Cours 6.Complétive

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Université Hassan 1er Cours de Morphosyntaxe

Faculté des Langues, Arts et Sciences Humaines 4ème semestre / 2023-2024


Filière Etudes Françaises Pr. KEMBOUCHE Hajar

Cours 6 :
La subordonnée complétive

C O R P U S:

Série I:
1.Il a affirmé que les copies ont été corrigées.
2.Elle doute que son fils puisse garder ce secret.
3.“La nature ne m'avertit d'aucune manière que la vie d'un homme ait quelque prix”
(A. France).
4.Il a supplié son ami qu'il vienne dès que possible.
5.Rien ne prouve à son ami que son départ ait lieu.
6.Il lui a suggéré qu'il fasse la cuisine.
7.“Je dis de Jean que je l'ai vu” Gross, verbe, p.90.
8.Il exige de son ami que la réponse soit très brève.
Série II:
9.Il songe à ce qu'il devrait rejoindre son ami.
10.Il est chargé de veiller à ce que les consignes soient fidèlement respectées.
11.Il a accordé le plus grand intérêt à ce que le départ soit reporté.
12.Il a dû consacrer toute sa vie à ce que ce grand projet aboutisse.
13.Cette erreur équivaut pour lui à ce que ses calculs soient totalement repris.
Série III:
14.La crise provient de ce que les responsables n'ont pas su gérer l'économie du pays.
15.Elle doute de ce que son fils puisse le faire.
16.Le patron a averti cet ouvrier nouvellement recruté de ce que toute absence
injustifiée sera sévèrement sanctionnée.
17.La police soupçonne cet homme de ce qu'il soit un espion.
18.Il se plaint à tout le monde de ce que ses enfants ne le respectent pas.

QUESTIONS:
1° Dégagez les propositions subordonnées complétives contenues dans ce corpus et,
ensuite, déterminez les différences entre les subordonnants qui les introduisent.
2° Indiquez les contextes où ces propositions subordonnées peuvent être remplacées
par des verbes infinitifs.

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3° Expliquez, brièvement, les différences de mode dans ces propositions subordonnées.


Chacune des phrases de ce corpus est une phrase complexe parce qu’elle contient
une proposition subordonnée : plus précisément une proposition subordonnée
complétive. Celle-ci peut être définie comme une phrase syntaxiquement complète
qui est introduite comme un constituant d’une phrase plus large par la conjonction
de subordination “que” ou par l’une des locutions conjonctives “à ce que”, “de ce
que”1. Son support dans la phrase est un verbe, un nom, un adjectif ou un adverbe.
Il est fréquemment un verbe, transitif (conjugué ou infinitif) ou intransitif et, partant,
impersonnel, et est rarement un adverbe.
Les verbes qui reçoivent des complétives appartiennent à des listes
sémantiques différentes :
-soit des verbes d’affirmation, c’est-à-dire des verbes déclaratifs (affirmer, dire,
asserter, assurer, annoncer, déclarer, clamer, chuchoter, certifier, etc.), des verbes
de connaissance (apprendre, savoir, etc.), des verbes d’opinion (croire, penser,
supposer, prévoir, postuler, etc.) ;
-soit des verbes de volonté, c’est-à-dire des verbes de désir, de prière ou de crainte
(désirer, souhaiter, craindre, redouter, etc.), des verbes de commandement
(commander, ordonner, etc.), des verbes d’interdiction ou de permission (défendre,
interdire, empêcher, permettre, tolérer, etc.) ;
-soit des verbes de sentiment, c’est-à-dire des verbes de joie (se féliciter, se réjouir,
etc.), des verbes d’étonnement (admirer, s’étonner, etc.), des verbes de regret, etc.
(déplorer, regretter, etc.).

