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ÉMINENCE
RÉVÉREND PÈRE CURÉ DE LA CATHÉDRALE
MME LE MAIRE AUTORITÉS CIVILES, POLICIÈRES, RELIGIEUSES.
TRÈS CHERS VOUS TOUS.
Le 12 Décembre 2004 ramenait le cinquantenaire de la deuxième inauguration officielle et solennelle de notre chère cathédrale. Grandes fêtes étaient organisées en cette paroisse, messe officielle en la dite cathédrale, présidée par l'Archevêque d'alors, feu MONSEIGNEUR François Wolf LIGONDÉ. Soirée culturelle à la Salle St Louis, cette salle St Louis, témoin de mes premiers vagissements en Théâtre, comme ceux de tant d’autres jeunes de l’époque dont Léonce M. Avignon, Alfred Marsan, Paul Yves Joseph et j’en passe. A quand donc un autre branle-bas en faveur de l’unique salle de distraction culturelle aux Cayes pour la jeunesse. J'avais, en la circonstance, rédigé et fait publier dans les colonnes du journal LE NOUVELLISTE dans ma rubrique hebdomadaire" PLEINS FEUX SUR LES CAYES", une série de trois articles consécutifs sous le titre "MA CATHÉDRALE QUE VOICI.". Cette série se trouve encore sur GOOGLE pour ceux qui veulent en lire tout le contenu. Et c'est un résumé de ces trois articles que je me propose de lire pour vous ce soir et qui vous donnera une idée de l'historique de cette cathédrale. Vers les années 1918, 1920, la vieille cathédrale où se célébraient les offices religieux, où les chrétiens catholiques cayens se réunissaient pour adresser leurs prières à Dieu courbait sous le poids des ans. Vieille, laide, elle ne faisait plus honneur à la cité de Fabre Nicolas Geffrard, de Lysius Félicité Salomon Jeune et d'Antoine Simon. Les curés et les vicaires qui s'y succédaient s'en rendaient compte. Mais ils ne pouvaient que s'en plaindre. Il a fallu attendre l'arrivée de l'Evêque Jules Marie Pichon, intronisé le 9 mai 1920, pour penser à apporter une solution durable à ce cuisant problème. En effet, ce jour-là, dans un discours de circonstance, le Président du conseil de fabrique prévient le nouvel Évêque que les teintures et les guirlandes, les drapeaux et les oriflammes dissimulaient bien des rides et bien des blessures. Il le conjura de construire une nouvelle cathédrale, digne de Dieu et digne de la ville. Monseigneur promit de faire de la construction d'une nouvelle cathédrale l'œuvre de son épiscopat. Et il tint parole. Car il était déjà bien imbu de cette maxime créole qui dit chez nous : « promès se dèt ». Il remit tous ces beaux projets entre les mains de Notre Dame de l'Assomption, l'Auguste Patronne du diocèse. Dès les premiers jours de son installation à l'évêché, il entreprit quelques visites de courtoisie aux autorités civiles et militaires, aux écoles, aux familles. Il en profita pour parler à tous de son projet de construction de la Cathédrale. Sûr de l'appui de tout le monde, il forma des comités qui l'aideront à concrétiser ce rêve. En janvier 1921, le ministre des Travaux publics annonce par télégramme que les rectifications de terrain, demandées par Mgr Pichon, lui sont accordées. Le 21 mars, l'ingénieur Pierre Jeannot fixe les limites, et le 31 du même mois, l'ingénieur Maignant apporte à Mgr les plans de la nouvelle cathédrale. Il les a approuvés. Mais les travaux ont mis du temps pour être débutés. L'esprit de Monseigneur était retenu ailleurs, par des travaux plus urgents. Car le Sud ne s'était pas encore remis des effets néfastes du cyclone dévastateur d'août 1925 qui causa, sur son passage, tant de dégâts matériels à travers le diocèse qui venait de vivre un très long laps de temps sans évêque. Il y avait aussi trop de paroisses sans prêtres à cause de la guerre. Il faudra attendre le mois d'Avril 1924 pour débuter les premiers travaux de fouille des profondes fondations sur lesquelles vont se reposer dix mille tonne de maçonnerie. Monseigneur Pichon a le vent en poupe. Les Cayens sont aux anges. Ils contribuent tous à cette œuvre grandiose. Un coup de massue, comme un coup de frein sec, vient stopper cet élan. Le gouvernement ne verse pas la contribution promise et, en plus, ordonne que les travaux soient cessés pour être repris seulement quand les deux tiers de la somme nécessaire à leur complet achèvement seront disponibles. Quand la vache perd sa queue, Dieu chasse les mouches. Une lueur d'espoir soudainement point à l'horizon comme un rayon de lumière sur