Kant Et La m Taphysique 34248
Kant Et La m Taphysique 34248
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Introduction
1 Professeur agrégé et docteur en philosophie, Bernard Vandewalle enseigne à l’IUFM de Saint denis de La
Réunion.
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Philosoph’île 1999-2000
raison pure. La première concerne le rapport aux objets en général dans l’entendement et la
raison, sans objets donnés ( conformément à l’ontologie traditionnelle dans une métaphysique
générale, la seule ontologie critique subsistant étant une grammaire transcendantale de l’objet
X et de la totalité du schématisable) et pour l’objet donné : une physiologie rationnelle [dans
le texte des paralogismes, Kant parle de psychologie pure] (l’idée d’âme), une cosmologie
rationnelle (l’idée de monde) et une théologie rationnelle (l’idée de Dieu)2.
Nous voudrions repérer une série d’identifications ou de transformations de la notion
de métaphysique dans le corpus kantien. En ce sens, nous proposons quinze grandes
assimilations critiques de ce concept.
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faut le dépasser pour qu’il y ait une extension de la connaissance3. L’intuition est la première
dimension de dignité de l’être humain avant le concept et l’idée4. L’idée est un concept vide
d’intuition et d’objet. Le « rien » métaphysique fait l’objet de nombreuses métaphores, ainsi
des images des Progrès réels de la métaphysique en Allemagne : mer sans rivage, progression
sans trace, horizon sans objectif visible, stérilité, rocher de Sisyphe, puérils efforts pour
attraper des bulles de savon5. Cette stérilité est imputable, selon Kant, à l’absence d’enquête
rigoureuse, authentiquement critique, sur la possibilité des connaissances a priori.
Kant propose toute une géographie critique, dans une véritable cartographie. Il y a
bien dans son œuvre une topique critique distinguant les différents lieux transcendantaux
correspondant aux différentes facultés. La métaphysique comme telle pose le problème d’une
désorientation de la pensée, d’une mauvaise boussole6, voire de son absence.
Il y a champ si les concepts sont rapportés à des objets sans savoir si la connaissance
en est possible. Le terrain est la partie du champ où la connaissance est possible. Le domaine,
la partie du terrain où les concepts sont légiférants. De sorte qu’il y a deux domaines, ceux de
la nature et de la liberté. La métaphysique est un discours qui porte sur un champ, une
dialectique rationnelle du champ, par opposition à une analytique conceptuelle du domaine et
à une esthétique du terrain intuitif. La philosophie critique tente de montrer comment un
terrain intuitif peut devenir un domaine théorique ou pratique et comment la raison peut
s’égarer dans un champ supra-sensible. La philosophie est bien une pratique d’orientation.
Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée, et en dernier ressort dans la vie, serait, pour Kant, la
grande question philosophique.
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4. L’usurpation métaphysique
L’idée est un concept élargi, à quoi ne correspond plus aucun objet ni intuition. L’idée
est une représentation d’un objet qui ne peut devenir une connaissance de celui-ci10. L’idée de
la raison suppose que la représentation soit rapportée à un concept transcendant, contenant un
concept du supra-sensible sans intuition. Il s’agit donc d’un concept indémontrable de la
raison, comme l’idée esthétique est une représentation inexponible de l’imagination, c’est-à-
dire sans présentation intuitive. Comme telle, l’idée non schématisable n’a pas de
signification. Elle a un sens pratique mais pas de signification conceptuelle. Les concepts purs
n’ont pas la moindre signification s’ils s’écartent de l’expérience et veulent être rapportés aux
choses en soi, ils ne servent en effet « qu’à épeler les phénomènes, pour pouvoir les lire
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comme expérience »11. En même temps, les concepts d’entendement semblent avoir
« beaucoup trop de signification et de teneur pour que le simple usage empirique épuise leur
complète détermination »12.