I- LES SUBORDONNANTS : la conjonction “que” et les locutions conjonctives “à ce


que” et “de ce que”.
Dans notre corpus, la complétive a comme support (base) un verbe personnel,
conjugué ou infinitif : elle est complément d’objet de ce verbe. Et elle est introduite
par la conjonction de subordination “que” (série I) ou par les locutions conjonctives
“à ce que” (série II), “de ce que” (série III).2

1 L’autre locution pouvant introduire une complétive est “sur ce que” (“Il compte sur ce que son frère l’aide à
mener à terme ce projet”); mais elle est d’un emploi très limitée.
Quant à la locution “en ce que” qui a une forte valeur causale, elle introduit une circonstancielle comme
dans la phrase : “Les sciences sont très utiles, en ce qu’elles guérissent les peuples des maladies et des préjugés
destructifs”. Dans cet exemple, le verbe de la principale, “être”, étant un verbe intransitif, “en ce que” introduit
une subordonnée circonstancielle (de cause).

2 Ces deux locutions conjonctives, les plus fréquentes pour introduire des complétives après un verbe, introduisent
également des propositions subordonnées circonstancielles, comme dans l’exemple “Il s’est aperçu de sa présence
à ce qu’elle a toussé”. En effet, dans cet exemple, la proposition subordonnée qui est introduite par la locution

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Ces locutions conjonctives combinent 3 constituants : une préposition,


l’élément “ce” et l’élément “que” : le démonstratif “ce” y a perdu sa valeur primitive, il
s’est effacé sémantiquement et est désormais une sorte de “tampon” ; l’élément “que”
y est le relateur, l’élément relationnel. Le seul élément différent, distinctif dans ces
locutions est donc la préposition : “à, de”.
Le choix de l’un de ces 2 types d’éléments de subordination (conjonction ou
locution conjonctive) est tributaire du degré de transitivité du verbe support. En effet,
dans la 1 série, la complétive est introduite par la conjonction “que”, c’est-à-dire par
un élément de subordination qui ne contient pas de préposition. Il s’agit de verbes
transitifs directs, c’est-à-dire de verbes qui se construisent directement avec le nom
complément d’objet3. Dans cette série, la complétive est donc un complément d’objet
direct et, comme tout complément d’objet direct, elle peut être pronominalisée par le
morphème personnel “le”: exemples 1, 5, 6, 7, et 8. L’impossibilité de remplacer par
ce morphème les complétives des exemples 2 et 4 de cette série sera expliquée plus
loin.
Dans les deux autres séries, II et III, la complétive est introduite par les
locutions conjonctives “à ce que” et “de ce que”. Il s’agit dans l’une et l’autre série de
verbes transitifs indirects ; c’est-à-dire de verbes qui construisent leur complément
d’objet (nom ou verbe infinitif) indirectement, par l’intermédiaire d’une préposition :
“à” dans la série II et “de” dans la série suivante. Dans ces 2 séries, la complétive
est donc un complément d’objet indirect et, partant, peut être pronominalisée
par le pronom “y” (=“à + constituant”) dans la série II et par le pronom “en”
(=“de + constituant”) dans la série III.
Cependant, il n’existe pas de limites absolues, de frontières délimitées
strictement entre les verbes qui se construisent avec “que” et ceux qui se construisent
avec une locution conjonctive. En effet, la catégorie des verbes transitifs indirects -
cela a été dit- régit un complément d’objet (nom ou verbe infinitif) précédé d’une
préposition ou une complétive intégrée par une locution conjonctive (c’est-à-dire par
un élément de subordination contenant une préposition); mais certains verbes de
cette catégorie peuvent également, avec ou sans changement de signification, régir
des complétives introduites par la conjonction de subordination “que”; ces verbes
s’emploient ainsi avec la locution conjonctive “à ce que” ou “de ce que” et la

conjonctive “à ce que” n’est pas un complément d’objet parce que le verbe transitif apercevoir est accompagné de
son complément d’objet, “sa présence”. Elle est une subordonnée circonstancielle.

