Les-anges-et-les-hommes

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 10

Dossier

LES ANGES

Les anges et les hommes

'histoire a montré en de nombreuses

L occasions que l'homme cache en lui-


même un profond désir de gouverner,
de dominer. Il semble toujours chercher à être
au-dessus de tout, de tous. Ce désir l'a amené
à s'éloigner de Dieu, pour ne pas dire à nier
son existence. Cette tendance est en réalité l'ex­
pression d'une profonde angoisse. L'homme
est habité par la peur de perdre sa liberté !
Les chrétiens n'ont pas été épargnés par cette
angoisse. Certes Dieu existe et les chrétiens que
nous sommes le reconnaissent. Mais nous
acceptons mal l'idée qu'il existe des intermé­
diaires, des médiateurs entre lui et nous. Pour
beaucoup, admettre leur existence signifierait
que nous n'avons plus la liberté d'accéder direc­
tement à Dieu. Les anges, par leur présence,
semblent toujours nous barrer le chemin1.
Cet article a pour but de mettre en évidence
cette vision négative que nous avons des anges.

1. Cf. Gn3 24.

7
Les anges et les hommes, Carmel. Revue trimestrielle de spiritualité chrétienne. N.º 99. Marzo de 2001. Les anges. Nos invisibles frères, página 1
Descargado desde bcd.digicarmel.com, bajo licencia Creative Commons Atribución-NoComercial-SinObraDerivada 4.0 Internacional
Consciemment ou inconsciemment, nous craignons qu'ils nous
fassent de l'ombre. Et nombreux sont ceux qui, après avoir tenté de
les oublier, en sont arrivés à affirmer qu'ils n'existaient pas.
Nous avons donc à rétablir la vérité sur ce que sont les anges et
à sortir de ce procès d'intention2 qui leur est fait. Cette réconciliation,
seul Jésus peut la faire. Aussi est-ce à travers sa vie que nous nous
approcherons de ces esprits célestes. Alors, et alors seulement, il
nous sera agréable de contempler leur mission, de nous savoir en
leur compagnie et de marcher librement avec notre Dieu3.
Un procès d’intention

Des rivaux de Dieu ?

La première objection soulevée par des chrétiens et même par


certains théologiens est que les anges peuvent être des rivaux de
Dieu. De fait, dans l'histoire, l'Église n'a pas été épargnée par le culte
exagéré des anges. Saint Paul, en premier, nous met en garde dans
son épître aux Colossiens contre cette erreur qui consiste à vénérer
davantage les esprits célestes qu'à s'attacher au Christ, lui qui est la
« Tête » de l'Église4. Saint Jean lui-même a voulu adorer l'ange qui
lui montrait le Fleuve de vie5. C'est dire combien le risque d'idolâ­
trie des anges est grand, même pour les disciples du Christ. Devant
ce danger, les théologiens appellent à la vigilance, quitte à prôner
un éloignement, une prise de distance vis-à-vis de ces créatures.
Selon eux, nous devons veiller à ce que les anges ne soient en aucune
manière trouvés en « concurrence avec Dieu6 ».
Cependant, cette position ne semble pas encore suffisante pour les
théologiens plus scrupuleux. Ils veulent aller plus loin et franchissent
le seuil, jusque-là préservé, de l'existence des anges. De fait, il n'y a plus
de rivaux de Dieu si l'on considère que les anges ne sont finalement
que des manifestations de l'action divine. L'angélologie aurait ainsi été
développée à partir de l'expression « l'Ange de Yahvé » très employée
dans les premiers livres de l'Ancien Testament. Et la démonologie ne
serait que la couverture théologique des actions négatives de Dieu,
telles que la colère, afin de le protéger de toute condamnation
humaine7. Nous passons ainsi de l'éloignement de la fréquentation des
anges à la négation de leur existence. Dès lors, la route entre les
hommes et Dieu est libre, mais à quel prix et pour quelle fin?

