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LA PÊCHERIE DE CREVETTES PÉNÉIDÉS


DU PLATEAU GUYANO - BRESILIEN

par Laurent VENAILLE

- La pêcherie de crevettes pénéidés du plateau des Guyanes et du nord-est brésilien est, sur le plan
mondial, l'une des plus importantes (entre 15000 et 20000 t de crevettes entières ces dernières années). Les
flottilles de crevettiers sont nombreuses et de nationalités diverses, mais ne comptent toutefois aucun
armement français, les quelques tentatives faites jusqu'ici par des navires métropolitains n'ayant pas abouti
à des résultats concrets.
Une première analyse de la pêche sur le plateau de la Guyane française a été faite par l'équipe du
laboratoire de Cayenne depuis 1974('), mais compte tenu de l'évolution rapide de I'exploitation depuis la
mise en application de la loi portant création d'une zone économique des 200 milles, ces données ont dû être
reprises sous un angle différent. -
On sait en effet que, depuis 1977, un système de licences et de quota a été mis en place en Guyane
française afin de mieux contrôler l'exploitation et enrayer une chute considérable des rendements. Le
laboratoire de 1'I.S.T.P.M. à Cayenne s'est attaché à suivre l'évolution de cette pêche, soit par l'étude des
débarquements, soit par des observations directes en embarquant sur des navires professionnels. En 1978, en
particulier, deux campagnes de prospection ont permis d'approfondir les connaissances et préciser de
nombreux points susceptibles de renseigner les armements projetant de s'installer en Guyane.

I. - Généralités.
1. Position géographique.
Située entre le Brésil et le Surinam, la Guyane française, département d'outre-mer, a une façade
maritime de 320 km pour une superficie totale qui représente le sixième de celle de la France. Le littoral
guyanais s'étend de l'embouchure de l'Oyapock (4"N, 51 "30 O), frontière avec le Brésil, à celle du Maroni
(6"N, 54"0), frontière avec le Surinam, et se trouve caractérisée par une côte basse, marécageuse, en
perpétuel remaniement, occupée par la mangrove et échancrée par quelques estuaires.
On englobe traditionnellement la Guyane française dans un ensemble plus vaste, comprenant de
l'Amazone à l'Orénoque, le nord-est du Brésil et les trois Guyanes (française, Surinam, République
coopérative de Guyana). C'est sur le plateau,débordant cette région qu'opèrent les flottilles industrielles à la
crevette.
2. Conditions de milieu.
Le climat, équatorial humide, est marqué par une saison des pluies de décembre à juillet et une saison
sèche d'août à novembre. Les écarts de température sont faibles, les vents modérés, de secteurs nord-est A
est-sud-est ; les tempêtes ou cyclones y sont inconnus.

(1) Ont participé à ce travail, sous la direction de M. Bonnet, MM. Paulmier G., Laniesse F. et Liorzou B.

Science et Pêche, Bull. Inst. Pêches marit., no 297, décembre 1979.


La topographie sous-marine, la nature du substrat et les conditions hydrologiques ont été étudiées, pour
le secteur au large de la Guyane française, au cours de la campagne de la «Thalassa» pendant l'été 1971
(Abbes, Aldebert, Dorel, Leroy Le Men, Prado, Saint-Félix et Cdt Corre, 1972); d'autres travaux, plus ré-
cents, précisent les variations des conditions de milieu, au cours de l'année, pour l'ensemble du secteur oc-
cupé par la pêcherie.
On constate ainsi que le milieu marin demeure relativement stable au large, mais subit de fortes
perturbations à l'approche de la côte et des fleuves :
La salinité varie de manière anarchique entre 28 et 34 % o . (Castaing et Pujos, 1976), mais il existe des
lentilles d'eau moins salée à la côte et dans le prolongement des grands fleuves.
Les températures de surface et de fond varient respectivement de 22,2 à 29,3 O C et 22'2 à 28,5 OC
(Dragovich, Jones, Boucher, 1977) mais elles sont en général comprises dans une échelle plus étroite; le plus
souvent, on constate des températures plus faibles vers la côte.
Les courants et les marées :les marées sont de type semi-diurne avec une amplitude de l'ordre de 1'20 à
2,80 m. Les courants qu'elles engendrent ne modifient que peu le schéma; les côtes de Guyane sont en effet
soumises à une dérivation du courant sud-équatorial qui remonte depuis l'embouchure de l'Amazone vers
Trinidad et la mer des Caraïbes en s'écartant plus ou moins de la côte. Sa vitesse est toujours élevée (2 à 4
nœuds) malgré des variations d'intensité selon les régions. Sur le fond, les courants sont mal connus, mais ils
sont certainement faibles, de direction variable, parfois opposée à la direction de surface. Pendant la
campagne de la « Thalassa)), on assistait d'ailleurs à une certaine remontée des eaux profondes sur le fond du
plateau (Leroy, en cours d'étude).
La turbidité :les apports terrigènes des fleuves et en tout premier lieu ceux de l'Amazone sont considé-
rables et entretiennent une turbidité élevée jusque sur les fonds de 50 m, les courants véhiculant très loin les
particules en suspension.
La nature des fonds :devant les Guyanes, le plateau continental a une largeur de 50 à 60 milles. On y
distingue trois zones grossièrement parallèles à la côte : la bande côtière qui prolonge les savanes, les marais
et la mangrove, et qui est constituée par les estuaires et les petits fonds jusqu'à 20 m. Les fonds y sont
sableux (vases argileuses) et laissent place à quelques bancs rocheux d'où émergent les îles du Salut, les îles
Rémire, les Connétables. Dans la seconde bande, qui se développe entre 20 et 50 m de profondeur, le
substrat est beaucoup plus ferme, le pourcentage d'éléments très fins diminuant. On y trouve des fonds
sablo-vaseux, sables fins, moyens ou coquilliers (Bouysse, Kudrass et Le Lann, 1977), mais on y rencontre
également des fonds rocheux. Au delà des fonds de 50 m, le substrat est sableux avec quelques zones
rocheuses.
3. Structures d'accueil.
En ce qui concerne les infrastructures portuaires, les crevettiers n'utilisent à l'heure actuelle que le port
du Larivot, près de Cayenne, où est installée la P.I.D.E.G. (Pêcheries Internationales de Guyane), entreprise
de traitement et de conditionnement des crevettes et du poisson. Les armements, basés dans l'enceinte de
l'usine, ont leurs ateliers de réparation et leurs magasins d'approvisionnement. Un slip de carénage vétuste
est mis à leur disposition par la chambre de commerce. Mis à part Saint-Laurent-du-Maroni ou étaient
basées des flottilles il y a encore quelques années, et où de nouveaux projets d'activité sont à l'étude, aucun
autre port n'est actuellement utilisable pour la pêche. L'avitaillement en gas-oil, glace, filets, pièces de
rechange peut poser de sérieux problèmes à des unités isolées n'ayant aucun soutien logistique A terre.
Aucune infrastructure n'a été prévue à cet effet au nouveau port de Degrad-des-Cannes.
Pour ce qui est de la commercialisation des produits de la pêche, les marchés doivent être recherchés
hors de Guyane.