3 Il s’agit également de quelques verbes intransitifs pouvant se construire avec “que”: exemples 2, 3 et 4.

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conjonction de subordination “que”4. Par exemple, les verbes “douter (de)” et “avertir
(de)” sont transitifs indirects; ils s’emploient ainsi avec la locution “de ce que” comme
dans les exemples 15 et 16; cependant ces verbes peuvent également s’employer avec
la conjonction “que” comme dans les exemples 2 et 3. De même le verbe “supplier”,
qui est un verbe dit “doublement transitif”, a comme 2 complément d’objet un
syntagme prépositionnel: l’infinitif est intégré par la préposition “de” et la
complétive, par la locution “de ce que”; mais dans l’exemple 4 (la série I), ce verbe
est suivi d’une complétive introduite par la conjonction de subordination “que”. Il en
est ainsi des verbes transitifs indirects des exemples 9 (de la série II), 15, 16, 17 et
18 (de la série III) : ils peuvent également s’employer dans la langue avec une
complétive introduite par la conjonction “que” sans qu’il y ait changement de sens.
Ce qui vient d’être dit peut être résumé et redit en des termes légèrement
différents. Les verbes transitifs directs construisent leurs complétives avec la
conjonction “que”, sans le recours à une préposition ; le pronom personnel qui
pourrait alors représenter la complétive est, comme dans le cas de l’infinitif ou
du nom complément d’objet direct, le morphème personnel préverbal “le” :
comme dans les exemples 1, 5, 6, 7, 8 et 9.
Autres exemples de verbes transitifs directs qui reçoivent la complétive :
admettre, attendre, concevoir, vouloir, désirer, savoir, croire, espérer, souhaiter, penser,
constater, sentir, apprendre, annoncer, comprendre, oublier, aimer, avouer, certifier,
déclarer, entendre, estimer, expliquer, ignorer, nier, prétendre, proclamer, reconnaître
(=aveu), remarquer, soutenir, supposer, regretter, craindre, etc. 5
En revanche, les verbes transitifs indirects construisent leurs complétives avec
une locution conjonctive, donc par le recours à la préposition : comme dans les
exemples 106, 11, 12 et 13 (de la série II) et dans les exemples 14 et 18 (de la série
III).

4 En fait, la complétive était introduite dans tous les cas par la conjonction que ; mais aujourd’hui, l’usage tend à
remplacer cette conjonction par une locution conjonctive dans le cas des verbes transitifs indirects, c’est-à-dire
dans le cas des verbes qui se construisent régulièrement avec une préposition.

5 Ces verbes reçoivent directement le nom ou l’infinitif complément d’objet (qui est donc un C.O.D) ; mais une
partie de ces verbes construisent l’infinitif avec une préposition : par exemple, “craindre”= il craint cet homme ou
cette chose ; il craint de ne pas voir son ami.

6 “veiller sur qqn. ou qqch.” : s’occuper de sa protection ; ce verbe n’a pas de complétive.
“veiller à” + nom d’action ou nom abstrait : s’occuper de son exécution, de sa bonne marche ; ce verbe
construit sa subordonnée complétive avec la locution “à ce que”, comme dans l’exemple 10. Mais il ne se construit
plus avec la conjonction de subordination “que”, contrairement à la langue classique, comme dans l’exemple cité
par Grevisse, Le Bon Usage, p.1254, §2516 : “Vous veillerez qu’elle se couche sans dessert ce soir”
(Lichtenberger)

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Autres exemples : avec “à ce que” = concorder, concourir, contribuer, reconnaître,


attacher, consacrer, autoriser, habituer, aboutir, etc. et avec “de ce que” = se mêler,
remercier, etc.
Certains des verbes transitifs indirects peuvent également au gré du lexique
s’employer avec une complétive introduite par la conjonction “que” : exemples 2, 3,
4, 9, 15, 16, 17 et 19.
Autres exemples :
-l’alternance “de ce que/que” : se souvenir, rêver, s’apercevoir, se flatter, se réjouir,
se féliciter, s’informer, se rendre compte, s’affliger, se contenter, se désoler, s’effrayer,
s’émerveiller, s’épouvanter, s’étonner, s’exaspérer, s’excuser, se frapper, frémir, se
glorifier, s’indigner, s’irriter, s’offenser, s’offusquer, etc.
-et l’alternance “à ce que/que” : aimer, consentir, s’attendre, prendre garde,
demander, tenir7, conclure, faire attention, réfléchir, etc.
Mais quel que soit l’élément de subordination employé, le pronom qui pourrait
représenter la complétive après un verbe transitif indirect est, comme dans le cas de
l’infinitif ou du nom complément d’objet indirect, -soit le morphème personnel
préverbal “en” (“de + nom”) : les exemples 2, 3 et 4 de la série I et tous les exemples
de la série II, -soit le morphème personnel préverbal “y” (“à + nom”) : tous les exemples
de la série III.