2. Maria-Pia Giudici, Qui sont les anges, Nouvelle 4. Cf. Col 2 18-19.
cité, Paris, 1985, p. 25. 5. Cf. Ap 22 8-9.
3. Nous ne parlerons pas ici de la nature des 6. Maria-Pia Giudici, op. cit., p. 25.
anges, de leur hiérarchie ou de leurs actions dans le 7. Hans Urs von Balthasar, La Dramatique
cosmos. Il nous paraît préférable de retrouver, dans divine, II, 2 : Les personnes dans le Christ, Culture et
le cadre de cette réflexion, un regard positif et Vérité, Namur, 1988, p. 367-397 (essentiellement
bienveillant sur ces créatures spirituelles. p. 374).

Les anges et les hommes, Carmel. Revue trimestrielle de spiritualité chrétienne. N.º 99. Marzo de 2001. Les anges. Nos invisibles frères, página 2
Descargado desde bcd.digicarmel.com, bajo licencia Creative Commons Atribución-NoComercial-SinObraDerivada 4.0 Internacional
Des esprits désormais inutiles?

Cette première objection avant tout théologique, c'est-à-dire


attentive à la place de Dieu, n'est pas la seule à jouer en la
défaveur des anges. Si nous regardons les différentes civilisations
et religions des siècles passés, partout, nous trouvons la trace d'une
croyance en des êtres servant d'intermédiaire entre le monde du
divin et les hommes8. Chaque esprit avait la charge d'une part de la
création ou plus précisément d'une part de la matière. Derrière
toute chose se cachait un génie bon ou mauvais, un esprit, un ange
ou un démon. Les catastrophes, les miracles, le mouvement des
astres, la loi de la nature... tout était régi par ces êtres spirituels.
L'intériorité même de l'homme était le lieu privilégié de leur inter­
vention ou de leur combat. Les guérisons ou les maladies (folie,
épilepsie...) étaient la manifestation de leur présence.
Aujourd'hui, la science nous a sortis de ces croyances et
des nombreuses superstitions et craintes qu'elles drainent. Malheu­
reusement, des courants philosophiques (tout spécialement le
rationalisme et l'illuminisme) ont récupéré ce progrès scientifique
pour exalter démesurément la raison humaine. L'homme est placé
au centre de tout. Autosuffisant, il n'a besoin ni de Dieu, ni des
anges, ni des démons pour expliquer l'univers. Bien entendu, les
chrétiens qui se sont laissés éblouir par la force de la raison humaine
ne vont pas jusqu'à ces excès, mais ils « ramènent les anges et les
démons à des personnifications de réalités psychologiques et y
voient volontiers l'interprétation mythique de données dont la

et les hommes
psychanalyse nous fournit la clé9 ». Les esprits ne sont plus que des
projections de notre subconscient, ils n'existent plus !
De fait, si la science nous a montré que les objets, la matière et
les phénomènes naturels ne cachent personne, pourquoi vouloir
maintenir l'existence d'êtres spirituels responsables du cosmos? Les
rationalistes estiment que c'est une manière de nous enfermer dans
Les anges

la superstition et l'obscurantisme. En effet, si l'homme se suffit à lui-


même, il n'a plus besoin de croire en l'existence d'êtres supérieurs,
sinon pour se soumettre aux gens de religion10. Les chrétiens, eux,
préfèrent signaler que cette croyance empêche les hommes d'adhérer
à Dieu dans la foi. Certes, ces créatures spirituelles nous ont permis
pour un temps d'expliquer le cosmos, mais ils appartiennent main­
tenant à une étape passée de notre évolution. Ils sont des symboles,

8. Maria-Pia Giudici, op. cit., p. 13.


9. Jean Daniélou, Les anges et leur mission,
Chevetogne, 1953-, p. 5.
10. L'expression « opium du peuple » employée
par le philosophe Karl Marx va tout à fait dans
ce sens.

