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Vie Politique Française

Chapitre 2 : Voix de la rue et voix


des urnes dans les années 1930
Introduction
Volonté de faire une analyse relationnelle des forces politiques de gauche, de droite et
d’extrême droite dans les années 1930
Les rapports de force politique se jouent dans les urnes mais aussi dans les rues car les
manifestations sont des instruments de démonstration de son in uence à la fois pour les
syndicats et les partis de gauche, habitués à « descendre dans la rue » mais aussi pour les
mouvements d’extrême droite, très puissants dans les années 1930.
La dynamique des événements qui aboutiront au Front Populaire ne se comprend que par les
échanges de coups et les représentations croisées entre les divers mouvements et organisation
de G, de D et d’ED
années 1930 : tournant majeur car
- développement des ligues d’extrême droite sur fond de crise économique et de rejet des
élites parlementaires
- rapprochement entre les socialistes et les communistes
- gouvernement de Front populaire (FP) et grèves massives : réformes économiques et
sociales importantes : courte durée du FP mais période importante sur le plan social

Section 1 : La montée de l’antiparlementarisme et des


mouvements d’extrêmes-droites

I – L’enlisement du régime parlementaire au début des années


1930
Les années 1930 sont celle de la crise économique qui bouleverse l'équilibre européen, tant
économique que diplomatique.
Elle fait notamment des ravages en Europe, par le biais de retraits massifs de capitaux américains
et de l'e ondrement des exportations aux Etats-Unis. La crise touche la France assez tard et de
manière progressive, mais le marasme économique dégénère presque immédiatement en une très
grave crise politique.

Contexte européen :
Italie fasciste depuis la Marche sur Rome des chemises noires mussoliniennes
1933 : victoire du NSDAP en Allemagne ; Hitler chancelier

L’instabilité ministérielle est extrêmement forte à la n des années 1920 et début des années

1930, en raison de la fragilité des coalitions parlementaires

Le problème de la III République : peu de discipline partisane : importance des jeux individuels
Chaque parti est lui-même divisé en « tendances »
Maurice Duverger, pour évoquer la situation de la IIIe République, parlait d’une « démocratie
médiatisée par un régime de partis »
Les partis de centre gauche et de droite républicaine se partagent le pouvoir en faisant des
alliances qui évoluent au grès des circonstances
Paradoxe dans les années 1920 : contraste saisissant entre la « valse des portefeuilles »
(changement permanent de gouvernements, instabilité totale) et la permanence des élites
politiques surtout issues du parti radical et de la fédération républicaine

S’ancre l’idée qu’il existe une crise de la représentation

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- L’expression « crise de la représentation » désigne un phénomène de rejet du système
représentatif parlementaire, et un rejet des élites parlementaires traditionnelles
- La dénonciation d’élites coupées du peuple et corrompues est un thème classique des
mouvements d’extrême droite qui en appellent à un rassemblement du peuple derrière
un chef de l’exécutif aux pouvoirs personnels importants dès la deuxième moitié du
XIXème siècle (cf. Le Boulangisme, la ligue des patriotes, l’Action française)
- Le phénomène se renforce singulièrement dans les années 1930 :
o Montée en puissance des ligues antiparlementaires
o Critiques dans le camp même des républicains

Incapacité des gouvernements à prendre des mesures pour pallier les e ets de la crise
économique
Marches de la faim dès 1931 organisées pour dénoncer la misère et le chômage

