Le risque d'un titre financier

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Le risque d’un titre financier

Chapitre 19 : le risque d’un titre financier (Vernimmen, 2021)

Le revers de la médaille

L’investisseur qui achète un titre financier prend un certain risque. Il ne connaît avec certitude ni le
prix auquel il pourra le céder à l’avenir ni les flux qu’il percevra dans l’intervalle. Le but de ce chapitre
est de comprendre et mesurer ce risque ainsi que d’examiner ses conséquences.

Section 1 : Analyse des différents risques

Derrière le mot risque se cachent des types de risques différents : citons

 Les risques industriels, commerciaux, sociaux : ils sont de nature si diverse qu’il est
impossible de les énumérer exhaustivement. Citons le manque de compétitivité, l’arrivée de
nouveaux concurrents, la percée technologique, l’inadaptation du réseau commercial, le
risque de grève… Ils conduisent à une réduction des flux attendus. Ils ont une conséquence
immédiate sur la valeur de l’action.
 Le risque de liquidité. C’est le risque de ne pas pouvoir vendre à son prix un actif. Il peut se
traduire soit par une impossibilité effective de le vendre (absence de marché, pas
d’acheteur), soit par une décote de liquidité qu’il faut consentir pour vendre le titre.
 Le risque de crédit : c’est le risque pour un créancier de perdre définitivement sa créance
dans la mesure où l’emprunteur ne peut pas, même en liquidant l’ensemble de ses avoirs,
rembourser la totalité de ses engagements. Les traders parlent de « risque de contrepartie ».
 Le risque de change : une hausse de l’euro contre le dollar entraîne une perte de valeur
d’avoir libellés en dollars. De même, une hausse de l’euro contre le franc suisse entraîne une
baisse en euros de la valeur des dettes libellés en francs suisses.
 Le risque de taux d’intérêt. Les fluctuations des taux d’intérêt exposent le détenteur de titres
financiers au risque de moins-value en capital. C’est paradoxalement un risque de taux dans
la mesure où il se traduit pour l’investisseur par un coût effectif ou un manque à gagner en
dépit du respect scrupuleux des engagements par l’émetteur.
 Le risque systémique : c’est le risque d’effondrement du système financier dans son ensemble
par faillites en cascades et effet domino lié à l’interconnection des acteurs du marché.
 Le risque politique : il traduit le risque lié à une situation politique ou une décision du pouvoir
politique : nationalisation sans indemnité suffisante, révolution, exclusion de certains
marchés, fiscalité discriminatoire, impossibilité de rapatrier les capitaux…
 Le risque règlementaire : le changement de loi ou de réglementation peut influer
directement sur la rentabilité d’un secteur économique (produits pharmaceutiques, banque,
assurance, énergie, jeux…)
 Le risque d’inflation : il s’agit du risque d’être remboursé dans une monnaie dépréciée,
d’obtenir un taux de rentabilité inférieur au taux d’inflation. Il a, entre autres, causé la ruine
des petits-enfants des rentiers de Balzac.
 Le risque d’escroquerie au risque de fraude : elles peuvent être internes ou externes à
l’entreprise. Il peut s’agir de fraude au président, de rançongiciel (ransomware), etc.
 Les risques naturels : ce sont par exemple ceux d’une tempête, d’un tremblement de terre,
d’une éruption volcanique, d’un cyclone, d’un raz-de-marée qui détruit des actifs (bâtiments,
machines…). La période récente nous a démontré que ceux-ci ne pouvaient pas être négligés.
 Le risque conjoncturel : enthousiasme ou « déprime » en Bourse, anticipation de baisse ou de
hausse de l’activité
 Etc.
La liste est sans fin. Nous voudrions seulement exprimer les deux idées suivantes :

 La plupart des modèles que nous allons développer dans cet ouvrage tendent à globaliser le
risque et à apprécier son impact sur la valeur, plus qu’à l’analyser ;
 Il existe toujours un risque : le taux de l’argent sans risque qui sera développé plus loin est
une vue de l’esprit. Dire qu’il n’y a pas de risque, c’est faire preuve soit d’une confiance
excessive en soi, soit d’une incapacité à penser l’avenir… deux défauts très graves pour un
financier. Il va de soi que toute étude financière sérieuse commence par une analyse fine des
différents risques.

Si nous analysons tous ces risques, le bon sens ou l’expérience des anciens tendraient à les classer en
deux catégories :

 Les risques économiques (risques liés à l’activité de l’entreprise, risques politiques, naturels,
d’inflation et d’escroquerie…) : ce sont les risques qui menacent les flux liés au titre financier
et qui relèvent du monde économique ou du monde réel ;
 Les risques financiers (risques de liquidité, de change, de taux…) qui ne portent souvent pas
directement sur les flux et qui sont propres à la sphère financière. Ces risques ne sont pas
imputables à l’entreprise mais à des événements financiers externes (nous les verrons en
détail au chapitre 53).

Nous proposons cependant au lecteur dans les pages qui suivent une autre approche.

Section 2 : Risque et fluctuation de valeur d’un titre financier

Tous ces risques peuvent peser sur les résultats et les flux de trésorerie futurs des entreprises. Bien
évidemment, si les flux d’une entreprise sont dégradés du fait de la matérialisation d’un risque, les
investisseurs chercheront à vendre leurs titres, et la valeur baissera.

Mais le simple fait de savoir qu’une entreprise est soumise à des risques importants conduira certains
investisseurs à être peu disposés à acquérir ses titres. Avant même la matérialisation du risque, la
perception par les investisseurs que les flux futurs d’une entreprise sont incertains (c’est-à-dire
volatils) réduira la valeur.

La finance repose sur le postulat que les investisseurs cherchent à réduire le caractère aléatoire de
leurs flux futurs. Par nature, un risque va rendre incertains les flux futurs que doit générer un actif :
cet élément sera donc pris en compte dans l’appréciation de la valeur.

Le financier ne considère un risque que dans la mesure où celui-ci a une influence sur la valeur. Cette
variation de valeur peut résulter d’un changement d’anticipation des flux de l’actif ou du taux
d’actualisation de ces flux.

Soulignons dès maintenant, qu’en finance, le risque de hausse de la valeur (upside en anglais) n’est
pas distingué du risque de baisse de la valeur d’un actif (downside). En effet, les évolutions sont
supposées symétriques (autour de la rentabilité espérée).

Quelle que soit sa nature, touts risque se traduit par une fluctuation de la valeur du titre financier

Considérons ainsi, à titre d’exemple, les flux suivants d’un titre coté :

Année N+1 N+2 N+3 N+4


Flux (en $) 100 120 150 190
On estime, par ailleurs, que ce titre devrait valoir 2000 $ dans cinq ans. Sur la base d’un taux
d’actualisation de 9%, sa valeur en n s’élève à :
100/1,09 + 120/1,092 + 150/1,093 + 190/1,094 + 2000/1,095 = 1743 $

Instantanément, une forte hausse des taux d’intérêt porte le taux d’actualisation à 13%. La valeur du
titre devient :

100/1,13 + 120/1,132 + 150/1,133 +190/1,134 +2000/1,135 =1488 $

Alors que les flux n’ont pas été modifiés, la valeur a fondu de 15%

La création d’un nouveau produit modifie les flux prévisibles (20% de hausse) sans changer le taux
d’actualisation. La valeur devient :

100 x 1,20/1,13 + 120 x 1,20/1,132 + 150 x 1,20/1,133 + 190 x 1,20/1,134 +2000 x 1,20/1,135 = 1786 $

La valeur du titre augmente, non à cause d’une hausse du marché, mais en raison de ses
caractéristiques propres.

Une baisse des taux d’intérêt dans l’économie réduit le taux d’actualisation à 10%. Les flux
prévisionnels n’ayant pas été modifiés, la valeur du titre s’établit à :

120/1,10 + 144/1,102 + 180/1,103 + 228/1,104 + 2400/1,105 = 2009 $

Les caractéristiques intrinsèques du titre n’ont pas été modifiées, pourtant sa valeur s’est élevée de
12%

A la suite d’une forte concurrence sur les prix, les flux prévisionnels précédents doivent être corrigés
à la baisse de 10%. Tous les flux diminuant du même pourcentage et le taux d’actualisation restant
constant, la valeur de l’entreprise s’établit à :

2009 $ x (1 – 10%) = 1808 $

La valeur du titre diminue, non à cause d’une baisse de marché, mais en raison de ses caractéristiques
propres.