II. - Les espéces de crevettes pêchées.


1. Inventaire.
Bien que d'autres espèces commercialement intéressantes aient été mises en évidence sur des fonds plus
importants (Abbes, Aldebert, Dorel, Leroy, Le Men, Prado, Saint-Félix et Cdt Corre, 1972), l'exploitation
actuelle se fait sur des fonds inférieurs à 80 m.
On trouve dans les apports de crevettes 5 espèces appartenant toutes à la famille des Penaeidae, dont
deux (Penaeus aztecus subtilis et Penaeus brusiliensis) font la quasi-totalité des débarquements.
Penaeus schmitti (Burkenroad, 1936)
Noms vernaculaires F.A.O. : southern white shrimp, crevette ligubam du sud, camaron blanco sureno.
Elle se distingue des autres espèces par l'absence de prolongation du sillon dorsal au delà de la moitié de la
carapace du céphalothorax. Peu fréquente en Guyane française, quelques individus peuvent être pêchés à
l'embouchure des fleuves. Les rares concentrations chalutables sont situées sur les fonds de 5 à 25 milles.
Elle vit sur de la vase ou du sable vaseux dans les estuaires ou les zones où la salinité est inférieure à 20 %o.
La longueur totale maximum observée (F.A.O.) est de 253 mm pour les femelles et de 175 mm pour les
mâles.
Penaeus notialis ( ~ e r e Farfante,
z 1967) (ou P . duorarum notialis)
Noms vernaculaires F.A.O. : southern pink shrimp, crevette rodché du sud, camaron rosado surefio.
Elle représente un très faible pourcentage des prises. Elle se rencontre depuis la côte jusqu'à des profondeurs
de 120 m, mais les plus fortes concentrations s'observent entre 3 et 50 m (F.A.O., 1978). Son activité est plus
intense de nuit que de jour. Sa longueur totale maximum observée (F.A.O.) est de 192 mm pour les femelles
et de 175 mm pour les mâles.
Penaeus subtilis (Perez Farfante, 1967) (P. aztecus subtilis) (fig. 1).
Noms vernaculaires F.A.O. : southern brown shrimp (brown), crevette café, camaron café sureno.
C'est la crevette la plus abondante dans les eaux de la Guyane française; son importance semble diminuer du

Fig. 1 . - Penaeus aztecus subtilis : I'esp&ce la plus frPquenfe en Guyanefrançaise.

Brésil à la Guyane. Elle se pêche encore à des profondeurs de 80 m, mais les concentrations intéressantes se
trouvent entre 40 et 70 m sur les fonds sablo-vaseux ou sableux. Les premiers stades du développement ont
lieu à la côte, dans les estuaires ou les marais. Sa longueur totale maximum observée par la F.A.O. est de
204 mm pour les femelles et de 152 mm pour les mâles, et par 1'I.S.T.P.M. de 224 mm pour les femelles et
181 mm pour les mâles.
Penaeus brasiliensis (Latreille, 1817)
Noms vernaculaires F.A.O. : redspotted shrimp, crevette royale rose, camarbn rosado con manchas
(elle est aussi dénommée « pink spotted )) ou « pink )) ou « hopper-» par certains pêcheurs). Tout à fait
reconnaissable à sa tache rouge brique entre les 3e et 4e segments abdominaux, Penaeus brasiliensis, à
l'inverse de l'espèce précédente, se rencontre dans des proportions de plus en plus fortes lorsqu'on se déplace
vers l'ouest. C'est du moins ce qui a été observé au cours des dernières campagnes de prospection de
1'I.S.T.P.M. On la pêche sur des fonds sableux de 50 à 80 m, principalement de nuit. En Guyane française
on ne rencontre que des individus adultes. La longueur totale maximum observée par la F.A.O. est de
250 mm pour les femelles et de 191 mm pour les mâles, et celle observée par 1'I.S.T.P.M. est de 227 mm pour
les femelles et de 195 mm pour les mâles.
Xiphopenaeus kroyeri (Heller , 1862)
Noms vernaculaires F.A.O. : atlantic sea-bob, crevette sea-bob, camarbn siete barbas. D'une taille
moyenne inférieure aux autres, elle se reconnaît à son rostre plus allongé et recourbé vers le haut, sa couleur
plus verte et aux doigts des deux dernières paires de péréiopodes beaucoup plus longs. Elle est abondante
dans les eaux côtières, jusqu'à 30 m de fond, parfois plus, selon l'époque de l'année. Elle donne lieu à une
pêche artisanale dans certains estuaires à l'aide de chaluts tendus entre des perches (les barrières chinoises)
utilisant les courants de jusant. Du fait de sa mauvaise conservation à la congélation si elle n'est pas cuite
auparavant, cette espèce est rejetée par les crevettiers industriels. Sa longueur totale maximum observée
par la F.A.O. est de 140 mm pour les femelles et de 115 mm pour les mâles.
D'un point de vue commercial, on confond les différentes espèces (sauf la sea-bob) sous le nom général
anglo-saxon de « shrimp )) ; seul le calibre est considéré.