une route ténébreuse. La « Catholique National Welfare Conférence » a envoyé le Rév. Père Burke, en tournée dans les Antilles, pour faire un rapport à l'épiscopat des États- Unis sur les besoins des Diocèses dévastés. Monseigneur en est touché. Il en est content et prépare un rapport sur l'état de son diocèse en général et sur les travaux de construction de la cathédrale en particulier. Le rapport porta ses fruits. Les travaux ont repris grâce à l'aide généreuse du Saint-Siège, des catholiques des États-Unis et de la France. Le gouvernement a alors décidé de verser une tranche de dix mille dollars. Le président Louis Borno, fervent chrétien, de passage aux Cayes le 14 avril 1925, encouragea Monseigneur Pichon et insista même pour que les travaux fussent repris. Voulant marquer son passage aux Cayes, il profita pour procéder à la pose de la première pierre. C'était comme un coup d'accélérateur. Les travaux ont progressé avec une rapidité incroyable. Et le 16 février 1930, à l'occasion des «noces d'argent» épiscopales de Mgr Pichon, il a été procédé à la bénédiction de la nouvelle Cathédrale. Désormais, la cathédrale est livrée au culte. Le gros du travail était fait. Mais il restait beaucoup à faire, même si elle eut une belle allure. Même si elle est solidement campée au bord de la mer et fièrement dressée dans toute la beauté de son architecture, l'intérieur surtout restait inachevé. Le mobilier était très pauvre et en très mauvais état. La Sainte Table n'était faite que de grosses poutres de bois. Un jour un prédicateur, au milieu d'une envolée oratoire, disparut subitement quand le plancher de la chaire s'effondra sous ses pieds. Monseigneur Pichon, courbé sous le poids des ans, blanchi sous le harnais, a dû, comme tout bon guerrier, prendre sa retraite le 12 septembre 1941. Il avait bien tenu sa promesse de doter son diocèse d'une belle cathédrale. Le diocèse des Cayes aura vécu deux années sans Évêque sous l'œil vigilant et avisé de Mgr Lhermitte, alors Vicaire général. Il était breton d'origine et jouissait d'une excellente réputation dans le diocèse. Certains voyaient déjà en lui un potentiel remplaçant de Mgr Pichon. Le 30 septembre 1924, le Rév. Père Jean Louis Collignon, 38 ans d'âge, très jeune donc, est nommé Évêque des Cayes par Sa Sainteté le Pape Pie XII. Il a débarqué à Port-au-Prince le 20 janvier 1943 où le président Elie Lescot le fit recevoir avec tous les honneurs dus à un chef d'État. Cinq jours durant, le président de la République donnait de somptueuses réceptions. Le Président Lescot, durant ces cinq jours vécus par le prélat à Port-au-Prince, organisait lui-même toutes les sorties de son auguste hôte. Et le 25 janvier, c'était l'intronisation officielle de l'Évêque Collignon dans son diocèse des Cayes où déjà l'attend une besogne plus qu'immense. Qui est Monseigneur Jean Louis Collignon? Le 15 août 1904, alors que l'église et la province de Luxembourg, au Sud de la Belgique, brillaient sous les flammes des bougies des milliers de fêtards et de pèlerins venus d'un peu partout célébrer la Notre-Dame de l'Assomption, à quelques kilomètres plus loin, dans le petit village de Suxy, plus précisément, une femme du nom de Pauline Roblet pleurait, criait, pâmait et voyait de toutes les couleurs sous l'effet des douleurs de l'enfantement pour donner naissance à un petit garçon, fruit de ses œuvres légitimes avec son mari, le citoyen Ferdinand Collignon. Lequel enfant sera présenté sur les fonts baptismaux sous les prénoms de Jean Louis. Le quinze août, jour consacré par l'Église catholique à la Vierge Marie, est venu au monde celui à qui sera confiée la lourde tâche et la délicate mission de gérer le diocèse des Cayes dont la Vierge Marie est la Sainte patronne. Quelle prédestination ! C'est sans doute par dévotion à Marie que l'Évêque Collignon adoptera comme devise : «Maria, in te confido », Marie, en toi je me confie. Pour avoir une idée de l'état de l'Église d'Haïti en général et du diocèse des Cayes en particulier, laissons la parole à un éminent juriste Cayen, l'honorable Me Alphonse Piard, alors bâtonnier de l'ordre des avocats. A l'occasion du 25 e anniversaire de l'arrivée des Oblats en Haïti en 1968, il disait dans un discours de circonstance: «La guerre bat son plein en Europe. L'humanité vit des heures cruciales. (…) Sur le plan