Sur la dernière période, l’investisseur français aura perdu 10% de son investissement (baisse de la
valeur de 2009 $ à 1808 $). Si, dans l’intervalle, l’euro est passé de 1,10$ à 1,31$, l’investisseur
américain aura gagné, lui, 7% (la valeur étant passée de 2210 $ à 2365 $).

Si on affine l’analyse, on peut constater que certains titres sont plus volatils que d’autres, c’est-à-dire
que leurs cours varient plus fortement : ils sont plus risqués. Plus un titre financier est risqué, plus
son cours est volatil, et réciproquement. A l’inverse, moins un titre financier est risqué, moins son
cours est volatil, et réciproquement.

Concrètement, dans une économie de marché, le risque d’un titre se mesure par la volatilité de sa
valeur (ou de son taux de rentabilité). Plus cette volatilité est élevée, plus le risque est élevé et
inversement.

Cette volatilité se mesurera mathématiquement par une variance ou un écart type comme nous le
verrons à la section 3 suivante. Mais nous n’avons pas besoin de l’outil mathématique pour
comprendre intuitivement l’identification du risque et de la volatilité pourvu qu’il y ait un marché
secondaire où l’on puisse vendre à tout moment.

A titre d’exemple, voici l’évolution des cours de quelques actifs financiers depuis 1996, qui montre
des niveaux de volatilité bien différents :
Notre lecteur pourrait penser qu’à long terme toutes ces fluctuations erratiques disparaissant pour
laisser place à une tendance nette à une progression du cours des actions supérieure à celle des
obligations, elle-même supérieure à celle des actifs monétaires. Bref à long terme, le risque
disparaîtrait : depuis 1900, le cours des principale actions européennes (dividendes réinvestis) a été
multiplié par 150, soit une rentabilité moyenne après inflation de 4,3%, contre 1,3% pour les
obligations.

Cela n’est pas faux, mais que notre lecteur, séduit par l’idée d’une disparition du risque, n’oublie pas
pour autant l’hypothèse de base : le long terme. Autrement dit, il faut impérativement qu’il n’ait pas
besoin dans cette longue période de placement (au moins 20 ans…) de vendre ses actifs et qu’il ait
des nerfs suffisamment solides pour ne pas céder à la tentation de vendre quand il voit des cours
s’effondrer comme en 1929, 1974, en 2001, en 2008, en 2011, ou en 2020.

Si depuis 1954, la rentabilité moyenne des actions françaises a été de 6,4% par an, celle-ci a été
négative sur 79 années, en particulier en 2008 où les investisseurs ont perdu 44% de la valeur réelle
de leur portefeuille d’actions françaises.

Enfin le graphique ci-après ne doit pas nous faire oublier que certains marchés financiers ont pu très
vite totalement disparaître : le marché des actions russes avec la révolution de 1917, celui des
obligations en Allemagne avec l’hyperinflation de 1912-1923, celui des actions japonaises et
allemandes en 1945. Sur un siècle, ces évènements sont exceptionnels, mais plus fréquents qu’une
loi normale ne le laisse présager et quand ils se produisent…

Certes, le risque est fonction de la durée de l’investissement et sur le long terme, il donne
l’impression de se réduire. Mais il est rare que nous ayons les moyens ou le courage de ne penser
qu’au long terme sans avoir des besoins à court ou moyens termes. L’homme est humain ! A court ou
moyen termes, le risque est là !

Notre lecteur féru de statistiques retrouvera une forme proche d’une loi de Gauss-Laplace, ou loi
normale, correspondant à l’hypothèse de marché au hasard des cours de Bourse propre à la théorie
de l’efficience des marchés. Toutefois, la fréquence des variations extrêmes est plus élevée que dans
la loi de Gauss-Laplace.

Il nous faut maintenant formaliser les principales idées que nous venons de voir.

Section 3 : Les outils de mesure de la rentabilité et du risque

1. L’espérance mathématique, mesure de la rentabilité espérée

On privilégiera ici l’approche en taux de rentabilité par rapport en valeur d’un titre financier, mais
notre lecteur a bien compris qu’il s’agit de deux faces d’une même réalité.

Par l’expression taux de rentabilité, nous nous référons aux flux de revenus liés à un investissement
donné : rémunération des fonds investis (intérêts ou dividendes) et plus ou moins-value éventuelle
sur la cession du titre.

Si l’on raisonne sur une seule période, la rentabilité de l’investissement (achat de titres) sera donc
définie par :

F1/Vo + (V1 – Vo) / Vo = Rendement + Plus ou moins-value où F1 est le flux reçu par l’investisseur sur
la période et V1 la valeur du titre en fin de période.
Placé dans un univers incertain, l’investisseur ne peut pas calculer d’avance la rentabilité, car la
valeur du titre en fin de période est aléatoire ainsi que, dans certains cas, la rémunération perçue
durant la période.

L’investisseur a alors recours à la notion de rentabilité espérée qui est la moyenne des rentabilités
possibles, pondérées par leur probabilité d’occurrence. Le lecteur familier de l’outil statistique aura
reconnu la notion d’espérance mathématique.

Ainsi, soit un titre financier A ayant 12 chances sur 100 d’avoir une rentabilité de -22%, 74 chances
sur 100 d’avoir une rentabilité de 6% et 14 chances sur 100 d’avoir une rentabilité de 16%. Son
espérance de rentabilité sera alors de :

-22% x 12 /100 + 6% x 74 /100 + 16% x 14 /100, soit environ 4%

Plus généralement, la rentabilité espérée, ou espérance mathématique de rentabilité, est égale à :


n
E ( r )=∑ ri x pi=r
i=1

Où ri est la rentabilité possible et pi la probabilité de son occurrence.

2. La variance, outil statistique d’analyse du risque

Intuitivement, on conçoit que, plus le risque d’un titre financier est élevé, plus son taux de rentabilité
varie et plus il est incertain. Si le détenteur d’obligations d’Etat est assuré de toujours percevoir ses
coupons (à moins que l’Etat ne fasse faillite !), il est loin d’en être de même pour l’actionnaire d’une
société de forage pétrolier en mer : il pourra tout perdre, gagner un taux décent ou faire fortune !

On peut donc assimiler le risque d’un titre à la dispersion de ses rentabilités possibles autour de la
rentabilité moyenne. Mathématiquement, le risque est alors mesuré :

 Soit par la variance de sa rentabilité, c’est-à-dire la somme des carrés des écarts entre les
rentabilités et l’espérance mathématique des rentabilités, pondérée par la probabilité
d’occurrence de chacune des rentabilités possibles :
Formule du risque
n
V ( r )=∑ pi x(ri−r )2
i =1

 Soit par l’écart type des rentabilités qui est plus souvent utilisé pour mesurer le risque d’un
investissement. L’écart-type se définit comme la racine carrée de la variance.

σ ( r )=√ V (r )
La variance de l’investissement A précédent est donc de :

12/100 X (-22% - 4%)2 + 74/100 x (6% - 4%)2 + 14/100 x (16% - 4%)2

Soit V(r) = 1%, ce qui correspond à un écart type de 10%

En résumé

 L’espérance mathématique E(r), ou r, mesure la rentabilité espérée ;


 L’écart type σ ( r ) mesure la dispersion moyenne des rentabilités autour de l’espérance
mathématique, donc le risque.
Section 4 : Risque de marché et risque spécifique

Le risque en finance correspond, comme nous l’avons vu à la section 2, aux fluctuations de la valeur
ou, ce qui revient au même, aux fluctuations du taux de rentabilité. Se trouve ainsi synthétisé en une
seule série de données un grand nombre de risques dont la connaissance exacte importe peu : seul
compte leur impact total sur la valeur.

