prend ta boîte, si tu fais ça ?
E5 : Oui…
P : OK… ça va être quoi la différence, heu…, avec l’aire ?
E5 : Je ne sais pas.
Les élèves en difficulté ne sont pas plus en difficulté que les autres élèves de la classe
puisque 9 équipes sur les 10 ont opté pour cette même technique erronée. Comment
expliquer cette situation ? Par l’aide-mémoire fourni à l’étape 1 du SDP, par la
confusion volume-aire, par l’emploi de cube-unités pour mesurer des aires ou par le
fait que les boîtes étaient en carton (elles avaient une enveloppe, mais elles étaient
vides) ?
De manière synthétique, malgré le fait que les élèves en difficulté ont pu rencontrer
des éléments du milieu avant le SDP, les conditions mises en place pour la fonction
mésogénétique ne semblent pas avoir permis à ces derniers de bénéficier autant que
par le passé de ce dispositif d’aide. Ces conditions, exprimées ici en termes de
difficultés du système didactique, viennent questionner :
106 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

− l’enseignement du volume dans la transition d’une année scolaire à une autre, du


nombre de séances à y accorder et du temps dédié à chacune des phases ;
− le choix du matériel (avec ou sans couvercle, intérieur-extérieur, plein-vide,
boîte-pavé), celui-ci pouvant venir renforcer une conception spontanée des
élèves ou influencer leur compréhension du volume ;
− la complexité du concept de volume en termes de confusion ou de relations
pouvant être entretenues avec la capacité (qui est un volume aussi), l’aire latérale
ou totale ou encore le fait que l’objet soit un récipient ou non.

3.2. Fonctions chronogénétique et topogénétique


En lien avec la fonction chronogénétique, le but du dispositif d’aide est de fournir
plus de capital-temps (Assude, 2005) pour les élèves en difficulté en rencontrant
avant la classe le problème qui sera à résoudre. Cette fonction a effectivement pu
être ici observée : le temps didactique n’a pas avancé durant le SDA, alors que le
temps praxéologique a avancé. En effet Sylvie a pu traiter le concept de volume
comme étant une grandeur associée à un objet physique en 3D et les élèves ont pu
rencontrer des « ingrédients » (les trois dimensions) de la formule par le biais d’un
exemple de pavé droit évidé, sans toutefois qu’il n’y ait de validation. En revanche,
cette fonction ne semble pas non plus jouer entièrement son rôle dans ce dispositif
puisque Sylvie reprend l’essentiel du SDA lors du SDP et que, malgré le fait que les
élèves en difficulté soient synchronisés avec les autres élèves du groupe, il existe un
décalage entre les techniques de l’ensemble des élèves et les visées de la séance.
La fonction topogénétique s’est manifestée lors du SDP pour les élèves en difficulté
par leur engagement et la prise de parole, mais de manière moins claire que par les
expérimentations antérieures. Les élèves en difficulté ont levé la main lors de
l’introduction de la séance afin d’émettre des réponses au questionnement de Sylvie :
un des élèves propose une technique de comparaison (τ2). Cependant, comme nous
l’avons constaté précédemment, la modification de la tâche (comparer versus trouver
le volume) et le choix du matériel (un seul objet en carton par équipe sans
comparaison qualitative possible) l’ont empêchée de pouvoir la mettre en action. Ces
élèves se retrouvant confrontés à des impasses, leur engagement s’est rapidement
essoufflé : ne pouvant pas exploiter τ2, ils ont opté pour un raisonnement additif (τd
ou τa) qu’ils n’ont pas su dépasser. Par ailleurs, ils ont repris les « ingrédients »
mentionnés lors du SDA, mais sans être en mesure de les articuler. Cette fonction
semble donc partielle puisque les élèves en difficulté ne semblent pas avoir pu
bénéficier, dans les conditions mentionnées précédemment, de l’avance que pouvait
leur procurer le SDA et qu’ils n’ont pu poursuivre leur engagement (affectif et
cognitif) initial dans la résolution du problème lors du SDP. Comment expliquer cet
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 107

essoufflement ? Sans avoir de réponse précise, les résultats semblent pointer vers les
difficultés du système didactique mentionnées ci-dessus lors de la mise en place de
ce dispositif comme source d’explication.

3.3. Fonctions de distanciation et d’espace de questionnement


La fonction de distanciation a été respectée dans cette expérimentation : en effet les
élèves ont rencontré le concept de volume, à un rythme moins accéléré qu’en classe,
sans être mis en action et sans que leurs propositions soient validées. Ils ont par
conséquent assumé une posture d’attente entre le SDA et le SDP.
Enfin, la fonction liée à la création d’un espace de questionnement n’a pas été
exploitée autant que dans le cadre d’expériences précédentes. Lors du SDA, Sylvie
en apprend davantage sur les conceptions qu’ont les élèves sur le volume et la
capacité ainsi que sur les outils qu’ils connaissent pour mesurer cette grandeur par
son questionnement. Cependant, elle prend en charge les échanges réalisés et ce
choix semble influer sur la place que les élèves occupent dans cet espace.

Conclusion
L’élaboration et l’expérimentation du dispositif d’aide ont mené l’enseignante à faire
des choix dans l’action qui l’ont placée dans de nouvelles situations d’enseignement-
apprentissage pour un concept peu exploré jusqu’à présent dans sa pratique
professionnelle et faisant émerger des difficultés du système didactique. Ces
difficultés ont eu principalement des répercussions sur la fonction mésogénétique,
mais aussi, de manière systémique, sur les autres fonctions de ce dispositif. Elles
semblent avoir notamment influencé la compréhension des élèves (intérieur-
extérieur, récipient-pavé), leurs conceptions (plein-vide, intérieur-extérieur,
couvercle ou non), l’analyse des techniques (volume-aire-capacité) ainsi que l’objet
physique à l’étude (boîte-pavé-récipient ouvert ou non) de la part de l’enseignante.
En outre elles ont eu un impact sur tous les élèves (et pas seulement ceux en
difficulté).
Le dispositif n’a alors pas permis d’obtenir les effets souhaités auprès des élèves en
difficulté et ce constat nous amène à évoquer l’hypothèse que le système didactique
auxiliaire ne crée pas de conditions favorables au déroulement du SDP lorsque sa
fonction mésogénétique est ébranlée. Il nous a ainsi été possible d’observer dans ce
projet des dérives significatives lors du SDP qui n’étaient pas spécifiques au SDA.
Il faut d’ailleurs mentionner que le concept de volume revêt une complexité
conceptuelle importante pour son enseignement au primaire, comme il a été possible
de le soulever dans cet article autant par le biais de l’analyse a priori et a posteriori
que par les diverses difficultés rencontrées en classe de la part des élèves et de
l’enseignante. De plus, parmi ces difficultés, certaines mettent en jeu l’articulation
108 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

de l’accompagnement reçu et les pratiques de l’enseignante ou la dévolution des


savoirs didactiques : jusqu’où est-il possible, pour les chercheurs, d’approfondir
cette analyse didactique avec elle ? Et combien de temps peut-on y consacrer ? Pour
faire écho à notre question de recherche, nous pourrions l’étendre à
l’accompagnement des enseignants : quelles sont les conditions favorables à
l’accompagnement des enseignants dans la réflexion didactique entourant la mise
en place d’un tel dispositif comme source de formation initiale ou continue? Cette
question sera fort probablement abordée dans nos recherches ultérieures.

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DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 113

PATRICIA MARCHAND
Université de Sherbrooke
patricia.marchand@usherbrooke.ca

CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER


Aix-Marseille Université & UR 4671 ADEF
claire.winder@univ.amu.fr

LAURENT THEIS
Université de Sherbooke
laurent.theis@usherbrooke.ca

TERESA ASSUDE
Aix-Marseille Université & UR 4671 ADEF
teresa.dos-reis-assude@univ-amu.fr
114 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

Annexe 1. Synopsis du SDA effectif


Étape Durée Description du SDA Mode de
travail
1 19 s Légitimation du dispositif d’aide et présentation du sujet de la
rencontre
2 2 min 53 s Première question : Je voulais voir avec vous, c’est quoi le
volume. C’est quoi ? Discussion
Réponses : du bruit, ça a une quantité, le volume pour l’eau, la collective
capacité.
Sous-question : Est-ce que nous pouvons trouver le volume de
cette feuille ? Sylvie voulait ici qu’ils mentionnent que les objets
ayant un volume sont en 3D.
3 28 s Synthèse réalisée par Sylvie sur cette première tâche : Là par
contre, il faut faire la distinction entre capacité et volume. Parce
que quand on parle de la capacité, on parle de l’espace
disponible à l’intérieur de la forme. Moi, quand je te parle du
volume, c’est l’espace que toute la forme prend. Donc c’est
différent un petit peu. Donc non, je ne peux pas la remplir de sel
et non je ne peux pas la remplir d’eau.
4 3 min 49 s Deuxième question : On [le] mesure avec quoi ?
Techniques proposées par les élèves avec la règle : mesurer
l’aire des surfaces et les additionner (volume-aire latérale) ou
mesurer les trois dimensions.
Identification d’autres outils pouvant les aider à trouver le
volume parmi ceux dans la classe. Réponses des élèves : des
cubes et ensuite on regarde les dimensions extérieures (hauteur,
largeur et longueur)
Un élève mentionne qu’ils avaient utilisé ces cubes pour remplir
des contenants, comme ils l’avaient fait avec du sel ou du sucre.
5 3 min 6 s Nouvelle explication : Là par contre, il faut faire la distinction
entre capacité et volume. Parce que quand on parle de la
capacité, on parle de l’espace disponible à l’intérieur de la
forme. Moi, quand je te parle du volume, c’est l’espace que toute
la forme prend. Donc c’est différent un petit peu. Donc non, je
ne peux pas la remplir de sel et non je ne peux pas la remplir
d’eau. Parce que la capacité et le volume ce n’est pas tout à fait
pareil.
DIFFICULTES D’UN SYSTEME DIDACTIQUE A PROPOS DU VOLUME AU PRIMAIRE 115

Sylvie réalise cette distinction à l’aide d’un exemple (voir ci-


contre)

6 1 min 37 s Synthèse par Sylvie de ce qui est à retenir pour le SDP : les
propositions faites pourront être explorées, nous aurons à
mesurer l’espace occupé par un objet à l’aide, non pas de la règle,
mais de petits cubes et il ne faut pas confondre capacité et
volume.

Annexe 2 – Synopsis du SDP effectif


Étape Durée Description du SDP Mode de
travail
1 5 min 30 s Ajout d’une tâche 0 : clarification des Plénière 1
notions de volume et de capacité sous forme
de questionnement. Aide-mémoire au
tableau :
La capacité c’est l’intérieur de l’objet et le volume c’est l’espace
occupé par l’objet
2 4 min 42 s Présentation des deux boîtes et prise des En grand
hypothèses au tableau sur laquelle aurait groupe
le plus grand volume. Votes :
La boîte 1 (7  8  9) a le plus grand volume : 13 élèves
La boîte 2 (16  5  6) a le plus grand volume : 2 élèves
Les deux ont un même volume : 3 élèves
3 2 min 38 s Présentation de la tâche 1 et distribution du matériel : « trouver le
volume de ta boîte ». Chaque équipe reçoit une boîte (#1 ou #2), une
feuille pour les calculs et des cubes13. L’enseignante mentionne qu’elle
va revenir sur les stratégies utilisées pour trouver le volume lors du
retour.
4 23 min Réalisation de la tâche. Techniques observées : En dyades
9 équipes : τa (somme des aires latérales)
1 équipe : τ7 (nb de cubes sur la 1ère tranche  nb de tranches)

13 L’enseignante a fourni un nombre de cubes plus grand que le nombre nécessaire pour construire la
1ère tranche, mais pas assez pour reproduire la boîte au complet (pour aller au-delà du dénombrement).
116 PATRICIA MARCHAND, CLAIRE GUILLE-BIEL WINDER, LAURENT THEIS, TERESA ASSUDE

5 3 min 52 s Mise au point à mi-parcours : comparaison de deux objets immergés En grand


(cube et cube sans couvercle) afin d’observer qu’il faut aussi tenir groupe
compte de l’intérieur de l’objet lorsque on veut trouver le volume. La
τa est invalidée ici par l’enseignante.

6 8 min 27 s Ajustements des techniques par les élèves : En dyades


5 équipes : τ7; 1 équipe : τ6 (L  l  h)
1 équipe : τ5, mais sans soustraire les cubes sur les arêtes appartenant
à deux faces et les tranches extérieures déjà calculées.
3 équipes : τ6, mais accompagnée d’erreur de mesurage. Par exemple,
mesure de chacune des dimensions prises à l’extérieur de la boîte
(789 devient 899 avec le cube du coin extérieur à la base).
7 7 min 6 s Retour collectif sur la comparaison des volumes :
La démarche de deux équipes qui ont utilisé la τ7 pour l’objet 1 et 2 est En grand
reprise au tableau et il y a comparaison des volumes obtenus (504 cm3 groupe
et 480 cm3). L’activité se termine en revenant sur les hypothèses (13
élèves avaient bien anticipé) et après la cloche.
SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-
ALLYS

CONCEPTION D’UNE PLATEFORME D’APPRENTISSAGE EN LIGNE


EN ALGEBRE ET EN GEOMETRIE : PRISE EN COMPTE ET APPORTS
DE MODELES DIDACTIQUES

Abstract. Design of an e-learning platform in algebra and geometry : consideration and


contribution of didactic models. This article presents the design of a theoretical and
methodological framework for the didactic design of a learning environment: a learning
platform in mathematics for cycle 4 students (aged 12 to 15). We cross several approaches to
build didactic models and their computer representation: a model of the knowledge involved
in the platform, a model of the learner's reasoning, and a model of learning paths adapted to
the student's learning needs. We illustrate this approach on two themes from two
mathematical domains, the solving of first-degree equations in algebra and the construction
of triangles in geometry.

Keywords. Combining frameworks, didactic models, learning paths, geometry, Technology


Enhanced Learning

Résumé. Cet article présente la définition d’un cadre théorique et méthodologique pour la
conception didactique d’un environnement informatique pour l’apprentissage humain
(EIAH) : une plateforme d’apprentissage en mathématiques à destination d’élèves de cycle 4
(élèves de 12 à 15 ans). Nous croisons plusieurs approches théoriques pour construire des
modèles didactiques et leur représentation informatique : un modèle du savoir en jeu dans la
plateforme, un modèle du raisonnement de l’apprenant et un modèle des parcours
d’apprentissage adaptés aux besoins d’apprentissage de l’élève. Nous illustrons cette
conception sur deux thèmes issus de deux domaines mathématiques, la résolution d’équations
du premier degré en algèbre et la construction de triangles en géométrie.

Mots-clés. Croisement d’approches théoriques, modèles didactiques, parcours


d’apprentissage, géométrie, EIAH
_________________________________________________________________________

ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES, volume 26, p. 117 - 156.


© 2021, IREM de STRASBOURG.
118 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

1. Introduction
MindMath1 est un projet qui réunit des équipes de chercheurs en informatique
(équipe MOCAH du LIP62) et en didactique des mathématiques (LDAR3) ainsi que
des entreprises (Tralalère, Cabrilog, Domoscio, Breakfirst4). L’objectif général du
projet est de produire une plateforme numérique d’entraînement, permettant à des
élèves de cycle 4 (élèves de 12 à 15 ans) de travailler l’algèbre et la géométrie. À
cette fin, elle doit proposer aux apprenants des exercices et des rétroactions
pertinents par rapport à leur activité. Au regard des objectifs de la plateforme et du
travail de recherche que nous menons dans le projet, nous nous situons dans le
domaine de recherche des environnements informatiques pour l’apprentissage
humain (EIAH)5. Dans la suite de l’article, nous utiliserons indifféremment les
termes « la plateforme » ou « l’EIAH ». De plus, nous appelons parcours un
enchaînement cohérent d’exercices, selon des objectifs d’apprentissage visés à un
niveau scolaire donné, des connaissances des élèves et des apports de la didactique.
Il existe déjà de nombreux environnements numériques, d’apprentissage ou
d’entraînement, pour les mathématiques. Certains sont directement issus de la
recherche en didactique, d’autres ont pour origine des éditeurs de ressources ou des
enseignants. Si on se centre sur les environnements fondés didactiquement et qui
concernent les domaines mathématiques et niveaux scolaires mis en jeu dans
MindMath, on peut citer l’environnement Aplusix6 (Nicaud et al., 2006) en algèbre.
Il permet d’évaluer automatiquement certains aspects de l’activité des élèves sur la
résolution des équations. Dans ce même environnement, Chaachoua et al. (2005)
s’intéressent à la détermination automatique des conceptions des élèves relatives aux

1
https://www.mindmath.education
2
https://www.lip6.fr/recherche/team.php?acronyme=MOCAH
3
https://www.ldar.website/
4
Tralalère, Cabrilog et Breakfirst sont spécialisées dans la production de ressources et/ou
plateforme éducatives. Domoscio est spécialiste de l’adaptive learning.
5
On peut se référer par exemple à la définition proposée par Tchounikine et Tricot (2011) :
« Le point de jonction entre l’informatique et les questions relatives à l’apprentissage humain
et à l’enseignement se situe au niveau des environnements informatiques pour l’apprentissage
humain (EIAH). En tant que système informatique, un EIAH est un programme destiné à être
utilisé par les apprenants impliqués dans une situation d’enseignement et à accompagner ou
susciter leur apprentissage. En tant que champ scientifique, l’EIAH peut être défini comme
l’ensemble des travaux visant à comprendre les processus de construction des EIAH et les
phénomènes d’apprentissage liés à ces environnements informatiques. » (p. 168)
6
http://aplusix.imag.fr/
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 119

équations. De son côté, le logiciel de diagnostic Pépite permet, de manière


automatique, l’analyse des réponses et le calcul du profil des élèves aux différents
niveaux scolaires de cycle 4 en algèbre élémentaire (Grugeon-Allys et al., 2012 ;
Grugeon-Allys et al., 2018). Les résultats fournis par Pépite permettent la
constitution de groupes d’élèves ayant des difficultés similaires et l’attribution de
parcours d'apprentissage associés (Pilet, 2012, 2015). Dans le domaine de la
géométrie, certains environnements visent des objectifs didactiques particuliers. Par
exemple, QED-Tutrix est de type ITS (Intelligent Tutoring System) et vise à aider
les apprenants dans le travail de preuve en prenant en compte leur état cognitif7 (Font
et al., 2018). Pour les systèmes tutoriels autour de la démonstration en géométrie on
peut trouver une étude comparative dans Tessier-Baillargeon et al. (2017).
Dans le projet MindMath nous proposons une approche didactique permettant à la
fois la couverture des différents domaines mathématiques du cycle 48 en France
(avec mise en œuvre sur l’algèbre et la géométrie), la prise en compte de l’apprenant
et la génération de parcours adaptatifs d’apprentissage. Pour mener à bien ce projet,
nous distinguons trois grandes phases. Premièrement, définir et expliciter les
différents éléments théoriques et pratiques permettant la prise en compte du
didactique dans la conception des exercices, des rétroactions et des parcours, de
manière articulée avec la dimension informatique du projet. Deuxièmement, les
produire et les articuler dans la plateforme. Troisièmement, analyser les usages de la
plateforme et ses effets, lors d’expérimentations, en classe et hors la classe, à grande
échelle. Au moment de l’écriture de ce texte, la deuxième phase, celle de la mise en
œuvre effective, est réalisée sur une partie des domaines algébrique et géométrique,
sous-domaines sur lesquels débutent de premières expérimentations.
Nous centrons cet article sur un fondement épistémologique et didactique de l’EIAH,
dans la première phase du projet. Nous présentons donc les conditions permettant
d’assurer la prise en compte de divers travaux et apports de la didactique dans les
différentes dimensions du projet : la conception des exercices, la génération de
parcours et de rétroactions adaptés au profil didactique et à l’activité de l’élève. Les
informaticiens et les partenaires industriels apportent leurs expertises en matière
d’apprentissage adaptatif, d’algorithmes d’apprentissage par renforcement, de
conception de ressources et de tableau de bord. Lors de la première phase du projet,
nous abordons les deux grands enjeux suivants :

7
Dans ce système l’apprenant considéré est un apprenant moyen fondé sur le modèle MIA
(Richard et al., 2011).
8
Classes de 5e, 4e et 3e du collège français, élèves de 11 à 14 ans.
120 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

− identification et caractérisation des besoins d’apprentissage9 des élèves en


mathématiques au cycle 4, en algèbre et en géométrie ;
− définition d’exercices et de parcours permettant de travailler ces besoins
d’apprentissage.
Nous n’intégrons pas dans le modèle de l’apprenant, et son accompagnement, la
prise en compte de sa motivation, de son engagement, des troubles spécifiques de
l’apprentissage, etc.
Vouloir répondre aux deux enjeux identifiés ci-dessus nous amène à étudier des
cadres et modèles didactiques à prendre en compte pour représenter un domaine de
savoir mathématique ainsi que l’activité de l’élève sur celui-ci, et pour exploiter ces
éléments informatiquement. Notre travail contient donc une triple dimension
(institutionnelle, épistémologique et cognitive) et doit, de plus, s’implémenter dans
un EIAH. Nous visons la définition d’un cadre de conception didactique d’un EIAH
(Grugeon-Allys et al., 2021).
Avant de poursuivre, pour lever d’éventuelles ambiguïtés, précisons les aspects de
l’activité mathématique que l’EIAH vise à prendre en charge10. Les ressources
construites pour peupler la plateforme sont de type exercice, il n’y a pas d’éléments
de type cours. Ainsi, en se référant aux six moments de l’étude tels que définis par
Chevallard (2002), les moments de la première rencontre, de l’exploration du bloc
praxique et de l’institutionnalisation sont dévolus au professeur. Les apports de cette
plateforme se situent essentiellement dans le moment du travail de l’organisation
mathématique et du travail de la technique. Les choix réalisés sur un plan didactique,
pour construire les parcours et les rétroactions, permettent cependant d’envisager des
apports de la plateforme pour permettre aux élèves de poursuivre la construction du
bloc technologico-théorique.

9
Ce terme peut être pris dans une acceptation générique ici, il sera défini d’un point de vue
didactique dans la section 2.3.
10
Comme pour tout artefact, nous ne pouvons préjuger des genèses instrumentales (Rabardel,
1995) qui auront lieu en classe et ce n’est pas l’objet de cet article.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 121

2. Problématique et approches théoriques


Afin de mieux identifier les différents enjeux et la diversité des questions abordées,
nous commençons par la présentation d’un exemple.

2.1. Présentation d’un exemple


Considérons l’exercice, Ex1, « Résoudre l’équation 4x + 3 = 7» et la production d'un
élève de 4e (cycle 4, 14 ans) : « 4x + 3 = 7 ; 7x = 7 ; x = −1 ».
Les questions soulevées par cet exercice et cette production sont multiples :
l’exercice proposé est-il conforme au curriculum auquel l’élève est assujetti ? Quels
sont les savoirs en jeu ? Quelles sont, a priori, les productions envisageables pour
cet énoncé ? Quelles explications peut-on associer aux productions erronées ? Quels
sont, a priori, les exercices que l’on peut proposer après celui-ci pour cet élève ?
Comment prendre en compte à la fois l’activité de l’élève lors de la résolution de
l’exercice, mais aussi son activité habituelle, c’est-à-dire sur des exercices qui
portent sur la résolution des équations du 1er degré, pour choisir l’exercice suivant
parmi les possibles identifiés a priori ?
Répondre à ces questions nécessite non seulement d’envisager des approches
institutionnelle, épistémologique et cognitive, mais aussi de les croiser entre elles.
Pour les exercices, nous identifions les savoirs en jeu et les moyens de le résoudre,
puis déterminons sa conformité à un curriculum donné. Concernant la prise en
compte de l’apprenant, nous caractérisons les connaissances nécessaires pour mettre
en œuvre cette résolution, les erreurs récurrentes et la complexité11 de l’exercice.
L’exercice proposé ci-dessus relève de la résolution d’une équation du premier
degré et peut être proposé à des élèves de cycle 412. Pour montrer les limites de cette
première classification, considérons les exercices Ex2 « Résoudre l’équation
5x – 3 = 2x + 1 » et Ex3 « Résoudre l’équation 3x² − 2x + 5 = 3(x² − 6x + 7) ». Ils
relèvent, eux aussi, de la résolution d’une équation du premier degré. Cependant ces
trois exercices présentent des différences significatives d’un point de vue didactique.
En effet, l'exercice 1 peut être résolu numériquement ou arithmétiquement, alors que
les exercices 2 et 3 nécessitent une résolution algébrique en raison de la nature
rationnelle non décimale de la solution. De plus, pour les exercices 2 et 3, les

11
Nous considérons ici la complexité comme une caractéristique intrinsèque de la tâche au
sens de (Robert, 2008).
12
Les programmes français de cycle 4 de 2020 indiquent que les collégiens doivent savoir
« résoudre algébriquement des équations du premier degré ou s’y ramenant […] » (MENJS,
2020, p. 132).
122 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

coefficients sont dans Z et non pas dans N, il est nécessaire de mobiliser la réduction
d’une expression algébrique pour pouvoir résoudre l’équation. Enfin, l’exercice 3
contient, avant réduction, des termes de degré 2.
Concernant la production de l’élève pour résoudre l’exercice 1, elle peut être
analysée en termes de difficultés relativement aux objets expression algébrique et
équation. L’élève utilise tout d’abord une « règle de concaténation », relative à la
manipulation des expressions algébriques, du type « dans un résultat, l’expression
finale est évaluée, il n’y a plus de signe opératoire » (technique arithmétique utilisée
en dehors de son domaine de validité) qui l’amène à transformer 4x + 3 en
l’expression 7x. Dans un deuxième temps, il mobilise une autre « règle », relative à
la résolution des équations cette fois, en dehors de son domaine de validité (« quand
on change de côté on change de signe »). Dans l’exemple, il « change 7 de côté » et
ajoute un signe « − ».
Cet examen de l’exercice et de la production montre la nécessité d’un double
mouvement par rapport au thème résolution des équations du 1er degré. D’une part,
il faut affiner la description du thème en sous-catégories pour pouvoir positionner
les différents exercices de ce thème les uns par rapport aux autres. D’autre part, dans
un mouvement contraire, il faut resituer la résolution des équations du 1er degré plus
largement au sein de l’algèbre (en particulier en lien avec la transformation des
expressions algébriques et plus fondamentalement la génération de ces expressions,
le rôle de la lettre, etc.) pour pouvoir analyser et caractériser les erreurs possibles.
Pour compléter cette analyse, il est aussi nécessaire de situer l’activité de l’élève au
regard de celle visée en algèbre à son niveau scolaire et en lien avec l’enseignement
reçu. C’est la combinaison de ces éléments d’analyse qui va permettre de structurer
et positionner les différents exercices les uns par rapport aux autres et ainsi de
concevoir des parcours adaptés aux enjeux visés.
Il ressort de cet exemple que la conception des exercices et la création des parcours
nécessitent des éléments communs : une modélisation structurée du savoir, une
définition de la complexité d’une tâche et une caractérisation de l’activité a priori de
l’apprenant. Dans les sections suivantes, nous faisons une rapide synthèse relative
aux questions de la modélisation du savoir, de la régulation des apprentissages et de
l’activité de l’apprenant, et enfin des modèles de l’apprenant. Cela nous permet alors
de reformuler nos hypothèses et questions de recherche.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 123

2.2. Modélisation du savoir


Diverses théories didactiques proposent une modélisation du savoir. Ainsi Ruiz-
Munzón et al. (2013), qui travaillent dans le cadre de la théorie anthropologique du
didactique (TAD) (Chevallard, 1999), citent la théorie des situations didactiques
(Brousseau, 1997), la théorie APOS (Dubinsky & McDonald, 2001), l’approche
ontosémiotique (Godino et al., 2007) ou encore la théorie de l’abstraction en contexte
(Dreyfus et al., 2001). Comme signalé par Jolivet (2018) : hormis la TAD, ces
théories sont moins adaptées pour la prise en compte de la dimension institutionnelle
ou n’ont pas été exploitées dans le cadre de développements informatiques.
Concernant la modélisation du savoir, nous nous centrons donc sur des travaux
menés dans le cadre de la TAD dans laquelle « le savoir mathématique [est
considéré], en tant que forme particulière de connaissance [qui] est donc le fruit de
l’action humaine institutionnelle : c’est quelque chose qui se produit, s’utilise,
s’enseigne ou, plus généralement, se transpose dans des institutions » (Bosch &
Chevallard, 1999, p. 85). Nous intégrons d’autres cadres théoriques en lien avec la
dimension cognitive dans la section suivante.
Au sein de la TAD, le moyen de modéliser le savoir et l’activité associée est
l’utilisation de praxéologies. En effet, comme signalé par Chevallard : « toute
activité humaine régulièrement accomplie peut être subsumée sous un modèle
unique, que résume ici le mot praxéologie » (Chevallard, 1999, p. 223). Ainsi, une
praxéologie13 est un quadruplet. D’une part, il y a le type de tâches et la ou les
techniques utilisées pour résoudre les tâches d’un type donné, c’est-à-dire la praxis,
et d’autre part, la technologie, le discours développé pour justifier les techniques
(propriétés, règles, arguments logiques) et la théorie qui justifie la technologie, le
logos. Ces praxéologies ponctuelles s’agrègent autour d’une technologie pour former
une praxéologie locale (OML14), puis autour d’une théorie pour former une
praxéologie régionale (OMR), et enfin autour de plusieurs théories pour former une
praxéologie globale (OMG) qui définit un domaine d’étude (Chevallard, 1999). Les
praxéologies se transposent dans les institutions (praxéologies à enseigner par les
enseignants, praxéologies enseignées par les enseignants, praxéologies apprises par
les élèves).

