L’Attachement en Psychothérapie de l’Adulte

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© Dunod, 2023

ISBN : 9782100864416

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Table des matières

Les auteurs 17

Préface 21
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Antoine et Nicole Guédeney

Introduction 27

PARTIE 1
L’ATTACHEMENT CHEZ L’ADULTE : REPÉRAGES
THÉORIQUES

1 Perspectives développementale et sociale de l’attachement adulte


37
Susana Tereno

Les modèles internes opérants de l’attachement (MIO) 37


La stabilité des MIO de l’attachement 39
L’attachement chez l’adulte, perspective développementale
40
Les différences individuelles 40
La distribution de différences individuelles dans la population 43
L’attachement chez l’adulte, perspective sociale 44
Le couple comme base sécure 46
Les différences individuelles dans l’attachement amoureux 47
Conclusion 49

2 Évaluation clinique de l’attachement chez l’adulte 51


Joanna Smith

La situation de psychothérapie est une situation attachement-


pertinente 51
L’attachement chez l’adulte : éléments cliniques à observer
53
Éléments rapportés par le patient 54
Manifestations au sein de la relation thérapeutique 56
La relation avec un patient activant son système d’attachement avec une intensité
appropriée 58
L’hyperactivation du système d’attachement 59
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La désactivation du système d’attachement 61


La désorganisation de l’attachement 63
Observer les systèmes indirectement liés à l’attachement : le
caregiving et l’exploration 64
Attachement et caregiving 64
Attachement et exploration 64
Conclusion 65

3 Implications de la théorie et de la recherche sur l’attachement pour la


psychothérapie de l’adulte 67
Jeremy Holmes

La théorie 67
La « situation étrange » et les styles d’attachement chez l’enfant 68
L’inconscient et l’attachement 70
Le principe de l’énergie libre 71
La mentalisation 73
La confiance épistémique 74
L’attachement dans la pratique thérapeutique 75
Le début de la thérapie : la dynamique de l’attachement dans le cabinet de
consultation 75
Le thérapeute comme base de sécurité 76
Discours et style d’attachement 77
La mentalisation clinique 79
Conclusion : de nouveaux paysages de sentiments et de
pensées 80

4 Le cerveau droit est dominant en psychothérapie 81


Allan Schore

Neurobiologie interpersonnelle de l’attachement : régulation


interactive et maturation du cerveau droit 83
Communications entre le cerveau droit et l’attachement au sein
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de l’alliance thérapeutique 86
Communications transférentielles et contre-transférentielles au
sein d’actes mutuels 92
Mécanismes relationnels du cerveau droit pour le changement
thérapeutique 97
Conclusion 102

5 Prise en charge des traumatismes complexes : apports de la théorie de


l’attachement et alliance thérapeutique 103
Joanna Smith

Définition du traumatisme complexe 104


Traumatisme complexe, dissociation, mémoire traumatique et
désorganisation de l’attachement 106
L’apport du concept d’alliance thérapeutique 107
Définition 107
Alliance thérapeutique et attachement 108
Alliance thérapeutique et synchronisation des rythmes biologiques 108
Attachement insécure et alliance thérapeutique : quelles
stratégies possibles ? 109
Principes généraux 109
Face à une hyperactivation de l’attachement 110
Face à une désactivation de l’attachement 111

Problèmes rencontrés lorsque l’attachement du patient est


désorganisé 112
Caractéristiques et évolution de l’attachement désorganisé 112
Impact de la désorganisation de l’attachement sur l’alliance thérapeutique 114

Comment sortir de l’impasse avec les patients désorganisés ?


116
L’accord sur les objectifs thérapeutiques 116
L’accord sur les tâches ou le processus 120
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La formation d’un lien émotionnel positif 122


L’importance de la co-construction de l’alliance 123

Conclusion 125

PARTIE 2
PSYCHOTHÉRAPIES INFORMÉES PAR L’ATTACHEMENT

6 Thérapie des schémas et théorie de l’attachement 131


Bernard Pascal

Thérapie des schémas et TCC : concepts 132


Les pensées automatiques 132
Les schémas 132
Les modes 133

Applications cliniques de la thérapie des schémas chez une


personnalité borderline 134
Conceptualisation 134
Méthode d’imagerie diagnostique 134
Réparation de l’attachement dysfonctionnel 136
Application de la thérapie des schémas à une personnalité
évitante 137
Application de l’imagerie diagnostique 138

Conclusion 139

7 Attachement insécure et Gestalt-thérapie du lien 141


Pierre Van Damme

Présentation de la Gestalt-thérapie du lien 142


Rappels sur la Gestalt-thérapie 142
Spécificités de la Gestalt-thérapie du lien 142
Les trois niveaux de la relation thérapeutique 143

Points de convergence entre la Gestalt-thérapie du lien et la


théorie de l’attachement 144
Une théorie du conflit interne 145
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Le primat du relationnel 145


Un développement en continu 146
Le changement face aux perturbations du lien 146

Du détachement au style d’attachement insécure évitant ou


détaché 147
Quelles pistes d’accompagnement face aux pathologies
d’attachement de type détaché ? 147
Étape 1 148
Étape 2 149
Étape 3 149
Étape 4 150
Étape 5 151

Conclusion : apprivoiser la proximité d’une figure


d’attachement 152

8 EMDR et attachement 155


Hélène Dellucci
La thérapie EMDR 155
Les blessures du lien, des traumatismes d’un ordre particulier
157
Le plan de traitement lorsqu’il y a une traumatisation du lien
158
La stabilisation neurovégétative 159
La stabilisation psychique 159
La stabilisation d’ordre relationnel 160
L’anamnèse 160
Cibler les liens d’attachement 161

Les empreintes précoces traumatiques 161


EMDR et attachement chez les enfants et les adolescents 163
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Aborder spécifiquement les blessures du lien 163


Améliorer la différenciation 165
Conclusion 166

PARTIE 3
PSYCHOTHÉRAPIES BASÉES SUR LA THÉORIE DE
L’ATTACHEMENT

9 Thérapie basée sur la mentalisation et théorie de l’attachement 171


Martin Debbané, Margaux Bouteloup et Mario Speranza

Confiance, confiance épistémique et mentalisation 173


Les thérapies basées sur la mentalisation (TBM) 175
Contexte, setting et focus thérapeutique 176
Domaines d’interventions 178

Vers un modèle de communication thérapeutique 183


Système de communication 1 : prise de contact avec une forme de
compréhension de soi 184
Système de communication 2 : la réémergence de la mentalisation 185
Système de communication 3 : généralisation de l’apprentissage social dans un
environnement plus large 185

Conclusion 186

10 Thérapie interpersonnelle (TIP) 187


Yann L’Hégaret

Historique des TIP 187


Mécanismes d’action 188
Modèle attachementiste de la prise en charge TIP 188
Modélisation TIP du lien interpersonnel190
Une psychothérapie centrée sur le présent 191
Une psychothérapie structurée 191
Quelles indications ? 192

Aspects cliniques : exemple de la dépression 192


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Phase 1 (4 séances) 192


Traitement TIP d’un homme consultant pour épisode dépressif chronique 195
Conclusion 202

11 L’intervention familiale de l’attachement multi-niveaux (FAMLI)


203
Susana Tereno

La Family Attachment Multi-Level Intervention (FAMLI) 203


Niveau 1 : l’évaluation, le premier pas de l’intervention 205
Niveau 2 : la chaîne de sécurité au cœur de la sécurité de
l’attachement 206
Niveau 2, module 1 : le thérapeute comme base de sécurité 207
Niveau 2, module 2 : la base de sécurité familiale 207
Niveau 2, module 3 : le couple comme base de sécurité familiale 208
Niveau 2, module 4 : caring for the caregiver 209

Niveau 3 : réparation émotionnelle des relations d’attachement


entre adultes 210
Niveau 4 : les comportements parentaux disruptifs 211
Niveau 4, module 1 : facteurs de vulnérabilité contextuelle du parent 212
Niveau 4, module 2 : diminution des comportements parentaux désorganisants
213
Niveau 5 : le comportement désorganisé et l’inversion de rôle
chez l’enfant 214
Niveau 5, module 1 : modèle d’inversion de rôle de type caregiving compulsif
214
Niveau 5, module 2 : modèle d’inversion de rôle de type contrôlant-punitif 215
Conclusion : considérations finales 218

PARTIE 4
THÉRAPIES VISANT À LA RÉPARATION DE
L’ATTACHEMENT
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12 Theraplay : un modèle de thérapie pour l’adulte 223


Virginie Vandenbroucke et Maëlle Hector

De la prise en charge de l’enfant à la prise en charge du parent


224
Le déroulé des séances Theraplay avec Benoît 225
Première séance avec Benoît et difficulté à se détendre 229
Deuxième séance : expérience progressive du lâcher-prise 232
Troisième séance et confiance nouvelle 234

Séance de clôture : Nathan et son père 236


Conclusion 238

13 La psychothérapie développementale dyadique (DDP) pour guérir


les traumatismes intergénérationnels 239
Dafna Lender

Objectifs et fonctionnement de la DDP 241


L’outil PACE de la DDP 241
Application clinique du PACE 242
Relations d’attachement 243
Mettre fin aux traumatismes intergénérationnels 246
Conclusion 248

14 Lifespan IntegrationTM (ICV) et réparation de l’attachement 249


Joanna Smith

Description du Lifespan IntegrationTM 250


Les protocoles de réparation 250
Les protocoles de construction 251

Aspects théoriques 251


Lifespan IntegrationTM et mémoire traumatique 252
Lifespan IntegrationTM et imagerie mentale 252
Lifespan IntegrationTM et expérience correctrice d’attachement
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253
L’expérience d’une relation sécurisante : l’accordage du thérapeute 253
L’expérience correctrice à travers l’imagerie mentale et le reparentage 260
Application auprès des enfants et de leurs parents 263

Lifespan Integration et attachement sécure acquis 263


Conclusion 264

15 La thérapie centrée sur les émotions (emotion-focused therapy)


265
Denise Schiffmann

Présentation de la TCE 265


La TCE pour les individus et l’attachement 269
Les émotions attachement-pertinentes 269
L’attachement et les principes relationnels de la TCE 270

La TCE et l’utilisation des tâches spécifiques 272


Les réponses empathiques 272
La tâche du dialogue avec la chaise vide 273
L’auto-parentage compassionnel 274
Comment le thérapeute TCE favorise-t-il la régulation chez le patient ? 275
Un cas d’attachement insécure et d’un abandon 276
Conclusion 281

16 TCE pour les couples et attachement 283


Catalina Woldarsky Meneses

Principe de base de la TCE pour les couples (TCE-C) 283


L’attachement dans la TCE-C 284
Les cycles interactifs négatifs 285
Cycles d’attachement 286
Les points clés de l’attachement en TCE-C 289
Conclusion 289
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17 La thérapie sensorimotrice pour les difficultés liées à l’attachement


291
Hanneke Kalisvaart

Contexte théorique 291


Les stratégies d’attachement et le corps 293
Psychothérapie sensorimotrice pour les problèmes liés à
l’attachement 294
Les états infantiles dans le corps 295
Une séance typique de psychothérapie sensorimotrice 296
Principes thérapeutiques 298
Traumatisme de l’enfance et stratégie d’adaptation 299
Recherche, formation et développements futurs de la
psychothérapie sensorimotrice 301
Conclusion 302

PARTIE 5
L’ATTACHEMENT, LE PSYCHOTHÉRAPEUTE ET LE
CAREGIVING

18 Pourquoi et comment être un thérapeute sécurisant ? 309


Joanna Smith

Définition du caregiving 309


Impact de l’attachement du caregiver sur la qualité de son caregiving 311
Aléas du caregiving : le caregiving compulsif et le caregiving contrôlant-soignant
311
Caractéristiques du caregiving sécurisant 312
Description du caregiving sécurisant 312
Les dysfonctionnements du caregiving 313
Caractéristiques des soins parentaux sécurisants selon Ainsworth 315
Caregiving du parent et caregiving du thérapeute : similitudes
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et différences 316
Applications à la psychothérapie des adultes 317
Prendre soin de son caregiving en tant que thérapeute 319
Caregiving et supervision 319
Impact de la thérapie du thérapeute sur son caregiving 320
Petit bilan sur vos bases de sécurité en tant que thérapeute 321
Votre superviseur est-il suffisamment sécurisant ? 322

Conclusion 322

19 Prendre soin de nous, soignants : caring for the caregiver 325


Pascale Brillon et Joanna Smith

La détresse professionnelle : trauma vicariant et fatigue de


compassion 326
Le trauma vicariant 326
La fatigue de compassion 327

Mieux comprendre la détresse professionnelle des soignants


328
Le processus de surcharge émotionnelle 328
Contamination d’une structure de peur post-traumatique 330
Mauvaise application des auto-soins 330
Événement précipitant fragilisant et conjugaison de facteurs de risque 331
Comment mieux prévenir le trauma vicariant et la fatigue de
compassion… 333
Conclusion 336

Conclusion 337

ANNEXES

Annexe 1. Feuille de route pour développer l’alliance thérapeutique


341
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Joanna Smith

Annexe 2. Fiche d’auto-supervision : qualité du caregiving du


thérapeute 343
Joanna Smith

Annexe 3. Ressources et lieux de formations 345


Formation approfondie à l’attachement 345
Formations aux approches thérapeutiques présentées dans
l’ouvrage 345

Remerciements 347

Références bibliographiques 349


Les auteurs

Sous la direction de :
● JOANNA SMITH

Psychologue clinicienne, psychothérapeute, chargée de cours à


l’Université, formatrice agréée en Lifespan Integration (ICV), Paris.

Les auteurs
● MARGAUX BOUTELOUP
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Psychologue, post-doctorante, coordinatrice RF-TBM à l’université de


Genève, maître de conférences à l’université de Franche-Comté.
● PASCALE BRILLON

Professeure et psychologue-psychothérapeute, professeure au


département de psychologie de l’université du Québec à Montréal,
directrice du laboratoire de recherche Trauma et Résilience,
rédactrice en chef de la revue Science et comportement et fondatrice
de l’Institut Alpha, elle se spécialise dans le traitement du stress et du
deuil post-traumatiques. Elle est aussi l’auteure d’un quatrième livre
consacré à la prévention de la fatigue de compassion et du trauma
vicariant : Entretenir ma vitalité d’aidant. Guide de prévention de la
fatigue de compassion et de la détresse professionnelle publié aux
Éditions de l’Homme, 2020.
● MARTIN DEBBANÉ

Professeur ordinaire à la faculté de psychologie et des sciences de


l’éducation à l’université de Genève, et professeur de
psychopathologie au University College London, psychothérapeute
formateur et superviseur en thérapies basées sur la mentalisation.
● HÉLÈNE DELLUCCI
Docteure en psychologie, psychothérapeute systémique fédérale,
formatrice EMDR et en psychotraumatologie, chargée de cours à
l’université de Lorraine et à l’université La Trobe (Australie). Exerce en
cabinet privé à Genève (Suisse) auprès de patients traumatisés
complexes et souffrant de troubles dissociatifs et leurs familles.
● ANTOINE GUÉDENEY

Professeur émérite de pédopsychiatrie, université Paris-Cité,


président honoraire de la World Association Infant for Mental Health
● NICOLE GUÉDENEY

Praticienne hospitalière honoraire, pédopsychiatre, retraitée, docteur


en sciences, fondatrice du DU « L’attachement : concepts et
applications thérapeutiques » à l’université Paris Cité.
● MAËLLE HECTOR
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Psychologue clinicienne en service de néonatalogie, dans le secteur


de la périnatalité (équipe NATUS) à l’hôpital Érasme au sein de
l’hôpital universitaire de Bruxelles (HUB) ; psychothérapeute pour
enfants, adolescents et adultes.
● JEREMY HOLMES

Professeur honoraire, School of Psychology, University of Exeter,


Royaume-Uni.
● HANNEKE KALISVAART

PhD, formatrice en thérapie sensorimotrice. Elle travaille également


en tant que thérapeute psychomotricienne et chercheur senior à
Altrecht psychosomatic medicine à Zeist (Pays-Bas).
● YANN L’HÉGARET

Psychiatre psychothérapeute (TIP, TCC, EMDR), formateur et


trésorier de l'IFTIP (Institut de formation en thérapie interpersonnelle).
● DAFNA LENDER

Travailleuse sociale clinicienne agréée, formatrice et superviseure


internationale auprès de praticiens exerçant avec des enfants et des
familles. Elle est formatrice et superviseure agréée en Theraplay et en
DDP, et thérapeute en EMDR. Elle est l’auteur de Integrative
Attachment Family Therapy et de Theraplay: the Practitioner’s Guide.
● BERNARD PASCAL

Psychiatre, psychothérapeute, directeur d’enseignement à l’Institut


français de thérapie des schémas, chargé d’enseignement aux
universités de Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand.
● DENISE SCHIFFMANN

Psychologue clinicienne, psychothérapeute, superviseur et formatrice


TCE formée et supervisée par le professeur Leslie Greenberg, elle a
introduit la TCE en France, forme et supervise les cliniciens depuis
plus de dix ans. Elle fonde l’Institut français de la thérapie centrée sur
les émotions et est chargée de cours à l’Institut de psychologie,
université Paris-Cité où elle présente la TCE auprès de futurs
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psychologues cliniciens.
● ALLAN SCHORE

Psychologue, chercheur en neuropsychologie, Clinical Faculty of the


Department of Psychiatry and Biobehavioral Sciences et UCLA David
Geffen School of Medicine, Fondateur du Right Brain Psychotherapy
Institute (États-Unis).
● MARIO SPERANZA

Psychiatre d’enfants et d’adolescents, chef de service au centre


hospitalier de Versailles, professeur à l’université Paris-Saclay
Versailles, praticien et formateur aux thérapies basées sur la
mentalisation.
● SUSANA TERENO

Professeure des Universités, département de psychologie, université


Rouen-Normandie (CRFDP 7475), Rouen.
● PIERRE VAN DAMME

Psychologue et Gestalt-thérapeute du lien. Docteur en psychologie


clinique. Cofondateur de CHAMP-G. Auteur de Liens précoces, liens
actuels, lien thérapeutique (2020) et de nombreux articles disponibles
sur Cairn.
● VIRGINIE VANDENBROUCKE

Psychologue clinicienne, accompagnante en haptonomie périnatale,


haptopsychothérapeute, psychothérapeute certifiée en Theraplay,
superviseur et formatrice en Theraplay.
● CATALINA WOLDARSKY MENESES

Docteur en psychologie clinique à l’université de York, sous la


direction de Leslie Greenberg. Superviseuse et formatrice reconnue
par la Société internationale pour la thérapie centrée sur les émotions
(IsEFT). Elle est née au Chili, elle a fait ses études au Canada. Elle
habite depuis dix ans en Suisse où elle travaille en cabinet privé, ainsi
qu’à l’université Webster à Genève.
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Préface

Antoine et Nicole Guédeney

savent que John Bowlby, le « découvreur » de


P
EU DE GENS
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l’attachement a été d’abord « pion », puis professeur dans un


établissement pour « enfants difficiles », comme on disait à l’époque,
pour « troubles du comportement », dirait-on aujourd’hui. Bien avant
de devenir psychiatre et psychanalyste, il a pu observer les liens entre
les troubles de ces enfants et de ces adolescents et leurs relations
familiales, les séparations et carences qu’il pouvait observer (Holmes,
2014). Bowlby est frappé par le lien entre ces antécédents familiaux et
le type de relation que l’enfant ou l’adolescent entretenait avec lui :
l’adolescent sombre et évitant, plein de colère rentrée, mais avide
d’attention, ou le jeune garçon carencé qui le suit comme son ombre.
Ainsi l’intérêt premier de Bowlby est-il d’abord pour la clinique, et pour
la compréhension de la psychopathologie, en lien avec les relations
parent-enfant.
Peu de gens savent que Bowlby a longtemps fréquenté la Well Baby
Clinic, la PMI proche de la Tavistock Clinic, où il observait et suivait
des mères et leurs jeunes enfants.
L’un de ses tout premiers travaux, comme directeur de la Tavistock
Clinic, à Londres, porte sur le comportement de vol chez l’enfant et
l’adolescent. En 1944, il publie dans l’International Journal of
Psychoanalysis, le journal de Freud, l’article sur « quarante-quatre
jeunes voleurs, leurs caractères et leur histoire familiale » (Bowlby,
2006). Il s’agit du premier article de la pédopsychiatrie moderne, avec
celui de Léo Kanner sur l’autisme infantile paru à peu près en même
temps, et publié dans La Psychiatrie de l’enfant, du fait de son
caractère actuel et novateur concernant la méthode de la recherche
clinique et la notion d’attachement. En effet, cet article de Bowlby
traite une question clinique, celle du vol chez l’enfant et ce, de
plusieurs points de vue : celui des troubles mentaux, tels que la
classification diagnostique de l’époque les reconnaissait, mais aussi
celui de la psychopathologie sous-jacente à ces symptômes ou à ces
troubles. Bowlby rassemble donc l’histoire et les caractéristiques de
personnalité de quarante-quatre jeunes voleurs et décrit combien ce
symptôme se retrouve dans des situations très diverses : enfant
normal et symptôme transitoire, pris dans le développement ; signe
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d’un trouble (anxiété, dépression, retard mental, psychose). Il reçoit,


en clinicien attentif, chacun de ces enfants et cherche d’abord à établir
une relation avec lui, puis il demande à une assistante sociale de
retracer l’histoire familiale, et leur fait passer des tests de niveau
intellectuel.
Bowlby isole ainsi un sous-groupe d’enfants qu’il appelle les
affectionless thieves, les « voleurs dépourvus d’affect », chez lesquels
les séparations précoces ont été multiples et durables, avec souvent
une exposition à la violence intrafamiliale. Et c’est le premier (et le
seul !) article publié dans l’International Journal of Psychoanalysis qui
fasse apparaître un test statistique, lequel montre que la différence
entre le groupe des « sans affect ou indifférents affectifs », et les
autres est statistiquement significative, sur cinq aspects :
1) les facteurs génétiques, antécédents familiaux de troubles
mentaux ;
2) les séparations prolongées mère/enfant ou un séjour en famille
d’accueil pendant les premières années ;
3) la fréquence des mères ambivalentes et anxieuses ;
4) la fréquence des pères qui haïssent ouvertement leurs enfants ;
5) la fréquence des événements traumatiques récents.
Toute la méthode de Bowlby est là : un fait clinique, examiné sous
divers angles, pour en préciser la psychopathologie, sans préjugé
théorique, avec une méthode de recherche et d’analyse rigoureuse.
On observe, on dégage un fait, on fait une hypothèse, on vérifie, et de
ces faits, on tire une théorie.
C’est un article capital du point de vue de l’histoire de l’attachement,
car Bowlby y découvre les applications cliniques de la théorie alors
encore dans les limbes. Les travaux récents confirment l’intuition de
Bowlby : l’attachement qu’on appelle « désorganisé », c’est-à-dire
sans style identifiable de recherche de sécurité, est l’un des éléments
importants de la psychopathologie des troubles des conduites. Et
Bowlby de noter :
« Il n’y a aucun “indifférent affectif” parmi les témoins, ce qui est une différence
significative. Nous présentons des données cliniques démontrant qu’une séparation
prolongée est une des causes principales de développement du caractère non affectif
(et délinquant) » (Bowlby, 2006, p. 124).
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La ligne directrice du travail de Bowlby et d’Ainsworth est donc bien


celle de la compréhension de la psychopathologie de l’enfant et de
l’adolescent, à la lumière des relations familiales.
L’intérêt de Bowlby pour la clinique et pour la thérapie ne s’est jamais
démenti. S’il a organisé un laboratoire à la Tavistock, c’est parce que
les kleiniens trustaient la thérapie et que la recherche n’avait aucun
sens pour eux. D’où les études menées avec les Robertson sur les
enfants en institution, par exemple ceux restés longtemps en
sanatorium, et sur l’observation des séparations précoces, dans les
films comme John à la nursery, et son contre-exemple, Lucy, qui sont
de véritables « recherches-action », et dont l’impact a très vite et
profondément modifié les pratiques dans les hôpitaux du Royaume-
Uni.
Chez nous, il a fallu attendre 1998 pour qu’une circulaire précise
qu’un jeune enfant malade devait pouvoir bénéficier de la présence
d’un parent auprès de lui nuit et jour, mais il est vrai que beaucoup
veulent encore croire que l’attachement ne soit qu’une théorie parmi
d’autres…
Bowlby, quant à lui, a toujours regretté que la recherche quantitative
ait pris le pas sur les applications cliniques et thérapeutiques. La
recherche quantitative et longitudinale, contrôlée, a été favorisée dans
le champ de l’attachement par le succès de la « situation étrange »
d’Ainsworth, relayé par celui de l’adult attachement interview de Mary
Main, qui vient tout juste de disparaître. Ces outils permettaient la
catégorisation de la sécurité de l’attachement et ont ouvert aux études
développementales longitudinales et à celles sur la transmission
intergénérationnelle. Mais elles ont mis à l’écart le fait que
l’attachement est un système de comportement qui est mieux décrit
de manière dimensionnelle que catégorielle, comme le fait le système
de Patricia Crittenden, l’autre thésarde de Mary Main, qui, elle, est
restée critique de la catégorisation des styles d’attachement chez
l’adulte issue de l’AAI et, de ce fait, a été laissée à l’écart par
l’establishment de l’attachement.
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Une raison du retard de l’application de la théorie de l’attachement à


la clinique de l’adulte a sans doute été le décalage de la théorisation
de l’attachement chez l’adulte en tant que processus
développemental, ce qui conduit à l’analyse développementale de
tous les systèmes comportementaux à l’âge adulte, et aux pathologies
qui s’y développent.
L’hypertrophie de la place des catégories de la strange situation au
détriment des dimensions, sécurité/insécurité,
organisation/désorganisation n’a pas simplifié la question clef du
rapport entre attachement désorganisé et traumatisme. Les catégories
issues de l’AAI sur « l’état d’esprit quant à l’attachement » ont eu, on
l’a vu, le même succès, avec une application de la catégorisation sur
le modèle de celles des enfants. L’intérêt porté quasi exclusivement à
l’AAI a ralenti l’exploration et la théorisation de l’attachement chez
l’adolescent et chez l’adulte en tant que processus développemental,
en s’attachant à catégoriser l’état d’esprit de l’attachement à partir de
la cohérence du discours. Parallèlement à la perspective
développementale initiale, on a ainsi vu se développer énormément le
courant dit psychosocial, qui cherche, et qui naturellement trouve des
corrélations entre questionnaires portant sur un style d’attachement et
un comportement social, amoureux en particulier. Bowlby intitulait son
dernier article, en 1988, dans l’American Journal of Psychiatry
« Developemental Psychiatry Comes of Age », c’est-à-dire
« l’avènement de la psychiatrie du développement » (Bowlby, 1988a),
dans lequel il montre que le développement psychologique procède
par différentes voies, et non pas par stades, et que ces voies de
développement s’écartent de la moyenne en fonction des accidents
de parcours, des traumatismes, des deuils et des séparations, mais
peuvent rejoindre la moyenne en fonction des rencontres positives,
affectives, pédagogiques ou thérapeutiques, ce que Boris Cyrulnik
nomme les « tuteurs de résilience ». Avec des auteurs comme Mario
Mikulincer, cet avènement de l’intégration de la notion de
développement dans la compréhension de la psychopathologie de
l’adulte commence tout juste à se produire, dans une tentative de
synthèse entre courant psychosocial et développemental (Mikulincer
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& Shaver, 2016b).


Cet intérêt pour la recherche basée sur l’observation clinique fait
retour actuellement dans l’intérêt porté à la dimension de l’exploration,
comme à celle de la régulation émotionnelle, ou aux rapports entre
systèmes d’attachement et systèmes de caregiving, de manière à
sortir des simples corrélations entre résultats aux échelles ou aux
tests et à la « situation étrange » ou à l’AAI et les traits de
personnalité ou le risque de psychopathologie. La recherche sur
l’attachement est ainsi devenue prisonnière du succès et de l’efficacité
de la « situation étrange » chez l’enfant et plus encore de l’AAI chez
l’adulte, qui promet un passage au niveau des représentations. Mais
le comportement et les représentations ne sont pas au même niveau
épistémologique : certes, le comportement de base de sécurité
s’observe, chez l’enfant comme chez les mammifères, mais un
modèle interne de travail n’est pas accessible directement ; dès lors,
les mêmes termes d’attachement, ou de figure d’attachement,
prennent des acceptions différentes.
Il faut, dès lors, revenir à l’observation clinique, à l’isolement de
dimensions et de catégories pertinentes, il faut s’intéresser aux
systèmes complémentaires de l’attachement, le caregiving et
l’exploration.
Pour l’application thérapeutique, il faut une théorie du « toujours
mystérieux déroulement de la psychopathologie », comme le dit Peter
Fonagy, et aussi une théorie des rapports entre le patient et le
thérapeute. Or, en matière de psychopathologie de l’enfant ou de
l’adulte, le modèle antérieur est celui de la pulsion. Son but initial était
de relier les troubles de la sexualité de l’adulte au développement de
la sexualité infantile et à ses avatars, la cure étant initialement le
mode unique de traitement. Bowlby propose un modèle alternatif,
basé sur l’observation des effets de la séparation précoce et de la
carence de soins, avec la séquence qu’il doit à Robertson, et qui
organise pour Bowlby l’essentiel de la psychopathologie liée à
l’expérience interpersonnelle.
C’est la seconde originalité du modèle de Bowlby et Ainsworth qui est
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d’être à la fois psychodynamique, développemental et interpersonnel.


Bowlby n’a jamais pu consacrer autant de temps qu’il l’aurait voulu à
la perspective préventive et thérapeutique liée à l’attachement. Mais le
Bowlby des années 1950 ne se sentait pas assez justifié à parler de
technique en psychothérapie, car il estimait qu’on ne pouvait pas dire
aux cliniciens comme faire une thérapie, tant qu’on n’en savait pas
plus de manière valide sur le fonctionnement psychique humain.
La trilogie de l’attachement — « peur, séparation, colère » — est ainsi
d’abord un manuel de psychopathologie, comprise comme l’ensemble
des modes adaptatifs et mal adaptatifs de défense contre la peur.
La partie sur les phobies donne un modèle alternatif de
compréhension des phobies de l’enfance et des phobies scolaires. Au
passage, Bowlby, utilisant les notes même de Freud, réanalyse le cas
du petit Hans, pierre angulaire de la psychanalyse d’enfant, et montre
que Freud néglige la relation très insécure et intrusive de Hans avec
sa mère, au profit de l’hypothèse d’une relation œdipienne avec le
père.
On trouve encore, dans la trilogie, le concept, si important en clinique
et en thérapie, d’attachement inversé, de caregiving compulsif. Et l’un
des plus beaux articles de Bowlby que nous connaissions est celui sur
« Ce que l’on n’est pas censé savoir ni ressentir », portant sur la vérité
dite ou cachée aux enfants à propos de la disparition d’un parent.
Et là, nous sommes au centre de la position de l’analyste, du
psychothérapeute. Ceci nous rappelle le débat ancien, en
psychanalyse, sur la position de l’analyste, entre freudiens, kleiniens
et lacaniens. Sacha Nacht, l’analyste de Serge Lebovici et de tant
d’autres, disait dans les années 1950 que l’analyste devait pouvoir
rendre justice à son patient, à la fin de l’analyse et lui donner son
opinion sur ce qu’il avait pu vivre réellement. C’était le même Nacht
qui disait qu’il fallait donner rendez-vous à un phobique du métro dans
le métro, une thérapie d’exposition que n’auraient pas renié les
comportementalistes.
C’est pourquoi le livre édité par Joanna Smith est à la fois bienvenu,
très à propos et très important. Il est écrit par une thérapeute
d’exception, qui a contribué à nous apporter le Lifespan Integration.
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Ce dont nous avons besoin, c’est de modalités thérapeutiques


valides, et qui s’adaptent aux différents contextes, faisant la preuve de
leur efficacité et de leur tolérance.
Avec une grande ouverture d’esprit, ce livre nous offre un panorama
de l’éventail des applications thérapeutiques de l’attachement, auquel
il ne manque rien : adulte et petit enfant, enfant et adolescent,
intervention brève ou prolongée, liens avec les traitements du trauma
(où l’on retrouve la succession historique de la suggestion, de la
psychanalyse, et de l’EMDR), prise en compte de la sexualité, liens
avec les thérapies comportementales, bénéfices de la ré-évocation du
vécu corporel.
Les concepts que la prise en compte de l’attachement renouvelle sont
ici tous traités : le traumatisme bien sûr, la désorganisation, la
dissociation, les « fantômes dans la chambre d’enfants » de Fraiberg
(Fraiberg, 1989), le caregiving, la constellation maternelle de Stern,
l’alliance de travail et la base de sécurité, fondement de la
supervision, le renouvellement de la notion de transfert, la
mentalisation, et bien d’autres.
En voyant ce livre Bowlby pourrait sans doute parler de « l’avènement
de la psychothérapie attachementale », et s’en réjouir.
Nous croyons que ce livre connaîtra un grand succès, et de
nombreuses rééditions.
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Introduction

l’impact des relations d’attachement, préverbales,


Q
UEL EST
infantiles et plus tardives, sur la psychopathologie adulte ?
Savez-vous que, d’après la recherche, les expériences précoces
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adverses d’attachement impactent des domaines aussi variés que la


régulation des émotions, les troubles anxieux, le TSPT simple et
complexe, les troubles dissociatifs, la résilience, les addictions, les
troubles du comportement alimentaire, les troubles de la personnalité
borderline et antisocial, la dépression, le deuil, la schizophrénie, les
relations amoureuses… (pour une synthèse sur le sujet, voir Gazon,
2021 ; Stovall-McClough & Dozier, 2016) ?
Ces thématiques sont des motifs de consultation fréquents, en libéral
comme à l’hôpital, et la théorie de l’attachement nous apporte à leur
sujet un nouvel éclairage et de nouvelles stratégies de prises en
charge d’une grande richesse.
En outre, la théorie de l’attachement, qui porte par définition sur les
toutes premières expériences de détresse et de demande d’aide
expérimentées par le patient, est très pertinente pour éclairer la nature
du lien patient-thérapeute et améliorer la qualité de l’alliance
thérapeutique, dont on connaît aujourd’hui l’importance cruciale pour
le succès d’une psychothérapie. La relation d’aide et la relation
thérapeutique sont des situations attachement-pertinentes (c’est-à-
dire où le système d’attachement est activé) et la lecture
attachementiste est donc judicieuse pour toute relation thérapeutique,
quel que soit le cadre théorique de référence ou la technique
employée (Guédeney & Atger, 2015).
Mais la théorie de l’attachement nous éclaire également sur le
caregiving du thérapeute : quels facteurs sont-ils susceptibles
d’influencer la qualité des soins que nous dispensons à nos patients,
et comment améliorer celle-ci grâce à la théorie de l’attachement ?
L’histoire d’attachement du thérapeute a-t-elle un impact sur sa
capacité à prendre soin de ses patients et à maintenir une bonne
santé émotionnelle au fil des années de travail ? Cet ouvrage se
propose de répondre à ces questions.
Il s’intéresse également à la manière dont il semble possible, grâce
notamment aux connaissances dont nous disposons aujourd’hui en
neurosciences, de réparer les blessures d’attachement dont souffrent
très souvent nos patients. Qu’il s’agisse d’attachement insécure ou
désorganisé, de blessures d’attachement anciennes, préverbales,
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infantiles, ou plus récentes, le présent ouvrage se propose de vous


présenter comment la théorie de l’attachement permet de faire en
sorte que la relation thérapeutique soit le lieu d’une réparation
d’attachement, et ce livre présente aussi plusieurs approches
proposant d’intégrer les expériences d’attachement traumatiques.
Le présent ouvrage illustre donc la diversité d’applications possibles
de la théorie de l’attachement à la psychothérapie de l’adulte : cette
théorie peut être un éclairage complémentaire à tout dispositif
thérapeutique, on peut alors parler de « thérapie éclairée par
l’attachement ou attachement-informée » ; si la théorie sous-jacente à
la psychothérapie est la théorie de l’attachement, on parlera plutôt de
« thérapie basée sur l’attachement » ; si la psychothérapie vise à
réparer l’attachement, on peut parler de « thérapie de l’attachement ».
Nous exposerons ces différents aspects.
Pour introduire le propos, commençons par aborder une question que
vous vous posez peut-être déjà : puisque la théorie de l’attachement
est si pertinente en psychothérapie de l’adulte, pourquoi a-t-elle mis si
longtemps à s’appliquer à ce domaine ?
Bowlby n’était pas un fervent praticien de la psychothérapie
individuelle (Holmes, 2001) et les premières décennies de
développement de la théorie de l’attachement ont nécessairement été
consacrées à l’étude de l’attachement chez le tout-petit et l’enfant,
puis les travaux se sont élargis à l’application chez l’adulte, en dehors
du contexte de la psychothérapie. La complexité de la définition de
l’attachement chez l’adulte et de son évaluation a sans doute rendu
longtemps difficile son application au contexte de la psychothérapie.
L’application de la théorie de l’attachement à l’adulte et à la
psychothérapie a donc été l’une des applications les plus tardives de
cette théorie. C’est finalement à partir des années 1990 que l’on voit
naître les premiers travaux portant sur la psychothérapie de l’adulte à
l’aide de la théorie de l’attachement (Dozier, 1990), puis à partir des
années 2000 que les premiers ouvrages paraissent sur le sujet nd
research: Implications for the theory and practice of individual
psychotherapy with adults","title-short":"Attachment theory and
research","author":[{"family":"Slade","given":"Arietta"}],"issued":{"date-
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parts":[["1999"]]}}},{"id":936,"uris":
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{"id":936,"type":"book","abstract":"This eloquent book translates
attachment theory and research into an innovative framework that
grounds adult psychotherapy in the facts of childhood development.
Advancing a model of treatment as transformation through
relationship, the author integrates attachment theory with
neuroscience, trauma studies, relational psychotherapy, and the
psychology of mindfulness. Vivid case material illustrates how
therapists can tailor interventions to fit the attachment needs of their
patients, thus helping them to generate the internalized secure base
for which their early relationships provided no foundation.
Demonstrating the clinical uses of a focus on nonverbal interaction,
the book describes powerful techniques for working with the emotional
responses and bodily experiences of patient and therapist
alike.","edition":"Reprint edition","language":"English","number-of-
pages":"383","publisher":"The Guilford
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Psychotherapy","author":[{"family":"Wallin","given":"David
J."}],"issued":{"date-parts":
[["2007",3,6]]}}}],"schema":"https://github.com/citation-style-
language/schema/raw/master/csl-citation.json"} (Bateman & Fonagy,
2004 ; Brown & Elliott, 2016 ; Holmes, 2001; Holmes & Slade, 2017 ;
Obegi & Berant, 2009 ; Slade, 1999 ; Wallin, 2007…).
Bowlby avait déjà tracé les grandes lignes de l’application de la
théorie de l’attachement à la psychothérapie chez l’adulte (Bowlby,
1988b). Bowlby décrit en effet cinq tâches thérapeutiques principales
pour le bon déroulement de la thérapie, c’est-à-dire pour favoriser une
exploration, par le patient, de ses modes de représentation de lui-
même et de ses figures d’attachement afin de les réévaluer et les
restructurer, à partir des nouvelles expériences relationnelles
effectuées en psychothérapie (Bowlby, 1988b). Ces cinq tâches sont :
● fournir au patient une base de sécurité à partir de laquelle il peut
explorer ; dans cette tâche le thérapeute accompagne le patient en
tant qu’interlocuteur de confiance qui va fournir du soutien, des
encouragements, de la compassion et, parfois, de la guidance ;
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● soutenir l’exploration par le patient de ses relations actuelles et de


l’impact qu’ont sur elles ses propres attentes et représentations ;
● soutenir l’exploration par le patient de ce qui se joue dans la
relation thérapeutique, et de ce que cela révèle de ses attentes à
l’égard d’une figure d’attachement ;
● encourager le patient à comprendre en quoi ses attentes et
représentations actuelles sont liées à son histoire infantile,
notamment à la relation avec ses parents ;
● rendre le patient capable de reconnaître si les représentations qu’il
a de lui ou des autres sont appropriées ou non dans le présent afin
qu’il puisse s’en libérer si nécessaire.
Si le thérapeute doit jouer un rôle de « base de sécurité » pour son
patient, il sera utile de connaître les caractéristiques d’un caregiving
sécurisant chez une figure d’attachement :
« Du point de vue de la théorie de l’attachement, le travail du thérapeute est similaire,
même si plus difficile que, celui d’une mère avec son nourrisson […] La tâche de la
mère est plus facile que celle du thérapeute parce qu’elle n’a pas besoin de compenser
les défaillances d’autres figures d’attachement […] l’exploration des modèles internes
opérants antérieurs ne peut pas attendre qu’une base de sécurité soit établie ; en fait,
ces processus apparaissent de façon appariée » (Dozier & Tyrrell, 1998, p. 222, trad.
personnelle).
Pour conclure, rappelons que toute psychopathologie n’est bien sûr
pas liée à l’attachement. Néanmoins, tout être humain est doté d’un
système d’attachement et d’une histoire d’attachement susceptibles
d’affecter sa manière de demander de l’aide à un psychothérapeute et
de réagir en cas de stress. Il semble donc indispensable pour tout
thérapeute de savoir évaluer l’attachement de ses patients et repérer
les situations attachement-pertinentes, d’autant que la qualité de la
relation thérapeutique et de l’alliance entre patient et thérapeute est
des facteurs bien établis influençant l’évolution favorable du patient en
thérapie. Ceci est d’autant plus important que les expériences
fondatrices de l’attachement du patient ont eu lieu durant la période
des 1 000 premiers jours de vie, c’est-à-dire qu’elles ont été encodées
sous forme de mémoire explicite et ne sont pas accessibles en
mémoire explicite (narrative) (Brown & Elliott, 2016). Repérer l’effet de
cette période sur le fonctionnement du patient relève donc quasi
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exclusivement des compétences du thérapeute : le patient ne viendra


pas en thérapie en disant : « Je viens vous voir car j’ai des difficultés
relationnelles répétées, mon chef ne m’écoute pas, mes proches ne
font pas attention à moi, et je pense que c’est en lien avec la manière
dont ma mère ignorait systématiquement mes pleurs quand j’étais
bébé. »
L’exploration étant le pendant du système d’attachement, ce livre se
veut un soutien à l’exploration, un tremplin vers d’autres lectures ou
même vers un processus de formation permettant d’approfondir
certains aspects de l’application de la théorie de l’attachement à la
psychothérapie. Il n’exposera que peu les bases de la théorie de
l’attachement, qui sont accessibles ailleurs en français (notamment
les ouvrages incontournables de Guédeney, Guédeney et Tereno
(Guédeney et al., 2021a, 2021b) et, pour une formation approfondie,
le DU « L’Attachement : concepts et applications », de l’université de
Rouen, dirigé par Susana Tereno). Pour ce qui concerne la
psychothérapie de l’attachement chez l’enfant, un ouvrage est
disponible depuis quelques années chez Dunod, et connaît déjà sa
deuxième édition (Genet & Wallon, 2019).
C’est donc un honneur pour moi de diriger ce premier ouvrage
francophone portant sur les applications de la théorie de l’attachement
en psychothérapie de l’adulte, certainement le premier d’une longue
série sur le thème en français. J’espère que vous éprouverez autant
de plaisir que moi à découvrir les multiples applications de cette
théorie dans ce domaine, ainsi que les grands services qu’elle peut
nous rendre, notamment auprès des patients les plus difficiles. Je
vous souhaite une fructueuse exploration !
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Partie 1

L’attachement chez l’adulte :


repérages théoriques
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En quoi la théorie de l’attachement peut-elle être utile en


psychothérapie de l’adulte ? Que peut-elle nous aider à repérer ?
La théorie de l’attachement, en tant que théorie portant sur la manière
de chercher ou non de l’aide, est en réalité incontournable afin de
comprendre la manière dont le patient se comporte dans sa demande
d’aide, et en particulier afin de rendre accessibles à une
psychothérapie les patients qui ont été si blessés qu’ils ne peuvent
apparemment plus faire confiance. La théorie de l’attachement permet
d’éclairer l’alliance thérapeutique sous un jour nouveau, et de la
développer.
Chapitre 1

Perspectives développementale
et sociale de l’attachement
adulte
Susana Tereno

ANS CE CHAPITRE, nous aborderons les principales caractéristiques


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D de l’attachement des adultes, en commençant par présenter le


concept de « modèle interne opérant » et ses caractéristiques, notion
essentielle pour la compréhension de l’attachement chez l’adulte.
Dans un deuxième et troisième temps, les principales contributions de
deux lignes d’étude de l’attachement chez l’adulte seront
développées : celle des psychologues du développement, qui a
permis le passage de l’étude empirique de l’attachement du niveau
comportemental chez l’enfant au niveau représentationnel chez
l’adulte, et celle de la psychologie sociale, qui s’est centrée en
particulier sur l’étude de l’attachement dans les relations amoureuses.

LES MODÈLES INTERNES OPÉRANTS DE L’ATTACHEMENT


(MIO)
En se basant sur l’éthologie, Bowlby considère que les
comportements humains sous-tendus par des systèmes
comportementaux, dits aussi « systèmes motivationnels », organisent
les comportements autour d’un but précis. Chaque système est activé
par certaines situations bien identifiées et s’éteint dans des
circonstances tout aussi particulières. Par exemple, le système
d’alarme déclenche un nombre de réactions comportementales bien
précises visant à résoudre une situation de danger, et il s’éteint
lorsque la personne se trouve en sécurité. Les différents systèmes se
coordonnent également entre eux.
Inspiré de la théorie de traitement de l’information et des principes de
la théorie générale des systèmes, Bowlby considère le système
d’attachement comme organisé et intégré au sein de systèmes de
contrôle cognitif spécifiques : les représentations mentales (Bowlby,
1969b). Suivant l’idée de Younes (1964) et des écrits de Craik (1943),
l’auteur introduit le concept de internal working models (modèles
internes opérants ; MIO) de l’attachement.
Bowlby désigne avec ce concept les connaissances et les attentes de
l’enfant construites à partir des interactions répétées avec son
caregiver (i. e. celui qui prodigue des soins physiques et émotionnels),
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organisées intérieurement sous forme de « représentations


généralisées » du soi, de la figure d’attachement (FA) et de leur
relation.
Ces modèles permettent au sujet, non seulement de prendre des
décisions sur son comportement d’attachement à l’égard d’une figure
d’attachement particulière, mais aussi d’anticiper l’avenir et de
planifier, ce qui lui permet de fonctionner de manière plus efficace
(Bowlby, 1969b). Les MIO font partie intégrante des systèmes
comportementaux et jouent un rôle actif dans l’orientation du
comportement de l’individu tout au long de la vie (Bowlby, 1980).
Selon Bretherthon (Bretherton, 1985 ; Bretherton et al., 1990), les MIO
sont des représentations mentales qui incluent des composantes
affectives et cognitives et qui sont à l’origine de représentations
généralisées d’événements liés à l’attachement. Ce sont des modèles
internes de relations, qui fournissent des règles et des systèmes de
règles pour guider le comportement de l’individu et son évaluation de
l’expérience. Ces règles se reflètent dans l’organisation de la pensée
et du langage, directement ou indirectement liés à l’attachement.
Beaucoup d’entre elles sont inconscientes et guident et organisent
l’attention et la mémoire, permettant ou limitant l’accès de l’individu à
certains types de connaissances sur le soi et la figure d’attachement
(Main et al., 1985a). En d’autres termes, les MIO sont désignés
comme une abstraction de la mémoire interne, des connaissances, de
l’expérience et des affects, organisés dans un ensemble cohérent, à
travers lequel l’information pertinente à l’attachement est filtrée,
orientant et influençant par là les évaluations et les actions du sujet
(West & Sheldon-Keller, 1994).
Une fois formés, ces modèles ont une existence au-delà de la
conscience et une propension à la stabilité (Bowlby, 1980). C’est à
travers les MIO du soi et des autres que les relations d’attachement
précédentes forment un prototype pour les relations d’attachements
futures. Les MIO, s’ils montrent une forte propension à la stabilité, ne
sont cependant pas conçus comme statiques — ce sont des
processus structurés, bien que dynamiques, utilisés pour obtenir ou
limiter l’accès à l’information (Main et al., 1985a).
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▶ La stabilité des MIO de l’attachement

Les théories représentationnelles des événements sont des outils


utiles pour réfléchir sur la stabilité et le changement des
représentations : dès qu’un schéma est formé, il guide le traitement de
l’information reçue. La stabilité et l’efficacité du traitement
événementiel sont cependant obtenues au prix d’une
hypersimplification. Les personnes seront contraintes d’adapter les
modèles opérants à une nouvelle réalité, uniquement quand l’absence
de correspondance entre l’ancien et le nouveau devient très évidente.
Une certaine distorsion des nouvelles informations, au service de la
simplification adaptative, est ainsi et normale et inévitable (Bretherton
et al., 1990).
Bien qu’il ait été démontré empiriquement que la qualité de
l’attachement précoce parent-enfant peut avoir une tendance
significative et substantielle à demeurer stable au fil du temps (Waters
et al., 2002), comme Bowlby (1973) l’a prédit, ce changement est non
seulement possible, mais il est fortement associé à la présence
d’événements de vie significatifs, positifs ou négatifs (Thompson,
1999, 2000; Weinfield et al., 1999). Dans le cas des représentations et
des patterns d’attachement de l’enfant, quelques altérations peuvent
se produire, mais seulement s’il y a un changement correspondant
dans la qualité des interactions parent-enfant (Bowlby, 1969b). Après
l’adolescence, lorsque la pensée formelle est possible (Piaget, 1936),
la capacité d’opérer des mécanismes métacognitifs permet aux
individus de réfléchir sur leurs expériences d’attachement passées.
Cela exige un effort conscient qui conduit à la création de nouvelles
structures et de nouveaux comportements dans ce processus d’auto-
organisation (Capra, 1997). Ceci est possible parce que ces
opérations permettent à l’individu de penser, c’est-à-dire, de « sortir »
d’un certain système relationnel et de le voir fonctionner (Piaget,
1936) via le développement desdites compétences métacognitives.
Pourtant, Bowlby a émis l’hypothèse que la révision des patterns
d’attachement pourrait aussi se produire plus tard dans la vie, par
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l’influence de nouvelles relations émotionnelles (c’est-à-dire d’un autre


type de changement dans l’environnement des soins) et aidés par le
développement de la pensée opérationnelle formelle. Cette
combinaison permettrait à l’individu de réfléchir et de réinterpréter le
sens des expériences passées et présentes mais aussi de les intégrer
dans une représentation mentale reformulée dans son système
d’attachement (Crowell & Treboux, 2001). Des occasions
relationnelles correctrices, émotionnellement significatives, amènent
au bout du compte à une organisation d’attachement « sécure-
acquise » dans laquelle certains individus surmontent leurs histoires
familiales négatives et interrompent une trajectoire individuelle moins
favorable (Pearson, 1994). Infra, nous réfléchirons plus en détail sur
les processus de sécurité acquise, sur le rôle des relations
amoureuses, ainsi que sur leur importance pour la reformulation des
modèles opérants d’attachement de l’individu, puisque ces questions
sont bien sûr cruciales en psychothérapie chez l’adulte.

L’ATTACHEMENT CHEZ L’ADULTE, PERSPECTIVE


DÉVELOPPEMENTALE
Jusqu’aux années 1980, l’étude empirique de l’attachement chez les
adultes a fait face à plusieurs obstacles, particulièrement en raison de
l’absence de mesures d’évaluation adéquates pour cet âge. Ce n’est
qu’avec la contribution de Mary Main, et l’élaboration de l’Adult
Attachement Interview (l’Entretien d’attachement des adultes) — AAI,
en 1985, que l’évaluation de l’attachement chez les adultes devient
possible, permettant un changement d’orientation des études, qui
passent du niveau comportemental au niveau représentationnel.
Après cette période, les mesures psychosociales de l’attachement
commencent à abonder et les chercheurs en psychologie sociale et
de la personnalité tentent d’identifier les domaines, les relations et les
contextes liés au système d’attachement chez les adultes (Bernier &
Dozier, 2002). Concentrant leur travail sur les relations actuelles entre
adultes, cette ligne de recherche vise à contribuer à une
compréhension des expériences relationnelles actuelles de l’adulte,
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plus précisément à l’égard des figures conjugales ou par rapport aux


pairs. Les principales contributions de ces auteurs étant examinées
dans un segment ultérieur, regardons dans un premier temps
comment les psychologues du développement ont identifié et
caractérisé les différences individuelles de l’attachement chez les
sujets adultes.

▶ Les différences individuelles

La capacité à incorporer différents éléments du fonctionnement


mental, y compris la mémoire autobiographique et la communication
sociale, peut être considérée comme un processus fondamental
d’intégration, par lequel l’esprit crée une cohérence entre leurs
différents états et processus mentaux (Siegel, 2001).
Indépendamment du fait que de nombreux adultes ont des
expériences avec leurs figures d’attachement qui sont dissemblables
entre elles, une classification générique unifiée de la « représentation
mentale d’attachement » peut être identifiée dans chaque transcription
verbatim de l’AAI (Main & Goldwyn, 1984). Le terme « état d’esprit
quant à l’attachement », mesuré par l’AAI, désigne alors un état
mental d’organisation du soi, temporairement stable (Benoit et al.,
1992 ; Crowell et al., 1992 ; Greenberg et al., 1997 ; Main et al.,
1985). Il se réfère à un état transitoire, mais il est décrit comme une
caractéristique auto-définissante du soi, ou un trait, formés à partir
des expériences répétées avec la figure d’attachement (Siegel, 2001).
D’un point de vue représentatif, Main et al. (1985) définissent la
« sécurité » de l’attachement comme la capacité des sujets à accéder
aux informations relatives à l’attachement et la possibilité d’y intégrer
systématiquement leurs expériences personnelles en termes soit
d’aspects positifs et négatifs, soit de dimensions cognitives et
émotionnelles. L’attachement « insécure » est défini par l’absence de
cette capacité d’intégration, qui peut se produire le long de l’AAI à
plusieurs niveaux :
1) par des contradictions entre les épisodes décrits (mémoire
épisodique) et les évaluations ou opinions concernant la relation
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générale avec la figure parentale (mémoire sémantique) ;


2) par des fluctuations répétées entre les points de vue positifs et
négatifs ;
3) par l’extrême négativisme et dévalorisation des parents, ou alors
par leur idéalisation, sans justification valable ;
4) par le refus ou l’incapacité à rester sur le thème de l’entretien ;
5) par une difficulté marquée d’évocation des souvenirs ;
6) par une hyperactivation ou une désactivation émotionnelle.
Un examen minutieux et exhaustif du texte des entretiens de l’étude
pionnière de Main et al. (1985) a révélé quatre modèles classables de
réponse reflétant les différences entre les représentations
d’attachement des individus adultes :
● Les entretiens des individus présentant une organisation
sécure/autonome (free – F) sont caractérisés par un discours
cohérent et collaboratif, maintenu pendant la description et
l’évaluation des expériences liées à l’attachement, qu’elles soient
décrites comme favorables ou défavorables. Nous pouvons
distinguer deux types de sécurité : la sécurité continue (ou
développementale) et la sécurité acquise (Pearson et al., 1994).
Bien que les personnes classées dans la première sous-catégorie
décrivent des relations d’attachement sécures dès la petite enfance
et continuent d’avoir des MIO sécures actuels, les autres signalent
des expériences précoces défavorables ou difficiles avec les
parents. Les deux semblent valoriser l’attachement et être
suffisamment objectives en ce qui concerne chaque expérience ou
relation en particulier. Toutefois, les trajectoires de la sécurité
acquise semblent indiquer qu’une personne, par rapport à laquelle
il serait attendu, dans le développement, un attachement insécure,
a obtenu en alternative l’accès à une trajectoire de sécurité (Hesse,
1999 ; Hesse & Main, 1999). Ceci ouvre bien sûr des perspectives
intéressantes en termes de changement également en
psychothérapie.
● Dans l’organisation détachée (dismissing – D), les individus
présentent des descriptions positives et normalisantes, voire
idéalisés, des figures parentales qui ne sont pas soutenues ou qui
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sont contredites par des souvenirs spécifiques, entraînant un


discours incohérent. Les entretiens sont courts, avec un manque
d’accès aux souvenirs épisodiques et les expériences négatives
sont sous-estimées quant à leurs effets sur le développement de
l’individu.
● Les sujets présentant une organisation préoccupée-enchevêtrée
(enmeshed – E), ils manifestent une préoccupation exacerbée pour
leurs expériences relationnelles, de la colère, de la peur, sont
confus, passifs et surmenés. Les entretiens sont longs, avec des
réponses sans pertinence et des énoncés vagues ou enchevêtrés,
façonnant un discours incohérent.
● Dans le cas de l’organisation non résolue/désorganisée
(unresolved – U), nous pouvons observer que, tout au long de la
discussion sur les thèmes de la perte ou de l’abus, les sujets
montrent des lapsus de la pensée ou du récit. Par exemple, ils
peuvent parler d’une personne morte comme si elle était encore en
vie, ils peuvent garder le silence ou utiliser un discours
excessivement élogieux. Cette catégorie peut être additionnelle aux
catégories précédentes (F, D et E).
● Enfin, une dernière catégorie, intitulée « ne peut pas être classé »
(cannot classify – CC) a été décrite, dans laquelle sont inclus les
individus qui ne peuvent être classés dans aucune des
organisations mentionnées ci-dessus. Ces sujets présentent un
mélange de représentations mentales inhabituelles, et il est difficile
de leur attribuer une stratégie organisée évidente (Hesse, 1996).

▶ La distribution de différences individuelles dans la population

En ce qui concerne la répartition des sujets dans ces différentes


catégories dans différents types de populations, d’après une analyse
de trente-trois études utilisant l’AAI, van Ijzendoorn et Bakermans-
Kranenburg (1996) ont constaté que :
a) Chez les mères d’échantillons non cliniques (n = 487), 55 % ont été
classées comme sécures, 16 % comme détachées, 9 % comme
préoccupées et 19 % comme non résolues.
b) Chez les pères d’échantillons non cliniques (n = 286), 57 % sont
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sécures, 15 % détachés, 11 % préoccupés et 17 % présentent un


statut non résolu.
c) Dans le cas des échantillons non cliniques d’adolescents (n = 277)
et de jeunes adultes sans enfants (n = 225), 48 % sont classés
dans l’organisation sécure, 21 % dans l’organisation détachée,
12 % comme préoccupés et 20 % comme non résolus.
d) Relativement aux échantillons de faible niveau socio-économique,
les mères présentent une surreprésentation des classifications
détachées et non résolues et une sous-représentation de la
catégorie sécure/autonome : 39 % ont une organisation sécure,
25 % une organisation détachée, 8 % sont considérées comme
préoccupées et 28 % ont un statut non résolu.
e) Les échantillons cliniques, incluant des jeunes et des adultes
souffrant de troubles psychologiques et de parents et d’enfants en
difficulté (n = 411), ont montré une surreprésentation des
organisations insécures (détachée et préoccupée), ainsi qu’une
surreprésentation des classifications non résolue et préoccupée,
lorsque les quatre organisations d’attachement étaient utilisées (n
= 165).
f) Enfin, les échantillons composés de parents d’enfants ayant des
troubles psychologiques ont mis en évidence 14 % de parents
sécures, 41 % de détachés, et 45 % de préoccupés. Les
échantillons prélevés auprès des parents d’enfants hospitalisés
pour une maladie physique grave ou chronique ne diffèrent pas des
échantillons témoins, ce qui donne à penser que l’insécurité des
parents n’est associée qu’aux problèmes psychiques de leurs
enfants et non à des problèmes physiques.

Tableau 1.1. Tableau comparatif des études AAI


dans différentes populations.
Non
Sécures Détachés Préoccupés
Type d’échantillon résolus
% % %
%
19
Mères 55 16 9
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17
Pères 57 15 11
Non clinique
Adolescents
et jeunes sans 48 21 12 20
enfants
Faible niveau
socio- Mères 39 25 8 28
économique
Parents d’enfants
ayant des
Clinique 14 41 45 —
troubles
psychologiques

Après avoir exposé certaines des principales contributions des


psychologues du développement, nous aborderons désormais les
apports des chercheurs en psychologie sociale à l’étude de
l’attachement dans le contexte des relations amoureuses chez les
adultes.

L’ATTACHEMENT CHEZ L’ADULTE, PERSPECTIVE SOCIALE


La théorie de l’attachement a été proposée comme une « structure »
qui étudie les processus de careseeking (recherche de soin ou d’aide)
et de caregiving (fait de prendre soin) dans les relations intimes entre
adultes, en insistant sur le concept de « base sécure » (pour une
définition, voir le § Le couple comme base sécure) dans les relations
proches, et cela tout au long du cycle de vie (Collins & Feeney, 2000,
p. 200). À l’âge adulte, les éléments les plus importants des systèmes
de soutien social sont les relations affectives, en particulier celles qui
donnent à l’individu un « sentiment de sécurité » (West & Sheldon-
Keller, 1992). Le système d’attachement adulte est activé par des
stimuli environnementaux de danger, d’inconfort ou d’inconnu ;
inversement, le système d’attachement est désactivé par des
éléments tels que la sécurité, la protection ou l’aide reçue ; des
éléments qui opèrent entre un sujet en position vulnérable et un autre,
plus fort et plus sage, en position de caregiver. Le parallélisme entre
certaines relations adulte-adulte et celles entre adulte-enfant est clair :
ce sont des systèmes sociaux dans lesquels les partenaires font
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confiance à la disponibilité de l’autre et à sa réactivité sensible, et qui


organisent non seulement le système d’exploration, mais aussi un
grand nombre d’activités cognitives et émotionnelles dans différents
contextes sociaux (Crowell et al., 2002). La principale fonction de
l’attachement à l’âge adulte est alors celle de fournir une protection
contre le danger via le maintien d’une relation dyadique (Bowlby,
1969b ; Hinde, 1982).
Les adultes établissent plusieurs relations affectives pendant leurs
trajectoires de vie, qui peuvent ou non devenir des relations
d’attachement. West et al. (1987) définissent cinq critères qui
distinguent les relations d’attachement des adultes d’autres relations
sociales :
● la recherche de la proximité de la figure d’attachement (FA), dans
une situation stressante ;
● l’effet de base sécure (c’est-à-dire la proximité de la FA augmente
le sentiment de bien-être et diminue l’anxiété) ;
● la protestation contre la séparation (c’est-à-dire la séparation de la
FA ou la menace de séparation, déclenche des sentiments
désagréables et de l’anxiété) ;
● l’anticipation de la durée de la relation dans le futur ;
● la réciprocité (c’est-à-dire la personne qui a besoin d’une FA, est en
mesure, simultanément, de fonctionner comme FA à l’égard de son
partenaire). Les trois premières caractéristiques sont similaires
pour les enfants et les adultes, mais ils se distinguent quant aux
deux dernières.
En particulier, la notion de réciprocité contraste avec la notion de
complémentarité dans l’attachement infantile. Dans les relations
réciproques, un partenaire n’est pas perçu comme étant plus fort ou
plus compétent que l’autre, et les comportements de caregiving de
chaque membre du couple ne sont pas significativement distincts
entre eux (West & Sheldon-Keller, 1994).
L’attachement des adultes crée, de ce fait, une relation spéciale,
désignée base sécure, avec une autre personne, qui est perçue
comme étant disponible, réceptive et à qui nous pouvons nous
adresser pour obtenir un soutien émotionnel et instrumental. En ce
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sens, la disponibilité de la FA est nécessaire, mais sa capacité à


répondre aux besoins de l’autre est également centrale (West et al.,
1987). Henderson et al. (1980) ont souligné l’indépendance entre la
disponibilité de la FA et la perception que le partenaire en a. Enfin, les
caractéristiques individuelles (par exemple, une personnalité
introvertie, un attachement détaché ou désorganisé) peuvent
également rendre difficile l’utilisation, par le sujet, de ses relations
d’attachement disponibles, voire l’amener à une utilisation inefficace
de ces relations en période de stress (West et al., 1987).

▶ Le couple comme base sécure

Le terme « attachement sécure » (Waters et al., 2002) désigne


justement, à la fois, l’utilisation d’une base sécure dans différentes
situations et moments de la vie quotidienne, et la confiance dans la
disponibilité et la réactivité de la FA. Dans le contexte de relations de
base sécure optimale, un partenaire signale ses besoins de façon
claire et persistante jusqu’à ce qu’il obtienne une réponse, en
s’adressant directement à l’autre pour trouver de l’aide ou du soutien.
Le soutien reçu est réconfortant : l’adulte est capable de rétablir son
équilibre émotionnel et de revenir à une activité et une exploration
normales. En fournissant un soutien de base sécure, l’autre partenaire
est intéressé et ouvert à détecter les signaux, à reconnaître que le
partenaire a un besoin ou est en détresse, à interpréter correctement
son besoin et à lui donner une réponse appropriée dans un temps
correct. Pour qu’un partenariat amoureux se transforme en relation
d’attachement, il semble que les adultes ont besoin d’interactions
répétées et durables à type de base sécure (Crowell & Treboux,
2001).
Comme nous l’avons déjà mentionné, une différence majeure entre
les relations d’attachement adulte-adulte et les relations parent-enfant
est que le système de comportement d’attachement chez les adultes
est réciproque. En d’autres termes, l’utilisation de la base sécure et le
fait de prodiguer celle-ci doivent être, tous deux, observables chez les
adultes de façon alternative. Une autre différence essentielle est que,
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alors qu’une relation parent-enfant peut être considérée comme


nouvelle du point de vue de l’enfant, les deux adultes en partenariat
ont eu auparavant de nombreuses expériences liées à l’attachement.
L’intégration des expériences et représentations d’attachement
passées dans une nouvelle relation d’attachement est l’un des grands
défis pour les adultes et la nouvelle relation en développement.
Collins et Feeney (2000) ont élaboré une lecture de l’attachement qui
tient compte de la recherche et de la prestation de soins dans les
relations intimes, compte tenu d’un processus qui implique des
interactions dyadiques entre deux systèmes comportementaux
distincts : le careseeking et le caregiving. L’interaction entre ces deux
systèmes s’avère cruciale pour le développement de la confiance et
des sentiments de sécurité dans les relations intimes. Le
comportement de careseeking chez les adultes est considéré comme
une manifestation du système comportemental d’attachement (activé
par la détresse, le partenaire recherche du réconfort ou de l’aide). Le
sentiment de bien-être émotionnel est obtenu par une représentation
d’une FA accessible qui pourrait être utilisée, si nécessaire, comme
un refuge.
Collins et Sroufe (1999) ont, de leur côté, particulièrement travaillé sur
le concept « d’intimité psychique ». Ils rappellent la façon dont
l’intimité devient incroyablement importante pour la compétence
sociale pendant la préadolescence et l’adolescence, puisque la tâche
de développement primaire de cette période est de former des
relations étroites et mutuelles. Ils définissent « l’intimité » comme un
processus interpersonnel dans lequel deux partenaires en interaction
expérimentent et expriment des sentiments, communiquent aux
niveaux verbal et non verbal, satisfont leurs intentions sociales,
parlent et apprennent sur eux-mêmes et leurs caractéristiques
uniques, devenant ainsi des proches. Selon ces auteurs, les
interactions émotionnelles étroites découlent non seulement de
comportements d’ouverture mutuelle, mais aussi de l’expérience de
se sentir compris, validé et d’être pris en charge par l’autre, qui
découle de tels comportements d’ouverture. Cependant, les adultes
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diffèrent entre eux dans la façon dont ils font face à la détresse et
régulent leurs sentiments de sécurité. Comme mentionné auparavant,
les différences individuelles dans les styles d’attachement peuvent
influencer la nature et la qualité des interactions de soutien entre
partenaires intimes. Comme nous allons le voir ci-après, ces
différences reflètent les modèles opérants de soi et des autres.

▶ Les différences individuelles dans l’attachement amoureux

En ce qui concerne la recherche sur la personnalité en psychologie


sociale, Hazan et Shaver (1987) ont été des pionniers en proposant la
relation amoureuse comme processus d’attachement. C’est-à-dire que
les amoureux adultes forment des liens affectifs analogues, à bien des
égards, à ceux qui se forment entre les enfants et leurs parents, qui
reflètent leurs modèles opérants de soi et des autres. Shaver et
Hazan (1993) suggèrent que la théorie de l’attachement de Bowlby
(1982) peut clarifier certains aspects de la relation amoureuse chez
les adolescents et les adultes, en particulier en ce qui concerne les
différences individuelles dans ce type de relation. Hazan et Shaver
(1987) suggèrent que les trois patterns d’attachement identifiés par
Ainsworth et al. (2015) — insécures évitants, insécures
ambivalents/résistants et sécures — existent encore à l’adolescence
et à l’âge adulte et peuvent être observés dans les relations
amoureuses.
Les adultes avec un style d’attachement sécure sont ceux qui trouvent
qu’il est relativement facile de faire confiance aux autres, de s’ouvrir
émotionnellement et de s’engager dans une relation intime à long
terme. Ceux qui ont un style anxieux (ou préoccupé) ne savent pas
s’ils sont aimés ou non, ou encore s’ils sont dignes d’amour et
susceptibles d’être protégés. Cette incertitude explique leur vigilance
excessive, leur recherche de réconfort, leurs protestations fréquentes
et leur jalousie. Ceux qui ont un style évitant (ou détaché) ont appris
que, pour se sentir relativement en sécurité, ils doivent compter
fortement sur eux-mêmes et ne pas chercher ouvertement à obtenir le
soutien d’un partenaire, même lorsque (surtout dans le cas des
enfants) un tel soutien est nécessaire à la survie et à un
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développement optimal (Schachner et al., 2003).


Bartholomew (Bartholomew, 1990, 1997 ; Bartholomew & Horowitz,
1991) a, à son tour, conceptualisé un modèle d’attachement chez
l’adulte, en considérant deux dimensions : un « modèle de soi » et un
« modèle des autres ». Chacune de ces dimensions peut être positive
ou négative ; en les combinant, l’auteure arrive à une classification en
quatre catégories : « sécure » (modèles positifs de soi et des autres),
« préoccupé » (modèle négatif de soi et modèle positif des autres),
« évitant » (modèle positif de soi et modèle négatif des autres) et
« craintif » (modèles négatifs de soi et des autres).
Il y a un débat continu sur la question de savoir si les styles
d’attachement sont caractéristiques de l’individu ou d’une relation
spécifique, mais cette question implique une dichotomie quelque peu
fausse. D’une part, les individus choisissent souvent des
environnements qui confirment leur vision du monde ; par conséquent,
la sécurité à un moment donné peut refléter à la fois la relation
actuelle et les tendances antérieures (Kirkpatrick & Shaver, 1992).
D’autre part, les cliniciens et les chercheurs conviennent que les
expériences relationnelles peuvent altérer les modèles opérants
existants (Rothebard & Shaver, 1994). Ces points soulignent la double
importance des caractéristiques des partenaires : ils peuvent soit
maintenir les modèles opérants existants, soit promouvoir le
changement, pour le meilleur ou pour le pire (Johnson & Best, 2002a).
Il est probable que ceci s’applique également au choix et à la relation
avec son psychothérapeute.
Dans cette ligne de pensée, Johnson et Best (2002a) soutiennent
qu’un partenaire peut effectivement atténuer les effets négatifs de
l’insécurité (Cohn et al., 1992) et favoriser le sentiment de sécurité du
couple. Lorsqu’un partenaire sécure encourage constamment
l’ouverture et l’expression mutuelle, le partenaire insécure peut
modifier les comportements inadaptés associés à son insécurité.
Cependant, un couple qui compte au moins un partenaire insécure
peut également éroder le sentiment de sécurité de l’autre partenaire.
L’insécurité d’une personne peut être perpétuée, voire exacerbée, par
les réponses de son partenaire, et même les personnes sécures
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peuvent devenir anxieuses au sujet de la perte et du rejet face à des


partenaires distants sur le plan émotionnel — par exemple, un
partenaire évitant peut inciter son partenaire sécure à se sentir et à
agir avec anxiété (Feeney, 2003 ; Hazan & Shaver, 1987) à son
égard. Par la répétition de ce type d’interactions, cette expérience
relationnelle insécurisante peut progressivement rendre la personne
insécure dans son modèle d’attachement.

CONCLUSION
La fonction de l’attachement — obtenir du soutien et de la sécurité —
demeure stable tout au long de la vie, bien que les mécanismes pour
atteindre cette fonction changent et se développent avec la maturité
(West et al., 1989 ; West & Sheldon-Keller, 1994). Ainsi, selon Bowlby
(1969b) et Hinde (1982), la fonction première de l’attachement chez
les adultes consiste à assurer une protection contre le danger en
maintenant une relation réciproque et en renforçant la relation avec un
adulte spécifique. Bien que la sécurité de l’enfance et celle de l’âge
adulte jouent toutes les deux un rôle important, la sécurité symétrique
mutuelle dans les relations entre partenaires adultes (conjugales ou
amicales), fondée principalement sur la communication verbale, doit
être différente de la sécurité asymétrique à sens unique dans le
système d’attachement préverbal ou procédural (Blom & Dijk, 2007).
L’intervention clinique basée sur l’attachement, en privilégiant l’usage
de la relation thérapeutique comme base sécure, s’inscrit dans cette
logique, créant une relation sécurisante correctrice qui, nous
l’espérons, puisse se généraliser aux autres relations
interpersonnelles du patient.
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Chapitre 2

Évaluation clinique de
l’attachement chez l’adulte

Joanna Smith

l’attachement, si complexe chez l’adulte, sans


C
OMMENT ÉVALUER
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passer par des outils de recherche ? En quoi évaluer


l’attachement chez l’adulte peut-il servir la psychothérapie ? Sur
quelles situations ou sur quels comportements le clinicien devrait-il
focaliser son attention pour évaluer cliniquement l’attachement ? En
complément au chapitre précédent décrivant l’attachement chez
l’adulte, nous nous attellerons, dans le présent chapitre, à répondre à
ces questions délicates mais cruciales.
Nous commencerons par décrire la notion de situation attachement-
pertinente en l’appliquant au domaine de la psychothérapie de
l’adulte, afin de définir quelles situations vont nous permettre de
repérer l’activation du système d’attachement du patient, pour décrire
ensuite les différents éléments cliniques possibles à observer, en
terminant par leur description selon que le patient hyperactive ou
désactive son système d’attachement dans la relation à son
thérapeute, ou encore dans le cas où son système d’attachement se
désorganise.
LA SITUATION DE PSYCHOTHÉRAPIE EST UNE SITUATION
ATTACHEMENT-PERTINENTE

Dans sa théorie, Bowlby (1969) s’appuie notamment sur l’éthologie, la


cybernétique et la psychologie cognitive pour définir le concept de
système motivationnel ou système comportemental comme la
manière dont les comportements humains sont organisés vers un but
précis et déclenchés par des situations spécifiques. Chaque système
comportemental est défini par ses déclencheurs, son objectif et les
comportements permettant d’atteindre son objectif, mais aussi par des
représentations, les personnes auxquelles il s’adresse et les réponses
qui désactivent le système.
Ainsi, on peut décrire, par exemple, le système comportemental
d’alarme (détection et résolution du danger) qui s’activera face à un
danger et s’éteindra lorsque la sécurité aura été retrouvée, le système
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comportemental du caregiving (venir en aide à un être en détresse), le


système affiliatif (relations amicales), le système de collaboration, le
système sexuel, et, bien sûr, le système d’attachement (liste non
exhaustive)… Tous ces systèmes motivationnels se sont développés
et maintenus d’une manière adaptée à l’évolution, dans un certain
type d’environnement, et ont permis la survie de notre espèce.
Le système d’attachement n’est donc pas constamment activé et il
n’est à l’origine que de certains comportements. En théorie de
l’attachement, la notion de situation attachement-pertinente
caractérise des situations où le système d’attachement est activé et
où la théorie de l’attachement peut être pertinente à appliquer pour
décrypter ce qui est observé. Il est donc important, afin d’évaluer
l’attachement d’un patient adulte, de savoir repérer non seulement les
différentes modalités d’expression du système d’attachement (sécure,
insécure évitant ou détaché, insécure anxieux-ambivalent ou
préoccupé, et la désorganisation du système d’attachement), mais
aussi, tout simplement, les circonstances attachement-pertinentes, où
l’activation du système d’attachement est susceptible d’être observée.
Le système comportemental d’attachement est activé dans les
situations de détresse, afin d’obtenir l’aide d’une personne plus forte,
plus sage (pour une description plus détaillée en français, voir
Guédeney & Darnaudéry, 2021). Il est donc raisonnable d’émettre
l’hypothèse que le système d’attachement sera activé lors d’une
demande de psychothérapie et, d’une manière générale, dans toute
forme de demande d’aide thérapeutique. Ceci ne signifie pas que le
thérapeute ou le soignant vont nécessairement devenir des figures
d’attachement, même si cela peut être le cas, notamment avec le
temps.
En revanche, cela signifie que le thérapeute est un donneur de soins
et, à ce titre, risque de déclencher les modèles internes opérants du
patient en référence aux soins qu’il a reçus antérieurement : ceci est
habituellement identifié, dans la terminologie classique, comme une
forme de transfert : le patient se comporte, dans le présent, d’une
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manière qui témoigne de ses attentes et représentations en lien avec


ses expériences relationnelles passées, notamment avec ses
parents/figures d’attachement. Il est très utile d’être sensibilisé à la
théorie de l’attachement afin de savoir repérer et interpréter utilement
ces informations, notamment pour savoir comment y répondre de
façon contre-complémentaire (Atger et al., 2021 ; Mallinckrodt et al.,
2009), ce qui n’est pas prévu dans les conceptions habituelles du
transfert. En effet, les stratégies contre-complémentaires « permettent
d’établir une distance optimale (rapport entre proximité et sécurité)
entre le thérapeute et le patient : il s’agit de celle que le patient
supporte tout en étant un tout petit peu différente de ce que jusque-là
il croyait supporter » (Atger et al., 2021, p. 251 ; pour plus de détails
sur les stratégies contre-complémentaires, voir le chapitre 5, p. 103).
En outre, au-delà de la première rencontre, d’autres moments de la
thérapie sont susceptibles d’accroître l’activation du système
d’attachement : les moments de séparation (congés) ou
d’indisponibilité du thérapeute et la fin de la thérapie notamment. Il
s’agit donc de moments privilégiés d’observation du système
d’attachement du patient, mais aussi de moments où une expérience
correctrice féconde peut avoir lieu, s’ils sont repérés et compris
comme tels par le thérapeute.
Nous allons donc maintenant nous pencher sur la manière dont le
thérapeute peut repérer que le système d’attachement du patient se
manifeste au cours de la pratique clinique.

L’ATTACHEMENT CHEZ L’ADULTE : ÉLÉMENTS CLINIQUES À


OBSERVER

Si son application à la psychothérapie de l’adulte a mis si longtemps à


se développer, c’est en particulier parce que la notion d’attachement
et de style d’attachement chez l’adulte est extrêmement complexe tout
autant qu’elle est difficile à mesurer. Le cerveau adulte est d’une
grande complexité et offre une plus grande diversité adaptative que
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celui de l’enfant ou du tout-petit, dont l’environnement, notamment


relationnel, est généralement moins varié. Évaluer le style
d’attachement d’un tout-petit à l’égard de l’une de ses figures
d’attachement est plus simple qu’évaluer l’attachement chez l’adulte,
comme nous l’avons vu au chapitre précédent, portant sur
l’attachement chez l’adulte. Penser l’adulte en termes de style
d’attachement est nécessairement réducteur et, s’il peut sembler
satisfaisant intellectuellement de « classer » ainsi les individus, cette
classification atteint vite ses limites dans la pratique clinique auprès
des adultes.
Nous allons donc procéder ici de manière pragmatique : maintenant
que nous avons identifié que la psychothérapie est une situation
attachement-pertinente, en particulier lors de la prise de contact et du
premier rendez-vous, lors des séparations et lors de la terminaison de
la thérapie, nous allons regrouper les éléments cliniques importants à
repérer chez le patient et au sein de l’interaction patient-thérapeute,
en parlant plutôt de « stratégie » que de style.
Nous diviserons ces éléments cliniques à observer selon deux
domaines : ce que le patient rapporte de lui-même de son histoire
passée et de ses figures d’attachement ; et la manière dont le patient
se comporte aujourd’hui, en particulier dans la régulation de ses
émotions et sa demande d’aide en situation de psychothérapie.
Ensuite, dans la dernière partie, nous reprendrons comment ces
différents éléments se manifestent selon que le patient présente une
hyperactivation, une désactivation voire une désorganisation de
l’attachement dans la relation thérapeutique. Mais d’abord, décrivons
notre grille d’observation (les caractéristiques des différentes
stratégies de cette grille seront décrites au § L’attachement chez
l’adulte : application clinique).

▶ Éléments rapportés par le patient

Le discours portant sur les figures d’attachement


L’Adult Attachment Interview met en évidence que l’incohérence du
récit autobiographique concernant les expériences d’attachement est
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un signe d’insécurité d’attachement. Cette incohérence peut par


exemple apparaître entre les qualificatifs employés par le patient
concernant ses figures d’attachement et les épisodes rapportés au
sujet de celles-ci. Le clinicien orienté par l’attachement va porter
autant d’attention aux adjectifs qualifiant les figures d’attachement,
qu’aux anecdotes (ou à l’absence de ces dernières) décrivant les
comportements des figures d’attachement du patient dans son
enfance, en particulier face à ses moments de détresse, et qu’à la
manière dont le patient raconte son histoire (cohérence du récit,
confusion, erreurs logiques, etc., survenant spécifiquement lorsque le
thème de l’attachement est convoqué) (Main et al., 1985 ; pour plus
de détails, voir le chapitre précédent). Par exemple, si le patient
raconte un épisode difficile de son enfance sans spécifier la réaction
de ses figures d’attachement de l’époque, il est utile, si possible, de
soulever cette question : « Quelle a été la réaction de vos parents ? »
ou encore : « En avez-vous parlé à vos parents à l’époque ? » et si
non : « Pourquoi pas ? » Néanmoins, bien souvent, nous manquerons
d’informations réalistes, par exemple parce que les figures
d’attachement sont idéalisées, ou parce qu’il y a une amnésie portant
sur une partie de l’enfance.
L’histoire du développement préverbal
La base de la construction de l’attachement du patient se déroule au
cours de la période préverbale, correspondant à la période de
développement cérébral des structures permettant la régulation des
émotions ultérieures. Les expériences de sécurité/réconfort exercent
donc une influence cruciale à cette période.
Nous pourrions donc considérer comme très important de retracer une
anamnèse détaillée de la période des 1 000 premiers jours de vie.
Pourtant, il convient ici d’être vigilant. En effet, le patient ne dispose
généralement que de très peu d’informations (pas toujours fiables) le
concernant à cette époque. Par ailleurs, le patient n’étant pas expert
des interactions parent-bébé, il ne mesure pas nécessairement quels
types d’interactions, répétées, peuvent générer de l’insécurité chez un
tout-petit et donc, quel type d’information serait pertinent. La
régulation émotionnelle étant très précaire au cours des 1 000
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premiers jours de vie (pour une synthèse, voir notamment Smith,


2021), un très jeune enfant est beaucoup plus vite débordé par les
expériences stressantes ou d’insécurité qu’il ne le sera plus tard. Des
violences dites « éducatives », banales aux yeux du patient devenu
adulte, peuvent avoir généré à l’époque un stress important et une
insécurité voire une désorganisation de l’attachement, surtout si elles
ont été régulières (être laissé à pleurer pour s’endormir, être forcé à
manger, être rebiffé dans ses demandes d’aide ou de réconfort, être
humilié ou moqué en cas d’échec ou de difficulté, être puni ou
menacé, être envoyé au coin ou enfermé dans sa chambre…). Ceci
est d’autant plus difficile à détecter pour le patient si ces violences
dites « éducatives » sont culturellement la norme (pour une
illustration, voir par exemple Cuerq, 2023). Le plus souvent, dans
notre expérience, ce n’est qu’au cours de la thérapie que le patient
comprend ce qui a été significatif pour lui au cours de cette période
précoce. Il peut difficilement nous le rapporter d’emblée.
Dans le cadre de l’anamnèse portant sur l’histoire préverbale, le
patient ne peut donc le plus souvent nous apporter que quelques
événements qui lui ont été rapportés et des informations factuelles,
comme ses éventuels problèmes de santé, déménagements,
séparations ou la naissance d’un puîné, par exemple. Il n’a souvent
aucune notion de la manière dont son environnement a répondu à ces
événements stressants éventuels ni dont il a été protégé ou réconforté
à ces occasions. Il est certes intéressant de noter la présence de tels
événements dans l’histoire préverbale du patient ; néanmoins,
rappelons-nous que ce n’est pas la présence d’événements adverses
qui a un impact cliniquement, mais le fait que ces derniers ne soient
pas intégrés, comme en témoignent les études sur l’AAI (Crittenden &
Landini, 2011 ; Main et al., 1985), et qu’il est possible que d’autres
événements plus silencieux aient eu au moins autant d’impact sans
que le patient puisse nous les rapporter, en particulier le style de
caregiving parental. Heureusement, nous pouvons avoir accès à ces
informations de manière indirecte, à partir de la façon qu’a le patient
de nous adresser sa demande d’aide et à partir de sa
symptomatologie. En effet, il est utile de garder ici en tête que le style
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d’attachement de l’enfant se construit en réponse au type de


parentage manifesté par son parent. Le style d’attachement est donc
révélateur de ce style parental. Ses manifestations adultes peuvent
également en être des signes. Nous allons maintenant les passer en
revue dans les grandes lignes.
Les deux points précédents, le discours portant sur les figures
d’attachement et l’histoire du développement préverbal,
habituellement utilisés en psychothérapie, ne sont en réalité que peu
informatifs au cours de l’anamnèse.
Considérer la psychothérapie comme une situation attachement-
pertinente, en particulier lors de la demande d’aide initiale, va être
beaucoup plus riche en informations non seulement sur les
expériences probables d’attachement antérieures du patient, mais
aussi sur la manière dont elles peuvent se manifester (peut-être de
façon sous-optimale) dans le présent.

▶ Manifestations au sein de la relation thérapeutique

Lorsque le patient est manifestement défensif ou en difficulté pour


demander de l’aide, s’il craint la psychothérapie, qu’il y est contraint
ou qu’il se sent facilement intrusé, alors mener l’anamnèse comme
décrit précédemment peut être contre-productif et braquer le patient,
au détriment de l’expérimentation d’une situation d’aide sécurisante. Il
peut être nécessaire de renoncer à l’anamnèse classique dans un
premier temps, au profit d’une observation minutieuse de la relation
avec le clinicien.
Nous envisagerons ci-dessous quatre domaines à évaluer : les
symptômes présentés, les caractéristiques du discours, la manière de
demander et recevoir notre aide et les expériences antérieures
d’attachement. Nous expliciterons les caractéristiques de chaque
stratégie sur ces quatre domaines au § L’attachement chez l’adulte :
application clinique.

Les symptômes présentés


Sans générer de certitudes bien sûr, certains symptômes sont
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évocateurs d’antécédents de difficultés en termes d’attachement.


Peut-être pensez-vous aux difficultés relationnelles, en particulier
dans le couple et si elles sont répétées ? Et sans doute avez-vous
raison. Néanmoins, les difficultés de régulation des émotions
correspondent, dans notre expérience, au motif de consultation le plus
fréquent devant nous faire penser à une histoire d’attachement
insécure, voire désorganisée. En effet, nos expériences précoces de
régulation de la peur par les figures d’attachement ont un impact
direct sur la manière dont nous développons la régulation de nos
émotions avec un impact sur les troubles anxieux et dépressifs et,
notamment, un risque accru de symptomatologie dissociative dans les
cas d’attachement désorganisé (pour une revue, voir notamment
Tereno, 2021).

Les caractéristiques du discours


Les études portant sur l’Adult Attachment Interview ont mis en
évidence que l’état d’esprit en termes d’attachement d’un adulte
impacte la qualité de son discours lorsque le thème de l’attachement
est convoqué (Crittenden & Landini, 2011 ; Hesse, 2016). Même si cet
impact sur le discours est difficile à repérer pour une personne non
formée à l’AAI, nous tenterons d’en décrire les différentes
caractéristiques globales afin de contribuer au repérage clinique.

Le rapport du patient à l’aide en psychothérapie et les modèles


internes opérants
Il s’agit ici de recueillir nos observations dès la prise de rendez-vous
(si possible) et le premier contact, portant sur la manière dont le
patient nous adresse sa demande d’aide, mais aussi dont il accepte,
ou non, l’aide proposée.

Les expériences antérieures d’attachement et les relations


actuelles
En complément, investiguer d’autres expériences d’aide reçue peut
être éclairant : comment le patient a-t-il vécu l’aide reçue par son
généraliste qui nous l’envoie ? Par un éventuel thérapeute
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précédent ? Comment s’est terminée la thérapie précédente ? Qu’est-


ce qui a pu être mal vécu dans la relation thérapeutique et est-ce que
cela a pu être dit au thérapeute de l’époque ? etc. (Atger et al., 2021)

L’attachement chez l’adulte : application clinique


Pour la description clinique, afin de rendre compte de la complexité de
l’attachement chez l’adulte, nous avons choisi de parler
d’« hyperactivation » (la stratégie de l’attachement anxieux-
ambivalent), de « désactivation » (la stratégie de l’attachement
évitant) ou de désorganisation du système d’attachement. Cette façon
de décrire les choses donnera, nous l’espérons, plus de souplesse au
clinicien pour repérer les tendances du patient selon ses
interlocuteurs, mais aussi selon les circonstances, y compris en
psychothérapie.

▶ La relation avec un patient activant son système


d’attachement avec une intensité appropriée
Nous n’accorderons que quelques lignes à la description de ce type
de patients : d’une part, parce qu’ils sont plutôt faciles à identifier, du
fait de leur aisance à demander de l’aide et à s’en saisir et, d’autre
part, parce qu’ils sont rares en psychothérapie et qu’ils consultent
généralement pour des troubles circonscrits et d’apparition assez
récente qui seront vite résolutifs (TSPT, difficultés à la suite
d’événements adverses récents dans le champ du travail ou de la
santé, par exemple). Ces patients parlent aisément de leurs
expériences d’attachement et d’une façon claire et cohérente. Ils sont
capables de remettre en cause leurs figures d’attachement de
manière réfléchie et en faisant preuve d’introspection. Ils peuvent
malgré tout avoir eu une histoire infantile ou préverbale difficile, mais
ces événements sont intégrés1 : ils arrivent à en parler de façon
cohérente, sans être ni déconnectés émotionnellement, ni
bouleversés. Lorsqu’ils demandent de l’aide, ils manifestent des
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attentes positives mais réalistes à l’égard de celle-ci et une gratitude


ou une frustration appropriées selon que l’aide a été fournie et
efficace ou non.
Décrivons désormais les deux types de stratégie en termes
d’attachement, et leurs manifestations : l’hyperactivation et la
désactivation du système d’attachement. Gardons en tête que la
plupart des patients vont être capables d’hyperactiver ou de
désactiver leur système d’attachement selon les circonstances et les
personnes auxquelles ils s’adressent, et qu’il s’agit donc de repérer
ces moments d’hyperactivation/désactivation, notamment dans le
contexte de la relation thérapeutique.