II - L’essor des droites « autoritaires et radicales » et le spectre


du « péril fasciste »
Développement sans précédent au début des années 1930 des organisations de masse de type
contestataires : les « ligues antiparlementaires » qui présentent des traits communs :
Structures autoritaires et dirigées par un chef politique
Dotées d’une organisation paramilitaire avec services d’ordre, uniformes, dé lés
Toutes contestent le parlementarisme et en appellent à un régime avec un exécutif fort
autour d’un chef de l’Etat aux pouvoirs importants
Toutes professent la nécessité d’un changement d’ordre politique et social y compris celles
qui appellent à un retour à la société traditionnelle
Ces ligues sont soutenues par une presse violente et souvent xénophobe
Une partie des mouvements sont apparus dans les années 1920, voire dès la n du XIXème
siècle pour l'Action française, mais c’est avec la crise économique qu'ils sortent de la
marginalité, deviennent pour certaines des mouvements de masses avec plusieurs centaines de
milliers d’adhérents et se radicalisent. À partir de février 1934, le débat politique se structure
très largement par rapport à elles.
Ces mouvements d’extrême droite dans les années 1930 présentent des traits nouveaux.
La plupart s'a chent
- "modernistes", (sans lien avec la monarchie et plus grand-chose du catholicisme, sauf
pour l’Action Française),
- "révolutionnaires" (ils ne veulent pas revenir au passé, ils veulent forger un homme
nouveau)
- "populistes" (ils ne cherchent pas à mobiliser seulement dans les campagnes et les
élites anciennes, mais à s'implanter dans la classe ouvrière et les classes moyennes,
dans le cadre au contraire d'un projet de liquidation desdites élites).
- Ils a chent leur admiration pour des modèles politiques étrangers (alors qu'au XIXe
siècle les droites françaises s'étaient toujours inscrites dans des traditions nationales).
Pour beaucoup, ce modèle est l'Italie fasciste de Mussolini; pour d'autres, le Portugal
de Salazar (premier ministre à partir de 1932). À partir de 1936, l'Espagne franquiste
s'ajoute à la liste. En revanche Hitler avait peu d'admirateurs en France, compte tenu
de la rivalité franco-allemande notamment
Néanmoins, les principales ligues ont des orientations idéologiques sensiblement di érentes

+Les précurseurs :
- La Ligue des patriotes est fondée le 18 mai 1882 par Paul Déroulède.
C'est un des mouvements pionniers du nationalisme français. Composée au départ de
républicains modérés (comme Victor Hugo), la ligue, après de nombreuses scissions soutient le
général Boulanger. Dissoute en mars 1889, la ligue renaît en 1897 avant que n'éclate l'a aire
Dreyfus -->évolution rapide vers une organisation hostile à la république parlementaire, antisémite
et xénophobe. en vue de la préparation de la revanche contre l'Allemagne

- La Ligue de la patrie française est une organisation politique française, d'orientation nationaliste
fondée le 31 décembre 1898 en réaction à la création de la Ligue des droits de l'homme dans le

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cadre de l'A aire Dreyfus, rassemblant les antidreyfusards intellectuels et mondains :
académiciens, plus éloignés de l'antisémitisme

- L’Action française : Fondée en 1898 par Henri Vaugeois et Maurice Pujo sur une position
antidreyfusarde, l’Action française devient monarchiste sous l'in uence de Charles Maurras et de
sa doctrine du nationalisme intégral, dite également « maurassisme ». Ainsi, d’une rhétorique
nationaliste, républicaine et antisémite, l’AF évolue vers une idéologie nationaliste,
antisémite, contre-révolutionnaire, antirépublicaine et anti-individualiste, sur fond de positivisme
et de transformisme.
-->appel à une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée
—>développement jusqu'en 1918, puis condamnation en 1926 par le Pape et concurrence de
nouvelles formations

- Après la défaite de 1940, l'Action française se rallie avec enthousiasme à Pétain et à sa


Révolution nationale. Elle acquiesce à l’essentiel de la politique mise en œuvre par le régime de
Vichy, dont le statut des Juifs et ne prend pas parti contre la politique de collaboration, malgré sa
germanophobie de principe.

- En décembre 1924, les Jeunesses patriotes sont créées et se présentent comme la


« section jeune » de la Ligue des patriotes de Déroulède. Son objectif est le renforcement du
pouvoir exécutif et la « protection des institutions contre la gauche ». Les Jeunesses patriotes
adoptent des rituels inspirés du fascisme italien (dé lés militaires et saluts « à la romaine »)
Leur activité est relancée par la victoire électorale du Cartel des gauches en 1932. Les JP
participent aux manifestations de rue en 1933 et 1934 et à l'agitation ligueuse. Elle atteint un
maximum de 100 000 membres en 1934.

- Le Faisceau (1925-1928), dont le nom fait référence au fascisme italien, fut le premier
parti fasciste français.
Créé par Georges Valois, royaliste, il se revendique ouvertement du modèle fasciste mussolinien
et entend faire la synthèse du nationalisme et du socialisme : instaurer une dictature nationale au-
dessus de toutes les classes sociales, avec un chef proclamé par les combattants et acclamé par
la foule. Il se décompose en quatre Faisceaux (le Faisceau des combattants ou légions,
regroupant les anciens combattants de la Première Guerre mondiale et des guerres coloniales,
organisés en compagnies, sections et groupes ; le Faisceau des producteurs, composé de
corporations ; le Faisceau des jeunes avec les Jeunesses fascistes ; le Faisceau universitaire)
->apogée en 1926 avec 25 000 « Chemises bleues » avant de connaître de graves dissensions
internes en 1928, conduisant à son éclatement