L’analyse des fluctuations de la valeur d’un titre montre que celles-ci peuvent s’expliquer soit :

 Par la fluctuation de l’ensemble du marché financier : le marché progresse à la suite d’une


baisse inattendue des taux d’intérêt, d’une croissance de l’économie plus forte que prévue….
L’ensemble des titres va alors monter, certains plus que d’autres, d’autres moins, nous le
verrons plu loin. Le raisonnement est identique à la hausse ;
 Par des facteurs propres au titre qui n’affectent pas le marché dans son ensemble : la
signature d’une importante commande, la faillite d’un concurrent, une nouvelle
réglementation peuvent sur les produits du groupe, un scandale sur des tests produits
falsifiés, la découverte d’une bactérie dans les produits…

Ces deux sources de fluctuations donnent naissance à deux types de risque : le risque de marché et le
risque spécifique.

 Le risque de marché ou risque systématique (dont nous verrons au chapitre 20 suivant qu’il
n’est éliminable par la diversification) est dû à l’évolution de l’ensemble de l’économie, de la
fiscalité, des taux d’intérêt, de l’inflation…. Il affecte l’ensemble des titres financiers.
Entendons-nous bien, c’est le risque du titre corrélé à celui du marché. Ce risque affecte plus
ou moins tous les titres financiers. Ainsi, la hausse des coûts de l’énergie affecte toutes les
entreprises, mais plus une compagnie aérienne qu’un groupe de média.
 Le risque spécifique ou risque intrinsèque ou risque idiosyncratique (dont nous verrons au
chapitre 20 suivant qu’il est éliminable par la diversification et on l’appellera parfois risque
diversifiable) et indépendant des phénomènes qui affectent l’ensemble des titres, il résulte
uniquement d’éléments particuliers qui affectent tel ou tel titre : c’est la mauvaise gestion de
l’entreprise, l’incendie qui détruit son usine ou l’intention technologique qui rend obsolète sa
principale gamme de produits, etc.

La volatilité liée au marché peut être d’origine économique et financière ; elle peut aussi provenir des
anticipations de flux (dividendes, plus-value…) ou de la variation du taux de rentabilité exigé. Par
exemple, une surchauffe de l’économie peut tendre à faire croître les taux exigés (réaction de la
Banque centrale qui élève le loyer de l’argent) et réduire les flux anticipés en raison d’une réduction
de la demande, conduisant alors à favoriser doublement la baisse des titres financiers.

Le risque de marché et le risque spécifique étant totalement indépendants par définition, leurs
mesures sont indépendantes, ce qui permet de leur appliquer le théorème de Pythagore :

(Risque total)2 = (Risque de marché)2 + (Risque spécifique)2 (1)

La rentabilité d’un titre financier aux fluctuations du marché est un outil fréquemment utilisé pour
caractériser le risque systématique d’un titre. Pour cela, il suffit de réaliser une régression linéaire
entre les rentabilités périodiques du marché (Rmt) et les rentabilités périodiques de chaque titre j (rj).
On obtient ainsi la droite de régression dont l’équation est la suivante :

Rjt = αj + βj x rmt + εjt


Βj est un paramètre propre à chaque titre j ; il indique la relation existante entre les fluctuations de la
valeur de celui-ci et les fluctuations du marché : c’est donc un coefficient de volatilité ou de
sensibilité. On l’appelle le bêta ou le coefficient bêta.

Nous saurons que le risque total d’un titre financier j se traduit par l’écart type de sa rentabilité σ ( r )

 Le risque de marché d’un titre est donc égal à βj x σ ( rm ) , σ ( rm ) étant l’écart type de la
rentabilité du marché. Il est donc proportionnel au coefficient bêta, c’est-à-dire à la volatilité
du titre due au marché : plus celle-ci est élevée (β ˃ 1), plus le risque de marché du titre est
fort car ce titre démultiplie les fluctuations du marché ; et inversement pour un titre dont le
bêta est inférieur à 1 : il atténue les fluctuations du marché.

Ainsi la lecture du graphique montre que le β de l’action Bouygues est supérieur à 1 alors que celui de
Deutsche Telekom est inférieur à l’unité.

 Le risque spécifique du titre j est égal à l’écart type des différents résidus. εj de la suite de la
droite de régression, noté σ (εj), c’est-à-dire les variations du titre qui ne sont pas liées aux
variations de marché.

En définitive, la traduction mathématique de la proposition (1) est :

σ 2 (rj) = βj2 x σ 2 (rm) + σ 2 (εj)

Section 5 : Le coefficient β

1. Calcule du β

Bêta est la mesure de sensibilité d’un titre au risque du marché. Mathématiquement pour une titre j,
il s’obtient, comme nous venons de le voir, en régressant la rentabilité de ce titre sur la rentabilité de
l’ensemble du marché. On a donc :

βj = Cov (rj, rm)


V (rm)

Cov (rj, rm) étant la covariance de la rentabilité du titre j avec celle du marché de V (rm) étant la
variance de la rentabilité du marché, soit :
n n
Bj=∑ ❑ ∑ ❑ x (rji – rj) x (rmk – rm)
i=1 k=1

n n
Bj=∑ ❑ ∑ ❑ x (rji – rj) x (rmk – rm)
i=1 k=1
n

∑ ❑ pi x (rmi – rm) 2

i=1

Plus intuitivement, B correspond à la pente de la régression des rentabilités du titre contre celles du
marché.

A titre d’exemple, le B de l’action Bouygues a été calculé. Il ressort à 1,73 confirmant la conclusion qui
se dégageait d’une observation rapide du graphique précédent.

Le B peut évoluer au cours du temps comme l’illustre l’exemple d’Orange.


Le B de l’action Orange était largement supérieur à 1 à la fin des années 1990, l’action était plus
volatile que le marché, son risque était fort. Avec l’arrivée à maturité du marché de la téléphonie
mobile et d’Internet, l’industrie devient moins risquée : le B d’Orange est maintenant de l’ordre de
0,5.

2. Les paramètres qui expliquent le bêta

Le B du marché est par définition égal à 1. Le bêta des titres de dette est de l’ordre de 0 à 0,5. Le B
des actions est le plus souvent supérieur à 0,5. Nous ne connaissons pas de B négatifs pour les
produits d’investissement simples et des B supérieurs à 2 nous paraissent exceptionnels.

A titre illustratif, le tableau ci-après présente les bêtas, mi 2020, des actions des sociétés composant
l’indice Eurostoxx 50 :

Deutsche Telekom 0,56 Deutsche Post 1,00


Orange 0,57 Vinci 1.01
Royal Ahold 0,61 Siemens 1,08
Deutsche Boerse 0,63 AB InBev 1,08
Unilever 0,63 Fresenius 1,08
Danone 0,70 SAP 1,08
Iberdrola 0,74 Safran 1,10
Eni 0,76 Philips 1,13
Munich Re 0,77 ING 1,13
Sanofi 0,78 Société Générale 1,15
Linde 0,80 BASF 1,15
Engie 0,81 BNP Paribas 1,16
Essilor Luxottica 0,81 Daimler 1,18
Enel 0,82 Bayer 1,19
Vivendi 0,83 Volkswagen 1,20
Axa 0,84 Schneider Electric 1,23
Amadeus 0,86 Intesa Sampaolo 1,23
L’Oréal 0,88 CRH 1,23
Inditex 0,92 Airbus 1,23
Total 0,94 LVMH 1,33
Allianz 0,94 Kering 1,33
BMW 0,94 Nokia 1,34
Air Liquide 0,96 BBVA 1,34
Adidas 0,97 Santander 1,45
Telefonica 0,99 ASML 1,55
Source : Fact set, mars 2020

Pour un titre donné, les paramètres suivants expliquent le niveau de coefficient B.

 A. La sensibilité du secteur de l’entreprise à la conjoncture économique

Plus un secteur est sensible à la conjoncture économique (comme le travail temporaire par exemple),
plus le B du titre est élevé. Ainsi, si l’aphorisme populaire « quand le bâtiment va, tout va » est exact,
ce secteur reflétant en quelque sorte la conjoncture, les firmes qui en font partie devraient avoir un B
proche de 1, ce qui est en général vrai.

 B. La structure des coûts


Plus la part des coûts fixes est importante dans le total des coûts, plus le point mort est élevé et plus
les flux de trésorerie de l’entreprise seront volatils. Les entreprises à forts coûts fixes (comme les
cimenteries) ont de forts B et celles à faibles coûts fixes (comme la grande distribution ont de faibles
B).