▶ L’hyperactivation du système d’attachement

Éléments rapportés par le patient concernant son histoire


d’attachement
Le parentage typiquement reçu par ces patients est caractérisé par
des parents répondant de façon inconsistante, ayant tendance à faire
plusieurs choses en même temps, désaccordés de façon prolongée,
répondant davantage aux états anxieux qu’aux autres états de leur
enfant. L’enfant a dû se suradapter à l’état émotionnel de son parent
(Brown & Elliott, 2016 ; Crittenden & Landini, 2011). Le parent peut
passer d’un comportement affectueux à de la négligence ; manifester
un caregiving intrusif davantage lié à ses besoins propres qu’à ceux
de l’enfant, une manière de s’occuper de l’enfant qui entretient sa
dépendance et le décourage de s’autonomiser, des commentaires
mettant l’accent sur l’impuissance, l’incompétence ou la faiblesse de
l’enfant dans ses tentatives d’autonomie. L’enfant peut également
avoir rencontré des situations traumatisantes lorsqu’il était séparé de
ses figures d’attachement (Mikulincer et al., 2009). L’hyperactivation
de l’attachement répond à un parentage imprévisible : « monter le
son » en termes d’appels de détresse permet d’augmenter les
chances de mobiliser le parent. Cliniquement, ces patients présentent
une vulnérabilité accrue aux symptômes anxieux, à la rumination, une
surévaluation du danger, des réactions intenses aux situations
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stressantes et des angoisses d’abandon (Mallinckrodt et al., 2009).


Ainsi, ces patients présentent souvent des difficultés de régulation des
émotions dans le sens de l’hyperactivation et une vulnérabilité à la
dépression anaclitique (Mikulincer & Shaver, 2016a).

Illustration clinique
Romain est né alors que ses parents n’étaient âgés que de 20 ans. Au fil de la thérapie,
il décrit des parents pouvant être tout à fait affectueux mais également indisponibles
car préoccupés par leurs études et ayant besoin de sortir avec leurs amis. C’est
lorsqu’il est malade qu’il reçoit les réponses les plus fiables de ses figures
d’attachement : sa mère l’accompagne lors des consultations spécialisées chez les
médecins et s’occupe de ses soins pour différentes pathologies qu’il développe :
asthme, eczéma, puis différentes blessures survenues dans le contexte d’activités
sportives. À 35 ans, Romain consulte en psychothérapie en raison d’attaques de
panique et d’anxiété de type hypochondriaque : il a appris, dans son système d’alerte,
que les problèmes de santé sont inquiétants, et dans son système d’attachement, que
s’hyperactiver à ce sujet permet de recevoir une réponse fiable, qui ne sera pas reçue
si l’intensité de la détresse manifestée est moins forte. De fait, dès la première semaine
de thérapie, Romain laisse un message téléphonique à son thérapeute en panique en
pleine nuit en raison de palpitations cardiaques (bénignes).

Caractéristiques du discours concernant l’attachement


Les patients préoccupés à l’AAI se plaignent davantage, rapportent
davantage de symptômes dans les dispositifs de recherche (Lopez,
2010). Leur discours manque fréquemment de cohérence, ils sont
préoccupés par leurs expériences d’attachement passées et peuvent
paraître en colère, passifs ou effrayés. Les phrases sont souvent
longues, vagues et grammaticalement alambiquées, rendant le propos
confus. Le patient peut faire des allusions à des événements non
connus par le professionnel, comme si ce dernier les connaissait
parfaitement, indiquant une mauvaise qualité de la différenciation soi-
autrui et des difficultés en termes de théorie de l’esprit (Crittenden &
Landini, 2011 ; Holmes, 2001). Leur figure d’attachement ayant été
imprévisible, ils ont de la difficulté à établir des liens de cause à effets
et ne savent typiquement pas quelles informations sont pertinentes à
apporter en thérapie : ils peuvent se noyer dans les détails
apparemment futiles ou se baser davantage sur leurs émotions
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(souvent complexes et intriquées) que sur la logique pour comprendre


les situations interpersonnelles (Crittenden & Landini, 2011).

Illustration clinique (suite)


Romain est prolixe à l’entretien, il rapporte de nombreuses anecdotes concernant son
enfance et ses parents, souvent avec de la colère. Il demande au thérapeute de les
critiquer aussi et de prendre parti, tout en ne le laissant pas vraiment parler.
Paradoxalement, il semble douter d’avoir des raisons objectives de se plaindre, même
lorsqu’il rapporte des épisodes de négligences manifestes. Il mêle les informations
concernant son passé à des récits d’épisodes du quotidien dans lesquels il semble se
noyer au détriment du travail thérapeutique.

Rapport à l’aide et MIO


Selon le modèle développé par Mikulincer et al. (2003), les patients
ayant une tendance à hyperactiver leur système d’attachement
présentent au sein de leurs MIO des croyances négatives quant à leur
capacité à faire face et s’attendent à ce qu’autrui ne soit pas fiable et
disponible de façon prévisible. Ils peuvent avoir tendance à faire
confiance trop vite et trop solliciter leur thérapeute par rapport à leurs
compétences (ils se comportent comme plus dépendants qu’ils ne
pourraient).
Illustration clinique (fin)
Le fait que Romain laisse un message à son thérapeute en pleine nuit dès la première
semaine de thérapie montre à la fois sa tendance à s’agripper mais surtout son
manque de confiance dans ses propres compétences à trouver une solution et à se
réguler émotionnellement (il sera finalement allé aux urgences qui l’ont rassuré).
Romain demande régulièrement des conseils à son thérapeute, il sollicite une relation
d’étayage dont il n’a pas vraiment besoin : il est tout à fait capable de résoudre des
problèmes très complexes, mais c’est au thérapeute de le lui faire progressivement
découvrir.

▶ La désactivation du système d’attachement

Éléments rapportés par le patient concernant son histoire


d’attachement
La stratégie de désactivation de l’attachement est une réponse à un
parent qui rejette la proximité physique et émotionnelle et les
tentatives de recherche de sécurité ou de réconfort de son enfant, qui
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ne parvient pas à s’accorder à ses affects négatifs et encourage les


comportements indépendants (à la différence des comportements
autonomes chez les enfants sécures). En réaction, ces patients ont
développé une faible remémoration de ces épisodes déplaisants et
peuvent même idéaliser leurs figures d’attachement (Lopez, 2010),
même si cela peut se faire à leur propre détriment (Crittenden &
Landini, 2011). Ils ont tendance à dissocier leurs affects négatifs et
peuvent se montrer méprisants ou distants dans les relations aux
autres, avec une peur de se dévoiler. Cliniquement, ils sont
vulnérables aux troubles d’externalisation comme les troubles des
conduites, la personnalité anti-sociale (Fonagy, 1999), mais aussi à la
dépression en lien avec leurs attentes narcissiques trop élevées
(Mikulincer & Shaver, 2016a).

Caractéristiques du discours concernant l’attachement


Les patients désactivant leur système d’attachement vont augmenter
leurs tendances narcissiques face à la menace portant sur
l’attachement et à éviter les interactions favorisant l’intimité et la
dépendance. Ils peuvent avoir tendance à être projectifs et percevoir
plus facilement que d’autres patients le thérapeute comme rejetant ou
jugeant, et expérimenter davantage de honte ou de sentiments
d’humiliation à se dévoiler (Mallinckrodt et al., 2009). Les entretiens
cliniques peuvent être plus courts qu’habituellement, voire vides, le
patient alimentant peu le processus et semblant peu demandeur.
Leurs figures d’attachement ayant été prévisibles dans le rejet de
leurs besoins d’attachement, ces patients ont surinvesti, comme
source d’information et base de leur comportement, la pensée et les
rapports de cause à effet au détriment des émotions (Crittenden &
Landini, 2011).
Leur discours tend à minimiser les expériences négatives avec leurs
figures d’attachement ou, lorsque ces expériences négatives sont
reconnues, leurs conséquences sont minimisées ou rationalisées
(« mes parents m’enfermaient dans ma chambre quand j’avais des
crises de colère, mais c’était pour mon bien » ; « mes parents ne me
faisaient pas de câlins, mais j’en suis pas mort ! »…) (Crittenden &
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Landini, 2011; Lopez, 2010).

Illustration clinique
Céline consulte sur les conseils de son coach car elle a de la difficulté à faire les
démarches de lancement de son entreprise. Son discours est plutôt déconnecté
émotionnellement, souvent en faux-self (mode « faire semblant », en thérapie basée
sur la mentalisation, voir le chapitre 9, p. 171). Des difficultés de l’enfance sont
rapportées tout en coexistant avec une idéalisation des parents, en particulier de la
mère qui semble pourtant avoir été très intrusive. Le discours est clairement incohérent
et le self est dénigré. Céline présente des ruminations négatives concernant ses
propres capacités qui l’entravent dans sa création d’entreprise, dans un contexte de
décompensation dépressive à la suite de son divorce.

Rapport à l’aide et MIO


Les patients évitants à l’AAI se plaignent moins que les autres et
rapportent moins de détresse dans les dispositifs de recherche
(Lopez, 2010). Ils ont tendance à vouloir se débrouiller seuls, à
dénigrer les relations d’attachement et consultent parfois très
longtemps après l’apparition des symptômes (souvent sur le conseil
d’un proche, d’un médecin, voire sur injonction d’un magistrat). En cas
de détresse, ils ne solliciteront pas leur thérapeute en dehors des
séances et peuvent avoir tendance à mettre fin à la thérapie dès que
leurs symptômes les plus invalidants sont améliorés, ou encore si
celle-ci se présente comme trop intense émotionnellement ou les
amène à se sentir trop dépendants. L’aide n’est pas perçue comme
dangereuse, mais comme inutile.

Illustration clinique (fin)


Le discours de Céline est pauvre, elle ne semble pas très motivée par la thérapie et ne
se remet que peu en question. Elle vient parce que son coach le lui a conseillé mais a
de la difficulté à demander de l’aide du fait de sa tendance à désactiver son système
d’attachement. Ceci a bien sûr un impact sur le caregiving du thérapeute qui va avoir
des difficultés à se mobiliser face à cette désactivation du système d’attachement de la
patiente2.

▶ La désorganisation de l’attachement

Chez l’adulte, la désorganisation de l’attachement semble


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correspondre à des moments aigus au cours desquels la


dysrégulation émotionnelle est telle, en lien avec des épisodes
attachement-pertinents non résolus, que l’aide est perçue comme
dangereuse.
Il s’agit donc de moments où le thérapeute peut être sollicité pour son
aide, tout en étant perçu comme un danger, ce qui amène le patient à
résister contre l’aide proposée (pour plus de détails à ce sujet et par
rapport à la stratégie thérapeutique dans ces situations, voir le
chapitre 5, p. 103).
Repérer la présence de moments de désorganisation de l’attachement
est à notre sens crucial pour l’évolution favorable de la psychothérapie
dans la mesure où ces moments de désorganisations peuvent
sérieusement mettre à mal l’alliance thérapeutique. Ils mettent
également le thérapeute à l’épreuve, dans la mesure où ils ont
tendance à déclencher des réactions contre-transférentielles
intenses : colère, rage, impuissance, hostilité, rejet, frustration… il
existe un risque de transfert négatif marqué notamment par des
flambées persécutives.
La demande d’aide est entravée par le fait que le patient perçoive
l’aide comme dangereuse, ce qui peut se manifester de différentes
manières : séances manquées, tour à tour dénigrement ou
idéalisation de la thérapie, demandes excessives et irréalistes,
effraction des limites, attaques du cadre (venir alcoolisé ou sous
l’influence de substances, imposer qu’un proche assiste à la
séance, etc.), passages à l’acte auto- ou hétéro-agressifs (Holmes &
Slade, 2017).
Cette désorganisation peut coexister avec des stratégies
d’hyperactivation ou de désactivation de l’attachement.

Illustration clinique
Paul appelle pour prendre rendez-vous pour une psychothérapie. Il présente sa
demande comme urgente, annonçant qu’il va se suicider s’il ne va pas mieux à la fin de
l’année 2021. Toutefois, lorsqu’un rendez-vous est proposé, l’horaire ou le lieu ne
conviennent jamais, et il refuse les consultations en visio-conférence. Lorsque le
thérapeute propose une réorientation vers un collègue susceptible d’avoir des
disponibilités plus compatibles, cela déclenche une crise de colère chez Paul qui
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accuse le thérapeute de vouloir l’abandonner, d’être lâche et « comme tous les


autres ». Il raccroche furieusement. Le caractère d’urgence de la demande initiale
active le caregiving du thérapeute de façon importante ; il s’agit probablement d’un
moment de grande activation du système d’attachement du patient. Cette activation
très forte rend le patient particulièrement sensible à détecter des signes ressemblant à
ses expériences antérieures d’attachement probablement traumatiques. La proposition
de réorientation déclenche les stratégies infantiles contrôlantes-punitives, typiques de
l’attachement désorganisé. Le triangle victime — sauveur — bourreau est activé (voir
Liotti, 1999 et le chapitre 5, p. 103).

OBSERVER LES SYSTÈMES INDIRECTEMENT LIÉS À


L’ATTACHEMENT : LE CAREGIVING ET L’EXPLORATION

L’observation d’autres systèmes motivationnels chez le patient peut


également nous fournir des informations utiles quant à son système
d’attachement.

▶ Attachement et caregiving3

Un patient préoccupé aura tendance à s’intéresser à la détresse


d’autrui, mais ne pourra pas toujours y répondre de façon adéquate,
en raison de ses difficultés de régulation émotionnelle et de son
manque de confiance en lui, ce dernier pouvant mettre à mal sa
capacité à incarner la position de quelqu’un de « plus fort et plus
sage » dont une personne en détresse a besoin. Il risque également
d’utiliser le fait de prendre soin d’autrui pour répondre à ses propres
besoins affectifs ou de dépendance inassouvis (Mikulincer & Shaver,
2016c).
Un patient évitant risque de présenter d’autres difficultés à prendre
soin d’autrui. Son inconfort face aux situations d’intimité
interpersonnelle et aux émotions peut l’amener à éviter les personnes
en détresse (Mikulincer & Shaver, 2016c). Mais il peut également
développer des stratégies de caregiving compulsif, dans lesquelles
prendre soin de l’autre correspond à la manière qu’il a développée
afin de garder la proximité de sa figure d’attachement tout en
n’exprimant pas ses propres besoins d’attachement (Crittenden &
Landini, 2011). Dans ce cas, son besoin compulsif de prendre soin de
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l’autre risque d’être contre-productif, car centré sur lui-même.

▶ Attachement et exploration

Lorsque l’attachement est hyperactivé, l’exploration est inhibée :


rester agrippé à la figure d’attachement a été la stratégie la plus
efficace face à une figure d’attachement au comportement
imprévisible, dont le comportement décourageait par ailleurs
l’exploration.
Lorsque l’attachement est désactivé, l’exploration a été encouragée
au contraire, mais il s’agit d’une exploration plus automatique et moins
« incarnée » que dans l’attachement sécure. Le patient a appris à
utiliser l’exploration pour détourner son attention de ses besoins
d’attachement inassouvis.

CONCLUSION
L’évaluation clinique présentée dans ce chapitre peut bien sûr être
complétée d’une évaluation par des outils (pour une revue des outils
disponibles en français, voir Parra, 2021). Si l’attachement est
complexe chez l’adulte, il vaut néanmoins la peine d’être observé et
pris en compte, notamment parce qu’il permet au thérapeute de mieux
s’ajuster au niveau de la relation thérapeutique et d’accroître ainsi
l’alliance thérapeutique si essentielle à l’évolution favorable de la
psychothérapie. L’observation clinique des différents points que nous
venons de décrire peut aussi faire l’objet d’échanges avec le patient,
et favoriser ainsi le remaniement de ses modèles internes opérants.
Ces échanges peuvent aider patient et thérapeute à comprendre en
quoi ces stratégies, problématiques aujourd’hui, ont pu être des
stratégies adaptées dans un contexte adverse ou suboptimal. Dans
notre expérience, cette manière de comprendre la psychopathologie
aide le patient à mieux se comprendre, à s’accepter davantage sans
se juger en voyant ce que ses difficultés actuelles disent de
l’environnement auquel il a dû s’adapter. Dans les différents chapitres
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portant sur les approches psychothérapeutiques du présent ouvrage,


les auteurs décrivent la manière dont ils procèdent pour appliquer la
grille de lecture de l’attachement dans l’approche présentée, ainsi que
les solutions proposées pour offrir au patient une expérience
correctrice et ce, de façon différente selon qu’il s’agisse d’une
psychothérapie éclairée par l’attachement, basée sur l’attachement ou
de l’attachement.

Notes
1. La notion d’intégration implique que le patient a su conserver les
informations utiles de l’expérience en rejetant les informations inutiles,
par rapport à la prévision du danger futur (Siegel, 1999).

2. Pour les détails des stratégies thérapeutiques à développer en


fonction des stratégies d’attachement du patient, voir notamment le
chapitre 5, p. 103.
3. Pour plus de détails sur le système du caregiving, notamment chez
les thérapeutes, se reporter au chapitre 18 du présent ouvrage
« Pourquoi et comment être un thérapeute sécurisant ? ».
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Chapitre 3

Implications de la théorie
et de la recherche sur
l’attachement
pour la psychothérapie de
l’adulte
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Jeremy Holmes

à la psychanalyse, John Bowlby n’a jamais été, de


B
IEN QUE FORMÉ
son propre aveu, un psychothérapeute individuel enthousiaste. Il
s’est toujours intéressé à l’élaboration de théories et à la recherche.
En tant que pédopsychiatre, il est toutefois considéré comme le
pionnier du travail direct avec les parents et leurs enfants, et donc
comme le précurseur de la thérapie familiale et de la psychothérapie
parent-nourrisson. Néanmoins, le paradigme de l’attachement offre
des implications théoriques et pratiques significatives pour la thérapie
individuelle avec les adultes. Ce chapitre se propose d’en donner un
aperçu et de les explorer.

LA THÉORIE
Le principal reproche de Bowlby à l’égard de la théorie et de la
formation psychanalytiques de son époque (années 1930-1960) était
leur négligence ou leur manque d’intérêt pour le rôle de
l’environnement dans la formation de la personnalité et de la
psychopathologie, ainsi que l’importance excessive accordée aux
facteurs innés tels que les pulsions et les mécanismes de défense
endogènes. Sur la base de ses études sur les « délinquants
juvéniles » masculins (comme on les appelait à l’époque), c’est-à-dire
les jeunes présentant des troubles du comportement, et sur les
réactions des jeunes enfants lorsqu’ils sont séparés de leurs parents,
que ce soit à la suite d’une hospitalisation ou des bouleversements de
la Seconde Guerre mondiale, lui et sa cofondatrice de la théorie de
l’attachement, Mary Ainsworth, ont considéré que les maladies
mentales de l’enfance résultaient d’un traumatisme environnemental,
qu’il s’agisse d’une séparation, d’une perte ou d’une éducation
parentale insensible (Holmes, 2013).
Plutôt que de conceptualiser l’enfant isolément, confronté à la
difficulté de surmonter le narcissisme et de négocier l’œdipe, la
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théorie de l’attachement postule que l’enfant est imbriqué dans des


relations dès la conception : physiologiquement avec la mère in utero ;
psychophysiologiquement après l’accouchement ; contextuellement
dans un ensemble spécifique de dynamiques familiales ;
ethniquement et économiquement au sein de la société dans laquelle
il se trouve. L’autonomie et le sens de l’unicité et de l’individualité
émergent de ce contexte dans la trajectoire de développement de
l’histoire de vie, et non l’inverse. Dans le canon de l’attachement, la
relation est primordiale.

▶ La « situation étrange » et les styles d’attachement chez


l’enfant

Dans cette optique, Bowlby et Ainsworth décrivent une « dynamique


d’attachement » psychobiologique déterminée par l’évolution — une
« pulsion » qui s’apparente à l’accent mis par la psychanalyse sur le
sexe et l’agressivité — dans laquelle, face au stress, à la maladie ou à
la menace, les êtres humains inhibent l’exploration et le jeu et
recherchent une figure « plus âgée et plus sage » ou une « base de
sécurité » jusqu’à ce que le danger soit écarté.
L’un des outils fondamentaux de la recherche sur l’attachement est la
« procédure de la situation étrange » (SSP), qui permet de classer les
réactions des enfants d’un an à un an et demi à la suite d’une brève
séparation d’avec la personne qui s’occupe d’eux, généralement la
mère. Cette procédure permet d’établir quatre catégories générales
de dispositions d’attachement : sécure, anxieux insécure, évitant
insécure et désorganisé insécure. Malgré la teneur implicitement
normative de ces étiquettes (dans le langage courant, il est
certainement « préférable » d’être « sécure » qu’« insécure »),
chacune représente une stratégie de vie adaptée aux circonstances
émotionnelles dans lesquelles se forme le contexte de développement
du nourrisson.
Du point de vue de l’attachement, la dyade enfant-parent est une
double unité homéostatique, le rôle du parent étant d’aider à réguler
les émotions de l’enfant, physiologiquement, gestuellement et
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verbalement. Les nourrissons sécures ont tendance à avoir des


parents sensibles, réceptifs et capables de considérer leurs enfants
comme dotés d’un esprit, de désirs et de projets qui leur sont propres,
c’est-à-dire de « mentaliser ». Ces parents et leurs enfants s’engagent
facilement dans des « cycles de réparation des ruptures » ; la
détresse est rapidement apaisée et le jeu indépendant reprend
rapidement. Les parents des nourrissons évitants ont tendance à tenir
leurs enfants à distance et à réagir négativement à leur détresse. La
stratégie de vie de ces enfants consiste donc à atténuer les émotions
afin de maintenir la proximité de leur base de sécurité. Dans le cas de
l’attachement anxieux, l’enfant est adhésif et sa détresse est difficile à
apaiser. Ses parents ont tendance à être quelque peu inconsistants ; il
s’accroche donc pour s’assurer de l’attention de ses parents.
L’attachement désorganisé se caractérise par des réactions bizarres à
la séparation et aux retrouvailles dans la « situation étrange » — ces
enfants peuvent se recroqueviller sur eux-mêmes, se taper
rythmiquement la tête ou sembler dissociés. Lors des retrouvailles
dans la « situation étrange », les parents de ces enfants ont tendance
à paraître « effondrés » ou confus lorsque l’enfant signale qu’il a
besoin d’une base sécurisante. Le comportement de leur enfant peut
être compris comme une tentative d’auto-apaisement, en l’absence
d’une source extérieure de réconfort.
Ces stratégies sous-optimales mais adaptatives représentent des
« compromis » dans lesquels l’enfant développe le meilleur mode de
survie possible pour sa niche développementale. Les implications
pour les psychothérapeutes sont la nécessité de trouver une
« connotation positive » à ce qui peut apparaître comme un symptôme
et un comportement autodestructeur, défensif ou psychopathologique.
Cette approche contextuelle considère que la souffrance psychique
découle de stratégies de survie de l’enfance suivies de manière
anachronique — et souvent activement poursuivies — dans des
contextes où elles ne s’appliquent plus.
Des études à long terme montrent que les styles d’attachement
adoptés pendant la petite enfance ont tendance à persister à l’entrée
à l’école, à la latence et jusqu’à l’adolescence et le début de l’âge
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adulte (Mikulincer & Shaver, 2007). Un attachement désorganisé, par


exemple, est prédictif de troubles du comportement à l’adolescence.
Comme nous le verrons, le mode de discours d’un individu tel que
mesuré par l’Adult Attachment Interview (Hesse, 2016) et/ou suscité
en psychothérapie — approprié, limité, trop expansif ou illogique —
renvoie aux styles d’attachement de la petite enfance.

▶ L’inconscient et l’attachement

Un autre domaine théorique dans lequel l’attachement s’appuie sur la


pensée psychanalytique et la recadre est celui de l’idée
d’« inconscient ». Plutôt que de considérer l’inconscient comme une
masse bouillonnante de pulsions sexuelles et agressives que l’ego
doit « dompter », poussé par le surmoi, Bowlby (1969a) a inventé
l’expression d’« exclusion défensive ». De ce point de vue,
l’inconscient est généralement adaptatif de différentes manières. Les
procédures récurrentes doivent se transformer en routines afin que les
objectifs et les stratégies à long terme puissent être poursuivis — ce
qui correspondrait à la notion psychanalytique de « préconscient ».
Dans certaines circonstances, les sentiments douloureux doivent être
supprimés s’ils menacent le fonctionnement cohérent de l’ensemble,
comme dans le cas du style d’attachement évitant. En cas de danger,
des réponses rapides sont nécessaires et il vaut mieux que la
« réflexion », qui peut impliquer l’accès à des désirs et à des peurs
inconscients, soit reléguée à des moments ultérieurs plus lents et plus
calmes.
Vues sous cet angle, les « défenses » sont un élément nécessaire et
sain de la vie psychologique, tout comme l’intégrité physique de
l’organisme dépend d’un système immunitaire qui fonctionne.
L’objectif thérapeutique n’est pas d’éliminer les défenses, mais d’aider
l’individu à les utiliser de manière flexible et appropriée,
proportionnellement aux circonstances environnementales qui les
requièrent.
Des considérations similaires s’appliquent à la compréhension de la
nature et de la fonction des rêves. Selon Hobson (2007), la théorie de
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l’attachement ne considère pas le rêve comme l’irruption nocturne de


désirs inconscients ayant besoin d’être déguisés, mais plutôt en
termes de « ménage », dans lequel les « restes diurnes » sont
consolidés dans des mémoires à long terme et de façon procédurale.
Un point de vue plus spéculatif ajoute à cela l’idée que la « créativité »
ou, comme l’a dit Freud, la « bizarrerie » des rêves, représente la
façon dont le cerveau construit une réserve de narratifs au potentiel
régulatoire top-down prêts à englober les circonstances — banales ou
extrêmes — auxquelles le rêveur est susceptible d’être confronté.

▶ Le principe de l’énergie libre

Ceci conduit au « principe de l’énergie libre » (FEP) récemment


développé par le psychiatre-mathématicien Karl Friston et ses
collègues (Friston, 2010 ; Friston et al., 2018), qui fournit un cadre
utile pour réfléchir à l’attachement et à son rôle dans les relations
humaines (Holmes, 2020). Bien que la base mathématique de la FEP
soit complexe, ses grandes lignes sont assez simples. Le point de
départ est le fait que notre connaissance du monde se limite à
l’évidence des sens. Sur la base de ces informations « ascendantes »,
sensorielles d’origine externe et entérosensorielles, le cerveau, sur un
mode top-down, construit une image, plus ou moins précise et
constamment à réviser, de son environnement externe et interne. Le
travail du cerveau consiste à rassembler, corréler et réguler ces
informations et, par l’« action » (qui va de la constriction des
vaisseaux sanguins à la sécrétion endocrinienne, en passant par les
comportements manifestes, y compris la parole), à ajuster ses
paramètres physiologiques et comportementaux de manière à créer
une adaptation optimale à sa niche physique et interpersonnelle.
Le cerveau mesure en permanence les informations qui lui
parviennent par rapport à ces modèles du monde préexistants et issus
de l’expérience. Lorsqu’il n’y a pas de divergence, on dit que
l’« énergie » (informationnelle, mais aussi neuronale) est « liée ». Les
yeux enregistrent les contours d’un félin ; notre cerveau a le modèle
familier de notre petit chat, et tout va bien. Mais l’environnement
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change constamment et de manière inattendue, soit indépendamment


de notre volonté immédiate (par exemple, le changement climatique),
soit à la suite de nos actions. La mer semble chaude et accueillante.
Nous sautons à l’eau et découvrons avec horreur qu’elle est presque
gelée. Face à cette « énergie non liée » entropique, le cerveau doit
immédiatement ordonner à ses vaisseaux sanguins périphériques de
se fermer afin de maintenir une température sanguine constante et,
au niveau cognitif, modifier en conséquence sa perception d’une
« mer chaude ».
De même qu’il existe un besoin d’homéostasie physiologique, c’est-à-
dire de maintien d’un milieu physiologique interne stable et prévisible,
Friston (2010) imagine un processus informationnel similaire par
lequel le cerveau déteste l’énergie libre, avec ses implications
chaotiques et entropiques. La liaison énergétique est une priorité. Il
imagine, preuves neurologiques à l’appui, un système hiérarchique
dans lequel les informations qui remontent de la périphérie sont
constamment comparées aux modèles descendants. À chaque
niveau, toute « énergie libre » non réconciliée est transmise à la
hiérarchie jusqu’à ce qu’elle atteigne le cortex préfrontal et la
conscience basée sur le langage. L’énergie libre est minimisée de
deux manières principales. La première consiste à rechercher et à
créer des niches dans lesquelles les modèles préexistants du monde
sont renforcés et confirmés. Cela correspond aux idées
psychanalytiques de transfert, d’identification projective et de mise en
acte qui décrivent comment les patients répètent et reproduisent des
modèles de relation antérieurs dans leur relation avec le thérapeute.
La seconde méthode principale de minimisation de l’énergie libre
consiste à modifier et à ajuster ses modèles descendants de manière
à ce qu’ils correspondent mieux aux informations reçues — en
déplaçant l’énergie libre vers son équivalent lié. Cela aussi peut être
considéré en termes psychodynamiques comme l’objectif
thérapeutique de générer des relations d’objet plus complexes et
moins anachroniques.
Dans l’archétype thérapeutique de la relation et de l’attachement,
aucun homme n’est une île. Deux têtes valent mieux qu’une. Dès sa
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conception, l’être humain est une créature hyper-sociale, insérée dans


des réseaux de relations mutuelles. En se basant sur l’idée d’une
« tierce » — qui, dans la musique occidentale, incarne l’harmonie à
deux parties — Friston et Frith (2015) utilisent la métaphore du chant,
dans des chœurs ou dans ce qu’ils appellent des « duos pour un »,
dans lesquels la minimisation de l’énergie libre est un effort commun.
Nous créons constamment des « tiers » avec notre (nos) chiffre(s) de
« base sécure ».
Le modèle de Friston s’accorde à la fois avec le « projet » abandonné
de Freud (1895), qui espérait réconcilier la psychologie avec les
neurosciences primitives de son époque, mais qui n’y est pas
parvenu, et avec la théorie de l’attachement. Les menaces qui
déclenchent la dynamique de l’attachement stimulent par définition
l’énergie libre. Dans la mesure où une circonstance est menaçante ou
traumatisante, il n’existe pas de modèles top-down permettant d’y
répondre, et une base de sécurité fonctionnant bien et permettant de
minimiser la menace brille par son absence. Cela signifie que le
« cycle de rupture et de réparation » de l’attachement est en suspens.
Lorsque la mère va aux toilettes ou répond à un appel téléphonique,
l’enfant ne peut pas être sûr qu’elle reviendra. En thérapie, les
patients ne peuvent pas être sûrs que le thérapeute sera « là » pour
eux en cas de besoin, qu’il les gardera à l’esprit entre les séances ou
qu’il se souviendra des histoires de leur vie qu’ils lui ont racontées.
Les attachements insécures reflètent ces dilemmes et les tentatives
de les résoudre. Dans l’attachement évitant, où la personne qui
s’occupe de l’enfant n’est que très peu disponible, l’énergie libre —
avec ses effets négatifs douloureux de peur et/ou de rage — est
maintenue à distance par une exclusion/répression défensive. Dans
l’attachement anxieux-ambivalent, l’enfant s’accroche à la personne
qui s’occupe de lui et qui est incapable de s’harmoniser efficacement
avec lui. Dans le cas d’un attachement désorganisé, l’enfant est seul
avec de l’énergie libre et tente de s’apaiser par la stratégie de la niche
qu’il crée lui-même, ce qui inhibe la créativité et l’exploration. Les
efforts thérapeutiques sont orientés vers l’établissement d’un tiers
patient-thérapeute, d’un « nous allons » ou d’une zone de transition,
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dans laquelle l’énergie libre peut être liée de manière plus complexe,
avec pour résultat la libération du moi explorateur et créatif.

▶ La mentalisation

Un concept théorique connexe qui fait partie intégrante de la théorie et


de la recherche sur l’attachement est celui de la mentalisation (Allen &
Fonagy, 2006). L’importance de la mentalisation — ou de la fonction
réflexive, comme on l’a d’abord appelée — est apparue pour la
première fois dans une étude désormais classique dans laquelle les
chercheurs ont étudié des couples au cours du premier trimestre de la
grossesse (Fonagy et al., 2002). Ils ont administré l’Adult Attachment
Interview afin de classer les dispositions d’attachement des futurs
parents sur la base de leurs comportements linguistiques. Ils ont
ensuite évalué leurs bébés à l’aide de la situation étrange à l’âge d’un
an. Ils ont constaté une forte corrélation entre le style d’attachement
des parents et celui de leurs enfants. Plus important encore, ils ont
constaté que les enfants de parents qui, bien qu’ayant eux-mêmes
vécu une enfance traumatisante, présentaient des niveaux élevés de
fonction réflexive, avaient tendance à avoir un attachement sécure,
tandis que les enfants de parents traumatisés non réflexifs étaient
uniformément peu sécures. Cela suggère que la mentalisation peut
briser la transmission intergénérationnelle de l’attachement insécure
et promouvoir la santé psychologique malgré les traumatismes.
La mentalisation peut être définie comme la capacité à se voir de
l’extérieur et à voir les autres de l’intérieur (Holmes, 2010). La
capacité de mentalisation ne protège pas seulement les enfants de
l’insécurité, mais leur permet de mieux négocier le monde
interpersonnel. La psychothérapie peut être considérée comme une
pédagogie de la mentalisation. En examinant le transfert et le contre-
transfert, les thérapeutes cherchent à inculquer à leurs patients la
capacité de comprendre « ce qui se passe », à la fois chez eux et
chez leurs proches. Étant donné que la plupart des
psychothérapeutes rencontrent des difficultés dans leurs relations —
qu’il s’agisse de les établir, d’y vivre heureux, d’y mettre fin ou de vivre
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sans elles — la capacité à mentaliser peut être considérée comme


une compétence cruciale. L’attachement a apporté de manière unique
la mentalisation à la réflexion sur la psychothérapie, bien que ses
opposants affirment qu’elle englobe une série de vecteurs
psychothérapeutiques bien établis tels que l’empathie, la compassion,
la séparation-individuation, etc. La littérature sur la mentalisation
suggère qu’il existe un certain nombre de « modes de pré-
mentalisation » qui caractérisent les difficultés psychologiques. Il s’agit
notamment de la « pensée téléologique », une psychologie de boule
de billard dans laquelle les gens habitent un monde interpersonnel
sans tenir compte de l’intervention des psychismes, les leurs ou ceux
des autres ; le « mode d’équivalence psychique », dans lequel le sujet
n’est pas encore capable de perspective et suppose donc que la
vision du monde des autres est identique à la sienne ; et le mode
semblant, dans lequel les souhaits et les rêves ont libre cours sans
être tempérés par la main froide de la réalité.
La mentalisation n’est pas un phénomène « tout ou rien ». La capacité
de mentalisation s’acquiert progressivement au cours du
développement. Les enfants dont les parents sont des mentalisateurs
compétents ont tendance à l’être eux-mêmes — d’où cette exigence
essentielle pour les thérapeutes — et, inversement, ceux dont les
parents sont bloqués dans des modèles de pré-mentalisation le sont
moins. Selon les circonstances, la capacité de mentalisation varie.
Aux extrêmes, elle est nécessairement en suspens.
L’hypermentalisation est également désavantageuse et s’observe
chez les personnes préoccupées par elles-mêmes qui intellectualisent
à l’excès et de manière obsessionnelle.

▶ La confiance épistémique

Un concept connexe est celui de confiance épistémique (Fonagy &


Allison, 2014). Outre le patrimoine génétique, la transmission
culturelle signifie que notre connaissance du monde n’est pas acquise
exclusivement par nos propres efforts ou par essais et erreurs, mais
qu’elle est transmise d’abord par les parents, les enseignants et les
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pairs, puis par les médias et l’héritage culturel en général. Un enfant


doit savoir lesquelles de ces influences sont des sources fiables de
modèles et d’informations — et développer un système immunitaire
épistémique qui différencie ce qui est valable de ce qui est exploité ou
faux, et rejette ou écarte ce dernier. La capacité de mentalisation
contribue à ce processus, car elle permet à l’individu d’identifier et
d’évaluer les motivations et les points de vue des autres pour décider
s’il doit ou non les suivre ou les croire.

L’ATTACHEMENT DANS LA PRATIQUE THÉRAPEUTIQUE1


La relation entre l’exubérance de la théorie psychanalytique et le
secret portant sur la pratique est intrinsèquement problématique. Il est
loin d’être certain qu’une mouche sur le mur dans une salle de
consultation psychothérapeutique serait capable de dire si le
thérapeute suit des stratégies lacaniennes, kleiniennes, néo-
freudiennes, relationnelles, centrées sur les schémas, compatissantes
— ou influencées par la théorie de l’attachement. Ni même si l’une
d’entre elles ferait une différence significative sur le résultat
(Wampold, 2015). Néanmoins, la psychothérapie psychanalytique
informée par l’attachement influence la pratique psychothérapeutique
quotidienne de nombreuses manières suggérées par l’exposé
théorique précédent. Ce qui suit en présente un certain nombre.

▶ Le début de la thérapie : la dynamique de l’attachement dans


le cabinet de consultation

Aller voir un thérapeute, surtout pour les non-initiés, n’est pas facile.
On entre dans une pièce étrange, occupée par un expert
autoproclamé à l’identité ambiguë, dont on ne sait pas grand-chose,
qui est imperméable aux questions directes, et face auquel il est
néanmoins attendu que le patient étale sans retenue, pendant 50
minutes, son âme — avec tous ses secrets coupables, ses embarras
et ses circonvolutions — puis, brusquement, qu’il soit congédié
jusqu’à ce que le processus se répète les jours ou les semaines
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suivantes. Tout cela peut constituer une « menace » et déclenchera


donc la dynamique de l’attachement — une inhibition de l’exploration
ludique et la recherche d’une figure de base de sécurité pour la
protection jusqu’à ce que la menace s’estompe. Cela s’applique
particulièrement au début de la thérapie, aux premières séances elles-
mêmes et aux premières minutes de chaque séance.
La théorie de l’attachement conseille donc aux thérapeutes de
procéder avec précaution au début des séances : créer une
atmosphère de sécurité et d’acceptation et ne pas lancer de défis ou
d’interprétations « profondes » jusqu’à ce que le danger qu’ils
représentent soit passé. Le patient est alors dominé par la dynamique
de l’attachement plutôt que par la transitionnalité exploratoire. Des
considérations similaires s’appliquent à la fin des séances, qui, étant
donné que la rupture est imminente, peut également sembler
menaçante. Mon imprécation pour les étudiants — malheureusement,
dans un esprit de « faites ce que je dis » plutôt que « faites ce que je
fais » — est : « Pas d’interprétations dans les cinq premières ou
dernières minutes d’une séance. »
Les chercheurs en attachement Gergely et Watson (1996) ont
observé que les mères, au cours des premiers mois de la vie de leurs
enfants, les prennent dans leurs bras plusieurs fois par jour et
établissent un contact visuel intense, caractérisé par deux éléments
qu’ils appellent « contingence » et « marquage ». Tout d’abord, les
réponses de la mère sont contingentes, c’est-à-dire qu’elles
dépendent de celles de l’enfant — si l’enfant sourit ou fronce les
sourcils, elle fait de même. Mais ses réponses sont « marquées »
dans le sens où elle exagère son imitation. Cette imitation de l’autre
mentalisation devient alors une intimation, en ce sens que la mère
montre à l’enfant à quoi « ressemblent » ses propres sentiments, ce
qui constitue le point de départ de la connaissance affective de soi de
l’enfant, les prémices de l’auto-mentalisation. Un processus similaire
se déroule dans les premières phases de la thérapie, au cours
desquelles le rôle principal du thérapeute est de renvoyer aux clients
leur histoire, et en particulier son contenu affectif, d’une manière
soulignée ou marquée.
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Illustration clinique
Tom, un jeune homme d’une trentaine d’années à l’air confiant, avait été poussé à
suivre une thérapie par sa petite amie qui trouvait insupportable son soudain accès de
rage « irrationnelle » à son égard. Il avait un style de conversation typiquement évitant
et dédaigneux, et avait commencé une séance en parlant de son père malade d’une
manière plutôt détachée, lorsqu’il y eut une interruption soudaine dans le flux de son
discours, tandis que sa main balayait nerveusement ses yeux et son front. Le
thérapeute, ballotté par une vague de tristesse contre-transférentielle, l’a
immédiatement relevé de manière « marquée », en disant : « Je pense que votre père
vous manque vraiment en ce moment. » Tom a répondu par un silence larmoyant, qu’il
a rompu en confirmant à quel point il se sentait parfois dépourvu et isolé, en particulier
en tant qu’enfant unique dont la mère souffre de démence, et comment ce sentiment
était exacerbé lorsque ses « crises de colère » servaient à repousser sa petite amie, au
lieu de l’avertir de sa détresse et de son besoin d’elle. Cela a conduit à une discussion
sur le fait que Tom testait le thérapeute pour voir comment il réagirait lorsqu’il
s’aventurerait à lui faire voir ses affects douloureux. Cela contrastait avec la façon dont,
lorsqu’il était enfant, il avait le sentiment que ses parents réagissaient à sa détresse par
une punition dédaigneuse (« Va dans ta chambre ») plutôt que par une compréhension
compatissante.

▶ Le thérapeute comme base de sécurité

L’essence d’une base de sécurité est la disponibilité, la réactivité, la


sensibilité et l’unicité (comme dans « je ne veux que maman »). Il est
clair que les thérapeutes répondent à certains de ces critères, mais
pas à tous. Ils sont (on l’espère) sensibles et réceptifs — dans les
limites de la séance. Au fur et à mesure que la thérapie progresse, ils
peuvent endosser le manteau de l’unicité (ce qui peut être un
problème pour les thérapeutes médiocres dont les patients continuent
à s’accrocher à eux en dépit de l’absence de progrès). Mais ils ne
sont pas disponibles, dans le sens où ils « sont là » pour les patients
chaque fois qu’ils sont stressés ou menacés. Les séances, aussi
fréquentes soient-elles, ont lieu à des moments définis, ni plus ni
moins (bien que pour les lacaniens, il semble que même ce dernier
point puisse être transgressé, soi-disant à des fins thérapeutiques).
Pour les patients névrosés qui fonctionnent raisonnablement bien,
cela ne pose généralement pas de problème et, si ce n’est pas le cas,
on peut en discuter. Pour les personnes plus perturbées, en particulier
celles qui souffrent d’un trouble de la personnalité limite, la rigidité et
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l’indisponibilité sont le reflet de leurs expériences de soins perturbées


dans le passé, et reproduisent donc leurs attentes négatives
descendantes au lieu de les redresser. Cette difficulté doit être mise
en avant dans l’esprit des thérapeutes et peut conduire à une
approche plus souple des horaires et de la fréquence des séances
que ne le préconise la formation classique. Ces patients auront du mal
à établir une confiance épistémique avec leur thérapeute et, tant que
cette confiance n’est pas établie, des « problèmes de limites » —
séances manquées, confusions sur les horaires, demandes de
séances supplémentaires ou de prolongation des 50 minutes —
seront prévisibles et devront être explorés avec tact. La patience est
de mise : dans certains cas, elle s’étend sur des mois, voire des
années.
La question de la base de sécurité est également mise en avant
lorsque la thérapie touche à sa fin. L’espoir est que, dans une thérapie
réussie, les fonctions thérapeutiques de sensibilité et de mentalisation
auront été intériorisées par le patient et qu’il aura donc acquis une
base de sécurité interne et/ou la capacité à recourir à l’aide de ses
proches en cas de besoin. Cet idéal de perfection est bien sûr loin
d’être toujours le cas, et des séances de suivi ou des réductions
progressives de la fréquence peuvent être nécessaires pour prendre
en compte le besoin de ces patients de maintenir une relation non
métaphorique continue, bien qu’atténuée, avec leur thérapeute.

▶ Discours et style d’attachement

Le développement de l’AAI par Main et ses collègues (1985) leur a


permis de définir des styles d’attachement chez l’adulte correspondant
à ceux décrits chez l’enfant dans la « situation étrange ». L’aspect
innovant de l’AAI est qu’il utilise le style de discours des adultes
comme indicateur de leur disposition à l’attachement. Les thérapeutes
savent que les gens parlent d’eux-mêmes et de leurs expériences de
vie de manières très différentes. Dans le schéma de l’AAI, les
personnes autonomes et sûres parlent librement, de manière
convaincante et avec une quantité appropriée de détails et de
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couleurs affectives. Les récits des personnes évitantes vont dans la


direction opposée. Lorsqu’on les interroge, par exemple, sur leur
famille, elles peuvent répondre : « Oh, vous savez, c’est tout à fait
normal ! » Le style de discours enchevêtré est prolixe, non ciblé,
dépourvu de marqueurs temporels indiquant si c’est le présent ou le
passé qui est décrit, et il est difficile d’engager un dialogue avec elles.
Dans le cas du patient désorganisé, le discours de la personne peut
contenir des ruptures logiques dans la continuité, comme si des
souvenirs sans rapport et souvent dérivés de traumatismes
interrompaient le fil de la pensée de l’orateur.
Les catégories générales de l’attachement sont relativement peu
utiles aux thérapeutes dont l’objectif premier est de définir le caractère
unique de la vie d’un individu. Cependant, l’AAI reste utile aux
thérapeutes de trois manières principales. Tout d’abord, la technique
par laquelle les sujets sont invités à donner des exemples spécifiques
et détaillés donne vie aux vagues adjectifs que les gens utilisent pour
parler de leur vie — « ma mère était adorable », « mon père était
nul », etc. — doit être transposée dans le contexte clinique. Les
descriptions ne sont jamais complètes, il y a toujours quelque chose à
ajouter, le diable est dans les détails. Deuxièmement, l’AAI attire
l’attention des thérapeutes sur le style du discours — la façon dont un
patient parle est aussi importante, voire plus, que le contenu ou le
sujet qu’il aborde, et indique souvent un affect refoulé sous-jacent.
Comme dans l’exemple ci-dessus, le style évitant est façonné par le
besoin de minimiser les affects douloureux tels que le chagrin, la
tristesse, la peur et la rage. Troisièmement, la connaissance des
styles d’attachement de leurs patients peut aider les thérapeutes à
structurer leurs efforts thérapeutiques de manière appropriée. Il est
prouvé que les thérapeutes dont les dispositions d’attachement
équilibrent et corrigent celles de leurs clients obtiennent de meilleurs
résultats que ceux qui se contentent de les refléter (Holmes & Slade,
2017). Un thérapeute efficace répondra à un client évitant par des
réponses « anxieuses » telles que téléphoner s’il manque des
séances, tandis que ses collègues moins efficaces peuvent les laisser
partir avec dédain et, s’ils travaillent dans des structures financées par
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des fonds publics, se sentir soulagés d’avoir un client de moins sur


leurs agendas. Inversement, avec les clients anxieux-ambivalents, les
thérapeutes constatent qu’il est payant de s’en tenir fermement aux
limites, ce qui a des effets rassurants et responsabilisants, alors que
leurs collègues moins sûrs d’eux se laissent de plus en plus envahir
par les angoisses envahissantes de leurs clients.

▶ La mentalisation clinique

La thérapie basée sur la mentalisation (TBM) a été développée


spécifiquement pour répondre aux besoins des clients borderline
(Allen et al., 2008). Un aspect crucial, tant sur le plan théorique que
clinique, de l’approche par la mentalisation est l’ouverture d’esprit des
thérapeutes, en « position de non-savoir ». Le principe de l’énergie
libre part également du fait que ce que nous « savons » du monde, et
en particulier du monde de l’esprit des autres, ne sont que des
prédictions bayésiennes basées sur des expériences antérieures, des
hypothèses informelles à confirmer ou à infirmer, puis à modifier en
conséquence par l’action — ce qui inclut bien sûr l’« action » de la
parole et de la discussion. Les patients borderline sont souvent
remplis d’hypothèses et de prédictions négatives sur le monde —
« rien ne se passe jamais bien pour moi » ; « ils sont après moi » ;
« vous, les thérapeutes, vous n’êtes là que pour l’argent. En plus,
vous prenez votre pied avec notre détresse et vous entendez parler
de notre vie sexuelle », etc. Ces idées se retrouvent dans le cadre
thérapeutique, qu’il s’agisse d’une thérapie individuelle ou de groupe
et de milieu communautaire pour lesquels la TBM a été développée et
évaluée à l’origine.
La position de mentalisation fait descendre les thérapeutes de leur
piédestal de « celui qui sait », une illusion que les patients et les
thérapeutes peuvent partager.
Dans la pratique, il y aura des événements transférentiels — une
séance manquée, un silence, un accès de rage, une lettre ou un
dessin — créés par le champ de force thérapeutique. Plutôt que de
les « interpréter », le thérapeute mentalisant « appuie sur le bouton
pause » et invite le client à collaborer pour essayer de comprendre ce
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qui s’est passé, les sentiments qui ont pu conduire à l’épisode et les
autres façons de penser et d’agir qui auraient pu être possibles. Cette
approche présente trois avantages potentiels. Elle fait passer le
message qu’il existe toujours d’autres façons de penser à sa détresse,
que la pensée n’est jamais figée, que, contrairement au corps, l’esprit
est toujours malléable, que les sentiments suicidaires d’aujourd’hui
peuvent avoir été remplacés par des lueurs d’espoir demain, ou que
se croire gros n’est pas la même chose que d’être réellement en
surpoids. Deuxièmement, la méthode de mentalisation est tout à fait
cohérente avec l’accent mis par la psychanalyse sur la libre
association. Le fait d’écouter ses « sentiments instinctifs » ou ses
pensées exclues de façon défensive renforce la complexité et la
richesse de l’expérience vécue. Troisièmement, elle ouvre la voie à la
modification des hypothèses top-down sur le monde et encourage
l’action dans le cadre de laquelle de nouvelles idées et de nouveaux
modèles peuvent être expérimentés et testés.

CONCLUSION : DE NOUVEAUX PAYSAGES


DE SENTIMENTS ET DE PENSÉES
Il existe un débat permanent en psychanalyse sur la question de
savoir si la thérapie apporte une expérience relationnelle nouvelle et
plus saine au patient ou si, au contraire, les vieux schémas sont
simplement répétés, mais qu’en révélant la personne à elle-même
plus clairement — en lui tendant un miroir de sa nature — elle est
alors en mesure de générer des réponses nouvelles à son
environnement. L’approche implicite de ce chapitre consisterait à dire
que les deux sont vrais. Mais si on leur demandait de se prononcer
pour l’un ou l’autre, les thérapeutes qui s’intéressent à l’attachement
pencheraient résolument pour le premier. Grâce à leur sensibilité, leur
réactivité et leurs capacités de mentalisation, les thérapeutes ont pour
tâche de montrer à leurs patients les possibilités de nouveaux
paysages d’expérience relationnelle. C’est la praxis thérapeutique en
action (Barratt, 2012). L’installation d’une base plus sécure dans la
psyché est un rempart contre les aspects négatifs de l’énergie libre
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entropique. Une bonne thérapie permet à cette énergie d’être


fraîchement liée à de nouvelles façons de penser et d’être qui
augmentent les chances de ces sujets de s’épanouir dans les
vicissitudes du monde.

Notes
1. Voir Holmes & Slade, 2017.
Chapitre 4

Le cerveau droit est dominant


en psychothérapie1

Allan Schore
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« L’explosion actuelle des informations sur le développement socio-affectif précoce,


l’attachement, les traumatismes relationnels, les processus inconscients et le
développement des fonctions cérébrales est directement pertinente pour les modèles
cliniques de changement psychothérapeutique »
Allan SCHORE

En 2009, l’American Psychological Association m’a invité à prononcer


une allocution plénière intitulée « Le changement de paradigme : le
cerveau droit et l’inconscient relationnel ». En fait, c’était l’une des
premières fois qu’un discours plénier de l’APA était prononcé par un
membre exerçant en libéral, et par un clinicien qui était également
informé d’un point de vue psychanalytique. Citant mes quinze années
de recherche interdisciplinaire, j’ai soutenu qu’un changement de
paradigme était en train de se produire non seulement au sein de la
psychologie, mais aussi entre les disciplines, et que la psychologie
devait désormais entamer un dialogue plus intense avec les sciences
voisines, biologiques et médicales. J’ai souligné la pertinence des
neurosciences développementales et affectives (plus que des
neurosciences cognitives) pour la psychologie clinique et
pathologique. J’ai ainsi signalé que tant les cliniciens que les
chercheurs se concentraient désormais non plus sur la cognition
consciente explicite du cerveau gauche, mais sur les fonctions
émotionnelles et relationnelles inconscientes implicites du cerveau
droit (Schore, 2009). Quelques années auparavant, l’APA avait
explicitement exprimé l’importance nouvelle qu’elle accordait aux
fondements relationnels de la psychothérapie. En 2006, le groupe de
travail présidentiel de l’APA sur la pratique fondée sur des preuves a
déclaré avec audace :
« Les compétences interpersonnelles sont au cœur de l’expertise clinique et se
manifestent par la capacité à établir une relation thérapeutique, à encoder et décoder
des réponses verbales et non verbales, à créer des attentes réalistes mais positives, et
à répondre avec empathie aux expériences et aux préoccupations explicites et
implicites du patient » (p. 277).

Cette tendance relationnelle en psychothérapie a largement évolué à


partir des contributions séminales des cliniciens psychodynamiques,
notamment Sullivan (1953), Kohut (1971), Mitchell (1988) et, plus
récemment, Bromberg (2011).
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Parallèlement aux avancées psychologiques en psychothérapie, le


changement de paradigme vers une « psychologie à deux »
relationnelle a également progressé au sein des neurosciences, en
particulier dans la discipline de la neurobiologie interpersonnelle.
Dans ce chapitre, je résume brièvement mon travail dans ce domaine,
en utilisant la perspective relationnelle de la théorie de la régulation
(Schore, 1994, 2003a, 2003b, 2012) pour modéliser le
développement, la psychopathogenèse et le traitement du soi subjectif
implicite. Ce travail interdisciplinaire intègre la psychologie et la
biologie pour mieux comprendre précisément comment les
expériences relationnelles, pour le meilleur ou pour le pire, ont un
impact sur le développement précoce de la structure psychique et du
soi subjectif émergent, et comment ces structures s’expriment à tous
les stades ultérieurs de la vie, en particulier dans les contextes
psychothérapeutiques. Mes travaux continuent à décrire le rôle
fondamental du cerveau droit au développement précoce dans les
processus relationnels. Dans ce qui suit, je présente des modèles
neurobiologiques interpersonnels de l’attachement au sein du
développement précoce, dans l’alliance thérapeutique, dans les actes
thérapeutiques mutuels et dans les processus de changement
thérapeutique. Ce travail souligne le fait que l’accent mis actuellement
sur les processus relationnels est partagé, enrichi et transformé à la
fois par la psychologie et les neurosciences, avec des conséquences
importantes pour les modèles psychologiques cliniques du
changement psychothérapeutique.
L’un des principaux objectifs de la théorie de la régulation est de
construire des modèles théoriques plus complexes qui peuvent
générer à la fois des recherches expérimentales heuristiques et des
formulations cliniquement pertinentes du développement socio-
émotionnel humain. Mes études sur la neurobiologie de l’attachement
indiquent que les communications relationnelles entre la mère et le
nourrisson fonctionnent rapidement, en dessous du niveau de la
conscience, tandis que mes recherches sur la neuropsychanalyse
développementale décrivent l’évolution précoce d’un « inconscient
relationnel » et d’un « cerveau social » latéralisé à droite, qui
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représente le substrat biologique de l’inconscient humain. Un grand


nombre d’études sur la latéralité du cerveau confirment aujourd’hui le
principe selon lequel « le côté gauche est impliqué dans la réponse
consciente et le côté droit dans l’inconscient » (Mlot, 1998, p. 1006).
La théorie de la régulation soutient donc fortement les modèles
psychodynamiques de psychothérapie en cours d’évolution, en
particulier dans le traitement des traumatismes précoces
d’attachement2.

NEUROBIOLOGIE INTERPERSONNELLE
DE L’ATTACHEMENT : RÉGULATION INTERACTIVE
ET MATURATION DU CERVEAU DROIT

Une contribution majeure à la tendance relationnelle actuelle est issue


des progrès récents de la théorie de l’attachement, qui est aujourd’hui
la théorie la plus influente du développement socio-affectif précoce
dont dispose la science. À la suite des contributions fondamentales de
John Bowlby (1969b), j’ai utilisé, au cours des deux dernières
décennies, une perspective relationnelle interdisciplinaire pour décrire
et intégrer les processus psychologiques et biologiques qui sous-
tendent la formation d’un lien d’attachement de communication
émotionnelle entre le nourrisson et le principal donneur de soins
(Schore, 1994, 2003b, 2003a, 2012). Le principe d’organisation de ce
travail stipule que « l’auto-organisation du cerveau en développement
se produit dans le contexte d’une relation avec un autre soi, un autre
cerveau » (Schore, 1996, p. 60). Au cœur du modèle se trouve la
régulation relationnelle et interactive des affects qui, à son tour,
influence et façonne la maturation du cerveau droit au développement
précoce.
La théorie moderne de l’attachement (Schore & Schore, 2008) est
essentiellement une théorie du développement de la régulation des
affects, et donc du développement émotionnel. Au cours des épisodes
d’attachement de communications non verbales visuo-faciales,
auditives-prosodiques et tactiles-gestuelles latéralisées à droite, le
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principal donneur de soins régule les états affectifs positifs et négatifs


naissants du nourrisson, basés sur le corps. La théorie postule que le
câblage du cerveau droit en développement du nourrisson, qui est
dominant pour le sens émotionnel de soi, est influencé par des
transactions avec la mère, cerveau droit à cerveau droit, implicites
(non conscientes), de communication et de régulation de l’affect.
Ainsi, le mécanisme évolutif du lien d’attachement précoce est au
cœur de tous les aspects ultérieurs du développement humain, en
particulier des fonctions socio-émotionnelles adaptatives du cerveau
droit, essentielles à la survie (Schore, 1994, 2003b, 2003a, 2012).
Au niveau le plus fondamental, le mécanisme d’attachement du
cerveau droit se traduit par une régulation interactive de l’excitation
affective et du système nerveux autonome, et donc par une régulation
interpersonnelle de la synchronisation biologique entre les organismes
et à l’intérieur de ceux-ci. Au cours des transactions d’attachement
dyadiques, la personne sensible qui s’occupe de l’enfant observe,
perçoit (reconnaît), évalue et régule implicitement les expressions non
verbales des états de plus en plus intenses d’éveil affectif positif et
négatif de l’enfant. Grâce à ces communications, la mère régule les
systèmes nerveux central et autonome de l’enfant, qui se développent
après la naissance. Dans ce dialogue cocréé, la mère « suffisamment
bonne » et son enfant coconstruisent de multiples cycles de
« synchronie des affects » qui augmentent les affects positifs (par
exemple, joie-élation, intérêt-excitation) et de « rupture et réparation »
qui diminuent les affects négatifs (par exemple, peur-terreur, tristesse-
dépression, honte). Les représentations internes des expériences
d’attachement sont imprimées dans la mémoire procédurale implicite
latéralisée à droite comme un modèle interne opérant qui encode des
stratégies non conscientes de régulation des affects.
Les états émotionnels sont initialement régulés par les autres mais, au
cours de la petite enfance, ils deviennent de plus en plus autorégulés
grâce au développement neurophysiologique et à l’expérience vécue.
Ces capacités d’adaptation sont essentielles à l’émergence de
l’autorégulation, la capacité à réguler avec souplesse un éventail
croissant d’états psychobiologiques positifs et négatifs chargés
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d’affectivité dans différents contextes relationnels, permettant ainsi


l’assimilation de divers états émotionnels et motivationnels adaptatifs
au sein d’un système personnel dynamique, cohérent et intégré. Les
expériences d’attachement optimales qui engendrent un attachement
sécurisant avec le principal pourvoyeur de soins facilitent donc les
deux types d’autorégulation : la régulation interactive des émotions
auxquelles on accède pendant qu’on est subjectivement engagé avec
d’autres humains dans des contextes interconnectés, et
l’autorégulation des émotions activées alors que l’on est
subjectivement désengagé d’autres humains dans des contextes
autonomes. La théorie de la régulation définit le bien-être émotionnel
comme une alternance non consciente mais efficace et résiliente
entre ces deux modes (interconnexion et autonomie), en fonction du
contexte relationnel. Les modèles internes opérants de l’attachement
codent ces deux modes de stratégies de régulation des affects.
Rappelons que Bowlby (1969b) a affirmé que ces représentations
internes de l’attachement opèrent à des niveaux inférieurs à la
conscience.
Lorsque le nourrisson attaché de façon sécure entre dans la petite
enfance, ses expériences d’attachement visuelles-faciales, auditives-
prosodiques et tactiles-gestuelles, régulées de manière interactive par
le cerveau droit, s’intègrent de manière plus holistique, ce qui permet
l’émergence d’un sens du soi émotionnel et corporel implicite
(inconscient) cohérent (Schore, 1994). La recherche neurobiologique
développementale soutient l’hypothèse selon laquelle le mécanisme
d’attachement est ancré dans les transactions affectives entre le
cerveau droit de l’enfant et le cerveau droit du donneur de soins. Des
études neuroscientifiques menées sur des adultes indiquent
clairement que les systèmes préfrontaux latéralisés à droite (et non à
gauche) sont responsables de la régulation de l’affect et du stress au
plus haut niveau dans le cerveau (voir Schore, 2012, 2013 pour les
références). Ils montrent également qu’à l’âge adulte, l’hémisphère
droit reste dominant pour l’affiliation, tandis que le gauche soutient la
motivation au pouvoir (Kuhl & Kazen, 2008 ; Quirin et al., 2013).
En outre, mes travaux en neuropsychanalyse développementale
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modélisent le développement précoce de l’esprit inconscient (par


opposition à l’esprit conscient qui se forme plus tard). Ces études font
écho à un principe de base de la psychanalyse développementale
classique, selon lequel le premier contact relationnel se fait entre
l’inconscient de la mère et l’inconscient du nourrisson (Palombo et al.,
2009 ; Schore, 2012). Tout au long de la vie, la régulation
psychobiologique implicite, opérant à des niveaux non conscients,
soutient les fonctions de survie du cerveau droit, substrat biologique
de l’inconscient humain (Joseph, 1992 ; Schore, 1994, 2003b, 2012).
En accord avec cette proposition, Tucker et Moller affirment que « la
spécialisation de l’hémisphère droit pour la communication
émotionnelle par des canaux non verbaux semble suggérer un
domaine de l’esprit proche de l’inconscient psychanalytique chargé de
motivation » (Tucker & Moller, 2007, p. 91). En effet, de plus en plus
d’études montrent que le traitement inconscient des informations
émotionnelles relève principalement d’une voie sous-corticale de
l’hémisphère droit (Gainotti, 2012), que les souvenirs émotionnels
inconscients sont stockés dans l’hémisphère droit (Gainotti, 2006) et
que cet hémisphère joue un rôle central dans le maintien d’un
sentiment de soi cohérent, continu et unifié (Devinsky, 2000 ;
McGilchrist, 2009). De la petite enfance à toutes les étapes ultérieures
de la vie, les processus émotionnels spontanés et rapides latéralisés
à droite jouent un rôle central dans la capacité de l’organisme à faire
face au stress et aux défis, et donc dans la résilience émotionnelle et
le bien-être.

COMMUNICATIONS ENTRE LE CERVEAU DROIT


ET L’ATTACHEMENT AU SEIN DE L’ALLIANCE
THÉRAPEUTIQUE

Selon la théorie de la régulation, les expériences socio-émotionnelles


précoces peuvent être globalement soit régulées, soit dérégulées, et
donner lieu à des attachements sécures ou insécures. Les
neurosciences du développement démontrent désormais clairement
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que tous les enfants ne sont pas « résilients » mais « malléables »,


pour le meilleur ou pour le pire (Schore, 2012). Contrairement au
scénario d’attachement optimal facilitant la croissance décrit
précédemment, dans un environnement précoce de traumatisme
d’attachement (maltraitance et/ou négligence) inhibant la croissance
relationnelle, le principal donneur de soins d’un nourrisson
désorganisé-désorienté insécure induit des états traumatiques d’affect
négatif durable chez l’enfant (Schore, 2001, 2003a). Ce donneur de
soins est trop souvent inaccessible sur le plan émotionnel et réagit
aux expressions d’affects stressants de son enfant de manière
incohérente et inappropriée (intrusion massive ou désengagement
massif) ; il participe donc de manière minimale ou imprévisible aux
processus relationnels régulateurs de l’activation. Au lieu de réguler, il
induit des niveaux extrêmes de stimulation et d’excitation stressantes,
très élevés en cas de maltraitance et/ou très faibles en cas de
négligence. Comme il n’offre que peu de réparation interactive, les
états affectifs négatifs intenses du nourrisson sont prolongés.
De nombreuses recherches mettent aujourd’hui en évidence le rôle
central de l’insécurité de l’attachement dans la
psychoneuropathogénèse de tous les troubles psychiatriques (Schore,
1996, 2003a, 2012, 2013). Watt (2003) observe que « si les enfants
grandissent avec des expériences dominantes de séparation, de
détresse, de peur et de rage, ils suivront une mauvaise voie de
développement pathogène, et il ne s’agit pas seulement d’une
mauvaise voie psychologique, mais aussi d’une mauvaise voie
neurologique » (p. 109). Plus précisément, au cours des premières
périodes critiques, des épisodes fréquents d’attachement insécures
organisés et désorganisés, non régulés et non réparés, sont « gravés
affectivement » dans le cerveau droit du nourrisson, qui est en plein
développement. Non seulement les expériences traumatisantes, mais
aussi la défense contre les traumatismes écrasants, la dissociation,
sont stockées dans la mémoire implicite-procédurale. De cette
manière, le traumatisme d’attachement (« traumatisme relationnel »,
Schore, 2001) est imprimé dans les systèmes corticaux et sous-
corticaux droits, codant des modèles internes opérants désorganisés-
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désorientés, insécures, auxquels on accède de manière non


consciente à des moments ultérieurs de stress émotionnel
interpersonnel. Ces modèles internes opérants insécures sont au
cœur de la psychothérapie affective des pathologies du soi et des
troubles de la personnalité qui se forment précocement. Il existe
aujourd’hui un consensus sur le fait que les déficits dans les
processus relationnels du cerveau droit et la dysrégulation des affects
qui en résulte sont à la base de tous les troubles psychologiques et
psychiatriques. Tous les modèles d’intervention thérapeutique dans
un ensemble de psychopathologie ont pour objectif commun de tenter
d’améliorer les processus d’autorégulation émotionnelle. La
psychothérapie relationnelle du nourrisson, de l’enfant, de l’adolescent
et de l’adulte, fondée sur la neurobiologie, peut donc potentiellement
faciliter la plasticité intrinsèque du cerveau droit.
Rappelons que Bowlby (1988a), psychanalyste, a affirmé que la
réévaluation des modèles internes opérants non conscients de
l’attachement est un objectif primordial de toute psychothérapie. Ces
représentations interactives des premières expériences d’attachement
codent des stratégies de régulation de l’affect et contiennent des
mécanismes d’adaptation permettant de maintenir une régulation de
base et un affect positif face à des défis environnementaux stressants.
Agissant à des niveaux inférieurs à la conscience, ce modèle interne
opérant est utilisé pour percevoir, évaluer et réguler les informations
socio-émotionnelles et guider l’action dans des environnements
interpersonnels familiers et surtout nouveaux. La théorie de la
régulation veut que dans les « moments de grande affectivité »
(Schore, 2003b), le modèle interne opérant inconscient de
l’attachement du patient, qu’il soit sécure ou non, soit réactivé dans la
mémoire implicite-procédurale latéralisée à droite et remis en scène
dans la relation psychothérapeutique.
Compte tenu de la similitude des mécanismes non verbaux,
intersubjectifs et implicites de transaction et de régulation des
émotions entre cerveau droit et cerveau droit dans la relation donneur
de soins-nourrisson et dans la relation thérapeute-patient, les études
sur le développement de l’attachement ont une pertinence directe
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pour le processus de traitement. Dès le premier moment de contact


intersubjectif, le clinicien psychobiologiquement accordé suit non
seulement le contenu verbal mais aussi les structures rythmiques non
verbales d’instant en instant des états internes du patient, et modifie
avec souplesse et fluidité son propre comportement pour se
synchroniser avec cette structure, cocréant ainsi avec le patient un
contexte propice à la croissance permettant l’organisation de l’alliance
thérapeutique. La caractérisation par Decety et Chaminade (2003b)
de fonctions supérieures du cerveau droit est directement applicable
au contexte relationnel psychothérapeutique : « Les états mentaux qui
sont par essence privés et appartenant au soi peuvent être partagés
entre les individus […] la conscience de soi, l’empathie, l’identification
aux autres, et plus généralement les processus intersubjectifs, (et)
dépendent largement des […] ressources de l’hémisphère droit, qui
sont les premières à se développer » (p. 591). Comme l’hémisphère
droit est dominant pour les expériences émotionnelles subjectives
(Wittling & Roschmann, 1993), la communication des états affectifs
entre les cerveaux droits de la dyade patient-thérapeute est donc
mieux décrite comme une « intersubjectivité ».
Conformément à un modèle relationnel de la psychothérapie, les
processus du cerveau droit qui sont activés réciproquement des deux
côtés de l’alliance thérapeutique sont au cœur du processus de
changement psychothérapeutique. Ces dialogues cliniques implicites
transmettent des informations organisationnelles beaucoup plus
essentielles que les informations verbales explicites du cerveau
gauche. Au contraire, les interactions du cerveau droit « sous les
mots » communiquent de manière non verbale des informations
relationnelles affectives non conscientes sur le monde intérieur du
patient (et du thérapeute). Les communications rapides entre le
« cerveau émotionnel » latéralisé à droite de chaque membre de
l’alliance thérapeutique permettent un « partage de l’état de soi »
d’instant en instant, un dialogue d’influence mutuelle cocréé, organisé
et changeant de manière dynamique. Bromberg (2011) note que « les
états de soi sont des modules d’être hautement individualisés, chacun
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étant configuré par sa propre organisation de cognitions, de


croyances, d’affects dominants et d’humeurs, d’accès à la mémoire,
de compétences, de comportements, de valeurs, d’actions et de
physiologie régulatrice » (p. 73). Dans cette matrice relationnelle, les
deux partenaires correspondent aux contours dynamiques de
différents états émotionnels et motivationnels et ajustent
simultanément leur attention sociale, leur stimulation et
l’accélération/décélération de l’activation en réponse aux signaux du
partenaire.
La théorie de la régulation modélise les mécanismes
psychobiologiques mutuels qui sous-tendent toute rencontre clinique,
quel qu’en soit le contenu verbal. Lyons-Ruth (2000) caractérise les
échanges affectifs qui communiquent un « savoir relationnel
implicite » au sein de l’alliance thérapeutique. Elle observe que la
plupart des transactions relationnelles reposent sur un substrat
d’indices affectifs qui donnent une valence ou une direction évaluative
à chaque communication relationnelle. Ces indices se situent à un
niveau implicite de repérage et de réponse qui se produit trop
rapidement pour une transaction verbale et une réflexion consciente.
Dans la littérature clinique, Scaer (2005) décrit des modèles de
communication implicites essentiels intégrés dans la relation
thérapeute-client :
« De nombreux aspects de l’interaction sociale sont non verbaux et consistent en de
subtiles variations de l’expression faciale qui donnent le ton du contenu de l’interaction.
Les postures corporelles et les mouvements du thérapeute peuvent également refléter
des émotions telles que la désapprobation, le soutien, l’humour et la peur. Le ton et le
volume de la voix, les schémas et la vitesse de la communication verbale et le contact
visuel contiennent également des éléments de communication subliminale et
contribuent à l’établissement inconscient d’un environnement sûr et propice à la
guérison » (p. 167-168).

Ces communications non verbales implicites entre le cerveau droit,


l’esprit et le corps sont bidirectionnelles et intersubjectives, et donc
potentiellement précieuses pour le clinicien. Meares (2005) observe :
« Non seulement le thérapeute est inconsciemment influencé par une série de signaux
légers et, dans certains cas, subliminaux, mais le patient l’est également. Des détails
de la posture, du regard, du ton de la voix et même de la respiration du thérapeute sont
enregistrés et traités. Un thérapeute sophistiqué peut utiliser ce traitement de manière
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bénéfique, en potentialisant un changement dans l’état du patient sans, ou en plus de,


l’utilisation de mots » (p. 124).

Les neurosciences caractérisent le rôle du cerveau droit dans ces


communications non verbales. À tous les stades de la vie, « les
substrats neuronaux de la perception des voix, des visages, des
gestes, des odeurs et des phéromones, comme le montrent les
techniques modernes de neuro-imagerie, sont caractérisés par un
modèle général d’asymétrie fonctionnelle hémisphérique droite »
(Brancucci, Lucci, Mazzatenta, & Tommasi, 2009, p. 895). Plus que
les verbalisations conscientes du cerveau gauche, les
communications subliminales visuelles-faciales, auditives-prosodiques
et tactiles-gestuelles de cerveau droit à cerveau droit révèlent les
aspects les plus profonds de la personnalité du patient et du
thérapeute (voir Schore, 2003b pour un modèle d’identification
projective de cerveau droit à cerveau droit, un processus fondamental
de communication implicite entre les systèmes relationnels
inconscients du patient et du thérapeute).
Pour recevoir et suivre les communications d’attachement non
verbales basées sur le corps du patient, les cliniciens
émotionnellement accordés doivent passer d’une attention
hémisphérique gauche restreinte qui se concentre sur les détails
locaux à une attention hémisphérique droite plus étendue qui se
concentre sur les détails globaux (Derryberry & Tucker, 1994), une
caractérisation qui correspond à la description de Freud (1912) de
l’importance de « l’attention flottante » du clinicien. Au cours de la
séance, le thérapeute empathique écoute consciemment et
explicitement les verbalisations du patient afin de diagnostiquer
objectivement et de rationaliser la symptomatologie dysrégulatrice du
patient. Cependant, il écoute et interagit également à un autre niveau,
un niveau subjectif proche de l’expérience, qui traite implicitement les
communications d’attachement et les états de soi d’un moment à
l’autre à des niveaux inférieurs à la conscience. Bucci (2002) observe
que « nous reconnaissons les changements dans les états
émotionnels des autres en percevant des changements subtils dans
leur expression faciale ou leur posture, et nous reconnaissons les
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changements dans nos propres états en nous basant sur l’expérience


somatique ou kinesthésique » (p. 194).
Écrivant sur les « communications implicites non verbales »
thérapeutiques, Chused (2007) affirme :
« Ce n’est pas que les informations qu’elles contiennent ne peuvent pas être
verbalisées, mais seulement que, parfois, seule une approche non verbale peut
transmettre l’information d’une manière qui puisse être utilisée, en particulier lorsqu’il
n’y a pas de conscience des préoccupations impliquées de façon sous-jacente »
(p. 879).

Ces communications non verbales sont des exemples de


« communication par processus primaire ». Selon Dorpat (2001), « le
système de processus primaire analyse, régule et communique les
relations d’un individu avec l’environnement » (p. 449). Il observe que
« les informations affectives et relationnelles avec l’objet sont
transmises principalement par la communication en processus
primaire ». La communication non verbale comprend les mouvements
du corps (kinésie), la posture, les gestes, l’expression faciale,
l’inflexion de la voix, ainsi que la séquence, le rythme et la hauteur
des mots prononcés » (p. 451). Le cerveau droit traite donc « la
musique derrière les mots ».
Le principe d’organisation du travail avec les communications en
processus primaire inconscient veut que, tout comme le cerveau
gauche communique ses états à d’autres cerveaux gauches par le
biais de comportements linguistiques conscients, le cerveau droit
communique non verbalement ses autres états à d’autres cerveaux
droits qui sont réglés pour recevoir ces communications. Bromberg
(2011) conclut :
« Allan Schore parle d’un canal de communication affective de cerveau droit à cerveau
droit, qu’il considère comme un “dialogue organisé” composé d’un “partage d’état
dynamique fluctuant d’un moment à l’autre”. Je crois que c’est ce processus de partage
d’état qui […] permet […] une bonne adéquation psychanalytique » (p. 169).

Dans la littérature psychiatrique, Meares (2012) décrit « une forme de


conversation thérapeutique qui peut être conçue […] comme une
interaction dynamique entre deux hémisphères droits » (pour d’autres
exemples cliniques de communication de cerveau droit à cerveau
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droit, voir Chapman, 2014 ; Marks-Tarlow, 2012 ; Montgomery, 2013 ;


Schore, 2012).
En ce qui concerne le contenu verbal, les mots en psychothérapie, la
littérature psychothérapeutique a longtemps supposé que toutes les
formes de langage reflétaient le fonctionnement de l’hémisphère
gauche de l’esprit conscient. Les neurosciences actuelles indiquent
que cette hypothèse est erronée. Dans une étude globale, Ross et
Monnot concluent : « Ainsi, le concept traditionnel selon lequel le
langage est une fonction dominante et latéralisée de l’hémisphère
gauche n’est plus tenable » (2008, p. 51) :
« Au cours des trois dernières décennies, on s’est de plus en plus rendu compte que
l’hémisphère droit est essentiel à la compétence en matière de langage et de
communication et au bien-être psychologique grâce à sa capacité à moduler la
prosodie affective et le comportement gestuel, à décoder le sens connotatif (non
habituel) des mots, à faire des inférences thématiques et à traiter les métaphores, les
relations linguistiques complexes et les modes d’expressions non littéraux
(idiomatiques) » (p. 51).

D’autres études révèlent que l’hémisphère droit est dominant dans le


traitement des mots spécifiquement émotionnels (Kuchinke et al.,
2006), en particulier les mots significatifs en termes d’attachement,
associés à des relations interpersonnelles positives (Mohr et al.,
2008). Ces données suggèrent que le cerveau droit, qui réagit
rapidement et qui est plus « physiologique » que le cerveau gauche,
qui réagit plus lentement, est impliqué dans les communications
intersubjectives rapides basées sur le corps au sein de l’alliance
thérapeutique.
L’intersubjectivité est plus qu’une communication ou une
correspondance de cognitions verbales explicites ou de
comportements manifestes. Les affects corporels régulés et
dysrégulés sont communiqués au sein d’un champ intersubjectif
transmettant de l’énergie, coconstruit par deux individus, qui
comprend non seulement deux esprits mais aussi deux corps (Schore,
2012). Au cœur psychobiologique du champ intersubjectif coconstruit
se trouve le lien d’attachement de la communication émotionnelle et
de la régulation interactive. Les communications intersubjectives
implicites expriment des états de soi émotionnels basés sur le corps,
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et pas seulement des états « mentaux » cognitifs conscients. La


fonction biologique essentielle des communications d’attachement
dans toutes les interactions humaines, y compris celles qui
s’inscrivent dans l’alliance thérapeutique, est la régulation des états
du cerveau droit, de l’esprit et du corps. La psychothérapie
intersubjective, relationnelle et centrée sur l’affect n’est pas la « cure
par la parole », mais la « cure par la communication de l’affect ».

COMMUNICATIONS TRANSFÉRENTIELLES ET CONTRE-


TRANSFÉRENTIELLES AU SEIN D’ACTES MUTUELS

La perspective relationnelle de la théorie de la régulation permet de


mieux comprendre les mécanismes intersubjectifs critiques
cerveau/esprit/corps qui opèrent aux niveaux implicites de l’alliance
thérapeutique, en dessous du niveau des échanges de langage et de
cognitions explicites. L’un de ces mécanismes essentiels est la
relation bidirectionnelle transfert-contretransfert. Il existe aujourd’hui
un consensus croissant sur le fait que, malgré l’existence d’un certain
nombre de perspectives théoriques distinctes dans le travail clinique,
les concepts de transfert et de contre-transfert de Freud ont été
étendus et (ré)incorporés dans toutes les formes de psychothérapie.
Les transactions affectives entre le transfert et le contre-transfert sont
actuellement considérées comme un élément relationnel essentiel
dans le traitement de tous les patients, mais surtout des
psychopathologies graves dont la formation est précoce.
Dans de tels cas, les communications non verbales implicites de
cerveau droit à cerveau droit (expressions faciales, prosodie — ton de
la voix, gestes) véhiculent des transactions affectives transféro-
contretransférentielles inconscientes, qui ravivent des souvenirs
d’attachement antérieurs, en particulier des états affectifs intensément
dérégulés. Gainotti (Gainotti, 2006) observe que « l’hémisphère droit
peut être impliqué de manière cruciale dans ces mémoires
émotionnelles qui doivent être réactivées et retravaillées au cours du
traitement psychanalytique » (p. 167). Dans une réflexion portant sur
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le rôle de l’hémisphère droit en tant que « siège de la mémoire


implicite », Mancia ( 2006) note :
« La découverte de la mémoire implicite a élargi le concept d’inconscient et soutient
l’hypothèse que c’est là que sont stockées les expériences émotionnelles et affectives
— parfois traumatiques — présymboliques et préverbales des relations primaires entre
la mère et l’enfant » (p. 83).

Le transfert a été décrit comme l’expression des souvenirs implicites


du patient. Ces souvenirs sont exprimés dans des « moments affectifs
intenses » sous forme de communications non verbales
transférentielles de cerveau droit à cerveau droit, d’états corporels
rapides, automatiques et dérégulés d’excitation émotionnelle
intensément stressante (par exemple, peur-terreur, agressivité-rage,
dépression-désespoir, honte, dégoût). La mémoire émotionnelle
implicite-procédurale latéralisée à droite encode également la défense
dissociative contre la reviviscence des traumatismes relationnels et
génère ainsi des affects dissociés (inconscients).
Les modèles psychodynamiques récents du transfert affirment
désormais
qu’« aucune appréciation du transfert ne peut se passer d’émotion »
(Pincus et al., 2007, p. 634). Les théoriciens cliniques décrivent le
transfert comme « un modèle établi de relation et de réponse
émotionnelle qui est déclenché par quelque chose dans le présent,
mais qui appelle souvent à la fois un état affectif et des pensées qui
peuvent avoir plus à voir avec l’expérience passée qu’avec
l’expérience présente » (Maroda, 2005, p. 134). Cette conception
trouve un écho dans les neurosciences, où Shuren et Grafman (2002)
affirment que « l’hémisphère droit contient des représentations des
états émotionnels associés aux événements vécus par l’individu.
Lorsque cet individu rencontre un scénario familier, les
représentations des expériences émotionnelles passées sont
récupérées par l’hémisphère droit et sont incorporées dans le
processus de raisonnement » (p. 918). La recherche indique
aujourd’hui que l’hémisphère droit est fondamentalement impliqué
dans la mémoire autobiographique (Markowitsch et al., 2000).
Rappelons le dicton classique de Racker (1968) : « Toute situation de
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transfert provoque une situation de contre-transfert. » Traduites en


termes neuropsychanalytiques modernes, les transactions transféro-
contretransférentielles sont l’expression de communications
bidirectionnelles non conscientes et non verbales entre le patient et le
thérapeute. Ces échanges psychoneurobiologiques réciproques
reflètent les activités des systèmes nerveux central et autonome. Sur
le plan comportemental, les communications transférentielles du
patient s’expriment par des signaux affectifs non verbaux, visuels,
auditifs et gestuels qui sont spontanément et rapidement exprimés par
le visage, la voix et le corps du patient. Le contre-transfert est
également défini en termes implicites non verbaux comme les
réponses autonomes du thérapeute qui sont des réactions à un
niveau inconscient aux messages non verbaux. Dans mon premier
livre, j’ai affirmé :
« Les processus contre-transférentiels sont actuellement compris comme se
manifestant dans la capacité à reconnaître et à utiliser les qualités sensorielles
(visuelles, auditives, tactiles, kinesthésiques et olfactives) et affectives de l’imagerie
que le patient génère chez le psychothérapeute… la dynamique du contre-transfert est
évaluée par les observations du thérapeute sur ses propres réactions viscérales au
matériel du patient » (Schore, 1994, p. 451).
Pendant que le clinicien empathique surveille implicitement les
communications transférentielles non verbales du patient, son
cerveau droit, neurobiologiquement accordé, et dominant pour
l’activation émotionnelle (MacNeilage et al., 2009), suit, à un niveau
préconscient, les schémas d’activation et de fluctuation des rythmes
des états affectifs du patient. Les cliniciens affirment aujourd’hui que
« le transfert se distingue par le fait qu’il dépend des schémas
précoces d’attachement émotionnel avec les donneurs de soins »
(Pincus et al., 2007, p. 636), et ils décrivent l’importance clinique de
« rendre conscients les schémas d’organisation de l’affect » (Mohaupt
et al., 2006, p. 243). Des données neuroscientifiques convergentes
indiquent aujourd’hui que, « en termes simples, l’hémisphère gauche
est spécialisé dans l’analyse des séquences, tandis que l’hémisphère
droit démontre sa supériorité dans le traitement des schémas »
(Lancker & Cummings, 1999, p. 95). Plus précisément encore, « la
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reconnaissance des schémas et la compréhension de plusieurs types


de stimuli, tels que les visages, les accords, les hauteurs complexes,
les images graphiques et les voix, ont été décrites comme étant
supérieures dans l’hémisphère droit normal » (Lancker Sidtis, 2006,
p. 233).
En outre, le thérapeute suit implicitement ses propres réponses
contre-transféren-
tielles aux communications transférentielles du patient, les schémas
de ses propres réponses affectives somatiques contre-
transférentielles, intéroceptives et corporelles aux communications
faciales, prosodiques et gestuelles implicites du cerveau droit du
patient. Par le biais de ces mécanismes du cerveau droit, le
thérapeute intuitif et psychobiologiquement accordé, à chaque instant,
concentre inconsciemment ses processus attentionnels élargis contre-
transférentiels du cerveau droit (Derryberry & Tucker, 1994) sur des
schémas de crescendos/decrescendos rythmiques des états régulés
et dysrégulés de l’excitation autonome affective du patient. Le dicton
de Freud : « C’est une chose très remarquable que l’inconscient d’un
être humain puisse réagir à celui d’un autre, sans passer par le
conscient » (Freud, 1915, p. 194), est donc
neuropsychanalytiquement compris comme une communication de
cerveau droit à cerveau droit d’un inconscient relationnel à un autre.
Ainsi, « en fait, l’hémisphère droit interprète l’état mental non
seulement de son propre cerveau, mais aussi du cerveau (et de
l’esprit) des autres » (Keenan et al., 2005, p. 702).
Les communications inconscientes transférentielles et contre-
transférentielles de cerveau droit à cerveau droit entre les « mondes
internes » du patient et du thérapeute représentent une matrice
relationnelle essentielle pour l’expression thérapeutique des affects
dissociés liés au traumatisme de l’attachement précoce et donc au
« danger subjectivement inconscient » (Carretié, Hinojosa, Mercado,
& Tapia, 2005) et à l’« émotion inconsciente » (Sato & Aoki, 2006).
Ces communications affectives d’états de soi traumatisés n’ont été ni
partagées intersubjectivement ni régulées interactivement par l’objet
d’attachement source dans le contexte d’origine, mais le patient a
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maintenant la possibilité de vivre une expérience relationnelle


réparatrice. Selon Borgogno et Vigna-Taglianti (2008) :
« Chez les patients dont la souffrance psychique trouve son origine dans un
traumatisme préverbal […] le transfert se produit surtout à un niveau d’expression plus
primitif qui implique de manière inconsciente non seulement le patient mais aussi
l’analyste. Ces formes plus archaïques de la question du transfert et du contre-transfert
— qui mettent souvent de côté les contenus verbaux — prennent forme dans le cadre
analytique par des mises en acte mutuelles réelles » (p. 314).

Les dialogues corporels de cerveau droit à cerveau droit, entre


l’inconscient relationnel du patient et l’inconscient relationnel du
thérapeute, empathique et sensible à l’affectivité, sont activés et
renforcés dans les « moments affectifs intenses » de mise en acte des
traumatismes relationnels précoces. Les mises en actes sont
désormais considérées comme des manifestations puissantes du
processus intersubjectif et des expressions d’états de soi et de
schémas relationnels complexes, bien que largement inconscients
(voir Schore, 2012 pour un modèle neurobiologique interpersonnel
détaillé du travail dans les mises en actes cliniques).
Le mécanisme relationnel des mises en actes mutuelles représente
une interaction entre la vulnérabilité émotionnelle du patient et la
disponibilité émotionnelle du clinicien (la capacité à « prendre » le
transfert). Il est pleinement opérationnel lors des ruptures (inévitables)
de l’alliance thérapeutique, décrites par Aspland, Llewelyn, Hardy,
Barkham et Stiles (Aspland et al., 2008) comme des « points de
déconnexion émotionnelle entre le client et le thérapeute qui créent un
changement négatif dans la qualité de l’alliance » (p. 699), qui
agissent comme des « épisodes de comportement caché ou
manifeste qui piègent les deux participants dans des interactions
complémentaires négatives » (p. 700). Bien que ces ruptures de
l’alliance soient les moments les plus stressants du traitement, ces
« collisions » des subjectivités du thérapeute et du patient
représentent également un contexte intersubjectif de « collaboration »
potentielle entre leurs subjectivités, et donc un contexte de réparation
interactive, un mécanisme fondamental du changement
thérapeutique. Cette structure relationnelle émergente cocréée au
sein de l’alliance thérapeutique contient un système de
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communication par feedback plus efficace, non seulement des


communications du cerveau droit, mais aussi des régulations
interactives du cerveau droit des états affectifs intensément
dysrégulés associés aux traumatismes relationnels précoces.
En effet, les fonctions biologiques homéostatiques essentielles des
communications affectives, corporelles et d’attachement intersubjectif
dans toutes les interactions humaines, y compris celles qui sont
intégrées dans le noyau psychobiologique de l’alliance thérapeutique,
sont impliquées dans la régulation des états du cerveau droit, de
l’esprit et du corps. Aron observe que « le patient et l’analyste régulent
mutuellement leurs comportements, leurs actes et leurs états de
conscience de telle sorte que chacun entre dans la peau de l’autre,
chacun atteint les tripes de l’autre, chacun est respiré et absorbé par
l’autre… l’analyste doit être à l’écoute du non-verbal, de l’affectif… de
ses réponses corporelles » (Aron, 1998, p. 26). L’importance de cette
connexion limbique-autonome droite est soulignée par Whitehead :
« Chaque fois que nous établissons un contact thérapeutique avec nos patients, nous
engageons des processus profonds qui puisent dans les forces vitales essentielles de
nous-mêmes et de ceux avec lesquels nous travaillons… Les émotions sont
approfondies en intensité et soutenues dans le temps lorsqu’elles sont partagées de
manière intersubjective. Cela se produit dans les moments de contact profond »
(Whitehead, 2006, p. 624, italiques de l’auteur).