II- LES 2 CONTEXTES OÙ LA COMPLETIVE EST REMPLACEE PAR (OU REDUITE


A) UN VERBE INFINITIF.
La complétive est, facultativement ou, dans certains cas, nécessairement,
remplacée par un infinitif, réduite à un infinitif. Cette réduction est limitée à certains
contextes étroitement liés à la nature du verbe régissant la complétive et au
phénomène de la coréférence (=de l’identité référentielle) entre certains constituants
de la complétive et de la principale. La complétive est réduite à (est remplacée par)
un infinitif simple ou composé essentiellement dans deux contextes :
1 contexte: cette réduction a lieu si les sujets des 2 propositions, principale et
subordonnée, sont identiques, s’ils ont la même référence, s’ils “coréfèrent”. Par
exemple, si dans la 6° phrase de notre corpus, “Il lui a suggéré qu’il fasse la cuisine”,
les deux occurrences du pronom “il” sont identiques, la complétive peut être
remplacée par un infinitif : “Il lui a suggéré de faire la cuisine”.

7 Remarque : pour certains de ces verbes, le choix entre les deux régimes (direct = sans préposition, ou indirect =
“de” ou “à”) implique un choix entre deux sens différents : “je tiens à ce que vous fassiez cela ; je tiens que cette
idée est fausse”

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Comme le verbe “suggérer”, les verbes des exemples 1, 2, 10, 15 et 18


(respectivement : affirmer, douter, veiller, se plaindre) connaissent le même usage.
En effet, lorsqu’ils sont employés dans une principale dont le sujet est identique à
celui de la complétive, celle-ci peut être remplacée par un infinitif : ces verbes peuvent
être ainsi accompagnés soit d’une complétive soit d’un infinitif :
dans la série I:
“Il a affirmé qu’il a fait cela = Il a affirmé avoir fait cela”
“Elle doute qu’elle puisse garder ce secret = Elle doute de pouvoir garder ce secret”;
dans la série II:
“Il veille à ce qu’il respecte fidèlement les consignes = Il veille à respecter fidèlement
les consignes”;
dans la série III:
“Elle doute de ce qu’elle puisse le faire = Elle doute de pouvoir le faire”
“Il se plaint à tout le monde de ce qu’il a été battu = Il se plaint à tout le monde d’avoir
été battu”.8
Autres exemples :
“Je confesse que je n’ai pas perçu la résonance lugubre de ce mot = Je confesse n’avoir
pas perçu la résonance lugubre de ce mot”,
“Tu reconnais que tu as habité cette maison = Tu reconnais avoir habité cette maison,
“Je crois que je peux le faire = Je crois pouvoir le faire”.
Cette réduction est :
-dans certains cas, facultative, optionnelle : comme dans le cas des verbes
d’affirmation ou de sentiment (avouer, déclarer, dire, savoir, reconnaître, affirmer,
confirmer, infirmer, jurer, confesser, promettre, compter, juger, etc.),
-dans d’autres cas, obligatoire, nécessaire : comme dans le cas du verbe “refuser” (je
refuse de partir”) ou dans le cas des verbes de désir, de souhait (désirer, souhaiter,
etc.),
-dans d’autres cas impossibles : comme dans le cas du verbe provenir cité
précédemment ou dans le cas des verbes de connaissance : apprendre, savoir, etc.9

8 Le verbe “provenir” (employé dans l’exemple 14) ne se construit pas avec un infinitif : la réduction de la
complétive n’est pas possible.
Il importe de remarquer également que ce verbe, qui n’admet pas comme sujet un “être pensant”, est
considéré par les grammairiens comme un verbe intransitif et son complément introduit par la préposition “de”
comme un complément circonstanciel, c’est-à-dire comme un élément non nécessaire grammaticalement à
l’expression du verbe. Toutefois, un tel verbe (comme “résulter, procéder”) ne peut s’employer seul (à la différence
de “venir”).