- Le courant fasciste de Gustave Hervé Gustave Hervé, l’un des 4 signataires de la


création de la SFIO, leader révolutionnaire et antimilitariste de ce parti, se convertit au
nationalisme dès 1912-1914. Hervé a donc suivi le même chemin que Mussolini (exclu du PS
italien). Son passage du socialisme au nationalisme le mènera au fascisme.
Il passe d'un ultra-paci sme à un ultra-patriotisme. Il transforme le titre « La Guerre Sociale » en
« La Victoire », le 1er janvier 1916. L'état-major de Gustave Hervé comprend quelques gures
historiques du socialisme : Jean Allemane (leader historique du socialisme français), Émile Tissier
(ex-marxiste guesdiste), Alexandre Zévaès (ex-député du POF marxiste guesdiste ; futur
collaborateur à L’Œuvre de Marcel Déat sous l’occupation).

- Les Comités de défense paysanne, surnommés les Chemises vertes, étaient une
organisation réactionnaire d'extrême droite de l'entre-deux-guerres.
-Fondés en 1927 par l'agriculteur Henri Dorgères, ils regroupent des cultivateurs et
des éleveurs attirés par le concept de retour à la terre -->contribution à l'émergence d'une
politique agrarienne louant la terre sous le régime de Vichy.

- De plus, politisation de certaines ligues d'anciens combattants à partir de la n des


années 1920 -->la principale = Les Croix de Feu : fondée en 1927 et dirigée à partir de 1931 par
le colonel en retraite François de la Rocque (1886-1946), un ancien de l'état-major de Foch,
homme doté d'un grand charisme
--> près de soixante mille membres en 1934

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-->des revendications qui mêlent l'antiparlementarisme le plus traditionnel (l'appel à un pouvoir
fort et un homme providentiel qui refait derrière lui l'unité de la nation), le conservatisme culturel
(la promotion de l'enracinement, de la tradition et de la famille), l'anticommunisme et une forme
de progressisme social (la correction des vices du capitalisme (mais sans révolution), la lutte
contre les monopoles, le corporatisme, les congés payés, le droit de regard de l'ouvrier sur la
gestion de l'entreprise,...)
-->une organisation paramilitaire nettement inspirée de celles du Fascio italien

+La deuxième vague (1932-1936) :


- Une deuxième vague fasciste en France va toucher la France en 1932-1938, provoquée par les
raisons suivantes :
- .la crise économique touche la France en 1931 ;
- .le retour au pouvoir de la gauche (Bloc des gauches en 1932) réveille l'extrême-droite ;
- .l'arrivée au pouvoir d'Hitler en Allemagne début 1933 impulse une nouvelle dynamique fasciste.
-Cependant, la séduction pour le modèle fasciste va être plus durable et profonde qu'en
1924-1926 car :
.les gouvernements de la Troisième République peinent à se stabiliser
.la France peine à résoudre la crise économique (qui est en fait moins forte qu'ailleurs), tandis que
les régimes fascistes (qui mènent des politiques keynésiennes comparables au New-Deal de
Roosevelt aux États-Unis) semblent apparemment mieux réussir ;
.La recherche de nouvelles solutions politiques, économiques et sociale donne lieu à un
bouillonnement idéologique et l'éclosion de mouvements non-conformistes dont certains de
membres seront, certains un temps, d'autres dé nitivement, attirés par le fascisme.
- Solidarité française est un mouvement politique créé au début du printemps 1933 par François
Coty — qui se faisait appeler le « Duce français ».
F.Coty avait auparavant nancé Le Faisceau de Georges Valois dans les années 1920 puis les
Croix-de-Feu au début des années 1930. Il décide de se doter de son propre mouvement
politique, tout en con ant sa direction au commandant Jean Renaud.
Il s'inscrit alors dans la tradition plébiscitaire et bonapartiste, à l'instar des Jeunesses patriotes.
En même temps, la nouvelle ligue emprunte l’image du fascisme italien : dé lé au pas cadencé,
port de l'uniforme - la chemise bleue - et salut « à l'antique ». Ainsi que le thème du corporatisme
Le discours se radicalise à partir de 1934, de 1935 surtout, dans un sens antidémocratique ; sa
radicalisation est manifeste en 1936. Jean-Renaud nit par revendiquer l'étiquette de « fasciste »
en septembre 1937
- Le Francisme, ou Parti franciste ou Mouvement franciste (1933-1944), était un parti politique
fasciste français dirigé par Marcel Bucard, ancien secrétaire de François Coty, collaborateur en
1932 de Gustave Hervé à La Victoire. Sous l'occupation nazie, le Francisme sera l'un des
principaux partis collaborationnistes, derrière le Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot
et le Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat.
Le Francisme se veut tout de suite membre français d’une internationale fasciste. « Notre
Francisme est à la France ce que le Fascisme est à l’Italie. » écrit Bucard. le Francisme gardera
l’image d’un fascisme français clérical, catholique et réactionnaire. De plus en plus antisémite
après 1936
- Les francistes, que l'on nomme aussi les « Chemises bleues », portent l’uniforme et saluent à la
romaine, comme la Solidarité Française. Le francisme est doté d'un service d’ordre secret, La
Main Bleue (dès 1933).
- Malgré les ralliements et le soutien nancier de l’Italie fasciste en 1934- 1936, le Francisme ne
décollera pas : les historiens ne lui accordent que 5500 membres en 1934