Dans les moments de contact profond, la résonance psychobiologique


intersubjective entre l’inconscient relationnel du patient et celui du
clinicien génère une amplification interactivement régulée de
l’activation et de l’affect, de sorte que les affects inconscients sont
approfondis en intensité et soutenus dans le temps. Cette
augmentation de l’intensité émotionnelle (activation énergétique)
permet à des affects dissociés situés sous des niveaux de conscience
d’émerger dans la conscience des deux membres de la dyade
thérapeutique.
Les « moments affectifs intenses » du traitement offrent des
possibilités de régulation interactive des affects par le cerveau droit,
ce qui est au cœur du processus d’attachement. Ogden conclut :
« La régulation psychobiologique interactive […] fournit le contexte relationnel dans
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lequel le client peut, en toute sécurité, contacter, décrire et finalement réguler son
expérience intérieure […]. C’est l’expérience par le patient d’une action lui rendant une
sensation de pouvoir dans le contexte de sécurité fourni par la régulation interactive de
l’affect par un clinicien empathique qui aide à réaliser le changement » (Ogden et al.,
2005, p. 22).

Dans un article fondateur de la littérature en psychologie clinique,


Greenberg (2007) décrit une forme « d’autocontrôle » de la régulation
des émotions impliquant des niveaux plus élevés de fonctions
cognitives exécutives qui permettent aux individus « de changer la
façon dont ils se sentent en changeant consciemment la façon dont ils
pensent » (p. 415). Il propose que cette forme explicite de régulation
des émotions soit effectuée par l’hémisphère gauche verbal, et que
les émotions inconscientes basées sur le corps ne soient
généralement pas prises en compte. Ce mécanisme de régulation est
au cœur de la compréhension verbale-analytique et du raisonnement
contrôlé, et il est fortement mis en avant dans les modèles de thérapie
cognitivo-comportementale. Contrairement à ce système conscient de
régulation des émotions, Greenberg décrit un second processus
implicite de régulation des affects, plus fondamental, réalisé par
l’hémisphère droit, qui traite rapidement et automatiquement
l’expression faciale, la qualité vocale et le contact visuel dans un
contexte relationnel. Ce type de thérapie vise non pas le contrôle mais
« l’acceptation ou la facilitation d’émotions particulières », y compris
« de l’émotion précédemment évitée », afin de permettre au patient de
les tolérer et de les transformer en « émotions adaptatives ». Citant
mes travaux, il affirme que « c’est le développement de capacités
implicites ou automatiques de régulation des émotions qui est
important pour un changement durable, en particulier pour les clients
très fragiles souffrant de troubles de la personnalité » (2007, p. 416).

MÉCANISMES RELATIONNELS DU CERVEAU DROIT


POUR LE CHANGEMENT THÉRAPEUTIQUE

Dans les cas d’échecs de maturation de l’attachement précoce, en


particulier dans les cas de traumatismes relationnels, le contact
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émotionnel profond et la régulation interactive implicite de l’affect sont


des mécanismes centraux des processus de changement de la
psychothérapie du cerveau droit. Rappelons que la caractéristique du
traumatisme est l’atteinte à la vie relationnelle (Herman, 1992). La
réparation et la résolution des traumatismes relationnels doivent donc
se produire dans un contexte thérapeutique relationnel. Dans ce
travail difficile, plus que la compréhension cognitive, les facteurs
relationnels sont au cœur du mécanisme de changement. Le travail
clinique impliqué dans les mises en actes traumatiques nécessite un
engagement profond de la part des deux participants de la dyade
thérapeutique et une implication émotionnelle profonde de la part du
thérapeute. Ces types de cas, aussi difficiles soient-ils, représentent
des expériences d’apprentissage précieuses pour le thérapeute et
requièrent des compétences expertes (Schore, 2012). En fin de
compte, un traitement psychothérapeutique efficace des pathologies
du soi évoluant précocement (y compris les troubles de la
personnalité) peut faciliter les changements neuroplastiques dans le
cerveau droit, qui est dominant pour les fonctions d’attachement tout
au long de la vie. Ce mécanisme neurobiologique interpersonnel
permet un traitement optimal à long terme afin de transformer les
attachements désorganisés et désorientés en attachements « sécures
acquis ».
Cela dit, le système cérébral droit en développement (« esprit droit »,
Ornstein, 1997) subit un impact relationnel dans toutes les histoires
d’attachement, y compris les attachements sécures et insécures. La
perspective clinique transthéorique de la théorie de la régulation, qui
décrit les processus psychoneurobiologiques fondamentaux de
l’action thérapeutique, s’applique à tous les patients, sécures ou non,
et à toutes les formes de psychothérapie. Dans une récente étude de
neuro-imagerie, Tschacher, Schildt et Sander (2010) affirment que
« la recherche en psychothérapie ne s’intéresse plus à l’efficacité
mais plutôt à la manière dont le changement effectif se produit »
(p. 578). Les changements induits par une psychothérapie axée sur
l’affectivité et la relation s’impriment dans le cerveau droit, qui domine
le traitement non verbal, implicite et holistique des informations
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émotionnelles et des interactions sociales (Decety & Lamm, 2007 ;


Hecht, 2014; Schore, 2012 ; Semrud-Clikeman et al., 2011). Le
cerveau droit joue un rôle central dans l’affectivité implicite (par
opposition à l’affectivité explicite), définie comme « les différences
individuelles dans l’activation automatique des représentations
cognitives des émotions qui ne résultent pas de l’autoréflexion »
(Quirin et al., 2009, p. 4012). Il prédomine également sur le gauche
pour faire face aux situations nouvelles et les assimiler, mais aussi
dans la résilience émotionnelle (voir Schore, 2012). Ces fonctions
adaptatives sont mobilisées dans les processus de changement de la
psychothérapie.
Un traitement de longue durée permet l’évolution vers une structure
psychique plus complexe, qui peut à son tour traiter des fonctions plus
complexes du cerveau droit (par exemple, l’intersubjectivité,
l’empathie, la tolérance à l’affect, la régulation du stress, l’humour,
l’amour mutuel et l’intimité). Un environnement relationnel facilitant la
croissance d’une exploration thérapeutique plus profonde de
l’inconscient relationnel et émotionnel peut induire une plasticité dans
les systèmes corticaux et sous-corticaux du cerveau droit du patient.
Cette connectivité accrue génère à son tour un développement plus
complexe du substrat biologique latéralisé à droite de l’inconscient
humain, y compris des altérations du modèle interne opérant non
conscient du patient qui encode des stratégies d’adaptation plus
efficaces de régulation implicite de l’affect et donc un changement
adaptatif et flexible des états de soi dans différents contextes
relationnels. Ce mécanisme neurobiologique interpersonnel sous-tend
l’affirmation de Jordan selon laquelle « les gens grandissent à travers
les relations et en direction des relations tout au long de la vie »
(Jordan, 2000, p. 1007).
L’aspect intrinsèquement relationnel de la théorie de la régulation
modélise également les changements réciproques dans le cerveau
droit du clinicien qui résultent du travail répété avec les processus
thérapeutiques (Schore, 2012). Rappelons que l’APA caractérise
l’expertise clinique comme une « compétence interpersonnelle »,
exprimée par « l’encodage et le décodage des réponses verbales et
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non verbales » et « la réponse empathique aux expériences explicites


et implicites du patient ». Avec l’expérience clinique (les
« 10 000 heures » proverbiales), les psychothérapeutes de toutes les
écoles peuvent potentiellement devenir experts en processus
intersubjectifs non verbaux et en connaissances relationnelles
implicites, qui renforcent l’efficacité thérapeutique. La croissance
professionnelle du clinicien reflète les progrès des processus
relationnels du cerveau droit qui sous-tendent les compétences
cliniques, notamment l’empathie affective (Decety & Chaminade,
2003; Schore, 1994), la capacité à tolérer et à réguler de manière
interactive un éventail plus large d’états affectifs négatifs et positifs
(Schore, 2003b, 2012), l’ouverture implicite à l’expérience (DeYoung
et al., 2012), l’intuition clinique (Marks-Tarlow, 2012; Schore, 2012) et
la créativité (Asari et al., 2008; Mihov et al., 2010). Dans une très
récente revue d’ensemble de la recherche sur la latéralité, Hecht
(2014) affirme que « des preuves de plus en plus nombreuses
suggèrent que l’hémisphère droit a un avantage relatif sur
l’hémisphère gauche dans la médiation de l’intelligence sociale —
l’identification des stimuli sociaux, la compréhension des intentions
des autres personnes, la conscience de la dynamique dans les
relations sociales, et la gestion réussie des interactions sociales »
(p. 1).
Je dirais que l’expérience clinique renforce l’« intelligence sociale » du
cerveau droit du thérapeute.
La théorie de la régulation propose que les compétences cliniques
fondamentales de toute psychothérapie efficace soient des capacités
implicites du cerveau droit, y compris la capacité à recevoir et à
exprimer avec empathie des communications non verbales basées
sur le corps, la capacité à enregistrer avec sensibilité de très légers
changements dans l’expression et l’émotion d’une autre personne,
une conscience immédiate de sa propre expérience subjective et
intersubjective, et la régulation de son propre affect et de celui du
patient. Toutes les techniques reposent sur ce substrat relationnel.
Comme Valentine et Gabbard (2014) l’ont déclaré avec éloquence,
« la technique, en général, devrait être invisible. Le thérapeute doit
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être perçu par le patient comme s’engageant dans un dialogue


conversationnel naturel issu des préoccupations du patient ; le
thérapeute ne doit pas être perçu comme appliquant une technique
guindée et formelle » (p. 60). Au cours du traitement, dans une série
d’échanges cliniques chargés d’émotion, le thérapeute empathique
accède avec souplesse à une réserve d’expériences affectives
acquises au cours de sa carrière. Une perspective relationnelle du
développement professionnel exige que le psychothérapeute en
constante évolution réfléchisse fréquemment aux expériences
subjectives vécues avec les patients, y compris non seulement les
personnalités uniques des patients, mais aussi leur propre
coparticipation intersubjective consciente et surtout inconsciente au
processus thérapeutique.
Pour une efficacité optimale dans le traitement des déficits de
régulation et des difficultés relationnelles liés aux troubles
psychiatriques et de la personnalité, le clinicien expert apprend à
accéder de manière fluide non seulement à l’esprit conscient latéralisé
à gauche et au moi explicite du patient, mais aussi et surtout à l’esprit
inconscient latéralisé à droite et au moi implicite, basé sur le corps. Ce
principe s’applique aux modèles d’évaluation et de traitement de la
psychologie clinique. Il est intéressant de noter que, contrairement
aux questionnaires verbaux qui mesurent les fonctions explicites, les
tests projectifs, tels que le Rorschach et le TAT, exploitent
directement les fonctions implicites du cerveau droit (Asari et al.,
2008 ; Hiraishi et al., 2012). En effet, Finn (2012) applique maintenant
la théorie de la régulation aux évaluations Rorschach des défaillances
d’attachement du cerveau droit — voir également l’utilisation de l’Adult
Attachment Projective Picture System par Finn (2011) et l’Operant
Motive Test par Quirin, Gruber, Kuhl, & Dusing (2013).
En outre, les connaissances explicites que le psychologue acquiert en
étudiant le nombre actuellement croissant de recherches
interdisciplinaires cliniquement pertinentes sont essentielles au
développement professionnel. Mes études en cours indiquent que
l’explosion actuelle des informations sur le développement socio-
affectif précoce, l’attachement, les traumatismes relationnels, les
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processus inconscients et le développement des fonctions cérébrales


est directement pertinente pour les modèles cliniques de changement
psychothérapeutique. Les connaissances croissantes des disciplines
biologiques et médicales qui jouxtent la psychologie doivent être
incorporées dans nos programmes d’études, de formation et de
stages professionnels, où elles peuvent promouvoir des compétences
relationnelles et thérapeutiques plus efficaces, et ainsi les mettre à
jour.
La pratique de la psychothérapie ne consiste pas seulement à
enseigner explicitement au patient des stratégies d’adaptation. Au
contraire, elle est fondamentalement relationnelle : l’alliance
thérapeutique, principal vecteur de changement, est, par essence, un
système à deux personnes pour l’exploration (implicite) de soi et la
guérison relationnelle. À tous les stades de la vie, cette croissance
émotionnelle du soi qui favorise le bien-être émotionnel est facilitée
dans les contextes relationnels, comme décrit ci-dessus. L’importance
du « contexte » est actuellement soulignée par toutes les disciplines
scientifiques et cliniques. Pendant la majeure partie du siècle dernier,
la science a assimilé le contexte à l’environnement physique de
l’organisme ; ce contexte s’est maintenant déplacé vers
l’environnement social et relationnel. Toutes les interactions
humaines, y compris celles entre le thérapeute et le patient, ainsi
qu’entre le chercheur et le sujet expérimental, se déroulent dans un
contexte relationnel, dans lequel des communications non verbales
essentielles sont transmises à des niveaux inférieurs à la conscience,
activant/désactivant ainsi des processus homéostatiques de base
chez les deux membres d’une dyade intersubjective. Cette
communication réciproque entre les inconscients relationnels des
deux membres de l’alliance thérapeutique est décrite par Casement
(1985) : « Il est habituel pour les thérapeutes de se considérer comme
essayant de comprendre l’inconscient du patient. Ce qui n’est pas
toujours reconnu, c’est que le patient lit aussi l’inconscient du
thérapeute, sciemment ou non » (p. 3). L’expression omniprésente de
l’inconscient relationnel dans l’alliance thérapeutique soutient
fortement les modèles psychodynamiques et interpersonnels de la
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psychothérapie, tout en amplifiant l’appel de Sigmund Freud à des


explorations scientifiques de l’inconscient appliquées à la vie de tous
les jours et qui changent de paradigme.
Au début de ce travail, j’ai suggéré qu’un changement de paradigme
était en train de se produire dans un certain nombre de disciplines, de
la cognition consciente du cerveau gauche aux fonctions
inconscientes, relationnelles et émotionnelles du cerveau droit. Dans
la littérature neuropsychanalytique portant sur « les émotions, les
processus inconscients et l’hémisphère droit », Gainotti (2005)
conclut :
« L’hémisphère droit contribue au niveau “schématique” inférieur (où les émotions sont
automatiquement générées et ressenties comme de « vraies émotions ») tandis que
l’hémisphère gauche contribue au niveau “conceptuel” supérieur (où les émotions sont
consciemment analysées et soumises à un contrôle intentionnel) » (p. 71).

Dans son examen magistral de la recherche sur la latéralité du


cerveau, Iain McGilchrist (2009) affirme ce qui suit :
« Si l’on entend par conscience la partie de l’esprit qui place le monde au cœur de son
attention, le rend explicite, permet de le formuler dans le langage et est consciente de
sa propre conscience, il est raisonnable de lier l’esprit conscient à une activité dont la
quasi-totalité se situe en fin de compte dans l’hémisphère gauche » (p. 188).
D’autre part, « l’hémisphère droit, en revanche, produit un monde
d’êtres individuels, changeants, évolutifs, interconnectés, implicites,
incarnés, vivants dans le contexte du monde vécu, mais dans la
nature des choses, jamais totalement saisissables, toujours
imparfaitement connus — et avec ce monde, il existe dans une
relation d’attention portée à l’autre » (p. 174).

CONCLUSION
La psychothérapie, « une relation d’attention portée à l’autre », peut
modifier plus que l’esprit conscient latéralisé à gauche ; elle peut
également influencer la croissance et le développement de « l’esprit
droit inconscient ». Il est sans aucun doute vrai que les deux
hémisphères cérébraux contribuent à un traitement thérapeutique
efficace mais, à la lumière de la tendance relationnelle actuelle qui
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met l’accent sur « la primauté de l’affect », le cerveau droit, le cerveau


« social », « émotionnel » est dominant dans toutes les formes de
psychothérapie.

Notes
1. Le présent chapitre a été préalablement publié en anglais sous les
références suivantes : Allan N. Schore (2014). The Right Brain Is
Dominant in Psychotherapy. Psychotherapy, 51(3) 388-397.
Traduction Joanna Smith.

2. Dans le présent chapitre, le terme « psychodynamique » peut être


assimilé à « psychanalytique », et « psychothérapeute » à
« analyste ».
Chapitre 5

Prise en charge des


traumatismes complexes :
apports de la théorie
de l’attachement et alliance
thérapeutique
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Joanna Smith

portant sur les psychothérapies, l’alliance de


D
ANS LA RECHERCHE
travail est reconnue depuis de nombreuses années comme un
facteur essentiel de leur efficacité (Bordin, 1979). Si l’on considère
plus spécifiquement l’alliance thérapeutique, celle-ci peut être définie
comme « une relation de collaboration entre le thérapeute et le
patient, qui va être influencée par la qualité de leur accord sur les
objectifs thérapeutiques, sur un ensemble de tâches ou de processus
thérapeutiques pour parvenir à ces objectifs et par la formation d’un
lien émotionnel positif » (Baier et al., 2020). Or, avec certains patients,
l’alliance thérapeutique semble particulièrement difficile à mettre en
place. Il s’agit souvent de patients présentant un traumatisme
complexe, ayant fréquemment été malmenés par leurs propres
parents, que ce soit sous forme de violence éducative, émotionnelle,
physique et/ou sexuelle. Du fait de ces antécédents relationnels
éprouvants, ces patients doutent de l’intention bienveillante du
thérapeute, peuvent s’attendre à être trahis, moqués, abandonnés ou
ignorés, ne pensent pas que la thérapie peut être efficace pour eux,
craignent le changement ou encore sont confus ou changeants dans
leurs objectifs thérapeutiques. Nous proposons ici que l’éclairage de
ce problème par la théorie de l’attachement, et notamment par la
notion de désorganisation de l’attachement, peut être d’une aide
conséquente dans la mise en place d’une alliance thérapeutique
favorable dès les premières séances de thérapie, et donc sur l’issue
positive de celle-ci.
Nous commencerons par rappeler la définition du traumatisme
complexe, afin de circonscrire les défis relationnels posés par ces
patients et de proposer des liens entre ce tableau clinique et la
désorganisation de l’attachement. Nous développerons ensuite la
notion d’alliance thérapeutique afin de pointer, grâce à la théorie de
l’attachement, en quoi cette alliance est un défi mais aussi un enjeu
capital pour la prise en charge de ces patients. Enfin, cette réflexion
débouchera sur la proposition de stratégies relationnelles précises
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permettant au thérapeute de sécuriser au maximum son patient au


sein du lien thérapeutique, afin de développer une bonne alliance et
ce, malgré la présence d’un traumatisme complexe.

DÉFINITION DU TRAUMATISME COMPLEXE


La CIM-11 définit le traumatisme complexe de la manière suivante :
« Le trouble de stress posttraumatique complexe (TSPT complexe) est un trouble qui
peut apparaître après une exposition à un événement, ou à une série d’événements, de
nature extrêmement menaçante ou terrifiante, le plus souvent prolongés, ou à des
événements répétitifs dont il est difficile ou impossible de s’échapper (par exemple
torture, esclavage, campagnes de génocide, violence domestique prolongée, abus
sexuel ou maltraitance physique sur des enfants). Nous pouvons remarquer que tous
les critères de diagnostic du TSPT sont satisfaits. En outre, le TSPT complexe se
caractérise de façon sévère et persistante par 1) des problèmes de régulation de
l’affect ; 2) l’impression d’être diminué, vaincu ou inutile, accompagnée de sentiments
de honte, de culpabilité ou d’échec en lien avec l’événement traumatique ; et 3) des
difficultés à entretenir les relations et à se sentir proche des autres. Ces symptômes
entraînent une déficience significative dans les domaines personnel, familial, social,
scolaire, professionnel ou d’autres domaines de fonctionnement importants. »

Les trois types de symptômes spécifiques du traumatisme complexe


mentionnés ci-dessus illustrent bien les difficultés que peuvent
éprouver ces patients à bénéficier d’une psychothérapie :
● les problèmes de régulation des affects les rendent vulnérables à
des séances ou des après-séances éprouvants, ce qui peut les
amener à éviter de venir à certains rendez-vous ou d’aborder
certains sujets ;
● l’atteinte sévère de l’image de soi, les sentiments de culpabilité et
de honte rendent le dévoilement de soi particulièrement difficile et
douloureux ;
● les difficultés relationnelles et à se sentir proche atteignent
directement la base de ce qui favorise l’efficacité thérapeutique,
c’est-à-dire la confiance et la qualité de l’alliance entre patient et
thérapeute.
Le traumatisme complexe est ainsi un défi pour la thérapie. C’est
d’autant plus problématique que ces patients ont un fort besoin de
psychothérapie, tant ils sont souvent sévèrement handicapés par leur
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passé traumatique, dans leur vie quotidienne. Ils souffrent souvent de


comorbidités comme les troubles de la personnalité (notamment
borderline), les troubles anxieux et dépressifs, le TSPT simple, les
conduites addictives et de problèmes de santé somatique (Felitti et al.,
1998). Mais la difficulté essentielle, outre leur réticence à consulter
et/ou à faire confiance à leur thérapeute, vient peut-être de leur
réexposition fréquente, dans le présent, à des situations ou des
relations dangereuses, qui menacent leur vie, leur santé, leurs
finances, leur équilibre personnel ou professionnel, ou encore la
continuité de la thérapie. Le suivi est difficile ou discontinu car
l’accumulation de nouveaux facteurs de stress voire traumatiques
semble la norme, par exemple, le patient est hospitalisé, il déménage
à répétition ou est hébergé dans des conditions précaires, il subit des
violences, ou commet des délits sous l’impact de substances, il perd
son emploi, il a des proches eux-mêmes en grande difficulté, il n’arrive
pas à dire non dans sa vie quotidienne… tout ceci entraîne de
multiples complications personnelles, relationnelles, financières,
professionnelles… Face à cette situation, le thérapeute peut se sentir
noyé, ne pas savoir par où commencer, se sentir dans l’urgence,
dépassé, impuissant.
TRAUMATISME COMPLEXE, DISSOCIATION,
MÉMOIRE TRAUMATIQUE ET DÉSORGANISATION
DE L’ATTACHEMENT

Les notions de dissociation et de mémoire traumatique, associées à la


théorie de l’attachement, éclairent de façon très utile la situation de
ces patients et ouvrent des perspectives thérapeutiques
intéressantes.
La notion de dissociation, sous-tendue par celle de mémoire
traumatique (Dell & O’Neil, 2010 ; Hart et al., 2017 ; Kedia et al.,
2019 ; Tereno, 2021), récemment mieux comprise grâce aux apports
des neurosciences, permet d’éclairer les fonctionnements paradoxaux
ou changeants des patients souffrant de traumatismes complexes. La
notion de mémoire traumatique souligne que les événements
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traumatiques ne sont pas situés dans le temps, et qu’ils continuent de


faire réagir le système nerveux comme s’il devait encore fuir,
combattre ou se figer face à tout ce qui peut ressembler à
l’événement (notion de « déclencheur »). La dissociation est un
mécanisme permettant de maintenir à l’écart ce matériel mnésique
traumatique, afin qu’il contamine le moins possible la vie quotidienne
par l’intermédiaire des déclencheurs. Le mécanisme dissociatif peut
être efficace, dans ce cas, la dissociation est « étanche » et le patient
a peu accès au matériel traumatique (amnésie, anesthésie,
déréalisation, dépersonnalisation). Néanmoins, la dissociation peut
également connaître des échecs et, dans ce cas, générer des flash-
back, des intrusions, des reviviscences, des stratégies d’évitement et,
d’une manière générale, des tentatives apparemment irrationnelles de
protection face aux déclencheurs.
Dans le traumatisme complexe, les déclencheurs sont multiples et
souvent puissants et, bien souvent, d’origine interpersonnelle. Comme
nous l’avons vu, la psychothérapie, en tant que relation de soins
nécessitant la mise en place d’un minimum de confiance et visant au
changement, peut s’avérer difficile d’accès ou effrayante pour ces
patients. La mise en place d’une alliance thérapeutique la plus solide
possible nous paraît ainsi essentielle afin de soutenir le patient de la
manière la plus sécurisante possible dans sa traversée.

L’APPORT DU CONCEPT D’ALLIANCE THÉRAPEUTIQUE


▶ Définition

L’alliance thérapeutique met l’accent sur trois composantes, qui sont


coconstruites entre patient et thérapeute :
● la qualité de l’accord entre patient et thérapeute sur les objectifs
thérapeutiques ;
● l’accord entre patient et thérapeute sur les tâches ou le
processus thérapeutique ;
● la formation d’un lien émotionnel positif (Bordin, 1979).
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La bonne qualité de l’alliance thérapeutique entre patient et


thérapeute a été associée de longue date, par les travaux de
recherche, à une issue thérapeutique favorable (Baier et al., 2020).
Selon une synthèse de Marteau-Chasserieau et Plantade-Gipch
(2021), certaines caractéristiques du thérapeute favorisent le
développement d’une bonne alliance thérapeutique : « son empathie,
sa flexibilité, sa présence thérapeutique, sa congruence, son
honnêteté, son intérêt envers le patient ou ses capacités de
réflexivité » (p. 28) Bien sûr, l’histoire d’attachement du thérapeute, et
le fait qu’elle soit plus ou moins résolue, influence également la qualité
de l’alliance. Comme le décrivent Rusconi-Serpa et al. (2009) au sujet
de l’activation du système d’attachement du thérapeute : celle-ci
« risque de réveiller ses propres stratégies conditionnelles de
protection, qui viennent miner sa fonction soignante : il peut par
exemple ignorer sa propre détresse, ce qui l’empêche de voir la
détresse chez l’autre, il peut détourner son attention de sa propre
détresse, ce qui peut l’amener à détourner son attention de celui qui
souffre. En cas d’attachement désorganisé chez le thérapeute, une
activation trop intense peut entraîner la réapparition de la
désorganisation sous forme de figement, de paralysie cognitive, de
perte de contrôle des émotions » (p. 12). Tous ces phénomènes
risquent fort de mettre en péril la qualité de l’alliance thérapeutique
(pour plus de détails sur la question du caregiving du thérapeute, voir
notamment le chapitre 18, p. 309).
Évidemment, du côté du patient, il semblerait que certaines
caractéristiques de son système d’attachement influencent également
l’alliance thérapeutique.

▶ Alliance thérapeutique et attachement

Il est intéressant de noter que, contrairement à ce que l’on pourrait


croire, la qualité de l’alliance thérapeutique n’est que partiellement
corrélée aux résultats des questionnaires d’attachement chez l’adulte
(Djillali et al., 2019). En revanche, la qualité de l’alliance thérapeutique
est corrélée à la qualité de l’attachement du patient envers son
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thérapeute (Djillali et al., 2019). Autrement dit, l’attachement du


patient et son attachement à son thérapeute ne sont pas
superposables, et le thérapeute peut, dans sa manière d’interagir
avec son patient, favoriser la mise en place d’un attachement plus
sécure qu’habituellement pour ce patient, et ainsi améliorer la qualité
de l’alliance thérapeutique, si cruciale à l’issue favorable de la
thérapie.
Enfin, de façon tout à fait intéressante, Rusconi-Serpa et al., se
basant sur Bordin (Rusconi-Serpa et al., 2009), soulignent que
l’alliance de travail est le fruit d’une coconstruction. Elle s’appuie donc
sur une dimension de collaboration entre patient et thérapeute,
dimension sur laquelle nous reviendrons.

▶ Alliance thérapeutique et synchronisation des rythmes


biologiques

Notons également que l’alliance thérapeutique est corrélée à la qualité


de la synchronisation entre les rythmes biologiques du thérapeute et
ceux du patient : rythme cardiaque, conductance cutanée, mais aussi
rythmes cérébraux à l’EEG ou encore fréquence vocale (Kleinbub et
al., 2020). Dans ce contexte, la synchronisation peut être définie par
l’apparition de rythmes similaires chez les deux partenaires de
l’interaction, ou de rythmes opposés (par exemple, un rythme
cardiaque élevé chez l’un et bas chez l’autre). Toujours selon
Kleinbub et al., la synchronisation patient-thérapeute est corrélée à
l’empathie du thérapeute, ainsi qu’à des interactions socio-
émotionnelles plus positives. Il semblerait que les thérapeutes
sécures présentent une meilleure synchronisation avec leurs patients,
mais cela ne signifie pas, tout comme dans les interactions mère-
bébé, que la synchronisation doit être constante. Il semblerait que la
synchronisation doive être de bonne qualité en particulier lorsque le
patient décrit son vécu et exprime ses émotions, tout en alternant
avec des moments de moins bonne synchronisation, par exemple,
dans les moments où le patient fournit des informations factuelles,
entame un nouveau sujet ou exprime un désaccord avec son
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thérapeute (Kleinbub et al., 2020). On retrouve probablement ici, bien


entendu, les marqueurs biologiques de l’expérience de la « mère
suffisamment bonne » décrite par Winnicott.

ATTACHEMENT INSÉCURE ET ALLIANCE THÉRAPEUTIQUE :


QUELLES STRATÉGIES POSSIBLES ?

▶ Principes généraux

Pour une description des différents types d’activation du système


d’attachement chez l’adulte et comment ils se manifestent, les
lecteurs sont invités à se reporter aux chapitres 1 et 2 du présent
ouvrage. Nous n’aborderons pas ici la mise en place d’une alliance
thérapeutique avec un patient adulte sécure, car celle-ci est plus facile
et assez fluide, et mettre en place une alliance avec un patient sécure
fait partie des compétences de base de tout psychothérapeute.
D’une manière générale, si les données scientifiques sur le sujet ne
sont pas encore claires, les auteurs et psychothérapeutes
expérimentés s’accordent sur différents points (Daly & Mallinckrodt,
2009 ; Mallinckrodt et al., 2009) :
● d’une part, que l’alliance thérapeutique est plus difficile à
développer avec un patient qui hyperactive (attachement
préoccupé) ou désactive (attachement détaché) son système
d’attachement, ou encore un patient qui se comporte comme s’il
craignait l’aide qui lui est proposée (attachement désorganisé) ;
● d’autre part, que le thérapeute peut s’adapter à la manière dont son
patient active ou non son système d’attachement, afin de favoriser
une bonne alliance thérapeutique.
D’une manière générale, le thérapeute vise à faire faire au patient une
expérience relationnelle correctrice dans le sens de la sécurité :
« Tout ce qui vient du thérapeute doit favoriser l’attachement sécure. Le thérapeute
peut supporter des émotions intenses et douloureuses et témoigner, constamment,
d’une empathie attentive et active. Le patient a confiance en lui ; le thérapeute est
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disponible, fiable ; expérimenter cette stabilité et cette fiabilité est en soi thérapeutique.
Cet accompagnement est actif : le thérapeute manifeste sa présence, chaque fois que
nécessaire, en stimulant les capacités de réflexion et d’exploration, sur un fond continu
d’attention et d’expression émotionnelle. L’importance de l’infra-verbal est cruciale. Ce
que le patient perçoit du comportement du thérapeute, et en particulier du ton de sa
voix et de la façon dont il l’approche, est au moins aussi important que ce que lui dit le
thérapeute » (Guédeney & Atger, 2015).

Ce dernier point, la place capitale du non-verbal, met l’accent sur


l’importance du travail personnel et de supervision du thérapeute, afin
qu’il puisse être suffisamment régulé, congruent et accordé à son
patient. Être thérapeute n’est pas une posture, l’état physiologique du
thérapeute joue un rôle considérable dans sa capacité à permettre au
patient de faire, avec lui, une expérience de sécurité relationnelle
malgré l’anticipation négative souvent générée par ses MIO. Il s’agit
pour le thérapeute d’être vrai, authentique, honnête mais pas pour
autant parfait. Les erreurs peuvent être réparées, et être l’occasion
d’une croissance thérapeutique pour le patient.

▶ Face à une hyperactivation de l’attachement

Lorsque le patient maximise ses signaux d’attachement, le thérapeute


peut se sentir valorisé, dans un premier temps, puis, parfois, agacé ou
irrité par la persistance de cette hyperactivation des signaux
d’attachement malgré ses tentatives d’apaiser le patient. Le
thérapeute peut avoir le sentiment que le patient « exagère » ou le
« manipule ». Ici, il est important que le thérapeute ait en tête que
cette maximisation des signaux d’attachement est issue d’une relation
au sein de laquelle la figure d’attachement était insuffisamment
prévisible et que l’hyperactivation du système d’attachement a servi à
la fois à mobiliser la figure d’attachement de façon plus fiable et à
exprimer indirectement la colère de l’enfant face à l’indisponibilité de
son parent.
Durant la phase d’engagement de la thérapie, une partie du travail du
thérapeute va donc consister à répondre, dans un premier temps, aux
demandes d’agrippement ou aux stratégies coercitives du patient tout
en évitant d’être surprotecteur et en amenant progressivement le
patient, au cours de la phase de travail, à faire des expériences
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acceptables de son autonomie et de sa compétence (en régulation


des émotions, en résolution de problèmes…). Mallinckrodt et al.
nomment « stratégie contre-complémentaire » la réponse du
thérapeute qui va permettre au patient de développer une stratégie
nouvelle, en termes d’attachement (Atger et al., 2021; Mallinckrodt et
al., 2009).
Dans le cas d’une hyperactivation de l’attachement, il s’agit de
« favoriser l’exploration et le développement des ressources propres »
(Atger et al., 2021, p. 251). Pour sécuriser le patient, il est utile, dès le
début de la thérapie, d’annoncer clairement quelle va être la
disponibilité du thérapeute (et ses limites) afin d’être le plus fiable et
prévisible possible, ainsi que la manière dont on envisage d’organiser,
le jour venu, la fin de la thérapie. Par exemple, annoncer en combien
de temps le thérapeute répondra en cas de message du patient, ou
quelle disponibilité il aura (ou pas) durant ses congés, en cas
d’urgence, vers qui se tourner en cas d’indisponibilité, etc.
Évidemment, en cas de manquement du thérapeute à cette fiabilité, il
sera indispensable que ce dernier s’excuse, veille à réparer cette
rupture relationnelle (Eubanks et al., 2018), et évite qu’elle se
reproduise.
En outre, le thérapeute doit aussi accompagner progressivement son
patient dans l’expression de sa colère, par exemple sous forme de
critiques à son encontre. Une question régulière, telle que celle-ci, en
fin de séance, peut être utile : « Qu’est-ce que vous avez le plus aimé
et le moins aimé aujourd’hui ? », afin d’aider le patient à, petit à petit,
apprendre qu’il ne sera pas abandonné même s’il émet des critiques
vis-à-vis de son thérapeute.
Enfin, ces patients auront besoin que le thérapeute soutienne leurs
capacités d’exploration et de mentalisation, car leur fonction réflexive
est souvent peu développée, et leur discours mal organisé (Atger et
al., 2021 ; Holmes, 2001).
La fin de la thérapie est un moment attachement-pertinent et
nécessite donc d’être abordé avec soin. Les patients ayant tendance
à hyperactiver leur système d’attachement peuvent être aidés par le
fait d’espacer progressivement les rendez-vous, plutôt que de mettre
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fin à la thérapie avec la possibilité « de recontacter le thérapeute si ça


ne va pas », ce qui peut conforter leur croyance selon laquelle une
figure d’attachement n’est là que s’ils vont mal (Atger et al., 2021).

▶ Face à une désactivation de l’attachement

Ici, la phase d’engagement est délicate puisqu’il s’agit de patients


ayant de la difficulté à demander de l’aide et une tendance à vouloir
« s’en sortir seuls », voire à mettre fin prématurément à la thérapie. La
situation de psychothérapie est donc inconfortable pour eux, et
notamment l’évocation d’émotions ou le partage de l’intimité. La phase
d’engagement consistera donc à amener le patient à expérimenter
progressivement plus d’intensité émotionnelle et plus de partage
(Mallinckrodt, 2010). Cela peut être favorisé, dans un premier temps,
par le fait d’aborder les émotions des autres avant celles du patient, et
parfois, par le fait que le thérapeute se dévoile lui-même afin
d’encourager le patient à montrer sa vulnérabilité (Wallin, 2007). Il faut
être vigilant à ne pas tomber dans la tendance de ces patients à rester
dans des sujets superficiels ou une approche essentiellement
intellectuelle des problèmes, tout en s’ajustant à leur rythme un peu
plus lent. Attirer l’attention sur leur corps et poser des questions
précises pour les amener à évoquer peu à peu leurs souvenirs plus
précisément et sous un angle plus émotionnel semblent être des
stratégies adaptées (Atger et al., 2021 ; Holmes, 2001 ; Holmes &
Slade, 2017).
Ici aussi, la fin de la thérapie est un moment délicat : le patient est à
risque de minimiser l’importance de la relation, de s’en éloigner
brutalement ou de devenir excessivement critique à son égard. La
mission du thérapeute est ici d’accompagner les émotions sous-
jacentes normales du patient face à une séparation (tristesse, colère
notamment) ; partager ses propres sentiments et réflexions au sujet
de cette séparation en tant que thérapeute peut être très aidant pour
ces patients.
Les stratégies décrites ci-dessus peuvent paraître assez intuitives et
être mises en place spontanément par certains thérapeutes, même
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sans disposer de l’éclairage théorique attachementiste. En revanche,


lorsque le patient présente une dimension de désorganisation de
l’attachement qui l’amène activement à résister au soin ou à le
saboter, l’éclairage attachementiste semble presque incontournable.

PROBLÈMES RENCONTRÉS LORSQUE L’ATTACHEMENT DU


PATIENT EST DÉSORGANISÉ

▶ Caractéristiques et évolution de l’attachement désorganisé

Caractéristiques de l’attachement désorganisé


La désorganisation de l’attachement est décrite, depuis Main et
Solomon (1986), comme l’incapacité du tout-petit à organiser ses
comportements d’attachement autour d’un style d’attachement (même
insécure) qui permettrait de rendre le caragiving parental plus
prévisible afin de maintenir le lien avec sa figure d’attachement (dont
dépend la survie de l’enfant).
Dans la littérature, la désorganisation de l’attachement a été associée
à des comportements parentaux effrayés ou effrayants, à la présence
de deuils ou de traumatismes non résolus dans la propre histoire
d’attachement de la figure d’attachement ou encore à des
comportements parentaux hostiles ou impuissants (Holmes & Slade,
2017 ; Lyons-Ruth, 2005). Par ailleurs, selon Holmes et Slade, Van
Izjendoorn et Bakermans-Kranenburg décrivent que l’attachement
désorganisé diagnostiqué entre 1 an et 2 ans survient notamment
dans des situations de maltraitances, de chaos familial, de négligence
ou de violences conjugales parentales (Holmes & Slade, 2017), et
d’autres travaux décrivent le lien entre la désorganisation de
l’attachement et la communication maternelle disruptive (Lyons-Ruth
et al., 1999b). La communication maternelle disruptive est constituée
de comportements intrusifs négatifs, de confusions de rôles, de
désorientation (comportement effrayé ou étrange), d’erreurs de
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communication affective et de retrait.


Dans ces différentes situations sources de désorganisation, le tout-
petit se trouve dans une situation contradictoire face au danger : le
système d’alarme l’incite à s’éloigner du danger, alors que le système
d’attachement l’incite à se rapprocher de sa figure d’attachement. Si la
figure d’attachement est à l’origine du danger, il n’y a pas de solution
possible à ce conflit. En réponse à ces situations, l’enfant peut
développer des comportements de figement ou d’autres
manifestations dissociatives (absences, regard dans le vide…) faute
de pouvoir fuir, combattre ou trouver du réconfort auprès de sa figure
d’attachement (Main & Solomon, 1986).
La désorganisation de l’attachement représente un facteur de risques
au niveau psychopathologique, à l’échelle de la vie, notamment sous
forme d’un risque accru de souffrir d’un trouble de la personnalité
borderline et de troubles dissociatifs (pour une synthèse, voir Tereno,
2021).

Évolution de la désorganisation de l’attachement


Avec le temps, malgré les conditions délétères qui persistent parfois,
ces enfants grandissent et leur cerveau se complexifie. Ils peuvent
développer des stratégies nouvelles, plus actives, pour faire face aux
comportements effrayants, effrayés, hostiles, impuissants ou
négligents de leurs parents : Main et Cassidy (1988), puis Lyons-Ruth
et Jacobvitz (2008, 2016) décrivent comment ces tout-petits dont
l’attachement était désorganisé à 18 mois dans la « situation
étrange », peuvent parvenir à mettre en place des stratégies
interpersonnelles permettant une forme de contrôle de l’enfant sur leur
figure d’attachement. Ces stratégies sont de trois ordres :
● Les comportements contrôlants-punitifs, corrélés avec des
antécédents de communication maternelle disruptive élevés au
cours de la toute petite enfance : il s’agit ici d’enfants se comportant
de façon humiliante, gênante ou rejetante à l’égard du parent.
● Les comportements contrôlants-soignants, corrélés avec des
antécédents de retrait maternel dans la toute petite enfance :
l’enfant manifeste de la sollicitude et de la protection envers son
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parent, prenant soin du parent d’une manière qui laisse à penser


que ce dernier est dépendant de l’enfant.
● Plus rarement, d’après Liotti (Liotti, 1999) d’autres comportements
contrôlants peuvent se développer, comme les comportements
sexualisés de l’enfant afin de contrôler l’adulte (pour plus de
détails sur les comportements contrôlants des enfants
désorganisés, voir le chapitre 11, p. 203).

▶ Impact de la désorganisation de l’attachement sur l’alliance


thérapeutique

Lorsque ces patients arrivent en thérapie, la situation de demande


d’aide, et l’activation qu’elle implique de leur système d’attachement,
risquent fort d’activer la mémoire traumatique de leurs expériences
non résolues de désorganisation de l’attachement (Liotti, 2009). Dans
ces expériences traumatiques précoces, l’activation du système
d’attachement a reçu une réponse traumatisante : la figure
d’attachement était effrayante ou effrayée (voire traumatisée ou
dissociée), sévèrement indisponible ou désaccordée, ou encore
hostile ou impuissante (ou une alternance, voire un mélange de ces
états) (Lyons-Ruth et al., 2013).
Avec de tels antécédents relationnels d’attachement, le thérapeute
et/ou l’aide fournie risquent d’être perçus comme dangereux, ce qui
peut raviver le paradoxe dans lequel le patient s’est trouvé, petit, face
à sa figure d’attachement : ainsi, tout en demandant sincèrement de
l’aide à son thérapeute et en éprouvant une réelle détresse, le patient
peut être amené à empêcher son thérapeute de lui donner l’aide dont
il a besoin, ou à saboter l’aide proposée, pour se protéger.
Holmes et Slade décrivent :
« Il y a des clients qui manquent à venir aux séances, qui sont déprimés ou délirants
sans discontinuer, qui dénigrent ou idéalisent de façon irréaliste la thérapie, qui ont des
demandes déraisonnables, deviennent chroniquement dépendants sans signes
d’amélioration ou de changement, effractent les limites, se font du mal, viennent aux
séances alcoolisés ou “shootés”, doivent être hospitalisés, s’affament ou se gavent de
nourriture, abandonnent la thérapie ou même — de façon tragique et c’est le
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cauchemar de tout thérapeute — se suicident. » (Holmes & Slade, 2017, p. 104,


traduction personnelle).

La théorie de l’attachement, avec sa dimension évolutionniste, amène


à considérer les stratégies symptomatiques du patient sous l’angle de
stratégies de survie développées dans un environnement suboptimal,
voire adverse (Crittenden & Landini, 2011). Si ces stratégies sont
encore présentes chez le patient à l’âge adulte, alors qu’elles sont par
ailleurs source de souffrance et de dysfonctionnement, c’est parce
qu’elles ont initialement été positivement renforcées dans ce contexte
problématique. Ces stratégies ne persisteraient pas si elles n’avaient
pas fonctionné. Cette perspective éclaire différemment ce que Freud a
cherché à élucider en émettant l’hypothèse d’une pulsion de mort. Les
psychanalystes attachementistes Holmes et Slade décrivent comment
comprendre la dimension apparemment perverse des symptômes
auto-destructeurs : « L’envie, la destructivité et “l’instinct de mort” sont
souvent employés pour “expliquer” les forces qui motivent une telle
perversité. Du point de vue attachementiste, bien que mettant
l’individu en difficulté, ces comportements sont vus comme des
manifestations significatives des drames d’attachement dont ils sont
issus » (Holmes & Slade, 2017, p. 109, traduction personnelle), des
comportements d’attachement désespérés et contradictoires de
demande d’aide, imparfaits mais essentiels à sa survie dans un
environnement dangereux (Tereno et al., 2017).
Et si ces stratégies, apparemment contraires à la demande sincère de
thérapie du patient et à sa volonté authentique de s’en sortir,
émanaient de parties dissociées de la personnalité, issues d’une
histoire d’attachement désorganisée, ayant appris que dépendre de
l’autre pour de l’aide, dans une situation de vulnérabilité, est
particulièrement dangereux ? Le patient se trouve alors de nouveau
dans une situation paradoxale dans laquelle plus il est vulnérable et
en détresse, plus il a besoin de l’aide de l’autre, mais plus cette aide
peut lui paraître menaçante, et plus il risque de s’en protéger. Plutôt
que de considérer que le patient « résiste », il semble plus exact de
considérer qu’il éprouve un fort besoin d’aide et une détresse intense,
mais qu’une autre partie de son fonctionnement, dissociée, dont il
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peut avoir plus ou moins conscience, voire plus ou moins honte ou


peur, est terrifiée par notre proposition d’aide et de changement.
Les différences capitales entre l’expérience d’attachement du patient
à l’égard du thérapeute aujourd’hui et son expérience d’attachement
infantile envers ses parents, pour le patient, résident dans le fait que,
d’une part, il dispose aujourd’hui de ressources d’adulte (il est moins
dépendant et vulnérable qu’un enfant, il peut choisir à qui demander
de l’aide, il a plus de sens critique et de compétences, etc.) et, d’autre
part, que le thérapeute propose — espérons-le ! — un caregiving plus
sécurisant que celui de ses parents.

Illustration clinique
Un patient très en détresse appelle pour prendre rendez-vous, affirmant que, s’il ne va
pas mieux d’ici la fin de l’année (on est en mai), il se suicidera. Le thérapeute contacté,
qui ne prend plus de patients, propose de le réorienter sur un·e collègue de confiance.
Le patient explique alors qu’il ne peut faire confiance à aucun thérapeute de sa région
car son ex-femme, elle-même psychologue, a porté plainte contre lui pour violences
conjugales. Il pense que tous les thérapeutes de la région auront un a priori négatif
contre lui. Le thérapeute lui propose les coordonnées d’une collègue exerçant en vidéo-
consultation, relativement proche du patient géographiquement, afin qu’il puisse
facilement la voir en présentiel (il semble indispensable, de réaliser régulièrement des
séances en présentiel, dans ce type de situations). Néanmoins, le patient refuse,
arguant qu’à cause de la procédure, il n’a pas les moyens de se déplacer et qu’il ne
souhaite pas de distanciel.

Du côté du thérapeute, ces comportements paradoxaux suscitent des


réactions assez typiques au niveau contre-transférentiel : frustration,
agacement, rejet, hostilité, voire rage, ou encore sentiment
d’impuissance pouvant mener à la panique, notamment lorsque le
patient se met gravement en danger. Le repérage de ce contre-
transfert et de sa signification (alerte ! Il y a sans doute une peur de
mon patient à l’égard de mon caregiving !) constitue la première étape
dans l’élaboration d’une solution.
Si ces quelques lignes ont évoqué des patients que vous avez suivis
ou que vous suivez encore, nous vous suggérons de garder ces
personnes en tête dans la partie suivante, où nous allons passer en
revue un certain nombre de solutions possibles pour débloquer la
situation.
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COMMENT SORTIR DE L’IMPASSE AVEC LES PATIENTS


DÉSORGANISÉS ?

L’efficacité de la thérapie, chez ces patients, est mise à mal par la


complexité de leur problématique et souvent la précocité et la grande
quantité de blessures de vie dont ils souffrent ; elle est également
mise à mal par la difficulté à mettre en œuvre une alliance
thérapeutique suffisamment bonne, indispensable pour permettre ce
travail.
Nous proposerons ci-après un ensemble de pistes permettant
d’établir, de rétablir, ou de consolider l’alliance thérapeutique, basées
sur les différentes composantes de celle-ci : la qualité de l’accord
entre patient et thérapeute sur les objectifs thérapeutiques ; l’accord
entre patient et thérapeute sur les tâches ou le processus
thérapeutique ; la formation d’un lien émotionnel positif entre patient et
thérapeute. Nous terminerons par l’importance de la notion de co-
construction de cette alliance, et comment la favoriser.
▶ L’accord sur les objectifs thérapeutiques

Différentes stratégies peuvent être développées afin de rendre la


thérapie moins menaçante, au niveau des objectifs.

Restreindre l’objectif pour être moins menaçant


Bien souvent, les patients traumatisés complexes ont des objectifs de
thérapie très nombreux et/ou très vastes : être heureux, ne plus être
angoissé, retrouver un travail, trouver une relation amoureuse
stable… Or l’acceptation, telle quelle, d’objectifs aussi conséquents
par le thérapeute peut être très menaçante pour les parties les plus
vulnérables du patient. Ainsi, il peut être très utile de demander au
patient de se fixer un objectif plus restreint : quel objectif,
intermédiaire, constituerait la première étape pour du travail, par
exemple ?
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Prioriser un objectif
Dans le même ordre d’idées, il peut être très utile de travailler d’abord
sur des enjeux actuels ou récents plutôt que d’aborder d’emblée les
sources infantiles des problèmes. Par exemple, dans le cas d’un
patient qui consulte à la suite d’un harcèlement au travail, notre
formation de thérapeute nous amène souvent à chercher assez
rapidement, avec le patient, des difficultés plus anciennes
éventuellement sous-jacentes. Chez les patients présentant une
dimension de désorganisation de l’attachement, aborder si vite leur
histoire infantile, souvent traumatique, avec un thérapeute qu’ils
connaissent à peine et en lequel ils n’ont pas encore confiance peut
être très menaçant et donc provoquer des résistances. Soutenir le
patient dans l’épreuve qu’il traverse ou vient de traverser, en lui
donnant par exemple des stratégies de gestion du stress (cohérence
cardiaque…) ou en l’aidant à se remettre des événements récents
difficiles peut être plus adapté dans un premier temps. Rester au plus
près de la demande du patient (« me remettre de ce harcèlement »)
sera moins menaçant pour lui que de se pencher sur sa fragilité
antérieure, même si cela ne doit pas empêcher le thérapeute de
donner son avis éclairé sur d’autres chantiers qui pourraient être utiles
à aborder ultérieurement. Par exemple :

Exemple
THÉRAPEUTE : « Vous dites que vous avez eu de la difficulté à ne pas perdre vos moyens
face au harcèlement de votre collègue, alors que d’autres collègues ont réussi à s’en
défendre. Il est possible que cette situation ait réveillé chez vous une ou des histoires
anciennes pas tout à fait résolues et que cela explique en partie votre difficulté à réagir
face à ce harcèlement. C’est souvent le cas. Nous pourrons nous en occuper plus tard,
si vous le souhaitez, mais pour l’instant, il vaut mieux nous occuper de votre situation
actuelle et vous aider à vous remettre de ces événements plus récents, qui étaient en
soi déjà très éprouvants. Ensuite, vous verrez dans quelle mesure vous vous sentirez
disponible pour aborder, s’il y en a, des événements plus anciens. »

Cette manière de présenter les choses permet de connecter le patient


à ses antécédents traumatiques plus anciens avec douceur, d’aborder
un processus introspectif à ce sujet tout en étant respectueux de ses
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mécanismes de protection, sans prendre le risque de l’effracter. Cela


rejoint la proposition de « prescrire la résistance » décrite ci-après au
§ L’accord sur les tâches ou le processus.
Une autre question utile, issue des thérapies brèves stratégiques,
sera : « Qu’est-ce qui, si cela allait mieux, rendrait le reste un peu plus
supportable ? »

Rendre l’objectif concret


Il s’agit ici de fixer, avec le patient, les conditions qui permettront de
savoir que l’objectif a été au moins partiellement atteint. Grâce
notamment à l’hypnose, nous connaissons la puissance thérapeutique
de se représenter le problème déjà résolu. Au-delà de cela, nous
cherchons ici à vérifier que le patient et nous sommes en accord sur
ce que représente exactement son objectif, afin de travailler dans la
même direction. Il s’agit de s’assurer que l’objectif est réaliste, pas
trop ambitieux et donc pas trop effrayant, mais au contraire accessible
pour le patient. Par exemple, si le patient dit qu’il aimerait être « moins
angoissé », l’objectif est plutôt flou, et peut être un peu ambitieux.
Nous pourrions lui demander ce que « moins angoissé » signifierait
concrètement : avoir moins de trois crises d’angoisse par semaine, se
réveiller le matin avec une boule dans le ventre d’une intensité de
moins de 5/10, etc. Ceci est utile car les patients souffrant de
traumatisme complexe ont tendance à changer d’objectif à chaque
séance, en raison de leur fragmentation et des difficultés nouvelles qui
ne cessent de survenir dans leur vie. L’objectif risque alors d’être
diffus, changeant, flou, et la thérapie inefficace ou « diluée » ; ou
encore, la thérapie est efficace mais le patient a tendance à
« oublier » les symptômes résolus et à se focaliser sur ce qui va mal,
donc à se décourager. Pouvoir évaluer le changement avec le patient
à partir de ses objectifs (pas seulement à l’aide d’échelles) permet de
l’aider à voir le chemin accompli et, éventuellement, de travailler avec
la partie du patient qui a peur du changement.

Ne pas avoir de projet sur le patient


« L’acceptation radicale » est l’expression employée par Holmes et
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Slade (2017) pour rendre compte de l’état d’esprit qu’ils


recommandent au thérapeute de développer : « L’acceptation radicale
implique que les thérapeutes soient ouverts totalement et sans
jugement à l’égard de l’expérience et de la signification de la détresse
et de l’apparente incapacité du patient » (p. 109, traduction
personnelle). Cela peut paraître simple, mais notre « vocation » de
thérapeute et notre compassion pour la souffrance du patient peut
nous inciter à vouloir faire changer le patient sans tenir compte de sa
demande. Isebaert, Cabié et Dellucci citent Lipchik : « Les
thérapeutes ne doivent pas essayer de changer les clients ; les clients
doivent décider si et quand ils sont prêts à changer » (Isebaert et al.,
2015). Il est normal, positif et humain que le thérapeute ait envie que
son patient évolue favorablement, et qu’il s’en réjouisse lorsque c’est
le cas. Néanmoins, il ne faut pas que le changement du patient
représente un enjeu de survie, c’est-à-dire en lien avec les propres
enjeux non résolus du thérapeute.

Le risque de caregiving compulsif du thérapeute


Cette question soulève également la question du caregiving compulsif
du thérapeute, que ces patients parviennent parfois à activer. Le
caregiving compulsif peut être décrit comme une stratégie développée
par un enfant pour mobiliser vers lui l’attention de parents qui sont en
retraits ou négligents (Crittenden & Landini, 2011). Si un tel enjeu
n’est pas résolu chez le thérapeute, celui-ci risque de vivre le soin à
donner au patient comme un enjeu de survie, comme par le passé.
Ceci semble d’autant plus problématique lorsque le caregiving
compulsif du thérapeute survient dans la relation avec un patient
ayant subi de l’emprise, c’est-à-dire ayant été traité comme un objet
au service de son parent. Le fait que l’amélioration clinique du patient
puisse devenir un enjeu de survie pour le thérapeute risque fort
d’activer les antécédents de vécus d’emprise du patient, qui va alors
lutter de façon véhémente pour résister à l’intention « thérapeutique »
de son thérapeute. Il peut s’ensuivre une escalade amenant le
thérapeute à faire beaucoup plus pour son patient qu’il ne le ferait
habituellement (réduire son tarif, rallonger la durée des séances,
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recevoir en dehors des heures habituelles, consacrer beaucoup plus


de temps qu’habituellement aux communications hors séance avec le
patient, l’aider au-delà de son rôle de thérapeute, etc.),
comportements qui risquent fortement d’effrayer encore plus le patient
et de l’amener à aller encore plus mal. Il est souvent nécessaire
d’amener ces situations en supervision et/ou en thérapie personnelle
afin de tirer au clair les enjeux sous-jacents et que le thérapeute
puisse développer des stratégies thérapeutiques plus adaptées et
plus sécurisantes. En supervision, la question qui semble aider ces
thérapeutes est la suivante : « Seriez-vous prêt à réorienter ce
patient ? Et si non, pourquoi ? » Bien souvent, le thérapeute est
horrifié à cette question, sa réaction émotionnelle immédiate témoigne
du fait qu’il ne peut pas, de prime abord, envisager d’arrêter de suivre
le patient. Cette réaction aide généralement le thérapeute à prendre
conscience de son « besoin » de suivre le patient, puis à aller
l’explorer dans son propre espace thérapeutique.
Le problème est encore plus aigu lorsque le thérapeute présente des
antécédents de comportements contrôlants-soignants non résolus.
Les solutions sont néanmoins généralement les mêmes, via la
supervision et la thérapie personnelle.
▶ L’accord sur les tâches ou le processus

Consulter la vision du monde du patient par rapport à son trouble


et aux solutions possibles
Bien souvent, notre formation de thérapeute nous a appris à chercher
l’origine des troubles dans l’histoire infantile du patient. Néanmoins, le
patient, surtout s’il présente des antécédents d’attachement
désorganisé, n’en est souvent pas encore là, ou encore, s’il peut avoir
un avis allant en ce sens, n’est pas nécessairement émotionnellement
prêt à aborder ses antécédents infantiles douloureux en thérapie.

La pertinence de la psychoéducation
Donner des informations de psycho-éducation rend souvent le patient
moins « impuissant » face à ses troubles, dans la mesure où cela
l’aide à les comprendre. Il peut également se sentir moins coupable
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ou moins désespéré, puisque cela donne du sens aux comportements


qui lui échappent et une perspective sur la manière d’en sortir. La
psycho-éducation portant sur la mémoire traumatique est
particulièrement pertinente, ainsi que celle portant sur l’attachement.

Prescrire la résistance
Face au comportement paradoxal du patient, la stratégie de
« prescrire la résistance », inspirée des thérapies brèves stratégiques
(Nardone & Watzlawick, 2000), peut s’avérer très rassurante pour le
patient. En effet, bien souvent, les patients ayant une part d’eux qui
résiste à la thérapie vont projeter sur nous leur désir d’aller mieux, ce
qui peut se traduire par une tendance à nous assimiler à la partie
d’eux qui souhaite s’en sortir, et à s’identifier à la partie d’eux qui
s’oppose à la thérapie. Par exemple, les phrases typiques chez les
patients souffrant d’addiction : « Je sais que vous voulez que j’arrête
de boire, mais… » ou encore : « Vous allez être déçu, j’ai
recommencé à fumer du shit », témoignent de cette répartition des
« identifications ». En projetant sur son thérapeute son désir de
changer, le patient externalise son conflit psychique potentiel, ce qui
peut inciter le thérapeute à passer à l’acte, en examinant avec le
patient « comment l’aider à arrêter de boire » ou « comment l’aider à
arrêter le shit » alors qu’il est plus urgent d’explorer « cette partie de
vous qui s’attend à ce que j’aie des intentions/attentes sur elle » ou
encore « cette partie de vous qui peut avoir peur d’arrêter de boire/de
fumer ». Cette manière de se décaler permet d’inciter le patient à
prendre conscience de son conflit intérieur quant à la thérapie ou aux
intentions du thérapeute, en favorisant la reprise de l’exploration du
patient plutôt que sa propension à passer à l’acte dans la relation
thérapeutique. Il s’agit d’une forme de méta-communication sur la
relation thérapeutique.

Clarifier nos intentions


En complément avec les réflexions précédentes portant sur les
risques de caregiving compulsif ou de comportement contrôlant-
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soignant non résolus du thérapeute, il peut être utile, parfois,


d’expliciter ou de rappeler au patient que c’est lui qui décide ce qu’il
travaille en thérapie : nous pouvons lui faire des propositions
d’objectifs, remarquer, à partir de ses plaintes, des perspectives de
travail qui pourraient le soulager, en lui expliquant éventuellement
comment nous lui proposerions d’y travailler, mais dans tous les cas,
c’est lui qui décidera d’y travailler ou non, ou de prioriser autre chose.
La relation thérapeutique est conçue comme un partenariat où le
thérapeute est l’expert technique (et il est responsable, à ce titre, de
ne pas faire courir de risques au patient, par exemple en évoquant
trop tôt du matériel traumatique) et le patient est l’expert sur lui-même
(ce qu’il ressent, ce qu’il pense, comment il comprend ses troubles, ce
qu’il attend de la thérapie, ce qu’il est prêt à y investir, etc.). Nous
pouvons donc, en tant qu’expert technique, être force de proposition,
mais il est souvent utile de préciser que le patient peut refuser ces
suggestions et que nous ne lui en voudrons pas. Cela ne suffit bien
sûr pas toujours à lever la crainte d’une relation d’emprise chez le
patient, mais cela aidera beaucoup plus que de ne rien dire à ce
sujet !
Clarifier nos intentions consiste aussi à accepter le rythme du patient
et à ne pas faire plus de 50 % du chemin. Si le patient ne peut pas
venir plus de deux fois par mois pour des raisons de moyens, il est
pertinent d’évaluer, si possible avec lui, s’il souhaiterait venir plus
souvent (la difficulté est vraiment « juste financière »), ou si une partie
de lui se sentirait effrayée si la fréquence des séances augmentait.
Ceci nous permet de relancer l’exploration, avec le patient, de sa vie
psychique, et notamment de comprendre, ensemble, pourquoi une
partie de lui peut avoir peur du soin. Où cette partie de lui a-t-elle
appris cela ?
Si nous choisissons de fournir un effort inhabituel pour un patient, il
peut être très utile de nous questionner, au préalable, si cet effort vise
à compenser une résistance du patient, ou s’il va effectivement
accroître l’aide apportée.
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▶ La formation d’un lien émotionnel positif

Ne pas être trop neutre


Ces patients n’ayant pas reçu beaucoup de bienveillance au cours de
leur développement précoce et notamment auprès de leurs figures
d’attachement, la neutralité thérapeutique « habituelle » peut être
perçue comme de la froideur, de l’indifférence ou du mépris. Réparer
les blessures d’attachement de ces patients nécessite d’être
chaleureux, ouvert, explicite tout en respectant les limites (un lien
amical ou familier de la part du thérapeute ne serait pas sécurisant !).
On remarquera ici un autre impact positif de la psycho-éducation :
celle-ci consiste en quelque sorte à donner son avis « technique » sur
la situation du patient, ce qui peut contrer sa tendance à développer
un transfert « persécutif ». Il ne doit bien sûr pas s’agir de
complaisance de la part du thérapeute, les éléments partagés doivent
être sincères et authentiques, et non pas séducteurs ou
manipulatoires. Il s’agit ici d’être bienveillant de façon manifeste, de
soutenir le patient dans ses efforts, de saluer sa persévérance à s’en
sortir, de déculpabiliser les symptômes en expliquant en quoi ils ont
permis au patient de s’adapter à un environnement suboptimal, de
respecter le rythme du patient par rapport à ce qu’il est prêt à dévoiler
(pas d’anamnèse trop intrusive ou trop précoce)… cette bienveillance
prend de multiples formes.

Jouer un rôle de base de sécurité


Le thérapeute va soutenir l’exploration du patient ; pour cela, il sera
utile qu’il instille dans la thérapie des émotions positives comme
l’espoir, la joie, l’amour inconditionnel et la fierté, et qu’il encourage le
patient. Ceci sous réserve, néanmoins, que le patient sente que le
thérapeute se réjouit pour le patient et non pas pour lui-même et que
le soutien du thérapeute sera maintenu même en cas de difficulté ou
d’échec.

Oser regarder en face notre contre-transfert


Le maintien d’un lien émotionnel positif avec le patient passe bien
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souvent par un monitoring de notre état émotionnel, voire


physiologique en présence du patient. Ai-je peur ou suis-je angoissé
lorsque je vois qu’un rendez-vous avec ce patient approche ? Est-ce
que je me sens dépassé ou nul, ou encore déprimé ou honteux en
présence de ce patient ? Est-ce qu’il m’amène à me sentir en colère
ou me figer ? Maintenir sa fonction réflexive (Fonagy, 1999) en
présence de ces patients fortement dérégulés ou qui ont une
propension au passage à l’acte est parfois un défi. Nous ne sommes
pas des super-héros (même si nous aimerions bien, parfois !) :
accepter notre vécu émotionnel difficile, nos « ressentis négatifs »
(Hervé et al., 2008), éprouvants, de rejet, d’impuissance, voire de
honte ou de dégoût, mais aussi accepter nos erreurs est une étape
indispensable afin d’aider ces patients à faire de même un jour.
Recevoir l’acceptation inconditionnelle de son thérapeute, de son
superviseur ou de son groupe d’intervision quant à ces vécus
douloureux ou honteux et face à ses échecs peut être extrêmement
soutenant. Enfin, filmer ses séances avec les patients les plus
difficiles (même si ce n’est que se filmer soi-même, si le patient refuse
d’être filmé) peut être très aidant, même si cela demande du courage.
Amener certaines séquences filmées en supervision aide souvent
énormément à débloquer les situations difficiles. Une autre possibilité,
dans certains espaces de supervision, peut consister à jouer le rôle de
son patient au cours d’un jeu de rôles.

▶ L’importance de la co-construction de l’alliance

Enfin, et c’est peut-être le point le plus important qui sous-tend la


plupart des points précédents : l’alliance doit être co-construite. Nous
reprendrons ici une proposition de Liotti (2017), qui nous a été très
utile au cours des dernières années, dans le suivi des patients
traumatisés complexes.

Activer un autre système motivationnel que le système


d’attachement
Devant le constat que les patients souffrant d’antécédents de
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désorganisation de l’attachement activent leur système de stress


lorsque le système d’attachement est activé, Liotti a préconisé une
stratégie consistant à activer, dans une première phase de la thérapie,
et à nouveau dès que nécessaire, un autre système motivationnel
dans la relation thérapeutique, afin de réduire l’activation du système
d’attachement du patient. Liotti suggère d’activer le système
motivationnel de coopération (Liotti, 2017) ; la plupart des propositions
précédentes vont en ce sens : donner de la psycho-éducation aide le
patient à mieux comprendre ses troubles et les propositions
thérapeutiques qui peuvent lui être faites ; vérifier régulièrement que
le patient a compris ce qui lui est proposé et qu’il est d’accord avec la
stratégie et le processus thérapeutiques va aider le patient à sentir
qu’il ne « subit » pas la thérapie, etc. Le thérapeute et le patient
s’entraident afin de résoudre, ensemble, chacun avec leur expertise,
les difficultés du patient. Plus le patient « résiste », plus il faut relancer
la coopération afin de réduire l’activation du système d’attachement et
soutenir l’alliance thérapeutique.

Activer le système d’exploration en utilisant le modèle des parties


Dans la théorie de la dissociation structurelle (Hart et al., 2017) ou
encore dans la thérapie des états du moi (Phillips & Frederick, 2009),
une partie du travail consiste à amener le patient à explorer les parties
qui le constituent. En nous inspirant de cette approche, nous incitons
le patient, lorsqu’une résistance semble émerger, à explorer si la
situation thérapeutique a pu déclencher « une partie de lui qui pourrait
avoir peur de quelque chose qui s’est passé ou qui est prévu dans la
thérapie ».

Exemple
« Vous êtes arrivé très en retard, ce qui est inhabituel chez vous. Je me demande si la
séance de la semaine dernière, portant sur un événement particulièrement
traumatique, a pu inciter un endroit de vous à craindre de revenir me voir ? Qu’en
pensez-vous ? Je peux me tromper bien sûr, mais cette idée m’a traversé l’esprit et
cela m’aiderait de savoir ce que vous en pensez. »
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Ici, on ne confronte pas le patient pour sa résistance éventuelle, on


l’incite à explorer, avec nous, ce qui pourrait poser problème, sans
remettre en question sa volonté de s’en sortir. Cette approche active à
la fois le système de coopération et le système d’exploration, deux
systèmes dont l’activation a de fortes chances de réduire l’activation
du système d’attachement, et donc de l’alarme qui s’active avec lui.
Le travail thérapeutique peut reprendre dans de meilleures conditions,
une réparation de la rupture relationnelle éventuelle peut avoir lieu, le
patient fait une expérience sécurisante dans le lien thérapeutique, et
l’alliance thérapeutique en sort consolidée.

Recourir à des questionnaires pour évaluer l’alliance


thérapeutique
Certains outils peuvent nous aider dans la coconstruction de l’alliance
thérapeutique, dans la mesure où ils favorisent l’expression du
feedback du patient par rapport aux interventions de son thérapeute.
Le WAI (Working Alliance Inventory) est un questionnaire que le
thérapeute remplit afin d’évaluer la qualité de l’alliance développée
avec un patient. Cela peut permettre une prise de conscience des
difficultés éventuelles, puis un dialogue avec le patient sur ces
difficultés telles que le thérapeute les perçoit. Ce questionnaire a été
traduit et validé en français (Alix, 2015 ; Guédeney et al., 2005).
Le Questionnaire d’évaluation qualitative d’entretien (QEQE),
développé par Balta, nous est très utile : il propose onze questions
auxquelles il est demandé au patient de répondre (de 0 à 5), dans
l’idéal, à la fin du premier entretien. Il s’agit ensuite de passer en
revue les questions où le patient n’a pas répondu « 5 » afin de
demander ce que le thérapeute aurait dû faire — ou ne pas faire —
pour avoir un point de plus. Sans se justifier, le thérapeute prend note
de la réponse du patient et réajuste, si besoin, son comportement au
cours des séances suivantes. L’essentiel est, selon Balta, que le
patient réponde favorablement à la question : « Nous avons travaillé
sur mes objectifs — ou des objectifs importants pour moi », tant il est
essentiel que le patient ne doute pas que l’espace thérapeutique est
le sien et qu’il n’est pas soumis à un projet du thérapeute. Ensuite, il
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n’est pas nécessaire de proposer à nouveau le questionnaire, l’idée


étant que ce questionnaire permette au patient d’éprouver l’ouverture
du thérapeute à un feedback critique de sa part, et que cela favorise
l’expression ultérieure du feedback du patient.

CONCLUSION
Lorsque les situations ou les patients dits « difficiles » ou encore les
situations de traumatismes complexes sont éclairés par la théorie de
l’attachement, en particulier par la notion de désorganisation de
l’attachement, de multiples pistes s’ouvrent au thérapeute afin d’établir
ou de rétablir l’alliance thérapeutique, un facteur si essentiel au
changement. Privilégier la coopération, restreindre son objectif,
s’appuyer sur la psycho-éducation, respecter les choix du patient tout
en prenant soin de sa propre auto-régulation, le cas échéant, vont
souvent permettre de débloquer des situations où une escalade « je
veux te soigner — je dois résister » s’est installée. Néanmoins, il est
préférable de mettre en place des conditions favorables, dès la
première consultation, afin qu’une telle escalade n’ait pas lieu. Pour
cela, il est très utile d’être attentif d’emblée aux stratégies
d’attachement que le patient manifeste à l’égard du thérapeute
(parfois dès la prise de rendez-vous) et, en particulier, d’être vigilant
aux manifestations qui pourraient évoquer une désorganisation de
l’attachement et une peur de la relation d’aide.
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Partie 2

Psychothérapies informées par


l’attachement
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Quel éclairage la théorie de l’attachement peut-elle apporter aux


psychothérapies ? L’attachement est un modèle trans-théorique. Il
apporte une grille de lecture pertinente aux situations de détresse, de
danger et de recherche d’aide. La psychothérapie est une situation
activant le système d'attachement, quelle que soit l’obédience. Trois
psychothérapeutes également formateurs en psychothérapie
développent ici ce que la théorie de l’attachement apporte à leur
approche comme compréhension et perspectives de travail
nouvelles : l’attachement en thérapie des schémas, en gestalt-
thérapie du lien et en EMDR. Lorsque la théorie de l’attachement est
appliquée à une psychothérapie, il s’agit d’une psychothérapie
attachement-informée ou informée par l’attachement.
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Chapitre 6

Thérapie des schémas


et théorie de l’attachement

Bernard Pascal

ANS LE PRÉSENT CHAPITRE, nous décrirons comment la thérapie des


D
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schémas, qui repose sur la théorie de l’attachement, permet d’en


retraiter les troubles. La thérapie des schémas est une méthode issue
de la thérapie cognitive, conçue pour la prise en charge des troubles
de la personnalité. Comme il existe des liens entre les troubles de
l’attachement chez l’enfant et l’apparition ultérieure de troubles de
personnalité, notamment borderline (Lyons-Ruth, 2003), l’apport de la
théorie de l’attachement au traitement des troubles de la personnalité
est particulièrement pertinent.
Nous commencerons par reprendre les principaux concepts utilisés en
thérapie des schémas, pour ensuite illustrer les liens entre les
schémas et les modèles internes opérants décrits par Bowlby. Nous
terminerons en illustrant comment la thérapie des schémas aborde et
traite les MIO en psychothérapie, à partir de deux cas cliniques.

THÉRAPIE DES SCHÉMAS ET TCC : CONCEPTS


▶ Les pensées automatiques
Aaron Beck est un psychiatre psychanalyste qui a fait une découverte
importante dans les années 1960 aux États-Unis ; il s’est aperçu que
la méthode de libre association passait à côté d’un train de pensées
indépendant
; ces cognitions d’un autre type sont explorées en demandant au
patient les pensées qui lui traversent l’esprit lors d’un état émotionnel,
soit en séance, soit dans sa vie quotidienne : Beck les nomme
« pensées automatiques ». Dans la vignette clinique que nous
présenterons plus loin, Julie se trouve activée émotionnellement parce
que son compagnon, Laurent, est en retard. Lorsqu’elle est envahie
par cette émotion (anxiété), elle se dit que Laurent est avec une autre
femme : ceci est un exemple de pensée automatique.

▶ Les schémas
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Beck a constaté que les pensées automatiques de ses patients


s’organisaient autour de thèmes qu’il retrouvait dans leurs rêves. D’où
la conception que les pensées automatiques étaient des émanations
conscientes ou préconscientes de structures plus profondes et
inconscientes : les schémas. La notion de « schéma » a été
approfondie par Jeffrey E. Young (2005), qui s’intéressait plus
spécifiquement aux troubles de la personnalité. Ce thérapeute a
montré que les pensées automatiques des patients présentant des
troubles de la personnalité s’organisaient autour de thèmes ayant trait
à l’enfance et l’adolescence, dans le cadre de blessures
d’attachement. Ces thèmes sont tels que carence affective, abandon,
imperfection, méfiance, dépendance/incompétence, vulnérabilité,
négativité/pessimisme, atrophie de la personnalité/fusionnement, pour
les principaux. Dans l’exemple de Julie, la pensée automatique citée
ci-dessus est en lien, dans l’inconscient, avec un schéma d’abandon.
On peut dire que les schémas de Young sont des représentations
mentales très superposables aux modèles internes opérants de
Bowlby. La thérapie des schémas est ainsi axée sur le retraitement
des souvenirs d’enfance et des blessures d’attachement, aussi bien
dans le cadre des carences que des traumas. Ces Schémas,
précoces, souvent préverbaux, sont conceptualisés comme des
réseaux neuronaux siégeant dans les structures de la mémoire
autobiographique, de la mémoire procédurale, du système limbique,
et du tronc cérébral (Damasio, 2010 ; Siegel, 1999). Ils sont constitués
non seulement de cognitions (pensées et images), mais aussi
d’émotions, de sensations corporelles, tous ces éléments ayant été
encodés au fur et à mesure des expériences de carence ou de
traumas.

▶ Les modes

La thérapie des schémas est en fait actuellement une thérapie des


modes (Young, 2005), sortes d’états du moi, facettes de la
personnalité, séparées les unes des autres par des barrières
dissociatives. Le concept de « mode » a été forgé au départ pour
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conceptualiser le trouble de la personnalité borderline et l’instabilité de


la personnalité que l’on rencontre chez les personnes qui en sont
atteintes. Reprenons le cas de Julie, vu au paragraphe précédent.
L’anxiété qui l’envahit lorsque Laurent est en retard est la
manifestation de son mode Enfant vulnérable, qui se trouve activé par
le retard de son compagnon. Le mode Enfant vulnérable est un état
de la personnalité dans lequel s’activent des émotions telles que la
tristesse, la panique, dans des circonstances anodines pour la plupart
des gens, mais que le sujet vit comme dramatiques. Dans son
inconscient, s’activent des réseaux neuronaux qui ont encodé depuis
différentes époques de l’enfance et de l’adolescence des souvenirs de
souffrance relationnelle. Chez Julie, le mode Enfant vulnérable est fait
de schémas de carence affective, abandon, méfiance/abus,
imperfection et manque de contrôle/d’autodiscipline. Sur le plan
neuroscientifique, on peut dire que le réseau neuronal du mode
Enfant vulnérable, dans le système nerveux central de Julie, est fait
de représentations (les schémas) qui se sont imprimées dans son
enfance sous l’effet de situations vécues. Dans les situations du
présent qui ravivent chez elle des souvenirs de mauvais traitements
du passé, elle réagit émotionnellement comme par le passé, avec une
souffrance intense, faite de panique et/ou de tristesse.
Il existe différents types de modes (Pascal, 2018), que nous
n’aborderons pas ici pour simplifier et rester centré sur la
problématique de l’attachement Nous dirons, pour aller à l’essentiel,
qu’il existe toujours chez le patient un mode fait de ressources et de
valeurs, une partie bienveillante et rationnelle, que l’on nomme mode
Adulte sain. Dans les deux vignettes cliniques abordées ci-dessous,
nous en resterons à cette présentation simplifiée, qui fait appel au
mode Enfant vulnérable et au mode Adulte sain.

APPLICATIONS CLINIQUES DE LA THÉRAPIE


DES SCHÉMAS CHEZ UNE PERSONNALITÉ BORDERLINE

Illustration clinique
Julie, 21 ans, souffre d’un trouble de personnalité borderline. Julie a une mère
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alcoolique, un père absent, un beau-père autoritaire, violent, insultant. Elle a vécu en


internat à partir de la classe de 5e, et a été placée en foyer d’accueil de la Protection
judiciaire à 17 ans. Elle a fait trois tentatives de suicide à 19 ans, à la suite de disputes
et de ruptures, signe de son schéma d’abandon. Depuis un an, elle a quitté le foyer
pour vivre avec Laurent, mais elle se dispute fréquemment avec lui, elle est au
chômage, elle est dépressive, boulimique et en surpoids. Jeudi soir, elle attend Laurent
qui rentre habituellement de son travail à 18 heures. Tout va bien pour elle à ce
moment-là. À 18 h 15, Laurent n’est pas de retour, et Julie se sent très angoissée, avec
palpitations, boule à la gorge et tremblements. Elle se dit que Laurent est avec une
autre femme et qu’il va sûrement l’abandonner. À l’arrivée de Laurent, qui aura
finalement une demi-heure de retard, elle ne se contrôle plus et fait à son compagnon
une scène terrible au cours de laquelle elle casse des objets qui sont chers à Laurent.

▶ Conceptualisation

Selon le modèle de la thérapie des schémas, on conceptualise la


situation de la manière suivante : le retard de Laurent a activé le mode
Enfant vulnérable de Julie. Ce mode est un réseau neuronal
contenant le schéma d’Abandon ; il est inconscient avant le retard de
Laurent, et devient un état conscient de la personnalité, avec mise en
jeu du système d’attachement, des émotions qui vont avec (anxiété,
dans le cas présent) et des cognitions associées (« il va
m’abandonner »). Le mode Enfant vulnérable de Julie comporte
d’autres schémas, en plus de celui d’Abandon : ceux de Carence
affective, de Méfiance et d’Imperfection. Dans cette situation, comme
souvent, Julie réagit comportementalement par une scène dans
laquelle la colère et l’agressivité sont au premier plan : on parlera de
stratégie de compensation, à savoir que la patiente se comporte en
cherchant à avoir un contrôle sur son compagnon, voulant que,
dorénavant, il lui obéisse. On dira donc que le mode Enfant vulnérable
de Julie est fait de plusieurs schémas et d’une stratégie de
compensation.

▶ Méthode d’imagerie diagnostique

Si l’on cherche à trouver le lien entre cette scène et l’histoire de vie de


Julie, on utilisera la méthode d’imagerie diagnostique : à partir de ce
thème conscient d’abandon, et du ressenti corporel de l’émotion
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d’anxiété (« Où, dans votre corps, ressentez-vous cette émotion ? »),


on incitera Julie à retrouver une image de son passé, en remontant le
temps le plus loin possible, à la recherche d’un événement vécu
durant lequel la même émotion aura été ressentie. On invite la
patiente à ne pas chercher « avec sa tête », mais plutôt « avec son
corps », dans le but de rester dans le fonctionnement intuitif du
cerveau droit, émotionnel et sensoriel. La recherche se fait les yeux
fermés. À l’issue de cette recherche, Julie rapportera le souvenir
suivant : à l’âge de 11 ans, elle se réveille en sursaut de la sieste,
angoissée : elle a entendu sa petite sœur, 9 ans, pleurer au salon.
Elle s’y précipite et y trouve son beau-père alcoolisé en train de
menacer sa sœur de sévices si elle continue d’être énurétique. Julie
explique qu’elle a protégé sa sœur en s’interposant entre l’adulte et la
fillette, en regardant fermement son beau-père dans les yeux et lui
criant : « Mais tu ne vois pas que tu lui fais peur ? » Le résultat
cherché sera obtenu : le beau-père alcoolisé se retire dans sa
chambre pour s’affaler sur son lit. On comprendra, dans cet exemple,
que Julie a une représentation de son beau-père comme faible et elle
sait qu’elle a les moyens de se faire obéir de lui. On reconnaîtra
aisément le mécanisme d’attachement contrôlant punitif (Main &
Cassidy, 1988 ; Moss & Lecompte, 2015). D’autres séances de travail
en imagerie préciseront que l’attachement de Julie avec sa mère et
son beau-père sont faits de vécus d’instabilité, d’imprévisibilité, face à
des personnages adultes impulsifs et imprévisibles, très déstabilisants
et effrayants pour l’enfant, témoignant d’un attachement désorganisé.
Et l’on sait que le style d’attachement contrôlant se développe souvent
— même si ce n’est pas toujours le cas — sur un fond d’attachement
désorganisé (Cassidy & Shaver, 2016). On connaît aussi le rôle de
l’attachement désorganisé dans la genèse du trouble de personnalité
borderline (Lyons-Ruth, 2003).
Si l’on cherche maintenant — au cours du débriefing qui suivra avec
Julie — à comprendre le lien entre ce souvenir du passé et la situation
du présent avec Laurent, on pourra faire prendre conscience à Julie
du côté dysfonctionnel de son attitude avec son compagnon. Elle
cherche à contrôler Laurent comme elle parvenait à faire obéir son
beau-père : elle a appris dans le passé que des adultes pouvaient être
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faibles, qu’elle pouvait les faire obéir en étant suffisamment


menaçante, et elle a appliqué cette compréhension du monde à ses
relations ultérieures, notamment avec Laurent. Mais elle va devoir
réaliser que le monde qui l’entoure a changé depuis son enfance, et
qu’il est contre-productif d’agir avec Laurent comme elle le faisait avec
son beau-père !

▶ Réparation de l’attachement dysfonctionnel

Au-delà de la prise de conscience de son attachement contrôlant et


de l’incidence de celui-ci sur sa vie actuelle, il va également être
nécessaire de chercher à réparer l’attachement dysfonctionnel. C’est
ce que l’on fera au travers de l’imagerie de reparentage. Dans la
scène que Julie — yeux fermés — a retrouvée de ses 11 ans, le
thérapeute demandera l’autorisation d’entrer dans l’image, de tutoyer
l’enfant, puis de s’adresser à elle dans le but de l’aider : c’est le
reparentage en imagerie. Le support neuroscientifique du reparentage
est la notion de reconsolidation mnésique (Alberini & LeDoux, 2013 ;
Nader, 2015), qui permet la réécriture en imagerie
On sait actuellement qu’un souvenir stocké en mémoire à long terme,
lorsqu’il est accédé en mémoire à court terme, se trouve dans un état
labile ; notamment si l’émotion est fortement activée au cours du
rappel ; cette labilité permet la modification du souvenir, soit en le
renforçant, soit en l’atténuant. C’est l’atténuation que l’on vise en
psychothérapie, notamment en thérapie des schémas, au cours de la
réécriture en imagerie, et notamment dans le reparentage en
imagerie. Dans ce procédé, le thérapeute entre donc dans l’image
comme expliqué précédemment, pour dialoguer avec l’enfant, lui
enseigner les besoins affectifs fondamentaux, lui montrer qu’il n’a pas
été traité comme ses besoins le commandaient.
Les besoins affectifs fondamentaux, selon la thérapie des schémas,
sont organisés selon quatre directions :
● le besoin de sécurité dans l’attachement (acceptation et soutien
inconditionnels, stabilité du lien) ;
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● le développement de l’autonomie, de la compétence et du sens de


l’identité ;
● l’expression des besoins et des émotions, la spontanéité et le jeu ;
● l’apprentissage des limites et de l’autocontrôle.

Dans le cas de Julie, le thérapeute dans l’image parlera à l’enfant


pour lui expliquer que son beau-père s’est mal comporté, qu’elle a
bien fait de protéger sa petite sœur, mais que cette attitude de
protection est trop pour elle, que ce n’est pas son rôle de se prendre
pour un parent, que d’autres adultes se seraient comportés
différemment de son beau-père, qu’elle ne doit pas chercher à faire
obéir les autres, que ce n’est pas ainsi que sa vie sociale pourra être
harmonieuse. Le thérapeute cherchera aussi à faire s’exprimer
l’enfant sur ses souffrances, ce qui a pour effet de valider les
émotions de l’enfant et d’améliorer l’estime de soi. Le thérapeute
demandera aussi, dans l’image, l’autorisation de confronter l’adulte
dysfonctionnel, en l’occurrence le beau-père. Et aussi la mère, qui
laisse ses enfants exposés à un adulte dangereux pour eux. Il parlera
donc au(x) adulte(s) dysfonctionnel(s) dans l’image, alors que l’enfant
écoutera.
Le thérapeute pourra également demander à la patiente de tenir le
rôle de l’adulte dysfonctionnel dans l’image, par exemple, ici, que Julie
joue le rôle de son beau-père en interaction avec le thérapeute. Ceci
permet au thérapeute de se faire une idée des propos du parent
lorsqu’il est confronté, et aussi de travailler sur la structure interne de
la personnalité de la patiente : en effet, tenir le rôle de l’adulte
dysfonctionnel est en incongruence avec le mode Adulte sain de Julie,
si bien que ce travail avec le rôle de l’adulte dysfonctionnel va souvent
permettre d’activer une colère saine chez la patiente, colère qui lui
permettra d’être davantage consciente de ses besoins et de les
affirmer. Différents dialogues en imagerie sont possibles, avec
changements de rôles, entre l’enfant, le mode Adulte sain et l’adulte
dysfonctionnel, toujours dans le but d’activer le mode Adulte sain de la
patiente, lequel pourra, lorsque la thérapie aura progressé, auto-
reparenter l’enfant, sans que le thérapeute n’intervienne plus. Ces
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différents dialogues se font au fur et à mesure des séances et


permettront de reparenter le mode Enfant vulnérable à partir de
différents souvenirs restés marquants.
Le thérapeute cherche également, par son attitude en séance, à
assurer une expérience émotionnelle correctrice à son patient. Par
son calme, sa stabilité, son empathie, son soutien émotionnel, sa
prévisibilité, il cherche à créer un accordage émotionnel, qui permettra
de créer un attachement sécurisé, de façon à montrer un style
d’attachement sain à une personne insécurisée.
Nous illustrerons maintenant la manière dont la thérapie des schémas
peut être appliquée au traitement d’une personnalité évitante, à partir
de la thérapie de Claire.

APPLICATION DE LA THÉRAPIE DES SCHÉMAS


À UNE PERSONNALITÉ ÉVITANTE

Illustration clinique
Claire a 25 ans, elle est étudiante. Elle présente une personnalité évitante, avec peur
du rejet de la part des autres. Très anxieuse « depuis toujours », elle décrit des
antécédents d’hypocondrie, d’émétophobie (phobie du vomissement). Actuellement, il
existe une anxiété sociale avec peur d’avoir un malaise en public, et surtout peur
d’avoir besoin d’aller aux toilettes. Elle présente un évitement phobique : Claire évite
systématiquement les sorties entre amis et elle est souvent absente de ses cours à la
faculté pour ces raisons. Dans ces situations anxiogènes, les pensées automatiques
sont axées sur la crainte du jugement des autres : « on va penser que je suis faible,
que je suis incapable de me contrôler. » On trouve chez elle deux schémas : Manque
de contrôle et Abandon.

▶ Application de l’imagerie diagnostique

Comme avec Julie, on explore en imagerie l’anxiété qu’elle a


présentée un matin avant de venir en séance, avec un ressenti
physique abdominal. L’image ancienne retrouvée est une scène
survenue à l’âge de 5-6 ans, dans laquelle la mère de l’enfant dépose
sa fillette au club de gymnastique. La patiente dit alors à sa mère
qu’elle a mal au ventre (la fillette a peur de chuter à la poutre). La
mère fronce les sourcils, lui jette un regard critique, sceptique et la
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dépose sur le parking. Claire va seule à la séance d’entraînement,


très angoissée, et son entraîneur insiste pour la poutre. L’émotion
rapportée est de l’anxiété. L’intervention du thérapeute, entré dans
l’image, aura pour but de dialoguer avec la petite de 5 ans, qui lui fait
part de sa peur de tomber de la poutre : « Mon entraîneur ne me
comprend pas et insiste. Ma mère ne tient pas compte de ma
demande. Elle trouve que j’exagère. Elle ne tient pas compte de ce
que je lui dis, ni de ma peur. Elle ne m’aide pas. Je voudrais qu’elle
discute avec l’entraîneur. Je me sens seule face à mon problème. Je
ne peux pas compter sur elle. » On identifie clairement dans ce
souvenir un style d’attachement insécure évitant avec la mère. Le
thérapeute entrera donc dans l’image pour dialoguer avec la fillette, la
faire parler sur ses difficultés, lui apprendre qu’elle a
fondamentalement le besoin d’être entendue, comprise et soutenue
par sa maman. Puis, il se proposera de parler avec la mère pour lui
expliquer le côté dysfonctionnel de son attitude avec Claire : sa fille a
besoin d’avoir confiance en sa mère, de pouvoir lui parler librement,
de sentir que sa maman est capable de l’écouter, de la comprendre et
de l’aider, sans jugement, de la soutenir dans cette difficulté avec
l’entraîneur. Il confrontera la mère à propos de ses attitudes
inadaptées, en insistant sur la critique du comportement, et non de la
personne. Des changements de rôle auront lieu : Claire tiendra le rôle
de la mère répondant au thérapeute, puis s’exprimera à son tour vis-
à-vis de sa maman pour lui exprimer sa difficulté, mais aussi sa
colère. Cliniquement, nous observons que ce sont ces changements
de rôle, guidés par le thérapeute, qui ont un effet restructurant sur la
personnalité, avec prise de conscience du côté dysfonctionnel du
comportement parental, amélioration de l’estime de soi et
développement de l’affirmation de soi.