9 Le verbe “savoir” dénote des sens différents et a, en raison de cette différence, des comportements syntaxiques
différents : par exemple,
a-“il sait chanter”,

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2° contexte : la complétive est également remplacée par l’infinitif si le


complément du verbe de la principale et le sujet de la subordonnée sont identiques, ont
la même référence, “coréfèrent”.10
4.“Il a supplié son ami qu’il vienne dès que possible = Il a supplié son ami de venir
dès que possible”.
6.“Il lui a suggéré qu’il fasse la cuisine” = “ Il lui a suggéré de faire la cuisine”
17.La police soupçonne cet homme de ce qu’il soit un espion = La police soupçonne
cet homme d’être un espion”.
Autres exemples: dans les phrases suivantes où les verbes régissant les
complétives sont conseiller, interdire, inviter et équivaloir:
“j’ai conseillé à cet homme qu’il part;
j’ai interdit à cet homme qu’il parte;
j’ai invité cet homme à ce qu’il parte;
cette erreur équivaut pour cet homme à ce qu’il reprenne ses calculs”;
les complétives sont réduites si les unités “cet homme” et “il” renvoient au même
référent. Ces phrases deviennent alors:
“j’ai conseillé à cet homme de partir;
j’ai interdit à cet homme de partir;
j’ai invité cet homme à partir;
cette erreur équivaut pour cet homme à reprendre ses calculs”.11

b-“il sait qu’il chantera (demain)”,


c-“ces considérations ne sauraient intervenir”.
Dans les contextes représentés par les exemples a et c (où il a le sens de “pouvoir, avoir la force, la
science, le moyen, l’adresse, l’habileté de faire quelque chose”), il peut être suivi d’un infinitif; mais pas d’une
complétive.
En revanche, dans le contexte représenté par l’exemple b, il peut être accompagné d’une complétive, mais
pas d’un infinitif; c’est-à-dire que la complétive qu’il régit ne peut être réduite à un infinitif. Cependant il existe
quelques exemples littéraires de cette réduction, comme ceux cités par Grevisse, Ibidem., p.1317, §2600, b.: “il
savait y revoir la belle institutrice” (Maurois) et “J’allais à Vauréal, chez moi, dans ma maison, où je savais
retrouver ma femme et mon fils” (Duhammel). Dans ces 2 exemples (dans le 2= réduction d’une complétive
imbriquée dans une relative), il y a ambiguïté sémantique: s’agit-il du sens a ou du sens b?
Remarque générale: la réduction étant un fait aléatoire, un fait du lexique, ne peut servir comme critère
pour fonder une classification systématique des verbes de la langue française.

10 Le complément du verbe de la principale peut être un complément d’objet (exemple 16), un complément d’agent
(“il a été décidé par cet homme que...”) ou un complément circonstanciel (“il regrette pour son ami que ...; il a su
par son ami que ...”). D’autre part, quand ce complément est un complément prépositionnel, les prépositions qui
lui sont affectées peuvent être également, quoique rarement, différentes de “de, à”: par exemple, “pour, par” dans
la série IV.

11 Le verbe “équivaloir” (exemple13) ne se construit pas régulièrement avec un infinitif. Gross, Grammaire
transformationnelle du français: syntaxe du verbe (p.92 et p.94), plus tolérant que les grammairiens normatifs,
accepte l’emploi de ce verbe (et du verbe “veiller”) avec l’infinitif.

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Cette réduction a lieu en général après les verbes de volonté (commander,


conseiller, défendre, demander, enjoindre, exhorter, empêcher, envoyer, exiger, inciter,
inviter, laisser, mener, ordonner, prier, supplier, etc.).12
Les 2 contextes cités précédemment peuvent coexister dans la même phrase:
comme dans l’exemple 6 de notre corpus:
“Il lui a suggéré qu’il fasse la cuisine”;
cet exemple peut être interprété de deux façons différentes: le sujet de la principale
est identique à celui de la complétive ou le complément de la principale (=lui) est
identique au sujet de la complétive. En d’autres termes, l’agent de l’infinitif dans la
phrase obtenue par réduction de la complétive:
“Il lui a suggéré de faire la cuisine”,
est soit “il” soit “lui”.
Avec certains verbes, comme les verbes de commandement (commander,
ordonner, etc.), d’interdiction ou de permission (défendre, interdire, empêcher,
permettre, tolérer, etc.), seule la 2 interprétation est possible :
“Il lui a interdit / refusé qu’il fasse la cuisine
il lui a interdit / refusé de faire la cuisine”.