+La troisième vague (1936-1944)


- Continuité de la deuxième, mais loi du 10 janvier 1936 qui permet la dissolution des groupes
->dissolution de l'Action Française dès février suite à une agression dont Blum est victime (le 13
février), puis des autres le 18 juin par le Front Populaire
constitution en partis politiques+radicalisation liée au Front populaire de 1936 dans un
anticommunisme obsessionnel qui ira croissant jusqu'à la guerre
- Le Parti populaire français est créé en juin 1936 par Jacques Doriot, ancien chef des Jeunesses
communistes (JC) en 1923, député en 1924, membre du comité central du Parti communiste
français (PCF), maire de Saint-Denis en 1931.
Il est exclu du PCF en août 1934, car il était favorable à une alliance avec la SFIO, avant que
celle-ci ne soit autorisée. Il était également le principal rival de Maurice Thorez.
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Au niveau des chefs comme de celui des militants, les deux plus forts contingents de membres
du PPF proviennent du Parti communiste français et des ligues nationalistes (notamment des
Croix-de-feu, lassés de la modération du colonel de La Rocque), de l'Action française, de la
Solidarité française et quelques personnes issues du francisme de Marcel Bucard --> « Aux
origines du PPF, on retrouve donc les deux courants de la fusion qui caractérise le premier
fascisme : l’extrême-gauche révolutionnaire et le nationalisme anti-parlementaire » selon la théorie
de Michel Winock.
Si le programme du PPF d'avant-guerre n'est pas spéci que du fascisme, certaines thématiques
apparues en 1937 et 1938 vont dans le sens sinon d'un rapprochement avec le fascisme et le
national-socialisme : volonté de créer un homme nouveau, corporatisme, association de
l’anticommunisme et de l'anticapitalisme, culte du chef, nationalisme. S'ajoute à cela le soutien
nancier de l'Italie qui semble indiquer une parenté idéologique.
- Le Rassemblement national populaire (RNP) (1941-1944) était un parti collaborationniste
français fondé par Marcel Déat en février 1941. Se voulant socialiste et européen, il se destinait à
« protéger la race », et à collaborer avec l’Allemagne nazie.
Le RNP fut l'un des trois principaux partis collaborationnistes avec le Parti populaire français
(PPF) de Jacques Doriot et le Parti franciste de Marcel Bucard, prônant un alignement politique,
social et militaire sur l'Allemagne nationale-socialiste.