13
Ou organisation mathématique, notée OM dans la suite de l’article, dans le cas d’une
praxéologie mathématique.
14
Nous considérons des praxéologies mathématiques, nous reprenons donc ici, et dans la
suite de l’article, la notation usuelle OML (resp. OMR, OMG) pour organisation
mathématique locale (resp. régionale, globale).
124 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

Pour décrire un domaine mathématique, Bosch et Gascón (2005) proposent


d’introduire un modèle praxéologique de référence (MPR) afin de décrire les aspects
épistémologiques caractéristiques des objets de savoir d’un domaine mathématique
et les praxéologies associées permettant la construction d’un rapport idoine au savoir
visé relativement aux institutions qui sont considérées pour construire ce MPR. Une
fois défini, c’est un outil d’analyse pour étudier les décalages entre praxéologies à
enseigner et praxéologies enseignées (Grugeon, 1997). Wozniak (2012) propose
pour ces dernières une classification selon le rôle du discours technologique :
praxéologie muette avec une composante logos absente, praxéologie faible avec une
composante logos implicite ou limitée à l’usage d’ostensifs associés aux techniques,
praxéologie forte mettant en jeu dialectiquement composantes praxis et logos. Le
MPR est aussi un élément méthodologique essentiel pour dégager des aspects
épistémologiques implicites ou ignorés des programmes et formuler des hypothèses
de leur impact sur les besoins d’apprentissages à travailler (Castela, 2008 ; Grugeon-
Allys et al., 2012 ; Pilet, 2015).
Afin de rendre opérationnelle, sur un plan informatique15, cette modélisation du
savoir au moyen d’un MPR, Chaachoua (2018) a développé le cadre T4TEL16. Les
éléments de ce cadre, exploités dans notre travail, sont présentés dans la section 3.1.
Nous avons maintenant identifié dans la littérature les éléments nous permettant de
rendre compatible une modélisation du savoir avec une perspective informatique. Le
deuxième besoin qui a été mis en évidence par la présentation de l’exemple de la
section 2.1, est qu’il est nécessaire de pouvoir décrire l’activité de l’apprenant et
organiser ses apprentissages. Nous examinons dans la section suivante divers outils
théoriques permettant d’aborder ces questions.

2.3. Besoins et régulation des apprentissages de l’apprenant


Dans la section 2.1, nous avons mis en évidence des différences entre les exercices
1, 2 et 3, en particulier le fait qu’ils ne nécessitent pas la mobilisation des mêmes
technologies. Pour la structuration des parcours se pose donc la question de savoir
quels sont les exercices pertinents à proposer à l’apprenant. Pour l’aborder, nous
définissons les besoins d’apprentissage d’un apprenant.
Dans une institution donnée, à un temps donné, un élève peut être confronté à un
décalage, plus ou moins marqué, entre son rapport personnel au savoir, construit en

15
Ce qui est un impératif du projet MindMath du point de vue de la didactique.
16
T4 fait référence aux quatre T du quadruplet praxéologique {Type de tâches, Technique,
Technologie, Théorie} et TEL à Technology Enhaced Learning, terminologie anglophone
pour EIAH.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 125

formation dans les diverses institutions qu’il a rencontrées, et le rapport au savoir


attendu dans cette institution (Chevallard, 2003). Nous définissons les besoins
d’apprentissage d’un élève comme ce qui est nécessaire de travailler pour faire
évoluer son rapport personnel actuel vers un rapport personnel idoine au regard des
attendus de l’institution. Cette notion a été présentée par Grugeon-Allys et al. (2012)
puis par Pilet (2015), en référence à un MPR du domaine algébrique et au regard des
praxéologies à enseigner et de celles enseignées. Les besoins d’apprentissage
correspondent donc à ce qui est à travailler par l’élève pour :
− favoriser la négociation de ruptures d’ordre épistémologique (Vergnaud, 1990) ;
− poursuivre la construction d’éléments technologico-théoriques pour résoudre
des tâches du domaine nécessitant pour leur résolution la convocation de
différents types de tâches (Castela, 2008).
Ces ruptures se retrouvent dans les domaines mathématiques travaillés dans la
plateforme. Ainsi, Vergnaud et al. (1988) caractérisent la double rupture
épistémologique entre l’arithmétique et l’algèbre. De leur côté, Mathé et al. (2020,
p. 18) indiquent une « (…) rupture au début du secondaire entre une géométrie des
tracés matériels (…) et une géométrie théorique des énoncés et démonstrations ».
Les moments où se manifestent ces ruptures, souvent au passage d’une institution à
l’autre17, peuvent être induits par la transposition didactique en jeu dans les curricula.
Ces derniers peuvent prendre en compte et accompagner ou non, les décalages entre
institutions, notamment par la définition des praxéologies à enseigner. L’appui sur
un MPR du domaine mathématique permet de caractériser ces décalages. Ceci a été
illustré par Grugeon (1997) pour la transition voie professionnelle – voie
technologique du lycée. Mais, au-delà des effets liés aux curricula, les praxéologies
apprises dépendent fortement des praxéologies enseignées. Ainsi celles-ci peuvent
être complètes ou non, permettre ou non de développer des raisons d’être des savoirs
et leurs composantes logos. Au final, les praxéologies apprises dépendent aussi des
discours technologiques développés par les enseignants pour justifier les techniques.
Cette approche a déjà été exploitée dans l’étude de l’apprentissage de l’algèbre
élémentaire au cycle 4 (Grugeon-Allys, 2010 ; Pilet, 2015).
Du point de vue du sujet cognitif, les élèves engagent des processus de
conceptualisation de notions au cours et à la suite de la résolution de situations et de
tâches des domaines mathématiques relatifs aux savoirs travaillés en classe. De plus,
l’apprentissage dépend aussi de l’activité développée par chaque élève lors de la
réalisation des tâches proposées et de sa perception des buts. Nous faisons référence

17
Par exemple dans le système scolaire français les deux ruptures évoquées précédemment
ont principalement lieu lors du passage du cycle 3 au cycle 4.
126 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

ici à la distinction entre tâche et activité, tâche prescrite et tâche effective ainsi qu’à
la double régulation de l’activité (Robert & Rogalski, 2005 ; Vandebrouck, 2013).
En particulier selon les énoncés des tâches, leur résolution nécessitera des mises en
fonctionnement des connaissances anciennes et nouvelles des élèves, sous forme
d’application directe ou non, et parfois des adaptations à la charge des élèves
(Castela, 2008 ; Robert, 1998, 2010), ce qui définit leur complexité. Les adaptations
que les élèves auront à faire relèvent de plusieurs aspects : reconnaissance de
modalités d’application des propriétés et de leurs domaines de validité, introduction
d’intermédiaires, changement de points de vue et mises en relation. L’activité dépend
aussi des déroulements en classe, ainsi que de l’autonomie et de la responsabilité
laissées à la charge de l’élève.
Nous faisons l’hypothèse que la mise en perspective de ces trois points de vue – du
côté du savoir, du côté de l'institution et du côté de l’élève – permet de définir des
besoins d’apprentissage d’un apprenant aidant à la régulation des apprentissages.
Ce travail peut s’inscrire dans plusieurs moments de l’étude18 :
− faire prendre conscience et négocier des ruptures d’ordre épistémologique non
abordées au cours des moments de la première rencontre et de l’exploration du
bloc praxique en abordant les limites de portée de certaines techniques.
Développer l’exploration du bloc praxique et la construction du bloc
technologico-théorique (concepts d’expression littérale, d’équation, etc.). Ceci
est abordé très partiellement dans la plateforme ;
− remettre en question les techniques et technologies erronées mises en jeu par des
élèves ;
− renforcer les praxéologies déjà travaillées lors des premiers temps du travail de
l’organisation mathématique et de la technique, en les articulant avec d’autres
praxéologies (résoudre des équations à coefficients dans Q après avoir travaillé
les équations à coefficients dans Z par exemple).
Cette approche permet d’éclairer les technologies développées par les élèves,
anciennes, idoines ou erronées, et de déterminer des praxéologies à travailler pour
montrer l’inadaptation de technologies anciennes et pour expliciter des discours
technologiques afin de montrer les limites de portée de techniques (Kaspary et al.,
2020). Un moyen de prendre en compte l’apprenant et son rapport au savoir à
travailler est développé dans la section suivante avec le mode technologico-théorique
de l’apprenant dans un domaine donné.

18
Comme spécifié dans la section 1, tous ces moments ne sont pas ciblés par la plateforme.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 127

2.4 Modes technologico-théoriques et modèle didactique de l’apprenant


Grugeon (1997) définit un modèle de l’apprenant, repris dans Grugeon-Allys et al.
(2012), qui donne un modèle intelligible du rapport personnel de l’élève à un savoir
donné dans une institution donnée, nommé profil de l’élève. Celui-ci décrit en termes
de cohérences sur le domaine de savoir étudié, les principaux traits des activités
effectives de l’élève, activités parfois erronées. Les éléments abordés dans la suite
de cette section sont toujours relatifs à un domaine de savoir donné. Pour chaque
tâche d’une praxéologie locale, une description de l’activité de l’élève au niveau
microscopique d’une tâche prenant en compte la composante praxis c’est-à-dire les
techniques, rend difficile une synthèse significative et opératoire des activités
effectives de l’élève sur le domaine de savoir travaillé. Le modèle de l’apprenant
repose sur un niveau macroscopique de description de l’activité de l’élève sur les
tâches du domaine, en prenant en compte la composante logos de l’activité, c’est-à-
dire, technologie et théorie. Cette démarche permet ainsi une opérationnalité du
modèle de l’apprenant pour concevoir des parcours d’apprentissage adaptés aux
besoins d’apprentissage.
Ce modèle a été formalisé dans le cadre de la TAD (Grugeon-Allys, 2016). L’étude
du développement des apprentissages s’appuie sur l’analyse des praxéologies
apprises de l’élève, praxéologies convoquées au cours de la résolution de tâches. Il
s’agit de situer les praxéologies apprises relatives à un savoir mathématique au
regard des praxéologies à enseigner et de celles enseignées. Dans ce dessein, nous
utilisons un MPR du domaine19 à partir d’une hiérarchisation des éléments de la
composante logos au regard des technologies et théories attendues dans une
institution donnée. Cette hiérarchie vise à inférer des conditions didactiques pour
caractériser des parcours en relation avec les besoins d’apprentissages d’élèves.
Pour une praxéologie locale donnée, un mode technologico-théorique correspond à
la composante logos mise en jeu de façon dominante dans la variété des techniques
/ technologies personnelles, correctes ou erronées, employées par l’élève au cours de
la résolution de différentes tâches de cette praxéologie. Ces modes sont définis a
priori à partir d’une étude épistémologique du côté du savoir et du côté des élèves,
en lien avec les institutions en jeu : mode technologico-théorique relevant d’un logos
« ancien » (par exemple arithmétique en ce qui concerne l’algèbre), mode

19
Nous nous distinguons ici de l’approche de Croset et Chaachoua (2016) avec les
praxéologies personnelles. En effet dans le cas des praxéologies personnelles, l’élève est
considéré comme une institution avec des types de tâches erronés. Nous ne prenons en
compte que les praxéologies institutionnelles, mais pour lesquels des techniques et
technologies erronées ont été développées. Nous faisons donc référence aux praxéologies
apprises.
128 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

technologico-théorique relevant d’un logos muet ou incomplet ne permettant pas de


contrôler des techniques personnelles erronées, mode technologico-théorique
attendu dans l’institution. Dans l’exemple de la section 2.1, on peut faire l’hypothèse
que l’élève relève du mode ancien arithmétique. Les modes technologico-théoriques
sont spécifiés pour chacune des praxéologies constitutives du domaine
mathématique. Dans le cas de l’algèbre élémentaire, les modes technologico-
théoriques sont spécifiés selon les praxéologies : calculer, modéliser, représenter,
justifier (Grugeon-Allys, 2016). Pour la géométrie ces modes technologico-
théoriques sont définis dans la partie 4 de cet article pour la praxéologie construire.
Le modèle didactique de l’apprenant est ainsi structuré par un n-uplet20 de modes
technologico-théoriques développés par l’apprenant pour les praxéologies
constitutives d’un domaine mathématique. Dans le cas d’un mode technologico-
théorique relevant d’un logos incomplet, une typologie d’erreurs y est associée. C’est
ce modèle, complété par la prise en compte des réussites aux exercices, qui est
exploité pour décrire le profil d’un élève.

2.5. Nos hypothèses et questions de recherche


Dans les sections précédentes, nous avons présenté le cadre didactique retenu pour
une modélisation du savoir, des besoins d’apprentissage et du modèle de l’apprenant.
Nous faisons l’hypothèse que la prise en compte de différentes approches,
épistémologique, institutionnelle et cognitive, par une conjugaison de théories
didactiques, permet de définir les conditions didactiques pour concevoir des parcours
adaptés aux besoins d’apprentissage d’élèves sur une plateforme d’entraînement aux
mathématiques.
Plus précisément nous allons répondre aux questions suivantes :
− En quoi la définition praxéologique d’une tâche, affinée par des variables
didactiques de portée et de complexité, permet-elle la définition d’une famille
de tâches, pour une praxéologie locale donnée, et in fine la génération
d’exercices qui se laissent implémenter dans un EIAH ?
− En quoi une telle définition permet-elle de concevoir des parcours, en lien avec
les besoins d’apprentissage de l’apprenant, transposables dans un EIAH ?

3. Développements proposés dans le cadre du projet


Pour répondre aux questions présentées ci-dessus, nous présentons successivement
le modèle didactique de la famille de tâches, le modèle didactique de parcours et

20
La valeur de n dépend du domaine mathématique étudié.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 129

enfin une représentation informatique qui permet leur exploitation. Nous illustrons
nos approches en continuant à développer l’exemple introduit dans la section 2.1, la
section 4 étant consacrée à la présentation d’un exemple détaillé en géométrie.

3.1. Modèle didactique de la famille de tâches


Dans le projet, nous devons générer des tâches, aussi bien en algèbre qu’en
géométrie, pour créer des exercices21. Afin de pouvoir répondre aux différents
objectifs de la plateforme, nous caractérisons une tâche générée par :
− les savoirs en jeu dans la tâche ;
− sa conformité à un curriculum donné ;
− la ou les techniques permettant de réaliser cette tâche et les technologies
mobilisées dont celle visée ;
− sa complexité.
Ces différents éléments permettent de positionner les tâches les unes par rapport aux
autres dans la perspective de la construction des parcours et d’identifier les
technologies erronées plausibles par rapport à la tâche.
Pour ce faire, nous nous appuyons sur la modélisation du savoir (section 2.2) et la
modélisation de l’apprenant (section 2.4). Nous utilisons un modèle praxéologique
de référence relatif au savoir en jeu et les modes technologico-théoriques mis en jeu
par un apprenant en cours d’apprentissage de ce savoir. Chaque domaine, algèbre et
géométrie, est considéré comme une praxéologie mathématique globale (OMG) et
est structuré en praxéologies régionales (OMR) et locales (OML). Nous présentons
une telle structuration de la géométrie dans la section 4.1.
In fine, une tâche est produite à partir d’un générateur, qui est dans une OML, elle-
même incluse dans une OMR. Ces différents niveaux d’inclusion permettent de
caractériser l’articulation entre les savoirs à un niveau élevé de granularité. Par
exemple dans le domaine de l’algèbre, l’OMR des expressions algébriques contient
les OML calculer, représenter, modéliser et justifier. L’OML modéliser mobilise
des éléments de l’OML représenter ; tandis que l’OML justifier mobilise les trois
autres. Ainsi, il est possible d’avoir un premier positionnement des praxéologies les

21
Il est important de noter qu’il a été choisi dans le projet, notamment en raison de contraintes
informatiques, de proposer des exercices constitués d’une seule tâche. Les problématiques
liées à l’articulation de plusieurs questions dans un même exercice ne se posent donc pas
dans le cadre de notre travail.
130 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

unes par rapport aux autres et de penser des parcours de l’élève en prenant en compte
les interactions entre ces différents niveaux de structuration du savoir. Nous
illustrons cette structuration, pour l’algèbre, sur la Figure 1.

Figure 1. Illustration de la structuration de l'algèbre et des relations entre les niveaux


Comme nous l’avons montré dans la section 2.1 avec les trois exercices qui relèvent
tous de l’OML de la résolution des équations ; au niveau de l’OML nous ne
disposons pas encore d’une précision suffisante pour générer et surtout discriminer
des tâches d’une praxéologie donnée au regard des objectifs de caractérisation que
nous avons fixés ci-dessus. L’OML est donc, à son tour, constituée de praxéologies
ponctuelles. Par exemple, l’OML calculer des expressions algébriques est constituée
de trois praxéologies ponctuelles : développer, factoriser et réduire une expression
algébrique. Pour modéliser ces praxéologies ponctuelles, dans le modèle T4TEL,
Chaachoua et al. (2019) définissent des générateurs de types de tâches. Un processus
de construction des trois générateurs développer, factoriser et réduire une expression
algébrique est détaillé dans (Jolivet, 2018).
Nous précisons l’usage des générateurs de types de tâches proposés dans T4TEL en
distinguant deux ensembles de variables : d’une part les variables de types de tâches
(Chaachoua et al., 2019) et d’autre part les variables de tâches (Grugeon-Allys et al.,
2018 ; Lesnes-Cuisiniez & Grugeon-Allys, 2019). Le choix des valeurs des variables
de type de tâches permet de définir différents types de tâches, rendant compte de
l’agrégation de différentes technologies dans l’OML. Les variables de tâches et le
choix de leurs valeurs ont une double fonction : d’une part, caractériser la portée de
certaines techniques (cette fonction est partiellement prise en charge, comme prévu
par Chaachoua et al. (2019), par certaines valeurs des variables de types de tâches)
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 131

et d’autre part caractériser la complexité des tâches. Ainsi, ce que nous appelons un
générateur de familles de tâches est défini par un verbe d’action, un complément
fixe, un ensemble de variables de types de tâches – et leurs valeurs – et un ensemble
de variables de tâches – et leurs valeurs. L’instanciation des variables de types de
tâches permet de définir des types de tâches. À partir de ceux-ci, l’instanciation des
variables de tâches permet de définir des familles de tâches. Une famille de tâches
est un ensemble de tâches que le choix des valeurs des variables nous amène à
considérer comme semblables à l’aléatoire de génération près. Il s’agit du niveau de
granularité le plus fin que nous définissons dans la modélisation du savoir construite.
Nous illustrons maintenant ces éléments à l’aide de l’exemple abordé dans la section
2.1. La tâche « Résoudre l’équation 4x + 3 = 7 », concerne le domaine de l’algèbre,
au sein de l’OMR des équations et dans l’OML calculer sur les équations. Dans cette
OML nous considérons le générateur qui est défini par le verbe d’action
« Résoudre », le complément fixe « une équation du premier degré » et les variables
suivantes :
− variable de type de tâches 1 (VT1) : structure de l’équation ;
− variable de type de tâches 2 (VT2) : nombre de solutions de l’équation ;
− variable de tâches 1 (Vt_P1) : nature des solutions ;
− variable de tâches 2 (Vt_C1) : nature des coefficients ;
− variable de tâches 3 (Vt_C2) : complexité de la réécriture.
Les différentes valeurs de VT1 sont détaillées dans la Figure 2. Elles permettent de
distinguer, par exemple, les équations de la forme ax + b = c de celles de la forme
ax + b = cx + d. Ce qui est pertinent à la fois sur le plan institutionnel et sur le plan
des techniques associées. La variable Vt_P1 est fondamentale pour rendre compte
de la portée des techniques de nature arithmétique, qu’on veut voir évoluer au profit
des techniques algébriques. Or, le choix d’une racine rationnelle non décimale (dans
Q \ D) est un moyen de rendre les techniques arithmétiques inopérantes, d’où
l’intérêt de définir la variable Vt_P1 à laquelle on associe en particulier deux
valeurs : Q \ D et D. Les deux variables Vt_C1 et Vt_C2 permettent de caractériser
la complexité de l’équation à résoudre. La variable Vt_C2, complexité de la
réécriture, indique s’il y a nécessité de convoquer les OMP développer et réduire
une expression algébrique, qui appartiennent à une autre OMR, préalablement à la
résolution algébrique de l’équation ax + b = cx + d avec a −c ≠ 0.
132 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

Figure 2. Structuration des valeurs de la variable de types de tâches 1 du générateur


"Résoudre une équation du 1er degré"
À partir de ce générateur, nous pouvons définir la famille de tâches Ft_1 : {forme de
l’équation : ax + b = c ; nombre de solutions : 1 ; nature des solutions : N ; nature
des coefficients : N ; complexité de la réécriture : aucune réécriture nécessaire} à
partir de laquelle il va être possible de générer l’exercice « Résoudre l’équation
4x + 3 = 7 » en fixant de manière aléatoire les coefficients a, b et c de VT1 tout en
respectant les contraintes définies par les valeurs des autres variables22. On peut noter
que les exercices, Ex 2 « Résoudre l’équation 5x – 3 = 2x + 1 » et Ex 3 « Résoudre
l’équation 3x² – 2x + 5 = 3(x² – 6x + 7) » n’appartiennent pas à Ft_1 mais,
respectivement à Ft_2 = {forme de l’équation : P(x) = Q(x) avec d°(P), d°(Q) < 2,
soit ax + b = cx + d avec a et c ≠ 0 ; nombre de solutions : 1 ; nature des solutions :
Q \ D ; nature des coefficients : Z ; complexité de la réécriture : aucune réécriture
nécessaire} et Ft_3 = {forme de l’équation P(x) = Q(x) avec d°(P) = d°(Q) = 2 et
d°(P − Q) = 1 ; nombre de solutions : 1 ; nature des solutions : D ; nature des
coefficients : Z ; complexité de la réécriture : développement et réduction}.
Dans le projet, nous exploitons ce générateur de diverses manières. Tout d’abord, les
types de tâches sont obtenus par instanciation des valeurs des variables de types de
tâches. Ce premier niveau permet de définir une structuration de l’ensemble des
équations du premier degré, pertinente au regard des programmes de cycle 4 et d’un
point de vue didactique. Puis, à un deuxième niveau, des familles de tâches (Ft) sont
définies au sein d’un type de tâches en fixant une valeur pour chacune des variables

22
Le travail de génération et de vérification des contraintes est réalisé par le partenaire
CabriLog.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 133

de tâches. Il s’agit du plus petit élément pouvant être produit par un générateur. C’est
donc à partir d’une famille de tâches que vont être produites les tâches qui seront
communiquées à l’élève. Les choix réalisés dans la définition des familles de tâches,
c’est-à-dire le choix des combinaisons de valeurs de VT et Vt, visent deux fonctions :
− produire des familles de tâches qui permettent de motiver et travailler le passage
d’une technique à une autre en jouant sur leurs portées et la technologie en jeu ;
− produire des familles de tâches qui mobilisent la même technique, mais sont plus
ou moins complexes en terme d’activité cognitive sollicitée à travers la
convocation de types de tâches relevant d’une autre OMR.
Dans un deuxième temps, la structuration des valeurs des variables de types de tâches
et de tâches permet d’obtenir une structuration des familles de tâches. Elle est
illustrée par la Figure 3. Les branches avec « … » ne sont pas développées, mais se
poursuivent à l’image de la branche « centrale » qui est plus détaillée. C’est la
combinaison de cette structuration des familles de tâches et des fonctions
précédemment définies des différentes variables, qui va permettre de concevoir un
premier niveau de parcours.

Figure 3. Illustration partielle de la structuration des types de tâches et familles de tâches


pour la résolution des équations du 1er degré.
Attribuer un niveau de conformité institutionnelle aux différentes valeurs de
variables de types de tâches et variables de tâches permet d’indiquer l’adéquation
entre une famille de tâches et un niveau institutionnel. Cette approche est détaillée
dans (Jolivet et al., 2022).
Le modèle didactique de la famille de tâches que nous avons défini permet ainsi de
définir l’ensemble des possibles (c’est-à-dire l’ensemble des familles de tâches
produites à l’aide d’un générateur). Nous allons maintenant présenter l’organisation
de ces éléments pour produire des parcours.
134 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

3.2. Modèle didactique de parcours


Nous avons vu dans les sections 2.3 et 2.4 que les besoins d’apprentissage de l’élève
dépendent de son profil et sont corrélés aux modes technologico-théoriques le
caractérisant selon les praxéologies constitutives du domaine dans lequel le travail a
lieu. Nous avons aussi rappelé la nécessité de proposer des tâches en conformité avec
les attentes institutionnelles. Il s’agit maintenant de préciser les fondements
permettant d’organiser les différents exercices en parcours, qui répondent à ces
besoins d’apprentissage. Pour définir des parcours, nous nous appuyons sur les
variables de type de tâches, les variables de portée et de complexité pour définir une
chronologie entre tâches. Par exemple, pour la structuration présentée dans la figure
3, nous identifions tout d’abord la famille de tâches Ft2 comme étant le cœur de cible
des apprentissages visés en classe de 4e et de 3e. En amont de ce cœur de cible, on
va pouvoir faire travailler les élèves dans le type de tâches T1.1.1 avec une transition
organisée du type de tâches T1.1.1.1 vers le T1.1.1.2 pour les amener d’une
résolution arithmétique vers une résolution algébrique. Le passage au type de tâches
T1.1.2 au sein duquel la résolution des tâches met en jeu des manipulations
d’expressions algébriques du type réduction et/ou développement va permettre de
poursuivre la construction du bloc technologico-théorique visé dans l’institution en
mobilisant une OML externe à celle de la résolution des équations du 1er degré. Enfin
l’identification des familles de tâches Ft1, Ft2 et Ft3 permet de faire varier la
complexité des tâches, complexité qui va encore pouvoir être augmentée en allant
explorer les familles du type de tâches T1.1.3.
En complément de cette structuration du savoir, on prend aussi en compte le mode
technologico-théorique de l’apprenant, relatif au domaine travaillé, pour l’amener à
travailler au plus près de ses besoins d’apprentissage. C’est ce mode qui permet de
déterminer à quelle distance il faut remonter en amont de la famille de tâches cibles,
et s’il est nécessaire de remobiliser des familles de tâches qui ont pour enjeu de faire
prendre conscience à l’apprenant de l’insuffisance de techniques fondées sur des
technologies anciennes. C’est aussi la prise en compte du mode technologico-
théorique qui permet de répartir les exercices autour de la cible, qui est l’objectif
commun à tous les élèves, selon leur complexité.
On peut ainsi représenter de manière simplifiée le modèle de parcours issu du
Tableau 1. Les pourcentages23 indiquent le volume approximatif de travail qu’il est
prévu de consacrer à la famille de tâches de la colonne. Nous ne discutons pas dans

23
Ces pourcentages sont fixés suite à des expérimentations menées en classe notamment
autour de la recherche sur Pépite. Ils pourront être réinterrogés au regard des résultats de
l’expérimentation de la plateforme MindMath.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 135

cet article des mécanismes déterminant le passage d’une famille de tâches à une
autre, il est cependant possible que les deux dernières colonnes ne soient pas ou peu
explorées. Il est par contre nécessaire que la colonne cible le soit, si besoin à la suite
des actions de l’enseignant pour retravailler les éléments nécessaires dans les
colonnes précédentes. Un exemple détaillé d’un tel parcours en géométrie est
présenté dans la section 4.4.
Tableau 1. Modèle simplifié de parcours en fonction du mode technologico-théorique.