2. Biologie. Cycle de développement.


Pour les espèces qui nous intéressent, P. subtilis et P. brasiliensis, seule la première a son cycle complet
dans nos eaux. Celui de P. brasiliensis est certainement similaire, mais semble se dérouler dans des zones
plus occidentales, Surinam, Guyana et Venezuela.
La ponte a lieu en mer, sur des fonds de 20 à 60 m, parfois plus. Les larves issues de ces œufs ont une vie
planctonique. On distingue au cours du développement 5 stades nauplii, 3 protozoés et 3 mysis. Les larves
ont des déplacements passifs alors qüe les post-larves sont capables de nage, et tout en restant planctoni-
ques, se rapprochent de la côte.
La phase suivante qui intervient 15 à 20 jours après l'éclosion a lieu en eau saumâtre : la larve entre dans
une zone côtière, estuaire, mangrove ou marais, ou elle va poursuivre sa croissance. Les entrées dans les
marais sont aussi nombreuses le jour que la nuit, mais le jour, les larves se tiennent dans les tranches d'eaux
inférieures. A son entrée, la post-larve a une longueur totale de 9 à 10 mm. Durant une première période, elle
va rester peu active dans les zones peu profondes, dans les herbiers. Cette phase dure en moyenne de 15 à
30 jours. La crevette atteint alors 35 mm, et en est à son stade juvénile. Dans une seconde période dans le
marais, ou l'estuaire, elle mène une vie plus active, ayant moins d'exigences de substrat, mais étant plus
sensible aux prédateurs, Au bout d'un temps assez variable (45 à 80 jours, parfois plus), elle atteint 70 à
85 mm de longueur totale, taille a laquelle ses exigences physiologiques sont plus strictes; pour poursuivre
son développement, elle va sortir de cette zone. Pendant 4 à 5 semaines elle fréquente le secteur proche de la
côte, en demeurant sur des fonds de vase molle inférieurs à 10 m. On distingue ainsi un stade sub-adulte.
Pour une longueur totale supérieure à 100 mm, apparaît un dimorphisme sexuel du point de vue de la
taille. Deux mois après sa sortie, vers 115 mm, débute le développement des gonades. Deux mois vont encore
s'écouler avant le recrutement dans la pêcherie (130 à 140 mm). La première ponte a lieu pour une taille
supérieure à 140 mm. Les crevettes se déplacent vers des profondeurs de plus en plus importantes.
Ce cycle est assez théorique et, où subsistent encore des incertitudes, amène plusieurs remarques :
Du fait des déplacements passifs des premiers stades larvaires et compte tenu de l'intensité des courants,
les larves émises trop au large n'ont que peu de chances de venir se développer à la côte. Une analyse fine des
courants de surface et de leurs ramifications vers le rivage-devrait permettre de déterminer les zones qui
fournissent les jeunes recrues.
On observe continuellement des larves à la côte au cours de l'année. Toutefois, les zones principales de
développement sont certainement les marais, dont la communication avec la mer peut n'être qu'épisodique
(vives eaux), rythmant ainsi les entrées et les sorties. On distingue d'autre part des périodes de plus fort
recrutement (Rossignol, 1972) correspondant soit aux lunaisons avec un maximum aux nouvelles lunes et
aux pleines lunes, soit a des périodes saisonnières avec un maximum fin février-mars, août, décembre et
début janvier.
L'importance du nombre de sub-adultes a la sortie sera plus liée aux conditions du milieu, température -
salinité, qu'au nombre de larves à l'entrée.
L'action des prédateurs n'est pas à négliger : ce sont essentiellement palika (Megalops atlanticus),
machoirons blancs (Arius proops et Arius albicans), loubines (Centropomus undecimalis), crabes (Callinec-
tes bocourti) (Rossignol, 1972).
Le cycle est particulièrement rapide, puisqu'un individu de 6 a 8 mois est mature.
Des conditions particulières peuvent modifier le cycle dans une large mesure. Ainsi, en novembre 1978,
nous avons pêché des individus de 65 mm de longueur totale par 74 m de fond, au large de l'Oyapock. De
nouvelles anomalies seront à étudier, en particulier en relation avec la salinité et la température des eaux
dans ces zones.
SECTEUR III Cayenne

P. subtilis P.brasiliensis
120 IL0 160 180 200 120 140 160 180 200
1 l ' . ' - - . '

SECTEUR VI1 Mana

Fig. 2. - Évolution des tailles moyennes en fonction de la profondeur dans


deux secteurs en décembre 78pour les mâles (@el les femelles (Q) .

3. Migrations.
Aucune migration à ce jour n'a pu être mise en évidence avec certitude. Si l'on s'en rapporte aux
résultats des dernières campagnes de prospection, on constate que pour une profondeur donnée, les tailles
moyennes augmentent d'est en ouest pour Penaeus subtilis, et d'ouest en est pour Penaeus brasiliensis. Pour
une zone donnée, les tailles augmentent avec la profondeur pour P. subtilis et passent par un maximum vers
65-70 m pour P. brasiliensis, (fig. 2). Les rendements ne varient pas d'une manière significative d'une zone à
l'autre, et si une migration existe le long de la côte, elle ne semble pas avoir l'ampleur qu'on lui donne
parfois et qui serait en rapport avec la déviation du courant sud-équatorial. Par exemple, les mesures de
protection et donc la sous-exploitation du stock nord-est brésilien, si elles sont effectives, n'ont pas entraîné
une très forte augmentation des rendements dans les zones de la Guyane française.
Par ailleurs, deux séries de marquages portant sur 4000 individus chacune ont été effectuées en 1975 et
n'ont pas donné les résultats escomptés. En effet, la première, réalisée à la sortie d'un marais (marais
Sarcelle) n'a été suivie d'aucune recapture alors que la seconde menée sur les lieux de pêche a abouti à 27
recaptures signalées quelques jours après et sur les mêmes lieux.

4. Rythme d'activité.
En Guyane, contrairement à ce qui se passe dans d'autres régions ou pour d'autres espèces proches
comme Penaeus aztecus aztecus, Penaeus subtilis semble avoir une activité identique le jour et la nuit avec
une légère préférence pour la nuit sur les grands fonds. Pour Penaeus brasiliensis le rythme est plus marqué
et les prises se font surtout la nuit.

Penaeus subtilis Penaeus brasiliensis


Relation r2 n r n
taille-poids wt =
log - 5,08 + 2.98 log L~ 1.oo 3656 log w t = - 5.04 + 2,98 log ~t 1,oo 2280

mâles log Wt = - 5,41 + 3,14 log Lt 1,O0 367 1 log Wt = - 5.25 + 3.08 log L I 0.99 1023
femelles
Relation Lc-Lt
mâles L I = 7,93 + 4 2 3 Lc 1,m 947 L I = 4.99 + 4,19Lc 0.99 51 1

femelles Lt = 24.33 + 3.49 Lc 0.99 834 Lt = 41.38 + 3.18 Lc I ,M) 514

Relation Wq-Wt
mâles WI = 0 , 1 4 + I,MWq 1. W 21 1 W I = - 1.21 + 1,60Wq 1,O0 173

femelles W l = - 1,31 + 1.75 Wq 1.00 199 W l = -5,43 + 1.77 Wq 1.00 407

Relation Lt-Lq
mâles L I = 5,67 + 1.49 Lq I 218 LL = 0.59 + 1.52 Lq 0.99 91

femelles LI = -0.09 + I , ~ O L ~ 1.00 191 LI = - 10.34 + 1,64 L~ I ,oo 258

Tabl. 1 - Relations biométriques établies à partir d'échanlillons des campagnes Guyapêche I el J I ;les crevettes sont mesurées
a la règle au 1/2 cm inférieur pour les longueurs totales et de queue, au mm inférieur pour les longueurs
céphalothoraciques; L t :longueur totale depuis l'extrémité antérieure du rostre jusqu'à l'extrémité postérieure du tel-
son : L q :longueur de queue, telle qu'elle est sectionnée par les pêcheurs c'est a dire du premier segment de l'abdomen au
telson ; Lc :longueur céphalothoracique du bord postérieur du sinus orbitaire jusqu'au bord postérieur de la partie
dorsale de la carapace; Wt :poids d'un individu entier égouté; Wg :poids de la queue.