religieux, le problème se posait dans toute son acuité. Dans la vigne du seigneur, peu ou pas d'ouvriers, conséquence de cette guerre néfaste qui avait appelé sous les drapeaux beaucoup de nos prêtres bretons, dont le petit nombre répondait à peine aux besoins spirituels d'une population en proie à une croissance continue.» C'est dans cet état que le jeune évêque Collignon, qui personnifie la concrétisation d'un rêve longtemps caressé et entretenu avec persévérance par Son Excellence Monsieur Louis Borno, Président de la République, de compter parmi les ouvriers qui moissonnent les vastes champs du Seigneur en Haïti des missionnaires Oblats de Marie Immaculée, trouvera le diocèse plus que vaste qui l'attendait. Homme intelligent, fougueux sportif, Monseigneur Collignon ne recule devant aucun obstacle. Homme doué d'une foi profonde en Dieu, acquisition qu'il a faite sur les genoux de sa mère Pauline, et d'un esprit combatif de grand lutteur, hérité de son papa Ferdinand, Monseigneur « Kriye anyen sa » devant l'étendue de la besogne à abattre dans un diocèse de 500.000 âmes pour 33 prêtres seulement. Le diocèse comprenait à l'époque le Sud et la Grande Anse. Il conserva Monseigneur Lhermithe à son poste et se jeta à bras-le-corps dans l'arène, multipliant contacts sur contacts, tant en Haïti qu'à l'étranger; se déplaçant par monts et par veaux; visitant les paroisses, les églises, les chapelles, les presbytères, les écoles; écoutant attentivement les prêtres; prenant notes; ne se lassant jamais. Il veut voir lui-même. Il veut palper la vérité pour en avoir une idée exacte. A son avis, trop d'églises sont sans prêtre, donc des troupeaux sans berger. La misère et l'ignorance du peuple le touchent jusqu'au tréfonds de lui-même. Il faut faire quelque chose. Il faut agir vite. Il faut plus de prêtres pour le diocèse. Il ne faut pas toujours compter sur la France. Il faut donc encourager les jeunes haïtiens à embrasser la carrière. En septembre 1945, il envoya 17 candidats au grand séminaire de Port-au-Prince. Deux seulement sont acceptés. Alors, il pensa à ouvrir son propre séminaire. Et Mazenod a vu le jour à Camp-Perrin. Et le 13 juillet 1958, la première promotion de prêtres formés à Camp-Perrin reçut l'ordination. Citons leurs noms pour l'histoire. Ce sont : Joseph Darbouze, Albert Remarais, Jean Hilaire, Nérée Lindor, André René, Alix Verrier (Ancien Évêque des Cayes), Jean Percy, Renaud Raymond, Willy Romélus (Ancien Évêque de Jérémie). Le 17 septembre 1946, le Noviciat de Béraud fut inauguré. Je vous disais plus haut que Mgr Pichon avait déjà réalisé le gros du travail de la construction de la Cathédrale avant de prendre sa retraite en septembre 1941. Je vous disais aussi qu'il restait beaucoup à faire. Qui ne sait pas, en effet, que les travaux de définition d'une œuvre sont toujours plus difficiles à réaliser, parce que plus délicats. Monseigneur Collignon, ayant pu trouver un endroit plus ou moins adéquat où se réunir, où prier avec ses diocésains, a préféré consacrer les sept premières années de son épiscopat à se pencher sur des problèmes plus urgents tout en laissant à plus tard les travaux d'achèvement de la cathédrale. En effet, c'est après avoir comblé les places vacantes dans les églises et les chapelles, c'est après avoir construit des églises dans des endroits où il n'y en avait pas, c'est après avoir érigé des écoles pour la jeunesse, des dispensaires pour les pauvres et les démunis qu'il va finalement se tourner vers la cathédrale pour l'achever. Cependant, il n'avait cessé d'en parler à ses amis, à ses parents et ses bienfaiteurs du Canada et des États-Unis. Son fidèle compagnon, le père Armand Bédard, un super architecte, secrétaire général de l'archevêché, travaillait entre-temps. Il planifiait tout, en attendant le grand jour du démarrage. Ce n'est qu'en 1950, assuré de l'aide promise par le gouvernement haïtien, $ 25.000, et celles de tous ces amis et bienfaiteurs étrangers, de celles de tous ses diocésains, qu'il ouvrit les chantiers où 50 hommes travaillaient à enduire l'intérieur et l'extérieur. Les ouvriers des Pères Salésiens à Port-au-Prince confectionnaient les bancs et la chaire à prêcher. Les mosaïques et les carrelages sont en train d'être posés. Les autels de marbre, importés d'Italie, sont arrivés. Ce fut un émerveillement quand, après huit jours de travail, le spécialiste venu des États-Unis pour la pose, a terminé son travail. Tout cet attirail d'autel, le Christ en croix, sa Mère, Saint Jean, la nouvelle chaire à prêcher, les confortables bancs en taverneau sur deux rangées faisaient la fierté et l'orgueil des diocésains et la gloire de Monseigneur Collignon. Dominant le maître- autel et toute la cathédrale, dans son cadre, rayonne la toile de Notre-Dame de l'Assomption, patronne et reine de ce magnifique sanctuaire. Il a fallu donc 25 ans pour mener ce travail à bon terme. 