L’entendement est pouvoir des règles, la raison, pouvoir des principes, au sens où le
principe rationnel se définit comme reconnaissance du particulier dans l’universel. Si
l’entendement ramène les phénomènes à l’unité, la raison elle, rapporte les règles de
l’entendement à une unité supérieure. La raison est la mémoire du progrès de l’entendement,
comme accord de la connaissance avec elle-même et non pas seulement du divers dans le
concept. Le concept peut se rapporter à une intuition, la raison non, qui ne se rapporte jamais
qu’à des concepts. Le concept se rapporte à l’intuition ; la raison à l’entendement. L’idée de
la raison recherche pour le concept nécessairement conditionné, l’inconditionné qui doit en
achever l’unité, la condition de la condition ou l’intégralité de la série des conditions comme
besoin de la raison13. Il y a en ce sens un aristotélisme de l’analytique des concepts et un
platonisme de la dialectique de l’idée.
L’idée est ainsi recherche du concept du concept. La raison recherche le concept qui
pris dans toute son extension conditionne l’attribution d’un concept à l’objet auquel il se
rapporte, comme condition de l’attribution de la catégorie de la relation aux objets de
l’expérience possible. Il y aura donc trois idées, psychologique, cosmologique et théologique.
L’idée psychologique est la recherche d’un moi substantiel, d’un sujet originaire des pensées
et des idées, comme condition de tout rapport du sujet au prédicat, inconditionné de la
catégorie de substance. La régression de condition en condition s’applique ici au jugement
catégorique. L’idée psychologique est l’inconditionné de la notion de substance qui n’a
pourtant, dans les Analogies de l’expérience, qu’un sens temporel. Le paralogisme caractérise
l’idée catégorique, comme l’antinomie l’idée hypothétique et l’idée disjonctive l’idéal
théologique. La psychologie est un mouvement illimité de catégorisation (recherche d’un
sujet substantiel) ; la cosmologie, de recherche hypothétique (un commencement qui ne soit
pas dans le monde mais du monde même) et la théologie, de recherche disjonctive (d’une
matière originaire, d’un possible pur d’où provienne par limitation ou disjonction tout le réel,
concept de l’origine de toute chose, comme communauté du possible pur au principe de toute
limitation réelle). Il y aura donc, dans la métaphysique spéciale, une triple recherche de
l’origine : catégorique, de soi comme support premier des prédicats ; hypothétique, de
l’origine du monde ; disjonctive, de Dieu comme origine idéale de toutes choses. La raison est
un dynamisme qui fait passer la notion à l’inconditionné. « La raison ne produit proprement
aucun concept, mais tout au plus elle affranchit seulement le concept de l’entendement des
restrictions inévitables d’une expérience possible, et ainsi elle cherche à l’étendre au-delà des
bornes de l’empirique ». « Les idées transcendantales ne seront proprement rien que des
catégories étendues à l’inconditionné »14. Ainsi, la raison utilise la même fonction que celle
qui est contenue dans les raisonnements logiques, dans sa recherche d’une unité absolue15.
La raison pure exige la complétude de l’usage de l’entendement dans l’enchaînement
de l’expérience16. Il y a bien une parenté fondamentale et cachée du procédé logique et du
procédé transcendantal17.
11 Prolégomènes, § 30
12 Prolégomènes, § 33
13 Critique de la raison pure, Pléiade, t. 1, p. 1022
14 Critique de la raison pure, Pléiade, t. 1, p. 1072
15 Critique de la raison pure, Pléiade, t. 1, p. 1042
16 Prolégomènes, § 44
17 Critique de la raison pure, Pléiade, t. 1, p. 1044
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Le discours métaphysique suppose toute une violence latente, violence qui est faite
d’abord au temps. Il s’agit d’abord du temps de la connaissance, dans l’appréhension du
divers dans son parcours (intérêt de l’extension) et du temps de sa compréhension (intérêt de
l’unité). Il y a une sorte de « télescopage » métaphysique des deux, le nécessairement
successif devenant simultané. La subreption est bien un oubli de la médiation temporelle, du
travail des facultés nécessairement impliqué dans la connaissance humaine dans sa finitude.