 C. La structure financière

Plus une société est endettée plus elle doit payer de frais financiers. Or, les frais financiers sont des
charges fixes. La dette élevée donc le point mort et de ce fait la volatilité des bénéfices nets d’un
groupe (voir le paragraphe 11.7). Plus la société est endettée, plus le B de ses actions est élevé. On
retrouve ici l’effet de levier.

 D. La visibilité des performances de l’entreprise

La qualité de la gestion et, plus particulièrement, la lisibilité et la quantité d’informations que reçoit le
marché sur une entreprise ont une influence directe sur le B. Toutes choses égales par ailleurs, moins
nombreuses et moins bonnes sont les informations que donne une entreprise sur son évolution, plus
le B de ses titres est élevé, car le marché tiendra compte d’un risque d’absence de visibilité.

 E. Le taux de croissance des résultats

Plus le taux de croissance des résultats est élevé, plus le B sera élevé. En effet, dans ce cas, l’essentiel
de la valeur de l’entreprise s’explique par des flux éloignés dans le temps, donc très sensibles à toute
révision de la conjoncture.

Résumé

Le risque d’un titre financier peut avoir différentes origines les risques économiques (risques
politiques, naturels, d’inflation…) qui menacent les flux liés ou titre et relèvent du monde
économique ; et les risques financiers (risques de liquidité, de change, de taux…) qui ne portent pas
directement sur les flux et qui sont propres à la sphère financière.

Mais, cette distinction est peu utile en finance. En effet, quelle que soit sa nature, tout risque se
traduit par une fluctuation de la valeur du titre.

Dans une économie de marché, le risque d’un titre se mesure par la volatilité de sa valeur (ou de son
taux de rentabilité). Plus cette volatilité est élevée, plus le risque est élevé et inversement.

On peut décomposer le risque total d’un titre financier en un risque lié au marché (risque de marché
ou risque systématique) et en risque spécifique indépendant du marché (risque intrinsèque ou risque
diversifiable). Ces deux risques sont totalement indépendants.

Le coefficient B d’un titre mesure la corrélation de la rentabilité du titre avec celle du marché, c’est-à-
dire son risque de marché. C’est mathématiquement la pente de la droite de régression des
rentabilités du titre contre celles du marché.

Le coefficient B dépend de la sensibilité du secteur de l’entreprise à la conjoncture économique, de la


structure des coûts d’exploitation (plus les coûts fixes sont importants, plus le B est élevé) de la
structure financière (plus le groupe est endetté, plus le B est élevé), de la qualité ou de la quantité
d’informations fournies au marché (plus la visibilité sur les résultats futurs est bonne, moins le B est
élevé) et du taux de croissance des résultats (plus le taux est fort, plus le B est élevé).

Questions

1. Quelle est la mesure du risque en économie de marché ?


2. Que mesure le coefficient B ?

3. Dans le graphique du paragraphe 19.5, quel est l’actif le plus volatil ? Quelles est la motivation des
investisseurs pour ce marché ?

4. Le coefficient B mesure le risque spécifique d’un titre. Vrai ou faux ?

5. L’action Danone est-elle plus ou moins risquée que l’ensemble du marché ? Pourquoi ?

6. De quoi dépend le coefficient B ?

7. Pourquoi risque de marché et risque spécifique sont-ils totalement indépendants ?

8. L’augmentation de l’endettement d’une société a-t-il pour effet de réduire ou d’accroître la


volatilité es cours de son action ?

9. Compte tenu d’une évolution de la nature de son activité, la part des coûts fixes d’un groupe dans
le total des coûts s’élève relativement. Cela a-t-il une influence sur le risque de son action ? Si oui,
laquelle ?

10. Expliquez pourquoi il n’est pas sain qu’une entreprise investisse sa trésorerie en actions

11. Le B d’un conglomérat diversifié est-il proche de 1 ? Pourquoi ?

12. Les sociétés Internet ont peu de coûts fixes, peu de dettes et pourtant leurs coefficients B sont
élevés. Pourquoi ?

13. Le coefficient B d’un groupe est-il nécessairement stable au cours du temps ? Pourquoi ?

14. Vous achetez pour 100 $ un ticket de loterie qui vous permet de gagner 1 000 000 $ avec une
probabilité de 0,008 %. Quel est le coefficient B de cet investissement ? Est-ce un investissement
risqué ? Peut-on trouver plus risqué ? Comment réduire totalement le risque ? Est-ce alors un bon
investissement ?

15. Pourquoi l’écart type est-il préféré à la variance ?

16. Quelle loi statistique explique qu’à long terme le risque disparaisse ? Qu’en pensez-vous ?

17. Vous recevez 100 000 $ que vous décidez d’épargner pour vos vieux jours. Vous avez 20ans. Quel
type d’investissement allez-vous privilégier ? Même question si vous avez 55 ans, 80 ans.

18. Les actions des sociétés de biotechnologie sont-elles plus ou moins risquées que les actions des
grands groupes de distribution ? Pourquoi ?

19. Insidieusement, il est dit que l’analyse financière est inutile. Pourquoi ? Qu’en pensez-vous ?

20. Pourquoi des coefficients B négatifs sont-ils exceptionnels ?

21. Que peut-on dire d’une action ayant un écart type de la rentabilité élevé et un faible B ?

Exercices

1. Calculez la rentabilité de l’action LVMH et du CAC 40 sur 12 mois jusqu’à mars 2020. Vous disposez
pour cela d’un relevé de cours (en $) et d’un indice général. Quel est le risque total de l’action LVMH ?
Quel est le coefficient B de LVMH ? Quelle part du groupe total de l’action LVMH est expliquée par le
risque de marché ?

Mar Avril Mai Juin Juil Aou Sept Oct Nov Déc Jan Fév Mars
s t
LVM 327 349, 338 374 375 362 364, 383, 407, 414, 395, 370, 338,
H ,9 05 ,6 ,3 ,3 ,4 65 50 30 20 30 85 45
CAC 535 5586 520 553 551 548 5678 5730 5905 5978 5806 5310 4396
40 1 8 9 9 0
Source : Euronext

2. Les fonds Objectifs Syldavie (FOS) et Syldavie Diversification (SD) investis en actions européennes
ont connu les évolutions suivantes, à comparer à celle de l’indice Syldare Klow 300 :

Valeur 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
au 1er
janvie
r
Fonds 155 255 211 139 94 117 139 145 179 181 109
OS
Fonds 61 81 79 75 71 73 77 84 95 103 82
SD
Klow 299 412 392 315 206 243 269 329 396 415 223
300

Calculez la rentabilité annuelle et l’écart type des fonds et de l’indice Klow 300. Le gestionnaire du
fonds Objectif Syldavie a-t-il réussi à battre le marché ? Que pensez-vous de sa performance ? Et de
celle du gestionnaire du fonds Syldavie Diversification ?

Eléments de réponse

Questions

1. La volatilité de la valeur de l’actif mesurée par l’écart type de son taux de rentabilité.

2. La corrélation de la rentabilité du titre avec celle du marché, le risque de marché du titre, la pente
de la droite de régression de la rentabilité du titre contre celle du marché.

3. Les actions chinoises présentent un risque fort mais c’est également l’actif qui présente la
rentabilité la plus élevée.

4. Faux, il mesure le risque de marché d’un titre.

5. On ne peut pas totalement répondre puisque l’on ne connaît pas son risque spécifique. En
négligeant celui-ci, l’action est moins risquée que le marché puisque son coefficient B est inférieur à
1.

6. De la structure des coûts d’exploitation, de la structure financière, de la politique d’information de


l’entreprise et du taux de croissance des résultats.

7. Par constructions, l’un affecte tous les titres, l’autre un titre donné.

8. Accroît la volatilité à cause de l’effet de levier, voir le chapitre 14.

9. Accroît la volatilité à cause de l’effet point mort, voir le chapitre 11.


10. Car une trésorerie doit, par définition, pouvoir être mobilisée à tout moment et que le cours des
actions étant très volatil, si la trésorerie était investie en action on pourrait ne pas la récupérer en
totalité au moment où on en a besoin.