Les anges et les hommes, Carmel. Revue trimestrielle de spiritualité chrétienne. N.º 99. Marzo de 2001. Les anges. Nos invisibles frères, página 3
Descargado desde bcd.digicarmel.com, bajo licencia Creative Commons Atribución-NoComercial-SinObraDerivada 4.0 Internacional
des éléments d'un langage archaïque, une mythologie, certes belle et
imagée, mais pour toujours dépassée.

Une cause perdue?

En résumé, certaines options théologiques et philosophiques


semblent s'accorder pour rejeter définitivement ces créatures.
L'angoisse de la liberté, la prudence et l'exaltation de l'intelligence
ont eu raison de leur existence. L'homme n'a plus besoin des anges
pour expliquer l'univers. Pas plus qu'il n'a besoin d'eux pour
dialoguer avec Dieu. Dès lors, vouloir à tout prix maintenir leur
existence ne peut que nuire à la toute-puissance de Dieu et à
l'incroyable intelligence et liberté des hommes.
Avec toutes ces objections, les anges auront bien du mal à être
réhabilités. Et il ne servirait à rien de reprendre chacune d'elles
si nous ne sortons pas d'abord de cette vision de rivalité qui nous
oppose à eux. Nous aurions beau tenter toutes les explications
possibles et imaginables, si les anges nous font de l'ombre, nous
ne voudrons jamais admettre leur présence ! La première étape sera
donc de nous réconcilier avec eux, c'est-à-dire de voir à la lumière
des Écritures si leur existence nous est à ce point défavorable
et préjudiciable.

Nous réconcilier avec les anges

Dans une homélie sur les Évangiles, saint Grégoire le Grand


affirmait ceci : « avant que notre Rédempteur ne naisse dans
la chair, nous étions en discorde avec les anges, nous étant éloignés
de leur éclatante pureté par la corruption du premier péché et
par nos fautes de chaque jour11. » Il poursuit en expliquant que
Jésus nous a réconciliés avec eux. Aujourd'hui, nous sommes à
nouveau dans une situation d'opposition, peut-être précisément à
cause de ces « fautes de chaque jour ». Nous nous occupons
toujours un peu trop de nous-mêmes, nous cherchons sans cesse
à être plus fort au point de rejeter notre bienheureuse faiblesse
qui nous garde dans l'humilité. Mais par-dessus tout, le regard
des anges nous est insupportable. Ils sont en quelque sorte nos
perpétuels accusateurs : ils nous rappellent toujours que nous
sommes des pécheurs !

11. Saint Grégoire le Grand, Homélies sur les


Évangiles, Ed. Sainte-Madeleine, Le Barroux, 2000,
p. 103.

10
Les anges et les hommes, Carmel. Revue trimestrielle de spiritualité chrétienne. N.º 99. Marzo de 2001. Les anges. Nos invisibles frères, página 4
Descargado desde bcd.digicarmel.com, bajo licencia Creative Commons Atribución-NoComercial-SinObraDerivada 4.0 Internacional
Or depuis la venue de Jésus, nous ne devrions plus rester dans
cette crainte qui, en définitive, nous écrase et nous met dans une
situation d'infériorité. La peur nous a fait oublier que les anges sont
avant tout nos alliés et non nos rivaux. C'est précisément cela que le
Christ nous permet de retrouver. Aussi attachons-nous à voir
comment il nous a réconciliés avec eux.