CONCLUSION
Les interventions en thérapie des schémas ont pour but de modifier la
structure interne de la personnalité : renforcer le mode Adulte sain et
réparer les conséquences d’un attachement insécure ancien. Le
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travail en imagerie est fait pour retrouver et réparer les


représentations anciennes de blessures d’attachement. Le travail du
thérapeute en séance, via la relation thérapeutique, est axé vers la
construction d’un attachement sécure, via un accordage émotionnel,
qui montre au patient l’exemple correctif d’un nouveau style
relationnel à développer avec les personnes de sa vie actuelle.
Chapitre 7

Attachement insécure et
Gestalt-thérapie du lien

Pierre Van Damme

GESTALT-THÉRAPIE du lien est une approche intégrative qui


L
A
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reconnaît à la fois l’importance du contact présent et éphémère,


concept central en Gestalt-thérapie, et qui met néanmoins en avant
l’importance de construire des liens durables comme compétence
essentielle de l’humain. Créer des liens… à l’image du renard qui
invite le Petit Prince (de Saint-Exupéry, 1943) à l’apprivoiser. N’est-ce
pas ce que nous tentons de faire avec nos patients ? Un exemple
illustre comment le lien est au cœur de la clinique :

Illustration clinique
Flore, une patiente, m’envoie une carte avec l’image du Petit Prince venu d’ailleurs :
« Comme le Petit Prince, j’ai aussi des ennuis avec une fleur. Elle a du mal à grandir, à
s’ouvrir, car la terre est peu fertile. » Peu de temps après, je reçois une autre carte
d’elle montrant la rencontre du serpent avec le Petit Prince : « On est un peu seul dans
le désert. On est seul aussi chez les hommes, dit le serpent » et ce petit texte au dos :
« Merci Pierre d’être là chez les humains. » La Gestalt-thérapie du lien n’est-elle pas un
chemin d’humanisation ?

« Nous percevons le lien davantage lorsqu’il est malmené ou absent


[…] Ce lien peut être ténu, fragile, fort, solide, ambigu, tenace,
emprisonnant, complexe… » (Delbrouck, 2016). C’est dans cette
complexité que les difficultés d’attachement se manifestent…
Dans le présent chapitre, après un bref rappel de ce qu’est la Gestalt-
thérapie, nous commencerons par présenter la Gestalt-thérapie du
lien et ses similitudes avec la théorie de l’attachement, pour ensuite
développer son application clinique dans le cas de patients présentant
des caractéristiques d’attachement évitant.

PRÉSENTATION DE LA GESTALT-THÉRAPIE DU LIEN


▶ Rappels sur la Gestalt-thérapie

Gestalt est un mot allemand qui signifie structurer, mettre en forme ce


qui est chaotique, donner du sens, quand la vie devient absurde,
dispersée, sans cohérence. La Gestalt-thérapie (Perls et al., 1951) est
associée à d’autres mots : ici et maintenant, contact, humanisme et
existentialisme
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● L’ici et maintenant, c’est être centré sur ce qui est présent, focalisé
sur ce que je ressens dans l’interaction avec un environnement
donné, que ce soit un groupe, un thérapeute, une famille ou une
institution ; prendre conscience de ce qui vient m’encombrer dans
ce présent, que ce soit le passé ou l’angoisse du futur, permet de
se rendre plus disponible à ce qui est là.
● Le contact dans le présent entre moi et un environnement est la
réalité psychologique première : comment prendre contact avec le
monde, avec les autres constitue l’objet même de l’attention. Il n’y a
plus ici un monde interne ou externe mais un espace intermédiaire
où se passent les interactions et les échanges, la frontière-contact,
espace qui sépare et qui relie.
● La Gestalt-thérapie est aussi un humanisme qui trouve ses
fondements dans la philosophie existentielle. Sartre écrivait : « Ce
qui est important n’est pas ce qu’on a fait de nous mais ce que
nous faisons de ce qu’on a fait de nous. » Autrement dit, ce qui
fonde l’humanité de chacun, c’est sa capacité à trouver une plage
de liberté dans la vie, faite de créativité et d’initiative, à sortir de
l’emprise et du conditionnement du passé, du déterminisme de
notre famille et de notre milieu social d’origine.
▶ Spécificités de la Gestalt-thérapie du lien

Dans les années 1990, Gilles Delisle, psychologue et formateur


québécois, propose une révision de la Gestalt-thérapie, en y
introduisant des correctifs et une réponse aux critiques, tant sur sa
faiblesse en psychopathologie que sur l’absence d’une théorie de
développement. Il va l’appeler « psychothérapie gestaltiste des
relations d’objet » (PGRO) ou « psychothérapie du lien » (1998). Au
centre de formation Champ-G dont je suis cofondateur, nous avons
choisi l’appellation de Gestalt-thérapie du lien pour signifier les racines
de ce courant.
Celui-ci tente de rapprocher deux points de vue : la Gestalt-thérapie et
la psychanalyse des relations d’objet. C’est un retour aux sources
puisque Perls était dissident de la psychanalyse classique freudienne.
Il va rechercher parmi les rénovateurs, notamment issus de la
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psychanalyse des relations d’objet comme Fairbairn ou Winnicott, des


points de vue complémentaires à la Gestalt-thérapie autour des
mêmes axiomes de base : une vision unitaire de la conscience dès la
naissance, le primat de la relation sur la pulsion.
Gilles Delisle part de la conception gestaltiste du champ organisme-
environnement pour s’ouvrir au monde interne. Toutefois, ce n’est pas
un retour à l’intrapsychique de la psychanalyse : il s’intéresse au
devenir des situations inachevées du passé et des dilemmes de
contact précoces entre un enfant et son environnement familier. Ce
n’est pas un objet mauvais ou une image défaillante de soi qui sont
internalisés, introjectés, mais bien une expérience globale soi-
environnement qui constitue un microchamp introjecté (MI). C’est ce
MI qui structure la personnalité dans une matrice de représentation du
champ soi-environnement positive et négative (MRC). Le self devient
la structure processuelle d’intériorisation du champ.
Depuis 2003, Delisle a enrichi son approche en y intégrant les
recherches en neurosciences affectives, particulièrement la théorie de
la régulation affective de Schore (Schore, 2003b) et les travaux de
Cozolino (2010). Il éclaire ainsi les processus neurologiques et
cérébraux sous-jacents au lien thérapeutique qui favorisent le
développement de la capacité du patient à mentaliser en situation
d’activation émotionnelle
La mentalisation est comprise comme « l’intégration des processus
imaginatifs collaborant à la compréhension des êtres humains dans
leur intentionnalité […] en relation à des états de désirs, de besoins,
d’émotions, de motivations, d’intentions, de croyances… ».

▶ Les trois niveaux de la relation thérapeutique

Des liens précoces perturbés aux liens actuels (Van Damme, 2020),
les patients adultes sont confrontés notamment à des enjeux
précoces d’attachement irrésolus qualifiés d’insécure anxieux,
insécure évitant ou désorganisé. Pour travailler ces enjeux et amorcer
un changement, Delisle distingue trois niveaux de la relation
thérapeutique qu’il synthétise par les 3 R : reproduction,
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reconnaissance, réparation.
● Reproduction : en Gestalt-thérapie du lien, le lien thérapeutique
est d’abord conçu comme un lien transférentiel qui cristallise des
représentations associées à l’histoire du patient. Des images,
situations, sentiments, sensations sont transportés d’un autre lieu
ou d’un autre temps à l’ici et maintenant de la relation
thérapeutique. Le thérapeute, « parce qu’il accepte de refaire le
chemin du développement, qu’il soigne, inspire, frustre […] est
figure parentale » (Delisle, 1998). Le thérapeute va sentir, par
identification projective, ce que le patient vit et repérer ainsi ce qu’il
reproduit dans sa vie actuelle, ce que nous appelons les impasses
de contact.
● Reconnaissance : la relation thérapeutique est aussi une relation
dialogale de reconnaissance ; elle va permettre de faire un voyage
inter-champs pour identifier des liens de sens entre les différentes
situations vécues par le patient dans sa vie actuelle (champ 3),
dans son histoire (champ 4) et dans la situation thérapeutique
(champ 1 et 2). Le thérapeute va coconstruire avec son patient des
hypothèses développementales qui éclairent ce qui se répète dans
sa vie. Il va s’appuyer, dans une approche multimodale, sur des
auteurs tels que Bowlby, Stern ou Winnicott pour comprendre ce
qui a pu créer un attachement insécure.
● Réparation : la relation thérapeutique est, enfin, une relation
réelle ; deux personnes sont face à face et travaillent à l’avènement
d’un « Je face à un Tu » (Buber, 1923). C’est dans ce moment que
s’expriment l’intégrité et l’humanité du thérapeute, dans
l’expérience d’un contact nouveau. Le lien thérapeutique vise à
restaurer des liens cassés, abîmés, à créer chez la personne
souffrante la confiance dans un lien permanent et durable.

POINTS DE CONVERGENCE ENTRE LA GESTALT-THÉRAPIE


DU LIEN ET LA THÉORIE DE L’ATTACHEMENT

Des points de convergence existent entre la Gestalt-thérapie du lien et


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la théorie de l’attachement issue des travaux de Bowlby : ce sont


toutes deux des théories du conflit interne qui priorisent le relationnel
plutôt que le pulsionnel ; toutes deux présupposent que le
développement se poursuit toute la vie et proposent des étapes de
changement assez proches dans le processus thérapeutique. Delisle
comme Bowlby affirment la nécessité de faire évoluer la théorie pour
qu’une science reste vivante et, de ce fait, ont tous deux eu du mal à
se faire reconnaître par leur communauté scientifique d’origine,
gestaltiste ou psychanalytique.

▶ Une théorie du conflit interne

La Gestalt-thérapie du lien est une théorie du conflit interne et non de


la carence. La théorie de la carence pose l’hypothèse que les
manques de l’enfance peuvent être réparés par un thérapeute
bienveillant, chargé de donner au patient ce dont il a été privé depuis
toujours. En Gestalt-thérapie du lien, le chemin thérapeutique est plus
complexe : il est à la recherche du dilemme de contact originel qui
singularise le paradoxe vécu dans l’expérience précoce de l’enfant,
comportant à la fois de l’indispensable et de l’intolérable, à l’origine de
la mise en place des représentations non conscientes, car non
tolérables, de micro-champs introjectés. Par exemple, l’enfant qui a
besoin de l’amour d’une mère abusive va refouler, oublier en
même temps sa toxicité. Cela va venir colorer sa MRC — matrice de
représentation du champ soi-environnement — à l’âge adulte, qui
structure au long cours la façon dont chacun se voit, conçoit le
monde, et organise son mode relationnel.
Ce concept de matrice de représentation du champ soi-
environnement est proche des modèles internes opérants (MIO)
décrits par Bowlby (1969b) et conçus comme la trace, l’intégration
consciente et non consciente des expériences infantiles avec les
figures primaires d’attachement.

▶ Le primat du relationnel
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Bowlby (1984) définit l’attachement comme un besoin inné et primaire


de contact social chez le nourrisson, indépendant de la pulsion orale :
il remet ainsi en cause la théorie freudienne orthodoxe qui adhère au
paradigme individualiste et met en avant le primat des pulsions.
Le paradigme de champ organisme-environnement de la Gestalt-
thérapie du lien considère le self comme une « structure processuelle
de contact, de création de figures et de sens » (Delisle, 1998), qui, au
fil des expériences, s’actualise en permanence. Cette conception
présente donc une similitude avec la construction du soi selon la
théorie de l’attachement (Schore, 1994b).

▶ Un développement en continu

Bowlby remet en cause notamment la phase de position dépressive


située par Klein au cours du second semestre de la vie, comme
capacité précoce de l’enfant à répondre à la perte. Les réactions à la
perte constituent, selon Bowlby, un processus lent de maturation
durant toute l’enfance, voire toute la vie, pour créer ou retrouver une
base de sécurité. Delisle affirme, comme Bowlby, que le
développement se poursuit toute la vie, souvent sous la forme de
crises. Chaque nouvelle crise est une invitation à revisiter ses
blessures du passé pour les transformer.

▶ Le changement face aux perturbations du lien

Dans Le lien, la psychanalyse et l’art d’être parent (Bowlby, 1988b),


Bowlby indique, en précurseur, une voie pour traiter les pathologies
de l’attachement : le thérapeute a cinq étapes à franchir avec un
patient insecure :
1) explorer les émotions et souvenirs douloureux liés aux expériences
de perte ;
2) explorer les relations actuelles du patient avec ses proches et les
effets néfastes de ces expériences ;
3) comprendre la relation actuelle avec le thérapeute ;
4) repérer la manière dont les modèles internes opérants (MIO) de
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représentation du lien s’enracinent dans les expériences infantiles


avec les figures d’attachement primaires ;
5) enfin, aider le patient à réaliser la valeur adaptative qu’avaient ces
modèles internes opérants dans un contexte passé de survie et leur
côté inapproprié aujourd’hui, afin de tenter de créer de nouveaux
MIO.
Au-delà du vocabulaire et du jargon propres à chaque méthode, il y a
une visée commune sur le changement qui rend compatibles ces
deux approches. Selon Bowlby, le thérapeute se doit d’être au clair
avec sa manière d’être un caregiver pour développer une posture qui
favorise l’expérience d’une relation d’attachement plus sécurisante.
Ceci est similaire à la démarche de la Gestalt-thérapie du lien :
permettre, par une présence attentive et empathique, de relancer le
processus de croissance et de créer un lien plus confiant quand il a
été entravé, voire interrompu.
Je me propose d’illustrer cliniquement l’apport complémentaire de
ces deux auteurs sur le processus de transformation en décrivant la
manière optimale d’accompagner deux patients présentant des
tendances d’attachement insécure évitant.
DU DÉTACHEMENT AU STYLE D’ATTACHEMENT INSÉCURE
ÉVITANT OU DÉTACHÉ

Bowlby (1946) observe trois phases de réactions chez l’enfant avant 4


ans face à une séparation : la phase de protestation, la phase de
désespoir et la phase de détachement. Dans les études ultérieures
portant sur la « situation étrange », au retour de la mère, l’enfant
évitant ne témoigne d’aucun comportement caractéristique de
l’attachement, comme si le maternage et le contact humain n’avaient
plus de sens pour lui.
Ce détachement est-il un trait passager ou peut-il s’inscrire et se
structurer dans un caractère plus durable à l’âge adulte ? Dans un
autre registre théorique, le détachement est l’un des vingt-quatre
mécanismes de défense proposés par Valeinstein (Ionescu, 1997),
défini comme « un retrait de l’investissement libidinal ou agressif d’un
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objet. Il est associé habituellement à des éléments d’isolation et de


clivage ». Devenus adultes, certains enfants carencés ou
abandonniques ont souvent développé un mode d’attachement
insécure détaché ou schizo-évitant (proche du détachement) sous
forme de défense schizoïde, évitante ou paranoïaque. Tarabulsy
(Guédeney et al., 2021b) affirme que 17 % d’adultes de la population
générale relèvent de ce type d’attachement.
Moi-même, je me suis questionné sur mon fonctionnement détaché
ou schizo-évitant, suite à des expériences précoces de séparation, à
l’hôpital ou plus tardivement en internat, que j’ai vécues comme des
formes d’abandon. Il m’a fallu des années de thérapie pour
comprendre l’origine de ce dysfonctionnement et passer du retrait,
composé de peurs et de terreurs, de vide dépressif, à un
apprivoisement du contact sain… Peut-être mon histoire singulière
m’a-t-elle permis, dans ce métier difficile, de mieux accompagner
dans une présence empathique les enfants silencieux et la souffrance
des adultes solitaires ? Ces patients ont en commun une sensibilité à
la séparation et à l’abandon sur fond de personnalité détachée, de
mise à distance, de solitude et de difficulté à faire confiance aux
autres.

QUELLES PISTES D’ACCOMPAGNEMENT FACE


AUX PATHOLOGIES D’ATTACHEMENT DE TYPE DÉTACHÉ ?

Pour Bowlby comme pour la Gestalt-thérapie du lien, le thérapeute se


doit de développer une posture qui favorise l’expérience d’une relation
d’attachement plus sécure. Je vais décrire deux situations
thérapeutiques pour le montrer : celles de Flore et d’Arlette.

Illustrations cliniques
1. Flore a été une enfant timide, fermée, envieuse du frère plus jeune et préféré du
père. Elle boude sa mère mélancolique, indisponible à sa naissance. Devenue adulte,
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elle est passive, méfiante des nouveaux contacts, soumise à des orages et à des
moments dépressifs, avec un sentiment de trahison de son mari qui la trompe et la
quitte. Flore a fait 6 ans de Gestalt-thérapie du lien, stoppée d’un commun accord, soit
3 ans et demi de thérapie en face en face et en groupe, suivis de 2 ans et demi en
face-à-face. Il s’agit d’une relation thérapeutique aboutie.
2. Arlette grandit repliée et entourée de sa grande sœur, de 12 ans son aînée ; celle-ci
quitte la maison à 18 ans. Arlette reste seule avec sa mère malade qui décède peu
après : pour Arlette, c’est l’effondrement. Le père est peu présent. À 15 ans, elle quitte
la maison pour aller vivre dans une famille anglaise, sa seconde famille, bien
qu’imparfaite et peu démonstrative. Devenue adulte, elle est sujette aux dépressions,
sensible aux séparations, jalouse de son mari, isolée et repliée, avec un sentiment
fréquent d’être persécutée ou trahie. Arlette a poursuivi 3 ans et demi de thérapie en
face-à-face puis a arrêté brutalement sa thérapie. On peut parler d’une relation
thérapeutique interrompue et inachevée.

Qu’est-ce qui a permis l’expérience progressive d’une relation


d’attachement plus sécure avec l’une et pas ou peu avec l’autre ? Je
vais tenter de le montrer en retraversant les cinq étapes de thérapie
proposées conjointement par Bowlby et la Gestalt-thérapie du lien.

▶ Étape 1

Explorer les émotions et souvenirs douloureux liés aux expériences


de perte ; la Gestalt-thérapie du lien parle de travailler les émergences
du ça, des sensations et des ressentis. Cette étape semble franchie
par les deux patientes.
Flore évoque des pertes passées et présentes, notamment la
séparation d’avec son mari. Ceci la rend dépressive ; elle se replie et
exprime dans des tonalités assez vives, des sentiments de tristesse,
de désir de mort et de rage envers son mari.
Arlette évoque la mort ou le départ de collègues du travail qui l’ont
affectée au point de la déprimer. Cependant, elle en parle de façon
détachée et ressent de l’agressivité vis-à-vis de l’environnement
restant, vécu comme malveillant, ou de jalousie vis-à-vis de son mari,
dont elle craint la tromperie ; elle masque sa tristesse derrière un
mutisme, une forme de dérision, une addiction à l’alcool et un
perfectionnisme au travail. Peu à peu, elle accède à l’expression de
sa tristesse.
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▶ Étape 2

Explorer les relations actuelles du patient avec ses proches et les


effets néfastes de ces expériences. La Gestalt-thérapie du lien parle
d’explorer les impasses de contact du champ 3 de la vie actuelle du
patient. Cette étape a été franchie par les deux patientes.
Au début de la thérapie, Flore revient souvent sur la trahison de son
mari, qu’elle a subie passivement. Elle perd confiance dans les
hommes. Elle investit la relation à ses enfants et se replie, s’isole du
reste du monde. Peu à peu, elle reprend goût à la vie par le contact
avec des enfants qu’elle peut soigner, la créativité dans la peinture,
l’amitié féminine qu’elle développe dans un groupe de formation.
Arlette vit le monde de façon persécutive ; les bons collègues sont
partis ; il ne reste que « les envieux et les sadiques » susceptibles de
l’agresser ; elle s’enferme dans le travail et l’alcool et n’a pour seuls
amis que des personnes qu’elle peut secourir. Ses deux enfants sont
grands et elle ne veut pas les déranger ; elle contrôle à distance son
mari et reste isolée.

▶ Étape 3
Comprendre la relation actuelle avec le thérapeute. Nous travaillons
en Gestalt-thérapie du lien les phénomènes de reproduction et
d’identification projective dans le champ thérapeutique 1 et 2. C’est
sans doute là que la distance se fait plus grande entre les deux
parcours thérapeutiques.
Flore va vite se sentir en sécurité avec le thérapeute et accepte ses
propositions ; elle lui écrit entre deux séances ; en revanche, elle a
des réactions très vives quand elle apprend la naissance de la fille du
thérapeute : rage, jalousie, désir de mort… C’est à partir de là qu’un
travail va se faire en lien avec son histoire développementale. Elle
développera ensuite, en thérapie, des demandes d’attachement de
petite fille à l’égard d’un bon parent sécurisant.
Arlette, par contre, marque de longs moments de silence au début de
chaque séance : regard hostile, soupirs, agacements : « Posez-moi
des questions… », voire des départs prématurés de la séance. Je suis
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le persécuteur et c’est moi qui dois l’apprivoiser ; elle est sidérée,


sans pensée et sans langage, voire terrorisée ; je tente de la rejoindre
en nommant ce que je sens, ce qui lui amène les larmes aux yeux. Ce
n’est qu’au bout de 15 minutes qu’elle commence à interagir. Un
moment m’a paru révélateur : un jour, je la croise, accompagnée de
son mari, dans un festival de jazz, je lui dis bonjour et je pars
rapidement, pour ne pas la déranger ; la semaine suivante, elle me le
reproche : « Vous ne les avez pas faites longues » et elle ajoute,
agressive : « Il est vrai que cela n’était pas payant. » Elle manifeste un
transfert négatif sur les hommes : le mari qui risque de la trahir, le
père absent, le beau-père de sa sœur qui la séduit, des hommes
froids et incapables de l’écouter. Mais cette reproduction est agie et
en difficulté d’être dépassée dans le cadre thérapeutique.

▶ Étape 4

Repérer la manière dont les modèles internes opérants de


représentation du lien (MIO) s’enracinent dans les expériences
infantiles avec les figures primaires d’attachement. Il s’agit pour la
Gestalt-thérapie du lien de travailler le champ 4 développemental du
patient en lien avec les pertes précoces et les dilemmes de contact
originels qui ont coloré sa matrice de représentation du champ de soi
et de l’autre (MRC). Là encore, il y a un accès différent à ce passé
pour les deux patientes.
Flore, à partir de la naissance de la fille du thérapeute, va faire le lien
avec la naissance de son petit frère : il a pris toute l’attention du père
qui, jusqu’alors, s’occupait beaucoup d’elle en compensant la carence
de la mère mélancolique, mère morte-vivante dans la maison, peu
démonstrative et qui partait par moments en séjour de soins
psychiatriques. Elle travaille ses sentiments négatifs vis-à-vis du petit
frère, du père puis dans un second temps vis-à-vis de la mère, qu’elle
a longtemps protégée. Un lien de substitution s’est développé avec la
grand-mère, bonne et chaleureuse, mais qui l’abandonnera par son
décès. Son modèle interne opérant prédominant reste une forme de
sécurité dans le repli, le détachement et la passivité, en mettant à
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distance le monde environnant.


Arlette vit un traumatisme majeur à 14 ans qui reste un souvenir-
écran ; sa mère décède d’un cancer ; cette perte avait été précédée
du départ de sa sœur plus âgée ; elle se retrouve seule avec un père
peu présent avec qui elle se sent insécure. Elle part rapidement vivre
dans une famille anglaise : « Il y a eu un grand tunnel noir pendant
vingt ans. » Elle a peu de souvenirs avant 14 ans, il lui reste l’image
d’une petite fille timide et soumise, un peu ronde, qui était la risée des
enfants à l’école. Elle a du mal à évoquer la relation à sa mère. C’est
trop douloureux et elle met le voile dessus. Elle exprime par contre sa
rancune vis-à-vis du père qui ne s’est pas occupé d’elle. Son modèle
interne opérant prédominant est une forme de sécurité dans un repli
protecteur, l’idéalisation d’une mère morte intouchable dont elle n’a
jamais fait le deuil, et une méfiance vis-à-vis des hommes. Le
détachement s’accompagne de moments de dissociation, coupant
toute capacité à penser, afin de mettre à distance le monde
environnant et s’éviter la souffrance de l’abandon.

▶ Étape 5
Aider le patient à réaliser la valeur adaptative qu’avaient ces modèles
internes opérants dans un contexte passé de survie et leur côté
inapproprié aujourd’hui pour tenter de créer de nouveaux modèles
MIO. Autrement dit, pour la Gestalt-thérapie du lien, c’est l’amorce
d’un travail de reconnaissance et de réparation en vue de modifier la
matrice de représentation du champ soi-autre (MRC). Là encore, il
existe une grande différence entre Flore et Arlette, dans leur capacité
à s’appuyer sur le lien thérapeutique et à vivre des expériences
réparatrices.
Flore a beaucoup progressé dans sa capacité à créer un lien avec le
thérapeute et avec le groupe. Je me souviens de l’épisode où elle a
apporté en séance de la soupe chaude à boire ensemble, après avoir
évoqué des rêves de bébé abandonné, recueilli et nourri par la mère-
thérapeute. : « Je voulais partager avec toi quelque chose de chaud et
de bon, de la vie. Un contenant chaud, ferme mais souple, un
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contenant fidèle que je peux retrouver, qui jamais ne va me rejeter. Je


prends du temps pour t’apprivoiser et me laisser apprivoiser. » Peu à
peu, elle s’épanouit dans une nouvelle activité où elle s’occupe de
nourrissons en crèche…
Arlette, elle aussi, a évolué : l’addiction à l’alcool s’est arrêtée ; elle est
moins perfectionniste dans le travail, elle développe des loisirs
musicaux, des voyages et partage ses découvertes avec le
thérapeute. Elle a moins de vécu persécutif ; elle est davantage
consciente de sa jalousie avec son mari et ses disputes sont moins
longues et moins intenses ; enfin, elle décide de visiter la maison de
son enfance qu’elle n’avait pas revue depuis la mort de la mère…
Néanmoins, la dépendance au thérapeute reste insupportable.
Prétextant une parole agressive du thérapeute, elle abandonne et
rompt le lien, probablement par crainte d’être abandonnée par lui. Le
vivre comme un expert froid était difficile mais moins angoissant pour
elle que l’intimité d’une relation chaleureuse qui risquait un jour de
s’arrêter.
CONCLUSION : APPRIVOISER LA PROXIMITÉ
D’UNE FIGURE D’ATTACHEMENT

« – Que signifie apprivoiser ?


– C’est une chose trop oubliée. Ça signifie créer des liens. »
SAINT-EXUPÉRY

Au terme de ce voyage thérapeutique, quels enseignements peut-on


tirer dans le traitement des personnes à l’attachement insécure
évitant, au regard de la Gestalt-thérapie du lien ?
L’accompagnement thérapeutique a mis l’accent sur la nécessité, dès
le début de thérapie, de s’engager dans une relation durable, de
ralentir et de cultiver la patience pour que le patient puisse élaborer
progressivement un sentiment de permanence du lien. Il convient de
laisser se déployer dans l’ici et maintenant l’angoisse face à la
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proximité, la contenir et accueillir l’ambivalence des sentiments dont il


faut encourager l’expression. Les ruptures de contact seront multiples
dans le repli schizoïde mais le thérapeute tricotera finement son
holding par sa voix, ses gestes, son regard…
L’enveloppe sécurisante sera éprouvée et rejetée par le patient
maintes fois avant l’acceptation. Ainsi, le processus de croissance
pourra être relancé. Le narcissisme du patient évitant est vite blessé.
La confiance en soi, l’estime et la valorisation de soi seront
constamment interpellées.
Le thérapeute sera vigilant aux séparations inévitables que génèrent
les vacances ou les événements réels de la vie et au processus de fin
de thérapie : il convient de respecter le temps du post-contact. Peut-
être n’ai-je pas assez mis l’accent sur ces arrêts pour Arlette qui ne
demandait rien et mettait le lien à l’épreuve après un temps
d’absence, en étant silencieuse et fuyante ; je repense aussi à ces
moments où j’ai dû annuler une séance, où j’ai raccourci le temps
d’une séance sans m’en rendre compte, ce qui a certainement activé
ses défenses évitantes et son rejet.
Le thérapeute est un « objet » nouveau et essentiel sur lequel se
cristallisent la méfiance, l’attente et l’avidité affective, voire la
désillusion du lien. Il sera interpellé, confronté fortement ; mordu,
griffé, pincé ou à l’inverse caressé, embrassé, adulé. Il devra rester
attentif, respectueux, chaleureux. Il aura à sentir en empathie,
nommer et contenir l’angoisse, entourer, envelopper, porter. J’ai pu le
faire avec Flore, insuffisamment avec Arlette. Elle a pu me juger froid
et pas suffisamment soutenant. Ce n’est qu’après la reconnaissance
de ces sentiments paradoxaux qu’un début d’apprivoisement et de
réparation devient possible et que le bon peut être accepté sans être
rejeté. Le thérapeute qui accepte de parentifier son patient sera à
même d’aller puiser en lui les ressources et la résonance empathique
nécessaires à cet accompagnement.
La relation thérapeutique a pu constituer un temps réparateur pour
Flore, qui a fait l’expérience d’une relation plus stable. Elle s’est sentie
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acceptée, comprise pour la première fois. Avec Arlette, j’ai tenté de


maintenir le lien, envers et contre tout, sans céder à mes peurs et à
ma lassitude ni aux mises à l’épreuve du lien par la patiente sous
forme de : « À quoi ça sert, tout ça est inutile ! On peut arrêter si vous
voulez. » La relation thérapeutique s’est pourtant prolongée 3 ans et
demi.
À la fin de la dernière séance, elle ironise : « Une de perdue, dix de
retrouvées… »
Je lui réponds : « Non, pas pour moi ! Vous pouvez croire cela ; vous
êtes libre de partir mais je suis triste de votre départ et je ne vous
oublierai pas… Je vous remercie d’avoir accepté d’en parler sans
vous enfuir… Il y aura toujours une place pour vous, si vous en avez
besoin, même ponctuellement… »
Au moment de se quitter, elle se radoucit, touchée par ce que je lui
partage et se retourne vers moi, les yeux embués de larmes, me dit
« merci » et me serre la main de façon prolongée et inhabituelle. Sans
doute, me signifiait-elle ainsi qu’un lien existe, même s’il reste
menaçant dans la proximité pour elle. J’ai eu l’impression d’un
moment fugace d’intimité et d’humanité entre nous !
L’essentiel de la Gestalt-thérapie du lien est la rencontre, la relation et
l’expérience vécue émergente soumises à l’attention consciente du
thérapeute et du patient. « Le moi s’éveille par la grâce du toi » disait
Gaston Bachelard (Buber, 1923). « Notre tâche de psychothérapeute
est d’être cet autre toi présent, qui interpelle, sent, mentalise et
dialogue, de manière ajustée et empathique » (Claeys-Bouuaert,
2018).
« Cela demande une compétence relationnelle, une qualité de
présence, de disponibilité réceptive, de résonance somato-affective, la
connaissance de ses propres vulnérabilités comme de ses ressources
afin d’être en capacité de s’autoréguler et de mentaliser » (Paillard &
Champ-G, 2014). Ce n’est qu’à ces conditions que nous pourrons
accompagner avec plus de justesse ces patients souffrant d’une
problématique d’attachement. Nous pourrons alors avec eux « refaire
le chemin du deuil de tout ce qu’ils n’ont jamais eu et dont ils
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pressentaient petit enfant qu’ils auraient dû avoir, mais aussi le deuil


de tout ce qu’ils n’auront jamais plus… » (Girard & Delisle, 2012).
Chapitre 8

EMDR et attachement

Hélène Dellucci

de faire le lien entre la thérapie EMDR et la


C
E CHAPITRE PROPOSE
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dimension de l’attachement.
Développée à l’origine pour soulager le trouble de stress post-
traumatique (TSPT), cette méthodologie devenue une thérapie à part
entière s’est beaucoup développée au cours des deux dernières
décennies pour s’adapter à la réalité du trouble post-traumatique
complexe et des troubles dissociatifs, deux tableaux cliniques qui
demandent une prise en compte du système d’attachement et des
blessures du lien pour proposer un traitement efficace. La
conceptualisation de l’attachement désorganisé et des traumatisations
des 1 000 premiers jours de vie nous conduisent à proposer des
adaptations particulières de la thérapie EMDR pour qu’elle reste
efficace aussi pour ces survivants de traumatisations complexes et
chroniques. Nous décrirons brièvement la thérapie EMDR et les
adaptations que nous proposons.

LA THÉRAPIE EMDR
Fondée par Francine Shapiro en 1987, la thérapie EMDR a connu un
large essor avec une validation de son efficacité à travers des méta-
analyses (Bisson & Andrew, 2007; Van Etten & Taylor, 1998) et une
reconnaissance internationale pour le traitement du TSPT.
Lors de la conférence EMDR Europe en 2022, Richard Mitchell,
formateur en thérapie EMDR et président du Standards Comittee de
l’Association EMDR Europe, a défini l’EMDR de la manière suivante :
« La thérapie EMDR est une approche de psychothérapie fondée sur la recherche qui
traite la personne dans son ensemble et aborde le tableau clinique complet du patient.
La thérapie EMDR est une psychothérapie en plusieurs séances qui s’appuie sur un
plan de traitement complet basé sur le modèle de traitement adaptatif de l’information
de Francine Shapiro. Cela inclut le ciblage systématique des structures mémorielles
pathogènes qui causent et maintiennent les symptômes cliniques.
La thérapie EMDR est activée par une stimulation bilatérale à double attention1 et
conduit au retraitement des souvenirs pathogènes par l’activation de systèmes d’auto-
guérison chez le patient.
L’objectif de la thérapie EMDR est de soulager les symptômes et la souffrance du
patient. Cet objectif est atteint en intégrant le protocole de traitement EMDR standard et
les procédures dérivées de l’EMDR dans le cadre d’un plan de traitement personnalisé.
Ce plan utilise les huit phases et l’approche en trois étapes des domaines passés,
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présents et futurs qui ont besoin d’être guéris.


La thérapie EMDR se déroule dans le cadre d’une alliance thérapeutique et d’objectifs
de traitement mutuellement élaborés. Elle conduit souvent à une amélioration
significative des relations interpersonnelles, du développement personnel et de la
croissance post-traumatique. »

Le modèle de pensée qui guide le clinicien en EMDR est celui du


traitement adaptatif de l’information (TAI)
Ce modèle se fonde sur le postulat de l’existence de capacités
naturelles d’auto-guérison de l’organisme. Conformément à la
métaphore d’une blessure légère, que le corps guérit sans mal pour
ne laisser qu’une cicatrice, le psychisme aurait cette capacité à
métaboliser les événements de la vie. Une blessure qui est trop
importante ne guérit pas spontanément et mène à des complications
ou laisse un dysfonctionnement. Cette analogie se poursuit sur le plan
psychique : si un événement dépasse les capacités d’intégration du
psychisme, s’il est trop débordant sur le plan émotionnel et
physiologique, pendant trop longtemps, alors le corps a recours à des
réactions de survie qui, d’une part, empêchent cette métabolisation,
et, d’autre part, donnent lieu à des réactions non adaptatives, c’est-à-
dire que la personne n’en sort pas mieux armée pour le futur, mais au
contraire blessée. Le modèle TAI parle alors de mémoires ou
souvenirs dysfonctionnellement stockés, qui vont être ciblés par la
thérapie EMDR, et permettent de remettre en route les capacités de
guérison naturelles physiologiques et psychiques. Ce processus a pu
être retracé et validé sur le plan neurobiologique par Marco Pagani et
son équipe (Pagani et al., 2012).

LES BLESSURES DU LIEN, DES TRAUMATISMES


D’UN ORDRE PARTICULIER

Dans la conceptualisation et la prise en charge des troubles de stress


post-traumatiques complexes (TSPT-C), nous avons affaire à une
traumatisation chronique, qui a commencé dans la plupart des cas
dès le plus jeune âge, où se mêlent événements traumatiques
majeurs, mais aussi un nombre important de situations qui ne sont
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pas reconnues par le patient comme traumatiques de prime abord,


soit parce qu’elles font partie de la normalité de la vie de sa famille, ou
de sa vie propre, soit parce que ces événements se noient dans une
multitude de crises, de ruptures, ayant nécessité des adaptations
telles que les fondements du psychisme en ont été affectés. Nous
parlons ici de traumatisations répétées, ayant causé chez la personne
une façon de concevoir l’avenir d’une manière particulière : celle où
existe la certitude que la traumatisation va recommencer.
Les symptômes du TSPT-C incluent, au-delà de ceux du TSPT simple
(OMS, 2019), des difficultés persistantes à développer des relations et
à se sentir proche d’autrui, des problèmes sévères et persistants dans
la régulation des affects et des croyances persistantes d’être diminué,
en échec, sans valeur, avec des sentiments profonds et envahissants
de honte, de culpabilité, ou d’échec en lien avec des éléments
stressants. Il s’agit de traumatisations qui impliquent souvent les
donneurs de soin, c’est-à-dire les personnes qui sont en première
ligne pour aider le tout-petit à s’apaiser, à développer un sentiment de
sécurité dans le lien et dans le monde, et donc à permettre au
système d’attachement de gagner en maturité.
Le système d’attachement, très développé chez les mammifères que
nous sommes, s’exprime au début de la vie avant tout par un réflexe
d’agrippement et un pleur d’attachement, censé susciter chez le
donneur de soin une réponse adaptée aux besoins immédiats du tout
petit. Les humains sont parmi les espèces qui naissent avec la plus
grande immaturité, et ont besoin dès lors de figures d’attachement qui
leur permettent de s’apaiser physiologiquement, de répondre à leurs
besoins primaires pour, petit à petit, à travers des interactions
répétées, permettre aux autres systèmes d’actions, au départ rigides
et orientés vers la survie, de se développer et de gagner en maturité
et en flexibilité au cours de l’expérience, permettant de nouvelles
découvertes et des apprentissages de savoir-faire et de savoir-être.
Dans le cas de traumatisations chroniques dans l’enfance, ce
développement n’est pas possible. Nous savons aujourd’hui que nous
avons affaire autant à des actes traumatiques commis, comme des
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maltraitances physiques, psychiques, émotionnelles et sexuelles, que


des blessures provenant d’actes d’omission comme des défauts de
protection, de présence, d’apprentissages nécessaires, des besoins
physiques et émotionnels non pris en compte, des séparations et des
négligences.
Plus tard dans la vie s’ajoutent des blessures relationnelles provenant
de l’extérieur de la famille, comme par exemple des expériences de
harcèlement scolaire ou au travail, des relations amicales, de couple,
empreintes d’emprise et de violences domestiques. La difficulté à
conjuguer les émotions et les relations interpersonnelles, ainsi que la
conviction de Soi comme étant défaillant augmentent le risque d’une
revictimisation de ces survivants.
Il devient alors primordial, lors de l’évaluation du patient présentant
cette symptomatologie particulière, de prendre en compte la
dimension d’attachement, la stabilité relationnelle et la qualité des
liens interpersonnels dans l’environnement.

LE PLAN DE TRAITEMENT
LORSQU’IL Y A UNE TRAUMATISATION DU LIEN
Lorsque des personnes avec un système d’attachement blessé
arrivent en thérapie, la situation même de demander de l’aide active le
système d’attachement et, avec lui, les blessures de cette période
préverbale. Le patient se trouve ainsi dans un mouvement où il
voudrait être aidé, mais peut en même temps ressentir une peur de se
livrer, d’être jugé, que ce ne soit pas le bon thérapeute, que ce
thérapeute ne va pas le comprendre ou qu’il va le laisser tomber dès
qu’il lui fera confiance. Ces réactions défensives sont tout à fait
normales et représentent le conflit qui anime les personnes souffrant
de TSPT-C depuis toujours.
S’engager dans un lien n’est pas simple et peut mener le thérapeute
non averti à douter de l’implication du patient. Ainsi, la mise en place
d’un lien thérapeutique soutenant et stable peut représenter un défi,
mais est possible, avec un thérapeute prédictible, calme, constant
dans le lien, qui veille d’abord à favoriser un sentiment de sécurité
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dans l’ici et maintenant, puis dans le lien. Giovanni Liotti (2017)


propose d’activer avant tout le système d’action de coopération
égalitaire du thérapeute et du patient, dans le but de limiter l’activation
du système d’attachement et donc de ses blessures. Liotti
décrit cette posture comme une relation côte à côte de deux co-
experts, l’un expert en thérapie en général, l’autre spécialiste de sa
propre vie, les deux s’efforçant de trouver ensemble un chemin qui
conviendra. Cette posture constitue l’élément central de l’approche
centrée compétences (Isebaert et al., 2015).
Pierre Janet (1859-1947) a été le premier à proposer une structure de
traitement en trois temps en psychotraumatologie, sous la forme d’une
première phase de stabilisation, puis celle consistant à travailler
directement sur les traumatismes, pour finir par une phase
d’intégration et d’accompagnement au changement. Un large
consensus confirme aujourd’hui ce traitement par phases, multimodal
et orienté sur les habiletés et les compétences de la personne (Brown
et al., 1998; Chu, 1998 ; Courtois, 1999). C’est ce modèle qui est
appliqué en thérapie EMDR.
Dans la phase de stabilisation, nous envisageons trois niveaux
distincts.
▶ La stabilisation neurovégétative

En premier lieu, nous considérons la stabilisation neurovégétative,


centrée sur l’apaisement du corps et sur une régulation physiologique
permettant de contrer les symptômes de dépersonnalisation et de
déréalisation. Cette stabilisation a pour but de permettre au patient de
se sentir en sécurité dans un environnement sécure. Bien entendu, si
le patient n’est pas en sécurité dans la réalité de sa situation actuelle,
s’impose alors une réflexion sur la mise en place de mesures de
protection.

▶ La stabilisation psychique

En second lieu, la stabilisation psychique est centrée sur l’activation


des ressources du patient, avec des exercices spécifiques permettant
de mettre de côté les intrusions, les souvenirs traumatiques, mais
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aussi l’apprentissage de tâches visant un auto-apaisement. C’est


aussi lors de cette étape que le patient fait connaissance avec les
stimulations bilatérales alternées (SBA), dans le but de relier cette
pratique à des exercices apaisants, des ressources, tout en
permettant au thérapeute de vérifier l’état de stabilité du patient et de
ce fait la possibilité de cheminer vers la confrontation d’expériences
traumatiques.

▶ La stabilisation d’ordre relationnel

En troisième lieu, nous envisageons la stabilisation d’ordre relationnel,


qui examine la qualité des liens dans l’environnement immédiat, la
capacité du patient à mettre des limites et à se protéger des relations
abusives, à maintenir des liens d’attachement constructifs, ainsi que la
possibilité d’accéder à des émotions et à les partager. La stabilisation
relationnelle propose des interventions spécifiques pour accéder à ce
type de stabilité. Elle est, d’une part, centrée sur des exercices
permettant d’augmenter la tolérance à l’affect, comme le ciblage hors
trauma2 de peurs émergentes, d’appréhensions du futur, ou de
craintes irrationnelles, mais aussi de circuits émotionnels
fondamentaux comme la peur, la honte, la culpabilité, la colère, la
panique de perte du lien, la tristesse, le dégoût, dans le but de
permettre au patient d’apprendre ou réapprendre que les émotions
sont des ressources, des vecteurs d’apprentissage. D’autre part, la
stabilisation relationnelle consiste à centrer la réflexion sur les
apprentissages que le patient peut faire à travers des liens
constructifs, soit par la présence de tels liens dans son environnement
immédiat, soit par l’utilisation de figures symboliques (Dellucci &
Bertrand, 2012). Il s’agit ici avant tout de pallier les déficits
développementaux en utilisant le système d’action de caregiving, ce
dernier étant en général très développé chez ces anciens enfants
parentifiés.

▶ L’anamnèse
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Outre la stabilisation, qui reste une étape importante dans le


processus thérapeutique, l’anamnèse permet de recueillir l’histoire du
patient, avec ce qu’il peut nous partager. Nous sommes souvent face
à des lacunes du récit, dues à des zones d’amnésie, mais aussi par
habitude de ne pas confier des éléments importants pour des raisons
multiples, comme les sentiments de honte ou des injonctions de non-
dits. La plupart des patients présentant des blessures d’attachement
nous apprendront leur histoire au fil des entretiens, à partir des
contenus qui émergent lors du travail de confrontation ou lorsqu’il y a
des levées d’amnésie.
En principe, cette étape de conceptualisation clinique nous permet de
nous mettre d’accord sur les souhaits et les objectifs du patient, et
nous amène à considérer un ordre pour aborder ses problématiques
centrales.

▶ Cibler les liens d’attachement

Quels que soient les objectifs du patient, il sera important, au cours du


traitement, de cibler les blessures d’attachement, tant dans le passé
que dans la vie actuelle. Plus les personnes souffrent d’un TSPT-C,
plus il sera important de stabiliser d’abord la vie quotidienne, ce qui
implique d’aborder les difficultés interpersonnelles avec les personnes
peuplant le quotidien en premier lieu. Une fois ces liens assainis, le
patient pourra s’appuyer sur ces liens, ce qui augmentera sa stabilité
générale et relationnelle. Ce sera le bon moment pour lui permettre
d’aborder les blessures d’attachement du passé, à commencer par la
période préverbale. Katie O’Shea (2009) a développé un protocole
EMDR spécifique pour aborder les empreintes précoces. Ce travail a
pour but d’aller retraiter les blessures d’attachement au moment où
elles se sont produites, et permettent un assainissement du système
d’attachement.
Une autre dimension importante à prendre en compte dans la
conceptualisation des blessures d’attachement sont les liens avec la
famille d’origine et ce, à trois niveaux :
● les figures d’attachement ;
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● les autres liens importants dans l’histoire, par exemple la fratrie, ou


d’autres personnes ayant joué un rôle important ;
● la traumatisation transmise. Ce dernier type de traumatisation est
important à considérer, car il participe souvent au verrouillage des
problématiques. Centrer le travail sur des traumatismes que les
patients n’ont pas eux-mêmes vécus permet souvent des avancées
considérables (Dellucci, 2021 ; Dellucci, Vojtova, et al., 2022).
Bien sûr, une fois ces blessures d’attachement résolues, il reste à
retraiter les traumatismes que le patient a vécus. Ce travail est
néanmoins facilité si les blessures d’attachement ont pu être
évacuées au préalable.

LES EMPREINTES PRÉCOCES TRAUMATIQUES


L’importance de prendre en compte et d’aborder les expériences non
métabolisées des 1 000 premiers jours est aujourd’hui largement
admise (Smith, 2021). Katie O’Shea (2009) a proposé une procédure
pour aborder les traumatisations préverbales, en ciblant trois périodes
distinctes, à savoir la période fœtale (avant la naissance), la période
périnatale, et la période allant de 0 à 3 ans. Après dix-sept ans
d’expérience, nous avons affiné cette approche pour la rendre plus
proche du protocole EMDR de base (Dellucci & Bouvier, 2019), afin
de permettre d’allier l’efficacité de la méthodologie EMDR au travail si
important sur cette période de maturation du système d’attachement.
Le résultat d’un retraitement réussi de cette période très précoce se
manifeste par la sécurisation des liens d’attachement, une meilleure
perception de ses propres besoins, avec une capacité accrue de les
défendre et de mettre des limites, ainsi qu’une amélioration de
l’estime de soi.
Nous sommes d’accord avec les auteurs qui conceptualisent
l’attachement désorganisé comme une étiologie de la dissociation
(Fonagy, 1997 ; Hart et al., 2017 ; Liotti, 1999) en précisant que ce
sont les difficultés d’attachement du très jeune enfant avec ses
parents ou donneurs de soins qui sont à l’origine du fonctionnement
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dissociatif (Barach, 1991 ; Liotti, 1999 ; Lyons-Ruth et al., 2006). Il


devient donc primordial d’inclure le travail sur les mémoires
préverbales traumatiques dans le traitement des blessures
d’attachement chez les patients traumatisés complexes.
Parfois, il arrive que ce travail ne soit pas aisé, du fait d’un manque de
ressources suffisantes dans le système d’attachement, c’est-à-dire
d’un manque de vécus provenant de réponses suffisamment
étayantes, sécures et adéquates. Le travail EMDR nécessitant la
présence de réseaux de mémoire adaptatifs pour permettre le
retraitement des réseaux de mémoire dysfonctionnels, il devient
nécessaire d’installer une ressource spécifique, que nous avons
appelé « ressource d’accordage fondamental » (Dellucci, Bouvier et
al., 2022). Cette ressource consiste dans un premier temps à
expliquer l’attachement à travers la « situation étrange », les différents
styles d’attachement, dont les réactions du tout-petit en cas
d’attachement désorganisé, et les stratégies de contrôle, dans un
langage clair et accessible pour le patient. Ceci a pour but d’activer
son système de coopération et d’augmenter sa sensibilité par rapport
à cette part de lui qui a besoin d’une réponse adéquate. Ensuite, une
fois tous les traumatismes ayant été confinés, nous installons, avec
des stimulations bilatérales, une réponse adéquate envers le tout
petit. Cette procédure a pour but de désensibiliser tout blocage qui
empêcherait cette réponse et, si nécessaire, d’amener des ressources
symboliques en tant que vecteurs communautaires.

EMDR ET ATTACHEMENT CHEZ LES ENFANTS


ET LES ADOLESCENTS

Chez les enfants et les adolescents, ce travail sur les mémoires


préverbales se fait à travers une histoire narrative, retraçant les
événements depuis la rencontre des parents, jusqu’à l’âge qu’a
l’enfant dans le présent, en mettant l’accent sur le vécu du tout-petit,
ses ressources, ses forces, mais aussi les éléments traumatiques
vécus. Annie Delplancq (2019) décrit un processus, à partir de sa
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pratique avec les familles adoptives, consistant en trois étapes. En


premier lieu, elle propose de désensibiliser, chez les parents, tout ce
qu’ils identifient comme déclencheurs chez leur enfant, c’est-à-dire
leurs appréhensions, les éléments chez l’enfant qui créent une
activation physiologique chez eux. Cette démarche permet d’apaiser
le corps des parents et d’améliorer les conditions relationnelles dans
la vie quotidienne. Dans un second temps, si le lien parents-enfant est
blessé, Annie Delplancq invite les parents à écrire une lettre à leur
enfant, cette lettre étant désensibilisée à travers le protocole des
lettres (Dellucci, 2017). Ce travail sur la blessure relationnelle consiste
à assainir le lien parents-enfants, à augmenter la sensibilité parentale
à l’égard de leur enfant, c’est-à-dire la capacité des parents de se
mettre à la place de leur enfant. Lorsque ces conditions sont réunies,
le thérapeute accompagne les parents dans l’écriture d’un récit
narratif, qui, lorsqu’il ne produira plus de perturbation chez les
parents, sera lu à l’enfant, accompagné de stimulations bilatérales
pour l’enfant, comme d’habitude en EMDR. Ces étapes montrent à
quel point le travail sur les blessures relationnelles dans le présent est
important, avant de pouvoir accéder aux blessures d’attachement
dans le passé.
ABORDER SPÉCIFIQUEMENT LES BLESSURES DU LIEN
Lors du travail en psychotraumatologie, nous distinguons les
événements traumatiques, par exemple un accident, une agression, et
les blessures du lien, par exemple un vécu de trahison, la surprise de
la réaction inattendue d’une personne, la perte. Dans la majorité des
traumatismes, les deux aspects du trauma sont présents, la
dimension du lien s’invitant systématiquement dans le travail sur une
cible traumatique, et par ce biais ajoutant de la perturbation à la
charge émotionnelle à retraiter. Lorsqu’il y a de nombreuses blessures
du lien avec une personne — des non-dits, des éléments importants
qui n’ont pas pu être exprimés ou entendus — il arrive que, lors d’un
travail sur une cible traumatique, s’invitent une multitude de telles
blessures du lien, pouvant mettre à mal les capacités d’intégration du
patient. De plus, le patient peut ainsi être confronté à un nombre
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important d’événements relationnels douloureux, qui émergent en


cascade. Cela arrive régulièrement en cas de traumatismes ayant
impliqué des donneurs de soin ou des personnes proches de longue
date, où les blessures du lien se sont accumulées à travers le temps.
Dans ce cas, nous choisissons d’aborder ces liens d’attachement
spécifiquement, en mettant de côté les situations traumatiques et en
invitant le patient à écrire une lettre à la personne avec laquelle il y a
des blessures du lien, comme si le destinataire pouvait tout entendre,
tout comprendre, même si, dans la réalité, ce n’est pas le cas. Le
patient est ainsi invité à s’exprimer, à énoncer tout ce qu’il a sur le
cœur à propos de cette personne, sans censure, jusqu’au sentiment
d’avoir dit tout ce qu’il y avait d’important. Ce premier pas est déjà
soulageant pour la plupart des patients car, paradoxalement, exprimer
ses griefs constitue un pas important dans la restauration du lien : le
patient s’adresse à l’autre, dans le but d’être entendu, d’être compris,
de trouver une résolution. Cette lettre n’est pas destinée à être
donnée au destinataire, elle va constituer notre canevas de travail
pour retraiter les émotions qu’elle suscite. Ce matériel écrit par le
patient va alors être retraité avec des SBA rapides, en suivant le
protocole des lettres (Dellucci, 2017).
De nombreux patients, au-delà du soulagement qu’apporte le
retraitement des émotions évacuées, voient, grâce à ce travail,
s’assainir le lien avec le destinataire de leur lettre. Ils prennent
conscience de leurs limites, ce avec quoi ils sont d’accord et les
choses qu’ils souhaiteraient voir se modifier. Ils prennent conscience
de leurs besoins, de leurs valeurs, de ce qui les relie au destinataire et
ce qui les différencie de lui.
Nous nous sommes rendu compte que le protocole des lettres, même
s’il est inspiré de la pratique EMDR, constitue une approche plus
douce que le protocole EMDR standard. Nous pensons que chaque
patient rédige sa lettre selon ses capacités d’intégration. Cette
pratique sur les lettres avec les SBA permet souvent au patient de
ressentir des émotions, là où, avec d’autres approches, elles restent
inaccessibles. Cela contribue à améliorer la capacité à ressentir et à
partager des émotions.
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Lorsque les relations ne sont pas constructives ou lors de


traumatisations transmises, il arrive que le patient n’ait pas encore
appris une compétence importante pour trouver sa place dans les
liens interpersonnels : la différenciation.

AMÉLIORER LA DIFFÉRENCIATION
Murray Bowen définit la différenciation de soi comme la capacité, chez
l’individu, à séparer la pensée et les sentiments, en particulier dans
les situations où la tendance à ce que l’émotivité prenne le pas sur la
pensée est la plus forte (Kerr, 1984 ; Kerr & Bowen, 1988). Bowen
(1978) a développé la théorie de l’autodifférenciation, qui se réfère à
deux développements qui s’apprennent au sein des interactions
adaptées avec les donneurs de soin :
● Un premier aspect de l’autodifférenciation est la capacité à séparer
les émotions des pensées. Les personnes indifférenciées, qui ne
peuvent pas séparer les sentiments des pensées, risquent d’être
submergées par les émotions lorsqu’elles sont invitées à penser.
● D’autre part, l’autodifférenciation consiste en la capacité à séparer
ses propres pensées et sentiments de ceux des autres. Les
personnes indifférenciées ont tendance à s’inspirer de leur famille
pour déterminer la manière dont elles pensent aux sujets,
ressentent les gens et interprètent leurs expériences. Kerr et
Bowen (1988) décrivent l’essentiel de l’autodifférenciation comme
la capacité à être en contact émotionnel avec autrui, tout en étant
autonome dans son propre fonctionnement émotionnel.
Nous inspirant de ce qui se fait dans le travail en constellations
systémiques et structurelles, à travers un exercice appelé « le rituel
pour rendre » (Sparrer, 2004), nous avons développé une ressource
spécifique, permettant aux personnes d’apprendre cette capacité à se
différencier là où elle fait défaut (Dellucci, 2021 ; Silvestre & Dellucci,
2019). Dans un premier temps, nous expliquons au patient que nous
aimerions l’aider à trier entre les choses qui lui appartiennent et celles
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qui ne lui appartiennent pas et qu’il conviendrait de remettre à leur


place. Nous ajoutons qu’il ne s’agit pas de nuire à la personne, au
contraire, mais de lui rendre hommage en lui rendant ce qui lui
appartient, pour qu’elle puisse en faire quelque chose de son côté.
Valérie Revillet utilise une métaphore intéressante lorsqu’elle fait cet
exercice avec des enfants et des adolescents qu’elle rencontre dans
le cadre de la protection de l’enfance : elle explique à l’enfant que
dans le puzzle de l’image de sa vie, c’est comme s’il y avait des
morceaux qu’il ne peut pas insérer et que c’est normal, car elles
n’appartiennent pas à son image. Elles appartiennent à l’image d’une
autre personne, et l’exercice qu’elle propose consiste simplement à
rendre les pièces de puzzle aux personnes concernées, pour qu’elles
puissent compléter leur propre image. Cette ressource de
différenciation s’installe hors trauma, c’est-à-dire que les
traumatismes sont confinés dans un contenant, et puis le rituel pour
rendre est fait étape par étape, à l’aide de SBA rapides, jusqu’à ce
que le patient puisse rendre son fardeau porté indument, et laisser le
destinataire s’occuper de ses affaires. Cet exercice peut se faire avec
des adultes traumatisés complexes voire, s’il y a des troubles
dissociatifs, comme un exercice de stabilisation, même s’ils ne sont
pas encore en mesure de retraiter des blessures du lien avec des
donneurs de soin. Nous avons observé des résultats intéressants : un
sentiment d’envahissement plus limité, une meilleure capacité de
discernement, notamment pour des problématiques autour de la
culpabilité, et une augmentation de l’indulgence par rapport à soi.

CONCLUSION
Les réflexions autour de la prise en compte de l’attachement en
psychotraumatologie et les observations cliniques que nous pouvons
rapporter nous apprennent combien cette dimension du lien est au
centre de la psychopathologie et de l’approche clinique en
psychothérapie. Des pistes intéressantes et efficaces se dessinent
pour aider nos patients à assainir leurs liens et leurs relations, installer
des ressources dans le système d’attachement, guérir des
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traumatisations préverbales et combler les lacunes de


développement. Il serait utile de pouvoir corroborer nos observations
par des recherches qui pourraient venir tester nos hypothèses et nos
intuitions cliniques et ainsi enrichir encore notre questionnement.

Notes
1. Les stimulations bilatérales alternées (SBA) employées en EMDR
sont constituées de mouvements oculaires horizontaux, de
tapotements en alternance sur les genoux, les mains, les épaules,
chez les enfants sur les pieds, ou de sons envoyés alternativement
vers les oreilles via un casque. Ces SBA constituent un élément
essentiel du retraitement en EMDR, lents pour favoriser l’installation
de ressources pour obtenir un état d’apaisement, rapides lors du
travail de confrontation pour favoriser la restructuration des réseaux
de mémoire permettant d’évacuer les éléments dysfonctionnels et
favoriser le lien avec des ressources et de l’information adaptative.
2. Le ciblage hors trauma consiste à appliquer la méthodologie de
confrontation EMDR en veillant à confiner au préalable tout
traumatisme dans un contenant, un exercice que le patient aura
appris lors de la phase de stabilisation psychologique.
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Partie 3

Psychothérapies basées sur la


théorie de l’attachement
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Quelles sont les caractéristiques communes des


psychothérapies basées sur la théorie de l’attachement ? La
théorie de l’attachement n’est pas une approche thérapeutique.
Néanmoins, un certain nombre de psychothérapies l’ont prise pour
base pour développer une cohérence d’intervention centrée
notamment sur le thérapeute comme base de sécurité. Souvent, ces
approches ont développé la théorie de l’attachement en l’associant à
d’autres concepts ou en l’étendant dans une certaine direction,
comme le concept de mentalisation ou la focalisation sur les liens
familiaux. Dans tous les cas, il s’agit de psychothérapies basées sur
l’attachement.
Chapitre 9

Thérapie basée sur la


mentalisation et théorie de
l’attachement
Martin Debbané, Margaux Bouteloup et Mario Speranza

de ce chapitre, nous exposerons la thérapie basée sur


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T
OUT AU LONG
la mentalisation (TBM) comme un exemple de l’application de la
théorie de la mentalisation dans la pratique psychodynamique
contemporaine, avec une attention particulière aux liens que cette
pratique entretient avec la théorie de l’attachement. Selon nous, ce
lien s’opère essentiellement autour de la notion de confiance. Ainsi,
dans la première section du chapitre, nous reprendrons les écrits
principaux de Bowlby au sujet de la confiance et comment ses travaux
amènent à considérer celle-ci sous l’angle de la mentalisation, à
savoir comment la relation thérapeutique conduit le patient à percevoir
son thérapeute comme une personne fiable et digne de confiance.
Nous relierons ce thème à la notion de confiance épistémique, c’est-à-
dire à la confiance en une source de savoir ; la confiance épistémique
constitue une pierre angulaire de l’apprentissage émotionnel et
relationnel en psychothérapie comme dans toute intervention clinique.
Nous illustrerons ensuite comment le modèle thérapeutique des TBM
propose six domaines d’interventions, tous étroitement corrélées, qui
contribuent chacun spécifiquement à la création et au soutien du lien
de confiance, ainsi qu’à sa réparation lorsque nécessaire, pour
permettre l’effet thérapeutique. Enfin, dans la troisième section, nous
conclurons le chapitre en évoquant une théorie de la communication
thérapeutique fondée sur la confiance épistémique où la mentalisation
représente l’outil générique favorisant l’effet thérapeutique.
Les convergences entre la théorie de l’attachement et la théorie de la
mentalisation abondent, notamment au niveau de la pratique clinique.
Les concepts centraux à chacune des deux théories apportent des
outils concrets à la lecture de diverses situations cliniques.
Au niveau de la relation thérapeutique, les deux théories accordent
une importance centrale au type d’apprentissage qui aura lieu au
travers des relations caractérisées par la confiance. Ceci n’est pas
surprenant, étant donné que ces deux théories correspondent à des
déclinaisons d’une racine théorique commune, la psychanalyse.
Tant la théorie de l’attachement que celle centrée sur la mentalisation
continuent d’entretenir des liens familiaux complexes, parfois même
tendus avec le corpus des théories psychanalytiques. Néanmoins, le
processus thérapeutique ancré dans l’apprentissage à partir
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d’expériences affectives et relationnelles en séance trouve ses bases


théoriques dans des concepts développés par différents auteurs
psychanalystes (Fonagy & Target, 2003) tels que le processus
d’identification projective, d’internalisation, d’identification et de
relation à l’objet.
Les querelles entre la théorie de l’attachement et la psychanalyse ont
été décrites ailleurs
L’approche basée sur la mentalisation est née de ce champ de
tension où la psychanalyse et la théorie de l’attachement se sont
affrontées (Debbané, 2019); comme tout champ de conflit, cet espace
contenait également un potentiel de développement et de créativité —
en particulier dans l’application à la clinique quotidienne des notions
issues de l’une ou l’autre théorie. Les concepts psychanalytiques
nécessitent souvent une traduction pour les non-initiés, dont la très
grande majorité des patients qui consultent les services publics de
soins. Il en va de même pour certains développements conceptuels
de la théorie de l’attachement qui, lorsqu’ils sont traduits en termes
opérationnels, trouvent leur utilité clinique à la fois dans l’arsenal des
interventions pour les professionnels de terrain, et aussi dans les
représentations d’eux-mêmes que les patients développent au contact
des soignants.
La théorie de la mentalisation tente de conjuguer les notions qui
informent la psychanalyse et la théorie de l’attachement au travers
d’un modèle intégratif, dont le but est de développer des outils
cliniques pour les individus qui présentent des tempêtes affectives,
des agirs répétitifs et une souffrance sévère et chronique, souvent
issue de négligence et trauma précoces. En termes de
positionnement, le cadre focalisé sur la mentalisation représente un
espace intermédiaire où l’intégration conceptuelle peut émerger et
soutenir la créativité clinique et surtout, le contact psychologique
menant à l’apprentissage émotionnel et relationnel en psychothérapie.

CONFIANCE, CONFIANCE ÉPISTÉMIQUE


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ET MENTALISATION

Dans l’œuvre de John Bowlby, la notion de confiance est


omniprésente, dans la mesure où elle se présente en toile de fond de
l’expérience relationnelle précoce. Dans sa trilogie Attachment and
Loss (Bowlby, 1969b, 1973, 1980), Bowlby emploi le mot trust une
vingtaine de fois, soulignant principalement cette qualité essentielle à
la relation d’objet. L’auteur y cite notamment Melanie Klein et la notion
d’introjection du bon objet en lien avec l’expérience vécue auprès de
la figure maternelle, ainsi qu’Erik Erikson et sa notion de basic trust,
faisant référence à la tâche développementale du nourrisson au cours
des dix-huit premiers mois (Bowlby, 1969b, p. 340). On perçoit ainsi
chez Bowlby la place fondamentale qu’occupe la notion de confiance.
Ailleurs dans la trilogie, l’auteur décrira les dynamiques d’allocation et
de pertes de confiance dans diverses vignettes décrivant enfants,
adolescents ou adultes. En ce qui concerne la psychothérapie, c’est
sans doute en 1979 que Bowlby (1979) est le plus explicite dans sa
manière de décrire le rôle de la confiance dans la relation
thérapeutique :
« Car c’est une chose pour le thérapeute que de faire son possible pour être une figure
stable, fiable et aidante, et une autre pour le patient que de le concevoir ainsi et d’avoir
confiance en lui » (p. 262-263).

Dans cette citation, Bowlby enjoint le clinicien à considérer


l’expérience de la confiance du point de vue du patient. Comment le
patient arrivera-t-il à se représenter un thérapeute fiable, digne de
confiance ? Cette citation cristallise véritablement comment la
confiance est conceptualisée dans le cadre des TBM. En effet,
l’approche centrée sur la mentalisation formalise ses interventions
cliniques sur un type de confiance précis, à savoir la confiance
épistémique (Fonagy & Allison, 2014).
La confiance épistémique est liée à l’apprentissage puisqu’elle se
réfère à la confiance en une source d’information. Le nourrisson
attribue naturellement sa confiance à sa figure d’attachement qui
représente présumément une source fiable à la fois pour la sélection
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des informations pertinentes provenant du monde social, mais aussi


pour l’interprétation des signaux internes de ses éprouvés. Les
travaux de recherche en psychologie du développement suggèrent
que le style d’attachement à la mère aura un impact significatif sur la
manière dont l’enfant fera confiance — ou non, en fonction de son
style d’attachement — à l’information communiquée par sa figure
d’attachement (Corriveau & Harris, 2009). Tandis que les enfants
anxieux-ambivalents auront tendance à se montrer crédules vis-à-vis
de leur figure d’attachement, les enfants évitants auront tendance à
rejeter l’information venant de leur figure d’attachement. Les enfants
sécures, quant à eux, seront capables d’alterner entre crédulité et
confiance envers leur figure d’attachement en fonction de la
pertinence de l’information. Le type de relation précoce semble à cet
égard avoir une influence sur l’attribution de la confiance épistémique.
Or, comme théorisé par Bowlby lui-même, les relations initiales
d’attachement de l’enfant auront un impact sur l’établissement de ses
relations futures (modèles internes opérants) et donc sur la
construction du lien avec le thérapeute :
« Plus les expériences du patient avec ses parents ont été négatives, moins il est facile
pour lui de faire actuellement confiance au thérapeute et plus il sera enclin à percevoir
et à interpréter de manière erronée les dires et les actes de celui-ci. Par ailleurs, moins
il pourra lui faire confiance, moins il se livrera à lui, et plus il sera difficile pour les deux
parties d’explorer les événements mystérieux, effrayants et douloureux qui se sont
probablement produits lorsqu’il était plus jeune » (p. 263).

Cette citation place la mentalisation du lien thérapeutique au cœur de


la relation patient-thérapeute, en particulier en ce qui concerne la
confiance. Mentaliser la relation thérapeutique correspond d’ailleurs à
l’un des domaines d’intervention de la TBM que nous exposerons plus
loin. Autrement dit, comment autrement que par l’imagination des
états mentaux du patient, le thérapeute peut-il se rendre compte du
degré de méfiance vécue par le patient, qui selon Bowlby
représenterait la pierre d’achoppement du véritable travail
psychothérapeutique ? La mentalisation constituerait donc ici la
capacité générique à pouvoir imaginer les états mentaux et aussi les
imprécisions de mentalisation du patient dans la manière dont il
interprète les intentions du thérapeute. De plus, il serait aussi
impossible d’ignorer la centralité de la relation thérapeutique dans ce
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processus d’apprentissage. Dans la prochaine section, nous tenterons


de décrire comment le cadre des thérapies basées sur la
mentalisation est conçu pour travailler la question de la confiance
épistémique au travers d’une focalisation sur le processus de
mentalisation généré en séance.

LES THÉRAPIES BASÉES SUR LA MENTALISATION (TBM)


La mentalisation se définit comme la capacité pour un individu à
imaginer comment les comportements émanent des états mentaux
intentionnels (Bateman & Fonagy, 2004). Un état mental se définit
comme la combinaison d’émotions, de pensées, de désirs, de
croyances définissant l’état d’un individu à un instant t. Le concept
d’intentionnalité, quant à lui, renvoie non pas à la notion d’action
volontaire — au contraire, la mentalisation est un processus
majoritairement automatique/non contrôlé et donc inconscient — mais
à l’idée que l’état mental sera au « sujet de… » (une situation, une
personne, une émotion…). Illustrons ceci avec un exemple.
Exemple
THÉRAPEUTE : Comment ça va ?
PATIENT : Ça va…
THÉRAPEUTE : Vous sauriez m’en dire un peu plus ? Il est comment le « ça va »
d’aujourd’hui ?
PATIENT : Eh ben le ça va d’aujourd’hui, il est stressé et nerveux (émotions), parce
que… ben je ne suis pas certain de récupérer le droit de visite pour revoir ma fille
(pensée)… Je veux vraiment que l’audience au tribunal se passe bien (désir), ma fille
me manque tellement (besoin) ! … Mais je crois que les avocats de mon ex-femme
veulent me faire péter les plombs en audience (croyance)…

Dans cet exemple, le patient est invité par le thérapeute à spécifier


ses états mentaux « ça va », ce que le patient initie en mentalisant
son état en lien avec la situation qui mobilise à la fois ses pensées,
ses croyances, ses émotions, ses désirs… Nous pourrions aussi lire
cet extrait sous l’angle des différents axes de la mentalisation : l’axe
soi-autrui, l’axe cognitif-affectif, l’axe automatique-contrôlé et l’axe
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interne-externe (pour plus de précisions, voir Debbané et al., 2022).


Reprenons le même exemple pour percevoir les différents axes qui
s’expriment ici :

Exemple
THÉRAPEUTE : Comment ça va ?
PATIENT : Ça va…
THÉRAPEUTE : Vous sauriez m’en dire un peu plus ? Il est comment le « ça va »
d’aujourd’hui ?
PATIENT : Eh ben le ça va d’aujourd’hui, il est stressé et nerveux (axe cognitif-affectif),
parce que… ben je (axe soi-autrui) ne suis pas certain de récupérer le droit de visite
pour revoir ma fille (axe cognitif-affectif)… Je veux vraiment que l’audience au tribunal
se passe bien, ma fille me manque tellement (axe cognitif-affectif) ! … Mais je crois
que les avocats de mon ex-femme (axe soi-autrui) veulent me faire péter les plombs
en audience (axe cognitif-affectif)…

La mentalisation implique donc des processus mentaux qui reposent


sur la liaison entre perceptions, représentations et interprétations de
situations, évènements, comportements… que fera le sujet en
intégrant les informations relevant des états mentaux de soi et des
autres. La dimension psychopathologique du fonctionnement perturbe
la mentalisation de différentes manières. Sa restauration au sein du
setting thérapeutique représente un enjeu central dans la construction
de la relation patient-thérapeute et l’échafaudage d’une confiance
épistémique envers le thérapeute, qui se construit notamment au
travers des différents domaines d’intervention des thérapies basées
sur la mentalisation que nous allons maintenant exposer.

▶ Contexte, setting et focus thérapeutique

La théorie de la mentalisation appliquée à la pratique clinique, dont la


psychothérapie (Debbane, 2018), intègre ainsi un ensemble varié de
principes issus de différentes théories dont la psychanalyse, la théorie
de l’attachement, ainsi que la psychologie du développement et les
neurosciences cognitives et affectives (Bateman & Fonagy, 2004,
2016). L’idée d’une méthode thérapeutique centrée sur le processus
de mentalisation a pris son essor auprès de patients souffrant de forte
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labilité émotionnelle, en proie à des ruptures relationnelles fréquentes,


rapportant un vide identitaire et des conduites autodommageables
pouvant être concomitants à un degré élevé de suicidalité (Bateman &
Fonagy, 1999). De nombreuses études cliniques, dont des études
randomisées et contrôlées, ont pu confirmer l’effet de ces thérapies
auprès de patients présentant ce type de tableau clinique, associé au
diagnostic de trouble de la personnalité borderline (Storebø et al.,
2020).
La thérapie basée sur la mentalisation (TBM) est un type de
psychothérapie focalisée sur trois domaines différents de la
mentalisation : si son objectif est de renforcer les capacités de
mentalisation du patient, le modèle requiert aussi d’être attentif à la
disponibilité à mentaliser du clinicien dans les différentes séquences
d’une séance, et à favoriser les conditions pour que le processus
thérapeutique soutienne un dialogue où patient et thérapeute co-
mentalisent (Bateman & Fonagy, 2004, 2016 ; Debbane, 2018 ;
Debbané et al., 2022). Cette triple focale précise en quoi toute forme
de psychothérapie peut favoriser la mentalisation qui sera
préférentiellement stimulée, selon les modèles, à l’un ou l’autre de ces
niveaux. Ici, la spécificité du modèle TBM réside dans sa méthode, qui
attribue au processus de mentalisation entre le patient et le clinicien le
rôle principal dans la communication thérapeutique et la confiance
épistémique. Dans cette approche, la mentalisation n’est pas utilisée
comme un outil pour atteindre un autre objectif tel que soutenir
l’introspection, développer la pleine conscience ou l’insight, ou encore
trouver des résolutions pratiques aux problèmes — bien qu’elle y
participe (Debbané, 2021) — mais elle représente l’indicateur
spécifique du parcours thérapeutique pour le patient, pour le clinicien
et pour la relation patient-clinicien. En termes de résultat
thérapeutique, il s’agira d’évaluer à quel point le patient peut
généraliser à ses différents contextes (intrapsychiques, intersubjectifs,
relationnels et sociaux) ce qui aura été appris dans le setting
thérapeutique. Autrement dit, en TBM, le processus thérapeutique
utilise la mentalisation comme vecteur principal de l’apprentissage
émotionnel, qui se veut procédural, incarné progressivement dans
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l’échange en consultation, et ensuite généralisé auprès des


ressources relationnelles du patient à l’extérieur de la thérapie.
La mentalisation se fonde sur la capacité imaginative à interpréter les
comportements de soi et d’autrui en termes d’états mentaux
intentionnels. Elle s’échafaude durant l’enfance et elle est étroitement
liée au style et aux stratégies d’attachement que l’enfant développe
dans ses premières interactions avec ses pourvoyeurs de soins. En
effet, vu depuis une perspective développementale, l’attention portée
par le parent aux états mentaux du bébé génère une forme de
biofeedback social (Gergely & Watson, 1996). Autrement dit, la
capacité de mentalisation parentale (Borghini & Cascone, 2021)
renvoie à l’enfant une représentation de ce qui l’anime, participe à sa
régulation émotionnelle, à l’expérience d’un sentiment d’exister dans
l’esprit du pourvoyeur de soin, et progressivement à la construction
des processus imaginatifs au sujet de ses propres états mentaux
(Fonagy et al., 2002).
Dans le modèle des TBM, le niveau d’activation physiologique associé
aux émotions vécues par le patient — aussi appelé arousal — est
étroitement corrélé à la possibilité d’utiliser ses capacités de
mentalisation. Un niveau d’arousal trop faible génère un manque
d’engagement des ressources mentales (décrochages attentionnels,
distractions, banalisations, etc.), et donc une tendance à hypo-
mentaliser, tandis qu’un niveau d’arousal trop élevé (débordements
émotionnels, vexations, crises de colère, etc.) surcharge les capacités
de mentalisation du sujet. Le praticien en TBM porte une attention
particulière à l’arousal à chaque instant de la séance, afin de décoder
les déclencheurs intrapsychiques et interpersonnels susceptibles de
mettre à mal la mentalisation du sujet, et par le fait même, le
processus thérapeutique. Au niveau du cadre thérapeutique, les TBM
proposent un dispositif structuré à la fois au niveau de la trajectoire du
traitement et au sein même de chaque séance. La TBM s’inscrit donc
dans le courant des psychothérapies dites focalisées. En effet, toute
thérapie basée sur la mentalisation suit une structuration manualisée
réparties en trois grandes phases (Bateman & Fonagy, 2004, 2016) :
1) La phase d’évaluation qui aboutit à une formulation (processus par
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lequel le thérapeute et le patient travaillent ensemble pour élaborer


une compréhension partagée du fonctionnement du patient. Cette
compréhension est utilisée pour guider le traitement et les
interventions thérapeutiques).
2) La phase de psycho-éducation, composée de douze séances en
groupe.
3) La phase de traitement : une séance hebdomadaire en individuel et
une séance hebdomadaire groupale durant quinze à dix-huit mois.
La méthode clinique issue des TBM regroupe également six domaines
d’interventions au sein desquelles nous retrouvons les principes
d’intervention clinique. Ces six domaines d’intervention, que nous
allons présenter dans la prochaine section, permettent au clinicien de
naviguer dans la séance en conservant son intention en tête :
procurer au patient un sentiment d’être avec quelqu’un qui tente de
comprendre (et non pas d’expliquer) son expérience, en soutenant les
capacités de mentalisation du sujet, et aussi les siennes propres.
Cette expérience en séance soutient également la construction de la
confiance épistémique envers le thérapeute puisqu’elle fait vivre au
patient la possibilité d’être pleinement compris par un autre qui, de ce
fait, pourra être investi comme une figure fiable, stable et pertinente
par rapport à ce qu’il vit.

▶ Domaines d’interventions

Dans un traitement TBM, chaque séance est organisée selon six


domaines d’intervention, véritables principes cliniques pour soutenir
les capacités de mentalisation des individus en séance. Les deux
premiers domaines (posture de non-savoir et structure de la séance)
ancrent le contenant de l’échange clinique d’une séance dans un
intérêt explicite et structuré autour des états mentaux. Le troisième
domaine, le processus thérapeutique, guide le clinicien dans le but
premier de ses interventions : chercher à refléter le monde tel que
vécu par le patient, notamment par la validation empathique. Le
quatrième domaine, les modes de pré-mentalisation, offre au clinicien
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des outils pour intervenir lorsque l’exploration et l’échange entre


patient et thérapeute se rigidifient en séance. Le cinquième domaine,
qui porte sur la narrative affective, fait référence à la focalisation sur
l’affect principal qui perturbe la mentalisation du patient au cours de la
narrative qu’il fait de son expérience. La narrative affective fait
également référence aux liens entre les vécus affectifs au sein des
relations significatives et leurs effets sur la mentalisation et les agirs.
Enfin, le sixième domaine concerne la relation thérapeutique et fait
référence aux phénomènes de transfert et contre-transfert. En TBM, le
travail s’échafaude dans le transfert plutôt que sur le transfert.
Autrement dit, le thérapeute intervient, dans l’ici et maintenant, sur le
déploiement de la problématique entre lui et le patient, afin de se
saisir des émotions activées et réfléchir ensemble à comment la
relation-thérapeutique s’est retrouvée dans cette configuration.
Ensemble, les six domaines d’intervention guident le clinicien à
générer, soutenir et réparer la confiance épistémique portée à son
égard par le patient, dans le but d’aider le patient, comme le disait
Bowlby, à « se représenter le thérapeute […] comme une figure fiable,
aidante et soutenante dans la continuité ».
Précisons davantage les deux premiers domaines d’intervention, tous
les deux transversaux, à savoir la posture de non-savoir et la structure
de la séance. La posture de non-savoir correspond à l’attitude
thérapeutique vers laquelle le clinicien tend pour soutenir la qualité de
l’échange autour des états mentaux. Une posture de non-savoir ne
signifie pas ne rien savoir. Elle correspond davantage à une manière
d’aborder les états mentaux avec curiosité et intérêt, permettant la
coconstruction d’une compréhension du vécu subjectif dans le
contexte d’un évènement pertinent aux yeux du patient. L’exploration
de l’évènement pertinent conduit le clinicien à voir le patient de
l’intérieur, percevoir son mode expérientiel in situ et sur le moment en
narrant l’évènement, afin de pouvoir positionner les interventions
thérapeutiques de validation empathique. Le clinicien sera alors
particulièrement attentif au(x) moment(s) où il perd sa posture de non-
savoir, qui peut prendre plusieurs formes : attitude explicative,
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socratique, irritation, impatience, désir de réfuter, confusion, ennui,


angoisse, désir d’agir, et autres phénomènes fréquemment rencontrés
dans l’esprit de n’importe quel clinicien. Pour maintenir sa posture de
non-savoir, le thérapeute adopte une position active, ce qui participe à
structurer la séance (domaine d’intervention connexe). En effet, le
clinicien porte également attention à ce que l’entretien soit organisé
avec un début, un milieu et une fin ainsi qu’avec un agenda de séance
explicité durant les dix premières minutes de la rencontre : quel sujet
le patient souhaite-t-il aborder aujourd’hui ? Cette structuration de la
séance par phases est une dimension essentielle de la thérapie qui
doit être explicitée au patient pour lui permettre de percevoir et vivre
distinctement les états mentaux échangés et leurs liaisons. Le
clinicien, garant de cette temporalité, évite ainsi les confusions
temporelles, les dissociations ou les surprises qui perturbent le
processus d’apprentissage et surtout la confiance investie dans la
relation thérapeutique, ce qui soutient une nouvelle fois la confiance
épistémique. En focalisant la séance sur les objectifs décrits dans la
formulation, les autres domaines d’intervention — les modes de
prémentalisation, le processus mentalisant, la narrative affective et la
mentalisation — peuvent plus aisément être identifiés et travaillés.
Comme mentionné plus haut au sujet du troisième domaine
d’intervention, les TBM encouragent le clinicien à intervenir sur les
modes de prémentalisation, lorsque des moments prolongés de
rupture de mentalisation dans le discours du patient viennent
perturber le processus. Ces moments sont repérables par les courts-
circuits qu’ils génèrent entre patient et thérapeute. Les modes de
prémentalisation sont au nombre de trois : le mode téléologique, le
mode de l’équivalence psychique et le mode semblant. Ils
représentent des avatars développementaux de la construction de la
mentalisation dans l’enfance, qui peuvent venir englober la manière
de vivre le monde chez le patient, notamment face à une montée de
l’arousal et donc en lien avec les patterns d’attachement du sujet.
● Le mode téléologique traduit une pensée centrée sur la
concrétude : le monde réel détermine le monde mental (« Il a vu
mon message mais il ne m’a pas répondu, cela veut dire qu’il est
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en colère »), où les états mentaux sont inférés sur la base des
actions ou du monde perceptible, sans nuances ; en langage
commun on parle d’un mode « action-réaction » de type « les
actions parlent plus forts que les mots ». Cela provoque souvent
des réactions brusques chez les individus aux prises avec ce mode
expérientiel.
● Le mode de l’équivalence psychique est, quant à lui, régi par la
certitude que l’état mental est une traduction exacte de la réalité de
la situation (« Je suis sûre que ma mère n’aime pas mon nouveau
petit ami »), encore une fois avec un manque flagrant de nuance et
une imperméabilité à l’évidence du contraire ; en langage commun,
on évoque le mode « pensée noir/blanc » qui traduit ces états de
certitude expérientielle.
● Le mode semblant, quant à lui, est généré par un découplage
entre l’affect exprimé et l’affect vécu, souvent sous forme de
posture intellectualisante (« C’est vrai qu’il crie beaucoup, mais j’ai
l’habitude vous savez, je n’ai pas vraiment eu peur, je sais grâce à
ma méditation que cela peut arriver aux autres »). Ce mode génère
une impression qui peut aller d’une légère superficialité, d’un
manque d’incarnation de ce qui est dit, à des manifestations
sévères d’hyper-réflexivité menant à des vécus dissociatifs.
Ces modes de prémentalisation ne révèlent pas un fonctionnement
psychopathologique en tant que tel : ils sont régulièrement présents
dans notre vie quotidienne car ils permettent d’appréhender la réalité
et les interactions de façon simplifiée et efficace. Ils deviennent
problématiques seulement lorsque l’un ou plusieurs d’entre eux sont
massivement utilisés, de manière rigide et inflexible et que le
changement de perspective est rendu difficile tant le mode de
prémentalisation est ancré et prégnant dans la manière qu’a l’individu
de vivre le monde — mais également son thérapeute. Il est donc
particulièrement utile en séance de les repérer — d’autant plus que
les modes de prémentalisation sont contagieux et peuvent vite
toucher le clinicien lui-même… — afin d’agir en conséquence
(différentes techniques s’appliquent selon le mode de
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prémentalisation dominant (pour plus d’informations, voir Debbané,


2018 ; Debbané et al., 2022), ceci dans le but de soutenir la confiance
épistémique et relancer le processus mentalisant, que nous nous
proposons maintenant de définir.
Le processus mentalisant — quatrième domaine d’intervention —
tente de réunir les différentes informations au sujet des états mentaux
(pôles de la mentalisation) par le biais d’une expérience sensible et
attentionnée sur la manière dont le patient fait l’expérience de ce qui
lui arrive. Les axes de la mentalisation, la gestion de l’arousal, la
clarification et la description des états mentaux (au travers notamment
de contextualisations, de reformulations, de résumés) permettront au
clinicien de soutenir un processus mentalisant (c’est-à-dire un
processus dont l’objectif premier est l’exploration de ce qui est donné
à vivre dans la situation exposée par le patient), et de partager ce
vécu à l’aide de la validation empathique.
Les deux derniers domaines d’intervention — la narrative affective et
la mentalisation relationnelle — sont probablement ceux le plus
étroitement reliés au modèle de l’attachement et à la confiance
épistémique. En effet, la narrative affective est un domaine qui
s’intéresse aux affects qui accompagnent l’évènement rapporté,
notamment en lien avec le style d’attachement du patient, mais
également aux affects générés par le fait de raconter l’épisode dans
l’ici et maintenant de la séance. Le focus est ici mis sur les émotions
ressenties, et notamment sur le décalage qu’il peut y avoir entre
l’affect dans l’épisode raconté versus l’affect vécu aujourd’hui, avec
pour objectif de lier ces deux points de vue afin de dégager une
nouvelle perspective sur l’expérience vécue. Ce travail autour des
émotions permet au patient de conscientiser certains patterns de
relations, notamment en lien avec des situations où l’attachement peut
être particulièrement activé. C’est également l’occasion de travailler
une relation spécifique : la relation patient-thérapeute, objet du
sixième domaine d’intervention, « mentaliser la relation ».
Ce dernier domaine d’intervention est étroitement lié à la question du
transfert et contre-transfert, chère aux modèles psychanalytiques.
Dans le modèle des TBM, ces enjeux relationnels seront adressés
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dans le transfert plutôt que sur le transfert. Il s’agit d’expliciter les


enjeux de la relation thérapeutique en termes de représentations de
soi et d’autrui et d’émotions ressenties par le patient dans l’interaction
avec le clinicien : que vivent-ils ensemble à l’évocation de l’épisode ?
Que se passe-t-il dans leur relation ? Quelles représentations en lien
avec le thérapeute sont associées ? La mentalisation relationnelle a
pour objectif de faire émerger, dans l’ici et maintenant, les éléments
des schémas relationnels qui provoquent des perturbations
relationnelles en dehors de la salle de consultation. Les séquences de
mentalisation de la relation thérapeutique entreront en résonance ou
permettront d’affiner les schémas décrits dans la formulation de cas.
Ces deux derniers domaines d’interventions placent également au
cœur de leurs interventions la confiance épistémique en verbalisant
les enjeux de la rencontre thérapeutique et en encourageant le patient
à expliciter sa façon de percevoir et vivre le thérapeute en séance.
Prenons un exemple.

Exemple
PATIENT : Ce qui change quand je vous parle par rapport à mes amis, c’est que j’ai
l’impression que vous comprenez ce que je ressens, même lorsque ça peut paraître
exagéré ou illogique pour les autres. D’ailleurs, je ne raconte jamais à mes amis ce que
je ressens vraiment dans les situations, mais avec vous j’y arrive car je n’ai pas cette
impression d’être jugée.
THÉRAPEUTE : Je partage cette impression, et en même temps, je sens parfois que nous
tournons en rond ensemble, qu’en pensez-vous ?
PATIENT : Oui, car il y a des choses qui sont incompréhensibles, je suis
incompréhensible. C’est de ma faute.
THÉRAPEUTE : Et maintenant, j’ai l’impression que vous vous éloignez de nous, de notre
dialogue, c’est juste ?
PATIENT : Quand j’en parle ici avec vous, oui je trouve que je suis juste illogique… Je me
rends bien compte que lorsque vous ne comprenez pas tout de suite, je me trouve
encore plus nulle (narrative affective). Mais du coup quand je vous raconte ça, j’ai peur
que vous aussi vous trouviez que je fais exprès, je suis perdue…
THÉRAPEUTE : OK, alors ça c’est important pour moi de le savoir. Ce qui se passe avec
les autres peut aussi arriver entre nous. Seriez-vous d’accord qu’on regarde ensemble
comment on en est arrivé là, maintenant ? (mentaliser la relation).
PATIENT : Oui, peut-être…

À travers cet exemple, nous percevons combien la relation entre le


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patient et le thérapeute et la confiance épistémique associée peuvent


parfois être ténues. Les deux derniers domaines d’intervention
évoqués — la narrative affective et mentaliser la relation — vont nous
permettre d’aborder de façon explicite avec le patient les enjeux de
cette confiance épistémique et notre attention à ce que le lien
thérapeutique soit préservé afin que le patient puisse investir son
thérapeute comme une source d’information à la fois fiable mais aussi
différente des schémas de relation habituels qu’il connaît. Tout ceci
sera également soutenu par le travail dans les autres domaines
d’intervention, à savoir la structure de la séance, la posture de non-
savoir, les modes de prémentalisation et le processus de
mentalisation, afin de faire vivre au patient en séance une expérience
continue et intégrée de sécurité, stabilité et confiance.