11. Normalement oui, car s’il est très diversifié, il correspond à un « mini-marché » en lui-même.

12. Car elles sont en forte croissance.

13. Non car l’activité, la structure financière du groupe peuvent se modifier au cours du temps
modifiant ainsi le B.

14. Oui très risqué car à 99,992% vous perdez vos 100 $. O, car le résultat de la loterie est totalement
aléatoire, sans lien avec l’économie et le marché. Oui si les 100 $ sont financés par endettement. En
achetant tous les billets de cette loterie, vous êtes alors sûr de gagner 1 000 000 $, mais cela vous
coûtera 100 $ / 0,008% = 1 250 000 $, ce n’est pas un bon placement.

15. Car il est d’ordre 1 comme la rentabilité, contrairement à la variance qui est d’ordre 2.

16. La loi faible des grands nombres. Le risque n’est jamais totalement éliminé et il faut être capable
de tenir sur une longue durée.

17. Les actions, les obligations, les actifs monétaires car avec l’âge votre aversion au risque s’accroît
puisque le moment où vous aller avoir besoin des fonds se rapproche (retraite).

18. Plus risquées car les perspectives sont très incertaines alors que la visibilité des résultats des
grands groupes de distribution est très bonne.

19. La contribution marginale de toute analyse financière est nulle car son résultat doit être
immédiatement traduit dans les cours ; l’analyse financière tue l’analyse financière. L’analyse
financière est nécessaire à l’équilibre des marchés (rationalité) mais ne peut être que « gratuite »

20. Car s’ils ne l’étaient pas, quand le marché monterait, la plupart des titres qui le composent
baisseraient, ce qui est absurde.

21. C’est qu’elle présente un risque spécifique très fort.

Exercices

Les corrigés détaillés des exercices sur Excel sont disponibles sur le site www.vernimmen.net

1. Rentabilité LVMH : 3,2%

Rentabilité du CAC 40 : -17,8%

Risque LVMH σ = 5,84%

Β LVMH : 0,76

Risque du CAC 40 σ = 6,64%

Part du risque expliquée par le risque de marché : 86,6%

2. Rentabilités : -3,46%, 3,00%, -2,89%.

Ecart type : 33%, 14%, 27%. Oui mais très faiblement et au prix d’une prise de risque bien supérieure
(33% contre 27%). Syldavie Diversification réussit le tour de force d’avoir la meilleure rentabilité et le
risque le plus faible. Il est sûrement géré par un lecteur fidèle du Vernimmen !
Partie IV : Risque et rentabilité

Chapitre 10 : Marchés financiers et mesure des risques

Entre 2000 et 2020, le prix de l’action Scheinder Electric a plus que doublé pour une rentabilité
annuelle moyenne de 5,4% (dividendes inclus), avec de fortes variations annuelles sur la période, de -
35% en 2008 à + 54% en 2009. Au cours de la même période, les actionnaires de Sodexo ont bénéficié
d’une rentabilité moyenne de 4,6% avec un minimum de -68% en 2002 et un maximum de 52% en
2005. Enfin, les investisseurs en obligations à 10 ans émises par l’état français ont bénéficié d’une
rentabilité moyenne annuelle de 2,9%, avec un minimum de 0,1% en 2019 et un maximum de 5,4%
en 2000. On voit que les profits de rentabilité et de volatilité de tous ces titres sont très différents :
comment expliquer cela ?

L’objectif de ce chapitre est de présenter la relation entre la rentabilité d’un actif et sa volatilité. La
section 10.1 est consacrée à l’examen des données historiques des titres cotés, afin d’analyser la
relation entre rentabilité et risque : alors que les placements en actions sont plus risqués que les
placements en obligations, ils bénéficient d’une rentabilité moyenne plus élevée. Pour dépasser
l’approche historique, il faut préciser la manière dont risque et rentabilité sont calculés (section 10.2
et 10.3), pour démontrer qu’il existe un arbitrage à faire entre risque et rentabilité (section 10.4).
Cependant, tous les risques n’ont pas à être rémunérés : en détenant un portefeuille diversifié
contenant de nombreux actifs, les investisseurs peuvent s’affranchir du risque spécifique à chaque
titre / section 10.5) : les sections 10.6 et 10.7 démontrent donc que seuls les risques qui ne peuvent
pas être éliminés par la détention d’un portefeuille diversifié justifient une prime de risque. La
relation entre risque et rentabilité ainsi identifié permet d’évaluer la prime de risque à exiger pour
une opportunité d’investissement et peut être utilisée pour déterminer le coût du capital approprié
d’un projet donné (section 10.8).

10.1. Risque et rentabilité : un aperçu historique

Considérons cinq portefeuille investis dans des classes d’actifs différentes :

1. Le premier est composé d’actions des grandes entreprises cotées aux Etats-Unis, celles
appartenant à l’indice Standard and Poor’s 500

2. Le deuxième est composé d’actions des entreprises les plus cotées sur le New York Stock Exchange
(celles du premier quintile en termes de capitalisation, composition ajustée trimestriellement).

3. Le troisième est composé d’actions diversifiées internationales

4. Le quatrième est composé d’obligations à long terme (20 ans environs) émises par des entreprises
américaines notées AAA

5. Le dernier est composé de bons de Trésor américains d’échéance trois mois.

La figure 10.1 décrit l’évolution de ces cinq portefeuilles de 1925 à 2017 (on ignore les coûts de
transaction et on suppose que les dividendes et les intérêts ont été systématiquement réinvestis). On
constate que le portefeuille qui a connu la plus forte progression est celui composé de petites
capitalisations, suivi de ceux comprenant les actions du S&P 500, les actions internationales, les
obligations d’entreprise et enfin les bons du trésors américains. La figure 10.1 indique également
l’indice des prix à la consommation (IPC). On notera que, quel que soit le portefeuille considéré, la
performance réelle sur toute la période a été positive.

Mais les différences sont impressionnantes. Un portefeuille d’une valeur de 100 $ en 1925 investi en
actions d’entreprises de petites capitalisations aurait atteint une valeur de…. 5,8 millions de dollars en
2017 ! Ce portefeuille aurait affiché une croissance sans commune mesure avec celle du portefeuille
investi en bons du trésors américains (à peine plus de 2000 $ en 2017). Pourquoi alors investir dans
autre chose que des petites entreprises cotées ?

Il convient de remarquer que le portefeuille d’actions composé de petites capitalisations est


également celui dont les fluctuations ont été les plus importantes. Il a notamment baissé plus que les
autres durant la Grande Dépression des années 1930 : 100 $ investis en 1925 ne valent que 15 $ en
1932 et il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que la valeur de ce portefeuille
dépasse celle du portefeuille obligataire. Au contraire, le portefeuille composé de bons du trésor n’a
pas baissé sur cette période, sa valeur augmentant modestement mais régulièrement avec le temps.
De manière similaire, lors de la crise financière de 2008, les portefeuilles composés d’actions ont
perdu plus de 50%, et jusqu’à 70% pour le portefeuille de petites capitalisations qui a abandonné 1,5
million de dollars entre le pic de 2007 et le point bas de 2009. Les portefeuilles composés d’actions
voient donc leur rentabilité s’effondrer en période de crise économique, au moment où les
épargnants peuvent avoir le plus besoin de puiser dans leur épargne (s’ils ont perdu leur emploi, pour
compenser une baisse de la valeur de leur logement, etc.). Les bons résultats « en moyenne » des
portefeuilles d’actions ont donc un revers : le risque de forte baisse de leur valeur au pire moment.

En pratique, peu de gens réalisent des placements avec un horizon de 92 ans comme c’est à la figure
10.1. De manière à avoir une perspective plus réaliste, la figure 10.2 présente les résultats pour des
placements de 100 $ sur des périodes de 1,5, 10 et 20 ans. Pour un horizon de placement d’un an, le
portefeuille le plus volatil est celui composé d’actions de petites capitalisations, suivi de celui
composé d’actions du S&P 500, du portefeuille obligataire et enfin de celui investi en bons du trésor.
Ce classement est le même que celui obtenu précédemment en comparant les gains sur longue
période. A mesure que l’horizon de placement augmente, la performance des portefeuilles composés
d’actions s’améliore relativement aux autres portefeuilles. Cela étant, même avec un horizon de 10
ans, il y a des périodes pendant lesquelles les actions sous-performent les bons du trésor. De même,
le portefeuille composé de petites capitalisations n’est pas forcément le plus rentable après 20 ans :
un tel portefeuille constitué au début des années 1980 réalise de moins bonnes performances qu’un
portefeuille composé de grandes capitalisations ou d’obligations d’entreprise.