Les anges de la Nativité

Si nous relisons le passage de la naissance du Christ en Saint Luc12,


nous voyons un ange se présenter devant les bergers. L'Évangile nous
met tout de suite devant cet état de fait : les bergers « furent saisis
d'une grande crainte ». Là, nous voyons bien la peur surgir du cœur
de l'homme. Mais l'évangéliste ne s'y arrête pas. Son attention est
ailleurs. Ce qu'il veut nous montrer, c'est que l'ange vient pour nous
annoncer une grande joie : « Aujourd'hui vous est né un Sauveur,
qui est le Christ, le Seigneur ». Et il n'est pas seul, « soudain, se joignit
à l'ange une troupe nombreuse de l'armée céleste, qui louait Dieu en
disant : "Gloire à Dieu au plus haut des deux et sur la terre paix aux
hommes objets de sa complaisance" ».
Les anges sont donc loin de nous faire de l'ombre. Non seulement
Saint Luc nous les montre annonçant le Sauveur et l'Amour que Dieu
a pour nous, mais il nous les présente débordant de joie. La Nativité
nous révèle que les anges sont attentionnés et joyeux. Plus encore,
elle nous les décrit nous invitant à aller personnellement rencontrer
et adorer l'Enfant-Dieu à la crèche. Leur rôle n'est pas de nous empê­

et les hommes
cher d'accéder à Dieu, mais de nous y conduire.
Les Pères de l'Église, dans une très belle image, nous suggèrent
même que la crèche était « pleine d'anges13 ». Ces esprits célestes
étaient venus pour adorer leur Seigneur et leur Roi, tout comme les
bergers et les mages. C'est en définitive le moment où le Ciel descend
sur la terre. A la crèche, les hommes et les anges sont en contact. Là,
Les anges

nous pouvons les "voir" se bousculer, se serrer dans une grande


allégresse. A l'évidence, ils sont heureux de contempler le Verbe
s'incarner pour nous sauver. Avec soulagement, nous découvrons
que les anges sont attentifs à notre liberté. Mais les Pères de l'Église
veulent aller plus loin quand ils nous font remarquer que cette allé­
gresse renferme une autre merveille. Selon eux, la louange des anges
est une exultation. Cette joie est la marque d'un étonnement : les

12. Le 2 8-14.
13. Jean Daniélou, op. cit., p. 41.

11
Les anges et les hommes, Carmel. Revue trimestrielle de spiritualité chrétienne. N.º 99. Marzo de 2001. Les anges. Nos invisibles frères, página 5
Descargado desde bcd.digicarmel.com, bajo licencia Creative Commons Atribución-NoComercial-SinObraDerivada 4.0 Internacional
anges apprennent à la crèche que les hommes sont appelés à
devenir Fils de Dieu M.
En fin de compte, la Nativité nous libère de l'une de nos plus
grandes craintes. Elle nous enseigne que le Christ est l'unique
médiateur entre Dieu et les hommes, et que les anges ne s'opposent
nullement à cette révélation. Bien au contraire, leur joie nous montre
qu'ils restent au service du Sauveur et s'engagent à le suivre dans
sa mission de faire de nous des fils de Dieu. Finalement, ils ne sont
plus pour nous des obstacles, ni des médiateurs-écrans. Ils nous
laissent libres et ne désirent qu'une seule chose : nous aider à nous
élever jusqu'au trône de Dieu.

Les anges à l'heure de l'Ascension

Il y a de nombreux autres passages dans les Evangiles où nous


pouvons remarquer l'action des anges, tant auprès de Jésus que
dans les paraboles. Ils nous donnent de précieux renseignements
sur leur rôle, leur mission, leur vocation. Malheureusement, nous
ne pouvons ici développer chacun de ces passages. Nous nous
permettrons seulement de nous arrêter un instant sur la profonde
signification du mystère de l'Ascension15.
Le théologien Jean Daniélou nous donne une superbe définition
théologique. Selon lui, « le mystère de l'Ascension n'est pas seule­
ment le fait d'une élévation du Christ dans son corps au milieu
des anges, il est plus théologiquement l'exaltation de la nature
humaine que le Verbe de Dieu s'est unie, au-dessus de tous les
ordres angéliques qui lui sont supérieurs ». Il poursuit en affir­
mant que « c'est là un renversement de situation qui constitue pour
les anges un spectacle inattendu16 ». L'Ascension n'est pas une
révélation de l'adoration du Verbe éternel par les anges puisque
c'est là l'objet de toute la liturgie céleste. Non, le bouleversement
que nous révèle l'Ascension, c'est que dorénavant les anges doivent
adorer le Verbe incarné.
La conséquence n'en est que plus extraordinaire. Quand saint
Jean Chrysostome commente la fête de l'Ascension, il remarque que
« nous paraissons indignes de la terre », « nous sommes élevés dans
le ciel, nous sommes exaltés au-dessus des cieux, nous atteignons
le trône royal. La nature à cause de laquelle les Chérubins gardaient
le paradis, c'est cette nature qui siège aujourd'hui au-dessus des

