L’Attachement en Psychothérapie de l’Adulte
L’Attachement en Psychothérapie de l’Adulte
L’Attachement en Psychothérapie de l’Adulte
19
© Dunod, 2023
ISBN : 9782100864416
www.dunod.com
Dunod Editeur
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
Les auteurs 17
Préface 21
Downloaded by 3.8.18.9.19
Introduction 27
PARTIE 1
L’ATTACHEMENT CHEZ L’ADULTE : REPÉRAGES
THÉORIQUES
La théorie 67
La « situation étrange » et les styles d’attachement chez l’enfant 68
L’inconscient et l’attachement 70
Le principe de l’énergie libre 71
La mentalisation 73
La confiance épistémique 74
L’attachement dans la pratique thérapeutique 75
Le début de la thérapie : la dynamique de l’attachement dans le cabinet de
consultation 75
Le thérapeute comme base de sécurité 76
Discours et style d’attachement 77
La mentalisation clinique 79
Conclusion : de nouveaux paysages de sentiments et de
pensées 80
de l’alliance thérapeutique 86
Communications transférentielles et contre-transférentielles au
sein d’actes mutuels 92
Mécanismes relationnels du cerveau droit pour le changement
thérapeutique 97
Conclusion 102
Conclusion 125
PARTIE 2
PSYCHOTHÉRAPIES INFORMÉES PAR L’ATTACHEMENT
Conclusion 139
PARTIE 3
PSYCHOTHÉRAPIES BASÉES SUR LA THÉORIE DE
L’ATTACHEMENT
Conclusion 186
PARTIE 4
THÉRAPIES VISANT À LA RÉPARATION DE
L’ATTACHEMENT
Downloaded by 3.8.18.9.19
253
L’expérience d’une relation sécurisante : l’accordage du thérapeute 253
L’expérience correctrice à travers l’imagerie mentale et le reparentage 260
Application auprès des enfants et de leurs parents 263
PARTIE 5
L’ATTACHEMENT, LE PSYCHOTHÉRAPEUTE ET LE
CAREGIVING
et différences 316
Applications à la psychothérapie des adultes 317
Prendre soin de son caregiving en tant que thérapeute 319
Caregiving et supervision 319
Impact de la thérapie du thérapeute sur son caregiving 320
Petit bilan sur vos bases de sécurité en tant que thérapeute 321
Votre superviseur est-il suffisamment sécurisant ? 322
Conclusion 322
Conclusion 337
ANNEXES
Joanna Smith
Remerciements 347
Sous la direction de :
● JOANNA SMITH
Les auteurs
● MARGAUX BOUTELOUP
Downloaded by 3.8.18.9.19
psychologues cliniciens.
● ALLAN SCHORE
parts":[["1999"]]}}},{"id":936,"uris":
["http://zotero.org/users/7758116/items/X2K7GFW5"],"itemData":
{"id":936,"type":"book","abstract":"This eloquent book translates
attachment theory and research into an innovative framework that
grounds adult psychotherapy in the facts of childhood development.
Advancing a model of treatment as transformation through
relationship, the author integrates attachment theory with
neuroscience, trauma studies, relational psychotherapy, and the
psychology of mindfulness. Vivid case material illustrates how
therapists can tailor interventions to fit the attachment needs of their
patients, thus helping them to generate the internalized secure base
for which their early relationships provided no foundation.
Demonstrating the clinical uses of a focus on nonverbal interaction,
the book describes powerful techniques for working with the emotional
responses and bodily experiences of patient and therapist
alike.","edition":"Reprint edition","language":"English","number-of-
pages":"383","publisher":"The Guilford
Press","source":"Amazon","title":"Attachment in
Psychotherapy","author":[{"family":"Wallin","given":"David
J."}],"issued":{"date-parts":
[["2007",3,6]]}}}],"schema":"https://github.com/citation-style-
language/schema/raw/master/csl-citation.json"} (Bateman & Fonagy,
2004 ; Brown & Elliott, 2016 ; Holmes, 2001; Holmes & Slade, 2017 ;
Obegi & Berant, 2009 ; Slade, 1999 ; Wallin, 2007…).
Bowlby avait déjà tracé les grandes lignes de l’application de la
théorie de l’attachement à la psychothérapie chez l’adulte (Bowlby,
1988b). Bowlby décrit en effet cinq tâches thérapeutiques principales
pour le bon déroulement de la thérapie, c’est-à-dire pour favoriser une
exploration, par le patient, de ses modes de représentation de lui-
même et de ses figures d’attachement afin de les réévaluer et les
restructurer, à partir des nouvelles expériences relationnelles
effectuées en psychothérapie (Bowlby, 1988b). Ces cinq tâches sont :
● fournir au patient une base de sécurité à partir de laquelle il peut
explorer ; dans cette tâche le thérapeute accompagne le patient en
tant qu’interlocuteur de confiance qui va fournir du soutien, des
encouragements, de la compassion et, parfois, de la guidance ;
Downloaded by 3.8.18.9.19
Perspectives développementale
et sociale de l’attachement
adulte
Susana Tereno
17
Pères 57 15 11
Non clinique
Adolescents
et jeunes sans 48 21 12 20
enfants
Faible niveau
socio- Mères 39 25 8 28
économique
Parents d’enfants
ayant des
Clinique 14 41 45 —
troubles
psychologiques
diffèrent entre eux dans la façon dont ils font face à la détresse et
régulent leurs sentiments de sécurité. Comme mentionné auparavant,
les différences individuelles dans les styles d’attachement peuvent
influencer la nature et la qualité des interactions de soutien entre
partenaires intimes. Comme nous allons le voir ci-après, ces
différences reflètent les modèles opérants de soi et des autres.
CONCLUSION
La fonction de l’attachement — obtenir du soutien et de la sécurité —
demeure stable tout au long de la vie, bien que les mécanismes pour
atteindre cette fonction changent et se développent avec la maturité
(West et al., 1989 ; West & Sheldon-Keller, 1994). Ainsi, selon Bowlby
(1969b) et Hinde (1982), la fonction première de l’attachement chez
les adultes consiste à assurer une protection contre le danger en
maintenant une relation réciproque et en renforçant la relation avec un
adulte spécifique. Bien que la sécurité de l’enfance et celle de l’âge
adulte jouent toutes les deux un rôle important, la sécurité symétrique
mutuelle dans les relations entre partenaires adultes (conjugales ou
amicales), fondée principalement sur la communication verbale, doit
être différente de la sécurité asymétrique à sens unique dans le
système d’attachement préverbal ou procédural (Blom & Dijk, 2007).
L’intervention clinique basée sur l’attachement, en privilégiant l’usage
de la relation thérapeutique comme base sécure, s’inscrit dans cette
logique, créant une relation sécurisante correctrice qui, nous
l’espérons, puisse se généraliser aux autres relations
interpersonnelles du patient.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Chapitre 2
Évaluation clinique de
l’attachement chez l’adulte
Joanna Smith
Illustration clinique
Romain est né alors que ses parents n’étaient âgés que de 20 ans. Au fil de la thérapie,
il décrit des parents pouvant être tout à fait affectueux mais également indisponibles
car préoccupés par leurs études et ayant besoin de sortir avec leurs amis. C’est
lorsqu’il est malade qu’il reçoit les réponses les plus fiables de ses figures
d’attachement : sa mère l’accompagne lors des consultations spécialisées chez les
médecins et s’occupe de ses soins pour différentes pathologies qu’il développe :
asthme, eczéma, puis différentes blessures survenues dans le contexte d’activités
sportives. À 35 ans, Romain consulte en psychothérapie en raison d’attaques de
panique et d’anxiété de type hypochondriaque : il a appris, dans son système d’alerte,
que les problèmes de santé sont inquiétants, et dans son système d’attachement, que
s’hyperactiver à ce sujet permet de recevoir une réponse fiable, qui ne sera pas reçue
si l’intensité de la détresse manifestée est moins forte. De fait, dès la première semaine
de thérapie, Romain laisse un message téléphonique à son thérapeute en panique en
pleine nuit en raison de palpitations cardiaques (bénignes).
Illustration clinique
Céline consulte sur les conseils de son coach car elle a de la difficulté à faire les
démarches de lancement de son entreprise. Son discours est plutôt déconnecté
émotionnellement, souvent en faux-self (mode « faire semblant », en thérapie basée
sur la mentalisation, voir le chapitre 9, p. 171). Des difficultés de l’enfance sont
rapportées tout en coexistant avec une idéalisation des parents, en particulier de la
mère qui semble pourtant avoir été très intrusive. Le discours est clairement incohérent
et le self est dénigré. Céline présente des ruminations négatives concernant ses
propres capacités qui l’entravent dans sa création d’entreprise, dans un contexte de
décompensation dépressive à la suite de son divorce.
▶ La désorganisation de l’attachement
Illustration clinique
Paul appelle pour prendre rendez-vous pour une psychothérapie. Il présente sa
demande comme urgente, annonçant qu’il va se suicider s’il ne va pas mieux à la fin de
l’année 2021. Toutefois, lorsqu’un rendez-vous est proposé, l’horaire ou le lieu ne
conviennent jamais, et il refuse les consultations en visio-conférence. Lorsque le
thérapeute propose une réorientation vers un collègue susceptible d’avoir des
disponibilités plus compatibles, cela déclenche une crise de colère chez Paul qui
Downloaded by 3.8.18.9.19
▶ Attachement et caregiving3
▶ Attachement et exploration
CONCLUSION
L’évaluation clinique présentée dans ce chapitre peut bien sûr être
complétée d’une évaluation par des outils (pour une revue des outils
disponibles en français, voir Parra, 2021). Si l’attachement est
complexe chez l’adulte, il vaut néanmoins la peine d’être observé et
pris en compte, notamment parce qu’il permet au thérapeute de mieux
s’ajuster au niveau de la relation thérapeutique et d’accroître ainsi
l’alliance thérapeutique si essentielle à l’évolution favorable de la
psychothérapie. L’observation clinique des différents points que nous
venons de décrire peut aussi faire l’objet d’échanges avec le patient,
et favoriser ainsi le remaniement de ses modèles internes opérants.
Ces échanges peuvent aider patient et thérapeute à comprendre en
quoi ces stratégies, problématiques aujourd’hui, ont pu être des
stratégies adaptées dans un contexte adverse ou suboptimal. Dans
notre expérience, cette manière de comprendre la psychopathologie
aide le patient à mieux se comprendre, à s’accepter davantage sans
se juger en voyant ce que ses difficultés actuelles disent de
l’environnement auquel il a dû s’adapter. Dans les différents chapitres
Downloaded by 3.8.18.9.19
Notes
1. La notion d’intégration implique que le patient a su conserver les
informations utiles de l’expérience en rejetant les informations inutiles,
par rapport à la prévision du danger futur (Siegel, 1999).
Implications de la théorie
et de la recherche sur
l’attachement
pour la psychothérapie de
l’adulte
Downloaded by 3.8.18.9.19
Jeremy Holmes
LA THÉORIE
Le principal reproche de Bowlby à l’égard de la théorie et de la
formation psychanalytiques de son époque (années 1930-1960) était
leur négligence ou leur manque d’intérêt pour le rôle de
l’environnement dans la formation de la personnalité et de la
psychopathologie, ainsi que l’importance excessive accordée aux
facteurs innés tels que les pulsions et les mécanismes de défense
endogènes. Sur la base de ses études sur les « délinquants
juvéniles » masculins (comme on les appelait à l’époque), c’est-à-dire
les jeunes présentant des troubles du comportement, et sur les
réactions des jeunes enfants lorsqu’ils sont séparés de leurs parents,
que ce soit à la suite d’une hospitalisation ou des bouleversements de
la Seconde Guerre mondiale, lui et sa cofondatrice de la théorie de
l’attachement, Mary Ainsworth, ont considéré que les maladies
mentales de l’enfance résultaient d’un traumatisme environnemental,
qu’il s’agisse d’une séparation, d’une perte ou d’une éducation
parentale insensible (Holmes, 2013).
Plutôt que de conceptualiser l’enfant isolément, confronté à la
difficulté de surmonter le narcissisme et de négocier l’œdipe, la
Downloaded by 3.8.18.9.19
▶ L’inconscient et l’attachement
dans laquelle l’énergie libre peut être liée de manière plus complexe,
avec pour résultat la libération du moi explorateur et créatif.
▶ La mentalisation
▶ La confiance épistémique
Aller voir un thérapeute, surtout pour les non-initiés, n’est pas facile.
On entre dans une pièce étrange, occupée par un expert
autoproclamé à l’identité ambiguë, dont on ne sait pas grand-chose,
qui est imperméable aux questions directes, et face auquel il est
néanmoins attendu que le patient étale sans retenue, pendant 50
minutes, son âme — avec tous ses secrets coupables, ses embarras
et ses circonvolutions — puis, brusquement, qu’il soit congédié
jusqu’à ce que le processus se répète les jours ou les semaines
Downloaded by 3.8.18.9.19
Illustration clinique
Tom, un jeune homme d’une trentaine d’années à l’air confiant, avait été poussé à
suivre une thérapie par sa petite amie qui trouvait insupportable son soudain accès de
rage « irrationnelle » à son égard. Il avait un style de conversation typiquement évitant
et dédaigneux, et avait commencé une séance en parlant de son père malade d’une
manière plutôt détachée, lorsqu’il y eut une interruption soudaine dans le flux de son
discours, tandis que sa main balayait nerveusement ses yeux et son front. Le
thérapeute, ballotté par une vague de tristesse contre-transférentielle, l’a
immédiatement relevé de manière « marquée », en disant : « Je pense que votre père
vous manque vraiment en ce moment. » Tom a répondu par un silence larmoyant, qu’il
a rompu en confirmant à quel point il se sentait parfois dépourvu et isolé, en particulier
en tant qu’enfant unique dont la mère souffre de démence, et comment ce sentiment
était exacerbé lorsque ses « crises de colère » servaient à repousser sa petite amie, au
lieu de l’avertir de sa détresse et de son besoin d’elle. Cela a conduit à une discussion
sur le fait que Tom testait le thérapeute pour voir comment il réagirait lorsqu’il
s’aventurerait à lui faire voir ses affects douloureux. Cela contrastait avec la façon dont,
lorsqu’il était enfant, il avait le sentiment que ses parents réagissaient à sa détresse par
une punition dédaigneuse (« Va dans ta chambre ») plutôt que par une compréhension
compatissante.
▶ La mentalisation clinique
qui s’est passé, les sentiments qui ont pu conduire à l’épisode et les
autres façons de penser et d’agir qui auraient pu être possibles. Cette
approche présente trois avantages potentiels. Elle fait passer le
message qu’il existe toujours d’autres façons de penser à sa détresse,
que la pensée n’est jamais figée, que, contrairement au corps, l’esprit
est toujours malléable, que les sentiments suicidaires d’aujourd’hui
peuvent avoir été remplacés par des lueurs d’espoir demain, ou que
se croire gros n’est pas la même chose que d’être réellement en
surpoids. Deuxièmement, la méthode de mentalisation est tout à fait
cohérente avec l’accent mis par la psychanalyse sur la libre
association. Le fait d’écouter ses « sentiments instinctifs » ou ses
pensées exclues de façon défensive renforce la complexité et la
richesse de l’expérience vécue. Troisièmement, elle ouvre la voie à la
modification des hypothèses top-down sur le monde et encourage
l’action dans le cadre de laquelle de nouvelles idées et de nouveaux
modèles peuvent être expérimentés et testés.
Notes
1. Voir Holmes & Slade, 2017.
Chapitre 4
Allan Schore
Downloaded by 3.8.18.9.19
NEUROBIOLOGIE INTERPERSONNELLE
DE L’ATTACHEMENT : RÉGULATION INTERACTIVE
ET MATURATION DU CERVEAU DROIT
lequel le client peut, en toute sécurité, contacter, décrire et finalement réguler son
expérience intérieure […]. C’est l’expérience par le patient d’une action lui rendant une
sensation de pouvoir dans le contexte de sécurité fourni par la régulation interactive de
l’affect par un clinicien empathique qui aide à réaliser le changement » (Ogden et al.,
2005, p. 22).
CONCLUSION
La psychothérapie, « une relation d’attention portée à l’autre », peut
modifier plus que l’esprit conscient latéralisé à gauche ; elle peut
également influencer la croissance et le développement de « l’esprit
droit inconscient ». Il est sans aucun doute vrai que les deux
hémisphères cérébraux contribuent à un traitement thérapeutique
efficace mais, à la lumière de la tendance relationnelle actuelle qui
Downloaded by 3.8.18.9.19
Notes
1. Le présent chapitre a été préalablement publié en anglais sous les
références suivantes : Allan N. Schore (2014). The Right Brain Is
Dominant in Psychotherapy. Psychotherapy, 51(3) 388-397.
Traduction Joanna Smith.
Joanna Smith
▶ Principes généraux
disponible, fiable ; expérimenter cette stabilité et cette fiabilité est en soi thérapeutique.
Cet accompagnement est actif : le thérapeute manifeste sa présence, chaque fois que
nécessaire, en stimulant les capacités de réflexion et d’exploration, sur un fond continu
d’attention et d’expression émotionnelle. L’importance de l’infra-verbal est cruciale. Ce
que le patient perçoit du comportement du thérapeute, et en particulier du ton de sa
voix et de la façon dont il l’approche, est au moins aussi important que ce que lui dit le
thérapeute » (Guédeney & Atger, 2015).
Illustration clinique
Un patient très en détresse appelle pour prendre rendez-vous, affirmant que, s’il ne va
pas mieux d’ici la fin de l’année (on est en mai), il se suicidera. Le thérapeute contacté,
qui ne prend plus de patients, propose de le réorienter sur un·e collègue de confiance.
Le patient explique alors qu’il ne peut faire confiance à aucun thérapeute de sa région
car son ex-femme, elle-même psychologue, a porté plainte contre lui pour violences
conjugales. Il pense que tous les thérapeutes de la région auront un a priori négatif
contre lui. Le thérapeute lui propose les coordonnées d’une collègue exerçant en vidéo-
consultation, relativement proche du patient géographiquement, afin qu’il puisse
facilement la voir en présentiel (il semble indispensable, de réaliser régulièrement des
séances en présentiel, dans ce type de situations). Néanmoins, le patient refuse,
arguant qu’à cause de la procédure, il n’a pas les moyens de se déplacer et qu’il ne
souhaite pas de distanciel.