Familles de Familles de Familles de Familles de Familles de


tâches tâches tâches tâches tâches cibles
pouvant être pivots pour cibles : cibles en avec
Mode
résolues négocier la mobilisation restant dans convocation
technologico-
avec une rupture de la l’OMR de
théorique
technologie technologie travaillée praxéologies
ancienne visée d’autres
OMR
Ancien non 10% 20% 50% 20%
idoine
Incomplet 15% 50% 20% 15%
Idoine 40% 40% 20%

3.3. Représentation informatique du savoir et de l’activité mathématique


Un enjeu central du projet est de pouvoir exploiter informatiquement les différents
aspects définis précédemment. Il s’agit donc de représenter, de manière structurée,
les praxéologies et d’autres éléments liés au modèle de l’apprenant. Pour cela nous
avons construit une ontologie, c’est-à-dire : « dans le contexte de l’informatique et
des sciences de l’information, une ontologie définit un ensemble de représentations
élémentaires avec lesquelles modéliser un domaine de la connaissance ou du
discours. Les représentations élémentaires sont généralement des classes (ou
ensembles), des attributs (ou propriétés) et des relations (ou liens entre les instances
des classes). » (Gruber, 2009).
Nous avons donc une approche similaire à celle développée dans le projet
Cartographie des savoirs, au sein duquel une représentation informatique du savoir
pour les disciplines mathématiques et français du cycle 2 a été produite (Mandin &
Guin, 2014) permettant de construire « différents services (production de profils des
élèves, production de tests de diagnostic, etc.) » (Chaachoua, 2018, p. 21).
L’utilisation de ce type de représentations a aussi été développée par Jolivet (2018)
136 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

avec l’exploitation d’une telle ontologie basée sur l’utilisation de générateurs de


types de tâches. Une autre exploitation, toujours basée sur la même approche et
mettant en jeu la portée des techniques est présentée dans (Vu & Tchounikine, 2020).
Dans le cadre du projet MindMath, l’ontologie construite sert de pivot pour la
communication et l’échange d’informations entre les différents partenaires du projet.
Elle permet de structurer et d’expliciter les différents concepts didactiques mis en
jeu. Nous commençons tout d’abord par déclarer les niveaux praxéologiques
globaux, régionaux et locaux qui permettent de modéliser et de structurer le domaine
de savoir et mettons en exergue les relations qui les lient. Par exemple, nous
explicitons le fait que l’OMR des expressions algébriques est mobilisée dans l’OMR
des équations. De même, au sein de l’OMR des expressions algébriques, l’OML
prouver va mobiliser les OML modéliser, représenter et calculer. L’explicitation de
ces relations est nécessaire pour la construction des parcours. Nous déclarons aussi
les différentes théories (au niveau des OMG) et les différentes technologies (au
niveau des OMR) qui rentrent en jeu dans la description des praxéologies.
Une fois ce premier niveau transversal explicité, nous définissons les éléments
permettant de construire les générateurs qui décrivent les OML. Pour un générateur
donné, nous définissons les variables de types de tâches et variables de tâches ainsi
que les valeurs associées. Ces valeurs sont déclarées de manière structurée par le
moyen d’ensembles inclus ou disjoints (voir Figure 2). Cette modélisation permet de
définir des types de tâches (vecteurs de valeurs fixées de variables de types de tâches)
et des familles de tâches (vecteurs de valeurs fixées de variables de types de tâches
et de variables de tâches), mais aussi de calculer, en raisonnant sur l’ontologie, la
structuration de ces éléments, à l’image de la Figure 3 présentée précédemment. À
ces types de tâches et familles de tâches sont associées les techniques qui permettent
de les réaliser. Pour une technique nous déclarons deux relations importantes : une
technique est justifiée par une technologie et, le cas échéant, une technique met en
jeu un ingrédient qui est un type de tâches issu d’un autre générateur. Ces relations
sont exploitées pour la conception de parcours, par exemple en permettant de
regrouper des exercices issus de familles de tâches différentes, mais qui mobilisent
une même technologie.
D’autre part, l’ontologie contient aussi les modes technologico-théoriques et les
technologies erronées (identifiées a priori au moyen du travail d’analyse didactique)
qui y sont associées. Nous exploitons ces technologies erronées à un double niveau.
Tout d’abord, de manière locale, quand l’élève réalise une tâche, pour produire des
rétroactions aux apprenants qui intègrent les savoirs visés, mais qui prennent aussi
en compte une hypothèse sur ce qu’a été leur activité lors de la résolution de la tâche
pour les amener à faire évoluer leur rapport au savoir. Puis, d’une manière plus
globale, pour la construction des parcours, en identifiant les modes technologico-
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 137

théoriques qui permettent de définir des catégories d’erreurs liées, non pas seulement
au savoir travaillé, mais aussi à des savoirs antérieurs non maitrisés par l’apprenant.
Enfin, ces éléments sont liés aux institutions dans lesquelles ils sont conformes. Ceci
est le moyen de déterminer non seulement l’adéquation d’une tâche à un niveau
scolaire donné, mais aussi de connaitre la viabilité et l’idonéité d’une technologie
pour un niveau donné et ainsi d’adapter les rétroactions à l’apprenant en fonction de
son mode technologico-théorique en cours. Les rapports entre techniques,
technologies et institutions sont le fondement du calcul des parcours.

3.4 Synthèse
Dans cette troisième section nous avons donc présenté l’ensemble des modèles
didactiques définis et exploités dans le cadre du projet MindMath permettant la
représentation du savoir, la mise en relation de l’activité de l’élève avec le savoir et
la représentation informatique de ces modèles. Ils permettent à la fois l’identification
de familles de tâches, la génération de tâches, ainsi que la conception et la génération
de parcours d’apprentissage. Nous avons choisi comme domaine d’illustration celui
de l’algèbre qui a, par ailleurs, été déjà exploité dans divers travaux. La quatrième
section de cet article propose la mise en fonctionnement de ces différents éléments
dans le domaine de la géométrie, et plus précisément dans le cas des triangles.

4. Illustration sur l’organisation mathématique régionale des triangles


Contrairement à l’algèbre, il n’y a pas de travaux antérieurs concernant la
construction d’un MPR en géométrie. Des EIAH existent déjà, mais sont basés sur
d’autres types de modélisation. On peut, par exemple, citer geogebraTUTOR et son
évolution QED-Tutrix, qui s’appuient sur la construction d’un Espace de Travail
Géométrique de référence (Tessier-Baillargeon et al., 2014 ; Font et al., 2018). Nous
commençons donc cette section par une présentation de quelques éléments relatifs à
la construction d’un tel MPR dans la partie 4.1.
Notons, avant cela, que les objets géométriques et les outils de construction peuvent
prendre des formes sensiblement différentes dans l’environnement informatique et
dans l’environnement papier-crayon. Dans cet article, nous nous intéressons à la
phase de définition des différents éléments théoriques et pratiques permettant la prise
en compte du didactique dans la construction de l’EIAH MindMath. Nous
n’analysons pas les phénomènes de genèses instrumentales (Rabardel, 1995) et les
effets de la transposition informatique (Balacheff, 1994). Nous utilisons donc les
mots outil ou instrument dans un sens générique et sans distinguer celui tangible de
l’environnement papier-crayon de celui virtuel de l’environnement de géométrie
dynamique exploité dans la plateforme MindMath.
138 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

4.1. Modèle praxéologique de référence relatif à la construction de triangles


au cycle 4

4.1.1 Construction de figures planes et raisonnement déductif


En nous plaçant dans le cadre de la théorie anthropologique du didactique, nous
considérons que la discipline des mathématiques est composée de praxéologies
globales dont la géométrie. Celle-ci est elle-même composée de deux praxéologies
régionales : une relative aux figures géométriques planes et une relative aux solides
géométriques. La praxéologie régionale relative aux figures géométriques planes est
structurée en cinq praxéologies locales (cf. Figure 4) : construction de figures
géométriques, preuve mettant en jeu des figures géométriques, représentation des
figures géométriques, calcul de grandeurs de figures géométriques et modélisation
par des figures géométriques.

Figure 4. Description en OMR et OML de la géométrie plane


Du cycle 3 au cycle 4, les élèves passent de la géométrie des tracés matériels avec
des instruments à la géométrie théorique des démonstrations (Mathé et al., 2020). Ils
passent donc de l’étude des figures matérielles à celle des situations géométriques
définies par un texte, où les figures géométriques représentent alors toutes les figures
matérielles possibles définies par le texte. Mais cette évolution constitue une rupture
qui tient en particulier au mode de validation des énoncés. Au cours du cycle 3, la
simple perception, puis la perception guidée par les instruments de tracé ou de
mesure portant sur les objets matériels ou graphiques suffisent. En revanche, à la fin
du cycle 3, et surtout au cycle 4, l’élève doit établir un discours logique à partir des
énoncés décrivant des propriétés d’objets théoriques ou de relations entre ces objets.
Dans la suite des travaux de Perrin-Glorian et Godin (2018) qui font l’hypothèse que
la géométrie des tracés permet de travailler cette transition, nous nous intéressons ici
à la genèse du raisonnement déductif de la géométrie théorique en considérant les
problèmes de construction comme un levier pour l’entrée dans un tel raisonnement.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 139

Il est possible de considérer les problèmes de construction soit en s’intéressant à la


manipulation des instruments, soit en s’intéressant au raisonnement nécessaire à la
réalisation de la construction puis à sa validation. Dans cet article, nous nous plaçons
dans le second cas. Nous avons donc défini un MPR afin de modéliser l’activité
géométrique relative à la construction de figures en géométrie plane dans le champ
d’action des cycles 3 et 4. Nous cherchons à décrire a priori les praxéologies
institutionnelles et les praxéologies apprises par les élèves à la transition
cycle 3 – cycle 4 en caractérisant leurs composantes praxiques (types de tâches,
techniques) et logos (technologies, théories)24.
Dans un premier temps, notre MPR de la géométrie plane à l’école et au collège est
fondé sur des études épistémologiques, didactiques et institutionnelles. Nous
étudions des aspects historiques de la construction de la géométrie euclidienne
(Vitrac, 1990) et leur transposition didactique à partir de l’analyse de manuels et des
programmes scolaires. Cette étude nous permet de caractériser les praxéologies
institutionnelles visées en lien avec les paradigmes géométriques et le statut de la
validation pour la justification des solutions (Houdement et Kuzniak, 2006).
Dans un deuxième temps, nous étendons le modèle praxéologique de référence en
prenant en compte des impacts potentiels, sur l’apprentissage des élèves, d’une
négociation insuffisante de la rupture d’ordre épistémologique en géométrie
auxquels sont confrontés les élèves dans la transition entre les institutions cycle 3 et
cycle 4, voire de décalages potentiels entre rapports institutionnels. Nous faisons
l’hypothèse que cette rupture concerne des aspects épistémologiques liés à la fois
à l’appréhension des figures et au raisonnement. Les aspects en lien avec
l’appréhension des figures mettent en jeu la distinction entre dessin et figure
(Laborde et Capponi, 1994), la distinction entre propriétés spatiales et propriétés
géométriques (Berthelot et Salin, 1992) ainsi que les appréhensions iconiques et non
iconiques des figures (Duval, 1994, 2005). Les aspects liés au raisonnement mettent
en jeu les types de preuves (Balacheff, 1987 ; Tanguay, 2002) dont la distinction
entre argumentation et raisonnement déductif (Duval, 1992), ainsi que l’élaboration
d’heuristiques (Duval, 1988). La validation nous intéresse plus particulièrement, en
distinguant notamment l’usage des instruments de l'usage des propriétés pour valider
(Houdement et Kuzniak, 2006).

24
La construction du modèle praxéologique de référence est un objet de la thèse de Lesnes-
Cuisiniez (2021).
140 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

4.1.2 Construction de triangles


Nous développons maintenant le cas de la construction des triangles, « Construire
un triangle à partir des angles et des côtés » étant un générateur de la praxéologie
locale relative à la construction de figures.
Les triangles font partie des objets de base de la géométrie euclidienne, enseignée à
l’école primaire puis au collège. Dès le cycle 2, dans les programmes de 2020,
certains triangles particuliers sont définis par des propriétés concernant leurs angles
et/ou les longueurs de leurs côtés. À partir du type de tâches « construire un
triangle », nous faisons donc un premier découpage selon la nature du triangle à
construire. Nous obtenons ainsi une partition de l'ensemble des triangles qui
correspondent aux types de tâches suivants : construire un triangle scalène non
rectangle, construire un triangle isocèle non rectangle et non équilatéral, construire
un triangle équilatéral, construire un triangle rectangle non isocèle et construire un
triangle isocèle rectangle.
De plus, la construction d’un triangle d’une de ces familles, et sa validité, s’appuient
sur la mobilisation de technologies déterminées par les éléments donnés dans
l’énoncé. Ces technologies sont, soit communes à tous les triangles (inégalité
triangulaire, somme des mesures des angles, etc.), soit spécifiques à certaines
familles (théorème de Pythagore, égalité des angles de la base d’un triangle isocèle,
etc.). Elles permettent d’obtenir des informations qui complètent celles de l’énoncé
pour rendre possible la construction du triangle avec les instruments disponibles.
Selon la construction à réaliser et l’énoncé (données numériques, outils à disposition,
etc.), l’élève devra donc mobiliser une ou des propriétés pour résoudre la tâche qui
lui est proposée. Ainsi, pour l’exemple proposé Figure 5, l’absence d’un instrument
de report de longueur rend nécessaire la mobilisation de deux technologies pour la
réalisation de la tâche comme le montre la technique de réalisation de cette tâche
présentée dans le Tableau 2.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 141

Figure 5. Tâche de construction avec limitation des instruments disponibles


Tableau 2. Technique attendue possible de résolution de l'exemple de la figure 5
142 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

4.2 Modes technologico-théoriques de l’élève relatifs à la construction de


triangles
Les modes technologico-théoriques relatifs à la construction de figures en géométrie
plane sont définis à partir du MPR de la géométrie plane que nous avons construit.
Nous en caractérisons trois :
− un mode correspondant à une construction validée par la perception ou le recours
à la mesure ;
− un mode correspondant à une construction appuyée sur un raisonnement
déductif, mais avec mobilisation de technologies erronées : utilisation de
propriétés fausses ou dont les conditions d’application ne sont pas remplies,
erreurs dans la chronologie des pas de construction ou dans l’enchaînement des
pas ;
− un mode correspondant à une construction appuyée sur un raisonnement déductif
correct.
Nous faisons l’hypothèse que les élèves relèvent généralement du premier de ces
trois modes à l’issue du cycle 3, l’enjeu est de les amener au troisième durant le
cycle 4.
Comme il est présenté dans la section 4.1.1, l’activité géométrique de l’élève relève
de différentes OML, qui peuvent par ailleurs entrer en interaction. Par exemple pour
construire un triangle (OML relative à la construction), il peut être nécessaire de
calculer la mesure d’un de ses angles ou d’un de ses côtés (OML relative au calcul
de grandeurs). Caractériser le mode technologico-théorique d’un élève en géométrie
plane nécessite donc d’étudier son activité sur les différentes OML.

4.3 Modèle didactique des tâches de construction de triangles


L’OML relative à la construction des figures planes, et en particulier des triangles,
est composée de différents générateurs selon le principe de structuration présenté
dans les sections 3.1 et 3.3 : générateur « construire un triangle à partir des côtés et
des angles », générateur « construire un triangle à partir des droites remarquables »,
etc.
Dans cette section nous décrivons le générateur « Construire un triangle à partir des
côtés et des angles ». Pour cela nous décrivons les variables de types de tâches, les
variables de tâches, leurs valeurs respectives et les familles de tâches que nous
implémentons dans la plateforme MindMath. Dans la section 4.4, nous présentons
l’exploitation de ce générateur pour la définition de parcours d’apprentissage.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 143

La première variable de type de tâches (VT1) de ce générateur correspond à la


« nature du triangle à construire » qui peut prendre les valeurs : triangle scalène non
rectangle ; triangle isocèle non rectangle et non équilatéral ; triangle équilatéral ;
triangle rectangle non isocèle ; triangle isocèle rectangle.
La deuxième variable de type de tâches (VT2) concerne les données de l’énoncé :
trois grandeurs côtés ; deux grandeurs côtés et une grandeur angle ; une grandeur
côté et deux grandeurs angles. Ce choix a été réalisé relativement à la technologie
des cas d’égalité. Ces informations peuvent être données directement (en grandeur
ou en mesure) ou implicitement par les propriétés du triangle à construire, ce qui
laisse à l’élève la charge de les mobiliser. Ainsi dans l’exemple de la Figure 5, c’est
à l’élève de mobiliser le fait que dans un triangle isocèle les angles de la base sont
égaux.
La mobilisation des propriétés des triangles dépend également d’autres facteurs qui
sont décrits par les autres variables. On distingue celles qui permettent de spécifier
la portée de la technique visée et les limites de technologies anciennes (Vt_P) et
celles qui permettent de jouer sur le niveau d’application des connaissances et les
adaptations nécessaires (Vt_C) et donc la complexité de la tâche :
− Vt_P1 : éléments déjà tracés de la figure à construire ;
− Vt_P2 : outils disponibles pour la construction25 ;
− Vt_P3 : registre de représentation et désignation du triangle dans l’énoncé ;
− Vt_C1 : présence d’objets géométriques, externes à la figure à construire,
nécessaires à sa construction.
Nous ne développons ici que le rôle de la variable Vt_P2 qui concerne les outils à
disposition dans l’environnement et qui a un impact important sur la mobilisation
des techniques et des technologies visées. En effet, la disponibilité et l’usage des
outils permettent de disqualifier certaines techniques et rendent nécessaire le fait de
mobiliser d’autres technologies relatives aux triangles. C’est donc un moyen
important d’organiser des parcours d’apprentissage.
Nous avons illustré cet effet sur le cas de la Figure 5 à la fin de la section 4.1.2. En
effet, pour le type de tâches « construire un triangle isocèle à partir de données qui
sont l’angle au sommet et un côté issu de ce sommet », si l’élève dispose du report
de longueurs, il peut mobiliser la technologie un triangle isocèle a deux côtés de
même longueur et reporter la longueur du premier côté sur la demi-droite issue de

25
Cette variable prend notamment les valeurs suivantes : uniquement outils de report de
mesure ; uniquement constructeur d’angles ; report de mesure et constructeur d’angles ; etc.
144 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

l’angle au sommet. En l’absence de l’outil report de longueur, avec uniquement le


constructeur d’angles, il va devoir mobiliser d’autres technologies (la somme des
mesures des angles dans un triangle est égale à 180° et les angles à la base d’un
triangle isocèle sont égaux) pour calculer puis construire un des angles à la base sur
le côté donné. Cet exemple illustre le rôle de cette variable dans la négociation de
l'entrée dans le raisonnement déductif à la transition cycle 3 – cycle 4.
À ces variables de types de tâches et de tâches, s'ajoutent des descripteurs qui
permettent de caractériser la tâche. Les plus importants pour la création des parcours
d'apprentissage sont :
− le niveau institutionnel associé à la famille de tâches ;
− le nombre minimum de propriétés à mobiliser pour résoudre les tâches d’une
famille de tâches.
En effet, le nombre de propriétés à mobiliser dépend du triangle à construire (VT1),
mais aussi de sa désignation dans l’énoncé, du registre de représentation de ce
dernier (schéma codé, énoncé textuel, etc.) (Vt_P3), des données en entrée (VT2),
des instruments à disposition (Vt_P2) et des éléments déjà construits (Vt_P1 et
Vt_C1). La valeur de ce descripteur est donc déduite des valeurs des différentes
variables en prenant aussi en compte les programmes scolaires en vigueur.

4.4 Un exemple de parcours du générateur construire un triangle


Comme il est présenté dans la partie 3.2, des parcours d’apprentissage sont définis a
priori à partir d’une étude didactique et épistémologique, au regard des objectifs
définis par les programmes scolaires. Ils sont fondés sur le MPR de la géométrie
plane que nous avons défini. La structuration du MPR et les informations disponibles
dans l’ontologie permettent la création de parcours d’apprentissage organisés autour
de différents objectifs : étudier un type de triangle en particulier (parcours de
plusieurs familles de tâches à l’intérieur d’un type de tâches « construire un triangle
de type donné »), ou étudier une technologie particulière comme la propriété de la
somme des mesures des angles dans un triangle (parcours transversal à plusieurs
types de triangles). Nous définissons également des parcours différents selon les
modes technologico-théoriques que nous avons décrits dans la section 4.2.
Les algorithmes utilisés par d’autres acteurs du projet MindMath pour proposer des
parcours aux élèves sur la plateforme enrichissent ensuite ceux que nous avons
définis a priori. Ils prennent alors en compte le mode technologico-théorique actuel
de l’élève, sa réussite aux tâches déjà rencontrées, sa réaction aux rétroactions
proposées et les parcours des autres élèves sur la plateforme.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 145

Dans cette partie, nous présentons un exemple de parcours centré sur les propriétés
des angles des triangles isocèles. Il peut être réalisé en classe de 5e pour donner une
raison d’être au raisonnement déductif et pour développer les éléments technologico-
théoriques relatifs au triangle isocèle.
À partir du générateur « Construire un triangle à partir des côtés et des angles », dont
les variables ont été présentées dans la section 4.3, nous avons défini 40 familles de
tâches que nous jugeons pertinentes au cycle 4. Nous nous intéressons ici au type de
tâches « construire un triangle isocèle » et nous présentons dans le Tableau 3 la liste
des familles de tâches qui mettent en jeu une activité sur les angles (la tâche de la
Figure 5 appartient à la famille de tâches Ft5). Concernant les variables, la figure à
construire (VT1) est un triangle isocèle, mais sa désignation dans l’énoncé peut être
diverse (Vt_P3). L’élément fourni de la figure (Vt_P1) est toujours le côté désigné
dans l’énoncé et il n’y a pas d’éléments externes à la figure à construire (Vt_C1).
Tableau 3. Familles de tâches définies à partir du générateur « Construire un triangle avec
les angles et les côtés » mettant en jeu une activité sur les angles dans un triangle isocèle

Ft VT2 Vt_P2 Vt_P3 Nombre minimum de


Données de Outils à Registre de propriétés à mobiliser
l’énoncé disposition représentation
Ft1 La base et un Constructeur Schéma codé 0
angle à la base d’angles avec deux angles
égaux
Ft2 La base et un Constructeur Mots « triangle 1 (propriété des angles
angle à la base d’angles isocèle » égaux du triangle isocèle)
Ft3 La base et un Constructeur Mots « triangle 1 (propriété des angles
angle à la base d’angles + isocèle » égaux du triangle isocèle)
report de
longueurs
Ft4 Un côté qui n’est Constructeur Mots « triangle 2 (propriétés des angles
pas une base et d’angles isocèle » égaux du triangle isocèle et
un angle à la base de la somme des angles
d’un triangle)
Ft5 Un côté qui n’est Constructeur Mots « triangle 2 (propriétés des angles
pas une base et d’angles isocèle » égaux du triangle isocèle et
l’angle au de la somme des angles
sommet d’un triangle)
146 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

Ft6 La base et l’angle Constructeur Mots « triangle 2 (propriétés des angles


au sommet d’angles isocèle » égaux du triangle isocèle et
de la somme des angles
d’un triangle)
Ft7 La base et l’angle Constructeur Mots « triangle 2 (propriétés des angles
au sommet d’angles + isocèle » égaux du triangle isocèle et
report de de la somme des angles
longueurs d’un triangle)
Ft8 La base, l’angle Constructeur Mots « triangle 2 (propriétés des angles
au sommet et un d’angles isocèle » égaux du triangle isocèle et
angle à la base de la somme des angles
tels que d’un triangle)
l’inégalité
triangulaire n’est
pas respectée

Ft1 : les tâches ne demandent la mobilisation d’aucune propriété (dans le cadre de


ce générateur, le fait d’interpréter le codage n’est pas considéré comme la
mobilisation d’une propriété, même si c’est une convocation d’un type de tâches de
l’OML « représenter »). En particulier, l’élève peut ignorer la définition et les
propriétés associées au terme triangle isocèle. Les énoncés des tâches de la famille
de tâches Ft1 sont donnés à partir d’un schéma codant les angles égaux du triangle,
la construction est alors immédiate.
Ft2 : l’énoncé est discursif, la construction n’est plus immédiate puisqu’il faut
mobiliser la propriété caractéristique du triangle isocèle concernant l’égalité des
mesures des angles à la base pour réaliser la construction.
Ft3 : la seule différence avec Ft2 est la mise à disposition d’un outil supplémentaire,
même s’il n’est pas utile. Notre motivation est ici de limiter la mise en place d’un
effet de contrat du type « si un outil est disponible, c’est qu’il est utile ».
Ft4 : c’est une famille de rupture avec les précédentes. Les seules données de
l’énoncé combinées aux instruments à disposition ne suffisent plus pour construire
le triangle demandé. Il est à la charge de l’élève d’élaborer une heuristique pour
déterminer un programme de construction en mobilisant des propriétés. Cela va
l’amener à mobiliser la propriété de la somme des mesures des angles dans un
triangle pour calculer une ou des données manquantes. Les familles de tâches Ft5 et
Ft6 imposent le même type de raisonnement avec des données différentes. Pour Ft7,
on ajoute un outil à disposition pour la même raison qu’indiqué dans Ft3.
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 147

Ft8 : on introduit ici une nouvelle rupture avec une construction demandée qui n’est
pas possible. La justification de cette impossibilité passe par un raisonnement
déductif mobilisant les propriétés du triangle isocèle et de la somme des mesures des
angles dans un triangle.
Une fois ces familles de tâches définies, dans le cadre d’un parcours d’apprentissage
en classe de 5e, nous choisissons de présenter les tâches mises en jeu en augmentant
le nombre minimum de propriétés à mobiliser. Nous nous appuyons sur des aspects
du MPR relevés dans la partie 4.1, qui doivent amener les élèves à développer des
praxéologies attendues au cycle 4 quant à la construction de triangles. L’évolution
des familles de tâches est illustrée pour le début du parcours dans la Figure 6. D’une
manière générale, l’augmentation du nombre de propriétés à mobiliser est liée aux
outils à disposition, aux données de l’énoncé et au registre de représentation en
entrée.

Figure 6. Premières étapes d’un parcours du générateur « construire un triangle à partir des
angles et des côtés »
Comme nous l’avons précisé, ce parcours est défini a priori. Selon les besoins de
l’élève (actualisés par les algorithmes régissant les parcours sur la plateforme),
l’ordre des exercices peut varier, des exercices peuvent s’ajouter ou être supprimés.
Par exemple, pour un élève de cycle 4 qui continue de s’appuyer sur la perception
pour construire, l’adaptation du parcours prescrit à son activité effective se
matérialise par la proposition d’un travail sur la définition et les propriétés
caractéristiques que l’on peut utiliser directement pour construire (comme la famille
de tâches Ft2 dans l’exemple donné, mais aussi d’autres familles de tâches d’autres
parcours). Par la suite, la plateforme l’amènera vers d’autres tâches qu’il devra
résoudre en développant un raisonnement plus complexe. L’objectif étant de
l’accompagner dans la prise de conscience de l’insuffisance d’une démarche
perceptive et de la nécessité de mobiliser des propriétés géométriques au cours d’un
raisonnement préalable à la construction.
148 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

5. Conclusion et perspectives
Ladage (2021) propose d’exploiter la TAD comme cadre d’analyse
d’environnements numériques d’apprentissage. Pour notre part, nous avons proposé
des fondements didactiques pour la conception d’un EIAH d’entraînement aux
mathématiques, prenant en compte les besoins d’apprentissage des élèves qui sont
actualisés au cours du travail. Pour concevoir un tel EIAH, il est nécessaire de
prendre en compte la ou les institutions d’usage, les savoirs en jeu et l’apprenant en
tant que sujet cognitif et institutionnel. Afin de considérer ces différents points de
vue, nous avons montré la nécessité et l’intérêt de croiser trois approches théoriques
en didactique. Nous décrivons le savoir en jeu par le moyen d’un MPR, qui est
structuré à partir d’une évolution des générateurs de types de tâches définis dans
T4TEL à l’aide des variables de tâches, et nous a amenés à définir la notion de famille
de tâches. Nous prenons aussi en compte, via des études préalables : du côté de
l’institution, des variations potentielles entre les praxéologies à enseigner et celles
enseignées, et le MPR retenu ; du côté de l’apprenant, les modes technologico-
théoriques et les catégories d’erreurs associées. Nous avons alors défini des parcours
d’apprentissage. Pour cela, d’une part nous avons exploité la structuration du savoir
précédemment évoquée et, d’autre part, pour prendre en compte l’apprenant, nous
avons explicité la notion de besoins d’apprentissage d’un apprenant en exploitant et
en précisant de nouveau de nombreux travaux antérieurs, et nous avons intégré les
modes technologico-théoriques.
Ce cadre de conception didactique d’un EIAH nous permet dans un premier temps
de générer des tâches, structurées en familles de tâches, pour produire de manière
effective des exercices dans l’EIAH. Dans un deuxième temps, nous construisons
des parcours qui prennent en compte le savoir, les enjeux épistémologiques liés à
l’activité mathématique visée (rupture d’ordre épistémologique ou construction de
nouveaux éléments du bloc technologico-théorique) dans une institution donnée et
le rapport au savoir de l’apprenant, construit antérieurement. C’est donc la prise en
compte des modèles du savoir et de l’apprenant, au regard d’une institution donnée,
définis à partir du croisement entre des approches épistémologique, institutionnelle
et cognitive et la possibilité de les représenter informatiquement, qui permet
d’assurer la construction d’un EIAH fondé didactiquement. Dans le cadre du projet
MindMath nous avons mis en œuvre ces fondements dans le domaine de l’algèbre et
dans celui de la géométrie.
Ces différents construits vont maintenant être mis à l’épreuve lors des phases deux
et trois du projet, pour valider les hypothèses voire les faire évoluer ou les enrichir
dans le cadre d’un processus itératif appuyé sur des expérimentations in situ et leur
analyse. En effet, un des enjeux de la recherche à venir concerne l’étude de
l’évolution de l’activité mathématique de l’élève dans un domaine donné, avec des
PLATEFORME D’APPRENTISSAGE ET PRISE EN COMPTE DU DIDACTIQUE 149

enseignants intégrant MindMath dans leur enseignement. Au-delà des phénomènes


de genèses instrumentales (Rabardel, 1995) liés aux usages d’un environnement
numérique qui devront être étudiés, nous devrons aussi prendre en compte des effets
liés aux praxéologies didactiques développées puis mises en œuvre par l’enseignant
en intégrant la plateforme Mindmath, à partir de praxéologies enseignées spécifiées
a priori pour un domaine mathématique. La troisième phase du projet d’analyse des
usages de la plateforme et de l’évolution de l’activité des élèves devra intégrer ces
effets potentiels dans le cadre de l’analyse de données recueillies.
Nous faisons l’hypothèse que les différents apports de cet article peuvent être
réutilisés comme cadre de conception d’autres EIAH afin d’assurer la prise en
compte de fondements didactiques lors du processus.
Ce projet permet aussi divers apports spécifiques au champ de la didactique. Ainsi,
dans le cadre de sa thèse, Lesnes-Cuisiniez (2021) a poursuivi le travail théorique
afin de construire un modèle praxéologique de référence relatif à la géométrie plane
pour aborder une problématique concernant la définition de conditions didactiques
pour amener les élèves à entrer dans, et construire, le raisonnement déductif en
géométrie, enjeu central pour négocier le passage d’une géométrie instrumentée à
une géométrie théorique dans la transition entre cycle 3 et cycle 4.
Plusieurs aspects du projet MindMath n’ont pas été abordés dans cet article, mais
nous en évoquons deux pour conclure, car ils ouvrent des perspectives intéressantes
concernant des défis majeurs pour la communauté didactique et pour celle des EIAH.
Ainsi, l’ontologie produite pour réifier les modèles didactiques du savoir, de
l’apprenant, des familles de tâches et des parcours devient un objet frontière entre la
didactique et l’informatique en EIAH. L’ontologie est par exemple exploitée pour
produire des rétroactions épistémiques qui sont proposées à l’apprenant lors de la
résolution des exercices. Leur modélisation, leur production et leur choix dans une
situation donnée exploitent les fondements didactiques présentés dans cette
contribution. Cette dimension du projet est présentée dans (Jolivet et al., 2021).
D’autre part, pour la décision des rétroactions à proposer à l’apprenant, et pour la
définition dynamique des parcours (adaptive learning), des algorithmes
d’intelligence artificielle sont définis en prenant en compte, d’une part des méthodes
spécifiques (algorithme de renforcement, méthodes statistiques type Item Response
Theory) en lien avec l’ontologie réifiant les modèles didactiques, puis mis en œuvre.
Un défi à relever, de manière collaborative, par les communautés didactiques et
celles de l’intelligence artificielle (IA), est d’analyser, réinterroger et exploiter les
résultats des expérimentations mettant en œuvre des algorithmes d’IA, pour
améliorer les algorithmes utilisés et faire évoluer les modèles didactiques.
150 SEBASTIEN JOLIVET, ELANN LESNES-CUISINIEZ, BRIGITTE GRUGEON-ALLYS

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SEBASTIEN JOLIVET
Université de Paris, Univ Paris Est Créteil, CY Cergy Paris Université, Univ. Lille,
UNIROUEN, LDAR, F-75013 Paris, France
sebastien.jolivet@unige.ch

ELANN LESNES-CUISINIEZ
Université de Paris, Univ Paris Est Créteil, CY Cergy Paris Université, Univ. Lille,
UNIROUEN, LDAR, F-75013 Paris, France
elann.lesnes@gmail.com

BRIGITTE GRUGEON-ALLYS
Université Paris Est Créteil, Université de Paris, CY Cergy Paris Université, Univ.
Lille, UNIROUEN, LDAR, F-94010 Créteil, France
brigitte.grugeon-allys@u-pec.fr
CELINE CONSTANTIN

LA SUBSTITUTION, POINTS DE VUE ECOLOGIQUE ET


SEMIOLINGUISTIQUE

Abstract. Substitution, ecological and semiolinguistic points of view. The work


presented here focuses on the semiolinguistic dimension of elementary algebra knowledge
and on a particular object of knowledge: substitution. Analyses of textbooks and teaching
practices have led us to postulate that this knowledge is part of what Margolinas and
Laparra call transparent knowledge for the teacher. From an ecological questioning, we
seek to determine the conditions, constraints, but also the potentialities to consider such an
object of knowledge for the teaching of elementary algebra. To do this, we rely on a double
epistemological and didactic analysis before addressing the results of an experiment
conducted in a middle school class.

