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7 Crochets de Poisson

La notion de crochet de Poisson permet de faire le lien entre mécanique classique et méca-
nique quantique "moderne" (post 1920, dans l’interprétation dite de Copenhague) via la notion
de commutateur et d’algèbres d’opérateurs. Les notions mathématiques vues précédemment vont
nous permettre de comprendre que c’est la nature de l’espace considéré et les propriétés intrin-
sèques du Hamiltonien choisi qui impliquent certains résultats via les structures algébriques et
topologiques correspondantes , plus que le choix de la mécanique classique ou quantique. En ce
sens, le choix de la relativité galiléenne (pour les vitesses petites devant c et l’absence de champ
gravitationnel d’importance) et de l’espace euclidien traditionnel est de grande importance sur les
résultats finaux.
Nous avons donc vu que pour un Hamiltonien H sur une variété symplectique (M, ω2 ) de
dimension 2n il correspondait un groupe de transformations canonique gt qui correspond à l’évo-
lution du système mécanique en solution des équations du mouvement.
Soit F une autre fonction réelle sur M. Le crochet de Poisson des deux fonctions, noté (F, H)
est une nouvelle fonction de M dans M, définie par la dérivée de F dans la direction du flot donné
par H (suivant la tangente).

d
(F, H)(~x) = F(g~tx )(t = 0)
dt
Par conséquent, si la quantité F est conservée sur le flot, le crochet de Poisson correspondant
avec H sera nul.
On peut aussi considérer que le crochet de Poisson est égal à la valeur de la différentielle de F
suivant le flot local ~IdH suivant

(F, H) = dF(~IdH)
soit encore

(F, H) = ω2 (~IdH,~IdF)
par définition de la forme symplectique, qui est, rappelons-le, d’ordre 2, bilinéaire, et anti-
symétrique ; toutes les définitions mathématiques précédentes nous permettent donc de déduire
immédiatement

(F, H) = −(H, F)
et

(H, λ1 F1 + λ2 F2 ) = λ1 (H, F1 ) + λ2 (H, F2 )


ce qui aurait été fort pénible à démontrer par d’autres méthodes.
De plus, le théorème de Noether peut être généralisé ; si le système mécanique admet comme
invariant le groupe de transformations canoniques donné par F, alors F est une intégrale conservée
du système. En effet, si (H, F) = 0, (F, H) = 0.
D’autre part, l’expression
(F, H) = ω2 (~IdH,~IdF)
nous donne la valeur du crochet de Poisson dans les coordonnées canoniques, avec ω2 (~a,~b) =
~
(~a, b)
n
∂H ∂F ∂H ∂F
(F, H) = ∑ −
i=1 ∂p i ∂qi ∂qi ∂pi

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7.1 Champs vectoriels
Le crochet de Poisson nous permet de savoir dans quelle mesure deux champs vectoriels ~A
~
et B sur M commutent, c’est à dire dans quelle mesure le produit de leurs flots At et Bs sont
indépendants de l’ordre de l’opération.
Rappelons que le flot est défini par

~A(~x) = d At (~x)(t=0)
dt
c’est à dire que ~A est le vecteur tangent au point ~x. On peut dériver toute fonction φ dans la
direction de ~A pour obtenir une fonction L~A φ qui vaut

d
L~A φ(~x) = φ(At (~x))(t=0)
dt
Dans le système de coordonnées usuel, le flot est donné comme en mécanique des fluides
quand on veut suivre une particule de masse nulle dans un écoulement par la résolution de

dxi
= Ai (~x)
dt
donc
∂φ
L~A φ = ∑ Ai
i ∂xi
par la formule de la dérivée composée.
Rien ne dit cependant que pour deux flots dépendant d’un paramètre,

At Bs = Bs At
c’est à dire qu’en suivant d’abord le premier flot, puis le deuxième, on arrive au même point
qu’en faisant l’inverse ; de la même façon que l’ordre des opérations est important lorsqu’on réalise
un créneau pour garer une automobile. En particulier, en mécanique quantique, les opérateurs de
moment cinétique suivant différents axes ne commutent pas forcément, car tourner d’abord suivant
0x puis suivant Oy ne donne pas le même résultat que l’inverse.
Le commutateur ou crochet de Poisson des deux champs de vecteur ~A et ~B est le champ de
~ tel que
vecteurs C

LC~ = L~B L~A − L~A L~B


également noté

~ = [~A, ~B]
C
Remarquons que le commutateur est lié à la dérivée seconde croisée des champs ; comme
d
L~A φ(Bs~x) = φ(At Bs (~x))(t=0)
dt
et

d
ψ(Bs (~x))(s=0) = L~B ψ(~x)
ds
on a

d2
φ(At Bs (~x))(s=t=0) = L~B L~A φ(~x)
dsdt

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en remplaçant la fonction arbitraire ψ par l’expression de la ligne du dessus.
L’égalité des dérivées croisées suivant s,t et suivant t, s correspond donc à la nullité du com-
mutateur.
Plus surprenant, l’opérateur L~B L~A − L~A L~B est en fait du premier ordre. En revenant aux coor-
données généralisées on a

∂ ∂φ
L~B L~A φ = ∑ Bi ∑ Aj
i ∂xi j ∂x j
en distribuant l’opération on obtient

∂A j ∂φ ∂2 φ
L~B L~A φ = ∑ Bi + ∑ Bi A j
i, j ∂xi ∂x j i, j ∂xi x j

Le deuxième terme apparaît également dans le deuxième terme L~A L~B et disparaît donc du
commutateur. Finalement
∂A j ∂φ ∂B j ∂φ
L~B L~A φ − L~A L~B φ = ∑ Bi − Ai
i, j ∂xi ∂x j ∑
i, j ∂xi ∂x j

Le commutateur est donc bien un opérateur différentiel du premier ordre et correspond à un


~
champ vectoriel C.

7.2 Identité de Jacobi


De plus, en prenant un commutateur de commutateurs, on obtient l’identité de Jacobi (pour
des champs de vecteurs ou pour des fonctions)

((A, B),C) + ((B,C), A) + ((C, A), B) = 0


Pour la démontrer, il suffit de développer les douze termes, qui vont se compenser deux à deux.
On peut de plus arguer que par le résultat précédent, chacun des commutateurs reste du premier
ordre.
Par conséquent, à partir de deux intégrales du mouvement F1 et F2 on peut construire une
troisième intégrale du mouvement
((F1 , F2 ), H)
qui sera elle même nulle par l’identité du mouvement.
Cela permet de résoudre tout problème de mécanique, en construisant succesivement des in-
tégrales du mouvement, comme nous le verrons dans le chapitre sur les variables angle-action. Il
peut hélas arriver que par cette méthode qui donne successivement des intégrales du mouvement
on trouve 0 ou une intégrale déjà obtenue.
Les crochets de Poisson constituent ce qu’on appelle une algèbre de Lie, car on définit ainsi
un produit interne de fonctions qui est antisymétrique, bilinéaire, et obéit à l’identité de Jacobi.
Remarquons que le produit vectoriel de deux vecteurs dans l’espace tridimensionnel obéit aux
mêmes règles, de même que le commutateur de deux matrices.

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