Prioriser un objectif
Dans le même ordre d’idées, il peut être très utile de travailler d’abord
sur des enjeux actuels ou récents plutôt que d’aborder d’emblée les
sources infantiles des problèmes. Par exemple, dans le cas d’un
patient qui consulte à la suite d’un harcèlement au travail, notre
formation de thérapeute nous amène souvent à chercher assez
rapidement, avec le patient, des difficultés plus anciennes
éventuellement sous-jacentes. Chez les patients présentant une
dimension de désorganisation de l’attachement, aborder si vite leur
histoire infantile, souvent traumatique, avec un thérapeute qu’ils
connaissent à peine et en lequel ils n’ont pas encore confiance peut
être très menaçant et donc provoquer des résistances. Soutenir le
patient dans l’épreuve qu’il traverse ou vient de traverser, en lui
donnant par exemple des stratégies de gestion du stress (cohérence
cardiaque…) ou en l’aidant à se remettre des événements récents
difficiles peut être plus adapté dans un premier temps. Rester au plus
près de la demande du patient (« me remettre de ce harcèlement »)
sera moins menaçant pour lui que de se pencher sur sa fragilité
antérieure, même si cela ne doit pas empêcher le thérapeute de
donner son avis éclairé sur d’autres chantiers qui pourraient être utiles
à aborder ultérieurement. Par exemple :
Exemple
THÉRAPEUTE : « Vous dites que vous avez eu de la difficulté à ne pas perdre vos moyens
face au harcèlement de votre collègue, alors que d’autres collègues ont réussi à s’en
défendre. Il est possible que cette situation ait réveillé chez vous une ou des histoires
anciennes pas tout à fait résolues et que cela explique en partie votre difficulté à réagir
face à ce harcèlement. C’est souvent le cas. Nous pourrons nous en occuper plus tard,
si vous le souhaitez, mais pour l’instant, il vaut mieux nous occuper de votre situation
actuelle et vous aider à vous remettre de ces événements plus récents, qui étaient en
soi déjà très éprouvants. Ensuite, vous verrez dans quelle mesure vous vous sentirez
disponible pour aborder, s’il y en a, des événements plus anciens. »
La pertinence de la psychoéducation
Donner des informations de psycho-éducation rend souvent le patient
moins « impuissant » face à ses troubles, dans la mesure où cela
l’aide à les comprendre. Il peut également se sentir moins coupable
Downloaded by 3.8.18.9.19
Prescrire la résistance
Face au comportement paradoxal du patient, la stratégie de
« prescrire la résistance », inspirée des thérapies brèves stratégiques
(Nardone & Watzlawick, 2000), peut s’avérer très rassurante pour le
patient. En effet, bien souvent, les patients ayant une part d’eux qui
résiste à la thérapie vont projeter sur nous leur désir d’aller mieux, ce
qui peut se traduire par une tendance à nous assimiler à la partie
d’eux qui souhaite s’en sortir, et à s’identifier à la partie d’eux qui
s’oppose à la thérapie. Par exemple, les phrases typiques chez les
patients souffrant d’addiction : « Je sais que vous voulez que j’arrête
de boire, mais… » ou encore : « Vous allez être déçu, j’ai
recommencé à fumer du shit », témoignent de cette répartition des
« identifications ». En projetant sur son thérapeute son désir de
changer, le patient externalise son conflit psychique potentiel, ce qui
peut inciter le thérapeute à passer à l’acte, en examinant avec le
patient « comment l’aider à arrêter de boire » ou « comment l’aider à
arrêter le shit » alors qu’il est plus urgent d’explorer « cette partie de
vous qui s’attend à ce que j’aie des intentions/attentes sur elle » ou
encore « cette partie de vous qui peut avoir peur d’arrêter de boire/de
fumer ». Cette manière de se décaler permet d’inciter le patient à
prendre conscience de son conflit intérieur quant à la thérapie ou aux
intentions du thérapeute, en favorisant la reprise de l’exploration du
patient plutôt que sa propension à passer à l’acte dans la relation
thérapeutique. Il s’agit d’une forme de méta-communication sur la
relation thérapeutique.
Exemple
« Vous êtes arrivé très en retard, ce qui est inhabituel chez vous. Je me demande si la
séance de la semaine dernière, portant sur un événement particulièrement
traumatique, a pu inciter un endroit de vous à craindre de revenir me voir ? Qu’en
pensez-vous ? Je peux me tromper bien sûr, mais cette idée m’a traversé l’esprit et
cela m’aiderait de savoir ce que vous en pensez. »
Downloaded by 3.8.18.9.19
CONCLUSION
Lorsque les situations ou les patients dits « difficiles » ou encore les
situations de traumatismes complexes sont éclairés par la théorie de
l’attachement, en particulier par la notion de désorganisation de
l’attachement, de multiples pistes s’ouvrent au thérapeute afin d’établir
ou de rétablir l’alliance thérapeutique, un facteur si essentiel au
changement. Privilégier la coopération, restreindre son objectif,
s’appuyer sur la psycho-éducation, respecter les choix du patient tout
en prenant soin de sa propre auto-régulation, le cas échéant, vont
souvent permettre de débloquer des situations où une escalade « je
veux te soigner — je dois résister » s’est installée. Néanmoins, il est
préférable de mettre en place des conditions favorables, dès la
première consultation, afin qu’une telle escalade n’ait pas lieu. Pour
cela, il est très utile d’être attentif d’emblée aux stratégies
d’attachement que le patient manifeste à l’égard du thérapeute
(parfois dès la prise de rendez-vous) et, en particulier, d’être vigilant
aux manifestations qui pourraient évoquer une désorganisation de
l’attachement et une peur de la relation d’aide.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Partie 2
Bernard Pascal
▶ Les schémas
Downloaded by 3.8.18.9.19
▶ Les modes
Illustration clinique
Julie, 21 ans, souffre d’un trouble de personnalité borderline. Julie a une mère
Downloaded by 3.8.18.9.19
▶ Conceptualisation
Illustration clinique
Claire a 25 ans, elle est étudiante. Elle présente une personnalité évitante, avec peur
du rejet de la part des autres. Très anxieuse « depuis toujours », elle décrit des
antécédents d’hypocondrie, d’émétophobie (phobie du vomissement). Actuellement, il
existe une anxiété sociale avec peur d’avoir un malaise en public, et surtout peur
d’avoir besoin d’aller aux toilettes. Elle présente un évitement phobique : Claire évite
systématiquement les sorties entre amis et elle est souvent absente de ses cours à la
faculté pour ces raisons. Dans ces situations anxiogènes, les pensées automatiques
sont axées sur la crainte du jugement des autres : « on va penser que je suis faible,
que je suis incapable de me contrôler. » On trouve chez elle deux schémas : Manque
de contrôle et Abandon.
CONCLUSION
Les interventions en thérapie des schémas ont pour but de modifier la
structure interne de la personnalité : renforcer le mode Adulte sain et
réparer les conséquences d’un attachement insécure ancien. Le
Downloaded by 3.8.18.9.19
Attachement insécure et
Gestalt-thérapie du lien
Illustration clinique
Flore, une patiente, m’envoie une carte avec l’image du Petit Prince venu d’ailleurs :
« Comme le Petit Prince, j’ai aussi des ennuis avec une fleur. Elle a du mal à grandir, à
s’ouvrir, car la terre est peu fertile. » Peu de temps après, je reçois une autre carte
d’elle montrant la rencontre du serpent avec le Petit Prince : « On est un peu seul dans
le désert. On est seul aussi chez les hommes, dit le serpent » et ce petit texte au dos :
« Merci Pierre d’être là chez les humains. » La Gestalt-thérapie du lien n’est-elle pas un
chemin d’humanisation ?
● L’ici et maintenant, c’est être centré sur ce qui est présent, focalisé
sur ce que je ressens dans l’interaction avec un environnement
donné, que ce soit un groupe, un thérapeute, une famille ou une
institution ; prendre conscience de ce qui vient m’encombrer dans
ce présent, que ce soit le passé ou l’angoisse du futur, permet de
se rendre plus disponible à ce qui est là.
● Le contact dans le présent entre moi et un environnement est la
réalité psychologique première : comment prendre contact avec le
monde, avec les autres constitue l’objet même de l’attention. Il n’y a
plus ici un monde interne ou externe mais un espace intermédiaire
où se passent les interactions et les échanges, la frontière-contact,
espace qui sépare et qui relie.
● La Gestalt-thérapie est aussi un humanisme qui trouve ses
fondements dans la philosophie existentielle. Sartre écrivait : « Ce
qui est important n’est pas ce qu’on a fait de nous mais ce que
nous faisons de ce qu’on a fait de nous. » Autrement dit, ce qui
fonde l’humanité de chacun, c’est sa capacité à trouver une plage
de liberté dans la vie, faite de créativité et d’initiative, à sortir de
l’emprise et du conditionnement du passé, du déterminisme de
notre famille et de notre milieu social d’origine.
▶ Spécificités de la Gestalt-thérapie du lien
Des liens précoces perturbés aux liens actuels (Van Damme, 2020),
les patients adultes sont confrontés notamment à des enjeux
précoces d’attachement irrésolus qualifiés d’insécure anxieux,
insécure évitant ou désorganisé. Pour travailler ces enjeux et amorcer
un changement, Delisle distingue trois niveaux de la relation
thérapeutique qu’il synthétise par les 3 R : reproduction,
Downloaded by 3.8.18.9.19
reconnaissance, réparation.
● Reproduction : en Gestalt-thérapie du lien, le lien thérapeutique
est d’abord conçu comme un lien transférentiel qui cristallise des
représentations associées à l’histoire du patient. Des images,
situations, sentiments, sensations sont transportés d’un autre lieu
ou d’un autre temps à l’ici et maintenant de la relation
thérapeutique. Le thérapeute, « parce qu’il accepte de refaire le
chemin du développement, qu’il soigne, inspire, frustre […] est
figure parentale » (Delisle, 1998). Le thérapeute va sentir, par
identification projective, ce que le patient vit et repérer ainsi ce qu’il
reproduit dans sa vie actuelle, ce que nous appelons les impasses
de contact.
● Reconnaissance : la relation thérapeutique est aussi une relation
dialogale de reconnaissance ; elle va permettre de faire un voyage
inter-champs pour identifier des liens de sens entre les différentes
situations vécues par le patient dans sa vie actuelle (champ 3),
dans son histoire (champ 4) et dans la situation thérapeutique
(champ 1 et 2). Le thérapeute va coconstruire avec son patient des
hypothèses développementales qui éclairent ce qui se répète dans
sa vie. Il va s’appuyer, dans une approche multimodale, sur des
auteurs tels que Bowlby, Stern ou Winnicott pour comprendre ce
qui a pu créer un attachement insécure.
● Réparation : la relation thérapeutique est, enfin, une relation
réelle ; deux personnes sont face à face et travaillent à l’avènement
d’un « Je face à un Tu » (Buber, 1923). C’est dans ce moment que
s’expriment l’intégrité et l’humanité du thérapeute, dans
l’expérience d’un contact nouveau. Le lien thérapeutique vise à
restaurer des liens cassés, abîmés, à créer chez la personne
souffrante la confiance dans un lien permanent et durable.
▶ Le primat du relationnel
Downloaded by 3.8.18.9.19
▶ Un développement en continu
Illustrations cliniques
1. Flore a été une enfant timide, fermée, envieuse du frère plus jeune et préféré du
père. Elle boude sa mère mélancolique, indisponible à sa naissance. Devenue adulte,
Downloaded by 3.8.18.9.19
elle est passive, méfiante des nouveaux contacts, soumise à des orages et à des
moments dépressifs, avec un sentiment de trahison de son mari qui la trompe et la
quitte. Flore a fait 6 ans de Gestalt-thérapie du lien, stoppée d’un commun accord, soit
3 ans et demi de thérapie en face en face et en groupe, suivis de 2 ans et demi en
face-à-face. Il s’agit d’une relation thérapeutique aboutie.
2. Arlette grandit repliée et entourée de sa grande sœur, de 12 ans son aînée ; celle-ci
quitte la maison à 18 ans. Arlette reste seule avec sa mère malade qui décède peu
après : pour Arlette, c’est l’effondrement. Le père est peu présent. À 15 ans, elle quitte
la maison pour aller vivre dans une famille anglaise, sa seconde famille, bien
qu’imparfaite et peu démonstrative. Devenue adulte, elle est sujette aux dépressions,
sensible aux séparations, jalouse de son mari, isolée et repliée, avec un sentiment
fréquent d’être persécutée ou trahie. Arlette a poursuivi 3 ans et demi de thérapie en
face-à-face puis a arrêté brutalement sa thérapie. On peut parler d’une relation
thérapeutique interrompue et inachevée.
▶ Étape 1
▶ Étape 2
▶ Étape 3
Comprendre la relation actuelle avec le thérapeute. Nous travaillons
en Gestalt-thérapie du lien les phénomènes de reproduction et
d’identification projective dans le champ thérapeutique 1 et 2. C’est
sans doute là que la distance se fait plus grande entre les deux
parcours thérapeutiques.
Flore va vite se sentir en sécurité avec le thérapeute et accepte ses
propositions ; elle lui écrit entre deux séances ; en revanche, elle a
des réactions très vives quand elle apprend la naissance de la fille du
thérapeute : rage, jalousie, désir de mort… C’est à partir de là qu’un
travail va se faire en lien avec son histoire développementale. Elle
développera ensuite, en thérapie, des demandes d’attachement de
petite fille à l’égard d’un bon parent sécurisant.
Arlette, par contre, marque de longs moments de silence au début de
chaque séance : regard hostile, soupirs, agacements : « Posez-moi
des questions… », voire des départs prématurés de la séance. Je suis
Downloaded by 3.8.18.9.19
▶ Étape 4
▶ Étape 5
Aider le patient à réaliser la valeur adaptative qu’avaient ces modèles
internes opérants dans un contexte passé de survie et leur côté
inapproprié aujourd’hui pour tenter de créer de nouveaux modèles
MIO. Autrement dit, pour la Gestalt-thérapie du lien, c’est l’amorce
d’un travail de reconnaissance et de réparation en vue de modifier la
matrice de représentation du champ soi-autre (MRC). Là encore, il
existe une grande différence entre Flore et Arlette, dans leur capacité
à s’appuyer sur le lien thérapeutique et à vivre des expériences
réparatrices.
Flore a beaucoup progressé dans sa capacité à créer un lien avec le
thérapeute et avec le groupe. Je me souviens de l’épisode où elle a
apporté en séance de la soupe chaude à boire ensemble, après avoir
évoqué des rêves de bébé abandonné, recueilli et nourri par la mère-
thérapeute. : « Je voulais partager avec toi quelque chose de chaud et
de bon, de la vie. Un contenant chaud, ferme mais souple, un
Downloaded by 3.8.18.9.19
EMDR et attachement
Hélène Dellucci
dimension de l’attachement.
Développée à l’origine pour soulager le trouble de stress post-
traumatique (TSPT), cette méthodologie devenue une thérapie à part
entière s’est beaucoup développée au cours des deux dernières
décennies pour s’adapter à la réalité du trouble post-traumatique
complexe et des troubles dissociatifs, deux tableaux cliniques qui
demandent une prise en compte du système d’attachement et des
blessures du lien pour proposer un traitement efficace. La
conceptualisation de l’attachement désorganisé et des traumatisations
des 1 000 premiers jours de vie nous conduisent à proposer des
adaptations particulières de la thérapie EMDR pour qu’elle reste
efficace aussi pour ces survivants de traumatisations complexes et
chroniques. Nous décrirons brièvement la thérapie EMDR et les
adaptations que nous proposons.
LA THÉRAPIE EMDR
Fondée par Francine Shapiro en 1987, la thérapie EMDR a connu un
large essor avec une validation de son efficacité à travers des méta-
analyses (Bisson & Andrew, 2007; Van Etten & Taylor, 1998) et une
reconnaissance internationale pour le traitement du TSPT.
Lors de la conférence EMDR Europe en 2022, Richard Mitchell,
formateur en thérapie EMDR et président du Standards Comittee de
l’Association EMDR Europe, a défini l’EMDR de la manière suivante :
« La thérapie EMDR est une approche de psychothérapie fondée sur la recherche qui
traite la personne dans son ensemble et aborde le tableau clinique complet du patient.
La thérapie EMDR est une psychothérapie en plusieurs séances qui s’appuie sur un
plan de traitement complet basé sur le modèle de traitement adaptatif de l’information
de Francine Shapiro. Cela inclut le ciblage systématique des structures mémorielles
pathogènes qui causent et maintiennent les symptômes cliniques.
La thérapie EMDR est activée par une stimulation bilatérale à double attention1 et
conduit au retraitement des souvenirs pathogènes par l’activation de systèmes d’auto-
guérison chez le patient.
L’objectif de la thérapie EMDR est de soulager les symptômes et la souffrance du
patient. Cet objectif est atteint en intégrant le protocole de traitement EMDR standard et
les procédures dérivées de l’EMDR dans le cadre d’un plan de traitement personnalisé.
Ce plan utilise les huit phases et l’approche en trois étapes des domaines passés,
Downloaded by 3.8.18.9.19
LE PLAN DE TRAITEMENT
LORSQU’IL Y A UNE TRAUMATISATION DU LIEN
Lorsque des personnes avec un système d’attachement blessé
arrivent en thérapie, la situation même de demander de l’aide active le
système d’attachement et, avec lui, les blessures de cette période
préverbale. Le patient se trouve ainsi dans un mouvement où il
voudrait être aidé, mais peut en même temps ressentir une peur de se
livrer, d’être jugé, que ce ne soit pas le bon thérapeute, que ce
thérapeute ne va pas le comprendre ou qu’il va le laisser tomber dès
qu’il lui fera confiance. Ces réactions défensives sont tout à fait
normales et représentent le conflit qui anime les personnes souffrant
de TSPT-C depuis toujours.
S’engager dans un lien n’est pas simple et peut mener le thérapeute
non averti à douter de l’implication du patient. Ainsi, la mise en place
d’un lien thérapeutique soutenant et stable peut représenter un défi,
mais est possible, avec un thérapeute prédictible, calme, constant
dans le lien, qui veille d’abord à favoriser un sentiment de sécurité
Downloaded by 3.8.18.9.19
▶ La stabilisation psychique
▶ L’anamnèse
Downloaded by 3.8.18.9.19
AMÉLIORER LA DIFFÉRENCIATION
Murray Bowen définit la différenciation de soi comme la capacité, chez
l’individu, à séparer la pensée et les sentiments, en particulier dans
les situations où la tendance à ce que l’émotivité prenne le pas sur la
pensée est la plus forte (Kerr, 1984 ; Kerr & Bowen, 1988). Bowen
(1978) a développé la théorie de l’autodifférenciation, qui se réfère à
deux développements qui s’apprennent au sein des interactions
adaptées avec les donneurs de soin :
● Un premier aspect de l’autodifférenciation est la capacité à séparer
les émotions des pensées. Les personnes indifférenciées, qui ne
peuvent pas séparer les sentiments des pensées, risquent d’être
submergées par les émotions lorsqu’elles sont invitées à penser.
● D’autre part, l’autodifférenciation consiste en la capacité à séparer
ses propres pensées et sentiments de ceux des autres. Les
personnes indifférenciées ont tendance à s’inspirer de leur famille
pour déterminer la manière dont elles pensent aux sujets,
ressentent les gens et interprètent leurs expériences. Kerr et
Bowen (1988) décrivent l’essentiel de l’autodifférenciation comme
la capacité à être en contact émotionnel avec autrui, tout en étant
autonome dans son propre fonctionnement émotionnel.
Nous inspirant de ce qui se fait dans le travail en constellations
systémiques et structurelles, à travers un exercice appelé « le rituel
pour rendre » (Sparrer, 2004), nous avons développé une ressource
spécifique, permettant aux personnes d’apprendre cette capacité à se
différencier là où elle fait défaut (Dellucci, 2021 ; Silvestre & Dellucci,
2019). Dans un premier temps, nous expliquons au patient que nous
aimerions l’aider à trier entre les choses qui lui appartiennent et celles
Downloaded by 3.8.18.9.19
CONCLUSION
Les réflexions autour de la prise en compte de l’attachement en
psychotraumatologie et les observations cliniques que nous pouvons
rapporter nous apprennent combien cette dimension du lien est au
centre de la psychopathologie et de l’approche clinique en
psychothérapie. Des pistes intéressantes et efficaces se dessinent
pour aider nos patients à assainir leurs liens et leurs relations, installer
des ressources dans le système d’attachement, guérir des
Downloaded by 3.8.18.9.19
Notes
1. Les stimulations bilatérales alternées (SBA) employées en EMDR
sont constituées de mouvements oculaires horizontaux, de
tapotements en alternance sur les genoux, les mains, les épaules,
chez les enfants sur les pieds, ou de sons envoyés alternativement
vers les oreilles via un casque. Ces SBA constituent un élément
essentiel du retraitement en EMDR, lents pour favoriser l’installation
de ressources pour obtenir un état d’apaisement, rapides lors du
travail de confrontation pour favoriser la restructuration des réseaux
de mémoire permettant d’évacuer les éléments dysfonctionnels et
favoriser le lien avec des ressources et de l’information adaptative.
2. Le ciblage hors trauma consiste à appliquer la méthodologie de
confrontation EMDR en veillant à confiner au préalable tout
traumatisme dans un contenant, un exercice que le patient aura
appris lors de la phase de stabilisation psychologique.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Partie 3
T
OUT AU LONG
la mentalisation (TBM) comme un exemple de l’application de la
théorie de la mentalisation dans la pratique psychodynamique
contemporaine, avec une attention particulière aux liens que cette
pratique entretient avec la théorie de l’attachement. Selon nous, ce
lien s’opère essentiellement autour de la notion de confiance. Ainsi,
dans la première section du chapitre, nous reprendrons les écrits
principaux de Bowlby au sujet de la confiance et comment ses travaux
amènent à considérer celle-ci sous l’angle de la mentalisation, à
savoir comment la relation thérapeutique conduit le patient à percevoir
son thérapeute comme une personne fiable et digne de confiance.
Nous relierons ce thème à la notion de confiance épistémique, c’est-à-
dire à la confiance en une source de savoir ; la confiance épistémique
constitue une pierre angulaire de l’apprentissage émotionnel et
relationnel en psychothérapie comme dans toute intervention clinique.