5. Relations biométriques.
A partir du matériel pêché durant nos campagnes ou des saisies à bord des chalutiers arraisonnés, nous
avons établi quelques relations biométriques devant nous permettre par la suite une étude plus facile du
stock, en ne récoltant par exemple que les têtes à bord des crevettiers (tabl. 1).
Pour la transformation des quantités commerciales de poids de queues en poids d'individus entiers, le
coefficient de 1,6 adopté jusqu'à maintenant donne une approximation très satisfaisante.
111. - L 'exploitation.
1. Rappel historique.
La richesse en crevettes du plateau guyano-brésilien et la possibilité de mettre en valeur cette ressource
potentielle sont apparues dès 1944 (Naidu et Boerema, 1972), mais l'exploitation à un niveau industriel n'a
cependant débuté qu'en 1959. Des armements s'installent alors à la Barbade, à Trinidad, en Guyana et au
Surinam. Très vite, on constate des rendements intéressants à l'est, même si la taille moyenne des crevettes y
est inférieure (car le pourcentage de Penaeus subtilis est plus important vers l'est). C'est ce mouvement qui
pousse en 1961 à l'installation de la Mann Shrimp à Saint-Laurent-du-Maroni, puis de la P.I.D.E.G. à
Cayenne, assurant aux flottilles qui y sont basées un avantage de position. L'autonomie des bateaux est en
effet faible à cette époque, les crevettes étant alors conservées dans de la glace. Des flottilles de toutes
nationalités apparaissent : Cuba, Corée, Japon, Barbades, Trinidad, Surinam et en premier lieu U.S.A.
L'exploitation dans les eaux du Brésil débute vers 1965 ; les bateaux se rendent jusqu'au sud-est de la
rivière de Para, branche de l'Amazone. Les armements basés en Guyane sont considérablement avantagés,
d'autant plus que l'effort augmentant sur les zones de l'ouest, les rendements accusent une baisse.
Le nombre de bateaux progresse régulièrement jusqu'en 1970, mais chute l'année suivante, le Brésil
portant ses eaux réservées à 200 milles et y interdisant la pêche. En 1972, un accord conclu entre le Brésil et
les U.S.A. permet un nouveau développement des flottilles. Toutefois, la pêche dans les eaux brésiliennes est
soumise à certaines contraintes : licences, périodes de fermeture de fin octobre à début mars.
Début 1977, les eaux de la Guyane française passent à leur tour à 200 milles et I'exploitation est soumise
à un règlement de la C.E.E. Enfin, début 1978, le Brésil ferme totalement ses eaux aux crevettiers étrangers.
L'effort de pêche, qui autrefois se répartissait sur I'en-
semble du plateau, permettant des périodes de repos,
se trouve aujourd'hui concentré sur une zone restrein-
te. De plus, les périodes de forte production n'étant
pas les mêmes au Brésil et devant les Guyanes, une ex-
ploitation soutenue des bateaux n'est plus envisagea-
ble.

2. Techniques de pêche.
Les bateaux crevettiers et leurs tactiques de pêche
n'ont guère évolué depuis l'implantation des flottilles,
mais des améliorations ont été apportées dans la con-
servation des produits. Après quelques tentatives in-
fructueuses de congélation à bord en 1967, la techni-
que est maintenant au point et désormais pratiquée
par la quasi-totalité des navires.

Rappellons que les crevettiers travaillant en


Guyane ont une longueur de 20 à 25 m. construits en
bois, en acier ou en plastique et pouvant congeler
dans une cale de 50 m3, ils disposent d'une autonomie
très importante. Les puissances des moteurs ont aug-
menté de 250 à 450 ch. L'équipement électronique se
compose en général d'un pilote automatique, d'un
sondeur, d'un poste de radio émetteur-récepteur, et
Fig. 3 - Un chalutier typeau quaidu Larivot (Cayenne). parfois d'un radar (fig. 3).

Le mode de pêche est de type floridien : 2 chaluts plats de 15 m de corde de dos, maille étirée de 50 mm,
cul renforcé et protégé des attaques de requins, montés sur tangons. Chaque chalut est gréé de deux
panneaux de bois (2'40 m sur 0'90 m pour 250 kg) maillés directement sur les ailes et raccordés A une fune
par l'intermédiaire d'une patte d'oie de 70 m de longueur. Une chaîne légèrement plus courte que le bour-
relet est en général gréée entre les deux panneaux afin de faire décoller la crevette du fond. Un petit chalut
témoin sur l'arrière, le « try net », de 2 à 3 m de corde de dos, permet de faire des échantillonnages
fréquents. Ce type de bateau et de chalut est adopté par toutes les flottilles.

L'équipage est généralement composé de 3 à 5 hommes, patron compris. Avec la diminution des rende-
ments à la fin des années 60 et la baisse des gains pour les équipages, les véritables professionnels ont délaissé
le métier, au moins pour les armements américains opérant dans nos eaux, et ont été remplacés par des
équipages aux compétences parfois limitées. Cette baisse de qualification a encore accentué la diminution
des rendements. Ce fait explique, en partie au moins, la différence constatée entre les résultats des arme-
ments américains et ceux des autres flottilles étrangères.

4. Travail en mer.
La durée moyenne d'une marée en 1978 pour les bateaux des armements U.S. basés à la P.I.D.E.G.
était de 20 jours, alors que pour les navires japonais cette moyenne était supérieure à 30 jours. Au cours de la
même année, les bateaux ont passé 86 % du temps en mer, et 90 070 des jours de mer à pêcher. Le faible
nombre de points de repère à la côte ainsi que les courants gênent considérablement la navigation. Aussi, les
pêcheurs quittent peu les zones connues et restent sur les fonds de 40 à 60 m sans chercher à prospecter
ailleurs.
La durée des traits est variable, de 3 à 6 heures. Le « try net » est viré de temps en temps pour donner
une idée des fonds et de la concentration en crevettes. Sur le pont, le tri s'effectue avec des raclettes, les
crevettes sont étêtées à la main, mises dans des paniers, plongées dans un bain de métabisulfite de sodium
pour éviter le noircissement (oxydation) de la carapace, puis elles sont congelées en cale à - 20 OC. Selon
divers facteurs, rendements, fatigue de l'équipage, zone, espèce pêchée, la pêche a lieu toute la journée ou
seulement le jour ou la nuit. S'il ne pêche pas, le bateau reste généralement au mouillage et il arrive que les
marins sortent des lignes pour pêcher des carangues'ou des thonines.