VERS UN MODÈLE DE COMMUNICATION THÉRAPEUTIQUE


Jusqu’à présent, nous avons tenté de montrer comment les
fondements de la théorie de l’attachement, en particulier l’usage du
mot trust par le fondateur de cette théorie, John Bowlby, s’articule
avec la notion de confiance épistémique employée dans le contexte
de la théorie de la mentalisation. Nous souhaitons conclure en
proposant une opérationnalisation du lien entre confiance
épistémique, mentalisation, et communication thérapeutique.
En effet, plusieurs étapes de la mentalisation sont impliquées dans le
processus favorisant la confiance épistémique en psychothérapie.
Tout d’abord, cela nécessite que le patient possède une perception de
lui-même suffisamment cohérente pour pouvoir reconnaître les reflets
de son expérience que le thérapeute lui renvoie, puis qu’il puisse
déchiffrer ces reflets provenant du thérapeute comme l’expression de
sa propre perception du patient. Et enfin, il faut que le patient puisse
évaluer la similitude ou la différence entre sa propre perception de lui-
même et la façon dont le thérapeute le décrit. En outre, le processus
exige que le clinicien ait suffisamment bien mentalisé le patient pour
suffisamment bien comprendre son expérience. Ainsi, la confiance
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épistémique en tant que processus intersubjectif et de communication


sociale dépend de la mentalisation, tant celle du patient que celle du
clinicien.
C’est donc au sein d’un processus de comentalisation qu’émerge une
expérience subjective particulière de cognition sociale que nous
désignons avec le terme de « mode nous » (Bateman et al., 2023). Le
« mode nous » est un état mental qui décrit une expérience
interpersonnelle conjointe entre deux ou plusieurs personnes, où des
états intentionnels sont partagés dans un but commun (Gallotti &
Frith, 2013). Le « mode nous » stimule la confiance épistémique, qui à
son tour déclenche le potentiel d’apprentissage de la source de
confiance. On peut ainsi mieux comprendre pourquoi la restauration
de la mentalisation est considérée comme un objectif central dans les
TBM. La mentalisation permet de (re)générer la possibilité de faire
l’expérience du « mode nous » au travers de la correspondance
épistémique entre les interlocuteurs, ouvrant l’occasion à un
apprentissage social. En outre, le « mode nous » comporte un aspect
relationnel qui génère des sentiments de subjectivation (être un
interlocuteur à part entière) et d’appartenance découlant d’un
sentiment de connexion épistémique créée par l’intentionnalité
partagée. Le « mode nous » ne représente pas la fusion ou
l’indifférenciation mais la rencontre des esprits qui procure des
avantages, notamment de pouvoir se concentrer sur un objet commun
générant ainsi des nouvelles connaissances et perspectives auquel
un seul esprit ne saurait arriver.
En dégageant certaines des implications cliniques de la théorie de
l’attachement que nous avons abordées jusqu’à présent dans ce
chapitre, nous avons développé l’idée qu’il existe trois « systèmes de
communication » associés à l’effet thérapeutique. Ces systèmes de
communication ne s’appliquent pas seulement à la TBM ; nous
suggérons plutôt que toute forme d’aide psychothérapeutique
significative tend à impliquer la communication, l’intériorisation et la
(ré)application de nouvelles formes d’apprentissage sur soi-même et
sur sa relation à autrui.
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▶ Système de communication 1 : prise de contact


avec une forme de compréhension de soi

Tous les modèles thérapeutiques présentent leur propre manière de


concevoir la souffrance du patient, qu’il s’agisse de difficultés
comportementales, de conflits inconscients ou de dynamiques
systémiques complexes maintenant une souffrance au sein d’un
couple ou d’un groupe. Face à ce modèle de compréhension
générique, chaque patient a la possibilité de se retrouver, de se
comprendre dans la manière dont le modèle conçoit les tenants et les
aboutissants de sa souffrance. Ainsi, un modèle de compréhension
qui semble pertinent pour le patient lui donnera le sentiment d’être
reconnu et compris. Le fait d’être ainsi reconnu comme une personne
à part entière réduit la vigilance épistémique du patient et le prépare à
s’ouvrir à l’apprentissage social. Au sein de ce même système, le
patient fait la rencontre d’un thérapeute dont la capacité à mentaliser
le patient est cruciale pour communiquer son modèle thérapeutique
d’une manière qui soit ressentie comme significative par le patient,
créant ainsi une correspondance épistémique. Les premières étapes
de la TBM, en particulier ses éléments psychoéducatifs, témoignent
de l’importance de ce système de communication. La capacité du
clinicien à faire en sorte que la mentalisation soit en rapport avec la
façon dont les patients se perçoivent et perçoivent les autres est
essentielle à l’engagement dans le traitement. C’est le début d’une
remise en question des patients et d’une perception différente d’eux-
mêmes.

▶ Système de communication 2 : la réémergence


de la mentalisation

La position de non-savoir du clinicien, qui se concentre assidûment


sur l’expérience du patient, donne le coup d’envoi de la réémergence
de la mentalisation : « Comment cette personne arrive-t-elle à me voir
comme elle le fait ? » L’initiation de ce type d’intérêt accru pour l’esprit
du clinicien et l’utilisation que le patient fait des pensées et des
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sentiments stimulent à leur tour sa capacité à mentaliser. La


continuité, la fiabilité, et la robustesse du processus de mentalisation
(domaine d’intervention 3) sont autant d’éléments critiques de ce
système de communication qui ouvre à l’apprentissage social au
travers de l’ouverture épistémique qu’il provoque au sein de la relation
thérapeutique.
L’émergence de la mentalisation chez le patient conduit à un « cercle
vertueux » dans lequel la curiosité pour les états mentaux et
l’apprentissage social par le biais d’une plus grande ouverture
épistémique se soutiennent mutuellement dans la relation
thérapeutique.

▶ Système de communication 3 : généralisation


de l’apprentissage social dans un environnement plus large

Faire l’expérience d’être mentalisé par le clinicien peut aider le patient


à sortir d’une forme d’isolement social et, à moyen terme, lui
permettre de soutenir sa capacité à apprendre de son environnement.
Cela permet au patient de s’épanouir au sein des relations qu’il
entretient en dehors de la thérapie. Il est important ici de souligner
que ce ne sont pas les seuls contenus et techniques de la thérapie qui
en déterminent son succès ; c’est peut-être avant tout la capacité
d’apprentissage social régénérée chez le patient et sa réflexivité au
sujet des états mentaux qui amélioreront son fonctionnement, car il
devient désormais davantage capable de se nourrir de son
environnement plutôt que de s’en protéger, pour autant qu’un
environnement suffisamment bénin soit disponible. Une autre
implication de ce troisième système de communication est, bien sûr,
qu’il peut être nécessaire d’intervenir également au niveau de
l’environnement social du patient pour permettre la généralisation de
l’apprentissage, au-delà de la salle de consultation.

CONCLUSION
En conclusion, l’édifice théorique initié par John Bowlby repose
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notamment sur la pierre angulaire qu’est la confiance épistémique.


Les thérapies basées sur la mentalisation œuvrent pour réunir les
conditions permettant au patient de faire l’expérience d’un clinicien qui
s’intéresse authentiquement à sa subjectivité et qui met à l’œuvre sa
capacité à mentaliser pour mieux saisir l’expérience, souvent pénible
et aliénante, pour laquelle le patient vient chercher un soin
thérapeutique. Par ce processus, le patient trouve des éléments de
compréhension à son expérience au travers du modèle du thérapeute,
à travers l’interaction et le processus de mentalisation entretenue
dans la relation thérapeutique, et enfin, dans la possibilité de
généraliser ses découvertes au contexte pertinent à sa vie
relationnelle et sociale, à l’extérieur de la salle de consultation. Ainsi,
tant la théorie de l’attachement que la théorie centrée sur la
mentalisation cherchent à générer cette confiance qui permet à des
individus ayant vécu des expériences précoces aversives et/ou de la
négligence de leurs besoins psychologiques, physiques, émotionnels,
de réduire une certaine forme de vigilance ou de pétrification
épistémique les empêchant d’avoir accès aux ressources humaines
de leur environnement. Par le biais de la mentalisation, celle du
patient, celle du clinicien, et celle des individus dans l’environnement
du patient, les trois systèmes de communication thérapeutique
œuvrent ensemble à soutenir l’effet thérapeutique à long terme, ancré
dans un processus d’apprentissage social plutôt que dans une
réduction des symptômes. Ces considérations influent sur la manière
de comprendre l’effet thérapeutique, et sur les cibles potentielles de la
recherche clinique de demain.
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Chapitre 10

Thérapie interpersonnelle (TIP)

Yann L’Hégaret
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HISTORIQUE DES TIP


L’histoire des thérapies interpersonnelles débute en 1969 par une
découverte fortuite. Thérapie « contrôle » d’une étude visant à
montrer l’efficacité des antidépresseurs dans la prévention de la
rechute dépressive, elle obtint des résultats surprenants, conduisant
les investigateurs de l’étude (les docteurs Klerman et Paykel) à
l’étudier en tant que telle (Weissman, 2016). Son efficacité fut alors
investiguée dans plusieurs études successives dans différentes sous-
populations (adolescents, personnes âgées, post-partum…). Une
grande étude réalisée par l’Institut de santé mentale américain
établissant les approches efficaces ou non dans la dépression,
retrouva l’efficacité des TIP, donnant ses lettres de noblesse à la
thérapie dans le monde anglo-saxon (Elkin et al., 1989). Ainsi, au
début des années 1990, l’efficacité des TIP était démontrée avant
qu’elle ne soit diffusée.
Le développement se poursuivit avec l’intégration des TIP dans la
plupart des guidelines internationales (NICE, APA…). Elles sont
aujourd’hui recommandées en première intention dans la prise en
charge de la dépression par l’OMS.
Contrastant avec cette diffusion internationale, les TIP sont encore
peu répandues dans le monde francophone, en partie en raison de ce
développement issu de la recherche et d’un manque de théorisation
initiale.
L’angle interpersonnel (IP) et l’abord centré sur les interactions sont
très clairs depuis le départ, la TIP intégrant les travaux de Sullivan et
de Meyer sur le rôle des interactions IP dans la vie psychique du
patient et ceux de Bolwby sur l’attachement. Mais les mécanismes de
changement ont longtemps été peu étudiés au profit de l’étude de
l’efficacité de la TIP.
Depuis le début des années 2000, le rôle de l’attachement est étudié.
Plusieurs études se sont intéressées aux changements opérés au
niveau de l’attachement, montrant une diminution aux échelles
d’attachement anxieux ou évitant (Ravitz et al., 2007) et une
diminution de l’anxiété de séparation (Milrod et al., 2020).
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Récemment, les capacités de mentalisation des patients ont


également été étudiées, montrant une amélioration des compétences
de mentalisation chez les patients après une prise en charge TIP
(Ekeblad et al., 2022).
Aujourd’hui, la théorie de l’attachement est considérée comme la
théorie centrale expliquant le mécanisme d’efficacité des TIP. La
sécurisation de l’univers IP du patient est la cible de travail TIP, en
faisant vivre des expériences attachement-pertinentes apaisantes
dans le présent et en développant les capacités de mentalisation du
patient.

MÉCANISMES D’ACTION
▶ Modèle attachementiste de la prise en charge TIP

Le modèle TIP reprend le modèle psychobiosocial, décrivant l’état


psychique d’un individu comme déterminé par trois aspects :
psychologique, biologique et socio-environnemental. C’est sur ce
dernier aspect que la TIP va agir directement. Son influence sera
indirecte sur les autres aspects.
D’un point de vue attachementiste, le patient est considéré comme
évoluant dans une constellation de liens IP plus ou moins sécurisants.
La pathologie psychologique va se développer :
● soit parce que cet univers anciennement sécurisant devient
insécure à la suite de la perturbation de plusieurs liens (décès,
conflits de couple, déménagement…) ;
● soit parce que l’univers de départ est peu sécurisant ; de ce fait le
trouble psychologique se développe de manière chronique
(dépression, isolement, troubles borderline).
Cette interaction entre environnement IP et trouble psychique est
modélisée sous la forme de « diagnostics interpersonnels » qui seront
détaillés ci-après. Le lien IP est non seulement la cible du travail TIP
mais aussi l’outil permettant la guérison. Il est considéré
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potentiellement comme :
● à l’origine du problème conduisant au déséquilibre psychique (par
exemple, conflit conjugal),
● un facteur de maintien du trouble (notamment dans les addictions),
inexistant et à créer (dans l’isolement social),
● dans toutes les prises en charge, une ressource permettant la
guérison.
Le but de la TIP sera de réussir à faire vivre des expériences IP
sécurisantes en cherchant à réaliser des séquences de
« signalement-rapprochement » à l’âge adulte (Neveux, 2017). Pour
ce faire, le patient aura besoin :
● de reconnaître son ou ses besoins en jeu dans le lien ;
● de les signaler clairement et efficacement au bon interlocuteur ;
● d’avoir un interlocuteur avec un comportement de rapprochement
adapté.
Figure 10.1. Signalement-rapprochement.

Le but des techniques TIP vise à reproduire cette séquence et à


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favoriser les processus de mentalisation permettant au patient de


comprendre ce qui se joue dans le lien. La répétition de ce type de
séquence attachementiste de qualité permet au patient de vivre un
apaisement émotionnel améliorant son état psychique. La meilleure
compréhension des enjeux du lien et le développement des capacités
de signalement permettront peu à peu au patient de recréer un
environnement suffisamment sécurisant.

▶ Modélisation TIP du lien interpersonnel

Le lien IP est au centre de l’attention. La TIP propose qu’il soit


constitué de quatre éléments (Neveux, 2017) :

Tableau 10.1. Éléments constituant le lien IP.


Lien IP
Règles Besoins Attentes Disponibilité

Les règles IP existent afin de protéger les besoins fondamentaux dans


un lien. Elles peuvent être symétriques ou asymétriques, explicites ou
non. En TIP, n’est considérée comme valable qu’une règle explicite et
validée par les deux interlocuteurs.
Les besoins sont les enjeux profonds du lien, systématiquement
reconnus comme valables. La TIP modélise les besoins dans la
continuité de Maslow et de Wills. On identifie ainsi les besoins de
liberté, physiologique, de sécurité, d’appartenance, d’estime,
d’accomplissement, instrumental, émotionnel, informationnel, de
camaraderie et motivationnel.
Les attentes sont la manière dont le patient souhaite que soient
satisfaits ses besoins concrètement. Elles sont considérées comme
discutables entre le patient et l’interlocuteur.
La disponibilité de l’interlocuteur est la capacité que celui-ci aura à
répondre aux besoins du patient. Elle est étudiée en termes de
compétence (a-t-il la compétence pour répondre au besoin ?), de
contexte (a-t-il le temps, est-il présent ?), d’état psychique (son état
psychique lui permet-il de répondre ?), d’intention (est-il d’accord pour
répondre ?).
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Ainsi, un lien IP peut poser problème si les règles sont enfreintes ou


mal posées, si le patient choisit de satisfaire un besoin dans un lien
insécurisant, s’il a des attentes irréalistes ou répondant mal aux
besoins, s’il ne tient pas compte de la disponibilité de l’interlocuteur…
Le travail consiste à faire mentaliser les dysfonctionnements du lien,
afin de permettre un comportement de signalement adapté auprès
d’un interlocuteur choisi, disponible et capable d’un comportement de
rapprochement adapté.
Comment pratique-t-on les TIP ?

▶ Une psychothérapie centrée sur le présent

L’attention du thérapeute est centrée sur les liens actuels du patient.


La plupart des techniques utilisées étudient des événements
relationnels vécus récemment. Le lien entre le patient et le thérapeute
est travaillé en fonction de ce qui se passe en séance. Les jeux de
rôles (JDR) préparent des tâches IP à réaliser dans un futur immédiat.
Si, dans certaines techniques (phase 1, analyse des liens passés…),
une attention est portée sur les liens passés, l’intention est toujours
d’utiliser les informations obtenues dans le présent.

▶ Une psychothérapie structurée

La TIP se déroule en trois phases : initiale, secondaire, terminaison.


Thérapie brève, elle dure classiquement entre douze à seize séances.
Une phase de maintien peut s’ajouter en fonction des diagnostics
cliniques des patients. Le nombre de séances varie en fonction du
diagnostic du patient ou de son style d’attachement.

Tableau 10.2. Phases et séances de la thérapie IP.


Nombre
Phases de Objectifs
séances
Initiale 3à4 • Psychoéducation et lien entre dépression et relations
IP.
• Pose du diagnostic de style d’attachement.
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• Pose du diagnostic IP.


• Contrat thérapeutique et sick-role.
Secondaire 7 à 9 • Phase de travail IP en fonction du diagnostic IP.
• Sécurisation des liens IP.
Terminaison 2 à 3 • Séparation : désinvestissement du lien avec le
thérapeute
• Bilan des acquis et perspectives futures.

▶ Quelles indications ?

La TIP est utilisée et adaptée dans de nombreuses pathologies :


● L’efficacité de la TIP est démontrée dans la prise en charge de
l’épisode dépressif caractérisé (EDC) (Cuijpers et al., 2011), dans
le traitement de maintien après un EDC (Cuijpers et al., 2016),
dans de nombreuses sous-populations spécifiques : adolescents,
personnes âgées, femmes enceintes ou en post-partum.
● La TIP est utilisée dans les troubles du comportement alimentaire
(TCA) : elle est efficace dans l’hyperphagie boulimique (Cuijpers,
2016), prometteuse dans la prise en charge de l’obésité et
complémentaire au traitement usuel des troubles boulimiques ou
anorexiques (Miniati et al., 2018).
● Plusieurs études ont montré son efficacité dans la prise en charge
du trouble de stress post-traumatique (PTSD) (Bleiberg &
Markowitz, 2019), tant sur les symptômes dépressifs que sur ceux
du PTSD. L’originalité de la prise en charge TIP est l’absence
d’exposition au trauma.
● La TIP est également utilisée dans les troubles de la personnalité
(borderline en particulier mais aussi dépendante ou évitante). Elle
est prometteuse dans d’autres indications (syndrome d’asperger,
TDAH, addictions, anxiété sociale).

ASPECTS CLINIQUES : EXEMPLE DE LA DÉPRESSION


▶ Phase 1 (4 séances)

Le but de la phase 1 est de pouvoir sortir le patient de son sentiment


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d’impuissance en proposant une modélisation IP de ses troubles,


permettant de générer un début de pro-activité.

Diagnostic du style attachement (SA)


Le thérapeute cherche à déterminer le SA du patient grâce à une
anamnèse ciblée, l’analyse du lien avec le thérapeute et les éléments
de l’inventaire IP.
Poser le SA permet d’adapter les futures techniques à utiliser et
d’anticiper les difficultés de la prise en charge. Une psychoéducation
sur l’attachement est réalisée, afin que le patient prenne conscience
de sa manière singulière de se lier à autrui, de ses forces et de ses
faiblesses, permettant une première compréhension de ses difficultés
IP.

Diagnostic TIP
Le diagnostic TIP permet de faire le lien entre une problématique IP et
l’état psychologique du patient, déterminant la cible du travail IP.
Il existe quatre types de diagnostics IP :
Tableau 10.3. Types de diagnostics IP.

Le conflit se définit comme une situation IP dans laquelle un lien


devient insécure, bouleversant l’équilibre du patient.
La transition de rôle se définit comme un bouleversement de
l’équilibre de vie du patient à la suite de la survenue d’un événement
touchant de nombreux liens et entraînant une insécurisation de
l’univers IP.
L’isolement quantitatif est une situation IP dans laquelle le patient
n’a pas assez de liens : l’univers IP est insécure par manque de liens.
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Dans l’isolement qualitatif, le patient a des liens suffisants en


nombre, mais ceux-ci sont dysfonctionnels et répondent mal aux
besoins du patient. L’univers IP est insécurisant du fait de la faible
qualité des liens.
Le deuil est la perte d’un être cher, la mort d’un proche. Le caractère
inéluctable et irréversible de la perte du lien insécurise le patient et
bouleverse l’univers IP de celui-ci.
Pour poser le diagnostic TIP, le thérapeute fait une analyse
synchronique (état des lieux de l’univers IP du patient) et une analyse
diachronique (évolution de cet univers dans le temps). Des outils
spécifiques sont utilisés dans ce but : inventaire IP et cercle IP,
timeline.

Autres éléments
Psychoéducation et lien entre dépression et relations IP
Une psychoéducation est menée sur la pathologie du patient, donnant
des éléments épidémiologiques, cliniques et sur l’évolution de la
maladie, permettant de lever une partie du sentiment de culpabilité du
patient et de générer de l’espoir. Le thérapeute cherche à faire le lien
entre symptômes de la maladie et impacts sur la vie relationnelle, en
montrant le cercle vicieux.
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Figure 10.2. Cercle vicieux dépression/relations IP.

Le but sera de transformer ce cercle vicieux en cercle vertueux, en


levant les difficultés IP et en travaillant sur les capacités de
signalement du patient.
Contrat thérapeutique et sick-role
La phase 1 se conclut sur la mise en place du contrat thérapeutique
permettant d’établir un cadre prévisible : nombre de séances, durée,
tâches à faire entre les séances, cible thérapeutique… Le patient
prend alors le sick-role : il est porteur d’une maladie (la dépression)
expliquant une grande partie de ses difficultés actuelles. Il n’est pas
responsable de cette maladie, mais est responsable d’activer les
leviers permettant sa guérison.

▶ Traitement TIP d’un homme consultant pour épisode dépressif


chronique

Phase 1
Illustration clinique
Monsieur X. vient consulter pour un EDC évoluant depuis plusieurs mois. Il occupait un
poste à responsabilité dans une société d’assurances et est retraité depuis neuf mois.
Père de deux enfants (Paul et Clarisse), il est aussi grand-père de deux petits-enfants.
L’EDC date de la rentrée de septembre. Son humeur s’est dégradée progressivement
jusqu’en décembre. Il a alors consulté son médecin qui l’a mis sous antidépresseur.
Nous le rencontrons en février sur insistance de sa famille.
Il n’y a pas d’antécédent notable hormis une probable dépression non traitée au
moment de la naissance de son deuxième enfant dans un contexte de surcharge
professionnelle.
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Sentant une réticence à se livrer, le thérapeute choisit initialement de tenir un discours


théorique plutôt qu’émotionnel. Le modèle psycho-biosocial est exposé au patient,
montrant les différents déterminants en jeu dans un épisode dépressif, ainsi que les
leviers potentiels pour en sortir. Les importants changements IP récents liés à sa
retraite sont présentés comme un des éléments contribuant possiblement à sa
dépression. M. X. adhère au modèle et accepte une prise en charge en TIP.
La deuxième séance de phase 1 est centrée sur le diagnostic de SA : M. X. présente
un SA évitant. Aîné d’une fratrie de six enfants, il était placé dans un rôle d’exemple
vis-à-vis de ses frères et sœurs : on lui demandait d’avoir une attitude raisonnable,
d’inhiber ses émotions et de se débrouiller seul. Ses parents sont présentés comme
aimants mais froids, son père était assez absent, très investi dans son travail de
médecin. Son histoire IP est marquée par une relation amoureuse qui l’a beaucoup fait
souffrir à l’adolescence. Il a eu du mal à investir d’autres relations intimes, avant de
rencontrer sa femme au début de sa vie professionnelle. D’un point de vue amical, il a
toujours su se faire des « camarades », pointant tout de même une temporalité assez
longue pour créer du lien ou se sentir inséré dans un groupe. Il décrit quelques
relations amicales solides qui durent dans le temps, mais celles-ci sont peu actives
(« On aime à se retrouver une à deux fois par an »). Il évoque une difficulté à verbaliser
ses émotions, et à avoir tendance à vouloir régler ses problèmes personnels seul. Il se
considère comme ayant un tempérament solitaire ce qui ne lui pose pas problème. Ces
éléments sont en faveur d’un style d’attachement évitant.
Troisième séance : diagnostic TIP. M. X. vit une transition de rôle entre sa vie
professionnelle très active et sa retraite où il se retrouve isolé. Le diagnostic différentiel
d’isolement est exploré, mais il s’avère que M. X. a toujours su créer des liens
lentement. Il avait un maillage IP satisfaisant avant la retraite. La time-line montre « un
avant » et « un après » le départ à la retraite, le cercle IP montre une évolution
importante dans la perte de liens IP qui existaient grâce au travail et l’apparition d’un
probable conflit avec son épouse.
Quatrième séance : la phase 1 se conclut par le contrat thérapeutique et le sickrole : «
M. X. vous présentez un EDC qui aujourd’hui perdure malgré le traitement. Votre
départ à la retraite a eu un ensemble d’impacts sur votre vie relationnelle et la
satisfaction de vos besoins. Vous passez du statut de dirigeant d’entreprise très
sollicité à celui de jeune retraité assez isolé. Le changement est radical et très difficile à
vivre. De plus, votre vie sociale n’était pas très active avant le départ à la retraite, ce
qui fait que vous avez peu de liens sur lesquels vous appuyer d’une part, mais aussi
votre style d’attachement, c’est-à-dire votre manière singulière de vous lier et d’interagir
avec l’autre, ne vous pousse pas à aller chercher de l’aide IP spontanément. Je vous
propose de chercher à travailler sur cet aspect IP, afin de pouvoir réussir à pallier les
manques générés par ce départ en retraite. »

Phase 2 : prise en charge des différents diagnostics


interpersonnels
En fonction du diagnostic TIP, la prise en charge sera différente avec
des techniques communes et des techniques spécifiques à chaque
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diagnostic TIP. Toutefois, toutes les techniques visent in fine à faire


vivre au patient l’apaisement émotionnel de liens sécures.

Tableau 10.4. Techniques génériques en TIP.


Techniques génériques en TIP
Nom But Outils
Clarification IP Analyse précise de situations • Clarification factuelle/
IP récentes afin d’en dégager émotionnelle/intentionnelle.
les enjeux IP (émotion, • Agenda Interpersonnel.
besoins, attentes, • Échelle visuelle de l’humeur.
disponibilité…).
Analyse de la Détaille la qualité de • Analyse réplique par
communication signalement du patient et de réplique.
l’interlocuteur. • Analyse communication avec
le thérapeute.
Analyse du lien Favoriser la mentalisation du • Grille de Neveux et
IP patient en comprenant le L’Hégaret.
fonctionnement d’un lien IP. • Tableau d’intentionnalité.
• Analyse du lien bifocal.
Analyse Analyse les stratégies IP • Brainstorming.
décisionnelle permettant de répondre aux • Balance décisionnelle.
besoins du patient.
Assignation de Définition précise de la tâche Liste de taches.
tâches IP à accomplir entre les
séances (travail sur le
signalement du patient).
JDR en séance.
Jeux de rôles Favorise l’analyse de la
(JDR) communication, la
mentalisation et l’analyse du
lien. Prépare les tâches IP.

Conflits
Dans le conflit, l’état psychique du patient est perturbé par
l’insécurisation d’un ou deux liens (conflit de couple, avec un
enfant…).
Le thérapeute cherche à sécuriser ces liens. L’analyse bilatérale du
lien est déterminante afin de comprendre les dysfonctionnements IP
existants. L’analyse de la communication permet de vérifier la qualité
de signalement du patient. Les assignations de tâches visent une
expression adaptée des besoins du patient mais aussi à prendre en
considération les besoins non satisfaits de l’interlocuteur.
Transition de rôle
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Il s’agit d’un changement de vie significatif, avec un avant et un après,


quelle que soit sa connotation sociétale : négative (divorce,
licenciement…) mais aussi positive (promotion, naissance…).
D’un point de vue attachementiste, le patient évoluait dans un univers
constitué de liens suffisamment sécurisants. Le changement provoque
une insécurisation de l’univers IP : des liens ont été modifiés, certains
ont disparu, d’autres sont à construire.
Pour trouver les liens les plus contributifs au rétablissement
psychique, le thérapeute établit un état des lieux de la vie du patient
avant puis après la transition, permettant d’identifier les besoins et
liens problématiques, les liens ressources mais aussi les liens
manquants.
Le travail est donc multidirectionnel mais a toujours pour but de faire
vivre des expériences IP sécurisantes soit en créant de nouveaux
liens, soit en resécurisant d’anciens liens.
Isolements
L’isolement quantitatif est défini par un manque de liens en quantité.
Le thérapeute accompagne le patient dans l’exploration de son
univers IP. La difficulté principale est de motiver le patient. Plusieurs
techniques sont utilisées dans ce but (analyse des liens passés,
agenda IP, analyse du lien imaginaire) afin de faire ressentir au
patient l’intérêt des expériences IP. Un travail sur les compétences
sociales est réalisé en préparant systématiquement les tâches IP via
de nombreux JDR.
Dans l’isolement qualitatif l’univers IP est insécure du fait de la faible
qualité des liens : relations récentes, superficielles, instables,
« toxiques »… Les patients présentent une difficulté à mentaliser le
lien IP. Il s’agira d’aider le patient à bien comprendre le
fonctionnement du lien IP en multipliant les analyses du lien à chaque
occurrence IP problématique. Un travail sur le signalement sera
réalisé en analyse de la communication, afin d’éviter l’impulsivité
relationnelle. Naturellement, le patient sera amené à faire un tri
relationnel, permettant de se séparer peu à peu de ses relations
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insécurisantes.
Deuil
La spécificité du deuil est liée à l’absence irréversible du lien
problématique. En TIP, nous parlons du deuil d’une personne
décédée et non de deuil symbolique, constituant une transition de
rôle.
Le thérapeute accompagne d’abord le patient dans sa gestion de
l’importante charge émotionnelle, puis dans le désinvestissement du
lien avec le défunt en l’aidant à réinvestir les liens vivants. Le deuil
utilise à la fois des techniques liées à la transition de rôle (analyse en
avant/après) et à l’isolement quantitatif (travail sur l’investissement de
nouveaux liens).

Illustration clinique (suite)


Séances 5 et 6 (phase 2) : le thérapeute va chercher à identifier les liens et
besoins problématiques.
Il s’appuie sur une analyse en avant/après le départ à la retraite de M. X. Il en ressort
qu’avant cette transition plusieurs liens répondaient à des besoins :
1. Georges, membre du comité de direction, était un soutien informationnel pour le
travail, mais aussi un confident concernant sa vie personnelle.
2. Astrid, Paul (collègues) répondaient à un besoin d’appartenance groupale et
camaraderie.
3. Le travail au sens large répondait aux besoins d’estime et d’accomplissement.
Cependant, plusieurs secteurs étaient déjà problématiques :
4. Il y avait peu d’épanouissement conjugal, la relation était conflictuelle, mais « on ne
parlait pas de nos problèmes ».
5. Il avait peu de vie sociale active, pas de source d’accomplissement en dehors du
travail. Ses anciens amis étaient peu sollicités. Sa relation avec ses petits-enfants était
agréable mais peu investie.
Cependant, M. X. était euthymique et son équilibre de vie global était suffisamment
sécurisant.
Après la transition de rôle, plusieurs liens sont perturbés :
1. Le conflit avec sa femme est plus vif. Elle est peu disponible car a une vie sociale
importante en dehors du couple. M. X. lui reproche le manque de temps passé
ensemble et l’absence de projets communs.
2. Il a perdu de vue l’ensemble de ses anciens collègues. Il n’a pas cherché à solliciter
ses anciens amis.
3. Il se sent inutile et éloigné de sa famille. Bien que plus disponible, il n’ose déranger
sa famille et ne voit que très peu ses enfants et petits-enfants. Il ressent une grande
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tristesse et ne veut pas les inquiéter.


La dépression a renforcé son isolement, M. X. se sent seul et souhaite se débrouiller
par lui-même.
Plusieurs liens et besoins sont impactés par la transition de rôle, permettant de
dégager des axes de travail IP :
● Le conflit avec son épouse : lien le plus proche mais peu sécurisant.
● Les besoins d’estime, d’accomplissement et d’appartenance groupale sont
insatisfaits.
● Liens semblant ressource mais non sollicités : ses enfants et petits-enfants,
Georges et ses anciens collègues, ses anciens amis. Cependant, son étayage IP
initial étant insuffisant, il faudra également aider M. X. à développer et investir de
nouveaux liens.
M. X. semble d’abord réticent à aborder le dysfonctionnement avec son épouse. Le
thérapeute cherche dans un premier temps à travailler d’autres liens. Tenant compte de
son style d’attachement évitant, le thérapeute cherche à augmenter sa motivation à
entrer en lien. Une tâche IP est alors prescrite : réaliser un agenda de l’humeur entre
deux séances, visant à mettre en lien les variations d’humeur et les expériences IP
vécues par M. X. dans son quotidien.
Séance 7 : le travail motivationnel se fait en reprenant l’agenda de l’humeur : M.
X. observe que plusieurs interactions IP permettent d’améliorer son humeur (visite des
petits-enfants, repas organisé avec des amis). Le thérapeute cherche à renforcer ce
lien émotionnel en analysant des périodes heureuses de la vie de M. X., faisant
systématiquement le lien avec sa vie relationnelle : M. X. évoque, avec plaisir, les bons
moments passés avec ses camarades d’école de commerce.
Les séances 8 à 10 visent la mise en action de M. X. vers des situations sociales.
Grâce à un travail en brainstorming, plusieurs actions émergent : entretenir des liens
existants (appeler sa fille pour lui proposer de garder ses petits-enfants un après-midi
chez elle, proposer un déjeuner avec Georges, rappeler d’anciens camarades d’école)
et créer de nouvelles perspectives socialisantes (rechercher une association ou activité
dans laquelle il pourrait s’engager).
Les tâches sont difficiles à réaliser, en raison de l’état dépressif et du SA du patient. Le
thérapeute cherche alors à mobiliser des soutiens IP informationnels et motivationnels
pour M. X. : « Qui pourrait vous conseiller sur le choix de l’association ? » Il
accompagne M. X. au maximum dans la réalisation des tâches en travaillant sur les
détails concrets qui pourraient le mettre en difficulté : « Quand allez-vous appeler votre
fille ? Comment allez-vous vous assurer de sa disponibilité ? Comment allez-vous
signaler votre besoin ? Comment réagir si elle refuse ?… ». Un JDR est réalisé en
séance dans l’optique de préparer l’appel à sa fille : le thérapeute jouant
alternativement le rôle du patient puis de la fille.
Il apparaît que M. X. va un peu mieux depuis qu’il a le sentiment de se remettre « en
marche ». Il a pu garder ses petits-enfants un samedi après-midi. Un déjeuner avec
Georges est prévu. Il a repris contact avec Henri, un camarade d’école de commerce :
celui-ci a d’ailleurs pu vivre un départ à la retraite compliqué, ce qui a permis à M. X. de
se confier sur ses difficultés actuelles. Le thérapeute aide M. X. à bien conscientiser
l’apaisement émotionnel procuré par cette interaction.
Les séances suivantes (11 à 13) permettent de travailler le lien avec sa femme. Une
analyse du lien avec une grille de Neveux et L’Hégaret est réalisée sur plusieurs
séances, en décortiquant des situations IP problématiques et est résumée dans le
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tableau d’analyse du lien (Tableau 10.5).

Tableau 10.5. Analyse du lien.


Réalité
Règle Besoin Attente Disponibilité
concrète
Le couple est • Camaraderie Pouvoir Très occupée Lui reproche
la priorité sur • Accomplisse- passer plus de sortir mais
le reste ment de temps ne propose
ensemble rien.
Un couple • Accomplissement
Avoir des Faible Elle ne veut
doit avoir • Sécurité projets pas s’investir
des projets relationnelle communs dans la
communs (investir la maison
maison familiale.
familiale)
Un couple ne Émotionnel Ne plus se Est d’accord On se
doit pas se disputer mais n’y dispute.
disputer arrive pas
Un homme • Émotionnel Pouvoir lui Ne lui en
ne parle pas • Sécurité parler de ma parle pas.
?
de ses affective tristesse
émotions
Un mari doit • Estime Avoir À
subvenir aux • Sécurité l’impression l’impression
besoins de relationnelle d’être de ne plus
?
son épouse valoir grand-
important chose depuis
pour elle la retraite.

Ce travail permet à M. X. de soulever plusieurs problèmes. D’une part, il se rend


compte qu’il ne connaît pas bien les attentes de sa femme par rapport au couple. Il
imagine qu’elle serait demandeuse de redévelopper leur vie relationnelle et convient
que sa communication centrée sur les reproches est probablement un élément
bloquant. Il se rend compte que la question de la maison familiale pose problème. Sa
femme n’a jamais aimé cette maison alors que lui envisageait d’y passer sa retraite. Ce
point n’a jamais été discuté dans le couple.
La règle implicite existant entre eux sur les activités à l’extérieur du couple est
aujourd’hui non acceptée par M. X. Cependant, avant la retraite, il acceptait que sa
femme puisse avoir un ensemble d’activités. Il remet ainsi en question sa nouvelle
règle « un couple doit passer en priorité » et fait le parallèle avec son propre isolement.
Enfin, il aimerait que sa femme le soutienne dans sa tristesse actuelle, mais il ne la
sollicite pas directement, bloqué par ses règles internes et son style d’attachement. Il
dit ne pas savoir comment communiquer sur le sujet et ne laisse transparaître ses
émotions que par une attitude d’irritabilité et d’agressivité.
Nous proposons ensuite à M. X. d’essayer de mentaliser l’analyse du lien dans les
yeux de son épouse (Tableau 10.6).
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Cette analyse débouche sur plusieurs assignations de tâches : interroger sa femme sur
ses attentes (séance 11), signaler sa tristesse de manière adaptée (séance 12),
aborder la question des projets communs et de la maison familiale (séance 13). Le
thérapeute accompagne cette démarche de signalement en préparant les tâches par
des JDR. Il analyse en début de chaque séance la tâche réalisée et s’attarde sur la
communication. La relation s’apaise rapidement : Mme X. était demandeuse de pouvoir
aider M. X., mais était jusqu’alors bloquée par son absence de communication et son
agressivité. Ils projettent plusieurs sorties culturelles et M. X. aborde à plusieurs
reprises ses émotions dans le lien.
M. X. va mieux. Il poursuit en parallèle ses tentatives de resocialisation : il discute avec
une association qui favorise l’emploi des jeunes cadres, perspective enthousiasmante,
permettant de transmettre ses connaissances. Il a pu revoir Georges, M. X. jouant un
rôle de conseil, ils conviennent de maintenir le lien.
Concernant la maison familiale, M. X. conscientise qu’il ne souhaite pas la voir partir en
dehors de la famille comme frein principal. Il entreprend d’interroger sa famille au sens
large pour trouver un repreneur (enfants, neveux, nièces et cousins…). Cette
perspective le soulage et M. et Mme X. envisagent maintenant d’acheter une maison
en Bretagne.

Tableau 10.6. Mentalisation du lien.


Règle Besoin Attente Disponibilité Réalité
concrète
• Liberté Continuer à Faible de sa Lui fait des
• Accomplissement
faire ses part mais reproches
Chacun mène
• Camaraderie activités et convient que quand elle
sa vie et on
voir ses amis « ce n’est pas sort
se retrouve
juste »
pour partager • Accomplissement
Partager des Bonne de sa Ne lui
des moments de couple moments part propose rien
agréables • Camaraderie agréables
avec Mr. X
Émotionnel Ne pas se Bonne Communiquent
disputer par reproche
Un couple ne
• Accomplissement
Avoir des Bonne mais N’ont pas de
doit pas se
de couple projets centrée sur la projets
disputer
• Sécurité communs maison communs
relationnelle familiale

Phase 3
Les trois dernières séances sont dites « de terminaison ». Elles ont
pour but de :
● faire le bilan des acquis et des changements IP et de se projeter
face aux éventuelles difficultés futures afin de favoriser le
processus de généralisation des compétences du patient.
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● permettre le désinvestissement du lien avec le thérapeute. En effet,


investir et désinvestir un lien sont des facultés d’attachement
nécessaires tout au long de la vie. L’expérimenter dans le cadre de
la relation sécure patient-thérapeute est le dernier apport fait au
patient lors de sa thérapie.

Illustration clinique (fin)


La phase 3, séances 14 à 15, permet de faire un bilan de la prise en charge. M. X. a
maintenant bien conscientisé la nécessité de maintenir une insertion sociale. Il a
compris l’importance des besoins d’accomplissement et d’estime (avoir une « place
sociale utile »). Il perçoit sa tendance naturelle à s’isoler et arrive à lutter contre.
La relation de couple s’est améliorée au prix d’efforts de signalement de sa part. Il a pu
ressentir l’importance de communiquer ses besoins et émotions dans la relation, ainsi
que l’apaisement procuré lorsque sa femme a un rapprochement adapté. Il fait
également plus attention aux besoins de sa femme, de ses enfants ou petits-enfants,
permettant de sentir une sécurisation des liens.
Nous convenons de terminer la prise en charge.

CONCLUSION
La TIP s’appuie sur un modèle médical, avec pour but de soulager la
détresse symptomatique du patient. La TIP ne prétend pas changer le
SA du patient.
L’idée étant de soigner le patient grâce aux mécanismes
d’attachement, le lien IP est la cible du travail thérapeutique et un outil
de la guérison. Le but est de recréer un environnement IP
suffisamment sécure pour le patient, quel que soit son style
d’attachement. Le travail sur le lien a pour but de recréer des
séquences d’attachement apaisantes, tenant compte des spécificités
du style d’attachement du patient.
Le patient développe, au cours de la thérapie, des facultés de
mentalisation lui permettant de mieux comprendre le fonctionnement
des liens IP et de généraliser ses progrès au-delà de la cible de travail
initiale.
Utile dans toutes les situations où le lien IP est mis en jeu, validée
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scientifiquement et recommandée en première intention dans la prise


en charge de la dépression, on ne peut que regretter aujourd’hui la
faible diffusion des TIP en France. Nous espérons que ce livre
donnera envie à de futurs thérapeutes de se former.
Chapitre 11

L’intervention familiale de
l’attachement multi-niveaux
(FAMLI)
Susana Tereno
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« Les problèmes de l’enfant peuvent souvent être résolus de façon plus efficace en
améliorant la relation de couple, comprise comme unité de base de sécurité
familiale. »
Susana TERENO

LA FAMILY ATTACHMENT MULTI-LEVEL INTERVENTION


(FAMLI)
La théorie et la recherche au sujet de l’attachement fournissent,
depuis plus de soixante-dix ans, outre une compréhension des
mécanismes familiaux, une structure utile à l’intervention clinique
individuelle, dyadique parentale, de couple ou familiale. De même que
la gravité des difficultés relationnelles ou des troubles varie, les
options d’intervention peuvent aller du soutien relationnel à
l’intervention psychothérapique dyadique et familiale intensive. En
général, la recherche clinique sur l’attachement indique que
l’intervention basée sur l’attachement doit commencer tôt, inclure
directement les parents, se rapporter aux aspects émotionnels de la
relation de soins et, plus important encore, garantir une ambiance
thérapeutique « sécure » et « soutenante » (Egeland et al., 2000).
Dans ce chapitre, nous présentons la Family Attachment Multi-Level
Intervention, un protocole de thérapie familiale modulable qui vise une
intervention à plusieurs niveaux dans la famille. Ce protocole a été
conçu à partir de nos propres réflexions théoriques, de notre
trajectoire de recherche et de notre expérience clinique, relatives aux
modalités d’intervention familiale inspirées de l’attachement.
La FAMLI est fondée sur nos travaux de recherche en
psychopathologie développementale, une approche qui se caractérise
par sa dimension intégrative : différentes perspectives théoriques
(surtout celle de l’attachement, de la théorie systémique et de la
théorie cognitivo-comportementale) sont prises en compte en vue de
comprendre le développement de la personne dans sa globalité. La
FAMLI repose essentiellement sur la prémisse selon laquelle les
problèmes de l’enfant peuvent souvent être résolus de façon plus
efficace en améliorant la relation de couple, comprise comme unité de
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base de sécurité familiale. En effet, l’éducation d’un ou de plusieurs


enfants représente un stress pour les parents, et ce stress est accru
en cas de difficultés de l’enfant. La gestion de ce stress par le couple
parental sera meilleure si leur propre système d’attachement est
sécure, notamment dans la relation de couple, puisque le système
d’attachement d’un individu a tendance à s’activer en cas de stress et
qu’il peut entacher la qualité du caregiving. Si la relation conjugale
fonctionne comme base de sécurité pour les conjoints (c’est-à-dire
que la relation permet un caregiving réciproque de la part des deux
membres du couple), la gestion du stress parental s’améliore,
permettant d’augmenter la sensibilité et de diminuer les
comportements désorganisants parentaux. Par conséquent, la
sécurité de l’enfant augmente et, surtout, il devient moins
désorganisé. Comme nous allons voir ensuite, pour aider le couple à
fonctionner comme une base de sécurité familiale, le thérapeute doit,
lui-même, jouer ce rôle auprès de la famille, de façon temporaire, et
ceci commence par la construction d’une alliance thérapeutique de
bonne qualité. Il doit profiter de la première phase d’évaluation pour
construire une relation de confiance, ce qui est considéré comme la
première phase de la thérapie.
La FAMLI est une prise en charge de nature modulaire qui s’organise
autour de cinq phases successives représentant autant de niveaux
différents d’intervention (tableau 11.1, p. 205). Les niveaux 1 et 2 sont
transversaux et donc obligatoires ; les niveaux 3, 4 et 5 sont
optionnels. Les modules au sein de chaque niveau sont, quant à eux,
tous optionnels, sauf les modules 2.1 et 2.4., qui sont obligatoires. Les
choix des niveaux/modules par le thérapeute sont discutés avec les
parents et varient en fonction de la définition du problème et des
objectifs thérapeutiques, ainsi que des portes d’entrée possibles pour
chaque famille.

Tableau 11.1. Family Attachment Multi-Level


Intervention (FAMLI).
Niveau 1 — L’évaluation, le premier pas de l’intervention*
Module 1 — Le thérapeute comme base de
sécurité*
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Niveau 2 — La chaîne de
Module 2 — La base de sécurité familiale
sécurité au cœur de la
Module 3 – Le couple comme base de sécurité
sécurité de l’attachement*
familiale
Module 4 – Caring for the caregiver*
Niveau 3 – La réparation émotionnelle des relations d’attachement entre
adultes
Module 1 – Facteurs de vulnérabilité
Niveau 4 – Les
contextuelle du parent
comportements parentaux
Module 2 – Diminution des comportements
disruptifs
parentaux désorganisants
Module 1 – Modèle d’inversion de rôle de type
Niveau 5 – Le comportement
caregiving compulsif
désorganisé et l’inversion de
Module 2 – Modèle d’inversion de rôle de type
rôle chez l’enfant
contrôlant-punitif

Note : * niveaux et modules obligatoires.

NIVEAU 1 : L’ÉVALUATION, LE PREMIER PAS DE


L’INTERVENTION

Le but de l’évaluation attachementiste est d’identifier explicitement les


sources de détresse relationnelle et la façon dont celle-ci peut nuire à
la dispense efficace des soins lorsqu’elle est associée à l’insécurité
d’attachement des parents ou à d’autres événements de vie
stressants. Au long de l’évaluation de la FAMLI, le thérapeute utilise,
bien évidemment, les informations recueillies pour définir les objectifs
thérapeutiques. Il peut, pour ce faire, employer différentes mesures de
l’attachement (par exemple, les entretiens et les histoires projectives
de l’attachement, l’observation des interactions) adaptées à l’âge de
chacun. Cette phase offre également au thérapeute une description
des différences individuelles de l’attachement dans la famille. Selon
Marvin (2003), les catégories générales des styles familiaux de
Salvator Minuchin (1979) correspondent bien aux styles
d’attachement : les familles « adaptables » correspondent au style
« sécure » ; les familles « désengagées » aux styles « insécure/
évitant » ; et les familles « enchevêtrées » aux styles
« insécure/ambivalent ».
Soulignons que, dans les thérapies basées sur l’attachement, les
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moments du traitement et de l’évaluation sont étroitement liés car les


outils d’évaluation de l’attachement facilitent la prise de conscience et
la mentalisation des patients et s’avèrent être le premier pas pour un
changement thérapeutique. De ce fait, la confrontation avec les
contenus de ces évaluations permet au caregiver de commencer à
acquérir de nouvelles perspectives sur lui-même et à développer une
meilleure sensibilité sur les besoins de l’enfant. Cette sensibilité
parentale accrue crée progressivement de nouvelles occasions de
communication émotionnelle et une gestion du stress plus efficace. En
identifiant avec précision et en contenant adéquatement la détresse
familiale, le parent peut devenir, graduellement, et intentionnellement,
plus disponible et prévisible pour ses enfants et les rassurer sur sa
capacité à leur fournir de la protection (Kobak & Mandelbaum, 2003).
Le défi initial pour le thérapeute dans ce module sera alors celui de
passer des problèmes ou des symptômes identifiés par la famille, qui
sont souvent d’un format transgénérationnel, aux processus
relationnels qui les produisent, ou les maintiennent, et aider ainsi,
progressivement, le sous-système conjugal/parental à servir de base
de sécurité familiale.
NIVEAU 2 : LA CHAÎNE DE SÉCURITÉ AU CŒUR
DE LA SÉCURITÉ DE L’ATTACHEMENT

Un objectif transversal de la FAMLI est celui de fournir au caregiver


une base de sécurité pour explorer sa relation avec l’enfant. La notion
de « base de sécurité » pour la dispense de soins repose sur la
confiance des parents à l’égard d’un allié qui partage leur intérêt à
protéger et à soutenir le développement de l’enfant. Selon le type de
structure familiale, cette personne peut être soit un partenaire adulte,
un autre membre de la famille ou un(e) ami(e) proche, soit le
thérapeute.
Nous considérons, avec Bowlby (1969a), l’établissement d’une
relation sécure avec le thérapeute comme une condition préalable à la
possibilité d’ouverture à de nouvelles expériences et à une
communication émotionnelle effective dans l’espace de la thérapie. À
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partir de cette relation sécure, le thérapeute crée une « chaîne de


sécurité » qui va servir de base de sécurité au parent, de façon à ce
qu’il puisse, à son tour, fournir une base de sécurité à son enfant.
Cette chaîne de sécurité constituera le socle du développement socio-
psycho-émotionnel de l’enfant. Nonobstant, le thérapeute ne doit pas
être la seule source de soutien émotionnel des parents. Étant donné
que la relation avec le thérapeute a un caractère temporaire, c’est le
couple, vu comme une base de sécurité, qui est au cœur de
l’intervention FAMLI. Le thérapeute ne doit jamais essayer de
remplacer le conjoint dans cette fonction. Il doit, plutôt, aider
graduellement les partenaires à opérer l’un auprès de l’autre, comme
une « base de sécurité réciproque », et à se positionner, en tant
qu’« unité de base de la sécurité familiale », au centre du système.
Dans le cas des couples séparés ou divorcés cet objectif ne peut être
réussi au niveau du système conjugal. Néanmoins, le thérapeute doit
aider les parents à construire une alliance de caregiving (Kobak &
Mandelbaum, 2003) et à construire une « équipe parentale » (Tereno,
2018) de bonne qualité. Dans le cas des familles monoparentales, il
s’avère essentiel de trouver d’autres partenaires adultes dans le
« cercle de proximité » (Glatigny-Dallay & Omay, 2017) du parent, qui
puissent fonctionner comme des figures de soutien émotionnel pour
celui-ci, et avec qui il pourra créer une dyade de base de sécurité pour
l’enfant.

▶ Niveau 2, module 1 : le thérapeute comme base de sécurité

Comme nous l’avons mentionné, l’une des premières stratégies de la


FAMLI est d’utiliser des techniques de construction d’une alliance
thérapeutique de bonne qualité pour aider le thérapeute à fournir une
base de sécurité aux parents, sur laquelle ils prendront appui pour
explorer intra psychiquement leurs représentations
intergénérationnelles d’attachement — niveau cognitivo-
émotionnel —, ainsi que des nouvelles pratiques parentales dans les
relations présentes et réelles avec l’enfant — niveau interactionnel. Il
est à noter que les expériences d’attachement vécues par les parents
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avec la famille d’origine sont souvent très insécurisantes dans les


familles présentant des difficultés cliniques. Selon Lyons-Ruth et al.
(2005), par leur caractère répétitif et de longue durée, ces interactions
dysfonctionnelles peuvent avoir un effet multi-minitraumatique et être
alors très désorganisantes pour le parent. Ainsi, le thérapeute doit
revisiter les représentations des relations d’attachement passées du
parent, non pas comme une fin en soi, mais toujours au service du
présent, c’est-à-dire afin d’élaborer ces multi-mini-traumas, un travail
thérapeutique qui va aider à faire évoluer les interactions parentales
négatives actuelles avec l’enfant. Le thérapeute FAMLI fonctionne
alors comme une « figure d’attachement de substitution transitoire »,
ce qui permet au couple, ou au parent seul pour les familles
monoparentales (Tereno, 2018), de l’utiliser comme une base de
sécurité, de manière qu’il puisse mettre en œuvre de nouvelles
explorations qui, si elles sont autoréflexives, n’en sont pas moins
pragmatiques.

▶ Niveau 2, module 2 : la base de sécurité familiale

Byng-Hall (1999) suggère qu’une base de sécurité familiale permet


aux membres de la famille d’exprimer leurs affects négatifs, tout en
restant assurés que la disponibilité et la responsivité (c’est-à-dire la
capacité de réponse) des autres membres de la famille ne sont pas
menacées. Vaughn et al. (Vaughn et al., 2006) ont montré que les
scripts d’attachement des individus (c’est-à-dire les schémas cognitifs
dans lesquels les individus se représentent la qualité des réponses
des figures d’attachement à leurs besoins) peuvent être liés au
comportement de leur famille. Dans cette ligne d’idées, Byng-Hall
(1995) forge le concept de script d’attachement familial, qui est défini
comme l’attente (c’est-à-dire la représentation) commune de la famille
à l’égard de la manière dont les rôles familiaux doivent se jouer dans
divers contextes, afin de prodiguer de la protection à ses membres. La
recherche clinique nous montre que la collaboration entre les
membres de la famille s’avère plus élevée dans les familles dites
sécures (Cobb, 1996) : elles sont suffisamment en sécurité pour
explorer de nouveaux modes de relations. Le thérapeute FAMLI va
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essayer de relier le soi de chaque membre de la famille avec le


système familial, et de créer des interactions qui, non seulement,
modifient les relations, mais aussi, permettent d’aborder les
problèmes individuels au sein de cette relation.

▶ Niveau 2, module 3 : le couple comme base de sécurité


familiale

Le sous-système conjugal est considéré comme celui qui a le plus de


possibilités d’influer sur d’autres sous-systèmes familiaux. L’étude de
Cowan et Cowan (2005) a démontré qu’un changement thérapeutique
visant le sous-système conjugal provoque des changements en
cascade sur le sous-système parental, alors que l’inverse n’est pas
vérifié. Les thérapeutes familiaux de l’attachement considèrent, en
effet, que le sous-système conjugal est celui qui a le plus de pouvoir
de liberté pour structurer et faire évoluer l’organisation familiale. Dans
cette optique, nous croyons que, plus que la relation dyadique parent-
enfant, c’est la dynamique de couple qui est responsable de la
création d’une atmosphère émotionnelle sécurisante pour les enfants,
étant également le moteur privilégié du changement thérapeutique
familial. La qualité de l’attachement de l’enfant serait ainsi dépendante
de la qualité du caregiving, qui, à son tour, est fortement influencé par
la relation d’attachement conjugale, qui joue un rôle important pour
prévenir la transmission de l’insécurité/désorganisation d’une
génération à l’autre (Tereno, 2008). L’étude de Cowan et Cowan
(2005), répliquée par nous-mêmes (Tereno, 2008), a bien montré le
rôle protecteur (booster effect) de la sécurité du père pour empêcher
la transmission de l’insécurité de la mère à son enfant. Curieusement,
l’effet symétrique n’a été observé dans aucune des deux recherches :
la sécurité de la mère n’a pas empêché la transmission de l’insécurité
du père à son enfant. Ces résultats mettent en évidence que, dans
l’idéal, la participation des pères dans les interventions FAMLI est très
recommandée.
Dans les situations dans lesquelles le focus sur le couple n’est pas
possible au début du processus d’intervention, le thérapeute peut,
comme alternative, aborder le sous-système parental en premier et se
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concentrer sur l’alliance de caregiving entre les deux parents. La


dynamique du processus thérapeutique est alors dialectique. Le
succès de l’accent mis sur l’alliance de caregiving déterminera
souvent si le thérapeute doit se concentrer sur les problèmes
d’attachement entre les parents. Cependant, dans les cas où la peur
et la colère dominent la relation d’attachement du parent et minent les
efforts pour construire une alliance de caregiving, la thérapie centrée
sur le couple représente l’approche de choix pour un thérapeute qui
s’appuie sur un modèle d’intervention orienté sur l’attachement
(Johnson & Best, 2002b). Si cela n’est pas possible, dans les cas où
l’enfant est le patient identifié, il est important que le thérapeute
continue quand même à surveiller l’impact de la relation de couple sur
la relation parent-enfant (Kobak & Mandelbaum, 2003).

▶ Niveau 2, module 4 : caring for the caregiver

La méthode thérapeutique de Kobak et Mandelbaum (Kobak &


Mandelbaum, 2003), désignée caring for the caregiver (c’est-à-dire
prendre soin de celui qui prend soin), nous semble un instrument
central pour aider les parents à structurer, en couple, une « alliance
de caregiving ». Cette méthode leur permet d’être plus disponibles
pour répondre aux signaux de l’enfant, spécialement en période de
stress. Lorsque, dans le couple, l’un des membres a un modèle
interne opérant d’attachement sécure, il peut se présenter comme un
grand catalyseur dans la thérapie FAMLI. Si cela s’avère pertinent, il
peut avoir une fonction de type « cothérapeute », permettant au
thérapeute de faire un pas de plus vers la création, dans le couple,
d’une unité de base sécure familiale, ce qui est un objectif central,
comme nous le savons, dans l’intervention familiale orientée sur
l’attachement. Pour ce faire, le thérapeute doit évaluer les
représentations de l’attachement des parents, a minima à l’aide d’un
questionnaire ou, si adéquat, d’un entretien ou d’une histoire
projective d’attachement.
Le changement dans la famille est en effet davantage susceptible de
se produire lorsque le caregiver développe plus de confiance quant à
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la disponibilité de son partenaire. Le sentiment de sécurité accru crée


les conditions nécessaires pour que le caregiver insécure surveille
mieux ses comportements, pour qu’il envisage différentes
perspectives au sujet de son enfant et, peut-être, pour qu’il s’engage
dans de nouvelles approches plus positives afin de faire face aux
comportements difficiles de l’enfant. Une relation adulte sécure fournit
également au caregiver un allié, ou un partenaire, qui peut introduire
de nouvelles informations et perspectives sur l’enfant, qui facilitent la
résolution de problèmes et augmentent sa flexibilité cognitive. Encore
davantage dans les relations d’attachement de couple où prédomine
une tonalité insécure/désorganisée, une réparation des modèles
d’attachement des adultes devient indispensable pour le travail
familial.

NIVEAU 3 : RÉPARATION ÉMOTIONNELLE


DES RELATIONS D’ATTACHEMENT ENTRE ADULTES

Les problèmes dans l’unité de base de sécurité du couple sont


souvent associés à la difficulté des parents à maintenir une alliance
de caregiving entre eux, une alliance qui, à son tour, est souvent
enracinée dans une relation d’attachement insécure au niveau
conjugal. Lorsque les partenaires perdent confiance dans la
disponibilité et la responsivité de l’autre, la menace de perte et
d’abandon active leurs émotions d’attachement les plus
fondamentales (c’est-à-dire la peur, la colère, la tristesse). Réparer la
confiance de l’individu dans la disponibilité du partenaire est alors un
objectif thérapeutique fondamental. La reconstruction de la confiance
dans le conjoint est nécessairement liée aux notions de pardon
(Schachner et al., 2003) et de réparation émotionnelle, qui
représentent la première étape pour aider les sujets à devenir plus
conscients de leurs propres erreurs et de leur besoin de réparation
affective et relationnelle. L’effort psychique nécessaire pour faire face
à de tels sentiments négatifs a tendance à prendre le pas sur les
autres problèmes de la vie des adultes, ne fût-ce que parce qu’ils
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activent le système d’attachement parental qui rivalise avec leur


système de caregiving, réduisant ainsi la disponibilité parentale vis-à-
vis de l’enfant. En conséquence, les problèmes détectés dans
l’alliance des caregivers doivent généralement être suivis d’une
évaluation de la qualité de la relation d’attachement entre les adultes
(Kobak & Mandelbaum, 2003).
Lorsque le thérapeute aide les parents à établir une alliance de
caregiving dans le but de protéger et d’éduquer leurs enfants, la
responsabilité parentale devient une responsabilité partagée et
chaque parent a un partenaire avec lequel il peut gérer le stress
quotidien de l’éducation des enfants. Le plus important est que le
thérapeute, en fournissant aux parents un contexte de « dialogue
réflexif » (Kobak & Mandelbaum, 2003), favorise le développement
d’une « fonction réflexive de couple » (Tereno, 2018) qui les aidera à
mieux réfléchir et à communiquer ouvertement sur leur propre
relation. Dans la FAMLI, le thérapeute va aider les parents à
développer cette conscience interactive, ce qui implique, pour eux, de
pouvoir conserver à l’esprit l’ensemble de la famille, y compris soi-
même, pendant l’interaction, tout en gardant la possibilité d’ajuster,
par étapes, son propre comportement. En effet, un élément
fondamental de cette fonction réflexive de couple est l’empathie, qui
permet de se mettre à la place des autres au moment de l’interaction
(Tereno et al., 2022). En développant l’empathie et la fonction
réflexive, on peut s’attendre à un meilleur développement de l’alliance
de dispense de soins. Les relations d’attachement entre les parents
peuvent alors, comme nous l’avons mentionné, répondre aux besoins
d’attachement de chaque caregiver, réduisant ainsi la concurrence
entre leur système d’attachement et celui des soins.
Cette « fonction réflexive de couple » peut ainsi fournir au parent, au
sein de son couple, un espace pour comprendre ses difficultés dans la
relation avec son enfant, examiner ses émotions, faire preuve
d’empathie avec l’enfant et réparer des moments de manque de
disponibilité. En sensibilisant le parent à ses propres processus
d’attachement et en encourageant l’attribution de nouvelles
significations (co-construction de sens) à son histoire d’attachement,
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le thérapeute encourage également le changement dans les


« pratiques parentales intentionnelles » du caregiver. Ceci, selon
nous, pourrait être un tournant dans ce travail parental en ce que cela
modifie le filtre métacognitif du parent, permettant d’éviter la
transmission de l’insécurité de l’attachement entre générations. Plus
précisément, si la principale menace pesant sur la disponibilité des
caregivers résulte du stress parental (quelle que soit son origine), la
recommandation thérapeutique peut être centrée sur l’amélioration de
la capacité du parent à protéger l’enfant du stress parental (par
exemple, par des techniques de time-out, d’autocontrôle
émotionnel…) et à mieux communiquer avec l’enfant (Kobak &
Mandelbaum, 2003).

NIVEAU 4 : LES COMPORTEMENTS PARENTAUX DISRUPTIFS


Nous aimerions encore soulever un point concernant l’effet délétère
que les interactions parent-enfant perturbées peuvent avoir chez les
enfants, surtout si elles sont de caractère disruptif/désorganisant. La
désorganisation de l’attachement est un facteur de risque accru de
psychopathologie à l’échelle de la vie (Tereno et al., 2017). Chez le
jeune enfant (exception faite pour les troubles
neurodéveloppementaux), elle est, en effet, très fréquemment
associée à des interactions précoces particulièrement
dysfonctionnelles.
Au départ, des chercheurs tels que Main & Hesse (1990) et Solomon
et George (1999) ont classé les comportements disruptifs en deux
catégories différentes : le comportement parental effrayant et le
comportement parental effrayé. Par la suite, Lyons-Ruth et al. (1999a)
ont divisé ces deux grandes catégories en cinq dimensions, évaluées
par leur système de codage AMBIANCE, à savoir :
1) Le comportement négatif-intrusif décrit un comportement effrayant
ou menaçant, qui communique une attitude hostile envers l’enfant
ou interfère avec ses mouvements (par exemple sa manipulation
abrupte, les attributions négatives, les moqueries et les
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taquineries) ;
2) La confusion des rôles désigne un comportement qui privilégie les
besoins du parent par rapport à ceux de l’enfant ;
3) La désorientation caractérise un comportement parental qui semble
effrayé, dissocié ou étrange sur le plan affectif ;
4) Les erreurs de communication affective comprennent la
communication contradictoire ou l’incapacité à répondre aux
signaux de l’enfant, en particulier ceux liés au réconfort
émotionnel ;
5) Le retrait est un comportement qui traduit une réticence à interagir
pleinement avec l’enfant.
La promotion d’interactions plus sensibles doit ainsi être l’un des
objectifs thérapeutiques pour une promotion de la sécurité de
l’attachement, car elle rendra l’enfant plus robuste psychiquement.
Toutefois, la correction des comportements parentaux
disruptifs/désorganisants s’est montrée, dans nos recherches, être le
médiateur central de la diminution de la désorganisation de
l’attachement chez l’enfant (Tereno et al., 2017).
Les processus de prise de conscience, de compétence autoréflexive
et de pratiques parentales intentionnelles, associés à des stratégies
de régulation de stress parental, décrites ci-dessus, s’avèrent
incontournables pour la diminution de ces comportements
désorganisants chez les parents. Il faut cependant ne pas perdre de
vue qu’une étape essentielle de la thérapie sera la réduction des
facteurs de vulnérabilité contextuels de la vie des caregivers.

▶ Niveau 4, module 1 : facteurs de vulnérabilité contextuelle du


parent

Nous savons que les comportements parentaux disruptifs, bien que


fréquents, ne sont pas limités aux environnements familiaux socio-
économiquement défavorisés. L’accumulation de facteurs de risques
contextuels, de différentes natures (par exemple, bas niveau socio-
économique, prématurité, psychopathologie du parent, violence
conjugale, isolement social, etc.), réduit la disponibilité psychique et la
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tolérance au stress de toutes classes de parents, exacerbant ainsi la


perte d’autocontrôle émotionnel (Tereno et al., 2017), raison pour
laquelle ils doivent être pris en compte dans le travail FAMLI.
L’intervention, qui cible la qualité de l’attachement, devrait donc
privilégier une approche à deux volets, dans laquelle les
comportements disruptifs sont abordés, de manière conjointe, avec
une perspective de soutien socio-contextuel pour diminuer l’impact
chez le parent de l’accumulation des facteurs de vulnérabilité (Lyons-
Ruth et al., 1999a). Pour ce dernier objectif, le thérapeute doit
compter avec le soutien d’autres professionnels, telles que les
assistants sociaux, les médiateurs familiaux, psychiatres et
psychologues de l’adulte, médecin de famille, soutien
communautaire, etc., afin d’aider les parents à réduire les facteurs de
stress contextuel et à devenir, en conséquence, plus disponibles pour
leur enfant.

▶ Niveau 4, module 2 : diminution des comportements parentaux


désorganisants

En ce qui concerne la diminution des comportements parentaux


disruptifs/désor-
ganisants proprement dite, il convient de noter que des recherches
antérieures ont démontré une augmentation progressive de sa
disparition dans le contexte d’une intervention. Plus précisément,
Madigan et al. (2006) ont démontré que le changement mesurable
des comportements disruptifs de la mère se produit dès la deuxième
séance de traitement au cours d’une intervention de videofeedback en
cinq séances. En outre, le changement dans ce type de
communication s’est montré durable et est devenu plus robuste à
mesure que les sessions de traitement se sont accumulées. Ainsi, le
comportement parental disruptif est non seulement une cible
importante du changement, mais aussi une cible qui peut être
transformée, avec succès, en un comportement plus optimal au cours
du traitement (Tereno et al., 2017). En pratique, notre expérience en
recherche et en clinique nous a montré que ce type de changement
thérapeutique se déroule selon la séquence suivante :
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a) Le parent s’entraîne à détecter, réparer et finalement à prévenir les


situations de débordement émotionnel qui précèdent l’expression
de son comportement disruptif (par des techniques de
mentalisation, par exemple, basées sur le videofeedback).
b) Si besoin, les représentations traumatiques (ou multi-
minitraumatiques) associées doivent être élaborées avec le
thérapeute, ou alors, si trauma grave, un suivi individuel parallèle,
centré sur le trauma (par exemple EMDR, Lifespan
Integration/ICV), doit être proposé au parent (pour plus de détails
sur trauma et attachement (Tereno, 2021a)).
c) Le parent apprend, simultanément, à détecter et à réguler le
comportement d’attachement désorganisé chez le jeune enfant, en
lui proposant de se calmer et en le rassurant quand il manifeste ce
type de comportement, ce qui va aider l’enfant à réguler sa perte de
contrôle émotionnelle.

NIVEAU 5 : LE COMPORTEMENT DÉSORGANISÉ ET


L’INVERSION DE RÔLE CHEZ L’ENFANT
Pour les enfants plus âgés, la désorganisation de l’attachement peut
évoluer vers des modèles d’inversion de rôle de deux types : le
comportement de caregiving compulsif et le comportement
contrôlant punitif (Main & Hesse, 1990). Dans le cas d’un caregiving
compulsif, l’enfant active son système de caregiving et va s’occuper
émotionnellement du parent fragilisé. Le caregiving compulsif est plus
fréquent chez les filles. L’objectif fondamental de l’intervention devient
alors de libérer l’enfant de l’inquiétude qu’il présente envers son
parent fragile et de lui apprendre à identifier et à exprimer ses propres
besoins émotionnels. Dans le deuxième cas, celui du comportement
contrôlant punitif, plus fréquent chez les garçons, une hiérarchie claire
(Minuchin, 1979) et une autorité sans autoritarisme sont importantes
pour apprendre à l’enfant à gérer la frustration et à obéir par
respect/confiance et non par la peur — des compétences
fondamentales pour son équilibre personnel et sa sociabilité.
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Il est important de souligner que les comportements d’inversion de


rôle, même sous forme d’opposition, sont des équivalents des
comportements d’attachement, c’est-à-dire des demandes d’attention
émotionnelle. Le thérapeute FAMLI va alors guider les parents à aider
leur enfant soit à identifier et à exprimer ses propres besoins
émotionnels (caregiving compulsif), soit à exprimer ses besoins plus
directement (contrôlant punitif). Nous allons maintenant regarder
l’intervention FAMLI pour ce type de famille plus en détail, car ces
comportements d’inversion de rôle sont un objet très fréquent de
consultation clinique, se présentant souvent sous la forme d’un trouble
de l’humeur pour le premier type ou d’un trouble du comportement
avec opposition pour l’autre.

▶ Niveau 5, module 1 : modèle d’inversion de rôle de type


caregiving compulsif

Dans le cas du caregiving compulsif, le thérapeute doit faire assimiler


à l’enfant que c’est à lui, le thérapeute, et à l’un des parents d’aider
l’autre parent plus fragile, afin de « l’autoriser » à désactiver son
système de caregiving et de reprendre sa place d’enfant dans la
hiérarchie familiale. Pour cela, le parent doit effectivement être pris en
charge afin d’évoluer dans sa souffrance, désactiver son système
d’attachement (qui active le caregiving de l’enfant) et, par conséquent,
activer, de façon plus efficace, son propre système de caregiving, tout
cela pour s’occuper des besoins de l’enfant avec plus de qualité.
Parallèlement, le thérapeute va guider les parents à aider leur enfant
à identifier ses propres besoins émotionnels et à savoir les exprimer
(par exemple, amour, joie, calme, tristesse, peur, colère, dégoût). Ceci
se fait par étapes :
● l’adulte doit d’abord verbaliser les émotions de l’enfant à sa place
(par exemple : « Je vois que tu es heureux/en colère, qu’est-ce qui
se passe/ne va pas ? ») ;
● progressivement, l’enfant sera capable d’identifier ce qu’il ressent
(par exemple : « Il me semble que tu ne vas pas bien, qu’est-ce
que tu ressens ? ») ;
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● enfin, il pourra demander une réponse émotionnelle directement


(par exemple : « Je me sens triste/en colère, peux-tu me faire un
câlin ? »), au lieu de rechercher l’attention en prodiguant des soins
à son parent.

▶ Niveau 5, module 2 : modèle d’inversion de rôle de type


contrôlant-punitif

La gestion du comportement oppositionnel, en exerçant une


« discipline sensible » (Juffer et al., 2018), s’impose dans ce type de
situations. Pour ceci, comme nous l’avons dit, le travail sur une
hiérarchie familiale claire (Minuchin, 1979) et une autorité sans
autoritarisme est important pour apprendre à l’enfant à gérer la
frustration et à obéir par respect/confiance et non par peur. Rappelons
que les comportements d’inversion de rôle, même sous forme
d’opposition, sont des comportements d’attachement, c’est-à-dire de
demandes d’attention émotionnelle et que l’enfant n’est pas toujours
conscient de son attitude. Dans ces cas, le thérapeute FAMLI va aussi
guider les parents pour qu’ils aident leur enfant à identifier et à
exprimer ses besoins émotionnels, cette fois-ci d’une manière directe
(cf. niveau 5, module 1). En parallèle, quelques autres stratégies
interactionnelles sont fortement recommandées aux parents :
a) Il est toujours plus efficace de donner des instructions simples et
claires, une par une, en les formulant de manière positive et calme
(« s’il te plaît, baisse la voix » au lieu de « arrête de crier ! »).
b) Choisir des règles réellement nécessaires et adaptées à l’âge (cinq
ou six règles suffisent) aide l’enfant à s’organiser et à obéir. Afin
d’éviter d’accorder une attention négative à un comportement
d’opposition il convient, s’il n’est pas grave, d’ignorer
intentionnellement les comportements indésirables qui
n’appartiennent pas à cette liste de règles. Ceci est une stratégie
qui vise le non-renforcement du comportement indésirable, lequel
aura tendance à disparaitre dans le temps, à mesure que l’enfant
comprend qu’il n’obtiendra plus l’attention souhaitée par ce moyen
et que d’autres stratégies positives pour obtenir de l’attention seront
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renforcées par ailleurs.


c) Il est plus facile de donner à l’enfant quelques minutes pour se
préparer (par exemple : « Dans 5 minutes, ce sera l’heure du
déjeuner »). Mais par la suite, l’adulte ne doit pas répéter une
instruction donnée plus de trois fois, réduisant ainsi la probabilité de
devenir énervé et de perdre le contrôle, ce qui effraye l’enfant.
d) Il est important d’être ferme sans jamais faire peur afin que l’enfant
apprenne à obéir par respect/confiance. La peur peut être
provoquée par une punition physique, par les cris des parents ou
l’utilisation de mots ou de comportements humiliants. Il ne faut pas
critiquer l’enfant, mais son comportement (par exemple : « Je
n’aime pas quand tu ne m’écoutes pas » au lieu de : « Tu es
vraiment méchant ! »), pour ne pas compromettre l’estime de soi de
l’enfant.
e) En revanche, le recours à l’humour (mais jamais au sarcasme ou à
la moquerie !) ou à la distraction, en proposant une autre activité,
peut aider ponctuellement à surmonter l’opposition de l’enfant.
f) Si l’enfant obéit, il faut le féliciter pour que sa motivation et sa
maîtrise de soi accroissent. On peut aussi élaborer un tableau de
points positifs avec deux ou trois consignes à suivre par jour. Il
s’agit d’un usage du renforcement positif comme technique de
modification du comportement.
g) Il faut utiliser ces principes quotidiennement, de manière cohérente
et prévisible, sans contradiction. La cohérence entre les deux
parents est absolument essentielle, ils doivent fonctionner comme
une « équipe parentale » et se soutenir mutuellement au moyen de
« l’unité de base de sécurité de couple » pour bien réguler leur
stress et leurs propres systèmes d’attachement.
h) Lorsque l’enfant est confronté à des situations frustrantes, il est
possible qu’il fasse des crises de colère plus intenses ou plus
fréquentes qu’habituellement. Dans ce cas, l’objectif sera d’éviter
« l’escalade » de la crise de colère. Le parent doit rester ferme
(autorité), simple (sans argumentation) et calme (sensible).
L’argumentation est le carburant de l’opposition : plus le parent
parle, plus l’enfant s’opposera. Si l’enfant manifeste beaucoup de
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comportements colériques, le thérapeute doit aider les parents à


distinguer deux types de crises (Marvin & Stewart, 1990), dans une
logique d’autorité sensible :
h1) Les crises de test de limite, doivent avoir comme réponse un
petit renforcement négatif immédiat afin de souligner la
hiérarchie et d’apprendre à l’enfant à supporter/gérer sa
frustration (par exemple, rester assis sur une chaise — une
minute pour chaque année de vie, pas plus — dans la même
pièce que l’adulte, jamais enfermé seul, jamais face au mur,
sans rien d’humiliant, donc).
h2) Dans les crises « d’angoisse », quand l’enfant a perdu le
contrôle de ses émotions, l’adulte doit le calmer et le rassurer, si
possible par moyen du contact physique, pour l’aider à réguler
ses émotions et apaiser son système d’attachement. Le
renforcement négatif n’est pas très utile pour ces pertes de
contrôle de l’enfant.
Dans les deux situations, les parents doivent contrôler leurs
émotions négatives et ne pas effrayer l’enfant. Pour qu’un type ou
l’autre de réponse soit possible, le parent doit surveiller son propre
état d’esprit et, si besoin, aller se calmer trois ou quatre minutes
dans sa chambre à lui (stratégie du time-out), avant d’intervenir
auprès de l’enfant, afin d’éviter sa propre perte de contrôle,
associée aux comportements parentaux disruptifs/désorganisés.
Ces comportements font peur à l’enfant et contribuent au
développement de la désorganisation de l’attachement, ce qui va
contre les objectifs de la FAMLI, qui consiste au contraire à
augmenter sa capacité de régulation émotionnelle.
Si jamais, exceptionnellement, le parent perd le contrôle (en criant
fort par exemple), il doit, dans tous les cas, s’occuper de la peur de
l’enfant, dès qu’il est lui-même calmé : 1) en prenant l’enfant dans
les bras ; 2) en lui expliquant que ce n’est pas de sa faute ; 3) que
c’est lui-même, le parent, qui s’est trop énervé ; 4) mais que l’enfant
n’a pas besoin d’avoir peur car tout va bien maintenant puisqu’il est
déjà plus calme.
a) Comme l’estime de soi de l’enfant est souvent affectée par la
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répétition d’interactions négatives, qui lui renvoient une image


négative de lui-même, il est très important d’encourager le partage
d’émotions positives et agréables dans sa famille. Offrir de l’amour
et du temps de qualité à l’enfant est la base de la relation. Vingt
minutes de jeu, idéalement avec du contact physique et de la
communication émotionnelle avec l’enfant, immédiatement après
les retrouvailles à la maison, est une habitude à mettre en place
avant de commencer les routines du soir. Cela crée une complicité
et des habitudes de partage, et aidera l’enfant à recharger ses
« batteries émotionnelles » vidées par la séparation que la journée
a imposée. De cette façon, le parent gagne du temps dans sa
soirée puisque l’enfant va mieux adhérer aux contraintes de la
routine du soir, ne ressentant pas le besoin d’exiger l’attention de
ses parents de façon négative, surtout lorsqu’ils sont occupés à
leurs tâches.

CONCLUSION : CONSIDÉRATIONS FINALES


Ce travail vise à contribuer à la mise en œuvre, au sein de la
communauté scientifique et clinique de la psychopathologie
développementale, d’un protocole clinique pour les interventions
parent-enfant, de couple et familiales, basées sur les apports de la
recherche et de la clinique informées par l’attachement — la Family
Attachment Multi-Level Intervention (FAMLI). Globalement, nos
réflexions théoriques et propositions thérapeutiques soulignent
l’importance d’enrichir le travail réalisé auprès des familles de la façon
suivante :
● par une l’augmentation de la cohérence de l’esprit des parents,
visant à une correction des représentations d’attachement à l’égard
de la famille d’origine et de celles de la relation conjugale ;
● idéalement, par une réparation de la relation conjugale, sinon, par
défaut, par la promotion d’une alliance de caregiving et d’une
équipe parentale de meilleure qualité ;
● par un volet de soutien aux vulnérabilités socio-contextuelles des
familles, visant à diminuer l’impact de l’accumulation des facteurs
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de vulnérabilité sur la capacité de réponse parentale sensible ;


● par un focus interactionnel parent-enfant, promoteur de la sécurité
de l’attachement et, surtout, correcteur des comportements
parentaux disruptifs/désorganisants.
Partie 4

Thérapies visant à la réparation


de l’attachement
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Quelles approches thérapeutiques prétendent pouvoir réparer


l’attachement, et comment ? Devant la prise de conscience
croissante de l’importance des expériences préverbales et notamment
d’attachement très précoces, différentes approches se sont
développées afin de cibler la réparation des blessures d’attachement
chez l’adulte. Elles visent à améliorer la régulation des émotions et
impliquent généralement le corps et, parfois, un reparentage
imaginaire. Elles peuvent notamment être proposées à des parents,
afin de réparer leur histoire d’attachement et de développer une
meilleure sensibilité à l’égard de leurs enfants.
Chapitre 12

Theraplay : un modèle de
thérapie pour l’adulte

Virginie Vandenbroucke et Maëlle Hector

une thérapie par le jeu structurée, centrée sur la


T
HERAPLAY EST
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relation parent-enfant, qui a pour objectif de sécuriser l’enfant


dans son attachement avec chacun de ses parents et de consolider
ces derniers dans leurs compétences parentales. Cette
psychothérapie s’appuie sur la théorie de l’attachement et sur les
recherches en neurosciences développementales. Elle est apparue à
Chicago dans les années 1960 et n’a cessé de s’enrichir depuis lors,
à partir de l’expérience clinique de professionnels pratiquant dans des
champs très divers (Booth & Jernberg, 2023). C’est en travaillant
auprès de dyades dont les histoires d’attachement des parents étaient
souvent traumatiques qu’il nous a semblé pertinent de pouvoir
accompagner ces adultes avec Theraplay, pour prendre en compte
leurs blessures d’attachement et réparer dans l’ici et maintenant les
traces de celles-ci.
Dans ce chapitre, nous allons illustrer, au travers d’une vignette
clinique du travail élaboré avec Benoît, papa de Nathan, comment,
durant trois séances de Theraplay avec lui, nous avons pu revenir
ensemble sur sa propre histoire et, pour une part, réparer dans le
moment présent de nos rencontres une partie de ses carences et
traumas d’attachement. Au fur et à mesure que nous décrirons les
différents temps de ces séances avec cet homme, nous modéliserons,
sur le plan théorique, comment Theraplay peut agir et comment nous
pouvons comprendre ce qui se joue dans ce travail de réparation
d’attachement avec un adulte. Pour conclure, nous mettrons en
évidence comment, au travers d’une dernière séance de Theraplay
dyadique de clôture avec Benoît et son fils Nathan, nous avons pu
percevoir les effets de notre travail de Theraplay individuel sur
l’évolution de Benoît dans l’exercice de sa fonction paternelle et dans
sa relation au monde.

DE LA PRISE EN CHARGE DE L’ENFANT À LA PRISE


EN CHARGE DU PARENT

Nathan est un garçon âgé de 6 ans, né de mère porteuse et élevé par


un couple homosexuel. N’étant pas encore formée au Theraplay au
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moment de la prise en charge de Nathan, nous le suivons en thérapie


individuelle par le jeu libre pendant un certain temps avant de
proposer Theraplay à ses parents. La nécessité d’un
accompagnement dyadique basé sur la relation apparaît alors que
Nathan continue à manifester beaucoup d’insécurité à travers des
attitudes contrôlantes et une tendance à prendre l’ascendant sur
l’adulte, à la maison comme à l’école. Nathan accepte difficilement le
cadre et les contraintes et exprime clairement son refus de grandir.
De manière à identifier les dynamiques relationnelles en jeu au sein
de chaque dyade, nous invitons chaque parent à venir jouer avec
Nathan au cours d’une séance d’activités structurée : la méthode
d’interactions Marschack (MIM), outil diagnostic propre à Theraplay. Il
ressort de l’évaluation des interactions parent-enfant une plus grande
fluidité et sécurité d’attachement dans la relation entre Nathan et son
père biologique, Marc, qu’entre Nathan et Benoît.
Benoît use d’autorité et a beaucoup de mal à aller dans le sens de
Nathan. Il est dans le pédagogique plus que dans le ludique, pose des
défis trop élevés, ce qui active chez Nathan sa tendance à prendre
l’ascendant pour compenser sa peur de l’échec. Ce papa repousse
souvent la recherche de moments tendres de Nathan auprès de lui
par le sarcasme, pensant que son fils le manipule.
À la suite de ces observations, nous nous accordons avec les parents
pour renforcer le lien entre Nathan et Benoît, son papa en difficulté.
En parallèle des séances Theraplay qui débutent, Benoît nous sollicite
ponctuellement, manifestement dans un mouvement de careseeking
(Delage, 2013, p. 15). Cela nous permet de revenir sur ses traumas
d’attachement et de travailler plus particulièrement sur sa relation à
Nathan au travers de quelques séances de thérapie par Lifespan
IntegrationTM (ICV) (Pace, 2014). Durant cet accompagnement,
Benoît exprime son insatisfaction grandissante dans sa vie conjugale
et dans la cellule familiale. Il se sent souvent persécuté par son fils et
son conjoint, qui lui semblent faire alliance contre lui. Il souffre
profondément d’un manque de légitimité, notamment du fait de ne pas
être le père biologique de Nathan, et parce que sa paternité n’est
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toujours pas reconnue légalement. Cette blessure l’empêche de se


sentir ancré dans sa fonction parentale.
Après six séances de Theraplay père-fils, Benoît s’abandonne
davantage à la proximité avec son fils, mais nous continuons
d’observer une grande retenue dans la qualité de son contact, et ce,
malgré nos guidances. Son toucher ne parvient pas à amener Nathan
à « lâcher » pleinement son anxiété. Dans les activités tendres et
apaisantes, Benoît passe parfois d’une voix très douce à une grosse
voix qui fait presque peur, comme s’il se montrait menaçant. Cette
cassure dans la prosodie surgit comme si quelque chose venait faire
effraction dans ces moments d’interaction avec son fils, telle une
reviviscence de trauma.
Ainsi, une grande rigidité persiste au fil de nos rencontres, quelque
chose « bloque » et empêche ce papa d’incarner pleinement sa
fonction de caregiver pour prodiguer à Nathan tout le bon qu’il a à lui
donner de manière adéquate. En séance, nous avons le sentiment
que ce sont deux enfants carencés qui se font face ; les compétences
parentales de Benoît sont court-circuitées par sa propre histoire
d’attachement, qui se réactive en séance avec son fils comme dans
son couple. Une estime de soi fragile transparaît dans sa tendance
récurrente à exprimer un sentiment de rejet. Benoît se sent brimé,
dénigré dans sa vie familiale. Il y réagit tantôt par le
désinvestissement, tantôt par le désabusement et le sarcasme. Il
décrit d’ailleurs comment sa voix peut « dérailler » à certains moments
dans ses interactions, signe d’un manque d’assurance et d’une
difficulté à se faire entendre.
L’alliance tissée avec ce papa nous permet de lui proposer un travail
individuel en Theraplay, qui se distingue de ce qu’il a pu expérimenter
jusqu’alors.