L’élément détonateur des événements de l’année 1934 et du « péril fasciste » :l’A aire
Stavisky
La crise du 6 février 1934
Moment de cristallisation des tensions sociales dans le contexte de crise morale, politique et
économique
Le 6 février 1934 est une démonstration de force de l’extrême droite française contre les
institutions républicaines, qui tourne à l’émeute et aboutit au renversement d’un gouvernement de
la République.
Le déclenchement : l’a aire Stavisky
L’a aire Stavisky est un scandale politico- nancier qui, indirectement, met en cause des
personnalités politiques du Parti radical au pouvoir. Plusieurs étapes (de l’escroquerie
jusqu’à la politisation) :
Fin 1933 : Alexandre Stavisky, fondateur du Crédit municipal de Bayonne. Il est accusé
d’avoir détourné des sommes colossales
Stavisky se suicide quelques heures avant son arrestation (suicide sur lequel la presse émet de
sérieux doutes).
La presse découvre que Stavisky, inquiété précédemment dans plusieurs a aires d’escroque-
rie, a fait preuve d’une inexcusable clémence de la part de la justice, notamment du procureur
de la République de la Seine, qui est le beau-frère du Président du Conseil Camille Chau-
temps.
La presse nationaliste se déchaîne contre le gvt radical et la droite parlementaire attaque vio-
lemment le Pdt du Conseil. L’agitation gagne l’extrême droite
Chautemps remet sa démission le 28 janvier 1934 et le Pdt de la Rép A. Lebrun nomme E.
Daladier, réputé ferme et intègre
Sa 1ère mesure est de déplacer le préfet de Paris (Jean Chiappe) dont la sympathie pour les
ligues est connue
Cette décision est un véritable détonateur qui met le feu aux poudres
Les principales ligues françaises appellent à un rassemblement le 6 février 1934 (jour où Da-
ladier doit se présenter au parlement pour recevoir la con ance).
La journée du 6 février 1934
- Journée de manifestations et de violences (notamment Place de la Concorde, face au
Parlement) à l’instigation des ligues d’extrême-droite
- bilan : 15 morts et 1400 blessés (dont près de 800 policiers)
- Malgré les émeutes et les attaques de la droite parlementaire, le gvt Daladier reçoit la
con ance du Parlement.
- Daladier est accusé d’être responsable du « bain de sang » par la presse de droite, mais
sa légitimité semble confortée : il est resté ferme face à la rue et a reçu la con ance.
- Il présente néanmoins sa démission dès le 7 février pour éviter de nouveaux troubles

Quelle interprétation de ces événements du 6 février 1934 ?


3 éléments d’analyse
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- Ce n’est pas un simple mouvement de rue ; il s’agit d’une expression violente du ma-
laise social profond, dans une société confrontée à la crise économique, aux inégalités
sociales et à la perte de crédibilité des institutions
- Mais ce n’est pas non plus coup d’Etat organisé et coordonné par les chefs des ligues
(théorie du complot antirépublicain destiné à renverser le régime)
Les ligues se sont très peu concertées le 6 février et les objectifs se sont révélés di é-
rents d’un chef à l’autre
- Une journée d’une portée politique majeure
o Principale crise depuis l’A aire Dreyfus : la France paraît divisée
o Elle aboutit à un renversement d’un gouvernement de la République légale-
ment investi, suite à des violences organisées, fait inédit sous la IIIe Répu-
blique !
Réactions de partis de gauche et des syndicats : face à ce qu’ils nomment le « péril fasciste » ,
ils appellent à une contre-manifestation le 12 février 1934 pour « ne pas laisser la rue à
l’extrême droite » et se rassembler pour faire échec à l’ED
La manifestation du 12 février 1934 est un bain de foule et enclenche une stratégie de
rassemblement pour « faire front » face à l’ED et faire gagner la gauche aux élections prévues
en 1936.

Section 2 : Le Front Populaire : mouvement social


et expérience de gouvernement
Le « Front populaire » (FP) est une expression qui sert à désigner à la fois
- la stratégie de rassemblement des gauches à partir de 1934,
- l’accès au pouvoir, en 1936, des trois formations de gauche (communiste, socialiste,
radicale) avec le Gvt de FP de Léon Blum
- l’expérience sociale et législative de 1936, qui voit le Parlement adopter des mesures
sociales d’importance capitale pour le monde des salariés sur fond de grèves mas-
sives et après les accords de Matignon
Pour comprendre le Front populaire, on doit forcément repartir de l’année du coup de
force des ligues : 1934

I - Naissance et essor du Front populaire


Les événements du 6 février 1934 ont des e ets majeurs dans les débats politiques et dé-
montrent que la France n’est pas à l’abri de la tentation autoritaire et de ce qui est désigné
comme un « péril fasciste »
Prise de conscience que la démocratie est fragile (rappel : un an auparavant : la République de
Weimar s’e ondre en Allemagne…)
Les démonstrations des ligues (tout au long de 1934) contribuent à la naissance de « l’antifas-
cisme », porté par des intellectuels de gauche et surtout impulsent une mobilisation des forces
républicaines et des forces de gauche qui vont permettre (en un peu plus d’un an) la naissance
d’un front politique unitaire.
Le revirement stratégique du PCF (juin 1934)
Depuis 1919 : l’Internationale communiste défend une stratégie de rupture avec les partis qua-
li és de « bourgeois », y compris socialistes et sociaux-démocrates (idée de la mobilisation
des forces révolutionnaires à la base, dans le monde ouvrier)
le PCF envoie des députés au Parlement, mais sans rompre avec le principe révolutionnaire
en Juin 1934, des consignes sont envoyés de Moscou pour inviter les PC nationaux à se rap-
procher de toutes les forces de gauche et rechercher des alliances électorales pour renforcer le
« front antifasciste » auquel l’URSS revendique d’appartenir
Le rapprochement des formations de gauche :
La stratégie de mise sur pied d’un « Front populaire» est entamée dès 1935.
Les chefs des 3 formations (Maurice Thorez pour le PCF, L. Blum pour la SFIO et Daladier
pour le parti radical) dé lent ensemble le 14 juillet 1935 (images dans la presse -> impact énorme
dans l’opinion !)
Ils scellent « le serment de l’unité »