Comme le souligne l’opuscule sur La fin de toutes choses, « l’acte de penser comporte un
moment de réflexion, qui ne peut qu’avoir lieu dans le temps »18. Ce qui apparaît ici, c’est un
véritable a priori temporel. Il y a toute une contradiction d’un dernier instant du temps
sensible comme commencement du temps intelligible. Car la dernière pensée appartient bien
au temps…
La métaphysique est également un champ de bataille (Kampf-Platz), comme arène,
querelle, polémos incessant. Ce polémos est interminable, car aucune théorie ne parvient à se
rendre maître d’une place. Le juge critique lui se place hors du Streit. Une thèse
philosophique est une véritable position stratégique19. La métaphysique enveloppe un
penchant à la querelle, à la ratiocination, aussi le philosophe critique doit défendre ses
positions stratégiques, utiliser des armes de guerre, ainsi contre le scepticisme. La philosophie
reste un état continuellement armé (voir l’Annonce de la prochaine conclusion d’un traité de
paix perpétuelle en philosophie).
7. L’apparence métaphysique
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tout aussi interminable de l’activité critique. Quelles facultés sont ici en jeu ? L’apparence ne
réside pas dans l’objet, mais dans le jugement porté sur cet objet. C’est la part subjective que
l’on peut supposer en tout homme, il y a bien en ce sens une subjectivité de l’apparence,
comme principe d’excès de l’imagination sur l’entendement. Le phénomène utilisé dans
l’expérience est vérité ; au-delà des limites de l’expérience, il en devient transcendant et
engendre de l’apparence21.
21 Prolégomènes, § 13.
22 Critique de la raison pure, Pléiade, t. 1, p. 1027, et Prolégomènes, Pléiade, t. 2, p. 169
23 Prolégomènes, § 40
24 Prolégomènes, § 40
25 Prolégomènes, § 42
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Il faut examiner ici la totalité des prétentions de la raison pure qui ne peuvent que
reposer sur la division formelle des raisonnements, catégoriques, hypothétiques et disjonctifs
et engager une mesure de la faculté rationnelle en sa totalité29.
Il y a bien un ordre des apparences, dans un système des idées de la raison pure :
« c’est une démarche si naturelle d’aller de la connaissance de soi-même (de l’âme), à celle
du monde, et de s’élever au moyen de celle-ci à l’être originaire, qu’elle semble analogue au
progrès logique qui porte la raison des prémisses à la conclusion »30.
Le sujet est le substantiel même, une fois écartés les prédicats. L’entendement de
nature discursive pense par prédicats, la raison pure exige pour chaque prédicat d’une chose
le sujet et pour celui-ci comme prédicat son sujet et ainsi de suite à l’infini. Pour
l’entendement, il n’y a jamais de sujet absolu, dernier. La permanence n’a de sens que
rapportée à l’expérience dans les analogies de l’expérience, aussi elle n’a pas de sens pour
une chose en soi, ainsi dans la permanence substantielle d’un sujet absolu.
26 Prolégomènes, § 57
27 Prolégomènes, § 59
28 Prolégomènes, § 60
29 Prolégomènes, § 44
30 Critique de la raison pure, Pléiade, t. 1, p. 1044
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Le paralogisme hypostasie ce qui n’est qu’un sujet véhiculaire des catégories, une
spontanéité ou une activité d’unification, en un sujet ontologique, substantiel. Le je est
représentation simple, vide de contenu, conscience accompagnant les concepts. Du sujet
comme condition des concepts, nous ne pouvons avoir de concept31. Le sujet, dans lequel la
représentation du temps a originairement son fondement, ne peut par là déterminer son
fondement. Le sujet des catégories n’est pas pensable par ces mêmes catégories. Un Je, Un
Cela, un Il est un sujet transcendantal X, corrélat de l’objet X, comme simple forme de la
représentation en général32.
Il y a donc une limitation critique de la connaissance que je peux prendre de moi-
même. Kant distingue le moi empirique, psychologique, le je pense comme activité
transcendantale pure et le sentiment de l’existence. L’esprit s’affecte par sa propre activité,
nous n’avons d’intuition que du retentissement de la spontanéité sur le sens interne et non de
cette spontanéité même ou du je pense comme tel. Nous avons simplement de nous-mêmes
une intuition empirique indéterminée, un sentiment de l’existence associé à ce je pense.