Nous illustrerons ensuite comment le modèle thérapeutique des TBM
propose six domaines d’interventions, tous étroitement corrélées, qui
contribuent chacun spécifiquement à la création et au soutien du lien
de confiance, ainsi qu’à sa réparation lorsque nécessaire, pour
permettre l’effet thérapeutique. Enfin, dans la troisième section, nous
conclurons le chapitre en évoquant une théorie de la communication
thérapeutique fondée sur la confiance épistémique où la mentalisation
représente l’outil générique favorisant l’effet thérapeutique.
Les convergences entre la théorie de l’attachement et la théorie de la
mentalisation abondent, notamment au niveau de la pratique clinique.
Les concepts centraux à chacune des deux théories apportent des
outils concrets à la lecture de diverses situations cliniques.
Au niveau de la relation thérapeutique, les deux théories accordent
une importance centrale au type d’apprentissage qui aura lieu au
travers des relations caractérisées par la confiance. Ceci n’est pas
surprenant, étant donné que ces deux théories correspondent à des
déclinaisons d’une racine théorique commune, la psychanalyse.
Tant la théorie de l’attachement que celle centrée sur la mentalisation
continuent d’entretenir des liens familiaux complexes, parfois même
tendus avec le corpus des théories psychanalytiques. Néanmoins, le
processus thérapeutique ancré dans l’apprentissage à partir
Downloaded by 3.8.18.9.19
ET MENTALISATION
Exemple
THÉRAPEUTE : Comment ça va ?
PATIENT : Ça va…
THÉRAPEUTE : Vous sauriez m’en dire un peu plus ? Il est comment le « ça va »
d’aujourd’hui ?
PATIENT : Eh ben le ça va d’aujourd’hui, il est stressé et nerveux (axe cognitif-affectif),
parce que… ben je (axe soi-autrui) ne suis pas certain de récupérer le droit de visite
pour revoir ma fille (axe cognitif-affectif)… Je veux vraiment que l’audience au tribunal
se passe bien, ma fille me manque tellement (axe cognitif-affectif) ! … Mais je crois
que les avocats de mon ex-femme (axe soi-autrui) veulent me faire péter les plombs
en audience (axe cognitif-affectif)…
▶ Domaines d’interventions
en colère »), où les états mentaux sont inférés sur la base des
actions ou du monde perceptible, sans nuances ; en langage
commun on parle d’un mode « action-réaction » de type « les
actions parlent plus forts que les mots ». Cela provoque souvent
des réactions brusques chez les individus aux prises avec ce mode
expérientiel.
● Le mode de l’équivalence psychique est, quant à lui, régi par la
certitude que l’état mental est une traduction exacte de la réalité de
la situation (« Je suis sûre que ma mère n’aime pas mon nouveau
petit ami »), encore une fois avec un manque flagrant de nuance et
une imperméabilité à l’évidence du contraire ; en langage commun,
on évoque le mode « pensée noir/blanc » qui traduit ces états de
certitude expérientielle.
● Le mode semblant, quant à lui, est généré par un découplage
entre l’affect exprimé et l’affect vécu, souvent sous forme de
posture intellectualisante (« C’est vrai qu’il crie beaucoup, mais j’ai
l’habitude vous savez, je n’ai pas vraiment eu peur, je sais grâce à
ma méditation que cela peut arriver aux autres »). Ce mode génère
une impression qui peut aller d’une légère superficialité, d’un
manque d’incarnation de ce qui est dit, à des manifestations
sévères d’hyper-réflexivité menant à des vécus dissociatifs.
Ces modes de prémentalisation ne révèlent pas un fonctionnement
psychopathologique en tant que tel : ils sont régulièrement présents
dans notre vie quotidienne car ils permettent d’appréhender la réalité
et les interactions de façon simplifiée et efficace. Ils deviennent
problématiques seulement lorsque l’un ou plusieurs d’entre eux sont
massivement utilisés, de manière rigide et inflexible et que le
changement de perspective est rendu difficile tant le mode de
prémentalisation est ancré et prégnant dans la manière qu’a l’individu
de vivre le monde — mais également son thérapeute. Il est donc
particulièrement utile en séance de les repérer — d’autant plus que
les modes de prémentalisation sont contagieux et peuvent vite
toucher le clinicien lui-même… — afin d’agir en conséquence
(différentes techniques s’appliquent selon le mode de
Downloaded by 3.8.18.9.19
Exemple
PATIENT : Ce qui change quand je vous parle par rapport à mes amis, c’est que j’ai
l’impression que vous comprenez ce que je ressens, même lorsque ça peut paraître
exagéré ou illogique pour les autres. D’ailleurs, je ne raconte jamais à mes amis ce que
je ressens vraiment dans les situations, mais avec vous j’y arrive car je n’ai pas cette
impression d’être jugée.
THÉRAPEUTE : Je partage cette impression, et en même temps, je sens parfois que nous
tournons en rond ensemble, qu’en pensez-vous ?
PATIENT : Oui, car il y a des choses qui sont incompréhensibles, je suis
incompréhensible. C’est de ma faute.
THÉRAPEUTE : Et maintenant, j’ai l’impression que vous vous éloignez de nous, de notre
dialogue, c’est juste ?
PATIENT : Quand j’en parle ici avec vous, oui je trouve que je suis juste illogique… Je me
rends bien compte que lorsque vous ne comprenez pas tout de suite, je me trouve
encore plus nulle (narrative affective). Mais du coup quand je vous raconte ça, j’ai peur
que vous aussi vous trouviez que je fais exprès, je suis perdue…
THÉRAPEUTE : OK, alors ça c’est important pour moi de le savoir. Ce qui se passe avec
les autres peut aussi arriver entre nous. Seriez-vous d’accord qu’on regarde ensemble
comment on en est arrivé là, maintenant ? (mentaliser la relation).
PATIENT : Oui, peut-être…
CONCLUSION
En conclusion, l’édifice théorique initié par John Bowlby repose
Downloaded by 3.8.18.9.19
Yann L’Hégaret
Downloaded by 3.8.18.9.19
MÉCANISMES D’ACTION
▶ Modèle attachementiste de la prise en charge TIP
potentiellement comme :
● à l’origine du problème conduisant au déséquilibre psychique (par
exemple, conflit conjugal),
● un facteur de maintien du trouble (notamment dans les addictions),
inexistant et à créer (dans l’isolement social),
● dans toutes les prises en charge, une ressource permettant la
guérison.
Le but de la TIP sera de réussir à faire vivre des expériences IP
sécurisantes en cherchant à réaliser des séquences de
« signalement-rapprochement » à l’âge adulte (Neveux, 2017). Pour
ce faire, le patient aura besoin :
● de reconnaître son ou ses besoins en jeu dans le lien ;
● de les signaler clairement et efficacement au bon interlocuteur ;
● d’avoir un interlocuteur avec un comportement de rapprochement
adapté.
Figure 10.1. Signalement-rapprochement.
▶ Quelles indications ?
Diagnostic TIP
Le diagnostic TIP permet de faire le lien entre une problématique IP et
l’état psychologique du patient, déterminant la cible du travail IP.
Il existe quatre types de diagnostics IP :
Tableau 10.3. Types de diagnostics IP.
Autres éléments
Psychoéducation et lien entre dépression et relations IP
Une psychoéducation est menée sur la pathologie du patient, donnant
des éléments épidémiologiques, cliniques et sur l’évolution de la
maladie, permettant de lever une partie du sentiment de culpabilité du
patient et de générer de l’espoir. Le thérapeute cherche à faire le lien
entre symptômes de la maladie et impacts sur la vie relationnelle, en
montrant le cercle vicieux.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Phase 1
Illustration clinique
Monsieur X. vient consulter pour un EDC évoluant depuis plusieurs mois. Il occupait un
poste à responsabilité dans une société d’assurances et est retraité depuis neuf mois.
Père de deux enfants (Paul et Clarisse), il est aussi grand-père de deux petits-enfants.
L’EDC date de la rentrée de septembre. Son humeur s’est dégradée progressivement
jusqu’en décembre. Il a alors consulté son médecin qui l’a mis sous antidépresseur.
Nous le rencontrons en février sur insistance de sa famille.
Il n’y a pas d’antécédent notable hormis une probable dépression non traitée au
moment de la naissance de son deuxième enfant dans un contexte de surcharge
professionnelle.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Conflits
Dans le conflit, l’état psychique du patient est perturbé par
l’insécurisation d’un ou deux liens (conflit de couple, avec un
enfant…).
Le thérapeute cherche à sécuriser ces liens. L’analyse bilatérale du
lien est déterminante afin de comprendre les dysfonctionnements IP
existants. L’analyse de la communication permet de vérifier la qualité
de signalement du patient. Les assignations de tâches visent une
expression adaptée des besoins du patient mais aussi à prendre en
considération les besoins non satisfaits de l’interlocuteur.
Transition de rôle
Downloaded by 3.8.18.9.19
insécurisantes.
Deuil
La spécificité du deuil est liée à l’absence irréversible du lien
problématique. En TIP, nous parlons du deuil d’une personne
décédée et non de deuil symbolique, constituant une transition de
rôle.
Le thérapeute accompagne d’abord le patient dans sa gestion de
l’importante charge émotionnelle, puis dans le désinvestissement du
lien avec le défunt en l’aidant à réinvestir les liens vivants. Le deuil
utilise à la fois des techniques liées à la transition de rôle (analyse en
avant/après) et à l’isolement quantitatif (travail sur l’investissement de
nouveaux liens).
Cette analyse débouche sur plusieurs assignations de tâches : interroger sa femme sur
ses attentes (séance 11), signaler sa tristesse de manière adaptée (séance 12),
aborder la question des projets communs et de la maison familiale (séance 13). Le
thérapeute accompagne cette démarche de signalement en préparant les tâches par
des JDR. Il analyse en début de chaque séance la tâche réalisée et s’attarde sur la
communication. La relation s’apaise rapidement : Mme X. était demandeuse de pouvoir
aider M. X., mais était jusqu’alors bloquée par son absence de communication et son
agressivité. Ils projettent plusieurs sorties culturelles et M. X. aborde à plusieurs
reprises ses émotions dans le lien.
M. X. va mieux. Il poursuit en parallèle ses tentatives de resocialisation : il discute avec
une association qui favorise l’emploi des jeunes cadres, perspective enthousiasmante,
permettant de transmettre ses connaissances. Il a pu revoir Georges, M. X. jouant un
rôle de conseil, ils conviennent de maintenir le lien.
Concernant la maison familiale, M. X. conscientise qu’il ne souhaite pas la voir partir en
dehors de la famille comme frein principal. Il entreprend d’interroger sa famille au sens
large pour trouver un repreneur (enfants, neveux, nièces et cousins…). Cette
perspective le soulage et M. et Mme X. envisagent maintenant d’acheter une maison
en Bretagne.
Phase 3
Les trois dernières séances sont dites « de terminaison ». Elles ont
pour but de :
● faire le bilan des acquis et des changements IP et de se projeter
face aux éventuelles difficultés futures afin de favoriser le
processus de généralisation des compétences du patient.
Downloaded by 3.8.18.9.19
CONCLUSION
La TIP s’appuie sur un modèle médical, avec pour but de soulager la
détresse symptomatique du patient. La TIP ne prétend pas changer le
SA du patient.
L’idée étant de soigner le patient grâce aux mécanismes
d’attachement, le lien IP est la cible du travail thérapeutique et un outil
de la guérison. Le but est de recréer un environnement IP
suffisamment sécure pour le patient, quel que soit son style
d’attachement. Le travail sur le lien a pour but de recréer des
séquences d’attachement apaisantes, tenant compte des spécificités
du style d’attachement du patient.
Le patient développe, au cours de la thérapie, des facultés de
mentalisation lui permettant de mieux comprendre le fonctionnement
des liens IP et de généraliser ses progrès au-delà de la cible de travail
initiale.
Utile dans toutes les situations où le lien IP est mis en jeu, validée
Downloaded by 3.8.18.9.19
L’intervention familiale de
l’attachement multi-niveaux
(FAMLI)
Susana Tereno
Downloaded by 3.8.18.9.19
« Les problèmes de l’enfant peuvent souvent être résolus de façon plus efficace en
améliorant la relation de couple, comprise comme unité de base de sécurité
familiale. »
Susana TERENO
Niveau 2 — La chaîne de
Module 2 — La base de sécurité familiale
sécurité au cœur de la
Module 3 – Le couple comme base de sécurité
sécurité de l’attachement*
familiale
Module 4 – Caring for the caregiver*
Niveau 3 – La réparation émotionnelle des relations d’attachement entre
adultes
Module 1 – Facteurs de vulnérabilité
Niveau 4 – Les
contextuelle du parent
comportements parentaux
Module 2 – Diminution des comportements
disruptifs
parentaux désorganisants
Module 1 – Modèle d’inversion de rôle de type
Niveau 5 – Le comportement
caregiving compulsif
désorganisé et l’inversion de
Module 2 – Modèle d’inversion de rôle de type
rôle chez l’enfant
contrôlant-punitif
taquineries) ;
2) La confusion des rôles désigne un comportement qui privilégie les
besoins du parent par rapport à ceux de l’enfant ;
3) La désorientation caractérise un comportement parental qui semble
effrayé, dissocié ou étrange sur le plan affectif ;
4) Les erreurs de communication affective comprennent la
communication contradictoire ou l’incapacité à répondre aux
signaux de l’enfant, en particulier ceux liés au réconfort
émotionnel ;
5) Le retrait est un comportement qui traduit une réticence à interagir
pleinement avec l’enfant.
La promotion d’interactions plus sensibles doit ainsi être l’un des
objectifs thérapeutiques pour une promotion de la sécurité de
l’attachement, car elle rendra l’enfant plus robuste psychiquement.
Toutefois, la correction des comportements parentaux
disruptifs/désorganisants s’est montrée, dans nos recherches, être le
médiateur central de la diminution de la désorganisation de
l’attachement chez l’enfant (Tereno et al., 2017).
Les processus de prise de conscience, de compétence autoréflexive
et de pratiques parentales intentionnelles, associés à des stratégies
de régulation de stress parental, décrites ci-dessus, s’avèrent
incontournables pour la diminution de ces comportements
désorganisants chez les parents. Il faut cependant ne pas perdre de
vue qu’une étape essentielle de la thérapie sera la réduction des
facteurs de vulnérabilité contextuels de la vie des caregivers.
Theraplay : un modèle de
thérapie pour l’adulte
Illustration clinique
Déroulement de la séance
Benoît arrive à notre première séance le cœur lourd d’un conflit conjugal de la veille.
Assis en tailleur par terre sur des coussins et légèrement de biais l’un par rapport à
l’autre, nous parlons de sa tendance défensive à user du sarcasme et comme cela peut
lui être reproché par son fils. Il évoque ici sa voix qui déraille, se casse. Pour lui, c’est le
reflet de sa gêne à parler fort, à trop parler. Il doute de lui-même et donc tend à se
retenir, par crainte de s’exposer.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Aborder cette problématique suscite beaucoup d’émotion en lui. Il a des nœuds dans la
gorge, réprime des sanglots. Je l’invite à se laisser aller et il pleure. Je mets d’abord
mes mains sur ses genoux, je me rapproche puis je prends délicatement ses mains,
dans l’expression d’un caregiving bienveillant, en reconnaissant et en cherchant à
réguler sa détresse.
Nous passons ensuite aux activités de Theraplay. Parce que nous avions évoqué tous
les enjeux affectifs contenus dans la voix de Benoît, je choisis de commencer par
« vanille-pistache », une activité d’engagement qui mobilise à la fois le corps et la voix.
Benoît doit imiter mes intonations de voix et ma gestuelle en disant « pistache »
lorsque je dis « vanille », en jouant sur la prosodie et l’amplitude du son : je m’étire en
bâillant, je crie avec mes mains en porte-voix, je ris, je me montre fâchée, je murmure
comme un secret, etc. Au début, Benoît se montre inhibé, sa voix déraille puis il
engage un peu plus son corps.
Dans l’activité suivante, nous sommes assis face à face et nous devons nous envoyer
des boules de coton avec une seule main, notre autre main placée dans notre dos. La
partie se termine quand un joueur n’a plus aucune boule dans son camp. C’est un jeu
de défi et d’engagement qui mobilise la capacité ludique et permet, à travers le
mouvement du lancer, de décharger des tensions et d’exprimer force et énergie en tant
qu’élan vital. Benoît émet par moments des rires forcés et montre un corps raide.
Lors de notre rencontre suivante, Benoît évoque à quel point la première séance l’a
secoué. Cela a fait émerger des souvenirs de sa propre enfance, qu’il a pu mettre en
parallèle avec sa relation de couple actuelle.
Nous entamons cette deuxième séance avec un rituel qui consiste à prendre soin de
ses mains. Je les rafraîchis délicatement avec des lingettes, les enveloppe, puis je
souffle dessus pour les sécher. Benoît se laisse faire. Il s’agit dans ce temps de faire
sentir à Benoît qu’il est vu et reconnu pour ce qu’il est et que, dans l’ici et maintenant
de la séance, il est totalement accueilli.
Je prends ensuite ses deux mains et lui transmets un mouvement de vague que j’initie
avec mes bras et qu’il doit me renvoyer en retour. Benoît est crispé dans le haut de son
corps, sa tête enfoncée dans ses épaules relevées. Face à cette grande rigidité et à ce
manque d’aisance, j’effectue les mouvements en les accompagnant de ma respiration,
en amplifiant le rythme dans tout le haut du corps, pas simplement dans les bras.
J’invite Benoît à en faire de même. Il se détend progressivement, montre sa capacité à
se laisser aller, à être mieux connecté à son corps, pour bientôt devenir plus présent
dans l’échange avec moi. Il ferme les yeux, inspire, expire. Nous sommes alors
davantage en synchronie, quelque chose de plus souple circule entre nous.
La troisième activité que j’ai choisie est une activité d’émulation. Dans « trappe trappe
chaussette », nous devons retirer à l’autre une chaussette qui dépasse de son pied,
simplement à l’aide de nos pieds. Benoît se montre ici plus engagé et enjoué, avec des
rires francs qu’il laisse parfois échapper.
Lors de « vanille-pistache » que nous reprenons comme dans la première séance, je
ressens une gêne toujours un peu présente. La voix de Benoît déraille encore parfois.
Son corps reste inhibé, comme un peu figé. Il lui est difficile de se « lâcher »
pleinement.
Je termine la séance à nouveau par des activités de nurture. D’abord avec un
« masque imaginaire », au cours duquel je dessine un masque de lion sur le visage de
Benoît, à l’aide d’un pinceau doux. J’accompagne chacun de mes gestes de mots qui
soulignent à quel point chaque partie de son visage est belle, précieuse et unique. Puis
je le « débarbouille » en passant délicatement mes doigts sur son visage. Benoît sourit
d’abord puis ferme les yeux. Les traits de son visage se détendent. Il reçoit pleinement
ces gestes qui se veulent délicats et respectueux. Lorsque j’entreprends de faire le
contour de ses oreilles, il ouvre ses yeux, nos regards se connectent puis il referme les
yeux, un sourire mêlé d’étonnement et de plaisir aux lèvres.
Dans « sculpture », Benoît est allongé sur le dos, les mains sur le
ventre. Il est emmailloté comme une momie avec une couverture, la
tête enveloppée d’un foulard. Ici, je fais semblant de modeler son
corps comme je donnerais forme à de l’argile avec mes mains pour le
faire advenir. Je pars des pieds jusqu’à ses épaules. Je valorise d’une
voix douce chaque partie de son corps qui est façonné entre mes
mains. Sa respiration ralentit et ondule au rythme de mes gestes
précautionneux. Je le sens posé, serein, comme s’il pouvait déguster
chaque moment de ce modelage pour se sentir de plus en plus vivant,
Downloaded by 3.8.18.9.19
habiter pleinement son corps. Benoît garde les yeux ouverts par
moments, comme pour signifier : « Je peux assumer de voir ce qui se
passe. Je peux me sentir vu et reconnu par ma thérapeute. » À la fin
de l’activité, il émet un grand soupir de plénitude.