5. Prises annexes. Rejets.


De nombreuses espèces sont prises dans les chaluts en même temps que les crevettes; plusieurs d'entre
elles, citées ci-dessous, sont commercialisables :
poissons rouges (vivaneaux : Lutjanus aya, Lutjanus synagris, Rhornboplites aurorubens),
haemulon,
cabio (Rachycentron canadus),
mérou,
soles (Cyclopsetta chittendeni, Ancyclopsetta quadrocellata, Syrnphurus plagusia, Achirus sp.),
rascasse (Scorpaena sp.),
tassergal (Pornatornussaltator),
langoustes (Panulirus laevicauda),
cigales (Scyllarides delfosi),
crabes (Calappa sp.) dont seules les pinces sont conservées,
calmar (Loligo sp.),
coquilles (Arnusiurn papyraceurn),
plus les espèces pêchées occasionnellement à la ligne :
carangues (Caranx latus, Caranx hippos, Caranx crysos), thonines (Euthynnus alleteratus).

Quantitativement, au cours des campagnes organisées par 1'I.S.T.P.M. en 1978, nous avons pu estimer
à 84 % les rejets, à 8 % la part des crevettes et à 8 % le poisson potentiellement commercialisable. Les
évaluations faites par les américains (Jones, Dragovich, 1977) sont similaires. Pourtant, en ce qui concerne
les bateaux débarquant en Guyane française, seuls les 10 Vo du potentiel commercialisable en poisson sont
effectivement ramenés et mis en vente. Il serait intéressant d'étudier les rendements avec d'autres types de
chalut mais surtout de développer la commercialisation de cette pêche d'appoint qui a été jusqu'ici trop
négligée.

Fig. 4 - Traitement, calibrage et conditionnement des crevettes d l'usine de la


P.I.D.E.G.

Au débarquement, les crevettes sont décongelées, traitées, calibrées, conditionnées par boîte de 5 livres
U.S. ou de 2 kg, puis recongelées à - 40 OC (fig. 4).

GUYANE FRANCAISE

1 1 1 A

t SURINAM

1 l! IL.........,...,
!.. ..,
! .,. . .......
1 A 1

1973 1974 1975 1976


Fig. 5 - Rendement moyen horaire en kg de crevettes entierespar
pays de juillet 1972 à dkcembre 1976, d'après des donndes de
Jones et Dragovich (1977).

6. Principaux résultats de l'analyse des fiches de pêche.


Depuis 1972, le laboratoire de Miami et plus récemment, en 1978, le laboratoire de 1'I.S.T.P.M. de
Cayenne ont mis en place un système de fiches de pêche permettant de connaître, en principe, pour chaque
bateau et par jour, le secteur de pêche, le nombre de traits de chalut et leur durée, la quantité et l'espèce
pêchée, suivant la profondeur. Malgré une collecte difficile de ces fiches et une certaine fantaisie dans leur
rédaction, certains points de la pêche ont pu être précisés : répartition de l'effort de pêche, rendements par
zone et par profondeur, comparaison des rendements de jour et de nuit (Jones et Dragovich, 1977; Fishery
bulletin). Deux facteurs principaux sont à la base de bonnes pêches : la zone et la profondeur de chalutage.
Sur l'ensemble du littoral de l'Orénoque à l'Amazone, le recrutement, dont l'ampleur est très variable, a
lieu à différentes époques, ce qui explique une évolution continuelle des rendements dans une zone donnée
(fig. 5).
En un secteur, un stock nouvellement recruté à la sortie d'un marais ou estuaire va comme nous l'avons
vu rester quelque temps sur des petits fonds ou l'on note de très fortes concentrations de jeunes crevettes
immatures. Ces fonds sont à protéger en tout premier lieu. En migrant vers le large, les crevettes vont se
répartir de manière assez uniforme, certaines zones présentant toutefois une densité plus forte consécutive à
la configuration du fond, soit à la jonction en un point de plusieurs cohortes. Généralement, ces pics de plus
forte concentration, correspondant aux recrutements successifs, seront composés d'une ou deux classes de
taille. Le patron de pêche peut donc déterminer selon la sonde la catégorie de crevettes qu'il pêchera et devra
faire un compromis entre rendement et taille.

Janvier Février Mars Avril Mai Juin


U.S.A. Jap. U.S.A. Jap. U.S.A. Jap. U.S.A. Jap. U.S.A. Jap. U.S.A. Jap.
Nombre de jours de pêche 0,92 0,97 0,89 0,96 0.90 0,97 0.91 0,94 0,93 0,97 0,94 0,96
Nombre de jours de mer
Duréemoyenned'untrait 5h40 4h25 5h30 4h45 5h10 5h00 5h35 4h20 5h30 4h00 5h50 4h50
Rendement par heure de
pêche (kg crevettes ent.) 16 17 17 14 15 15 11 16 9 16 10 12

Rendement moyen par jour


de mer (kg crevettes 188 280 234 235 204 243 157 218 145 227 180 194
entières)

Tabl. 2. - Comparaison desflottilles crevettiPres américaines et japonaises basées en Guyane française pour les 6premiers mois
de l'année 1979; résultats obtenus B partir de l'analyse des fiches de pêche.

Avec les nouvelles fiches élaborées par le laboratoire de Cayenne, on a pu, en plus des études
précédentes, commencer une comparaison entre deux types de flottilles assez différentes (tabl. 2).
L'une composée d'armements américains a des équipages réduits, trois en général, patron compris
manquant souvent de mécanicien compétent à bord et qui n'ont, dans beaucoup de cas, qu'une expérience
tardive et temporaire de la pêche crevettière.
L'autre flottille, japonaise, a des équipages de 5 membres, avec un patron et un mécanicien qualifiés.
Sur les six mois de données dont nous disposons, quelques tendances générales se dégagent déjà : en
période de pêche moyenne, où la répartition des crevettes est assez régulière, les rendements horaires sont
assez similaires, mais en période de faible pêche, le travail de prospection en flottille est rendu nécessaire et
les Japonnais ont des rendements supérieurs. Par ailleurs, le nombre d'heures de pêche par jour est plus
important sur les bateaux japonais compte tenu d'un personnel plus nombreux et les rendements quotidiens
sont supérieurs dans ces.conditions. Enfin, comme nous l'avons déjà signalé, les navires japonais font des
campagnes beaucoup plus longues.