Keywords. Substitution, ecology, elementary algebra, teaching, semilinguistic dimension.

Résumé. Le travail présenté ici s’intéresse à la dimension sémiolinguistique des savoirs de


l’algèbre élémentaire et à un objet de savoir particulier : la substitution. Des analyses de
manuels et de pratiques enseignantes nous ont amenée à postuler que ce savoir faisait partie
de ce que Margolinas et Laparra nomment des savoirs transparents pour le professeur. A
partir d’un questionnement écologique, nous cherchons à déterminer des conditions, des
contraintes, mais aussi des potentialités à envisager un tel objet de savoir pour
l’enseignement de l’algèbre élémentaire. Nous nous appuyons pour cela sur une double
analyse épistémologique et didactique avant d’aborder les résultats d’une expérimentation
conduite dans une classe de collège.

Mots-clés. Substitution, écologie, algèbre élémentaire, enseignement, dimension


sémiolinguistique.
_________________________________________________________________________

Notre recherche s’inscrit dans une problématique plus large s’intéressant aux
difficultés d’élèves liées aux apprentissages sémiolinguistiques (Drouhard, 1992 ;
Drouhard & Panizza, 2012) dans le cadre de l’enseignement de l’algèbre
élémentaire. Elle s’appuie sur l’étude de la construction et de l’évolution des
usages de la propriété de distributivité tout au long de la scolarité obligatoire
(Constantin, 2018). Par exemple, dans l’écriture usuelle associée à la distributivité
de la multiplication par rapport à l’addition « k(a + b) = ka + kb », k, a, et b
peuvent être remplacés par différents types de nombres au fur et à mesure des

ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES, volume 26, p. 157 - 194.


© 2021, IREM de STRASBOURG.
158 CELINE CONSTANTIN

niveaux de classe, mais aussi par des expressions qui ne sont pas réduites à une
lettre ou à un nombre lorsqu’il s’agit de développer « 4x(x + 5) ». Or, de telles
substitutions peuvent émerger de manière implicite très précocement dans
l’enseignement (Constantin, 2014) tout en reposant sur des savoirs de nature
sémiolinguistique (Drouhard, 2012) peu identifiés. Ces savoirs sont relatifs aux
représentations sémiotiques, à la syntaxe et la grammaire des expressions, à leurs
modes de production et à leur manipulation. Ils ne sont pas indépendants des
savoirs dans ce que Drouhard nomme la dimension notionnelle, c’est-à-dire des
savoirs strictement mathématiques au sens où le sont les propriétés de corps
commutatif ordonné de l’ensemble des nombres réels par exemple. Cependant ils
ne s’y réduisent pas, comme nous le verrons dans la première partie de ce texte.
Nous faisons l’hypothèse qu’il existe des savoirs de nature sémiolinguistique
transparents pour les professeurs (au sens de Margolinas et Laparra, 2011) à même
de provoquer des phénomènes didactiques liés à la nature demeurant implicite des
connaissances à l’œuvre pour les élèves et les enseignants. Par savoirs transparents,
nous entendons des savoirs qui échappent pour partie à la perception didactique des
professeurs : les connaissances qui pourraient être utiles ou qui sont rencontrées par
les élèves en situation sont d’autant moins reconnues par les professeurs que les
savoirs autour de la substitution n’ont pas d’existence institutionnelle véritable.
Ceci ne signifie pas que les professeurs n’identifient pas les difficultés de leurs
élèves face aux manipulations des écritures, mais, parce que les professeurs ne
peuvent enseigner certains savoirs utiles dans la dimension sémiolinguistique, nous
postulons que la transparence de ces savoirs contribue à ce que certains élèves se
comportent comme des calculateurs aveugles (Sackur et al., 1997).
Réinterrogeant cette transparence au regard des savoirs à enseigner et enseignés,
nous nous centrons dans un premier temps sur les extensions de techniques de
calcul algébrique adossées à la substitution. Nous nous situons de ce point de vue
dans une problématique écologique dans le cadre de la théorie anthropologique du
didactique (Chevallard, 1997, 2007) en prenant comme point de départ l’étude du
mode d’existence d’un objet particulier au sein d’une institution scolaire donnée,
celle du collège (élèves de 11-15 ans). Les questions qui s’y rapportent : « qu’est-
ce qui existe, et pourquoi ? Mais aussi qu’est-ce qui n’existe pas et pourquoi ? Et
qu’est-ce qui pourrait exister ? » (Artaud, 1997) ont ceci de particulier qu’elles
concernent un objet de savoir que nous supposons transparent, ce que nous
illustrerons à partir de résultats d’analyses de manuels et de pratiques ordinaires
d’enseignants (Constantin, 2014). Les phénomènes didactiques observés relèvent
d’évitements de certaines tâches ou de choix non questionnés qui pèsent sur
l’enseignement et l’apprentissage de l’algèbre élémentaire. Dès lors, la question qui
nous occupe est celle des conditions sous lesquelles la substitution pourrait vivre
véritablement dans l’enseignement de l’algèbre élémentaire. Dans quelle mesure
LA SUBSTITUTION 159

pourrait-elle enrichir les savoirs à enseigner et enseignés ? Une autre particularité


tient à la nature sémiolinguistique des savoirs liés à la substitution, ce qui nécessite
une double analyse épistémologique et épistémographique (Drouhard, 2012) afin
de caractériser un certain nombre d’éléments liés à des savoirs de référence. Ceci
nous permet d’identifier différents lieux où la substitution peut vivre, et un certain
nombre d’objets avec lesquelles elle interagit du point de vue des savoirs de
référence, ce qui correspond à son habitat. Nous complétons cette étude par les
résultats d’une expérimentation locale dans une classe de 4e ordinaire en France
(élèves de 13-14 ans) destinée à aborder la question des conditions didactiques sous
lesquelles la substitution pourrait exister explicitement.

1. La substitution : un objet de savoir transparent


Dans cette partie, nous modélisons l’activité mathématique dans le cadre de la
théorie anthropologique du didactique par le quadruplet formant une praxéologie.
Celui-ci se compose tout d’abord d’un certain type de tâches qui peut être accompli
au moyen d’une ou de plusieurs techniques, ce qui forme les deux premières
composantes de la praxéologie. Les deux derniers éléments de la praxéologie,
technologie et théorie, renvoient au discours raisonné permettant à deux niveaux
différents, de décrire, d’éclairer ou de justifier la ou les techniques considérées.
Nous faisons l’hypothèse que les savoirs dans la dimension sémiolinguistique
autour de la substitution font ainsi partie des ingrédients technologiques soutenant
de nombreuses transformations d’écriture symbolique en algèbre sans pour autant
faire l’objet d’un enseignement. La mise en œuvre de praxéologie se réalise par la
co-activation d’objets ostensifs, c’est-à-dire qui présentent une certaine matérialité
(graphique, sonore par exemple) et de non-ostensifs, soit les concepts ou idées qui
ne peuvent être manipulés qu’au moyen d’ostensifs (Bosch et Chevallard, 1999).
Ces ostensifs ont une double valence sémiotique (parce qu’ils fonctionnent comme
des signes) et instrumentale (parce qu’ils permettent que se réalise l’activité
mathématique). Dans quelle mesure cette double valence peut-elle être assumée par
les ostensifs liés à la substitution dans l’enseignement ?
Les analyses des praxéologies en jeu dans les manuels de collège montrent que des
substitutions apparaissent très tôt dans l’enseignement du calcul algébrique
(Constantin, 2018). C’est par exemple le cas lorsqu’il s’agit de développer une
expression comme « 4x(x + 5) » en référence à l’ostensif « k(a + b) = ka + kb »
associé à la propriété de distributivité de la multiplication par rapport à l’addition.
Ce type d’expressions est fréquemment rencontré dès le début de l’enseignement
dans l’institution collège en France. La technique présentée dans les manuels
consiste à multiplier 4x par x puis par 5 avant d’écrire la somme des produits. Or,
du point de vue de la structure de l’expression, plusieurs choix sont possibles. On
160 CELINE CONSTANTIN

peut considérer, comme le fait l’expert, qu’il s’agit là d’un produit de deux
facteurs, mais on pourrait tout aussi bien identifier un produit de trois facteurs. Du
point de vue des mathématiques, il n’y a pas de raison de faire un choix plutôt que
l’autre. Autrement dit, du point de vue technologique, les savoirs dans la dimension
notionnelle ne suffisent pas à rendre compte des raisons qui amènent à cette lecture
de l’expression, tandis que dans les manuels, ils n’apparaissent pas interrogés. Plus
encore, une sous-expression comme « 4x » est tantôt considérée comme « un
tout », constituant une substituante pour k pour un tel développement, tantôt
comme un produit lorsqu’il s’agit de réduire « 4x + 3x » par exemple. Autrement
dit, la lecture de l’expression n’est pas la même selon le genre de tâches, ce qui
peut rendre d’autant plus difficile l’analyse des expressions à transformer et les
choix à opérer pour la mise en œuvre des techniques pour les élèves. L’existence
de choix qui conditionnent les substitutions qui se réalisent implicitement n’est pas
réduit à ce genre d’expressions. Lorsque l’un des facteurs d’une expression à
développer est une somme de trois termes comme « 3(a − 6b + 9) », ou lorsqu’il
s’agit de développer un produit de trois facteurs comme « (x + 2)(3x + 2)(x + 4) »,
ou encore lorsque la formule de la double distributivité est démontrée à partir du
développement de « (a + b)(c + d) », de nombreuses adaptations apparaissent.
Prenons le cas de l’expression « 3(a − 6b + 9) » issue du manuel Sesamath de 4e
(p. 104). Plusieurs voies sont possibles. On peut par exemple remplacer a par a −
6b et b par 9, ou bien, si on associe a dans cette expression à la même lettre dans
l’identité « k (a + b) = ka + kb », b doit être remplacé par − 6b + 9, ce qui suppose
de faire le lien entre soustraire et ajouter l’opposé, dans une nouvelle interprétation
de la structure de la somme algébrique. Si l’on dispose de l’identité « k(a − b) = ka
− kb » correspondant à la distributivité de la multiplication par rapport à la
soustraction, de nouveaux choix sont encore possibles. Mais l’existence de choix
ou la question de ce qui peut les piloter n’est jamais abordée dans les manuels
(Constantin, 2014). Lorsque des discours accompagnent le travail de la technique,
une tension apparaît entre une volonté de donner une place à l’écriture des
propriétés comme référence pour le calcul algébrique et les ostensifs proposés. Par
exemple, pour corriger le développement de « (2 − x)×3 » dans le manuel
Transmath de 4e (p. 247), il est indiqué qu’« on développe à l’aide de la propriété
« k(a + b) = ka + kb » avec l’étape suivante : C = 2×3 – x×3. La distance
sémiotique n’est pas négligeable. Les étapes nécessaires pour faire le lien entre cet
ostensif et la technique sont nombreuses et s’appuient sur plusieurs propriétés
(commutativité de la multiplication, lien entre somme et différence), ce qui confère
sans doute finalement une faible valence instrumentale à l’écriture symbolique de
la propriété. L’absence de questionnement technologique (Sierra et al., 2013)
autour des substitutions qui se réalisent implicitement renforce sans doute aussi le
LA SUBSTITUTION 161

caractère muet ou faible des techniques (au sens de Assude et al., 2007) observé
dans d’autres recherches (Assude et al., 2012).
Plusieurs phénomènes didactiques peuvent dès lors apparaître dans les classes.
En cherchant à s'appuyer sur les écritures symboliques usuelles de la distributivité,
sans disposer tout à fait de la notion de substitution, les enseignants peuvent être
conduits à éviter de proposer à leurs élèves des rencontres avec des expressions
trop éloignées du ou des formalismes disponibles (comme des sommes à trois
termes) pour favoriser une certaine proximité ostensive, en écrivant l’identité sous
l’expression à transformer par exemple (Constantin, 2014). Sans substitutions plus
générales (avec des sommes comme substituantes par exemple), ce lien ne peut être
fait que pour certains types d’expressions.
D’autres enseignants diversifient les écritures symboliques en proposant des
identités avec des sommes de plus de deux termes comme « k(a + b + c) = ka +
kb + kc » ou « A×B + A×C – A×D = A×(B + C − D) » pour prendre en charge les
adaptations de techniques de calcul à des formes d’expressions qui évoluent. Mais
le rôle technologique de ces nouvelles formes d’identités achoppe. Par exemple,
dans l’une des classes observées, le discours pour factoriser une somme à la suite
de l’identité précédente comportant des majuscules se centre sur la reconnaissance
du facteur commun. La somme proposée par l’enseignante au tableau ne comporte
que deux termes, mais le remplacement de D par zéro n’est pas évoqué, de même
que les substitutions de B ou de C.
Ceci nous amène à faire l’hypothèse que la substitution est un objet de savoir
transparent dans l’enseignement, c’est-à-dire que si des substitutions existent dans
les faits, elles apparaissent comme allant de soi. Les savoirs qui s’y rapportent ne
sont pas totalement ignorés par les manuels ou les enseignants, mais la substitution
n’est pas vraiment pensée comme un objet de savoir de sorte qu’il n’est pas
possible de questionner ses emplois tandis qu’ils véhiculent des extensions des
usages des écritures non négligeables.
Les enseignants que nous avons interrogés (Constantin, 2014) évoquent des
substitutions sans pour autant employer ce terme. Ils parlent de « transposition » ou
de « mettre à une position » par exemple, ce qui n’est pas étonnant. D’une part les
programmes semblent réserver l’usage du terme au remplacement d’une lettre par
un nombre, sans tenir de discours spécifique sur la notion, et d’autre part, du point
de vue des mathématiques constituées, la définition de la substitution comme
bijection entre deux ensembles finis paraît éloignée des techniques de calcul
algébrique et des discours que l’on peut envisager pour renforcer le lien entre
technique et technologie dans les praxéologies afférentes. Ceci contribue sans
162 CELINE CONSTANTIN

doute à ce que les enseignants n’envisagent pas les usages des écritures
symboliques à partir de substitutions.
Dès lors, la question se pose des potentialités à penser un enseignement prenant
plus véritablement en compte les savoirs qui s’y rapportent. Autrement dit, dans
quelle mesure la substitution pourrait-elle exister dans les praxéologies de l’algèbre
élémentaire ? Les éléments que nous venons de développer amènent à penser qu’il
existe une niche écologique pour la substitution, mais peut-elle permettre de
compléter des organisations mathématiques (au sens de Bosch et al., 2004) ?
Lesquelles, et à quelles conditions ? Quel statut peuvent prendre les savoirs
afférents, voire la notion elle-même ? Un tel questionnement écologique suppose
de conduire une étude à la fois épistémologique et épistémographique (Drouhard,
2012). L’analyse épistémographique permet d’envisager une typologie des savoirs
autour des écritures (d’un point de vue synchronique). Le fait que des savoirs dans
la dimension notionnelle ne suffisent pas à éclairer les substitutions rend nécessaire
la recherche d’éléments liés à des savoirs de référence sémiolinguistiques - nous
reviendrons sur ce point en conclusion. C’est une telle étude que nous présentons
dans la deuxième partie de cet article en considérant les substitutions dans le
modèle des écritures de l’algèbre élémentaire (Drouhard, 1992). Dans une
troisième partie, nous analysons les praxéologies dans lesquelles la substitution
pourrait exister, ce qui nous permet de caractériser des niches possibles. Nous
complétons notre étude par une expérimentation dans une classe de collège. Celle-
ci permet d’identifier un certain nombre de potentialités mais aussi de conditions et
de contraintes pour penser la substitution comme objet de savoir à enseigner.

2. Fondements épistémographiques et épistémologiques


Dans cette partie, nous cherchons à déterminer un certain nombre de
caractéristiques des savoirs associés à la substitution dans une double perspective.
Il s’agit d’une part d’appréhender leur complexité en prenant en compte la manière
dont les savoirs dans la dimension sémiolinguistique s’articulent avec des savoirs
dans la dimension notionnelle. Nous explorons en particulier les aspects
sémantiques des expressions en jeu à l’occasion de substitutions. Il s’agit d’autre
part d’identifier « ce qui pourrait exister » et à quelles conditions dans une
perspective écologique. Nous prolongeons notre étude épistémographique par une
étude épistémologique et didactique. Les analyses que nous menons s’appuient sur
les travaux de Serfati (2005) tout en les réinterprétant dans le modèle des écritures
symboliques algébriques ou ESA (Drouhard, 1992), ce qui nous permet de définir
la substitution dans la perspective d’un questionnement didactique associé à la
transparence de ce savoir dans l’enseignement. Dans un deuxième temps, nous
LA SUBSTITUTION 163

cherchons à exhiber un certain nombre de praxéologies qui pourraient être


complétées avec la substitution dans l’enseignement secondaire.

2.1. La substitution dans le modèle des Ecritures Symboliques de l’Algèbre


élémentaire
Les travaux de Drouhard (1992) ont montré que l’ensemble des formules de
l’algèbre élémentaire forme un langage noté LAlg, c’est-à-dire que ces formules
répondent à un certain nombre de règles d’écriture et de réécriture constituant leur
grammaire. Sans entrer dans le détail de cette construction présentée dans
Drouhard et Panizza (2012), nous retenons d’une part la partition des formules de
LAlg en expressions EAlg et propositions PAlg (contenant les signes « = » ou « < »
etc.) et d’autre part que LAlg contient l’ensemble des formules arithmétiques
(associées aux chaînes de caractères formées essentiellement par les signes des
opérateurs et les chiffres). Nous distinguons également nature et fonction
syntaxique d’une expression dans une formule. La nature correspond aux
catégories Somme ou Produit par exemple, tandis que la fonction syntaxique
désigne la relation qu’entretient une sous-expression avec une expression (ou
proposition), par exemple terme de la Somme. Nous abordons ainsi la substitution
en discutant les aspects syntaxiques et sémantiques des écritures.

2.1.1. Substitutions, substituantes et occurrences


Dans le modèle des ESA, les substitutions peuvent être en première instance
définies comme des applications d’un langage L dans L, qui à une formule
(expression ou proposition) associent une formule, étant donnés un certain nombre
d’opérateurs ou de sous-expressions de la formule initiale, leurs occurrences (ou
ième occurrence) et les opérateurs ou expressions associés, la formule image
s’obtenant par des remplacements. Reprenant les termes de substituées et
substituantes utilisés par Serfati (2005), nous désignons par substituantes les
opérateurs ou expressions venant se substituer aux opérateurs ou sous-expressions
de la formule initiale1, qui en sont les substituées. La nécessité d’évoquer les
occurrences tient à ce que le remplacement ne s’effectue pas nécessairement à

1
Afin de simplifier le propos, nous n’abordons pas ici deux distinctions qui seraient
pourtant nécessaires pour caractériser les substitutions. Serfati (2005) distingue en effet
signe et lieu du signe ainsi qu’assemblage et forme, une forme désignant « tout assemblage
dûment complété, c’est-à-dire complété par tous les signes possibles de délimitation, y
compris les signes les plus extérieurs » (p. 93). Ceci permet de préciser que la substitution
se caractérise par un lieu potentiellement occupé par un signe et non un signe en lui-même,
et qu’elle s’opère sur et avec des formes pour éviter toute ambigüité.
164 CELINE CONSTANTIN

toutes les occurrences, ce qui permet par exemple de développer « (a + b)(a + b) »


en remplaçant la première sous-expression (a + b) par k pour se ramener à l'identité
« k(a + b) = ka + kb ».
Afin de nous approcher des transformations que l’expert effectue, nous devons
ajouter un certain nombre de conditions à cette première définition. Examinons le
cas de l’expression « 3x + 1 ». La susbstitution de x par x + 1 pourrait conduire à
écrire « 3x + 1 + 1 » en ne remplaçant que le signe, ce qui ne correspond pas aux
substitutions qu’on réalise usuellement. Nous posons donc deux conditions. Tout
d’abord substituées et substituantes doivent être du même type2 : toutes deux
expressions ou toutes deux symboles d’opérations (ce qui permet également que la
formule image soit bien formée). Dans le cas où substituante et substituée sont des
expressions, nous posons comme deuxième condition que la substitution ne peut se
réaliser que si elle conserve la fonction syntaxique de la substituée. Autrement dit,
si la substituée a une certaine fonction syntaxique correspondant à l'opérande d'un
certain opérateur dans l'expression initiale, alors l'opérande de ce même opérateur
dans l'expression image doit correspondre à la substituante. Ceci permet de
caractériser un premier rôle des parenthèses dans les substitutions : elles peuvent
être nécessaires autour des substituantes pour conserver la fonction syntaxique de
la substituée dans l'expression initiale. Cette nécessité découle aussi des règles de
priorités des opérations. Ainsi, en utilisant une flèche à la suite de Serfati, x ↷ x +
1 dans « 3x + 1 » donne « 3(x + 1) + 1 ». L’expression « x + 1 » a la même
fonction syntaxique (facteur du produit par 3) que « x » dans l’expression initiale.
Une deuxième fonction des parenthèses est liée aux règles d’écriture des
expressions, en particulier, il n’est pas possible de juxtaposer certains signes
comme « + » et « – ». La substituante doit ainsi parfois être parenthésée pour que
l’expression soit bien formée. Ces premiers éléments nous amènent à identifier un
certain nombre de savoirs dans la dimension sémiolinguistique nécessaires à la
substitution.
Or, les savoirs dans la dimension sémiolinguistique ne sont pas indépendants des
savoirs dans la dimension notionnelle. Par exemple, si l’expression initiale avait été
« 3 + x + 1 » les parenthèses autour de la substituante auraient été inutiles par
associativité de l’addition. Nous allons donc analyser les aspects sémantiques des
expressions et des propositions engagées dans les substitutions. Quelles sont les
altérations sémantiques provoquées par la substitution ? A quelles conditions une
certaine conservation sémantique est-elle possible ? Dans quelle mesure
l’appréhension de ces aspects sémantiques peut-elle être source de difficulté pour
les élèves ?

2
Nous excluons les cas où les lettres peuvent être substituées par des propositions.
LA SUBSTITUTION 165

2.1.2. Sémantique
La sémantique des ESA peut être caractérisée selon trois composantes principales :
sens, dénotation et interprétation. Les notions de sens et de dénotation introduites
par Frege (1892/1971) sont reprises par Drouhard (1992) et spécifiées dans le
modèle des ESA. En première approche, on peut dire que la dénotation correspond
à un certain objet mathématique, tandis que le sens relève de la manière dont est
désigné l’objet considéré, « où est contenu le mode de donation de l’objet » (Frege,
1971, p. 103). Par exemple, les deux ESA « (x + 5)(x − 5) » et « x² − 25 » ont
même dénoté (une certaine fonction réelle), tandis qu’elles n’ont pas le même sens.
La seconde expression met en avant la différence de deux carrés, tandis que la
première montre un produit de deux termes. Lorsqu’une substitution modifie le
sens d’une expression ou d’une proposition, le sens de l’image par substitution peut
se déduire en partie de celui de la formule initiale. Ainsi la substitution x ↷ 2x dans
l’une des expressions précédentes peut se traduire rhétoriquement par le
remplacement du nombre de signe « x » par le double du nombre de signe « x ».
Bardini (2003) montre toutefois que certains choix de substituantes peuvent altérer
la complexité d’une expression ou en modifier le sens sans en changer la syntaxe.
Remplacer 4 par 0 ou x dans « (x + 4)² » conduit soit à une expression plus simple,
soit à une traduction référant au double de x plutôt qu’à la somme de x et de x.
Mais la différence de sens entre deux expressions ne se résume pas à une différence
de structure. Les transformations susceptibles d’être opérées sur l’une ou l’autre
participent du sens donné à chacune des expressions.
Soient X et X’ deux ESA ayant même dénotation. La sélection et la hiérarchisation,
au sein des ensembles des transformations et procédures qui leur sont applicables, de
celles qui sont intéressantes en fonction de la tâche à réaliser, fait partie de la
différence de sens entre X et X’. (Drouhard, 1992, p. 279)
En particulier, la substituabilité des ESA est une source importante de sens. Quant
à l’interprétation d’une ESA dans un certain cadre (au sens de Douady, 1986),
Drouhard la définit comme « tout objet qui « correspond » à la dénotation de X
dans ce cadre » (Drouhard, 1992, p. 280). Par exemple l’expression précédente
peut être associée à une aire dans le cadre géométrique ou des grandeurs, une
parabole d’équation y = x² − 25 dans le cadre graphique, ou un carré diminué de 25
dans le cadre arithmétique. Dans le cadre graphique, la substitution de y + 25 par y’
correspond à une translation de la courbe : elle peut donc être interprétée, ce qui
n’est peut-être pas toujours le cas dans tous les cadres. Les savoirs autour de la
substitution peuvent donc incorporer des savoirs dans d’autres cadres, ce qui
demande d’articuler les interprétations de la formule initiale et de son image par
166 CELINE CONSTANTIN

substitution. La question est d’autant plus délicate dans le cas de changement de


dénotation par substitution.
Dans le modèle des écritures symboliques algébriques, la dénotation est une
fonction δ, dont la définition est étendue du langage arithmétique au langage
algébrique. En notant R' l’ensemble R{Non Défini}, la dénotation des
expressions littérales est définie de la manière suivante.
[…] l’entier n étant fixé (n représentant le nombre de variables), la dénotation δn des
expressions littérales est une application qui va de EAlg vers l’ensemble des
applications de (R')n vers R' (par convention le nombre dénoté d’une expression sans
lettres est assimilé à la fonction constante correspondante). (Drouhard & Panizza,
2012, p. 224)
Ainsi le dénoté d’une expression comme « x + 5 » est la fonction réelle x → x + 5.
Dans le cas des propositions, le dénoté prend ses valeurs dans {Vrai, Faux, Non
Défini}.
Une source importante de difficultés, d’ordre strictement linguistique, réside dans le
fait que, dans l’usage le plus banal de l’algèbre (par exemple pour introduire une
« règle », ou en général n’importe quelle propriété des nombres) certaines formules
(par exemple « (ab)² = a²b² ») servent à noter des substitutions, où aux lettres seront
substituées des expressions, voire (dans le cas par exemple des combinaisons
linéaires de lignes d’un système de type « L1-2L2+L3 ») des propositions. (Drouhard
et Panizza, 2012, p. 225)
Les dénotations de ces formules de substitutions sont alors littérales. Autrement dit,
ce ne sont pas des fonctions numériques, mais des fonctions appelées formulaires
(Drouhard et Panizza, 2012), c’est-à-dire des fonctions de EAlg vers l’ensemble des
applications de (EAlg)n vers FAlg. Les auteurs poursuivent :
De même, la dénotation des propositions littérales à n variables est ici une
application Δn qui va de PAlg vers l’ensemble des applications de (PAlg )n vers {Vrai,
Faux} ; leur sens s’exprimera en termes de substitutions.
En toute rigueur, il faudrait explicitement distinguer les variables selon le type
d’objets (fonctions numériques ou formulaires) que les propositions algébriques sont
susceptibles de dénoter car, selon ce type, leur dénotation et leur sens ne sont plus
les mêmes. (Drouhard & Panizza, 2012, p. 225)
Il ne s’agit donc pas seulement de savoir que les expressions ou les formules
dénotent (Sackur et al., 1997) mais aussi de savoir que la dénotation dépend des
objets associés aux variables. Ceci nous amène à interroger plus spécifiquement les
savoirs autour des substitutions associées aux propositions. En particulier, à
quelle(s) condition(s) une substitution conserve-t-elle le sens ou la dénotation
LA SUBSTITUTION 167

d’une proposition ? Afin d’approfondir cette question, nous allons nous centrer sur
les égalités, qui jouent un rôle important dans les substitutions.