Il est à noter que la majorité des études académiques sur les performances relatives des différentes
classes d’actifs portent sur les Etats-Unis. Or, il s’agit de la principale puissance économique de la
seconde partie du XXème siècle. Aussi est-il légitime de se demander si ces résultats sont
généralisables à d’autres pays. Dans l’ensemble ils le sont au moins pour les pays industrialisés.
Toutefois, dans la plupart de ces pays, la progression des marchés boursiers sur une longue période a
été plus faible qu’aux Etats-Unis, et parfois même inférieure à celle des placements obligataires ou en
bons du trésor.

Le chapitre 3 a introduit le concept d’aversion au risque, qui explique pourquoi les placements dont la
valeur baisse le plus pendant les crises (au moment où l’on en a le plus besoin) doivent, pour
compenser, avoir une rentabilité espérée plus élevée. Les figures 10.1 et 10.2 fournissent des preuves
empiriques convaincantes de ce lien entre risque et rentabilité. Ce lien est bien négatif : les
investisseurs exigent une prime de risque pour détenir des actifs risqués. Il reste toutefois à quantifier
ce lien. L’objectif de ce chapitre est justement d’évaluer la rentabilité espérée des actifs en fonction
de leur risque. Pour ce faire, il faut d’abord rappeler quelques outils mathématiques qui permettent
de mesurer le risque et la rentabilité. C’est l’objet de la section 10.2.

10.2. Mesures traditionnelles du risque et de la rentabilité

Lorsqu’un entrepreneur décide d’investir dans un projet ou qu’un investisseur achète un actif
financier, ils ont une certaine vision des risques et de la rentabilité qu’ils en attendent. Comment
mesurer ces deux grandeurs ?

Densité de probabilité

La rentabilité d’un actif mesure la variation en pourcentage de sa valeur au cours d’une période
donnée. Par définition, la rentabilité future d’un actif risqué est inconnue ex ante, mais il est possible
de définir plusieurs états de la nature qui correspondent à différents niveaux de rentabilité et
d’associer à chacun de ces états une probabilité de réalisation. Ces informations peuvent être
représentés à l’aide d’une densité de probabilité, qui associe une probabilité Pr à chaque rentabilité
possible R.

Tableau 10.1 : Densité de probabilité des rentabilités de l’action BFI

Prix actuel (en $) Prix dans 1 an (en $) Rentabilité, R Probabilité, Pr


140 0,40 25%
100 110 0,10 50%
80 -0,20 25%

Prenons un exemple. L’action BFI cote actuellement 100 $. Les analyses prévoient que le prix de cette
action sera de 140 $ dans un an avec une probabilité de 25%, de 110 $ avec une probabilité de 50% et
de 80 $ avec une probabilité de 25%. L’entreprise BFI ne verse pas de dividendes. Les rentabilités de
l’action BFI l’année prochaine seront donc respectivement de 40%, 10% et -20% dans les trois états de
la nature possibles. Le tableau 10.1 résume cette densité de probabilité. Il est également possible de
représenter cette densité à l’aide d’un histogramme (voir figure 10.3)

Rentabilité espérée

A partir de cette densité de probabilité, il est possible de calculer la rentabilité espérée. Celui-ci est
égale à la moyenne des rentabilités possibles, chaque rentabilité étant pondérée par sa probabilité
d’occurrence.

Rentabilité espérée = E ( R )=∑ Pr x R

La rentabilité espérée est celle qu’un investisseur obtiendrait en moyenne s’il pouvait effectuer le
même investissement un grand nombre de fois (les rentabilités provenant à chaque fois de la même
densité de probabilité). Dans l’histogramme précédent, la rentabilité espérée est le point d’équilibre
de la densité (si l’on considère les probabilités comme des pondérations). Pour l’action BFI, la
rentabilité espérée est donc :

E (RBFI) = 25% x -0,2 + 50% x 0,1 + 25% x 0,4 = 10%

Variance et écart type


La variance et l’écart type sont les deux mesures les plus courantes du risque. La variance, notée σ 2,
est l’espérance du carré des écarts à la moyenne. L’écart-type, σ, est simplement la racine carrée de la
variance :

σ2R = Var [R] = E [ (R-E) [R] )2 ] = ΣR Pr x (R-E [R] )2 =ΣR Pr x (R -ΣR PR x (R – ΣR PR x R)2

σR = √ Var [R ]

La rentabilité d’un placement sans risque est identique dans tous les états de la nature. Sa variance
est donc nulle. Si le placement est risqué, la variance augmente proportionnellement avec les écarts à
la moyenne des rentabilités. La variance représente par conséquent une mesure de dispersion autour
de la moyenne (espérance) de la densité des rentabilités. Dans le cas de l’action BFI, la variance est :

σ2R = Var [RBFI] = 25% x (-0,2 – 0,1)2 + 50% x (0,1 – 0,1)2 + 25% x (0,4 – 0,1)2 = 0,045

L’écart-type des rentabilités de l’action BFI est donc :

σRBFI = √ Var [R ] = √ 0,045 = 21,2%

L’écart-type des rentabilités est fréquemment appelé la volatilité. Bien que la variance et l’écart-type
mesurent tous deux la volatilité des rentabilités d’un actif, il est plus simple d’utiliser l’écart-type car il
s’exprime dans la même unité de mesure que les rentabilités2 de nombreux cas (comme dans
l’exemple 10.1 ou lorsque les rentabilités suivent une distribution normale), le même classement en
termes de risque que l’écart-type. On ne recourt par conséquent à ces mesures alternatives que dans
des situations particulières dans lesquelles l’écart-type seul ne suffit pas à caractériser complètement
le risque.

Exemple 10.1. Rentabilité espérée et volatilité d’un actif

La rentabilité de l’action AMC sera de 45% ou de -25% l’année prochaine. Ces deux états de la nature
sont équiprobables. Quelle est sa rentabilité espérée ? Sa volatilité ?

E [RAMC] = ΣRAMC x PRAMC X RAMC = 0,5 x 0,45 + 0,5 x (-0,25) = 10%

Pour calculer la volatilité des rentabilités, il faut tout d’abord calculer leur variance :

σ2RAMC = Var [RAMC] = ΣRAMC PRAMC x (RAMC – E[RAMC])2 = 50% x (0,45-0,1)2 + 50% x (-0,25-0,1)2 = 0,1225

La volatilité est égale à la racine carrée de la variance

σRAMC = √ Var [R ] = 35%


A la lecture de l’exemple 10.1, on s’aperçoit que les actions AMC et BFI offrent les mêmes rentabilités
espérées : 10%. Les rentabilités d’AMC sont plus dispersées autour de leur moyenne que celles de BFI
(voir figure 10.4). La variance de l’action AMC est donc plus élevée que celle de l’action BFI.

S’il était possible d’observer les densités de probabilité anticipées par les investisseurs pour les
différents actifs financiers, il serait possible de calculer leurs rentabilités espérées et leurs volatilités
pour caractériser la relation entre ces deux mesures. Il est hélas difficile, pour ne pas dire impossible,
de les observer en pratique. Une approche courante consiste par conséquent à les estimer à partir
des données historiques ; cette estimation est satisfaisante si l’environnement économique est stable
et si les rentabilités passées sont susceptibles de refléter celles qui seront observées à l’avenir.

10.4. L’arbitrage entre risque et rentabilité

Les investisseurs manifestent de l’aversion au risque (voir chapitre 3) : autrement dit, la satisfaction
qu’ils éprouvent lors d’une augmentation de leur revenu est plus faible que le désagrément qu’ils
subissent dans le cas d’une baisse d’un même montant. C’est pourquoi les investisseurs ne
choisissent jamais de détenir un portefeuille plus volatil à moins qu’ils en n’espèrent une rentabilité
plus élevée. Cette section propose de mesurer la relation entre risque et rentabilité à partir de
données historiques.

Rentabilité des probabilités diversifiés

Les tableaux 10.3 et 10.4 fournissent des informations concernant la rentabilité annuelle moyenne et
la volatilité de différents portefeuilles entre 1926 et 2017. Le tableau 10.5 calcule la rentabilité
excédentaire par rapport au taux sans risque et reprend la volatilité de ces portefeuilles. La rentabilité
moyenne excédentaire par rapport au taux sans risque, également appelée prime de risque,
correspond à la différence entre la rentabilité moyenne d’un actif et celle des bons du trésor, que l’on
suppose sans risque (ce qui, dans les pays développés, est une hypothèse acceptable).