14. Jean Daniélou, op. cit., p. 48-49.


15. Cf. Le 24 50-53 ; Mc 16 19; Ac 1 9-12.
16. Jean Daniélou, op. cit., p. 52.

12
Les anges et les hommes, Carmel. Revue trimestrielle de spiritualité chrétienne. N.º 99. Marzo de 2001. Les anges. Nos invisibles frères, página 6
Descargado desde bcd.digicarmel.com, bajo licencia Creative Commons Atribución-NoComercial-SinObraDerivada 4.0 Internacional
Chérubins. Ne suffisait-il pas d'être élevé au-dessus des cieux ? Ne
suffisait-il pas de se tenir parmi les anges ? Cette gloire n'était-elle
pas déjà indicible ? Mais il s'est élevé au-dessus des Anges, il a
dépassé les Chérubins, il est monté plus haut que les Séraphins, il
a dépassé les Trônes, il ne s'est pas arrêté jusqu'à ce qu'il ait atteint
le Trône seigneurial17 ». Le vrai mystère de l'Ascension, conclut Jean
Daniélou, est donc l'exaltation de la nature humaine au-dessus des
mondes angéliques.
Nous voyons, grâce aux mystères de l'Incarnation et de l'Ascension,
que notre méfiance vis-à-vis des anges n'a pas lieu d'être. Nous
pouvons reconnaître que les anges nous sont naturellement
supérieurs en intelligence et en volonté puisque nous savons main­
tenant que cette supériorité ne les a pas empêchés d'attendre avec
impatience le retour de l'humanité dans le ciel. Ils étaient certes
loin de deviner combien notre retour serait glorieux ; mais voilà
qu'ils restent toujours aussi empressés à nous assister dans notre
ascension. Que la nature intellectuelle la plus petite de toutes
soit exaltée au-dessus de la cour céleste ne fait qu'amplifier leur
admiration devant la Miséricorde de Dieu !

Nous sommes fils de Dieu et frères des anges

Jésus est bien le médiateur par excellence. Par son Incarnation


et son Ascension, il nous a appris que Dieu, le Créateur est avant
tout un Père, son Père et que son unique désir est de nous commu­
niquer sa vie divine. Jésus nous partage sa propre vie. Il nous élève

et les hommes
à son propre rang. Nous partageons avec lui par l'amour et la
connaissance la même vie divine que le Père lui a communiquée.
Comme Saint Jean dans sa première lettre, nous pouvons alors
affirmer ceci: « nous sommes appelés fils de Dieu, et nous le
sommes18 », parce que nous participons à la vie divine19. « Nous
serons semblables à Dieu parce que nous le verrons tel qu'il est20. »
Les anges

Etre fils de Dieu, voir Dieu, voilà la béatitude et la principale


promesse que le Christ nous a faite21.
Mais en plus de nous avoir réconciliés avec son Père, Jésus nous
a permis de voir tout l'amour que les anges ont pour nous. En un
certain sens, nous pourrions dire qu'ils sont nos frères. Comme nous,
ils sont des créatures ; comme nous, ils sont serviteurs de Dieu ; et
comme nous, ils voient Dieu. Mais nous ne sommes pas destinés à