Enfin, comme lors de la séance précédente, nous terminons par une
« pizza ». Je fais volontairement perdurer l’activité. Benoît reste dans
un état de détente, les yeux fermés, après que j’aie terminé. Je lui
laisse un peu de temps pour « revenir » dans l’ici et maintenant de la
séance, comme lors d’une remontée d’un état méditatif ou hypnotique.
Dans « Punch-panier », Benoît doit transpercer une feuille de papier journal que je lui
présente en donnant un coup de poing au centre. Au début, il se montre inhibé et n’ose
pas y mettre toute sa force. Je ressens ici le poids de la norme, de l’éducation, du
conformisme et à quel point Benoît a dû être amené à contenir excessivement son
agressivité. À mon encouragement, il se prête davantage au jeu et, pour la première
fois, il montre un visage enfantin et laisse échapper un rire empreint de plaisir et
d’espièglerie. Je vois émerger une détente dans son visage, qui contraste de manière
impressionnante avec ses expressions habituelles. Je réduis la taille du papier à
transpercer et Benoît hésite : « Petit papier ?…. petit punch. » Je l’encourage : « Non,
petit papier : gros punch. » Benoît y met alors toute sa force, sa puissance.
On perçoit ici à nouveau comment Benoît, enfant, n’a pas pu faire l’expérience d’un
accordage émotionnel (Stern et al., 1985). Il n’a pas pu vivre des moments de
connexion émotionnelle et affective où des figures d’attachement sensibles pouvaient
s’adapter à la nature comme à l’intensité de ses affects pour les lui renvoyer en miroir,
et l’aider à les réguler. Au contraire, quand il montrait ses émotions, il était
manifestement brimé ou mal compris. Ainsi, face à cette absence d’accordage, il a
appris à réprimer ses émotions, qu’elles soient de joie, de tristesse ou de colère.
Adulte, il nous montre un homme qui n’ose pas spontanément taper dans le journal,
sous forme de plaisir socialisé d’expression de son agressivité.
Dans « Marteau-piqueur », Benoît s’autorise à libérer la tension contenue dans sa voix.
Allongé sur le dos et recouvert d’une couverture, il doit émettre un son pendant que je
fais vibrer sa poitrine à l’aide de mes deux mains. Il se laisse aller à pleins poumons et
finit par un rire franc.
Peu à peu, dans la répétition de ces expériences relationnelles avec sa thérapeute,
Benoît semble ébaucher de nouveaux MIO. Il peut maintenant accepter — avec de plus
en plus de plaisir et moins de retenue — la relation proche que je lui propose. Cela
l’aide à modéliser de façon positive sa relation aux autres. En même temps, cela
favorise le développement d’une vision de lui-même plus valorisante.
Les activités de nurture qui se succèdent vont cette fois plus loin dans la modélisation,
dans le but de nourrir l’estime de soi en profondeur. Dans un premier temps, j’étale
délicatement de la lotion sur la paume de sa main pour en faire une empreinte sur une
feuille de papier. À un autre moment, je le berce, enveloppé dans une couverture entre
mes jambes, son dos contre mon buste et mes bras l’entourant, en chantant Bateau sur
l’eau. Enfin, je mesure son bras avec des baisers légers et tendres, comme nous
l’avions fait ensemble pour Nathan.
Benoît accueille cette attention et ce soin qui lui sont portés. On sent une véritable
détente, un relâchement musculaire. Dans « pizza », Benoît atteint un état de
somnolence.
Au lieu de cela, lorsque je propose à Benoît de souffler sur les pieds de son fils pour les
sécher, Papa ajoute spontanément des petits bisous sur ses orteils. J’observe alors un
petit garçon qui se laisse faire, qui n’est plus dans le contrôle, qui ne tente plus de
diriger les activités ou les gestes de son père.
Finalement, Nathan termine son énumération par : « J’aime bien quand papa joue aux
Lego avec moi. » Papa ne s’étant pas prêté au jeu de bras de fer habituel avec son fils
et ayant continué à prendre soin de lui de manière inconditionnelle, Nathan, sécurisé, a
pu lâcher sa tendance à provoquer papa et laisser place aux mots doux. Les voilà
parfaitement accordés dans un moment de plaisir partagé.
Pour annoncer à Nathan la fin de la thérapie, je l’installe sur les genoux de Benoît avec
une couverture qui les recouvre tous les deux. Nathan se blottit contre son papa, qui
l’enveloppe de ses bras, pose sa tête contre celle de son fils. Nathan est lové contre
son père qui le berce spontanément.
Puis, pour préparer la séance de fête, nous choisissons ensemble les activités que
chacun a préférées durant le suivi dyadique. Nathan propose avec enthousiasme à
papa qu’ils choisissent à tour de rôle, tout en posant une caresse délicate sur la joue de
Benoît. Il finit par enlacer le cou de papa avec son bras et dépose sa tête sur son
épaule. Benoît l’entoure à nouveau de ses bras et lui donne un baiser. C’est un très
beau moment de tendresse père-fils dans une parfaite synchronie affective. Papa
assure à plein sa capacité de caregiver tendre dont Nathan a tant besoin pour être
apaisé et se sentir vu et reconnu dans le bon qu’il est. Il fait ainsi l’expérience d’une
relation sécure.
Lors du rituel du goûter qui clôture de façon prévisible chaque séance, Nathan est
allongé sur son papa, dos contre torse. Benoît ferme les yeux et berce son enfant. Il lui
donne à boire à l’aide d’une gourde comme s’il lui donnait le biberon. Nathan pose sa
main sur celle de papa pour accompagner ce geste. Il est calme, détendu. Il commence
à chantonner et papa lui prend les bras pour effectuer un petit mouvement de danse en
suivant le fredonnement de son fils. Benoît est pleinement accordé à Nathan.
Dans cette séance de Theraplay dyadique apparaissent les effets du
travail effectué avec cet homme. Dans les séances individuelles avec
sa thérapeute, Benoît a pu nourrir son « enfant intérieur », laisser
émerger ses émotions. Dans l’ici et maintenant, il a pu vivre pour une
part d’être vu, entendu, accueilli dans ses émotions. Cela l’a aidé à
développer une sécurité intérieure et l’a soutenu pour développer une
capacité de caregiving tendre et accordé à l’égard de son fils. Grâce
aux activités ludiques choisies par sa thérapeute, il peut maintenant
vivre avec lui dans un plaisir relationnel joyeux. On voit peu à peu
poindre dans cette séance la réciprocité d’échanges doux et ajustés
dans une ambiance joviale.
CONCLUSION
Theraplay est habituellement proposé aux enfants, dans un contexte
Downloaded by 3.8.18.9.19
La psychothérapie
développementale dyadique
(DDP) pour guérir les
traumatismes
intergénérationnels
Downloaded by 3.8.18.9.19
Dafna Lender
’UNE DES DÉCISIONS les plus importantes que prend un thérapeute est
L la manière dont il définit, de façon plus ou moins large, le
problème que les clients amènent en traitement. Dans une culture
individualiste comme la nôtre, il est courant de se concentrer sur la
personne qui présente un comportement problématique sans
comprendre le contexte familial plus large qui façonne les
problématiques actuelles. Souvent, la clé d’un travail efficace avec
une famille consiste à élargir la perspective thérapeutique pour inclure
l’histoire du traumatisme intergénérationnel qui sous-tend les
problématiques actuelles, même si ce n’est pas la vision qu’a la
famille des origines du problème présenté.
Il est difficile de présenter cette perspective aux parents. Lorsque les
parents amènent leur enfant en thérapie, ils ne s’attendent souvent
pas à être au centre du travail ou ne veulent pas l’être. Pour cette
raison, l’une des premières choses que je dis aux parents est que je
travaille dans une perspective d’attachement et que je travaillerai
autant avec eux qu’avec leur enfant, parfois plus. Lorsqu’ils acceptent
d’examiner leur propre histoire intantile et la façon dont elle peut
contribuer à la situation, le vrai travail peut commencer. La
psychothérapie développementale dyadique (DDP) est une méthode
efficace pour aider les parents à prendre conscience de l’impact de
leur propre histoire d’attachement sur leur rôle parental et pour les
guider vers une plus grande acceptation et empathie à l’égard des
comportements et du sens sous-jacents aux troubles de leur enfant.
Bien que tous les problèmes rencontrés par les familles ne soient pas
liés à des questions d’attachement, je trouve utile de me concentrer
sur la relation d’attachement car j’ai constaté qu’il s’agit de l’outil le
plus puissant pour améliorer le fonctionnement de l’enfant et de la
famille. Cependant, dans certaines situations familiales, une approche
centrée sur l’attachement est particulièrement utile. C’est le cas
lorsque les parents et l’enfant se disputent fréquemment, sont en
colère, se replient sur eux-mêmes et sont frustrés au point que cela
Downloaded by 3.8.18.9.19
Illustration clinique
John n’a pas l’intention de démarrer une psychothérapie, mais lorsqu’il emmène son fils
de 11 ans, Adam, me voir, j’insiste pour qu’il vienne aussi, en raison d’un besoin de
thérapie familiale basée sur l’attachement. Il est impossible à la mère de se joindre à
nous, car elle travaille en équipe de nuit en tant qu’infirmière et n’est pas disponible
après l’école. L’identité entière de John était l’entreprise familiale. Il possède une usine
de transformation du bois et une petite ferme d’élevage de chevaux, et travaille tout le
temps, même le week-end. Adam souffre d’anxiété et de déficits de fonctionnement
exécutif, et on lui a diagnostiqué un TDA et un trouble oppositionnel avec provocation.
Adam est sous trois traitements psychotropes différents, dont un sédatif pour dormir.
Lors de l’entretien, John déclare : « Adam est dans son propre monde : il n’écoute pas.
Il faut lui répéter trois fois de faire des choses simples, comme débarrasser la table de
son bol de céréales. C’est la même chose pour aller à l’école, aller au lit — quoi qu’on
lui dise, il traîne et n’écoute pas. »
Dans le cadre de la DDP, nous parlons à l’enfant en présence de ses parents des
raisons qui l’amènent à la thérapie et de ce sur quoi il aimerait travailler. Lorsque je
demande à Adam ce qui lui pose problème, il décrit le problème selon lui : « Je n’arrive
pas à penser correctement parfois. J’oublie. Quand mon père me dit de faire quelque
chose, ça semble très loin. Alors il se met en colère et me crie dessus. » J’interroge
Adam sur l’anxiété et les peurs pour lesquelles il reçoit un traitement par le psychiatre.
« Je ne peux pas dormir la nuit parce que j’ai peur que quelqu’un entre par la fenêtre »,
dit-il. « Mon père me dit que c’est impossible parce que nous sommes si haut, mais ma
sœur peut grimper à l’arbre. Aussi, j’ai peur de Kiko, une de nos juments, parce qu’elle
a peur des bestioles, et deux fois elle m’a donné un coup de pied quand elle a vu une
souris. »
– Comment fais-tu face à ces peurs ? »
– J’essaie de dire à mon père que je ne veux pas nettoyer les stalles. Je remplirai
l’abreuvoir, les seaux d’eau et d’autres choses, mais je ne veux pas entrer derrière elle
parce qu’elle s’effraie si facilement.
Je me tourne vers John et lui demande : « Est-ce que c’est un marché équitable ? Il
s’occupera des tâches à l’extérieur de la stalle mais n’entrera pas à l’intérieur ? »
« C’est bien pour l’instant, dit John, mais ce n’est pas une solution. Adam doit
apprendre que c’est lui qui commande. Les chevaux sont des animaux sociaux. Si tu as
peur, ils ont peur. Mais si tu es confiant, ils sont aussi calmes que possible. »
Il s’avère que c’est aussi toute la philosophie parentale de John. Chaque fois qu’Adam
a peur, John lui dit qu’il doit faire passer l’esprit avant la matière et être courageux.
Cela s’applique également à un harceleur auquel Adam doit faire face dans le bus
scolaire et lorsqu’il a peur de s’endormir seul le soir.
– C’est logique.
– Je comprends que tu puisses ressentir
Acceptation ça.
– Je suis heureux de savoir ce que tu
penses.
– Je ne savais pas que tu ressentais ça
avant.
– Ça doit être dur.
– Je serais triste aussi si ça m’arrivait.
Empathie
– Ça a l’air déroutant.
– Ça doit te faire te sentir seul
– Depuis combien de temps te sens-tu
ainsi ?
Curiosité – As-tu souvent ressenti cela auparavant ?
– Que voudrais-tu me dire d’autre sur cette
situation ?
▶ Application clinique du PACE
RELATIONS D’ATTACHEMENT
Lors de notre séance individuelle, j’interroge John sur son enfance,
par exemple sur la façon dont ses parents lui témoignaient de
l’affection et sur la façon dont ils le punissaient. Y avait-il des secrets
de famille, de l’alcoolisme ou d’autres dépendances, des pertes ou
des décès importants ? Quelqu’un d’autre que ses parents s’est-il
occupé de lui ? S’est-il senti rejeté dans son enfance ? Ces questions
sont adaptées de l’Adult Attachment Interview (Hesse, 2016), qui
demande aux adultes de se remémorer des souvenirs de leur petite
enfance liés à l’attachement. Dans l’AAI, les réponses conduisent à
des classifications de l’attachement de l’adulte dans trois domaines
principaux qui peuvent aider à orienter la thérapie. Bien que je ne
procède pas à une évaluation formelle de l’AAI, mon objectif est
d’obtenir des informations relatives à l’attachement, car les problèmes
d’attachement non résolus ont un impact sur l’éducation des enfants
et la prestation de soins.
Les adultes autonomes ou sécures ont tendance à valoriser les
relations d’attachement. Ils peuvent décrire de manière cohérente
l’impact de leurs expériences infantiles liées à l’attachement, comme
le fait d’être malade et d’avoir besoin de réconfort, ou de perdre une
relation importante en raison d’un décès, d’un déménagement ou d’un
divorce. Les adultes évitants ont tendance à dévaloriser l’importance
des relations d’attachement ou à idéaliser leurs parents sans pouvoir
Downloaded by 3.8.18.9.19
Illustration clinique
Lorsque je l’interroge sur sa relation avec son père, Jean dit qu’il le vénère. Il décrit son
père comme un héros de guerre travailleur et dévoué à sa communauté. Plutôt que
d’être personnelle, la description que John fait de son père ressemble au compte rendu
d’un journaliste sur un homme placé sur un piédestal.
Lorsque je demande des adjectifs spécifiques pour décrire sa relation avec son père,
John répond : gentil, strict, inspirant. Je demande s’il a des souvenirs spécifiques pour
ces adjectifs. Pour strict, John décrit l’éthique de travail que son père lui a imposée, à
lui et à ses frères, exigeant d’eux qu’ils aident à l’usine et dans la maison et le jardin,
ainsi que de ramener d’excellentes notes et de jouer au football au lycée. Pour
l’inspiration, il dit que son père a aidé à reconstruire l’église de ses propres mains après
qu’une partie de celle-ci a brûlé. Pour ce qui est de la gentillesse, il se remémore avoir
un jour désobéi au couvre-feu et que, à son retour à la maison, son père était assis
dans le noir avec un fusil sur les genoux. John rit en racontant ceci et raconte qu’il a
bondi d’un mètre, mais que son père n’a pas dit un mot et ne l’a pas puni. « C’était sa
façon de me témoigner sa clémence. »
Remarquant un modèle d’attachement évitant, je fais remarquer que le père de John
semblait assez effrayant, ce qui incite John à défendre son père avec acharnement, en
invoquant sa sagesse. Il répète sans cesse qu’il est beaucoup plus doux que le grand-
père de John, un homme instable et colérique, qui avait battu son fils (le père de John).
« C’était un dur à cuire », m’a-t-il dit. « Il est arrivé aux États-Unis en tant qu’immigrant
pauvre à 19 ans avec rien d’autre que son éthique de travail. Mon grand-père a
subvenu aux besoins de sa famille, et c’est grâce à lui que j’ai pu aller à l’université. »
« Wow, ai-je dit, votre grand-père avait des qualités vraiment admirables, mais je vous
ai vu frémir quand vous avez parlé de lui. Qu’est-ce qui vous a fait frémir à ce moment-
là ? »
« Il est mort quand j’avais six ans, mais vu les histoires que mon père racontait, ce
n’était pas quelqu’un qu’on voulait croiser ! »
J’ai fait remarquer que le fait de traiter durement les garçons semblait être un schéma
récurrent dans leur famille.
« Eh bien, c’était nécessaire à l’époque ! s’est exclamé John. Vous ne comprenez pas
la génération d’hommes qui sont venus ici et qui ont construit leur vie à partir de rien. »
Alors qu’il affiche un sourire de dérision, je remarque à quel point cela me fait me sentir
petite et naïve, et je me fais la réflexion que c’est ce que doit ressentir Adam quand son
père lui fait la leçon sur ce ton.
« John, vous semblez penser que je dis que votre grand-père et votre père sont
Downloaded by 3.8.18.9.19
mauvais, ou que je n’apprécie pas leur combat. Je pense que c’est admirable que vous
les défendiez, mais vous semblez inquiet lorsque je souligne qu’ils ont été des hommes
effrayants à certains moments. Je me demande pourquoi c’est si difficile pour vous d’en
parler. »
« Parce que vous ne comprenez pas ! Il fallait qu’ils me fassent ce qu’ils m’ont fait pour
que je sois là où je suis ! »
« Que vous ont-ils fait ? »
« Mon père m’a terrifié à certains moments. Une fois, il m’a enfermé dans la cabane à
outils pendant toute une soirée parce que j’avais généré des problèmes à l’école en
donnant un coup dans le travail d’un autre enfant. On avait tous les deux faits un projet
sur les éclipses solaires, sauf que son dispositif avait de l’électricité et était très beau.
J’avais travaillé très dur sur le mien sans aucune aide. Quand j’ai vu le projet de ce
gamin, et ce que son père l’avait aidé à faire, j’ai piqué une crise.
Le professeur a appelé mes parents, et j’ai su que j’allais avoir des problèmes. J’ai
couru à la maison et je me suis caché sous le lit jusqu’à ce que mon père rentre et me
mette dans la cabane à outils. Il faisait si chaud là-dedans que j’ai cru que j’allais
mourir. Il m’apportait de l’eau de temps en temps, mais ensuite il fermait et verrouillait
la porte. Quand il m’a finalement laissé sortir, la seule chose qu’il a dite, c’est : « Tu
n’arriveras à rien en étant jaloux. »
Pendant que John raconte son passé, je remarque qu’il a des réactions de peur, de
colère et de tristesse, et je m’efforce de faire preuve d’une concentration et d’une
présence intenses, en hochant la tête et en exprimant de l’empathie dans ma voix. Je
demande à John : « Pensez-vous qu’il soit possible de respecter votre père et de
comprendre pourquoi il a ressenti le besoin de vous faire cela, tout en honorant le fait
qu’en tant que garçon de 10 ans, vous avez été effrayé par ce qu’il a fait ? »
« Je ne sais pas », répond John d’une voix lointaine.
« Je veux que vous envisagiez l’idée que vous étiez un garçon ayant ses propres
pensées et souhaits, ses propres sentiments, qui voulait être accepté et reconnu. »
Encore une fois, John a un regard lointain, comme s’il contemplait cette idée, puis il
semble recouvrer ses esprits. Il me regarde et dit : « Qu’est-ce que cela a à voir avec
les problèmes d’Adam ? »
« Je pense qu’Adam a l’impression qu’il ne peut pas avoir de craintes ou avoir besoin
de votre aide sans que vous l’effrayiez et le fassiez se sentir mal pour ces sentiments,
tout comme votre père l’a fait pour vous et votre grand-père pour votre père. Je ne
pense pas qu’Adam soit anxieux ou ait un déficit d’attention. Je pense qu’il sent à
travers vous que ce n’est pas bien de se sentir effrayé ou incertain. Alors, quand il se
sent comme ça, il doit cacher ses sentiments, mais ils ne disparaissent pas. Ils sont
refoulés et se manifestent par des peurs irrationnelles et une incapacité à se
concentrer. »
« Eh bien, j’ai été élevé de cette façon et j’ai bien tourné ! » John a aboyé.
« À quel prix ? », ai-je demandé.