2.1.3. Substitutions à dénotation invariante


Examinons le cas des propositions lorsque substituées et substituantes sont des
expressions. Lorsque la substituante a même dénotation que la substituée
(lorsqu’on remplace 5 par 2 + 3 par exemple ou (x + 5)(x − 5) par x² − 25 dans une
égalité comme « (x + 5)(x − 5) = −9 »), la dénotation de la proposition est
inchangée. Ceci donne un autre sens à l’égalité « (x + 5)(x − 5) = x² − 25 ». Toute
égalité de PAlg correspondant à des expressions de même dénotation peut ainsi être
considérée comme une écriture de substitution. Sous certaines conditions sur les
domaines considérés pour les variables, dès lors qu’on dispose d’une égalité, l’un
quelconque de ses membres peut être substitué par l’autre dans toute autre
proposition sans en modifier la dénotation.
Or, il n’est pas certain que ce changement de point de vue sur l’égalité aille de soi
pour les élèves. Il est pourtant crucial, non seulement pour le calcul algébrique,
mais aussi parfois pour la modélisation. Ainsi, une élève de 5e (11-12 ans),
renommée Manon, propose les écritures en figure 1 pour modéliser le programme
de calcul « choisir un nombre entier, ajouter 3 puis multiplier le résultat par 2 ».

Figure 1. Multiplicité de variables et écritures symboliques associées à un programme de


calcul
Considérant le processus de modélisation (Chevallard, 1989) dans le cadre de la
théorie anthropologique du didactique, nous distinguons trois étapes qui le
constituent. La première correspond au choix d’un certain nombre de variables
pertinentes relatives à un système (intra ou extra-mathématique) au regard d’une
question à l’étude. La deuxième étape, la construction du modèle, consiste à
produire des relations entre ces variables. Manon réussit ces deux premières étapes.
Elle doit cependant prouver que le programme de calcul ainsi modélisé est
équivalent à un second programme de calcul (que nous n’examinons pas ici). Dans
ce cas, son modèle ne permet pas de convoquer une technique s’appuyant sur des
arguments syntaxiques (renvoyant à l’unicité de l’écriture canonique d’un
polynôme par exemple) : les étapes des deux programmes de calcul décrits
rhétoriquement étant différentes, elles donnent lieu à des variables en partie
différentes de l’un à l’autre. La troisième étape du processus de modélisation, le
168 CELINE CONSTANTIN

travail du modèle, nécessite de produire de nouvelles égalités par substitution, mais


ce n’est pas le sens premier que donne Manon aux égalités produites car les
membres de droite correspondent à une codification des résultats. Le travail des
écritures l’amènera d’ailleurs à écrire « n + 3 = a × 2 = b », prolongeant sans
doute une interprétation de l’égalité dans le langage arithmétique comme
« annonce de résultat ». Sans pouvoir leur conférer un autre sens lié aux
substitutions elle ne peut conclure. Les substitutions engagent donc de nouveaux
savoirs sur l’égalité.
Examinons le cas où la substitution occasionne un changement de dénoté.

2.1.4. Substitutions et changement de dénotation


Reprenons l’écriture symbolique « k(a + b) = ka + kb ». Si elle généralise des
égalités numériques, les variables correspondent implicitement à des nombres et la
dénotation des expressions constituant les membres de l’égalité est donc a priori
numérique. Ceci permet d’effectuer les substitutions réciproques en remplaçant les
variables par des expressions de LArithm. Mais la même égalité porte une dénotation
littérale à partir du moment où elle est employée pour du calcul littéral. Cette
double dénotation est implicite, et la dénotation des expressions produites comme
« 2(x + y) » est à nouveau numérique a priori (une fonction à deux variables). Elle
pourrait être aussi littérale, si on remplace y par x + 1, à l’occasion de la résolution
d’un système d’équations par exemple. Les changements qui s’opèrent entre sens,
dénotation et interprétation des écritures peuvent être d’autant plus complexes pour
les élèves que les symboles sont les mêmes ainsi que le montrent les travaux de
Drouhard et Panizza (2012).
Par ailleurs, les substitutions rapportées à des opérateurs peuvent modifier le sens
avec altération de dénotation ou non. Ainsi en substituant « + » par « × » dans
« k(a + b) = ka + kb » on obtient « k(a × b) = ka × kb » qui correspond à la
distributivité de la multiplication sur elle-même, et ne relève plus d’une identité sur
R. Autrement dit la dénotation de la proposition a changé. En revanche remplacer
+ par − donne bien une identité sur le même domaine. La conservation de la
dénotation dépend donc de propriétés mathématiques mais aussi de la nature des
substituées, des substituantes ou de la dénotation de la formule dans laquelle elle a
lieu. Effectuer une substitution dans une identité ne garantit pas l’obtention d’une
égalité vraie, et les arguments permettant de trancher peuvent être variés. Ceci nous
amène à supposer que les élèves puissent rencontrer des difficultés en particulier
s’ils n’envisagent que des manipulations d’ostensifs indépendamment des savoirs à
la fois notionnels et sémiolinguistiques qui les sous-tendent.
D’autres éléments peuvent entrer en jeu. Examinons deux exemples qui sortent
quelque peu du modèle des ESA (ce qui nécessiterait une extension de la définition
LA SUBSTITUTION 169

de la substitution donnée plus haut), mais qui sont significatifs. Pour étudier la
monotonie d’une suite, on peut être conduit à effectuer la substitution n ↷ n + 1
dans une expression du type f(n) correspondant à un. Substituée et substituante
n’ont pas le même dénoté (ni le même sens), mais les ensembles images des
dénotations entretiennent une relation d’inclusion, ce qui permet que l’expression
obtenue par substitution soit définie. Le sens et les limites des transformations
applicables peuvent également piloter les substitutions. Par exemple, lorsqu’on
effectue un changement de variable pour du calcul intégral, on cherche souvent à
exhiber une forme d’expression sur laquelle les manipulations sont facilitées.
De même les liens entre interprétation et substitution ne sont pas univoques. En
particulier, pour réaliser une substitution dans le cas où substituantes et substituées
n’ont pas la même interprétation, un contrôle sémantique est nécessaire. Par
exemple, un polynôme d’endomorphismes ne s’obtient pas par substitution
purement syntaxique dans l’écriture d’un polynôme : d’une part les produits
(internes et externes) doivent pouvoir être définis pour que les objets soient définis,
et d’autre part, la constante change de nature.
Au regard de l’étude conduite ici, il apparaît que les règles de conservation de
dénotation sont d’une grande diversité, de nombreux cas sont à distinguer, ce qui
rend sans doute l’examen de la « substitivité » des expressions non trivial, en
particulier en cours d’apprentissage. Duval (1988) souligne le coût cognitif que
peut représenter la compréhension de la substitution s’opérant entre des
expressions qu’il appelle « référentiellement équivalentes », c’est-à-dire à
dénotation invariante, sans être « sémantiquement congruentes » :
Cette substitution constitue souvent, pour les individus en situation d’apprentissage
ou même de recherche, un saut, entre deux réseaux sémantiques, tels qu’ils n’y
pensent pas d’eux-mêmes, et que, si on la leur indique, elle leur paraît arbitraire.
[…] Un des obstacles rencontrés par beaucoup d’élèves dans leur apprentissage des
mathématiques tient au fait que l’équivalence référentielle l’emporte sur la
congruence sémantique, alors que le fonctionnement spontané de la pensée suit, en
priorité, la congruence sémantique. (Duval, 1988, p. 8-9)
Sans avoir épuisé l’ensemble des cas possibles, il apparaît que la substitution est un
objet de savoir bien plus complexe qu’il n’y paraît sans doute de prime abord. La
complexité tient fondamentalement à l’existence de savoirs se situant à la fois dans
les dimensions sémiolinguistique et notionnelle qui, tout en étant fortement
imbriqués, interagissent selon une multitude de règles. Les substitutions
entretiennent des relations très diverses avec les objets égalité et expressions. Les
besoins trophiques identifiés liés à la reconnaissance de structure d’une expression
ou à l’usage des parenthèses qui constituent autant de conditions d’existence de la
170 CELINE CONSTANTIN

substitution paraissent peu élevés. Toutefois, les justifications des techniques


permettant d’obtenir des égalités par substitution s’avèrent particulièrement
délicates comme nous l’avons vu. Afin d’examiner plus avant les conditions
d’existence de la substitution, nous allons compléter ces éléments par la recherche
d’autres objets avec lesquels elle interagit ce qui conduit à explorer son habitat.

2.2. Différents types de substitutions et dialectique instantiation-extension


Du point de vue des savoirs savants, la substitution a changé d’habitat du XVIIe
siècle jusqu’à la fin du XIXe siècle en France. Essentiellement outil pour la
résolution d’équations chez Leibniz, l’évolution du rôle et de la place de l’algèbre
dans le paysage théorique des mathématiques a conduit à deux phénomènes. D’une
part, la substitution a pris la place d’objet dans une théorie qui s’est autonomisée à
partir des travaux de Galois et de Cauchy notamment (Ehrhardt, 2010), par rapport
à la théorie des équations dans laquelle elle est née. D’autre part, avec l’émergence
de l’analyse comme théorie, son statut d’outil algébrique se distancie de l’objet
institué dans cette théorie renvoyant les substitutions à des méthodes calculatoires
pour lesquelles les discours peuvent être très réduits pour l’expert, puisque relatifs
à des pratiques élémentaires du calcul algébrique. Situant notre recherche dans la
perspective d’une transposition dans l’enseignement secondaire, nous avons donc
fait le choix de poursuivre l’étude écologique engagée en nous intéressant à
l’émergence historique des substitutions. Nous allons donc appuyer notre propos
sur une lecture des travaux de Serfati (2005) orientée par la recherche de
praxéologies dans lesquelles la substitution pourrait occuper une place tout en
envisageant des types de tâches qui ne se limitent pas au domaine des équations.

2.2.1. Dialectique instantiation-extension


Les travaux de Serfati (2005) montrent comment les substitutions ont été motrices
d’inventions au cours du XVIIe siècle en particulier à partir des œuvres de
Descartes, Leibniz et Newton. Reprenons très succinctement l’exemple de
l’équation de degré deux « 4×(x + 1)3 − 4x3 – 1 = 0 » repris par Bardini (2003) à
partir de Serfati (2005). Une première question que l’on peut se poser à propos de
cette équation est celle de ses racines : elle possède une racine double, −1/2. En
effectuant la substitution 3 ↷ n, on obtient un nouvel objet : une équation
indéterminée. Le questionnement peut dès lors évoluer vers une problématique
existentielle. L’équation précédente devient une équation possédant une racine
double parmi tout un ensemble d’équations. On peut alors chercher s’il existe
d’autres valeurs de n pour lesquelles l’équation « 4×(x + 1)n − 4xn – 1 = 0 » admet
une racine multiple. En opérant une nouvelle substitution, on peut obtenir encore
un nouvel objet : une équation paramétrée « 4×(x + 1)n − 4xn – a = 0 » dont ont
peut chercher toutes les valeurs possibles de a, n étant donné, pour que l’équation
LA SUBSTITUTION 171

admette une racine multiple. Au fur et à mesure de l’évolution des procédés de


substitution décrits, de nouveaux objets mathématiques sont créés, de nouveaux
problèmes peuvent être posés, voire résolus, tandis que d’anciennes solutions sont
ré-examinées en en montrant une certaine généralité.
Différents types de substitutions ont émergé historiquement en fonction des
substituées, tout d’abord « lettre » ou « chiffre » puis plus généralement « forme »
ou « lieu » d’un assembleur. Partant de ces catégories, Serfati met à jour le rôle
fondamental de la substitution dans la constitution de l’écriture symbolique tout en
identifiant une dialectique entre extension et instantiation au coeur de la fonction
heuristique des substitutions. Nous structurons notre étude selon les types de
substitutions identifiés par Serfati (2005) en nous centrant sur celles qui engagent
« lettre », « chiffre » et « forme »3.

2.2.2. Substitutions « lettre – chiffre »


Un premier type de susbtitutions à la « lettre » qui apparaît dans les travaux de
Leibniz correspond au remplacement par un nombre à toutes les occurrences, ce
que Serfati nomme « chiffrage ». Elles permettent de déterminer la valeur d’une
expression par exemple, ce qui correspond à une instantiation numérique. Les
substitutions inverses, les substitutions « au chiffre », réalisent inversement des
extensions. Elles relèvent de deux catégories que Serfati (2005) nomme les
littéralisations et les canonisations. Les premières apparaissent chez Descartes qui
substitue des « chiffres » par des « lettres » dans la formule de Cardan pour les
équations du 3e degré. Dans le cas de propositions, les littéralisations peuvent
conduire à des canonisations comme « a2a3 = a2+3 » chez Descartes ou
« an ap = an+p » chez Leibniz. L’égalité précédente est alors une instantiation de
cette nouvelle égalité. La création de canons peut toutefois se heurter à la
reconnaissance de forme, une manipulation préalable peut être nécessaire pour
rendre possible l’analogie : l’extension demande « une préparation des
propositionnelles » (Serfati, 2005 p. 306). La question de la manière dont on peut
lier les variables potentielles des expressions se pose alors pour identifier de
possibles substituées. Une fois le canon créé, de nouveaux chiffrages peuvent être
envisagés, par exemple en remplaçant a, n ou p par des nombres qui ne sont plus
entiers. Ces instantiations permettent alors d’interroger l’extension du domaine de
validité de l’égalité.

3
Pour des raisons de place nous laissons de côté les substitutions aux assembleurs.
172 CELINE CONSTANTIN

2.2.3. Substitutions « lettre – lettre » ou « lettre – forme »


Lorsqu’une « lettre » est remplacée par une « lettre », la substitution peut
correspondre à un autre type d’instantiation que le chiffrage : une instantiation
littérale. Leibniz est ainsi l’un des premiers à désigner par paramètres les
substituantes correspondant à ces littéralisations spécifiques. La substituante
correspond alors à un donné fixé mais arbitraire.
Un autre type de substitutions à la « lettre » apparaît dans les travaux de Leibniz. Il
s’agit de la substitution par une « forme » correspondant à un changement de
variable pour la résolution des équations du troisième degré de la forme
« x3 + px – q = 0 ». Il ne s’agit pas pour Leibniz de déterminer des solutions dans le
sens où elles sont connues, mais de proposer une technique de résolution pour
retrouver des solutions déjà établies à partir de la méthode de Tartaglia-Cardan-
Bombelli. Pour cela il indique qu’il pose (ponatur) x = y + z. L’équation est rendue
plus complexe dans un premier temps, mais les nouvelles inconnues permettent de
simplifier l’expression du membre de gauche de l’équation pour terminer la
résolution. Si les substitutions au « lieu » d’une « lettre-chiffre » sont
prépondérantes au cours du XVIIe siècle, elles s’étendent avec le temps à des
substitutions à la place d’une « forme », et sont notamment utilisées pour rendre
apparente la structure d’une expression solution d’une équation de manière
condensée.
D’un point de vue écologique nous en déduisons que la substitution vit en étroite
relation avec les objets paramètre, équation, modélisation et calcul algébrique avec
les identités. La substitution occupe une niche écologique importante pour l’étude
des équations. Une condition pour envisager sa transposition dans l’enseignement
paraît toutefois être celle de l’existence de problématiques liées à l’existence, ou à
l’identification de conditions ou de cas possibles et donc de certains types de tâches
comme ceux identifiés par Bardini (2003). Par exemple, à partir d’une formule
modélisant une suite de nombres figurés, on peut examiner l’existence d’une valeur
de la variable pour laquelle la formule donne un nombre entier donné.
Pour des raisons de place et afin d’examiner plus avant les habitats de la
substitution, nous allons nous centrer sur le domaine de l’algèbre élémentaire4 et
restreindre notre étude aux objets modélisation, calcul algébrique et identités en
lien avec l’expérimentation réalisée. Nous n’aborderons donc pas les objets
équations ou systèmes d’équations (nous renvoyons à Drouhard et Panizza, 2012
pour des éléments de discussion).

4
Le domaine des suites et des fonctions serait également à considérer, ce que Bardini
(2003) a entrepris.
LA SUBSTITUTION 173

3. Etude globale de praxéologies de l’algèbre élémentaire autour de la


substitution
Dans cette partie, nous cherchons à caractériser des praxéologies qui pourraient
s’organiser autour de la substitution comme élément technologique, et en
particulier à faire des hypothèses quant aux conditions sous lesquelles elle pourrait
assumer un rôle technologique. Nous illustrons notre propos à partir de tâches
existantes dans les classes, mais aussi de tâches qui pourraient être nouvelles. Sans
entrer dans le détail de l’étude réalisée, nous présentons les praxéologies en les
regroupant selon les caractéristiques des substitutions auxquelles elles conduisent.
Au regard de notre étude épistémologique, nous retenons les types de tâches
suivants conduisant a priori à être accomplis au moyen de techniques reposant sur
des substitutions :
T1 : Développer une expression algébrique
T’1 : Factoriser une expression algébrique
T2 : Créer une identité à partir d’une égalité de LArithm
T’2 : Créer une identité à partir d’une identité de LAlg
T3 : Evaluer une expression algébrique pour une ou des valeurs attribuées aux
variables de cette expression
T4 : Reconnaître ou rendre visible une « forme » d’expression
T5 : Passer d’un modèle algébrique à un autre

3.1. Substitutions et créations d’identités


Accomplir T2 au moyen d’une substitution peut nécessiter un certain nombre de
sous-tâches. Considérons l’égalité « 5×(10 + 3) = 5×10 + 5×3 ». En effectuant la
substitution partout dans l’écriture 5 ↷ k , 10 ↷ a et 3 ↷ b on obtient le canon
« k×(a + b) = k×a + k×b ». Dans le cas d’un ensemble de propositions, un travail
préalable peut être nécessaire pour une certaine uniformité : à partir de
« 5×(10 + 3) = 5×10 + 5×3 » et de « 7×10 + 7×2 = 12×7 », il s’agit par exemple de
substituer 10 + 2 à 12, d’échanger les membres de l’égalité (ce qui peut se faire par
substitution) et les facteurs du produit (on substitue 7×12 à 12×7) dans l’écriture du
membre de gauche. Dans les substitutions les « lieux » ont une importance. Il y a
de plus un choix à effectuer dans les substituées : considère-t-on 10 comme
substituée potentielle ou non ? Du point de vue syntaxique c’est sans importance,
mais pour la création d’une identité, cela pose la question de la portée de
l’extension. La quantification que l’on est amené à poser pour l’interprétation de
ces nouvelles propositions, est héritée de leurs antécédents. Par exemple, pour la
174 CELINE CONSTANTIN

proposition précédente, les « lettres » pourraient être interprétées comme nombre


quelconque de l’ensemble des entiers naturels. Par suite, un changement de point
de vue peut être opéré sur la formule initiale qui devient une instantiation de cette
nouvelle proposition. Quelles autres instantiations numériques peut-on alors
réaliser ? Du point de vue syntaxique tout peut être envisagé. Mais ensuite, il
s’agira d’en observer l’interprétation possible, et de prendre en compte les savoirs
liés aux propriétés des nombres et des opérations conditionnant les chiffrages.
Une autre technique permettant d’accomplir T’2 peut s’appuyer sur des
substitutions dans des identités déjà constituées ainsi que nous l’avons évoqué dans
la première partie de cet article. Examinons l’exemple suivant dont nous faisons
l’hypothèse qu’il est implicitement utilisé dans certains manuels (Constantin,
2018) : « k(a + b + c) = ka + kb + kc ». En effectuant les substitutions b ↷ (b + c)
dans « k(a + b) = ka + kb » on obtient « k(a + (b + c)) = ka + k(b + c) ». En
opérant uniquement par substitution, une étape intermédiaire est nécessaire pour
produire l’égalité « k(b + c) = kb + kc ». Elle consiste à poser toujours dans la
même formule initiale a ↷ b et b ↷ c. Cette égalité permet ensuite d’exécuter la
substitution (k(b + c)) ↷ (kb + kc) dans « k(a + (b + c)) = ka + k(b + c) » pour
aboutir à l’identité visée. On retrouve plusieurs interprétations de l’égalité
nécessaires à la mise en œuvre de cette technique : formule de substitution ou
représentation d’une substitution potentielle. L’analyse des étapes nécessaires à une
telle technique nous amène à conclure que la substitution n’est pas toujours
économique pour les praxéologies considérées. Elle peut être selon les cas,
remplacée par ce que Drouhard (1992) nomme une transformation de mouvement.
Ainsi peut-on directement écrire la proposition voulue à partir de la précédente via
𝑑𝑖𝑠𝑡𝑟𝑖𝑏𝑢𝑡𝑖𝑣𝑖𝑡é
k(b + c) → kb + kc. La différence s’exprime par le fait qu’une
transformation de mouvement s’opère en articulation avec les propriétés
mathématiques des opérations, alors qu’une substitution est isolée dans la
dimension sémiolinguistique. Une transformation de mouvement permet de plus de
produire une succession d’égalités (assurée par les propriétés des opérations),
tandis que les substitutions s’exécutent dans une seule égalité transformée.
D’autres étapes pourraient être envisagée en considérant comme formule initiale
non pas une proposition mais une expression. À partir de « k(a + b + c) » la
substitution b + c ↷ d permet d’obtenir « k(a + d) » puis de terminer à partir de
l’égalité « k(a + d) = ka + kd » dans laquelle on peut opérer la substitution inverse
d ↷ (b + c).
Du point de vue technologique, la question de la conservation de la dénotation des
égalités est cruciale. Or, comme nous l’avons vu plus haut, elle peut être en partie
prise en charge par des propriétés de la substitution mais pas seulement : des
propriétés mathématiques peuvent être nécessaires dans la dimension notionnelle.
LA SUBSTITUTION 175

Les substitutions paraissent toutefois pouvoir mettre en relation différentes


identités, que ce soit celles qui existent usuellement dans les programmes et les
manuels du secondaire en France, voire en construire de nouvelles comme le carré
d’un trinôme par exemple. À partir de ces identités, on peut envisager des
techniques de calcul algébrique qui s’appuient sur de nouvelles littéralisations.

3.2. Substitution, développements et factorisations


Examinons plus avant le cas des techniques de factorisation ou de développement.
Considérant toujours le formalisme de la simple distributivité par exemple,
k ↷ ((3 + x)(x + 1)), a ↷ 5 et b ↷ x donne « ((3 + x)(x + 1))(5 + x) =
((3 + x)(x + 1))5 + ((3 + x)(x + 1))x », ou encore k ↷ (4n + 3), a ↷ (7n) et b ↷ 1
donne « (4n + 3)((7n) + 1) = (4n + 3)(7n) + (4n + 3)1 ». Ces exemples montrent
que la substitution permet d’envisager des techniques sûres pour des expressions
d’une certaine complexité ostensive avec des catégories d’une grande diversité
pour les substituantes. On retrouve les composantes technologiques associées aux
règles d’écriture. Examinons plus avant la question du parenthésage qui aurait été
nécessaire si on avait remplacé k ou b par −5 par exemple. Peut-on lister des
conditions qui permettent de décrire les parenthésages nécessaires ou utiles ? De
manière à rendre les techniques sûres, on pourrait envisager de parenthéser toutes
les substituantes. Mais dans ce cas, cela conduirait à parenthéser les écritures de
nombres ce qui peut rendre difficile la lecture des écritures comme
« (−5)((3n) + (2)) = (−5)(3n) + (−5)(2) ». Une autre solution serait d’écrire tous les
délimitants possibles ainsi que tous les signes de multiplication omis dans l’écriture
de la formule initiale. A partir de « k(a + b) = ka + kb » on obtiendrait alors
« k×(a + b) = (k×a) + (k×b) ». Mais le choix de ne pas parenthéser les « lettres »
conduit alors à parenthéser nécessairement certaines substituantes. En utilisant
l’exemple précédent, on est alors conduit à écrire k ↷ (−5), a ↷ (3n) et b ↷ 2. Ce
travail repose nécessairement sur des reconnaissances de formes à partir de
l’expression « −5(3n + 2) ». On pourrait envisager alors que la technique consiste à
compléter toute sous-expression comme « −5((3n) + 2) », à partir des priorités des
opérations. La reconnaissance de forme est-elle alors outillée, ou rendue plus
malaisée compte tenu de l’absence de parenthèses autour de la « lettre » a dans la
« forme » source que nous avons choisie ? En réalité cette forme apparaîtra
nécessairement si l’on parenthèse les substituantes en opérant la substitution dans
la forme choisie, ce qui laisse, selon nous la question finalement ouverte.
En amont de ce travail, la technique se compose d’une première étape qui
correspond au choix d’une identité. Les identités existant dans le secondaire en
France actuellement peuvent être au nombre de six (simple distributivité de la
multiplication par rapport à l’addition ou à la soustraction, double distributivité et
176 CELINE CONSTANTIN

trois identités remarquables), ce qui correspond à douze expressions possibles. La


mise en correspondance entre l’expression à développer ou à factoriser peut
également se faire sur des sous-expressions. Le choix des substituantes nécessite
d’examiner les occurrences et les sous-expressions à lier ou non. Par exemple pour
développer « (7x + 3)(7x + 5) » pense-t-on les deux premiers termes de chaque
somme comme résultant potentiellement d’une même substitution associant une
même substituée à une même substituante (substitution à toutes les occurrences),
ou bien considère-t-on qu’une même substituante peut correspondre à deux
substituées différentes ? En effectuant les substitutions à toutes les occurrences
7x ↷ a ; 3 ↷ c et 5 ↷ d, on obtient une expression qui n’est pas une sous-
expression d’une identité connue, mais la substitution du deuxième 7x par b permet
de se ramener à la double distributivité. Dans quelle mesure la reconnaissance
d’une identité (étape préalable nécessaire à son utilisation) pourrait-elle dès lors
s’appuyer sur des substitutions ? La substitution est en effet réversible (propriété
très utilisée dans le cas de changement d’inconnue pour la résolution d’équations
par exemple). Les choix peuvent être nombreux à envisager. Pour développer
« (6x + 2)(2x + x) » par exemple on peut considérer chaque occurrence de « 2 »
comme issue d’une substitution potentielle, voire celle de « 6 » comme en lien avec
2. Se fonde-t-on sur les écritures des signes « + » et du produit de deux sommes par
pattern matching ? Dans ce cas, on peut ne pas identifier une autre substitution qui
serait (2x + x) ↷ 3x. Une fois cette première étape réalisée, un travail sur les
parenthèses est nécessaire comme nous l’avons vu précédemment. La description
dans le détail des techniques et des choix à opérer montre à la fois combien ce
travail peut être délicat mais aussi piloté par divers éléments technologiques dans
lesquels la substitution peut jouer un certain rôle. La question du travail de
reconnaissance se prolonge également dans les problèmes de modélisation comme
nous allons le voir.