17. Saint Jean Chrysostome, Homélie sur l'Ascen­ 20. 1 Jn 3 1-2.


sion, in Œuvres complètes, trad. J. Bareille, Vivès, 1874, 21. D.-J. Lallement, L'Eucharistie, Téqui, Paris,
p. 390-397 (Serm. Ane., 3, PG 50, 446), cité par Jean 1980, p. 258-261.
Daniélou, op. cit., p. 54.
18. 1 Jn 3 1.
19. Cf. 2 P 1 4. 13
Les anges et les hommes, Carmel. Revue trimestrielle de spiritualité chrétienne. N.º 99. Marzo de 2001. Les anges. Nos invisibles frères, página 7
Descargado desde bcd.digicarmel.com, bajo licencia Creative Commons Atribución-NoComercial-SinObraDerivada 4.0 Internacional
devenir des anges. En effet, dans les premiers temps de l'Église, une
gnose grecque estimait que la nature humaine était bien trop faible,
bien trop pauvre pour véritablement s'élever jusqu'à la vision
de Dieu. Le regard qu'ils portaient sur le corps, la matière était
profondément négatif. Or sur ce point, l'Ascension nous prouve le
contraire. Le Christ en s'élevant à la droite du Père a revalorisé toute
notre nature, tout notre être. Il n'est plus question pour nous d'imiter
les anges en vue de leur ressembler. Non. Les anges et les hommes
ont chacun selon leur nature propre la grâce d'accéder au Trône de
Dieu. De quelle manière? Pour nous qui cheminons encore sur cette
terre, cela ne nous a pas été révélé. Oui, nous dit saint Jean « dès
maintenant nous sommes enfants de Dieu et ce que nous serons n'a
pas encore été manifesté22 ».

Les anges et les hommes.

Nous sommes arrivés à cette certitude que nous sommes aimés de


Dieu et des anges. Ainsi, nous pouvons maintenant regarder et nous
approcher sans crainte de ces esprits célestes afin de mieux
comprendre leur action auprès de nous.
Leur première mission depuis le péché originel a été de nous
préparer au temps des fiançailles, de nous préparer à accueillir
l'Époux, le Christ. C'est en résumé toute la période de l'Ancien Testa­
ment. Maintenant leur rôle s'est transformé. Le Christ est passé et il
nous a blessés d'une blessure d'amour. La mission des anges consiste,
dès lors, à nous conduire jusqu'à la chambre nuptiale. Ces images
tirées du Cantiques des Cantiques définissent, on ne peut mieux, le
rôle des créatures célestes. Ils sont véritablement les Amis de l'Époux.
De fait, toute la Tradition n'a jamais cessé de voir en ces êtres
spirituels des indicateurs, des guides. Les anges cherchent ainsi à
élever toute âme au sommet de la vie spirituelle23 pour s'effacer
lorsque l'Époux est là. Leur rôle est de nous préparer, de nous
conduire au Christ et de nous laisser seuls avec Éui24.
En ce sens, ils ressemblent étrangement à la figure de saint Jean-
Baptiste. Ils sont aussi des pédagogues, des précepteurs. Ils nous
aident à nous purifier, ils nous illuminent de leur vision de Dieu
pour nous laisser enfin pénétrer dans la vie unitive avec le Christ. En
fin de compte, l'âme atteint Dieu quand elle dépasse les images que
les anges impriment en elle25.

22. 1 Jn 3 2.
23. Jean Daniélou, op. cit., p. 117
24. Id„ p. 122.
25. ID„ p. 124.