La figure 10.6 représente la rentabilité annuelle moyenne et la volatilité des différents portefeuilles
de la section 10.1 ainsi que celle d’un portefeuille supplémentaire (actions de moyennes
capitalisations américaines). Cette figure montre clairement que les portefeuilles les plus volatils sont
ceux dont les rentabilités moyennes sont les plus élevées. Cette relation est cohérente avec l’aversion
au risque des investisseurs : un portefeuille plus risqué doit offrir aux investisseurs une rentabilité
moyenne plus élevée pour compenser le risque supplémentaire.

Rentabilité des titres individuels


La figure 106 suggère une relation simple entre risque et rentabilité d’un actif financier : plus un actif
est volatil, plus il est rentable, et plus la prime de risque est élevée. Au vu de la figure, il est tentant
de considérer que cette relation est linéaire : une droite semble relier les portefeuilles sur la figure.
Cette conclusion obtenue à partir de portefeuilles composés d’un grand nombre d’actifs financiers
est-elle vérifiée pour les titres individuels ? A l’évidence, ce n’est pas le cas, comme l’illustre la figure
10.7 : il n’existe pas de relation évidente entre volatilité et rentabilité d’actifs individuels. Sur la figure,
chaque point représente le couple rentabilité annuelle moyenne / volatilité d’une action. 500 actions
appartenant taux plus grandes entreprises cotées américaines sont représentées (données
trimestrielles). Les actions sont classées par taille décroissante, de telle sorte que la capitalisation de
l’action 1 est la plus élevée et celle de l’action 500 la plus faible.

Il semble exister une relation entre la taille d’une entreprise et le risque de ses actions : les titres des
grandes capitalisations ont une volatilité moyenne plus faible que celle des actions des petites
capitalisations. Les actions individuelles des grandes capitalisations sont toutefois plus volatils qu’un
portefeuille composé de ces mêmes titres (S&P 500). Il n’y a pas en revanche de relation claire entre
volatilité et rentabilité des titres : l’étude des actions individuelles montre qu’il existe de nombreux
cas dans lesquels des volatilités élevées sont associées à des rentabilités faibles. Enfin, l’ensemble des
points relatifs aux actions individuelles se situe en dessous de la ligne virtuelle reliant les portefeuilles
diversifiés. En d’autres termes, les actions individuelles présentent un risque plus élevé et une
rentabilité plus faible que ce qu’il est possible d’anticiper à partir de l’extrapolation des données
observées sur les portefeuilles.

Si la volatilité semble constituer une mesure acceptable du risque d’un portefeuille diversifié, elle
n’est pas très adaptée à l’analyse des titres individuels. Pourquoi les investisseurs ne réclament-ils
(apparemment) pas une rentabilité plus élevée afin de compenser le risque lié à la détention de titres
plus volatils ? Comment expliquer qu’un portefeuille constitué d’actions du S&P 500 soit moins risqué
que les 500 actions individuelles qui composent l’indice ? Pour répondre à ces questions, il faut en
revenir à la notion de risque pour un investisseurs.

10.5. Risque commun et risque individuel

Cette section détaille les différences entre le risque d’un titre individuel et celui d’un portefeuille
composé de plusieurs titres.

Assurance contre les risques naturels et de vol : un exemple

Considérons deux polices d’assurance habitation dans la région niçoise. La première couvre les
risques de vol ; la seconde les risques naturels. On suppose que les risques de cambriolage et de
catastrophe naturelle pour une maison à Nice sont identiques et égaux à 1% par an. En d’autres
termes, la probabilité que la société d’assurances doive effectuer des versements au titre de ces
dommages pour une seule maison à Nice est identique pour les deux types de polices d’assurance.
Elle a vendu 100 000 polices de chaque type à Nice. Quel est le risque du portefeuille de polices
d’assurance détenu par la société ?

Comme la probabilité de cambriolage est de 1%, la société d’assurance peut légitimement attendre
que 1 maison sur 100, parmi les 100 000 maisons assurées, soit cambriolée, ce qui représente
théoriquement 1000 sinistres par an. Le nombre réel de cambriolages sera chaque année un peu
différente de 1000. Sous l’hypothèse que les cambriolages dans d’autres maisons), il est possible
d’estimer la densité de probabilité du nombre de cambriolages annuel : le nombre de déclarations est
presque toujours compris en 875 et 1125 (ce qui représente un taux de maisons cambriolées compris
entre 0,075% et 1,125%). Si la société d’assurance s dispose d’une trésorerie suffisante pour
rembourser 1200 cambriolages, elle est quasiment certaine de pouvoir répondre à ses obligations
contractuelles.

Les polices d’assurance contre les catastrophes naturelles se comportent différemment : la plupart du
temps, aucun tremblement de terre ne se produit. Si, toutefois, tel est le cas, toutes les maisons
seront très probablement endommagées puisque situées dans la même ville. La société d’assurances
peut donc s’attendre à 100 000 sinistres. Elle doit détenir des réserves suffisantes pour couvrir les
100 000 sinistres potentiels en cas de catastrophe naturelle.

Du point de vue de la société d’assurances, les deux types des polices représentent des actifs dont les
caractéristiques de risque sont très différentes : le nombre de sinistres relatifs aux polices d’assurance
contre les catastrophes naturelles est très variables (donc risqué). Il sera probablement nul, mais sera
peut-être égales à 100% des polices d’assurances vendues. Le risque du portefeuille de polices
d’assurance n’est pas différent de celui d’une police individuelle : il s’agit toujours d’une situation de
tout ou rien. Inversement, le nombre de sinistres relatif aux polices d’assurance contre le vol est
relativement prévisible : d’une année sur l’autre, ce risque est proche de 1% du nombre total de
polices vendues par la société. Le portefeuille de polices d’assurance contre le vol n’est donc
pratiquement pas risqué !

Pourquoi les deux portefeuilles de polices d’assurance sont-ils si différents alors que les polices
d’assurance individuelle sont assez semblables ? Intuitivement, la différence entre les polices réside
dans le fait qu’une catastrophe naturelle touche toutes les maisons simultanément, contrairement à
une catastrophe. Ainsi, le risque de catastrophe naturelle est parfaitement corrélé entre les maisons :
on parle d’ailleurs à ce sujet de risque commun. Inversement, les risques de cambriolages des
différentes maisons ne sont pas corrélés les uns aux autres ; on parle de risque indépendant. Le fait
de constituer un portefeuille composé d’actifs présentant des risques indépendants consiste à
effectuer une diversification.

Le rôle de la diversification

La différence entre risque commun et risque indépendant peut être mesurée par l’écart-type du
pourcentage de sinistres. Du point de vue d’un assuré, les deux polices d’assurance ont le même
écart-type. En début d’année, chaque propriétaire estime qu’il aura 1% de risque de subir un
cambriolage et un risque identique de subir une catastrophe naturelle. A la fin de l’année, le
propriétaire aura subi un sinistre (100%) ou non (0%). Si on utilise l’équation (10.2), l’écart-type est
donc :


σ sinistre (%) = √ Var [sinistre ( % ) ] = 99 % x (0−0 , 01) 2 +1 % x (1−0 ,01) 2 = 9,95%

Du point de vue de la société d’assurances, l’écart-type de ses deux portefeuilles de polices n’est pas
identique. Dans le cas des catastrophes naturelles (risque commun), le pourcentage de déclaration
est de 100% ou de 0%. Cette situation est analogue à celle de l’assuré individuel. Le nombre de
sinistres subis par les assurés au titre des catastrophes naturelles est donc de 1% en moyenne, avec
un écart-type de 9,95%.