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Un comité de liaison des organisations antifascistes est mis en place, qui associe : PCF, SFIO,
socialistes indépendants, P. Radical, CGT, CGTU, Ligue des Droits de l’homme, Comité de
vigilance des intellectuels antifascistes etc.
Rédaction d’un programme commun souvent résumé par la formule : « le pain, la paix, la liberté »
à l’automne 1935 prévoyant :
- La dissolution des ligues antiparlementaires
- Des progrès des droits économiques et sociaux des travailleurs : amélioration du pou-
voir d’achat et liberté syndicale
- Un accord de désistement au second tour des législatives en faveur du candidat de
gauche arrivé en tête du premier tour

II - Les élections et les grèves: mai-juin 1936


Cette stratégie débouche sur la victoire aux élections législatives de mai 1936
Mais cette victoire est inégale pour les 3 partis engagés :
Grand vainqueur : le PCF qui passe de 10 à 72 députés
La SFIO se maintient et obtient le plus grand groupe à la Chambre
Le Parti Radical perd des sièges ! (début d’un déclin de ce parti de centre gauche qui se pour-
suivra sous la IVe République).
Les élections de 1936 renforcent la « bipolarisation » de la vie politique

Juin 1936 : formation du gouvernement Blum


2 faits essentiels :
La SFIO, comme principal parti de la majorité parlementaire, obtient la présidence du Conseil
Le gvt de Léon Blum est le premier gvt socialiste de l’histoire de France, mais comme le dit
Léon Blum le 6 juin 1936 pour son discours d’investiture comme Président du Conseil :
« Nous sommes des socialistes, mais le pays n’a pas donné la majorité au Parti socialiste. Il
n’a même pas donné la majorité à l’ensemble des partis prolétariens. (…) Nous sommes un
gouvernement de Front populaire, et non un gouvernement socialiste. Notre but n’est pas de
transformer le régime social. (…) C’est d’exécuter le programme du Front populaire»
Le PCF refuse de participer au gouvernement et en appelle à un « soutien sans participation »
avec pour objectif de maintenir son autonomie et conserver sa base populaire

La politique économique et sociale du Front populaire


Avant même que Léon Blum ne soit appelé à la présidence du Conseil, un grand mouve-
ment social éclate au lendemain des élections pour faire pression sur le patronat et le nou-
veau gouvernement
Grèves, occupations d’usines, manifestations mais sans violence
Ce mouvement de grèves est spontané et n’est pas initié/contrôlé par les grandes organisa-
tions syndicales, notamment la CGT
Selon l’historien Antoine Prost, l’ampleur des grèves et leur forme en juin 1936 (occupation
d’usine, manifestations) ne peuvent se comprendre qu’à l’intersection de trois temporalités :
- Le temps long de la taylorisation : travail en usine, à la chaîne, parcellisation des
tâches, contrôle renforcé des cadences,
- Le temps médian de la crise économique et du chômage
- Le temps court des événements : la dynamique de rassemblement du FP à partir de
1934 et jusqu’à la victoire électorale des partis de gauche
Cette victoire électorale des partis de gauche début mai 1936 ouvre une « fenêtre
d’opportunité » pour faire valoir les revendications des travailleurs : augmentation de salaires
et plus de démocratie économique et sociale avec davantage de pouvoirs aux travailleurs dans
les entreprises

Les principaux facteurs des grèves du Front Populaire :


• Les élections de 1936 constituent une « fenêtre d’opportunité » pour les travailleurs.
En e et, c’est la première fois que les socialistes sont en position d’exercer le pouvoir,
les travailleurs syndiqués, surtout des ouvriers, ont donc l’intuition que les nouveaux
dirigeants vont être de leur côté, même s’ils ne sont pas « des leurs ». C’est la première fois que
les ouvriers pensent qu’ils ont l’opportunité de « secouer le joug patronal » et d’obtenir