III- LES MODES DANS LA COMPLETIVE :


L’emploi des modes dans les propositions subordonnées complétives
rattachées à un verbe personnel, comme dans notre corpus, est déterminé par le sens
de ce verbe et par l’absence ou la présence de la négation et de l’interrogation dans
la principale13.
Après le verbe d’affirmation, le mode employé est l’indicatif si ce verbe établit
le fait comme certain ou le conditionnel, s’il le présente comme un fait éventuel,
hypothétique, par exemple : je crois, je déclare, j’affirme, je sais, je vois, je pense, je
soutiens qu’il partira/ qu’il devrait partir. Le conditionnel s’emploie également pour
dénoter “le futur dans le passé”, comme dans les complétives suivantes :

D’autre part, ce verbe construit le 2 terme de l’équivalence avec “à”. Mais par analogie avec “valoir”, il
se rencontre parfois construit, quoiqu’en rupture avec l’usage régulier, directement avec son complément: “Une
simple mention de lui équivaut son pesant d’or” (Criticus) cité par Grevisse, Ibidem., p.678, §1358.

12 Quand les verbes de perception (apercevoir, contempler, écouter, entendre, ouïr, regarder, sentir, voir, etc.) sont
construits avec un complément d’objet et un infinitif, il ne s’agit pas de la réduction d’une complétive mais de
celle d’une relative attributive. Exemple : la phrase “je vois les oiseaux venir” n’est pas la réduction de la phrase
“je vois que les oiseaux viennent” ni non plus de la phrase incorrecte “je vois les oiseaux qu’ils viennent” (où
oiseaux = ils) mais de la phrase contenant une relative attributive : “je vois les oiseaux qui viennent” ou “je les
vois qui viennent”.

13 Dans le cas des autres supports, l’emploi des modes dans la complétive est également lié au sens de ces supports.

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“Ma seule consolation (...) était que maman viendrait m’embrasser” ;


“je savais qu’aussitôt elle aurait son visage fâché”.14
Cependant, quand ce verbe est dans une principale négative ou interrogative
ou quand il implique par son sens la négation, le doute ou l’incertitude (comme nier,
douter, contester, démentir, disconvenir, dissimuler, désespérer, etc.), on met plutôt le
subjonctif, par exemple : “je doute, crois-tu, je nie, je conteste, je ne crois pas, je ne
pense pas qu’il ait raison”.
Après le verbe de volonté (ordre, prière, désir, défense, empêchement) et de
sentiment (joie, douleur, crainte, surprise, regret, etc.), on emploie en règle générale le
subjonctif.
Cependant, l’indicatif peut apparaître dans la complétive après des verbes de
volonté employés comme des verbes déclaratifs15, après les verbes de sentiment
construits avec “de ce que” ou après des verbes de volonté exprimant la décision
(comme arrêter, décréter, décider, etc.)

14 Voir l’épreuve de l’examen de mai 1997.

15 Il s’agit en fait des verbes qui sont à la fois des verbes de volonté et des verbes déclaratifs: je lui dis ou fais
savoir qu’il viendra ou qu’il vienne selon le sens du verbe de la principale.

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La complétive (suite)

C O R P U S:

Série I:
1. Cet homme est surpris que le train soit à l'heure.
2.Cette femme est digne qu'on la respecte.
3.Certain que ses amis viendront le voir, il a préparé du thé.
4.Il est sûr qu'une autre méthode lui permettrait de réussir.
5.Il est attentif à ce que vous mangiez.
6.Il est étonnant qu'on ait accepté de le recevoir.
7.Il parait évident que le départ sera reporté.
8.Il semble préférable pour vous que le départ soit reporté.
9.“On n'est jamais sûr que ce ne soit pas la Gestapo qui vienne ouvrir” (R.Vailland)

Série II:
10.Il a fait part à ses amis de sa crainte que ses démarches ne puissent aboutir.
11.La crainte que ses amis l'abandonnent ne l'a pas quitté tout le long du trajet.
12.L'annonce que les prix connaîtront prochainement une nouvelle
majoration/hausse inquiète tout le monde.
13.Le bruit se répandit très vite, que les prix connaîtront une nouvelle majoration.
14.Cela est lié au fait que la situation économique est désastreuse.