3.3. Substitution, reconnaissance de forme et modélisation


De même que pour la création d’identités, la construction d’un modèle peut
s’appuyer sur une première étape dans LArithm consistant à partir de connaissances
sur le système à produire des relations entre des valeurs numériques. La production
de relations peut également se faire directement dans LAlg, avec un plus grand
nombre de variables que nécessaire, ainsi que nous l’avons observé précédemment
(figure 1). Le type de tâches T5 peut s’avérer utile. Une technique peut consister à
retravailler les désignations en appui sur une certaine dialectique entre système et
modèle. Si l’on dispose d’une égalité, une autre technique consiste à choisir une
relation comme source, et à interpréter l’un des membres de l’égalité comme
substituante, et l’autre comme substituée, ce qui peut nécessiter un travail préalable
sur l’égalité produite pour exprimer une variable en fonction d’autres. Le travail du
LA SUBSTITUTION 177

modèle étant piloté par la recherche d’expressions dépendant de mêmes variables,


un changement de variable peut être utile. La justification s’appuie sur des
propriétés liées à l’égalité : à toute égalité on peut associer deux substitutions, et le
dénoté d’une proposition est conservé par substitution issue d’une égalité (sous
réserve que les expressions restent définies, avec des conditions sur les domaines
sur lesquels les relations sont observées).
Ces substitutions peuvent également être utiles lorsque le travail du modèle a pour
enjeu de produire une certaine forme, par exemple « 3n », qui est une forme d’un
multiple de 3. Par exemple lorsqu’on veut montrer que la somme de trois nombres
entiers naturels consécutifs est un multiple de 3, si on désigne par a, b et c les
entiers en question, l’expression « a + b + c » ne permet guère de conclure. De
même que précédemment, des essais numériques peuvent permettre de conjecturer
que la somme est égale à 3b. Avec ou sans cette conjecture, il est souvent utile de
lier les variables et d’en réduire le nombre dans l’expression sur laquelle on
travaille.
Ces substitutions peuvent aussi participer à l’identification d’une expression
comme objet à part entière, par exemple en effectuant n + 1 ↷ N, pour reconnaître
le carré d’un nombre dans (n + 1)², et pas seulement un nombre auquel on ajoute 1
avant de calculer son carré. Plus généralement la reconnaissance de la catégorie
d’une expression peut s’appuyer sur des éléments technologiques comme : si on
peut par substitutions dans une expression obtenir A × B alors c’est un Produit.
Examinons plus avant le type de tâches T4.
Deux types de tâches sont à considérer : reconnaître une forme d’expression et
reconnaître une structure. Pour reconnaître la structure principale, une technique
peut consister à identifier la dernière opération à effectuer en cas d’exécution du
calcul en simulant T3 ou en passant à une formulation rhétorique par étapes. Les
priorités opératoires et le rôle des parenthèses constituent les ingrédients
technologiques essentiels. Bardini (2003) montre néanmoins que la mise en oeuvre
de cette technique demande un travail d’analyse et de synthèse non trivial. En
position de lecteur, il s’agit de commencer à interpréter des opérateurs de plus bas
niveau, contrairement à ce que l’on fait en position d’auteur de l’expression. Dans
ce cas en effet, la structure principale guide le travail tout en considérant les autres
opérateurs. Ainsi que le note Bardini à la suite de Serfati, les techniques de lecture
s’appuient sur un mélange d’analyse et de synthèse permettant d’effectuer des
contrôles au fur et à mesure du travail. D’autres moyens de reconnaissance peuvent
également entrer en jeu. Du point de vue syntaxique la hiérarchie des opérations
correspond à des caractéristiques visuelles des expressions que Kirshner a
identifiées (Kirshner, 1989) : aux opérateurs de niveau 1 (addition et soustraction),
178 CELINE CONSTANTIN

correspond l’espacement horizontal large, la juxtaposition horizontale ou verticale


étant associée aux opérateurs de niveau 2 (multiplication ou division) et la
juxtaposition en diagonale aux opérateurs de niveau 3 (racines ou puissances).
With operation level defined in these visual terms the character of the hierarchy of
operations rule is altered: the propositional construct that exponentiation has
precedence over multiplication which has precedence over addition becomes the
implicit knowledge that diagonal juxtaposition 'ties tighter than' horizontal
juxtaposition which 'ties tighter than' wide spacing. (Kirshner, 1993, p. 12)
Les travaux de Kirshner (1989) tendent à montrer que les élèves s’appuient de
manière prégnante sur les spécificités visuelles pour les identifications de
structures, les connaissances syntaxiques paraissant s’acquérir davantage dans la
pratique et par l’expérience des formes, bien qu’il ne soit pas certain que le travail
sur les priorités opératoires ne joue pas un rôle. Or, la substitution pourrait comme
nous l’avons vu précédemment jouer un rôle pour outiller ce travail. Revenons à
l’exemple de l’expression 4x(x + 5) que nous avons examinée dans la première
partie de cet article. Le fait que l’algébriste compétent identifie un produit de deux
facteurs est lié à une règle syntaxique de priorité de la catégorie Pseudo-Monôme
sur la catégorie Produit5. Ce choix s’explique aussi du point de vue du calcul, par
des raisons d’économie dans le développement. L’expert peut passer d’une
structure à l’autre selon les besoins du travail qu’il a à accomplir mais ce n’est sans
doute pas toujours le cas pour les élèves.
Ces analyses montrent comment les praxéologies envisagées peuvent se nourrir les
unes des autres à partir de techniques fondées sur la substitution. La substitution
pourrait donc être un objet relié à bien d’autres objets. Du point de vue
technologique, les besoins identifiés relèvent essentiellement des règles
syntaxiques liées aux signes et aux parenthèses, de reconnaissances de sous-
expressions dans une formule, de la réversibilité de la substitution, ou des règles
liant égalité, substitution et conservation de la dénotation, ce qui renvoie à des
savoirs à la fois dans la dimension sémiolinguistique et notionnelle. Nous retenons
deux nouvelles propriétés de la substitution. Pour toute substitution s de LAlg, en
notant s' la substitution s’obtenant en échangeant substituées et substituantes, on a

5
Du point de vue de la structure linguistique, deux opérations multiplicatives peuvent être
distinguées : la première, interne, correspond à la catégorie Produit (comme pour 4 × x), la
seconde, externe, correspond à la catégorie Pseudo-monôme, comme pour 4x. Cette
distinction permet de rendre compte de propriétés permettant l’identification de la structure
telle que l’expert la considère usuellement. L’agrégation par juxtaposition joue de ce point
de vue un rôle particulier : la sous-structure dont dérive « 4x » se trouve ainsi en position de
facteur dans la structure globale, ou autrement dit en position « prioritaire ».
LA SUBSTITUTION 179

s' ∘ s = IdL. De plus, en notant deux expressions algébriques e1 et e2, si e1 = e2, alors
e1 ↷ e2 et e2 ↷ e1 conservent la dénotation d’une proposition (sous réserve, pour la
très grande majorité des cas, que les expressions soient bien définies sur les
domaines considérés pour les propositions). Néanmoins, pour un certain nombre de
règles, les généralisations paraissent peu envisageables. Par ailleurs, des techniques
concurrentes peuvent exister qui ne mobilisent pas la substitution (passer d’une
expression algébrique à une expression rhétorique pour T4 ou les transformations
de mouvement pour T1). Ceci contribue sans doute à ce que la substitution n’existe
pas vraiment dans l’enseignement. D’autres besoins trophiques émergent dans nos
analyses à partir des travaux de Serfati (2005) et Bardini (2003), c’est-à-dire des
besoins répondant à l’articulation des praxéologies envisagées avec d’autres
praxéologies en amont et en aval constituant des chaînes alimentaires (Chevallard,
2007). De ce point de vue, les types de tâches liés à des problématiques d’existence
en lien avec la modélisation ou au passage d’une expression rhétorique à une
expression algébrique et inversement explorés par Bardini (2003) amènent à penser
que les praxéologies que nous avons envisagées pourraient s’insérer dans
l’institution collège.
Ceci questionne les conditions didactiques sous lesquelles les organisations de
savoir envisagées peuvent exister dans cette institution. Afin d’explorer quelque
peu ces conditions, nous avons conçu et expérimenté dans une classe de 4e
ordinaire deux exercices autour de la substitution. Cette expérimentation a un
caractère très local et n’est pas adossée à la conception d’une ingénierie didactique
qui aurait pour objectif de prendre en charge les praxéologies telles que nous les
avons ébauchées. Il s’agit d’éclairer notre étude écologique d’un autre point de vue
en nous centrant sur ce que l’on nomme le moment technologico-théorique
(Chevallard, 2007) en théorie anthropologique du didactique. Ce moment
didactique a pour fonction l’élaboration d’éléments permettant de décrire,
d’éclairer ou de justifier la technique de substitution pour la praxéologie associée à
T1. Précisons que le terme de moment ne désigne pas un moment dans le temps et
qu’il peut se réaliser en plusieurs épisodes.

4. Résultats d’une expérimentation dans une classe de 4e

4.1. Eléments méthodologiques


L’expérimentation s’est déroulée dans une classe de 4e (élèves de 13-14 ans) de 27
élèves en 2016 dans laquelle l’enseignante est la chercheure. Deux séances ont été
consacrées à un travail autour de la substitution. Notons que les élèves ont travaillé
les règles de priorité des opérations et la propriété de distributivité de la
multiplication par rapport à l’addition a été enseignée sous sa forme simple dans la
classe précédente. Les règles d’écriture et de ré-écriture d’expressions algébriques
180 CELINE CONSTANTIN

(juxtaposition de signes qui nécessitent le parenthésage pour les nombres négatifs,


ou effacement du signe de la multiplication dans certains cas) ont également été
travaillées. La substitution a été introduite à partir de questions soulevées par un
problème consistant à prouver que la somme des six premiers termes d’une suite de
Fibonnacci est égale au produit du cinquième terme par 4. Certains élèves justifient
à partir de sommes réorganisées et de produits vus comme additions itérées.
D’autres ont utilisé la propriété de distributivité sur l’expression « 4×(2a + 3b) », a
et b désignant les deux premiers nombres de la suite. La question de savoir si cette
transformation est légitime a ensuite été posée, et la substitution a été introduite
comme permettant de décrire une manipulation fondée par l’écriture
« k×(a + b) = k×a + k×b ».
Deux exercices ont ensuite été proposés aux élèves. Le premier consiste à travailler
la technique, un ensemble de substituantes étant données, il s’agit d’effectuer les
substitutions. Le second exercice consiste à développer un certain nombre
d’expressions à partir de la praxéologie associée à T4. Pour cela, la technique est
imposée par l’énoncé qui est le suivant : « Proposer des substitutions possibles
pour utiliser la distributivité pour développer les expressions suivantes puis
effectuer le développement ». La propriété de distributivité est donnée sous la
forme « k×(a + b) = k×a + k×b ». Les signes des multiplications sont écrits de
manière à centrer le travail des élèves sur les choix des substituantes et le
parenthésage, en limitant les difficultés de reconnaissance de structures pour
l’identité. Cinq expressions sont proposées : « −5(3n + 2) » ; « 2n(n + 3) » ;
« (4n + 3)(7n + 1) » ; « (3n − 2)(4n + 5) » et « 4(3a + 2b + 1) ».
Nous faisons l’hypothèse que la substituabilité des expressions dépend pour les
élèves des catégories des substituantes. Nous avons donc choisi des expressions
pour lesquelles les substituantes pour k sont successivement un nombre négatif, un
monôme, une somme et une différence. Nous cherchons à déterminer si les élèves
convoquent des arguments liés aux fonctions syntaxiques ou à la nature des sous-
expressions pour justifier leurs techniques et en particulier leurs choix ou la
possibilité ou non d’effectuer des substitutions. Nous faisons en effet l’hypothèse
que certains élèves peuvent ne pas envisager de substitutions possibles autres que
pour des nombres ou des monômes, mais que la production d’une égalité par
substitution pourrait être juste et servir de levier pour réinterroger la nature des
substituantes possibles.
Nous cherchons également à déterminer dans quelle mesure les choix d’ostensifs
envisagés peuvent outiller l’activité mathématique : au niveau symbolique et
discursif. Nous avons ainsi choisi de ne pas distinguer substitution, substituées et
substituantes en parlant de substitution afin d’éviter d’introduire trop d’ostensifs
nouveaux. Nous avons également choisi un ostensif orienté (une flèche) pour éviter
LA SUBSTITUTION 181

de prendre en charge (au moins dans un premier temps) l’introduction d’un


nouveau statut de l’égalité. Dans quelle mesure ces choix outillent-ils ou au
contraire peuvent-ils gêner le travail mathématique ?
L’autre enjeu est de déterminer des conditions sous lesquelles il est possible
d’élaborer un discours dans la classe permettant de contrôler les choix de
substituantes. Nous avons prévu d’interroger les élèves pour décrire leurs
techniques émergeantes de manière à mettre à jour des spécificités des expressions
associées à ces choix et mettre en correspondance l’expression donnée, l’identité et
les sous-expressions susceptibles d’être substituées.
Nos analyses concernent les ingrédients technologiques qui émergent dans la
classe. Pour cela nous mobilisons les notions d’ostensifs et de non-ostensifs. Nous
cherchons à identifier et à caractériser les discours technologiques en construction :
quels sont les savoirs convoqués implicitement ou explicitement par les élèves ?
Quelles difficultés les élèves peuvent-ils rencontrer à l’occasion de la mise en
œuvre de substitutions ?
Les élèves ont travaillé sur le deuxième exercice en fin de deuxième séance et en
début de troisième séance (avec la consigne supplémentaire de réduire les
expressions développées). Nous avons relevé l’ensemble des copies entre les deux
séances mais nous n’avons pu récupérer que certains cahiers d’élèves à l’issue de la
deuxième séance. Certaines non-réponses ou réponses incomplètes peuvent donc
s’expliquer par le manque de temps imparti au moment où nous avons collecté les
écrits. Huit élèves n’ont pas abordé cet exercice à l’issue de la deuxième séance.
Nous allons donc nous centrer sur l’analyse des choix et les productions d’écritures
associées aux substitutions des 19 autres élèves et sur les éléments technologiques
émergeants au moment de la correction en classe lors de la troisième séance. Nous
nous appuyons pour cela sur les retranscriptions des enregistrements audio des
deux séances.

4.2. Des difficultés dans les choix de substituantes


Un premier résultat qui émerge des analyses des écrits des élèves est d’une part que
les choix pour les substituantes sont réussis pour les deux premières expressions
(19/19 et 18/19), tandis que des erreurs apparaissent pour les catégories Somme ou
Différence (6 erreurs parmi les 18 réponses pour « (4n + 3)(7n + 1) » et 3 erreurs
parmi les 14 réponses pour « (3n −2)(4n + 5)) », ce qui correspond aux analyses a
priori. Nous ne considérons pas le taux de non-réponses comme significatif au
regard de la collecte partielle de données. Un autre résultat est celui de la réussite
de la très grande majorité des substitutions. Lorsque les élèves commettent des
erreurs, elles sont systématiquement liées au parenthésage absent. Par exemple
182 CELINE CONSTANTIN

pour « −5(3n + 2) » les élèves qui donnent des réponses incorrectes écrivent
« −5×3n + −5×2 ».
Toutefois, les élèves peuvent ne pas parenthéser tout en pensant les écritures
comme telles ainsi que le montre la production suivante (figure 2).

Figure 2. Ecritures non parenthésées et développement juste


Nos observations rejoignent celles de Bardini (2003) dans le cadre des fonctions en
2nde qui interprète de telles erreurs à l’occasion de substitutions comme une absence
de distinction entre des écritures comportant ou non des parenthèses.
Pour les copies dont nous disposons, les élèves qui ne choisissent pas les bonnes
substituantes réussissent néanmoins la substitution lorsqu’ils l’exécutent (figure 3).

Figure 3. Une erreur dans le choix des substituantes


La substitution pouvant s’opérer de manière « aveugle », l’égalité obtenue dans
cette copie (figure 3) est juste même si elle ne correspond pas à un développement
de l’expression donnée. Certains élèves n’envisagent que des substituantes
Constante ou Pseudo-monôme, sans aboutir. Un élève choisit des substituantes
dans l’ordre de l’écriture avec k ↷ 4n, a ↷ 3 et b ↷ 7n + 1 sans tenir compte des
fonctions syntaxiques des sous-expressions. D’autres estiment qu’il n’y a pas de k
et qu’il est impossible de mettre en œuvre la technique. Bien que partielles, les
données tendent à confirmer l’hypothèse que les adaptations de techniques dans le
cas d’altération de catégories peuvent ne pas être évidentes pour les élèves.
L’identification de facteurs ou de sous-expressions comme substituantes possibles
se révèle être une difficulté non négligeable ainsi que nous le supposions en
première partie de ce texte.
Ceci nous amène à examiner plus avant les composantes technologiques associées
qui émergent dans la classe à l’occasion des corrections : sur quels éléments les
LA SUBSTITUTION 183

élèves fondent-ils leurs identifications et leurs choix dans la description et la


justification des techniques ? Quels sont les moyens de contrôle des écritures qu’ils
mobilisent ?

4.3. Décrire une substitution et justifier les choix de substituantes


Nous allons nous intéresser à trois extraits afin de comparer des composantes
technologiques en construction autour de la description et de la justification des
choix des substituantes.
La première description apparaît à l’occasion de la correction du développement de
« −5(3n + 2) ». Les élèves ont été renommés.
P : Comment vous faites pour trouver les substituantes comme ça ? Heu Lou ?
Lou : Beh on regarde par rapport au calcul qui est donné parce que k c’est le premier
on prend le premier nombre a c’est le deuxième beh on prend le deuxième nombre et
b on prend le troisième nombre
L’identification des positions suffit dans ce cas à condition de pouvoir identifier
Constante et Monôme comme substituantes possibles ce qui ne paraît pas poser de
problème. On peut s’interroger toutefois sur les choix des ostensifs pour désigner
les expressions et sous-expressions. Lou parle de calcul pour désigner l’expression
donnée, mais surtout de nombre indifféremment pour une Constante ou un
Monôme. En parlant de nombre, Lou s’appuie-t-elle sur l’idée que des écritures
symboliques comme « 3n » peuvent désigner des nombres ou bien parle-t-elle
seulement des écritures des sous-expressions pour lesquelles elle ne disposerait pas
d’autres mots pour les désigner ? Cet ostensif ne risque-t-il pas de conforter l’idée
pour certains élèves que les seules substituantes possibles sont des nombres ?
Examinons de ce point de vue le choix de Youna pour développer
« (4n + 3)(7n + 1) ». Plusieurs élèves ont choisi de substituer k par n, ce qui
émerge au moment de la correction :
Youna : Non c’est k n vu que c’est le facteur commun n / on voit que n il est dans
chaque // il est dans / avec chaque nombre donc k c’est / n c’est le facteur commun
donc on remplace par k
En justifiant son choix, Youna étend le discours usuel dans les classes de
reconnaissance de k dans le cas des factorisations, ce qui est inopérant pour le
développement. Le fait que n soit bien un facteur commun de sous-expressions
rend sans doute d’autant plus difficile d’invalider ce choix au regard de la structure.
Elle a ensuite choisi a ↷ 4 + 3 et b ↷ 7 + 1, sans doute en étendant une suppression
de l’écriture du facteur commun, même si elle n’explicite pas davantage. L’épisode
se poursuit en mobilisant la substitution comme moyen de vérification.
184 CELINE CONSTANTIN

P : 7 plus 1 / beh il faut vérifier alors on y va / avec cette substitution on écrit


l’égalité ici / ça fait ? Ava ?
Ava : Heu n fois 4 plus 3 plus 7 plus 1
P : Ah oui tu as raison
Ava : Est égal à n fois 4 plus 3 plus n fois 7 plus 1
P : Qu’est-ce que vous pensez de la substitution proposée par Ava ?
Maël : Ah ben elle est pas bonne
P : Pourquoi ? pourquoi effectivement ben elle heu ben elle correspond pas / c’est la
substitution proposée par Youna désolée / pourquoi ça / ça marche pas / à quoi vous
reconnaissez que ça marche pas cette substitution ?
Madison : C’est plus long que
P : Y’a pas que le fait que ce soit plus long / Ava ?
Ava : [inaudible] Dans la feuille
P : Ben on retrouve pas l’expression donnée dans la feuille non
Cet épisode montre que la substitution joue un rôle important pour invalider le
choix de Youna pour développer. On observe par ailleurs des comparaisons qui
s’appuient sur des éléments de surface des expressions, la longueur de l’écriture, ce
qui suffit en réalité à conclure. Lorsque les élèves sont invités à produire un
discours permettant d’identifier les substituantes, les extensions des descriptions
liées à la factorisation en appui sur les occurrences sont résistantes.
P : [...] Pour cette écriture Boris était très embêté et il m’a dit mais y’a pas de / y’a
pas de k dans cette écriture / et heu y’a pas que lui qui m’a dit ça / heu y’a Mickaela
aussi qui au début me disait mais y’a pas de facteur / alors je vous pose la question
comment on reconnaît le k / ce facteur-là comment on fait pour savoir ? Jules ?
Jul : Ben il y est plusieurs fois
Bor : […] On l’identifie beh quand il y est deux fois
P : Ah une fois qu’on a écrit l’égalité oui / mais à partir de l’écriture de la feuille
c’est ça la question / dans la feuille y’avait juste écrit ça 4n plus 3 facteur de 7n plus
1 (P écrit en même temps au tableau) et tu m’as dit toi-même mais là on peut pas le
faire / on peut pas / y’a pas de k // Ava ?
Ava : Beh parce que le facteur il est toujours au début
P : Heu Mikaela ?
Mik : Ben parce que y’a un fois quand même
P : Alors oui là il n’y est pas mais effectivement y’a une multiplication oui y’a un
facteur ça se repère par rapport à la multiplication / Coline c’est ce que tu voulais
dire ?
Col : Heu je voulais dire qu’il est aussi toujours au début
Les formulations autour de reconnaissances de structures nécessaires en amont des
transformations s’avèrent d’autant plus complexes que les marqueurs des
LA SUBSTITUTION 185

opérations n’apparaissent pas toujours dans l’écriture donnée (comme le signe de la


multiplication). Notons de plus que pour les substitutions, la place (amont ou aval)
des sous-expressions est importante, de sorte que les remarques d’Ava et de Coline
sont aussi une condition nécessaire pour mettre en œuvre la substitution (sinon, il
faut transformer l’expression en utilisant la commutativité par exemple). Le risque
étant de rigidifier les techniques et de se contenter de cet indice pour identifier un
facteur et reconnaître une occasion d’emploi de la propriété.
Il s’agit donc à la fois d’identifier une sous-expression associée à la fonction
syntaxique de la substituée dans l’expression donnée et sa position dans l’écriture.
Mais l’ensemble de l’expression est à considérer : ici il s’agit aussi d’identifier
l’autre facteur comme une Somme, ce qui reste implicite dans la classe.
Notons toutefois une occasion manquée de mobiliser la réversibilité de la
substitution comme moyen de contrôle des choix des substituantes. Une élève
utilise en effet les substitutions inverses et retrouve l’identité à utiliser (figure 4)
bien que sa production ne soit pas reprise pour la classe.

Figure 4. Réversibilité de la substitution et reconnaissance d’une identité


Ceci nous amène à conclure que la réversibilité peut effectivement exister dans les
praxéologies comme nous l’avons envisagé théoriquement.
Un autre résultat concerne l’ostensif ↷ choisi et les ostensifs langagiers oraux
associés à la substitution. Le professeur utilise « est substitué par » tandis que les
élèves ne reprennent jamais cette expression, ce qui n’est pas étonnant au vu de sa
complexité. Au cours de l’ensemble des séances, une seule élève interrogée parle
de substitution, les autres élèves utilisent une pause ou « c’est », ou encore
« égale » lorsqu’ils sont interrogés dans les moments de mise en commun. Sans
que nous puissions généraliser cette observation aux usages des élèves car les
élèves font souvent des réponses courtes et les deux enregistrements effectués
auprès de groupes d’élèves sont inaudibles, il est à noter que les signes utilisés
jusqu’alors par les élèves (« + », « − », « = »… ) ne sont pas oralisés par des
formes passives (si on excepte « multiplié par », très souvent remplacé par
« fois »), mais en général par un seul mot. De plus l’orientation de la flèche ne
correspond pas bien à l’ostensif langagier oral, ce qui peut expliquer en partie le
fait que cette forme langagière ne soit pas reprise par les élèves. Bien que le
186 CELINE CONSTANTIN

phénomène réinterroge l’usage orienté du signe « = », le fait que les élèves utilisent
à l’oral « égale » pour lire la flèche nous amène à penser que l’introduction de ce
nouvel ostensif n’est peut-être pas utile.

4.4. Questionnement technologique et justification d’égalités


Dans la classe où a lieu l’expérimentation, un élève reprend les remarques d’Ava et
de Coline quant à l’identification de k pour les contester. La question posée à la
classe est alors celle de la possibilité de choisir un autre facteur. Jules propose
7n + 1, ce qui occasionne un nouveau questionnement :
Jul : 7n plus 1
P : 7n plus 1 bien sûr
Hug : Mais pourquoi on a choisi alors
Ava : Mais ça aurait pas donné le même résultat alors
La remarque d’Ava peut être interprétée de deux manières différentes selon qu’elle
réfère au sens ou à la dénotation de l’expression. Lorsqu’elle évoque un résultat,
parle-t-elle de l’expression obtenue à droite de l’égalité, les développements étant
différents, ou parle-t-elle du résultat du développement et de la réduction en
supposant que des transformations différentes ne peuvent conduire à des
expressions égales ?
Le manque de termes pour distinguer sens et dénotation, mais aussi pour identifier
ce dont on parle quand on évoque l’égalité ou la mêmeté, amène dans la classe un
certain nombre de confusions. Lors de la séance suivante, les élèves sont invités à
comparer ce qu’on obtient avec les deux substitutions : « (4n + 3)(7n + 1) =
(4n + 3)×7n + (4n + 3)×1 » et « (7n + 1)(4n + 3) = (7n + 1)×4n + (7n + 1)×3 ». Les
expressions ont toutes le même dénoté, mais pas le même sens. L’enjeu consiste à
identifier deux choix possibles pour effectuer le développement. Un élève
remarque que « c’est l’inverse » ce qui amène l’enseignante à demander « est-ce
que c’est pareil », mais cette question est ambigüe. Un autre élève évoque la
substitution, ce qui amène à supposer qu’il a interprété la question au regard de la
technique qui est la même, bien que les substituantes soient différentes. Une élève
évoque la commutativté de la multiplication : « Parce que quand on multiplie on
peut faire dans les deux sens » explique-t-elle interprétant ainsi la question au
regard de l’égalité des Produits dans les membres de gauche. La transitivité de
l’égalité permettrait de conclure mais elle n’est pas évoquée et les élèves ne sont
pas convaincus. Un élève propose de « choisir un nombre », un autre d’aller sur
tableur, et un dernier de réduire. Plusieurs échanges dans la classe montrent que les
élèves ne sont pas sûrs de devoir trouver la même expression réduite à l’issue de
leurs calculs, le questionnement technologique paraît donc essentiel autour de la
transitivité de l’égalité ou la conservation du dénoté par substitution. Il pose
LA SUBSTITUTION 187

cependant la question de la manière dont on pourrait distinguer sens et dénotation


dans les discours.
L’étude se termine dans la classe par la réduction pour conclure à l’égalité des
résultats. Toutefois, aucune propriété de la substitution n’est énoncée pour fonder
des manipulations d’écritures futures. La construction de discours nouveaux pour
l’enseignement pose la question de la manipulation d’ostensifs langagiers couplés à
des ostensifs scripturaux qui occasionnent des tensions entre les savoirs dans la
dimension notionnelle et les savoirs dans la dimension sémiolinguistique. Cette
expérimentation montre néanmoins que, prenant les techniques associées à la
substitution comme objet d’étude, les tâches proposées permettent de faire émerger
un questionnement autour de choix ou d’identification de sous-expressions dont
nous faisons l’hypothèse qu’il participe à renforcer les relations entre praxis et
logos pour les élèves, le formalisme jouant alors un rôle technologique véritable au
contraire de ce que l’on observe dans les manuels. Le fait que ces questionnements
émergent dans la classe et que certains élèves considèrent certaines substitutions
impossibles tend également à valider nos hypothèses quant aux difficultés d’élèves
dans le travail de la technique.
Le questionnement technologique apparaît toutefois seulement ébauché dans la
classe, dans le sens où l’analyse de l’économie, l’efficacité de la fiabilité ou du
domaine d’application des techniques (Bosch et al., 2004) n’est qu’amorcé, laissant
en suspens la question des aspects sémantiques. L’élucidation des savoirs de nature
sémiolinguistique demande de construire des discours qui permettent de soutenir le
travail qui s’accomplit en désignant les objets utiles à ce travail et les propriétés
véhiculées.