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satisfaction à leurs revendications, souvent très anciennes notamment sur le temps de travail
(revendication des 40h dès le début du XXème siècle).
Les grèves commencent avant même la formation du gouvernement Blum, quelques
jours après la victoire au second tour des candidats du FP.
Une nouveauté de ces grèves de mai-juin 1936 : les grèves sont accompagnées
non seulement de manifestations pour rendre visible dans la rue le rapport de
force favorable qui est sorti des urnes mais les grèves sont aussi marquées pour
la première fois d’occupations d’usines.
L’objectif est double : d’une part faire pression sur le nouveau gouvernement pour qu’ils actent
rapidement les mesures promises pendant la campagne électorale et d’autre part faire
pression sur les patrons pour faire valoir leurs revendications dans les entreprises.
Les occupations d’usines symbolisent que les travailleurs s’approprient leur lieu de
travail comme un lieu de vie et de revendications et pas seulement comme un lieu de
production qui appartient uniquement à l’employeur

• Parmi les facteurs explicatifs, il faut tenir compte du temps long de l’industrialisation
et de l’instauration du taylorisme : la production des biens se fait de plus en plus sur
des chaines d’assemblage, avec standardisation des pièces, décomposition des opérations,
mesure des temps et spécialisation du travail sur machines. Ainsi la rationalisation des façons de
produire et la rémunération au rendement permettent d’intensi er
les cadences. « Le travail tend vers le bagne » et les travailleurs vivent de plus en plus
mal cette dévalorisation de leur savoir-faire et le contrôle permanent. Selon Prost et
d’autres historiens, le FP c’est aussi un mouvement social de revendication de la
dignité individuelle et collective des travailleurs

Face à ce mouvement de grèves sans précédent, Léon Blum organise des négociations entre la
CGT et la CGPF à Matignon
CGT : confédération générale du travail, principale organisation syndicale de salariés
CGPF : confédération générale de la production française, principale organisation patronale
Ces négociations sur fond de mouvements sociaux et de grèves se terminent par la signature
« des accords de Matignon
» à l’avantage des salariés (cf diaporama)
- hausses de salaires (de 7 à 15%),
- conventions collectives obligatoires prévoyant des salaires minimum de branche,
- liberté syndicale renforcée par la reconnaissance du statut du délégué d’entreprise élu
dans les entreprises de plus de 10 salariés
Pour la première fois, l’Etat a joué un rôle d’arbitre entre les patrons et les organisations
syndicales, rôle qui se renforcera dans la plupart des démocraties européennes (notamment
lors des gouvernement sociaux-démocrates)
Au-delà de ce qui est convenu dans les accords de Matignon et face à l’ampleur des grèves et
des mobilisations, le gouvernement du FP fait adopter dans la foulée des lois qui vont au-delà
ce qui a été acté lors des négociations à Matignon :
- loi sur les 40 heures de travail hebdomadaires (qui était une revendication ancienne
de la CGT) et loi qui institue deux semaines de congés payés et qui reconnaît de fait
le droit au repos et aux loisirs
Avec les accords de Matignon et les lois sociales de 1936 sur la semaine de 40 heures et les
deux semaines de congés payés, les travailleurs obtiennent des améliorations de leurs
conditions de travail, ainsi que de leur vie privée.
- une augmentation substantielle des salaires (15 % pour les salaires les plus bas, au
moins 7 % pour tous les salaires)
- Par ailleurs, l’instauration de délégués d’atelier élus par les salariés dans les entre-
prises de plus de 10 salariés permet d’introduire un contre poids, en tout cas un droit
à l’expression collective des salariés, sur le lieu même du travail, ce qui permet un relatif contrôle
par les délégués du temps et des cadences de travail. Cela s’inscrit bien
dans « la citoyenneté sociale » revendiquées par les syndicats puisque les délégués
d’atelier permettent d’exercer des droits d’expression et de réclamations face aux employeurs.

• La généralisation des conventions collectives (nommés « contrats collectifs » dans


l’article 1 des accords) qui s’imposent pour tout contrat de travail individuel permet
aussi de desserrer l’étau de la dépendance du travailleur à l’égard de son employeur.