14
Les anges et les hommes, Carmel. Revue trimestrielle de spiritualité chrétienne. N.º 99. Marzo de 2001. Les anges. Nos invisibles frères, página 8
Descargado desde bcd.digicarmel.com, bajo licencia Creative Commons Atribución-NoComercial-SinObraDerivada 4.0 Internacional
Il est impressionnant de voir à quelle profondeur les Pères de
l'Eglise nous font entrer quand ils nous parlent de l'assistance des
anges dans notre ascension. Ces êtres voient l'âme « sortir de
l'obscurité du péché, s'élever jusqu'à eux par la vie de la grâce
et monter au-delà d'eux dans la gloire que le Verbe de Dieu en
s'unissant à elle, a conférée à la seule humanité26 ». « L'âme s'élève
ainsi de transformation en transformation, jusqu'à l'union à Dieu »
en traversant les mondes angéliques jetés dans la stupeur et la joie.
Ici, l'ascension de l'âme suit étrangement celle de son Sauveur.
Nous sommes encore une fois bien loin de cette impression
de supériorité écrasante des anges sur les hommes. Bien au contraire,
ils sont de fidèles protecteurs, d'infatigables accompagnateurs,
de grands intercesseurs, mais surtout de profonds adorateurs. Rappe­
lons-nous que les anges sont descendus du ciel pour adorer Dieu à
la crèche et le suivre tout au long de sa vie. Leur office principal est
la louange et l'adoration de Dieu. Depuis lors, notre présence leur est
profondément agréable puisque leur adoration monte vers l'Homme-
Dieu. Là, en nous regardant, ils voient la présence de Dieu immense
et réelle en nous qui resplendit d'autant plus que nous avançons
dans la vie spirituelle. Et plus cette image resplendit, plus les anges
peuvent venir la contempler.
L'homme est en quelque sorte un ostensoir, une humanité
de surcroît pour le Christ. Si tous les anges se sont serrés pour le
voir à la crèche, tous les jours ils se serrent pour le voir en nous.
« Ne savons-nous pas que nous sommes le temple de Dieu27? »
Nous ressemblons à cet enfant que Jésus a placé au milieu des

et les hommes
Apôtres, à cette différence près que les Apôtres sont ici l'immense
cour céleste28.
Que craignons-nous donc encore des anges ? Ils nous font avancer
dans le chemin de la sainteté jusqu'à rencontrer Dieu et ils s'effacent.
Où sommes-nous lésés ? Ils nous amènent à Dieu ! Le danger ne vient
plus des anges mais de nous. Le risque est que l'ostensoir se prenne
Les anges

pour Dieu ! De même que les anges nous amènent à la chambre


nuptiale et s'effacent, de même nous avons à nous effacer quand le
chœur des anges contemple Dieu en nous. Marie n'a pas caché le
nouveau-né devant la multitude des visiteurs, elle l'a mis au centre.
Saint Joseph paraît absent alors qu'il était bien là ! Et bien nous avons
à faire de même. Il nous faut laisser l'Amour nous traverser, nous
irradier afin que les anges puissent voir Celui qu'ils aiment

26. ID„ p. 124.


27. 1 Co 3 16.
28. Mc 9 36.

15
Les anges et les hommes, Carmel. Revue trimestrielle de spiritualité chrétienne. N.º 99. Marzo de 2001. Les anges. Nos invisibles frères, página 9
Descargado desde bcd.digicarmel.com, bajo licencia Creative Commons Atribución-NoComercial-SinObraDerivada 4.0 Internacional
par-dessus tout. Dès lors, il n'est plus question de savoir qui
est supérieur à l'autre. Anges ou hommes, nous avons tous pour
vocation de contempler Dieu.

Où en sommes-nous de notre question de départ ? Les anges nous


écrasent-ils de leur grandeur? Sont-ils toujours des rivaux de Dieu
et des hommes ? Non, bien au contraire, ils sont nos frères dans la
contemplation. Aussi, laissons-les accomplir leur rôle de protecteurs,
d'éducateurs et de guides auprès de nous. Laissons-les nous mener
jusqu'à la véritable contemplation de notre Sauveur et Seigneur.
Alors ils pourront, en nous, adorer Celui qu'ils aiment tant.

Fr. Ange-Marie de la Croix et de la Miséricorde, o.c.d.


Toulouse

16
Les anges et les hommes, Carmel. Revue trimestrielle de spiritualité chrétienne. N.º 99. Marzo de 2001. Les anges. Nos invisibles frères, página 10
Descargado desde bcd.digicarmel.com, bajo licencia Creative Commons Atribución-NoComercial-SinObraDerivada 4.0 Internacional

Vous aimerez peut-être aussi