Série III:
15.Peut-être qu'il pourra le faire.
16.Assurément qu'il reviendra.
17.“Non pas qu'il ne fût jamais semblable à lui-même, mais il ne donnait pas
l'impression, (...), d'être une simple gargouille de l'humanité” (J. Giraudoux).

QUESTION:
Dégagez les propositions subordonnées complétives contenues dans ce corpus;
ensuite déterminez la nature morphologique de leurs supports.

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Dans les phrases de ce corpus, la complétive est un complément déterminatif (ou de


détermination) d’un adjectif (série I), d’un nom (série II) ou d’un adverbe (série III).
Elle se place après son support qu’elle suit directement, sans pause. Ce qui permet
de la distinguer de la complétive apposition.

a- le support est un adjectif (Série I):


La complétive rattachée à un adjectif ou à un participe employé comme adjectif
est introduite par la conjonction de subordination “que” ou après quelques adjectifs
et quelques participes à valeur adjectivale, par une locution conjonctive : “à ce que”
ou “de ce que”, comme dans l’exemple 5: attentif à16. La préposition de cette locution
apporte une certaine spécification du rapport établi entre le support et son
extension.17
L’élément adjectival support, qui dénote en général le résultat d’une action ou
un sentiment, une opinion, peut être ou bien attribut (du sujet qui est un nom :
exemples 1 et 2, ou un pronom personnel: exemple 8, impersonnel: exemples 4, 5, 6
et 7 ou indéfini: exemple 9) ou bien apposé (en apposition): exemple 3.

b- le support est un nom (Série II):


La complétive qui développe syntaxiquement un nom est introduite par la
conjonction “que” ou par une locution conjonctive, “à ce que” ou “de ce que” 18. En
général, ce nom est un nom abstrait ou un nom d’action précédé d’un article ou d’un
adjectif démonstratif et dénote une idée d’affirmation (la connaissance : nouvelle,
souvenir, bruit, etc., la déclaration: affirmation, annonce, promesse, etc., l’opinion:
espérance, pensée, supposition, etc.); il occupe des fonctions différentes dans la
phrase.

16 Autres exemples: heureux de ce que, satisfait de ce que, etc.

17 Le complément déterminatif d’un adjectif peut être un constituant simple: un nom (oublieux de sa promesse,
incapable de cela), un pronom (digne de vous, fier de lui), un infinitif (apte à nager, capable de soulever ce poids),
un adverbe (heureux à jamais).

18 Le complément déterminatif du nom peut être également un nom, un pronom, un infinitif ou un adverbe. La
préposition qui l’introduit et qui sert de spécificateur du rapport établi entre les deux termes, est fréquemment
“de”, mais elle peut être également “à” (un moulin à vent), “en” (une montre en or), “contre” (un canon contre
avions), “par” (la traction par l’électricité), “pour” (un mot pour rire), “sans” (une monnaie sans valeur), “autour”,
“envers”, etc.

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c- le support est un adverbe (Série III):


Le support de la complétive peut également être, quoique moins fréquemment,
un adverbe (dommage que, certainement que, peut-être que, etc.). Cette complétive
est introduite par la conjonction “que”. Et le support, c’est-à-dire l’adverbe, qui est le
seul constituant de la proposition principale, dénote en général une affirmation
(“assurément”: exemple 16), une supposition (“peut-être”: exemple 15), une négation
absolue (“non”: exemple 17), etc.

Remarques à propos des 3 séries:


1. Contrairement à la complétive liée à un nom, celle liée à un adjectif peut être
détachée et remplacée à sa place initiale par le pronom “en” (“qu’il revienne, j’en suis
sûr”) ou, quoique moins fréquemment, par le pronom “y” (“qu’elle mange, j’y suis
attentif”).

2. Si le support (adjectif, nom ou adverbe) exprime un fait considéré comme


certain, le mode employé dans la complétive est l’indicatif, et s’il exprime un fait
hypothétique, éventuel, le mode est le conditionnel. En revanche, si le fait est
considéré comme douteux, incertain, présenté comme le résultat d’un mouvement
affectif, c’est-à-dire s’il est simplement envisagé, le mode est le subjonctif.
Cependant avec “de ce que” après un adjectif dénotant un sentiment, l’indicatif
peut s’employer (comme dans le cas du verbe support). Le subjonctif est également
admis quand le support est l’objet d’une négation (exemple 9) ou d’une interrogation
et quand la complétive est détachée.