LE DÉROULÉ DES SÉANCES THERAPLAY AVEC BENOÎT


Theraplay est une thérapie basée sur la théorie de l’attachement et
modélisée sur les interactions accordées entre un parent et son
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enfant, aboutissant au développement d’un attachement sécure chez


l’enfant. La théorie de l’attachement s’intéresse à ce qui influence le
bien-être émotionnel et les interactions d’une personne lorsqu’elle est
soumise à une situation de stress et, de façon plus générale, à des
émotions négatives, douloureuses. L’ensemble des études actuelles
confirme qu’il existe une transmission intergénérationnelle de
l’attachement. Le modèle d’attachement qui s’établit dans les
premières années de vie tend à rester plus ou moins stable — sauf si
le contexte extérieur change de façon importante — et aboutit à un
style d’attachement chez l’adulte (Bowlby, 1984). À partir des relations
développées avec ses figures d’attachement (la plupart du temps les
parents), l’enfant développe des représentations mentales de soi, des
autres et du monde. Ce sont les modèles internes opérants (MIO).
Ces représentations se forment dans l’interaction et s’établissent sous
forme de voies neuronales. Ces modèles sont stables mais peuvent
être enrichis et modifiés par de nouvelles expériences relationnelles.
L’ensemble des MIO d’une personne va venir définir des stratégies
d’attachement et l’Adult Attachment Interview (AAI) nous permet
d’appréhender l’état d’esprit d’attachement de la personne à l’âge
adulte. Ainsi, l’état d’esprit en termes d’attachement du parent
influence le style d’attachement de son enfant. On comprend bien,
alors, comment l’état d’esprit d’attachement de Benoît influence le
style d’attachement de son fils Nathan, et comment Benoît peut être
entravé par sa propre histoire d’attachement non résolue, dans sa
compétence de père, afin de soutenir un développement sécure chez
son fils. En effet, il apparaît que Benoît présente un état d’esprit
d’attachement préoccupé où domine une faible estime de lui-même. Il
ressent un manque d’amour de la part de son partenaire. Il aurait
tendance à rechercher sa proximité et son soutien mais, en même
temps, il se sent dévalorisé et mis à distance par lui, ainsi que par son
fils. En conséquence, il ne peut accueillir les marques d’attention à
son encontre et renvoie qu’il n’est jamais pleinement comblé ou
satisfait. C’est sur ces MIO ambivalents que Theraplay cherche à agir.
Les activités proposées par Theraplay sont orientées autour de quatre
dimensions différentes, évaluées au préalable par la MIM
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(Vandenbroucke, 2021a). La thérapie cherche à développer les


dimensions pour lesquelles le parent est le plus en difficulté avec son
enfant en s’appuyant sur celles dans lesquelles le parent est à l’aise.
Ces quatre dimensions sont la structure (capacité à rendre le monde
extérieur compréhensible et prévisible), l’engagement (capacité à
partager un plaisir ludique au sein de la relation), le nurture (capacité
à prendre soin de façon affectueuse) et le défi (capacité à soutenir
l’exploration de façon ajustée à l’enfant) (Norris & Rodwell, 2017).
Dans le travail avec Benoît, nous choisissons donc d’axer les activités
sur les dimensions d’engagement et de nurture, en allant de plus en
plus en profondeur dans cette seconde dimension, pour lui permettre
de faire l’expérience du réconfort et de la sécurité émotionnelle qui lui
ont manqué, enfant, et tenter de réparer ainsi les blessures du passé.
L’engagement est une qualité relationnelle travaillée avec Theraplay.
Cette dimension recouvre, d’une part, la capacité « ludique » du
parent — ou ici de la thérapeute. Ici, il s’agira pour la thérapeute de
rencontrer son patient dans une manière inventive, de s’amuser, et
permettre de partager ouvertement, ensemble, des sentiments de joie,
d’espièglerie, de fantaisie qui animent le plaisir relationnel.
L’engagement recouvre également la disponibilité émotionnelle, c’est-
à-dire la compétence de la thérapeute à établir un véritable contact
émotionnel réciproque avec l’autre et à s’orienter vers le patient (elle
le regarde, tourne son corps vers lui pour lui témoigner sa
disponibilité). Elle est capable de lire autant les messages de joie que
de frustration, déception, etc., et d’y réagir de manière appropriée.
Dans la relation parent-enfant, la dimension de nurture recouvre quant
à elle la capacité de caregiving du parent. Durant les séances
Theraplay, la thérapeute propose des activités douces, attentionnées
et apaisantes, qui peuvent inclure le nourrissage. Elle cherche des
occasions d’exprimer son appréciation et sa préoccupation, et de
prendre soin du patient tout au long de la séance. Elle lui montre par
une expression faciale, une vocalisation positive, qu’elle a vu et
entendu son patient. La thérapeute remarque tous les signaux non
verbaux et adapte l’environnement en anticipant, sans avoir besoin de
questionner la personne. Elle cherche à faire sentir au patient qu’elle
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est complètement connectée à lui : « Je t’ai vu et je te réponds. » Ces


activités attentionnées permettent de réguler le stress et de le réduire.
Elles donnent à la personne le sentiment d’être appréciée et aimée
pour qui elle est.
Cet axe de travail est préalablement expliqué à Benoît dans une
séance en individuel, ainsi que toute la façon dont nous utiliserons le
toucher dans les différentes activités, toucher qu’il a déjà pu
appréhender dans les séances conjointes avec Nathan. Ce travail
sera bien sûr progressif et ajusté de façon précise en fonction de tous
les signes verbaux et non verbaux de Benoît, qui sont analysés après
chaque séance en s’appuyant sur les vidéos enregistrées. Cela
permet de répondre au mieux à ses besoins et de s’ajuster à ses
éventuels inconforts.
En commençant les séances par des activités d’engagement, nous
voulons permettre à Benoît de se laisser aller dans le plaisir ludique,
de s’autoriser à vivre des émotions joyeuses. C’est une manière
également de le mettre à l’aise dans cette situation inhabituelle des
séances, qui peut susciter gêne et appréhension du fait de la
proximité avec la thérapeute. En effet, dans les séances, nous
sommes installés au sol, souvent assis en face-à-face ou dans une
proximité qui lui fait sentir cette connexion émotionnelle. Il est à noter,
à ce niveau, qu’idéalement, dans le travail en psychothérapie
Theraplay avec l’adulte, la présence d’un co-thérapeute dans la
séance est souhaitable. En effet, ce travail de grande proximité
physique pourrait entraîner chez le patient un transfert de type
amoureux, ce qui serait totalement délétère et, pour certaines
personnalités, tout à fait dangereux. Ici, les conditions matérielles
n’ont pas permis la présence d’un co-thérapeute, la thérapeute étant
seule sur le plan géographique à exercer cette forme de thérapie
encore peu développée en francophonie. Par ailleurs, Benoît étant
homosexuel, cela diminuait le risque d’un tel transfert.
« Le toucher est le premier sens que nous développons dès la vie
intra-utérine et c’est le dernier sens que nous quittons lorsque nous
mourons. C’est un langage universel. Nous devons toucher et être
touché, c’est aussi nécessaire à l’être humain que l’eau, la nourriture
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ou l’air que nous respirons1. » Pour l’humain, c’est la forme de


communication la plus dynamique et la plus puissante. Le toucher
favorise des liens plus profonds avec nos proches, et il est essentiel à
notre santé émotionnelle et physique à long terme.
En fait, le toucher est essentiel car il change la chimie du cerveau.
C’est par le toucher que certaines zones du cerveau deviennent
actives et si elles ne sont pas activées par un toucher consistant et
affectueux dans l’enfance, alors l’enfant peut développer des
trajectoires aboutissant à des comportements aberrants. Alors que le
toucher sain permet le bien-être et le développement d’un enfant en
bonne santé, la carence de toucher ou le toucher abusif peut avoir
des effets psychologiques et sociaux très dommageables.
C’est sur les effets neurophysiologiques du toucher que s’appuie
Theraplay pour en faire un outil central de la prise en charge
psychothérapeutique.
La crainte d’une utilisation de touchers dommageables a mené des
institutions à éviter au maximum ou à interdire l’usage du toucher
entre adultes et enfants, notamment. Même si Theraplay souligne
l’usage de touchers inadéquats, éviter le toucher de façon générale
est tout aussi dommageable.
Des travaux tels que ceux de Diego et al. (2002) ont montré qu’un
traitement par des massages pouvait être tout à fait aidant pour des
adolescents aux comportements agressifs.
Dans une étude sur la régulation du stress, Tronick (1995) a mis en
évidence que les bébés touchés par leur mère durant un épisode
expérimental de stress court présentaient moins de stress que ceux
qui n’avaient pas été touchés. Il a aussi théorisé le fait que différents
types de touchers vont transmettre différents types de messages.
Par ailleurs, Theraplay s’appuie aussi sur les études de Kranowitz
(1998, 2003) pour comprendre et traiter dans les séances Theraplay
les troubles d’intégration sensorielle, dont celui du toucher.
Dans Theraplay, toute la thérapie est filmée, ce qui permet en
permanence de vérifier l’adéquation du toucher dans toutes les
situations.
L’utilisation du toucher s’inspire des relations parentales typiques avec
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un nourrisson, ce qui aide l’enfant à apprendre à gérer son stress et à


s’autoréguler.
Durant la thérapie, il va y avoir une gradation dans le toucher et une
adaptation à la personne pour répondre à ses besoins. Ainsi, le
toucher peut être prodigué au départ avec des outils médiateurs
comme, par exemple, l’utilisation du pinceau avec Benoît.
Le toucher sain va aussi être différemment prodigué en fonction de la
dimension relationnelle qu’il cherche à soutenir. Si nous utilisons le
toucher pour renforcer le besoin de structure dans la relation, il sera
plus posé, pour permettre la corégulation et la modulation du
mouvement (ralentissement et gestes contenus par exemple). Au
niveau de l’engagement, le toucher nous permet de créer une relation
et de communiquer sécurité, acceptation, empathie et plaisir ludique.
Dans le nurture, le toucher nourricier tendre sera modélisé sur la base
de la relation parentale avec un nourrisson. Il va contribuer à la
régulation et à l’apaisement. Enfin, pour ce qui concerne le défi, le
toucher sera utilisé pour fournir une assistance physique et pour aider
à la réussite de l’activité.
Ce travail sur le toucher est essentiel dans la formation des praticiens
Theraplay, développé autant dans les temps de formation initiale que
dans les supervisions. Il peut aussi être complété par une expérience
personnelle du Theraplay qui, dans certains cas, peut être nécessaire
pour bien percevoir ce qui appartient au thérapeute et ce qui relève du
besoin de réparation de traumas du patient.

▶ Première séance avec Benoît et difficulté à se détendre

Illustration clinique
Déroulement de la séance
Benoît arrive à notre première séance le cœur lourd d’un conflit conjugal de la veille.
Assis en tailleur par terre sur des coussins et légèrement de biais l’un par rapport à
l’autre, nous parlons de sa tendance défensive à user du sarcasme et comme cela peut
lui être reproché par son fils. Il évoque ici sa voix qui déraille, se casse. Pour lui, c’est le
reflet de sa gêne à parler fort, à trop parler. Il doute de lui-même et donc tend à se
retenir, par crainte de s’exposer.
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Aborder cette problématique suscite beaucoup d’émotion en lui. Il a des nœuds dans la
gorge, réprime des sanglots. Je l’invite à se laisser aller et il pleure. Je mets d’abord
mes mains sur ses genoux, je me rapproche puis je prends délicatement ses mains,
dans l’expression d’un caregiving bienveillant, en reconnaissant et en cherchant à
réguler sa détresse.
Nous passons ensuite aux activités de Theraplay. Parce que nous avions évoqué tous
les enjeux affectifs contenus dans la voix de Benoît, je choisis de commencer par
« vanille-pistache », une activité d’engagement qui mobilise à la fois le corps et la voix.
Benoît doit imiter mes intonations de voix et ma gestuelle en disant « pistache »
lorsque je dis « vanille », en jouant sur la prosodie et l’amplitude du son : je m’étire en
bâillant, je crie avec mes mains en porte-voix, je ris, je me montre fâchée, je murmure
comme un secret, etc. Au début, Benoît se montre inhibé, sa voix déraille puis il
engage un peu plus son corps.
Dans l’activité suivante, nous sommes assis face à face et nous devons nous envoyer
des boules de coton avec une seule main, notre autre main placée dans notre dos. La
partie se termine quand un joueur n’a plus aucune boule dans son camp. C’est un jeu
de défi et d’engagement qui mobilise la capacité ludique et permet, à travers le
mouvement du lancer, de décharger des tensions et d’exprimer force et énergie en tant
qu’élan vital. Benoît émet par moments des rires forcés et montre un corps raide.

Le jeu est un support essentiel de Theraplay. Il s’agit du jeu


émotionnellement accordé, interactif et impliquant le corps. Stern
(1974) souligne comment le jeu procure des sensations positives au
nourrisson et lui permet de développer des expériences joyeuses
d’excitation dans l’accordage et la synchronie avec son parent. De
même, dans sa revue sur les signes d’un bon parentage, Sunderland
(2006) souligne la valeur des jeux doux entre un enfant et son parent,
autant que des jeux de bagarre qui déclenchent chez l’enfant une joie
vive et des éclats de rire. Elle écrit : « Quand le corps est en éveil,
avec un taux d’adrénaline optimal et que le cerveau est idéalement
parcouru de dopamine et d’endorphines, on se sent intensément
vivant, avec de l’énergie à revendre » (p. 91). Elle ajoute que ces jeux
permettent « de renforcer la fonction de régulation des émotions du
lobe frontal ». Le système d’excitation du corps, ou système nerveux
autonome (SNA), est activé et c’est cette activation neurologique
répétée qui permet à l’enfant de développer une approche positive de
la vie. Cela lui permet d’élaborer des MIO dans lesquels il a une vision
de lui-même comme aimable, des autres comme dignes de confiance
et soutenants en cas de besoin, et du monde comme un lieu sûr qui
vaut la peine d’être découvert. De plus, c’est cette chimie particulière
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du cerveau qui favorise la résilience face au stress (Schore, 1994a).


L’approche ludique dans Theraplay donne à Benoît des occasions
d’expériences joyeuses qui lui permettent de se sentir vivant, ancré
dans son corps. Ces activités viennent également renforcer sa gestion
des émotions et du stress.
Dans la suite de la séance, j’introduis progressivement des activités
de nurture. Après lui avoir expliqué l’activité (où et comment j’allais le
toucher) et avoir sollicité son accord, je demande d’abord à Benoît de
deviner, les yeux fermés, avec quel objet je touche certaines parties
de ses mains et de son visage (plume, boule de coton, pinceau doux).
Un certain trouble transparaît lorsqu’il laisse échapper des rires
hésitants, comme s’il effleurait ce plaisir contenu à l’intérieur de lui et
qu’il se retenait de s’y laisser aller. De jolis sourires se dessinent sur
ses lèvres mais je sens qu’il se refrène.
Puis il ouvre les yeux et je prends soin de lui dans un toucher délicat
en lui appliquant des petits points de crème que je fais pénétrer
doucement sur la peau de son avant-bras. Benoît se laisse aller,
ferme les yeux, comme connecté à cet instant et cette fois-ci
davantage en mesure d’accueillir ce contact.
À la fin de cette première séance, Benoît est allongé sur le ventre sur
des coussins, le corps enveloppé dans une couverture. Je
confectionne sur son dos une pizza imaginaire avec ses ingrédients
favoris, en utilisant différents contacts tactiles posés, cherchant en
permanence à faire sentir à Benoît qu’il est digne d’être apprécié,
reconnu et aimé comme la personne qu’il est. Cette activité de nurture
lui permet de faire l’expérience d’un toucher contenant et régulateur à
la fois. Au fur et à mesure que mes mains parcourent son dos, je sens
chez Benoît un certain relâchement corporel. Il a les yeux fermés, sa
respiration se fait plus lente et plus profonde. Il est comme bercé par
le murmure de ma voix, qui accompagne mes gestes.

Illustration clinique (suite)


Feedback Benoît 1re séance
À la fin de cette première séance, Benoît constate que l’introduction de jeux lui a
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permis de ressentir de la complicité et de renforcer un lien de confiance dans la relation


avec sa thérapeute, ce qui est agréable. Il associe sur son couple et remarque que
l’une des difficultés qu’il rencontre avec son mari est justement la perte de cette notion
de jeu. Benoît a renoncé à se « lâcher » dans son couple car, à chacune de ses
tentatives d’être « cool », il n’a perçu en retour que brimades et critiques. Il s’est senti
trahi, attaqué. Dès lors, aujourd’hui, il ne se risque plus à « baisser sa garde », car il
sait qu’il le regretterait.
Il ressort que, dans son couple, Benoît attend beaucoup du soutien de son partenaire,
mais qu’il réprime ses émotions de peur que cela ne se retourne contre lui, comme
dans son enfance avec ses parents. Les stratégies d’attachement élaborées durant
l’enfance sont encore vivaces et guident Benoît dans son fonctionnement affectif avec
son conjoint et son fils. Même si la qualité de l’attachement a tendance à rester stable à
travers le temps, le changement est également possible en présence d’expériences de
vie positives — ou négatives. Il s’agit alors d’une « sécurité de l’attachement acquise »,
qui permet de dépasser son histoire familiale. Des expériences relationnelles
émotionnellement significatives viennent transformer les MIO pour aboutir à une
sécurité acquise de l’organisation de l’attachement (Guédeney et al., 2021b).
Dans les activités de nurture, Benoît dit avoir ressenti le contact physique comme
créateur de lien. Cela a eu un effet particulièrement apaisant au moment où il n’a pu
contenir ses larmes. Il se sent mieux qu’en début de séance. Arrivé tendu et désabusé,
il a l’impression d’être « remonté » grâce aux activités proposées, et remarque que cela
s’entend dans sa voix, qui est plus posée.

Harlow (1958, p. 676) écrit que « le réconfort du contact est une


variable d’une importance énorme dans le développement des
réactions affectives ». Weiss (1990, p. 432), qui travaille sur la façon
dont l’image corporelle est affectée par la qualité du toucher, précise :
« Des études ont montré qu’un individu qui reçoit un contact corporel sur la plupart des
zones de son corps par rapport à un autre qui n’est touché que sur certaines zones, se
sent généralement plus attirant, plus proche des autres, a une perception précise de la
forme de son corps et s’aime mieux en tant que personne. »

Dans la relation parent-enfant, le toucher constitue une partie du


vocabulaire primaire du cerveau droit. C’est pourquoi ©Theraplay
inclut le toucher attentionné comme une partie fondamentale de son
modèle de thérapie.

▶ Deuxième séance : expérience progressive du lâcher-prise

Illustration clinique (suite)


Déroulement de la deuxième séance
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Lors de notre rencontre suivante, Benoît évoque à quel point la première séance l’a
secoué. Cela a fait émerger des souvenirs de sa propre enfance, qu’il a pu mettre en
parallèle avec sa relation de couple actuelle.
Nous entamons cette deuxième séance avec un rituel qui consiste à prendre soin de
ses mains. Je les rafraîchis délicatement avec des lingettes, les enveloppe, puis je
souffle dessus pour les sécher. Benoît se laisse faire. Il s’agit dans ce temps de faire
sentir à Benoît qu’il est vu et reconnu pour ce qu’il est et que, dans l’ici et maintenant
de la séance, il est totalement accueilli.
Je prends ensuite ses deux mains et lui transmets un mouvement de vague que j’initie
avec mes bras et qu’il doit me renvoyer en retour. Benoît est crispé dans le haut de son
corps, sa tête enfoncée dans ses épaules relevées. Face à cette grande rigidité et à ce
manque d’aisance, j’effectue les mouvements en les accompagnant de ma respiration,
en amplifiant le rythme dans tout le haut du corps, pas simplement dans les bras.
J’invite Benoît à en faire de même. Il se détend progressivement, montre sa capacité à
se laisser aller, à être mieux connecté à son corps, pour bientôt devenir plus présent
dans l’échange avec moi. Il ferme les yeux, inspire, expire. Nous sommes alors
davantage en synchronie, quelque chose de plus souple circule entre nous.
La troisième activité que j’ai choisie est une activité d’émulation. Dans « trappe trappe
chaussette », nous devons retirer à l’autre une chaussette qui dépasse de son pied,
simplement à l’aide de nos pieds. Benoît se montre ici plus engagé et enjoué, avec des
rires francs qu’il laisse parfois échapper.
Lors de « vanille-pistache » que nous reprenons comme dans la première séance, je
ressens une gêne toujours un peu présente. La voix de Benoît déraille encore parfois.
Son corps reste inhibé, comme un peu figé. Il lui est difficile de se « lâcher »
pleinement.
Je termine la séance à nouveau par des activités de nurture. D’abord avec un
« masque imaginaire », au cours duquel je dessine un masque de lion sur le visage de
Benoît, à l’aide d’un pinceau doux. J’accompagne chacun de mes gestes de mots qui
soulignent à quel point chaque partie de son visage est belle, précieuse et unique. Puis
je le « débarbouille » en passant délicatement mes doigts sur son visage. Benoît sourit
d’abord puis ferme les yeux. Les traits de son visage se détendent. Il reçoit pleinement
ces gestes qui se veulent délicats et respectueux. Lorsque j’entreprends de faire le
contour de ses oreilles, il ouvre ses yeux, nos regards se connectent puis il referme les
yeux, un sourire mêlé d’étonnement et de plaisir aux lèvres.

Dans « sculpture », Benoît est allongé sur le dos, les mains sur le
ventre. Il est emmailloté comme une momie avec une couverture, la
tête enveloppée d’un foulard. Ici, je fais semblant de modeler son
corps comme je donnerais forme à de l’argile avec mes mains pour le
faire advenir. Je pars des pieds jusqu’à ses épaules. Je valorise d’une
voix douce chaque partie de son corps qui est façonné entre mes
mains. Sa respiration ralentit et ondule au rythme de mes gestes
précautionneux. Je le sens posé, serein, comme s’il pouvait déguster
chaque moment de ce modelage pour se sentir de plus en plus vivant,
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habiter pleinement son corps. Benoît garde les yeux ouverts par
moments, comme pour signifier : « Je peux assumer de voir ce qui se
passe. Je peux me sentir vu et reconnu par ma thérapeute. » À la fin
de l’activité, il émet un grand soupir de plénitude.
Enfin, comme lors de la séance précédente, nous terminons par une
« pizza ». Je fais volontairement perdurer l’activité. Benoît reste dans
un état de détente, les yeux fermés, après que j’aie terminé. Je lui
laisse un peu de temps pour « revenir » dans l’ici et maintenant de la
séance, comme lors d’une remontée d’un état méditatif ou hypnotique.

Illustration clinique (suite)


Feedback Benoît 2e séance
Benoît dit s’être surpris lui-même en entendant l’intonation de sa voix en jouant. Il s’est
davantage autorisé à se laisser aller. Il a pu laisser l’enfant en lui revenir, être là, en
jouant dans l’ici et maintenant : « C’est agréable, cela permet de ne pas se sentir
jugé », ajoute-il. Mais il ressent que ce n’est pas facile de « lâcher ». Il ne se sent pas
encore bon de manière inconditionnelle. « Ça fait son chemin mais c’est compliqué »,
me dit-il.
Dans le climat de sécurité affective vécue et ressentie dans le moment présent des
séances, au travers des activités de nurture, Benoît peut progressivement laisser
émerger ses émotions ; il lâche un peu du contrôle que l’on perçoit particulièrement
dans la façon dont il habite son corps ou dans sa voix jusque-là vidée de toute
expression émotionnelle. Cependant, il reste encore dans une prudence contenue ; il
peut commencer à vivre des émotions agréables mais perçoit à quel point il ne peut
pas encore s’y abandonner.

▶ Troisième séance et confiance nouvelle

Illustration clinique (suite)


Déroulement de la troisième séance
Lors de la troisième séance, je maintiens des activités qui permettent à Benoît à la fois
de se sentir enveloppé, contenu, mais aussi de décharger et de vivre d’autres
expériences relationnelles tant au niveau vocal que corporel. L’objectif est qu’il continue
de ressentir dans ce corps rigide ce que c’est que de pouvoir se lâcher pleinement
dans le ludique, qu’il fasse l’expérience d’être lui-même dans le plaisir partagé de la
relation avec moi, sa thérapeute.
Dans « Momie », j’enveloppe son buste et ses bras de papier crépon, de manière qu’il
se sente contenu dans un premier temps. Puis, à mon signal, il doit libérer la momie en
écartant ses bras. C’est à nouveau une invitation à ressentir une forme de libération
corporelle, à approcher et vivre dans tout son être ses émotions et à lui donner le droit
de les exprimer, de les incarner sans répression.
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Dans « Punch-panier », Benoît doit transpercer une feuille de papier journal que je lui
présente en donnant un coup de poing au centre. Au début, il se montre inhibé et n’ose
pas y mettre toute sa force. Je ressens ici le poids de la norme, de l’éducation, du
conformisme et à quel point Benoît a dû être amené à contenir excessivement son
agressivité. À mon encouragement, il se prête davantage au jeu et, pour la première
fois, il montre un visage enfantin et laisse échapper un rire empreint de plaisir et
d’espièglerie. Je vois émerger une détente dans son visage, qui contraste de manière
impressionnante avec ses expressions habituelles. Je réduis la taille du papier à
transpercer et Benoît hésite : « Petit papier ?…. petit punch. » Je l’encourage : « Non,
petit papier : gros punch. » Benoît y met alors toute sa force, sa puissance.
On perçoit ici à nouveau comment Benoît, enfant, n’a pas pu faire l’expérience d’un
accordage émotionnel (Stern et al., 1985). Il n’a pas pu vivre des moments de
connexion émotionnelle et affective où des figures d’attachement sensibles pouvaient
s’adapter à la nature comme à l’intensité de ses affects pour les lui renvoyer en miroir,
et l’aider à les réguler. Au contraire, quand il montrait ses émotions, il était
manifestement brimé ou mal compris. Ainsi, face à cette absence d’accordage, il a
appris à réprimer ses émotions, qu’elles soient de joie, de tristesse ou de colère.
Adulte, il nous montre un homme qui n’ose pas spontanément taper dans le journal,
sous forme de plaisir socialisé d’expression de son agressivité.
Dans « Marteau-piqueur », Benoît s’autorise à libérer la tension contenue dans sa voix.
Allongé sur le dos et recouvert d’une couverture, il doit émettre un son pendant que je
fais vibrer sa poitrine à l’aide de mes deux mains. Il se laisse aller à pleins poumons et
finit par un rire franc.
Peu à peu, dans la répétition de ces expériences relationnelles avec sa thérapeute,
Benoît semble ébaucher de nouveaux MIO. Il peut maintenant accepter — avec de plus
en plus de plaisir et moins de retenue — la relation proche que je lui propose. Cela
l’aide à modéliser de façon positive sa relation aux autres. En même temps, cela
favorise le développement d’une vision de lui-même plus valorisante.
Les activités de nurture qui se succèdent vont cette fois plus loin dans la modélisation,
dans le but de nourrir l’estime de soi en profondeur. Dans un premier temps, j’étale
délicatement de la lotion sur la paume de sa main pour en faire une empreinte sur une
feuille de papier. À un autre moment, je le berce, enveloppé dans une couverture entre
mes jambes, son dos contre mon buste et mes bras l’entourant, en chantant Bateau sur
l’eau. Enfin, je mesure son bras avec des baisers légers et tendres, comme nous
l’avions fait ensemble pour Nathan.
Benoît accueille cette attention et ce soin qui lui sont portés. On sent une véritable
détente, un relâchement musculaire. Dans « pizza », Benoît atteint un état de
somnolence.

Myrow (1997, p. 1) décrit la valeur du toucher dans Theraplay ainsi :


« Avec l’expérience du toucher d’un soignant aimant, l’enfant développe un sens de
soi, la capacité d’entrer en relation avec les autres, des compétences essentielles pour
moduler ses affects, le sentiment d’arriver à maîtriser son environnement et une
croyance en sa propre valeur. »
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Ici, il s’agit des expériences infantiles intériorisées de Benoît que nous


cherchons à remanier par le toucher doux, aimant et respectueux de
sa thérapeute, et par toutes ces expériences de caregiving qu’elle lui
prodigue. Elle lui permet de faire l’expérience du réconfort et de
l’apaisement (Vandenbroucke, 2021b).
De plus, le toucher chez l’enfant a un fort impact sur sa capacité à
interagir de façon motrice, à utiliser les muscles, tendons et
articulations pour acquérir une conscience de son corps dans
l’espace. C’est aussi au travers du toucher que Benoît va
progressivement y accéder. Sa rigidité physique, frappante quand je
l’ai rencontré au début du travail thérapeutique, a peu à peu laissé
place à plus de souplesse, Benoît étant engagé à habiter positivement
son corps dans l’espace de nos rencontres.

Illustration clinique (suite)


Feedback Benoît 3e séance
Benoît a trouvé que cette dernière séance était fluide. Il a davantage accueilli
l’expérience, me dit-il. Il note une grande différence entre chacune des trois séances. À
la première séance, il se sentait hermétique. Elle l’a beaucoup secoué dans l’après-
coup. Aujourd’hui, cela a été un moment agréable au cours duquel il s’est laissé porter
par le jeu. Il a laissé tomber les barrières qu’il met également dans son couple.
Ainsi, ces trois séances ont ouvert pour Benoît une autre perception de lui-même et
des autres. Peu à peu, dans les séances avec la thérapeute, il a pu s’ouvrir à
l’expérience dans le moment présent et son cerveau a commencé à modéliser qu’il
peut être en sécurité dans ce temps relationnel. Il a alors pu progressivement se
représenter comme digne de l’attention de l’autre, sentir l’autre comme digne de
confiance et accéder grâce au jeu à d’autres affects où joie, plaisir partagé et « bon à
vivre » émergent. C’est ce chemin qui lui permettra ensuite de s’ouvrir petit à petit dans
sa vie affective et de se sentir légitime, que ce soit dans sa relation de couple ou avec
son fils.

SÉANCE DE CLÔTURE : NATHAN ET SON PÈRE


Illustration clinique (fin)
Cette séance a été décidée avec Benoît pour annoncer à Nathan la fin de la thérapie,
et en prévision de la séance de fête qui clôture le parcours Theraplay.
Dès le début de la séance, je remarque que Benoît a une voix bienveillante lorsqu’il
s’adresse à Nathan. Il se montre détendu, les interactions sont fluides. Il répond
naturellement aux questions de son fils et le renforce dans ses remarques. Il ne
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manque pas de le valoriser : « Elle est très mignonne ta cicatrice. »


J’observe un papa beaucoup plus ancré et en charge dans sa fonction de caregiver
que lors des séances dyadiques précédentes, ce qui me permet d’être un peu en retrait
et moins dans la guidance. La dyade est manifestement plus autonome dans un plaisir
relationnel partagé.
Lors du rituel de début de séance, qui consiste à prendre soin des bobos de l’enfant
avec un pinceau doux en faisant un « cercle de sécurité », ou de faire « des petits
points d’amour » sur ses grains de beauté, Nathan demande à son père : « Est-ce que
tu avais des égratignures quand tu étais petit ? » Papa : « J’en avais plein tout le
temps. J’allais toujours jouer dans le jardin. » Nathan : « Et moi à la plaine de jeu »,
signe d’un rapprochement de Nathan vers son papa, dans un mouvement
d’identification à travers un vécu partagé.
Benoît félicite Nathan lorsqu’il se corrige lui-même quand il commet une erreur de
conjugaison en parlant. Il prodigue à son fils des expériences de réparation au sujet de
l’époque où il intervenait avec réprobation quand Nathan faisait les mêmes petites
erreurs.
Papa prend soin des bobos que son garçon lui montre. Il n’est ni dans le sarcasme, ni
dans le dénigrement. Il accompagne ses gestes d’une prosodie qui rythme les touches
de pinceau sur la peau de Nathan.
À un moment, Benoît entoure un bobo que Nathan ne peut pas voir en dessous de son
cou. « Tu pourras le voir dans la glace », dit papa. Je propose alors un miroir à Nathan
pour qu’il voie ce bobo et le donne à papa qui rapproche sa tête de son fils. J’assiste à
un très beau moment où père et fils ont leurs têtes qui se touchent et regardent
ensemble dans le miroir, papa montrant à Nathan son bobo.
Nathan remarque qu’il a quelque chose sur sa joue et papa lui dit : « Et sur ta joue on
va le faire tout de suite. » Puis Nathan renchérit : « Et n’oublie pas ma cicatrice ! ».
Papa : « Ça, c’est déjà fait ta cicatrice, mais si tu veux on le refait encore un peu » et il
encercle à nouveau la cicatrice avec le pinceau. À chaque moment, papa répond aux
besoins de soin de son garçon et le guide. Il valide ses demandes, les prend en
compte, ce qui permet à Nathan de se laisser aller et d’en demander davantage,
manifestant ainsi son plaisir de recevoir toute cette attention de papa.
Je propose ensuite à papa de rafraîchir les pieds de son fils avec une lingette. Cela fait
suite à une séance précédente où Nathan avait présenté son pied à papa et celui-ci
avait fait une moue désapprobatrice qui laissait transparaître du dégoût. Cette fois,
papa prend le temps de passer la lingette sur les pieds et les orteils de Nathan, qui se
lance en même temps dans l’énumération de tout ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas
dans son quotidien. Il cite des choses qu’il sait que son papa désapprouve
normalement, comme s’il le testait :
● « Je joue toujours à [tel] jeu vidéo. »
● « Je regarde toujours le même dessin animé. » Papa répond : « Ça c’est vrai. »
● « J’aime bien les bains mais j’aime pas me laver. »
● « J’aime pas les devoirs. »
● « J’aime bien quand papa oublie de me faire faire les devoirs. »
Papa laisse son enfant s’exprimer sans interrompre l’activité, sans intervenir ni le
contredire, ni dénigrer ce que son enfant aime. C’est comme si Nathan tentait de
vérifier : « Est-ce que le papa que j’ai là en face de moi est fiable, est-ce que toute cette
douceur est vraiment pour moi et ne va pas ensuite m’être retirée ? »
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Au lieu de cela, lorsque je propose à Benoît de souffler sur les pieds de son fils pour les
sécher, Papa ajoute spontanément des petits bisous sur ses orteils. J’observe alors un
petit garçon qui se laisse faire, qui n’est plus dans le contrôle, qui ne tente plus de
diriger les activités ou les gestes de son père.
Finalement, Nathan termine son énumération par : « J’aime bien quand papa joue aux
Lego avec moi. » Papa ne s’étant pas prêté au jeu de bras de fer habituel avec son fils
et ayant continué à prendre soin de lui de manière inconditionnelle, Nathan, sécurisé, a
pu lâcher sa tendance à provoquer papa et laisser place aux mots doux. Les voilà
parfaitement accordés dans un moment de plaisir partagé.
Pour annoncer à Nathan la fin de la thérapie, je l’installe sur les genoux de Benoît avec
une couverture qui les recouvre tous les deux. Nathan se blottit contre son papa, qui
l’enveloppe de ses bras, pose sa tête contre celle de son fils. Nathan est lové contre
son père qui le berce spontanément.
Puis, pour préparer la séance de fête, nous choisissons ensemble les activités que
chacun a préférées durant le suivi dyadique. Nathan propose avec enthousiasme à
papa qu’ils choisissent à tour de rôle, tout en posant une caresse délicate sur la joue de
Benoît. Il finit par enlacer le cou de papa avec son bras et dépose sa tête sur son
épaule. Benoît l’entoure à nouveau de ses bras et lui donne un baiser. C’est un très
beau moment de tendresse père-fils dans une parfaite synchronie affective. Papa
assure à plein sa capacité de caregiver tendre dont Nathan a tant besoin pour être
apaisé et se sentir vu et reconnu dans le bon qu’il est. Il fait ainsi l’expérience d’une
relation sécure.
Lors du rituel du goûter qui clôture de façon prévisible chaque séance, Nathan est
allongé sur son papa, dos contre torse. Benoît ferme les yeux et berce son enfant. Il lui
donne à boire à l’aide d’une gourde comme s’il lui donnait le biberon. Nathan pose sa
main sur celle de papa pour accompagner ce geste. Il est calme, détendu. Il commence
à chantonner et papa lui prend les bras pour effectuer un petit mouvement de danse en
suivant le fredonnement de son fils. Benoît est pleinement accordé à Nathan.
Dans cette séance de Theraplay dyadique apparaissent les effets du
travail effectué avec cet homme. Dans les séances individuelles avec
sa thérapeute, Benoît a pu nourrir son « enfant intérieur », laisser
émerger ses émotions. Dans l’ici et maintenant, il a pu vivre pour une
part d’être vu, entendu, accueilli dans ses émotions. Cela l’a aidé à
développer une sécurité intérieure et l’a soutenu pour développer une
capacité de caregiving tendre et accordé à l’égard de son fils. Grâce
aux activités ludiques choisies par sa thérapeute, il peut maintenant
vivre avec lui dans un plaisir relationnel joyeux. On voit peu à peu
poindre dans cette séance la réciprocité d’échanges doux et ajustés
dans une ambiance joviale.

CONCLUSION
Theraplay est habituellement proposé aux enfants, dans un contexte
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thérapeutique individuel, mais aussi dans un contexte éducatif de


groupe, par exemple en milieu scolaire. Ses applications sont
multiples. Étant donné que l’histoire non résolue quant à l’attachement
chez le parent influence son caregiving et le style d’attachement
développé par son enfant (Hesse et al., 2003 ; Lyons-Ruth &
Jacobvitz, 1999 ; Madigan et al., 2006), permettre au parent de faire
des expériences réparatrices au niveau de son propre système
d’attachement a de bonnes chances d’améliorer la qualité du
caregiving du parent, la relation parent-enfant et, en dernière instance,
la sécurité de l’attachement de l’enfant. Dans cette modélisation du
travail de Theraplay, il existe un système de « poupées russes », dans
lequel la thérapeute est la grande poupée qui structure, guide et
nourrit Benoît et son enfant intérieur, pour qu’à son tour cet homme
devienne un papa contenant et soutenant permettant à son fils Nathan
d’expérimenter un soi vu et vécu comme bon. En d’autres mots, la
thérapeute exerce son caregiving pour le caregiver (Kobak &
Mandelbaum, 2003), permettant alors à ce père d’advenir comme
figure paternelle tendre et ajustée à son enfant.
Notes
1. Karin Purvis Institute : https://www.youtube.com/watch?
v=9PhuajDnWdc.
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Chapitre 13

La psychothérapie
développementale dyadique
(DDP) pour guérir les
traumatismes
intergénérationnels
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Dafna Lender

’UNE DES DÉCISIONS les plus importantes que prend un thérapeute est
L la manière dont il définit, de façon plus ou moins large, le
problème que les clients amènent en traitement. Dans une culture
individualiste comme la nôtre, il est courant de se concentrer sur la
personne qui présente un comportement problématique sans
comprendre le contexte familial plus large qui façonne les
problématiques actuelles. Souvent, la clé d’un travail efficace avec
une famille consiste à élargir la perspective thérapeutique pour inclure
l’histoire du traumatisme intergénérationnel qui sous-tend les
problématiques actuelles, même si ce n’est pas la vision qu’a la
famille des origines du problème présenté.
Il est difficile de présenter cette perspective aux parents. Lorsque les
parents amènent leur enfant en thérapie, ils ne s’attendent souvent
pas à être au centre du travail ou ne veulent pas l’être. Pour cette
raison, l’une des premières choses que je dis aux parents est que je
travaille dans une perspective d’attachement et que je travaillerai
autant avec eux qu’avec leur enfant, parfois plus. Lorsqu’ils acceptent
d’examiner leur propre histoire intantile et la façon dont elle peut
contribuer à la situation, le vrai travail peut commencer. La
psychothérapie développementale dyadique (DDP) est une méthode
efficace pour aider les parents à prendre conscience de l’impact de
leur propre histoire d’attachement sur leur rôle parental et pour les
guider vers une plus grande acceptation et empathie à l’égard des
comportements et du sens sous-jacents aux troubles de leur enfant.
Bien que tous les problèmes rencontrés par les familles ne soient pas
liés à des questions d’attachement, je trouve utile de me concentrer
sur la relation d’attachement car j’ai constaté qu’il s’agit de l’outil le
plus puissant pour améliorer le fonctionnement de l’enfant et de la
famille. Cependant, dans certaines situations familiales, une approche
centrée sur l’attachement est particulièrement utile. C’est le cas
lorsque les parents et l’enfant se disputent fréquemment, sont en
colère, se replient sur eux-mêmes et sont frustrés au point que cela
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interfère avec la vie quotidienne et empêche les expériences


régulières et quotidiennes de plaisir et de connexion dont les familles
ont besoin pour s’épanouir. L’histoire suivante illustre un tel cas.

Illustration clinique
John n’a pas l’intention de démarrer une psychothérapie, mais lorsqu’il emmène son fils
de 11 ans, Adam, me voir, j’insiste pour qu’il vienne aussi, en raison d’un besoin de
thérapie familiale basée sur l’attachement. Il est impossible à la mère de se joindre à
nous, car elle travaille en équipe de nuit en tant qu’infirmière et n’est pas disponible
après l’école. L’identité entière de John était l’entreprise familiale. Il possède une usine
de transformation du bois et une petite ferme d’élevage de chevaux, et travaille tout le
temps, même le week-end. Adam souffre d’anxiété et de déficits de fonctionnement
exécutif, et on lui a diagnostiqué un TDA et un trouble oppositionnel avec provocation.
Adam est sous trois traitements psychotropes différents, dont un sédatif pour dormir.
Lors de l’entretien, John déclare : « Adam est dans son propre monde : il n’écoute pas.
Il faut lui répéter trois fois de faire des choses simples, comme débarrasser la table de
son bol de céréales. C’est la même chose pour aller à l’école, aller au lit — quoi qu’on
lui dise, il traîne et n’écoute pas. »
Dans le cadre de la DDP, nous parlons à l’enfant en présence de ses parents des
raisons qui l’amènent à la thérapie et de ce sur quoi il aimerait travailler. Lorsque je
demande à Adam ce qui lui pose problème, il décrit le problème selon lui : « Je n’arrive
pas à penser correctement parfois. J’oublie. Quand mon père me dit de faire quelque
chose, ça semble très loin. Alors il se met en colère et me crie dessus. » J’interroge
Adam sur l’anxiété et les peurs pour lesquelles il reçoit un traitement par le psychiatre.
« Je ne peux pas dormir la nuit parce que j’ai peur que quelqu’un entre par la fenêtre »,
dit-il. « Mon père me dit que c’est impossible parce que nous sommes si haut, mais ma
sœur peut grimper à l’arbre. Aussi, j’ai peur de Kiko, une de nos juments, parce qu’elle
a peur des bestioles, et deux fois elle m’a donné un coup de pied quand elle a vu une
souris. »
– Comment fais-tu face à ces peurs ? »
– J’essaie de dire à mon père que je ne veux pas nettoyer les stalles. Je remplirai
l’abreuvoir, les seaux d’eau et d’autres choses, mais je ne veux pas entrer derrière elle
parce qu’elle s’effraie si facilement.
Je me tourne vers John et lui demande : « Est-ce que c’est un marché équitable ? Il
s’occupera des tâches à l’extérieur de la stalle mais n’entrera pas à l’intérieur ? »
« C’est bien pour l’instant, dit John, mais ce n’est pas une solution. Adam doit
apprendre que c’est lui qui commande. Les chevaux sont des animaux sociaux. Si tu as
peur, ils ont peur. Mais si tu es confiant, ils sont aussi calmes que possible. »
Il s’avère que c’est aussi toute la philosophie parentale de John. Chaque fois qu’Adam
a peur, John lui dit qu’il doit faire passer l’esprit avant la matière et être courageux.
Cela s’applique également à un harceleur auquel Adam doit faire face dans le bus
scolaire et lorsqu’il a peur de s’endormir seul le soir.

OBJECTIFS ET FONCTIONNEMENT DE LA DDP


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L’un des principaux objectifs de la DDP est de permettre à l’enfant (ou


au parent dans les consultations parentales) de voir clairement qu’il a
un impact positif sur vous, le thérapeute, et comment il vous affecte. Il
s’agit de découvrir les forces d’une personne (auxquelles le praticien
répond avec plaisir et reconnaissance) et ses vulnérabilités
(auxquelles il répond avec empathie et compassion). Il s’agit de
développer une signification partagée des expériences, des
comportements et des événements, passés et présents, que l’enfant
comprend, auxquels il donne un sens et qu’il peut raconter comme
son histoire, s’il choisit de le faire. Pour toute personne, il est essentiel
de pouvoir raconter une histoire claire sur sa vie — ses souvenirs, ses
expériences et ses émotions — y compris les bons et les mauvais
moments, et de la partager avec quelqu’un d’autre. Cela permet de
définir qui l’on est et de donner un sens à ses sentiments et à ses
réactions.

▶ L’outil PACE de la DDP


Un outil important de la DDP que nous enseignons toujours aux
parents est la façon de répondre aux enfants lorsqu’ils commencent à
essayer de résoudre ensemble des problèmes de comportement ou
des désaccords. Cet outil est l’attitude PACE. PACE est composé des
mots plaisir ludique, acceptation, curiosité, empathie. L’attitude PACE
permet à une personne de se concentrer sur la vie intérieure d’une
autre personne, plutôt que sur des comportements spécifiques. En
d’autres termes, il s’agit de découvrir quels sont les souhaits,
motivations, sentiments ou pensées sous-jacents au comportement.
Cela permet à la personne d’assimiler les sentiments d’empathie et
d’acceptation dont nous voulons qu’elle bénéficie, sans qu’elle se
laisse submerger ni ressentir de la honte et être sur la défensive.
Voici quelques exemples d’acceptation, d’empathie et de curiosité :
– Merci de me l’avoir dit.
– Je comprends.
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– C’est logique.
– Je comprends que tu puisses ressentir
Acceptation ça.
– Je suis heureux de savoir ce que tu
penses.
– Je ne savais pas que tu ressentais ça
avant.
– Ça doit être dur.
– Je serais triste aussi si ça m’arrivait.
Empathie
– Ça a l’air déroutant.
– Ça doit te faire te sentir seul
– Depuis combien de temps te sens-tu
ainsi ?
Curiosité – As-tu souvent ressenti cela auparavant ?
– Que voudrais-tu me dire d’autre sur cette
situation ?
▶ Application clinique du PACE

J’explique à John l’attitude PACE pour qu’il réagisse avec à la maison


et John hoche la tête en semblant d’accord et dit qu’il va essayer.
Cependant, la semaine suivante, Adam rapporte que les mêmes
choses se produisent. John demande à Adam d’aller au lit mais ne
vient pas lui dire bonne nuit lorsqu’il se couche ; John demande à
Adam de nettoyer les stalles, bien que nous ayons convenu qu’ils le
feraient ensemble ; John crie après Adam parce qu’il traîne avant
d’aller à l’école, même si nous avons parlé de sa peur du harcèlement
dans le bus.
Dans le cadre de la DDP, le thérapeute rencontre les parents seuls au
moins une fois toutes les trois séances parent-enfant. Si le thérapeute
estime que le parent se sent particulièrement sur la défensive ou qu’il
a des opinions et des comportements négatifs persistants à l’égard de
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l’enfant, il peut également choisir de rencontrer le parent seul pendant


une série de séances, afin de s’occuper des problèmes d’attachement
du parent. Lors de la séance réservée aux parents, je demande à
John pourquoi il ne parvient pas à mettre en œuvre nos stratégies
pour résoudre les problèmes liés à l’heure du coucher ou aux corvées,
et il me répond qu’il est fatigué et qu’il ne parvient pas à rassembler
l’énergie nécessaire. Exaspéré, il dit : « Adam va devoir gérer l’usine
quand il sera plus âgé. S’il ne peut pas tenir tête à un cheval ou à un
enfant dans le bus, comment pourra-t-il être le patron de 35 ouvriers à
l’usine ? »

RELATIONS D’ATTACHEMENT
Lors de notre séance individuelle, j’interroge John sur son enfance,
par exemple sur la façon dont ses parents lui témoignaient de
l’affection et sur la façon dont ils le punissaient. Y avait-il des secrets
de famille, de l’alcoolisme ou d’autres dépendances, des pertes ou
des décès importants ? Quelqu’un d’autre que ses parents s’est-il
occupé de lui ? S’est-il senti rejeté dans son enfance ? Ces questions
sont adaptées de l’Adult Attachment Interview (Hesse, 2016), qui
demande aux adultes de se remémorer des souvenirs de leur petite
enfance liés à l’attachement. Dans l’AAI, les réponses conduisent à
des classifications de l’attachement de l’adulte dans trois domaines
principaux qui peuvent aider à orienter la thérapie. Bien que je ne
procède pas à une évaluation formelle de l’AAI, mon objectif est
d’obtenir des informations relatives à l’attachement, car les problèmes
d’attachement non résolus ont un impact sur l’éducation des enfants
et la prestation de soins.
Les adultes autonomes ou sécures ont tendance à valoriser les
relations d’attachement. Ils peuvent décrire de manière cohérente
l’impact de leurs expériences infantiles liées à l’attachement, comme
le fait d’être malade et d’avoir besoin de réconfort, ou de perdre une
relation importante en raison d’un décès, d’un déménagement ou d’un
divorce. Les adultes évitants ont tendance à dévaloriser l’importance
des relations d’attachement ou à idéaliser leurs parents sans pouvoir
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donner d’exemples congruents. Les adultes préoccupés sont encore


très impliqués dans leurs expériences d’attachement passées et ne
peuvent pas les explorer de manière productive. Ils expriment souvent
de la colère lorsqu’ils discutent des relations actuelles avec leurs
parents. Les adultes évitants et préoccupés sont tous deux considérés
comme insécures.

Illustration clinique
Lorsque je l’interroge sur sa relation avec son père, Jean dit qu’il le vénère. Il décrit son
père comme un héros de guerre travailleur et dévoué à sa communauté. Plutôt que
d’être personnelle, la description que John fait de son père ressemble au compte rendu
d’un journaliste sur un homme placé sur un piédestal.
Lorsque je demande des adjectifs spécifiques pour décrire sa relation avec son père,
John répond : gentil, strict, inspirant. Je demande s’il a des souvenirs spécifiques pour
ces adjectifs. Pour strict, John décrit l’éthique de travail que son père lui a imposée, à
lui et à ses frères, exigeant d’eux qu’ils aident à l’usine et dans la maison et le jardin,
ainsi que de ramener d’excellentes notes et de jouer au football au lycée. Pour
l’inspiration, il dit que son père a aidé à reconstruire l’église de ses propres mains après
qu’une partie de celle-ci a brûlé. Pour ce qui est de la gentillesse, il se remémore avoir
un jour désobéi au couvre-feu et que, à son retour à la maison, son père était assis
dans le noir avec un fusil sur les genoux. John rit en racontant ceci et raconte qu’il a
bondi d’un mètre, mais que son père n’a pas dit un mot et ne l’a pas puni. « C’était sa
façon de me témoigner sa clémence. »
Remarquant un modèle d’attachement évitant, je fais remarquer que le père de John
semblait assez effrayant, ce qui incite John à défendre son père avec acharnement, en
invoquant sa sagesse. Il répète sans cesse qu’il est beaucoup plus doux que le grand-
père de John, un homme instable et colérique, qui avait battu son fils (le père de John).
« C’était un dur à cuire », m’a-t-il dit. « Il est arrivé aux États-Unis en tant qu’immigrant
pauvre à 19 ans avec rien d’autre que son éthique de travail. Mon grand-père a
subvenu aux besoins de sa famille, et c’est grâce à lui que j’ai pu aller à l’université. »
« Wow, ai-je dit, votre grand-père avait des qualités vraiment admirables, mais je vous
ai vu frémir quand vous avez parlé de lui. Qu’est-ce qui vous a fait frémir à ce moment-
là ? »
« Il est mort quand j’avais six ans, mais vu les histoires que mon père racontait, ce
n’était pas quelqu’un qu’on voulait croiser ! »
J’ai fait remarquer que le fait de traiter durement les garçons semblait être un schéma
récurrent dans leur famille.
« Eh bien, c’était nécessaire à l’époque ! s’est exclamé John. Vous ne comprenez pas
la génération d’hommes qui sont venus ici et qui ont construit leur vie à partir de rien. »
Alors qu’il affiche un sourire de dérision, je remarque à quel point cela me fait me sentir
petite et naïve, et je me fais la réflexion que c’est ce que doit ressentir Adam quand son
père lui fait la leçon sur ce ton.
« John, vous semblez penser que je dis que votre grand-père et votre père sont
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mauvais, ou que je n’apprécie pas leur combat. Je pense que c’est admirable que vous
les défendiez, mais vous semblez inquiet lorsque je souligne qu’ils ont été des hommes
effrayants à certains moments. Je me demande pourquoi c’est si difficile pour vous d’en
parler. »
« Parce que vous ne comprenez pas ! Il fallait qu’ils me fassent ce qu’ils m’ont fait pour
que je sois là où je suis ! »
« Que vous ont-ils fait ? »
« Mon père m’a terrifié à certains moments. Une fois, il m’a enfermé dans la cabane à
outils pendant toute une soirée parce que j’avais généré des problèmes à l’école en
donnant un coup dans le travail d’un autre enfant. On avait tous les deux faits un projet
sur les éclipses solaires, sauf que son dispositif avait de l’électricité et était très beau.
J’avais travaillé très dur sur le mien sans aucune aide. Quand j’ai vu le projet de ce
gamin, et ce que son père l’avait aidé à faire, j’ai piqué une crise.
Le professeur a appelé mes parents, et j’ai su que j’allais avoir des problèmes. J’ai
couru à la maison et je me suis caché sous le lit jusqu’à ce que mon père rentre et me
mette dans la cabane à outils. Il faisait si chaud là-dedans que j’ai cru que j’allais
mourir. Il m’apportait de l’eau de temps en temps, mais ensuite il fermait et verrouillait
la porte. Quand il m’a finalement laissé sortir, la seule chose qu’il a dite, c’est : « Tu
n’arriveras à rien en étant jaloux. »
Pendant que John raconte son passé, je remarque qu’il a des réactions de peur, de
colère et de tristesse, et je m’efforce de faire preuve d’une concentration et d’une
présence intenses, en hochant la tête et en exprimant de l’empathie dans ma voix. Je
demande à John : « Pensez-vous qu’il soit possible de respecter votre père et de
comprendre pourquoi il a ressenti le besoin de vous faire cela, tout en honorant le fait
qu’en tant que garçon de 10 ans, vous avez été effrayé par ce qu’il a fait ? »
« Je ne sais pas », répond John d’une voix lointaine.
« Je veux que vous envisagiez l’idée que vous étiez un garçon ayant ses propres
pensées et souhaits, ses propres sentiments, qui voulait être accepté et reconnu. »
Encore une fois, John a un regard lointain, comme s’il contemplait cette idée, puis il
semble recouvrer ses esprits. Il me regarde et dit : « Qu’est-ce que cela a à voir avec
les problèmes d’Adam ? »
« Je pense qu’Adam a l’impression qu’il ne peut pas avoir de craintes ou avoir besoin
de votre aide sans que vous l’effrayiez et le fassiez se sentir mal pour ces sentiments,
tout comme votre père l’a fait pour vous et votre grand-père pour votre père. Je ne
pense pas qu’Adam soit anxieux ou ait un déficit d’attention. Je pense qu’il sent à
travers vous que ce n’est pas bien de se sentir effrayé ou incertain. Alors, quand il se
sent comme ça, il doit cacher ses sentiments, mais ils ne disparaissent pas. Ils sont
refoulés et se manifestent par des peurs irrationnelles et une incapacité à se
concentrer. »
« Eh bien, j’ai été élevé de cette façon et j’ai bien tourné ! » John a aboyé.
« À quel prix ? », ai-je demandé.
Il fait une pause. « À quel prix ? Je suis heureux comme je suis. Je n’ai pas de
problèmes. »
« Eh bien, peut-être, mais vous sentez-vous parfois seul ou vide ? Est-ce qu’il vous
arrive de vous isoler de votre femme, même si elle veut être avec vous ? Est-ce que
vous criez sur Adam parce qu’il ne veut pas s’endormir seul, alors qu’on s’était mis
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d’accord ici pour que vous iriez lui tenir compagnie au coucher ? »
John me révèle alors qu’il passe toutes les nuits dans son garage à jouer à des jeux
vidéo et à jouer en ligne. Il n’a pas perdu d’argent, m’assure-t-il, mais sa femme est
furieuse contre lui parce qu’il reste dans son garage et ignore ses sentiments à elle.
Je lui réponds : « John vous devez décider si vous êtes satisfait de la façon dont vous
fonctionnez dans votre famille en ce moment. Je ne peux pas décider de cela. »
John essaye une fois de plus de se défendre. « Mais comment le fait de rester assis
dans la chambre d’Adam jusqu’à ce qu’il s’endorme va-t-il lui apprendre l’indépendance
et le courage ? Il a presque 12 ans et a besoin que je lui lise une histoire et que je lui
tienne la main dans le bus ? S’il ne se prend pas en main, il mettra l’usine à sac quand
il sera plus grand ! »
« Je veux la même chose que vous pour Adam. Je veux qu’il ait un esprit clair et sain et
qu’il soit capable de garder un bon travail et de fonctionner dans la société. Mais voilà :
forcer Adam à faire des choses dont il a peur l’empêche d’acquérir l’indépendance que
vous vous efforcez de lui enseigner. En l’obligeant à nettoyer le box de Kiko, alors qu’il
a déjà reçu deux coups de pied de sa part, vous ne respectez pas son expérience de la
peur — tout comme votre père vous a mal compris et humilié parce que vous étiez
jaloux du projet de votre camarade de classe. Votre père ne vous a pas demandé ce
qui vous avait fait vous sentir si mal ce jour-là quand vous avez vu le projet de votre
camarade de classe. Au lieu de cela, il a fait en sorte que vous vous sentiez vraiment
honteux, seul et effrayé. Imaginez qu’il vous ait demandé ce que ça vous a fait de vous
sentir si fier, puis si découragé lorsque votre camarade de classe a eu un projet
scientifique si supérieur ? »
John se tait.
« Comment pensez-vous que ça aurait été pour vous ? »
John étouffe ses larmes en marmonnant : « Le père de ce garçon était présent à la
foire scientifique pour l’aider à installer l’électricité, et ils avaient l’air si heureux
ensemble. Mon père n’aurait jamais eu le temps, ou même pensé à m’aider. »
« C’est tellement logique, John. Vous vouliez que votre père soit avec vous, qu’il aime
passer du temps avec vous. Et voir votre camarade de classe avoir ça était trop
douloureux, alors vous vous êtes mis en colère et vous avez été violent à la place. Et
puis vous avez eu peur de ce que votre père pourrait faire. On vous a appris à vous
cacher quand vous aviez des sentiments « faibles ». Mais en fait, c’est en étant
capable d’être avec quelqu’un qui vous aime quand vous avez ces sentiments que l’on
peut se sentir plus fort. »

Ceci marque le début de la thérapie de John avec moi. Il nous faudra


environ cinq mois de séances hebdomadaires pour qu’il se rende
compte de l’impact encore actuel de ses propres expériences en tant
qu’enfant, et de la façon dont l’héritage de la violence, de la perte et
de la peur a joué dans ses attitudes parentales envers Adam. Les
traumatismes se transmettent d’une génération à l’autre lorsque des
expériences effrayantes restent sans nom et sont intériorisées par
l’enfant.
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METTRE FIN AUX TRAUMATISMES INTERGÉNÉRATIONNELS


Illustration clinique
L’une des choses les plus importantes sur lesquelles John et moi avons travaillé a été
d’honorer le fait que son père avait fait de son mieux et de reconnaître qu’enfant, John
avait des besoins émotionnels réels et légitimes qui n’avaient pas été satisfaits. L’étape
suivante a été d’éprouver de l’empathie pour le jeune John quant au fait qu’il ait vécu
des expériences d’isolement et d’invalidation avec son père. Au cours de ce processus,
John se souvient de plusieurs autres incidents troublants et effrayants au cours
desquels son père l’a intimidé et humilié dans ses efforts pour l’élever et en faire « un
homme fort ». Comme John et de nombreux survivants de traumatismes ont le
sentiment persistant et toxique qu’ils méritent le traitement qu’ils ont reçu, nous lui
avons donné l’occasion de « reparenter » son enfant par l’auto-compassion, modelée
par mon attitude compatissante.
Une fois que John a intégré son traumatisme infantile, nous avons porté notre attention
sur sa capacité à réparer sa relation avec Adam. Pour cela, John doit assumer la
responsabilité d’avoir invalidé et effrayé Adam. Lors d’une séance père-fils émouvante,
John regarde son fils dans les yeux et s’excuse de l’avoir forcé à nettoyer le box, même
si Kiko lui avait donné un coup de pied à la tête, et dit combien il est désolé de lui faire
sentir que ses peurs ne sont pas importantes.
John dit à son fils combien il est difficile pour lui de lui permettre d’exprimer sa peur
parce qu’on lui a appris qu’être triste ou avoir peur était mal ; il ajoute qu’il apprend à
aborder les choses différemment de la façon dont son père les a traitées.
La dernière partie de la thérapie entre le père et le fils consiste à apprendre à John à
faciliter le jeu joyeux, la proximité physique et le toucher par le biais de séances de jeu.
Grâce à l’utilisation d’une séquence d’activités engageantes et enrichissantes lors des
séances hebdomadaires, Adam commence à se sentir plus calme et à moins craindre
d’aller à l’école et de s’endormir. John n’a pas eu d’expérience d’affection, de tendresse
et de soins dans son enfance. Par conséquent, il n’a aucune idée de la manière d’être
présent pour une autre personne sur le plan physique.
Je montre à John comment rester proche de son fils à l’heure du coucher. Nous nous
entraînons à partager une collation vers la fin de la séance et à faire des choses
simples comme s’asseoir épaule contre épaule ou caresser les cheveux d’Adam. Nous
lisons également des histoires pour mettre en pratique l’importance de la narration
comme moyen de calmer le cerveau anxieux d’Adam. Il s’avère que, lorsqu’il a la
liberté d’être aux côtés d’Adam, John aime s’allonger à côté de lui et inventer des
histoires d’aventure. Les problèmes nocturnes d’Adam disparaissent.
En ce qui concerne les craintes d’Adam à l’école, maintenant que John a plus
d’empathie pour son enfance, il est capable d’avoir plus de compassion pour les
craintes d’Adam et de le soutenir davantage. John essaye de plaider en faveur d’un
surveillant de bus pour éviter les brimades, mais cela ne fonctionne pas. Il essaye alors
de retrouver Adam à l’arrêt de bus pour donner à l’intimidateur un regard intimidant,
mais cela ne fait qu’empirer les choses. Puis, lors d’une séance, quand ils arrivent et
que je vérifie comment s’est passée la semaine, Adam dit : « C’était génial. Papa m’a
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conduit à l’école tous les jours. » Mes yeux s’élargissent de surprise et je regarde John.
« Ouais », il a haussé les épaules. « Je ne veux pas qu’Adam gaspille son énergie à
s’inquiéter d’un crétin dans le bus. Je me dis qu’il faut le laisser commencer sa journée
sans ce souci pour qu’il puisse se concentrer sur son apprentissage. » Adam
acquiesce. C’était une bien meilleure semaine.

Au final, le pouvoir de la DDP a transformé les problèmes de cette


famille. Les membres de la famille ont été incités à voir leurs difficultés
sous un nouveau jour. Le père, lors de ses propres séances de DDP,
a pu prendre conscience de son sentiment de honte et de rejet de la
part de son propre père, avoir de la compassion pour son jeune moi
sans compromettre la haute estime qu’il avait pour son père. Ce
faisant, il a pu ressentir la tristesse de ne pas avoir la proximité à
laquelle il aspirait lorsqu’il était enfant. Par la suite, John a été en
mesure d’identifier comment son propre fils aspirait à la même
connexion. Il a pu voir comment le fait de prodiguer des soins en
faisant preuve de compassion et d’attention pouvait renforcer son fils,
au lieu de considérer cela comme un signe de faiblesse. La clé du
changement dans ce cas a été de créer un nouveau récit pour John,
le père, en utilisant la DDP, qui a ensuite remplacé l’héritage patriarcal
et a ouvert la voie à John et Adam pour créer une nouvelle relation
plus satisfaisante.

CONCLUSION
Les preuves de l’efficacité de l’approche DDP ne cessent de
s’accumuler. Au cours des dix à quinze dernières années, plusieurs
études qualitatives et quantitatives ont été entreprises, ce qui a permis
de jeter les bases d’une recherche plus approfondie. Ces études ont
permis de développer le modèle DDP et de clarifier les questions de
recherche à approfondir. Certains résultats de la recherche actuelle
montrent que la DDP apporte un soutien aux parents adoptifs. Dans
une étude, le programme de travail de groupe « Nurturing
Attachments » développé par Kim Golding, membre du DDPI, a été
exploré dans le cadre d’un projet de recherche dirigé par le professeur
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Julie Selwyn. Vingt-neuf familles adoptives ont participé à cette étude


quantitative longitudinale, en remplissant des questionnaires et en
prenant des mesures validées avant et après la participation au
groupe. Les parents ont fait état de nombreux avantages liés à leur
participation et des changements significatifs ont été constatés. Une
autre analyse intéressante a été menée pour examiner la fonction
réflexive des parents sur cette cohorte et les liens avec leur
perception des difficultés de l’enfant. Une vue d’ensemble récente de
ces travaux est présentée au chapitre 11 de l’ouvrage collectif de
Hughes, Golding & Hudson (Hughes et al., 2019)1.

Notes
1. https://ddpnetwork.org/research/published-research/
Chapitre 14

Lifespan IntegrationTM (ICV) et


réparation de l’attachement

Joanna Smith

LIFESPAN INTEGRATIONTM — également connu en France sous


L E
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l’appellation ICV pour Intégration du cycle de la vie — est une


psychothérapie psycho-corporelle basée sur l’attachement et
également une thérapie de l’attachement, ce qui signifie qu’il tient
compte, dans sa conceptualisation de cas, de la place de
l’attachement dans la dynamique actuelle du client et qu’il vise,
souvent, à réparer l’impact d’expériences antérieures d’attachement
insécurisantes, voire désorganisantes.
Nous développerons ici brièvement en quoi consiste le Lifespan
IntegrationTM et comment il se propose de traiter un événement
perturbant d’une part, et les difficultés de régulation émotionnelle ou
blessures d’attachement et leurs conséquences d’autre part. Nous
développerons ensuite les aspects théoriques sous-jacents au
Lifespan IntegrationTM, pour ensuite expliciter comment le Lifespan
IntegrationTM se propose de traiter les traces laissées par les
expériences insécurisantes d’attachement, à travers la relation avec le
thérapeute mais aussi le traitement de souvenirs précis, notamment
grâce à la technique du reparentage. Nous terminerons ce chapitre
par des considérations sur la notion d’attachement sécure acquis en
psychothérapie et les perspectives.
DESCRIPTION DU LIFESPAN INTEGRATIONTM
Le Lifespan IntegrationTM a été découvert et développé par Peggy
Pace, une psychothérapeute américaine, à partir de 2002 (Pace,
2014). À la fin d’une séance où sa cliente reste régressée à l’âge d’un
traumatisme abordé ce jour-là, Pace a l’idée de demander à celle-ci
de se remémorer un souvenir datant de l’année suivant l’événement
traumatique, puis de l’année suivante, et ainsi de suite, jusqu’au
présent. Cette procédure progressive de voyage dans le temps aide
cette cliente à se réorienter dans le présent et à pouvoir quitter la
séance en toute sécurité. Pace découvre ensuite qu’en répétant ce
« voyage dans le temps » un certain nombre de fois au cours d’une
même séance, les clients éprouvent un soulagement de l’activation
déclenchée par l’événement marquant, voire traumatique, de départ.
Le Lifespan IntegrationTM était né.
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À partir de ce constat, Pace et ses collègues expérimentent


différentes manières d’appliquer la Ligne du temps, qui sont
aujourd’hui formalisées en une quinzaine de « protocoles » (Smith,
2017). Ces protocoles peuvent être divisés globalement en deux
types : ceux visant à traiter un événement marquant ou traumatique
(protocoles de réparation) ; ceux visant à consolider le soi, c’est-à-dire
proposant un travail de fond ayant pour objectif l’amélioration de la
régulation des émotions, de la bienveillance envers soi-même et de la
sécurité de l’attachement (protocoles de construction du soi).

▶ Les protocoles de réparation

Dans le premier cas, les protocoles de réparation, nous partons d’un


événement précis (de l’enfance ou de l’âge adulte), à partir duquel
nous allons dérouler, au cours d’une séance unique, la Ligne du
temps de manière répétée afin de permettre au système corps-esprit
du client de sentir que le temps a passé, et permettre d’intégrer la
mémoire traumatique qui, par définition, s’accompagne d’une
sensation de menace réelle dans le présent (le client sait que
l’événement est terminé, mais il ne le sent pas). Lors du traitement
d’un événement précis, il arrive fréquemment que, lorsque la peur
commence à diminuer, d’autres émotions émergent comme la colère,
le sentiment d’injustice ou de solitude… Nous allons alors associer un
exercice d’imagerie mentale à la Ligne du temps, au cours duquel le
client est amené à entrer dans la scène du passé tel qu’il est
aujourd’hui et, selon les cas, à y régler ses comptes (avec un
agresseur, avec ses parents…) et/ou à apporter à la personne qu’il
était à l’époque (enfant, ado, adulte) le réconfort qu’il n’a pas
suffisamment reçu. Cette dernière dimension, dite de « reparentage »,
est évidemment très inspirée par la théorie de l’attachement, nous y
reviendrons ci-après. Notons ici la particularité du Lifespan
IntegrationTM, qui permet le traitement d’un TSPT en une séance
unique (1 h 30 à 2 heures) et sans séances de stabilisation au
préalable (Rajan et al., 2020).
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▶ Les protocoles de construction

Dans le deuxième cas, les protocoles de construction du soi, nous


appliquons généralement la Ligne du temps sur l’ensemble de la vie,
au cours de séances répétées consécutives, afin d’aider le client à
prendre du recul sur les événements ayant constitué le cours de sa
vie, d’une façon globale. Ce travail génère souvent chez le client des
réactions émotionnelles variées, plus ou moins intenses (qui doivent
être modulées par le thérapeute) ainsi que des prises de conscience
sur sa vie, tant au niveau des relations que des schémas qui s’y
répètent. Il s’agit ici, au contraire des séances de réparation, de
séances répétées qui vont permettre d’observer l’évolution des
réactions du client au fur et à mesure des séances et des répétitions
de la Ligne du temps. Ce travail est très indiqué pour le traitement des
traumatismes complexes et des difficultés de régulation émotionnelle
ou liées à l’attachement (troubles anxieux, dissociatifs, capacités
d’attachement ou de caregiving perturbées…).
Dans les deux cas, on observe, au fur et à mesure des répétitions de
la Ligne du temps et des séances, une prise de distance avec les
événements et une reprise, le cas échéant, de la mentalisation, avec
une évolution, dans le cas du travail de construction du Soi, vers un
attachement sécure acquis.
Nous aborderons désormais les principaux aspects théoriques sous-
jacents afin d’illustrer comment différents aspects de la relation
thérapeutique, des protocoles et du processus permettent l’application
de la théorie de l’attachement, et la réparation de l’attachement.

ASPECTS THÉORIQUES
Le Lifespan IntegrationTM se base sur la théorie de l’attachement, les
neurosciences affectives, ainsi que sur la théorie polyvagale (Porges,
2021) et l’approche systémique. Il s’intéresse particulièrement à la
manière dont les 1 000 premiers jours de vie influencent le
développement cérébral, l’attachement et la régulation des émotions à
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l’échelle de la vie, à travers les expériences interpersonnelles


précoces et les processus de co-régulation (Smith, 2021; Smith et al.,
2019).

▶ Lifespan IntegrationTM et mémoire traumatique

Le Lifespan IntegrationTM s’appuie sur le constat que la


symptomatologie post-traumatique est issue d’une expérience du
temps qui n’est pas intégrée : la remémoration de l’événement
traumatique déclenche, au niveau cérébral, les réactions que
suscitent les situations de danger réel. L’événement n’est pas vécu
comme terminé, déjà surmonté, ni passé. La Ligne du temps vise à
pallier ce problème en faisant faire au patient l’expérience psycho-
corporelle de ce temps qui a passé entre l’événement et aujourd’hui.
Ceci peut tout aussi bien s’appliquer aux expériences d’insécurité
d’attachement ou d’adversité survenue au cours de la période
préverbale, dans la mesure où tant le système de stress que la
mémoire implicite sont opérationnels dès la fin de la grossesse.
L’hypothèse soutenue par le Lifespan IntegrationTM consiste à
considérer que la Ligne du temps peut également relancer cette
« sensation du temps qui a passé » à partir des expériences
préverbales stockées en mémoire implicite, même si non accessibles
à la remémoration consciente.

▶ Lifespan IntegrationTM et imagerie mentale

Dans certains protocoles, le Lifespan IntegrationTM va associer à la


répétition de la Ligne du temps des propositions de reparentage,
utilisées également dans d’autres modalités thérapeutiques, qui vont
être réalisées en imagerie mentale. Le thérapeute va proposer au
client d’entrer dans la scène du passé pour prendre soin de lui-même
et réparer à l’égard de son « moi enfant » ce qui lui a manqué de la
part de ses figures d’attachement. Ce reparentage ne sera possible
que si le client ressent un minimum de bienveillance envers lui-même.
Dans le cas contraire, un travail plus profond de reparentage, par le
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thérapeute cette fois, sera nécessaire afin de permettre le


développement de cette bienveillance envers soi-même.
Ces exercices d’imagerie mentale se basent sur les études en
neurosciences indiquant qu’imaginer et vivre « pour de vrai » activent
les mêmes zones au niveau cérébral, simplement avec moins
d’intensité dans le cas de l’imagination. Nous espérons donc, avec les
exercices de reparentage imaginaire, faire faire l’expérience au patient
du parentage sécurisant dont il a manqué et, ainsi, remanier ses
modèles internes opérants. Ceci est d’autant plus plausible que les
recherches en neurosciences indiquent que les modèles mentaux
reposent sur les mêmes localisations cérébrales qui soutiennent la
perception, l’action, la proprioception et l’intéroception (Bretherthon &
Munholland, 2016).

LIFESPAN INTEGRATIONTM ET EXPÉRIENCE CORRECTRICE


D’ATTACHEMENT

Le Lifespan IntegrationTM vise à réparer l’attachement du patient par


deux biais principaux : l’expérimentation d’une relation d’attachement
sécurisante avec le thérapeute, basée notamment sur la notion
d’accordage et la compréhension de la relation thérapeutique à la
lumière de la théorie de l’attachement, et les moments d’imagerie
mentale associés à la Ligne du temps.

▶ L’expérience d’une relation sécurisante : l’accordage du


thérapeute

Définition de l’accordage
Nous émettons l’hypothèse que l’efficacité du Lifespan IntegrationTM
est liée à trois facteurs combinés : la Ligne du temps bien sûr, sa
répétition (suffisamment de répétitions, avec la bonne quantité de
souvenirs, et un rythme adapté) et l’accordage du thérapeute à son
client (le thérapeute ne répète pas la Ligne du temps comme un
perroquet, il est attentif à l’état émotionnel du client et à la qualité de
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la relation).
Par accordage, nous faisons référence à une notion un peu différente
de l’accordage affectif d’une mère à son bébé, décrit par Stern (1989).
Il s’agit ici de l’accordage au sens où l’entend la neurobiologie
interpersonnelle (Siegel, 1999), un état régulier (mais discontinu) de
synchronie physiologique entre thérapeute et client permettant à ce
dernier de se « sentir senti ». Ceci repose, chez le thérapeute, sur une
« capacité à entendre, voir, percevoir, interpréter et répondre aux
signaux verbaux et non verbaux du client d’une manière qui permette
à ce dernier de se sentir authentiquement vu, senti, et compris »
(Wylie & Turner, 2011, p. 8). Ce concept correspond au « changement
de paradigme » décrit notamment par Allan Schore au sujet de la
psychothérapie et des disciplines connexes, qui amène, depuis une
vingtaine d’années, les recherches à évoluer d’un intérêt centré sur un
travail psychothérapeutique intrapersonnel verbal, conscient et
logique vers une psychothérapie caractérisée par les échanges
interpersonnels non verbaux et inconscients. Il s’agit de se pencher,
en quelque sorte, sur ce qui, dans la relation, « soigne », en
comprenant notamment pourquoi et comment.
Ici, nous nous pencherons sur la manière dont cette dimension
relationnelle essentielle des psychothérapies s’applique au Lifespan
IntegrationTM, avec deux particularités qui rendent cette réflexion
indispensable :
D’une part, comme le Lifespan IntegrationTM a recours à des
« protocoles », il est particulièrement important d’être attentif à ce que
l’application de ces protocoles ne se fasse jamais au détriment de la
qualité de la relation (et plutôt le contraire, comme développé ci-
dessous). L’usage de protocoles, surtout pour les thérapeutes
débutants en Lifespan IntegrationTM, pourrait faire perdre de vue le
client, à cause des questions techniques. Le thérapeute en Lifespan
IntegrationTM doit donc faire face à un apparent paradoxe : appliquer
des protocoles en faisant du sur-mesure, moment après moment.
D’autre part, l’une des indications du Lifespan IntegrationTM est
notamment le traitement du traumatisme complexe, trouble
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généralement sous-tendu par d’importantes expériences préverbales


d’insécurité voire de désorganisation de l’attachement, c’est-à-dire
des moments répétés et éprouvants au cours desquels le client, tout-
petit, ne s’est pas suffisamment senti vu, compris, perçu et traité
comme important. L’application d’un protocole ne devrait en aucun
cas amener le client à refaire une expérience de ce type, qui risquerait
de le retraumatiser.

Manifestations de l’accordage en Lifespan IntegrationTM


Comme tout psychothérapeute basé sur la théorie de l’attachement, le
thérapeute en Lifespan IntegrationTM va être amené à repérer les
dynamiques d’attachement actuelles de son client, notamment la
manière dont il adresse au thérapeute sa demande d’aide (voir à ce
sujet le chapitre 2, p. 51). L’objectif est de pouvoir s’ajuster au profil
du client afin de l’amener à progresser petit à petit (par exemple, aider
un client plutôt évitant à s’engager davantage émotionnellement et
dans la thérapie).
L’accordage dans le plan de traitement
Le Lifespan IntegrationTM implique également l’élaboration d’un plan
de traitement : choisir par quel type de protocole commencer, quels
événements traiter en premier ou plus tard, par exemple. L’accordage
du thérapeute s’applique ici tant aux informations qu’il va donner au
client en termes de psycho-éducation (sur la mémoire traumatique par
exemple), qu’à la manière dont il va les fournir (métaphores,
explications « rationnelles », renvoi vers des lectures scientifiques ou
grand public, vidéos…) et aux propositions de plan de traitement en
tant que tel qui en découlent. Le plan de traitement est coconstruit
avec le client, il est important que ce dernier le comprenne et soit
d’accord avec son déroulé. Ceci est plus délicat qu’il n’y paraît,
puisque, dans les cas de traumatisme complexe, la capacité à
consentir et à refuser a souvent été sévèrement altérée par les
antécédents relationnels traumatiques. Il s’agit donc de recueillir
l’accord du client tout en étant très attentif aux éventuelles
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manifestations non verbales pouvant témoigner de résistances, et


d’aborder celles-ci sans tarder et de manière explicite mais
bienveillante (pour davantage d’éléments sur ce point, se reporter au
chapitre 5 du présent ouvrage, portant sur l’alliance thérapeutique
dans le traumatisme complexe). Bien sûr, le plan de traitement peut
être remanié au besoin, en fonction de l’évolution du client et de ses
priorités.

Illustration clinique
Thérapeute et cliente n’ont pas la même interprétation de la cause des difficultés
de la cliente.
Fabienne, 55 ans, consulte en raison de sa procrastination qui dure depuis de
nombreuses années. Elle s’est résolue à consulter à la suite d’un coaching
professionnel qui a échoué par rapport à cette difficulté. Les tâches qu’elle « rechigne à
faire » apparaissent rapidement, au cours de l’anamnèse, comme des tâches qu’elle a
été contrainte de réaliser dans son enfance et son adolescence, par des parents plutôt
coercitifs et punitifs. Plutôt évitante dans sa manière de solliciter l’aide de sa
thérapeute, elle idéalise ses parents et banalise la coercition qu’elle a subie. Lorsque la
thérapeute l’interroge sur l’origine de ses difficultés selon elle, Fabienne explique
qu’elle a divorcé il y a trois ans et que son mari l’a toujours dévalorisée. Elle pense que
sa procrastination est liée au manque de soutien de son mari au cours de leurs vingt-
cinq ans de mariage (ce qui apparaît effectivement à la thérapeute comme un facteur
probable d’entretien voire d’aggravation de la procrastination). La thérapeute va devoir
s’adapter à cette vision du monde qu’a la cliente de ses difficultés, tout en étant
honnête par rapport à sa propre compréhension de celles-ci. Elle propose donc à la
cliente, dans un premier temps, de traiter les principaux événements ayant marqué la
relation de la cliente à son mari (notamment dans le sens de la dévalorisation), afin de
voir quels changements ce travail apporte à ses difficultés. Elle précise néanmoins que,
dans son cas, il est possible qu’avoir été contrainte à ces mêmes tâches dans son
enfance et son adolescence ait pu la « dégoûter », et que ce sentiment de contrainte
persistant soit à l’origine des difficultés que la cliente rencontre actuellement. Ainsi, si
les protocoles portant sur la relation avec son mari n’apportent que peu de changement
ou ne permettent pas de résoudre entièrement le problème (ce qui est une possibilité),
alors une réorientation du plan de traitement vers l’enfance ou l’adolescence paraîtra
justifiée. Si la cliente est encore réticente à travailler sur son enfance à ce stade, la
thérapeute pourrait proposer quelques séances de construction du soi (entre cinq et
dix, par exemple), à l’essai, afin que la cliente puisse constater par elle-même ce
qu’elle en tire, sans pour autant s’engager d’emblée dans un travail thérapeutique au
long cours (en lien avec sa manière évitante de demander de l’aide, et dans l’espoir de
progresser vers une distance thérapeutique plus optimale, voir Mallinckrodt et al.,
2009).

L’accordage dans l’application des protocoles


Comme précisé précédemment, qui dit protocole ne dit pas pour
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autant application rigide d’une procédure. Au contraire, il s’agit


d’ajuster le protocole aux besoins du patient, à son rapport au monde
et à son état émotionnel, en prenant régulièrement son feed-back et
en en tenant compte.

Illustration clinique
Une cliente souffrant de traumatisme complexe s’oppose à une proposition
thérapeutique.
Maryse, 35 ans, est en thérapie par Lifespan IntegrationTM car elle souffre de
difficultés émotionnelles liées à un traumatisme complexe (notamment trouble anxieux
généralisé, trouble panique, troubles du sommeil, et symptomatologie traumatique en
lien avec des antécédents de victimisation sexuelle intra-familiale). Lors d’un protocole
de construction du soi, nous passons en revue l’ensemble de sa vie dans ses grandes
lignes, depuis sa naissance. Voyant que Maryse se fige dès la première répétition de la
Ligne du temps, sa thérapeute lui propose de marcher pendant la Ligne du temps et de
s’étirer lors des pauses entre les Lignes du temps, afin de favoriser une activation du
système sympathique et de sortir ainsi du figement.
Pourtant, Maryse, avec laquelle l’alliance thérapeutique est habituellement bonne,
semble résister à ces propositions, même si elle semble avoir compris que ces
propositions visent à augmenter l’expérience de sa sécurité dans le présent versus le
figement du passé et bien qu’elle y ait verbalement consenti. Lorsque la thérapeute lui
demande si une partie d’elle est gênée par la proposition de marcher ou de s’étirer,
Maryse confirme que se conformer à une consigne revient pour elle à se soumettre à
une figure d’autorité. Ceci souligne que le style directif de la thérapie a activé une
dimension de désorganisation de l’attachement chez cette cliente. En Lifespan
IntegrationTM, nous faisons face de manière originale à de telles manifestations de
transfert. La thérapeute explique à Maryse que la dernière chose qu’elles voudraient
faire toutes deux serait de retraumatiser une partie de Maryse. La thérapeute
réexplique à Maryse ce dont son corps et son système nerveux auraient
vraisemblablement besoin afin de l’aider à sortir de son expérience de figement
(bouger, s’étirer, marcher… par exemple), et qu’il faudrait qu’ensemble elles trouvent
de quelle manière Maryse pourrait mobiliser son corps pour sortir du figement, sans
pour autant avoir le sentiment de se soumettre à un ordre de la thérapeute. Maryse
réfléchit et explique que si elle s’étire derrière son châle grand ouvert et que la
thérapeute ne la voit pas, cela devrait être possible. Cette solution est donc testée au
cours de la répétition suivante, puis un feedback à la fin de la Ligne du temps permet
de voir si la solution convient, et de réajuster si nécessaire. Maryse semble
effectivement moins figée et dit que se cacher pour s’étirer l’a beaucoup aidée. La
séance se poursuit ainsi.

D’une manière générale, il s’agit d’aller rejoindre le client là où il en


est pour l’amener dans une direction de développement plus optimale,
y compris dans la relation thérapeutique. Le travail de protocoles et de
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répétition de la Ligne du temps ne fonctionne que parce que le


thérapeute est accordé, autrement dit, la présence d’une expérience
relationnelle correctrice minimale est le préalable au bon déroulement
des protocoles, même si ces derniers peuvent améliorer en retour la
qualité de l’alliance thérapeutique, notamment par la réparation des
expériences relationnelles adverses de l’enfance.

Le thérapeute sous l’angle de l’attachement en Lifespan


Integration
Au-delà de l’accordage, comme dans toute psychothérapie basée sur
l’attachement, le Lifespan IntegrationTM respecte les principes
inhérents à la théorie de l’attachement pour ce qui concerne son
application à la thérapie, tels que Bowlby les avait déjà formulés dès
1988 : le thérapeute doit fournir au client une base de sécurité ;
soutenir l’exploration de ses relations actuelles et de la relation
thérapeutique en lien avec son passé relationnel antérieur,
notamment infantile, encourager le client à comprendre les liens entre
ses attentes et représentations actuelles et son histoire infantile, en
particulier dans la relation à ses parents et, enfin, rendre le client
capable de reconnaître si ses attentes ou représentations sont
appropriées aujourd’hui, afin de s’en affranchir le cas échéant
(Bowlby, 1988b). Nous aborderons ici comment ces principes se
traduisent dans la pratique du Lifespan IntegrationTM.
● Fournir une base de sécurité au client : en psychothérapie, la
notion de base de sécurité fait référence à un ensemble de
conditions déployées par le thérapeute face à la demande d’aide du
patient et aboutissant à un apaisement psychophysiologique de ce
dernier, soutenant l’exploration (curiosité, ouverture, découverte…).
Du côté du thérapeute, il s’agit de fournir au client un contexte dans
lequel il se sente suffisamment en sécurité pour pouvoir explorer,
c’est-à-dire envisager ses difficultés sous un angle nouveau,
remettre en cause sa perception de certains événements ou de
certaines personnes, ou encore expérimenter de nouvelles
manières d’être ou de se sentir, notamment au sein de l’espace
thérapeutique. Pour cela, le thérapeute doit faire preuve d’un
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certain nombre de qualités liées à un caregiving sécurisant (pour


plus de détails à ce sujet, voir le chapitre 18, p. 309). En Lifespan
IntegrationTM, le thérapeute, en demandant au client son feedback,
en fournissant des informations sous forme de psycho-éducation,
incite le client à explorer et se comporte comme une base de
sécurité. Dans la mesure où le rythme de lecture de la Ligne du
temps a un impact sur le niveau d’activation ou d’apaisement
émotionnel qu’il produit chez le client, il est probable que la manière
dont la Ligne du temps est lue par le thérapeute contribue
également à l’expérience de base de sécurité. En effet, les clients
évoquent régulièrement qu’une lecture rapide de la Ligne du temps,
lorsqu’ils sont en détresse, les aide à se sentir « soutenus, portés »
par le thérapeute. Le thérapeute peut également accroître cet
aspect en manifestant son soutien au client durant les moments
émotionnellement intenses des protocoles par des commentaires
comme : « Tout cela est fini depuis très longtemps », « Je suis avec
vous, nous allons vous tirer de là », « Restez aussi présent avec
moi que possible pendant que nous passons en revue votre Ligne
du temps », « Je vois que c’est dur, je suis avec vous », etc., tout
en poursuivant la lecture de la Ligne du temps sur un rythme
soutenu. D’une manière générale, le thérapeute veille à maintenir le
client dans un état émotionnel tolérable au cours des séances (en
référence à la notion de fenêtre de tolérance, Siegel, 1999), ce qui
correspond également au rôle de base de sécurité. Enfin,
lorsqu’une séance a été difficile (par exemple, lors d’un protocole
portant sur du matériel traumatique), le thérapeute en Lifespan
IntegrationTM demande à son client de lui donner un feedback trois
ou quatre jours environ après la séance, afin d’évaluer s’il y a eu un
après-coup particulier (difficile ou apaisé au contraire), ce qui
permet de réajuster, si besoin, pour les séances ultérieures. Le
thérapeute explique à son client qu’en cas d’inquiétude, le client
peut le contacter avant ce délai, mais que, dans tous les cas, en
l’absence de feedback du client après trois ou quatre jours, le
thérapeute s’autorisera à prendre de ses nouvelles (et le fera bien
sûr). Il s’agit là encore d’une manière qu’a le thérapeute d’être
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fiable et responsable et permettant de favoriser son rôle de base de


sécurité.
● Soutenir l’exploration par le client de ses relations actuelles :
le Lifespan IntegrationTM propose différentes manières d’explorer
les relations actuelles qui peuvent aller d’un protocole centré sur
une relation vécue à l’âge adulte (avec une Ligne du temps
spécifique à la relation avec un conjoint ou ex-conjoint, un collègue,
une amie, ou même l’un de ses propres enfants…) à l’utilisation du
« pont d’affect », une technique issue de l’hypnose et permettant de
faire émerger, à partir des sensations corporelles liées à une
difficulté du présent, un ou plusieurs souvenirs sous-jacents
(Watkins, 1971).
● Soutenir l’exploration par le client de ce qui se joue dans la
relation thérapeutique, et notamment des liens avec son histoire
d’attachement, amener le client à revisiter ses modèles internes
opérants : si le Lifespan IntegrationTM cherche plutôt à développer
une relation de collaboration qu’une relation de transfert, il n’en
résulte pas moins que, comme dans toute psychothérapie, les
phénomènes transférentiels peuvent s’inviter dans la relation. Le
travail des parties, tel qu’exposé notamment dans le chapitre du
présent ouvrage consacré à l’alliance thérapeutique dans les
traumatismes complexes (chapitre 5), est d’une grande aide ici. Il
permet au thérapeute de relancer l’exploration du client quant à ses
processus intérieurs de façon moins frontale que dans les
modalités thérapeutiques traditionnelles. En effet, le transfert est
compris comme une interprétation subjective qu’une partie du
patient fait du présent, à partir d’enjeux émotionnels non résolus.
Pour reprendre l’exemple de Maryse, cité ci-dessus, le thérapeute
pourrait dire, non pas « vous vous sentez contrôlée par moi lorsque
je vous donne une consigne, comme vous vous sentiez contrôlée
par votre père » mais, « une partie de vous semble revivre quelque
chose de douloureux quand je vous propose une consigne. Je vois
bien que vous ne doutez pas de ma bienveillance, et moi je ne
doute pas que vous fournissez des efforts et que vous voulez aller
mieux. Et si nous essayions ensemble de comprendre ce qui se
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passe à cet endroit de vous : avez-vous une idée de la manière


dont il décode la situation, et comment nous pourrions faire pour
l’aider ? ».
● Rendre le client capable de reconnaître si les représentations
qu’il a de lui ou des autres sont appropriées ou non dans le
présent : le travail avec la Ligne du temps amène typiquement ce
genre de prise de conscience chez le client. Les commentaires des
clients émergent souvent spontanément à ce sujet, comme si, une
fois le passé douloureux résolu, le client était à même de revisiter
ses modèles internes opérants de façon spontanée et adaptée,
sans que cela passe par une sollicitation particulière de la part du
thérapeute.
Enfin, dans une certaine mesure, il est souhaitable que toute relation
thérapeutique, quelle que soit l’obédience du thérapeute, permette au
patient, s’il en a besoin, de faire cette expérience relationnelle
« correctrice » d’un donneur de soins sécurisant, dont nous avons
décrit ici les déclinaisons dans le contexte du Lifespan IntegrationTM.
Nous émettrons l’hypothèse que cette expérience « correctrice » avec
le thérapeute va permettre la création de réseaux neuronaux
nouveaux, pouvant faire concurrence à une façon plus ancienne et
plus coûteuse de fonctionner, et incitant le client à remanier ses MIO,
surtout si l’expérience sécurisante avec le thérapeute est répétée et
qu’elle se consolide peu à peu dans la vie du client, au sein de ses
autres relations, en dehors des séances. Néanmoins, nous
considérons que cette expérience ne permet pas, le plus souvent, au
client d’intégrer ses expériences traumatiques d’attachement et que le
traitement spécifique de celles-ci est souvent nécessaire afin de
faciliter et de maximiser l’intégration de l’expérience « correctrice » au
sein de la relation thérapeutique.
En plus de l’accordage et de l’adaptation de la relation thérapeutique
aux principes de la théorie de l’attachement décrits ci-dessus, le
Lifespan IntegrationTM va donc également proposer, parmi ses
protocoles, un travail direct de réparation des expériences infantiles
d’attachement, perçues comme des enjeux émotionnellement non
résolus.
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▶ L’expérience correctrice à travers l’imagerie mentale


et le reparentage

La mémoire traumatique préverbale et l’impact des expériences


d’attachement adverses non résolues
Le Lifespan IntegrationTM s’appuie sur la notion de mémoire
traumatique pour comprendre comment les expériences préverbales,
dont nous ne gardons pas de souvenir explicite, peuvent, d’une part,
exercer un effet insécurisant plus tard dans la vie et, d’autre part, être
résolues en psychothérapie, par extension du travail sur la mémoire
traumatique « ordinaire », liée aux souvenirs explicites.
Bowlby (Bowlby, 1969b) décrit notamment comment les expériences
préverbales d’interactions avec les figures d’attachement contribuent
à l’élaboration des modèles internes opérants (MIO) qui visent à
simplifier le traitement des informations et à orienter le comportement
face à des situations inconnues, par extrapolation à partir des
expériences antérieures. Dans sa suite, Schore a largement contribué
à expliciter comment les expériences interpersonnelles entre le tout-
petit et ses figures d’attachement impactent le développement
cérébral, en particulier au niveau de l’hémisphère droit en plein
développement, au cours de la période des 1 000 premiers jours
(Schore, 1994, 2001, 2003, 2021, voir également chapitre 4, p. 81). Si
la figure d’attachement n’est pas sécurisante en termes
d’attachement, alors le tout-petit ne reçoit pas les expériences de
régulation interpersonnelle — régulation à la fois neurophysiologique
et affective — qui lui permettront de développer son cerveau de
manière optimale. Dans la plus adverse des configurations,
l’attachement désorganisé, la figure d’attachement est une source
active de dysrégulation et non pas simplement une mauvaise source
de régulation. Comme le stress touche essentiellement les zones
cérébrales en développement au moment où il survient, et que
l’hémisphère droit et la régulation des émotions sont en pleine
croissance au cours de la période préverbale, les expériences
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insécurisantes ou désorganisantes d’attachement impactent


directement le développement de l’hémisphère droit et donc la qualité
de la régulation émotionnelle ultérieure.