-
7. Résultats des campagnes Guyapêche 1 et II de 1'I.S.T.P.M. (10 30 mars 1978,20 novembre -
10 décembre 1978).
Ces campagnes ont été effectuées sur un crevettier professionnel de la P.I.D.E.G. en location, disposant
de son équipage régulier. Trois chercheurs ou techniciens de 1'I.S.T.P.M. étaient embarqués en
permanence(1).En mars, pour plusieurs raisons, état de la mer, difficultés de positionnement en l'absence de
matériel de navigation fiable, ennuis mécanique, l'étude a été limitée aux seuls aspects de l'exploitation et à
l'inventaire qualitatif de la faune récoltée sans qu'on ait recherché à répertorier tous les fonds. En

Fig. 6 - Secteurs et traits de chalut de la campagne Guyapêche II.

novembre-décembre par contre, nous nous sommes attachés A faire une prospection systématique des fonds
entre 30 et 80 m sur 8 tranches successives et perpendiculaires à la côte, réparties sur l'ensemble du plateau

P. sabtilis P. brasiliensis Deux espèces confondues


Strates Jour Nuit Moy. Jour Nuit Moy. Jour Nuit Moy.
(ml
30 - 39 0,55 3,22 1.89 O O O 0.55 3,22 1,89
40-49 3.34 2,94 3,14 O O O 3,34 234 3.14
50 - 59 8,18 3P o o 539 O 2,91 1,45 -
8,18 5,9l 7904
60-69 0,20 3,95 2,08 O 3,97 1,99 0,20 -
7,92 4,m
70 - 79 - 1,50 0,75 - 3.69 1,84 - 5,19 2.59

Tabl. 3 - Rendementspar strates (en kg de crevettes entieres par heure de pêche); résultats campagne Guyapêche II, novembre-
décembre 78.

français (fig. 6). Durant cette seconde campagne, qui était orientée sur une prospection comparée des fonds
avec ce qu'elle comporte de contraintes, les rendements enregistrés sont certainement inférieurs 52 ceux
d'une pêche en vraie grandeur. Une analyse dynamique du stock a été commencée, qui devrait être complétée
(1) Ont participé à ces campagnes J. Achoun, C. Dintheer, G . Paulmier, J. Sacchi et L. Venaille.
par des études et campagnes futures. Les résultats intéressant directement la pêche sont résumés dans les
tableaux 3 et 4 dans lesquels figurent respectivement les rendements par secteurs et par strates obtenus en
novembre-décembre 1978. En ce qui concerne les premiers, il est incontestable que, a cette époque de
l'année, la zone la plus productive était celle de Cayenne (secteur III) où les rendements atteignent
11'33 kg/heure. Quant aux captures horaires par strates, toutes espèces confondues, elles étaient maximales

Secteur P. subtilis P. brasiliensis Deux espèces confondues


Jour Nuit Moy. Jour Nuit Moy. Jour Nuit Moy.
1 0,07 3,lO 1,58 O O O 0.07 3,lO 1,58
II 1,13 7,42 4,27 O 0,43 0,22 1,13 7,85 4,49
III 14,23 6,33 10,28 O 2,lO 1 ,O5 14,23 -
8,43 -
11,33
IV 1,81 1,64 1,72 O 3,02 1,51 1,81 4,66 3,24
V 5,74 1,lO 3,42 O 4,96 2,48 5,74 6,06 5 9
VI 0,03 1,46 0,75 O 3,42 1,71 0,03 4,88 2,46
VI1 0,07 0,68 0,37 0,03 4,04 2,03 0,lO 4,72 2,41
VI11 0,26 0,33 0,29 0,02 5,28 2,65 0,28 5,61 2,95

Tabl. 4 - Rendementspar secteurs (en kg de crevettes entières par heure de pêche); résultats campagne Guyapêche II, novembre-
décembre 78.

sur les fonds de 50-59 m de jour et sur ceux de 60-69 m de nuit, avec des valeurs voisines de 8 kg dans chacun
des cas. Des campagnes régulières, même de courte durée, programmées parallèlement à l'analyse des fiches
de pêche et à des observations sur les post-larves en zone côtière devraient permettre d'établir des systèmes
de prévision des quantités exploitables comme cela s'est fait ailleurs pour d'autres pénéidés.

8. Caractéristiques des prises.


Depuis plusieurs années déjà, l'usine de traitement de crevettes de la P.I.D.E.G. nous fournit mensuel-
lement la répartition des prises par classes pondérales. Malheureusement, un inconvénient majeur existe
dans ces données du fait du déplacement géographique de l'effort de pêche, donc du stock exploité. Par
ailleurs, l'absence d'observation sur le pourcentage de chaque espèce ou sur la répartition des sexes dans les
captures rendent les données inutilisables pour une étude dynamique du stock, au moins jusqu'en 1977.
Cependant, les bateaux travaillant essentiellement sur le plateau de la Guyane française depuis 1978, on peut
maintenant tirer de ces données quelques renseignements utiles.
C'est ainsi qu'une augmentation des petites tailles (de 60 à 70 et de 70 à 80 queues de crevettes par livre
U.S.) marque un nouveau recrutement dans la pêcherie, alors qu'une augmentation des grandes tailles (jus-
qu'à 10 queues par livre U.S.) indique un pourcentage plus fort de P. brasiliensis dans les prises, marquant
ainsi les périodes de migration dans nos eaux.
Il faut se méfier de l'interprétation faite de ces données; ainsi une diminution des classes de grande taille
a été parfois donnée comme preuve d'une surexploitation alors qu'il s'agissait d'un déplacement de l'effort
sur des zones plus orientales.
Pour l'intérêt commercial qu'elles représentent, cette répartition des tailles est donnée pour 1978 dans le
tableau de la figure 7. Signalons en outre que le pourcentage des déchets se situe en général entre 5 et 7 %.