L’existence n’étant pas une catégorie33, on ne peut la ressaisir avec celle-ci, ne reste alors que
l’indétermination d’un sentiment de l’existence, comme dans la rêverie rousseauiste. Le
paralogisme est une longue tautologie sur un texte unique qui est le je pense comme
l’expérience interne en général. Dans la conscience que j’ai de moi-même dans la pure
pensée, je suis l’être même, mais rien de cet être ne m’est encore donné à penser34.
Se trouve ainsi déterminée une topique de la psychologie rationnelle [substantialité de
l’âme (immatérialité), simplicité (incorruptibilité), identité (personnalité) et rapport avec des
objets possibles dans l’espace (commerce avec le corps)]. Il y a bien un je qui a valeur de
sujet dans ses pensées, qui est sujet logiquement simple, identique dans toutes ses
représentations, en relation dans l’expérience avec des objets extérieurs, mais cela ne signifie
pas une détermination ontologique, substantielle de ces caractéristiques logiques. Il faut
absolument distinguer un éclaircissement logique de la pensée en général et une
détermination métaphysique de l’objet35. La réfutation de la preuve de Mendelssohn de
l’immortalité de l’âme consiste à montrer qu’une simplicité de l’âme sans grandeur extensive
ne préjuge pas d’une grandeur intensive, c’est-à-dire d’une extension graduelle possible36.
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chose dans le monde à la nécessité d’un être hors du monde. De même, la critique de la
preuve physico-téléologique change d’ordre, passant de l’ordre de la grandeur du monde et de
son harmonie, comme représentations limitées et particulières, à la question de leur fondation
intelligible.
Il y a bien une suprématie de la raison dans son intérêt pratique sur la raison dans son
intérêt spéculatif45. L’intérêt est le principe qui contient la condition de l’exercice de la
faculté. L’intérêt spéculatif est la connaissance de l’objet poussé jusqu’aux principes a priori
les plus élevés. L’intérêt pratique est lui détermination de la volonté par rapport au but ultime
et à la loi morale. L’extension pratique est possible et nécessaire qui n’est pas contradictoire
avec l’impossibilité d’une extension spéculative. Immortalité de l’âme (seule durée possible
pour la loi morale), existence de Dieu (condition du souverain bien) et liberté (indépendance
par rapport au monde sensible) deviennent des postulats pratiques de la raison, des hypothèses
nécessairement pratiques et non des dogmes théoriques46 ou encore des orientations pratiques
pour la perfection d’un usage (et non usage positif à visée théorique). Ces concepts de la
raison pure ont une signification pratique, mais pas de sens spéculatif.
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Les idées de l’imagination sont des représentations inexponibles qui donnent plus à
penser que ce que peut contenir un concept. Elles tendent vers quelque chose qui se situe au-
delà des limites de l’expérience. Il y a tout un pullulement de représentations esthétiques,
d’attributs qui donnent à penser en évoquant des idées rationnelles qui à leur tour donnent à
sentir… Le poète donne corps à des idées de la raison (séjour des bienheureux, enfer,
création), dans le libre essor d’une imagination qui rivalise avec la raison en dépassant les
limites de l’expérience47 (élan métaphysique d’une imagination sublime). Un symbolisme
(transmettre une règle de réflexion portant sur un objet à un tout autre concept, métaphore
comme « porter ailleurs ») peut devenir ou se présenter comme schématisme (présentation
directe intuitive). Inversement, l’idée esthétique dans le symbolisme est ce qui reste aussi de
la déconstruction de l’idée spéculative dogmatique, comme un accès symbolique au supra-
sensible légitime.
Conclusion
Il y aura ainsi toujours une métaphysique, car les sciences ne peuvent satisfaire
l’homme, aussi il y aura toujours une place nécessairement vide pour la raison pure et
spéculative48. Mais aux hautes tours babéliennes de la métaphysique spéculative dogmatique,
Kant oppose une place, celle de la fertilité de l’expérience. Le transcendantal est non ce qui
dépasse l’expérience mais ce qui la rend possible (a priori).
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