25 années de labeur, de fatigue et d'angoisse, qui aujourd'hui trouvent leur merveilleux couronnement... Gloire à Dieu ! Reconnaissance infinie à nos évêques Mgr Jules Pichon et Mgr Jean Louis Collignon qui ont doté la ville des Cayes de ce chef-d’œuvre. Les générations rediront d'âge en âge leurs bienfaits et garderont fidèlement leur mémoire. La construction de cette cathédrale a miné la force physique de Mgr Pichon, et a eu gain de cause de lui jusqu'à le contraindre à prendre sa retraite. Tel ne fut pas le cas pour Monseigneur Collignon qui s'était vu confier cette tâche quand il était jeune. Sa stratégie était peut-être meilleure que celle de son prédécesseur, mais sa fougue juvénile, son enthousiasme, son tempérament de lutteur, son désir de toujours faire plus et mieux, le passage de 4 cyclones en dix ans, avec leurs effets néfastes et dévastateurs, devraient le porter à prendre sa retraite bien plutôt que son prédécesseur. Malheureusement, il était un jusqu'auboutiste qui ne reculait devant aucun effort. Il n'y avait pas de paroisse ni d'église trop loin pour lui. On le retrouvait partout. Et tous les moyens étaient bons pour lui : en jeep, en chaloupe, en voilier, à dos de mule ou à dos d'âne, peu importe Il était devenu obèse avec l'âge. Il ne voulait observer ni de repos ni de diète. Malgré les conseils, les injonctions même de son médecin, il continuait de manger n'importe quoi, n'importe quand. Il ne pouvait pas se passer de son gros cigare. Tout cela ne pouvait que fragiliser sa santé. Il n'en prenait d'ailleurs aucun soin. Tandis qu'il se souciait de celle des autres, de celle de ses prêtres surtout. Avant de prendre l'avion pour Paris, en juillet 1966, il alla se reposer un peu à Suxy. Il se sentait en mauvais état. Son médecin lui a interdit d'entreprendre ce long voyage, car son cœur était en piteux état. Depuis un an déjà, les médecins lui ordonnaient de cesser toute activité s'il voulait vivre quelques années. En bon plaisantin, il disait que ces médecins voulaient l'enterrer vivant. Il effectua le voyage à Paris tout en promettant au père Albert Martineau de l'y emmener l'an prochain, s'il est encore vivant. Alors qu'il vient tout juste de dire à sa belle-sœur que c'était la dernière fois qu'il allait à Paris. Le 27 juillet, à Paris, il parlait à un petit cousin. Et il s'écroula. « Sanl pa di aie, Sanl pa gen tan pran yon piki, Monsègnè mouri. » Le coeur du diocèse des Cayes a cessé de battre. Et le 10 août, le cadavre est arrivé aux Cayes où toute une cohorte de gens à pied, à bicyclette, et un cortège de plus de soixante voitures, ont accueilli le vaillant apôtre à l'aviation de Laborde pour l'accompagner jusqu'à sa dernière demeure, en sa cathédrale. Il était cinq heures de l'après-midi ! Et c'est cette œuvre monumentale, cette cathédrale de notre ville, cette cathédrale de notre vie, cathédrale de notre amour, cathédrale de nos lamentations, cette CATHÉDRALE de nos pleurs, cette cathédrale de notre fierté rigaudine, notre cathédrale chérie que les arpagons des temps modernes D'HAÏTI ont voulu, sans considération aucune, démolir après le tremblement de terre du 14 Août 2021, avec leur appétit de luxe, de luxure et de lucre, juste pour mettre un peu plus de beurre sur leurs épinards, n'était ce la vigilance et le courage de votre serviteur et de deux autres valeureux et courageux Cayens dont Raymond Clerger, le PDG de radio télé Macaya et Woudy Duvivier, le PDG du journal en ligne LE XARAGUA. Cayens, Cayennes de partout, mobilisons-nous. Joignons nos efforts à ceux de notre CARDINAL et de notre CURÉ. Formons un bloc monolithique pour la concrétisation de ce rêve cher à nous tous, celui de sauvegarder ce patrimoine dans L'UNION QUI FAIT LA FORCE. MERCI! JEAN WILLIAM GUILLAUME 23 DÉCEMBRE 2023