IV. - Gestion du stock. Réglementation.


Alors que l'importance économique du stock des crevettes pénéidés du plateau guyano-brésilien ainsi
que son exploitation industrielle auraient dû favoriser l'établissement de statistiques fiables, le caractère
international de la pêche gêne considérablement une bonne connaissance à un niveau global. La création
d'un organisme international comme la W.E.C.A.F.C. (Western Central Atlantic Fishing Cornittee)
n'apporte pas pour l'instant de solution a ce problème du fait de l'absence au sein de cet organisme de
certains des pays exploitants. Deux laboratoires (Southeast Fisheries Center Miami Laboratory et Fishery

QUEUES par
livre US
brisures

Fig. 7. - Répartition par classes en 1978 (d'après des données P.I.D.E.G.).

~~~é~ Prises queues Prises crevettes Nombre de Nombre de Prise par


de crevettes entières bateaux jours de mer unité d'effort
1963 4,76 7.62 - - -
1964 5,94 9.5 1 186 29 328
1965 7.30 11.68 207 34 344
1966 9,93 15.89 28 1 45 353
1967 11,O7 17,71 342 75 237
1968 12.38 19.81 362 - -
1969 12.29 19,67 403 100 197
1970 12,29 19,67 42 1 110 178
1971 9,98 15,97 346 92 174
1972 10,16 16,26 370 107 153
1973 12,75 20,39 443 117 174
1974 '0,70 17,13 51 1 138 124

1975 8.71 13.93 540 147 95


1976 9.7 1 15.53 557 160 97

Tabl. 5. - Statistiques globales de la pêcherie guyano-brdsilienne de crevettes pdndidds (prises en milliers de tonnes, nombre de
iours de mer en milliers, prise par unit6 d'effort en kg de crevettes entières par jour de mer) dtablies a partir de Hatanaka
[H.), 1977.

Agency of Japan) tentent cependant d'établir des données correctes. Ce sont ces chiffres transcrits dans nos
unités que nous utiliserons (tabl. 5).
En ce qui concerne la pêche crevettière en Guyane française, nous ne sommes pas en mesure d'établir
des statistiques générales sur l'effort ou !es prises. En effet, les bateaux qui ne sont pas tenus à débarquer
leurs captures dans le département ne peuvent être soumis à un contrôle suffisant et, en dépit de
l'établissement de licences, les infractions diverses et répétées, non maîtrisées par les trop faibles moyens de
surveillance mis en œuvre, ne permettent pas d'acquérir des données correctes de leur part. C'est pourquoi
les données utilisées ici ne se rapportent qu'aux bateaux basés en Guyane (tabl. 6). Ces chiffres sont toutefois

Année Nombre de bateaux Débarquement? Rendements


Cayenne St-Laurent Total par jour de mer par an
1963 - 33 33 2 024 61,3
1964 31 20 51 2 149 42,l
1965 28 30 58 2 874 49,6
1966 39 28 67 3 388 50,6
1967 49 40 89 5 283 59,4
1968 37 53 90 5 704 312 63,4
1969 45 65 110 4 773 245 43,4
1970 46 37 83 3 532 22 1 42,6
1971 42 18 60 3 309 230 55,l
1972 43 17 60 3 304 226 55,l
1973 46 22 68 3 950 283 58,l
1974 46 16 62 2 366 158 38,2
1975 45 45 1 620 142 36,O
1976 35 35 1 540 173 440
1977 45 45 2 408 189 533
1978 48 48 2 166 141 45,l
1979 71 71

Tabl. 6 - Statistiques des bateaux basés en Guyanefrançaise (l'effort des bateaux non basés en G.f. a dû être très important ces
dernières années, mais il ne peut être évalué avec une bonne précision); débarquements en tonnes de crevettes entières,
rendements en kg par jour de mer et tonnes par an.

sujets à caution et leur interprétation doit être prudente. Le ratio le plus proche de la réalité et aussi le plus
intéressant est le rendement par jour de mer. C'est celui qui permet le mieux de suivre l'évolution de la
pêcherie, d'ou son utilisation dans les modèles d'estimation du stock. Le rendement par bateau et par an
fausse les résultats du fait que le nombre de jours de mer annuel a considérablement évolué, surtout depuis
que les navires congèlent leurs prises a bord. Par exemple, un navire moyen en 1974 passait 222 jours en mer
par an et pêchait 177 jours, alors que les chiffres sont respectivement de 315 et 282 en 1978.

1. Recherche de modèles explicatifs de l'ensemble de la pêcherie guyano-brésilienne.


L'ignorance dans laquelle nous sommes des lois et paramètres de croissance des pénéidés de nos côtes
empêche toute approche directe du niveau d'exploitation souhaitable. On a donc tenté d'appliquer des
modèles reliant prise totale et effort de pêche aux données que l'on possédait sur l'ensemble de la pêcherie.
Cela conduit à faire quelques remarques préliminaires limitant un peu la validité de ces modèles :
le stock n'est pas unique puisqu'il est composé de deux espèces au moins et probablement constitué de
plusieurs sous-unités ayant certes des relations, mais pouvant répondre séparément a des phénomènes locaux
(salinité, température) ;
l'effort de pêche n'est pas réparti uniformément surtout depuis la fermeture des eaux brésiliennes.
Cependant, et gardant toute réserve à l'esprit, nous pouvons pour une première approximation
appliquer le modèle exponentiel (modèle de Fox). On obtient alors une prise maximale équilibrée de
17900 t de crevettes entières pour un effort de 98000 jours de mer (fig. 8) avec un coefficient de corrélation
de 0,95. Un modèle linéaire conduit à des chiffres voisins, 19600 t de crevettes entières pour 99500 jours de
mer avec un coefficient de corrélation de 0'94. L'effort souhaitable correspond donc à environ 310 bateaux
répartis sur l'ensemble du plateau, ce qui explique en grande partie les faibles rendements actuels de la
pêcherie. Cette approche grossière ne doit pas faire prendre dans l'immédiat des décisions trop limitatives de
la pêche, surtout tant que des études plus précises n'auront pas confirmé ces modèles. Elle devrait par contre
aboutir à une surveillance plus étroite du stock. Voyons les décisions déjà prises dans les différents pays
concernés.

Fig. 8. - Relations entre effort, prise el rendement.

2. Réglementation de la pêche dans chaque pays.


En Guyana, la juridiction s'étend jusqu'd 200 milles et des licences sont délivrées pour la pêche
crevettière moyennant le paiement de droits assez élevés en particulier si le navire est étranger et non basé en
Guyana. Il est interdit de pêcher dans les 12 milles. En outre, les navires doivent débarquer au moins 2000
livres par marée dans le pays.
Au Surinam, l'extension de la zone économique a été également portée aux 200 milles, mais la pêche
reste libre.
En Guyane française, la loi portant création d'une zone économique des 200 milles est entrée en
application depuis janvier 1977. Un système de licences a été instauré, mais ne fait l'objet d'aucune
redevance. Les bateaux bénéficiant de licences annuelles sont tenus de débarquer leurs prises- dans le pays
aux fins de traitement et de conditionnement (admission temporaire). Les bateaux sous licence non
permanente et non tenus A débarquer sont limités A un certain quota. Le quota total, licenciés temporaires et
licenciés permanents ne devrait pas dépasser les 3000 t, les textes ne précisant pas s'il s'agit de queues ou de