3. Deux distinctions doivent être nettement établies :


-la première entre la complétive liée à un adjectif et la subordonnée circonstancielle
de comparaison dépendant d’un adjectif comparatif comme dans l’exemple : “Elle est
plus jeune qu’il n’avait espéré”;19
-la seconde entre une complétive détachée et remplacée par un pronom (“qu’on lui
permette de partir, cela me gêne”) et une complétive apposée à un nom (“une chose
me gêne, qu’on lui permette de partir”.

19 D’autres exemples de cette subordonnée circonstancielle sont donnés dans l’exercice n° 25.

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La complétive sans support

La complétive sans support est introduite par la conjonction de subordination “que”


ou, rarement, par “lorsque” et “quand”. Elle est dans la phrase qui la contient
complétive sujet d’un verbe à un mode personnel (exemples 1 à 10) ou complétive
attribut du sujet (exemples 11 à 16).20

I- LA FONCTION DE LA COMPLETIVE SANS SUPPORT:


a- la complétive sujet:
La complétive sujet se trouve en tête de phrase (exemples 1 à 3). Cependant
elle peut être rejetée en fin de phrase dans certains contextes demandant l’inversion
du sujet: l’interrogation, l’exclamation ou après certaines tournures.
-L’interrogation: la complétive sujet est placée en fin de phrase dans l’interrogation
partielle où l’élément interrogatif est: le pronom “que” C.O.D. des verbes comme
signifier (exemple 4), indiquer, dénoter, etc., l’adverbe interrogatif “d’où” (complément
circonstanciel de lieu): exemples 5 et 6.
-L’exclamation: cette complétive se trouve également en fin de phrase dans les
structures attributives exclamatives avec l’ellipse du verbe “être”. Le sujet, ou le
thème, qui est la complétive suit le prédicat introduit par l’adjectif exclamatif “quel”:
exemple 7.
-Après certaines tournures: elle est également postposée à son verbe quand celui-ci
appartient à des tournures comme: peu importe (exemple 8), plaise à (exemple 9),
plût à (exemple 10).21

b- la complétive attribut:
La complétive attribut est introduite par la conjonction de subordination “que”;
mais elle peut être également intégrée par les conjonctions temporelles “lorsque” et
“quand” (exemples 15 et 16). Cette complétive, qui ne peut être qu’attribut du sujet,
est placée régulièrement après le verbe “être” (forme personnelle ou forme infinitive).
Le sujet auquel elle se rapporte est un nom de portée générale (comme vérité, idée,

20 La complétive sans support peut être également un constituant apposé (détaché, en apposition).

21 Si l’on considère, comme les fonctionnalistes, que les présentatifs sont des prédicats, les complétives placées
après “voilà” et “il y a” seraient des sujets placés après leurs prédicats: “voilà qu’il fait beau, il y a qu’il n’a pas
envie de continuer”.

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intention, désir, bonheur, résultat, souhait) ou un nominal déterminé (adjectif


substantivé) (comme l’amusant, le mieux, le meilleur).
Le nom sujet auquel se rapporte la complétive attribut peut être remplacée par
un pronom: un pronom démonstratif (exemples 12 et 16: ce), un pronom possessif
(exemple 11: le sien).
Autres exemples: reste, à cela s’ajoute, de là vient.

II- LE MODE DE LA COMPLETIVE SANS SUPPORT:


Dans la complétive sujet, le mode subjonctif s’impose. Le seul contexte où il
est remplacé par l’indicatif est celui où la complétive dénote un fait intemporel. Dans
la complétive attribut les modes qui se partagent les emplois sont le subjonctif et
l’indicatif. L’emploi de l’un ou de l’autre mode dépend de la manière dont le fait
exprimé par la complétive est conçu. S’il est considéré comme certain, le mode
employé est l’indicatif; si, par contre, il est posé comme un fait voulu, souhaité,
comme un fait simplement envisagé par l’esprit, le mode qui convient est le subjonctif.

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