Conclusion et perspectives
Les analyses de manuels et les difficultés observées en classe tendent à montrer
d’une part l’existence de substitutions implicites qui véhiculent des adaptations de
techniques non négligeables et peu prises en charge, et d’autre part que la
transparence des savoirs qui s’y rapportent peut être une source de difficulté pour
les élèves. En l’absence de la notion de substitution, les enseignants peuvent être
conduits à réduire la diversité des formes d’expression pour leurs élèves afin de
favoriser une proximité ostensive avec les formalismes, ou à proposer des
généralisations formelles des identités qu’ils ne peuvent véritablement exploiter.
Ces phénomènes nous paraissent de nature à limiter la valence instrumentale des
écritures symboliques, notamment le rôle technologique des identités. Nous faisons
l’hypothèse que la substitution est un savoir transparent pour les enseignants au vu
des analyses d’épisodes de classe et d’entretiens, tandis que les savoirs
sémiolinguistiques engagés permettant d’accompagner le travail de manipulation
188 CELINE CONSTANTIN

d’écritures reposent sur des propriétés à la fois invisibles pour les élèves et
complexes à appréhender du point de vue syntaxique et sémantique.
L’expérimentation dans une classe montre que des tâches qui convoquent la
substitution peuvent donner lieu à des questionnements nouveaux sur les
techniques (nouveaux car ils n’apparaissent pas par exemple dans les manuels). La
substitution peut également jouer un rôle technologique pour valider ou invalider
des techniques de développement. De l’analyse des difficultés d’élèves à construire
un discours pour décrire ce qu’ils font, émergent un certain nombre d’hypothèses
pour envisager que les substitutions complètent les praxéologies envisagées. La
première concerne la nécessité de mettre en mots des savoirs de nature
sémiolinguistique. Or, ceux-ci ne font que peu partie des discours institués dans les
mathématiques actuelles tandis que pour l’enseignement ces discours deviennent
nécessaires en début d’apprentissage notamment. Il s’agit d’envisager des ostensifs
permettant de désigner et manipuler les substitutions ainsi que les objets sur
lesquels elles opèrent, et notamment les sous-expressions, indépendamment de leur
nature ou leur fonction syntaxique. Ceci rejoint les travaux de Kirshner (1993) qui
parle de Verbal Support System. Face aux aspects visuels de surface des
expressions sur lesquelles s’appuient les élèves, Kirshner met en avant la nécessité
pour les élèves de disposer d’un lexique spécifique (incluant par exemple « sous-
expression » ou « opération dominante » ou « principales sous-expression ») afin
de décrire les structures en amont du travail sur les règles de transformations. La
construction de discours nouveaux pour et avec les élèves pose également la
question des pratiques langagières des enseignants. L’usage de désignations
comme « nombre » demande de distinguer les savoirs dans la dimension
sémiolinguistique, de ceux dans la dimension notionnelle et de disposer de leviers
pour faire évoluer les discours en construction. Pour que la substitution enrichisse
les praxéologies de manière pérenne, il apparaît nécessaire d’institutionnaliser a
minima un certain nombre de connaissances associées. Les analyses engagées de ce
point de vue montrent combien elles peuvent être délicates, ce qui amène à
envisager une étude plus approfondie de la construction et de l’évolution de
discours à l’occasion de l’introduction de nouvelles notions et de nouveaux
ostensifs associés (Chesnais et Constantin, 2020).
Les potentialités ouvertes par un enseignement prenant en charge certains savoirs
de nature sémiolinguistique sont explorées depuis de nombreuses années dans des
environnements numériques (notamment Thompson et Thompson, 1987 ;
Thompson, 1989 ; Kirshner, 1989 ; Nicaud, 1989). Thompson et Thompson (1987)
montrent sur un petit effectif que les élèves tendent à s’appuyer davantage sur
l’identification des structures des expressions pour piloter les transformations
d’expressions et les choix des propriétés utiles. Thompson (1989) décrit également
LA SUBSTITUTION 189

comment des substitutions permettent à certains élèves de considérer des sous-


expressions comme un tout, et par suite d’identifier des structures identiques pour
des expressions de complexités différentes faisant le lien avec des propriétés
mathématiques sous-jacentes aux manipulations des écritures. Les représentations
en arbre utilisées resteraient toutefois à questionner car elles sont produites par le
logiciel, de même que dans les travaux de Kirshner (1993) et Awtry (1993), ce qui
confère un coût non négligeable aux techniques. Les expérimentations réalisées
avec le logiciel Aplusix ont également montré des apprentissages médiés par les
messages d’erreurs qui concernent notamment des appariements (Nguyen-Xuan et
al., 2002), c’est-à-dire des choix de substituantes en fonction de règles qui peuvent
être choisies par les élèves dans des listes, les calculs étant effectués par le logiciel.
Notre expérimentation apporte une piste supplémentaire : les substitutions étant à
la charge des élèves, on pourrait penser qu’elles donnent lieu à des erreurs ne
permettant pas à la substitution d’assumer un rôle technologique. Dans les séances
observées, et pour les expressions données, il n’en est rien. Le fait qu’elles puissent
se réaliser de manière aveugle a permis d’exercer des contrôles et d’invalider des
choix. Dans les pratiques humaines toutefois, ce n’est certainement pas toujours le
cas. La gestion des parenthèses pour conserver les fonctions syntaxiques peut
s’avérer difficile, et constitue la source majeure des erreurs commises. Le fait que
le logiciel Aplusix n’ait été finalement que peu utilisé dans les classes malgré ses
potentialités amène à questionner des conditions sur les pratiques enseignantes à
l’occasion de l’introduction d’objets nouveaux de savoir.
Les potentialités de la substitution restent à explorer avec des tâches qui permettent
aux élèves d’approfondir le questionnement technologique (au sens de Sierra et al.,
2013) amorcé et au-delà comment la résolution de problèmes y compris avec des
changements de cadre peut y contribuer. Par exemple, dans la séance suivant le
travail sur les substitutions dans la classe observée, certains élèves identifient dans
l’expression « x² + 5x + 6 » la sous-expression « 5x + 6 » comme étant la variation
d’une aire à partir de celle d’un carré de côté x. Un élève le fait spontanément en
encadrant « 5x + 6 » dans « x² + 5x + 6 », tandis que de tels encadrements
n’apparaissent jamais au tableau. Nous faisons l’hypothèse que le travail effectué
sur les substitutions a contribué à ce que certains puissent analyser l’expression
comme une somme de l’aire du carré et d’autre chose, tandis que d’autres
effectuent une soustraction pour identifier la variation. Il n’en demeure pas moins
que ceci n’est pas nécessairement évident (voir Jullien, 1990) et nous conduit à
supposer que des substitutions peuvent jouer un rôle dans la reconnaissance de
formes y compris à l’occasion d’interprétations.
L’étude engagée ici amène plus généralement à questionner la manière dont, à
partir de l’élucidation de savoirs transparents, on peut penser l’enrichissement de
190 CELINE CONSTANTIN

l’activité de l’élève au moyen de l’importation d’objets nouveaux de savoir, et plus


encore, lorsque les savoirs dans les mathématiques constituées semblent trop
éloignés des savoirs envisagés à enseigner : comment penser une transposition
viable de ces objets, comment construire des savoirs de référence opérationnels
incluant notamment des savoirs de nature sémiolinguistique ?
Ces questions rejoignent celles que posent l’identification de savoirs qui n’ont pas
d’existence institutionnelle véritable ainsi que le note Chesnais (2018) à l’instar de
l’énumération (Brousseau, 1984, puis Briand, 1993) pour le dénombrement à
l’école, ou de la distinction entre ce que Chesnais et Munier (2016) nomment
mesure empirique et mesure théorique. N’étant pas à proprement parler
mathématiques, quel statut peuvent prendre de tels savoirs dans l’institution une
fois ceux-ci identifiés dans la recherche en didactique ?
En particulier, instituer ces objets comme objet d’enseignement à part entière
pourrait conduire à des dérives (Chesnais & Constantin, 2020) en les isolant des
pratiques qu’ils éclairent ou des concepts qu’ils peuvent permettre d’enrichir.
Ainsi, Chesnais (2018) observe-elle une enseignante finissant par utiliser la
distinction entre les mesures empiriques et théoriques comme catégorisation sans
pour autant enrichir les discours autour du concept de mesure. Dans le cas du
calcul algébrique, le risque pourrait être de faire des élèves des calculateurs
aveugles (Sackur et al., 1997), voire de supplanter des enjeux liés au
développement d’une certaine intelligence de calcul (Artigue, 2004) ou d’autres
éléments permettant de guider les transformations des expressions notamment liés
à des enjeux spécifiques de la résolution d’un problème (avec des changements de
cadre par exemple). Ceci nous amène à envisager la substitution plutôt comme un
objet paramathématique (Chevallard, 1991) c’est-à-dire un objet que l’on peut
nommer sans tout à fait le définir, pour lequel on dispose de certains éléments de
savoir, mais un objet essentiellement outil de l’activité mathématique. La manière
dont il peut être pris en charge dans l’enseignement reste à explorer dans les classes
avec les enseignants.

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CELINE CONSTANTIN
LIRDEF, Univ Montpellier, Univ Paul Valéry Montpellier 3, Montpellier, France
celine.constantin@umontpellier.fr
JOSEP MARÍA FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO
ROANES-LOZANO

ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN EN


UN CONTEXTO DE INNOVACIÓN PEDAGÓGICA EN GEOMETRÍA

Abstract. Reflective discourse analysis of pre-service teachers in a context of


pedagogical innovation in geometry. The reflective narratives of three pre-service
teachers are analysed from the perspective of discourse analysis and reflection on practice,
applied to the acquisition of geometric competences and the role of dynamic geometry. In
the context of the master's degree for future secondary school teachers in mathematics and a
pedagogical innovation project, where two of the authors gave training sessions entitled
‘automated visualization’ and ‘technological mediation’, the pre-service teachers were
given a questionnaire in which they were asked to return to what they had learned,
questioning the contribution of their training to their future teaching practice. In the
narratives collected, three degrees of reflection can be found, ranging from the naivety of
certain assessments to professional initiatives and purely mathematical perspectives. The
didactical and mathematical consequences of this analysis are presented and discussed,
highlighting, in particular, the intrinsic difficulty of ensuring that relevant, but potentially
disruptive, ideas of pedagogical innovation are conveyed to pre-service teachers against the
weight of tradition and personal beliefs in mathematics teaching.

Keywords. Dynamic geometry, teacher education, reflective discourse analysis.

Résumé. Analyse du discours réfléchi des enseignants du secondaire dans leur


formation initiale dans un contexte d'innovation pédagogique en géométrie. Les récits
réflexifs de trois enseignants stagiaires sont analysés sous l’angle de l'analyse du discours et
de la réflexion sur la pratique, appliquée à l'acquisition de compétences géométriques et au
rôle de la géométrie dynamique. Dans le cadre de la maîtrise pour la formation des futurs
enseignants du secondaire en mathématiques et d'un projet d'innovation pédagogique,
intitulée «visualisation automatisée» et «médiation technologique», les enseignants
stagiaires ont reçu un questionnaire où ils devaient revenir sur ce qu'ils ont appris,
s’interrogeant sur l’apport de leur formation en vue de leur pratique pédagogique à venir.
Dans les récits recueillis, on trouve trois degrés de réflexion qui vont de la naïveté de
certaines appréciations aux intentions d’initiatives professionnelles, en passant par des
perspectives guidées principalement par les mathématiques. Les conséquences didactiques
et mathématiques de cette analyse sont présentées et discutées, soulignant notamment la
difficulté intrinsèque de faire en sorte que des idées d'innovation pédagogique pertinentes,
mais potentiellement perturbatrices soient dévolues aux enseignants stagiaires, face au

ANNALES de DIDACTIQUE et de SCIENCES COGNITIVES, volume 26, p. 195 - 220.


© 2021, IREM de STRASBOURG.
196 JOSEP M. FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO ROANES-LOZANO

poids de la tradition et des croyances personnelles en matière d'enseignement des


mathématiques.

Mots clés. Géométrie dynamique, formation des enseignants, analyse du discours réfléchi.

Resumen. Se analizan las narrativas reflexivas de tres profesores en formación, desde las
perspectivas del análisis del discurso, aplicadas a la adquisición de las competencias
geométricas y al papel de la geometría dinámica. En el contexto del máster universitario
para futuros profesores de matemáticas de Secundaria y de un proyecto de innovación
pedagógica, en el que dos de los autores impartieron sesiones de formación tituladas
“visualización automática” y “mediación tecnológica”, se entregó a los profesores en
formación un cuestionario en el que se les pedía que reflexionaran sobre lo que habían
aprendido, cuestionando la contribución de su formación a su futura práctica docente. En
las narrativas recogidas encontramos tres grados de reflexión que van desde la ingenuidad
en ciertas apreciaciones hasta las iniciativas profesionales y las perspectivas puramente
matemáticas. Se presentan y discuten las implicaciones didácticas y matemáticas de este
análisis, destacando en particular la dificultad intrínseca de garantizar que las ideas
relevantes, pero potencialmente perturbadoras, de la innovación pedagógica, lleguen a los
profesores en formación, frente al peso de la tradición y las creencias personales en
educación matemática.

Palabras clave. Geometría dinámica, formación docente, análisis del discurso reflexivo.
_________________________________________________________________________

1. Introducción
Este estudio se enmarca y prolonga un proyecto de innovación educativa de una
universidad pública española, en la cual uno de los autores es a la vez formador y
investigador. De hecho, imparte en dicha universidad el módulo “Innovación
docente e iniciación a la investigación educativa en matemáticas” del “Máster
Universitario en Formación del Profesorado de Secundaria” (especialidad:
“Matemáticas”) y utiliza técnicas de evaluación e investigación para encontrar
mejoras en el sistema de formación. Se trata de un curso presencial de posgrado, de
un año de duración, que se exige en el sistema educativo español para impartir
docencia en Secundaria. Los estudiantes son futuros profesores de Secundaria, en
formación inicial para la docencia, pero con títulos de grado en materias tales como
ingenierías, arquitectura, física, informática y, sobre todo, matemáticas. En ese
contexto, otros dos de los autores de este estudio impartieron sendas conferencias
de formación en línea, de títulos respectivos:
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 197

- “Determinación simbólica de propiedades geométricas con GeoGebra”,


- “Mediación tecnológica. Ejemplos de génesis instrumental en el desarrollo de
competencias geométricas”.
Estaban dirigidas al grupo de futuros profesores que cursaban dicho módulo y
pudieron contar con el apoyo y los consejos del cuarto autor. Estos profesores
tienen amplia experiencia en formación de futuros docentes, por lo que conocían
suficientemente las características de los estudiantes a los que se dirigían, y suelen
impartir cursos de posgrado en contextos similares.
La primera conferencia introdujo y desarrolló, a través de ejemplos, las
características de determinados comandos de GeoGebra recientemente
introducidos, que permiten al usuario deducir, comprobar o descubrir propiedades
geométricas. Así, en una de las actividades mostradas a los estudiantes se
imaginaba que estos tenían que comprobar algunas propiedades, como la que dice
que las alturas de un triángulo son concurrentes (Fig. 1). En dicha actividad, el
modo de verificación se asumía que podía ser abierto o impuesto, por ejemplo,
sabiendo que puede hacerse numéricamente, utilizando el oráculo Relación;
simbólicamente, utilizando el comando SonPerpendiculares(h,c);
instrumentalmente, colocando los puntos en los nodos de la cuadrícula y
comparando las pendientes de las líneas h y (AC); o analíticamente, realizando
cálculos tradicionales o utilizando el módulo de cálculo simbólico incluido en
GeoGebra (Kovács et al., 2017; Kovács et al., 2018; Hohenwarter et al., 2019;
Flores-Salazar et al., 2022). Finalmente se planteó el potencial papel educativo de
estas herramientas, la dicotomía: como ayuda (para conjeturar y orientar al alumno)
en el marco de un currículo tradicional, o como alternativa para modificar el
currículo y centrarlo en la adquisición de aquellas competencias que las máquinas
no pueden alcanzar.
198 JOSEP M. FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO ROANES-LOZANO

Figura 1. En la actividad denominada ¿Alturas concurrentes?, ABC es un triángulo


cualquiera, f y g son las alturas relativas a los vértices A y B que se cortan en D, y h es la
recta que pasa por los puntos C y D. Cuando se teclea SonPerpendiculares(h,c) en
la línea de entrada, el sistema devuelve el valor lógico true.
En la segunda conferencia se realizó una amplia reflexión sobre el papel de la
actividad matemática instrumentada y la mediación tecnológica en la enseñanza de
la geometría, ejemplificando las distintas formas de interacción a través del análisis
detallado de los procesos clave en la educación geométrica: visual (observar,
explorar), figural (modelizar, conjeturar, definir), operacional (instrumentar,
instrumentalizar) y deductivo (argumentar, demostrar). Estos ejemplos se
desarrollan en diferentes situaciones escolares de Educación Primaria y Secundaria,
tanto en entornos manipulativos como de simulación con un software de geometría
dinámica como GeoGebra. Véase (Paneque et al., 2017). En definitiva, se focalizó
la discusión en ¿cómo trabajar en clase con auténticas situaciones problemáticas,
donde se puedan generar entornos de aprendizaje en que los alumnos se habitúen a
experimentar y probar a partir de sus propias acciones, tanto empíricas como
mentales, compartiendo su práctica y mentalización con la colaboración de sus
propios compañeros y del profesorado? Los estudiantes encontraron especialmente
interesantes los problemas mostrados por el profesor que proponían optimizar el
posicionamiento de una planta de pellets tratando, bien de igualar su distancia a
tres ciudades (determinando con GeoGebra el circuncentro del triángulo de vértices
las tres ciudades), bien minimizando la suma de distancias a esas tres ciudades (a
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 199

través de la construcción del denominado Punto de Fermat1). El que los alumnos se


sorprendan agradablemente ante la introducción de problemas de estas
características ratifica, una vez más, la habitual desconexión entre los problemas
propuestos en la clase de matemáticas y los problemas del mundo real, pese a que
la matemática es usualmente la clave para la resolución de estos últimos (véase, por
ejemplo, Roanes-Lozano y Sánchez (2017)) y siendo conocido el positivo efecto de
la introducción de la tecnología en la clase de matemáticas (Martínez Zarzuelo et
al., 2020). Se concluyó, en resumen, que es en el estar alerta, prestando atención al
uso de diferentes medios y artefactos para mejorar las clases, donde podemos situar
el papel de la tecnología en la educación geométrica.
Inspirados por el trabajo de Breen et al. (2014), en el que estos estudian – desde la
perspectiva de la “Discipline of Noticing” de Mason (2002) – sus propias
impresiones, como profesores universitarios, a lo largo de un curso, los autores de
este artículo se plantearon la realización de una experiencia similar, aunque más
modesta, con los profesores en formación del máster citado. Además, dicha
experiencia se enmarcaba en otro contexto, más específico, de didáctica de la
matemática, estudiando el impacto de las sesiones de formación impartidas en las
creencias de los futuros profesores sobre el papel de la tecnología en la enseñanza
de la geometría.
Existen trabajos de análisis de las narrativas reflexivas desde el mismo marco
teórico que hemos elegido, relacionados con profesores en ejercicio, como por
ejemplo el ya citado de Breen et al. (2014), sobre profesores universitarios, o
(Bjuland et al., 2012), sobre un profesor de Primaria, pero no conocemos ninguno
con esta misma orientación y estudiando el mismo tipo de muestra (futuros
profesores de Secundaria, todavía en formación inicial).
Se diseñó para ello un experimento que comenzó con las dos sesiones de formación
en línea a las que se ha hecho referencia. Tras ellas y con la finalidad de que
realizaran una reflexión retrospectiva del efecto de las sesiones de formación, se
remitió por correo electrónico un formulario en línea. En este formulario se les
indicaba que hicieran una narración sobre dos momentos-breves-pero-vívidos de
las sesiones, formularan una pregunta para ellos relativas a las sesiones, y
mencionaran lo que no les había quedado claro y que creían que habían aprendido.
Estas cuestiones se corresponden con estrategias de formación inicial en el marco
de la pedagogía de Mason (2002) y Schön (1983). Como se ha indicado arriba, se

1
Véase, para mas información sobre este Punto de Fermat, el artículo
https://es.wikipedia.org/wiki/Punto_de_Fermat o la descripción detallada de este punto en
http://geogebra.es/gauss/materiales_didacticos/eso/actividades/geometria/poligonos/viviani
_fermat_4/actividad.html
200 JOSEP M. FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO ROANES-LOZANO

trata en definitiva de obtener información analizando las narrativas reflexivas


presentes en dichas encuestas. El análisis se centra en el interés espontáneo que
pudo despertar la transmisión de ciertas novedades tecnológicas radicales, en las
convicciones de los futuros profesores sobre la enseñanza de una disciplina tan
tradicional como la geometría. Aunque, tal vez, su formación inicial no sea
suficiente para apreciar las competencias profesionales del profesor, algo que se
mencionará en las conclusiones, abogando por el desarrollo de planes que mejoren
el entrenamiento de los alumnos en competencias profesionales.
Del total de profesores en formación del máster se seleccionaron tres, cuyas
respuestas fueron posteriormente analizadas en detalle, como se describe en el
presente trabajo. La selección se basó en la presunta heterogeneidad de los alumnos
elegidos, en la diversidad de sus características formativas y personales, lo que se
corroboró al explorar sus respuestas.
Tras introducir someramente, en la sección siguiente, el marco teórico del trabajo,
se continuará, en la Sección 3, con la descripción detallada de la experiencia, de los
datos recogidos y su análisis. El trabajo concluye con la discusión de los resultados
obtenidos y las conclusiones correspondientes.

2. Marco teórico
En lo que sigue resumimos algunos antecedentes, así como el marco teórico y su
uso para la interpretación de datos del discurso narrativo de profesores en
formación en el contexto de esta experiencia, que se centra en el discurso reflexivo.
Como información de los distintos marcos teóricos que contemplan investigaciones
y experiencias similares a la nuestra, se remite al lector al reciente trabajo
(Haspekian, 2020), se aborda la investigación de la práctica docente en un contexto
tecnológico (TPDA = Teacher Practice in the Digital Age). Ese mismo contexto se
recoge sintéticamente en Derouet et al. (2017), donde se hace referencia, en
particular, a la capacidad de la teoría de los Espacios de Trabajo Matemático para
coordinarse con la teoría MTSK (Mathematics Teacher’s Specialised Knowledge)
para entender mejor el conocimiento del profesor y su rol en el aula. Finalmente,
un desarrollo teórico más específicamente relacionado con la aproximación ETM
(Espacios de Trabajo Matemático) al uso de GeoGebra y de las herramientas de
razonamiento automático ha sido desarrollado en Kovács et al. (2017) y Kovács et.
al. (2020), donde se pone de manifiesto el diferente enfoque e, incluso, el cambio
inducido en el propio trabajo matemático del estudiante que viene determinado por
usar, o no, herramientas tecnológicas para construir un ecosistema en el que
desarrollar un pensamiento geométrico asistido por ordenador.
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 201

Como se ha indicado anteriormente, en este trabajo se analizan, desde el marco


teórico específico del Análisis del Discurso de Sfard (2001) y la Reflexión sobre la
Práctica de Mason (2002), Schön (1983) y Smith (2003), las narrativas reflexivas
de tres futuros profesores de Educación Secundaria en un curso de formación
profesionalizante, relacionadas con la adquisición de las competencias geométricas
por el alumnado de Secundaria y con el papel de determinados avances recientes en
geometría dinámica en este contexto.
Los discursos analizados manifiestan rasgos, o lo que Perrenoud (2011) llama
“habitus”, de distinto nivel, calidad, estructura, función, forma y contenido
profesional (relativo a la profesión docente). Los profesores en formación del
máster, como participantes en las locuciones, no construyeron simplemente la
representación semántica de las presentaciones verbales en su memoria episódica,
sino, además, una representación (con aportaciones propias) acerca del
acontecimiento de las sesiones de formación.
El estudio de las emisiones verbales como actos de habla es la tarea de la
pragmática. La pragmática analiza su función o fuerza locutiva como acto de habla.
Precisamente la finalidad de este estudio es evaluar el grado de dicha fuerza,
estudiando el contenido de esas emisiones verbales en relación con la enseñanza de
la geometría y el uso de la tecnología, así como su predisposición a una posible
futura labor docente. Todo ello valorado por el nivel de profundidad y detalle que
muestran los profesores en formación.
En el segundo capítulo de la parte II de libro de Mason (2002), se distinguen dos
orientaciones o niveles de imparcialidad de las narrativas. Los denomina:
- “account-for”, que podríamos resumir como “explicar, interpretar”, con un
contenido o descripción más personal, y
- “acount-of”, que podríamos traducir como “tener en cuenta”, que describe o
identifica las causas de un modo más aséptico, impersonal, independiente.
Yendo al texto original de Mason:
An account-of describes as objectively as possible by minimising emotive terms,
evaluation, judgements, and explanation. (...) By contrast, an account-for introduces
explanation, theorising and perhaps judgement and evaluation. (Mason, 2002, p. 40)
y también:
To account-for something is to offer interpretation, explanation, value-judgement,
justification or criticism. To give an account-of is to describe or define something in
terms that others who were present (or who might have been present) can recognise.
(Mason, 2002, p. 41)
202 JOSEP M. FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO ROANES-LOZANO

Por otra parte, en Cobo y Fortuny (2000) se presenta una noción de coherencia
discursiva para referirse a la organización del discurso pedagógico y matemático en
la clase de matemáticas, destacándose la explicitación de procesos matemáticos y
conexiones entre ellos en la interacción verbal entre el profesor y los profesores en
formación (Planas et al., 2016). En el actual estudio, centrado en el análisis de las
narrativas reflexivas (Llinares, 2020; Mason, 2002; Smith, 2003) en el discurso
matemático de profesores en formación, planteamos una noción de coherencia
local que coordina dos dimensiones:
- Dimensión temática:
- si hablan de demostración, modelización, tecnología, sentimientos,
consciencia, matemáticas, el profesor, la enseñanza;
- si se detectan iniciativas como profesor;
- si hay intención de probar cosas.
- Dimensión interlocutiva:
- si el discurso es imparcial (“account-of”), sólo descriptivo, anecdótico,
- si el discurso es complejo, subjetivo (“account-for”): se fija en ideas
clave, las interpreta; razonado (establece relaciones entre aspectos
específicos y principios generales); crítico, efectivo (mencionando los
efectos que va a tener dicha actividad en su futura práctica docente);
prospectivo; si concluye lo que habría que hacer en clase.
Aunque ambas dimensiones se complementan e interaccionan, nuestra contribución
se centra antes que nada en la dimensión interlocutiva. Como categorías del
análisis del discurso podemos considerar: su estructura, la comprensión, la forma
del discurso, los cambios en los episodios del discurso y la coherencia local. En
cuanto a la estructura, entendemos que el discurso es una unidad observacional, es
decir, la unidad que interpretamos al ver o escuchar una emisión.
Mientras, en lo referente a su comprensión, una de las primeras tareas de un
modelo de la comprensión del discurso es organizar y reducir grandes cantidades
de información muy compleja, en nuestro caso no hace falta ni reducirla ni
simplificarla, puesto que ya nos centramos en la interlocución de las sesiones de
formación aquí consideradas. Entendemos también el discurso como una forma de
comunicación (Planas et al., 2016) en términos de las relaciones semánticas entre
proposiciones individuales de la secuencia discursiva del profesor en la progresión
de la enseñanza (Radford, 2013).
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 203

Sfard resalta las peculiaridades del discurso matemático:


Mathematical discourse is made special by two main factors: first, by its exceptional
reliance on symbolic artifacts as its communication-mediating tools, and second, by
the particular meta-rules that regulate this type of communication. (Sfard, 2001,
p. 13)
Como consecuencia de esas peculiaridades del discurso matemático, en el discurso
de los profesores en formación del máster se observará si se establecen
transformaciones y conexiones entre representaciones (de lo expuesto en las dos
sesiones de formación en línea versus lo asimilado y presentado en las narrativas)
que sean coherentes con las situaciones de formación aquí consideradas. Uno de
los elementos definitorios de la mejora en la observación (“notice”, representando
de alguna forma una muestra de madurez o complejidad de la introspección) puede
consistir en la producción de un discurso correcto y detallado, que justifique dicha
notificación. El focalizarse en los detalles requiere un proceso metacognitivo de
introspección, de observarse a uno mismo desde dentro. La redacción de
narraciones reflexivas representa una forma constructiva de hablarnos a nosotros
mismos que ayuda a desarrollar grados de conceptualización personal de la
enseñanza de las matemáticas (Mason, 2002; Fernández et al., 2018).
En este estudio se identificarán tres grados de reflexión narrativa, adaptados
libremente para este caso (de profesores de matemáticas en formación), a partir de
las ideas de Mason (2002):
- El grado bajo, que se corresponderá con rasgos de disposición docente poco
subjetiva, puramente matemática. Podemos considerarlo como una narración
con un grado de reflexión bajo, en la que el profesor en formación solo
describe o refiere eventos anecdóticos de las sesiones de formación y que
podríamos relacionar, dado que minimiza “…emotive terms, evaluation,
judgements and explanation...” (Mason, 2002, p. 40), con la dimensión
“account-of”’.
- El grado intermedio, en que la disposición docente es ingenua y ligeramente
consciente. Así pues, consideramos en este caso que su grado de reflexión
narrativa se valora en un punto medio, que podríamos identificar con una
dimensión nueva, denominada “account”, entre “account-of” y “account-for”,
por manifestar conatos de interpretación de ideas cruciales de las sesiones de
formación.
- Finalmente, el grado alto (“account-for”), que ya indica una disposición
docente reflexiva y personal, con un intento de conceptualización de las ideas
clave de las sesiones y una expectativa docente para el futuro profesional.
204 JOSEP M. FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO ROANES-LOZANO

Ya adelantamos aquí que el estudio que vamos a describir en la sección siguiente


muestra cómo, en las narrativas de profesores de Educación Secundaria en
formación situados en un contexto de innovación tecnológica en geometría
elemental, pueden encontrarse casos de estos tres grados de reflexión. En general
se reconoce ingenuidad en ciertas apreciaciones (“account”), perspectivas
puramente matemáticas (“account-of”) y cierta iniciativa profesional (“account-
for”). Se puede avanzar, además, que las características analizadas en los discursos
de los profesores en formación muestran el escaso impacto sobre estos futuros
docentes de la transmisión de las novedades tecnológicas en las sesiones de
formación. Todo ello se discutirá en la sección de Conclusiones.

3. Metodología

3.1 Participantes e instrumento


En este estudio cualitativo usamos una metodología de investigación etnográfica
(Eisenhart, 1988), explorando situaciones particulares de tres de los profesores en
formación del máster de Enseñanza Secundaria de una universidad pública
española, que se analizan en profundidad, para evidenciar y hacer emerger
consideraciones teóricas sobre la coherencia del discurso.
Como se ha indicado anteriormente, se diseñó un experimento con profesores en
formación, con los objetivos siguientes:
- caracterizar grados de madurez reflexiva, según Mason (2002), en las
observaciones de los profesores en formación del máster, evaluando el grado
de fuerza locutiva de las narraciones de los estudiantes en respuesta al
cuestionario que les planteaba diversas cuestiones sobre ciertas sesiones
formativas on-line que habían recibido, y
- concretar a través de este análisis de sus narraciones, las creencias y
predisposición docente de estos estudiantes en un contexto tecnológico como el
expuesto durante las sesiones formativas recibidas.
Como parte de la evaluación del experimento de formación, se pidió a estos
profesores en formación que contestaran un cuestionario, en el que se les solicitaba
que realizaran por escrito una serie de tareas centradas en el logro de cinco
propósitos: realizar una retrospectiva, saber priorizar, profundizar en detalles,
mostrar interés y generar pensamiento y propuestas (Tabla 1).
Las etapas de desarrollo del experimento fueron las siguientes:
- delimitación de los contenidos de las sesiones de formación en línea,
- determinación de la estructura de las citadas sesiones de formación,
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 205

- estructuración de las subsiguientes tareas a realizar por los profesores en


formación (narrativas sobre varias actividades),
- realización de las sesiones de formación en línea,
- recogida y organización de las tareas realizadas por los estudiantes (Tabla 1),
- selección de los tres profesores en formación cuyas narrativas se analizarían,
- análisis de los datos recogidos hasta una semana tras las sesiones de formación.
Tabla 1. Tareas sobre narrativas reflexivas: cinco cuestiones propuestas después de las dos
locuciones.
Propósitos Tareas Descriptores
I. Relata dos momentos
Retros-
breves-pero-vívidos en la Reflexión como toma de consciencia.
pectiva
sesión.
II. Formula una pregunta
Ocurrencia. Evento empírico en un
Prioridad para tí, relativa a las
contexto de formación.
sesiones.
III. Responde a tu
Continuidad de la emisión.
Detalles pregunta de manera
Coherencia semántica y pragmática
específica.
IV ¿Qué es lo que no te ha Intervención de medios para solventar
Interés
quedado claro? dificultades.
Organiza y reduce grandes cantidades
de información. Se establecen
transformaciones y conexiones entre
representaciones, que son coherentes
con las locuciones de las dos
presentaciones. Esta transformación
da lugar a una nueva forma de
percibir, hablar y, conceptualmente,
Pensa- V. ¿Qué crees que has
se trata de una nueva forma de
miento aprendido?
consciencia con contenido emocional
de llegar a ser profesor. Es una
transformación del conocimiento
pedagógico u objetivación “en sí
mismo”. La formación no es un
estado, es un proceso personal en un
momento de constitución de la
consciencia.
206 JOSEP M. FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO ROANES-LOZANO

Del total de profesores en formación del máster se seleccionaron tres, que el


profesor de los mismos propuso por la diversidad de sus características personales
e intelectuales, lo que se corroboró al analizar sus respuestas.
Como se verá más adelante, los discursos de los profesores en formación en
respuesta a este cuestionario manifiestan rasgos de distinto nivel y calidad,
estructura, función, forma y contenido profesional.