Les assurés subissent également 1% de sinistres en moyenne au titre des polices d’assurance contre
le vol, mais ces risques sont identiques et indépendants ; l’écart-type du pourcentage moyen de
sinistres est obtenu en calculant son erreur type. Or, l’erreur type décroît avec la racine carrée du
nombre de polices d’assurance concernées [équation (10.7)] :

σ sinistre (% moyen) = 9,95% / √ 100000 = 0,03%

Aux yeux de la société d’assurance, le portefeuille de polices contre le vol est presque sans risques…

Le principe de diversification, ou de mutualisation des risques, constitue le fondement même de


l’assurance. Au-delà des assurances contre le vol, de nombreuses autres formes d’assurances
reposent sur le fait que le nombre de sinistres au cours d’une période donnée est relativement
prévisible lorsque la société d’assurance dispose d’un grand nombre de clients. Même les risques
inhérents aux catastrophe naturelles peuvent être diversifiés : il faut pour cela vendre des contrats
dans différentes régions ou différents pays. Ce principe de diversification sert à réduire le risque dans
de nombreux cadres, de l’agriculture à l’aéronautique.

Exemple 10.5 Diversification et jeux de hasard


Dans un casino, la roulette comprend autant de cases que de numéros de 1 à 36 (plus deux numéros
spéciaux : 0 et 00). Chacun de ces numéros possède la même probabilité de sortir à chaque lancer. Si
un joueur parie sur un seul numéro, et que le numéro sorte, le parieur reçoit 36 fois la mise ; sinon, il
ne reçoit rien. Quel est le profit espéré du casino si un joueur mise 1 $ sur un seul numéro ? Quel est
l’écart-type de ce profit pour un pari individuel ? Si 9 millions de paris identiques sont réalisés chaque
mois dans le casino, quel est l’écart-type mensuel des profits moyens du casino par euro misé ?

Solution

Comme il y a 38 numéros sur la roulette, il existe 1 chance de gagner sur 38 en pariant sur un
numéro. Le casino perd 35 $ dans le cas d’un pari gagnant 1 $ dans le cas d’un pari perdant. Lorsqu’on
utilise l’équation (10.1), le profit espéré du casino est :

E(Profit) = 1/38 x (-35) +37/38 x 1 = 00526 $

Pour chaque euro misé, le casino gagne 5,26 centimes en moyenne. On calcule l’écart-type de ce
profit grâce à l’équation (10.2)

σ profit =
√ 1
38
37
x (−35−0,0526 ) 2 + x (1−0,0526) 2=5 , 76
38

Cet écart-type est relativement important compte tenu de la faiblesse du profit du casino. Toutefois,
si de nombreux partis semblables sont placés, le casino bénéficiera d’une diversification de ces
risques. Si on utilise l’équation (10.7), l’écart-type du profit mensuel moyen du casino par euro misé
est :

σ profit mensuel moyen = 5,76 / √ 9 x 16 6 = 0,0019 $

En d’autres termes, d’après l’équation (10.8), l’intervalle de confiance à 95% du profit moyen mensuel
du casino par euro misé est :

[0,0526 – 2 x 0,0019 ; 0,0526 + 2 x 0,0019] = [0,0488 ; 0,0564]

En moyenne, 9 millions de paris sont réalisés chaque mois dans le casino. Cela correspond à 9
millions d’euros de mises. Dans 95% des cas, le profit mensuel du casino sera compris entre 439 000 $
et 508 000 $. Grâce au grand nombre de paris effectués, le risque associé aux profits du casino est
faible. L’hypothèse sous-jacente à ce calcul est que chaque pari est indépendant des autres. Ainsi, si
les 9 millions d’euros étaient pariés en une seule fois, sur un seul numéro, le risque du casino serait
très élevé, puisque sa perte maximale serait de 35 x 9 millions = 315 millions d’euros en cas de pari
gagnant. C’est pour cette raison que les casinos imposent des limites à leurs clients sur les montants
pariés.
10.6. Diversification d’un portefeuille d’actions

Sur un horizon donné, le risque lié à la détention d’une action est lié à la possibilité que sa rentabilité
effective soit inférieure à celle espérée. Quels sont les déterminants de la détention d’une action ?
Les dividendes et les cours des actions varient en fonction de deux types d’informations différentes :

 Les informations spécifiques à l’entreprise. Par exemple, le fait qu’une entreprise annonce la
signature d’un contrat fera augmenter le prix de ses actions et de ses dividendes futurs. A
l’inverse, le départ imprévu d’un dirigeant est souvent perçu de manière négative par les
investisseurs.
 Les informations relatives à l’ensemble du marché. Par exemple, les informations relatives à
la situation macroéconomique influencent le cours de toutes les actions cotées : lorsque la
BCE annonce qu’elle baisse ses taux directeurs, le prix des actions a tendance à augmenter.
Inversement, les attentats du 11 septembre 2001 ont eu un fort impact négatif sur les
marchés.

Les incertitudes sur la rentabilité d’une action, relatives à des informations spécifiques à l’entreprise,
peuvent être considérées comme des risques indépendants : à l’instar des cambriolages, les
informations concernant une entreprise sont indépendantes de celles des autres sociétés. Ce risque
constitue donc un risque spécifique, idiosyncratique, non systématique ou diversifiable. Au contraire,
les incertitudes sur la rentabilité d’une action relatives à des informations macroéconomiques
s’apparentent à un risque commun : à l’instar des risques naturels, toutes les actions sont influencées
simultanément par ces informations. Le risque est donc systématique, non diversifiable ou de
marché.

Lorsqu’un portefeuille contient différentes actions, les risques spécifiques liés à chaque action vont se
compenser grâce à la diversification : des bonnes nouvelles feront augmenter certaines actions
contenues dans le portefeuille tandis que des mauvaises nouvelles en feront baisser d’autres. En
moyenne, les variations des prix des actions provoquées par les informations spécifiques se
compenseront entre elles. A contrario, les nouvelles macroéconomiques influenceront le cours de
toutes les actions dans le même sens. La diversification ne sera par conséquent d’aucune aide contre
le risque de marché.

Prenons un exemple, le cours des actions d’entreprises de type S (pour systématique) est
exclusivement influencé par la conjoncture économique. On suppose que l’économie a une
probabilité de 50% d’être en croissance (rentabilité de -20% pour les actions de type S). Le risque est
ici systématique la détention d’un portefeuille d’actions de type S ne réduira donc pas le risque.
Lorsque la conjoncture est favorable, le portefeuille a une rentabilité identique à celle de n’importe
quelle entreprise S (40%) ; lorsque la conjoncture est mauvaise, le portefeuille a une rentabilité de -
20%.

Il existe également des entreprises de types I (pour idiosyncratique). Leurs cours de Bourse ne
dépendent que de risques spécifiques. Leurs rentabilités sont de manière équiprobable de 35% ou de
-25%, selon la demande qui est adressé à chaque entreprise (ces demandes sont indépendantes les
unes des autres). Les risques étant spécifiques à chaque entreprise, la détention d’un portefeuille
composé d’actions de nombreuses entreprises de type I assure une diversification des risques : de
nombreuses entreprise I auront une rentabilité de 35% et l’autre moitié une rentabilité de -25%. La
rentabilité moyenne, 50% x 0,35 + 50% x (-0,25) = 5%

La figure 10.8 représente l’ampleur de la baisse de la volatilité d’un portefeuille en fonction du


nombre d’actions de type S et I qu’il contient. Les entreprises de type S font exclusivement face à un
risque systématique ; la volatilité du portefeuille S ne change donc pas lorsque le nombre d’actions
augmente. A contrario, les entreprises de type I sont exclusivement soumises à un risque
idiosyncratique ; le risque du portefeuille diminue par conséquent lorsque le nombre d’actions
augmente. On remarque d’ailleurs que le risque spécifique baisse très vite lorsque la taille du
portefeuille s’accroît et disparaît presque totalement lorsque le portefeuille contient un grand
nombre de lignes.

Dans la réalité, les entreprises ne sont jamais de types S ou I. Leurs performances sont influencées à
la fois par des risques systématiques et par des risques idiosyncratiques. De ce fait, la diversification
du portefeuille réduit sa volatilité, mais elle ne peut pas annuler le risque car seul le risque spécifique
disparaît avec l’augmentation de la taille du portefeuille. Le risque systématique du portefeuille, lui,
demeure indépendant de sa taille.

Une des questions soulevées par la figure 10.7 est donc résolue : la volatilité du portefeuille d’actions
su S&P 500 est inférieure à celle de n’importe quelle action composant cet indice. C’est la
conséquence des risques spécifiques de chaque action qui est éliminée lorsque les titres sont
combinés au sein d’un portefeuille.

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