Le reparentage portant sur la période préverbale


En Lifespan IntegrationTM, nous allons chercher, grâce à la répétition
de la Ligne du temps, à montrer au système corps-esprit du client que
cette insécurité et cette vulnérabilité sont passées, ainsi qu’à lui
donner une expérience émotionnelle correctrice, grâce, notamment,
au reparentage.
Comme les expériences préverbales ne sont pas accessibles à la
mémoire explicite, nous allons faire imaginer au client comment cela
pouvait être pour lui d’être un bébé à différents stades de
développement, dans son environnement précoce de l’époque. Si le
client a connaissance d’événements adverses particuliers survenus
au cours de cette période, nous lui ferons peu à peu imaginer
comment il a pu se sentir, bébé ou tout-petit, dans cette situation (par
exemple, au cours d’un séjour en couveuse, d’une hospitalisation,
d’une séparation prolongée d’avec ses figures d’attachement, de la
naissance d’un puîné ou face à une décompensation maternelle du
post-partum…). Il ne s’agit pas d’imaginer une scène vue de
l’extérieure ou de construire un faux souvenir, mais d’observer les
sensations corporelles (les manifestations de stress) qui émergent à
cette évocation. Cette proposition déclenche souvent chez les clients
ayant des expériences d’attachement insécurisantes ou
désorganisées des réactions corporelles désagréables, diffuses, de
stress, plus ou moins intenses, qui s’apaisent au fur et à mesure des
répétitions de la Ligne du temps et des séances.
Comme toute expérience stressante, les événements adverses
survenant au cours de la période précoce sont susceptibles d’avoir un
impact sur le développement cérébral. Les figures d’attachement ont
notamment pour rôle de protéger, dans la mesure du possible, leur
enfant de l’adversité et, le cas échéant, de l’aider à s’en remettre en
favorisant sa régulation par des processus de co-régulation. Lorsqu’un
événement a été marquant (en période préverbale ou non) et qu’il
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n’est pas résolu lorsque le patient arrive en thérapie, alors on peut


raisonnablement en déduire que les figures d’attachement de l’époque
n’ont pas réussi à pleinement jouer leur rôle de co-régulateurs face à
cet événement. Il s’agira donc ici non seulement d’aider le patient à se
remettre de l’événement en question, mais aussi de la blessure
d’attachement qu’il a probablement expérimentée dans la relation à
des figures d’attachement insuffisamment sécurisantes face à cette
adversité.
Dans le cas des violences sexuelles, précoces ou plus tardives, cette
dimension est évidente : le client doit se remettre des violences qu’il a
subies, mais aussi, le plus souvent, de n’avoir eu personne qui les
voie, qui écoute le patient ou le soutienne de façon sécurisante, à
l’époque des faits. Ce serait alors une erreur de ne traiter que
l’agression et la relation à l’agresseur, et de ne pas réparer la blessure
que cet événement a causée au niveau de la relation d’attachement.
Le travail de réparation d’attachement consiste donc, en Lifespan
IntegrationTM, à amener le client à s’imaginer avoir de nouveau un
certain âge (les différents stades de développement précoces sont
abordés au cours de séances indépendantes) et à observer comment
il se sent émotionnellement et dans son corps à cette évocation. S’il y
a un inconfort, le thérapeute amène le client à entrer dans la scène de
l’époque pour aller chercher son petit « moi » du passé et l’emmener
dans le présent, dans un endroit agréable, où le client imaginera
prendre soin de ce tout-petit : il peut s’agir, par exemple, de donner de
la protection, de l’affection, de la sécurité, de la reconnaissance, de
l’émerveillement ou du soutien (Brown & Elliott, 2016). Ces moments
d’imagerie mentale sont alimentés par des propositions du clinicien
(« Voyez si vous auriez envie de prendre Émeline bébé dans les bras,
de la bercer, de la regarder dans les yeux, ou de lui dire que vous
serez toujours là pour la protéger… ») et alternent avec des moments
de répétition de la Ligne du temps. Ces derniers semblent faciliter
l’intégration des émotions douloureuses comme passées et
l’assimilation de l’expérience réparatrice de reparentage émanant du
client adulte.

Le reparentage portant sur les souvenirs explicites (enfance,


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adolescence, âge adulte)


Nous appliquons la même stratégie de reparentage associé aux
répétitions accordées de la Ligne du temps lorsqu’il s’agit d’intégrer
des événements plus tardifs, survenus au cours de l’enfance, de
l’adolescence ou même de l’âge adulte, accessibles cette fois en
mémoire explicite. Le patient se remémore l’événement à traiter,
s’imagine entrer dans la scène tel qu’il est aujourd’hui et aller prendre
la défense de son moi plus jeune, ainsi qu’en prendre soin, avec le
soutien du thérapeute si besoin. Le thérapeute l’invite ensuite à
s’imaginer montrer à son moi plus jeune comment le temps a passé
jusqu’à aujourd’hui, et cette procédure est répétée jusqu’à ce que
l’événement source ne génère plus de sensations corporelles
désagréables et que le moi plus jeune se comporte comme sécure
dans l’imagerie mentale (il n’est plus agrippé, plus en détresse,
explore la vie d’aujourd’hui, etc.).
Lorsque la bienveillance du client envers son Moi plus jeune (bébé,
enfant, adolescent ou adulte) n’est pas acquise, le plan de traitement
va se concentrer sur des protocoles portant sur la période préverbale,
notamment des protocoles permettant au client de s’imaginer être
bébé et recevoir une expérience de parentage sécurisant de la part de
son thérapeute (Pace, 2014 ; Smith, 2017). Ceci permettra au client,
dans un temps ultérieur de la thérapie, de bénéficier de séances où il
sera lui-même capable d’aller prendre soin de son moi plus jeune à
différents âges.

▶ Application auprès des enfants et de leurs parents

Bien que cet ouvrage porte sur la psychothérapie des adultes, il


semble utile d’évoquer brièvement la philosophie de prise en charge
thérapeutique des bébés, enfants et adolescents en Lifespan
IntegrationTM, car elle implique un travail avec les parents. En effet, la
perspective de la neurobiologie interpersonnelle, attachementiste et
systémique, du Lifespan IntegrationTM nous amène à considérer que,
lorsqu’un enfant présente des symptômes, il peut être utile de soutenir
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ceux qui sont en charge de sa régulation au quotidien. Il peut s’avérer


utile d’examiner si les figures d’attachement sont en difficulté, voire
débordées face aux symptômes de leur enfant et si ces symptômes
font écho, chez l’un ou les deux parents, à un passé (deuil, trauma)
non résolu. La présence d’un passé non résolu chez la figure
d’attachement va alors devenir, dans la mesure du possible, la priorité
de la prise en charge, parfois avant même de rencontrer l’enfant.
Souvent, surtout si l’enfant est jeune (avant l’adolescence), ce travail
avec l’un de ses parents (ou les deux) va débloquer la situation et
diminuer de façon significative les symptômes de l’enfant qui peut
alors être vu, avec l’un de ses parents ou les deux, pour ses propres
séances, si besoin. La présence des parents lors des séances de
Lifespan IntegrationTM de l’enfant leur permet de jouer le rôle de base
de sécurité pour l’enfant, et ce, d’autant plus qu’ils ont travaillé eux-
mêmes à résoudre la problématique en question en amont, et sont
donc devenus davantage capables de se réguler et de réguler leur
enfant (Mann, 2017 ; Smith et al., 2019).
Autrement dit, les symptômes de l’enfant sont considérés comme un
signe potentiel de difficultés de régulation de l’enfant par ses figures
d’attachement, et la thérapie par Lifespan IntegrationTM préfère
restaurer les capacités de régulation des figures d’attachement et la
qualité du lien d’attachement entre l’enfant et ses parents plutôt que
de « traiter » l’enfant indépendamment, ce qui, en plus de ne pas
traiter le problème d’attachement, risquerait de rendre l’enfant mieux
régulé que ses figures d’attachement et donc de poser d’autres
difficultés.

LIFESPAN INTEGRATION ET ATTACHEMENT SÉCURE ACQUIS


Les expériences de protocoles de Lifespan IntegrationTM décrites ci-
dessus, qu’il s’agisse de la réparation d’événements par le biais de la
répétition de la Ligne du temps et d’un reparentage, ou d’un travail de
fond de construction du soi, semblent favoriser le développement d’un
attachement sécure acquis, en particulier lorsqu’ils touchent à la
période préverbale. Cliniquement, le Lifespan IntegrationTM semble
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favoriser une meilleure mentalisation, une amélioration de la


régulation émotionnelle, une meilleure capacité à demander de l’aide
lors de situations de détresse et une remise en question des modèles
internes opérants problématiques au profit de MIO plus souples et
plus adaptés au présent. Par exemple, des thérapeutes en Lifespan
IntegrationTM interrogés au cours d’une étude portant sur leur
expérience de cette approche auprès de leurs clients rapportent
comme effets thérapeutiques notamment l’amélioration de la
régulation émotionnelle, le développement de l’auto-détermination et
de l’assertivité, la connexion à soi, la prise de distance d’avec son
histoire (vécue comme plus continue) et l’accroissement du bien-être
et de l’acceptation (Rejil et al., 2020).
Plusieurs études sont en cours afin de tester l’efficacité du Lifespan
IntegrationTM tant dans le contexte du TSPT que du traumatisme
complexe. Une étude randomisée en double aveugle très
encourageante a déjà mis en évidence l’efficacité du protocole de
traitement du TSPT auprès de 33 femmes consultant suite à un
épisode de violence sexuelle (Rajan et al., 2020). Il serait
extrêmement intéressant d’étudier l’impact du Lifespan IntegrationTM
sur l’attachement du client dans le présent et sur la qualité de son
récit autobiographique à l’AAI.

CONCLUSION
Si l’efficacité du Lifespan IntegrationTM reste encore scientifiquement
à démontrer, elle n’en est pas moins cliniquement évidente.
L’évolution clinique favorable des clients ayant traité leurs
antécédents précoces d’attachement insécure ou désorganisé au
cours de séances de Lifespan IntegrationTM permet de mieux
comprendre l’impact potentiel de la période des 1 000 premiers jours
sur la psychopathologie à l’échelle de la vie. La collaboration entre
thérapeutes d’adultes, praticiens exerçant en périnatalité ou dans le
domaine de la petite enfance, ou encore entre thérapeutes et
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chercheurs, notamment en neurosciences, est une perspective


stimulante et réjouissante pour les années à venir. Gageons qu’une
telle collaboration permettra de comprendre plus précisément les
phénomènes possibles de remaniement des expériences adverses
d’attachement et des conditions permettant, au cours de la vie adulte
et plus particulièrement en psychothérapie, de développer un
attachement sécure acquis.
Chapitre 15

La thérapie centrée sur les


émotions (emotion-focused
therapy)
Denise Schiffmann

1970, la thérapie centrée sur les émotions —


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D
EPUIS LES ANNÉES
TCE (emotion-focused therapy — EFT) s’est développée sur la
base de travaux de recherche en psychothérapie (Elliott et al., 2003,
2013; Elliott & Greenberg, 2016; Rice & Greenberg, 1984) qui n’ont eu
de cesse de prouver scientifiquement l’efficacité de ce traitement. La
TCE pour les couples, EFT-C, a ensuite été développée à l’origine par
Greenberg & Johnson en 1988 (1988) puis par Greenberg & Goldman
en 2008 (2008). Après une brève description des principes de base de
la TCE, ce chapitre s’attachera à développer, dans un deuxième
temps, la manière dont la théorie de l’attachement est prise en compte
dans la TCE en thérapie individuelle.

PRÉSENTATION DE LA TCE
Fondamentalement humaniste, la TCE intègre différentes
psychothérapies telles que l’approche centrée sur la personne de Carl
Rogers (Rogers, 1951), la Gestalt de Frederick Perls (Perls et al.,
1951), le focusing de Eugene Gendlin (Gendlin, 1996), les thérapies
existentielles ainsi que l’approche systémique pour ce qui est de la
thérapie de couple. La grande originalité du professeur Leslie
Greenberg a été de comprendre intuitivement le rôle central des
émotions dans le fonctionnement humain : celles-ci constituent un
processus d’évaluation organique qui procure du sens dans la vie, de
la motivation pour se déterminer et un sentiment d’épanouissement et
de profonde congruence. Ainsi, depuis un demi-siècle ses fondateurs
n’ont eu de cesse, dans leurs travaux de recherche, d’examiner
comment et en quoi les émotions constituent un élément fondamental
des mécanismes de changement dans le traitement
psychothérapeutique. Les évolutions constantes de la TCE, se
référant aux théories contemporaines sur les émotions, ont nourri le
développement des principes de traitement et des interventions
thérapeutiques spécifiques, appelées tâches.
Du point de vue de la TCE, de concert avec la plupart des théoriciens
sur les émotions, les émotions se définissent comme des évaluations
automatiques de situations en lien avec des besoins (Ekman &
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Davidson, 1994; Elliott & Greenberg, 2021; Frijda, 1986). Elles


permettent à l’être humain de sentir et de discriminer minute après
minute ce qui est important et bon pour lui de ce qui ne l’est pas et
constituent par là même une boussole essentielle pour agir (Elliott &
Greenberg, 2021; Zajonc, 1980). Les émotions sont comme les
voyants rouges d’une voiture indiquant qu’il y a un besoin qui
nécessite de l’attention pour être traité. Selon Leslie Greenberg et ses
collègues (Greenberg et al., 2010; Greenberg & Paivio, 1997;
Pascual-Leone & Greenberg, 2007), l’accès au besoin insatisfait
contenu au cœur de l’émotion douloureuse la plus profonde constitue
l’un des moyens les plus efficients pour activer une émotion adaptée.
On peut imaginer transformer une honte intériorisée à la suite d’une
expérience d’humiliation en aidant un patient à accéder à son besoin
de validation, par exemple, et à le voir enfin satisfait. Dès lors qu’un
patient accède à ce besoin et en éprouve son entière légitimité, cette
expérience émotionnelle représente le terreau favorable pour activer
de la colère par rapport au traitement injuste ; le patient pourra alors
s’autoriser à exprimer sa colère enfin et peut-être son chagrin pour
tout ce qui lui a manqué et l’amener à vivre de l’auto-compassion à
son endroit (Greenberg, 2021).
Si les émotions sont centrales dans le fonctionnement humain, elles
peuvent s’avérer problématiques :
● du fait d’une régulation émotionnelle insuffisante (s’effondrer en
larmes à une seule remarque par exemple) ou excessive (inhiber
toute colère par exemple) ;
● du fait de réponses émotionnelles adaptées remplacées par des
réactions émotionnelles dites « secondaires » en TCE (rire
lorsqu’on se sent désemparé·e par exemple) ou par des réponses
primaires inadaptées (se sentir toujours profondément triste de
longues années après le décès d’un proche par exemple), voire par
des réponses émotionnelles instrumentales (feindre l’embarras
pour chercher à être excusé·e par exemple).
Enfant, on n’apprend ni à être triste, honteux, en colère, effrayé·e,
dégoûté·e ni à être joyeux·se et intéressé·e ; c’est bien ce qui est
acquis à travers l’expérience (entre autres la rencontre avec
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l’environnement dont les figures d’attachement) au cours du


développement qui rend triste ou joyeux. Ces expériences intérieures
activent ce que l’on appelle, en TCE, des schèmes émotionnels.
En réalité, plus que la crainte des émotions elles-mêmes, ce qui fait
peur c’est l’idée de ne pouvoir faire face aux expériences
émotionnelles douloureuses. Ainsi, les personnes s’en protègent
consciemment ou inconsciemment. Selon la TCE, le changement est
un processus qui résulte de l’approfondissement de l’expérience
émotionnelle. Dans une thérapie centrée sur le changement
émotionnel, l’objectif poursuivi est d’aider les patients à se sentir en
sécurité pour expérimenter en séance les émotions douloureuses
inadaptées et s’octroyer l’occasion de les transformer en émotions
adaptées et de leur donner un sens nouveau. Une émotion inadaptée
du point de vue de la TCE est une émotion dans laquelle une
personne se sent bloquée, sans possibilité d’agir pour satisfaire un
besoin. Une fois devenue adaptée, cette émotion permet de s’auto-
déterminer face aux situations et d’y répondre de façon ajustée. Faire
l’expérience d’une nouvelle réponse émotionnelle accordée au besoin
insatisfait vécu dans la situation d’origine représente la plus juste
illustration du changement en TCE.
Si l’on prend le cas d’une personne dépressive, celle-ci peut espérer
vivre un changement après avoir, en thérapie, dans un premier temps,
accédé à la peur et à la honte liées aux mauvais traitements subis de
la part d’un père abusif, par exemple, pour, dans un deuxième temps,
générer, toujours au cours du processus thérapeutique, une nouvelle
réponse émotionnelle face à cette ancienne situation. Parmi les
nouvelles réponses, on peut compter une adaptation, une colère
affirmée face au traitement abusif, une tristesse face à la perte et/ou
de la compassion envers soi-même pour la souffrance endurée.
Grâce à ce processus expérientiel de changement émotionnel, la
personne développe un répertoire émotionnel plus large, enrichi de
nouvelles réponses affectives, cognitives et comportementales. Au
cours de ce processus de changement, les souvenirs émotionnels
fondamentaux liés à la situation abusive d’origine deviennent
accessibles et peuvent être à nouveau vécus en séance, ici et
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maintenant, dans cet environnement inédit avec un thérapeute


chaleureux, bienveillant et authentique, accordé empathiquement à
l’affect du patient, ce qui génère un nouveau sentiment de calme. En
outre, le thérapeute TCE attire l’attention du patient sur des aspects
de son expérience qui étaient comme passés sous silence jusqu’alors,
tels que la colère face au traitement abusif et la tristesse liée à la
perte d’une enfance sereine et épanouie, par exemple (Greenberg &
Elliott, 2012). Le travail thérapeutique doit apporter à la fois sécurité et
nouveauté, minute après minute, et créer des situations ici et
maintenant qui encouragent et favorisent ces nouvelles réponses
adaptées. Le changement thérapeutique en TCE est le résultat de la
transformation d’une émotion par une autre émotion (Greenberg,
2002, 2011).
Pour favoriser l’approfondissement émotionnel indispensable au
changement en TCE, le traitement thérapeutique va comprendre
certaines étapes : prise de conscience, symbolisation en images ou
en mots, régulation, expression, élaboration et transformation. Il est
important de noter que, si toutes ces étapes sont essentielles, elles ne
sont pas à suivre dans une séquence linéaire. Pour les approches
humanistes et expérientielles, le changement est une expérience
correctrice qui se concrétise dans la manière de se sentir et donc de
réagir et de penser (Greenberg & Elliott, 2012). La TCE s’attache à
transformer les expériences émotionnelles intrapersonnelles (de soi
avec soi) et les expériences émotionnelles interpersonnelles (de soi
en interaction avec les autres). La pratique de la TCE se fonde sur
des principes fondamentaux qui se scindent en deux catégories : des
principes relationnels d’une part et des principes d’interventions
répertoriées en tâches. Le thérapeute TCE va à la fois suivre et guider
le patient dans son processus de changement.
Du point de vue de la relation et a fortiori avec les patients souffrant
de troubles liés à l’attachement, le thérapeute TCE s’emploiera à
construire une alliance thérapeutique sécure, un accordage
empathique avec le patient, pour œuvrer en faveur d’une collaboration
avec ce dernier. On pourra constater que les difficultés relationnelles
avec le thérapeute sont souvent le reflet de difficultés liées à
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l’attachement.
Pour être productive, cette relation thérapeutique va se conjuguer
avec de nombreuses tâches parmi lesquelles nous citerons celles qui
sont plus spécifiquement impliquées, dans les problématiques liées
aux troubles de l’attachement : des réponses empathiques (inspirées
par l’approche centrée sur la Personne), le dialogue avec la chaise
vide (tâche issue de la Gestalt) et l’auto-parentage compassionnel.

LA TCE POUR LES INDIVIDUS ET L’ATTACHEMENT


En TCE, l’attachement est abordé d’une part, par les principes
relationnels de la TCE et, d’autre part, par les tâches TCE.
Comme Greenberg et Goldman l’ont mis en exergue, dans la TCE,
l’attachement est l’une des deux dimensions fondamentales des
relations interpersonnelles et intrapersonnelles de l’être humain avec
l’identité. Étant donné que la taxonomie des émotions est l’une des
spécificités de la TCE, il nous apparaît alors intéressant de tenter de
discriminer les émotions plutôt liées à l’attachement de celles plutôt
liées à l’identité.
▶ Les émotions attachement-pertinentes

Il semble que la tristesse, le sentiment de solitude, la peur, la honte, la


culpabilité et le sentiment d’abandon sont souvent liés à
l’attachement, de même que l’auto-compassion, issue de la
compassion de la part de la figure d’attachement. La vulnérabilité de
l’enfant active la compassion de la figure d’attachement qui participe
au processus d’apprentissage de la régulation émotionnelle au cours
du développement. En amenant le patient à développer l’auto-
compassion, le thérapeute tente de l’aider à devenir une figure
d’attachement pour lui-même et ainsi une ressource indéfiniment
disponible, favorisant son autonomie émotionnelle pour faire face aux
situations.
La TCE considère la totalité du continuum de l’attachement :
l’attachement positif mais aussi l’attachement négatif qui s’exprime
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sous forme d’attaque provenant de la personne elle-même ou de


tierces personnes. Il s’agit d’une dimension bipolaire qui va de l’amour
à la haine, la haine étant considérée comme une forme
d’attachement.
D’autres émotions comme la fierté, la colère permettant de mettre des
limites, la curiosité liée à l’exploration, la surprise, le dégoût, la honte
semblent plutôt appartenir à la dimension de l’identité ; il est
intéressant de souligner toutefois que les recherches TCE sur
l’anxiété sociale semblent indiquer que la souffrance fondamentale qui
se cache derrière la honte relève en fait d’un sentiment d’abandon et
d’un profond sentiment de solitude. Dans la continuité de nombreux
auteurs, Leslie Greenberg et Rhonda Goldman (2008) mettent en
exergue le besoin pour chaque personne de ressentir une
cohérence intérieure, d’agentivité, de maîtrise ou de contrôle.
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Figure 15.1. Le continuum des émotions en termes


d’attachement et d’identité.
Adapté de l’analyse structurelle du modèle comportemental social
introjecté (SASB) de Loma Smith Benjamin.

Bien sûr, la complexité des émotions place celles-ci sur un continuum


entre attachement et identité plutôt que dans une distinction
dichotomique, comme l’illustre la figure 15.1.
Cette tentative de discriminer les émotions liées aux deux dimensions
que sont l’identité et l’attachement ne peut toutefois faire l’économie
de rappeler la complexité des processus émotionnels à l’œuvre dans
toute souffrance psychique. Certaines émotions sont liées de façon
prédominante à la dimension de l’attachement, d’autres semblent
naturellement plus orientées vers l’identité, mais la plupart des
émotions peuvent être activées dans des situations et autour de
questions où attachement et identité s’entremêlent.

▶ L’attachement et les principes relationnels de la TCE

Un des aspects qui caractérise la TCE, en tant que thérapie


humaniste, est celui de favoriser l’auto-détermination de la personne
(son agentivité selon le concept du psychologue américain Albert
Bandura). Du fait de sa position potentielle de pouvoir à l’égard du
patient, le thérapeute est très engagé tout en étant très respectueux
de l’autonomie et de l’auto-détermination du patient, au sein d’un lien
accordé. Ce terreau favorise un environnement sécurisé pour le
patient et permet de le guider dans l’expression de ses ressentis afin
d’approfondir puis transformer son expérience émotionnelle
douloureuse.
Sur la base du paradigme relationnel contemporain qui a émergé
dans le monde de la psychothérapie dans les années 1980 et qui a
intégré les travaux de Bowlby, Fairbairn, Sullivan et d’autres penseurs
psychanalytiques (Greenberg & Mitchell, 1983), la TCE considère que
les souffrances profondes d’un patient ont pour origine des conflits
interpersonnels créés par des schèmes intériorisés (c’est-à-dire
modèles de travail internes dynamiques) évoluant à partir de relations
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précoces. Plus précisément, la TCE considère que les personnes qui


ont grandi dans des environnements qui ne répondaient ni à leurs
émotions ni à leurs besoins de façon adaptée, en arrivent à s’attendre
à des réponses non accordées de la part d’autrui. L’individu
développe un schème intériorisé de peur, de tristesse ou de honte lié
à des besoins insatisfaits de sécurité, de réconfort et de validation.
Ces émotions représentent la base du développement de schèmes
relationnels supérieurs entre la personne et autrui. Par exemple dans
ces schèmes, la personne peut se sentir seule ou effrayée et
percevoir la tierce personne comme étant celle qui l’abandonne ou la
menace ; ou la personne peut se sentir persécutée ou humiliée et
percevoir la tierce personne comme étant celle qui la persécute ou
l’humilie. La peur, la tristesse ou le sentiment de solitude peuvent
conduire à craindre qu’une personne proche finisse par ne plus être
réceptive et/ou finisse par quitter ou dominer, contrôler ou menacer.
Ces réponses émotionnelles inadaptées intériorisées constituent la
base des réponses interpersonnelles.
Comme nous venons de le voir, la relation thérapeutique du point de
vue de la TCE joue un rôle primordial dans le processus de
changement :
● elle est à la fois curative en elle-même, en tant qu’expérience
correctrice en termes d’attachement ;
● elle rend aussi possible d’autres processus plus curatifs,
notamment celui de l’approfondissement émotionnel et, ensuite,
celui de la transformation.
Le thérapeute TCE fait preuve d’une double compétence : être
activement présent et accordé au patient. Cet accordage consiste à
suivre les processus émotionnels à l’œuvre au sein de la relation tout
en intervenant pour guider et faciliter activement la transformation par
le truchement de tâches spécifiques.
Nous allons maintenant examiner comment des tâches spécifiques
TCE servent les problématiques liées à l’attachement : parmi ces
tâches on évoquera les réponses empathiques, la tâche du dialogue
avec la chaise vide (tâche issue de la Gestalt) et celle l’auto-
parentage compassionnel. Il est important de souligner que les
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travaux de recherche TCE ont permis d’identifier des marqueurs, des


indices particuliers, liés à des tâches spécifiques indiquant au
thérapeute qu’il peut proposer cette intervention au patient. Par
rapport aux tâches traitant des problématiques liées à l’attachement,
le marqueur pour l’affirmation empathique est la vulnérabilité, celui du
dialogue avec la chaise vide est un enjeu non résolu avec des figures
d’attachement et celui de l’auto-parentage compassionnel est une
extrême détresse.

LA TCE ET L’UTILISATION DES TÂCHES SPÉCIFIQUES


▶ Les réponses empathiques

Lorsque l’on parle de savoir-être du thérapeute humaniste, outre la


posture empathique d’écoute active qui sous-tend la relation de façon
fondamentale, on entend également des interventions basées
essentiellement sur l’empathie. Il s’agit par exemple de réponses
empathiques telles que l’affirmation et la compréhension
empathiques. Le thérapeute, en communiquant sa compréhension du
monde intérieur du patient et de l’expérience immédiate du patient, se
comporte en donneur de soins sécurisant pour ce dernier. En effet, les
interventions empathiques du thérapeute sont l’occasion, pour le
patient, d’expérimenter et d’éprouver de façon réparatrice dans l’ici et
maintenant ce qui lui a manqué dans ses interactions précoces ou
précédentes avec son environnement, afin que cette carence cesse
d’avoir un impact dans sa vie d’adulte. Voici un exemple d’affirmation
empathique qui a pour objectif de valider et soutenir le patient :

Exemples
1. PATIENT, la larme à l’œil : Je me suis sentie tellement seule et sans repère avec cette
mère que j’ai toujours connue malade.
THÉRAPEUTE : C’est terriblement triste de ne pouvoir avoir une maman en bonne santé
capable de nous guider quand on a sept ans.
2. PATIENT : Personne n’était là pour moi à la mort subite de mon père ; tout le monde
était affairé sans faire cas de moi et j’étais tellement angoissé.
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THÉRAPEUTE : C’est terrifiant de se sentir tout seul pour faire face à la perte d’un parent
sans personne pour nous rassurer.

De telles réponses empathiques permettent à la personne de se sentir


enfin comprise, vue et soutenue, ce qui permet d’accéder à un
sentiment d’apaisement, de sécurité ontologique, de réconfort propice
à la transformation du manque et de la blessure liés à une figure
d’attachement.

▶ La tâche du dialogue avec la chaise vide

À travers les tâches TCE, le thérapeute guide les patients pour mettre
en acte leur schème émotionnel dysfonctionnel dans leur vie actuelle
afin de le transformer : la tâche du dialogue avec la chaise vide
compte parmi les tâches de mise en acte de ce schème émotionnel.
Dans ce dialogue, le patient réexpérimente la blessure liée à
l’attachement, toujours vive et qui se réactive dans ses interactions au
présent. Traverser à nouveau, dans ce contexte, cette émotion
douloureuse lui offre l’occasion de la transformer en exprimant les
besoins d’attachement insatisfaits et, ainsi, donner place à une
nouvelle expérience émotionnelle plus adaptée et correctrice, qui
n’avait pu être vécue dans la relation d’attachement d’origine.
Dans la tâche du dialogue avec la chaise vide, la séparation entre les
deux parties puis le contact entre celles-ci sont deux principes
fondateurs de ce travail. Parmi les blessures d’attachement que le
patient peut exprimer face à la chaise vide, donc face à la figure
d’attachement significative, on trouve : « J’ai peur, je suis tout·e
seul·e », « Je suis triste parce que je crie à l’aide et personne ne
vient », « Je me sens abandonné·e » et « J’ai le sentiment de ne pas
être digne d’être aimé·e ». Dans cette tâche, le thérapeute TCE va
aider le patient à identifier son besoin et à l’exprimer. Parmi les
besoins liés à l’attachement, on compte le besoin de pouvoir compter
sur la figure d’attachement si nécessaire, le besoin de sentir que celle-
ci est digne de confiance et répondra à sa demande, et enfin le besoin
du patient de savoir qu’il est digne d’être aimé·e et qu’il peut
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demander de l’affection librement. L’objectif poursuivi par la TCE est


celui de transformer tout postulat négatif que le patient a développé,
tel que : « Je ne suis pas digne d’être aimé·e », « Je ne peux compter
sur personne » et « Je ne peux faire confiance à personne », qui
continue de l’affecter tant dans sa vie. Il faut souligner qu’il n’est pas
possible de conserver de tels sentiments de nullité, d’abandon, de
solitude tout en éprouvant en même temps le sentiment de mériter
autre chose. Le thérapeute TCE se focalisera en premier lieu sur le
changement des états émotionnels afin de changer ces perceptions
négatives. À partir du moment où, face à la figure significative dans la
chaise vide, le patient éprouve une colère affirmée et exprime son
besoin d’être protégé·e, d’être réconforté·e, d’être validé·e, il
expérimente un sentiment de puissance, de légitimité qui transforme
la peur, la tristesse, le désespoir.

▶ L’auto-parentage compassionnel

Parmi les tâches servant la régulation émotionnelle, on compte la


tâche de l’auto-parentage compassionnel. Comme précisé
auparavant, le marqueur de cette tâche est une grande vulnérabilité et
une souffrance émotionnelle très aiguë. Cette extrême vulnérabilité,
ce trop-plein émotionnel, peut refléter une importante fragilité, une
honte, un désespoir, une désespérance, un profond épuisement, et
s’exprimer en ces termes : « À quoi bon, je me sens à nu·e, si
exposé·e, en danger, si seul·e face à ce sentiment de vulnérabilité. »
Dans cette tâche, si le thérapeute parvient à aider le patient à
éprouver de l’empathie et de la compassion à son endroit, il aide ce
dernier à transformer ce qui lui a manqué lorsqu’il était dans son
environnement en interaction avec les figures d’attachement. Cette
tâche peut soit être combinée avec d’autres tâches TCE, et en
particulier celle du dialogue avec la chaise vide, soit proposée à la fin
d’une séance, dans la phase d’élaboration, pour octroyer au patient
des ressources émotionnelles suffisantes jusqu’à la prochaine
séance, si nécessaire. Dans cette tâche, le thérapeute guidera le
patient pour que celui-ci puisse éprouver de la compassion, de la
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bienveillance, de la tendresse à son endroit comme une manière de


modifier sa honte, sa peur ou sa tristesse. Pour ce faire, il lui sera
proposé d’imaginer un dialogue soit avec la partie qui expérimente la
détresse comme l’enfant qu’il a été, soit avec l’enfant dont il est le
parent, soit avec l’enfant d’une tierce personne qui compte, soit avec
un autre être vulnérable (un ami ou un animal de compagnie) voire
avec un enfant universel. Le thérapeute TCE guide la figure
d’attachement, le parent idéalisé en ces termes : « Pouvez-vous être
ce parent, adulte ? Pouvez-vous imaginer cet enfant en face sur
l’autre chaise, qui souffre tellement ? Que lui diriez-vous ? » En
incarnant cette figure d’attachement idéalisée, le thérapeute invite le
patient à verbaliser cette compassion à l’endroit de cette partie si
vulnérable. Ainsi, par exemple : « C’est vraiment dur de vivre cela »
ou « Je t’aime tellement » ou « Il te suffit d’être juste qui tu es et c’est
très bien » ou « Tu peux compter sur moi, je serai là si tu en as
besoin », etc. Promouvoir les capacités des patients à recevoir et à
être compatissants envers leur expérience émotionnelle douloureuse
lorsqu’elle émerge est une étape clé vers la tolérance émotionnelle, et
vers la capacité à s’auto-apaiser lorsque c’est nécessaire.
▶ Comment le thérapeute TCE favorise-t-il la régulation
chez le patient ?

Enfin, un des derniers aspects fondamentaux qui caractérise


vraisemblablement le mieux la manière avec laquelle la TCE aborde
les problématiques d’attachement est celui de la régulation
émotionnelle. En effet, là encore, le défaut de capacité à se réguler
émotionnellement est, pour une large part, le résultat d’expériences
précoces où l’environnement, par négligence ou du fait de
maltraitance par exemple, a failli à répondre de façon ajustée aux
besoins émotionnels de la personne (Elliott et al., 2003).
Nous allons ici aborder la manière par laquelle le patient, avec la TCE,
va apprendre à apaiser l’intensité ou à transformer l’inhibition de ses
propres émotions douloureuses en développant sa propre capacité à
se réguler. Ainsi, dans la TCE, le patient expérimente la régulation
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émotionnelle à deux niveaux : à travers la relation thérapeutique et la


présence du thérapeute, ainsi qu’à travers les tâches TCE
précédemment citées.
Lorsqu’un patient se présente soit sans émotion soit avec une
émotion surrégulée, il sera utile de lui en faire prendre conscience et
de favoriser l’expression de ses émotions ; à l’inverse, si un patient se
présente avec une activation émotionnelle trop élevée, celle-ci ne peut
plus être une source d’informations favorable à une action adaptée
(Pascual-Leone & Greenberg, 2007).
Les émotions sous-régulées, qu’il est nécessaire de réguler à la
baisse, correspondent généralement à des émotions de détresse
indifférenciées ou secondaires, telles que la panique, le désespoir ou
des émotions primaires inadaptées générées automatiquement, telles
que la honte de n’avoir aucune valeur ou l’anxiété d’une insécurité
fondamentale. Parmi l’éventail de méthodes utilisées par la TCE pour
aider les patients à réguler leurs émotions, on compte la plus
élémentaire d’entre elles : le fait d’offrir une présence sécure,
apaisante, validante et empathique au patient. L’apaisement
émotionnel peut être procuré soit par les individus eux-mêmes, par
réflexe automatiquement (par exemple, le bébé qui suce son pouce)
soit par une tierce personne, y compris le thérapeute, sous forme
d’empathie, d’acceptation et de validation.
Les processus de régulation émotionnelle à travers les tâches TCE
impliquent, pour le patient, un éventail d’étapes : identifier les
éléments déclencheurs à la source du vécu émotionnel douloureux
puis distinguer et nommer les émotions en jeu, s’autoriser à les vivre
et les tolérer, établir une distance de travail, favoriser les émotions
positives, renforcer la résilience face aux émotions éprouvantes,
s’auto-apaiser, respirer, voire développer la capacité à s’en distraire.
Elles consistent toutes en d’utiles stratégies d’adaptation (Elliott &
Greenberg, 2016).
À travers la tâche du dialogue avec la chaise vide, par exemple, le
patient est invité à exprimer les émotions qu’il ressent directement à la
ou aux figure(s) d’attachement significative(s) pour lui, ainsi que son
besoin, dans un dialogue avec celle(s)-ci. Une telle expérience
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émotionnelle contribue également à l’aider à réguler sa détresse, que


ce dernier soit sous-régulé ou sur-régulé émotionnellement. Dès lors
que le patient apprend à se réguler émotionnellement dans
l’interaction avec l’environnement, et notamment avec les figures
d’attachement significatives, il éprouve une cohérence intérieure
profonde.

UN CAS D’ATTACHEMENT INSÉCURE ET D’UN ABANDON


Illustration clinique
Élise, jeune femme célibataire de 33 ans, est une professionnelle très accomplie
jusqu’au jour où elle est confrontée à un burn-out qui la contraint, pour la première fois,
à se mettre en arrêt maladie et à consulter un thérapeute. Au début du suivi
psychothérapeutique, cette situation et ce mal-être la laissent totalement désemparée
tant ses crises de larmes et son anxiété n’ont aucun sens pour elle. Elle raconte que,
depuis qu’elle a une nouvelle manager, tout a changé au travail pour elle ; la manager
précédente lui faisait une confiance aveugle et elle avait cette connexion très forte avec
elle. Cette importante et précieuse relation a disparu avec l’arrivée de sa manager
actuelle. Ainsi, à ses yeux, l’investissement considérable qu’elle se plaisait à fournir à
son travail n’était plus valorisé comme elle en avait eu l’habitude avec la manager
précédente qui, non seulement la soutenait, mais surtout lui témoignait son
appréciation et de la reconnaissance pour tous ses efforts et son implication
personnelle dans ses missions. Commençant la thérapie par l’exploration du burn-out
au fur et à mesure des séances, Élise confie également qu’en parallèle, elle rencontre
de nombreuses difficultés dans ses relations amoureuses. Aucun compagnon ne
semble donner un engagement à la hauteur de ses attentes. Enfin, dans son
anamnèse, elle relate qu’à l’âge de 7 ans, elle a fait face à la perte tragique de ses
deux parents à deux ans d’intervalle : d’abord sa mère d’une longue maladie puis son
père d’une overdose tellement son désespoir était profond suite à la perte de son
épouse. Ainsi, très rapidement elle et sa petite sœur ont été placées dans une famille
d’accueil.
ÉLISE : « Tout ça c’est du passé, ce n’est pas utile de s’y attarder car j’étais une petite
fille très joyeuse en dépit de nos parents adoptifs qui subvenaient à nos besoins
matériels mais ne nous témoignaient que peu d’affection. Je m’étais toujours dit : “À 18
ans tu partiras pour faire ta vie loin de ces personnes ennuyeuses et rabat-joie.” C’est
vraiment cette situation avec cette nouvelle manager qui m’a totalement prise par
surprise et laissée sans voix qui m’exaspère », dit la patiente avec des trémolos dans la
voix et des yeux un peu larmoyants.
Intervention de la thérapeute utilisant une affirmation empathique : « Ça doit être en
effet totalement désemparant et difficile, après avoir réussi à avoir la carrière dont vous
rêviez de voir, du jour au lendemain, les choses changer avec cette nouvelle manager
et tout s’effondrer pour vous ! Je vois votre colère et aussi de la tristesse, est-ce
exact ? »
La thérapeute TCE décide de suivre la demande de la patiente de se focaliser sur le
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burn-out pour en clarifier les racines :


ÉLISE : « Je ne comprends pas pour quelles raisons je me sens si blessée et au bout du
rouleau à cause de cette manager ; comment cette situation peut-elle m’impacter
autant ? »
La thérapeute répond ainsi à la demande de la patiente qui souhaite prévenir toute
répétition de burn-out à l’avenir. Dans son for intérieur, la patiente se considère comme
une survivante.
Forte du marqueur de relation conflictuelle avec ce nouveau manager, la thérapeute
invite la patiente à imaginer dialoguer avec cette dernière par le truchement de la tâche
du Dialogue avec la Chaise Vide. Avec l’accord d’Élise, elle lui suggérera d’exprimer
tout ce qu’elle a sur le cœur à sa nouvelle manager, qu’elle imagine assise dans la
Chaise Vide face à elle.
Élise commence à lui exprimer ses ressentis notamment sa colère et très rapidement la
patiente dit : « C’est fou parce que j’ai l’impression de parler à ma mère adoptive pour
qui, quoi que je fasse, rien n’était jamais assez bien. » La thérapeute l’invite alors à
continuer d’exprimer ce qu’elle ressent, mais cette fois à cette mère adoptive, dans la
chaise vide.
THÉRAPEUTE : « Je vous propose d’imaginer votre mère adoptive dans la chaise vide et
de lui dire. C’est possible ? »
ÉLISE : « Oui absolument. Tu n’étais rien pour nous, tu nous donnais juste à manger et
on avait un toit sur la tête mais tu n’as jamais reconnu combien on faisait tout pour que
vous nous aimiez et en retour on ne recevait que reproches et critiques… qu’on était
des enfants difficiles, ingrates, qu’on n’appréciait rien ! Heureusement que nos parents,
eux, ont su nous donner de l’amour tant qu’ils étaient en vie ! »
Au fur et à mesure des séances, il est apparu comme une évidence à la patiente en
pleurs, à l’évocation de ses parents biologiques, que le deuil de ses parents demeurait
immensément douloureux, et plus particulièrement qu’une profonde tristesse
émergeait, à l’évocation du père qui était décédé en dernier.
La thérapeute invite alors empathiquement la patiente à approfondir l’expérience
émotionnelle en accédant à l’émotion de tristesse réprimée depuis ce traumatisme, et
toujours aussi vive au présent, afin de pouvoir la transformer :
THÉRAPEUTE : « C’est peut-être important d’accueillir cette profonde tristesse que vous
portez en vous depuis toutes ces années, non ? Elles ont quelque chose à vous dire
peut-être ces larmes. »
ÉLISE : « C’est trop dur… »
La thérapeute, soucieuse d’offrir un cadre sécurisant pour continuer d’explorer cette
émotion si aiguë, continue ainsi :
THÉRAPEUTE : « Bien sûr que c’est extrêmement douloureux de perdre ses deux parents
à deux ans d’intervalle pour une petite fille de 7 ans. C’est tellement dur qu’on enfouit
tout ce qu’on ressent. J’imagine qu’il y a tant de choses qui restent inexpliquées, sans
sens pour elle, c’est ça ? »
ÉLISE : « J’étais si petite et en plus je devais m’occuper de ma petite sœur, il n’y avait
personne pour moi. »
THÉRAPEUTE : « Il n’y avait personne pour cette petite Élise, elle a dû se sentir tellement
seule et abandonnée, j’imagine. »
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ÉLISE : « Non pas abandonnée, mes parents n’y étaient pour rien ; ils étaient malades. »
THÉRAPEUTE : « Bien sûr on ne choisit pas d’être malade et pour autant toutes les petites
filles du monde méritent d’avoir leurs parents à leurs côtés pour grandir, non ? »
ÉLISE, en pleurs : « Oui c’est trop injuste ; finalement, j’en veux à mon père, j’ai rien vu
venir. »
La thérapeute invite Élise à exprimer ce qu’elle ressent à son père directement en
l’imaginant dans la chaise vide :
THÉRAPEUTE : « Pouvez-vous maintenant imaginer votre père dans la chaise vide en face
de vous ? Je vais vous accompagner ; si vous sentez que c’est trop dur, surtout
n’hésitez pas à le dire. Alors, que se passe-t-il pour vous, intérieurement, en
l’imaginant ? »
ÉLISE : « J’ai beaucoup de peine. Je l’aimais tellement. »
THÉRAPEUTE : « Vous pouvez lui dire comment c’était pour vous quand il est parti ? »
ÉLISE : « C’était vraiment douloureux pour moi quand tu es parti, papa, je me suis sentie
tellement seule et sans plus personne sur qui m’appuyer, tu étais tout pour moi, on
s’amusait tellement bien tous les deux, on rigolait tellement. »
THÉRAPEUTE : « Tu m’as tellement manqué c’est ça ? Je t’en veux tellement. »
ÉLISE : « Je t’en veux mais je suis surtout vraiment très triste. J’ai le sentiment que si tu
as fait une overdose c’est parce que je n’ai pas suffisamment fait attention à toi quand
tu n’allais pas bien. »
THÉRAPEUTE : « Je me sens vraiment coupable de ne pas avoir fait assez pour te garder
auprès de nous, c’est ça ? »
ÉLISE, pleurant à chaudes larmes : « C’est tout à fait ça. Et ça, c’est vraiment trop dur à
vivre. »
THÉRAPEUTE : « C’est vraiment trop difficile à supporter depuis toutes ces années. De
quoi j’ai besoin de ta part ? »
ÉLISE : « J’ai besoin que tu me dises que je n’y suis pour rien dans tout ça alors que je
faisais tout pour prendre soin de toi après la mort de maman, je croyais vraiment qu’on
pourrait surmonter ça tous les trois, reconstruire une nouvelle famille. »
THÉRAPEUTE : « Changez de chaise s’il vous plaît ». Une fois dans la chaise du père
« Qu’est-ce qui se passe pour vous dans la chaise de votre père ? »
ÉLISE, dans la chaise du père : « Je suis désolé de vous avoir abandonnées, de ne pas
avoir pensé à toi et à ta sœur, je n’aurais jamais dû te laisser toute seule avec ta sœur
et avec la pensée que mon overdose pouvait être de ta faute ; bien sûr que tu n’y es
absolument pour rien ; je souffrais trop après la mort de ta mère, la vie m’était
insupportable. Je n’ai pas eu le courage d’affronter tout ça, mes responsabilités pour
vous élever ; je pensais que je n’y arriverais pas et que vous seriez mieux dans une
famille sans problème. »
THÉRAPEUTE : « Changez de chaise. Revenez dans la chaise d’Élise. Qu’est-ce que vous
ressentez quand vous entendez ces paroles de votre père ? »
ÉLISE, soupirant : « Je me sens un peu plus rassérénée. »
THÉRAPEUTE : « Dites-le-lui. »
ÉLISE : « Quand tu me dis que je n’y suis pour rien, ça m’apaise… mais… je suis en
colère aussi parce que tu m’as rien dit, tu as tout planifié et tu m’as exclue de la
décision. Maintenant, j’ai toujours le sentiment que je dois faire passer les autres avant
moi, et en particulier les hommes que je fréquente. »
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THÉRAPEUTE : « Je suis tellement en colère et aujourd’hui j’ai le sentiment que les


besoins des autres passent avant les miens et que pour être aimée il faut que je me
sacrifie, c’est ça ? »
ÉLISE : « Oui c’est tout à fait ça. »
THÉRAPEUTE : « Dites-lui de quoi vous avez besoin de sa part. »
ÉLISE : « J’ai besoin que tu me dises que ce n’était pas à moi de me soucier de toi et de
maman, que c’était votre responsabilité et que c’était à toi d’assumer ta responsabilité
et que je ne dois me sacrifier pour personne. »
THÉRAPEUTE : « Changez de chaise s’il vous plaît ». Une fois dans la chaise du père :
« Qu’est-ce qui se passe pour vous dans la chaise de votre père ? »
ÉLISE : « Je suis vraiment très triste et je me sens honteux de ne pas avoir pu assumer
mes responsabilités, de ne pas m’être battu suffisamment avec mes angoisses pour
vous. Je te demande pardon de t’avoir laissée porter cette charge de te soucier de moi.
Tu n’as plus à t’associer avec cette responsabilité. Tu mérites que quelqu’un d’aimant
s’occupe de toi pleinement et moi, je serai là pour toi dans ton cœur à chaque fois que
tu en auras besoin. »
THÉRAPEUTE : « Changez de chaise s’il vous plaît. Que ressentez-vous ? »
ÉLISE, inspirant profondément : « Je me sens beaucoup plus calme et moins seule. »

Ce cas clinique illustre bien le travail TCE dans le cadre de troubles


liés à un attachement insécure, ici du fait du traumatisme de la perte
de deux parents, l’un d’une longue maladie et l’autre d’une overdose.
On peut voir comment le processus thérapeutique TCE cherche à
aider la patiente à être en contact avec son schème émotionnel de
profonde tristesse, avec ce sentiment de culpabilité quant à l’abandon
de la figure d’attachement du père. Le travail démarre avec un burn-
out du fait de la perte du premier manager qui représentait pour elle
une figure d’attachement forte sur le plan professionnel. La résolution
du schème émotionnel réside dans le fait de transformer ce sentiment
de culpabilité par rapport à l’acte d’overdose du père et le sentiment
de ne pas avoir été suffisamment digne d’amour pour que ce dernier
décide de rester en vie pour remplir son rôle d’unique parent suite au
décès de la mère et de prendre soin d’elle.
Dans le processus de transformation, cette vignette démontre le
travail d’approfondissement émotionnel que l’approche a aidé la
patiente à traverser, en partant de l’anxiété par rapport au burn-out et
de la colère à l’endroit du nouveau manager, deux émotions
secondaires recouvrant les émotions primaires fondamentales
qu’étaient le sentiment de culpabilité et la profonde tristesse. Le
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processus de changement a permis à la patiente d’être en contact


avec son besoin de recevoir des excuses de la part de la figure
d’attachement du père et d’être validée par ce dernier. Forte de ce
sentiment de légitimité, la patiente a pu retrouver les ressources pour
mettre des limites et se sentir autorisée à exprimer de la vulnérabilité,
afin de pouvoir, à l’avenir, agir de façon ajustée et voir ses besoins
émotionnels satisfaits.
Il existe une intrication entre l’expérience émotionnelle précoce et ses
interactions dans le présent avec sa manager en premier lieu et avec
un partenaire en second lieu. Nous pouvons souligner la dépendance
de la patiente à la relation bienveillante de sa première manager au
travail, ce qui l’a fait s’effondrer dès que cette relation a disparu, avec
sa deuxième manager critique et malveillante. En parallèle, nous
remarquerons son injonction à se « sacrifier » pour ne pas perdre
l’amour, ce qui a constitué un handicap à chaque nouvelle relation
amoureuse. La patiente semble avoir intégré ce travail thérapeutique
extrêmement touchant de dialogue avec le père décédé tel qu’elle
l’imaginait, père qui a su prendre la responsabilité de l’abandon. Forte
de cette transformation, elle a pu s’autoriser à choisir un partenaire
avec lequel un engagement de plus long terme a semblé possible
maintenant qu’elle n’était plus en proie à cette peur de l’abandon ni à
cette injonction de se sacrifier par peur de perdre l’amour. Dans cette
vignette, nous pouvons observer combien la peur de ne pas avoir été
à la hauteur et la colère sont profondément liées à la peur de
l’abandon. La profonde tristesse liée à la perte d’êtres chers en qui
elle avait profondément confiance, et l’affirmation de la colère liée à la
trahison ont pu être transformées par l’expérience de compassion
éprouvée (par elle-même et pour elle-même), d’une part, et de
réassurance d’être légitime de mériter l’amour de figures
significatives, d’autre part. La colère affirmée exprimée à l’endroit de
son père lui a donné accès à la mise en place de limites et à la
transformation de ce cycle répétitif de peur de l’abandon : « Si tu
aimes, on va te quitter, pour ne pas être quittée tu dois te sacrifier. »
Les patients souffrant de sentiment d’abandon s’avèrent avoir de
réelles difficultés à établir des limites saines, tant il leur est
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impensable de perdre une relation. Cet éclairage TCE permet de


comprendre ce qui a conduit à l’épuisement professionnel et à
l’incapacité d’Élise à mettre un terme à tout traitement « abusif ».
L’apaisement éprouvé a développé chez Élise une sécurité
ontologique lui permettant de se sentir en confiance pour s’engager
dans une relation amoureuse de long terme et faire face à tout
potentiel risque inhérent à toute relation amoureuse.

CONCLUSION
Enfin, si la TCE utilise, dans sa pratique, les principes de la théorie de
l’attachement tels que la recherche du contact et du réconfort à
travers la relation, est-ce que le changement thérapeutique peut se
réduire à ces seuls principes ? Est-il possible de se sentir blessé·e, de
percevoir une menace vis-à-vis de sa propre identité ou se sentir
dominé·e et contrôlé·e séparément d’une expérience d’attachement
qui a fait souffrir ? Ces questions semblent nécessiter de plus amples
travaux de recherche pour être éclairées. La TCE pour les individus
favorise à la fois l’indépendance et l’affiliation (l’identité — relation
self-self et l’attachement — relation self-autrui). Dans la TCE, la
relation avec la figure d’attachement constitue davantage un contexte
à travers lequel une émotion peut être changée par une autre
émotion. Dans les traitements négatifs de celui ou celle qui
expérimente qui sont liés à l’attachement, la TCE permet à une
personne de passer de la peur d’être abandonnée ou insignifiante ou
une peur d’être blessée ou de faire confiance à un sentiment d’avoir
de la valeur et d’être digne de soutien et d’amour. La TCE est une
approche qui se veut transdiagnostique et transthéorique. Parmi les
principales indications de l’approche pour les individus, les travaux de
recherche ont fait la preuve de son efficacité pour les troubles
dépressifs, anxieux, les traumas complexes, les troubles du
comportement alimentaire et les processus fragiles tels que les
troubles borderline. Les contre-indications sont les démences et les
troubles envahissants du développement.
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Chapitre 16

TCE pour les couples


et attachement

Catalina Woldarsky Meneses

du chapitre précédent décrivant la TCE en thérapie


E
N COMPLÉMENT
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individuelle, nous développerons ici un autre domaine de la TCE


où l’attachement est clairement présent : celui du travail avec les
couples.
Développée à l’origine par Greenberg et Johnson (1988), la TCE pour
couples (EFT-C) adopte une approche systémique pour comprendre
les difficultés de la dynamique du couple. Au fil du temps, Johnson a
considéré le fonctionnement du couple principalement sous l’angle de
la théorie de l’attachement (Johnson, 2004), tandis que Greenberg, en
collaboration avec Goldman, considère l’émotion comme la force
centrale qui organise la dynamique du couple (Greenberg & Goldman,
2008), à travers trois systèmes de motivation primaires :
l’attachement, l’identité et l’attraction. Malgré leurs différences
théoriques, il faut noter que les deux « versions » de la TCE-C de
Greenberg et Johnson sont très similaires au niveau clinique, car elles
reposent toutes deux sur les mêmes interventions de base, qui sont
décrites dans leur travail initial (Greenberg & Johnson, 1988).
PRINCIPE DE BASE DE LA TCE POUR LES COUPLES (TCE-
C)
Ici encore, le décryptage se base sur la notion d’émotion primaire et
d’émotion secondaire. L’émotion primaire pourrait, par exemple, être
constituée d’une tristesse qui s’installe quand un partenaire croit qu’il
ne compte pas pour son/sa conjoint·e ou d’un sentiment de honte et
d’infériorité éprouvé quand on reçoit des reproches de la part de son
époux ou de son épouse. L’émotion secondaire constitue une émotion
réactive, comme de la colère. L’hypothèse de la TCE est que, chez
les couples en détresse, quand les besoins d’attachement et d’identité
ne sont pas comblés, au lieu d’exprimer une émotion primaire, on
exprime une émotion réactive, comme de la colère. Le but de la
thérapie est de restructurer les dynamiques négatives au sein du
couple à travers l’expression des émotions primaires, ce qui crée de
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nouvelles expériences émotionnelles. Une grande partie du travail est


consacrée à l’exploration des sensibilités de chaque partenaire, liées
aux dimensions d’attachement et d’identité, établies avant l’union du
couple (par exemple, la peur de l’abandon ou d’être critiqué·e) et
déclenchées dans les situations conflictuelles actuelles. Finalement, le
thérapeute vise à promouvoir des moments de rapprochement par
lesquels les deux partenaires expriment leurs propres vulnérabilités
sous-jacentes et répondent à celles de leur partenaire. Ces échanges
servent généralement d’expériences émotionnelles correctrices.

L’ATTACHEMENT DANS LA TCE-C


Selon Greenberg et Goldman (2008), l’attachement comprend le
sentiment de sécurité et de proximité que l’on éprouve avec un être
proche ainsi que les besoins de disponibilité et de réactivité de son
partenaire. Nous surveillons et évaluons les événements en fonction
de leur pertinence pour les objectifs liés à l’attachement, tels que la
proximité physique ou psychologique, la disponibilité et la réactivité de
notre partenaire, puis nous adaptons notre comportement
d’attachement en conséquence. Par exemple, pour réguler l’anxiété
liée à l’attachement, on peut soit rechercher une plus grande proximité
avec l’autre, soit se désengager momentanément pour tenter
d’apaiser seul·e cette anxiété. Alors que Greenberg et Goldman
(2008) considèrent que les humains sont des êtres fondamentalement
relationnels qui ont besoin de se sentir liés aux autres (Jordan, 2010),
ils proposent que la régulation des affects représente un motif
essentiel qui conduit à l’attachement. Autrement dit, sans la peur de la
séparation, la joie de la connexion et la tristesse de la perte, il n’y
aurait pas d’attachement.
L’identité. Une autre dimension importante de la relation humaine est
le besoin de cohérence, d’estime de soi et de maîtrise de soi, que
Greenberg et Goldman (Greenberg & Goldman, 2008) décrivent
comme le besoin d’« identité ». Il s’agit d’un besoin relationnel car il
est entretenu par la reconnaissance et la validation qui proviennent
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des autres.
Attraction et appréciation. Selon Greenberg et Goldman (2008), la
satisfaction dans les relations est régie par les sentiments positifs qui
sont générés lorsque les partenaires s’intéressent à leur partenaire,
l’apprécient et se sentent attirés par lui ou elle.

LES CYCLES INTERACTIFS NÉGATIFS


L’harmonie dans une relation intime peut régner lorsque les
partenaires ont la capacité à prendre conscience de leurs émotions,
savent comment exprimer ces émotions et les besoins
correspondants de manière adaptée à leur partenaire et ont les
compétences nécessaires pour apaiser leurs émotions lorsque leur
partenaire est incapable de répondre de la manière dont ils l’espèrent
ou le souhaitent. En cas de défaillance dans l’un de ces domaines, la
frustration s’accumule et s’exprime sous forme de colère secondaire
ou n’est pas exprimée du tout, ce qui interfère avec le flux émotionnel
spontané dans la relation et bloque la connexion entre partenaires.
Pour tenter de satisfaire leurs émotions et leurs besoins
d’attachement ou d’identité, les partenaires adoptent toutes sortes de
comportements qui ne sont pas tous efficaces. Étant donné que les
comportements de l’un des partenaires suscitent généralement une
réponse complémentaire de la part de l’autre, au fil du temps, les
tentatives inefficaces pour satisfaire ces besoins fondamentaux
peuvent aboutir à une relation de couple rigide et cyclique, source de
détresse. Par exemple, une femme commence à se sentir triste et
abandonnée après plusieurs semaines où son mari rentre tard le soir.
Voyant que ses premières tentatives de rapprochement en préparant
un dîner spécial passent inaperçues, elle se met à le critiquer, ce qui
le pousse à devenir plus distant. Il tente de faire des gestes
d’appréciation en achetant des fleurs, ce qu’elle critique car elle
préfère passer plus de temps avec lui. Il se sent inadéquat et se retire
pour tenter d’apaiser ce sentiment de honte qui s’active, ce qu’elle
perçoit comme un abandon, ce qui l’amène à le critiquer avec plus de
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force alors qu’elle se sent en réalité triste et seule. Dans cet exemple,
il est évident que la tentative de solution de chaque partenaire amène,
involontairement, à susciter l’exact comportement qu’il espérait
changer chez l’autre partenaire.

▶ Cycles d’attachement

Les variations des cycles liés à l’attachement comprennent les cycles


« poursuite-distance », « demande-retrait » et « accrochage-
abandon » (Greenberg & Johnson, 1988). Les positions
interactionnelles négatives de chaque partenaire peuvent être
comprises en TCE comme des réactions secondaires utilisées pour
réguler leurs affects sous-jacents. Derrière la colère du partenaire qui
poursuit, il y a généralement une peur et/ou une tristesse primaire.
Derrière le comportement de réaction secondaire et le retrait du
partenaire qui prend ses distances, on trouve généralement la peur
d’être englouti·e et/ou la honte.
Dans ce type de cycle, le comportement du partenaire qui poursuit est
généralement motivé par le besoin d’une plus grande proximité,
sécurité, disponibilité ou réactivité de la part de son partenaire.
Lorsqu’il ne se sent pas sûr de l’amour et de l’engagement de son
partenaire, il peut tenter de se rassurer en demandant ou en exigeant
que l’autre partenaire montre plus d’intérêt à passer du temps
ensemble, se comporte de manière plus affectueuse, etc. Au lieu de
ressentir la proximité comme apaisante ou réconfortante, le partenaire
qui se retire peut la ressentir comme dangereuse, ce qui peut
entraîner un sentiment de non-respect des limites, un engloutissement
et/ou une souffrance accrue en cas d’abandon futur. Garder ses
distances est donc une tentative de solution pour réguler l’anxiété et
éviter les chagrins d’amour. Cela peut se manifester par un repli, des
réponses perçues comme de l’indifférence et du détachement, un
retrait dans une autre pièce et un évitement à passer du temps
ensemble. Ce type de comportement est susceptible de susciter
davantage d’anxiété ou de colère chez le partenaire qui poursuit, qui,
pour tenter de réguler son propre affect négatif, peut se mettre en
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colère, condamner, blâmer et attaquer. Bien que l’intention derrière le


comportement du partenaire qui poursuit soit de susciter un
engagement plus important et une plus grande réactivité chez le
partenaire qui s’éloigne, il arrive souvent qu’il le repousse encore
davantage.

Illustration clinique
Jessica et Paul sont en couple depuis onze ans. Ils ont fait connaissance à l’université.
Quand Paul a fini son doctorat, ils ont eu l’occasion de partir à l’étranger pour un poste
de post-doctorat que Paul a obtenu. Sa carrière académique avançait bien et ils ont
pris la décision de donner la priorité à sa carrière. Ils ont beaucoup voyagé et
déménagé à cause du travail de Paul et, depuis leur retour en Suisse, quand Jessica a
repris son activité professionnelle après s’être occupée de leurs enfants durant les huit
années qu’ils ont vécues à l’étranger, ils ont commencé à faire face à de sévères
problèmes. Cette reprise n’a pas apporté au couple l’équilibre attendu. Les disputes se
sont intensifiées et la tension est devenue insupportable, comme l’explique le couple à
son thérapeute lors d’une des premières rencontres.
JESSICA, les larmes aux yeux, visiblement découragée : On ne s’entend plus… Il ne me
comprend pas ; moi aussi je travaille, moi aussi j’ai une carrière… Après tout ce que j’ai
sacrifié pour cette famille, c’est enfin mon tour mais je dois supporter ses
commentaires, comme quoi je néglige la maison, les enfants, je passe trop de temps
avec mes collègues. Je n’en peux plus avec toute cette pression.
PAUL, distant : Ce n’est pas de la pression. Ce sont des faits. Tu ne passes pas assez
de temps avec nous. Les enfants l’ont remarqué aussi. Je n’ai pas un problème avec le
fait que tu travailles, mais n’oublie pas ta famille. C’est difficile aussi pour moi. Je rentre
tôt pour t’aider, mais après tu me dis que ma présence te dérange. Je gère les enfants
comme je peux, et après tu me reproches d’être trop sévère. Peu importe ce que je
fais, tu n’es jamais contente.
La thérapeute travaille avec le couple à identifier leur cycle interactionnel, les prises de
position de chaque partenaire, et à nommer les émotions primaires qui sous-tendent
leurs positions et qui les rendent plus « vulnérables ». Une fois le cycle desescaladé, la
thérapeute les aide à exprimer leurs émotions primaires inavouées ainsi que les
besoins d’attachement et d’identité non-assouvis. Le partenaire dit « poursuiveur »
(Paul), se montre exigeant, voire agressif avec l’autre partenaire dit « poursuivi »
(Julie), qui demeure en retrait et distante au niveau émotionnel. Pendant l’étape
suivante de la TCE pour couples (Greenberg & Goldman, 2008), la thérapeute avance
vers la transformation relationnelle à travers des mises en actes de l’émotion primaire.
LA THÉRAPEUTE, avec un ton empathique : Que se passe-t-il à l’intérieur de vous, Paul,
quand Jessica parle de son sentiment d’être sous pression ?
PAUL, le regard figé au sol : Je ne sais pas… Je ne le fais pas exprès. Je ne sais pas
comment m’adapter à ce changement.
T. : Que se passe-t-il, Paul, quand vous dites cela ? Il me semble que cela vous
touche ?
P., les yeux brillants, le regard au sol : Avant, j’avais l’impression de la rendre
heureuse. Maintenant, je ne sais pas ce qu’elle attend de moi. Je vois simplement
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qu’elle s’éloigne.
T., doucement : C’est douloureux de ne plus te rendre heureuse… De te sentir fâchée
contre moi et de ne plus me sentir comme une priorité dans ta vie. C’est ça Paul ?
P. : Oui…
T. : Comment vous sentez-vous là maintenant, Paul ?
P. : Je réalise qu’en fait je suis triste… et en même temps j’ai peur. J’ai l’impression
que sa carrière et tout ce qui se passe hors de cette famille l’intéressent plus que moi.
J’ai un peu honte de me sentir si rejeté et d’avoir peur qu’elle me quitte.
T. : Et en même temps, je crois que c’est très important d’évoquer et de sentir cette
tristesse qui sous-tend la colère que vous avez tendance à exprimer. Seriez-vous
d’accord de vous tourner vers Jessica et de le lui dire ?
P., mise en acte de son émotion primaire : Euh… En fait, ce n’est pas facile pour moi.
Tout ce changement me dépasse et j’ai peur de te perdre. Je sais que c’est stupide
mais… Euh, parfois (sa voix est coupée par l’émotion qui monte) j’ai l’impression que tu
es plus contente à l’extérieur qu’à la maison avec nous. Et cela me rend triste (il
pleure).
T. : Oui, il y a toute cette tristesse au fond de vous. Et c’est énorme de pouvoir le lui
dire, Paul. Jessica, racontez-nous ce qui se passe pour vous maintenant ? Qu’est-ce
que vous ressentez en écoutant Paul vous parler de ce qui se passe pour lui
intérieurement ?
J., avec les larmes aux yeux : C’est très touchant pour moi. Je ne savais pas du tout
qu’il était si triste. C’est fou car j’aurais dû m’imaginer qu’avec la perte de sa mère, mon
absence pourrait le perturber, mais jamais je ne m’étais imaginée qu’il était triste ou
qu’il craignait que je parte. Je veux me rapprocher de lui et le prendre dans mes bras.
Ça fait tellement longtemps qu’on ne s’est pas rapprochés physiquement.
T. : Dites-le-lui — quand je vois ta tristesse et ta peur, j’ai envie de te serrer dans mes
bras et de te rassurer, c’est ça ?
J. : oui, c’est exact. (Elle pleure) Je dois lui dire ?
T. : il me semble que c’est important qu’il l’entende directement de vous. C’est différent
de me le dire que de le lui dire.
J. : Alors, c’est… c’est précieux pour moi de savoir que tu es triste que je sois moins
présente à la maison. J’ai parfois l’impression que je t’agace, que tout ce que je fais est
mal et je t’avoue que ça me donne envie de m’éloigner de toi. Mais, là, c’est tout le
contraire. Quand tu t’ouvres et tu me parles de ce que tu ressens, je veux me
rapprocher et te rassurer que je suis bien là et que je t’aime et que je veux rester avec
toi. Voilà.
P. : merci. J’avais vraiment besoin d’entendre ça. (Il pleure). Moi aussi je t’aime et je
suis désolé d’être tellement dur avec toi par moments. C’est nul comme approche. Je
sais très bien que je te pousse à t’éloigner de moi encore davantage mais je ne sais
pas comment faire autrement.
T. : Et je peux comprendre que vous deux, vous faites ce que vous avez appris à faire
dans la vie pour vous protéger mais quand vous arrivez à vous parler de ce qui se
passe vraiment au fond de vous, quand vous osez être vulnérables, une tout autre
dynamique devient possible, qui invite à plus de proximité et de sécurité, car vous
arrivez à répondre aux besoins de chacun.
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Cette séquence illustre l’émotion en lien avec le besoin de Paul de se


sentir une priorité pour Jessica et de sa peur d’être abandonné. Au
lieu de lui en parler, il exprime de la colère qui se manifeste par des
exigences envers elle. De même que le besoin de Jessica est de se
sentir soutenue par Paul et validée comme professionnelle. La
problématique prend ici son origine dans la manière dont les besoins
sont exprimés et dans les émotions que Paul et Jessica ne partagent
pas l’un avec l’autre. Chez Jessica, qui a grandi avec une mère très
sévère, c’est la honte qui s’active. Elle ne se sent pas à la hauteur et
elle s’éloigne de Paul pour gérer son sentiment de ne pas être assez
bien. De son côté, Paul n’avait que 10 ans quand sa mère est morte.
Ensuite, son père s’est vite remarié et Paul n’a jamais eu ni l’espace
pour faire son deuil ni l’attention de son père. L’intensité de cette peur
est insupportable. Pour l’apaiser, et ainsi pour réguler l’instabilité qui
s’installe chez lui, Paul utilise toute sa force pour faire réagir Jessica.
Il exprime de la colère dans l’espoir qu’elle verra à quel point il a
besoin d’elle. Malheureusement, ses reproches favorisent
l’éloignement de Jessica, ce qui provoque chez lui un sentiment de
rejet et d’abandon.
La modification de la dynamique de couple se fait en accédant aux
émotions sous-jacentes vécues par chaque partenaire afin de créer
de nouvelles expériences émotionnelles correctrices d’ouverture, de
réceptivité et de validation mutuelles. Le lien d’attachement est
renforcé et les partenaires éprouvent un sentiment de sécurité, de
proximité et d’acceptation (Greenberg & Johnson, 1988). Des
recherches soulignent également la valeur de la vulnérabilité pour les
partenaires : les couples considèrent comme particulièrement utiles
les séances au cours desquelles des émotions vulnérables ont été
exprimées (McKinnon & Greenberg, 2013). L’expression d’émotions
vulnérables est également liée à une amélioration plus grande en fin
de thérapie (McKinnon & Greenberg, 2017).

▶ Les points clés de l’attachement en TCE-C


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● Greenberg et Goldman (2008) proposent que l’attachement s’ancre


dans le besoin de réguler ses émotions. Sans la peur de la
séparation, la joie de la connexion et la tristesse de la perte, il n’y
aurait pas d’attachement possible.
● Le changement dans la relation se fait à travers la révélation, par
chaque partenaire, de ses émotions primaires et vulnérables sous-
jacentes aux émotions secondaires typiquement exprimées au sein
d’un conflit et par l’acceptation de celles-ci par l’autre partenaire.
● L’objectif est de créer de nouveaux modèles sains d’interactions en
utilisant les émotions pour restructurer les interactions.
● Cette méthode est soutenue par des recherches approfondies et
est considérée comme une thérapie scientifiquement validée par
l’Association Américaine de Psychologie.

CONCLUSION
Nous avons pu voir comment la TCE pour les individus et pour
couples utilise les principes liés à la théorie de l’attachement ; les
deux versions de l’approche s’emploient davantage à les mettre en
acte soit à travers la relation thérapeutique, la modélisation de la
présence empathique du thérapeute, soit à travers l’expression des
blessures émotionnelles liées aux figures d’attachement dans
certaines tâches TCE et entre partenaires dans la TCE-C. La TCE
considère les schèmes émotionnels inadaptés comme plus
fondamentaux que la formation de styles d’attachement insécurisés,
évitants ou anxieux (Edwards & Levin-Edwards, 2019). Ainsi, nous
nous efforçons d’évaluer et de révéler aux figures d’attachement dans
le cadre de la thérapie TCE pour les individus, et aux partenaires dans
le cadre de la TCE pour couples, l’expérience de vulnérabilités sous-
jacentes telles que la peur, la tristesse et la honte, cibles
fondamentales de l’intervention thérapeutique. Par le truchement
d’une relation sécurisante avec le thérapeute, la TCE offre les
conditions nécessaires pour transformer les blessures liées à
l’attachement. Ainsi, comme nombre de travaux de recherche en
attestent, la TCE promeut un changement significatif et durable en
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aidant les personnes et les couples à recouvrer la flexibilité et la


faculté de constamment s’ajuster et répondre à leurs besoins
émotionnels fondamentaux, et à donner un sens au vécu relationnel et
aux réactions émotionnelles, que ce soit face à l’environnement et/ou
face à un partenaire.
Chapitre 17

La thérapie sensorimotrice
pour les difficultés liées
à l’attachement
Hanneke Kalisvaart

sensorimotrice est une approche


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L
A PSYCHOTHÉRAPIE
psychothérapeutique psycho-corporelle, développée par Pat
Ogden aux États-Unis. Cette méthode, qui émerge rapidement en
Europe, utilise le corps comme point d’entrée pour traiter les
problèmes d’attachement et le stress post-traumatique. Elle s’appuie
sur des connaissances neuroscientifiques et des recherches sur
l’attachement, le traumatisme et la dissociation (Ogden & Fisher,
2015).
Ce chapitre aborde d’abord le contexte théorique de cette méthode
dans les problèmes d’attachement, puis décrit plus concrètement son
application pratique avec un exemple de cas clinique en guise
d’illustration. Enfin, l’état de la science, les possibilités de formation et
les développements futurs sont abordés.

CONTEXTE THÉORIQUE
Au cours des premières années de notre vie, le corps est notre outil
de base pour nous développer : la sécurité physique, la nutrition et la
croissance, la perception sensorielle, les compétences motrices,
l’attachement, l’interaction, le jeu et le développement d’un soi de
base commencent tous de manière non verbale (Ogden & Fisher,
2015). Ce n’est que vers l’âge de six ans que le cerveau se développe
au point qu’un enfant peut se souvenir explicitement d’événements
(Alberini & Travaglia, 2017). Ainsi, la base de notre comportement et
de nos modèles d’attachement repose sur des « connaissances »
corporelles implicites auxquelles aucun mot ou souvenir n’est rattaché
à l’origine.
La psychothérapie traditionnelle est un processus orienté vers le
verbal dans lequel le comportement, la cognition, l’émotion et les
processus inconscients sont compris à travers les mots (Fisher,
2019). Cette approche est adaptée à notre communication
essentiellement linguistique et correspond également à la pensée
analytique des psychothérapeutes et des scientifiques. Dans diverses
situations, cependant, le langage et la cognition ne se connectent pas
avec les clients, par exemple lorsqu’ils sont intellectuellement
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déficients, lorsque ce sont des enfants, lorsqu’une personne a de


faibles compétences linguistiques, et lorsqu’une personne éprouve
beaucoup d’excitation, de stress ou de dissociation, ce qui limite la
disponibilité du cortex préfrontal. Pour ces clients, il peut être difficile
de comprendre ce que le thérapeute veut dire et de mettre des mots
sur leur expérience. D’autres modes de thérapie, comme les
méthodes psychocorporelles, peuvent alors mieux convenir
(Hausteiner-Wiehle & Henningsen, 2022; Kalisvaart & Maas, 2019).
En outre, le récit que le client s’est forgé au fil du temps peut raconter
une histoire différente de celle des réactions physiques et
émotionnelles, qui se produisent à un niveau plus inconscient,
principalement à partir du cerveau reptilien et mammalien (tronc
cérébral et système limbique). En particulier dans le cas
d’expériences de la petite enfance dont il n’y a pas de souvenirs ou
qui se sont même déroulées de manière préverbale, le corps peut
indiquer ce que le client a appris au cours de son développement
précoce pour se protéger et maintenir des relations d’attachement
(Ogden & Fisher, 2015 ; van der Kolk, 2015).
La psychothérapie sensorimotrice diffère des approches
psychothérapeutiques traditionnelles en ce qu’elle utilise une
approche « ascendante » dans laquelle les schémas et les impulsions
du corps servent de base au traitement et à l’élaboration de
significations émotionnelles et cognitives. Cette approche part du
principe que chaque personne organise ses expériences d’une
manière unique en faisant appel à plusieurs « organisateurs
centraux » : la sensation corporelle, le mouvement musculaire et la
posture, la perception sensorielle, l’émotion et la cognition.

Exemple
C. a souvent froid, ce qui s’accompagne d’une posture de repli avec une forte tension
musculaire, d’une grande sensibilité de la peau et des oreilles, de peu d’émotions et de
l’idée qu’elle est seule. Elle a appris cette organisation de son expérience dans un
contexte dangereux chronique au niveau familial, où le fait d’être sensible et invisible
était essentiel. Son père avait un délire religieux qui le rendait violent et coercitif, et sa
mère était incapable de la protéger.
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Les réactions au traumatisme peuvent également se manifester dans


le corps, par exemple par une hyperexcitation, une dissociation et une
tension musculaire qui exige une action. La psychothérapie
sensorimotrice dispose de techniques claires pour traiter les
traumatismes (Ogden, 2021; Ogden et al., 2006) mais, ce chapitre
étant consacré à l’attachement, il n’en sera pas question plus avant.

LES STRATÉGIES D’ATTACHEMENT ET LE CORPS


Les êtres sociaux ont besoin les uns des autres pour grandir et
devenir des individus qui se sentent liés à autrui et soutenus, et qui
peuvent fonctionner de manière autonome dans la société (Siegel,
2022; Waal, 2019). Pour chaque enfant, les circonstances de
développement sont différentes, en raison par exemple de la culture,
du statut socio-économique, de la composition de la famille,
d’événements traumatisants, de la santé et des prédispositions
génétiques. Quelles que soient les circonstances, chaque enfant a
besoin d’une base solide pour se développer de manière optimale. Au
niveau physique, cela signifie que l’enfant peut apprendre à se
déplacer librement et à se sentir en sécurité par rapport aux autres
pour exprimer ses besoins et fixer des limites. L’enfant dispose alors
de tous les « mouvements fondamentaux » : donner, atteindre,
pousser, saisir, tirer et laisser aller (Frank & Barre, 2010).
La plupart des situations parentales ne sont pas parfaites, ce qui
signifie que l’enfant doit s’adapter pour maintenir le meilleur lien
possible avec les personnes qui s’occupent de lui (Ogden, 2021).
Dans le cas d’une stratégie d’attachement anxieuse, où la proximité
est encouragée au détriment de l’exploration, l’enfant reste fortement
concentré sur la disponibilité des personnes qui s’occupent de lui.
Physiquement, cela peut se manifester, par exemple, par une posture
orientée vers l’avant, une agitation physique et un contact visuel
interrogatif, dans lequel tendre la main, saisir et tirer sont plus
développés que, par exemple, pousser et laisser aller. Avec un style
d’attachement évitant, l’enfant apprend que l’indépendance est
valorisée. Son attitude est souvent plus renfermée, avec peu de
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contact visuel et d’expression. Repousser et laisser aller peut être


plus développé que tendre la main ou céder. Dans un style
d’attachement désorganisé, différentes stratégies peuvent alterner ou
même être présentes dans le corps en même temps. En thérapie
sensorimotrice, nous apprenons à observer et à déchiffrer le corps à
travers le prisme du système nerveux et de la théorie de
l’attachement.

Exemple
M. s’assoit alternativement en arrière sur sa chaise, penchant la tête avec un contact
visuel réticent, puis se penche en avant, établissant un contact visuel avec une voix
amicale. Son dos lui fait mal à force de bouger d’avant en arrière parce qu’il ne connaît
pas de posture de base sûre. Il a appris cette façon de faire dans une situation familiale
où il a été maltraité, mais où il a aussi pu prévenir les escalades de violence en tant
que médiateur.

Toutes les situations familiales ont leur propre équilibre, au sein


duquel les enfants apprennent d’abord les modèles d’interaction par le
biais de leur corps. Ils apprennent ce qui est apprécié dans des
situations spécifiques et trouvent le meilleur moyen de rester
positivement connectés. Ceci implique pour certains de se faire tout
petit, pour d’autres d’être faciles en toutes circonstances, certains
doivent se gonfler d’importance, d’autres encore se mouvoir de façon
expressive, et ainsi chacun a ses propres stratégies d’adaptation qui
prennent forme dans le corps ainsi que dans les émotions et les
cognitions. Cela a également des implications pour l’avenir en termes
de modèles internes opérants : les prédictions et les attentes
implicites de nous-mêmes, des autres et du monde qui nous entoure
se reflètent dans l’excitation du système nerveux autonome, les
mouvements et la posture du corps (Sensorimotor Psychotherapy
Institute, 2022).

PSYCHOTHÉRAPIE SENSORIMOTRICE
POUR LES PROBLÈMES LIÉS À L’ATTACHEMENT
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L’objectif de la psychothérapie sensorimotrice pour les problèmes


d’attachement est d’étudier les stratégies relationnelles adaptatives
qui s’expriment à travers le corps, afin de les rendre moins rigides
grâce à une connexion sécurisante avec le thérapeute. Cela peut se
faire, par exemple, en considérant les coûts de la stratégie, en
clarifiant son origine et les anciennes croyances associées, en libérant
les émotions sous-jacentes non exprimées, en tentant une expérience
manquante et en expérimentant de nouvelles stratégies à travers la
posture et le mouvement.
La thérapie se fait toujours par l’étude attentive des organisateurs de
base : le thérapeute et le client explorent ici et maintenant la réponse
physique à un déclencheur relationnel au niveau de la posture et du
mouvement, de la sensation corporelle, de la perception sensorielle,
de l’émotion et de la cognition (Ogden & Fisher, 2015). L’ensemble
produit une expérience personnelle et reconnaissable qui peut
souvent être reliée à des événements passés pour le client. La force
de cette méthode réside dans le fait que la stratégie d’adaptation peut
être physiquement renforcée ou relâchée, ce qui permet d’intensifier
l’expérience mais aussi de s’en éloigner pendant un moment.
L’expérience peut être approfondie par des « expériences ». Par
exemple, le thérapeute dit ou fait quelque chose qui déclenche la
stratégie, comme dire : « Vous êtes le bienvenu », faire un geste
d’invitation ou changer la distance qui le sépare du client.
Inversement, le client peut également expérimenter avec des mots et
des mouvements, par exemple en disant « non », en poussant contre
un coussin tenu par le thérapeute, ou en se rendant légèrement plus
vulnérable en baissant les épaules ou en respirant plus profondément.
L’objectif de l’intégration est d’établir de nouvelles connexions aux
niveaux cognitif, émotionnel et corporel, créées par de nouvelles
expériences plutôt que par l’intuition (Ogden, 2021).

Exemple
B. a subi des traitements médicaux drastiques en raison d’une leucémie dont elle était
atteinte lorsqu’elle était enfant. Elle a supporté ces traitements en se montrant
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« courageuse » et aussi imperturbable que possible pendant les procédures, qui étaient
également difficiles à supporter pour les adultes qui l’entouraient. Au cours d’une
séance de thérapie, lorsque B. veut aborder un sujet difficile, elle s’assoit proprement,
les jambes le long du corps, le dos droit, les mains sur les genoux, le regard
interrogateur, avec presque aucun mouvement. Lorsque le thérapeute attire l’attention
sur cette façon de s’asseoir apparemment sans affectation, B. se rend compte qu’elle a
éteint son corps et ses émotions, une stratégie qu’elle a apprise à l’hôpital lorsqu’elle
devait rester assise pendant des interventions difficiles. À titre expérimental, le
thérapeute invite B. à recommencer à sentir son corps et à percevoir ce que son corps
veut faire lorsqu’elle pense devoir faire quelque chose de difficile. B. remarque alors
qu’elle préfère remonter complètement ses jambes et enrouler ses bras autour de ses
genoux. En faisant cela, elle sent à quel point elle a eu peur et réalise qu’elle doit
apprendre à se protéger au lieu de se soumettre.

LES ÉTATS INFANTILES DANS LE CORPS


La plupart des thérapeutes connaissent la « régression » de leurs
clients vers un état de conscience plus jeune. Souvent, cette
régression se manifeste dans le corps par des mouvements
typiquement enfantins, par exemple dans le visage par le mouvement
des lèvres ou le contact visuel, l’agitation des mains, les pieds tournés
vers l’intérieur ou la rétraction de la tête et le regard vers le haut. Le
corps se prête bien au « cadrage » d’une telle expérience en tant que
partie plus jeune.

Exemple
S. peut reconnaître sa réaction à un nouveau poste de travail à son hypervigilance, à
ses yeux scrutateurs, au fait qu’elle se sent petite et à l’agitation de son corps, avec
lequel elle semble surveiller si elle répond à toutes les exigences. Elle fait le lien avec
les sentiments qu’elle a toujours éprouvés dans son enfance, dans une situation
familiale extrêmement exigeante. Avec son thérapeute, elle peut explorer ce dont
l’enfant, qu’elle ressent dans son corps, a besoin : quelqu’un qui voit à quel point elle
fait des efforts et qui la laisse se détendre. S. peut donner cette expérience manquante
à cet enfant en posant gentiment une main sur ses propres yeux. Il s’agit d’une
expérience inédite, agréable mais aussi déroutante pour l’enfant en hypervigilance, qui
suscite beaucoup de tristesse chez l’adulte S., car elle n’a jamais vécu cela
auparavant. En tant qu’adulte, elle a donc trouvé une forme physique de soin pour sa
propre expérience d’enfant. En mettant la main sur ses yeux, elle fait comprendre à
l’enfant qu’il peut se détendre.
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UNE SÉANCE TYPIQUE DE PSYCHOTHÉRAPIE


SENSORIMOTRICE

Une séance de psychothérapie sensorimotrice se déroule


normalement en cinq étapes : le contenant, l’accès, le traitement, la
transformation et l’intégration. Dans la première partie de la
conversation, le contenant, le client parle du problème et le thérapeute
approfondit le thème en attirant l’attention sur le contenu pertinent et
les réactions corporelles qui se manifestent. Cela se fait au moyen de
« déclarations de contact » : de simples commentaires par lesquels le
thérapeute montre son intérêt, son empathie, son attention au langage
corporel et sa compréhension de ce qui se passe. Les questions sont
évitées autant que possible afin que le flux naturel de l’histoire ne soit
pas trop interrompu par la cognition.

Illustration clinique
H. raconte sa déception à la suite d’un commentaire brutal de sa sœur.
THÉRAPEUTE : « Quand vous parlez de ce moment, le haut de votre corps se dérobe ».
H. : « Oui, cela m’a fait reculer, c’était si méchant. »
Thérapeute : « Serait-il possible de travailler sur ce mouvement de retrait lorsque vous
pensez à votre sœur qui a fait un commentaire désagréable ? »

Lorsque le thème relationnel et la réponse corporelle correspondante


sont évidents, ils constituent l’entrée de la séance et la phase d’accès
commence. À ce stade, l’organisation de l’expérience est explorée par
l’étude attentive de tous les organisateurs centraux. Ensemble, le
thérapeute et le client explorent les muscles impliqués, les sensations
corporelles et les perceptions sensorielles associées, ainsi que les
émotions et les cognitions évoquées par la posture. En général, cela
crée une expérience plus riche et plus significative dans laquelle un
cadre affiné peut émerger.

Illustration clinique (suite)


THÉRAPEUTE : Sentez comment vous tirez vers l’arrière. Quelle est la sensation de ce
mouvement ?
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H. : J’ai tendance à vouloir partir vers la gauche et je remarque que je commence à


regarder vers le bas.
T. : Quelle émotion accompagne ce mouvement ?
H. : C’est une sensation d’anxiété.
T. : Est-ce qu’une image accompagne cette peur et cette envie d’aller vers la gauche ?
H : C’est comme si quelqu’un criait à ma droite. Cela me rappelle mon père. J’ai
l’impression de me figer complètement.
T : Travaillons sur ce sentiment de figement lorsque vous voyez l’image de votre père
qui crie devant vous.

Au cours de la phase de traitement, le thérapeute poursuivra


l’exploration attentive des organisateurs centraux, en utilisant
généralement des expériences physiques ou verbales. De cette
manière, la stratégie d’adaptation peut être étudiée à travers le corps
et on peut se pencher sur son origine, son coût et sa signification pour
le client et la perception qu’il a du monde qui l’entoure. L’objectif est
d’assouplir la stratégie et de faire de la place à l’émotion sous-jacente
qui n’a pas pu être ressentie dans la situation d’origine.

Illustration clinique (fin)


Après avoir approfondi le vieux sentiment de ne pas pouvoir quitter son père qui crie,
H. conçoit sa propre expérience : elle demande au thérapeute de se placer entre elle et
le père imaginé, face à H. Cela provoque une certaine relaxation, puis des
tremblements dus au choc provoqué par les cris. Par la suite, H. remarque qu’elle peut
à nouveau établir un contact visuel, ce qui déclenche chez elle une profonde tristesse.
En général, ceci crée automatiquement une transformation de l’expérience physique et,
par conséquent, des émotions et du contact avec le monde qui entoure le client. Par
exemple, la posture change, un profond soupir se produit, ou le client remarque de
nouvelles perceptions sensorielles ou pensées.
H. remarque que le chagrin intense s’atténue et qu’elle ressent à nouveau un espace
de respiration.
THÉRAPEUTE : C’est très différent, n’est-ce pas ? Pouvons-nous nous en tenir à ce
soulagement que vous ressentez maintenant ?
Dans la phase d’intégration, cette transformation est élaborée en une expérience riche
et multimodale, afin que le client puisse porter la nouvelle expérience à tous les
niveaux de traitement de l’information. Cela peut se faire, par exemple, par un geste,
une image, une nouvelle pensée ou une idée de la manière dont la transformation peut
être incorporée dans la vie quotidienne.
H. a l’impression que son figement dû à la colère de son père a enfin été perçu. Elle
pense alors à ce qu’une mère aurait dit : « Ton père ne devrait pas être aussi en colère
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contre une petite fille. » Elle se le répète dans sa langue maternelle. Avec ses mains,
qui se sont d’abord posées contre son ventre, elle délimite avec amour un espace qui
lui est propre. Elle a le sentiment que dans cet espace, sa peur et sa tristesse peuvent
être vécues. Elle s’imagine utiliser ce geste la prochaine fois qu’elle rencontrera sa
sœur, afin qu’elle puisse continuer à sentir qu’elle n’a pas à se laisser marcher sur les
pieds.

PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES
La psychothérapie sensorimotrice utilise plusieurs principes de base
qui guident l’attitude et le processus thérapeutiques (Sensorimotor
Psychotherapy Institute, 2022). Les premiers principes sont la
présence et la pleine conscience : une étude sans jugement de
l’expérience du client ici et maintenant, le thérapeute étant présent
dans son corps autant que possible et conscient des expériences de
ce moment. Ce faisant, la méthode suppose un holisme corps-esprit :
l’expérience humaine comporte des aspects physiques, mentaux et
spirituels qui sont interdépendants. La relation avec le client est basée
sur l’unité, les deux personnes étant à la fois connectées et uniques,
et sur la Non-violence, le principe selon lequel rien n’est forcé ou
imposé. Le processus thérapeutique est guidé par l’organicité :
chaque personne tend naturellement à se développer, et le thérapeute
peut avoir confiance dans le fait que la prochaine étape est prête à
évoluer. Enfin, l’alchimie relationnelle : chaque combinaison entre le
client et le thérapeute produit une interaction unique qui permet à
chacun d’apprendre de l’autre. Ensemble, ces principes constituent
une base solide pour un processus thérapeutique orienté vers le
corps.

