2. Kobenan
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Introduction
Le vent du colonialisme n’a pas laissé intact le réper‐
toire socio‐culturel des pays dits du ers monde. Dans sa
volonté d’imposer sa vision unique du monde à ces « bar‐
bares », le colon a procédé par un formatage spirituel qui
a abou à la défigura on de leur passé, à l’évanescence de
leurs histoires originelles. Devant ce e situa on d’assu‐
je ssement, des romanciers africains comme Ferdinand
Oyono1, optèrent pour une écriture dénonciatrice des
vicissitudes du colonisateur. Après les indépendances, cer‐
tains, à l’image de Mohamed‐Alioum Fantouré2, cri que‐
ront la ges on poli que des dirigeants néocolonialistes,
quand d’autres adoptent une écriture frontalière qui ne
s’inscrit dans aucune de ces deux logiques. Pour ces der‐
niers, il n’y a pas meilleur engagement que celui de redon‐
ner aux valeurs socioculturelles africaines ce qui leur a été
oblitéré. Ce qui par ailleurs remet en cause les connota‐
ons déprécia ves que l’occident a octroyées à la culture
africaine.
Seydou Badian Kouyaté s’inscrit justement dans ce e
logique. En effet, l’écrivain malien s’est toujours penché
sur l’Afrique et ses réalités. Dans le roman in tulé Sous
3 S.
Badian, Sous l’orage, Paris, Présence Africaine, 1957.
4 S.
Badian, Noces sacrées, Paris, Présence Africaine, 1977.
5 W. Mignolo, « Géopoli que de la connaissance, colonialité du pouvoir
homme mys que qui dompte la nature ainsi que tous les
animaux sauvages à l’aide de paroles incantatoires. Parlant
de lui, le père Dufrane avoua : « Tiémoko‐Massa ? Au fond
j’aurais dû m’en douter. Il ne s’agit pas d’un nom, mais
d’un tre qui signifie « Maître puissant » (NS, 125).
D’ailleurs, Au cours d’un entre en, ce vieillard à la science
infuse fit remarquer au docteur :
Les Blancs !… les Blancs !… Pourquoi croient‐ils que l’homme est grand
quand il sait maîtriser la pierre, le fer et le feu ? […] L’homme est surtout
entente avec l’invisible. Vivre avec l’invisible est la voie de la vie […]. Pos‐
séder le visible ne rend ni grand ni heureux […]. La maladie a deux
sources : le visible et l’invisible. Chaque fois que l’homme entre en conflit
avec le monde visible, la maladie le pénètre. Ce e maladie‐là peut être
vaincue par le visible : les plantes, les animaux. Lorsque l’homme entre
en conflit avec l’invisible, la maladie s’installe en lui. Mais ce e maladie‐là
ne peut être vaincue que par l’invisible. (NS, 126)
Conclusion
Dans leur logique de colonisa on des peuples dits in‐
férieurs, les na ons impérialistes ont construit un en‐
semble de clichés déprécia fs qu’elles leur ont assigné. Il
fallait les formater afin de faire d’eux des êtres aptes à in‐
Noces sacrées de Seydou Badian : quand le roman traduit la décolonialité 39
bibliographie
Badian S., Sous l’orage, Paris, Présence Africaine, 1957.
Badian S., Noces sacrées, Paris, Présence Africaine, 1977.
Fantouré M.‐A., Le récit du cirque, Paris, Édi ons Duchet‐Chastel, 1975.
Kourouma A., Les soleils des indépendances, Paris, Seuil, 1970.
Mignolo W., « Géopoli que de la connaissance, colonialité du pouvoir et
différence coloniale », [dans :] Mul tudes, 2001, no 6, h ps://www.
cairn.info/revue‐mul tudes‐2001‐3‐page‐56.htm.
Oyono F., Le vieux nègre et la médaille, Paris, Juliard, 1956.
Quijano A., « Race et colonialité du pouvoir », [dans :] Mouvements, 2007,
no 51, h ps://www.cairn.info/revue‐mouvements‐2007‐3‐page‐111.htm.
abstract
Sacred weddings of Seydou Badian: when the novel
translates decoloniality
In the name of a certain theory of race inferiority, the imperialist powers
have ins tuted the slave trade which will annihilate the countries of the
Third World, and mainly those of the African con nent. They will impose
their vision of the world through the universaliza on of a Cartesian philo‐
sophy which has considerably encroached on the local histories of subor‐
dinate peoples. Even today, categories of people con nue to suffer from
the deprecia ve stereotypes constructed by the se ler. For African novel‐
ists, the historical truth must be recognized. They therefore write with the
aim of restoring the authen c values of these peoples. It is in this per‐
spec ve that Seydou Badian inscribes his work en tled Sacred Weddings
where he magnifies an African tradi on which only asks to be recognized
as an absolute and autonomous value, through a decolonial wri ng.
keywords
imperial powers, slave trade, subordinate peoples,
decolonialist writing , African tradition
mots-clés
puissances impérialistes, traite négrière, peuples
subalternisés, écriture décoloniale, tradition afri‐
caine
Noces sacrées de Seydou Badian : quand le roman traduit la décolonialité 41
yao kobenan
Yao Kobenan est Professeur de Lycée (Le res Modernes) et Doctorant
à l’Université Félix Houphouët‐Boigny (Abidjan, Côte d’Ivoire). Membre
du GRATEL (Groupe de Recherche en Analyse et en Théorie Li éraire),
il travaille sous la direc on du Professeur Philip Amangoua Atcha, sur
le thème : La créa on romanesque de Mamadou Mahmoud N’Dongo :
une poli que d’écriture novatrice.
ORCID : h ps://orcid.org/0000‐0003‐0682‐6156