3.2 Datos y análisis


Como ya se ha mencionado, los datos de esta investigación son las respuestas de
tres profesores en formación del máster (de entre los doce que respondieron al
cuestionario) a las cinco tareas propuestas. Las respuestas se clasificaron de
acuerdo con las dos dimensiones que propone el marco metodológico de análisis
del discurso de Cobo y Fortuny (2000) (Tabla 2).
Tabla 2. Dimensiones temática e interlocutiva consideradas.
Temática Interlocutiva
• hablan de demostración, • el discurso es sencillo
• modelización, (“account”),
• tecnología, • sólo descriptivo (“account-of”),
• sentimientos, • anecdótico (detalles poco
• consciencia, relevantes) (“account-of”),
• matemáticas, • crucial (se fija en ideas clave,
• el profesor, interpreta), razonado (hace
• la enseñanza, relaciones entre aspectos
• iniciativas como profesor, específicos y principios
intención de probar cosas. generales),
• crítico,
• efectivo (efectos que va a tener
dicha actividad en su futura
práctica docente),
• prospectivo (“account-for”),
plantea acciones sobre lo que
habría que hacer en clase.
Hay que tener en cuenta en las contestaciones originales el carácter y
circunstancias de los alumnos del Máster en Formación de Profesorado de
Secundaria: no son (todavía) profesionales de la enseñanza (aunque tratan de serlo,
están en periodo de formación) y, por ejemplo, muchos de ellos están sujetos,
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 207

mientras cursan el máster, a condiciones laborales que provocan, en casi todos los
casos, disponer de escaso tiempo para realizar experiencias educativas reales.
Se incluye a continuación el análisis narrativo de los discursos de los tres
profesores en formación. La numeración romana utilizada se corresponde a la
notación de la actividad de la Tabla 1. Los nombres de los estudiantes son ficticios.

3.2.1 Análisis narrativo de Asun


Las narrativas de Asun, que se analizarán a continuación, están incluidas de modo
literal en la Tabla 3. En aras de la brevedad, no repetiremos en cada tabla los
enunciados de las actividades propuestas (I-V) recogidas en la Tabla 1.
Tabla 3. Narrativas de Asun correspondientes a las tareas I, II, III, IV y V.

Tareas Narrativas

I 1. El primer presentador está diciendo que cierta figura no es un


cuadrilátero mientras mueve uno de los vértices, cuando claramente sí
es un cuadrilátero. Supongo que está usando la palabra cuadrilátero en
lugar de cuadrado. Lo que quiere decir es que, dependiendo de cómo
definas la construcción en GeoGebra, al mover el vértice, respetarás o
no los ángulos. Me parece interesante.
2. El ejercicio propuesto de dónde colocar la planta entre tres pueblos,
bajo ciertas condiciones, me suscita interés.

II ¿Qué es el punto de Fermat? ¿Cómo se calcula?

III El punto de Fermat es, por definición, el que minimiza la suma de las
distancias a los vértices. Se calcula como la intersección de los
segmentos que unen cada vértice con el vértice más lejanos de un
triángulo equilátero construido (externamente) sobre el lado opuesto.

IV Es claro que con GeoGebra los chavales podrán aventurarse a


conjeturar, corriendo el riesgo de confundir la claridad con la que “ven”
un concepto con una demostración formal. Así, respondiendo a la
pregunta, debo decir que no tengo del todo claro hasta dónde las
herramientas de geometría dinámica son una ayuda y a partir de dónde
empiezan a entorpecer el esfuerzo de visualización geométrica y de
formalización que todo aprendiz de matemáticas debe hacer.
208 JOSEP M. FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO ROANES-LOZANO

V He aprendido muchas cosas. Para empezar qué es el punto de Fermat,


quién es María Antonia Canals (y algunas ideas para mi peque de 5
años) y algunas de las posibilidades de GeoGebra (y páginas web donde
averiguar más). Y para seguir, me he dado cuenta de las implicaciones
casi filosóficas que para algunas personas (por ejemplo, el profesor que
ha impartido la primera charla) tiene la aparición de herramientas tan
potentes como GeoGebra, llegando a compararlas con el quinto
postulado de Euclides y el cambio de paradigma que se genera cuando
lo niegas. El tiempo dirá.

Analizando las expresiones narrativas con los indicadores discursivos de la Tabla


1, podemos afirmar que la profesora en formación Asun, en lo que concierne a la
Dimensión Temática, se muestra interesada por saber cómo resolverá el estudiante
la tentación de considerar como una demostración formal la mera constatación
visual de una propiedad: (…) corriendo el riesgo de confundir la claridad con la
que “ven” un concepto con una demostración formal (IV).
Si la visualización es una actividad cognitiva que permite interpretar signos
matemáticos con el conocimiento que un individuo tiene, aquí se ve también un
interés instrumental. Más precisamente, se nota una preocupación enfocada hacia la
instrumentación, es decir, hacia la adaptación y asimilación del artefacto
GeoGebra a los procesos de enseñanza tradicionales, que no se concreta luego en
una clara apuesta por alguna aplicación didáctica: El punto de Fermat es, por
definición, el que minimiza la suma de las distancias a los vértices. Se calcula
como la intersección de los segmentos que unen cada vértice con el vértice más
lejano de un triángulo equilátero construido (externamente) sobre el lado opuesto.
(III).
Muestra sentimientos positivos: El ejercicio propuesto de dónde colocar la planta
entre tres pueblos, bajo ciertas condiciones, me suscita interés (I). Su perspectiva
es puramente matemática: ¿Qué es el punto de Fermat? ¿Cómo se calcula? (II).
Destaca un conato de conceptualización: (...) GeoGebra, llegando a compararlas
con el quinto postulado de Euclides y el cambio de paradigma que se genera
cuando lo niegas. El tiempo dirá. (V).
Manifiesta sólo una incipiente identificación de oportunidades de aprendizaje (la
conjetura como primer paso hacia la demostración): Es claro que con GeoGebra
los chavales podrán aventurarse a conjeturar (IV).
En cuanto a la Dimensión Interlocutiva, la profesora en formación Asun muestra
cierta ingenuidad temporal: (...) (y algunas ideas para mi peque de 5 años) (V). No
identifica las ideas clave puestas de manifiesto en las conclusiones de las
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 209

locuciones de los formadores en las dos sesiones, sólo describe los aspectos
técnicos: (…) cuando claramente sí es un cuadrilátero (I).
A veces sus respuestas no recogen una reflexión personal sobre el papel de la
mediación tecnológica: por ejemplo, cuando sólo menciona en el ítem I que le
suscita interés el ejercicio propuesto: El ejercicio propuesto de dónde colocar la
planta entre tres pueblos, bajo ciertas condiciones, me suscita interés (I.)
Sí interioriza el aprendizaje: He aprendido muchas cosas. (V) y también se
aprecian rasgos de efectividad y de prospección, al referenciar en los discursos de
sus respuestas el efecto de las situaciones presentadas para su futura práctica
docente…no tengo del todo claro hasta dónde las herramientas de geometría
dinámica son una ayuda y a partir de dónde empiezan a entorpecer el esfuerzo de
visualización geométrica y de formalización que todo aprendiz de matemáticas
debe hacer. (IV). En definitiva, como rasgos, es decir propiedades o peculiaridades
distintivas e intrínsecas de la personalidad de la profesora en formación Asun, se
resalta la influencia de su perspectiva puramente matemática y su menor iniciativa
actual para ejercer como profesora, tanto como, al hablar de visualización y de
formalización, del obstáculo que puede resaltar de la utilización de GeoGebra.

3.3.2 Análisis narrativo de Bea


Las narrativas de Bea, que se analizarán a continuación, están incluidas de modo
literal en la Tabla 4.
Tabla 4. Narrativas de Bea correspondientes a las tareas I, II, III, IV y V.

Tareas Narrativas

I Me encantó el ver cómo en obras de arte, como en la Venus de


Boticelli, se encuentran numerosas construcciones matemáticas.
Me gustó mucho también la discusión sobre el uso de regla y compás o
directamente herramientas como Geogebra.
La competencia visual en la imagen de la iglesia me gustó. Me hizo ver
que hay muchas posibilidades de trabajo en cualquier imagen, y puede
ser enriquecedor a los alumnos.
También me resultó muy curioso la Y de conexión que se tuvo que
diseñar y los criterios para hacerlo desde las tres capitales de Asturias.

II ¿Se podría implementar Geogebra para todos los niveles de ESO y


Bachiller como herramienta complementaria de cálculo?
210 JOSEP M. FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO ROANES-LOZANO

III Por supuesto, adaptando el nivel requerido, Geogebra se puede adaptar


desde 1ºESO hasta 2ºBachiller suponiendo una herramienta útil para el
alumnado

IV La puesta en práctica de Geogebra con geometría esférica, pero lo


buscaré ;)

V Las posibilidades que ofrece una herramienta como Geogebra para


complementar y aumentar el aprendizaje y la puesta en práctica de las
matemáticas

Dimensión Temática: la profesora en formación Bea muestra interés por aspectos


mas instrumentales que didácticos, en el sentido de proyectar actividades docentes
precisas: ¿Se podría implementar Geogebra para todos los niveles de ESO y
Bachiller como herramienta complementaria de cálculo? (II) .
Muestra también un incipiente interés contextual: me resultó muy curiosa la Y de
conexión que se tuvo que diseñar y los criterios para hacerlo desde las tres
capitales de Asturias (I). Expresa sus sentimientos: Me encantó el ver cómo en
obras de arte, (...) (I); Me gustó mucho también la discusión (...) (I). Tiene un
interés matemático: La puesta en práctica de Geogebra con geometría esférica,
pero lo buscaré ;) (IV).
Realiza una incipiente identificación de oportunidades de aprendizaje: (…)
GeoGebra para complementar y aumentar el aprendizaje y la puesta en práctica
de las matemáticas (V).
En cuanto a la Dimensión Interlocutiva sólo describe, no entra en detalles:
suponiendo una herramienta útil para el alumnado (III). De la narración de la
profesora en formación Bea, se desprenden, como rasgos docentes, una ligera
iniciativa critica como futuro profesor: “La competencia visual en la imagen de la
iglesia me gustó. Me hizo ver que hay muchas posibilidades de trabajo en
cualquier imagen, y puede ser enriquecedor a los alumnos” (I).
Además, intenta hacer conexiones como futuro docente: “Geogebra se puede
adaptar desde 1º ESO hasta 2º Bachiller suponiendo una herramienta útil para el
alumnado” (III).

3.2.3 Análisis narrativo de Carlos


Las narrativas de Carlos, que se analizarán a continuación, están incluidas de modo
literal en la Tabla 5. Nótese que el alumno ha contestado al ítem I de la encuesta
trasmitiendo dos cuestiones que se le han planteado en esos dos momentos, “breves
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 211

pero vívidos” de la sesión, a los que se refería el cuestionario. El alumno ha


insistido, y consta por escrito, que esa es su respuesta al ítem I.
Tabla 5. Narrativas de Carlos correspondientes a las tareas I, II, III, IV y V.

Tareas Narrativas

I 1- ¿Qué podemos hacer si algún alumno no es capaz de dar el paso y


manejar los conceptos vistos sin la ayuda de las herramientas
informáticas?
2- ¿Qué curso sería apropiado para introducir la programación? Me
refiero a pequeños programas que vayan realizando los pasos que son
necesarios para resolver problemas geométricos.

II ¿Crees que es necesario dar el paso y cambiar las técnicas de enseñanza


para introducir por completo este tipo de herramientas informáticas?

III 1-Bajo mi punto de vista podemos trabajar en dos direcciones. Por un


lado, podemos intentar utilizar herramientas más rudimentarias para
mostrar el mismo concepto de forma diferente. Por otro lado, podríamos
tratar de rebajar el uso de la herramienta informática en dichos casos de
manera general (la seguiría usando, pero con limitaciones).
2- Creo que cuanto antes mejor. En 1º de ESO es posible introducir las
nociones básicas de conceptos de triángulos (o polígonos en general)
creándolas mediante rectas (perpendiculares o no), semirrectas, puntos...

IV ¿Es posible crear procesos en Geogebra que luego utilicemos como


herramientas? Ejemplo: triángulo equilátero con el que juntando 6
podemos generar un hexágono regular

V Me ha abierto la mente. Estoy acostumbrado a una enseñanza


tradicional. La conferencia me ha servido para ver ejemplos de casos
reales en los que introducir esta herramienta. No es difícil, solo hay que
tener ganas.

Dimensión Temática: El profesor en formación Carlos intenta modelizar: ver


ejemplos de casos reales en los que introducir esta herramienta (V). Antes que
nada, parece tener un interés instrumental al igual que Asun. De nuevo, se le ve
bien preocupado por la instrumentación, por la adaptación y asimilación del
artefacto GeoGebra a los procesos de enseñanza tradicionales; no se concreta luego
212 JOSEP M. FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO ROANES-LOZANO

en una clara apuesta por una aplicación didáctica: ¿Es posible crear procesos en
Geogebra que luego utilicemos como herramientas? (IV). ¿Crees que es necesario
dar el paso y cambiar las técnicas de enseñanza para introducir por completo este
tipo de herramientas informáticas? (II).
Muestra un conato de conceptualización: Por un lado, podemos intentar utilizar
herramientas más rudimentarias para mostrar el mismo concepto de forma
diferente (III).
En relación con la Dimensión Interlocutiva, el profesor en formación Carlos
manifiesta una iniciativa ingenua como futuro profesor: No es difícil, solo hay que
tener ganas (V), pero no entra en detalles: Podríamos tratar de rebajar el uso de la
herramienta informática (III).
Como rasgos docentes de profesor en formación Carlos, destacamos que manifiesta
una iniciativa ingenua como futuro profesor e intenta un cambio didáctico, pero
aún no conceptual.

3.2.4 Síntesis de los análisis de los discursos de los tres profesores en


formación
Sintetizamos el análisis de los discursos de estos tres profesores en formación en la
Tabla 6.
Tabla 6. Síntesis del análisis de los discursos.
Profesor en Rasgo docente Grado de reflexión narrativa
formación
Asun Perspectiva Grado de reflexión narrativa bajo, o
matemática dominante, “account of”. Se corresponde con
pero no exclusiva. rasgos de disposición docente poco
Poca iniciativa actual reflexiva, puramente matemática, en la
de ejercer como que el profesor en formación solo
profesor. describe o refiere eventos anecdóticos
de las sesiones de formación.
Bea Ligera iniciativa critica Grado de reflexión narrativa medio o
como futuro profesor. “account”. La disposición docente es
Intenta hacer ingenua y ligeramente consciente.
conexiones como Consideramos que su grado de
futuro docente. reflexión narrativa es medio, por
manifestar conatos de interpretación de
ideas cruciales de las sesiones de
formación.
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 213

Carlos Iniciativa ingenua Grado de reflexión narrativa alto o


como futuro profesor. “account for”. Se detecta una
Intento de cambio disposición docente reflexiva, con un
didáctico, pero aún no intento de conceptualización de las
conceptual. ideas clave de las sesiones y una
expectativa docente para el futuro
profesional.
Efectivamente, tras la evaluación del grado de fuerza locutiva de sus narraciones,
se puede afirmar que se dan los tres grados de madurez reflexiva en estos
profesores en formación del máster (véase la tercera columna de la Tabla 6).
Por otra parte, también se hallan distintos grados de predisposición de estos
estudiantes ante una posible futura labor docente (véase la segunda columna de la
Tabla 6).
Es más, el análisis de estos tres discursos en las dos dimensiones, interlocutiva y
temática, parece corroborar la afirmación de Mason (2002) sobre la existencia de
una correlación entre la percepción de una mayor sensibilidad para los detalles y
una mayor disposición para actuar con capacidad de respuesta en un contexto
docente. En este caso en particular, se encuentra un incremento tanto del grado de
reflexión narrativa como de la bondad de los rasgos docentes (Tabla 6) en la
secuencia:
Asun ® Bea ® Carlos
Aunque es claramente constatable la presencia de reacciones positivas frente a las
innovaciones tecnológicas en los comentarios de los tres participantes, también se
observa en los tres discursos, y de manera transversal a los distintos grados de
madurez reflexiva observados, una notoria incomprensión en su potencial de uso.
No sabemos hasta qué punto esto es debido a las modalidades de formación, al
menos parcialmente, ni si el hecho de estar «en clase» representa un obstáculo de
tipo cultural o tecnológico. La relevancia de este hecho hace que nos centremos, en
lo que sigue, en su análisis.
Así, Asun señala que: Es claro que con GeoGebra los chavales (…) (corren) el
riesgo de confundir la claridad con la que “ven” un concepto con una
demostración formal (…) no tengo del todo claro hasta dónde las herramientas de
geometría dinámica son una ayuda y a partir de dónde empiezan a entorpecer (…)
(IV).
Y Carlos plantea, como principal reacción ante las novedades, algo negativo: ¿Qué
podemos hacer si algún alumno no es capaz de dar el paso y manejar los
conceptos vistos sin la ayuda de las herramientas informáticas? (I) (…) podemos
214 JOSEP M. FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO ROANES-LOZANO

intentar utilizar herramientas más rudimentarias para mostrar el mismo concepto


de forma diferente. Por otro lado, podríamos tratar de rebajar el uso de la
herramienta informática en dichos casos de manera general (la seguiría usando,
pero con limitaciones) (III).
Por último, Bea, tal vez transmitiendo una aproximación más optimista a las
herramientas descritas, sólo hace referencia a los aspectos más tradicionales de
GeoGebra como programa de Geometría Dinámica: Me gustó mucho también la
discusión sobre el uso de regla y compás o directamente herramientas como
Geogebra (I) (sin hacerse eco de las auténticas novedades transmitidas en las
sesiones: demostración automática, realidad aumentada, geometría 3D…), lo que
pone de manifiesto, una vez más, las dificultades que conlleva la trasmisión y el
impulso de acciones de innovación pedagógica, incluso con el concurso de
herramientas con una tecnología bien próxima a los alumnos.

4. Reflexiones y conclusiones
Al principio del estudio los autores eran muy conscientes de que la tradición y las
creencias personales sobre la educación matemática son muy fuertes. Pero también
sabían que los estudiantes de posgrado suelen ser más críticos que los que salen de
la enseñanza obligatoria, de ahí el interés por examinar más de cerca su
pensamiento en un contexto de innovación educativa. Sin embargo, lo que
sorprende son los indicios de ingenuidad confusa o la creencia de que sólo los
contenidos matemáticos son dignos de atención para la adquisición de
competencias científicas.
En una nota más positiva, en este estudio se puede destacar que se ha comprobado
que se dan los tres grados de madurez reflexiva propuestos en estos profesores en
formación del Máster en Formación de Profesorado de Secundaria. Además, se han
hallado distintos grados de predisposición ante una posible futura labor docente y,
como denominador común, una manifiesta preocupación por la dificultad –más que
por las posibles ventajas– de acomodar las novedades tecnológicas en la enseñanza
de la geometría. Preocupación que parece, sobre todo, una especie de miedo ante lo
desconocido, ante lo que no se entiende del todo o ante lo que nos hace sentir muy
poco preparados frente a la vaguedad o la incertidumbre. En definitiva, podría
decirse que el peso de la tradición es también un reflejo natural y una garantía de
no cometer errores y de poder lidiar con las limitaciones y paradojas de la
institución escolar.
Sin embargo, con el presente estudio se puede apreciar también una cierta
resistencia a que las herramientas que han visto actuar en las sesiones formativas
“entorpezcan” el proceso de aprendizaje; temor a que supongan un obstáculo (más
que una ayuda) para alumnos menos habituados al contexto tecnológico; temor a
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 215

que su utilización requiera una dedicación excesiva. Parecen subestimar o no


llegaron a la comprensión que el objetivo del uso de estas herramientas en el aula
es ayudar a los alumnos a hacer matemáticas mejor y más fácilmente, de manera
más creativa, mediante las amplias posibilidades de exploración y de
descubrimiento que estas herramientas facilitan, promoviendo así la capacidad
creativa de los alumnos y desarrollando, en suma, una forma de hacer geometría
adecuada a la era digital en la que van a pasar su vida.
Todas estas dudas son, naturalmente, razonables. Pero no parece tan lógico que,
para los futuros profesores, la reacción dominante sea una especie de conformismo
hecho de reglas prefabricadas y no de planteamientos cuestionables y mejorables,
un ver amenazada la continuidad de una enseñanza que siga ciegamente las mismas
pautas que las que ellos recibieron. ¿Qué falla en la formación inicial y continuada
para alimentar tanto tradicionalismo? No es éste, obviamente, un hallazgo muy
original, pero lo que cambia es que estamos en 2021 y que la cuestión tecnológica
es una obviedad en la vida del ciudadano «nativo tecnológico». Si el ideal en el
aula de matemáticas no se puede separar de la vida cotidiana, sin duda es necesario
preguntarse si la matemática tecnológica existe y cómo puede servir de referencia
para la realización del trabajo matemático en la escuela. De lo contrario, podría
creerse (erróneamente) que las iniciativas de innovación pedagógica están
condenadas a aparecer sólo como una especie de moda sofisticada, desligada de
referencias epistemológicas sólidas, y no como una realidad ineludible que se
apoya en una mirada didáctica crítica.
Los datos de este estudio son cualitativos, se corresponden con el análisis de los
textos narrativos de las respuestas del cuestionario. Como hemos indicado en el
marco teórico, han sido interpretados de manera especifica con las perspectivas del
Análisis del Discurso de Sfard (2001) y la Reflexión sobre la Práctica de Mason
(2002), Schön (1983) y Smith (2003). Además, el análisis se podría prolongar de
manera general a partir de noción de “habitus” (Perrenoud, 2011) y de la
coordinación entre el conocimiento especializado del profesor y la teoría de los
Espacios de Trabajo Matemático (Derouet et al., 2017).
En el discurso de estos estudiantes se reconocen, en general: características propias
de la inexperiencia, pues sólo han impartido, si acaso, clases particulares;
ingenuidad en ciertas apreciaciones (“account”); otras apreciaciones, posiblemente
derivadas de las orientaciones propias de las titulaciones previas de los profesores
en formación (en su mayoría ciencias matemáticas, física o ingeniería), que les
llevan a centrarse exclusivamente en la perspectiva matemática (“account of”); y
otras que, tal vez, pueden ser consecuencia de que ejercer como profesores no
había sido su primera opción laboral al comenzar sus estudios universitarios,
216 JOSEP M. FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO ROANES-LOZANO

independientemente de cuales hayan sido éstos (poca iniciativa como profesor,


poca reflexión subjetiva y argumentada, escaso “account for”).
El análisis de las narrativas de los estudiantes en este experimento de formación
está relacionado más en el contexto del profesor en formación, en su bagaje
sentimental y sus creencias, que con el contenido de la innovación planteada. Esta
afirmación es, por un lado, enriquecedora, pues hace más amplia la lección
adquirida tras este análisis; y, por otro, preocupante, al constatar la intrínseca
dificultad de transmitir ideas de innovación pedagógica a los futuros profesores en
formación. Esto podría ser la pregunta central que se desprende del estudio y que
merece ser ampliada en nuevas investigaciones. Asimismo, se entiende que una
formación de dos sesiones en línea no es suficiente para despertar el interés del uso
tecnológico, aun menos para fomentar la importancia de ser creativo en la
profesión docente.
Esta situación que debería cambiar con la realización de unas prácticas donde se
llevaran a cabo actividades que incluyeran estas innovaciones pedagógicas y que
facilitaran, finalmente, una mejora en la percepción de los futuros profesores sobre
las mismas y, en definitiva, influyeran positivamente sobre su futura práctica
profesional docente.
Se podría pensar que, debido a su inexperiencia, difieren en el significado y grado
de detalle de los conceptos considerados en las locuciones de las sesiones de
formación. Esta creencia es natural, ya que el significado y la conceptualización
están estrechamente relacionados, y los profesores en formación necesariamente
tienen menos capacidad reflexiva sobre la dimensión temática del contenido de
formación tratado.
Sin embargo, al centrar nuestra atención en el discurso sobre el pensamiento o
intención docente, hemos observado hasta qué punto es relativamente pobre la
articulación de las reflexiones cuando el pensamiento crítico va más allá del
contenido matemático
Si bien esta disposición puede parecer decepcionante para el formador bien
intencionado, plantea las siguientes preguntas cruciales en torno al cambio
didáctico y, sobre todo, conceptual, necesario para adquirir la competencia de
llegar a ser profesor:
- ¿Qué habría sido necesario para que los beneficios del programa de innovación
pedagógica fueran más convincentes para los estudiantes?
- ¿Cómo debería haberse negociado el contrato de formación para fomentar,
tanto el desarrollo de sus habilidades geométricas con el uso de herramientas
ANÁLISIS DEL DISCURSO DE LOS PROFESORES EN FORMACIÓN 217

informáticas, como la adquisición de los criterios necesarios para evaluar,


criticar, elegir, aplicar y usar dichas herramientas?
- ¿Las respuestas a estas preguntas se encuentran en el dispositivo de formación
o vienen de fuera?
La investigación llevada a cabo nos ha permitido responder parcialmente a estas
preguntas, o sea en claves de diseño de formación (a diferencia de la aplicación
docente en el aula) y del instrumento escrito y a distancia para recoger datos:
¿Reflejan los datos lo que piensan los estudiantes? ¿Habrían sido más adecuadas
para la investigación unas entrevistas? A pesar de eso, la investigación queda
abierta a futuros análisis en los que, tal vez (véase (Kovács et al., 2020) como
ejemplo), la capacidad de la teoría de los ETM coordinada, por ejemplo, con la
teoría MTSK y con la práctica del análisis del discurso reflexivo, haga posible
entender mejor el conocimiento, el discurso del profesor y su rol en el aula en un
contexto de innovación educativa en geometría.

5. Agradecimientos
Esta investigación se ha realizado al amparo del proyecto Innova Docencia de la
Universidad Complutense de Madrid (No. de Referencia 177) “Utilización de
metodologías activas de enseñanza para el aprendizaje de las matemáticas,
centradas en el estudiante y desarrolladas en el espacio innovador de una
hiperaula”.
Los autores agradecen a los revisores anónimos de este trabajo sus detallados
informes, que han contribuido mucho a la mejora del mismo.

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College of Education, University of Hawai.
220 JOSEP M. FORTUNY, TOMÁS RECIO, PHILIPPE R. RICHARD, EUGENIO ROANES-LOZANO

JOSEP MARÍA FORTUNY


Departament de Didàctica de la Matemàtica i de les Ciències Experimentals,
Universitat Autònoma de Barcelona, España
josepmaria.fortuny@uab.cat

TOMÁS RECIO
Departamento de Ingeniería Industrial, Escuela Politécnica Superior
Universidad Antonio de Nebrija, Madrid, España
trecio@nebrija.es

PHILIPPE R. RICHARD
Département de didactique, Faculté des sciences de l'éducation,
Université de Montréal, Canada
philippe.r.richard@umontreal.ca

EUGENIO ROANES-LOZANO
Instituto de Matemática Interdisciplinar & Departamento de Didáctica de las
Ciencias Experimentales, Sociales y Matemáticas, Facultad de Educación,
Universidad Complutense de Madrid, España
eroanes@ucm.es
INFORMATIONS POUR LES AUTEURS

Présentation de la revue
Les Annales de Didactique et de Sciences Cognitives est une revue annuelle fondée
en 1988 par Raymond Duval et François Pluvinage, actuellement sous la
responsabilité de Philippe R. Richard et Laurent Vivier.
Cette revue internationale est dédiée à la diffusion de la recherche en didactique
des mathématiques et des domaines connexes. Il s’agit d’une revue francophone de
référence sur les recherches portant sur l’enseignement et l’apprentissage des
mathématiques. Les articles sont principalement écrits en français, mais peuvent
également être publiés en espagnol ou en anglais.
La revue fait l’objet d’un classement scientifique par l'organisme européen ERIH et
par l'HCERES en France. Elle est également répertoriée dans des bases de données
de référence comme MathEducDataBase ou Googlescholar. Ces différents
référencements ajoutent une valorisation des publications dans les Annales pour les
auteurs. Les articles sont en accès libre sur le site après une durée d’un an.
La revue est ouverte à tout type de recherche. Les articles peuvent être de nature
théorique, en relation étroite avec une expérimentation dans le cadre d'un
enseignement, ou constituer des comptes rendus d'expériences d'enseignement
appuyées sur un cadre théorique explicite. Il est également possible de présenter
une synthèse de recherches menées dans un domaine particulier de la didactique
des mathématiques, ou de proposer des notes de lectures d’ouvrages scientifiques
du domaine. Les articles peuvent concerner tous les cadres d’enseignement dans
des contextes socioculturels variés et aussi s’intéresser à la formation, initiale et
continue, des enseignants.
Outre la publication du numéro annuel, la revue offre la possibilité d’éditer un
numéro spécial sur la base d’un projet clairement formulé.
Cette revue s’adresse principalement aux chercheurs en didactique. Elle intéressera
également les formateurs d’enseignants soucieux d’appuyer leurs formations sur la
recherche en didactique des mathématiques.
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222

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rapport d'étude impliquant de la recherche empirique. Il est également possible de
présenter une synthèse des recherches menées dans un domaine particulier de
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