Il fait une pause. « À quel prix ? Je suis heureux comme je suis. Je n’ai pas de
problèmes. »
« Eh bien, peut-être, mais vous sentez-vous parfois seul ou vide ? Est-ce qu’il vous
arrive de vous isoler de votre femme, même si elle veut être avec vous ? Est-ce que
vous criez sur Adam parce qu’il ne veut pas s’endormir seul, alors qu’on s’était mis
Downloaded by 3.8.18.9.19
d’accord ici pour que vous iriez lui tenir compagnie au coucher ? »
John me révèle alors qu’il passe toutes les nuits dans son garage à jouer à des jeux
vidéo et à jouer en ligne. Il n’a pas perdu d’argent, m’assure-t-il, mais sa femme est
furieuse contre lui parce qu’il reste dans son garage et ignore ses sentiments à elle.
Je lui réponds : « John vous devez décider si vous êtes satisfait de la façon dont vous
fonctionnez dans votre famille en ce moment. Je ne peux pas décider de cela. »
John essaye une fois de plus de se défendre. « Mais comment le fait de rester assis
dans la chambre d’Adam jusqu’à ce qu’il s’endorme va-t-il lui apprendre l’indépendance
et le courage ? Il a presque 12 ans et a besoin que je lui lise une histoire et que je lui
tienne la main dans le bus ? S’il ne se prend pas en main, il mettra l’usine à sac quand
il sera plus grand ! »
« Je veux la même chose que vous pour Adam. Je veux qu’il ait un esprit clair et sain et
qu’il soit capable de garder un bon travail et de fonctionner dans la société. Mais voilà :
forcer Adam à faire des choses dont il a peur l’empêche d’acquérir l’indépendance que
vous vous efforcez de lui enseigner. En l’obligeant à nettoyer le box de Kiko, alors qu’il
a déjà reçu deux coups de pied de sa part, vous ne respectez pas son expérience de la
peur — tout comme votre père vous a mal compris et humilié parce que vous étiez
jaloux du projet de votre camarade de classe. Votre père ne vous a pas demandé ce
qui vous avait fait vous sentir si mal ce jour-là quand vous avez vu le projet de votre
camarade de classe. Au lieu de cela, il a fait en sorte que vous vous sentiez vraiment
honteux, seul et effrayé. Imaginez qu’il vous ait demandé ce que ça vous a fait de vous
sentir si fier, puis si découragé lorsque votre camarade de classe a eu un projet
scientifique si supérieur ? »
John se tait.
« Comment pensez-vous que ça aurait été pour vous ? »
John étouffe ses larmes en marmonnant : « Le père de ce garçon était présent à la
foire scientifique pour l’aider à installer l’électricité, et ils avaient l’air si heureux
ensemble. Mon père n’aurait jamais eu le temps, ou même pensé à m’aider. »
« C’est tellement logique, John. Vous vouliez que votre père soit avec vous, qu’il aime
passer du temps avec vous. Et voir votre camarade de classe avoir ça était trop
douloureux, alors vous vous êtes mis en colère et vous avez été violent à la place. Et
puis vous avez eu peur de ce que votre père pourrait faire. On vous a appris à vous
cacher quand vous aviez des sentiments « faibles ». Mais en fait, c’est en étant
capable d’être avec quelqu’un qui vous aime quand vous avez ces sentiments que l’on
peut se sentir plus fort. »
conduit à l’école tous les jours. » Mes yeux s’élargissent de surprise et je regarde John.
« Ouais », il a haussé les épaules. « Je ne veux pas qu’Adam gaspille son énergie à
s’inquiéter d’un crétin dans le bus. Je me dis qu’il faut le laisser commencer sa journée
sans ce souci pour qu’il puisse se concentrer sur son apprentissage. » Adam
acquiesce. C’était une bien meilleure semaine.
CONCLUSION
Les preuves de l’efficacité de l’approche DDP ne cessent de
s’accumuler. Au cours des dix à quinze dernières années, plusieurs
études qualitatives et quantitatives ont été entreprises, ce qui a permis
de jeter les bases d’une recherche plus approfondie. Ces études ont
permis de développer le modèle DDP et de clarifier les questions de
recherche à approfondir. Certains résultats de la recherche actuelle
montrent que la DDP apporte un soutien aux parents adoptifs. Dans
une étude, le programme de travail de groupe « Nurturing
Attachments » développé par Kim Golding, membre du DDPI, a été
exploré dans le cadre d’un projet de recherche dirigé par le professeur
Downloaded by 3.8.18.9.19
Notes
1. https://ddpnetwork.org/research/published-research/
Chapitre 14
Joanna Smith
ASPECTS THÉORIQUES
Le Lifespan IntegrationTM se base sur la théorie de l’attachement, les
neurosciences affectives, ainsi que sur la théorie polyvagale (Porges,
2021) et l’approche systémique. Il s’intéresse particulièrement à la
manière dont les 1 000 premiers jours de vie influencent le
développement cérébral, l’attachement et la régulation des émotions à
Downloaded by 3.8.18.9.19
Définition de l’accordage
Nous émettons l’hypothèse que l’efficacité du Lifespan IntegrationTM
est liée à trois facteurs combinés : la Ligne du temps bien sûr, sa
répétition (suffisamment de répétitions, avec la bonne quantité de
souvenirs, et un rythme adapté) et l’accordage du thérapeute à son
client (le thérapeute ne répète pas la Ligne du temps comme un
perroquet, il est attentif à l’état émotionnel du client et à la qualité de
Downloaded by 3.8.18.9.19
la relation).
Par accordage, nous faisons référence à une notion un peu différente
de l’accordage affectif d’une mère à son bébé, décrit par Stern (1989).
Il s’agit ici de l’accordage au sens où l’entend la neurobiologie
interpersonnelle (Siegel, 1999), un état régulier (mais discontinu) de
synchronie physiologique entre thérapeute et client permettant à ce
dernier de se « sentir senti ». Ceci repose, chez le thérapeute, sur une
« capacité à entendre, voir, percevoir, interpréter et répondre aux
signaux verbaux et non verbaux du client d’une manière qui permette
à ce dernier de se sentir authentiquement vu, senti, et compris »
(Wylie & Turner, 2011, p. 8). Ce concept correspond au « changement
de paradigme » décrit notamment par Allan Schore au sujet de la
psychothérapie et des disciplines connexes, qui amène, depuis une
vingtaine d’années, les recherches à évoluer d’un intérêt centré sur un
travail psychothérapeutique intrapersonnel verbal, conscient et
logique vers une psychothérapie caractérisée par les échanges
interpersonnels non verbaux et inconscients. Il s’agit de se pencher,
en quelque sorte, sur ce qui, dans la relation, « soigne », en
comprenant notamment pourquoi et comment.
Ici, nous nous pencherons sur la manière dont cette dimension
relationnelle essentielle des psychothérapies s’applique au Lifespan
IntegrationTM, avec deux particularités qui rendent cette réflexion
indispensable :
D’une part, comme le Lifespan IntegrationTM a recours à des
« protocoles », il est particulièrement important d’être attentif à ce que
l’application de ces protocoles ne se fasse jamais au détriment de la
qualité de la relation (et plutôt le contraire, comme développé ci-
dessous). L’usage de protocoles, surtout pour les thérapeutes
débutants en Lifespan IntegrationTM, pourrait faire perdre de vue le
client, à cause des questions techniques. Le thérapeute en Lifespan
IntegrationTM doit donc faire face à un apparent paradoxe : appliquer
des protocoles en faisant du sur-mesure, moment après moment.
D’autre part, l’une des indications du Lifespan IntegrationTM est
notamment le traitement du traumatisme complexe, trouble
Downloaded by 3.8.18.9.19
Illustration clinique
Thérapeute et cliente n’ont pas la même interprétation de la cause des difficultés
de la cliente.
Fabienne, 55 ans, consulte en raison de sa procrastination qui dure depuis de
nombreuses années. Elle s’est résolue à consulter à la suite d’un coaching
professionnel qui a échoué par rapport à cette difficulté. Les tâches qu’elle « rechigne à
faire » apparaissent rapidement, au cours de l’anamnèse, comme des tâches qu’elle a
été contrainte de réaliser dans son enfance et son adolescence, par des parents plutôt
coercitifs et punitifs. Plutôt évitante dans sa manière de solliciter l’aide de sa
thérapeute, elle idéalise ses parents et banalise la coercition qu’elle a subie. Lorsque la
thérapeute l’interroge sur l’origine de ses difficultés selon elle, Fabienne explique
qu’elle a divorcé il y a trois ans et que son mari l’a toujours dévalorisée. Elle pense que
sa procrastination est liée au manque de soutien de son mari au cours de leurs vingt-
cinq ans de mariage (ce qui apparaît effectivement à la thérapeute comme un facteur
probable d’entretien voire d’aggravation de la procrastination). La thérapeute va devoir
s’adapter à cette vision du monde qu’a la cliente de ses difficultés, tout en étant
honnête par rapport à sa propre compréhension de celles-ci. Elle propose donc à la
cliente, dans un premier temps, de traiter les principaux événements ayant marqué la
relation de la cliente à son mari (notamment dans le sens de la dévalorisation), afin de
voir quels changements ce travail apporte à ses difficultés. Elle précise néanmoins que,
dans son cas, il est possible qu’avoir été contrainte à ces mêmes tâches dans son
enfance et son adolescence ait pu la « dégoûter », et que ce sentiment de contrainte
persistant soit à l’origine des difficultés que la cliente rencontre actuellement. Ainsi, si
les protocoles portant sur la relation avec son mari n’apportent que peu de changement
ou ne permettent pas de résoudre entièrement le problème (ce qui est une possibilité),
alors une réorientation du plan de traitement vers l’enfance ou l’adolescence paraîtra
justifiée. Si la cliente est encore réticente à travailler sur son enfance à ce stade, la
thérapeute pourrait proposer quelques séances de construction du soi (entre cinq et
dix, par exemple), à l’essai, afin que la cliente puisse constater par elle-même ce
qu’elle en tire, sans pour autant s’engager d’emblée dans un travail thérapeutique au
long cours (en lien avec sa manière évitante de demander de l’aide, et dans l’espoir de
progresser vers une distance thérapeutique plus optimale, voir Mallinckrodt et al.,
2009).
Illustration clinique
Une cliente souffrant de traumatisme complexe s’oppose à une proposition
thérapeutique.
Maryse, 35 ans, est en thérapie par Lifespan IntegrationTM car elle souffre de
difficultés émotionnelles liées à un traumatisme complexe (notamment trouble anxieux
généralisé, trouble panique, troubles du sommeil, et symptomatologie traumatique en
lien avec des antécédents de victimisation sexuelle intra-familiale). Lors d’un protocole
de construction du soi, nous passons en revue l’ensemble de sa vie dans ses grandes
lignes, depuis sa naissance. Voyant que Maryse se fige dès la première répétition de la
Ligne du temps, sa thérapeute lui propose de marcher pendant la Ligne du temps et de
s’étirer lors des pauses entre les Lignes du temps, afin de favoriser une activation du
système sympathique et de sortir ainsi du figement.
Pourtant, Maryse, avec laquelle l’alliance thérapeutique est habituellement bonne,
semble résister à ces propositions, même si elle semble avoir compris que ces
propositions visent à augmenter l’expérience de sa sécurité dans le présent versus le
figement du passé et bien qu’elle y ait verbalement consenti. Lorsque la thérapeute lui
demande si une partie d’elle est gênée par la proposition de marcher ou de s’étirer,
Maryse confirme que se conformer à une consigne revient pour elle à se soumettre à
une figure d’autorité. Ceci souligne que le style directif de la thérapie a activé une
dimension de désorganisation de l’attachement chez cette cliente. En Lifespan
IntegrationTM, nous faisons face de manière originale à de telles manifestations de
transfert. La thérapeute explique à Maryse que la dernière chose qu’elles voudraient
faire toutes deux serait de retraumatiser une partie de Maryse. La thérapeute
réexplique à Maryse ce dont son corps et son système nerveux auraient
vraisemblablement besoin afin de l’aider à sortir de son expérience de figement
(bouger, s’étirer, marcher… par exemple), et qu’il faudrait qu’ensemble elles trouvent
de quelle manière Maryse pourrait mobiliser son corps pour sortir du figement, sans
pour autant avoir le sentiment de se soumettre à un ordre de la thérapeute. Maryse
réfléchit et explique que si elle s’étire derrière son châle grand ouvert et que la
thérapeute ne la voit pas, cela devrait être possible. Cette solution est donc testée au
cours de la répétition suivante, puis un feedback à la fin de la Ligne du temps permet
de voir si la solution convient, et de réajuster si nécessaire. Maryse semble
effectivement moins figée et dit que se cacher pour s’étirer l’a beaucoup aidée. La
séance se poursuit ainsi.
CONCLUSION
Si l’efficacité du Lifespan IntegrationTM reste encore scientifiquement
à démontrer, elle n’en est pas moins cliniquement évidente.
L’évolution clinique favorable des clients ayant traité leurs
antécédents précoces d’attachement insécure ou désorganisé au
cours de séances de Lifespan IntegrationTM permet de mieux
comprendre l’impact potentiel de la période des 1 000 premiers jours
sur la psychopathologie à l’échelle de la vie. La collaboration entre
thérapeutes d’adultes, praticiens exerçant en périnatalité ou dans le
domaine de la petite enfance, ou encore entre thérapeutes et
Downloaded by 3.8.18.9.19
D
EPUIS LES ANNÉES
TCE (emotion-focused therapy — EFT) s’est développée sur la
base de travaux de recherche en psychothérapie (Elliott et al., 2003,
2013; Elliott & Greenberg, 2016; Rice & Greenberg, 1984) qui n’ont eu
de cesse de prouver scientifiquement l’efficacité de ce traitement. La
TCE pour les couples, EFT-C, a ensuite été développée à l’origine par
Greenberg & Johnson en 1988 (1988) puis par Greenberg & Goldman
en 2008 (2008). Après une brève description des principes de base de
la TCE, ce chapitre s’attachera à développer, dans un deuxième
temps, la manière dont la théorie de l’attachement est prise en compte
dans la TCE en thérapie individuelle.
PRÉSENTATION DE LA TCE
Fondamentalement humaniste, la TCE intègre différentes
psychothérapies telles que l’approche centrée sur la personne de Carl
Rogers (Rogers, 1951), la Gestalt de Frederick Perls (Perls et al.,
1951), le focusing de Eugene Gendlin (Gendlin, 1996), les thérapies
existentielles ainsi que l’approche systémique pour ce qui est de la
thérapie de couple. La grande originalité du professeur Leslie
Greenberg a été de comprendre intuitivement le rôle central des
émotions dans le fonctionnement humain : celles-ci constituent un
processus d’évaluation organique qui procure du sens dans la vie, de
la motivation pour se déterminer et un sentiment d’épanouissement et
de profonde congruence. Ainsi, depuis un demi-siècle ses fondateurs
n’ont eu de cesse, dans leurs travaux de recherche, d’examiner
comment et en quoi les émotions constituent un élément fondamental
des mécanismes de changement dans le traitement
psychothérapeutique. Les évolutions constantes de la TCE, se
référant aux théories contemporaines sur les émotions, ont nourri le
développement des principes de traitement et des interventions
thérapeutiques spécifiques, appelées tâches.
Du point de vue de la TCE, de concert avec la plupart des théoriciens
sur les émotions, les émotions se définissent comme des évaluations
automatiques de situations en lien avec des besoins (Ekman &
Downloaded by 3.8.18.9.19
l’attachement.
Pour être productive, cette relation thérapeutique va se conjuguer
avec de nombreuses tâches parmi lesquelles nous citerons celles qui
sont plus spécifiquement impliquées, dans les problématiques liées
aux troubles de l’attachement : des réponses empathiques (inspirées
par l’approche centrée sur la Personne), le dialogue avec la chaise
vide (tâche issue de la Gestalt) et l’auto-parentage compassionnel.
Exemples
1. PATIENT, la larme à l’œil : Je me suis sentie tellement seule et sans repère avec cette
mère que j’ai toujours connue malade.
THÉRAPEUTE : C’est terriblement triste de ne pouvoir avoir une maman en bonne santé
capable de nous guider quand on a sept ans.
2. PATIENT : Personne n’était là pour moi à la mort subite de mon père ; tout le monde
était affairé sans faire cas de moi et j’étais tellement angoissé.
Downloaded by 3.8.18.9.19
THÉRAPEUTE : C’est terrifiant de se sentir tout seul pour faire face à la perte d’un parent
sans personne pour nous rassurer.
À travers les tâches TCE, le thérapeute guide les patients pour mettre
en acte leur schème émotionnel dysfonctionnel dans leur vie actuelle
afin de le transformer : la tâche du dialogue avec la chaise vide
compte parmi les tâches de mise en acte de ce schème émotionnel.
Dans ce dialogue, le patient réexpérimente la blessure liée à
l’attachement, toujours vive et qui se réactive dans ses interactions au
présent. Traverser à nouveau, dans ce contexte, cette émotion
douloureuse lui offre l’occasion de la transformer en exprimant les
besoins d’attachement insatisfaits et, ainsi, donner place à une
nouvelle expérience émotionnelle plus adaptée et correctrice, qui
n’avait pu être vécue dans la relation d’attachement d’origine.
Dans la tâche du dialogue avec la chaise vide, la séparation entre les
deux parties puis le contact entre celles-ci sont deux principes
fondateurs de ce travail. Parmi les blessures d’attachement que le
patient peut exprimer face à la chaise vide, donc face à la figure
d’attachement significative, on trouve : « J’ai peur, je suis tout·e
seul·e », « Je suis triste parce que je crie à l’aide et personne ne
vient », « Je me sens abandonné·e » et « J’ai le sentiment de ne pas
être digne d’être aimé·e ». Dans cette tâche, le thérapeute TCE va
aider le patient à identifier son besoin et à l’exprimer. Parmi les
besoins liés à l’attachement, on compte le besoin de pouvoir compter
sur la figure d’attachement si nécessaire, le besoin de sentir que celle-
ci est digne de confiance et répondra à sa demande, et enfin le besoin
du patient de savoir qu’il est digne d’être aimé·e et qu’il peut
Downloaded by 3.8.18.9.19
▶ L’auto-parentage compassionnel
ÉLISE : « Non pas abandonnée, mes parents n’y étaient pour rien ; ils étaient malades. »
THÉRAPEUTE : « Bien sûr on ne choisit pas d’être malade et pour autant toutes les petites
filles du monde méritent d’avoir leurs parents à leurs côtés pour grandir, non ? »
ÉLISE, en pleurs : « Oui c’est trop injuste ; finalement, j’en veux à mon père, j’ai rien vu
venir. »
La thérapeute invite Élise à exprimer ce qu’elle ressent à son père directement en
l’imaginant dans la chaise vide :
THÉRAPEUTE : « Pouvez-vous maintenant imaginer votre père dans la chaise vide en face
de vous ? Je vais vous accompagner ; si vous sentez que c’est trop dur, surtout
n’hésitez pas à le dire. Alors, que se passe-t-il pour vous, intérieurement, en
l’imaginant ? »
ÉLISE : « J’ai beaucoup de peine. Je l’aimais tellement. »
THÉRAPEUTE : « Vous pouvez lui dire comment c’était pour vous quand il est parti ? »
ÉLISE : « C’était vraiment douloureux pour moi quand tu es parti, papa, je me suis sentie
tellement seule et sans plus personne sur qui m’appuyer, tu étais tout pour moi, on
s’amusait tellement bien tous les deux, on rigolait tellement. »
THÉRAPEUTE : « Tu m’as tellement manqué c’est ça ? Je t’en veux tellement. »
ÉLISE : « Je t’en veux mais je suis surtout vraiment très triste. J’ai le sentiment que si tu
as fait une overdose c’est parce que je n’ai pas suffisamment fait attention à toi quand
tu n’allais pas bien. »
THÉRAPEUTE : « Je me sens vraiment coupable de ne pas avoir fait assez pour te garder
auprès de nous, c’est ça ? »
ÉLISE, pleurant à chaudes larmes : « C’est tout à fait ça. Et ça, c’est vraiment trop dur à
vivre. »
THÉRAPEUTE : « C’est vraiment trop difficile à supporter depuis toutes ces années. De
quoi j’ai besoin de ta part ? »
ÉLISE : « J’ai besoin que tu me dises que je n’y suis pour rien dans tout ça alors que je
faisais tout pour prendre soin de toi après la mort de maman, je croyais vraiment qu’on
pourrait surmonter ça tous les trois, reconstruire une nouvelle famille. »
THÉRAPEUTE : « Changez de chaise s’il vous plaît ». Une fois dans la chaise du père
« Qu’est-ce qui se passe pour vous dans la chaise de votre père ? »
ÉLISE, dans la chaise du père : « Je suis désolé de vous avoir abandonnées, de ne pas
avoir pensé à toi et à ta sœur, je n’aurais jamais dû te laisser toute seule avec ta sœur
et avec la pensée que mon overdose pouvait être de ta faute ; bien sûr que tu n’y es
absolument pour rien ; je souffrais trop après la mort de ta mère, la vie m’était
insupportable. Je n’ai pas eu le courage d’affronter tout ça, mes responsabilités pour
vous élever ; je pensais que je n’y arriverais pas et que vous seriez mieux dans une
famille sans problème. »
THÉRAPEUTE : « Changez de chaise. Revenez dans la chaise d’Élise. Qu’est-ce que vous
ressentez quand vous entendez ces paroles de votre père ? »
ÉLISE, soupirant : « Je me sens un peu plus rassérénée. »
THÉRAPEUTE : « Dites-le-lui. »
ÉLISE : « Quand tu me dis que je n’y suis pour rien, ça m’apaise… mais… je suis en
colère aussi parce que tu m’as rien dit, tu as tout planifié et tu m’as exclue de la
décision. Maintenant, j’ai toujours le sentiment que je dois faire passer les autres avant
moi, et en particulier les hommes que je fréquente. »
Downloaded by 3.8.18.9.19
CONCLUSION
Enfin, si la TCE utilise, dans sa pratique, les principes de la théorie de
l’attachement tels que la recherche du contact et du réconfort à
travers la relation, est-ce que le changement thérapeutique peut se
réduire à ces seuls principes ? Est-il possible de se sentir blessé·e, de
percevoir une menace vis-à-vis de sa propre identité ou se sentir
dominé·e et contrôlé·e séparément d’une expérience d’attachement
qui a fait souffrir ? Ces questions semblent nécessiter de plus amples
travaux de recherche pour être éclairées. La TCE pour les individus
favorise à la fois l’indépendance et l’affiliation (l’identité — relation
self-self et l’attachement — relation self-autrui). Dans la TCE, la
relation avec la figure d’attachement constitue davantage un contexte
à travers lequel une émotion peut être changée par une autre
émotion. Dans les traitements négatifs de celui ou celle qui
expérimente qui sont liés à l’attachement, la TCE permet à une
personne de passer de la peur d’être abandonnée ou insignifiante ou
une peur d’être blessée ou de faire confiance à un sentiment d’avoir
de la valeur et d’être digne de soutien et d’amour. La TCE est une
approche qui se veut transdiagnostique et transthéorique. Parmi les
principales indications de l’approche pour les individus, les travaux de
recherche ont fait la preuve de son efficacité pour les troubles
dépressifs, anxieux, les traumas complexes, les troubles du
comportement alimentaire et les processus fragiles tels que les
troubles borderline. Les contre-indications sont les démences et les
troubles envahissants du développement.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Chapitre 16
des autres.