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En e et, le statut des travailleurs va considérablement changer avec l’instauration de
contrats et de conventions collectives. Le lieu de travail est reconnu comme une
sphère publique et non plus une sphère privée.
La convention collective, négociée par branche par des représentants des syndicats et
des organisations patronales, doit être respectée par l’ensemble des employeurs de la
branche. L’obligation de respecter les clauses des conventions collectives réduit
quelque peu le lien personnel de subordination entre le travailleur et l’employeur en
encadrant collectivement les conditions de travail et de rémunération.
Elle reconnait un lien fonctionnel de production : les travailleurs s’engagent pour un
travail déterminé, payé selon une rémunération déterminée dans les conventions collectives ;
l’objectif visé est de lutter contre l’arbitraire patronal qui pouvait décider de
conditions de travail di érenciées selon les travailleurs.
La propriété privée de l’entreprise par l’employeur ne lui permet plus de décider seul
des conditions de travail et de rémunération.
Progressivement se constitue, et le FP est une période importante, un ordre public social qui
s’impose aux contrats de travail de droit privé.
(C’est d’ailleurs pour cette raison que la plupart des patrons ont dénoncé ces accords
comme une remise en cause de leur propriété privée, tout comme ils ont largement
condamnés les occupations d’usine)
C’est à partir de 1936 la convention collective qui détermine les indices de salaire
pour chaque type de poste.
La généralisation des conventions collectives a aussi pour conséquence d’obliger les
organisations patronales à négocier avec les syndicalistes puisqu’elles sont signées
par grande branches d’activité et sont le résultat de négociations entre les centrales
syndicales de salariés et les organisations patronales
On a donc dès 1936 une première reconnaissance du rôle des organisations syndi-
cales dans les relations professionnelles.
Les accords de Matignon rappellent aussi le droit des travailleurs à se syndiquer
dans l’organisation de leur choix
D’autres mesures des gouvernements de FP :
l’axe central du programme de FP est « la lutte anticrise par la re ation, par l’accroisse-
ment de la consommation générale » à rebours de la politique de dé ation menée par La-
val en 1935 (baisse de 10% des dépenses publiques et du salaire des fonctionnaires).
D’où mesures en faveur des chômeurs (Fonds national du chômage, grands travaux),
crédits aux PME par la création d’une Caisse nationale des marchés de l’Etat et action sur
les prix (régulation des prix agricoles via la création de l’O ce du blé qui garantit un
prix minimum aux agriculteurs), nationalisation de l’industrie de l’armement et de
l’aéronautique aux 2/3 et des chemins de fer : création de la SNCF
La réforme de la Banque de France (jusque-là sous le contrôle des 200 plus gros actionnaires
de France : les « 200 familles »), désormais placée sous le contrôle de l’Etat
Le gvt de FP intervient dans de nouveaux domaines :
l’accès à la culture (tarifs réduits dans les musées, développement des bibliothèques populaires),
au sport (dans les écoles), aux «
loisirs » et au tourisme (auberges de jeunesse,
billets de transport à tarif réduit)

III- L'échec du Front populaire


Le gouvernement de Blum tombe un an plus tard : juin 1937
Pourquoi ? Dissensions au sein de la majorité : les partis restent unis, mais des tensions
apparaissent, notamment :
- Radicaux : une partie des parlementaires qui représentent les « classes moyennes »,
est inquiète des grèves et manifestations ouvrières
- Communistes (et CGT) : condamnent le principe de non-intervention adopté par
Blum dans le con it espagnol : les communistes souhaitent apporter un soutien mili-
taire aux Républicains, au nom de l’antifascisme.
Rappel : En Espagne : un gouvernement de Front populaire est élu en 1936 mais doit
faire face au coup d’Etat militaire du général Franco en juillet 1936 : début de la
guerre d’Espagne = guerre civile entre Républicains et Nationalistes (1936-1939). Le
gouvernement républicain demande à Blum un soutien militaire à la France qui lui est refusée.
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Léon Blum est harcelé par la presse nationaliste et antisémite dans le cadre de l’une des plus
violentes campagnes antisémites que la France ait connu sous la République (Blum injurié,
insulté, traité de manière odieuse…)
Campagne de di amation de l’extrême droite contre Roger Salengro (maire de Lille), ministre
de l’intérieur (accusé d’avoir déserté pendant la première guerre mondiale). Salengro se sui-
cide en novembre 1936
Sur le plan économique, relatif échec : Certes, le chômage baisse mais poursuite de l’in ation
et pas de reprise économique (production industrielle = basse, inférieure à 1928 !)
Graves problèmes économiques (dévaluation du franc, dette publique), pause dans les ré-
formes début 1937, dénoncée par les communistes
• Blum démissionne en juin 1937, remplacé par le radical Chautemps
Retour du centre droit en 1938
Fin des 40h
Et débats sur l’imminence d’une autre guerre mondiale

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