crevettes entières, d'où des interprétations différentes. La pêche est interdite dans les 3 milles.
Au Brésil, seuls certains types d'accords permettent l'autorisation de la pêche depuis le l e rjanvier 1978.
C'est d'autre part le seul pays qui exerce une véritable surveillance permanente de ses eaux. Dans chacun de
ces pays, des modifications des règlements sont en cours d'étude.
Compte tenu de l'unité des stocks du plateau guyano-brésilien, il serait souhaitable que des accords
interviennent entre les pays concernés et par le biais de la W.E.C.A.F.C., pour envisager leur exploitation
rationnelle, mettant en œuvre des mesures de protection et d'aménagement appropriées.

3. Situation actuelle en Guyane.


Le règlement actuel de la C.E.E. concernant l'exploitation des crevettes de la Guyane française demeure
théorique : c'est ainsi que le nombre de bateaux autorisés à pêcher en 1979 a été établi sur ia base d'un
rendement de 25 t/an, bien que la moyenne de ces dix dernières années avoisine les 50 t, pour une superficie
beaucoup plus étendue.
De plus, tant que les moyens de surveillance en mer ne seront pas plus étoffés et que les infractions
n'entraîneront pas de sanctions plus sévères, on ne pourra que continuer à constater les anomalies signalées
régulièrement par le laboratoire, telles que quota, pêches hors des périodes de licence et aussi débarquements
des captures hors de la Guyane française.
Quoiqu'il en soit, si le quota devait être remis en cause dans les années à venir, cela ne pourrait se faire
que dans la mesure où le nouveau quota établi serait effectivement respecté. Si l'on prend I'exemplè de 1978,
on constate en effet qu'à partir du nombre de jours autorisés, du nombre de licences permanentes accordées
et de leur coefficient d'utilisation, le nombre de jours de mer effectif peut être évalué à 32 000.En y
appliquant les rendements des crevettiers américains, hypothèse basse, on parvient déjà à une production de
4500 t de crevettes entières au lieu des 3 000 accordées, ceci sans pouvoir toutefois affirmerque cet excédent
provient des eaux françaises.
En ce qui concerne les moyens scientifiques qui sont mis en œuvre dans cette action nouvelle, qui relève,
pour une grande part de la vocation de I'I.S.T.P.M., ils sont trop faibles vis à vis du programme à réaliser
qui porte sur le suivi des stocks, l'analyse des captures au débarquement, les marquages en mer destinés à
l'évaluation des paramètres influençant le recrutement et à l'étude des migrations, et enfin, I'exploitation des
fiches de pêche.

Conclusion.
En conclusion, il apparaît que la réglementation actuellement adoptée par la Communauté Européenne
pour la gestion des stocks de crevettes du plateau guyanais n'est pas encore adaptée aux conditions d'exploi-
tation dans la zone économique des 200 milles, de création trop récente, et qu'elle reste, pour l'instant, incon-
trôlée. Par ailleurs, les travaux du Comité des Pêches de l'Atlantique du Centre-Ouest n'ont pas encore abou-
ti à des recommandations susceptibles de parvenir dans un proche avenir à la connaissance globale et précise
des stocks dans ce domaine particulier et pour l'ensemble de la zone s'étendant de l'Amazone au Venezuela.
Pour l'instant, il ne semble pas que ces stocks soient menacés, leur renouvellement pouvant être
rapidement assuré à partir d'un nombre relativement limité de géniteurs. Les problèmes actuels seraient
plut& d'ordre économique et social. En effet, en autorisant un nombre trop élevé de bateaux à pêcher dans
ce secteur, ces derniers doivent accepter des rendements assez faibles que seuls sont susceptibles de supporter
des armements qui bénéficient d'une réglementation autorisant des normes techniques et des charges
salariales suffisamment basses pour aboutir à un bilan d'exploitation positif.
Tel n'est pas le cas pour les navires battant pavillon français et cet argument a souvent été évoqué dans
l'échec des projets d'implantation de nos armements en Guyane française. Il est toutefois certain que les
rendements nécessaires pourraient être atteints en limitant le nombre des bateaux opérant dans notre zone et
en contrôlant leur activité; c'est du moins dans ce sens qu'il conviendrait d'orienter les discussions en vue
d'un amendement du règlement actuel.
Parallèlement, d'autres facteurs sont à considérer, qui limitent ces projets d'installation en Guyane
française, ce sont, avant tout, le manque d'infrastructures portuaires, de stockage et de traitement, de
construction navale et de réparations et aussi les difficultés d'avitaillement et de commercialisation des prises
annexes. La P.I.D.E.G. nous a donné un exemple de ce qui pouvait être fait dans ce sens au Larivot. Un
complexe analogue et à peine plus perfectionné, mériterait sans doute d'être mis en œuvre afin que cette
richesse profite plus à la Guyane française qu'un simple produit en transit.

BIBLIOGRAPHIE

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du centre O.R.S.T.O.M. de Cayenne.
ANNEXE 1

Résultats de l'année 1978

Effort :32000 jours de mer dont 14500 par des crevettiers basés dans le département (armement U.S.,
puis japonnais à partir de la fin de l'année). Les autres armements opérant dans nos eaux appartenaient aux
pays suivants : Barbades, Guyana, Japon, Corée, Surinam, Trinidad et Tobago, U.S.A.
Prises :en applicant à tous les rendements des navires américains (hypothèse basse), on estime les prises
à 4500 t, dont 2 150 seulement débarquées et traitées en Guyane.
Résultats d'un navire moyen d'un armement américain :
nombre de jours de mer : 315
nombre de jours de pêche : 282
nombre de jours de mer par rotation : 19,7 (rotation étant ici différent de débarquement, des ennuis
techniques pouvant être à l'origine d'un retour rapide au port)
rendement moyen par jour de mer : 141 kg de crevettes entières, soit 44,4 t/an.

ANNEXE II

Résultat d'un trait de chalut de type commercial durant la campagne Guyapêche II

Trait no 48 du 10 décembre 1978. Secteur III/IV; sonde 60 rn;filé O h 30, viré 6 h 30.
Prise totale : 1000 kg
Commercialisables : Penaeus subtilis 77,O kg
Penaeus brasiliensis 7,5 kg
Poisson rouge
(Lutjanus aya et synagris) 10,O kg
Langouste
(Panulirus laevicauda) 1,O kg
Autres espèces (non commercialisables ou en quantité infime)
Amusium papyraceum Etropus crossotus
Haemulon boschmae
Octopus sp. Haemulon steindachneri
Hoplunnis sp.
Callinectes sapidus Ogcocephalus nasutus
Portunus sp. Polydactylus virginicus
Squilla sp. Prionotuspunctatus
Rhomboplites aurorubens
Conger sp. Scorpaena brasiliensis
Cyclopsetta chittendeni Serranus atrobranchus
Cynoscion similis Stellifersp.
Cynoscion virescens Syacium sp.
Epinephelus niveatus Trichiurus lepturus

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