Attraction et appréciation. Selon Greenberg et Goldman (2008), la
satisfaction dans les relations est régie par les sentiments positifs qui
sont générés lorsque les partenaires s’intéressent à leur partenaire,
l’apprécient et se sentent attirés par lui ou elle.
force alors qu’elle se sent en réalité triste et seule. Dans cet exemple,
il est évident que la tentative de solution de chaque partenaire amène,
involontairement, à susciter l’exact comportement qu’il espérait
changer chez l’autre partenaire.
▶ Cycles d’attachement
Illustration clinique
Jessica et Paul sont en couple depuis onze ans. Ils ont fait connaissance à l’université.
Quand Paul a fini son doctorat, ils ont eu l’occasion de partir à l’étranger pour un poste
de post-doctorat que Paul a obtenu. Sa carrière académique avançait bien et ils ont
pris la décision de donner la priorité à sa carrière. Ils ont beaucoup voyagé et
déménagé à cause du travail de Paul et, depuis leur retour en Suisse, quand Jessica a
repris son activité professionnelle après s’être occupée de leurs enfants durant les huit
années qu’ils ont vécues à l’étranger, ils ont commencé à faire face à de sévères
problèmes. Cette reprise n’a pas apporté au couple l’équilibre attendu. Les disputes se
sont intensifiées et la tension est devenue insupportable, comme l’explique le couple à
son thérapeute lors d’une des premières rencontres.
JESSICA, les larmes aux yeux, visiblement découragée : On ne s’entend plus… Il ne me
comprend pas ; moi aussi je travaille, moi aussi j’ai une carrière… Après tout ce que j’ai
sacrifié pour cette famille, c’est enfin mon tour mais je dois supporter ses
commentaires, comme quoi je néglige la maison, les enfants, je passe trop de temps
avec mes collègues. Je n’en peux plus avec toute cette pression.
PAUL, distant : Ce n’est pas de la pression. Ce sont des faits. Tu ne passes pas assez
de temps avec nous. Les enfants l’ont remarqué aussi. Je n’ai pas un problème avec le
fait que tu travailles, mais n’oublie pas ta famille. C’est difficile aussi pour moi. Je rentre
tôt pour t’aider, mais après tu me dis que ma présence te dérange. Je gère les enfants
comme je peux, et après tu me reproches d’être trop sévère. Peu importe ce que je
fais, tu n’es jamais contente.
La thérapeute travaille avec le couple à identifier leur cycle interactionnel, les prises de
position de chaque partenaire, et à nommer les émotions primaires qui sous-tendent
leurs positions et qui les rendent plus « vulnérables ». Une fois le cycle desescaladé, la
thérapeute les aide à exprimer leurs émotions primaires inavouées ainsi que les
besoins d’attachement et d’identité non-assouvis. Le partenaire dit « poursuiveur »
(Paul), se montre exigeant, voire agressif avec l’autre partenaire dit « poursuivi »
(Julie), qui demeure en retrait et distante au niveau émotionnel. Pendant l’étape
suivante de la TCE pour couples (Greenberg & Goldman, 2008), la thérapeute avance
vers la transformation relationnelle à travers des mises en actes de l’émotion primaire.
LA THÉRAPEUTE, avec un ton empathique : Que se passe-t-il à l’intérieur de vous, Paul,
quand Jessica parle de son sentiment d’être sous pression ?
PAUL, le regard figé au sol : Je ne sais pas… Je ne le fais pas exprès. Je ne sais pas
comment m’adapter à ce changement.
T. : Que se passe-t-il, Paul, quand vous dites cela ? Il me semble que cela vous
touche ?
P., les yeux brillants, le regard au sol : Avant, j’avais l’impression de la rendre
heureuse. Maintenant, je ne sais pas ce qu’elle attend de moi. Je vois simplement
Downloaded by 3.8.18.9.19
qu’elle s’éloigne.
T., doucement : C’est douloureux de ne plus te rendre heureuse… De te sentir fâchée
contre moi et de ne plus me sentir comme une priorité dans ta vie. C’est ça Paul ?
P. : Oui…
T. : Comment vous sentez-vous là maintenant, Paul ?
P. : Je réalise qu’en fait je suis triste… et en même temps j’ai peur. J’ai l’impression
que sa carrière et tout ce qui se passe hors de cette famille l’intéressent plus que moi.
J’ai un peu honte de me sentir si rejeté et d’avoir peur qu’elle me quitte.
T. : Et en même temps, je crois que c’est très important d’évoquer et de sentir cette
tristesse qui sous-tend la colère que vous avez tendance à exprimer. Seriez-vous
d’accord de vous tourner vers Jessica et de le lui dire ?
P., mise en acte de son émotion primaire : Euh… En fait, ce n’est pas facile pour moi.
Tout ce changement me dépasse et j’ai peur de te perdre. Je sais que c’est stupide
mais… Euh, parfois (sa voix est coupée par l’émotion qui monte) j’ai l’impression que tu
es plus contente à l’extérieur qu’à la maison avec nous. Et cela me rend triste (il
pleure).
T. : Oui, il y a toute cette tristesse au fond de vous. Et c’est énorme de pouvoir le lui
dire, Paul. Jessica, racontez-nous ce qui se passe pour vous maintenant ? Qu’est-ce
que vous ressentez en écoutant Paul vous parler de ce qui se passe pour lui
intérieurement ?
J., avec les larmes aux yeux : C’est très touchant pour moi. Je ne savais pas du tout
qu’il était si triste. C’est fou car j’aurais dû m’imaginer qu’avec la perte de sa mère, mon
absence pourrait le perturber, mais jamais je ne m’étais imaginée qu’il était triste ou
qu’il craignait que je parte. Je veux me rapprocher de lui et le prendre dans mes bras.
Ça fait tellement longtemps qu’on ne s’est pas rapprochés physiquement.
T. : Dites-le-lui — quand je vois ta tristesse et ta peur, j’ai envie de te serrer dans mes
bras et de te rassurer, c’est ça ?
J. : oui, c’est exact. (Elle pleure) Je dois lui dire ?
T. : il me semble que c’est important qu’il l’entende directement de vous. C’est différent
de me le dire que de le lui dire.
J. : Alors, c’est… c’est précieux pour moi de savoir que tu es triste que je sois moins
présente à la maison. J’ai parfois l’impression que je t’agace, que tout ce que je fais est
mal et je t’avoue que ça me donne envie de m’éloigner de toi. Mais, là, c’est tout le
contraire. Quand tu t’ouvres et tu me parles de ce que tu ressens, je veux me
rapprocher et te rassurer que je suis bien là et que je t’aime et que je veux rester avec
toi. Voilà.
P. : merci. J’avais vraiment besoin d’entendre ça. (Il pleure). Moi aussi je t’aime et je
suis désolé d’être tellement dur avec toi par moments. C’est nul comme approche. Je
sais très bien que je te pousse à t’éloigner de moi encore davantage mais je ne sais
pas comment faire autrement.
T. : Et je peux comprendre que vous deux, vous faites ce que vous avez appris à faire
dans la vie pour vous protéger mais quand vous arrivez à vous parler de ce qui se
passe vraiment au fond de vous, quand vous osez être vulnérables, une tout autre
dynamique devient possible, qui invite à plus de proximité et de sécurité, car vous
arrivez à répondre aux besoins de chacun.
Downloaded by 3.8.18.9.19
CONCLUSION
Nous avons pu voir comment la TCE pour les individus et pour
couples utilise les principes liés à la théorie de l’attachement ; les
deux versions de l’approche s’emploient davantage à les mettre en
acte soit à travers la relation thérapeutique, la modélisation de la
présence empathique du thérapeute, soit à travers l’expression des
blessures émotionnelles liées aux figures d’attachement dans
certaines tâches TCE et entre partenaires dans la TCE-C. La TCE
considère les schèmes émotionnels inadaptés comme plus
fondamentaux que la formation de styles d’attachement insécurisés,
évitants ou anxieux (Edwards & Levin-Edwards, 2019). Ainsi, nous
nous efforçons d’évaluer et de révéler aux figures d’attachement dans
le cadre de la thérapie TCE pour les individus, et aux partenaires dans
le cadre de la TCE pour couples, l’expérience de vulnérabilités sous-
jacentes telles que la peur, la tristesse et la honte, cibles
fondamentales de l’intervention thérapeutique. Par le truchement
d’une relation sécurisante avec le thérapeute, la TCE offre les
conditions nécessaires pour transformer les blessures liées à
l’attachement. Ainsi, comme nombre de travaux de recherche en
attestent, la TCE promeut un changement significatif et durable en
Downloaded by 3.8.18.9.19
La thérapie sensorimotrice
pour les difficultés liées
à l’attachement
Hanneke Kalisvaart
L
A PSYCHOTHÉRAPIE
psychothérapeutique psycho-corporelle, développée par Pat
Ogden aux États-Unis. Cette méthode, qui émerge rapidement en
Europe, utilise le corps comme point d’entrée pour traiter les
problèmes d’attachement et le stress post-traumatique. Elle s’appuie
sur des connaissances neuroscientifiques et des recherches sur
l’attachement, le traumatisme et la dissociation (Ogden & Fisher,
2015).
Ce chapitre aborde d’abord le contexte théorique de cette méthode
dans les problèmes d’attachement, puis décrit plus concrètement son
application pratique avec un exemple de cas clinique en guise
d’illustration. Enfin, l’état de la science, les possibilités de formation et
les développements futurs sont abordés.
CONTEXTE THÉORIQUE
Au cours des premières années de notre vie, le corps est notre outil
de base pour nous développer : la sécurité physique, la nutrition et la
croissance, la perception sensorielle, les compétences motrices,
l’attachement, l’interaction, le jeu et le développement d’un soi de
base commencent tous de manière non verbale (Ogden & Fisher,
2015). Ce n’est que vers l’âge de six ans que le cerveau se développe
au point qu’un enfant peut se souvenir explicitement d’événements
(Alberini & Travaglia, 2017). Ainsi, la base de notre comportement et
de nos modèles d’attachement repose sur des « connaissances »
corporelles implicites auxquelles aucun mot ou souvenir n’est rattaché
à l’origine.
La psychothérapie traditionnelle est un processus orienté vers le
verbal dans lequel le comportement, la cognition, l’émotion et les
processus inconscients sont compris à travers les mots (Fisher,
2019). Cette approche est adaptée à notre communication
essentiellement linguistique et correspond également à la pensée
analytique des psychothérapeutes et des scientifiques. Dans diverses
situations, cependant, le langage et la cognition ne se connectent pas
avec les clients, par exemple lorsqu’ils sont intellectuellement
Downloaded by 3.8.18.9.19
Exemple
C. a souvent froid, ce qui s’accompagne d’une posture de repli avec une forte tension
musculaire, d’une grande sensibilité de la peau et des oreilles, de peu d’émotions et de
l’idée qu’elle est seule. Elle a appris cette organisation de son expérience dans un
contexte dangereux chronique au niveau familial, où le fait d’être sensible et invisible
était essentiel. Son père avait un délire religieux qui le rendait violent et coercitif, et sa
mère était incapable de la protéger.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Exemple
M. s’assoit alternativement en arrière sur sa chaise, penchant la tête avec un contact
visuel réticent, puis se penche en avant, établissant un contact visuel avec une voix
amicale. Son dos lui fait mal à force de bouger d’avant en arrière parce qu’il ne connaît
pas de posture de base sûre. Il a appris cette façon de faire dans une situation familiale
où il a été maltraité, mais où il a aussi pu prévenir les escalades de violence en tant
que médiateur.
PSYCHOTHÉRAPIE SENSORIMOTRICE
POUR LES PROBLÈMES LIÉS À L’ATTACHEMENT
Downloaded by 3.8.18.9.19
Exemple
B. a subi des traitements médicaux drastiques en raison d’une leucémie dont elle était
atteinte lorsqu’elle était enfant. Elle a supporté ces traitements en se montrant
Downloaded by 3.8.18.9.19
« courageuse » et aussi imperturbable que possible pendant les procédures, qui étaient
également difficiles à supporter pour les adultes qui l’entouraient. Au cours d’une
séance de thérapie, lorsque B. veut aborder un sujet difficile, elle s’assoit proprement,
les jambes le long du corps, le dos droit, les mains sur les genoux, le regard
interrogateur, avec presque aucun mouvement. Lorsque le thérapeute attire l’attention
sur cette façon de s’asseoir apparemment sans affectation, B. se rend compte qu’elle a
éteint son corps et ses émotions, une stratégie qu’elle a apprise à l’hôpital lorsqu’elle
devait rester assise pendant des interventions difficiles. À titre expérimental, le
thérapeute invite B. à recommencer à sentir son corps et à percevoir ce que son corps
veut faire lorsqu’elle pense devoir faire quelque chose de difficile. B. remarque alors
qu’elle préfère remonter complètement ses jambes et enrouler ses bras autour de ses
genoux. En faisant cela, elle sent à quel point elle a eu peur et réalise qu’elle doit
apprendre à se protéger au lieu de se soumettre.
Exemple
S. peut reconnaître sa réaction à un nouveau poste de travail à son hypervigilance, à
ses yeux scrutateurs, au fait qu’elle se sent petite et à l’agitation de son corps, avec
lequel elle semble surveiller si elle répond à toutes les exigences. Elle fait le lien avec
les sentiments qu’elle a toujours éprouvés dans son enfance, dans une situation
familiale extrêmement exigeante. Avec son thérapeute, elle peut explorer ce dont
l’enfant, qu’elle ressent dans son corps, a besoin : quelqu’un qui voit à quel point elle
fait des efforts et qui la laisse se détendre. S. peut donner cette expérience manquante
à cet enfant en posant gentiment une main sur ses propres yeux. Il s’agit d’une
expérience inédite, agréable mais aussi déroutante pour l’enfant en hypervigilance, qui
suscite beaucoup de tristesse chez l’adulte S., car elle n’a jamais vécu cela
auparavant. En tant qu’adulte, elle a donc trouvé une forme physique de soin pour sa
propre expérience d’enfant. En mettant la main sur ses yeux, elle fait comprendre à
l’enfant qu’il peut se détendre.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Illustration clinique
H. raconte sa déception à la suite d’un commentaire brutal de sa sœur.
THÉRAPEUTE : « Quand vous parlez de ce moment, le haut de votre corps se dérobe ».
H. : « Oui, cela m’a fait reculer, c’était si méchant. »
Thérapeute : « Serait-il possible de travailler sur ce mouvement de retrait lorsque vous
pensez à votre sœur qui a fait un commentaire désagréable ? »
contre une petite fille. » Elle se le répète dans sa langue maternelle. Avec ses mains,
qui se sont d’abord posées contre son ventre, elle délimite avec amour un espace qui
lui est propre. Elle a le sentiment que dans cet espace, sa peur et sa tristesse peuvent
être vécues. Elle s’imagine utiliser ce geste la prochaine fois qu’elle rencontrera sa
sœur, afin qu’elle puisse continuer à sentir qu’elle n’a pas à se laisser marcher sur les
pieds.
PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES
La psychothérapie sensorimotrice utilise plusieurs principes de base
qui guident l’attitude et le processus thérapeutiques (Sensorimotor
Psychotherapy Institute, 2022). Les premiers principes sont la
présence et la pleine conscience : une étude sans jugement de
l’expérience du client ici et maintenant, le thérapeute étant présent
dans son corps autant que possible et conscient des expériences de
ce moment. Ce faisant, la méthode suppose un holisme corps-esprit :
l’expérience humaine comporte des aspects physiques, mentaux et
spirituels qui sont interdépendants. La relation avec le client est basée
sur l’unité, les deux personnes étant à la fois connectées et uniques,
et sur la Non-violence, le principe selon lequel rien n’est forcé ou
imposé. Le processus thérapeutique est guidé par l’organicité :
chaque personne tend naturellement à se développer, et le thérapeute
peut avoir confiance dans le fait que la prochaine étape est prête à
évoluer. Enfin, l’alchimie relationnelle : chaque combinaison entre le
client et le thérapeute produit une interaction unique qui permet à
chacun d’apprendre de l’autre. Ensemble, ces principes constituent
une base solide pour un processus thérapeutique orienté vers le
corps.
cours d’un traitement de groupe pour des clients souffrant de symptômes somatiques, il
apparaît que C. a eu un départ difficile dans la vie :
« Lorsque je suis née, notre famille était composée de mon père, de ma mère, de deux
grands frères et d’une grande sœur. Juste avant ma naissance, il y a eu une sœur qui
n’a vécu que trois mois. Plus tard, un frère plus jeune est né. Nous vivions dans une
maison spacieuse dans un village. Mon père avait un travail très prenant et notre mère
s’occupait de nous. Ils avaient une vie sociale bien remplie et nous formions une famille
animée.
Je suis née avec des naevi1 sur le visage et sur la jambe droite. J’étais encore un bébé
lorsqu’à l’hôpital, les naevi ont été brûlés aux rayons X. Une couche par semaine
pendant des semaines. Tous les enfants devaient m’accompagner. Je pleurais
beaucoup. Mon frère et ma sœur aînés ont eu du mal à le supporter. Ma sœur s’est
sentie responsable et s’est ensuite beaucoup occupée de nous, les “petits”.