TRAUMATISME DE L’ENFANCE ET STRATÉGIE D’ADAPTATION


Illustration clinique
C., une femme de 48 ans, très instruite, vivant avec son compagnon, demande une
thérapie en raison de douleurs dans les muscles, le tissu conjonctif, l’abdomen, la tête
et les nerfs. Elle est également constamment fatiguée et n’arrive pas à se détendre
intérieurement. Elle a déjà suivi de nombreuses thérapies, mais elle reste bloquée. Au
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cours d’un traitement de groupe pour des clients souffrant de symptômes somatiques, il
apparaît que C. a eu un départ difficile dans la vie :
« Lorsque je suis née, notre famille était composée de mon père, de ma mère, de deux
grands frères et d’une grande sœur. Juste avant ma naissance, il y a eu une sœur qui
n’a vécu que trois mois. Plus tard, un frère plus jeune est né. Nous vivions dans une
maison spacieuse dans un village. Mon père avait un travail très prenant et notre mère
s’occupait de nous. Ils avaient une vie sociale bien remplie et nous formions une famille
animée.
Je suis née avec des naevi1 sur le visage et sur la jambe droite. J’étais encore un bébé
lorsqu’à l’hôpital, les naevi ont été brûlés aux rayons X. Une couche par semaine
pendant des semaines. Tous les enfants devaient m’accompagner. Je pleurais
beaucoup. Mon frère et ma sœur aînés ont eu du mal à le supporter. Ma sœur s’est
sentie responsable et s’est ensuite beaucoup occupée de nous, les “petits”.
Le réveil de mon traumatisme a commencé par des tremblements du bras droit, des
tiraillements du visage et beaucoup de pleurs. À ce moment-là de ma vie, je souffrais
beaucoup. »
Il est décidé de lui proposer une psychothérapie sensorimotrice car les traumatismes
de C. sont préverbaux et s’expriment principalement à travers son corps. Le corps de
C. semble dire exactement ce qui s’est passé pendant les procédures et en y prêtant
attention pendant la thérapie, la douleur peut enfin être soulagée.
« Au début de la thérapie, il y avait surtout la peur : presque folle et dévorante. Un
sentiment de vouloir se cacher, mais rien n’y fait. Ces sentiments forts me dissociaient
et m’empêchaient de faire quoi que ce soit. Le manque total de confiance et de sécurité
était également très fort (j’étais avec ma mère et l’instant d’après, elle me confiait à
quelqu’un d’autre et l’enfer se déchaînait). Le danger était ressenti très physiquement.
D’autres douleurs semblaient également liées à ce traumatisme, comme des douleurs
dans le cou, les omoplates et le bas du dos. Le sentiment d’être tenue et maîtrisée était
très présent dans ma mémoire corporelle. Les douleurs devenaient plus fortes lorsque
le traumatisme ou les émotions associées étaient déclenchés. Elles étaient en grande
partie dues au verrouillage automatique de mes muscles : je me renfermais sur moi-
même et devenais silencieuse. »
Grâce au ressourcement physique et aux techniques de psychothérapie sensorimotrice
des traumatismes, C. peut enfin apaiser ses réactions véhémentes aux expériences
traumatisantes qu’elle a vécues lorsqu’elle était bébé. Pas à pas, elle s’attarde sur des
bribes de souvenirs physiques, comme la douleur au visage, la sensation d’être tenue
et de vivre sans cesse dans un état de congélation. En suivant le corps dans ses
impulsions et son éveil autonome, C. commence à expérimenter qu’elle peut se libérer
et qu’elle n’est plus seule avec tous ses sentiments intenses. Comme ressources pour
ce processus, C. utilise entre autres la mise à la terre, la sensation de force et le
contact interpersonnel par les yeux et le toucher.
« Cette méthode m’a beaucoup changée. Terminer les mouvements non faits et
exprimer les émotions non exprimées s’est avéré être une source de guérison et de
libération. »
La dynamique familiale a également été très affectée par les traitements que C. a dû
subir :
« L’expérience des radiothérapies et ce qu’elles m’ont fait subir ont façonné l’attitude de
mes frères, de ma sœur et de ma mère. Ma mère, en partie à cause de ses propres
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traumatismes, n’était pas gentille, elle me jugeait et était souvent négative à mon
égard. Mes frères et ma sœur, d’une certaine manière, ne m’aimaient pas beaucoup.
On me traitait souvent de façon négative, on me traitait de folle et on m’excluait. Mon
père m’a toujours traitée avec amour. Je sais ce que c’est que de ressentir de l’amour.
Je pense que cela m’a poussée à faire beaucoup d’efforts. Je faisais attention à tout, je
racontais tout (ce qui n’arrangeait pas mon grand frère et ma grande sœur), je
contrôlais, je ne ressentais rien et je m’absentais. La plupart du temps, je gardais tout à
l’intérieur, je ne pouvais pas lâcher prise et j’étais souvent malade, pendant longtemps.
J’étais souvent seule dans ma chambre à lire. J’avais tout un monde à l’intérieur de moi
qui ne correspondait pas au reste de la famille (sensible, perspicace, créatif, etc.). Je
trouvais ma famille trop bruyante, peu claire dans ses émotions et ses actions. Je ne
comprenais pas très bien ce que c’était que d’être humain. Je n’avais plus conscience
que je m’appartenais, que mon corps m’appartenait et qu’il y avait une place pour moi.
Je n’avais pas de limites. Par conséquent, j’ai vécu de nombreuses expériences où j’ai
tout laissé faire. Plus le comportement, l’émotion de l’autre personne était transgressif,
plus je me taisais. Plus mon émotion était forte, plus je me retirais, plus j’étais malade.
En conséquence, j’étais moi-même transgressive. Partout et nulle part. »
Pour commencer à se sentir plus à l’aise, C. s’exerce à délimiter son propre espace à
l’aide d’une corde. Elle est frappée lorsqu’elle réalise qu’elle n’a jamais ressenti
d’espace propre. En fait, elle s’est toujours sentie diffuse. Lors d’une séance ultérieure,
elle souhaite s’entraîner à ressentir son propre espace par le biais du contact avec le
thérapeute. Elle place à nouveau la corde sur le sol et ils expérimentent la poussée des
mains de l’un contre l’autre sur la zone limite. Ensemble, ils font un tour complet
pendant que C. sent quelle force est confortable et comment elle se sent rencontrée.
Le résultat est qu’elle se sent pleinement présente dans son propre espace tout en
faisant l’expérience de la connexion avec le thérapeute.
« En plaçant une corde autour de moi, je me suis immédiatement sentie en sécurité et
mon corps s’est détendu, ce qui était très agréable. Cela m’a permis de me percevoir et
de percevoir le monde qui m’entoure de plus en plus tel qu’il est. En outre, je peux
désormais fixer des limites et m’exprimer (même si cela s’accompagne encore de
tremblements et de la peur de ce que l’autre pense de moi, je le fais).
J’ai un sens clair de l’espace, y compris de l’espace physique, que j’occupe et qui
m’entoure. Je suis devenue plus grande et, de ce fait, le monde me semble plus petit.
Mes pieds sont maintenant fermement posés sur le sol et dans la réalité. Je m’autorise
à ressentir ce que je ressens, quoi que ce soit. En vivant toutes les émotions
précédemment bloquées, je me libère de plus en plus. Je m’accepte de plus en plus ; je
deviens plus aimante.
Je n’avais littéralement pas de mots lorsque quelque chose de douloureux m’arrivait.
Maintenant, je peux ressentir ce que je ressens et mettre des mots dessus. Je crois
maintenant à ce que je ressens ; je sais ce qui se passe en moi et entre moi et l’autre
personne. Même quand je suis confuse, je sais maintenant que c’est le signe que
quelque chose se passe qui n’est tout simplement pas juste ou qui n’est pas juste pour
moi. Je n’ai plus besoin de tout savoir.
C’est une autre vie. Plus clairement : J’ai pris forme et je me façonne de l’intérieur.
Je me façonne moi-même.
Je m’exprime dans ce monde de formes.
Je deviens plus mature et plus moi-même, et constituée de moi-même. »
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RECHERCHE, FORMATION ET DÉVELOPPEMENTS FUTURS DE


LA PSYCHOTHÉRAPIE SENSORIMOTRICE

La psychothérapie sensorimotrice s’appuie sur de vastes


connaissances scientifiques telles que la recherche sur l’attachement
(par exemple Bowlby, 1988, Main & Hesse, 1990), les neurosciences
affectives (Schore, 2003a), la neurobiologie interpersonnelle (Siegel,
2022), la pleine conscience (par exemple Ardi et al., 2021; Farb et al.,
2015) et la théorie polyvagale (Porges, 2018).
Bien que la méthode utilise des procédures et des techniques bien
définies, elle ne peut pas être normalisée car chaque processus
personnel a un déroulement unique. Par conséquent, les études de
cas uniques et les méthodes d’échantillonnage de l’expérience
seraient les méthodes de recherche les plus appropriées, mais cela
n’a pas été fait jusqu’à présent. Cependant, trois études ont été
publiées dans lesquelles la psychothérapie sensorimotrice a été
proposée dans un groupe avec des mesures avant et après le
traitement. Dans le premier projet, mené auprès de dix clients
souffrant d’un TSPT complexe, il a été constaté que la conscience
corporelle et les capacités d’auto-apaisement s’amélioraient et que la
dissociation régressait (Langmuir et al., 2012). La deuxième étude a
été menée auprès de seize clients souffrant d’un TSPT complexe et a
permis de constater une évolution positive des symptômes du TSPT,
de la dépression, de l’état de santé général et du fonctionnement
professionnel et social (Gene-Cos et al., 2016). La troisième étude a
été menée avec un groupe témoin sur liste d’attente et a révélé une
amélioration de la conscience corporelle, de l’anxiété et des capacités
d’auto-apaisement dans un groupe de quatorze clients souffrant de
TSPT (Classen et al., 2020). Plusieurs nouvelles études sont
actuellement en cours de conception et de réalisation2.
À l’origine, la psychothérapie sensorimotrice vient des États-Unis
mais, au cours des dix dernières années, elle a émergé en Europe et
il existe également des formations en Australie, au Japon et en Corée
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du Sud. En 2010, la première formation française a été dispensée à


Paris et déjà 317 personnes en France, en Belgique et au Canada ont
été formées. La formation comprend un premier niveau (quatre
modules de trois jours) qui enseigne les techniques de stabilisation et
de traitement des traumatismes. Le deuxième niveau se concentre sur
l’attachement et les lésions développementales et comprend sept
modules de trois jours. Il y a ensuite une formation de certification : un
cours intensif au cours duquel toutes les techniques, l’attitude et les
compétences en matière de processus sont testées. Toutes les
formations comprennent de la théorie, des exercices expérientiels,
des démonstrations, des vidéos et de la pratique avec du matériel
personnel ou des jeux de rôle. En outre, le matériel est exploré dans
des groupes de pairs et pratiqué avec un partenaire régulier. Pendant
la pandémie de Covid, des formations en ligne ont également été mis
au point et peuvent être suivis dans le monde entier.
Dans le domaine des soins en santé mentale, le rôle du corps dans le
bien-être mental fait l’objet d’une attention croissante (Farb et al.,
2015). Une méthode corporelle solidement fondée, telle que la
psychothérapie sensorimotrice, semble bien s’inscrire dans ce
contexte. Elle peut être utilisée à côté des psychothérapies
traditionnelles et s’applique également aux groupes (Mark-Goldstein &
Ogden, 2013), à la thérapie de couple et à la thérapie familiale. Il est
possible que de plus en plus de collègues commencent à utiliser le
corps comme point d’entrée pour la psychothérapie.

CONCLUSION
La psychothérapie sensorimotrice utilise les informations non verbales
disponibles dans le corps pour découvrir et travailler sur les
problèmes d’attachement. Cette approche ascendante étudie
comment les schémas d’attachement originels, qui sont souvent
moins verbaux et conscients, s’expriment dans la posture et le
mouvement. Ainsi, dans le cadre d’une relation thérapeutique sûre,
les anciennes stratégies d’adaptation peuvent être assouplies, les
émotions bloquées peuvent être ressenties et de nouvelles
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expériences relationnelles peuvent être explorées. La psychothérapie


sensorimotrice s’appuie sur de vastes connaissances scientifiques et
dispose de lignes directrices claires concernant les étapes du
processus, les interventions et la relation thérapeutique. Il s’agit d’une
méthode prometteuse pour l’évolution actuelle des soins de santé
mentale vers l’appréciation et l’élaboration du langage du corps.

Notes
1. Tumeurs cutanées bénignes de la peau.

2. Sensorimotor Psychotherapy Institute (2022). About. Retrieved from


https://sensorimotorpsychotherapy.org/about/#mission.
Partie 5

L’attachement,
le psychothérapeute
et le caregiving
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Quels liens existent-ils entre notre histoire d’attachement et la


qualité des soins que nous donnons nous-mêmes à nos
patients ? La littérature sur l’attachement est indissociable de l’étude
du caregiving, autrement dit, de la capacité à donner des soins. La
connaissance de sa propre histoire d’attachement, la réparation des
blessures qui y sont liées, sont indispensables pour tout
psychothérapeute. La théorie de l’attachement permet de penser plus
clairement les liens entre notre propre enfance et notre capacité à
exercer un caregiving sensible et sécurisant auprès de nos patients.
Elle nous sensibilise à l’importance de prendre soin de nous,
soignants.
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Chapitre 18

Pourquoi et comment être


un thérapeute sécurisant ?

Joanna Smith

portant sur l’efficacité des psychothérapies ont mis en


L
ES ÉTUDES
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évidence l’importance de la qualité de la relation et de l’alliance


pour une bonne efficacité, bien avant le choix de la technique. Cette
question de la qualité de la relation pose celle de la qualité des soins
prodigués, donc du caregiving du thérapeute. Quelles sont les
caractéristiques d’un caregiving sécurisant ? Quelles sont les
similitudes et les différences entre le caregiving d’un parent et celui
d’un psychothérapeute ? Et, surtout, comment pouvons-nous, en tant
que thérapeutes, améliorer notre caregiving ? Ce chapitre consistera
à aborder ces questions, et débouchera sur leur application dans le
cadre, notamment, de la supervision, avec la proposition d’un outil de
réflexion portant sur notre propre caregiving à l’égard des patients.

DÉFINITION DU CAREGIVING
L’expression anglaise caregiving n’a pas vraiment d’équivalent en
français, elle s’apparente au fait de « prendre soin » et caregiver à
« donneur de soins » ou « pourvoyeur de soins ». Aussi, pour plus de
légèreté dans la lecture privilégierons-nous ici les termes caregiving et
caregiver. Pour simplifier, nous nommerons ici « partenaire » la
personne sollicitant ou recevant le caregiving ; ceci peut s’appliquer à
un adulte ou un enfant, à une relation parentale ou de soins. Notons
également que le caregiver n’est pas nécessairement une figure
d’attachement, il est juste une personne qui dispense des soins et
peut, avec le temps et si l’enfant (ou ici, le patient) le choisit, devenir
une figure d’attachement.
Selon la théorie de l’attachement, il existe des liens très proches entre
les systèmes comportementaux de l’attachement, du caregiving et de
l’exploration, qui ont une forte valeur en termes de survie (Bowlby,
1969b, 1973, 1980, 1988b). Ainsi, le système comportemental du
caregiving ne peut pas être compris indépendamment de ces deux
autres systèmes. Nous commencerons donc par les définir, afin de
pouvoir définir le système de caregiving.
Le système d’attachement vise à maintenir la sécurité grâce au
contact avec des caregivers. Il s’active donc dans les situations de
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détresse, par exemple en cas de danger, d’anxiété, de tristesse, de


maladie, de fatigue… Lorsque le système d’attachement s’active, cela
incite l’individu à chercher l’aide, la protection ou le réconfort de la part
de l’un de ses caregivers.
Le système d’exploration, qui permet de jouer, travailler, découvrir,
être curieux, apprendre, poursuivre des objectifs et s’engager avec
des pairs, est tout aussi capital à la survie de l’espèce. Néanmoins,
l’activation du système d’attachement inhibe l’activation de
l’exploration, cette dernière étant souvent moins liée à des enjeux de
survie immédiate. À l’inverse, la reprise de l’exploration après une
activation du système d’attachement indique que l’individu a été
suffisamment sécurisé pour reprendre le cours de ses activités,
incluant notamment la possibilité de s’éloigner de sa figure
d’attachement.
Dans ce contexte, le caregiving est activé par l’activation du système
d’attachement du partenaire de l’interaction (ici, l’enfant ou le patient)
ou par la perception d’une occasion d’explorer, c’est « un système
d’alerte aux besoins des autres, qui motive les gens à fournir réconfort
et aide à ceux qui en ont besoin » (Guédeney & Tereno, 2021,
p. 207). Le caregiving correspond à « un large éventail de
comportements qui entrent en complémentarité avec (et soutiennent)
les comportements d’attachement et d’exploration d’un partenaire
relationnel » (Feeney & Woodhouse, 2016, p. 1508). Cette dimension
de soutien à l’exploration est souvent oubliée dans les fonctions du
caregiving : il ne s’agit pas que de protéger ou réconforter, mais aussi
d’encourager l’autre à expérimenter son autonomie. Le système de
caregiving joue donc deux rôles : le havre de paix permettant à l’autre
de trouver de l’aide lors de l’activation de son système d’attachement,
et la base de sécurité, permettant de soutenir l’exploration.

▶ Impact de l’attachement du caregiver sur la qualité


de son caregiving

Il semblerait que de multiples facteurs puissent influencer le


développement du caregiving d’un parent. Citons notamment
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l’influence génétique, faisant l’objet d’études récentes (pour une


recension, voir Costa, 2021), mais aussi l’influence des soins
parentaux et du développement hormonal (par exemple à la puberté,
durant la grossesse, à l’accouchement ou durant la lactation). De
façon plus situationnelle, les facteurs environnementaux peuvent
également jouer un rôle sur la qualité du caregiving : le stress bien
sûr, sous toutes ses formes et avec ses différentes origines, est à
risque de rendre le parent moins sensible et moins disponible. Le rôle
de soutien du caregiving de la figure d’attachement principale par son
environnement d’une manière générale, et par son conjoint en
particulier, semble impacter de façon cruciale la qualité du caregiving :
lorsque le conjoint joue le rôle d’une base de sécurité, alors la figure
d’attachement devient plus sécurisante pour son enfant (Cowan et al.,
2009).
Un facteur très étudié mais encore un peu énigmatique réside dans
l’histoire d’attachement du caregiver et son impact sur la qualité du
caregiving. Bowlby déjà avait émis l’hypothèse qu’un attachement
sécure dans l’enfance facilite la capacité du parent à prendre soin de
son enfant de façon sécurisante (Bowlby, 1979). Les études portant
sur les liens entre les réponses parentales à l’Adult Attachment
Interview et le style d’attachement de l’enfant mettent en évidence que
c’est la capacité à verbaliser ses expériences personnelles
d’attachement de façon cohérente qui influence la sécurité de l’enfant,
plutôt que la présence, ou non, d’expériences infantiles d’attachement
insécure ou désorganisé (Main et al., 1985a).

▶ Aléas du caregiving : le caregiving compulsif et le caregiving


contrôlant-soignant

Le caregiving est une compétence se développant tôt dans la vie,


notamment à travers les jeux avec des poupons. Dans les situations
adverses, où le caregiving parental n’est pas suffisamment sécurisant,
certains enfants découvrent comment le fait de prendre soin de leur
figure d’attachement peut les aider à s’assurer une continuité du lien
avec cette dernière, voire à la contrôler. Deux cas de figures ont été
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décrits.
● Dans le cadre de l’attachement évitant, le « caregiving compulsif »
est décrit comme une stratégie d’attachement adaptée face à un
parent ignorant de façon systématique l’expression des besoins
d’attachement de son enfant. Crittenden a particulièrement bien
décrit, dans son modèle, la dynamique sous-jacente au caregiving
compulsif : il s’agit d’inhiber ses affects négatifs et de prendre soin
de la figure d’attachement d’une manière qui permette d’attirer son
attention, au détriment de ses propres besoins. Il peut s’agir de
« remonter le moral » du parent, de lui changer les idées, d’être son
confident ou de prendre soin de lui (Crittenden & Landini, 2011).
● Le comportement contrôlant-soignant, décrit dans le cadre de
l’attachement désorganisé par Main, Kaplan et Cassidy (Main et al.,
1985a) peut être compris comme l’un des pôles du triangle
dramatique (persécuteur – victime – sauveur) (Liotti, 1999). En
effet, lorsque la figure d’attachement est effrayante, le tout-petit se
trouve face à une situation paradoxale dans laquelle le havre de
paix vers lequel il est spontanément amené à se tourner pour
l’apaisement de sa peur est aussi la source de la peur. Il en résulte
une désorganisation des stratégies d’attachement, l’enfant
expérimente une « peur sans solution » qui le fige. La situation
stressante initiale amène à une dissociation chez le tout-petit en
trois pôles, qui correspondent à trois manières différentes et non
compatibles de vivre la situation : le persécuteur (lié à la sensation
que c’est parce que l’enfant est mauvais que son parent lui fait
peur), la victime (l’enfant perçoit qu’il subit un comportement
effrayant du parent) et le sauveur (l’enfant répare son parent après
la crise en le réconfortant ou en lui pardonnant). Dans ce modèle,
au fur et à mesure qu’il grandit et que ses compétences se
développent, l’enfant va pouvoir faire face à cette situation
paradoxale à l’aide de stratégies relationnelles plus élaborées que
le figement initial. Il peut développer des comportements
contrôlants-soignants (identification au sauveur) ou contrôlants-
punitifs (identification au persécuteur) afin de ne plus être en
position de victime et de reprendre le contrôle sur le parent.
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CARACTÉRISTIQUES DU CAREGIVING SÉCURISANT


▶ Description du caregiving sécurisant

Le caregiving sécurisant est celui qui permet une restauration du


sentiment de sécurité lorsque c’est nécessaire. Le caregiving est un
comportement complexe qui se caractérise par :
● le fait d’être sensible et réactif aux besoins d’attachement et aux
signes de détresse du partenaire ;
● la capacité à fournir suffisamment de soutien (mais pas trop) par
rapport à la situation et aux capacités du partenaire ;
● la capacité à répondre de façon flexible, en tenant compte de la
perspective et des émotions du partenaire ;
● la capacité à réguler son propre comportement et l’adapter au
rythme du partenaire ;
● la capacité à interpréter correctement les signaux et
comportements du partenaire et à réajuster sa réponse en fonction
de celle de l’autre (Feeney & Woodhouse, 2016).
La description ci-dessus met en évidence la complexité et la subtilité
du caregiving, ainsi que le niveau d’attention et d’adaptation au
partenaire qu’elle implique.

▶ Les dysfonctionnements du caregiving

Le caregiving peut donc dysfonctionner de multiples manières. Par


exemple, le caregiver peut manquer de sensibilité ou de réactivité en :
● ne remarquant pas les signaux d’attachement du partenaire ;
● interprétant mal ou en ignorant ces signaux ;
● donnant une réponse inadéquate à ces signaux ;
● répondant trop tard ou de façon rejetante aux besoins
d’attachement ;
● fournissant de l’aide alors qu’elle n’est pas nécessaire.

Il peut s’agir d’un caregiving négligent, intrusif ou désynchronisé par


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rapport aux besoins d’attachement du partenaire, dont les effets sont


susceptibles de s’inscrire au sein des modèles internes opérants du
patient. Rappelons que l’enfant va développer les stratégies
d’attachement lui permettant d’assurer l’obtention d’une réponse la
plus fiable et la plus prévisible possible de la part de sa figure
d’attachement, faute de recevoir une réponse sécurisante. En termes
de survie, l’enfant doit donc trouver une stratégie qui lui assure la
continuité du lien avec la personne dont il est dépendant.
Lyons-Ruth (Lyons-Ruth et al., 1999b) ont décrit les comportements
parentaux disruptifs susceptibles de générer la désorganisation de
l’attachement : le comportement négatif-intrusif, la confusion des
rôles, la désorientation, les erreurs de communication affective et le
retrait (pour plus de détails sur ceci, voir le chapitre 11, p. 203). Il est
bien sûr capital que le thérapeute évite à tout prix de tels
comportements et que, si jamais ils surviennent néanmoins, il les
travaille en supervision.
À l’âge adulte, les MIO et les stratégies d’attachement du patient
peuvent fournir des informations révélatrices sur le type de caregiving
que le patient a reçu : il est donc utile de les repérer dans la manière
dont le patient se comporte dans les situations attachement-
pertinentes (moments de détresse, début et fin de thérapie, moments
de séparation…).

Illustrations cliniques
1. Baptiste devient agressif si sa thérapeute n’est pas disponible dès qu’il en a besoin.
Il a tendance à être tyrannique, voire menaçant, dans la relation de soins. Dans son
enfance, être agressif à l’égard de sa mère, fortement déprimée et probablement
dissociée, était la seule manière d’obtenir de l’attention de cette dernière, sur un mode
contrôlant-punitif (Liotti, 1999), une stratégie d’attachement consécutive à une
désorganisation de l’attachement.
2. Béatrice est très émue lorsque sa thérapeute fait référence à un souvenir que
Béatrice lui a raconté il y a quelques mois ; elle est très étonnée que sa thérapeute se
souvienne de ce qu’elle lui dit. Dans son enfance, Béatrice a subi beaucoup de
négligences et a emmagasiné, au sein de ses MIO, un sentiment puissant de « ne
compter pour personne » et que ce qu’elle vit ou dit n’est pas important et que l’autre
n’est pas attentif.
3. Bruce appelle sa thérapeute à toute occasion, dès qu’il rencontre la moindre
inquiétude. Il apparaît à la thérapeute que, lorsqu’elle n’est pas immédiatement
joignable, il parvient plutôt bien à faire face à la situation. Vu de l’extérieur, Bruce ne
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semble pas avoir conscience de ses compétences et semble se croire beaucoup plus
vulnérable et dépendant qu’il ne l’est vraiment. Si la thérapeute répond trop rapidement
dans ces situations, ou en donnant une aide proportionnée à la demande explicite de
Bruce, elle risque de l’empêcher de découvrir ses compétences. Bruce a finalement
davantage besoin d’être soutenu dans son exploration que d’un havre de paix. Ceci
semble en lien avec une mère l’ayant eu à un jeune âge et plutôt anxieuse et démunie,
excessive dans sa protection, qu’il qualifie de « mère poule » et à l’égard de laquelle il
semble avoir développé un attachement anxieux-ambivalent.

Il peut être important de préciser que la qualité du caregiving n’est pas


équivalente de l’amour qu’un parent a envers son enfant, et que les
efforts fournis par le caregiver peuvent, malgré ses bonnes intentions,
s’avérer inefficaces ou contre-productifs pour sécuriser l’enfant. Cette
précision est parfois importante à partager au patient, afin qu’il
accepte d’explorer sincèrement son expérience passée
d’attachement, sans pour autant avoir le sentiment de trahir ses
parents ou de les rendre « mauvais ».
Bowlby souligne que le fait d’avoir du temps et de se sentir détendu
facilite considérablement la tâche du caregiver (Bowlby, 1988b).
Disposer de temps et se sentir détendu favorise la mentalisation et
donc la capacité à percevoir de façon adéquate ce dont l’enfant a
besoin. Des parents stressés peuvent parfaitement connaître la
réponse qu’ils devraient apporter à leur enfant, mais être incapables
de l’appliquer.

▶ Caractéristiques des soins parentaux sécurisants


selon Ainsworth

À partir des travaux portant sur la « situation étrange », Ainsworth et


ses collègues ont mis en évidence 4 aspects particulièrement
importants des soins parentaux, favorisant la sécurité de
l’attachement (Ainsworth et al., 2015) :

La sensibilité aux signaux de l’enfant


Elle comporte quatre composantes :
● avoir conscience du signal d’attachement, donc être accessible à
l’enfant et capable de percevoir son signal d’attachement ;
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● interpréter les signaux d’attachement de manière exacte, ce qui


implique de les avoir perçus, d’être libre de distorsion et
empathique ;
● répondre de façon appropriée au besoin de l’enfant mais aussi à
son âge et selon son niveau de compétence ;
● donner une réponse suffisamment rapide, c’est-à-dire suffisamment
proche du signal d’attachement dans le temps pour que l’enfant
puisse y percevoir un rapport de cause à effet.

La coopération
Le caregiver interfère-t-il avec l’activité de son enfant, l’interrompt-il à
sa guise, ou se comporte-t-il de façon respectueuse à l’égard de
l’enfant, tenant compte du fait que ce dernier est un être séparé, actif
et autonome, dont les désirs et les activités ont une valeur en tant que
telle ? Dans la coopération, le caregiver joue plutôt un rôle de guide
ou encourage, seulement si nécessaire. Il recourt le moins possible à
la coercition (punir, enfermer dans sa chambre, contraindre…).

La disponibilité
Le caregiver est-il accessible à l’enfant et réactif si besoin ? Ignore-t-il
ses signaux de détresse ou les perçoit-il avec indifférence ?

L’acceptation des besoins de l’enfant


Le caregiver ressent-il des émotions positives à s’occuper de cet
enfant, et celles-ci dépassent-elles les émotions négatives inévitables
liées à la frustration, à l’irritation, à la colère, aux difficultés
rencontrées ? Les besoins de l’enfant font-ils l’objet d’un rejet ?
Après cette revue des caractéristiques du caregiving sécurisant, nous
allons nous pencher sur son éventuelle transposition à la relation
thérapeutique dans la clinique adulte.

CAREGIVING DU PARENT ET CAREGIVING


DU THÉRAPEUTE : SIMILITUDES ET DIFFÉRENCES
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S’il est intéressant de transposer les caractéristiques du caregiving


sécurisant du parent à la manière dont un thérapeute peut être
sécurisant, il est néanmoins nécessaire, au préalable, d’observer que
prendre soin de son enfant et prendre soin d’un patient adulte dans le
cadre d’une relation thérapeutique ne sont absolument pas des
situations équivalentes, pour différentes raisons :
Contrairement à un enfant en plein développement, le patient adulte a
déjà une histoire et une expérience antérieure d’attachement bien
constituée et le thérapeute doit donc faire face à ses MIO et amener le
patient à les revisiter si c’est nécessaire (Brown & Elliott, 2016). En
raison de l’âge, le fonctionnement du patient peut être rigide, il est
souvent moins plastique que celui de l’enfant.
Le patient adulte a déjà un cerveau mature, il s’agit donc de l’aider à
exploiter/développer des compétences qu’il a déjà plutôt que de
soutenir une croissance initiale du cerveau ou des compétences
nouvelles comme chez le bébé ou le jeune enfant.
Le psychothérapeute est chargé de s’occuper de son patient de façon
ponctuelle, et n’aura pas la même disponibilité ou accessibilité qu’un
parent. Sa mission est relativement circonscrite au problème ou aux
difficultés ayant amené le patient à le consulter. Il n’est pas aussi
émotionnellement impliqué qu’un parent avec son enfant et se montre
souvent plus objectif.
Pourtant, la place du psychothérapeute (et d’autres soignants) diffère
de celle d’un adulte ordinaire envers ses proches, dans la mesure où
le caregiving entre thérapeute et patient n’est pas réciproque : les
relations d’attachement entre adultes se caractérisent en général par
leur réciprocité. Un patient qui tente de prendre soin de son
thérapeute est sans doute en difficulté pour accepter de voir son
système d’attachement sous sa forme « infantile » de dépendance
unilatérale s’activer dans la relation thérapeutique, et il est important
d’en tenir compte et d’y travailler.
Il y a donc une particularité de la relation thérapeutique à l’âge adulte
tant par rapport au caregiving à l’égard d’un enfant que par rapport à
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la relation d’attachement habituelle entre adultes. La dimension non


réciproque du caregiving du thérapeute envers son patient ne doit pas
faire perdre de vue combien le patient peut être compétent, ce que ce
dernier a parfois besoin de découvrir, mais pas de développer
totalement comme un tout-petit.
Cependant, en nous penchant sur les caractéristiques d’un caregiving
parental sécurisant, il nous a semblé qu’un certain nombre d’entre
elles pouvaient utilement nous éclairer sur la manière dont un
thérapeute peut être sécurisant envers son patient. Car, rappelons-le,
c’est parce que le thérapeute sera sécurisant que son patient pourra
accepter d’explorer tout en faisant une expérience correctrice de
sécurité d’attachement, et cette expérience est potentiellement
thérapeutique à part entière. La sécurité ressentie dans l’espace
thérapeutique est également favorable à la qualité de l’alliance, elle-
même un facteur central de l’efficacité des psychothérapies.

APPLICATIONS À LA PSYCHOTHÉRAPIE DES ADULTES


Brown & Elliott (Brown & Elliott, 2016) fournissent une bonne synthèse
des caractéristiques du caregiving sécurisant chez un thérapeute :
● le caregiver fournit de la protection, amenant le partenaire à se
sentir en sécurité ;
● il interagit de manière accordée, ce qui amène le partenaire à se
sentir vu et reconnu ;
● il rassure, fournissant du réconfort ;
● il se réjouit, aidant le partenaire à se sentir valorisé ;
● le caregiver soutient et encourage l’exploration et la découverte, ce
qui favorise l’exploration et l’épanouissement du partenaire.
La protection. Dans la psychothérapie des adultes, ce n’est bien sûr
que dans des cas extrêmes que nous sommes amenés à intervenir
directement afin d’assurer la protection du patient dans sa vie (non-
assistance à personne en péril, par exemple). La protection fournie
par le thérapeute est liée à sa sensibilité, une variable maternelle
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favorisant la sécurité de l’attachement de l’enfant. La sensibilité


correspond à la capacité à percevoir et interpréter de façon ajustée
les signaux de l’autre, et à y répondre suffisamment rapidement et de
façon adéquate. De façon intéressante, notons que la sensibilité
maternelle est liée, chez l’enfant, à une meilleure régulation
émotionnelle et physiologique, avec un impact tant sur le système
vagal que la réactivité du tout-petit au cortisol (Feeney & Woodhouse,
2016). La sensibilité permet donc de veiller à ce que l’intensité
émotionnelle des séances soit tolérable pour le patient.
Il en résulte que la fonction de protection se manifeste, dans l’espace
thérapeutique, à travers la modulation des affects du patient par le
thérapeute, mais aussi par la bienveillance du thérapeute, sa prise en
compte des défenses du patient et de sa vision du monde (afin de ne
pas le brusquer), sa manière de le confronter avec délicatesse,
lorsqu’une confrontation est nécessaire, et sa disponibilité. Comme le
patient est adulte, il n’est pas nécessaire d’être disponible de la même
manière que pour un tout-petit, mais il est important d’être disponible
de façon prévisible. Par exemple, préciser sous quel délai le
thérapeute s’engage à répondre à un message de son patient. En
psychiatrie, où les patients peuvent être plus fragiles et plus
« régressés », cette disponibilité limitée va être compensée par la
présence continue de l’équipe et la transmission d’informations entre
ses membres, lorsque c’est utile.
L’accordage. Il s’agit d’une manière très subtile d’interagir, qui va
aider le patient à se sentir compris, vu, entendu, senti. Elle présente
une forte dimension psychocorporelle.
La réassurance. Il s’agit notamment de la dimension de havre de
paix jouée par le thérapeute, sa capacité à offrir du réconfort au
patient dans les moments de détresse.
Le fait de se réjouir pour le patient, sans pour autant lui « voler »
ses réussites. C’est l’un des points certainement les plus différents
d’une approche thérapeutique non directive, la plus courante en
France.
Le soutien à l’exploration. Les thérapies basées sur l’introspection
consistent à soutenir le patient à explorer son intériorité, ses
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émotions, son passé, etc. Les thérapies plus comportementales


amènent à explorer les circonstances dans lesquelles les difficultés
apparaissent et à expérimenter une confrontation à des niveaux
progressifs de difficulté, avec le soutien du thérapeute (parfois même
sa présence) et les solutions construites en thérapie. Ici, il s’agit
d’aider juste assez — mais pas trop. Ce dosage peut être difficile à
évaluer pour le thérapeute, surtout si le patient présente une tendance
à « l’impuissance apprise » et qu’il est plus compétent qu’il n’y paraît.
Les caractéristiques d’un caregiving sécurisant sont notamment « la
réactivité, la sensibilité, la cohérence, la fiabilité, les capacités à
s’accorder, la capacité à absorber les protestations et à avoir en tête
l’état d’esprit de l’enfant, tout en le percevant comme une personne
autonome, douée de sensibilité, ayant des sentiments et des projets
propres » (Holmes, 2001).
La difficulté du thérapeute d’adulte par rapport au parent est qu’il se
heurte à des MIO déjà constitués face auxquels il doit fournir une
expérience correctrice suffisamment adéquate pour que celle-ci soit
perçue et intégrée par le patient, afin de permettre un ajustement de
ses MIO. Une autre difficulté du thérapeute afin d’être suffisamment
sensible, peut être liée à son histoire personnelle, notamment
d’attachement, mais aussi de traumas et de deuils non résolus. Il peut
donc être intéressant d’appliquer la théorie de l’attachement à son
propre caregiving, et c’est ce que nous vous proposons sur cette
dernière partie.

PRENDRE SOIN DE SON CAREGIVING


EN TANT QUE THÉRAPEUTE

▶ Caregiving et supervision
PETIT QUESTIONNAIRE D’AUTO-ÉVALUATION DE VOTRE CAREGIVING

Pensez à un patient en particulier. Il peut s’agir d’un patient avec lequel l’alliance
est bonne et la thérapie « fonctionne bien », ou au contraire d’un patient avec
lequel la relation est plus difficile ou l’efficacité de la thérapie plus douteuse. Vous
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pouvez aussi répondre à ce petit questionnaire pour ces deux types de patients,
afin de comparer !1
● Suis-je disponible pour ce patient ? En séance, en dehors des séances ? Trop
ou pas assez, ou de façon adéquate ? Est-ce que je le protège efficacement
contre la dysrégulation émotionnelle au cours de nos séances ? Le patient
répondrait-il différemment que moi à ces questions ?
● Est-ce que j’ai le sentiment que ce patient se sent compris par moi ? qu’il se
sent vu, entendu, pris en compte ? Et lui, qu’en dirait-il ? Est-ce que j’ai eu des
« ratés » dans la relation avec ce patient ? Si oui, ont-ils été réparés par moi ?
Est-ce que la relation thérapeutique en est encore affectée ? Si oui, que puis-je
faire pour réparer, à ce stade ?
● Est-ce que je peux le rassurer si besoin ? Le réconforter ?
● Est-ce que je peux me réjouir pour ce patient ? Partager des points de vue qui
l’aident à sentir sa valeur ?
● Est-ce que je soutiens l’exploration sans interférer ? Suis-je tenté de trouver
des solutions à sa place, de prodiguer des conseils, de décider pour le
patient ? Est-ce qu’il m’arrive de réfréner l’exploration du patient ? Le patient
répondrait-il différemment que moi à ces questions ?

De nombreuses études mettent en évidence une amélioration de la


sensibilité parentale en s’appuyant notamment sur le vidéo-feedback
(pour des exemples de dispositifs, voir notamment Tereno et al.,
2018; Vandenbroucke, 2021). De façon similaire, le fait, en tant que
thérapeute, de se filmer en séance et de visionner ces vidéos (si
possible avec le soutien d’un espace de supervision bienveillant),
semble favoriser la prise de conscience et le réajustement des
comportements non optimaux du thérapeute à l’égard de son patient.
Se filmer et se regarder travailler en vidéo est souvent désagréable
pour les thérapeutes. C’est pourtant une expérience très formatrice et
qui, en supervision, apporte des informations précieuses que le
thérapeute ne peut pas apporter de lui-même s’il n’en a pas
conscience. La confrontation répétée à cette petite épreuve en termes
d’image de soi contribue en outre à aider le thérapeute à se sentir
plus solide et à mieux se connaître, dans ses compétences autant que
dans les points qu’il a à améliorer.

▶ Impact de la thérapie du thérapeute sur son caregiving

À partir des études portant sur l’AAI, il est probable que la


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psychothérapie personnelle du thérapeute améliore la qualité de son


récit auto-biographique et, à ce titre, celle de son caregiving. Si le
thérapeute est activé par des traumatismes, deuils ou autres épisodes
émotionnellement non résolus au cours des séances de thérapie de
ses patients, alors sa priorité ira à son auto-régulation plutôt qu’à la
régulation du patient, car l’activation de son système d’attachement
primera sur celle de son caregiving. Il risque donc, involontairement et
même inconsciemment, de se montrer insuffisamment disponible
émotionnellement pour réguler le patient, et de manquer de
sensibilité.
L’insistance sur l’importance du travail personnel du thérapeute,
présente dans la plupart des formations à la psychothérapie, a
certainement beaucoup de sens, notamment en ce qu’elle a de
bonnes chances d’accroître la disponibilité et surtout la sensibilité du
thérapeute à ses patients, mais aussi de prévenir le traumatisme
vicariant ou l’épuisement professionnel (pour plus de détails sur ce
point, voir le chapitre 19, p. 325).

Illustration clinique
Hector, psychologue, entre en thérapie didactique à l’âge de 35 ans afin d’expérimenter
le Lifespan IntegrationTM, auquel il vient de se former. Après quelques mois de suivi, il
rapporte au cours d’une séance qu’à la fin de ses journées de consultation, il se sent
souvent très triste en quittant son cabinet, et que ce sentiment de tristesse et de
solitude, qui confine parfois au désespoir, persiste au moins jusqu’à son retour à la
maison, quelquefois jusqu’à l’heure du coucher. Il remarque qu’il n’a pas ces
sentiments lorsqu’il a été en journée de supervision ou de formation, seulement quand
il doit prendre soin d’autrui. Nous décidons d’utiliser le pont d’affect (Watkins, 1971)
pour déterminer quels types de souvenirs se cachent derrière ces émotions parasites
qui s’invitent à la fin de ses journées de consultation.
À partir de ses sensations corporelles, Hector ferme les yeux et observe un souvenir
qui émerge de la période de ses 7-8 ans où sa mère était très déprimée dans le
contexte d’un traitement pour cancer : Hector se sent seul, triste, démuni, il a
l’impression de ne pas compter et que personne n’est là pour lui. Nous traitons ce
souvenir par une séance de Lifespan IntegrationTM au cours de laquelle Hector
s’imagine aller prendre soin de lui-même, enfant, dans cette situation et ramener cet
enfant dans le présent, pendant que sa thérapeute déroule une série d’événements de
sa vie afin de lui faire intégrer la sensation que cette époque est lointaine et révolue
(pour plus de détails sur la procédure du Lifespan IntegrationTM, se reporter au
chapitre 14 du présent ouvrage). Cette séance soulage de manière significative la
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tristesse d’Hector à la fin de ses journées de consultations, mais c’est à la suite du


travail sur la période préverbale, où nous allons prendre soin de lui bébé, qu’il
commence à sortir de ses journées de consultation totalement serein. Hector remarque
aussi qu’il se sent plus à l’aise avec les patients souffrant de dépression, qui avaient
tendance à le décourager auparavant. Il a davantage l’impression de pouvoir les aider.

Cette situation clinique illustre comment les antécédents personnels


non résolus peuvent être inconsciemment réactivés par notre relation
d’aide à nos patients, et parfois par leur problématique, et comment la
psychothérapie du thérapeute aide ce dernier à se sentir plus épanoui
dans son travail et, certainement, plus sensible à l’égard de ses
patients, donc plus sécurisants.

▶ Petit bilan sur vos bases de sécurité en tant que thérapeute

L’attachement chez l’adulte est un phénomène très complexe,


notamment en raison de la grande complexité du cerveau de l’adulte
et de la créativité dont il peut faire preuve pour résoudre des
problèmes. Dans la vie professionnelle, l’expérience de base de
sécurité est nécessaire pour pouvoir explorer, afin d’inciter le patient à
explorer également. Du fait la complexité de l’adulte, cette expérience
de base de sécurité peut être fournie de multiples façons. Par
exemple, en cas de difficulté professionnelle, le thérapeute peut bien
sûr recourir à des personnes réelles, comme des collègues, un
groupe de covision, de supervision ou un superviseur. Mais il peut
aussi avoir recours à l’intériorisation de ceux-ci (« Que me dirait le
Professeur Robert, mon chef de service durant mon internat, face à
cette situation clinique difficile ? » « Que me dirait mon thérapeute ? »
etc.). L’expérience de base de sécurité peut aussi être soutenue par le
recours à une théorie, à une institution, à un espace de sécurité
intérieur fourni par des routines ou des pratiques favorisant la
régulation des émotions (méditation de pleine conscience, cohérence
cardiaque, sophrologie, activités artistiques ou sportives…).
AUTO-ÉVALUATION DE VOTRE CAREGIVING (SUITE)

Et vous, quelles sont vos ressources lorsque vous vous trouvez dans une situation
clinique difficile ? Vous semblent-elles suffisantes ? Comment pourriez-vous les
développer, le cas échéant ?
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▶ Votre superviseur est-il suffisamment sécurisant ?

La supervision est potentiellement, pour les thérapeutes, un espace


de base de sécurité professionnel. Il s’agit d’un espace qui devrait
contribuer au sentiment de sécurité du thérapeute, un espace vers
lequel le thérapeute puisse se tourner en cas de situation difficile.
AUTO-ÉVALUATION DE VOTRE CAREGIVING (SUITE ET FIN)

Les questions utiles pour choisir un superviseur qui nous convient pourraient donc
être parmi les suivantes :
● Est-ce que je me sens en sécurité ou en danger en supervision avec ce
superviseur ? Est-ce que je peux me montrer vulnérable, faire part de mes
erreurs sans être attaqué ? Est-ce que mon superviseur sait m’encourager et
se réjouir de mes succès, soutient-il de façon raisonnable mon exploration,
c’est-à-dire le fait que j’expérimente des manières nouvelles de pratiquer tout
en me mettant en garde quant aux éventuels risques, le cas échéant ?
● Et moi ? Suis-je un supervisé sécure ? C’est-à-dire, suis-je capable d’aller de
façon confortable en supervision ? de prendre les critiques lorsqu’elles sont
constructives et bienveillantes ? de reconnaître, le cas échéant, que je me suis
trompé·e et de réparer mes erreurs ? Est-ce que je crains d’aller en supervision
ou est-ce que je me réjouis d’y aller ?
CONCLUSION
Si le travail classique en psychothérapie, depuis Freud, a mis l’accent
sur l’importance du travail thérapeutique personnel du thérapeute, de
la supervision et de l’analyse du contre-transfert, la psychothérapie
attachement-informée formule ces objectifs d’une manière différente,
plus précise. En accord avec le changement de paradigme décrit par
Schore (voir chapitre 4, p. 81), les recherches en psychothérapie
portent aujourd’hui davantage sur la nature du processus
thérapeutique que sur le contenu de ce qui y est dit. Il ne s’agit pas
tant de comprendre le patient — ou qu’il se comprenne mieux —
(processus cognitif) mais bien de l’aider à se sentir senti (processus
émotionnel) au cours de ce travail de compréhension de soi. À cet
égard, le travail thérapeutique personnel du thérapeute est important
en ce qu’il permet un caregiving plus sensible, libéré autant que
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possible des traumas, deuils et/ou enjeux infantiles non résolus du


thérapeute, et une meilleure régulation émotionnelle (et
physiologique) de ce dernier. La psychothérapie, avant d’être un lieu
de compréhension de soi, peut donc être d’abord comprise comme un
lieu de corégulation, permettant à un organisme émotionnellement
dysrégulé (de façon circonscrite ou plus chronique, selon les cas)
d’améliorer sa régulation à partir d’une expérience de co-régulation
par un thérapeute lui-même suffisamment régulé, disponible, sensible
et réactif, permettant une expérience de base de sécurité.
Enfin, pour conclure ce chapitre de questionnement sur la qualité du
caregiving du thérapeute, rappelons-nous l’expression salvatrice de
Winnicott, confirmée par bien des études sur l’attachement chez
l’enfant : l’être humain, pour se développer, n’a besoin que d’une
mère suffisamment bonne. Gageons qu’il en est de même en
psychothérapie. Faisons de notre mieux, réparons nos erreurs, en
acceptant, autant que possible, d’être imparfaits.

Notes
1. Vous retrouverez ces questions sous forme d’une fiche d’auto-
supervision à utiliser selon vos besoins, dans les annexes du présent
ouvrage, p. 344.
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Chapitre 19

Prendre soin de nous,


soignants : caring for the
caregiver
Pascale Brillon et Joanna Smith

OUS LE SAVONS, et les données de recherche le confirment : notre


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N métier de psychothérapeute est souvent source de beaucoup de


satisfaction, de valorisation et de stimulation (Bae et al., 2019 ; Brooks
et al., 2016 ; Rupert, Miller, et al., 2012 ; Rupert, Stevanovic, et al.,
2012 ; VanVoorhis & Levinson, 2006). Des études montrent même
que les soignants en santé mentale font preuve d’une meilleure
adaptation psychologique que la population générale (et que d’autres
professionnels) en période de turbulence (Lee et al., 2019 ; Zeidner et
al., 2013). On évoque comme explication nos meilleures stratégies
d’adaptation et de régulation émotionnelle et nos connaissances
professionnelles si précieuses afin de faire face au stress, aux conflits
et à l’adversité (Elliot & Guy, 1993 ; Koller & Hicks, 2016 ; Manning-
Jones et al., 2016 ; Norcross et al., 1986).
Cependant, plusieurs études ont, d’autre part, identifié des stresseurs
uniques à notre profession et ont souligné à quel point celle-ci peut
être émotionnellement très éprouvante (Bria et al., 2012 ; Rössler,
2012 ; Smith & Moss, 2009). En effet, plusieurs données indiquent
que les soignants ne sont pas invulnérables et qu’ils sont susceptibles
de souffrir de graves symptômes d’épuisement professionnel, de
sentiments de frustration ou d’impuissance, de fatigue de compassion,
de trauma vicariant et même de pensées suicidaires (Ben-Zur &
Michael, 2007 ; Cocker & Joss, 2016 ; Elwood et al., 2011 ; Evans et
al., 2006 ; Ewer et al., 2015 ; Figley, 2002 ; Firth-Cozens, 2007 ;
Hannigan et al., 2004 ; Huggard et al., 2017 ; Kleespies et al., 2011 ;
Lloyd et al., 2002 ; Ramberg & Wasserman, 2000).
Lors d’un stresseur chronique majeur telle que la pandémie de la
Covid-19, une étude toute récente menée à l’université du Québec à
Montréal (Brillon, 2021), montre même que les sentiments de solitude
des soignants en santé mentale étaient plus élevés que ceux de la
population générale, ce qui constitue un résultat très troublant.
Nous aborderons dans ce chapitre, à la lumière de la théorie de
l’attachement, la question des risques professionnels à exercer la
psychothérapie, en définissant les notions de trauma vicariant et de
fatigue de compassion, en passant en revue les facteurs de détresse
professionnelle des soignants, pour terminer par une mise en
perspective en termes de prévention.
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LA DÉTRESSE PROFESSIONNELLE : TRAUMA VICARIANT ET


FATIGUE DE COMPASSION

Afin d’étudier la détresse professionnelle chez les soignants en


relation d’aide, les chercheurs et cliniciens se sont particulièrement
intéressés à deux syndromes : le trauma vicariant et la fatigue de
compassion.

▶ Le trauma vicariant

Des réactions de trauma vicariant peuvent nous affecter alors que


nous n’avons pas vécu directement d’événement traumatique, que
nous n’avons pas senti de danger pour nous-mêmes, mais que nous
avons traité un·e patient·e qui en a vécu. Ces réactions dénotent une
« contamination » des aspects traumatiques, d’où le terme
« vicariant ». Cet état se manifeste souvent chez le soignant par des
images intrusives ou des cauchemars, de l’évitement ou une réactivité
à des éléments spécifiques au trauma entendu, une altération
négative de son humeur, et une distorsion des croyances envers la
nature humaine ou la société (Baird & Kracen, 2006 ; Brillon, 2020 ;
Elwood et al., 2011 ; Huggard et al., 2017 ; Jacobs et al., 2019 ; Lerias
& Byrne, 2003).
L’espèce humaine étant une espèce grégaire, sa survie est
notamment liée à la capacité des systèmes nerveux à communiquer
entre eux : le système nerveux du thérapeute peut donc être affecté
par les récits d’événements stressants ou traumatisants de ses
patients, surtout si de tels récits sont intenses et/ou fréquents.
Autrement dit, le système nerveux du thérapeute peut déclencher des
réactions d’alerte ou de stress, comme s’il devait faire face au danger
dans la réalité, alors qu’il ne s’agit que d’un récit de la part du patient.
Le caregiving est un système réunissant un certain nombre de
comportements d’alerte aux autres et à leur vulnérabilité. Il est bien
sûr normalement activé, chez le thérapeute, dans la relation de soins
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(N. Guédeney, 2021). Or le caregiving, s’il est inefficace, majore


l’activation du système d’alarme : l’impuissance à aider le patient lors
du récit d’un événement traumatique représente un surcroît de stress
pour le soignant, ce qui peut amener au traumatisme vicariant.

▶ La fatigue de compassion

Par ailleurs, notre détresse professionnelle peut prendre la forme de


fatigue de compassion (Figley, 2002). Alors que le trauma vicariant
désigne davantage la réactivation du trauma imaginé suite au travail
auprès d’une personne victime, pour sa part, la fatigue de compassion
découle plutôt d’un contact répétitif avec des interactions
interpersonnelles éprouvantes. Elle est teintée d’une profonde
lassitude et peut se manifester par un sentiment de surcharge d’une
nature humaine souffrante, un émoussement au plan de l’empathie,
de comportements de distanciation des autres, un manque sévère de
vitalité et de plaisir, une hypersensibilité aux émotions d’autrui et/ou
une perte douloureuse du sentiment de vocation. Nous pouvons ici
définir la vitalité comme un état dynamique d’énergie émotionnelle,
cognitive et physique qui permet le soutien d’autrui dans la créativité
et le bien-être.
Du point de vue de la théorie de l’attachement, la vitalité sera facilitée
par l’attachement sécure qui favorise l’autonomie et soutient les
tendances à l’exploration (s’intéresser à autrui, avoir du plaisir dans
les relations, être curieux, enclin à apprendre…). En revanche,
l’exploration est inhibée en cas de stress, car la protection face au
danger prime sur l’importance d’explorer son environnement. D’un
autre point de vue, celui de la théorie polyvagale, la sécurité de
l’attachement permet l’engagement social, le plaisir et l’intérêt à être
en relation avec autrui (Porges, 2022).
Cette détresse professionnelle altère non seulement notre santé
mentale mais peut aussi affecter grandement notre efficacité
thérapeutique en nous poussant dans des postures relationnelles peu
équilibrées, en activant des enjeux transférentiels douloureux passés
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qui se rejouent entre le patient et le thérapeute ou en nous faisant


adopter des stratégies inconscientes de « musellement » de notre
clientèle afin de nous ménager émotionnellement (Brillon, 2020 ; Craig
& Sprang, 2010 ; O’Connor, 2001 ; Williams et al., 2010).

MIEUX COMPRENDRE LA DÉTRESSE PROFESSIONNELLE DES


SOIGNANTS

« Pourquoi suis-je si affecté par ce travail alors que mes


collègues semblent si bien aller ? » « Comment se fait-il que je
me sente plus fragile actuellement qu’au début de ma carrière ? »
Comment comprendre les processus explicatifs sous-jacents à la
détresse professionnelle chez les soignants ? Nous avons regroupé
ici les divers modèles existants (voir aussi Brillon, 2020 pour plus de
détails).

▶ Le processus de surcharge émotionnelle


« C’est trop lourd, trop dur, je n’en peux plus. » « Je porte la
douleur de l’autre en moi ».
Cette conceptualisation met en évidence le potentiel fragilisant
d’encaisser physiquement les révélations de notre clientèle, de
soutenir la détresse intense de l’autre, d’écouter des récits
quelquefois bouleversants et de traiter des charges émotionnelles de
façon répétée. Elle met l’emphase sur les aspects émotionnellement
bouleversants de notre métier et précise l’importance d’une bonne
posture d’intervention et de frontières relationnelles claires (Kohut,
1959 ; Rogers, 1951 ; Safran & Segal, 1996 ; Wagaman et al., 2015).
En effet, pour bien intervenir tout en conservant notre vitalité, notre
posture relationnelle doit rester en zone empathique et éviter la
sympathie ou la distanciation, les situations de contre-transfert
(contre-transfert de colère ou amoureux par exemple) ou
d’identification projective qui nous rendent particulièrement
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vulnérables à la fatigue de compassion et au trauma vicariant (Brillon,


2020).
Il est probable que le poids de notre propre histoire non résolue
(deuils, traumas notamment) et de notre propre expérience
d’insécurité ou de désorganisation d’attachement dans le passé et le
présent a un impact sur nos capacités de gestion du poids émotionnel
des séances que nous réalisons, puisque ces antécédents personnels
jouent directement un rôle sur notre capacité à nous réguler
émotionnellement (Smith et al., 2019) et impactent le caregiving dans
des études menées chez les parents (Main & Hesse, 1990).
Parmi les facteurs pouvant donner un sentiment de « poids trop lourd
à porter », les antécédents de parentification du thérapeute méritent
également d’être considérés. Boszormenyi-Nagy & Spark, cités par
DiCaccavo (DiCaccavo, 2006, p.470) définissent la parentification
comme « la distorsion subjective d’une relation où son propre
partenaire ou même son propre enfant est perçu comme s’il était un
parent ». Il s’agit par exemple de situations dans lesquelles le parent
cherche à répondre à ses propres besoins infantiles non résolus dans
la manière dont il interagit avec son enfant. Ce dernier est amené à
faire passer les besoins de sa figure d’attachement en priorité avant
les siens propres, et apprend, ce faisant, que ses propres besoins
sont secondaires voire non importants ou non légitimes. Certains de
ces enfants deviennent experts dans la capacité à anticiper les
besoins d’autrui et peuvent être attirés, une fois à l’âge adulte, par des
professions soignantes. Des recherches ont montré que les
psychothérapeutes et les travailleurs sociaux présentent davantage
d’antécédents de trauma et de déprivation émotionnelle infantiles que
des personnes choisissant des métiers non liés au soin (DiCaccavo,
2006). Cet auteur a aussi mis en évidence en 2002, dans un groupe
de psychologues en formation initiale, que ceux-ci rapportaient moins
de soins parentaux et plus de contrôle parental, de parentification et
de sentiment d’efficacité personnelle dans l’aide apportée aux autres
que des étudiants en cours de formation à des professions non reliées
au soin. Or ce type d’antécédents de stratégies de survie peut
surmobiliser inutilement le système de stress du soignant s’il est
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déclenché par le·s patient·s, et l’amélioration clinique du patient risque


alors de devenir un enjeu personnel pour le soignant.
Le rôle du mimétisme corporel et des neurones miroirs (Decety &
Chaminade, 2003a ; DiMascio et al., 1957 ; Garners, 2006 ;
Rothschild & Rand, 2006 ; Wolf et al., 2000) est aussi identifié comme
un processus fragilisant. En effet, nous avons naturellement et
inconsciemment tendance à adopter les expressions faciales et
posturales des personnes que nous observons ou avec lesquelles
nous sommes en interaction. Ce mimétisme est souvent aidant et
puissant car il renforce l’alliance thérapeutique et contribue au
processus empathique. Or il peut devenir fragilisant lorsque nous ne
réalisons pas que nous restons imprégnés par une charge
émotionnelle qui ne nous appartient pas, lorsque nous sommes
contaminés, sans nous en rendre compte, par des expressions
faciales, des gestuelles et des émotions de personnes souffrantes. Au
fil des semaines, nous adoptons malgré nous ces postures corporelles
(anxieuses, voûtées, crispées, fébriles, abattues, désespérées, etc.)
de notre clientèle, ce qui provoque en nous des émotions de détresse.

▶ Contamination d’une structure de peur post-traumatique


« Je réagis maintenant de la même façon que les victimes que
j’aide. »
Lors d’un événement traumatique, toute victime se crée
automatiquement une structure de peur (Foa et al., 1989 ; Peterson et
al., 2019). Il s’agit d’une représentation cognitive qui regroupe des
associations entre la victime elle-même, les gestes que celle-ci a
posés lors du trauma, les stimuli qui étaient présents lors du trauma
(les bruits, les odeurs, les couleurs, les objets, les personnes, etc.),
ainsi que les significations de danger. Les associations au sein de
cette structure influenceront l’intensité de sa détresse post-
traumatique. En tant que soignant, nous sommes constamment
exposés aux structures de peur des victimes que nous aidons. La
plupart du temps, cette exposition à ces associations est anodine,
mais dans certains cas, la structure de peur de l’autre devient la nôtre
et entraîne une détresse similaire. Nous réagissons maintenant
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négativement à des stimuli associés à des psychotraumas que nous


n’avons pas vécus mais que nous avons écoutés et traités. Les
conditionnements de notre clientèle deviennent ceux du soignant et
peuvent entraîner des craintes de certaines situations, de l’évitement
comportemental, cognitif ou émotionnel de situations traumatiques
entendues, et reconstruites en imagination.

▶ Mauvaise application des auto-soins

« Je comblais sans cesse les besoins d’autrui mais je trouvais


égoïste de penser aux miens. »
Ce modèle considère que c’est surtout une mauvaise mise en place
des stratégies de vitalisation qui fragilise le soignant (Elman, 2007;
Figley, 2002; Maranzan et al., 2018). Cette conceptualisation rejoint
souvent les soignants qui se sont perdus de vue, qui présentaient une
mauvaise connexion émotionnelle ou une méconnaissance de leurs
besoins essentiels. Un surinvestissement professionnel, des objectifs
de travail trop ambitieux, des horaires surchargés constituent aussi
des facteurs qui favorisent cette mauvaise application des auto-soins.
Nous sommes piégés dans un tourbillon axé sur le devoir, la
performance ou l’abnégation et nous délaissons la mise en place
d’auto-soins sans réaliser que cela se fait au détriment de notre santé
physique et émotionnelle (et quelques fois même au prix de la qualité
de notre présence relationnelle). Nous pouvons avoir l’impression que
cette situation ne sera que temporaire, or cette attitude risque de se
cristalliser et se transforme trop souvent en façon d’être qui nous
fragilise face au trauma vicariant et à la fatigue de compassion.
Il peut être pertinent de se demander où une telle négligence de soi
au profit du caregiving envers autrui a été apprise dans la vie du
soignant. La notion de Modèles Internes Opérants (MIO) est ici
pertinente pour rendre compte des distorsions pouvant être sous-
jacentes à un tel sacrifice de soi pour l’autre. Les MIO, peuvent être
définis comme « des représentations mentales généralisées et ayant
une tendance à la stabilité à propos du soi, des autres et du monde,
ainsi que du sens de l’impact de soi sur l’autre » (Verissimo et al.,
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2021). Appris dans l’enfance, les MIO sont néanmoins flexibles et


peuvent être modifiés par l’expérience ultérieure (pour une synthèse,
voir notamment Guédeney, Guédeney et Tereno, 2021).
En outre, notre système de caregiving est activé dans la relation à nos
patients, et il est probable que l’activation de nos enjeux
d’attachement altère notre disponibilité à l’égard des patients (c’est
notamment pour cette raison qu’un soignant pourrait se sentir
incapable de continuer à travailler en cas de deuil). D’autres systèmes
peuvent, lorsqu’ils sont activés, avoir un impact sur la qualité du
caregiving chez les parents : le système affiliatif (besoins de
socialisation), le système d’exploration (se sentir stimulé, intéressé
par ses activités), le système sexuel ou l’activation du caregiving à
l’égard d’autres personnes. Transposé chez un thérapeute, le fait
d’avoir d’autres patients ou des proches dont l’état grave nous
préoccupe particulièrement peut altérer la qualité de notre caregiving
envers nos patients (Cassidy, 2000). Si le parallèle entre le caregiving
du parent et celui du thérapeute s’avère exact, alors la satisfaction du
thérapeute sur ces autres sphères aura probablement un impact sur la
qualité de sa disponibilité et sur la sensibilité de son caregiving.
▶ Événement précipitant fragilisant et conjugaison
de facteurs de risque

« Je me sens plus fragile depuis cet événement au travail. De


prime abord, je n’y ai pas porté attention mais je réalise
maintenant que cela a constitué la goutte de trop qui a fait
déborder le vase. »
Ce dernier modèle considère que c’est le rôle d’un événement
déclencheur perturbant conjugué à l’accumulation de facteurs de
risque qui fragilisent le soignant (Brewin et al., 2000 ; Brillon, 2017 ;
Guay et al., 2006 ; Sayed et al., 2015 ; Zeidner et al., 2013).

L’événement déclencheur fragilisant


Il peut s’agir d’un contact houleux avec une cliente, d’une plainte d’un
patient, d’un geste agressif de la part d’un usager, de comportements
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d’automutilation chez notre clientèle, d’un rapport négatif d’un


supérieur, d’une poursuite adressée à notre ordre professionnel, d’une
réaffectation imposée, d’une scène qui nous a bouleversé·e, etc. Tout
particulièrement, le suicide d’une personne dont nous nous occupions
constitue un évènement très ébranlant et malheureusement trop
fréquent dans la vie de professionnels en relation d’aide (Henry et al.,
2008 ; Thormar, 2014 ; Trimble et al., 2000). Il peut aussi s’agir d’un
événement qui a profondément confronté nos valeurs et qui entraîne
donc une blessure morale (Dewar et al., 2022 ; Haight et al., 2016 ;
Hunt, 2011; Shay, 2014) (par exemple : « Ce à quoi j’ai assisté au
travail m’a bouleversé, j’ai trouvé cela inadmissible et révoltant que
nous agissions ainsi envers une patiente »). Cette conceptualisation
illustre combien ce métier a le potentiel d’ébranler de nombreuses
certitudes et de confronter de plein fouet nos croyances antérieures
envers la vie, la nature humaine, la société ou nos propres capacités,
ce qui nous rend vulnérables au trauma vicariant et à la fatigue de
compassion (Ehlers & Clark, 2000 ; Janoff-Bulman, 1992 ; Joseph et
al., 1995 ; McCann & Pearlman, 1990).

Facteurs aggravants pré-événement


Cet événement précipitant identifié précédemment se produit alors
que nous sommes plus ou moins vitalisés, plus ou moins en équilibre,
plus ou moins en sentiment de contrôle et de compétence. Notre état
physique et psychologique sera teinté par nos fragilités et enjeux
antérieurs non résolus, nos traits de personnalité mais aussi par les
stresseurs vécus antérieurement sur le plan personnel (sur le plan
familial, conjugal, financier, etc..) et professionnel (clientèle complexe,
résistante, capable de violence, surcharge de travail, manque de
soutien organisationnel, etc.).
Des Modèles Internes Opérants insécures sont susceptibles de rendre
le thérapeute vulnérable à l’échec en venant réactiver une image
négative de lui-même ou des autres. Les MIO insécures risquent de
faire caisse de résonance aux difficultés ou aux échecs professionnels
éventuels.
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Facteurs aggravants post-événement


Des éléments aggravants peuvent aussi se présenter à la suite de
l’événement perturbateur déclencheur et affecter notre résilience :
ainsi, les caractéristiques du soignant (capacités d’adaptation, modes
de gestion de stress, rapports aux émotions, tendances à l’évitement,
capacités à demander de l’aide, etc.), et des stresseurs
supplémentaires (poursuites légales, processus d’enquête, soutien
social ou professionnel déficient, etc.) affecteront sa gestion de
l’événement perturbateur.
Les stratégies d’attachement du thérapeute sont aussi susceptibles de
restreindre sa capacité à faire face aux moments difficiles du fait de
leur rigidité et de leur manque de variété. Un thérapeute qui a
tendance à maximiser les signaux d’attachement ou au contraire à
désactiver son système d’attachement est plus vulnérable face à
l’adversité du fait du manque de flexibilité de ses stratégies et de sa
difficulté à s’appuyer de façon sécurisante sur autrui pour obtenir de
l’aide (par exemple, ne pas parler d’une difficulté avec un patient à
son superviseur de peur d’être jugé plutôt qu’aidé).
Tableau 19.1. Facteurs aggravants et événements
précipitants.
Facteurs aggravants Facteurs aggravants
Événement précipitant
pré-événement post-événement
Stresseurs circonstanciels Événement fragilisant Stresseurs circonstanciels
• Sur le plan personnel, au plan professionnel • Sur le plan personnel,
familial, conjugal • Clientèle (lourdeur, familial, conjugal
Stresseurs liés au travail violence, suicide, plainte, Stresseurs liés à notre
• Clientèle lourde et scènes bouleversantes, etc.) entourage
réfractaire • Organisation (climat de • Faible soutien social,
• Violence verbale ou travail, réaffectation, d’activités de supervision,
physique poursuite, manque de de soutien professionnel
• Isolement et manque de soutien ou de Stresseurs liés au
soutien supervision, etc.) soignant
• Faible niveau d’expérience • Zones de fragilité éveillées • Gestion émotionnelle
Stresseurs liés au • Ressemblances avec entravée
soignant traumas passés • Interprétations cognitives
• Traits de personnalité • Traumatismes ou deuils absolues, blâmantes ou
• Fragilités antérieures personnels non résolus dénigrantes
• Conceptions et attentes • Tendance à l’évitement
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absolues face à la vie, aux des autres ou de situations


autres ou au métier associées
• Modèles internes opérants • Absence d’auto-soins
insécures • Piètres mécanismes
d’adaptation
• Difficultés à demander de
l’aide/stratégies
d’attachement rigides,
insécures ou désorganisées
Tableau tiré et adapté de Brillon (2020). Entretenir ma vitalité d’aidant.
Éditions de l’Homme.

COMMENT MIEUX PRÉVENIR LE TRAUMA VICARIANT


ET LA FATIGUE DE COMPASSION…

Ces conceptualisations nous permettent de mieux saisir les enjeux


spécifiques qui pourraient nous rendre fragiles face à la fatigue de
compassion et au trauma vicariant. Mais surtout, elles mettent en
évidence des pistes de prévention (et de traitement) fascinantes (vous
trouverez ces stratégies beaucoup plus détaillées dans le dernier
ouvrage de la première auteure, Brillon, 2021) :
● Ménageons notre posture relationnelle afin que celle-ci conserve
son potentiel d’efficacité mais aussi de vitalité. Pour ce faire,
assurons-nous que nous restons bien positionnés en empathie et
non pas en sympathie, en contre-transfert ou en identification
projective face à nos patients, surtout ceux qui présentent des
enjeux relationnels plus complexes. Il faut maintenir une distance
saine entre l’expérience de notre client et la nôtre afin de conserver
notre regard professionnel sur l’autre, sur la relation, et sur nous-
même. Plus que tout autre, notre métier a le pouvoir de mettre en
lumière des failles personnelles qui nécessiteraient un travail
thérapeutique de notre part. Ainsi, nos difficultés d’attachement et
de rapport à l’intimité peuvent remonter à la surface. Nos propres
craintes (de l’humiliation, du conflit, de l’abandon, du rejet, de la
mort, etc.) peuvent être réactivées au contact de notre patientèle.
Assurons-nous, grâce à la supervision, que nous sommes dans la
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meilleure posture professionnelle de soignant et que nous


connaissons bien nos zones de fragilités.
● Connaissons bien nos motivations inconscientes pour ce métier
qui pourraient être moins nobles et découler de modes
d’attachements antérieurs insécures ou désorganisés. Tentons de
mieux nous connaître et d’identifier nos zones de fragilité
antérieures (événements stressants ou traumatiques ?) qui
pourraient être exacerbées par certaines séances thérapeutiques
plus tumultueuses. Tentons aussi de réaliser en direct lorsque nous
vivons un moment à potentiel bouleversant : Le suicide d’une
patiente ? Un contact avec un patient agressif ou méprisant ? Un
événement qui pourrait constituer une blessure morale ?
● Explorons notre propre histoire d’attachement : avec qui et dans
quel contexte, avons-nous développé ce goût pour le soin
psychique ? Notre insécurité à cet égard est-elle encore active ?
Quel style d’attachement avions-nous envers nos principales
figures d’attachement dans l’enfance et comment ces tendances
ont-elles évolué à l’âge adulte ? Sont-elles souples ou rigides
aujourd’hui ? Est-ce que je sais demander de l’aide dans les
situations difficiles ou est-ce que j’évite de le faire ? Ai-je moi-même
déjà consulté ? Si oui, était-ce facile de demander de l’aide, de
dépendre de l’autre, de me dévoiler… ?
● Entretenons un processus émotionnel sain en tâchant de mieux
comprendre notre héritage familial à ce sujet. Il s’agit de mettre en
place des stratégies d’hygiène émotionnelle saines et ce, au
quotidien mais tout particulièrement en direct lors de séances
particulièrement chargées (voir Brillon, 2020 pour plus de détails).
Quel est notre héritage émotionnel à ce sujet ? Comment notre
famille permettait-elle le contact avec les sensations physiques ou
les émotions ? Comment prenait-on soin de soi dans ma famille ?
Était-ce autorisé ou devait-on s’effacer au profit des autres ? La
plainte avait-elle une place dans ma famille d’origine ?
● Maximisons notre souplesse cognitive, notre humour, notre
créativité et soyons alertes aux pensées et distorsions plus
pessimistes, exigeantes, absolues, ou à notre faible tolérance à
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l’incertitude. Demandons-nous si nous avons besoin de mieux


gérer les images dérangeantes qui nous habitent suite au travail
avec un patient traumatisé et ce, en appliquant des stratégies
ciblant les ruminations obsédantes ou les reviviscences post-
traumatiques vicariantes.
● Gardons en tête de mettre en place des auto-soins : des moments
où nous sommes exposés au beau, au grand, à l’inspirant.
Maximisons les expériences de légèreté, de plaisir, de franche
rigolade, de sensualité et d’émerveillement. Pensons à nous
réserver des moments précieux de contacts avec le silence, et des
espaces où nous sommes inatteignables.
● Concevons la supervision et la formation continue non pas
seulement comme des moyens de maximiser notre expertise, mais
aussi comme des occasions d’améliorer notre sentiment de
confiance, de maîtrise et de vitalité. Entretenons notre humilité face
au soutien d’un superviseur ou d’un psychothérapeute et
entretenons positivement notre réseau social afin d’en être nourri
de façon réciproque. Ces espaces constituent souvent des espaces
pour soi, pour souffler, s’exprimer, être soutenu ou compris dans
ses difficultés professionnelles.
● Enfin, cultivons notre satisfaction de compassion et maximisons
notre résilience vicariante, car bien que la détresse de nos clients
puisse être contagieuse, leurs forces vives, leurs stratégies
d’adaptation, leurs capacités de résilience peuvent aussi constituer
des modèles positifs et vitalisants.

CONCLUSION
Rappelons-nous que le rôle des soignants est plus que jamais crucial
auprès de la population (Grover et al., 2020) et que leur santé mentale
constitue un déterminant essentiel de la qualité des interventions
qu’ils prodiguent (Laverdière et al., 2018 ; Salyers et al., 2017). Nous
espérons que ce chapitre constituera une source d’inspiration pour
vous qui êtes constamment et vaillamment au service de nos
populations souffrantes… Nous espérons qu’il puisse vous donner
envie de mieux vous soucier de votre état actuel, de mieux évaluer
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vos zones de fragilité et vos motivations professionnelles sous-


jacentes ainsi que de mieux mesurer l’impact de votre métier dans
votre quotidien. Nous souhaitons enfin qu’il puisse aussi vous
encourager à mettre en place des stratégies d’hygiène émotionnelle,
cognitive et physique bienveillantes afin de continuer à exercer ce
métier longtemps et dans la vitalité.
Socialement, ce chapitre pourrait aussi nous inciter à intégrer
dorénavant ces éléments dans notre programme quotidien de
« vitalisation professionnelle » au même titre que notre programme de
formation continue, nos activités de supervision clinique ou
l’évaluation éthique de notre pratique. De plus, nous savons que les
thérapeutes plus jeunes, moins expérimentés ou qui se perfectionnent
peu, sont moins résilients et sont plus à risque de détresse
professionnelle (Aafjes-van Doorn et al., 2020 ; Jennings & Skovholt,
2004 ; Pereira et al., 2016). Il serait primordial de leur offrir du soutien
ciblé encore plus précocement mais aussi constamment au fil de leur
carrière afin d’encourager des stratégies d’auto-soins vitalisantes et
prévenir les réactions de trauma vicariant et de fatigue de
compassion. Songeons aussi à intégrer des ateliers et symposiums
sur la prévention de la détresse professionnelle, le caregiving et ses
nombreux défis dans nos divers congrès et colloques annuels. Enfin,
nous ne pouvons qu’encourager les laboratoires de recherche et
revues de nos ordres professionnels à s’intéresser avec humilité et
enthousiasme à ces enjeux d’actualité afin de maximiser l’obtention
(et la diffusion) de données probantes essentielles.
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Conclusion

des contributions au présent ouvrage confirme à la fois


L
A DIVERSITÉ
le vaste champ d’application possible de la théorie de
l’attachement actuellement en France, et l’hétérogénéité de ce champ
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d’application. Elle confirme aussi, si besoin était, la richesse


potentielle de la théorie de l’attachement appliquée à la
psychothérapie chez l’adulte.
Nous l’avons vu, certaines approches utilisent une partie de la théorie
de l’attachement pour l’associer à d’autres approches théoriques,
d’autres se basent sur la théorie de l’attachement pour développer
leur propre approche théorique, d’autres appliquent la théorie de
l’attachement à l’analyse du lien patient-thérapeute, et d’autres encore
s’appliquent à réparer l’attachement en tant que tel, que ce soit à
travers le lien transférentiel spontané patient-thérapeute ou par la
convocation et le traitement de mémoires implicites liées à
l’attachement.
Au total, la théorie de l’attachement semble aujourd’hui pouvoir être
appliquée de différentes manières à la psychothérapie de l’adulte :
● Elle éclaire la symptomatologie du patient au regard de la prise en
compte des situations attachement-pertinentes : demande d’aide,
exploration et nouveauté, séparation et deuil, réactions dans les
moments de détresse, y compris face au trauma.
● Elle permet d’analyser sous un jour différent les interactions
patient-thérapeute et le transfert/contre-transfert.
● Autant que possible, ceci incite le thérapeute à fournir à son patient
une expérience d’attachement sécurisante à visée correctrice.
Néanmoins, le patient passe assez peu de temps avec le
thérapeute dans la semaine, et le contact physique qui aide le tout-
petit à se réguler est ici très limité.
● Elle permet de revisiter autrement des moments-clés de la
thérapie : début de la thérapie, séparations et indisponibilité
temporaire du thérapeute, fin de la thérapie.
● Elle éclaire les situations cliniques des patients les plus difficiles,
ceux refusant ou sabotant le soin, ceux qui « résistent » de façon
durable, ceux qui sont finalement le plus souvent amenés en
supervision, même par les thérapeutes les plus expérimentés : les
patients souffrant des séquelles d’un attachement désorganisé.
Ceci est peut-être son apport le plus précieux.
À ce titre, et au vu de la quantité énorme de connaissances et de
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recherches accumulées en théorie de l’attachement depuis plus de


cinquante ans, et depuis plus de trente ans sur l’attachement en
psychothérapie chez l’adulte, il semble capital que ce corpus
théorique soit bien davantage intégré dans nos formations
universitaires de base, que ce soit en médecine, psychologie,
sciences de l’éducation… ainsi que dans les programmes de
formation continue, notamment dans le domaine de la relation d’aide.
Nous pouvons nous réjouir, pour la France, du rapprochement, ces
dernières années, du milieu du traitement du trauma et de la
recherche au niveau de l’attachement. Cette rencontre clinique et
scientifique promet d’être fructueuse. De même, d’autres échanges
pourraient être approfondis afin de nourrir la réflexion et la recherche
en psychothérapie de l’adulte, comme les échanges entre les milieux
de la périnatalité et de la psychopathologie adulte, entre les milieux de
la recherche et de la pratique clinique, ainsi qu’entre domaines
connexes : médecine, psychologie, éducation, neurosciences…
Espérons que cet ouvrage puisse y contribuer !
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Annexes
Annexe 1
Feuille de route pour développer
l’alliance thérapeutique
Joanna Smith

au niveau de l’alliance thérapeutique, ou de


E
N CAS DE DIFFICULTÉ
façon systématique avec les patients présentant des
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traumatismes complexes, il peut être utile de passer en revue les


points suivants.
Ces points sont présentés dans l’ordre dans lequel il est souhaitable
de les passer en revue : les stratégies d’accord sur les tâches ou
encore de coconstruction de l’alliance thérapeutique n’ont de sens
que si les objectifs ont été clairement précisés avec le patient. Sans
ce critère initial, les tentatives du thérapeute risquent d’être vécues
par le patient comme des tentatives de prise de pouvoir à son égard.
Le détail de chacun de ces points est passé en revue dans le chapitre
5 du présent ouvrage, ainsi que les points théoriques sur lesquels ils
s’appuient.
Ces propositions, basées notamment sur le travail de Giovanni Liotti,
à la croisée des champs théoriques de la dissociation, de la mémoire
traumatique et de la théorie de l’attachement, font également l’objet
d’une formation avec mise en application à travers des jeux de rôles,
au sein de l’Institut Double Hélice.
(Voir fiche page suivante)
POINTS À VÉRIFIER
1) L’accord sur les objectifs thérapeutiques :
a. Prioriser un objectif.
b. Restreindre l’objectif pour être moins menaçant.
c. Rendre l’objectif concret : déterminer comment savoir s’il sera atteint.
d. Ne pas avoir de projet sur le patient : attitude d’acceptation radicale.
1) L’accord sur les tâches et le processus :
a. Consulter la vision du monde du patient par rapport à ses troubles et aux
solutions possibles.
b. Pertinence de la psycho-éducation.
c. Prescrire la résistance.
d. Clarifier nos intentions.
1) La formation d’un lien émotionnel positif :
a. Ne pas être trop neutre.
b. Jouer un rôle de base de sécurité.
c. Oser regarder en face notre contre-transfert.
1) L’importance de la co-construction de l’alliance thérapeutique :
a. Activer un autre système motivationnel que le système d’attachement.
b. Activer le système d’exploration en utilisant le travail des parties.
c. Recourir à des questionnaires pour évaluer l’alliance thérapeutique
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(QEQE de François Balta notamment).


Annexe 2
Fiche d’auto-supervision :
qualité du caregiving
du thérapeute
Joanna Smith
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permet de soutenir votre réflexion quant à votre


C
ETTE FICHE
caregiving à l’égard d’un patient en particulier. Nous synthétisons
ici les idées développées au chapitre 18, p.279. L'idée étant de nous
améliorer en tant que professionnels, en repérant les spécificités de
notre caregiving en général (ce avec quoi nous sommes toujours à
l'aise, par exemple réconforter un patient) mais aussi les variations de
notre caregiving dans ses différentes composantes, en fonction du
patient. Ceci peut nous aider à mieux comprendre les mécanismes en
lien avec l'attachement du patient en question.
Vous pouvez aussi poser des questions au patient afin de bénéficier
de son feedback direct, qui peut être très précieux, par exemple à
partir du Questionnaire d’évaluation qualitative d’entretien proposé par
Balta (Balta, 2017).
(Voir fiche page suivante.)
QUESTIONNAIRE D’ÉVALUATION DU CAREGIVING

❒ Suis-je disponible pour ce patient ?


– En séance, en dehors des séances :
– Trop ou pas assez, ou de façon adéquate :
❒ Est-ce que je le protège efficacement contre la dysrégulation émotionnelle au
cours de nos séances ? Le patient répondrait-il différemment que moi à ces
questions ?
❒ Est-ce que j’ai le sentiment que ce patient se sent compris par moi ? Qu’il se
sent vu, entendu, pris en compte ? Et lui, qu’en dirait-il ?
❒ Est-ce que j’ai eu des « ratés » dans la relation avec ce patient ?
Si oui, ont-ils été réparés par moi ?
Est-ce que la relation thérapeutique en est encore affectée ?
Si oui, que puis-je faire pour réparer, à ce stade ?
❒ Est-ce que je peux le rassurer si besoin ? Le réconforter ?
❒ Est-ce que je peux me réjouir pour ce patient ? Partager des points de vue qui
l’aident à sentir sa valeur ?
❒ Est-ce que je soutiens l’exploration sans interférer ? Suis-je tenté de trouver des
solutions à sa place, de prodiguer des conseils, de décider pour le patient ? Est-ce
qu’il m’arrive de réfréner l’exploration du patient ? Le patient répondrait-il
différemment que moi à ces questions ?
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Annexe 3
Ressources et lieux de
formations
FORMATION APPROFONDIE À L’ATTACHEMENT
Diplôme universitaire « L’attachement : concepts et applications »,
université de Rouen (dirigé par le Professeur Susana Tereno).

FORMATIONS AUX APPROCHES THÉRAPEUTIQUES


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PRÉSENTÉES DANS L’OUVRAGE

● Thérapie des schémas : Institut français de thérapie des schémas


(IFTS), à Paris. E-mail : iftscontact@gmail.com.
● Gestalt thérapie du lien : https://www.champg.com.
● EMDR et attachement :
– Cercle de compétences, https://www.cercledecompetences.org –
France.
– Cerfasy, https://www.cerfasy.ch – Suisse.
– Institut Français d’EMDR, https://www.ifemdr.fr – France.
● Thérapie basée sur la mentalisation : Réseau francophone des
thérapies basées sur la mentalisation (www.mentalisation.org) –
tous les pays francophones.
● Thérapie interpersonnelle : Institut français de thérapie
interpersonnelle https://www.iftip.fr/ – France.
● Thérapie centrée sur les émotions : https://www.iftce.fr/.
● Thérapie sensori-motrice :
– Institut Résonance (https://www.resonance-formation.fr) –
France.
– IRPT — Institut Roman de Psychotraumatologie
(https://www.irpt.ch/fr) – Suisse.
– Parole d’enfant (https://www.parole.be) – Belgique.
– Formation Syllabus (https://www.formationssyllabus.com/fr) –
Québec (formation en ligne).
– Coordination des formations dans les pays francophones :
Centre PEPS-E (https://www.peps-e.be).
● Pascale Brillon : Institut Alpha – institutalpha.com.
● L’Institut Double Hélice organise les formations aux approches
suivantes pour la France : http://www.institut-double-helice.fr.
– Theraplay.
– Psychothérapie développementale dyadique.
– Lifespan IntegrationTM (Intégration du cycle de la vie ou ICV).
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Remerciements

UN OUVRAGE, qui plus est lorsqu’il est collectif, est nécessairement le


fruit d’un travail interpersonnel et de rencontres très variées. Même s’il
est impossible de remercier toutes les personnes impliquées, je
souhaite ici exprimer ma gratitude à l’égard de la plupart d’entre elles.
L’idée du présent ouvrage est née lors de ma participation au DU
« L’Attachement : concepts et applications », alors dirigé par Nicole et
Antoine Guédeney. Je leur suis à tous deux extrêmement
reconnaissante pour tout le travail qu’ils ont accompli au profit de la
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théorie de l’attachement en France, entre autres par leurs recherches,


leurs nombreuses publications, leurs interventions orales et
notamment la création et l’animation de ce DU. Je tiens à remercier
chaleureusement Nicole Guédeney pour son accompagnement
généreux et bienveillant à la suite du DU, dans l’application de la
théorie de l’attachement à ma clinique et pour les échanges
passionnants que nous avons eus et qui ont largement contribué à cet
ouvrage.
Cet ouvrage n’existerait pas sans le travail fourni par ses co-auteurs.
Je tiens à les remercier d’avoir participé à cette aventure en acceptant
de partager leur manière de travailler et leur réflexion autour de
l’attachement. Je les remercie aussi de leur ouverture d’esprit et de
leur simplicité dans l’accueil des nécessaires critiques et
remaniements de leurs textes. Tout particulièrement, merci à Susana
Tereno pour avoir accepté de contribuer malgré un emploi du temps
bien chargé, et pour sa relecture bienveillante et enrichissante d’une
partie de mon travail.
Derrière cet ouvrage, il y a aussi les patients. J’aimerais exprimer ma
gratitude à mes patients d’hier et d’aujourd’hui pour leur confiance,
dont je mesure encore davantage maintenant le caractère précieux, à
la lumière de la théorie de l’attachement. Je pense en particulier aux
patients souffrant de traumatisme complexe ou des séquelles d’un
attachement désorganisé, pour lesquels faire confiance est si
effrayant et si difficile. Votre confiance m’honore.
Je remercie également mes propres thérapeutes, pour m’avoir aidée à
sécuriser mon attachement et ainsi améliorer mon caregiving, en étant
eux-mêmes securisants, chaleureux et sensibles à mon égard. Une
pensée toute particulière à Peggy Pace, qui a transformé ma vie
grâce au Lifespan Integration.
Merci à mes collègues Sandra Radanne, Catherine Clément, Laure
Mann, Caroline Madelin, Clémence Bordedebat et Léa Ayora, de
l’Institut Double Hélice, pour leur bienveillance et leur soutien sans
faille au fil des ans et notamment dans le cadre de ce projet d’ouvrage
et du lancement du livre.
Mes remerciements chaleureux à Valérie Le Rey et Jean Henriet, des
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éditions Dunod, pour leur confiance et leur enthousiasme renouvelés


au fil des ans et des projets, ainsi qu’à Sabine Daguerre pour sa
disponibilité et son efficacité sans faille. C’est un plaisir de travailler
avec vous tous !
Ce livre doit aussi beaucoup aux collègues thérapeutes et
superviseurs en Lifespan Integration que je rencontre en supervision,
c’est notamment grâce à vos questions et aux situations difficiles que
vous avez apportées que mes réflexions ont pu s’étoffer et ma pensée
s’éclaircir. Merci !
J’ai aussi beaucoup de gratitude envers les chercheurs qui ont
contribué et contribuent encore à la recherche sur la théorie de
l’attachement, en particulier en lien avec le trauma et la dissociation,
notamment Giovanni Liotti et Karlen Lyons-Ruth.
Bien sûr, je remercie également mes proches, notamment mon
conjoint et Sarah pour leur soutien affectueux et leur écoute dans les
affres de l’écriture et au-delà. Merci à Nicolas pour ses relectures
attentives, critiques et bienveillantes de mes contributions à l’ouvrage.
Pour terminer, un merci un peu spécial à la sûreté ferroviaire de la
Gare Montparnasse et notamment à Brayan Ladjouan, Abdelkarim
Salhi et Mody Cissé, pour avoir sauvé mon ordinateur du vol en
avril 2022, alors qu’il comportait une version très précoce de cet
ouvrage…
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Références bibliographiques

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our therapeutic relationship and professional self-doubt during
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Allen, J., & Fonagy, P. (2006). Handbook of Mentalisation-based
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Allen, J., Fonagy, P., & Bateman, A. (2008). Mentalising in Clinical
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