Le réveil de mon traumatisme a commencé par des tremblements du bras droit, des
tiraillements du visage et beaucoup de pleurs. À ce moment-là de ma vie, je souffrais
beaucoup. »
Il est décidé de lui proposer une psychothérapie sensorimotrice car les traumatismes
de C. sont préverbaux et s’expriment principalement à travers son corps. Le corps de
C. semble dire exactement ce qui s’est passé pendant les procédures et en y prêtant
attention pendant la thérapie, la douleur peut enfin être soulagée.
« Au début de la thérapie, il y avait surtout la peur : presque folle et dévorante. Un
sentiment de vouloir se cacher, mais rien n’y fait. Ces sentiments forts me dissociaient
et m’empêchaient de faire quoi que ce soit. Le manque total de confiance et de sécurité
était également très fort (j’étais avec ma mère et l’instant d’après, elle me confiait à
quelqu’un d’autre et l’enfer se déchaînait). Le danger était ressenti très physiquement.
D’autres douleurs semblaient également liées à ce traumatisme, comme des douleurs
dans le cou, les omoplates et le bas du dos. Le sentiment d’être tenue et maîtrisée était
très présent dans ma mémoire corporelle. Les douleurs devenaient plus fortes lorsque
le traumatisme ou les émotions associées étaient déclenchés. Elles étaient en grande
partie dues au verrouillage automatique de mes muscles : je me renfermais sur moi-
même et devenais silencieuse. »
Grâce au ressourcement physique et aux techniques de psychothérapie sensorimotrice
des traumatismes, C. peut enfin apaiser ses réactions véhémentes aux expériences
traumatisantes qu’elle a vécues lorsqu’elle était bébé. Pas à pas, elle s’attarde sur des
bribes de souvenirs physiques, comme la douleur au visage, la sensation d’être tenue
et de vivre sans cesse dans un état de congélation. En suivant le corps dans ses
impulsions et son éveil autonome, C. commence à expérimenter qu’elle peut se libérer
et qu’elle n’est plus seule avec tous ses sentiments intenses. Comme ressources pour
ce processus, C. utilise entre autres la mise à la terre, la sensation de force et le
contact interpersonnel par les yeux et le toucher.
« Cette méthode m’a beaucoup changée. Terminer les mouvements non faits et
exprimer les émotions non exprimées s’est avéré être une source de guérison et de
libération. »
La dynamique familiale a également été très affectée par les traitements que C. a dû
subir :
« L’expérience des radiothérapies et ce qu’elles m’ont fait subir ont façonné l’attitude de
mes frères, de ma sœur et de ma mère. Ma mère, en partie à cause de ses propres
Downloaded by 3.8.18.9.19
traumatismes, n’était pas gentille, elle me jugeait et était souvent négative à mon
égard. Mes frères et ma sœur, d’une certaine manière, ne m’aimaient pas beaucoup.
On me traitait souvent de façon négative, on me traitait de folle et on m’excluait. Mon
père m’a toujours traitée avec amour. Je sais ce que c’est que de ressentir de l’amour.
Je pense que cela m’a poussée à faire beaucoup d’efforts. Je faisais attention à tout, je
racontais tout (ce qui n’arrangeait pas mon grand frère et ma grande sœur), je
contrôlais, je ne ressentais rien et je m’absentais. La plupart du temps, je gardais tout à
l’intérieur, je ne pouvais pas lâcher prise et j’étais souvent malade, pendant longtemps.
J’étais souvent seule dans ma chambre à lire. J’avais tout un monde à l’intérieur de moi
qui ne correspondait pas au reste de la famille (sensible, perspicace, créatif, etc.). Je
trouvais ma famille trop bruyante, peu claire dans ses émotions et ses actions. Je ne
comprenais pas très bien ce que c’était que d’être humain. Je n’avais plus conscience
que je m’appartenais, que mon corps m’appartenait et qu’il y avait une place pour moi.
Je n’avais pas de limites. Par conséquent, j’ai vécu de nombreuses expériences où j’ai
tout laissé faire. Plus le comportement, l’émotion de l’autre personne était transgressif,
plus je me taisais. Plus mon émotion était forte, plus je me retirais, plus j’étais malade.
En conséquence, j’étais moi-même transgressive. Partout et nulle part. »
Pour commencer à se sentir plus à l’aise, C. s’exerce à délimiter son propre espace à
l’aide d’une corde. Elle est frappée lorsqu’elle réalise qu’elle n’a jamais ressenti
d’espace propre. En fait, elle s’est toujours sentie diffuse. Lors d’une séance ultérieure,
elle souhaite s’entraîner à ressentir son propre espace par le biais du contact avec le
thérapeute. Elle place à nouveau la corde sur le sol et ils expérimentent la poussée des
mains de l’un contre l’autre sur la zone limite. Ensemble, ils font un tour complet
pendant que C. sent quelle force est confortable et comment elle se sent rencontrée.
Le résultat est qu’elle se sent pleinement présente dans son propre espace tout en
faisant l’expérience de la connexion avec le thérapeute.
« En plaçant une corde autour de moi, je me suis immédiatement sentie en sécurité et
mon corps s’est détendu, ce qui était très agréable. Cela m’a permis de me percevoir et
de percevoir le monde qui m’entoure de plus en plus tel qu’il est. En outre, je peux
désormais fixer des limites et m’exprimer (même si cela s’accompagne encore de
tremblements et de la peur de ce que l’autre pense de moi, je le fais).
J’ai un sens clair de l’espace, y compris de l’espace physique, que j’occupe et qui
m’entoure. Je suis devenue plus grande et, de ce fait, le monde me semble plus petit.
Mes pieds sont maintenant fermement posés sur le sol et dans la réalité. Je m’autorise
à ressentir ce que je ressens, quoi que ce soit. En vivant toutes les émotions
précédemment bloquées, je me libère de plus en plus. Je m’accepte de plus en plus ; je
deviens plus aimante.
Je n’avais littéralement pas de mots lorsque quelque chose de douloureux m’arrivait.
Maintenant, je peux ressentir ce que je ressens et mettre des mots dessus. Je crois
maintenant à ce que je ressens ; je sais ce qui se passe en moi et entre moi et l’autre
personne. Même quand je suis confuse, je sais maintenant que c’est le signe que
quelque chose se passe qui n’est tout simplement pas juste ou qui n’est pas juste pour
moi. Je n’ai plus besoin de tout savoir.
C’est une autre vie. Plus clairement : J’ai pris forme et je me façonne de l’intérieur.
Je me façonne moi-même.
Je m’exprime dans ce monde de formes.
Je deviens plus mature et plus moi-même, et constituée de moi-même. »
Downloaded by 3.8.18.9.19
CONCLUSION
La psychothérapie sensorimotrice utilise les informations non verbales
disponibles dans le corps pour découvrir et travailler sur les
problèmes d’attachement. Cette approche ascendante étudie
comment les schémas d’attachement originels, qui sont souvent
moins verbaux et conscients, s’expriment dans la posture et le
mouvement. Ainsi, dans le cadre d’une relation thérapeutique sûre,
les anciennes stratégies d’adaptation peuvent être assouplies, les
émotions bloquées peuvent être ressenties et de nouvelles
Downloaded by 3.8.18.9.19
Notes
1. Tumeurs cutanées bénignes de la peau.
L’attachement,
le psychothérapeute
et le caregiving
Downloaded by 3.8.18.9.19
Joanna Smith
DÉFINITION DU CAREGIVING
L’expression anglaise caregiving n’a pas vraiment d’équivalent en
français, elle s’apparente au fait de « prendre soin » et caregiver à
« donneur de soins » ou « pourvoyeur de soins ». Aussi, pour plus de
légèreté dans la lecture privilégierons-nous ici les termes caregiving et
caregiver. Pour simplifier, nous nommerons ici « partenaire » la
personne sollicitant ou recevant le caregiving ; ceci peut s’appliquer à
un adulte ou un enfant, à une relation parentale ou de soins. Notons
également que le caregiver n’est pas nécessairement une figure
d’attachement, il est juste une personne qui dispense des soins et
peut, avec le temps et si l’enfant (ou ici, le patient) le choisit, devenir
une figure d’attachement.
Selon la théorie de l’attachement, il existe des liens très proches entre
les systèmes comportementaux de l’attachement, du caregiving et de
l’exploration, qui ont une forte valeur en termes de survie (Bowlby,
1969b, 1973, 1980, 1988b). Ainsi, le système comportemental du
caregiving ne peut pas être compris indépendamment de ces deux
autres systèmes. Nous commencerons donc par les définir, afin de
pouvoir définir le système de caregiving.
Le système d’attachement vise à maintenir la sécurité grâce au
contact avec des caregivers. Il s’active donc dans les situations de
Downloaded by 3.8.18.9.19
décrits.
● Dans le cadre de l’attachement évitant, le « caregiving compulsif »
est décrit comme une stratégie d’attachement adaptée face à un
parent ignorant de façon systématique l’expression des besoins
d’attachement de son enfant. Crittenden a particulièrement bien
décrit, dans son modèle, la dynamique sous-jacente au caregiving
compulsif : il s’agit d’inhiber ses affects négatifs et de prendre soin
de la figure d’attachement d’une manière qui permette d’attirer son
attention, au détriment de ses propres besoins. Il peut s’agir de
« remonter le moral » du parent, de lui changer les idées, d’être son
confident ou de prendre soin de lui (Crittenden & Landini, 2011).
● Le comportement contrôlant-soignant, décrit dans le cadre de
l’attachement désorganisé par Main, Kaplan et Cassidy (Main et al.,
1985a) peut être compris comme l’un des pôles du triangle
dramatique (persécuteur – victime – sauveur) (Liotti, 1999). En
effet, lorsque la figure d’attachement est effrayante, le tout-petit se
trouve face à une situation paradoxale dans laquelle le havre de
paix vers lequel il est spontanément amené à se tourner pour
l’apaisement de sa peur est aussi la source de la peur. Il en résulte
une désorganisation des stratégies d’attachement, l’enfant
expérimente une « peur sans solution » qui le fige. La situation
stressante initiale amène à une dissociation chez le tout-petit en
trois pôles, qui correspondent à trois manières différentes et non
compatibles de vivre la situation : le persécuteur (lié à la sensation
que c’est parce que l’enfant est mauvais que son parent lui fait
peur), la victime (l’enfant perçoit qu’il subit un comportement
effrayant du parent) et le sauveur (l’enfant répare son parent après
la crise en le réconfortant ou en lui pardonnant). Dans ce modèle,
au fur et à mesure qu’il grandit et que ses compétences se
développent, l’enfant va pouvoir faire face à cette situation
paradoxale à l’aide de stratégies relationnelles plus élaborées que
le figement initial. Il peut développer des comportements
contrôlants-soignants (identification au sauveur) ou contrôlants-
punitifs (identification au persécuteur) afin de ne plus être en
position de victime et de reprendre le contrôle sur le parent.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Illustrations cliniques
1. Baptiste devient agressif si sa thérapeute n’est pas disponible dès qu’il en a besoin.
Il a tendance à être tyrannique, voire menaçant, dans la relation de soins. Dans son
enfance, être agressif à l’égard de sa mère, fortement déprimée et probablement
dissociée, était la seule manière d’obtenir de l’attention de cette dernière, sur un mode
contrôlant-punitif (Liotti, 1999), une stratégie d’attachement consécutive à une
désorganisation de l’attachement.
2. Béatrice est très émue lorsque sa thérapeute fait référence à un souvenir que
Béatrice lui a raconté il y a quelques mois ; elle est très étonnée que sa thérapeute se
souvienne de ce qu’elle lui dit. Dans son enfance, Béatrice a subi beaucoup de
négligences et a emmagasiné, au sein de ses MIO, un sentiment puissant de « ne
compter pour personne » et que ce qu’elle vit ou dit n’est pas important et que l’autre
n’est pas attentif.
3. Bruce appelle sa thérapeute à toute occasion, dès qu’il rencontre la moindre
inquiétude. Il apparaît à la thérapeute que, lorsqu’elle n’est pas immédiatement
joignable, il parvient plutôt bien à faire face à la situation. Vu de l’extérieur, Bruce ne
Downloaded by 3.8.18.9.19
semble pas avoir conscience de ses compétences et semble se croire beaucoup plus
vulnérable et dépendant qu’il ne l’est vraiment. Si la thérapeute répond trop rapidement
dans ces situations, ou en donnant une aide proportionnée à la demande explicite de
Bruce, elle risque de l’empêcher de découvrir ses compétences. Bruce a finalement
davantage besoin d’être soutenu dans son exploration que d’un havre de paix. Ceci
semble en lien avec une mère l’ayant eu à un jeune âge et plutôt anxieuse et démunie,
excessive dans sa protection, qu’il qualifie de « mère poule » et à l’égard de laquelle il
semble avoir développé un attachement anxieux-ambivalent.
La coopération
Le caregiver interfère-t-il avec l’activité de son enfant, l’interrompt-il à
sa guise, ou se comporte-t-il de façon respectueuse à l’égard de
l’enfant, tenant compte du fait que ce dernier est un être séparé, actif
et autonome, dont les désirs et les activités ont une valeur en tant que
telle ? Dans la coopération, le caregiver joue plutôt un rôle de guide
ou encourage, seulement si nécessaire. Il recourt le moins possible à
la coercition (punir, enfermer dans sa chambre, contraindre…).
La disponibilité
Le caregiver est-il accessible à l’enfant et réactif si besoin ? Ignore-t-il
ses signaux de détresse ou les perçoit-il avec indifférence ?
▶ Caregiving et supervision
PETIT QUESTIONNAIRE D’AUTO-ÉVALUATION DE VOTRE CAREGIVING
Pensez à un patient en particulier. Il peut s’agir d’un patient avec lequel l’alliance
est bonne et la thérapie « fonctionne bien », ou au contraire d’un patient avec
lequel la relation est plus difficile ou l’efficacité de la thérapie plus douteuse. Vous
Downloaded by 3.8.18.9.19
pouvez aussi répondre à ce petit questionnaire pour ces deux types de patients,
afin de comparer !1
● Suis-je disponible pour ce patient ? En séance, en dehors des séances ? Trop
ou pas assez, ou de façon adéquate ? Est-ce que je le protège efficacement
contre la dysrégulation émotionnelle au cours de nos séances ? Le patient
répondrait-il différemment que moi à ces questions ?
● Est-ce que j’ai le sentiment que ce patient se sent compris par moi ? qu’il se
sent vu, entendu, pris en compte ? Et lui, qu’en dirait-il ? Est-ce que j’ai eu des
« ratés » dans la relation avec ce patient ? Si oui, ont-ils été réparés par moi ?
Est-ce que la relation thérapeutique en est encore affectée ? Si oui, que puis-je
faire pour réparer, à ce stade ?
● Est-ce que je peux le rassurer si besoin ? Le réconforter ?
● Est-ce que je peux me réjouir pour ce patient ? Partager des points de vue qui
l’aident à sentir sa valeur ?
● Est-ce que je soutiens l’exploration sans interférer ? Suis-je tenté de trouver
des solutions à sa place, de prodiguer des conseils, de décider pour le
patient ? Est-ce qu’il m’arrive de réfréner l’exploration du patient ? Le patient
répondrait-il différemment que moi à ces questions ?
Illustration clinique
Hector, psychologue, entre en thérapie didactique à l’âge de 35 ans afin d’expérimenter
le Lifespan IntegrationTM, auquel il vient de se former. Après quelques mois de suivi, il
rapporte au cours d’une séance qu’à la fin de ses journées de consultation, il se sent
souvent très triste en quittant son cabinet, et que ce sentiment de tristesse et de
solitude, qui confine parfois au désespoir, persiste au moins jusqu’à son retour à la
maison, quelquefois jusqu’à l’heure du coucher. Il remarque qu’il n’a pas ces
sentiments lorsqu’il a été en journée de supervision ou de formation, seulement quand
il doit prendre soin d’autrui. Nous décidons d’utiliser le pont d’affect (Watkins, 1971)
pour déterminer quels types de souvenirs se cachent derrière ces émotions parasites
qui s’invitent à la fin de ses journées de consultation.
À partir de ses sensations corporelles, Hector ferme les yeux et observe un souvenir
qui émerge de la période de ses 7-8 ans où sa mère était très déprimée dans le
contexte d’un traitement pour cancer : Hector se sent seul, triste, démuni, il a
l’impression de ne pas compter et que personne n’est là pour lui. Nous traitons ce
souvenir par une séance de Lifespan IntegrationTM au cours de laquelle Hector
s’imagine aller prendre soin de lui-même, enfant, dans cette situation et ramener cet
enfant dans le présent, pendant que sa thérapeute déroule une série d’événements de
sa vie afin de lui faire intégrer la sensation que cette époque est lointaine et révolue
(pour plus de détails sur la procédure du Lifespan IntegrationTM, se reporter au
chapitre 14 du présent ouvrage). Cette séance soulage de manière significative la
Downloaded by 3.8.18.9.19
Et vous, quelles sont vos ressources lorsque vous vous trouvez dans une situation
clinique difficile ? Vous semblent-elles suffisantes ? Comment pourriez-vous les
développer, le cas échéant ?
Downloaded by 3.8.18.9.19
Les questions utiles pour choisir un superviseur qui nous convient pourraient donc
être parmi les suivantes :
● Est-ce que je me sens en sécurité ou en danger en supervision avec ce
superviseur ? Est-ce que je peux me montrer vulnérable, faire part de mes
erreurs sans être attaqué ? Est-ce que mon superviseur sait m’encourager et
se réjouir de mes succès, soutient-il de façon raisonnable mon exploration,
c’est-à-dire le fait que j’expérimente des manières nouvelles de pratiquer tout
en me mettant en garde quant aux éventuels risques, le cas échéant ?
● Et moi ? Suis-je un supervisé sécure ? C’est-à-dire, suis-je capable d’aller de
façon confortable en supervision ? de prendre les critiques lorsqu’elles sont
constructives et bienveillantes ? de reconnaître, le cas échéant, que je me suis
trompé·e et de réparer mes erreurs ? Est-ce que je crains d’aller en supervision
ou est-ce que je me réjouis d’y aller ?
CONCLUSION
Si le travail classique en psychothérapie, depuis Freud, a mis l’accent
sur l’importance du travail thérapeutique personnel du thérapeute, de
la supervision et de l’analyse du contre-transfert, la psychothérapie
attachement-informée formule ces objectifs d’une manière différente,
plus précise. En accord avec le changement de paradigme décrit par
Schore (voir chapitre 4, p. 81), les recherches en psychothérapie
portent aujourd’hui davantage sur la nature du processus
thérapeutique que sur le contenu de ce qui y est dit. Il ne s’agit pas
tant de comprendre le patient — ou qu’il se comprenne mieux —
(processus cognitif) mais bien de l’aider à se sentir senti (processus
émotionnel) au cours de ce travail de compréhension de soi. À cet
égard, le travail thérapeutique personnel du thérapeute est important
en ce qu’il permet un caregiving plus sensible, libéré autant que
Downloaded by 3.8.18.9.19
Notes
1. Vous retrouverez ces questions sous forme d’une fiche d’auto-
supervision à utiliser selon vos besoins, dans les annexes du présent
ouvrage, p. 344.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Chapitre 19
▶ Le trauma vicariant
▶ La fatigue de compassion
CONCLUSION
Rappelons-nous que le rôle des soignants est plus que jamais crucial
auprès de la population (Grover et al., 2020) et que leur santé mentale
constitue un déterminant essentiel de la qualité des interventions
qu’ils prodiguent (Laverdière et al., 2018 ; Salyers et al., 2017). Nous
espérons que ce chapitre constituera une source d’inspiration pour
vous qui êtes constamment et vaillamment au service de nos
populations souffrantes… Nous espérons qu’il puisse vous donner
envie de mieux vous soucier de votre état actuel, de mieux évaluer
Downloaded by 3.8.18.9.19
Annexes
Annexe 1
Feuille de route pour développer
l’alliance thérapeutique
Joanna Smith
Aafjes-van Doorn, K., Békés, V., & Prout, T. A. (2020). Grappling with
our therapeutic relationship and professional self-doubt during
COVID-19 : Will we use video therapy again? Counselling
Psychology Quarterly, 1‑12.
https://doi.org/10.1080/09515070.2020.1773404.
Ainsworth, M. D. S., Blehar, M. C., Waters, E., & Wall, S. (2015).
Patterns of attachment : A psychological study of the strange
situation (classic edition). Erlbaum.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Bateman, A., Fonagy, P., Campbell, C., Luyten, P., & Debbané, M.
(2023). Cambridge Guide to Mentalization-Based Treatment (MBT).
Cambridge Guide to Psychological Therapies. Cambridge
University Press.
Beck A.T. (2010). La thérapie cognitive et les troubles émotionnels,
1976. Ed. De Boeck.
Benoit, D., Zeanah, C., & Boucher, C. (1992). Sleep disorders in early
childhood : Association with insecure maternal attachment. J Am
Acad Child Adolesc Psychiatry, 31, 86‑93.
Ben-Zur, H., & Michael, K. (2007). Burnout, social support, and coping
at work among social workers, psychologists, and nurses : The role
of challenge/control appraisals. Social work in health care, 45(4),
63‑82. https://doi.org/10.1300/J010v45n04_04.
Bernier, A., & Dozier, M. (2002). Assessing adult attachment :
Empirical sophistication and conceptual bases. Attachment &
Human Development, 4(2), 171‑179.
https://doi.org/10.1080/14616730210157457.
Bisson, J., & Andrew, M. (2007). Psychological treatment of post-
traumatic stress disorder (PTSD. Cochrane Database of Systematic
Reviews.
Bleiberg, K. L., & Markowitz, J. C. (2019). Interpersonal
psychotherapy for PTSD : Treating trauma without exposure.
Journal of Psychotherapy Integration, 29(1), 15 22.
Blom, T., & Dijk, L. (2007). The role of attachment in couple
relationships described as social systems. Journal of Family
Therapy, 29(1), 69‑87.
Booth P. & Jernberg A. (2023). Theraplay, une thérapie par le jeu
basée sur l’attachement (2ème). De Boeck.
Bordin, E. S. (1979). The generalizability of the psychoanalytic
concept of the working alliance. Psychotherapy: Theory, Research
& Practice, 16(3), 252‑260. https://doi.org/10.1037/h0085885.
Borghini, A., & Cascone, P. (2021). Capacité d’élaboration chez le
parent : Évaluation et mise en perspective clinique. In R. Miljkovitch
Downloaded by 3.8.18.9.19
209(50), 1‑2.
Bretherton, I., Ridgeway, D., & Cassidy, J. (1990). Assessing Internal
Working Models of the Attachment Relationship : An Attachment
Story Completion Task for 3-Year-Olds. The role of internal working
models in the attachment relationship. In M. Greenberg, D.
Cicchetti, & M. Cummings (éd.), Attachment during the Preschool
Years (p. 273‑308). University of Chicago Press.
Brewin, C. R., Bernice, A., & John, D. A. (2000). Meta-analysis of risk
factors for posttraumatic stress disorder among trauma-exposed
adults. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 68, 748‑766.
Bria, M., Baban, A., & Dumitrascu, D. L. (2012). Systematic review of
burnout risk factors among European healthcare professionals.
Cognition, Brain, Behavior: An Interdisciplinary Journal, 16(3),
423‑452.
Brillon, P. (2017). Comment aider les victimes souffrant de stress
post-traumatique (6e éd.). Éditions Québec-Livres.
Brillon, P. (2020). Entretenir ma vitalité d’aidant : Guide de prévention
de la fatigue de compassion et de la détresse professionnelle.
Éditions de l’Homme.
Bromberg, P. M. (2011). The shadow of the tsunami and the growth of
the relational mind. Routledge.
Brooks, M., Lowe, M., Graham-Kevan, N., & Robinson, S. (2016).
Posttraumatic growth in students, crime survivors and trauma
workers exposed to adversity. Personality et Individual Differences,
98, 199‑207.
Brown, D. P., & Elliott, D. S. (2016). Attachment Disturbances :
Treatment for Comprehensive Repair. W. W. Norton and Company.
Brown, D., Scheflin, A. W., & Hammond, C. (1998). Memory, trauma
treatment, and the law. Norton.
Buber, M. (1923). Je et Tu. Aubier.
Bucci, W. (2002). The referential process, consciousness, and the
sense of self. Psychoanalytic Inquiry, 22, 766‑793.
https://doi.org/10.1080/07351692209349017.
Downloaded by 3.8.18.9.19
1053‑1073. https://doi.org/10.1037/0022-3514.78.6.1053.
Collins, W., & Sroufe, A. (1999). Capacity for intimate relationships : A
developmental construction. In W. Furman, B. B. Brown, & C.
Feiring (éd.), The development of romantic relationsips in
adolescence (p. 125‑147). Cambridge University press.
Corriveau, K., & Harris, P. L. (2009). Choosing your informant :
Weighing familiarity and recent accuracy. Developmental Science,
12(3), 426‑437.
Costa, R. (2021). Génétique des soins parentaux de « caregiving ». In
A. Guédeney, N. Guédeney, & S. Tereno, L’attachement :
Approche théorique et évaluation (5e éd., p. 87‑102). Elsevier
Masson.
Courtois, C. A. (1999). Recollections of sexual abuse : Treatment
principles and guidelines. Norton.
Cowan, C., & Cowan, P. (2005). Two central roles for couple
relationships : Breaking negative intergenerational patterns and
enhancing children’s adaptation. Sexual and Relationship Therapy,
20, 275‑288.
Cowan, P. A., Cowan, C. P., & Mehta, N. (2009). Adult attachment,
couple attachment, and children’s adaptation to school : An
integrated attachment template and family risk model. Attachment &
Human Development, 11(1), 29‑46.
https://doi.org/10.1080/14616730802500222.
Cozolino, L. (2010). La neuroscience de la psychothérapie. Éditions
du CIG.
Craig, C. D., & Sprang, G. (2010). Compassion satisfaction,
compassion fatigue, and burnout in a national sample of trauma
treatment therapists. Anxiety, Stress, et Coping, 23(3), 319‑339.
https://doi.org/10.1080/10615800903085818.
Craik. (1943). The Nature of Explanation. Cambridge University Press.
Crittenden, P. M., & Landini, A. (2011). Assessing Adult Attachment :
A Dynamic-Maturational Approach to Discourse Analysis. W. W.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Cognition. https://doi.org/10.1016/j.cogn.2014.12.003.
Gainotti, G. (2005). Emotions, unconscious processes, and the right
hemisphere. Neuro-Psychoanalysis, 7, 71‑81.
Gainotti, G. (2006). Unconscious emotional memories and the right
hemisphere. In M. Mancia (éd.), Psychoanalysis and neuroscience
(p. 151‑173). Springer Milan. https://doi.org/10.1007/88-470-0550-
7_6.
Gainotti, G. (2012). Unconscious processing of emotions and the right
hemisphere. Neuropsychologia, 50, 205‑218.
https://doi.org/10.1016/j.neuropsychologia.2011.12.005.
Gallotti, M., & Frith, C. D. (2013). Social cognition in the we-mode.
Trends in Cognitive Sciences, 17(4), 160‑165.
Garners, S. T. (2006). Imitation, mirror neurons and mimetic desire.
Contagion : Journal of Violence, Mimesis and Culture, 12(13),
47‑86.
Gazon, R. (2021). Attachement et psychiatrie de l’adulte. In A.
Guédeney, N. Guédeney, & S. Tereno, L’attachement : Approche
clinique et thérapeutique (5e éd., p. 158‑177). Elsevier Masson.
Gendlin, E. T. (1996). Focusing-oriented psychotherapy : A manual of
the experiential method. Guilford Press.
Gene-Cos, N., Fisher, J., Ogden, P., & Cantrel, A. (2016).
Sensorimotor Psychotherapy Group Therapy in the Treatment of
Complex PTSD. Ann Psychiatry Ment Health, 4.
Genet, C., & Wallon, E. (2019). Psychothérapie de l’attachement.
Collection Psychothérapies, Editions Dunod.
Gergely, G., & Watson, J. (1996). The social biofeedback theory of
parental affectmirroring : The development of emotional self-
awareness and self-control in infancy. International Journal of
Psycho-Analysis, 77, 1181‑1212.
Girard, L., & Delisle, G. (2012). La psychothérapie du lien ; genèse et
continuité. Montréal, Éd du CIG.
Glatigny-Dallay, E., & Omay, O. (2017). Psychothérapie
Downloaded by 3.8.18.9.19
Henry, M., Séguin, M. et D., & M.-S. (2008). L’impact du suicide d’un
patient chez les professionnels en santé mentale : Différences entre
les femmes et les hommes. Frontières, 21(1), 53‑63.
Herman, J. L. (1992). Trauma and recovery. Basic Books.
Hervé, M.-J., Guédeney, N., Lamour, M., Pérouse de Montclos, M.-O.,
Rusconi Serpa, S., Visier, J.-P., & Maury, M. (2008). Les ressentis
négatifs du thérapeute : Partie 1: un outil sémiologique ? Devenir,
vol. 20(4), 293‑318. https://doi.org/10.3917/dev.084.0293.
Hesse, E. (1996). Discourse, memory, and the adult attachment
interview : A note with emphasis on the emerging cannot classify
category. Infant Mental Health Journal, 17, 4‑11.
Hesse, E. (1999). The Adult Attachment Interview. Historical and
current perspectives. In J. Cassidy & P. Shaver (éd.), Handbook of
attachment : Theory, research and clinical applications. The
Guilford Press.
Hesse, E. (2016). The Adult Attachment Interview Protocol. In Cassidy
& P. Shaver (éd.), Handbook of Attachment (3e ed.). Guilford.
Hesse, E., & Main, M. (1999). Second-generation effects of
unresolved trauma in nonmaltreating parents : Dissociated,
frightened, and threatening parental behavior. Psychoanalytic
Inquiry, 19, 481‑540. https://doi.org/10.1080/07351699909534265.
Hesse E., Main M., Abrams K. Y., & Rifkin A. (2003). Unresolved
states regarding loss or abuse can have “second generation”
effects : Disorganization, role inversion, and frightening ideation on
the offspring of traumatized, non-maltreating parents ». In Solomon
M. F. & Siegel D. J (éd.), Healing trauma : Attachment, mind, body,
and brain (p. 1‑56). W.W. Norton.
Hinde, R. A. (1982). Attachment : Some conceptual and biological
issues. In C. M. Parkes & Stevenson-Hinde (éd.), The place of
attachment in human behaviour. Basic Books.
Hiraishi, H., Haida, M., Matsumoto, M., Hayakawa, N., Inomata, S., &
Matsumoto, H. (2012). Differences of prefrontal cortex activity
Downloaded by 3.8.18.9.19
https://doi.org/10.1037/cou0000383.
Kobak, R., & Mandelbaum, T. (2003). Caring for the caregiver. An
attachement approach to assessment and treatment of child
problems. In M. Johnson & V. E. whiffen (éd.), Attachment
processes in couple and family therapy. The Guildford Press, NY
(p. 144‑164).
Kohut, H. (1959). Introspection, empathy and psychoanalysis : An
examination of the relationships between modes of observation and
theory. Journal of the American Psychoanalytic Association, 7,
459‑483.
Kohut, H. (1971). The analysis of the self. International Universities
Press.
Koller, S. L., & Hicks, R. E. (2016). Psychological capital qualities and
psychological well-being in Australian mental health professionals.
International Journal of Psychological Studies, 8(2).
https://doi.org/10.5539/ijps.v8n2p41.
Kranowitz, C. S. (1998). The-Out-Of-Sync Child. Berkley Publishing
Group.
Kranowitz C.S. (2003). The-Out-Of-Sync Child Has Fun. Berkley
Publishing Group.
Kuchinke, L., Jacobs, A. M., Vo, M. L. H., Conrad, M., Grubich, C., &
Herrmann, M. (2006). Modulation of prefrontal cortex by emotional
words in recognition memory. Neuroreport, 17, 1037‑1041.
https://doi.org/10.1097/01.wnr.0000221838.27879.fe.
Kuhl, J., & Kazen, M. (2008). Motivation, affect, and hemispheric
asymmetry : Power versus affiliation. Journal of Personality and
Social Psychology, 95, 456‑469. https://doi.org/10.1037/0022-
3514.95.2.456.
Lancker Sidtis, D. (2006). Where in the brain is nonliteral language?
Metaphor and Symbol, 21, 213‑244.
Langmuir, J. I., Kirsh, S. G., & Classen, C. C. (2012). A pilot study of
body-oriented group psychotherapy : Adapting sensorimotor
Downloaded by 3.8.18.9.19
Seuil.
Neveux, N. (2017). Pratiquer la TIP. Thérapie interpersonnelle –1re
éd. Dunod, coll. "Atelier du praticien".
Norcross, J. C., Prochaska, J. O., & Diclemente, C. C. (1986). Self‐
change of psychological distress : Laypersons’ vs. Psychologists’
coping strategies. Journal of Clinical Psychology, 42(5), 834‑840.
https://doi.org/10.1002/1097-4679(198609)42:5.
Norris V. & Rodwell H. (2017). Parenting with Theraplay© :
Understanding Attachment and How to Nurture a Closer
Relationship with Your Child. Jessica Kingsley Publishers.
Obegi, J. H., & Berant, E. (éd.). (2009). Attachment Theory and
Research in Clinical Work with Adults (Illustrated edition). The
Guilford Press.
O’Connor, M. F. (2001). On the etiology and effective management of
professional distress and impairment among psychologists.
Professional Psychology: Research and Practice, 32(4), 345.
https://doi.org/10.1037/0735-7028.32.4.345.
Ogden, P. (2021). The different impact of trauma and relational stress
on physiology, posture, and movement : Implications for treatment.
European Journal of Trauma & Dissociation, 5, 100172.
https://doi.org/10.1016/j.ejtd.2020.100172.
Ogden, P., & Fisher, J. (2015). Sensorimotor Psychotherapy.
Interventions for trauma and attachment. W. W. Norton &
Company.
Ogden, P., Pain, C., Minton, K., Siegel, D. J., & Kolk, B. van der.
(2006). Trauma and the Body : A Sensorimotor Approach to
Psychotherapy (Illustrated édition). W. W. Norton & Company.
Ornstein, R. O. (1997). The right mind. Making sense of the
hemispheres. Harcourt Brace.
O’Shea, M. K. (2009). The EMDR early trauma protocol. In R. Shapiro
(éd.), EMDR Solutions II : for depression, eating disorders,
performance and more. W. W. Norton & Company.
Pace, P. (2014). Pratiquer l’ICV. Dunod.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Pagani, M., DiLorenzo, G., Verardo, A. R., Nicolais, G., Monaco, L.,
Lauretti, G., Russo, R., Niolu, C., Ammaniti, M. F., I., & Siracusano,
A. (2012). Neurobiological correlates of EMDR monitoring – an
EEG study. PLoS ONE, 7(9), 1‑12.
https://doi.org/10.1371/journal.pone.0045753.
Paillard, C. & Champ-G. (2014). Vers une posture plus ajustée. In La
théorie de l’attachement au cœur des pratiques. Champ-G.
Palombo, J., Bendicsen, H. K., & Koch, B. J. (2009). Guide to
psychoanalytic developmental theories. Springer.
Parra, F. (2021). Évaluation de l’attachement chez l’adulte :
Présentation et utilisation des principaux outils utilisés
actuellement. In A. Guédeney, N. Guédeney, & S. Tereno,
L’Attachement : Approche théorique et évaluation (5ème, p.
331‑345). Elsevier Masson.
Pascal, B. (2018). La thérapie des schémas, principes et outils
pratiques. 2e éd. Masson Elsevier.
Pascual-Leone, A., & Greenberg, L. S. (2007). Emotional processing
in experiential therapy : Why « the only way out is through. »
Journal of Consulting and Clinical Psychology, 75(6), 875‑887.
https://doi.org/10.1037/0022-006X.75.6.875.
Pearson, J. L., Cohn, D. A., Cowan, P. A., & Cowan, C. P. (1994).
Earned- and continuous-security in adult attachment : Relation to
depressive symptomatology and parenting style. Development and
Psychopathology, 6(2), 359‑373.
https://doi.org/10.1017/S0954579400004636.
Pereira, J.-A., Barkham, M., Kellett, S. et S., & D. (2016). The Role of
Practitioner Resilience and Mindfulness in Effective Practice : A
Practice-Based Feasibility Study. Administration and Policy in
Mental Health and Mental Health Services, 44, 691‑704.
Perls, F., Goodman, P., & Hefferline, R. E. (1951). Gestalt-thérapie,
VF t. II. L’exprimerie.
Peterson, A. L., Foa, E. B., & Riggs, D. S. (2019). Prolonged exposure
Downloaded by 3.8.18.9.19
Psychopathology, 8, 59‑87.
https://doi.org/10.1017/S0954579400006970.
Schore, A. N. (2001a). The effects of early relational trauma on right
brain development, affect regulation, and infant mental health.
Infant Mental Health Journal, 22, 201‑269.
Schore, A. N. (2001b). The effects of relational trauma on right brain
development, affect regulation, and infant mental health. Infant
Mental Health Journal, 22, 201‑269. https://doi.org/10.1002/1097-
0355(200101/04)22:1.
Schore, A. N. (2003a). Affect Dysregulation and Disorders of the Self.
WW Norton & Company.
Schore, A. N. (2003b). La régulation affective et la réparation du Soi.
Éd du CIG.
Schore, A. N. (2009). The paradigm shift : The right brain and the
relational unconscious. In Invited plenary address to the American
Psychological Association 2009 Convention.
http://www.allanschore.com/pdf/SchoreAPAPlenaryFinal09.pdf.
Schore, A. N. (2012). The science of the art of psychotherapy. W.W.
Norton.
Schore, A. N. (2013). Regulation theory and the early assessment of
attachment and autistic spectrum disorders : A response to Voran’s
clinical case. Journal of Infant, Child, and Adolescent
Psychotherapy, 12, 164‑189.
Schore, A. N. (2021). Neurobiologie et neuroendocrinologie
développementales des garçons à risque. In J. Smith, Le Grand
Livre des 1000 premiers jours de vie (p. 125‑165). Dunod.
Schore, J. R. (2012). Using concepts from interpersonal neurobiology
in revisiting psychodynamic theory. Smith College Studies in Social
Work, 82, 90‑111. https://doi.org/10.1080/00377317.2012.644494.
Schore, J. R., & Schore, A. N. (2008). Modern attachment theory : The
central role of affect regulation in development and treatment.
Downloaded by 3.8.18.9.19
Dunod.
Smith, J., Janner Steffan, A., & Mann, L. (2019). La régulation des
émotions dans la famille. Dunod.
Smith, P. L., & Moss, S. B. (2009). Psychologist impairment : What is
it, how can it be prevented, and what can be done to address it?
Clinical Psychology: Science and Practice, 16(1), 1‑15.
https://doi.org/10.1111/j.1468-2850.2009.01137.x.
Solomon, J., & George, C. (1999). The place of disorganization in
attachment theory : Linking classic observations with contemporary
findings (J. Solomon & C. George, éd.). The Guilford Press.
Solomon, R. M., & Shapiro, F. (2008). EMDR and the adaptive
information processing model : Potential mechanisms of change.
Journal of EMDR Practice and Research, 2, (4), 315‑325.
Sparrer, I. (2004). Wunder, Lösung und System. Carl-Auer Verlag.
Pour la traduction anglaise. Solution Books.
Stern, D. (1989). Le monde interpersonnel du nourrisson. PUF.
Stern D. N. (1974). The Goal and Structure of the Mother-Infant
Play ». Journal of the American Academy Child Psychiatry, 13(3),
402‑421.
Stern, D. N., Hofer, L., Haft, W., & Dore, J. (1985). Affect attunement :
The sharing of feeling states between mother and infant by means
of inter-modal fluency. In Social perception in infants (p. 249‑268).
Storebø, O. J., Stoffers-Winterling, J. M., Völlm, B. A., Kongerslev, M.
T., Mattivi, J. T., Jørgensen, M. S., & Simonsen, E. (2020).
Psychological therapies for people with borderline personality
disorder. Cochrane Database of Systematic Reviews, 5.
Stovall-McClough, K. C., & Dozier, M. (2016). Attachment States of
Mind and Psychopathology in Adulthood. In J. Cassidy & P. R.
Shaver, Handbook of Attachment : Theory, Research, and Clinical
Applications (3e éd., p. 1308‑1351). Guilford Press.
Sullivan, H. S. (1953). The interpersonal theory of psychiatry. WW
Norton.
Downloaded by 3.8.18.9.19